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Full text of "De l'indécence aux hommes d'accoucher les femmes et de l'obligation aux mères de nourrir leurs enfants"

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DE 

LINDECENCË 

AUX     HOMrvIES 

D'ACCOUCHER  LES  FEMMES: 
ET 

DE   L'OBLIGATION 

AUX      MERES 
DE  NOURRIR  LEURS  ENFANS,- 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/delindcenceauxOOhecq 


es  P 
DE 

LINDECENCE 

AUX     HOMMES 

D'ACCQUCHER  LES  FEMMESr 
E  T 

DE    LOBLIGATION 

AUX      MERES 
DE  NOURRIR  LEURS  ENFANS^ 

OUVRAGE  DANS  LEQUEL  ON  FAIT 

voir,  par  des  raifons  de  Phyfique,  de  Morale 
&  de  Médecine,  que  les  Mères  n'expoferoient 
ni  leurs  vies ,  ni  celles  de  leurs  enfans ,  en  fe 
paiTart  ordinairement  d'Accoucheurs  &  de 
Nourrices. 


De  l'Imprimerie  de  S.  A.  S.  à  Trévoux. 

E?/e  vinà  a  Paris, 
Chez  la  Veuve  G  a  n  e  a  u  ,  rue  Saint  Jacques  ; 
aux  Armes  de  Dombes. 

M.     DCC.     XL  IV. 

jivec  Frivilege  &  Aj^j^obation. 


3  6  U 


67/ 

/ni 


PRIVILEGE 

De  S.  J.  S.  Uonfeigncnr  Prince 
Souverain  de  Dombcs, 

LOUIS  AUGUSTE, parlagra- 
ce  de  Dieu ,  Prince  Souverain  de 
Dombes:  A  tous  ceux  qui  ces  Préientes 
verront ,  Salut.  Notre  amé  Jean  Boudot, 
à  qui  nous  avions  accordé  notre  Privilè- 
ge général  le  25  Juin  1 6pp.  pour  réta- 
blir rimpiinierie  ci-devant  établie  en  no» 
trc  ville  de  Trévoux,  étant  venu  à  décé- 
der ,  fa  Veuve  &  (ts  Enfans  ne  fe  mettant 
pas  en  état  de  foutenir  ladite  Imprimerie, 
Nous  avons  de  notre  pleine  puifTance  Se 
autorité,  révoqué  &  révoquons  par  ces 
Préfentes  ledit  Privilège  accordé  le  2(5 
Juin  i6pp,  audit  Boudot.  Et  pour  le 
bien  6c  l'utilité  de  nos  Sujets ,  en  faveur 
du  commerce  &  à  l'avantage  des  gens 
de  Lettres  ,  avons  établi  &  établiflbns 
notre  amé  Etienne  G  AN  EAU  Libraire 
de  Paris ,  pour  être  notre  feul  &  unique 
Imprimeur  &  Libraire  en  notre  Souve- 
raineté: lui  permettant  ainfi  qu'à  fa  Veu- 
ve, héritiers  &  autres  à  qui  il  pourra  cé- 
der ,  remettre  ou  faire  part  du  préfent 
Privilège ,  d'avoir  &  tenir  à  l'exclufibn 


de  tous  autres ,  des  prefTes  ôc  caraétéres 
d'Imprimerie  Se  ouvroirs  de  Reliure  ; 
d'imprimer ,  faire  imprimer ,  vendre ,  âc 
relier  toutes  fortes  de  Livres  de  bonne 
Ôç  faine  doâirine ,  en  tels  voîun:e3 ,  mar- 
ges, caraâieres.  Se  autant  de  fois  que 
bon  lui  femblera  j  de  quelque  fcrence  Ôc 
matière  qu'ils  puifTent  traiter,  tant  fur 
les  Editions  anciennes  &  étrangères , 
que  fur  les  Manufcrits  originaux  qui 
pourront  tomber  en  fes  mains  ou  en  cel- 
les de  Ces  ayans  caufe,  &  notamment  de 
continuer  à  imprimer  les  Mémoires  pour 
l'Hiftoire  des  Sciences  ôc  des  beaux 
Arts ,  que  de  fçavans  Auteurs  compo- 
fent  tous  les  mois  par  notre  ordre  ,  les 
faire  vendre  ,  débiter  ôc  relier  en  vertu 
des  Préfentes,  fans  être  obligé  d'obtenir 
de  Nous ,  ni  de  nos  Officiers ,  autre  Pri- 
vilège ou  permifïîon  ;  &  ce  durant  [e 
tems  (Se  efpace  de  trente  ann ées  confécu- 
tives ,  à  compter  du  jour  ôc  date  des 
Préfentes  :  pendant  lequel  tems  Nous 
faifons  très-exprelTes  inhibitions  Ôc  dé- 
fenfes  à  toutes  fortes  de  perfonnes  de 
quelque  qualité  ôc  condition  qu'elles 
puilTent  être,  &c  nommément  à  la  Veuve 
Boudotj  à  Ces  enians  Se  ayans  caufe,  d'a- 
voir aucunes  prefles,  c  ar  a  fteres  d'Impri- 
merie ,  ni  ouvroirs  de  Reliure  dans  tou- 


te  retendue  de  notre  Souveraineté ,  ôc 
de  s'y  ingérer  en  aucune  manière  du  fait 
de  l'Imprimerie,  Librairie  ôc  Reliure 
de  Livres  ,  fans  le  confentement  dudit 
Etienne  Ganeau  ou  de  fes  ayans 
eaufe ,  à  peine  de  dix  mille  livres  d'a- 
mende,  applicable  un  tiers  à  l'Hôpital 
général  de  Trévoux,  un  tiers  audit  Ga- 
neau, é<:  l'autre  tiers  au  dénonciateur; 
de  confifcation  au  profit  dudit  Ganeau 
ou  de  Tes  ayans  caufc ,  de  tous  les  Livres 
imprimés  fans  fon  confentement ,  ainfî 
que  de  toutes  les  preffes ,  carafteres  & 
uftenciles ,  Se  de  tous  dépens,  domma- 
ges &  intérêts  :  Voulons  &  ordonnons 
que  notre  amé  &  féal  le  fieur  de  Mefîi- 
roy  premier  Prélldent  en  notre  Parle- 
ment &  Intendant  de  notre  Souveraine^ 
té  5  (  que  nous  avons  commis  &  commet-^ 
tons  en  cette  partie  pour  veiller  fur  tout 
ce  qui  fe  paiïera  au  fujet  des  Impreflîons, 
Reliures ,  &  de  tout  ce  qui  aura  rapport 
à  notredite  Imprimerie ,  )  juge  &  décide 
fommairement  des  difficultés  6c  contef— 
rations  qui  pourroient  furvenir,  tant  en.- 
tre  les  Ouvriers  qu'autrement,  &  que 
les  Jugemens  qu'il  rendra  à  ctt  égard, 
foient  exécutés  par  provillonj  nonob- 
fiant  oppofîtion  ou  appellation  quelcon- 
que :  donnant  à  notredit  Commiiraire 


tout  pouvoir  '3c  attribution  de  Jurirdic- 
tion  à  cet  efFet;  faifant  défenfes  à  tous 
i\os  autres  Juges  d'en  connoître ,  à  peine 
de  nullité  &  de  répondre  en  leurs  noms 
de  tous  dépens,  dommages  ôc  intérêts. 
Et  pour  prévenir  toutes  fortes  d'abus.  Se 
empêcher  qu^il  ne  s'imprime  dans  l'éten- 
due de  notre  Souveraineté  aucuns  li- 
belles diffamatoires  ou  autres  ouvra- 
ges fcandaleux ,  contraires  aux  bonnes 
iroeurs  &  à  l'honneur  qui  ei\  dû  à  Dieu 
Se  à  la  Religion  :  ledit  Ganeau  fera  tenu 
de  déclarer  les  lieux  &  maifons  où  il  en- 
tend faire  travailler,  tant  aux  Impref- 
iions  qu'à  la  Reliure,  Se  n'en  pourra 
changer  qu'il  n  en  ait  fait  fa  déclaration 
fur  le  Regiflre  qui  fera  tenu  double , 
fçavoir  Pun  chez  le  fieur  de  Meiîîmy  no- 
tre CommiiTaire  ,  Se  Tautre  entre  les 
mains  dudit  Ganeau ,  pour  y  faire  infcri- 
re  par  ledit  CommifTaire ,  tous  les  Ou- 
vrages qu'il  aura  deffein  d'imprimer ,  Se 
ce  avant  que  de  les  commencer.  Et  à 
l'égard  des  Manufcrits  originaux  qu'il 
voudra  mettre  fous  la  preffe ,  il  n'en  fera 
cnregiiîré  aucuns  de  Théologie ,  ou  au- 
tre matière  qui  mérite  examen ,  s'il  n'efi 
accompagné  de  l'Approbation  fianée 
de  i'un  des  Docteurs ,  Cenfeurs  S:  Exa- 
minateurs par  nous  choifis  ôe  nommés 


à  cet  e^et.  Enjoignons  à  notredit  Com- 
Tiiiilaire  de  faire  des  vilites  dans  les  lieux 
où  l'on  travaillera  aufdites  Imprefîions 
ô:  Reliures ,  Se  de  tenir  la  main  à  ce  qu'il 
ne  s'y  fafîe  aucune  malverration  :  auquel 
cas ,  il  fera  tenu  de  nous  en  rendre  un 
compte  exaft,  pour  par  Nous  ou  notre 
Confeil ,  à  qui  nous  en  avons  rélervé  ôc 
réfervons  la  connoifTance  ,  en  être  or- 
donné ce  que  de  raifon.  Sera  tenu  auiîi 
ledit  Ganeau  de  faire  mettre  dans  notre 
Bibliothèque  un  Exemplaire  de  chacun 
des  Livres  qu'il  aura  fait  imprimer  ,  un 
en  celle  de  notre  très-cher  &:féal  le  iieur 
de  Malezieu,  Chancelier  de  notre  Sou- 
veraineté ,  &  d'en  donner  un  à  notredit 
CommiiTaire.  Ce  faifant  avons  promis 
Se  accordé ,  promettons  de  accordons 
audit  Ganeau,  ôc  à  Tes  ayans  caufe,  no- 
tre protedion,  ôc  que  nous  ne  donne- 
rons à  d'autres  aucune  liberté  ni  privilè- 
ge d'imprimer,  débiter  3c  relier  des  Li- 
vres dans  toute  l'étendue  de  notre  Sou- 
veraineté. Avons  mis  omettons  l'Expo- 
fant  Ôc  tous  ceux  qui  feront  employés  de 
fon  ordre  aux  Impreflîons,  débit,  correc- 
tion Ôc  reliîire  dts  Livres  fous  notre  pro- 
tedion  ôc  fauvegarde.  Mandons  à  nos 
amés  &  féaux  Confeillersjles  gens  tenans 
notre  Cour  de  Parlement,  Chambre  dzs 


Requêtes  ,  Baîllifs  ,  Lîeutenans  géné- 
raux <5c autres  nos  Officiers,  que  les  Pré- 
fentes ils  faiïent  enregiftrer  au  Greffe  de 
notre  Parlement,  <Sc  publier  à  la  Cham^ 
bre  desRequêtes,  ôc  partout  ailleurs  où 
befoinfera,  fur  la  feule  6c  première  re- 
quifition  de  notre  Procureur  Général  & 
de  [es  Subftituts ,  Se  que  vous  fafÏÏez 
jouir  pleinement  &  paifiblement  ledit 
Ganeau  Se  Ces  ayans  caufe  du  contenu 
aux  Pré  fentes,  fans  fouffrir  qu'il  leur 
foit  fait  aucun  trouble  ni  empêchement. 
Commandons  au  premier  de  nos  Huif- 
iîers  ou  Sergens  de  faire  pour  Fexécu- 
tion  d'icelles  tous  Exploits,  Saifies  Se 
autres  AÔ:es  néceiïaires  ,  nonobftant 
toutes  oppoiltions  ou  appellations ,  SC 
Lettres  à  ce  contraires,  tout-es  lefquelles 
Nous  avons  révoquées^  révoquons 
d'abondant  par  ces  Préfentes ,  fîgnées  de 
notre  main  ocfcellées.  Gar  tel  efl  notre 
plaifir.  Donné  à  Sceaux  le  vingt-huitié^ 
me  Août  mil  fept  cens  fept.  Se  de  notre 
Souveraineté  le  quinzième, 

I.OUIS  AUGUSTE. 

Vifa  MALE ZÎEU. 

Par  Monfeig?2eHr  f^ 
GuiXL0K£AUi5 


EXTRAIT  DES  REGISTRES 

du  Parlement  de  Domles^ 

VEU  par  la  Cour  \qs  Lettres  Pa- 
tentes de  Son  AlteiTe  Sérénifïîmey; 
données  à  Sceaux  le  vingt-huit  Août 
mii  fept  cens  iept ,  Signées  L  O  U I  S- 
AUGUSTE,  &  fur  le  repli,  par 
Monfeigneur,  GurLLOREAU,  ôc  fcel- 
lées  du  grand  Sceau  fur  cire  jaune,  à 
queue  pendante  ;  Vifées  par  M'  de 
Malezieu.  Par  lefquclles  Son  Alteiïe 
Séréniffime  auroit  révoqué  le  Privilège 
par  Elle  accordé  à  Jean  Boudot  Librai- 
re de  la  ville  de  Paris ,  le  vingt-iîx  Juin, 
mil  fîx:  cens  quatre-vingt-dix-neuf;  ôç 
établi  Etienne  G  a  ne  au,  aulîî  Librai- 
re de  ladite  ville  de  Paris,  pour  feul  Im- 
primeur &  Libraire  en  cette  Souverai- 
neté ^  pendant  &  durant  l'efpace  de  tren-  • 
te  années  confécutives ,  à  compter  du 
jour  &  date  defdites  Lettres.  Requête 
préfentée  par  ledit  Ganeau,  tendante  à 
ce  qu'elles  foient  regiilrées  es  Aétes  <Sc 
Regifîres  de  la  Cour ,  pour  être  exécu- 
tées félon  leur  forme  êc  teneur  ,  6c  y 
avoir  recours  quand  befoin  fera,  lignée 
dudit  Ganeau  &  de  Perret  fon  Procu- 
reur, Arrêt  du  dix-fept  du  préfent,  por- 


tant  quelefdites  Lettres  feront  montrées 
au  Procureur  Général  de  Son  AltefTe 
Sérénifïïme.Conclufîonduditfîeur  Pro- 
cureur Général  :  Oiii  le  Raport  de  M^ 
André  Frachet  Confeiller,  CommifTai- 
re  en  cette  Partie.  Tout  conlidéré  ,  La 
Cour  a  ordonné  ôc  ordonne ,  que  lef- 
dites  Lettres  Patentes  de  Son  Altefle 
Séréniffime  du  vingt-huit  Août  dernier, 
données  en  faveur  dudit  Etienne  Ga- 
neau ,  pour  l'établilTenient  d'une  Impri- 
merie ,  feront  regifirées  es  Afles  ôc  Re- 
|2:iflres  de  la  Cour,  pour  être  exécutées 
félon  leur  forme  ôc  teneur,  joiiir  par  le- 
dit Ganeau  du  bénéfice  d'icelles,  ôc  y 
avoir  recours  quand  befoin  fera.  Fait 
en  Parlement  à  Trévoux ,  le  vingtième 
Décembre  mil  fept  cens  fept, 

ÇoUationné. 

Cartier,  Grefner. 


PRÉFACE. 


U  E  L  QU  E  S  Dames 
chrétiennes  pour  ne 
fe  point  iailTer  fédui- 
re  à  Tufage  prefqu'établi  au- 
jourd'hui de  fe  faire  accou- 
cher par  des  hommes^  ont 
demandé  à  s^inftruire  fur  cet- 
te coutume  qui  bleffoit  leur 
pudeur.  Se  offençoit leur  pié- 
té. Elles  ont  propofé  leurs 
doutes  aux  perfonnes  qui  les 
conduifent  :  &  c'ell  pour 
foulager  les  confciences  des 
unes  p  &  régler  les  fentimens 

a  iij 


vj       P  R  El^  A  C  E. 

<ies  autres  ^  qu'en  a  entrepris 
ce  petit  Ouvrage. 

On  fe  propofe  d^  exami- 
ner d'abord  ^  s'il  fut  jamais  ^ 
ou  s'il  s'eft  fait  depuis  une 
profeffien  d'Accoucheur. 
On  creufe  cette  matière  en 
faîfant  voir  par  l'antiquité  la 
plus  reculée  ^  que  le  Pagani^- 
me  ^  tout  vicieyx  qu'il  fût , 
n^autorifa  jamais  un  art  qui 
répugne  à  la  nature  même. 
On  montre  enluite  ^  que  les 
Hébreux  (ce  peuple  choifi 
de  Dieu  )  étoient  dans  l'ufa- 
ge  de  fe  fervir  d' Accoucheu- 
ihs  :  ufage  d''ailleurs  auquel 
toutes  les  nations  qui  font 
venues  après  fe  font  confor- 
mées. 


P  R  ET  ACE.       vlj 

Pour  ne  rien  omettre  dans 
un  fujer  fi  important  ^  on  eiP- 
faye  encore  de  prouver,  que 
rÉcriture  &  les  Pères  n'ont 
rien  établi  qui  excufe  la  pra- 
tique d'aujourdbui,  que  les 
Princes  ne  Tont  point  con- 
firmée par  leurs  Edits,  que 
les  Magiftrats  ne  l'ont  point 
reconnue,  qu'Aline  s'eft  enfin 
jamais  formé  de  Corps ,  ni 
de  Communauté  d'Accou- 
cheurs y  comme  on  en  voit 
de  toutes  les  prpfefi^ions  que 
la  Religion  permet,  &  que 
Tutiliré  publique  autorifie.  On 
examine  les  raifons  de  con- 
venance qui  pourroient  ren- 
dre aujourd  hui  tolérable  une 
f      profeinon ,   dont  les   An- 

a  iîij 


viij  P  R  ET  A  C  E. 
ciens  n'auroient  pas  allez 
bien  connu  la  néceffité  :  on 
écoute  là-deiïùs  tout  ce  que 
les  Accoucheurs  allèguent 
de  plus  fpécieux  ^  &  on  y 
réoond. 

Tout  ceci  va  à  conclurre 
que  l'art  d'accoucher  appar- 
tient uniquement  aux  fem- 
mes ^  &  que  la  profeiîlon 
d'Accoucheufe  efl:  auflî  an- 
cienne que  le  monde  ^  puiiF- 
que  la  plus  fainte  des  ancien- 
nes R  eligions  ^  on  veut  dire 
celle  des  Juifs  ^  en  a  don- 
né l'exemple  ;  que  tous  les 
fiécles  fuivans  l'ont  adoptée  ; 
que  la  Religion  chrétienne 
l'a  reçue  ;  que  Iqs  Princes  en- 
fin &  les  Magiftrats  l'ont 


P  R  ET  ACE.       ix 

confirmée  par  leurs  Edits  & 
par  leurs  Regiemens. 

On  répond  cependant  à 
tout  ce  qu'on  dit  contre  les 
femmes  fur  ce  fujet^  tou- 
chant leur  peu  de  capacité^ 
leur  ignorance  naturelle  y 
leur  peu  de  génie  pour  les 
Sciences  y  &  fur  ce  qu  on 
leur  reproche  que  c'eft  des 
hommes  qu^'elles  tiennent  le 
peu  qu'elles  fçavent  fur  les 
accouchemens. 

L'on  tire  tnÇin  cette  con- 
féquence  ^  qu'on  peut  fe  paf- 
fer  d'Accoucheurs  ^  &  que 
les  femmes  feules  fuffifent 
pour  une  profeiîîon  qui  leur 
appartient  de  droit,  qui  n  eft 
point  au-delTus  de  leur  por- 

a  V 


X       PR  ETAGE. 

tée  5  que  Tintérêt  feul  leur  a 
enlevée  ^  &  dont  rinjuftice 
des  hommes  les  prive  enco- 
re aujourd'hui. 

Les  Accoucheurs  peut- 
être  ne  s'attendoient  pas  à 
une  conciulion  fi  accablante 
pour  eux  :  ils  la  trouveront 
dure^  ruineufe,  peut-être  in- 
jufte  :  car  de  quoi  n  eil  point 
capable  le  reffentiment  de  fè 
voir  déchu  d'une  profeffion 
qui  accréditoit  dans  le  mon- 
de y  dont  elle  auroit  pu  avec 
Je  tems  s'^alîujettir  ou  capti- 
ver la  plus  belle  moitié  ? 

Mais  pour  peu  qu'ails  puiA 
fent  oublier  leur  intérêt  , 
pour  écouter  celui  de  la  Re- 
ligion p  &  fe  (bumettre  aux 


CRETACE.       xj 

régies  de  la  raifon  ^  de  la  mo- 
deftie  ^  &  de  la  bienréance^ 
ils  conviendront  que  ce  n'eft 
pas  par  paflîon  qu^on  les  at- 
taque ^  mais  que  c'eii  un 
confèil  quon  leur  donne 
d'abandonner  une  profef^ 
fion  que  la  feule  néceffité 
peut  excufer  en  eux^  &  donc 
il  ne  leur  peut  être  permis  de 
fè  faire  un  métier.  Que  s'ils 
allèguent  la  prefcription  en 
leur  faveur  ^  qu  ils  fe  fou- 
viennent  qu  on  tïqïi  recon- 
noît  pas  dans  l'Eglife  ,  & 
qu'une  poifelTion  eft  tou- 
jours injufte  y  quand  elle  ne 
s^'accorde  pas  avec  la  piété. 
On  a  d'ailleurs  reclamé  de 
tems  en  tems  contre  cet  ufà^- 
a  vj 


xij      P  R  ET  A  C  E. 

ge  abufif  ^  de  permettre  hs 
accouchemens  les  plus  or- 
dinaires aux  hommes  :  car 
fans  parler  de  la  loi  naturel- 
le qui  y  répugne  ^  fans  rap- 
porter les  plaintes  journaliè- 
res que  de  fages  Directeurs 
font  contre  cet  abus  ;  d'ha- 
biles Médecins  s  y  font  op- 
pofés,  ôc  la  vérité  que  leurs 
écrits  défendent  n  en  elT:  ni 
moins  refpeélable^  ni  moins. 
puiiTante  pour  avoir  été  né- 
gligée. 

On  fera  remarquer  dans 
fon  lieu  ;,  que  les  Médecins 
anciens  &  modernes  n  ont 
jamais  employé  que  des  Sa- 
ges-femmes :  mais  on  ne 
peut  dilférer  plus  long-tems 


P  R  ET  ACE.  xii) 
de  rapporter  ici  la  plainte 
quun  habile  Médecin  (t^) 
de  la  Faculté  de  Paris  forme 
contre  les  Dames  Francoi- 
fes  y  qui  fe  livrent  ayec  trop 
de  facilité  aux  yeux  &  aux 
mains  des  Accoucheurs.  Un 
autre  écrit  digne  d  un  habile 
Médecin  &  dun  Sçavant 
Théologien  ,  (  mais  dont 
TAuteur  s'efc  caché)  entre 
dans  un  plus  grand  détail  ^ 
&  prouve  rhorreur  que  la 
Religion  infpire  contre  la 
profeffion  d'Accoucheur  ^ 
dont  il  fait  voir  Tinutihté  & 
le  danger.  Le  hazard  qui  a 
lait  recouvrer  ce  petit  Ou- 
vrage  dans  le  tems  qu  on 

{a)  M* ThuiUkr  dantfet obferv* ^,  a^» 


xiV     F  R  ET  A  C  E. 

travaiUoit  à  celui-ci  ^  n'a  pas 
peu  fervi  à  le  faire  continuer 
&  à  le  finir.  On  a  été  ravi  de 
s'y  voir  heureufement  pré- 
venu dans  plufîeurs  des  faits 
&  des  raifons  qu  on  a  voit 
déjà  ramaffées  ;  &  le  zélé  de 
charité  qui  régne  dans  tout 
cet  Ouvrage  n'a  pas  peu  ani- 
mé TAuteurde  celui-ci. 

On  avoit  cependant  pen- 
fé  d'abord  qu'ail  auroit  fiifS 
de  faire  réimprimer  cette 
JDiJfertation  fur  les  accouche- 
mens  j  (car  c'^efl:  le  titre  qu'on 
lui  a  donné  )  fans  rien  écrire 
de  nouveau  là-dellus.  Mais 
on  a  été  confeillé  d'achever 
ce  qu'on  avoit  commencé, 
parce  que  le  progrès  qu'a- 


PRETACE.     XV 

voit  fait  depuis  dans  le  mon- 
de la  profeflion  d'Accou-- 
cheur  demandoit  de  nou- 
velles réflexions  :  outre  qu'- 
on avoit  quelques  faits  à 
ajouter,  qui  étoient  échap- 
pés à  TexaiSlitude  de  l'Au- 
teur anonyme.  Après  cela 
on  lailTe  aux  mères  chrétien-^ 
nés  à  réfléchir  fur  les  obli- 
gations où  elles  feront  doré- 
navant. Si  ce  qu'ion  dit  ici 
n'eft  fondé  que  fîir  les  prin- 
cipes de  la  Médecine ,  &  de 
la  Religion  ^  &  fî  par  con- 
féquent  ce  qu'ion  demande 
de  leur  pudeur  ne  peut  inté- 
refler  ni  leurs  fantés ,  ni  leui^ 
vies  ;  fagement  inipirées  el- 
les fe  remettront  fans  doute 


xvj     PRETACE. 

en  régie  :  elles  édifieront  le 
Monde  chrétien  ^  &  ren- 
dront aux  perfonnes  de  leur 
fexe  la  juftice  &  rancienne 
confiance  qu'elles  leur  doi- 
vent y  &  dont  elles  ne  les 
trouveront  point  indignes. 

Les  Accoucheurs  eux- 
mêmes  n'offriront  plus  aux 
femmes  que  des  (ecours  né- 
ceiTaires  &  indifpenfables  : 
car  la  Providence  r écompen- 
fant  la  piété  des  mères ,  faci- 
litera la  naiiTance  de  leurs 
tnïdins  ^  Se  affranchira  leur 
fexe  ^  du  moins  en  ce  point , 
de  la  dépendance  des  hom- 
mes. 


TABLE 

Des  Chapitres  contenus  dans  ce 

Livre. 

PREMIER    rRJUJEr. 

Derindécenceauxhommesd'accoucher 
les  femmes. 

Chap.  L    Q  Ue  la  frofejjlon  à^  Ace  ou- 

o^^    cheiir    étoit    inconnue 

dans  r  antiquité  y  &  quelle  eft  encore 

aujourdloiii  nouvelle ,  fans  titres  & 

fans  autorité  y  page  l 

Chap.  IL  Que  toutes  les  nations  ^  à 

commencer  far  le  peuple  Hébreu ,  fe 

fontfervies  de  Sages-femmes ,  dont  la 

-profeffion  efi  auffi  ancienne  que  U  Mon* 

de  5  &  autorifée  -par  les  Loix ,  1 2 

Chap.  IIL  Faits  &  Hifloires  qui  prou- 
vent qu  il  a  été  inoiii  dans  tous  les  temSf 
que  les  femmes  fe  fuient  fervies  d'hom- 
mes dans  leurs  couches ,  ou  en  casfem* 
Mes  5  22 

Chap.  IV.  Que  les  maximes  de  la  Reli- 
gion Chrétienne  font  contraires  à  la. 
profeffion  ^  Accoucheur ,  40 

Chap.  V.  Que  U  profejfion  d' Accou- 
cheur efl  rarement  nécejfaire ,        J  8 


TABLE. 

Chap.  VL  ^ue  la  coutume  de  fe  fgrvir 
a  Accoucheurs  eft  moins  un  ufage  à 
recevois' ,  qiiurje  entrevrife  à  répri- 
mer ^  ^p 

Chap.  VII.  Que  les  femmes  font  auffi 
ca-pahles  de  -pratiquer  les  accouche^ 
mens  que  les  homtnes  ^  8l 

Chap.  VIII.  Ou  ?on  répond  au  refle  des 
OhjeEiionf  qu  on  fait  contre  les  Sages- 
femmes  5  ^^ 

SECOND  TRAITE'. 

De  l'obligation  aux  mères  de  nourrir 
leurs  enfans. 

Chap.  I.  Que  ?  obligation  aux  mères  de 
nourrir  leurs  enfans  efl  de  droit  natu- 
rel, i:\S 

Çhap.  II.  Que  ce  que  la  Nature  fait 
.après  la  naiffance  de  f  enfant  y  ne  mar- 
que pas  moins  aux  mères  V obligation 
de  les  nourrir ,  1 4-8 

Chap.  III.  Si  ïon  s' eft  toujoursfervi  de 
Nourrices,  î66 

Chap.  IV.  Que  la  mention  de  Nouni- 
ces  que  l'on  trouve  dans  les  aj^ciens  li- 
vres 5  ne  préjudicie  point  aux  maximes 
qu'on  vient  d^ établir ,  &  ne  dvmmié 
en  rien  l^ obligation  indifpenfable  des 
mères  y  1^6 


TABLE. 

ChAP.  V.  Des  dangers  qii  on  fait  courre 
aux  enfans  qiion  met  en  nourrice^  211 

-Chap.  VI.  Des  dangers  que  courent  les 
mères  qui  ne  nourrijfent  pas ,         228 

C  H  A  P.  VII.  ^ie  -les  familles  &  les 
Etats  fonjfretît  de  ce  que  les  mens  ne 
nourrtffint  pas  leurs  enfans ,         242 

Chap.  VJII.  Faux  prétextes  des  mères 
quife  difpenfent  de  nourrir  ,         263 

Chap.  IX.  Des  raifons  qui  difpenfent  les 
mères  de  nourrir ,  276 

Chap.X.  Des -précautions  que  doit  ap- 
porter une  mère  qui  eft  obligée  de  pren- 
dre une  Novirrice  étrangère,         287 

Chap.  XI.  Des  Sevreufes ,  2^8 


fin  de  la  Table. 


'^pprohatio'/fs  de  M,  Bofqiûllon  de  ?  Aca.-' 
Àémïe  Royale  de  Soijfons  &  Licentiécn 
Droit  de  la  Faculté  de  Paris ,  &  de 
M*  Geojfroy  Médecin  de  la  Faculté  d,e 
Faris^de  l  Académie  Royale  des  Scien- 
ces ,  &  de  la  Société  Royale  de  Lon- 
dres, 

NOus  avons  lu  par  ordre  de  S.  A.  S. 
Monfeigneur  le  Prince  Souverain 
-de  Dombes ,  un  Alanufcrit  intitulé  :  De 
f  indécence  aux  hommes  £  accoucher  les 
femmes ,  &  de  V obligation  aux  mères  de 
nourrir  leurs  enfans.  Nous  n'y  avons 
rien  trouvé  qui  en  doive  empêcher  Tim- 
preflion.  Tout  y  marque  l'extrême  fa- 
gefle  6c  la  profonde  érudition  de  fou 
Auteur.  A  Paris  le  vingtième  jour  de 
Septembre  1707. 

BOSQUILLON. 
GEOFFROY 


DE 


D  E 


LINDECENCE 

AUX   HOMMES 


D'ACCOUCHER    LES    FEMMES, 


Chapitre     Premier, 

,^e  la  profejpo/z  d'Accoucheur  et  oit 
inconnue  dans  Vantiquité  ,  (^ 
qu'elle  eji  encore  aujourd'hui  nou- 
njtlle  y  fans  titres  é'  fans  auto- 
rité, 

A  preuve  la  plus  natu- 
relle que  dans  les  pre- 
miers fiécles  du  mon- 
de ,  on  ne  connoifToic 
point  d'Accoucheur,  c'eft  guil 
n'cft  point  de  mot  dans  les  lan- 
gues mères  ou  originales ,  pour 

A 


2  T>e  l* indécence  aux  hommes 
iîgnifier  cette  profeffion  dans  un 
homme ,  au  lieu  que  celui  qui 
iîgnifie  une  Accoucheufe  fe  trou- 
ve dans  toutes  les  langues.  Le 
mot  d'Accoucheur  paroît  même 
de  très-fraîche  date  dans  les  en- 
droits ,  comme  en  France  ,  où 
cette  profeffion  eft plus  connue; 
car  il  ne  s'en  trouve  aucune  men- 
tion dans  les  Auteurs  François  , 
à  moins  que  ces  Auteurs  ne 
jToient  plus  nouveaux  encore  que 
le  mot  d'Accoucheur  ,  qui  pour- 
roit  à  peine  compter  un  lîécle 
d'origine. 

Mais  une  autre  preuve  qu'il 
n*a  pu  y  avoir  d'Accoucheur  dans 
l'antiquité,  c'eft  que  cette  pro- 
feffion répugne  à  la  nature  mê- 
me, puifqu'elle  eft  contraire  à  la 
pudeur  qui  eft  naturelle  aux  fem- 
mes (  4  )  in  feminis  ceteras  vir tû- 
tes pudorfuferat.  Or  les  Anciens 
moins  éloignés  que  nous  de  cet- 
te  {implicite   naturelle   établie 

(a)  ByçYQn, e^Jjl*  nd  C fiant. 


d\iCCûucher  les  femmes,        5 
dans  le  monde  par  le  Créateur 
même ,  poufToient  jufqu  au  fcru- 
pule  la  retenue  (  a  )  avec  lac[uelle 
ils  vouloient   qu'on   parlât  des 
^hofes  qui  auroient  pu  falir  Tima- 
gination .  Les  Hébreux  par  exem- 
ple avoient  honte  de  proférer  le 
mot  à^ urine  s  ils  difoient  (  h  )  l'e^fé 
des  pieds ,  d^c.   Comment  donc 
auroient-ils  pu  autorifer  une  pro- 
feffion  5  qui  auroit  eu  à  employer 
plus  que  des  paroles  fur  cts  for- 
tes de  matières  ?  On  ne  manque- 
ra pas  de  dire  ,  qu'on  ne  doit  pas 
croire  contraire  à  la  pudeur  ce 
qu'il  eft  permis  de  faire  :  mais 
que  de  chofes  permifes  qu'on  ne 
fe  permettroit  pourtant  jamais 
fans  la  néceflité  ?   Le  Mariage  , 
par  exemple  ,   ne  feroit   qu'ua 
honteux  commerce ,  fi  la  nécefli- 
té de  peupler  le  monde  n'en  ex- 
cufoit  l'ufage  :  encore  ne  fe  l'ac- 
corde-t'on  cet  ufage  qu'à  la  dé~ 

{a)  Vid,  Aul.  Gell.pag,  iip. 

(v)  M.  Fleuiyy  Mûeurs  des  irraëlites^ 

A  ij 


4     "De  CindéccKCe  atéx  hommes 
robée  ôc  dans  le  fecret ,  comme 
pour  diffimuler  à  la  pudeur  ce 
que  la  néceffité  ordonne ,  {a)  Ubl 
^^d  hoc  opus  venitur ,  fecret  a  qu^- 
Yuntur  ,  arhitri  reynoventur.     Sur 
ce  même  principe  la  tolérance 
pour  la  profeffion  d'Accoucheur 
deviendra  moins  une  permiffiou 
qu'une  licence ,  hors  le  cas  de 
néceffité  :  car  enfin  la  faute  en 
ce  point  n'eft  point  de  faire  une 
chofe  criminelle;  mais  de  fe  per- 
mettre fans  befoin   une   chofe 
honteufe  ou  méféante  -.{h)  j^^ 
funt  inhonejia ,  non  qtiafi  illicita , 
fed  qudji  fudenda  vit  are  opcrtet. 
Quoi  qu  on  veuille  donc  croire , 
qu'on  garderoit  dans  cette  pro- 
feffion  toutes  les  mefures  ôc  tous 
les  égards  poffibles  ,  pour  ne  fe 
rien  accorder  contre  la  modef- 
tie ,  6c  pour  fe  préfcrver  con- 
tre la  médifance  ;  on  ne  laifTe- 

Xa)  Augifjî.  de grat.&  feccAt,  mg,  lib, 1 1 ; 
{h)  tlin.  €pfi,fcig,  i8it 


d'accoucher  les  femmes.  5 
roit  pas  de  pécher  contre  la  pu- 
detir  5  fi  on  l'exerçoit  fans  né- 
ceffité.  Cependant  eft-on  tou- 
jours nruutrc  de  fon  efprit  ôc  de 
fon  cœur ,  dans  une  occafion  Ci 
propre  à  féduire  l'un  bc  l'autre  , 
6c  à  laquelle  on  s'expofe  fans  né- 
ceffité  ?  Et  quand  bien  même  on 
pourrort  répondre  de  foi  ,  peut- 
on  s'afTurer  de  l'imagination  des 
autres  ,  qui  ne  psnfcront  pas 
toujours  comme  l'Accoucheur  ? 
Il  faut  donc  convenir  que  le  dan^ 
ger  eft  du  moins  très  -  proche  , 
{a)  Nemo dïU  tutus  eji perkulo pro- 
ximus  :  car  fouvent ,  tandis  qu'on 
s'étudie  à  fauver  les  dehors  de 
l'honnêteté  par  fcs  paroles  &  par 
fes  manières ,  on  s'échappe  à  foi- 
même  ,  &:  on  fe  laifTe  véritable- 
ment aller  à  des  chofcs  peu  hon- 
nêtes ,  (  ^  )  honejlï  dicuntur  ,  fed 
inhonejle  turpiterque  creduntur. 
Comme  donc  dans  ces  occa^ 

{a)  s.  Cy^rian. epîjf.f'ag.  174. 
(h)  Laçîant.^ag.  ^7, 

A  iij 


€  De  r indécence  aux  hommes 
iîons  la  bouche  n'eft  pas  toujours 
le  fidelle  interprète  du  cœur  ,  il 
n'eft  pas  rare  alors  que  le  fenti- 
ment  démente  Pexpreffioa  Ainfî 
quoi  qu'on  en  puiffe  dire  ^  la 
fonction  d  accoucher  eft  conf- 
tamment  méféante  à  un  hom- 
me 5  embar raflante  ,  pour  ne 
rien  dire  de  plus ,  pour  une  fem- 
me j  êc  dangereufe  pour  tous  les 
deux. 

Les  Anciens  n'ont  donc  jamais 
fongé  à  commettre  ce  foin  à  des 
hommes  j  eux  furtout  qui  étoient 
fî  foigneux  de  préferver  leurs 
imaginations  ,  &:  de  les  pré- 
venir contre  tout  ce  qui  paroif- 
foit  immodefte.  (  a  )  Per/£  a  pue-^ 
ris  nudos  confpici  viros ,  nec  fas 
nec  jus  ejje  dicehant,  (  h  )  Ter  far  um 
fueri  tarai  pudoris  fuêre  ,  ut  pro 
iege  fervarcnt ,  ne  in  puhlico  aut 
fpucrent  aut  nafum  emungcrent^ 
Dans  cette  vue  ils  ne  foufFr oient 

{<2)  Aîexand.  lîb,  z^ca^-  ^j\ 


L 


d^ accoucher  les  femmes.  7 
pas  que  les  fexes  difFérens  fe 
trouvaflent  aux  bains  ,  (  ^  )  s*ils 
n'étoient  exadtement  féparés. 
Qui  croiroit  après  cela  ,  cju^ils 
euflent  pu  approuver  cette  liber- 
té toujours  dangereufe  avec  la- 
quelle un  Accoucheur  voit  ôc 
touche  une  femme  ?  [h)  Per^ 
'verfa  familiarltas  ejl  &  falfa  fecu- 
ritas.  Il  eft  plus  naturel  de  croi- 
re qu'ils  auront  choifi  ,  pour  ai- 
der-leurs  femmes  dans  leurs  cou- 
ches ,  les  fecours  qui  fe  préfen- 
tent  naturellement ,  c'eft-àdire  , 
ceux  d'autres  femmes ,  en  qui  el- 
les auront  dû  prendre  plus  de 
confiance. 

En  efFet  tandis  que  dans  au- 
cun des  anciens  tems  il  n  eft  par- 
lé nulle  part  d'hommes  Accou- 
cheurs ,  on  y  trouve  dans  tous  les 
iîécles  même  les  plus  obfcurs,des 
femmes  qui  accouchoient ,  com- 
me on  le  fera  voir  dans  la  fuite. 

(  ^  )  Phitarch.  in  Caton.  &  Cîcer, 
(^  )  Div,  AHguJi,  Serm,  de  temporel 

A  iiij 


8     De  rindécence  aux  hommes 

La  conduite  des  Médecins  de 
tous  les  liécles  prouve  encore  ce 
qu'on  vient  d'établir.  S'ils  a- 
voient  befoin  de  quelque  inl^ 
truction  fur  l'état  des  femmes 
malades  qu'ils  traitoient ,  c'é- 
toicnt  des  Sages-femmes  ,  non 
des  hommes  qu'ils  chargeoient 
de  ce  foin.  Auiîi  une  Sage-fem- 
me palfoit-elle  pour  l'œil  du  Mé- 
decin ;  parce  que  c'étoit  par  loa 
miniftere  ,  qu'il  s'afluroit  de  ce 
qu'il  ne  lui  feyoit ,  ni  à  un  au- 
tre homme  d'examiner  par  lui- 


même 


C'étoit  encore  aux  Sages-fem- 
mes qu'on  s'adrefloit  (  a  )  dans 
\^s  premiers  tems  de  l'Eglife  , 
pour  s'afsûrer  de  la  fidélité  que 
les  Vierges  Chrétiennes  avoient 
voilée  à  leur  état  de  continence. 
Mais  fi  les  Pères  trouvoient  à  re- 
dire dès  lors  ,  que  les  Chrétien- 
nes fe  trouvafient  ainfi  expo  fées 
à  la  difirrétion  de  leurs  fembla- 

(d)  5.  Cyprin,  tpjl.^ag^  174. 


d'accoucher  les  femmes,  9 
blés  j  s'ils  trouvoient  dans  cette 
pratique  quelque  chofe  de  hon- 
teux 6c  d'infamant  ,  [a)  Tnrpe 
negotium  ,  quandoquidem  inter  oh^ 
Jletricum  manus  uirginitas  occidi^ 
tuY  ;  de  quel  crime  n'aur oient- 
ils  pas  taxé  Tentreprife  des  hom- 
mes d'aujourd'hui ,  qui  en  pareils 
cas  ne  rougiflent  pas  d'ôter  cet 
emploi  aux  Sages-fem.mes  ? 

Leur  entreprife  eft  cependant 
fort  oppofée  à  l'intention  des 
anciens  Jurifconfultes  ,  qui  or- 
donnent ces  fortes  d'examen 
aux  Sages  -  femmes  ,  &  jamais 
aux  Chirurgiens  :  preuve  certai- 
ne qu'on  ne  les  reconnoifloit 
pas  dans  l'Antiquité  comme  Ac- 
coucheurs ,  &  qu'ils  n'excrçoient 
pas  les  fonctions  des  Sages-fem- 
mes. 

La  profeffion  d'Accoucheur 
eft  donc  de  fraîche  date  :  car 
outre  qu'on  n'en  voit  o^uéres  de 
traces  que  vers  le  milieu  du  der- 


ro  "De  l'indécence  aux  hûm?7ies 
nier  fiécle  ,  (  ^  j  le  peu  de  pro- 
grès qu'elle  a  fait  dans  les  pays 
voifins  de  la  France ,  oii  elle  a 
pris  naiflance  ,  fait  voir  quelle 
ne  fait  prefque  que  de  naître. 
Aullî  les  provinces  un  peu  éloi- 
gnées de  Paris  trouvent  encore 
aujourd'hui  cette  coutume  fort 
étrange.  Et  à  juger  des  fonc- 
tions qu'un  célèbre  Auteur  (b) 
d'Allemagne  fait  exercer  aux  Sa- 
ges-femmes dans  les  matières 
contentieufes  qui  regardent  la 
fàgefle  ou  les  maladies  des  fem- 
mes ,  on  ne  connoît  guéres  d'Ac- 
coucheur dans  ce  vafte  pays  ,  oii 
les  Juges  &  les  Médecins  ne  s'en 
rapportent  quaux  témoignages 
des  Sages  -  femmes.  L'autorité 
des  Accoucheurs  ne  paroîtroit 
gnéres  mieux  établie  en  France  ; 

f)uifque  les  Evdits  des  Rois  ,  6c 
es  Arrêts  des  Parlemens  ne  leur 
ont  donné  ni  ftatuts ,  ni  privilé- 

(  a  )  BayU  D/fî. 

{^h)  Valemm.PandeCî.Mëdic. légal. f^arpm» 


i accoucher  hs  femmes,  1 1 
ges ,  ni  reglemens  ;  qu'ils  ne  leur 
ont  accordé  enfin  ni  immunité  ni 
prérogatives.  C'eftdonc  une  pré- 
tendue profeffion  ,  qui  fe  trouve 
en  proye  au  premier  occupant , 
6c  à  qui  il  prendra  en  gré  de  s'é- 
riger en  maître  Accoucheur. 
Trop  heureux  le  public  ,  fi  par 
cette  licence  il  ne  fe  trouve  pas 
fouvent  expofé  à  reconnoître 
pour  Accoucheur  célèbre  ,  celui 
même  que  la  fortune  venoit  de 
négliger  I 

Le  métier  d'Accoucheur  n'ap- 
partient donc  pas  aux  hommes  r 
ce  neft  en  eux  qu'une  ufurpa- 
tion  5  ou  une  entreprife'  témé- 
raire fondée  fur  la  timidité  des 
femmes,  qui  ont  crû  par  cette 
indigne  foumiffion  afTurer  leurs 
vies ,  ôc  fur  la  crédulité  des  maris, 
qui  par  cette  dangereufe  com- 
plaifance  ont  crû  plus  faremenc 
conferver  leurs  femmes.  Mais 
on  verra  dans  la  f  lite  que  c'efl 
abufer  de  la  confiance  des  uns. 


1 1  De  V indécence  aux  hommes 
&:  des  autres  ,  en  montrant  que 
le  fecours  d'un  Accoucheur  eft 
rarement  néceflaire  ,  &:  que  cet- 
te profcffion  s'eft  introduite  dans 
le  monde  fans  titre  ,  qu'elle  eft 
de  nouvelle  invention  •  qu'on 
s'en  eft  toujours  aifément  pafle  , 
&  qu'on  peut  fûrement  s'en  paf- 
fer  encore. 


CHAPITRE    IL 

,^ue  toutes  les  nations  ,  a  comment 
cer  far  le  feu  fie  Hébreu  ;,  fe  font 
fervies  de  Sages-femmes  ^  dont 
la  frofeffton  efi  aufi  ancienne 
que  le  monde  y  C^  autorifée  far 
les  Loix, 

IL  n'en  eft  pas  de  même  de  la 
profeffion  d'Accouchcufe  :  el- 
le eft  comme  de  droit  naturel  ; 
parcequ'il  eft  naturel  à  une  fem- 
me de  mettre  des  enfans  au  mon- 
de, &  que  les  femmes  de  tout 


d*  découcher  les  femmes,  \  jf 
tems  &:  de  toutes  nations ,  fe  font 
fait  accoucher  par  d'autres  fem- 
mes. 

Ceci  eft  fi  vrai ,  que  dès  les 
premiers  tems  elles  n'avoient  pas 
recours  aux  hommes ,  dans  les 
accouchemens   même   les    plus 
difficiles.  Rachel  {a  )  qui  auroit 
pupafler  pour  une  des  premières 
Dames  de  fon  tems  ,  n  appella  à 
fon  fecours  qu'une  femme  dans 
un  travail   des  plus  laborieux. 
Thamar  [h)  ,  autre  femme  de  con- 
fidération,  vers  ce  même  tems 
ayant  à  mettre  au  monde  deux 
enfans  qui  fe  préfentoient  mal , 
fe  fervit  heureufement  du  minif- 
tere  d'une  Sage- femme.   Or  tant 
d'adrefle  ,  d'expérience ,  &:  d'ha- 
bileté dans  les  Sages-femmes  d'a- 
lors ,  donne  afTez  à  comprendre 
qu'elles  avoient  appris  d'autres 
femmes  habiles ,  6c  qui  n'étoient 
point  les  premières  qui  fe  fullènt 

(  4  )  GîYie^,  cap.  ^^.v. 17, 
Ib)  Ihid.cap.  38.1/.  27, 


l^  De  l* indécence  aux  hommes 
mêlées  d'accouchement. On  peut 
donc  raifonnablement  conclu r- 
re  5  que  dès  les  premiers  fiécles 
du  monde  il  y  avoit  un  art  d'ac- 
coucher ,  dont  les  femmes  é- 
toient  feules  en  pofleffion  ,  5c 
dont  elles  s'acquitoient  au  gré 
des  Dames  de  la  première  qua- 
lité ;  puifque  les  premières  Da- 
mes d'alors  navoient  recours 
qu'à  elles. 

Sous  le  régne  de  Pharaon  \a) 
Roi  d'Egypte ,  Tart  d'accoucher 
étoit  encore  en  honneur  entre 
les  mains  des  femmes  :  il  paroît 
même  par  l'hiftoire  de  ces  tems  , 
que  cette  profeffion  y  faifoit  du 
progrès  &  s'y  perfeftionnoit  :  car 
à  l'habileté  qu  elles  avoient  com- 
me on  vient  de  voir  ,  elles  joi- 
gnirent une  probité  inviolable  : 
qualité  auflî  néceflaire  en  Mé- 
decine que  la  Science.  Cette 
probité  parut  en  elles,  en  ce  que 
le  commandement  d'un  grand 


d'accoucher  les  femmes.  1 5 
Prince  (  4  )  ne  pût  les  rendre  in- 
fîdelles  à  la  confiance  de  celles 
qui  les  en  honoroient.  Exemple 
qui  auroit  du  leur  mériter  une 
reconnoiflance  immortelle  dans 
les  efprits  de  toutes  les  femmes 
des  fiécles  fuivans  :  au  lieu  que 
par  un  indigne  renverfement , 
ces  femmes  infidelles  au  contrai- 
re envers  leurs  bienfaictrices  , 
les  ont  aujourd'hui  privées  de 
leur  confiance  pour  la  donner 
aux  Accoucheurs.  Etrange  ou- 
bli d'elles-mêmes  !  Eft-ce  donc 
qu'elles  manquoient  de  maîtres  ? 
Ou  leur  en  falloit-il  d'un  nou- 
veau genre  parmi  les  hommes  ? 

En  avançant  dans  l'Hifloirc 
Sainte ,  on  trouve  qu'aux  cou- 
ches de  la  célèbre  Ruth ,  [h)  il 
n'y  cft  parlé  que  de  femmes, 
C'étoit  pourtant  une  perfonne 
riche  :  elle  n'étoit  plus  d'ailleurs 
apparemment  fort  jeune  ,  puif^ 

(  ^  )  Pharacn.  Vîd.  Exod.  cap.  i . 
J[^)  Vers  l'an  270^,  du Mgnde» 


ï  (f  Vc  t indécence  aux  hommes 
qu'cHe  avoit  paflé  environ  dix 
ans  avec  fon  premier  mari  :  ce- 
pendant ces  deux  raifons  ne  lui 
firent    point    prendre    la    pré- 
caution d'appeller   des  Accou- 
cheurs :  il  n'en  étoit  donc  point 
encore.   Ce  fut  enfin  entre  les 
mains  des  femmes  que  la  belle- 
fille  d'Héli  accoucha,  (a)  Vers 
ces  mêmes  tems  [h)  il  y  avoit 
une  ibrte  de  Médecine  qui  re- 
gardoit  les  maladies  du  Sexe  ou 
fes  incommodités ,  qui  fut  quel- 
que tems  entre  les   mains  des 
femmes  5  6c  c'étoit  celle  qui  re- 
garde les  applications  extérieu- 
res :  autre  preuve  invincible  que 
l'antiquité  auroit  eu  horreur  de 
commettre  aux  hommes  le  foin 
d'accoucher  les  femmes. 

Artemife^  Reine  de  Carie,  {c) 
qui  a  donné  fon  nom  à  l'herbe 

(  ^  )  Premier  Livre  des  Rois ,  ch.  4.  v.  lo. 
(  Z>  )  Voyez  l'hifloire  de  la  Médecine  de 
M.  le  Clerc. 

(c)  En  3400,  <îu  Monde  ou  environ. 

appellée 


{taccéuchcr  Us  femmes,  1 7 
appel îée  Artemïfia  ,  en  François 
armoifci  cette  Reine  ,  dis-je,  é- 
toit  Médecine  des  femmes. 

Cléopatre  autre  Reine,  mais 
d'Egypte ,  fut  fur  tout  célèbre 
dans  cette  profeflion  j  paifqu'il 
eft  refté  des  Livres  êc  des  Com- 
pofitions  qui  portent  fon  nom, 
&  qui  font  citées  avec  honneur 
par  Galien  ,  (4)  &  par  les  Au- 
teurs [b]  Grecs  qui  l'ont  fuivi. 
Or  la  Médecine  étant  donc  déjà 
exercée  par  des  femmes  avec  dif- 
tinction  du  tems  ôiArteml/è  ,  n'a 
pu  fe  trouver  fi  fort  illuftrée  du 
tems  de  Cléopatre  ,  c'eft-à-dire 
environ  400  ans  après  ,  que  par- 
ce qu'elle  avoir  toujours  fubfifté 
entre  les  mains  des  femmes ,  qui 
s'y  appliquoient  &  la  perfection- 
noient  par  leurs  obfervations. 

Les  Grecs  fur  tout  avoient  de 
Ces  femmes  Médecines,  comme 
on  le  reconnoit  par  les   mots 

( a  )  De  compof.  medic.  local,  lib.  i.c.  1 4 
^  fa.iU  JEgin,  Asthu  ,  6v. 

3 


l^  De  l'indécence  aux  hommes 
djiîO'TpiSîç  &C  (arpivett ,  qui  fe  fon^ 
confervés  jufqu^à  nous.  On  fçaic. 
d'ailleurs  qucSocrate  faifoit  gloi- 
re d'être  fils  d'une  Sage-femme 
très-habile  nommée  rhanarete  ; 
comme  on  peut  le  voir  dans 
Platon  (  ^  ).  La  Médecine  donc 
ri'étoit  pas  moins  illuftre  parmi 
les  femmes  que  parmi  les  hom- 
mes :  car  comme  ceux-ci  peu- 
vent s'honorer  des  noms  des 
Rois  Médecins ,  les  femmes  Mé- 
decines ont  auffi  eu  des  Reines 
qui  ont  illuftre  leur  forte  de  Mé- 
decine, Et  pour  ne  point  fortir 
de  notre  fujet ,  celles  qui  s  ap- 
pliquoient  particulièrement  aux 
accouchemens  ;  n'étoient  gué- 
res  moins  honorées  ^  puifque  de 
grands  Philofophes  ,  comme  So- 
crate ,  fe  vantoient  d*être  def- 
cendus  d'une  Sagc-femiiie. 

Si  on  joint  à  toutes  ces  Dames 
Médecines  une  Fabula  Lyhica  ou 

(^)  Au  Livre  de  la  Science;  voyez  aufïi 
piogen,  Laerc^ . 


d\iCCOucher  lesfemmts.  19 
Vivia  dont  parle  Galien  ,  une 
Alpajle  qu'Aëtius  cite ,  une  Olym^ 
pas  y  une  Sot  ira  y  une  Salféy  une 
Laïs  5  toutes  citées  par  Pline ,  ôc 
plufienrs  autres ,  dont  de  bons 
Auteurs  font  mention ,  (^)  on 
trouvera  une  tradition  fuivie  , 
ou  une  nombreufe  lifte  de  Fem- 
mes célèbres  en  Médecine  ,  de- 
puis les  anciens  fiécles  ,  jufqucs 
bien  avant  dans  ceux  qui  nous 
touchent  de  plus  près. 

En  effet ,  les  Femmes  Méde- 
cines étoient  encore  connues  à 
Rome  du  tems  des  Empereurs  ^ 
fuivant  ce  vers  de  Martial  : 

(^}  Protinus  dccedunt  Medici ,  ii/<f- 
dicœquercccdunt. 

D'anciennes  Infcriptions  font 
foi  de  la  même  chofe ,  témoin, 
celle  de  Vérone  : 

(  <z  )  Voyei  rhiftoire  de  la  Médecine  d6 
M.  le  Clerc ,  liv.  3 .  ch.  1 3 . 
(^)  Uy.  ii.Epigr.  71. 

Bij 


xo  De  l'indécence  aux  hommes 

C.    CORNELIUS 

MELI  BŒUS    SIBI 

ET   SENTIE   ELIDI 

M  E  D  I  C  ^ 
CONTUBERNALI. 

Et  cette  autre  dans  le  Duché 
d'Urbin  : 

DEIS    MAN  IB. 

JULI^    Q.    L. 

S  A  B  I  N^ 

MEDIC^ 

Q.   JULIUS   ATIMEIUS 

CON  JUGI 
-    BENE    MERENTI.    , 

Car  les  noms  &  les  épithetes 
dans  ces  Infcriptions  regardent 
des  Romains  Sc.des  Romaines. 

Les  Loix  Civiles  (  ^)  qui  nous 
viennent  pour  la  plupart  des  Ro- 
mains ,  &  le  Droit  Canon  qui 
cil  venu  enfuite  ,   ne  renvoyé 

(  a  )  va.  Paul-  Zttcch.  quaj},  medic.  kg^ 
Voyez,  encore  Gaffaris  à  Reidi  tlyf.  jiKuni^ 


d*  accoucher  les  femmes.  i  r 
rcxamen  des  cas  qui  regardent 
l'infidélité  des  femmes  ,  &  Tin- 
concinence  des  filles ,  &:c.  qu'- 
aux Sages- femmes  ,  jamais  aux 
Chirurgiens  :  autre  preuve  de  ce 
fcntimerit  naturel  &:  univerfclle- 
ment  imprimé  dans  les  efprits  des 
hommes  de  tous  les  tems  ;  que 
c'eil  aux  femmes  à  répandre  aux 
Juges  2c  aux  Médecins  de  Tétac 
de  leurs  femblables  ,  ôc  quil  a 
toujours  para  contre  la  pudeur 
de  commettre  ce  foin  aux  hom- 
mes. 

Ces  mêmes  témoi^inai^es  em- 
pruntés  des  Droits  Civil  ôc  Ca- 
nonique ,  prouvent  en  même- 
tems  l'authenticité  de  la  profef- 
fion  de  Sages-femmes  ,  éc  l'au- 
torité que  les  Empereurs  &  les 
Loîx  leur  ont  accordée  ,  tandis 
qu'aucune  Loi  ni  aucun  Prince 
n*a  fait  mention  de  la  profelîion 
d'Accoucheur  ,  qui  par  confé- 
quent  eft  nouvelle  5  fans  titre  ^ 
§c  fans  autorité. 


t:i   De  r indécence  aux  hommes 


CHAPITRE    m. 

Paît  s  é"  Hifloîres  qui  prouvent  qu'il 
a  été  ino'ùi  dans  tous  Us  tems , 
éque  les  femmes  fe  foicnt  fervies 
d'hommes  dans  leurs  couches  y  oUt 
en  cas  femhlables. 

LA  Religion  payenne  qui  a- 
voit  placé  des  Divinités  par 
tout ,  jufqucs-là  même  qu'il  n'é- 
toit  pas  de  feiiil  (4  )  de  porte  qui 
n'eut  la  fienne;  enavoit  aufîi  af^ 
fîgné  pour  préfîder  aux  couches 
des  femmes  :  mais  ce  devoir  être 
des  Divinités  féminines;  parce 
que  les  Payens  mêmes  av oient 
lenti ,  quil  auroit  été  contre  la 
pudeur  (^)  de  donner  cette  fon- 
âion  à  un  Dieu.  Il  eft  pourtant 
vrai  5  que  quelques-uns  ont  cru , 

(j)  S.  Auguft.de  la  Cité  de  Dieu. 
{b)  Voyez  Tertul.  de  l'ame ,  c.  3  7.  Saini; 
Auguà.  de  la  Ciic  de  Dieu  5 1. 4,  c.  3  4» 


d'accoucher  les  femmes,  ly 
qu'il  y  avoit  alors  les  Dieux  des 
accouchées  ,  Nixii  Dn  :  mais 
on  fçait  que  ces  prétendues  Di- 
vinités (  a  )  étoient  moins  des 
Hommes-Dieux ,  que  des  fym- 
boles  de  Divinités  mal  enten- 
dus ',  qu'on  voyoit  à  Rome  dans 
le  Capitole  ;  ôc  qu'un  peuple 
auffi  fuperftitieux  que  celui  de 
Rome  5  &  auffi  infatiable  de  Di- 
vinités ,  trouva  à  propos  d'ériger 
en  Dieux  des  accouchées.  L'at- 
titude de  ces  Statues  donna  fon- 
dement à  cette  imagination.  El- 
les étoient  trois  en  nombre ,  ôc 
à  genoux  devant  le  Temple  de 
Minerve  ,  genihus  nix£  ,  &  de 
là  ils  forgèrent  Nixii  Dii.  On  a 
prétendu  encore  qu'Ovide  avoit 
ces  Dieux  en  vue  ,  quand  il  dit  : 

Magno 
Lucinam  adNîxo  partus  clamera 
*vocabant  > 

(  à)  Turneb,  adverf.  /.  7.  c.  8,  Bar  M,  çx^of^ 


i^  De  l'indécence  aux  hommes 
parceque  de   bons  exemplaires 
portent  ; 

Lucinamy  Nlxofque  pari  clamore 
'vocabant. 

Mais  rembarras  où  fe  mettent 
les  Grammairiens  ,  pour  trouver 
cette  prétendue  allufion  de  Bii 
Nixii  avec  ce  vers  d'Ovide  ,  fait 
bien  voir  que  c'eft  une  applica- 
tion mandiée&  forcée.  En  effet 
on  na  jamais  marqué  les  noms 
de  ces  Dieux  :  au  lieu  que  parmi 
les  Divinités  féminines  ils  nom- 
moient  la  Déefle  Alemone  ,  qui 
fax  foi  t  croître  l'enfant  dans  le 
/ein  de  la  mère;  {a)  la  Parque 
ou  la  DéeiTe  Fartule ,  qui  préfî- 
doit  aux  couches  ,  6c  qui  y  or- 
donnoit  ;  Lticine  ,  qui  aidoit  la 
Sage-femme  ,  comme  autant  de 
patrones  des  femmes  grolles  ;  ck: 
Statine  (^)  la  DéefTe  aux  petits 

(4)  Vîà.  lertuIL  &c.  Turneb,  adverf.  lib* 
l^.caf.  34. 

(b)  Vid.  BerthoL  eypof.  V.  mpuerp.  rit,  p. 
i  5'  i 5.  Voyez  aufTi Ter;ul.  de  i'ame.    ^       v 

entans 


d* accoucher  les  femmes,  xj 
enfans  qui  fe  reiidoit  la  protec- 
trice des  nouveaux  nés ,  &c. 

Les  Payens  avoient  donc  bien 
compris  ,  que  tout  ce  qui  ref- 
fembloit  à  un  homme  ne  devoit 
point  être  appelle  aux  fecrets  des 
couches  des  femmes  j  &:  que  les 
Divinités  mêmes  éroient  alors  à 
craindre  fi  elles  portoient  le  nom 
ou  l'apparence  d'un  homme. 

La  pratique  des  Anciens  tou- 
chant les  accouchemens ,  prou- 
ve tout  ce  qu'on  vient  d'avancer. 
Un  monument  antique  qui  s'eft 
confervé  dans  un  jardin  de  Ro- 
me ,  (  4  )  &  dont  un  célèbre  Mé- 
decin nous  a  donné  lexplica- 
tion  ,  nous  apprend  quelle  étoic 
cette  pratique  par  la  qualité  des 
perfonnes  qui  y  font  repréfen- 
tées  :  en  voici  le  précis.  Ces  per- 
fonnes font  cinq  en  nombre  , 
toutes  femmes ,  l'accouchée ,  la 
Sage  -  femme  ,  la  nourrice  ,  ôc 

{a)  VU,  Gaffar,  Barshoî,  ex^of,  veter,  in 

c 


i6  De  r indécence  aux  hommes 
deux  autres  ,  dont  l'une  drefic 
des  figures  avec  un  ftilet  fur  un 
globe ,  ôc  l'autre  étoit  afliftante 
ou  témoin  :  car  chacune  avoit 
fa    fon£tion  pour  les  différens 
befoins  de  l'accouchée.  La  Sage- 
femme  la  foignoit  dans  {^%  cou- 
ches 5  &  traitoit  les  enfans  nou- 
veaux-nés ;  parceque  les  Sages- 
femmes  étoient  Médecines  (a) 
des  mères  &:  des   enfans  dans 
toutes  ces  fortes  de  cas.  Cétoit 
encore    une   femme    qui    étoit 
chargée  de  lever  le  nouveau-né 
de  terre  :  car  le  lévement  des  en- 
fans de  defliis  la  terre  ,  où  on  les 
avoit  pofés  fitôt  après  leur  naif- 
fance,  étoit  une  grande   céré- 
monie parmi  les  Anciens  ;  &  c*é- 
toit  aux  Sages-femmes  (  ^  )  à  fai- 
re cette  cérémonie.  Elle  fe  fai- 
foit   ou    au    nom   des   parens  y 
quand  ils  vouloient  le  nourrir, 
ou  au  nom  du  Magiftrat  ^  [e) 

(4)  Vid.Barthol.'^.ii.l%, 
(b)  -Ibid.pag.  37. 
{c)  Ibfl$ag,y.. 


i 


d'accoucher  les  femmes,  ±j 
quand  les  parens,  ou  pauvres  (  a  ) 
ou  reconnus  incapables  de  bien 
élever  des  enfans  ,  ne  vouloient 
pas  le  faire  lever  :  mais  de  qviel- 
que  manière  que  cela  fe  fit ,  ce 
n'étoit  qu  a  l'aide  de  la  Déeflc 
Levana^  (h)  que  les  Sages-fem- 
mes s*acquittoient  dignement 
de  cette  ronction.  La  nourrice 
eft  ce  qu'on  nomme  aujourd'hui 
la  remiieufe  ,  à  laquelle  Martial 
fait  cette  allufion  ; 

Cunarumfueras  motor  Charidc 
me  ?nearum , 

qui  étoit  chargée  du  foin  des 
langes  ,  du  blanchiiîage  de  Ten- 
fant  ,  &:  de  femblabies  menus 
foins  5  exprimés  dans  ces  vers  : 

(c)  Opus  nutricl  autem ,  utrem  ha,'* 
beat  veteris  ijini  Lar gîter  , 

(a)  Seneque  ,  1.  i .  controver .  9 , 

(b)  Augujl.  de  Ci  vit.  Dei  ^  /.  4.  c.  1 1. 
le)  Fiant, trucuL ad.  V, 

Cij 


2  8  De  l* indécence  aux  hommes 

\Jt  dies  nocîefque  potet  :  oftis  ejl 
igné  y  opus  e/i  carbonihus , 

Fafciis  opus  eji ,  pulvinis ,  cunisy 
incunahulis. 

Et  dans  cet  autre  endroit  d'un 
ancien  Poète  ,  {a)  où  il  eft  parlé 
de  la  nourrice. 

Puerifafciarum  lavatrix. 

Des  deux  autres  affi fiantes  , 
Tune  fe  rendoit  le  témoin  de  la 
nailTance  légitime  de  Tenfant  ; 
afin  que  le  père  en  étant  cer- 
tain, le  fit  infcrire  dans  les  re- 
giftres  publics  :  fans  quoi  l'en- 
fant n'auroit  point  été  habile  à 
fuccéder  ,  ni  à  hériter.  (  h  ) 

L'autre  qui  tient  un  ftilet  dont 
elle  écrit  fur  un  globe  ,  marque 
une  autre  coutume  des  Anciens, 
qui  au  jour  de  la  naiflance  de 
leurs  enfans  faifoient  des  vœux 


(4)  JFfchyl.  c£. 

\b)  Barth«l.  ibid.fag,  4«* 


d'accoucher  les  femmes,  1 9 
pour  leur  profpérité ,  Se  les  met- 
toient  par  écrit.  Cet  endroit  de 
Seneque  en  cft  une  preuve  :  (  ^  ) 
Etiamnc  optas  quod  tihi  optavit 
nutrix  tua ,  aut  pjtdagagus  ,  aut 
mater  y  &c.  Ces  vœux  cependant 
ne  devenoient  authentiques  ,  6C 
ne  s'écrivoient  fur  des  tablettes  , 
que  quand  les  habiles  de  ce  tems- 
là  y  avoient  paflTé  :  car  on  faifoit' 
venir  les  rhyficiens,  (h)  C'étoit 
les  Ajfrologues  ,  ou  difeurs  de 
bonne  avanture  ,  qui  au  jour 
qu'on  nommoit  l'enfant  étoient 
appelles ,  comme  pour  en  tirer 
l'horofcope  :  &:  c*eft  ce  qu'on 
appelloit/^/^  advocare  )  fata  fcri^ 
bere ,  fat  a  occupare. 

Voilà  un  grand  détail  :  mais  il 
ëtoit  néceflaire  pour  faire  voir  j 
que  tous  les  offices  qui  regar- 
dent le  fervice  des  accouchées 
étoient  remplis  par  des  femmes  j 
ôc  que  les  hommes  n'y  avoient 

{a)  EpJ}.  60. 
(/>)  Mathcmatitos, 

C  iii 


jo  De  l*lndêcence  aux  hommes 
nulle  part ,  ni  aucun  droit  d'aC- 
iîftance  :  [a)  ainfi  l'Antiquité  Ci 
précautionnée  dérailleurs  fe  re- 
pofoit  uniquement  fur  le  rap- 
port des  femmes  y  dans  une  des 
chofes  des  plus  nécefîaires  \  la 
vie  civile  ,  c'eft-à-dire  >  touchant 
l'aflurance  des  mariages  ,  ou  la 
certitude  des  enfans  ;  parceque 
la  préfence  des  hommes  dans  ces 
fortes  de  cas  ctoit  contre  le  droit 
naturel ,  ^  contraire  à  la  pu- 
deur j  [h]  In  partu  , muliernm  te- 
JiimonîHm  fufficit  y  quoniam  ^iro-^ 
rum  pr opter  pidorem  nema  admit-- 
titur. 

Un  fçavant  Médecin  Hollan- 
dois  (  c  )  s'étonne  ,  en  parlant  de 
l'ouvrage  de  M.  Bartholin  fjr  les 
accouchemens  ,  comment  à  cet- 
te occalîon  il  n^a  point  examiné , 

(  4  )  tsçque  j  ut  verumfatear,  îegi  uffîam  vi- 
ros  in  ipfo  fuerperii  a^n  pneflo  fuijje  Almelo' 
veen  ofufcul,  pag.  Sp, 

(b)  Djgef}.  1.2.  art.  lo.  §.de  ventre  infpî-'. 
etendo. 

(  c  )  Almeloveen  in  o2t*fctiL  pag.  8  5> 


d^  accoucher  les  femmes.        5 1 
s'il  y  a  eu  des  Accoucheurs  dans 
l'Antiquité.  Mais  apparemment 
que  cette  recherche  n  efk  échap- 
pée à  ce  fçavant  Auteur ,  que  par- 
ce qu  on  n  en  parloir  pas  encore 
de  fon  tems  :  ce  qui  eft  une  au- 
tre preuve  en  faveur  des  Sages- 
femmes  contre  eux.  En  effet  k 
droit  de  préfence  aux  accouchc- 
mens    appartient  tellement  en 
propre   aux  femmes  ,    que   les 
Athéniens  expoferent  leur  ville 
à  une  forte  de  fédition  ,  pour 
avoir  eflayé  de  le  faire  paiTer  aux 
hommes.  Cette  hiftoire  eft  fans 
doute  la  plus  ancienne  époque 
des  Accoucheurs.  Mais  elle  leur 
fait  fi  peu  d'honneur  ,  ôc  établit 
fî  parfaitement  le  droit  des  fem- 
mes ,  qu'on  doute  qu'ils  efTayent 
jamais  de  s'en  parer.  En  voici 
l'hiftoire.  (^; 

L'Aréopage  s'avifa  de  faire  dé- 
îcwk  aux  femmes  de  fc  mêler  de 

(^)   Igin.fabut.  c.  274.  f .  201.  xfid.  Atigm* 
E^ifi.  &  ionf.  medicin.  î.i.c.iy. 

C  iiij 


ji  De  f  indécence  aux  homme f 
Médecine ,  &  de  pratiquer  les  ac- 
couchemens ,  qui  eft  une  dépen- 
dance de  cette  profeiîion.  Mais 
les  Dames  Athéniennes  ne  pou- 
vant le  foumettre  à  une  Loi  fi 
contraire  à  la  pudeur  ,  aimoienc 
mieux  mourir  faute  de  fecours  , 
que  d'emprunter  celui  des  Mé- 
decins ,  que  TAréopage  avoit 
chargez  de  cet  emploi.  Une  jeu- 
ne fille  nommée  Agnodkc  tou- 
chée des  malheurs  de  ^^s  conci- 
toyennes ,  prit  le  parti  de  fe  dé- 
guifer ,  &  fous  l'habit  d'un  hom- 
me alla  s'inftruire  de  la  Médeci- 
ne 5  fur  tout  de  l'art  d'accou- 
cher ,  dans  la  fameufe  école  de 
Médecine  à'HierophiU.  Elle  réuC- 
fit  dans  cet  em.ploi  :  elle  fit  con- 
fidence aux  Dames  Athéniennes 
de  fon  fexe  ôc  de  fon  fçavoir  fai- 
re ,  &  entra  en  pratique  avec  tant 
de  fuccès  &  de  vogue ,  que  la  ja- 
louae  en  prit  aux  Médecins.  Ils 
attaquent  le  prétendu  Accou- 
cheur 3  comme  s'il  avoit  moins 


d*  accoucher  les  femmes.  3  3 
fait  métier  de  fecourir  les  Da- 
mes ,  que  de  les  corrompre.  Citée 
au  Sénat  elle  prouve  fon  fexe  >  & 
par  là  fe  juftifie  de  fon  innocen- 
ce. Mais  les  Accufateurs  profi- 
tant de  Tavcu  d'un  ennemi  qu'ils 
vouloient  perdre  ,  allèguent  la 
Loi  qui  interdifoit  la  Médecine 
aux  femmes ,  &  font  condamner 
Agnodice,  Alors  toutes  les  fem- 
mes d'Athènes  accourent  au  Sé- 
nat ,  crient  à  l'injuftice  ,  6c  fe 
plaignant  de  la  dureté  des  hom- 
mes ,  leur  reprochent ,  que  ce 
font  moins  des  maris  qu'elles 
trouvent  en  eux  que  des  micur- 
triers  ;  puifqu'ils  condamnoient 
dans  Agnodice  la  feule  perfonne 
qui  pouvoir  leur  épargner  une 
mort  cruelle  ,  à  laquelle  elles 
s'expoferoient  plutôt  doréna- 
vant ,  qu'aux  mains  &  aux  yeux 
des  hommes.  Le  Sénat  comprit 
l'injuftice  de  la  Loi  portée  con- 
tre les  femmes,  leur  permit  de 
rentrer  dans  leurs  droits  ,  6c  de 


34  ^^  l'indécence  aux  hommes 
pratiquer  la  Médecine  6c  les  ac- 
couchemens  à  l'ordinaire. 

Il  eft  donc  eonftant  par  cette 
hiftoire  ,  que  l'art  d'accoucher 
étoit  entre  les  mains  des  femmes, 
avant  m.ême  que  les  hommes  fon- 
geailent  à  s'en  mêler.  Car  enfin 
pourquoi  ordonner  que  les  Mé- 
decins   pratiqueroient   doréna- 
vant les  accouchemens  y  &i  pour- 
qi'oi  le  défendre  aux  femmes  , 
fi  les  hommes  en  étoient  en  pol- 
feffion  avant  elles  ?  Or  que  les 
femmes  fuffent  au  contraire  dans 
cette  polTeffion  ,  cela  paroît  par 
l'étrange  oppofition  ou  fc  trou- 
vèrent les  Athéniennes  contre 
cette  Loi ,  qui  leur  parût  nou- 
velle y  inoiiie ,  de  contre  la  pu- 
deur. On  Trouve  enfin  dans  les 
ancien^  Auteurs  (  a  )  des   liftes, 
des  Sa2;es-femmes  célèbres  ,  les 
monumens  antiques  en  font  foi, 
6c  les  Loix  ordonnent  de  leurs 

(a)  Galknfcrihon.  farg.Paî.  Mgtn.  Aetin:^ 


d'accoucher  les  femmes.  5  y 
honoraires ,  tandis  que  Ton  ne 
trouve  dans  les  Livres  ou  aiU 
leurs  ni  trace  ,  ni  veftige  d'Ac- 
coucheurs. 

Voudroient-ils  pour  s'autori- 
fer  fe  faire  honneur  a  Albert  le 
grand  y  comme  de  leur  Inftitu- 
teur  ;  parce  que  de  malins  Au- 
teurs ont  voulu  le  faire  palTer 
pour  Accoucheur  ?  [a)  Mais  qui: 
ne  fçait  que  le  fait  eft  faux  ?  puif^ 
que  la  Chronique  fcandaleufc 
(h)  en  fut  l'auteur  j  ôc  qu'une 
conjecture  incertaine  &  mal 
fondée  y  a  donné  cours.  Ce  n'eft 
donc  que  parce  qu'on  lui  a  attri- 
bué des  Ouvrages  (r)  plus  di- 
gnes ,  ce  femble ,  d'un  Accou- 
cheur que  d\în  Religieux ,  qu'on 
a  voulu  faire  croire,  qu'il  ie  fe- 
roit  mêlé  d'accoucher.  Mais  ou- 
tre que  cette  attribution  eft  con- 
tcftée  ,  ne  peut-il  pas  être  per- 

{ah  ) Voyez Bayle ,.D/<fî.  t.  r. 

{h)  Idem.  tom.  i.  pag.  i^(^o. 

(^c 2  De  naturd.revim  j  depcmis  mtilkrunSt. 


7,6  De  r Indécence  aux  hommes 
mis  aux  Philofophes  les  plus  fa- 
ges  ôc  les  plus  retenus,  de  parler 
de  tout  ce  qui  regarde  la  Phyfî- 
quc ,  parce  qu'ils  peuvent  fe  re- 
pofer  fur  la  foi  d'autrui  ,  de  ce 
que  rhonnêteté  ôc  la  bienféance 
ne  leur  permet  pas  d'examiner 
par  eux-mêmes  ? 

On  ne  trouve  donc  ni  dans 
l'Antiquité  la  plus  éloignée  ,  ni 
dans  les  (iécles  poftérieurs  aucun 
veftige  d'Accoucheur  :  au  lieu 
que  dans  tous  les  tems  on  trou- 
ve des  preuves  confiantes  ,  que 
les  femmes  ,  au  danger  même  de 
leur  vie ,  ont  toujours  été  très- 
oppofées  à  fe  laifTer  voir  &  tou- 
cher par  des  hommes ,  en  cas  mê- 
me de  maladies  mortelles.  L'hif- 
toire  qui  fuit  ne  laifle  rien  à  fou- 
haiter  là  deffus  :  {a)  elle  eft  d'u- 
ne grande  Princefle  ,  &:  d'un 
tems  beaucoup  moins  éloigné  de 
nous  que  celui  à\Albert  le  grand  : 
(b)  d'oùToupeutconclurre^que 

(a)  Fn  148^. 
\b)  En  izao. 


cT  accoucher  les  femmes,  t^j 
depuis  ce  grand  Homme  les 
perfonnes  même  les  plus  quali- 
fiées ,  ne  fçavoient  pas  encore 
ce  que  c'étoit  qu  Accoucheurs  , 
ni  tout  ce  qui  leur  rellemble. 

Marie  [a)  héritière  de  Bourgo- 
gne tombée  de  cheval  à  la  chalîe, 
fe  blefla  dans  ces  parties  que  la 
pudeur  empêche  de  nommer.  Le 
cas  ëtoit  preflant  ,  la  néceflité 
prouvée  ,  la  perfonne  grave  : 
rien  par  conféquent  n'étoit  Ci 
capable  d'excufer  une  femine  , 
qui  dans  ctt  état  fe  feroit  mon- 
trée à  un  homme  expert  Se  con- 
noiffeur  en  ces  matières.  Un  Ac- 
coucheur auroit  donc  paru  là  à 
fa  place ,  fî  la  coutume  avoit  été 
dans  ces  tems  d'en  appeller  en 
pareil  cas  :  mais  cette  Prince{Ic 
n'en  connoiiïbit  point  :  la  veuc 
même  d'un  Chirurgien  ,  parce 
que  c'étoit  un  homme ,  lui  parut 
infupportable  dans  cette  occa- 

(c)  Varillas  ,  Hiit.  ae  Louis  XI.  1.  ^.  p. 


3?  I>^  r indécence  aux  hommes 
fîon  de  néceffité.  Les  promedes 
toujours  flateufes  ,  quand  elles 
afTurcnt  de  la  vie ,  ne  purent  la 
fléchir.  Elle  fongea  bien  plus  à 
ménager  fa  pudeur ,  qu'à  pro- 
longer fes  jours  ;  &  perfuadée 
qu'une  femme  fage  devoir  préfé- 
rer de  mourir  plutôt  que  d'ob- 
fcurcir  en  elle  cette  vertu ,  clic 
craignit  moins  Thorreur  de  la 
mort,  que  les  mains  ôc  les  yeux 
d'un  Chirurgien,  Nos  Dames 
fans  doute  diront  que  c'étoit  une 
foiblefle  dans  cette  Princeffè , 
une  pudeur  mal  entendue ,  une 
pufillanimité. 

StultoYum  incuYdtdfudor  malus 
ulcéra  celât. 

Mais  qu*on  dife  tant  qu^on  vou^ 
dra ,  réplique  un  fçavant  Auteur, 
{a)  [  non  fufpcft  de  bigoterie ,  ) 
que  ce  fut  porter  la  honte  jufqu'à 
rexcess  cette  faute  ejl  d'une  telle 

(4)  M.  BaylejDid.  t.  i.p.  117. 


d*  accoucher  Us  femmes,  39 
nature ,  que  ceux  qui  la  commettent  y 
méritent  plus  notre  admiratiort'  , 
que  ceux  qui  ne  la  commettent  pas. 
Ctjl  une  efpece  dhéroifme  ,  c'ejl 
mourir  Martyr  de  la  pudeur^ 

Il  nous  refte  encore  de  nos 
jours  des  preuves  convaincantes, 
que  les  accouchemens  ne  feyent 
bien,  6c  n'appartiennent  de  plein 
droit  qu'aux  femmes.  Elles  fe 
trouvent  ces  preuves  dans  les 
Hôpitaux  ,  &  principalement 
dans  THôtel-Dieu  de  Paris.  Les 
fages  Adminiftrateurs  qui  y  gou- 
vernent n'auroient  pas  manqué 
d'y  établir  des  Accoucheurs  ,  fî 
la  fureté  publique  eut  eu  quel- 
que chofe  à  foufFrir  dans  les 
mains  des  fem.mes  :  mais  elles 
feules  y  préfident  aux  accouche- 
mens 5  fufTent-ils  bizarres ,  labo- 
rieux ,  6c  mortels.  Les  Accou- 
cheurs donc  n'ont  encore  pu 
Î>orter  leur  jurifdiction  jufques- 
à  ,  leurs  émiffaires  n*y  feroienc 
pas  reçus  ,  ôc  il  ne  s'y  drefle  d^au- 


40  De  V indécence  aux  hommes 
très  Elevés  que  ies  femmes.  Ce- 
pendant !es  pauvres  femmes  y 
font  habilement  fecouruës  ;  les 
accidens  n  y  font  pas  plus  fré- 
quens  que  fous  les  yeux  des  Ac- 
coucheurs; 6c  on  voit  par  le  peu 
d'orphelins  qui  reftent  des  ac- 
couchemens  de  THôtel  -  Dieu  , 
que  les  mères  6c  les  enfans  ne 
font  pas  moins  en  fureté  entre 
les  mains  d'habiles  Sages -fem- 
mes ,  telles  que  font  celles  de  ce 
célèbre  Hôpital,  qu'entre  celles 
des  plus  fameux  Accoucheurs. 


CHAPITRE     IV. 

^ue  les  maximes  de  la  Religion 

chrétienne  font  contraires  a  la 

profejjion  d'Accoucheur, 

IL  n*eft  rien  que  TEcriture  & 
les  Pères  ayent  tant  fait  ap- 
{)réhendcr  à  des  Chrétiens,  que 
c  commerce  entre  perfonnes  de 

difFércns 


£  accoucher  Us  femmes.  4 1 
difFérens  fexes  :  car  comme  ils 
font  faits  pour  devenir  Saints  , 
(  4  )  la  moindre  chofc  ,  fur  tout 
en  matière  d'impureté  pourroit 
les  foiiiller.  (h)  Les  Payens  fe 
permettent  de  voir  des  objets  in^ 
décens  ôc  des  peintures  lafcives  : 
mais  pour  nous  ,  leur  dit  un  Pè- 
re (<:)  de  TEglife  en  relevant  la 
pureté  des  Chrétiens,  nous  n'ac- 
cordons pas  même  à  nos  oreil- 
les de  rien  écouter  d'impur , 
Nos  ne  aures  qnidemjïupris  acfor- 
nicationïhus  incfuindrï  njolumus  s 
parce  que  les  Pères  étoient  per- 
fuadés  ,  que  c'étoit  participer  au 
crime ,  que  de  lui  prêter  fes  oreil- 
les ou  fes  yeux.Scûr^auj7^nt^z]oU'-^ 
te  le  même  Père ,  aures  vejîr^  yfor^ 
nicati  fhnt  oculi.  Mais  ce  n'étoit 
pas  feulement  des  chofes  vrai- 

(4)  Nos ^emts  ekCîitm ,  gensfanCîa,  &c, 
S.  Petr.Ep.  i.c.  2 


(b)  Noftro  populo  quid  forefl  objîct  ,  c«;W 
mis  Rdigio  efijine  macula  vivers  ?  LgCtant,  L 
infiit.  C.9- 
(  <r  )  S.  Clem,  Ahxanâr.  ibiàçm. 


D 


41  T>e  rindecence  aux  hommes 
ment  eriminelles ,  dont  ils  voit- 
loient  que  les  Chrétiens  fe  fifTent 
horreur  :  ils  les  obligeoient  enco- 
re à  s'interdire  tout  ce  qui  avoit 
l'apparence  de  mal ,  (  ^  )  Pudiciti^t 
chrtjlianjifatis  non  eji  e(fe  ,  veriim 
Ô'  videri  :  en  matière  fur  tout 
d'im.pureté,  prefque  tout  leur  pa-^ 
roifîbit  crime,  &:  ils  s'en  faifoient 
un  de  regarder  une  femme,  (h)  Fi- 
detur  fufcr  omnia  ejji  av.erfandus 
mîdlierum  afpe&us  y  non  Jolum  cnim 
Ji  tangantur  fed  etiam/l  fpecîentur 
peccare  ejf.  Mais  les  femmes  d'aur- 
jourd'hui  en  font-elles  quites 
pour  fe  laifTervoir  à  leurs  Accou- 
cheurs ?  elles  fe  trouvent  encore 
indignement  foumifes  à  l'aclioii 
de  leurs  mains.  Ce  font  donc 
moins  encore  des  regards  que 
des  attouchemens  qu  elles  per- 
mettent à  des  hommes.  Que  n  au- 
roient  donc  point  eu  à*dire  con- 
tre une  fi  honteufe  pratique  ces- 

( ^ )  s.  Tatil  Terttiîî.  ad  Uxor.pag.  1 60. 
^b  )  S.  Ckm.  AUxau.  f^àagog,  L  y.  ci  i>- 


et  accoucher  les  femme  f.  43 
îUuftres  défenfeurs  de  la  pudeut 
chrétienne  ?  Eux  fur  tout  qui  te- 
noient  pour  maxime  ,  qu'un  at- 
touchement fur  un  fexe  différent 
ëtoit  une  fcmence  de  crime  ,  (4  ) 
Tafius  inquïnationis  ejl  autor.  Ils 
fe  fondoient  fur  cette  autre  ma- 
xime de  l'Ecriture  ,  (  ^  )  q^'il  ejî 
bon  à  l'homme  de  ne  point  totfcher 
de  femme.  Car  enfin  ,  dit  un  autre 
Père  de  TEglife  fur  cet  endroit , 
(^)  il  n'eft  avantageux  à  l'hom- 
me de  ne  pas  toucher  de  femme, 
que  parce  que  c'eft  un  mal  de  le 
faire.  En  effet,  continue  le  mê- 
me Père,  l'Ecriture  ne  dit  pas 
que  c'eft  un  bien  de  n'avoir  point 
de  femme  ,  mais  que  c'eft  un 
bien  de  ne  la  toucher  pas  ^  parce 
que  ce  n'eft  qu'en  la  touchant 
qu'on  s'expofe  au  crime,  {d)  Non 
dixit  ^  honum  ejl  uxorem  non  habc^ 

(  a  )  S.  Bafil.  de  ver  a  vtrgin.  p.  é^r  f . 
(h)  S.  Paul,  epift.  i .  ad  Corinth.  c.  7. 
(c)  S.  Hieyonym.  l.  i.  ad  Jovmian^ 
(  d)  S,  Hkronym,  ibrd. 

D  ij 


^«4  'De  Vindeccnct  aux  hommes 
re  yfed  honum  ejl  mulierem  non  tan^ 
gère  s  quafi  in  taciu  fericulum  Jît, 
Tant  d'exactitude  ne  paroiffoic 
fi  néceffaire  à  ces  grands  Maîtres 
de  la  piété  chrétienne ,  que  parce 
qu'ils  croyoient  que  le  toucher 
eft  le  plus  dangereux  de  tous  les 
fens  5  par  la  raifon  qu'il  eft  le 
plus  féducleur  :  oc  il  ne  féduit 
il  puiflamment ,  que  parce  qu'il 
agit  plus  univerfellement  fur  le 
corps  :  car  les  fons  ne  frappent 
que  l'oreille  ,  les  faveurs  n'é- 
branlent que  la  langue  ;  mais  le 
toucher  agite  tout  le  corps  j  par 
ce  qu'il  eft  comme  le  fens  uni- 
verfel ,  le  fens  des  fens ,  qui  fe 
rencontre  dans  tous  les  autres  y 
êc  qui  affecte  &  remue  tous  les 
organes  ,  f  ^  )  Tacîus  fenfuum  om- 
nium ferniciofijjimus  ^  fœvijjîms 
ht  an  die  ns  ,  fenfus  reliquos  Uvlîatc 
fît  a,  ad  volupîatis  iUccebras  pcllit» 
Un  autre  Père  ajoute  que  (rf) 

(  <3  )  Bafil.  de  vîrgm.  fag,  ^14. 
{h}  Saint  Jérôme. 


^accoucher  Us  femmes.  4  5 
les  attouchemens  font  conta- 
gieux entre  les  perfonnes  de  dif- 
férent fexe  ,  &:  qu'ils  portent  i 
la  lubricité ,  même  fans  qu'on  y 
penfe  dit  un  autre  Saint  5(4) 
Mafcnlum  cornus  fœmi?ieum  aï  tin- 
gens  y  qukithet  ratione  modèrent ur , 
ad  congrejjiim  tamen  mutuo  Uten^ 
ter  incitantur,  A  quels  dangers 
donc  ne  s'expofent  pas  des  Chré- 
tiennes livrées  aux  mains  d'un 
Accoucheur  ?  Car  enfin  ce  font 
toujours  de  jeunes  perfonnes  , 
d'autant  plus  fufceptibles  par 
conféquent  de  vivacité  ôc  de  ten- 
drciTe  à  la  préfence  d'un  homme 
étranger  qui  les  couche ,  qu'elles 
auront  été  plus  retenues  ,  &: 
moins  accoutumées  à  en  fouffrir 
d'autre  que  leur  mari.  Dans  cet- 
te difpofition  il  eft  mal  aifé  de 
répondre  de  leur  imagination  , 
êc  on  doute  qu'elles  en  puilTenc 
furement  répondre  elles-mêmes, 

(^)  S,3afil.  de  virgin.^ag.  4 $6. 


4^  'De  Vindêunce  nux  hommts^ 
K^)  J^nntumv'u  bonâ  mente  CO" 
nentur  ,,  necejji  eji publicatione  fui 
fericHtcntur  ,  dum  penutitmiur 
ûculis  incertis  ,  &c.  Dans  le  tems 
qu'elles  ont  à  fe  défendre  contre 
le  plus  impérieux  des  {h)  fens, 
la  pudeur  du  moins  rifque  beau- 
coup alors  ,  &  n'a  pas  peu  à  fouf- 
frir  5  (  ^  )  ficfrons  duratur  yjicfu^ 
dor  teritur  yfic  folvitur  ,  ô'C 

Prétendra-t'on  que  le  danger 
des  attouchemens  ne  doit  s'en- 
tendre qu'en  matière  grave  &: 
de  conféquence,  &  lorfqu'ils  fe 
permettent  à  mauvaife  inten- 
tion ;  ôc  qu'une  femme  en  tra- 
vail fe  trouve  occupée  de  tout 
autre  fentiment  que  de  celui  de 
la  préfence  &  de  l'aflion  d'un 
homme  ?  Mais  ce  n'eft  pas  tou- 
jours au  moment  de  la  douleur 
qu'un  Accoucheur  rend  vifite  à 
une  femme  :   c'efl  fouvent  en 

{a  )  Tertul.  de  virg.  velandis  ,  fag.  1 8r •• 
(h)  Vid.  S.  Bafil.  de  virgin.  pjig.  ^14». 
((c  ),  Temill.  ibid. 


éFacctfUcher  les  femmes ,  47 
pleine  (anté  &  de  fens  raffis  qu'- 
on l'appelle  ;  comme  dans  ua 
doute  de  groilelîe  oii  les  femmesr 
veulent  s'airurer  de  leur  état  - 
ou  bien  même  lorfqu'une  fem- 
me peu  entendue  encore  en  ac- 
couchement, fe  livre  aux  mains 
de  fon  Accoucheur ,  autant  de 
fois  qu  elle  craindra  la  furprife. 
Ce  n  eft  donc  pas  toujours  pour 
des  femmes  fouffrantes  qu'ils 
font  appelles  [a), 

Voudroit-on  excufer  ces  at- 
touchemens^  &  dire  qu'ils  doi- 
vent être  iàns  danger  ,  parce 
qu'on  ne  les  accorde  qu'à  bont 
deffein  ,  &  dans  des  occafions 
fans  conféquence  ?  Mais  tout  eft 
à  craindre  à  la  pudeur,  {b)  etiam 
feminarum  oculos  pati  non  vult  :: 
èC  il  n'y  a  rien  de  fur  ou  de  mé- 
prifable  pour  une  Chrétierme  en: 
cette  matière  :  c'eft  même  un 

(a)  Voyez  la  DiiTertat.  fur  les  accouche- 
jnens. 

^  h     Tmull  ibicL 


48  T>e  V indécence  aux  hommes 
commencement  de  crime  pour 
elle ,  fi  elle  ne  craint  point  aflez  : 
{a)  Nam qui frAfumlt ,  minus jam 
njeretur  s  qui  minus  veretur  ,  mi^ 
nus  -pr.Udvet  ;  qui  minus  pr£cav et  y 
■plus périclitât ur.  Timor fundamen^ 
tum  falutis  eji\  prœfumptio  impe- 
dimentum  timoris.  Un  Père  de 
l'Eglife  compare  la  moindre  li- 
berté en  matière  d'impureté ,  à 
CCS  petites  pierres  qu'on  jette 
dans  un  fleuve  :  elles  n*y  exci- 
tent d  abord  ,  dit-il ,  qu'un  foi- 
ble  trémoufTement  ;  mais  qui 
tout  d'un  coup  pafTe  dans  une 
agitation  univerielle  par  les  on- 
des redoublées  qui  croilTent  , 
s'étendent  &  pullulent ,  &  por- 
tent le  trouble  jufqu'aux  bords 
du  fleuve.  Ne  leroit-ce  point 
ainfi  ,  qu'un  attouchement  ac- 
cordé à  un  Accoucheur  par  une 
perfonne  fage  ,  que  la  mode  ,  la 
crainte  ,  &  la  complaifance  ren- 
dent trop  docile  dans  cette  oc- 
(  ^  )  TertulL  de  cultttfeminarum  ^  p.  i  f  4« 

•  cafion  5 


^dccouchtr  Us  femmes,  ^  ^  L 
Cafîon  ,  pourroit  devenir  erimi- 
nclle  ?  Car  enfin  la  volupté  cfl: 
trompcufe  5  &  fouvent  elle  faic 
d'étranges  progrès  pour  peu  qu*- 
on  s'y  laifTe  furprcndre  :  du 
moins  ne  pourroit-ce  point  être 
un  appas  vers  le  crime  ?  ear  à 
force  de  fe  laifler  toucher  par 
des  hommes ,  ne  pourroit-on  pas 
prendre  goût  à  des  attouche- 
mens  étrangers  6c  dangereux  * 
<  ^  )  Et  en  ce  cas  la  fidélité  dans 
les  mariages  feroit-elle  bien  en. 
fureté?  (i) 

On  fe  difculpera  en  difant ,' 
que  les  Accoucheurs  font  gens 
fages  ,  d'une  probité  connue  , 
&:  au-deffus  du  foupçon  ôc  de  la 
médifanec.  On  le  veut  croire  : 
on  ajoutera  même  .  qu'il  eft  de 
leur  intérêt  d'être  tels  :  mais  du 
moins  n'ofera-t'on  dire  ,  que  ce 
foient  des  hommes  agés;  parce 

(  ^  )  Voyez  la  Differt.  fur  le5  accouchcis 
mens,  p.  \6, 

{b)  Ibi4.  pageif» 

E 


^o  De  Psndéctnce  dux  hommes 
qu'alors  on  les  trouveroit  trop 
foibles.  Ce  font  donc  des  hom- 
mes encore  frais ,  entre  les  mains 
defquels  on  remet  de  jeunes  fem- 
mes. Mais  tels  qu'ils  puilTent 
être ,  du  moins  font-ce  des  hom- 
mes  ,  par  qui  une  femme  ver- 
tueufe  doit  toujours  craindre  de 
fe  laiflcr  voir  êc  toucher  •  puif- 
que  les  Pères  de  l'Eglife  veulent 
qu  elle  craigne  la  familiarité  d'un 
parent  ,  d'un  ami  ,  d'un  frère. 
{a)  Suficit  feccatum y  & per  tac^ 
tuni  fraternd  manùs  ,  ac  per  facis 
&  diUciionis  ofculum  fcnfum  caY" 
nis  excitare. 

Le  danger  même  fera  double, 
^  par  conféquent  plus  grand ,  Ci 
on  le  confiderc  encore  par  rap- 
port à  l'Accoucheur  :  car  fi  les 
Pères  font  craindre  à  une  femme 
jufqu'à  fon  frère  même ,  ils  aver- 
tirent les  hommes  de  craindre 
les  femmes  jufcjues  dans  leurs 

(  «  )  5,  BflfiU  ds  Vir^m.  ^Ag.  6  j  j;^ 


l 


d^accouchcrîes  femmes,        ^i 
propres  mères  :  [b)  ,^id i}2terejl 
utrum  in  uxore  an  in  matre  ,  dum 
tamen  Eva ,  in  qualihet  muliere  ca^ 
njeatur.    Avancera -t'on  pour  la 
défenfe  des  Accoucheurs  ,  que 
la  condition  des  perfonnes  qui 
les  appellent   doit  rendre  leur 
profeflion  innocente ,  parce  que 
ce  ne  font  que  des  Dames  de 
qualité  ,  dont  le  rang  &  la  di- 
gnité tiennent  l'imagination  de 
rAccoucheur  en  refpect  ?  Mais 
on  fçait  &  on  voit  avec  douleur, 
que  leur   prétendue   profeiîioii 
cil:  un  métier  public ,  où  Ton  fait 
fortune  ;  parce  que  chacun  y  a 
droit  pour  fon  argent.   Ce  n'eft 
donc   plus  uniquement  auprès 
des  Dames  de  condition  qu'ils 
fe  trouvent  appelles  ,  ÔC  chaque 
femme  veut  joiiir  du  privilé^^e  : 
l'imagination  d'ailleurs   ne  ref- 
pecle  perfonne,  elle  fe  prend  à 
tout.   Ceft  moins  enfin  la  qua- 
lité de  la  perfonne  qui  infpirc 

E  ii 


j  2  De  r indécence  aux  hommes 
une  mauvaifc  penfée ,  que  la  vo- 
lonté ou  le  mauvais  penchant 
qui  la  fait  naître  {a)  Culpam 
facît  non  dignités  fed  voluntas. 
Après  toutes  ces  raifons  de  Re- 
ligion &C  de  bienféancc  ,  on  lait 
fe  à  examiner  aux  Accoucheurs 
&  aux  Accouchées  ,  fi  leur  con- 
fcience  peut  être  en  fureté. 

Excuiera-t'on  les  Accoucheurs 
en  difant ,  que  c'eft  fur  des  fem- 
mes mariées  qu'ils  exercent  leur 
profeffion  ?  Mais  quoi  !  feroit- 
€c  donc  qu'une  femme  mariée 
li'auroit  plus  rien  à  perdre  entre 
les  mains  d'un  homme  étranger  ? 
ou  feroit-ce  qu'elle  fe  feroit  dé- 
faite de  tout  fentiment  de  pu- 
deur en  devenant  mère  ?  Ce  fe- 
roit faire  outrage  aux  mariages 
chrétiens  qui  font  innocens  par 
eux  -  mêmes  ,  ôc  qui  honorent 
ceux  qui  s'en  approchent  dans 


(^)  s.  Hiêfonym,  in  g^ùa^h,  Fabiola  $à 


d'accoucher  les  femmes.  53 
refprit  de  l'Eglife ,  (  4  )  Honora-' 
hilc  connuhium ,  thorus  immacula^ 
tus.  Une  femme  donc  pour  être 
mariée  n  eft  pas  moins  loumife  à 
la  modeftie  de  fon  état,  ôc  c*eft 
par  cette  raifon  qu  on  obligeoic 
autrefois  également  les  femmes 
êcles  filles  àfe  voiler,  [h)  Orâ 
tefive  mater ,  Jîve  foror ,  Jivejtli^ 
*virgo  5  vêla  caput  y  fi  mater  ,  frof^ 
terflios  îfifi)ror ,  prof  ter  fratres  s 
fi  filia  y  prof  ter  patres  y  &c.  Com- 
me il  eft  donc  de  la  pudeur  des 
vierges  chrétiennes ,  de  ne  rien 
permettre  fur  elles  de  la  part  de 
quelqu  homme  que  ce  foit  5  il  eft 
de  la  modeftie  d'une  femme  ver- 
tueufe  de  tout  refufer  à  tout  au- 
tre qu'à  fon  mari. 

La  pudeur  eft  donc  de  toute 
condition  j  &:  puifqu'unc  pcnféc 
peut  dérober  à  une  vierge  chré- 
tienne la  pureté  de  fon  état ,  (  ^  ) 

(^)  s.  Vaut.  cfij}.  ad  Hebra.  c.  1 3 .  f .  4» 
(h)  Tertull.  de  virgin,  veland.  fag.  \ii, 
(£•  )  S.  liiefonym.  e^ifi»  ad  Eujlochmm* 

E  iij 


54  ^^  H '^décence  mx  Sommes 
Mente  cnim  virginitas  ferit  y  pujT 

3uil  eft  poflîble  qifelle  cefic 
'être  vierge  par  le  cœur  ,  quoi* 
que  fon  corps  foit  encore  chafte, 
(  4  )  Nil  prode/l  carncm  hahere  vir^ 
ginis  y  fi  mente  quis  mipferit  ; 
n'eft-ce  point  expofer  une  jeune 
femme  à  une  forte  d'infidélité  , 
ou  d'adultère  fpirituel ,  que  de 
Texpofer  ainfi  aux  faillies  de  fon 
imagination  entre  les  mains  d'un 
Accoucheur  ?  c'eft  du  moins  lui 
infpirer  trop  de  familiarité  &  de 
confiance  pour  un  homme  étran- 
ger. Heureufc  l'ignorance  de 
cette  Dame  Romaine  ,  (^)  qui 
pôltt*  âvôir  peu  fréquenté  les 
hommes  ,  croyoit  qu'ils  ki\- 
toient  tous  mauvais  ,  parce  que 
fon  mari  avoir  l'haleine  puante  ! 
Cette  une  humeur  un  peu  moins 
fauvage  lui  auroit  épargné  cette 
{implicite. 

Par  tout  ce  qu'on  vient  de  rap- 

(  a)  Ibld. 

{b)  Billie dans Plutar<jue^ 


à^  accoucher  Us  femmes,  5  5 
porter  des  fentimens  des  Pères  , 
on  voit  combien  ils  auraient  été 
éloignés  d'approuver  la  profef- 
fîon  d'Accoucheur  :  mais  ce  qui 
fe  pratiquoit  de  leur  tems  en 
matières  femblables  à  celle  d'ac- 
eouchemens',  en  eft  une  preu- 
ve convaincante.  Si  une  vierge 
chrétienne  étoit  foupçonnée  du 
crime  d'impureté  ,  ce  n'étoit 
point  à  l'examen  des  hommes 
qu'on  s'en  rapportoit ,  mais  à 
celui  des  Sages-femmes.  (  a  )  Les 
fiécles  qui  ont  fuivi  le  font  tel- 
lement confirmés  dans  cet  ufa- 
ge  ,  que  s'il  arrivoit  quelque 
doute  fur  le  témoignage  des  Sa- 
ges-femmes qu'on  avoit  appel- 
lées  d'abord  ;,  ce  n'étoit  point 
des  hommes  qu'on  appelloitpour 
décider  du  doute  ,  mais  d'autres 
5ages-femmes  ,  ou  plus  habiles 
ou  moins  fufpectes.  {h)  Ceft 
pourquoi  tout  ce  que  nous  avons 

(  û  )  via.  S.  Cypn'an.  E-p.fag.  1 74. 

{h)  Décrétai,  de  GiégoirelX.  î.i.ç.  14, 

F  iiij 


^é  De  t indécence  aux  hommes 
d'Auteurs  qui  ont  traité  de  ces 
fortes  de  rapports  ,  fi  on  en  ex- 
cepte ceux  de  notre  tems  ,  par- 
lent tous  des  témoignages  des 
Sages-femmes  fur  ces  matières  , 
parce  que  c'étoit  à  elles  feules 
que  les  Juges  s'en  rapportoient , 
comme  on  le  voit  dans  le  droit 
Canon  &  Civil  :  (a)  marque  cer- 
taine qu'on  a  crû  de  tout  rems 
qu'il  auroit  été  contre  la  pudeur 
d'employer  des  hommes  en  pa- 
reil cas. 

Malgré  cette  précaution  il 
s'eft  trouvé  d'habiles  Auteurs  , 
qui  ont  trouvé  à  redire  même  à 
cette  coutume  d'expofer  le  corps 
d'une  fille  aux  yeux  d'une  fem- 
me :  car  outre  que  cette  preuve 
ëtoit  fort  incertaine  6c  fujette  à 
méprife  ,  comme  le  reconnoit 
lui-même  Saint  Cyprien  ,  (^)  6c 


(  A  ^  Dtgejl.  l.  9  '  tît.  2 .  ad  legem  Aquileiam: 
eap.  9'  ibîd.  lib.  i.  tit.  4.  de  infpcùndo  ventre 
Loy.  i . 

(b)  S.Cy^rim.Ef.  174. 


d'accoucher  les  femmes.  j  7 
comme  on  ?a  démontré  depuis. 
(  a  )  Quelques-uns  ont  crû  que 
c'étoit  vendre  trop  cher  à  une 
perfonne  fage  la  preuve  de  fon 
innocence  ,  .^^  vere  cajia  erat 
virgo  noluerit  (h)  fie  vindicari  >• 
&  d  autres  que  c'étoit  détruire 
ce  dont  on  vouloit  s'afTurcr.  In- 
ter  ûbftetricum  m  anus  virginitas 
occiditur,  (c)  Que  nauroient  donc 
point  dit  ces  fages  Auteurs ,  de 
voir  aujourd'hui  la  plupart  des 
jeunes  femmes  chrétiennes  fous 
les  yeux  &  entre  les  mains  des  Ac- 
coucheurs ?  que  d'obfcénité  n*au- 
roient'ils  point  remarqué  dans 
cette  infâme  coutume  î  que  d'in- 
convéniens  pour  la  pudeur  !  quç 
de  danger  pour  Tinnocence. 

(a)  Vide  Capîvaccium  de  Virgin,  Jtgn,  Au-* 
genium ,  Sebizium ,  &c. 

(b)  S.  Cyprian.  ef . pag.  174.?» n9t^ 

(c)  Ibid, ex Rigaltiç» 


5  3   P^  l'indécence  aux  hommes 


CHAPITRE     V. 

^u^e  la  profejjion  d'Accoucheur  ejt 
rarement  nécejfaire. 

LE  cas  de  néceffité  cft  donc 
le  feul  qui  puifle  rendre  l'of- 
fice d'Accoucheur  excufable  ; 
mais  ce  fera  lorfque  la  vie  de 
l'enfant  ou  de  la  mère  ne  pourra 
être  fauvée  que  par  fon  minifté- 
re.  Auiîî  en  cas  pareil  la  pudeur 
n'a-t'elle  rien  à  rifquer  :  car  l'é- 
tat trifte  ôc  affligeant  d'une  fem- 
me déconcertée  par  la  douleur 
hc  prête  d'expirer  ,  n'offre  rien 
que  de  mortifiant.  Ainfi  l'extré- 
mité de  la  malade  ,  la  menace  de 
la  mort ,  l'excès  de  la  foufiran- 
ce  5  la  perte  d'un  enfant  prêt  de 
périr  avant  que  de  naître ,  un 
fpeâiacle  fi  affreux ,  6c  un  état  fi 
humiliant ,  préviennent  tous  les 
dangers ,  &  chacun  fe  trouve  eu 


d'accoucher  les  femmes,      ^^ 
flireté  :   on   eft   comme  afliiré 
d'ailleurs  qu'en  ces  occafions  où 
la  néceflîté  eft  preflante  ,  la  mê- 
me ProvideiTce  qui  permet  la  né- 
ceinté  ,  soutiendra  &  préfervera 
ceux  ôc  celles  qu  elle  y  engage. 
Mais  fi  l'on  confidére  qu'il  n  y 
a  peut-être  pas  une  femme  entre 
cent  ,  peut-être  pas  une  entre 
mille ,  qui  fe  trouve  dans  cette 
prétendue  néceffité ,  il  fera  vrai 
de  dire ,  que  de  cent  femmes  il 
yen  aura  quatre-vingts-dix-neuf 
qui  pourront  ôc  qui  devront  fe 
pafTer  d'Accoucheur.     Ce   fera 
donc  au  plus  une  femme  encre 
cent  qui  en  aura  befoin  •  ainfî 
pour  une  fois  qu'un  Accoucheur 
fera  néceffaire  ,  il  y  en  aura  qua- 
tre-vingts -dix -neuf  oii  il  fera 
inutile.   Si  d'ailleurs  ce  befoin 
eft  de  nature  à  pouvoir  être  auflî 
fu  rement  foulage   par   la  main 
d'une  femme  habile  &c  expéri- 
mentée, que  par  celle  d'un  hom- 
me j  s'il  demande  prefque  tou- 


6o  De  lindktnee  aux  hommes 
jours  plus  de  tête  que  de  bras  ; 
il  enfin  l'habileté  d'un  fage  Mé- 
decin eft  ordinairement  plus  né- 
ceiïaire  que  la  maifi  de  qai  que 
ce  foit  ;  le  fecours  d'un  Accou- 
cheur deviendra  alors  inutile  ou 
dangereux  ,  6c  fa  profeflîon  de- 
viendra rarement  néceflàire. 

Or  il  cft  certain  que  c'eft  pref 
que  toujours  par  des  fecours  ti- 
rés de  la  Médecine ,  que  les  ac- 
couchemens  laborieux  fe  termi- 
nent heureufement  ,  quelque- 
fois par.  la  main  foutenuë  d'un 
grand  ufage ,  rarement  par  quel- 
que opération. 

Que  fi  c'eft  un  purgatif,  une 
faignée  ,  ou  quelqu  autre  remè- 
de qui  doive  tirer  une  femme 
d'affaire  ,  elle  s'expoferoit  à  d'é- 
tranges méprifes  entre  les  mains 
d'un  Accoucheur  :  car  lui  qui 
nagueres  tenoit  boutique  de  Chi- 
rurgien (peut-être  auez  peu  a- 
chalandée ,  )  lui  qui  n*a  ni  étu- 
de, ni  expérience  en  Médecine  » 


et  Accoucher  les  femmes.  S  i 
qui  n  en  fçait  que  ce  que  le  ha- 
sard lui  en  a  appris ,  qui  ne  con- 
noîc  au  plus  le  corps  humain  que 
pour  fçavoir  placer  une  incifion, 
mais  qui  ne  s*cft  jamais  inftruit 
à  fond  5  ni  du  cours  des  liqueurs, 
ni  de  l'ordre  de  leurs  circula- 
tions j  lui  qui  ignore  le  rapport 
des  parties  ,  avec  les  liqueurs  qui 
les  arrofent ,  de  le  rapport  des  re- 
mèdes avec  ces  mêmes  liqueurs  ; 
qui  n'entend  enfin  ni  l'oecono- 
mie  animale ,  ni  la  mécanique 
du  corps  humain  ;  cet  homme 
ainfi  dépourvu  de  connoiflance , 
d'expérience  ,  d'obfervation  ,  6c 
peut-être  de  bon  fens  en  Méde- 
cine, viendra  hardiment  décider 
d'un  remède  intérieur  dont  il  ne 
connoît  pas  la  route ,  d'une  fai- 
gnée  dont  il  ignore  les  effets,  d'u- 
ne purgation  dont  il  n'a  point 
:ippris  les  éciieils  ,  d'un  narcoti- 
que dont  il  n'a  jamais  eflayé  les 
dangers.  Doit-on  après  cela  s'é- 
,  tonner  des  malheurs  qui  lui  ar- 


Cz  De  V indécence  aux  homme's 
rivent  ?  puifqu  il  marche  au  Iia- 
zard ,  fans  régie  ,  fans  boulTole  , 
par  des  routes  étrangères  ^  dans 
un  pais  inconnu  pour  lui. 

On  croiroit  peut-être  quoii 
avanceroit  tout  ceci  fans  preu- 
ve: mais  en  faut-il  d'autre  de  fon 
peu  d'ufage  en  Médecine  que 
celle-ci  ?  Cet  Ex-chirurgien  qui 
entreprend  aujourd'hui  de  trai- 
ter une  fièvre  ,  un  tranfport , 
une  convulnon  dans  une  accou- 
chée ,  par  ce  qu'il  s'eft  érigé  en 
Accoucheur,  auroit  eu  honte  de 
fe  donner  pour  Médecin  la  veil- 
le du  jour  qu'il  s'eft  donné  ce  re- 
lief dans  le  moçde  ,  &  auroit 
craint  de  traiter  cette  même  fem- 
me non  accouchée  j  peut-être  ne 
le  voudroit-il  pas  même  encore 
étant  devenu  Accoucheur  ,  fi  la 
même  femme  avoir  les  mêmes 
maux  hors  le  tcms  des  couches. 
L'on  fçait  cependant ,  qu'il  faut 
infiniment  plus  de  tête  ,  d'habi- 
leté &  de  connoifTance  ,  pour 


d'accoucher  les  femmes,  6} 
traiter  tous  ces  maux  dans  une 
accouchée  que  dans  une  autre 
femme  :  il  cft  donc  certain  qu'en 
CCS  cas  qui  dépendent  de  la  Mé- 
decine une  accouchée  fe  trouve 
mal  placée  dans  les  mains  d'un 
Accoucheur.  Ajoutez  à  préfent 
que  ces  cas  dépendans  de  la  Mé- 
decine font  les  plus  fréquens  : 
6c  ce  fera  prouver  combien 
la  profeffion  dAccoucheur  eft 
rarement  néceflaire  :  voici  de- 
quoi  s'en  convaincre.  Si  Ton 
entend  parler  des  maladies  qui 
arrivent  pendant  la  groiïefle  ,  il 
n'en  eft  guéres  où  il  faille  plus 
d'habileté  ,  plus  de  connoifîan- 
ce  5  en  un  mot  plus  de  Méde- 
cine. En  effet  il  faut  connoître 
alors  non  feulement  eu  égard  à 
la  mère  ,  la  difpofîtion  du  fang  , 
les  délais  qu'il  foufFre,  les  dé- 
tours èc  les  altérations  qu'il 
prend ,  les  écarts  qu'il  fe  donne, 
6c  les  dépôts  qu'il  peut  faire  ; 
mais  il  faut  encore  en  être  inf- 


(^4  ^^  l* indécence  dux  hommes 
truit  par  rapport  à  Tenfant  dont 
il  faut  auffi  conferver  la  vie. 

C'eft  donc  une  Science  dou- 
ble 5  dont  on  a  befoin  pour  ia- 
rement  ménager  les  intérêts  de 
1  une  &  de  lautre  ,  en  ôtant  le 
fuperflu  de  la  mère  ,  fans  trop 
dérober  à  l'enfant  Or  tant  d'ha- 
bileté  &  de  juftefTe  ne  paroît  pas 
trop  de  la  compétence  d'un  Chi- 
rurgien 5  qui  s'étoit  plus  occupé 
de  former  fa  main ,  que  de  meu- 
bler fa  tête  de  tant  de  réflexions 
&  d'obfervations  inutiles  même 
à  un  habile  Opérateur.  Les  ma- 
ladies qui  arrivent  dans  le  tems 
des  couches  ne  font  pas  plus  du 
reffbrt  d*un  Accoucheur.  Une 
femme  trop  pleine  de  fang  ôc 
d'humeur  fe  trouve  furprife  a  ac- 
cidens  violcns  ,  d'efforts  invo- 
lontaires ,  de  douleurs  inutiles  : 
le  fang  alors  en  contrainte  ,  ôC 
les  efprits  en  défordre  ,  tiennent 
les  mufcles  en  convulfion  :  les 
parties  engorgées  prêtent  mal  ôc 

s'oppofent 


d^  accoucher  les  femmes,  6^ 
s'oppofent  à  la  fortic  de  Pcnfant  : 
tout  fe  révolte  donc  ,  de  les  li- 
queurs interceptées  agiffent  fur 
elles-mêmes  ,  ôc  s*animent ,  ou 
rebrouflent  vers  le  cerveau  ; 
alors  mille  accidens  mortels  fe 
préfentent  j  convulfion  ,  aiïbu- 
pilFement ,  douleurs  bizarres  &c 
à  contre  fens.  Ce  feroit  donc  de 
la  fouplefle  qu'il  faudroit  rendre 
aux  parties ,  en  rectifiant  le  cours 
du  fang  6c  calmant  les  efprits. 
Alais  font-ce  là  les  idées  d'un 
Accoucheur  ?  Mal  inftruit  donc 
de  la  manœuvre  qiuLfe  pafle  alors 
dans  le  corps  d'une  femme  y  ôc 
peu  à  porté  des  réflexions  qu'il 
faudroit  faire  ;  il  aura  recours  à 
des  purgations  dangereufes  ,  à 
des  apéritifs  indifcrets  ,  à  des  la- 
vemens  violens  ,  à  des  faignécs 
mal  entendues ,  &  fe  mettra  fans 
y  penfer  de  moitié  avec  le  mal , 
pour  le  rendre  plus  dangereux. 
Peut-être  même  fera-t'il  pis  que 
tous  ces  remèdes  :   déconcerté 

F 


é6  De  rindecence  aux  homme J 
par  l'excès  du  danger,  au  défaut 
de  tête  il  employera  des  bras  ,  il 
engagera  la  malade  dans  un  tra-* 
vail  prématuré ,  &:  l'enfant  dans 
un  danger  imminent  :  vous  de- 
mandez d'où  viennent  ces  con- 
tre-tems  ?  d'un  homme  hors  de 
place  qui  fait  ce  qu'il  peut ,  par- 
ce qu'il  ne  fçait  ce  qu'il  faut. 

Par  les  mêmes  raifons  ,  un^ 
Accoucheur  doit  être  aufli  peu 
entendu  dans  les  maux  qui  arri-» 
vent  après  les  couches  :  ainfî 
tantôt  des  tranchées  violentes  , 
dont  il  ne  comprend  pas  les  cau- 
fcs ,  l'engageront  dans  un  mau-- 
vais  pas  5  ôc  voulant  calmer  une 
douleur  preflante  par  un  remè- 
de qu'il  connoît  mal ,  il  jettera 
la  malade  dans  un  fommeil  éter- 
nel :  tantôt  groffiérement  inf^ 
truit  de  la  route  que  le  fang  tient 
ou  qu'on  lui  peut  faire  tenir  ,  il 
l'engagera  dans  les  vifccres  par 
des  faignées  mal  rangées  :  dans 
îunc  ridée  d'une   foiblefle  .0],l 


et  accoucher  les  femmes,  6j 
d'un  épuiflTement  mal  fondé  lui 
fera  ordonner  une  nourriture 
exceffive  :  dans  l'autre  le  foup- 
çon  d'une  cacochymie  imaginais 
re  lui  fera  prefcrire  une  purga- 
tion  dangereufc.  L'idée  d'acides 
&  d'alcalis ,  dont  il  aura  oiii  par- 
ler ,  lui  fera  venir  celle  du  Quin- 
quina ,  qu'il  ordonnera  pour  dé- 
truire un  acide  qu'il  foupçonne 
èc  qu'il  ne  connoît  pas.  Ce  ne 
fera  donc  qu'une  Médecine  de 
hazard  &:  de  caprice  que  celle 
d'un  Accoucheur. 

Son  miniftére  fera  plus  heu- 
reux ,  Il  c'eft  par  Tadrefle  des 
mains  que  la  malade  doit  être 
fecouruë^  car  il  eft  manifefte 
qu'un  homme  en  ce  genre  peut 
autant  qu'une  Sage- femme  :  mais 
puifqu'il  efb  plus  féant  &:  auflî 
fur  de  commettre  cet  emploi 
aux  femmes ,  comme  on  le  prou- 
vera ci-après  ,  il  faut  convenir 
encore  qu'en  ces  derniers  cas 
même ,  il  cft  inutile  d'appcUcr 

Fij 


è  8  T>e  V indécente  aux  hommes 
des  Accoucheurs.  Refte  celui  de 
Topération  feul ,  lorfqu  il  faut 
(a)  couper  ,  arracher  ,  dépecer 
un  enfant  dans  le  fein  de  fa  mè- 
re 5  car  à  ces  mots  on  reconnoît 
le  caractère  d'un  Accoucheur 
Opérateur  ,  qui  dans  ce  cas  mé- 
rite non  feulement  la  préféren- 
ce au-deffus  des  Sages-femmes  ; 
mais  à  qui  feul  il  faut  fe  rappor- 
ter de  ces  opérations  -,  parce  que 
lui  feul  fçait  manier  des  infkru- 
mens.  Mais  combien  ces  cas  font- 
ils  rares  ? 

On  dira  fans  doute  ,  que  c^eft 
réduire  la  profeffion  d'Accou- 
cheur à  de  rares  befoins  ;  mais  la 
raifon  le  fait  voir.  Car  après  tout 
ce  qu'on  vient  de  dire  j  on  efpérc 
que  perfonne  ne  trouvera  exa- 

(^)  Encore  (ê  tfouve-t'il  des  exemplef 
^opérations  faites  par  des  femmes  fur  les 
tcorps  de  leurs  femblable»;,  en  certains  caj 
qui  intéreflbient  la  pudeur,  heo  African,  nar- 
rât munus  circumcidendarum  muUerum  obin 
vetulas  quafdam  &c.  a^ud  Hust,  Nch  in  Origm* 


^accoucher  les  femmes.  S^ 
|;erée  la  propofition  qu'on  vient 
d'avancer,  qu'il  n'y  a  pas  une 
femme  entre  cent ,  peut-être  pas 
entre  mille ,  qui  ait  befoin  d'un 
Chirurgien  ;  de  que  par  confé- 
quent  ce  n'eft  pas  la  peine  d'éri- 
ger des  Accoucheurs  en  titre 
d'office. 


CHAPITRE     VI. 

^ue  U  coutume  de  fifervir  d'Ac- 
coucheurs ejl  moins  un  ujage  à 
recevoir ,  quune  entre frife  i  r^- 
frimer. 

ON  en  appellera  fans  doute 
à  Tufage  &  àTexempIc  :  car 
rien  n'a  tant  de  pouvoir  fur  l'cf- 
prit  du  monde  que  la  coutume^ 
{ a  )  qui  en  régie  les  actions  &  les 
maximes  en  fouvcraine  :  il  n'y 
avoir  pas  même  jufqu'à  la  Reli- 

(  <j  )  Omnium  domina  rerum.  AuL  Gell.^^g» 


70  Z>^  P Indécence  aux  hommes 
gion  ,  où  fon  empire  ne  fût  prêt 
3e  palTer  :  car  c'écoit  par  des-ufa»^ 
ges  ou  des  traditions  humaines  ^ 
que  les  Juifs  entreprenoient  de 
juftifier  leurs  prévarications  ^  &c 
d'excufer  leurs  erreurs  :  mais  le 
Fils  de  Dieu  a  fait  voir  l'injufti- 
ce  &  la  vanité  des  ufages ,  quand 
ils  ne  s'accordent  pas  avec  la 
piété.  Ceft  pourquoi  les  Cano-- 
niftes  ont  établi  depuis  ,  que 
quoi  que  ce  puifle  être  qui  foit 
ou  écrit  ou  reçu  dans  le  monde 
contre  le  droit  naturel ,  doit  être 
abrogé  ôc  réputé  nul ,  (^  )  «^^• 
cunque  vel  morihus  recepta  funt , 
vet  fcripturis  comprehenfa ,  Ji  na^ 
turali  juri  fuerint  adverja  ,  irrita 
haberi  dcbent.  Si  donc  la  coutu- 
me de  fe  faire  accoucher  par  des 
hommes  eft  contre  le  droit  na- 
turel ;  c'eft  moins  un  ufage  i 
conferver  qu'un  abus  à  détruire  : 
or  l'on  a  montré  que  cette  prati- 
que eft  contraire  à  la  pudeur, 
{a)  Canon,  Quo  jure  infnf.  VtftmCi*  8» 


d'accoucher  les  femmes,  ji 
qui  diftingue  les  hommes  de 
tous  les  autres  animaux ,  (a)  mais 
qui  eft  fur  tout  naturel  aux  fem- 
mes.  Une  autre  maxime  c'eft 
qu'une  coutume  ne  peut  tenir 
lieu  de  Loi ,  quand  elle  n'eft  fon- 
dée ni  fur  la  vérité ,  ni  fur  la  rai- 
fon ,  Confuetudinem  veritas  é*  y^ 
tio  excludunt  (  b  ). 

Il  n'eft  donc  pas  de  coutume 
qui  mérite  plus  d'être  abrogée 
que  celle-ci  ;  puifqu'il  eft  faux 
qu^un  Accoucheur  foit  néceflai- 
re  dans  les  cas  des  couches  ordi*' 
naires  qui  font  les  plus  fréquen* 
tes  5  6c  que. le  bon  fens  &  la  droi* 
te  raifon  font  voir  ,  qu'il  eft  de 
Tordre  qu'une  femme  en  accou^ 
che  une  autre. 

Que  Cl  d'ailleurs  la  coutume 
de  fe  faire  accoucher  par  des 
Jiommes  ,  eft  moins  l'effet  de  la 

(  «  )  Hocfoîum  animal  (  homo  )  natum  ejfptr^ 
doris  &  verecundia  particefs,  C/V.  /.  4.  de  fuig 
lus, 

i  ^  )  Can*  Verime ,  &  can^  Confumuk* 


^1  T)e  tïndécence  aux  hommes 
raifon  que  du  préjugé  ,  fi  la  ré- 
flexion Se  la  nécefTité  y  ont  moins 
de  part  que  le  prétexte  ou  Ter- 
reur ;  ce  fera  moins  un  ufagc 
qu*une  licence  ,  moins  une  cou- 
tume qu  un  mal-entendu  qui  ne 
doit  être  d'aucune  autorité  ;  (  ^  ) 
^uod  enim  non  cum  rationt  intro^ 
dudum  ejl ,  fed  errort  primum  , 
dtindc  confuctudine  ohtentum  efi , 
in  aliis  fimilibus  ohtineri  non  débet, 

L'ufage  donc  d*appeller  ordi- 
nairement des  Accoucheurs  efk 
manifeftement  abufif  j  piiifqu- 
on  le  fait  prefque  toujours  fans 
néceflîté  ou  fans  raifon  ,  comme 
on  la  fait  voir.  C'eft  par  confé- 
qucnt  le  cas  oii  la  coutume^nc 
peut  ôc  ne  doit  avoir  lieu  :  [b) 
Veritati  manifejlat£  cederc  débet 
confuetudo. 

Enfin  fi  Ton  examine  la  nature 
de  cette  prétendue  coutume  éta* 

(  ^  )  L.  quoà  non  rattone.  de  îegibm  Ù"  SenA'* 
tusconfuîtts. 

(  ^  )  Can,  verùate  &  can,  confuemdo* 

blie  5 


d*accoucher  les  femmes,       73 
blie ,  on  reconnokra  que  la  con- 
dition principale  pour  fonder  un 
ufagc  raisonnable  lui  manque  : 
c'eft  du  tems ,  qui  donne  le  poids 
6c  l'autorité  aux  ufages,  dont  on 
veut  ici  parler  j  car  il  eft  fi  nou- 
veau que  àts  femmes  ayent  pu  fe 
réfoudre  à  fe  livrer  à  la  difcré- 
tion  des  Accoucheurs  ,  6c  fi  in- 
ouï dans  l'Antiquité ,  qu'il  fe  foie 
jamais  foujEFert  rien  de  fembla- 
ble  même  parmi  les  Payens ,  que 
cette  coutume  paroît  reflembler 
mieux  à  une  erreur  de  pratique , 
qu'à  une  vérité  d'ufage  -,  elle  n'a 
donc  pour  elle  que  le  caractère 
d'erreur,  c'eft-à-dire,  la  nou- 
veauté  ;  &  l'antiquité  qui  eft  le 
propre  de  la  vérité  lui  manque. 
Or  une  coutume  nouvelle  ,  erro- 
née ,  &  mal  entendue  ,  expofe  à 
tous  les  dangers  de  l'erreur  :  Con- 
fuetudûjlnc  veritate  y  vetuftas  erro- 
ris  efl. 

On  demandera ,  s'il  eft  poiîî- 
ble  qu'une  pratique  qui  feroit  fi 

G 


74  ^^  r indécence  aux  hommes 
manifeftement  dangereufe  eût 
pu  faire  tant  de  progrès  en  lî 
peu  de  tems  ?  Quoi  donc  ,  il  au- 
roit  pu  arriver  que  tant  de  fem- 
mes lages  ôc  régulières  en  toutes 
chofes  5  fe  fufîent  ahufées  jus- 
qu'au point  de  fe  laifTer  aller  au 
torrent  d'un  ufage  condamna- 
ble 1  Mais  qui  ne  fçait  le  pou- 
voir de  l'exemple  fur  l'imagina- 
tion ?  D'ailleurs  tel  eft  l'artifice 
de  l'ennemi  commun  du  falut 
des  hommes  :  des  leçons  ouver- 
tes 6c  grofTiéres  d'impureté  lui 
auroient  mal  réuffi  pour  attaquer 
la  pureté  des  mères  chrétiennes  : 
il  a  trouvé  une  voye  plus  fûre  & 
plus  abbrégée  pour  leur  porter 
des  coups  mortels  ,  qui  eft  celle 
de  l'exemple  :  (  ^  )  Longum  iîer  ejî 
fer  prjtcepta  ,  brève  &  efficax  per 
exempla.  Il  a  donc  employé  des 
exemples  de  leurs  {emblables  ; 
parce  qu'il  n'eft  rien  qui  déter- 
mine auflî  puilTamment  que  l'ç- 
(4)  Sçnec^ ad lî*cih 


d'accoucher  les  femmes,  7  5 
xemple  entre  gens  égaux  êc  de 
même  nature  :  (  ^  )  'OiiO  nos  ma^ 
xime  movent  Jimïlitudo  d^  exem^ 
flum,  Quune  femme  donc  en 
dan2:er  ,  quelle  fe  fera  peut-être 
exagère  a  elle-même ,  ait  ete  uti- 
lement fecouruë  par  un  Accou- 
cheur 5  une  autre  aura  crû  pré- 
venir ce  prétendu  danger  en 
Tappellant  tout  d'abord  ;  ôc  in- 
fcnliblement  chacune  fe  fera 
donné  le  droit  d'en  faire  autant , 

f)arce  que  chacune  fc  fera  éga- 
ement  crue  en  danger  entre  les 
mains  des  Sages-femmes.  Les 
hommes  peut-être  auront  uti- 
lement entretenu  ces  frayeurs  ,- 
attentifs  autant  quils  le  font  à 
fe  rendre  les  maîtres ,  peut-être 
auront-ils  habilement  profité  de 
Toccafion  ,  pour  étendre  leur 
autorité  fur  un  fexe  qu'ils  ai- 
ment à  alTujettir  :  ils  auront  trai- 
té la  pudeur  des  femmes  de  foi- 

Gij 


7^  "Dt  rindcccKcc  aux  hommes 
bleue  5  6c  leurs  icrupules  de  pii- 
fillanimité  :  c'eft  ainfî  qu  on  leur 
aura  inlenfiblement  appris  à  fe 
défaire  d'une  honte  qui  hono- 
roit  leur  fexe  6c  qui  foutenoic 
leur  piété  :  elles  feront  donc  par- 
venues à  croire  qu'il  n'y  a  guéres 
d'apparence  qu'on  puiiTe  deve- 
nir criminel  au  milieu  de  tant 
de  complices  ,  ôc  qu'une  faute 
même  .n'eft  plus  coniîdérable  , 
quand  elle  eft  devenue  celle  de 
la  plupart  des  honnêtes  gens  : 
(  a  )  Multîtudine  feccdntîHm  tolli" 
tur ,  é"  defmit  ejje  probri  locc  corn-- 
mune  mdedicîtirn, 

Mpjs  puifque  l'exemple  a  eu 
tant  de  pouvoir  fur  les  efprits 
des  femmes  ,  qu'un  exemple  fa- 
ge  &  des  plus  autorifés  les  rap- 
pelle à  elles- m.êmes  ,  &  leur  ap- 
prenne ce  qu'on  doit  faire  6c 
penfer  de  ces  fortes  de  pratiques 
hontcufes  que  la  coutume  au- 


d'accoucher  les  femmes,  -77 
roit  établies.  L'exemple  quon 
leur  propofe  eft  celui  des  Em- 
pereurs 5  des  Princes ,  &  des  Ma- 
giftrats ,  qui  ont  employé  leur 
autorité  pour  abolir  certains  ufa- 
ges  déjà  établis  ,  uniquement 
parce  qu'ils  étoient  contre  la  pu- 
deur. 

Il  étoit  d'ufage  du  tems  de 
l'empereur Théodofe ,  {a)  d'en- 
fermer les  femmes  furprifes  en 
adultère  dans  d'infâmes  lieux  , 
pour  y  être  en  proye  à  la  pafTion 
du  premier  venu  :  bc  cette  infa- 
mie fe  commettoit  au  fon  d'une 
cloche ,  pour  rendre  public  6i  le 
crime  &  la  peine.  Ce  grand  Em- 
pereur défendit  cecre  coutume 
par  cçiTxc  feule  raifon  qu'elle 
étoit  honteufe.  Par  un  mem.e 
motif  Juftinien  abolit  enfuite  la 
coutume  établie  de  décider  par 
les  yeux  de  la  puberté  naturelle 
àcs  garçons.  { ^  )  La  Philofopnic 

(a)  Socrat.l.  f.c.  1-8 . 

{b)  Ob  mdçcQTiVn obfirvation^m  in  gxîonî- 

G  iij 


ji  De  l'indécence  aux  hormnes 
payenne  fe  rendit  auffi  peu  favo- 
rable à  tous  ces  moyens  hon- 
teux ,  quoique  {uirs  en  certaines 
occafions.  Ainfi  Lucien  lui-mê- 
me 5  athée  de  profeffion  ou  le 
plus  impie  des  Philofophes,  fe 
moque  du  moyen  qu'on  lui  pro- 
pofe  de  s'affurer  par  la  vue  du 
fexe  d'un  homme  qui  pafToit 
pour  femme  \{a)  tant  il  eft  vrai 
que  l'antiquité  croyoit  qu'il  n'y 
avoit  point  de  légitime  prétexte 
de  découvrir  ce  que  la  nature 
ordonnoit  fi  étroitement  de  ca- 
cher :(  ^  )  ,Su,<is  coYporis partes  na-- 
tura  occultavit  ,  eafdem ,  omnes 
qui  fana  mente  funt  y  removent  ab 
ocuiis,  Ainfi  une  Veftale  accufée, 
diit-elle  être  injuftement  abfou- 
te  5   {c)  étoit  renvoyée  comme 

manda,  marîum  pubertate  3  mares  fojï  excejftim 
14.  annorum  fiibefcere  exijlimentur ,  indagatio^ 
ne  corporisinhoneftâ  cejfame.  Cod.Quando  tm» 
tes  ejfe  definant. 

(  a^  In  Eumicho. 

(b)  Cic.  de  fnib.  /,  4. 

{c  )  Vakr,  Maxim,  /.  8.  r.  1; 


d'/iccoucher  les  femmes,  79 
innocente  fans  ces  forces  d'exa- 
mens ,  Çi  toute  autre  preuve  fc 
trouvoitinfuffifantc.  On  s'éton- 
nera peut-être  après  tout  ceci , 
que  les  Percs  des  premiers  tems 
de  l'E^life  avent  permis  que 
les  vierges  chrétiennes  qui  e- 
toient  devenues  fufpectes  fuf- 
fent  examinées  par  des  femmes  : 
mais  peut-être  que  ce  fut  une 
forte  de  punition  pour  celles  qui 
s'étoient  manifeftement  désho- 
norées ,  &  qui  par  conféquent 
méritoient  ou  s'attiroicnt  cette 
humiliation  :  peut-être  auffi  n*a- 
voit-on  point  allez  fenti  d'abord 
la  turpitude  de  cette  pratique , 
du  moins  fut-elle  bien-tôt  abo- 
lie ,  ôc  les  Pères  des  fiécles  pcfté- 
rieurs  la défaprouverent.  (^ }  Juf- 
te  &  digne  fort  des  honteufes 
coutumes. 

Mais  pour  ne  nous  pas  trop 

{a)  Qtiîd jibi velit ,  &  quofpeâîet  quoi  ob- 
Jîetricem  adhikendam  credideris  ,  &c.  S.  Jm^ 
krof.  e^.  ^4.  ad  Syragr, 

G  iiij 


S'o  I>e  l' in  décerne  aux  hommes 
éloigner  du  tems  où  nous  vi- 
vons ,  y  eut-il  jamais  coutume 
plus  communément  reçue ,  que 
celle  de  l'infâme  épreuve  dont 
on  faifoit  le  plus  honteux  des 
fpeâiacles ,  pour  s'aflurer  de  la 
validité  d'un  mariage  &  de  Tha- 
bileté  des  mariés  ?  bien  -  tôt  il 
s'en  feroit  fait  une  Loi ,  fi  l'au- 
torité du  Prince  ,  &:  la  fagelîc 
des  Magiftrats  n'en  euflent  arrê- 
té l'abus.  Faffe  le  Ciel  qu'ils  ap- 
perçoivent  encore  toute  la  hon- 
te de  celui  que  nous  combat- 
tons ,  ôc  qu'il  foit  déclaré  qu'il 
eft  contre  l'honneur  d'une  fem- 
me chrétienne  de  fe  laifTer  voir 
&  toucher ,  fans  une  indifpen- 
fable  néceflîté ,  par  un  Accou- 
cheur; puifque  les  Magiftrats  de 
l'ancienne  Rome  refuferent  mê- 
me d'ordonner  à  une  Dame  ac- 
cufée  ,  de  fe  laifTer  voir  à  une 
femme.  En  voici  l'hiftoirc  :  un 
certain  Carvilius  fe  plaignit  de- 
vant les  Juges  de  l'inhabilité  de 


d'accoucher  les  femmes,  8 1 
fa  femme  à  le  rendre  père  :  il  de- 
manda que  les  yeux  des  Sages- 
femmes  en  fiflTent  l'examen  :  il 
fut  blâmé  oc  débouté  :  (a)  j^^ 
mAtronale  decus  verecundiji  mwai" 
mento  tutius  ejfet ,  in  jus  vocrnti 
(  marito  )  matronam  cor  fus  ejus  at» 
tingere  non  fermiferunt ,  ut  invio- 
lata  manùs  aliène  taclàJioU  relin^ 
queretur. 


CHAPITRE     VII. 

^e  les  femmes  font  auffi  capables 

de  pratiquer  les  accouehemens 

que  les  hommes. 

D'Oii  viendroit  aux  femmes 
cette  prétendue  incapacité  ? 
feroît-ce  de  la  délicateiïe  de  leur 
corps  6c  de  Lîur  peu  de  forces  ? 
feroit-ce  de  la  foiblefle  de  leur 
efprit  ?  feroit-ce  de  Tignorance 
de  leur  fexe  ?  mais  tous  les  ac- 

(  ^  )  VaUr,  Maxim  .î,z,c,i.  atr».  % . 


il  De  l'indéccrue  aux  hommes 
conchemens  ne  font  pas  labo- 
rieux :  ainfi  pour  Tordinaire  il 
faut  plus  d'adreffe  &  d'habitude 
pour  cette  opération  que  de  vi- 
gueur 6c  de  forces.  Mais  s'il  eft 
vrai  que  les  femmes  font  au 
moins  auffi  adroites  de  leurs 
doigts  que  les  hommes ,  puif- 
qu  elles  ont  plus  de  finefTe  ôc  de 
délicatefTe  qu'eux  dans  les  orga- 
nes 5  il  ne  leur  faudra  que  de 
rhabitude ,  dont  elles  font  auffi 
capables  certainement  que  les 
hommes  ;  puifque  pour  cela  el- 
les n'auront  befoin  que  de  vie 
&  d'occafions  pour  fe  former  la 
main  :  or  elles  vivent  autant  que 
les  hommes  ,  &:  elles  trouveront 
infiniment  plus  d'occafions  qu'- 
eux ,  quand  les  hommes  vou- 
dront fe  renfermer  dans  le  né- 
ceflairc ,  &  abandonner  ,  com- 
me ils  le  doivent  aux  femmes  ^ 
tous  les  accouchemens  ordinai- 


res. 


Ces  occafions   d'ailleurs  de- 


d'accoucher  les  femmes.  85 
viendroient  d'autant  plus  fré- 
quentes 5  que  les  couches  des 
femmes  devicndroient  plus  rare- 
ment laborieufes ,  fî  les  Sages- 
femmes  feules  s'en  mêloient  : 
voici  comment. 

Les  couches  ne  deviennent 
ordinairement  difficiles  ,  que 
parce  que  les  femmes  font  mal 
gouvernées  dans  leurs  grofleffes  ; 
&:  elles  ne  font  mal  gouvernées 
alors  ,  que  parce  qu*elles  ne 
prennent  pas  d'afïez  bons  avis  j 
elles  ne  fe  trompent  enfin  dans 
la  conduite  qu^on  leur  prefcrir  , 
que  parce  quelles  s^adrelîent 
mal ,  c^eft-à-dire ,  à  gens  incapa- 
bles de  ces  fortes  de  eonfèils. 
L^aiTiduité  des  Accoucheurs  au- 
près d'elles  ,  dès  qu  elles  fe  foup- 
çonnent  grofles,  engage  infenfî- 
blement  leur  confiance.  Ce  font 
des  hommes  ,  &  c'eft  pour  elles 
un  titre  d'habileté ,  perfjadées 
qu^elles  font ,  qu^un  nomme  cft 
toujours  plus  habile  qu'une  fem- 


84  ^^  l'indécence  aux  hom-mes 
me.  De -là  cependant  arrivent 
mille  méprifes  :  car  les  Accou- 
cheurs n'avant  jamais  fait  les  é- 
tudes  néceflaires  par  rapport  aux 
maladies  des  femmes  grofles ,  ne 
s'étant  d'ailleurs  deftinés  quà 
des  fon£tions  manuelles,  ils  ne 
doivent  guéres  être  en  matière 
de  groflèfTe  plus  éclairés  que  des 
Sages- femmes  5  qui  comme  eux 
ne  fe  font  inftruites  que  du  ma* 
nucl  des  accouchemens.  Ajoutez 
que  les  maladies  des  femmes 
grofles  demandent  plus  d'habi- 
leté que  toutes  les  autres.  Puis 
donc  qu'un  Accoucheur  ferccon- 
noit  incapable  de  traiter  les  ma- 
ladies ordinaires ,  on  peut  con- 
clurre  qu  il  expofe  étrangement 
une  femme  grolTe  quand  il  en- 
treprend de  la  confeiller:  c'eft 
cependant  ce  que  les  Accou- 
cheurs font  tous  les  jours  ;  &: 
c'eft  de-là  que  viennent  tant 
d'accouchcmens  laborieux. 
Pour  fc  convaincre  qu'en  ceci 


^accoucher  les  femmes,  %  ^ 
rien  n  eft  exagéré ,  il  ne  faut  que 
s'appliquer  un  moment  à  con- 
fidérer  tout  ce  qui  fe  paffe  dans 
une  femme  à  Toccafion  d'une 
grolîeffe  ,  les  amas  qui  s'y  font , 
le  fuperflu  qui  s'y  amalle ,  les  re- 
tours de  ce  fuperflu  dans  les  vaif- 
feaux  5  les  impreffions  qu'il  va 
faire  fur  les  vifcercs ,  les  vices 
qu'il  va  porter  dans  le  fang  , 
dans  le  iue  nerveux  ,  6c  dans 
toutes  les  liqueurs  qui  fervent 
à  la  vie  :  joignez  à  tout  ceci  les 
défordres  qui  arrivent  dans  les 
digeftions ,  les  mauvaifes  diftri- 
butions  qui  en  fuivent,  &  les 
crudités  qui  s'accumulent.  Tant 
d'occauons  prochaines  de  mala- 
die demandent  une  autre  habi- 
leté que  celle  de  la  main.  Il  faut 
un  fond  d'ufage ,  mais  d'ufagc  é- 
clairé ,  qui  fçache  ménager  ce 
fuperflu  ,  qui  en  prévoye  Tes  in- 
convéniens  ,  qui  en  prévienne 
les  amas  6c  les  crudités.  Or  tant 
d'avantages  dépendent  d'un  ré- 


t  ^  T>t  rindccenct  aux  hommes 
gime  bien  entendu ,  &  d'évacua- 
tions fagemenc  placées  j  deux 
chofes  qui  font  abfolument  au- 
deffjs  de  la  portée  d'un  Opéra- 
teur ,  c'eft-à-dire ,  d'un  homme 
exercé  aux  opérations  de  la  main. 
Une  Sage  -  femme  n'en  fçaic 
pas  certainement  plus  qu'un  Ac- 
coucheur en  pareil  cas  ,  on  en 
convient  :  mais  elle  fent  fon  foi- 
ble;  5c  fon  peu  de  capacité  la 
rend  fage  &  circonfpecte  ,  ou  fa 
modeftie  lui  fait  prendre  confeil 
de  ceux  que  la  Providence  a  éta- 
blis fes  Juges  &:  fes  Maîtres  :  au 
lieu  qu'un  Accoucheur  n'en  re- 
connoît  point  d'autres  que  lui- 
même  ,  qu  il  conftituë  par  fon 
autorité  privée  Dictateur  &  inf- 
pefteur  en  chef  des  maladies  des 
femmes  -,  comme  fi  pour  avoir 
reçu  des  enfans  toute  fa  vie,  il 
ctoit  devenu  fouverain  en  A^é- 
decinc  •  &  comme  fi  c'étoit  la  mê- 
me chofe  d*accoucher  une  fem- 
me ,  &  de  prévenir  ou  guérir  fes 


^aiCouchcY  Us  femmes,  87 
maladies.  Cependant  qu'on  lui 
demande  les  titres  qui  lui  don- 
neroient  droit  de  faire  une  Mé- 
decine qui  eft  la  plus  difficile , 
il  n'en  aura  point  d'autres  que  fa 
préfomption  ôc  fa  témérité.  Car 
enfin  jamais  la  Chirurgie  ne  don- 
na droit  ni  habileté  pour  faire  la 
Médecine,  6c  un  excellent  Chi- 
rurgien peut  être  un  très-mau- 
vais Médecin.  Faffe  donc  le  ciel , 
que  cette  entreprife  audacieufe 
ôc  dangereufc  à  la  Religion  &  à 
TEtat ,  attire  un  auffi  fage  règle- 
ment que  celui ,  qui  par  les  foins 
du  plus  grand  (  a  )  des  Médecins, 
a  délivré  Paris  de  tant  d'autres 
avanturiers  en  Médecine. 

Mais  on  ajoute  ,  que  les  fem- 
mes ont  naturellement  l'efprit 
ou  trop  borné ,  ou  trop  foible  ; 
6c  que  ce  font  des  ignorantes  , 
très-peu  propres  à  tout  ce  qu'il 
faut  fçavoir  pour  bien  pratiquer 
les  accouchemens. 

(  /i  )  M.  Fagon  premier  Médecin. 


88  Z>^  r  171  décence  itnx  hommes 

Ce  neft  point  ici  le  lieu  de 
faire  Tapologie  de  lefprit  des 
femmes ,  6c  d'examiner  fi  elles 
feroient  propres  ôc  habiles  aux 
Sciences  :  (  4  )  cependant  on  ne 
craint  point  de  dire  en  pafTant 
qu'il  n'y  eut  peut-être  jamais  de  i 
foupçon  plus  mal  fondé ,  ni  d'ac- 
cufation  plus  injufte.  L'efprit  de 
la  femme  eft  de  même  nature 
que  celui  de  l'homme ,  crée  de  la 
même  main ,  anté  pour  ainfi  dire 
ou  renfermé  dans  la  même  ma- 
tière ,  également  organizé.  C'eft 
dans  les  deux  fexcs  une  fub (lan- 
ce ésialement  immortelle ,  defti- 
nce  a  connoitre,  a  aimer  ,  a  voir 
enfin  le  même  Dieu ,  faites  pour 
\^s  rnêmes  fonctions  :  d'ailleurs 
le  corps  de  la  femme  fit  d'abord 

(  4  )  Il  faut  voir  là-deflTus ,  Nobtlîljlmx  Vir- 
gitiis  Année  Maria;  a  Schiirman ,  Disert,  de  in- 
génu muliebris  ad  dotlrinam  Ù"  muliores  Ht- 
feras  aptitudine.  Voyez  aufli,  Sommaire  des 
grands  biens  que  Dieu  a  donnes  aux  femmes 
plus  qu'aux  hommes ,  ^ar  M,  Bonnet  DoClçnr 
es  Droits, 

partie 


Jf  accoucher  Us  fanmts.  %<^ 
partie  de  celui  de  rhommc ,  donc 
le  Créateur  détacha  une  portion: 
pour  créer  celui  de  fa  compagne. 
D'où  vicn droit  donc  cette  iné- 
galité d'efprit  dans  les  deux  fe- 
xes  ?  feroic-ce  de  l'inégalité  des 
organes  ?  ils  font  même  plus  dé-, 
licats  dans  les  femmes  que  dans 
les  hommes .  Seroit-ce  par  le  man- 
que de  difpo&ion  ?  on  les  a  vues 
capables  de  tout  bien  dans  Poe- 
cafion  ,  de  réHexion ,  de  pruden- 
ce ,  de  force ,  de  réfolution  ,  ^c. 
On  a  vu  des  Sçavantcs ,  àts  Hé- 
roïnes,  des  (4)  Politiques.  Se- 
roit-ce donc  pour  rendre  la  fem- 
me plus  (oumife,  que  Dieu  l'au- 
roic  fait  ignorante  ?  mais  la  né- 
ce  ffi  té  à  la  femme  de  fe  foumet- 
tre ,  a  une  autre  caufe  dans  1*E- 
criture.  Ne  feroit-ce  pas  d'ail- 
leurs avilir  l'homme ,  que  de  ne 
le  faire  dominer  que  fur  des  igno- 
rantes ôc  de  petits  efprits  ?  Il  eft 

(tf )  Viài  Vhlog,  HçYQînarum  AuuVetr* 

H 


ço  I>e  rïndeceme  aux  hommes 
donc  plus  naturel  de  penfer  que 
les  femmes  ne  font  ignorantes 
que  parce  qu'on  les  rend  telles  : 
elles  deviendroient  habiles ,  (rf) 
fçavantes,  éclairées  ,  fi  onculti- 
voit  leurs  efpritS; puilqu'on  a  mil- 
lion d'exemples  {o)  de  tout  ce  qu*- 
elles  peuvent ,  &  c'eft  prcfqu'au- 
tant  que  les  hommes  en  fait  de 
Sciences  ,  fi  on  les  y  appliquoit^ 

Du  moins  trouvera-t'on  en  el- 
les plus  d'efprit  qu'il  n  en  faut 
pour  être  d'habiles  6c  de  fçavan- 
tes Accouchcufes:  il  ne  faut  qu'- 
examiner en  quoi  confifte  cette 
Science, 

Il  y  faut  de  la  probité  :  perfon- 
ne  n'en  témoigna  tant  que  les 
Sages  -  femmes  d'Egypte.  C'efb 
aux  Accoucheurs  à  produire  des 
titres  de  probité  auffi  anciens  &: 
aufli  authentiques.  Y  faut-il  de 
l'honneur  ?  les  femmes  en  font 

(«)  M.  Bonnet ,  ibid. 
{h)  Vîd.  LoThîchhm  de Nohilit.  &  ferfe^; 
fexiij  femimi  3  f^arf. 


d*  accoucher  les  femmes,  9 1 
plus  jaloufes  que  les  hommes  j 
de  la  Religion  ?  elles  en  ont  juf- 
qu  au  fcrupule.  Des  maris  peu- 
vent-ils donc  confier  leurs  fem- 
mes &:  leurs  enfans  à  des  mains 
plus  {lires  ?  S'il  faut  gagner  la 
confiance  d'une  pauvre  fbufFran- 
te  ,  qui  le  fera  mieux  qu'une 
perfonne  de  même  fexe ,  qui  au- 
ra éprouvé  les  mêmes  embarras  ; 
qu'une  femme  enfin  naturelle- 
ment compatifiJante ,  plus  con- 
folante  &:  plus  adroite  auprès 
des  malades  que  quelqu'homme 
que  ce  fbit  ?  f  ^  )  Refte  la  Scien- 
ce dont  certainement  une  Sage- 
femme  a  befoin  •  auffi  en  eft-elle 
très-capable  :en  voici  la  preuve. 
Elle  doit  connoître  le  fujet 
fur  lequel  elle  a  à  travailler  :  ica- 
voir  la  ftructure ,  la  fituation  ; 
les  difFérenccs  ôc  la  nature  Ats 
parties  :  &  pour  tout  cela  ,  il  ne 
lui  faut  qu'une  très-légère  &  très- 

(  4  )  Uhi  non  ejl  muliçr  5  ihi  ingemifch  csgsw 

Hij 


l 


€)i  De  r indécence  aux  hommts 
Inperficielle  connoifTancc  ca 
Anatomie  ,  qui  ne  demande  que 
des  yeux  ,  de  la  mémoire  ,  &  un 
peu  d'application.  Joignez  à  ce- 
ci Tapprentiflage,  pour  ainfi  dire, 
qu'elle  ira  faire  dans  les  Hôpi- 
taux ^  fous  les  yeux  d'habiîes 
femmes  confommées  dans  leur 
profeffion  ,  telles  qu  ont  été  tant 
de  célèbres  Sages  -  femmes  des 
^écles  palTés ,  &  telles  que  font 
encore  celles  qui  travaillent  tous 
les  jours  iî  heureufement  dans 
THôtel-Dieu  de  Paris.  En  voilà 
certainement  autant  qu'il  en 
faut  pour  former  de  très -habiles 
Sages- femmes ,  &:  plus  fans  dou- 
te que  n'en  font  les  prétendus 
Accoucheurs  pour  fe  rendre  ha- 
biles dans  ctt  Art.  Car  enfin 
quels  eflais  a  fait  un  Accoucheur 
avant  que  de  fe  donner  pour  tel 
dans  le  public  ?  quelles  autres 
femmes  a-t'il  accouchées  ou  vu 
accoucher ,  avant  celles  qui  les 


d'accoucher  les  femmes,  9  3 
premières  fe  livrent  à  lui  ?  Ce 
font  donc  autant  de  coups  d'efTai 
qu'unAccoucheur  va  faire  quand 
il  entre  dans  le  monde.  Mais  oit 
eft  alors  la  {ureté  d'une  pauvre 
femme  qui  va  devenir  la  matière 
de  fon  chef-d'œuvre  ?  Ce  fera  fî 
l'on  veut  un  homme  verfé  ea 
Anatomie  &  confommé  en  Chi- 
rurgie ;  m^ais  il  eft  novice  Accou- 
cheur ôC  fans  expérience  ,  qu'un 
accident  imprévu ,.  ou  Timpatien-- 
ce  d'une  femme  va  déconcerter. 
Le  public  trouvera  donc  dans 
une  jeune  Sage -femme  le  plus 
grand  des  avantages  de  cette 
profeffion  j  avantp.ge  dont  un 
nouvel  Accoucheur  fera  privé  ; 
c'eft  l'expérience  qu'elle  a  par- 
devers  elle ,  &  qu'un  Accoucheur 
ne  fçauroit|fe  donner  qu'aux  dé- 
pens du  public^  parce  qu'il  n'y  a 
aucune  Ecole  pour  drefler  des 
Accoucheurs  ,  &  qu'il  y  en  a 
pour  former  des  Sages-femmes, 
Il  paroît  donc   prouvé  qu'une 


t)i\.  De  r indécence  aux  hommes 
femme  a  plus  d'erprit ,  de  force , 
hL  de  fcience  qu'il  n'en  faut  pour 
pratiquer  avec  fuccès  les  accou- 
ehemens. 


CHAPITRE     VIII. 

Oti  l'on  refond  au  rejîe  des  Objections 
qtion  fait  contre  Us  Sages- 
femmes, 

Première  Objection. 

ON  demande  s'il  n'eft  pas 
vraifemblablc  qu'un  Ac- 
coucheur déjà  exercé  dans  Part 
d'accoucher ,  mettra  moins  les 
femmes  en  danger  ;  6c  qu'il  fera 
plus  habile  qu'une  Sage-femme  ? 
Rep,  i^.  Qu'un  femblable  Ac- 
coucheur ne  mette  pas  les  fem- 
mes en  danger  ,  on  le  veut  croi-^ 
re  :  mais  fans  compter  les  fautes 
que  fes  comme ncemens  lui  au- 
ront coûté ,  6c  les  dangers  qu'- 
auront efluyés  celles  qu'il  aura 


d'accoucher  tes  femmes.       9  5: 
accouchées  d'abord^  fon  exem- 

Î)Ie  fera  une  occafîon  d'un  mil- 
ion  d'autres  fautes  pour  un  jeu- 
ne Accoucheur ,  qui  aura  à  fe 
Eerfeclionner  aux  dépens  du  pu- 
lie.  ^^,  On  accordera  encore  fî 
l'^on  veut ,  qu'il  fera  plus  habile 
qu'une  femme  ^  mais  ce  ne  fera 
pas  de  cette  habileté  nécefTaire 
pour  les  accouchemens  :  car  une 
Sage-femme  peut  en  fçavoir  là- 
defTus  autant  qu'un  homme.  3^» 
Enfin  s'il  a  plus  de  cette  fcien- 
ce  inutile ,  il  a  de  trop  en- 
core ia  qualité  d'homme  ,  qui 
cft  un  empêchement  dirimant 
pour  fe  faire  Accoucheur  hors 
les  cas  de  néceffité.  La  Loi  com- 
mune &  Tordre  établi  dans  tous 
les  tems  ,  c'eft  qu'une  femme 
en  accouche  une  autre  :  ce  fe- 
roit  donc  aller  contre  l'ordre  ôc 
enfreindre  la  Loi  en  faveur 
d'un  homme  ,  qui  n'a  rien  de 
plus  qu'une  Sage -femme  pour 
bien  pratiquer  les  accouchemens 
dans  les  cas  ordinaires. 


ç$  De  l'indécence  aux  hommes 
Seconde  Omection. 

Mais  d'où  viennent  donc  tant 
de  malheurs  entre  les  mains  des 
Sages  -  femmes  ?  pourquoi  tant 
d'ignorance  6c  d'impéritie  ?  ne 
fonr-ce  point  de  fuffifans  motifs 
pour  donner  droit  aux  hom- 
mes d'entreprendre  les  accou- 
chemcnspréférablement  aux  Sa- 
ges-femmes ? 

Ref,  Mais  1°^.  fi  Ton  ramaffbir 
avec  autant  de  foin  &:  auffi  pea 
de  charité  les  fautes  des  Accou- 
cheurs ;  Ç\  ceux  qui  font  capa- 
bles d'en  juger  êc  qui  font  té- 
moins vouloient  ouvrir  la  bou- 
che ,  peut-être  ne  trouveroit-oa 
d'autres  différences  entre  les  fau- 
tes des  uns  &:  des  autres  ,  finon 
qu'on  a  foin  d'expofèr  au  grand 
jour  les  fautes  des  unes  ,  tandis 
qu'on  fe  tait  fur  celles  des  au- 
tres. 2®.  Mais  accordons  cette 
ignorance  ^\  exagérée  :  à  qui  plus 
raifomiablement  s'en  prendre  , 

ou 


d*  accoucher  les  femmes.  97 
Ou  aux  femmes ,  ou  à  ceux  qui 
les  interrogent ,  qui  les  exami- 
nent ,  &  qui  les  reçoivent  ?  Ce 
font  Meffieurs  les  Chirurgiens 
eux-mêmes  qui  jugent  de  Phabi- 
leté  des  Sa2:es-femmes  :  s'ils  les 
trouvent  mal  inftruites ,  pour- 
quoi les  donner  au  public  pour 
habiles  ? 

Mais  voyons  fi  la  conféquen- 
ce  qu'on  tire  de  l'ignorance  des 
Sages-femmes  eft  bien  tirée.  Les 
Sages  -  femmes  font  ignorantes  ; 
donc  il  faut  leur  fabftituer  des 
hommes  pour  faire  leur  profef- 
fion  :  la  conclufion  naturelle  fe- 
roit  celle-ci ,  dohc  il  faut  les  inf- 
truire  ôc  les  rendre  plus  capa- 
bles. 

C'eft  ainfî  que  raifonncnt  les 
meilleurs  Auteurs  ,  qui  ayant 
en  effet  remarqué  qu*il  y  avoic 
trop  d'ignorantes  Accoucheufes, 
n'ont  point  conclu  à  mettre  des 
Accoucheurs  à  leur  place  ,  cette 
idée  les  auroit  fans  doute  cho- 

I 


ç8  De  l'indécence  aux  hommes 
qués  ;  il  ont  donc  conclu  qu'il 
falloir  les  mieux  inftruire.  C'eft 
le  raifonnement  d\m  célèbre 
Médecin  [a)  d*Allemagne  j  qui 
ne  s*efl:  point  avifé  d'obliger  les 
femmes  à  fe  fervir  de  Chirur- 
giens dans  leurs  couches-  mais 
qui  confeille  de  faire  mieux  inf- 
truire les  Sages- femmes.  De  mê- 
me un  célèbre  Praticien  {h)  ^ 
Profefleur  en  Médecine  à  Turin, 
(  quoique  le  Piémont  (  r  )  &  l'Ita- 
lie foient  les  lieux  où  fe  trou- 
voient  alors  moins  d'habiles  Sa- 
ges-femmes,) n'a  point  décidé 
en  faveur  des  hommes  ;  mais  il 
conclut  à  établir  des  Accou- 
cheufes  mieux  inftruites.  Il  faut 
donc  obliger  les  Accoucheufes 
à  fe  faire  inftruire  ,  &  à  étudier 
leur  profefFion  \  &  dans  cette  vue 
à  affifter  aux  directions  anato- 
jniqucs  qu'on  leur  fera ,  comme 

{a)  Bohn.offic.  de  Medic.f.  >; 70.  &c» 
(h)  Augen.  confU.pAg,  336.  &c, 
{c)  îLibid.fag.in, 


^accûucher  les  femmes,        9^ 
il  leur  eft  enjoint  dans  les  Facul- 
tés d'Efpagne.    (rf)  Ce  moyea 
(ufEra  pour  remédier  aux  incon- 
véniens  de  Tignorance  des  Sages- 
femmes  ,  fans  établi-  un  corps 
de  nouveaux  Ouvriers  dont  le 
monde  peut  aifément  fe  pafler. 
Si  d'ailleurs  il  failloit  ôter  de 
place  tous  ceux  qui  s'aquitenc 
mal  de  leur  devoir  ,  il  faudroit 
prefque  déferrer  les  profeffions  , 
ôc  changer  toute  la  face  du  mon- 
de :  il  fuffit  de  réformer  les  abus , 
fans  détruire  ou  ruiner  ceux  qui 
les  commettent. 

Troisie'me   Objection. 

On  ajoute  qu  on  eft  fait  aux 
Accoucheurs ,  &  que  le  monde 
n*y  trouve  point  à  redire. 

Rep,  Mais  1°.  la  piété  s*en  of- 
fenfe  :  la  coutume  d'ailleurs  n'ex- 
cufe  jamais  un  mal  qui  en  eft 
d'autant  plus  grand  quand  il 
vient  d'habitude.  Il  ne  faut  donc 

{a)  Utd. 

lij 


îoo  'Dettndiccnce  au-x  hommes 
qu*cxaminer  ,  comme  on  vient 
de  le  faire  dans  cet  ouvrage ,  lî 
c'eft  mal  à  une  femme  chrétien- 
ne de  fe  faire  accoucher  par  uii 
homme  ,  auquel  cas  la  coutume 
ne  fera  que  groffir  la  faute. 

2°.  Le  monde  ,  ajoute-t'on  , 
n'y  trouve  point  à  redire.  Mais 
à  quoi  ne   s*accoutume  pas   le 
monde,  &  à  quoi  ne  nous  ac- 
coutumcroit-il  pas  ,  fi  on  le  jpre- 
noit  pour  guide  en  fait  de  Reli- 
gion ?  la  paffion  même  lui  paroît 
fouvent  aimable ,  ôc  il  autorife 
ordinairement    d'indignes    ufa- 
ges  :  {a)  Terre na  civitas  li citant 
tuYpitHclinemfecit,  Il  fera  encore 
tin  peu  plus  mauvais  juge  quand 
\ç,%  chofes  l'intéreireront  autant 
que  celle-ci  :  car  qui  ne  craint 
de  contrarier  une  femme  grofle, 
qui  a  déjaaflez  à  foufFrir  de  fon 
état;  &:  à  quoi  ne  fe  réfout-on 
pas  en  fa  faveur  à  la  veille  de  {ts 
couches ,  &  lorfqu'elle  va  don- 
ner un  héritier  ? 
{« )  A^iufi,  à< çivft*  /.  14» ç»  ^h 


et  accoucher  Us  femmes,  i  o  t 
5°.  Enfin  le  monde  n'a  jamais 
été  averti  de  ce  défordre ,  il  a 
vécu  lur  la  bonne  foi  des  Accou- 
cheurs ,  qui  ont  eu  foin  de  lever 
fes  fcrupules.    Mais  il  n'en  eft 

f>lus  de  même  aujourd'hui  qu'on 
ui  fait  appercevoir  les  dangers 
de  cette  pratique  ,  ôc  combien 
elle  eft  contraire  à  la  pureté  ôc 
à  la  bienféance.  Ce  monde  ne 
mérite  donc  plus  d'excufe  à  pré- 
fent  qu'il  doit  comprendre  qu'u- 
ne femme  ne  rifque  pas  plus 
entre  les  mains  d'une  Sage-fem- 
me ,  qu'entre  celle  des  Accou- 
cheurs. 

Quatrie'me  Objection. 

Perfonnc  n'ignore  combien  de 
chofes  on  peut  fe  permettre  pour 
ia  fanté ,  &  les  égards  qu'on  lui 
doit  cxcufent  bien  des  inconvé- 
niens. 

Réf.  Mais  n'eft-cc  point  met- 
tre la  fanté  \  trop  haut  prix ,  que 
de  lui  tant  accorder  ?  n^eft-ce 

liij 


îoi  D^  r indécence  aux  hommes 
j)oint  en  faire  runique   nécef. 
iaire  ?  L'Apôtre  appelle  ravaricc 
une  idolâtrie  j  il  en  efk  donc  de 
plus  d'une  forte  ;  ôc  n'en  feroic- 
ce  point  une  que  de  fe  dévouer 
fî  fort  au  foin  de  fon  corps ,  ôc 
d'en  ménaser  fi  avarcment  les 
intérêts?  peut-être  quune  at- 
tention médiocre  pour  la  fanté 
auroit  quelque  chofe  de  plus  fiir 
pour  la  vertu  :  car  fi  un  homme 
moins  riche  a  moins  à  craindre 
qu'un  opulent ,  6c  fi  la  piété  rif- 
que  moins  dans  une  condition 
médiocre  que  dans  une  émincn- 
te  dignité  ;  qui  doutera  qu'une 
fanté  moins  affermie ,  cxpofera 
moins  la  vertu  ?    Mais  ce  n'eft 
même  rien  de  ce  foin  qu'on  veut 
ici  diminuer  dans  les  femmes  ; 
&  on  ne  prétend  en  rien  expo- 
fer  leur  fanté  :  on  ne  veut  que 
diminuer  leurs  craintes  entre  les 
mains  des  Accoucheufes  ;  elles 
n'en  feront  ni  moins  habilement 
ni  moins  fûrement  fecouruës. 


d* Accoucher  les  femmes,     103 
Cinquie'me  Objection. 

On  demande  encore  en  quoi  k 
pudeur  eft  fî  étrangement  bief- 
lée  5  quand  une  femme  accouche 
entre  les  mains  d'un  homme  ? 
cette  vertu  a-t'elle  donc  plus  à 
fouffrir  alors,  que  quand  une 
femme ,  une  fille ,  une  Religieu- 
fe  fe  livrent  à  un  Chirurgien  , 
pour  foufîrir  des  opérations  dans 
des  parties  fecrettes  ?  Enfin  on 
demande  ,  s*il  eft  plus  honteux  à 
une  femme  de  fe  laiflèr  accou- 
cher par  un  homme ,  qu'à  une 
fille  ,  peut-être  à  une  Religieux 
fe  5  de  fe  foumettre  à  Tapplica- 
tion  de  certains  remèdes  (a)  ca- 
pables de  falii;  ou  d'exciter  l'ima- 
gination^,, ôc  d^^rjxïer  de  hon- 
teufes  pe*>2:  r''0->  ^ordonne  ce- 
pendant ly^as  les  jours  ces  remè- 
des 5  &  il  fe  trouve  des  perfon- 
nes  pieufes  qui  s'y  foumettent , 
fouvent  même  dans  des  maux 
{ <ï  )  Enemata  uterina  ,  nafcaîta, 
I  iiij 


Î04  T>i  V indécence  auic  hommes 
qui  font  plus  incommodes  que 
dangereux ,  ou  qui  ne  menacent 
que  pourTavenir. 

Réf.  Ces  raifons  pourroient 
furprendre  ;  mais  en  voici  le  foi- 
ble.  Ces  opérations  que  fouf- 
frent  ces  perfonnes  par  la  main 
des  Chirurgiens  font  pour  gué- 
rir des  maux  incurables  fans  ces 
fècours  ,  que  d'autres  que  des 
Chirurgiens  ne  peuvent  admi- 
niftrer  ,  tandis  que  les  accou- 
chem^ns  qu'on  entreprend  in- 
terdire aux  Accoucheurs  ,  font 
fans  danger  &  pratiquables  par 
d'autres  ,  c'eft-à-dire  ,  par  les  Sa- 
ges-femmes. La  néceffité  donc 
excufe  ces  opérations  comme  el- 
le excufe  un  Accoucheur  quand 
lui  feul  peLti?"^-iverA-yie  à  une 
femme  :  ôc  c'àtt  deqicf  ï'^'^on  con- 
vient fuivant  cette  (4)  maxime 
de  faint  Thomas  ,  qu'il  y  a  cer- 
taines actions  ,  qui  tout  bien 
confîderé  renferment  une  dilTbr- 
(a)  Voyez  Loyens ,  Tr,  des  Pi%» 


d'accoucher  les  femmes,  i  o  j 
mité  &  un  défordre  ,  6c  que 
néanmoins  certaines  conjonctu- 
res peuvent  rendre  bonnes  6c  li- 
cites. Mais  ce  raifonnement  en 
fait  naître  naturellement  un  au- 
tre ,  qui  doit  fervir  de  preuve 
à  tout  ce  qu'on  vient  d'établir 
contre  les  Accoucheurs. 

Ne  fe  rencontre -t'il  pas  des 
femmes  ou  des  filles ,  qui  préfè- 
rent la  mort  à  la  honte  de  ces 
opérations  ?  nous  en  avons  ap- 
porté un  exemple  dans  la  per- 
fonne  d'une  grande  Princeiïe  j 
ôc  quand  le  monde  feroit  dé- 
pourvu de  ces  martyres  de  la  pu- 
deur ,  les  Cloîtres  réguliers  four- 
niroient  bon  nombre  de  c^s  for- 
tes de  vidlimes  :  cependant  s'a- 
vifa-t'on  jamais  de  faire  un  cri- 
me à  ces  perfonnes  de  leur  cou- 
rage ?  ne  loiie-t'on  pas  au  con- 
traire leur  amour  pour  la  pu- 
deur? Or  fi  c'eft  une  marque  de 
pudeur  de  fè  priver  de  ces  fe- 
cours  3  ne  feroit-ce  pas  une  force 


ic^  "De  l'indécence  aux  hommes 
de  faute  contre  cette  vertu  que 
de  fe  les  accorder  ?  ne  feroit-ce 
point  du  moins  une  forte  de 
foùîllure  dans  une  Chrétienne  , 
puifqu'un  Payen  a  reconnu  qu  il 
eft  des  occafions ,  oii  fans  fe  ren- 
dre criminel ,  on  s'expofe  à  tou- 
te Pinfamie  du  crime?  [à)  ,^ï 
vïtaverunt  culpam  ,  non  vitave^ 
Yitnt  infamiayn. 

Tout  ceci  doit  du  moins  faire 
entendre,  qu'il  n'y  a  que  la  feu- 
le menace  de  la  mort  qui  excufe 
lesfemmxCSj  qui  contre  leur  in- 
clination 6c  une  feule  fois  dans 
la  vie  ,  fe-lailTent  voir  par  un 
Chirurgien.  Que  penfer  donc 
de  celles  qui  de  propos  délibéré 
fe  font  une  habitude  de  fe  laifler 
voir  &:  toucher  par  un  Accou- 
cheur fans  aucune  néceflîté  !   ■ 

Quant  aux  ordonnances  qui 
fe  font  de  certains  remèdes  dan- 

(  a  )  Senec.  àe  ccnfol.  ad  Helviam  ^f.m.m* 
îl  paîle  en  cet  endroit  de  la  retenue  d'une 
Dame. 


i  accoucher  les  femmes,  T07 
gereux  à  la  pudeur,  on  n'entre- 
prend pas  de  les  juftifier  :  car 
on  ne  voit  pas  trop  les  raifons 
qu  on  peut  avoir  de  mettre  des 
confciences  à  de  telles  épreuves. 
Ce  qui  paroît  certain ,  c'cft  que 
les  Pères  {a)  qui  craignoient  fi 
fort  tous  les  fecours  de  la  Méde- 
cine ,  de  peur  qu'ils  n'accouru- 
maiïent  des  Chrétiens  ,  qui  ne 
dévoient  s'occuper  que  d'idées 
de  pénitence  &:  de  mort,  à  une 
vie  molle  &  relâchée  ;  les  Pères , 
dis-je ,  auroient  en  horreur  des 
remèdes  qui  vont  à  mettre  la  pu- 
reté en  danger.  A  Dieu  ne  plaife 
donc  ,  que  Ton  prétende  autori- 
fer  de  telles  pratiques  :  la  fanté 
de  qui  que  ce  foit ,  fur  tout  d'u- 
ne chrétienne,  ne  doit  pas  être  ra- 
chetée  à  des  conditions  fi  humi- 
liantes à  la  nature  ^  6c  fi  ^ixA- 

(a)  Voyez  Saint  Ambroife fiir  le PH  1 1 S, 
Serm.  ii.tom.  i.pag.  1253.  S.  Bafil.  Regul, 
interrog.  5^.  140.  S.  Bern.  e-^ijl l^').  440.  &c* 
Samts  Thérefe ,  Chem.  de  la  perfecl.  ch.  i  g« 


îo8  "De  l'indécence  aux  hommes 
leufes  à  la  vertu-  la  mort  en  ce 
cas  devient  préférable. 

Il  eft  inutile  de  dire  ,  que  ces- 
applications  fe  font  en  lecret , 
fans  le  fecours  de  mains  étran- 
gères ,  6c  fur  des  perfonnes  iîm- 
ples  &:  innocentes.  Car  i^.  une 
faute  dérobée  aux  yeux  des  hom- 
mes n'en  eft  pas  moins  énorme 
devant  Dieu  :  peut-être  même 
feroit-ce  s'expofer  à  une  double 
faute,  en  joignant  la  diffimula- 
tion  au  crime,  i".  L*outrage  qui 
fe  fait  à  la  pudeur  eft  le  même  ^ 
de  quelque  main  qu'il  parte.  Hé 
qu'importe  qu'on  s^ôte  la  vie  à 
foi-même  ,  ou  qu'un  autre  la  ra- 
viffe  }  la  mort  en  eft-elle  moins 
réelle  ?  3°.  L'ignorance  &  le  dé- 
faut   d'intention    n'excufe    pas 
toujours  :  ils  ne  peuvent  au  plus 
qu'affoiblir  une  faute  commife 
par  une  action  criminelle  par 
elle-même ,  quand  on  ne  la  con- 
noît  pas  pour  telle.    4^.  Enfin 
quelle  iimplicicé  peut  tenir  coa* 


^accoucher  les  femmes,  109 
tre  une  occafion  toujours  pro- 
chaine de  tomber  dans  une  fau- 
te grolîîére  ?  Mais  cette  matière 
ne  foufFre  pas  qu  on  la  crcufe 
davantage  :  c'en  eft  aflez  pour 
faire  connoître  que  c'eft  mal 
juftifier  les  fonctions  des  Accou- 
cheurs 5  que  de  les  comparer  à 
lackion  de  certains  remèdes  dé- 
fendus ou  fu{pe£ls  d'obfcénité  ; 
car  on  convient  des  inconvé- 
niens  qu'ils  traînent  après  eux  ; 
on  les  condamne  comme  dignes 
d'être  à  jamais  profcrits  d'une 
profelîîon  auffi  chafte  ôc  auffi  fa- 
ge  que  la  Médecine. 

Sixie'me  Objection. 

Mais  fi  c'eft,  ajoute-t'on  ,  de 
la  nécelTîté  qu'il  faut  i  la  profef- 
(ion  d'Accoucheur  pour  la  ren- 
dre licite  6c  autorifée  ^  il  y  a  de- 
quoi  la  rendre  très-r'ecomman- 
dable.  Pour  cela  il  ne  faut  que 
faire  attention  au  progrès  que 
l'art  d  accoucher  a  tait  entre  les 


110  De  l* indécence  aux  hommes 
mains  des  hommes ,  les  fuccès 
qu'il  a  dans  le  public  ,  les  obfcr- 
vations  dont  il  eft  enrichi ,  les 
livres  6c  les  traités  que  les  Ac- 
coucheurs ont  mis  au  jour.  Des 
femmes  ignorantes  6c  non  let- 
trées étoient-elles  capables  de 
ces  productions  ?  auroient-elles 

f>û  valoir  tant  de  crédit  6c  de 
umiere  à  la  profeffion  ?  tant  d'u- 
tilité enfin  à  l'Etat  6c  à  tout  le 
monde  ?  Voilà  certes  des  titres 
de  néccffité  ,  de  préférence  mê- 
me, s'il  en  fut  jamais. 

Rcf.  1°.  Eft-ce  donc  que  les 
femmes  accouchent  fans  dou- 
leur depuis  qu'elles  fe  font  don- 
nées des  hommes  pour  les  aflîf- 
ter  ?  ce  progrès  feroit  digne  de 
leur  habileté ,  6r  rien  ne  les  ren- 
droit  plus  néceffaires  j  mais  ce 
progrès  eft  encore  à  venir ,  dcce 
qu'ils  ont  découvert  de  nouveau 
eft  peu  de  chofes  au-defTus  du 
rien.  Les  travaux  des  couches 
font  encore  fujets  aux  mêmes  in- 


d'accoucher  les  femmes,  \  1 1 
convéniens  ,  Tenfant  ie  préfence 
aulîî  fouvent  mal ,  &  les  maniè- 
res de  le  redrefTer  font  les  mê- 
mes que  dans  les  tems  pafles. 
Tout  cela  étoit  écrit ,  les  Accou- 
cheurs l'ont  appris ,  &:  au  lieu 
d'en  inftruire  les  femmes  ,  ils  s'en 
font-  inftruits  eux-mêmes  ,  &:  fe 
font  mis  en  leur  droit  ôc  place  : 
c'eft  à  la  vérité  une  forte  d'infi- 
délité qu'ils  ont  commife  ;  mais 
ils  ont  crû  que  le  public  y  ga- 
gneroit ,  en  lui  donnant  des  Maî- 
tres Accoucheurs  au  lieu  d'Eco- 
lieres. 

2^.  Les  fuccès  qu'on  vante 
tant  ne  font  ni  plus  nombreux  , 
ni  plus  merveilleux  entre  leurs 
mains  qu'entre  celles  des  fem- 
mes: car  enfin  meurt-il  moins 
d'accouchées  que  par  le  paffé 
dans  le  monde  ?  u  on  le  prétend , 
pourquoi  en  meurt -il  auffî  peu 
dans  les  Hôpitaux  où  il  n'y  a 
point  d'Accoucheurs  ,  que  dans 
le  monde  qui  commence  à  s'en 
peupler  ? 


iji  De  rindécence aux  hommes 

3^.  Les  obfervations  dont  ils 
fe  parent ,  regardent  ou  le  ma- 
nuel des  accoucliemens ,  ou  la 
Médecine  ,  c'eft-à-dire  ,  les  re- 
mèdes qu'il  convient  d*y  em- 
ployer. 

Le  manuel  eft  pour  des  cas  or- 
dinaires 5  &  pour  lors  les  fem- 
mes pourront  auilî  quand  elles 
voudront    écrire    des    obferva- 
tions :  ou  il  eft  pour  des  cas  ex- 
traordinaires 5  dans  lefquels  il 
s'agit  fur  tout  d'opération  ;   ôc 
alors  ce  feront  les  mêmes  cas 
dont  on  prétend  réferver  la  pof- 
feiîion  aux  Accoucheurs.    Que 
fî  ces  obfervations  regardent  la 
Médecine,  ce  fera  une  reftitu- 
tion  qu'ils  auront  à  faire  à  Mef- 
fîeurs  les  Médecins ,  de  qui  ils 
les   auront   empruntées.    Car , 
pour  le  dire  en  paflant ,  ce  que 
ces  Meffieurs  ont  mis  en  Fran- 
çois ,  fe  lit  dans  cq.s  gros  &:  nom- 
breux recueils  de  préceptes  ôc 
d'obfervations  ,  que  les  Méde- 
cins 


Jt Accoucher  les  femmes,  115 
cins  ont  ramafles  fur  les  mala- 
dies des  femmes.  Reftituanc  donc 
à  chacun  ce  qui  lui  appartient , 
aux  Sages-femmes  le  courant  des 
accouchemens  ordinaires  ,  aux 
Médecins  l'honneur  de  l'inven- 
tion êc  de  robfervation  en  tout 
ce  qui  regarde  les  maladies  des 
femmes  ,  il  reftera  au  profit  des 
Accoucheurs  la  gloire  d'avoir 
traduit  &:  emprunté  des  livres 
de  Médecine  d'excellentes  ob- 
fervations.  Il  fera  donc  plus  fdr 
pour  les  femmes ,  de  tirer  les 
confeils  de  Médecine  de  ceux-li 
même  qui  inftruifent  les  Accou- 
cheurs j  parce  qu'il  pourroit  ar- 
river qu'ils  ne  feroient  que  de 
mauvais  copiftes  d'excellens  ori- 
ginaux ,  comme  il  arrive  que  des 
ruiffeaux  bourbeux  partent  de 
iburces  très-pures*  Il  refte  donc 
prouvé,  que  la profeffion  d'Ac- 
coucheur eft  auflî  peu  néce{îaire 
que  mefTéante  dans  les  cas  dac- 
crouchcmens  ordinaires ,  &:  qu'oB. 


114^  D^  f Inde  cerne  aux  hommes 
peut  alors  s'en  pafler  fans  que  le 
public  en  fouffre. 

Septie'me  Objection. 

Les  Accoucheurs  efïayeront 
fans  doute  d'intéreirer  la  Chi- 
rurgie dans  leur  caufe.  Ils  pu- 
blieront qu'on  ménage  peu  dans 
cet  ouvrage  l'honneur  de  cette 
profeffion ,  &:  qu'on  manque  à  la 
juftîce  qu'on  doit  à  la  (cïcnct  ôc  à 
l'habileté  de  ceux  qui  l'exercent 
avec  tant  de  diftinftion  j  que  la 
Chirurgie  a  fes  principes  6c  fes 
lumières  qui  éclairent  6c  qui  inf- 
truifent  ceux  qui  s'y  font  rendus 
habiles  ;  bc  qu'un  Chirurgien 
n'ignore  pas  allez  le  corps  hu- 
main ,  pour  lui  difputer  abfolu- 
mcnt  la  connoiflance  de  ce  qui 
peut  lui  convenir. 

Rep,  Mais  font-ce  des  Chirur- 
giens qu'on  attaque  ici  ?  ce  font 
àQS  Accoucheurs  ,  c'eft-à-dire , 
im  genre  nouveau  d'Opérateurs 
inconnus  à  nos  pères  ,  une  forte 


d'accoucher  les  femmes  1 1  j 
<d'amphybie  malaifée  à  définir, 
une  profeffion  douteufe.  Car  un 
Accoucheur  ne  fe  donne  plus 
pour  Chirurgien ,  il  eft  au-det 
lus ,  il  lui  ordonne  ;  deforte  que 
s'il  faut  faigner ,  opérer ,  panfer , 
un  autre  Chirurgien  que  l'Ac- 
coucheur exécutera ,  tandis  que 
lui  raifonnera ,  confeillera  ,  or- 
donnera. Que  la  fièvre  &  fem- 
blables  maux  furviennent  à  une 
accouchée  y  lui  feul  encore  don- 
nera (es  avis,  fera  des  ordonnan- 
ces 5  &:  mettra  en  befogne  la 
Chirurgie ,  laChymie  &:  la  Phar- 
macie. On  doute  que  Meffieurs 
]es  Chirurgiens  fc  reconnoiflent 
dans  cette  conduite  y  on  qu^ils 
l'approuvent  :  car  outre  qu'il  ne 
convient  pas  à  leur  habileté  de 
fe  donner  de  tels  maîtres ,  lei^ 
quels  fouvent  en  fçavent  moins 
qu'eux  ;  ils  conviendront  que 
leurs  exercices  n'allèrent  jamais 
à  ormer  des  élevés  pour  traiter 
des  fièvres  ôc  des  maladies  d'ac» 

Kii 


1 1  g  T>e  t Indécence  au>c  hômnef 
couchées.  On  ne  prétend  done 
ici  rien  rabattre  de  riiabileté  ^ 
de  la  fcience  &  de  Tadrefle  rner- 
veilleufe  de  Meffieurs  les  Chi- 
rurgiens 5  fur  tout  de  Paris  ;  6^ 
plût  à  Dieu  que  tous  les  Arts 
ou  on  cultive  fous  le  Ciel  euf- 
lent  atteint  le  même  point  de 
perfedtion  I  Mais  plus  un  Chi- 
rurgien fera  habile ,  plus  il  fen- 
tira  que  fa  profeffion  pourra  Toc- 
€uper  honorablement  &  tout  en- 
tier 5  6c  qu  il  aura  à  peine  de  quoi 
fiiffire  à  tout  ce  qu*il  lui  faut 
d'efprit ,  d'étude  Û,  de  médita- 
tion 5  pour  fatisfaire  à  un  em- 
ploi qui  demande  tant  d'appli- 
cation ,  de  prudence ,  &:  de  con- 
noiffànce.  Ce  feroit  donc  pour 
lui  moins  faire  de  progrès  vers 
les  Sciences  que  de  larcins  à  fa 

Ïrrofeffion  ,  s'il  ie  dcroboit  d'el- 
e,  pour  s'occuper  de  foins  fu- 
pernus  ,  ou  s'il  prétendoit  à  des 
connoiflanccs  étrangères-  IVlais 


d'accoucher  les  femmes,  r  17 
ce  fera  enticrement  fortir  de  cet- 
te profeiîîon  ,  sll  fait  l'oppcfé 
de  ce  qu^on  y  apprend  ;  s'il  pra- 
tique toute  autre  chofe  que  ce 
qu'on  y  étudie ,  en  un  mot  s'il 
fe  pare  du  nom  d'un  Art  qu'il  a 
dû  uniquement  étudier  ,  pour 
en  exercer  un  autre  qu'il  n'étu- 
dia jamais.  Car  enfin  à  quelle 
Ecole  ou  fous  quels  Maîtres  ap- 
prit-il jamais  à  traiter  les  mala- 
dies des  femmes  grofles  ou  ac- 
couchées ?  Ofera-t'il  prétendre 
à  cette  fcience  en  qualité  de  Chi- 
rurgien y  tandis  que  fes  confrè- 
res plus  habiles  même  que  lui  en 
chirurgie  ,  ne  ^'ç.n  occupent  pas. 
Mal  à  propos  donc  les  Accou- 
cheurs prétendront  mêler  leurs 
intérêts  avec  ceux  de  la  Chirur- 
gie,  ils  ne  méritent  plus  fa  pro- 
tection ,  puifqu'ils  en  ont  fecoué 
le  joug ,  &  qu'ils  fe  veulent  éle- 
ver au-deffus  d'elle.  Rien  aa 
contraire  ne  relèvera  tant  la  gloi- 


ï  T  8  ^^  V indécence  aux  hommes ^é^c» 
re  &:  le  mérite  de  la  Chirurgie  5 
que  de  faire  appercevoir  que  fes 
élevés  cefTent  d'être  habiles  ,  dès 
qu'ils  s'éloignent  de  fes  vues  ôC 
qu  ils  fortent  de  fes  régies* 

Tin  du  premier  Traité. 


DE 

LOBLIGATION 

AU  X 

MERES 

DE     NOURRIR 

LEURS  ENFANS 


PRETACE, 


PRÉFACE 


N  ne  fongeoic  pas 
IMQ^  à  donner  cette  fe- 


i^— -^1  conde  Diiîcrtation , 
quand  on  a  commencé  de 
travailler  à  la  première  :  m.ais 
en  examinant  Tabiis  où  Ton 
efl  de  fe  fervir  trop  volon- 
tiers &  fans  néceffité  d'Ac- 
coucheurs ^  on  a  apperçû  ce- 
lui d  ufer  trop  librement  & 
fans  raifon  de  Nourrices.  On 
a  donc  crû  devoir  encore 
aider  les  mères  à  s'acquitter 
de  leur  devoir  en  ce  point  : 


112     PR  EFFACE. 

&  après  les  avoir  rafîurées 
contre  les  frayeurs  qu'elles 
fe  faifoient  d'être  accou- 
chées par  d'autres  que  par 
des  hommes ,  on  s'efl  propo- 
fe  de  les  ramener  de  Terreur 
où  elles  font  ^  de  confier 
leurs  enfans  à  des  Nourrices 
étrangères. 

Uentreprifè  eft  grande  ^  il 
eft  vrai  :  mais  ce  n'ert  pas  de 
la  difficulté  qui  fe  préfente 
dont  il  faut  s'occuper ,  mais 
de  la  vérité  de  ce  qu'on  re- 
cherche y  quand  la  matière 
eft  auflî  grave  que  celle-ci. 
Il  ne  faut  donc  pas  s'effrayer 
fiir  la  réuflîte  :  les  hommes 
nen  font  ni  les  garants  p  ni 


PRFFACE.    123 

les  maîtres  :  il  font  quittes 
quand  ils  ont  employé  tout 
ce  que  la  Religion  ^  la  raifon 
&  Téquité  exigent  d'eux. 

Dans  ces  vues ,  on  tâche 
ici  de    déveloper  tout   ce 
que  la  nature  demande  en 
cette  occafion  d'une  femme 
xie  veniie  mère ,  tout  ce  qu  el- 
le a  fait  en  elle  pour  cela ,  & 
tout  ce  qu'un  nouveau -né 
eft  en  droit  d'en  attendre. 
Cette  manière  de  perfiiader 
a  engagé  T Auteur  en  des  rai- 
{bnnemens  qui  ne  feront  pas 
toujours  à  la  portée  des  mè- 
res ;  mais  les   Sçavans  les 
comprendront  :  or  nous  a- 
vons  befoin  de  leurs  {ufïra-; 

Li) 


124    LRETACE. 

ges ,  pour  appuyer  &  faire 
Valoir  nos  bonnes  inten- 
tions. On  a  cependant  don- 
né à  ces  raifonnemenS;,  tout 
ce  qu  on  a  pu  de  tours  & 
d'expreffions  les  plus  fîm- 
pies  &  les  plus  propres  à  ga- 
gner tout  le  monde  :  on  a 
épargné  aux  Ledleurs  cer- 
tains termes  de  Tart  ^  &  on 
s'efl  toujours  renfermé  dans 
une  Mécanique  naturelle  ^ 
aifée  à  entendre  à  quicon-  i 
que  voudra  y  apporter  quel- 
que attention.  L'on  s'eft  fur 
tout  abftenu  de  toute  idée 
ou  d'expreffions  capables 
de  bleffer  les  oreilles  ou  de 
falir  fimagination.  Ainfi  les 


PRET  A  CE.     12^ 

perfonnes  les  plus  fcrupu- 
ieiîfès  y  entendront  parler 
d'enfans  &  de  couches  fans 
en  être  offenfées.  Cepen- 
dant parmi  toutes  ces  re- 
cherches de  Phyfique  ^  d'A- 
naton^ie  &  de  Médecine  ^  on 
n'a  pas  laiffé  que  de  mêler 
aflez  de  raifons ,  de  faits ,  & 
d'obfervations  à  la  portée 
des  mères ,  aiTez  intelligibles 
pour  leur  faire  appercevoir 
leurs  fautes  paifées  dans  les 
nourritures  de  leurs  enfans , 
Se  pour  les  en  préferver  à 
l'avenir. 

On  efpére  du  moins  qu'el- 
les feront  touchées  des  rai- 
fons  de  Morale^  &  des  ma- 
L  iij 


ii6    PRETACE.- 

xîmes  de  Religion  ,  dont  on 
leur  rappelle  la  mémoire  fur 
ces  matières. Elles  verront  les 
exemples  de  Saintes  fem- 
mes y  de  pieufes  mères  &  de 
grandes  Dames  ^  qui  ont  été 
dans  l'ufage  de  nourrir  leurs 
enfans  elles-mêmes  :  elles 
feront  étonnées  d^ apprendre 
que  leur  famé  rifque  plus  en 
ne  nourrillant  pas  ^  qu^'en  s'a- 
quittant  de  ce  devoir  natu- 
rel :  elles  s  y  trouveront  en- 
fin raflurées  contre  les  crain- 
tes de  foiblefTe  ;  de  délica- 
teffe  &  d'infirmités  préten- 
dues^ dont  elles  ont  été  frap- 
pées jufqu'à  préfent  :  &  avec 
un  peu  d'attention  &  d'é^^ 


PRET  A  CE.     127 

quké  y  elles  conviendront 
qu  il  y  a  beaucoup  plus  à  ef^ 
pérer  qu'^à  craindre  pour  el- 
les ,  fi  elles  entrent  comme 
il  faut  dans  les  raifons  &  les 
ufages  qu'on  leur  propofe. 

Ce  n  efl  pourtant  pas  qu^- 
on  veuille  condamner  tou- 
tes les  femmes  infirmes  ou 
délicates  y  à  nourrir  :  on  eft 
très -éloigné  de  cette  pré- 
tention y  qui  deviendroit  in- 
jufte  &  inhumaine  :  on  con- 
vient au  contraire  des  égards 
qu'on  doit  à  un  {exefî  déli- 
cat &  fi  digne  de  ménage- 
ment :  mais  on  attaque  les 
prétextes  faux  ou  mal  en- 
tendus y  fur  lefquels  on  fe 

L  iiij 


laS     PRET  A  CE. 

diipenfè  trop  aifément  de 
nourrir.  On  permet  donc  à 
celles  qui  ont  de  véritables 
motifs  de  difpenfe  ^  d'em- 
prunter des  Nourrices  :  mais 
on  y  joint  en  même-tems 
les  conditions  &  les  réfer- 
ves  de  ces  diipenfes.  De 
forte  que  fi  on  fe  rend  aux 
vrais  befoins^  c'ell  toujours 
avec  la  précaution  de  mé- 
nager aux  enfans  tous  les 
fecours  qui  font  d'ailleurs 
au  pouvoir  des  micres  les 
plus  délicates.  On  auroit 
voulu  leur  épargner  tant  de 
menus  foins  :  mais  c'eft  par- 
ce que  ces  foins  font  menus  > 
qu'ils  ont  befoin  de  Toeil  Sç 


P  PET  A  CE.     iip 

&  du  cœur  d'une  mère  :  tout 
autre  y  eft  ou  indifférent  ou 
infenfible. 

On  s'attend  que  plufîeurs 
s^indi/poferont  contre  ctz 
Ouvrage  :  à  quelles  trilles 
conditions  ,  s'écrieront  -  el- 
les y  nous  donne-t'on  des  en- 
fans  !  &  bien-tôt  ^  comme 
les  Juifs  au  Sauveur  du  mon- 
de y  elles  diront  :  Il  ejl  donc 
plus  à  propos  de  ne  je  point 
marier  Ça).  On  voit  comme 
elles  y  que  la  condition  de 
mère  devient  par-là  fort  im- 
portune :  car  enfin  que  de 
contrainte  5  de  contre-temsj, 
d'incommodités  ^  s'il  eft  d'o- 

(^)  NlAîh,  c,  19.  V.  10. 


X50    PR.FFACE. 

bligation  de  nourrir  Tes  en- 
fans  !  Mais  fi  ce  font  des 
convenances  ^  des  néceffi- 
tésj  &  des  pénitences  de 
Tétat  ;  fi  cet  Ouvrage  fans 
rien  exagérer  ne  fait  qu  en 
développer  les  raifons  ;  à 
qui  stn  prendre  y  ou  à 
rOuvrage  ou  à  la  condi- 
tion l  Elles  en  feront  le- 
xamen  :  mais  on  eft  fur  que 
pour  peu  qu  elles  écoutent 
ce  que  la  nature  leur  infpi- 
re^  &  ce  que  la  piété  leur 
demande  ,  dits  {entiront 
que  ce  n  eft  pas  un  joug  in- 
venté qu'on  leur  impofè  , 
mais  un  devoir  naturel  dont 
on  les  avertit.  Ce  n  eft  donc 


PRET  A  CE.     131 

m  par  chagrin  ^  ni  par  préju- 
gé qu'on  leur  parle  ^  mais 
en  interprète  de  la  nature , 
qui  ne  les  a  pas  moins  faîtes 
pour  nourrir  leurs  enfans, 
que  pour  les  mettre  au  mon- 
de. Ainfi  ce  n'eft  pas  un 
droit  rigoureux  qu'on  exer- 
ce contre  elles  :  c'eil  une 
juftice  qu'on  leur  repréfente. 
D'ailleurs  des  meres  rai- 
fonnables  ou  chrétiennes, 
compteront  -  elles  pour  rien 
le  plaifir  (a)  de  s'attacher 
leurs  enfans  par  les  liens  les 
plus  tendres  &  les  plus  forts, 
tels  que  font  ceux  de  i'é- 

(a)  M.  Guerin, Méthode d'éleveï les ea- 
jfans^pag.  27, 


13^    PRET  A  CE. 

ducation  l  Peuvent  -  elles 
plus  dignement  &  plus  ho- 
norablement fe  contrain- 
dre ?  Elles  fatisferont  leurs 
maris  ^  gagneront  leurs  en- 
fans  ,  édifieront  le  monde  , 
s'honoreront  elles  mêmes. 
Goûteront-elles  tant  de  vé- 
ritable joye  dans  quelque 
partie  de  plaifir  que  ce  foit  ^ 
&  dans  quelques  îiaifons  qu- 
elles fe  faflent  l  Retireront- 
elles  autant  d'avantage  de 
quelque  commerce  de  la  vie 
que  ce  puifle  être  !  Elles  au- 
roient  au  contraire  la  con- 
fclation  de  voir  dans  leur 
conduite  une  occupation 
honnête  fubllituce  à  un  a- 


PRET  A  CE.     133 

mufement  indigne  :  le  tra- 
vail prendroit  la  place  du 
jeu ,  &  la  vertu  peut  être 
celle  du  vice.  La  compen- 
fation  eft-elle  donc  fi  iné- 
gale ?  Seroient  -  elles  fi  mal 
payées  dun  peu  de  con- 
trainte ? 

Quelques  -  unes  diront 
peut-être  j,  que  c'eftune  nou- 
veauté quon  veut  établir. 
Elles  verront  dans  ce  Trai- 
té que  c'étoit  la  coutume 
des  anciens  tems.  Peut-être 
attribueront-elles  à  fcrupule 
ces  maximes  contraignan- 
tes. Peut-être  appelleront- 
elles  rufticité^  impoliteifîe , 
ces  devoirs  naturels.    Mais 


Î34    PRE'FACE; 

les  Payennes  ^  les  Princef^ 
fès  &  les  Reines  s'y  afîîijet- 
tiflbient.  On  fe  flatte  donc , 
que  l'exemple  gagnera  do- 
rénavant leurs  efprits  ,  ôc 
que  lamitié  attendrira  leurs 
cœurs  ;  que  convaincues 
enfin  par  la  Religion  d  une 
obligation  fi  eifentielle  &  fî 
pariaitt;ment  prouvée ,  elles 
fentiront  tout  le  plaifir  defe 
contraindre  par  raifon ,  Sc 
de  s'aiTujettir  par  vertu. 


D  E 

I  L OBLIGATION 

AUX     MERES 

DE  NOURRIR  LEURS  ENFANS  (a); 

Chapitre     Premier. 

^ue  r obligation  aux  Mères  de 

nourrir  leurs  enfans  ejl  de 

droit  naturel. 


fefev^ii  d^  5  P^^  ^^^  rapports  ÔC 


des  convenances  qu'el- 
le fait  appsrcevoir ,  par  des  pan- 

(a)  Voyez  la  Méthode  d'élever  les[enfafis, 
par  M.  Guerin,  Médv»cin  de  H  Faculté  de 
Paris ,  ch,  8,  F.  ?amç.  /11/.4.  ai  Injiù,  Rti^ubi^ 
fit,  6, 


1^6  De  rohligatlô^i  aux  mères 
chans  qu'elle  donne ,  par  des  ref- 
femblances  qu  elle  forme  ,  enfin 
par  mille  fortes  de  fentimens , 
aidées,  6c  d'inclinations  quelle 
trace  dans  le  cœur  &:  dans  l'ef- 
prit.  Ce  fera  donc  une  obliga- 
tion naturelle ,  que  celle  qui  par 
ces  fortes  de  fentimens  nous  por- 
tera vers  quelqu  objet  que  ce  loit. 
Mais  cette  obligation  fera  dou- 
blement fondée  fur  la  nature  li 
l'objet  qui  nous  attire  le  fait  par 
les  mêmes  raifons  &  par  les  mê- 
mes motifs  qui  le  portent  vers 
nous ,  fi  fes  iiaifons  font  réci- 
proques ,  Ces  inclinations  mu- 
tuelles, fes'convenances  fembla- 
bles.  Sur  ces  principes ,  quoi  de 
plus  naturel ,  que  l'obligation  à 
une  mère  de  nourrir  fon  enfant  ? 
On  ne  voudroit  pas  dire ,  que  la 
femme  ne  foit  propre  à  toute  au- 
tre chofe  qu  à  donner  des  enfans 
au  monde  ,  quoiqu'elle  paroifle 
principalement  faite  à  ce  def- 
feiu  ',  puifqu  il  paroîtroit  même 

par 


dt  nourrir  leurs  enfans,  j^j 
par  rinftitution  du  Créateur  , 
qu  il  auroit  moins  penfé  à  don- 
ner à  l'homme  une  femme  en  la 
créant  qu'une  compagne  ou  une 
aide  :  mais  elle  tarda  (i  peu  après 
fon  péché  à  devenir  mère  ,  qu  il 
a  bien  para  qu  un  des  princi- 
paux fecours  qu  elle  apporteroit 
à  l'homme  ,  fer  oit  de  fui  donner 
des  enfans.  Ce  fut  même  depuis 
un  fecours  ordonné  ,  de  qui  de-- 
vint  comme  d'obligation  :  car  la 
condition  de  mère  qui  avant  fon 
péché  auroit  du  être  pour  elle 
lans  contrainte  &C  fans  honte ,  fe 
changea  enfuite  en  état  d'humi- 
liation de  de  pénitence  5  {a)  In 
dolore  parles.  Que  il  l'on  ajoute  à 
ceci  la  reiïburce  de  falut ,  que 
l'Apôtre  veut  qu'une  femme 
trouve  dans  la  condition  de  mè- 
re ,  {b)  Mulïer  falvahitur  ferj-- 
liorum  generationem  ,  on  com- 
prendra qu'une  femme  tant  dans 

(4)  Genef.cap./^. 
(b)  S,  Pattlf  ad Timoth,  Ej>,  i . r: 2 .  v«  1 5;; 

M 


ï  3  8  T>e  f  obligation  au>c  mères 
Tordre  de  la  nature ,  que  dans 
celui  de  la  Grâce  eft  deftinée  à 
devenir  mera 

Ce  n  eft  pas  qu^elle  ne  la  fut 
devenue ,  quand  bien  même  elle 
feroit  demeurée  innocente  :  mais 
comme  elle  auroit  mis  au  mon- 
de des  enfans  fans  d^ouleur  &: 
fans  confufion ,  elle  s'y  feroit 
portée  fans  danger  de  crime  ; 
parce  qu  elle  n'y  auroit  point  été 
attirée  par  le  honteux  panchaiic 
d*une  nature  corrompue  ,  mais 
par  une  foumiffion  d'ordre  &:  de 
raifon  aune  nature  innocente, 
ou  pour  mieux  dire  à  la  volonté 
pure  &  à  la  deftination  du  Créa- 
teur. Aujourd'hui  au  contraire 
la  nature  feule  a  prefque  la  meil- 
leure part  dans  les  m.ariages  :  6c 
elle  y  domineroit  fans  doute  feur 
le  5  fi  la  Religioa  n  en  redtifîoix 
Fufage. 

C'eftdonc  de  la  nature  que  la 
femme  tient  aujourd'hui  tout 
ce  qu  elle  a  de  panchant  ôc  de 


de  nourrir  leurs  enfans.  13^ 
difpofition  pour  mettre  des  en- 
fans  au  monde  -,  parce  que  d*ellc 
feule  lui  vient  tout  ce  qu'il  faut 
pour  les  produire.  Mais  par  les 
mêmes  raifons  on  comprendra 
qu'elle  fe  trouve  auffi  naturelle- 
ment obligée  de  les  nourrir , 
puifque  la  nature  ne  Ta  pas  moins 
pourvu  de  ce  qui  cfb  néceflaire 
pour  cela. 

Par  nature  on  doit  ici  com- 
prendre Tordre  du  Créateur  :  lui- 
même  donc  en  formant  la  fem- 
me renferma  en  elle  les  germes 
d'autant  d'hommes  qu'il  en  de- 
voit  jamais  naître.  Elle  n'en  eft 
donc  que  la  dépofitaire  ;  elle 
les  loge  ôc  les  conferve  jufqu  au 
tems  de  la  naiflance.  Alors  mê- 
me c'eft  moins  la  production 
d'une  nouvelle  créature  qui  vient 
habiter  le  monde,  que  le  déve- 
loppement &  la  manifeftation 
d'un  être  déjà  créé  qui  fe  produit 
au  jour. 

Une  graine  ou  une  femencc 
Mij 


140  T>ttohlïgdtîon  dux  mtrcs 
qui  contient  en  abrégé  la  plante 
ou larbre  qui  en  doivent  naître, 
fert  de  preuve  à  ce  qu  on  vient 
d'avancer  ;  ôc  le  pouiîin  renfer- 
mé dans  fon  œuf  en  eft  une  au« 
tre  d'autant  plus  convaincante  , 
que  toutes  les  femelles  dani- 
maux  renferment  naturellement 
en  elles  quelque  chofe  d'analo- 
gue oc  de  femblable.  Or  que  ces 
êtres  commencés,  êcdctouttems 
dans  le  fein  des  mères ,  foient 
des  animaux  en  racourci  ,  on 
doit  le  croire  d'autant  plus ,  que 
ce  qui  eft  renfermé  dans  uii 
gland  eft  l'abbrégé  d'un  vrai  chê- 
ne. Mais  puifque  la  raifon  ,  qui 
ne  nous  fait  rien  découvrir  dans 
-  la  terre  qui  puifle  former  un  chê- 
ne d'un  gland  ,  ne  nous  laifîc 
rien  appercevoir  dans  aucun  des 
deux  fexes  qui  puifte  produire 
&  arranger  les  parties  d'un  ani- 
mal \  il  faut  conclurre  ,  que  ces 
parties  étoient  toutes  formées 
indépendamment  des  pères  &: 


de  nourrir  le  tir  s  enfanf.  141 
mères.  Hé  comment  dès -lors 
n'auroient  -  elles  point  été  du 
moins  tracées  comme  dans  leur 
ébauche  j  puifque  ces  êtres  im- 
parfaits ont  du  végéter  ,  pour 
ainfi  dire  ,  dans  le  fein  de  la  fem- 
me ,  avant  même  qu  elle  ait  fon- 
gé  à  devenir  mère  ? 

Voici  ce  qui  doit  en  perfua- 
der  :  fuivant  la  penfée  d'un  Sca- 
vant  [a)  Médecin  de  ce  fiécle  , 
on  apperçoit  une  circulation  de 
liqueurs  dans  un  animal  nou- 
veau-né ;  donc  cette  circulation 
fe  faifoit  déjà  dans  l'animal  avanc 
même  qu'il  fut  conçu.  On  ne  di- 
ra pas  qu'il  tient  cette  circula- 
tion de  la  mère  ;  parce  que  le 
principe  qui  entretient  la  circu- 
lation eft  indépendant  d'elle  : 
ce  qui  eft  fi  vrai  ,  que  l'enfant 
mis  au  monde  conferve  cet- 
te circulation  tout  féparé  qu'il 
eft  de  {a  mère.  Le  principe  de 
cette  circulation  eft  donc  dans 

(4;  M.  Pùcarne ,  DiJ[èrt.-$ag.  loi. 


Ï41  T^c  F  obligation  aux  mer  es 
rcnfant ,  c'eft-à-dire,  dans  fou 
cœur.  Voudra- 1- on  prétendre 
que  ce  cœur  fe  fera  formé  par 
les  loix  du  mouvement  ou  par 
les  régies  de  Mécanique  dans  le 
fein  de  la  mère  ?  Ce  feroit  donc 
fucceffivement  que  les  parties  du 
corps  d'un  animal  fe  feroient 
formées  :  ainfi  le  cœur  fe  feroit 
formé  le  premier ,  &:  les  autres 
or2:anesenfjite.  Mais  cette  fuc- 
ceflion  de  parties  ne  s'accorde 
pas  avec  le  mouvement  du  cœur, 
qui  n'a  pu  battre  avant  la  forma- 
tion du  cerveau  ,  de  qui  il  doit 
indifpenfablement  recevoir  les 
efprits  qui  entretiennent  foti 
battement.  Le  cerveau  de  même 
jî*a  pu  être  formé  le  premier  ,  ni 
avant  le  cœur  ,  de  qui  il  doit  re- 
cevoir le  fang  pour  former  (qs 
efprits.  Il  faut  donc  que  toutes 
CQS  parties  fe  foient  trouvées  for- 
mées toutes  à  la  fois  :  mais  on 
ne  peut  attendre  que  du  doigt 
du  Créateur  une  produdion  qui 


de  n&UYYÏr  leurs  enfans.  145 
Te  trouve  d*abard  complette 
dans  toutes  fes  parties  :  aiiiiî  ce 
ne  fera  que  par  une  fuite  ôc  en 
vertu  d^  la  création  des  germes 
de  tous  les  hommes  que  le  Créa- 
teur a  renfermés  dans  la  pre- 
mière femme  y  que  celle  d*au- 
jourd'hui  deviennent  mères.  La 
femme  ne  fait  donc  que  fe  prê- 
ter, quand  elle  fe  marie  ,  moins 
pour  la  formation  d'un  homme ,, 
que  pour  raccroiflement  du  ger- 
me que  le  Créateur  a  tranfrnis 
en  elle  par  le  moyen  de  la  pre- 
mière femme.  Mais  comme  la 
terre,  fans  rien  donner  du  fien  , 
concourt  à  la  production  des 
plantes ,  en  tenant  pour  ainfî 
dire  en  digeftion  leurs  graines, 
ôc  en  leur  tranfmettant  la  nour- 
riture quelle  reçoit  pour  elles 
"des  rofées  &  des  pluyes  du  ciel , 
de  même  une  femm.e  enceinte 
communique  au  germe  de  Thom- 
me  qui  va  naître  de  quoi  en  dé- 
velopper les  parties ,  &:  de  quoi 
les  îz'iXz  croîcre. 


Ï44  ^^  Vôhlîgatîon  aux  mères 

Voilà  donc  la  femme  telle- 
ment obligée  par  fon  état  de  mè- 
re ,  à  nourrir  fon  enfant  dès  le 
moment  qu  il  ne  fait ,  pour  ainfi 
dire  que  d'éclorre ,  que  ce  n  eft 
même  que  par  cela  feul  qu  elle 

f>eut  mériter  ce  nom  j  puifqu  el- 
e  ne  contribue  en  rien  d'ailleurs 
à  fa  production  5  comme  on  vient 
de  le  voir. 

Mais  elle  eft  fi  naturellement 
deftinée  à  ce  devoir ,  que  tout 
ce  qui  fe  pafle  en  elle  dans  fa 
grolIefTe  paroît  s'y  rapporter  uni- 
quement. On  en  conviendra  en 
comparant  une  femme  enceinte 
avec  elle-même  quand  elle  ne 
Teft  point  :  car  c*eft  par  ces  for- 
tes de  rapports  &  de  comparai- 
fons  que  la  nature  fe  fait  enten- 
dre. 

On  fçait  qu'un  homme  dans 
fon  état  naturel ,  doit  autant  per- 
dre par  les  différentes  évacua- 
tions qu'il  reçoit  par  la  nourri- 
ture 5  à  faute  de  quoi  il  tom- 

beroic 


de  nourrir  leurs  e y? fans.  145 
î>€roic  malade.  Il  n'en  eft  pas  de 
même  d'une  femme  :  elle  diffipe 
moins  qu  elle  ne  prend  ;  elle  fait 
plus  de  fang  quelle  n'en  em- 
ployé à  fa  confervation  :  6c  ce- 
pendant elle  fe  porte  bien  :  c'eft 
qu'elle  ne  vit  pas  pour  elle  feu- 
le ,&:  ce  qu'elle  a  de  trop  eft 
moins  un  fuperflu  qu'une  provi- 
fion  dcftinée  à  nourrir  un  en- 
fant, fi  la  Providence  l'engage 
à  ce  devoir.  C'eft  par  cette  rai- 
fon  que  ce  réfidu  dont  la  nature 
la  débarafïe  fi  régulièrement ,  eft 
retenu  dès  quelle  devient  en- 
ceinte. 

Cette  forte  de  prévoyance  eft 
tellement  de  la  nature ,  que  dans 
les  animaux  qui  ne  portent  point 
leurs  petits ,  comme  les  oifeaux, 
elle  a  foin  de  ramalTer  dès  le  feia 
de  la  mcre,  &  dans  la  coque  de 
Toeuf  qui  renferme  le  germe  ,  de 
quoi  nourrir  le  poullin  ,  jufqu'à 
ce  qu'il  puifle  aller  chercher  ail- 
leurs de  quoi  fe  nourrir.   Eft-il 

N 


14^  ^^  l^ohligâtton  aux  mères 
des  vues  plus  naturelles  àc  mieux 
exécutées  ? 

Si  ces  vues  étoient  moins  mar- 
quées dans  la  difpofition  &:  dans 
la  nature  des  mères  dont  on  tra- 
ce ici  les  devoirs  ,  on  les  rccon- 
noîtroit  dans  les  femelles  des 
autres  animaux  ,  par  les  foins 
qu  elles  fe  donnent, &  les  précau- 
tions qu  elles  prennent  à  nourrir 
leurs  petits. 

S  in  lihet  ex  hrutis  humânos  dïfccrt 

mores  ; 
Affîce  qujifit  cura  lup£  ,  vel  quan-> 

ta  le£f7£ 
Tafcendis  catulis  ,  aliarùm  quanta 

fer  arum , 
Aut  quam  multa  fuis  pro  fœtihus 

afpera  7m fient 
Frdlidj  qux  duhïtent proprio  tenta^ 

rc  periclo. 
^u^anta  deindefuos  cum  follicitu^ 

dine  nidos 
Mdlficent  ^olucres  ^  quanîo  moli^ 

mine  tutum 


âc  nourrir  leurs  enfans,    147 

Ckm  cœpere  locum  : 

Et  fupcr  ûva  cubant  tam  Ion  go  te  m'» 

fore  5  donec 
jExcluJl  veniant  fœtus  in  luminîs 

duras. 
Inde  cihos  parvis ,  (jr  longe  fahuU 

qu^runt 
Dulcia  y  in  os  gaudent  in  hiatumquc 

indere  manfa. 
Hic  amor  in  fdvis  ejl  tigrihus  ,  in^ 

que  lexnis  : 
Necjam  ullum  in  terris  animal  agit 

ilims  expers. 
D  if  cite  virtutempropriam  :fivcfrA 

voluntas 
Hanc  refugit ,  nec  quidquam  homi^ 

nis  nif  nomen  habetis 
Et  faciem  :  propriam  virtutcm  dif- 

citt  maires 
A  brutis  avibufque ,  immani  kflir^ 

^e  fer  arum  : 
Aut  illis  hominis  potius  concedite 
nomen.  {a) 

(  ^  )  Michael  Hofptal  f  Epfî,  lib.  $ .  ad  Ja^ 
vum  Mordlum, 

Nij 


148  De  rohlîgation  dux  mcres 


CHAPITRE    II. 

^ue  ce  que  Id  nature  fait  après  ta 
naî£ance  de  lenfa?it ,  ne  marque 
fas  moins  aux  mères  r obligation 
m  elles  font  de  Us  nourrir. 

ON  ne  trouvera  pas  moins 
de  raifons  naturelles  qui 
obligent  une  mère  à  nourrir  fon 
enfant  après  fa  naiiïance  :  il  ne 
faut  pour  cela  que  continuer  à- 
fuivre  les  démarches  de  la  natu- 
re. Elle  qui  a  formé  dans  une 
femme  des  organes  qui  ne  peu- 
vent fervir  qu'à  la  production 
d'un  enfant,  y  en  a  établi  d'au- 
tres qui  ne  peuvent  être  deftinés 
qu'à  le  nourrir.  Ce  font  les  mam- 
mellcs  qui  fervent  de  réfervoir 
au  lait ,  vers  lefquelles  il  fe  por* 
te  en  fi  grande  profufion  après 
la  nailTance  de  l'enfant,  qu'on 
voit  bien  qu'il  n  cft  fait  que  pour 
lui. 


âe  nourrir  leurs  enfans,  149 
Il  eft  vrai  que  les  hommes  ont 
auffi  des  màmmelles ,  mais  d'une 
ftruclure  fi  différente  de  celles 
des  femmes  ,  que  la  comparai- 
fon  feule  doit  perfuader  que  cel- 
les-ci font  uniquement  deftinées 
à  allaiter  leurs  enfans.  Le  détail 
de  cette  ftructure  feroit  ici  hors 
de  place  :  il  fuffit  de  dire  que 
dans  les  hommes  elles  ne  font 
que  des  reftes  ou  des  témoins 
inutiles  des  ufages  qu'elles  a- 
voient  dans  le  fein  de  la  mère  : 
au  lieu  que  dans  les  femmes  elles 
fe  confervent  dans  ces  ufages  , 
toujours  difpofées  à  faire  ce  qu'- 
elles faifoient  alors.  Voici  tout 
le  myftére. 

L'Antiquité  fût  fort  inqniettc 
ôc  peu  certaine  fur  l'ufage  des 
màmmelles  dans  les  hommes  , 
&  perfuadée  autant  qu'on  doit 
l'être  qu'on  ne  peut  reconnoître 
en  Dieu  aucune  œuvre  inutile  , 
elle  fc  tourmentoit  en  vain  à  juf 
cificr  la  Providence  par  des  con- 

Niii 


1^0  De  l'ohligAtion  aux  mères 
jedures  mal  entendues,  La  Mé- 
decine de  nos  jours  a  été  plus 
heureufe  en  ce  point  :  elle  a  dé- 
couvert ,  que  dans  l'un  &:  dans 
Pautre  fexe  les  mammelles  ont 
un  ufage  commun  mais  nécef^ 
faire  dans  le  fein  de  la  mère  r 
c*eft  de  fervir  de  couloirs  6c  de 
décharge    au    fuperflu    du    fuc 
nourricier  dans  les  enfans.  Cet- 
te prévoyance  étoit  des  plus  né- 
ceflàires  pour  leur  confcrvarion  : 
car   comme  ils   ne   tranfpireni: 
pas  ,  tant  qu'ils  font  ainfi  éloi-> 
gnés  du  commerce  de  l'air  exté- 
rieur ,  ils   fe   feroient    fouvent 
trouvés  en  rifque  d'^étouffer,  fi 
les  reftes  du  (i\c  nourricier  qui 
n'auroit  pu  fc  placer  dans  ce  pe- 
tit corps  n'avoir  trouvé  une  for- 
te d'égoût.  Oeft  ce  qu*on  a  dé- 
couvert dans  les  mammelles  des 
enfans  ,  lefquclles  dans  les  deux 
k-^QS  font  les  ora;anes  deftinés  à 
cet  ulage  oC  a  prévenir  cet  in- 
convénient. Ce  font  des  parties 


de  nourrir  leurs  enfans,  1 5  t 
glanduleufes  &  charnues  ,  qui 
comme  autant  de  couloirs  6c  d'é- 

f)onges  s'imbibent  de  ce  que 
'enfant  reçoit  de  trop  cour  fa 
nourriture,  pour  le  lailler  cou- 
ler infenfiblement  par  cç.s  ilîuës. 
Tout  ceci  cft  prouvé  dans  les 
bons  Auteurs  ,  mais  le  fait  fuffic 
à  notre  fujet.  Après  la  naiiïan- 
ce,  parce  que  ces  écoulemens  de- 
viendr oient  à  charge  &  inutiles  , 
fuppofé  la  tranfpirarion  qui  va 
dans  la  fuite  y  fuppléer  j  ces  cou- 
loirs tariflent  pour  un  tems  dans 
le  ^(tY^Çi  deftinë  à  donner  des  mè- 
res, &:  pour  toujours  dans  Tau^ 
tre  que  la  Providence  a  deftiné  à 
d'autres  ufages. 

Ce  feroit  ici  l'occafion  de  pla- 
cer la  raifon  mécanique  de  cette 
différence  ,  en  expliquant  com- 
ment des  parties  ,  qui  d'abord 
ont  eu  un  ufage  commun ,  peu- 
vent enfuite  en  prendre  de  fi  dif- 
férens  :  mais  ce  feroit  trop  s'é^ 
carter  de  notre  fujet.  De  qucl- 
N  iiii 


I  j  2  De  rohlïgathn  aux  mères 
que  manière  donc  que  cela  fê 
pafTe  ,  du  moins  apperçoit  -  on 
clairement  Tattention  d'une  na- 
ture toujours  occupée  à  ména- 
ger dans  une  perfonne  même  y 
qui  peut-être  ne  deviendra  ja- 
mais m.ere ,  ôc  pour  un  enfant 
qui  peut-être  ne  naîtra  jamais  y 
un  lieu  de  réferve  pour  fa  nour- 
riture. Car  de  croire  que  les 
mammelles  ayent  été  faites  pour 
orner  un  fexe  que  la  pudeur  &  la 
modeftie  feules  peuvent  vérita- 
blement  orner  ,  ce  feroit  adop- 
ter une  opinion  qui  ne  trouva, 
pas  même  de  place  dans  Tefprit 
des  Payens.  Qu'on  excufe  après 
cela  tant  qu'on  voudra  la  con- 
duite des  mères  faines  &:  vigou- 
reufes  ,  qui  fe  refufent  à  leurs 
enfans  ,  pour  les  abandonner  à 
des  étrangères  :  on  ne  craindra 
pas  de  dire  ici  à  leur  honte ,  que 
c'eft  pour  elles  la  même  injufti- 
ce  ,  que  Ci  elles  refufoient  de 
leur  rompre  un  pain  qu'on  leur 


de  nourrir  leurs  enfans.     1^5 
auroît  confié  pour  les  nourrir  : 

f»eut-être  même  font-elles  en  ce- 
a  quelque  chofe  de  pis  :  car  tan- 
dis que  ces  foi  blés  créatures  leur 
demandent  leur  pain  par  leurs 
clameurs ,  la  dureté  de  cœur  de 
CCS  m.eres  impitoyables  leur  pré- 
fente une  pierre.  Hé  plaife  à 
Dieu  5  que  la  fuite  d'une  fi  mau- 
vaife  éducation  ,  ne  les  condui- 
fe  pas  un  jour  à  leur  donner  un 
fcorpion  pour  un  œuf! 

La  prévoyance  de  la  nature  va 
plus  loin  :  peu  fatisfaite  d'avoir 
affiiré  la  nourriture  d'un  nou- 
veau-né ,  elle  a  pris  toutes  les 
mefures  pour  la  lui  prolonger 
pour  autant  de  tems  qu'elle  lui 
fera  nécefiaire.  Quoi  qu'attenti- 
ve donc  autant  qu'on  la  connoît 
au  foin  de  faire  des  mères  ,  elle 
l'oublie  en  faveur  de  l'enfant  qui 
vient  de  naître ,  §C  ne  s'occupe 
qu'à  luiconferver  long-tems  une 
nourrice.  C'cft  pour  cette  raifon 
qu'une  femme  qui   allaite  foa 


T  54  ^<^  l'obligation  aux  mères 
enfant ,  eft  moins  fujette  à  re- 
devenir grolTe  pendant  ce  tems  , 
quoique  l'impatience  ou  Tin- 
continence  d'un  mari  l'y  expofe. 
Mais  fut-il  une  preuve  plus  na- 
turelle que  celle-ci  ?  L'action 
d'une  mère  qui  nourrit  fon  en- 
fant ,  eft  moins  une  action  de 
choix  qu'un  fentiment  de  la  na- 
ture répandu  dans  toutes  les  fe- 
melles des  animaux  :  car  toutes 
nourriiTènt  leurs  petits  j  &  celles 
qui  n'ont  point  de  mammelles  à 
leur  préfenter ,  leur  préparent 
leur  mangeaille  ,  &  leur  offrent 
la  béquée  ;  &  tandis  que  les  bê- 
tes les  plus  féroces  [a)  fe  livrent 
humainement  à  ce  devoir  ,  les 
femmes  s'en  éloignent  avec  in- 
humanité. Si  l'on  joint  à  tout 
ceci ,  que  le  lait  dans  une  fem- 
me ne  peut  y  avoir  d'ufages  que 
par  rapport  à  fon  enfant  ,"&  que 
l'enfant  eft  fait  pour  le  fjcer  de 
fa  propre  mère  ;  ce  feront  de  nou- 

(  rt  )  s.  Bafil,  hom,  9*  Hcxam» 


de  nourrir  leurs  enfans,  i  ^  j 
veaux  titres  de  condamnation 
pour  celles  qui  rcfufent  de  s'y 
foumettre.  On  ne  peut  douter 
de  la  première  propolîtion  •  puifl 
que  fa  préfence  du  lait  devient 
un  figne  fufpect  dans  les  perfon- 
nés  du  fexe  qui  n'ont  pas  de  mari  ; 
perfuadé  qu'on  eft^que  la  produc- 
tion du  lait  eft  une  fuite  du  ma- 
riage ,  6v  l'objet  d'un  enfant. 

On  oppofera  peut-être  quel- 
ques obfervations  qu'on  prétend 
avoir  des  hommes  &:  des  filles 
fages  qui  ont  eu  du  lait  :  mais 
fins  examiner  la  vérité  des  pre- 
mières ,  &  après  avoir  accordé  les 
fécondes  ,  que  le  plus  fage  Oo- 
fervateur  (  ^  )  en  Médecine  a 
confirmées  ,  il  fuffit  ici  de  dire  , 
que  ce  font  des  écarts  de  la  na- 
ture qui  ne  peuvent  tirer  à  con- 
féquence  ,  ni  changer  la  régie 
commune.  Il  n'en  eft  donc  pas 
moins  vrai  que  le  lait  feroit  inu- 
tile à  une  perfonne  hors  Tétat  de. 


1^6  De  l'ûhUgation  aux  mères 
mariage  •  puiiqu'il  n  a  ni  les  con- 
ditions ,  ni  les  qualités  qu'on 
trouve  dans  toutes  les  liqueurs  , 
que  la  nature  deftine  dans  le 
corps  humain  à  fes  utilités  parti- 
culières. Ces  fortes  de  liqueurs 
comme  la  bile  ,  le  fuc  pancréa- 
tique 5  la  lymphe  ont  leurs  vaif- 
feaux  de  retour ,  par  lefquek  el- 
les vont  fe  reméler  dans  le  fang , 
où  elles  arrivent  fans  tumulte  &: 
fans  trouble  :  leur  utilité  eft 
donc  prouvée  en  ce  qu  elles  ont 
leurs  allées  &  venues ,  leur  cir- 
culation enfin  ,  qui  les  porte 
hors  du  fang  ,  &  qui  les  y  re- 
porte fans  inconvéniens.  Le  lait 
au  contraire  une  fois  féparé  bc 
filtré  dans  les  mammelles  ,  n'a 
d'autre  route  qui  lui  foit  defti- 
née  que  celle  des  canaux  de  dé- 
charge ,  qui  doivent  le  porter 
dans  la  bouche  de  l'enfant.  Tou- 
te autre  voye ,  fur  tout  vers  le 
fang  d'oii  il  eft  forti ,  lui  eft  in- 
terdite j  Se  l'on  {çait  combien  il 


de  nourrir  leurs  enfans.  1 57 
en  coûte  fouvent  aux  mères  in- 
fidelles  qui  ne  veulent  point  fe 
rendre  nourrices.  Quels  troubles 

alors  dans  le  fang;  !  quelles  dou- 

1  1     •  '    • 

leurs  !    quels  inconveniens   qui 

leur  reprochent ,  ou  qui  punif- 
fent  leur  injuftice  i  La  plupart 
à  la  vérité  évitent  ces  dangers  : 
mais  en  eft-on  moins  criminel , 
quand  on  eft  paifiblement  in- 
jufte  !  Mais  voici  une  autre  preu- 
ve de  rinjuftice  des  mères  ,  c'eft 
3ue  les  révolutions  qui  fe  palTent 
ans  le  tems  de  leurs  couches  fe 
font  exprès  pour  faire  trouver 
à  tems  une  nourriture  propor- 
tionnée à  l'état  de  l'enfant.  En 
effet  tant  qu'il  a  eu  à  vivre  dans 
le  fein  de  fa  mère ,  tout  le  fuc  lai- 
teux dont  il  avoit  befoin  defcen- 
doit  vers  lui  :  fitôt  qu'il  eft  né  ,  ce 
fuc  change  de  marche,  il  remon- 
te aux  (a)  mammelles ,  les  parties 

(  4  )  N(5«we  In  hac  queque  re  naturx  folertta 
ev'îdens  ejl?  qtiodfo/lea  quant  fanguis  file  opi- 
fex  in  ^emtralibus  fuis  omne  cornus  kominif 


i^Z  De  r  obligation  diix  mer  es 
du  corps  les  plus  apparentes  -, 
comme  pour  fe  montrer  à  k  mc- 
re  ôc  s'indiquer  à  l'enfant.  En 
falloit-il  davantage  pour  mar- 
quer le  devoir  des  mères  ? 

Si  Ton  vient  à  examiner  les 
droits  que  les  en  fans  ont  fur  le 
lait  de  leurs  mères ,  on  ne  les 
trouvera  pas  moins  bien  fondés. 
Car  à  en  juger  par  la  manière 
dont  ils  fe  font  formés  dans  leur 
fein ,  ils  ne  peuvent  bien  fure- 
ment  s'accommoder  que  du  lait 
dont  ils  fe  font  nourris  pendant 
ce  tcms.  En  effet  quand  ori 
n'auroit  égard  qu'à  rtiabitude 
où  ils  étoient ,  de  tirer  le  lait 
de  celle  qui  vient  de  les  mettre 
au  monde  -,  auroit-on  du  croire 
qu'on  pût  les  faire  paiTer  bruf- 
quement  ôc  fans  précaution  à 
un  autre  lait ,  fans  qu'il  leur  en 

fnxît^  adventame  jam  part/is  temfore  mfuper- 
nasfe  partes  frofert ,  atqiie  adfovenda  vhx  Jti- 
cifque  rudîmemaprafto  efi ,  &  recens  natis  no- 
tum  &  familiarem  viCium  offert,  Pkavorin. 
apu4  Gell.l.  12.  c.  i. 


de  nourrir  leurs  enfans,  1 5  ^ 
coûtât  beaucoup  ?  On  fçait  les 
dangers  qu'apporte  le  change- 
ment d'état ,  de  climat ,  de  nour- 
riture ,  ôc  à  combien  de  maux 
bizarres  on  s'expofe  alors  :  ôc  on 
fe  perfuadera  qu'on  ne  fait  cour- 
re aucun  rifque  aune  jeune  créa- 
ture ,  fufceptible  de  tout ,  parce 
qu  elle  eft  de  toutes  la  plus  fen- 
iible  &:  la  plus  délicate ,  que  tout 
blefTe  &  que  prcfque  rien  ne 
peut  guérir  :  elle  qui  fort  d'un 
féjour  qui  lui  étoit  devenu  in- 
fupportable  ',  on  la  fait  paiïer 
dans  un  air  tout  nouveau  pour 
elle  êc  prefque  étranger.  Dans 
cet  état  il  ne  lui  reftoit  qu'une 
reflburce  :  c'étoit  dans  une  nour- 
riture dont  elle  avoit  l'habitude, 
êc  que  la  nature  faifoit  fuivre 
après  elle  ,  de  peur  qu'elle  en 
manquât ,  &:  ce  fecours  lui  eft 
refufé  par  fa  mère  :  cette  reffbur- 
ce  lui  eft  enlevée  !  c'eft  donc  l'ex- 
pofer  tout  à  la  fois  à  un  air  nou- 
veau ,  ôc  à  une  nourriture  étran- 


ï(jo  De  r obligation  aux  mères 
gère  :  certe  oferoit-on  mettre  un 
adulte  avec  aullîpeu  de  ménage- 
ment à  de  telles  épreuves  ? 

Mais  d'ailleurs  ce  lait  leur  ap- 
partient en  propre  :  car  comme 
il  cft  fait  pour  eux ,  ils  ont  été 
formés  par  lui  :  c'eft  donc  leur 
difputer  une  partie  d'eux-mê- 
mes :  c'eft  partager  leur  propre 
fubftance  ;  puifque  le  lait  des 
mammelles  n'eft  pas  moins  def- 
tiné  à  les  faire  croître  après  leur 
nai{Iance ,  que  celui  du  fein  de 
leur  mère  étoit  dcftiné  à  les  faire 
naître.  On  en  jugera  par  les  rai- 
fons  qui  font  les  mêmes  ,  6c  par 
Fanalogic  qui  eft  pareille. 

Un  enfant  nouveau-né  n'a  pas 
plus  d'intelligence  pour  choifir  fa 
nourriture,  qu'avant  fa  naiflan- 
ce  :  mais  comme  l'ordre  fcul  du 
Créateur  lui  a  fait  trouver  alors 
de  quoi  pouvoir  naître  ,  il  lui 
offre  encore  dans  le  lait  de  fa 
mcre  de  quoi  s'accroître  :  au  lieu 
que  ce  qui  lui  vient  d'un  choix 

étranger  » 


de  noHYrïr  leurs  enfanj.  \  C  t 
étranger  ,  doit  rexpofer  à  tous 
les  incofiveniens  d  une  nourri- 
ture nuiiîble  ou  mal  aiTortie  ; 
puifque  cette  entreprife  eft  une 
nouvelle  habitude  qu'il  faut  fai- 
re prendre  à  de  jeunes  créatures 
qui  en  font  incapables  ,  ôc  dont 
on  rifque  la  vie.  On  le  com- 
prend quand  on  confidére  que  la 
vie  en  elle-même  eft  un  accord 
continuel  des  liqueurs  qui  Ten- 
tretiennent  avec  les  parties  foli- 
des  :  c'eft  une  convenance  &  un 
rapport  des  mieux  concertés  en- 
tre les  unes  &  les  autres  ;  mais 
ajoutez  que  la  vie  d'un  nouveau- 
né  dépend  moins  encore  de  ce 
rapport  entre  les  parties  de  fon 
petit  corps  ,  que  du  rapport  qu'il 
a  apporté  en  naiflant  avec  le 
corps  de  fa  mère  :  ^  alors  on 
conviendra  du  danger  qu'il  y  a 
de  fubftituer  un  lait  ou  un  liqui- 
de ,  avec  lequel  il  s'accorde  auflî 
parfaitement  qu'avec  les  liqui- 
des ou  le  lait  dont  on  vient  d'ê- 

O 


î^i  De  follïgatïon  âux  merfs 
tre  formé.  Imaginez  deux  pen- 
dules montées  Tune  fur  Tautre  ^ 
ou  deux  luths  parfaitement  d'ac- 
cord ^L  mis  à  l'uniflbn  :   vous 
n'aurez    encore    qu'une    image 
groiîiere  de  la  parfaite  correl- 
pondance  des  parties  d'un  en^ 
fant  avec  celles  de  fa  mère  :  car 
ici  la  correfpondance  eft  entre 
deux  machines  infiniment  plus 
compofées  ,  en   qui  cependant 
tout  concourroit  ^  s'accordoit 
dans  le  fein  de  la  mère  pour  la 
confervation  de  Tcnfant.  Voilà 
la  convenance  qu  il  faut  trouver 
ôc  établir  entre  une  nourrice  é- 
trangere  &  un  nouveau- né  :  elle 
eft  encore  toute  entière  ôc  toute 
trouvée  entre  celui-ci  ôc  fa  mè- 
re 5  &  il  ne  faudroit  que  s'y  con» 
former.   Sinon  comme  ce  rap^ 
port  mutuel  eft  la  preuve  la  plus 
naturelle  du  devoir  des  mcres  ^ 
il  devient  celle  de  leur  condam- 
nation quand  elles  y  manquent^ 
Peur  mieux  fc  convaincre  fur 


de  nourrir  leurs  enfans,  iG^ 
tout  ceci  ,  il  faut  fe  louvenir 
cjue  chaque  être  ,  chaque  plan- 
te 5  chaque  animal  a  fa  pâture 
propre  :  un  air  étranger  ,  une 
eau  mal  affbrrie ,  une  terre  nou- 
velle 5  fait  languir  ou  mourir 
un  poiiïbn  ,  un  oifeau ,  une  plan- 
te^ quoi  qu'on  leur  donne  peut- 
être  un  air  meilleur ,  une  eau  plus 
pure  ,  une  terre  plus  gralFe  :  &: 
on  prétendra,  moins  expofer  le- 
corps  d'un  enfant ,  dont  on  con- 
noit  moins  les  rapports ,  les  pro- 
portions ôc  les  convenances  î  v 
Quel  moyen ,  dira-t'on  ,  de  pé- 
nétrer tout  ce  détail ,  &  de  pe- 
fer  tous  ces  égards  ?  m.ais  font- 
ils  imaginaires  ces  é2:ards  ,  l<. 
faits  à  plaint  ?  S'ils  font  auiïï 
réels  que  peu  connus  ,  eft-il  per- 
mis de  s'expofer  &  un  enfant  à 
de  fi  terribles  méprifes  ?  Mais  ces 
proportions  oc  ces  rapports  font 
autant  connus ,  qu'il  convient 
aux  befoins  de  lenfant  :  êc  fi  on 
n'en  développe  point  toutes  les 

O  ij 


1^4  ^^  tûhlïgAtton  aux  mtns 
caufes  ,  on  en  comprend  la  jtif^ 
teffe  :  elle  frappe  même  les  fens^^ 
à  qui  veut  s'y  appliquer.  C'efl: 
donc  une  vérité  de  fait  fur  la- 
quelle il  n'eft  pas  permis  de  fe 
fermer  les  yeux. 

Un  titre  enfin  qui  acquiert 
droit  à  Penfant  fur  le  lait  de  fa 
mère ,  en  montrant  qull  n'eft 
fait  que  pour  lui ,  c'eft  qu'il  cft 
inutile  pour  elle  ôc  le  produit 
d'un  fuperflu.  Il  tient  dans  une 
femme  qui  nourrit ,  la  place  dti 
trop  de  fu£  nourricier  qui  s'a- 
mafle  en  elle  ,  &  qui  pailè  dans 
un  fang-  qu  elle  doit  régulière- 
ment perdre  pour  fe  bien  por- 
ter, hors  le  tems  des  grolîefles 
&  de  Ç^s  fuites.  La  nature  cepen- 
dant ne  faifant  rien  en  vain ,  a 
eu  iç,^  vues  dans  la  production 
de  ce  fuperflu  :  mais  en  eft-il  uns 
plus  naturelle  que  celle  de  fer- 
Tir  à  nourrir  un  enfant ,  quand 
la  Providence  lui  en  donne  } 
puifque  pendant  tout  le  tems 


de  nourrir  leurs  enfans,  i  ^^ 
qu'une  femme  nourrit ,  elle  ne 
fouflre  rien  de  la  retenue  de  ce 
fuperflu,  qui  larendroit  cruelle-- 
ment  malade  dans  un  autre  tems, 
^i  danc  une  mère  fe  rend  ii  cri- 
minelle en  faifant  périr  fon  en- 
fant en  elle-même ,  la  croira-t'on 
innocente ,  lorfqu'ellc  rexpofera 
fans  néceffité  entre  les  mains  d'u- 
ne étrangère  ?  fera-t'^elle  même 
fans  crime ,  iî  fon  enfant ,  qui 
auroit  pu  plus  fûrcment  vivre 
fous  fes  yeux  &:  entre  fes  bras  , 
venoit  à  mourir  chez  une  nour- 
rice ?  car  enfin  répondra  -  t'on 
moins  d'une  faute  y  parce  qu*on 
Taura  commife  par  les  mains 
d'autrui ,  ou  par  un  miniftére  é- 
trangcr  l 


î 66  De  l^ohlfgati'ô'/i  aux  mefes 


CHAPITRE     IIL 

Si  ron  s'eji  toujours  fcrvi  de 

Nourrices, 

LE  mot  de  Nourrices  paroît 
11  ancien  dans  le  monde  ,  ôC 
il  familier  dans  tontes  les  lan- 
gues ,  qu'il  pourroit  bien  avoir 
été  de  tous  les  tems.  Cependant 
l'équivoque  de  ce  terme ,  auquel 
TAntiquité  a  fait  fignifier  autre 
chofe  qu'une  mère  qui  allaite 
fon  enfant  ,  donne  à  douter  fi 
l'origine  des  nourrices  eft  d  aulîî 
ancienne  date  que  ce  mot.  Il 
n'eft  pas  moins  certain, par  exem- 
ple ,  que  le  mot  de  nourricier 
foit  fort  ancien  :  cependant  il 
fe  prend  moins  fouvenc  pour 
le  père  nourricier,  que  pour  un 
gouverneur  d'enfans  ,  ou  pour 
celui  quiveilioit  fur  leurs  étu- 
des 6c  fur  leur  éducation  :  aiiifi 


de  nourrir  les  enfans,       i  é'-t 
le  nom  de  nourrice  pourroit  bien 
s'être  fouvent  pris  pour  {ignitier 
autre  chofe  que  pour  une  femme 
qui  allaitoic  un  enfant.  Platon  , 
{ d  )  par  exemple ,  appelle  Chiron 
le  nourricier  d'^Achilles ,  parce 
qu'il  lui  avoir  appris  la  Méde- 
cine ;  ôc  faint  Jérôme  écrivant  à 
la  Dame  Lœta  promet  de  fe  ren- 
dre le  nourricier  de  la  jeune  Pau- 
le,  c'eft-à-dire  ,  de  Tinllruire  Air 
la  Religion.  On  a  auffi  donné  le 
nom  de  Nourrice  à  la  terre  :  mai& 
ce  qui  fait  le  plus  à  notre  fiijet  ^ 
c'eft  qu'on  fçair encore  que  celles 
qu^on  appelloit  nourrices  ,  ne  fe 
prenoient  pas  toujours  pour  cel- 
les qui  les  allaitoient.  Ainfi  on 
donnoit  ce  nom  à  celles  qu'on 
appelle  au  j ourd'hui remmufes, qui 
avoient  foin  de  fecher  les  lan- 
ges &  de  les  chauffer  :  &  c'efE 
dans  c^tic  pofture  qu'on  repré- 
fente    la    nourrice    dont   parle 

{a)  Lib.  ^.deRa^ubï. 


î^S  De  P obligation  aux  mères 
Monfieur  Bartholin  (^)  dans  là 
defcription  qu'il  nous  a  laifTéc 
d'un  ancien  monument  trouvé 
à  RomCr  C'étoit  encore  des  fem- 
mes qu'ils  nommoient  nourri- 
ces ,  qui  emmaillotoient  l'en- 
fant 5  qui  le  Gouchoient  6c  qui 
le  berçoient  :  en  voici  la  defcrip- 
tion dans  un  Poète  célèbre  (^). 

Opus  nutrici  autem ,  utrem  habeat 

njeteris  vint  largiter , 
17/  dies  no^îefque  potet  ;  o^us  ejl 

igné ,  opus  eji  carbonibus, 
Fafciis  opHs  cji  y  pulvinis  ^  cunis  ; 

incunabulis. 

Un  autre  Poëte  (r)  Grec  en- 
tend par  nourrice  celle  qui  leflî- 
ve  le  linge  de  l'enfant ,  6c  qui  le 
tient  propre. 

jfuerifafciArum  Uvâtrïx* 
Enfin  on  donnoit  encore  k 

f  ^)  Expojlt.veter.  in  puerpertVitit^» 
(b)  Plant.  Trwul, aU,  f. 

nom 


de  nmrrir  leurs  enfans.     \  6() 
nom  de  nourrice  à  la  hcrccufcy 
^«i  )  Il  pouvoir  même  arriver  que 
ces  différentes  offîcieres  devinf- 
fent  de  véritables  nourrices,  {h) 
«n  cas  de  befoin  :  ce  pouvoir  être 
des    femmes   d'attente    ou    des 
nourrices  dé  lignées  au  défaut  de 
la  véritable  mère  :  mais  auifi  n'é- 
toient  -  elles    fouvcnt    que   des 
nourrices  de  nom  ,  (r)  puifque 
-celles    qui    allaitoient    s'appel- 
loient    ordinairement    Mumm£, 
[d]  Ce  fentiment  touchant  ces 
nourrices  de  nom  ,  eft  fondé  en- 
core ,   fur  ce  que    fouvent  on. 
donnoit  le  nom  de  nourrices  à 
de  vieilles    femmes   incapables 
d'allaiter  ,  qu  on  nommoit  pour 
cclzveruU  ajjd. 

Hoc  monflrant  'vctuU  pueris  repen^ 
tihus  ajfji  {a), 

(  ^  )  Qunarîa. 

(b)  Barthoî.  expof,  veter.  inptteyp.rh.  " . 20. 

(c)  Nominales  &  konoroi-tix. Barthol.p.i  i . 
(i)  Jhîd.pag.  20. 

(^)  Jm'çnal.  Satyr,  1 4.  v,  ao8. 

p 


170  De  Vohligatton  aux  mères 

Ainfi  le  nom  de  nourrice, quoi 
qu'il  foie  familier  6c  commun 
dans  PAnl'iquité ,  ne  prouve  pas 
que  l'ufage  des  nourrices  foit 
auflî  ancien  qu'on  le  voudroit 
croire.  Mais  pour  faire  mieux 
comprendre  ce  qu'on  a  à  dire 
touchant  les  nourrices  des  An- 
ciens ,  il  faut  obfcrver  qu'on 
trouve  dans  leurs  Ouvra2:es  fur 
ce  fujet  des  maximes  Se  des  exem- 
ples. Les  maximes  ne  varient 
pas ,  &:  font  toutes  contraires  au 
fréquent  ufage  des  nourrices  : 
les  exemples  ne  reflemblent  pas 
toujours  à  ces  maximes  ;  mais  ils 
ne  les  décruifent  pas ,  ils  les  éta- 
blifTent  même ,  quand  ils  font 
bien  démêlés. 

Les  Grecs ,  les  Romains  ,  &: 
tous  les  peuples  qui  leur  ont  fuc- 
cédé  5  ou  qui  en  font  venus  ,  ont 
tenu  généralement  cette  maxi- 
me ,  qu'une  mère  eft  obligée  de 
nourrir  fon  enfant.  Mea  fenten^ 
Jiâ,  (dit  un  (a)  des  plus  fçavans 

(  «)  Vlntarc*  de  liber,  çduçand.-^ag.  3 , 


dt  nourrir  leurs  en  fans .  171 
Auteur  de  la  Grèce  )  matrcs  ipfc 
nutrirc  debent  ^  laÛare  infantes^ 
Et  la  raifon  qu'il  en  apporte  eft , 

3ue  les  fiécles  anciens  étoient 
ans  cet  ufage  :  car  fî  Ton  remon- 
te ,  ajoute -t*il,  jufqu'aux  pre- 
miers tems  du  Monde  ,  on  y  re- 
marquera que  les  mères  des  pre- 
miers hommes  n  eurent  pas  be- 
foin  de  loix  ni  de  menaces  pour 
fe  porter  à  ce  devoir  :  elles  s'y 
rendoient  volontiers  ,  êc  on  n  y 
trouvera  aucune  trace  de  cette 
indigne  pratique  de  loiier  des 
nourrices  à  des  en  fans  ,  6c  de  fa- 
crifier  ces  tendres  victimes  à  la 
cupidité  ou  à  l'avarice  de  mères 
empruntées.  Rcfer  [a)  fermoncm 
ad  prlfca  tempora  ,  cjud  prim£  pe^ 
ferimt ,  his  neque  lex  ulU  necejjt^ 
tatcm  dendje  frolïs  imponehat ,  ne^^ 
que  expeciatio  gratî.t]uhebat  infari* 
tihus  alimenta  tanquamfœnort  lo- 
CAre. 

Ceft  pourquoi  il  n'y  avoir  pas 

(  ^  )  là.  de  amerfprolis,  fag.  ^9  f . 

Pij 


T71  De  Pohllgatîûn /!ux  mères 
d'hcnnenr  parmi  les  Grecs  a 
nourrir  les  enfans  d  autrui  ;  car 
ce  n  écoic  que  des  cfc laves  ou  des 
fervances  [a)  qui  fe  pretoient  à 
ce  bas  miniftére  :  aullî  étoit-ce 
un  reproche  pour  une  autre  fem- 
me de  palFer  pour  nourrice  ,  &: 
la  feule  indigence  ou  la  mifére 
excufoit  alors  cet  emploi  en  elle. 
Enfin  la  récompenfe  qu*ils  don- 
noient  à  une  nourrice  étoit  de 
fi  petite  valeur ,  qu  elle  devenoit 
une  preuve  du  peu  de  cas  qu'ils 
faifoient  de  celles  qui  trafic 
quoient  de  leiir  lait.  Euripide 
parle  d*une  Dame  Troyenne  , 
qui  devenue  captive  par  la  prife 
de  Troye ,  fe  réfolut  à  nourrir 
les  enfans  du  maître  qui  Tavoit 
fait  fa  prifonniere  ,  de  peur  de 
fe  voir  obligée  de  fe  foumettre 
à  quelque  fervice  encore  plus  in- 
digne.  Mais  le  foulagement  qu'- 
elle trouva  à  fa  mifére  ne  fervit 
qu  a  lui  en  faire  plus  fentir  le 

{a)  ViÛQY,  lib.  17.  Variar,  kCi.  c,  ij 


de  nourrir  leurs  enfans.  ij^ 
poids,  en  comparant  le  petit  ie- 
coiirs  qu'elle  reçût  de  les  gages  , 
avec  les  immenfes  richeffes  qu- 
elle venoit  de  perdre.  On  lit 
dans  Démofthene  (a)  une  au- 
tre hiftoire  d'une  femme  de 
condition  accufée  en  juftice  de 
s*être  loiiée  pour  nourrir  des  en- 
fans  :  elle  ne  fe  difculpa  qu'en 
alléguant  La  mifére  èc  la  fimine, 
qui  Tavoient  réduite  à  cette  né- 
cefiité  j  ajoutant  qu  elle  avoit 
crû  devoir  préférer  la  baflefle  de 
cet  emploi  à  l'infamie  de  quel- 
que chofe  de  plus  honteux.  Au- 
tant donc  que  la  condition  de 
nourrice  étoit  refpectable  parmi 
les  Grecs  dans  les  véritables  mè- 
res ,  autant  étoit-elle  mépriféc 
en  celles  qui  fe  loiioient  pour  cet 
emploi. 

Ce  que  rapporte  un  Grammai- 
rien (h)  Latin  des  plus  célèbres  5 
&:  qui  vivoit  à  Athènes  ,  confîr- 

(a)  Ex  VîClor.  lîb.  17.  Variar.  leâi.  ci. 
,    V k)  Gdl.  noCl,  attic.  l.  u.c.  t. 

P  iii 


J74  ^^  P obligation  aux  mères 
me  combien  les  gens  éclairés 
d  alors  défaprouvoient  la  licen- 
ce que  fe  donnoient  quelques 
Dames  Athéniennes;,  de  {e  don- 
ner des  nourrices  étrangères  pour 
fe  diipenfer  de  nourrir  leurs  en- 
fans. 

Phavorin  Gaulois  de  nation , 
mais  qui  étoit  devenu  un  des  plus 
fçavans  Philofophes  d'Athènes  y 
étant  allé  faire  des  complimens 
chez  une  nouvelle  accouchée  ,  y 
fut  reçu  par  la  mère  de  la  jeune 
Dame  qui  étoit  femme  de  qua- 
lité. Ce  Philofophe  prévenu  de 
la  probité  de  toute  cette  famille 
fe  conjoùifloitavec  la  mère,  per- 
fuadé qu'il  témoignoit  être,  que 
la  jeune  Dame  nourriroit  elle- 
même  fon  enfant  :  mais  la  mère 
s'en  excufant  pour  elle  ,  fur  le 
ménagement  qu'on  lui  devoit 
après  le  travail  qu'elle  venoit 
d'efTuyer ,  concluoit  à  lui  don- 
ner une  nourrice  r  qu'aux  Dieux 
ne  plaife  ,  repartit  le  Philo-fo- 


de  nourrir  leurs  enfans     175 

f>he  ,  que  vous  ôtiez  à  votre  fille 
a  meilleure  partie  du  bonheur 
qui  vient  de  lui  arriver  en  deve- 
nant mère  ,  ce  titre  eft  trop  beau 
pour  ne  le  lui  point  laifler  pofle- 
der  tout  entier.  Or  elle  ne  feroit 
mère  qu'à  moitié ,  fi  à  l'avanta- 
ge qu'elle  vient  d'avoir  de  met- 
tre un  enfant  au  monde,  vous 
n'ajoutiez  celui  de  la  laifl^er  nour- 
rir. Car  enfin  ,  ajouta-t'il ,  vous 
êtes  trop  inftruite  fur  les  devoirs 
de  mère  ,  pour  pouvoir  vous 
perfuader ,  que  la  nature  ait  don- 
né des  mammelles  aux  femmes 
plutôt  pour  orner  leur  fexe  que 
pour  nourrir  leurs  enfans. 

Tout  ce  qu'ajouta  ce  fage  Phi- 
lofophe  n'étoit  ni  moins  vif,  ni 
moins  fenfé  :  mais  c'en  eft  alTez 
pour  faire  comprendre  les  fenti- 
mens  où  étoit  encore  dans  le  fé- 
cond fiécle  de  l'Eglife  le  Paganif- 
me  parmi  les  Grecs  ,  touchant 
l'obligation  des  mères  de  nour- 
rir leurs  enfans.  Les  Romains 
Piiij 


ij6  "De  PolUgaîlon  aux  merci 
penferent  là-dciTus  comme  les 
Grecs  :  c'étoit  une  coutume ,  dit 
lin  {a)  de  leurs  plus  célèbres 
Hiftoriens ,  établie  dès  les  pre« 
niiers  tems ,  que  chaque  Romai- 
ne nourrît  fon  enfant ,  &  loin 
de  le  décharger  à  prix  d'argent 
de  ce  foin  fur  quelques  pauvre 
femme,  elle  ne  s*en  rapportoit 
quà  elle  feule  ,  &:  ne  lui  defti- 
noit  que  fon  propre  lait.  (^)  Le 
reproche  qu'un  grand  Empereur 
(r)  fit  un  jour  aux  Dames  de 
cette  nation ,  confirme  cette  pra- 
tique. Eft-ce  donc  que  les  Da- 
mes Romaines ,  leur  dit-il ,  n  ont 
plus  d'enfans  ni  à  porter  ,  ni  à 
nourrir  ,  elles  entre  les  mains  de 
qui  on  ne  voit  plus  que  des- 
chiens  &:  des  finies  ?  Ceft  que 
îe  luxe  ôc  la  molleiïè  cx)mmen- 

( a )  C.  T.ach.  l.  de ctaris  Aiitiorib. 

(b)  Jam  fridem  fuus  cuique  filius  ex  cafta 
parente  natus  ,  non  in  fellâ  empce  nutricis  ,  feà 
gremio  ac  Jlnu  matris  educabatur ,  ibid, 

(e)  JuL  Cafar.  aiud F.Patrk»  L  4.. de re^ub^ 
th,  6^ 


de  nourrir  leurs  enfans,  177 
^oient  apparemment  à  les  éloi- 
c;ncr  de  cet  ufage ,  que  (4)  Catori 
faifoit  obferver  fi  févérement 
dans  fa  famille,  que  non  feule- 
ment il  obligeoit  fa  femme  à 
nourrir  fes  enfans  ,  mais  qu  il  y 
obligeoit  encore  indifpenfable- 
ment  les  femmes  de  fes  valets  2c 
de  £ç:S  domeftiques. 

La  réponfe  (  b  )  que  fit  un  jour 
à  (a  mère  un  jeune  Romain  fre- 
re  naturel  des  Gracques ,  fait  af^ 
fez  comprendre  le  peu  d^hon- 
neur  que  fe  faifoit  une  Dame 
Romaine  en  ne  nourriflant  pas 
fon  enfant.  Cétoit  un  Officier 
diftingué  par  fa  valeur,  dont  il 
rapportoit  des  marques  par  les 
dépouilles  dont  il  revenoit  char- 
gé  au  retour  d'aune  campagne. 
•  Sa  mère  &  ia  nourrice  impatien- 
tes de  partager  fa  gloire  ,  couru- 
rent au-devant  de  lui  pour  lui  en 
faire  compliment  :  mais  la  prot 

(<î)  fhttarc.  m  Cat.  maj. 


178  De  r obligation  aux  mères 
périté  ni  l'honneur  n'ayant  pu  al- 
térer en  lui  les  fentimens  dune 
nature  reconnoiflante ,  il  ne  crai- 
gnit point  de  faire  voir  la  diftinc- 
tion  qu'il  mettoit  entre  fa  mère 
(quilui  avoir rcfufé  fon  lait)  6c 
fa  nourrice  ^  en  ne  préfentant  à 
celle-là  qu'une  bague  d'argent , 
en  même-tems  qu'il  donna  à  fa 
nourrice  un  collier  d'or.  La  mè- 
re fe  plaignant  à  lui  d'une  pré- 
férence qu'elle  trouvoit  injufte  : 
»  Jugez ,  lui  repartit-il ,  à  laquel- 
»  le  je  dois  plus  de  reconnoifTàn- 
w  ce,  ou  à  celle  qui  ne  m'a  nour- 
w  ri  que  neuf  mois ,  ou  à  celle 
»•  qui  m'a  foigné  &:  nourri  pen- 
»»  dant  deux  ans.  Car  enfin  ,  ajou- 
M  ta-t'il ,  fi  je  me  trouve  aujour- 
w  d'hui  avec  quelque  honneur 
>»  dans  le  monde  ,  à  qui  en  fuis- 
*^  je  plus  redevablc^qu'à  celle  qui 
ti  m'a  mis  en  état  d'y  parvenir  ? 
»»  Et  fi  ma  gloire  fe  trouve  flétrie 
w  par  quelque  endroit  ,  eft  -  ce 
N  par  un  autre  que  par  celui  de 


de  nourrir  leurs  en  fans,  i  yt) 
*»  la  naidance  honteiife  que  vous 
*»  m'avez  donnée  j  puifque  ce 
»'  n'eft  que  le  crime  qui  ma  fait 
>-  naître.  Mon  éducation  n'a  va- 
"  lu  d  autre  plaifir  à  ma  nourrice 
«  que  celui  de  m'en  faire  j  au  lieu 
w  que  vous  avez  moins  fongé  à 
*>  m'en  procurer  qu'à  vous  &  à 
»'  mon  père  en  vous  livrant  à  lui. 
»'  Ce  que  je  tiens  de  vous  n'efb 
"  donc  qu'un  corps  que  le  crime  a 
"  formé  j  &  je  fuis  redevable  à  fa 
»»  générofité  &:  à  fa  bonté  de  l'édu- 
»>  cation  qu'elle  m'a  donnée.  En- 
»  fin  vous  m'avez  mis  au  monde, 
M  il  eft  vrai  ;  mais  vous  m'avez 
»  refufé  les  m.oyens  d*y  fubfifter  ; 
»  6c  comme  iî  vous  aviez  eu  re- 
»  gret  au  bien  qui  me  venoit  par 
V  votre  moyen  y  ma  naiflance  a 
«commencé  votre  haine  contre 
»»  moi  :  exilé  de  votre  préfence 
»•  &:  dépendant  d'autrui ,  je  me 
^  fuis  vu  accueilli ,  carefTé  ,  & 
M  chéri  par  ma  nourrice  :  &  après 
»•  cela  vous  me  trouvez  inJLifte^ 


î  8o  Tyt  Vohllgdttoyi  aux  mères 
»  lorlque  je  ne  fuis  que  recon- 
w  noifiaat  1 

Certes  il  ne  feroit  guéres  por- 
iible  d'imaginer  d'autres  preuves 
plus  fortes  du  devoir  des  mères  , 
êc  du  droit  que  les  enfans  ont 
fur  leur  lait  ,  que  ces  paroles 
mêlées  de  reproches  &  de  recon- 
noifTance.  Les  autres  peuples  é- 
toient  entrés  dans  les  mêmes 
fentimens»  Les  Germains ,  par 
exemple  ,  ce  peuple  quelque  im- 
poli éc  quelque  mal  civilifé  qu'il 
fut  d'abord  ,  ne  fçavoit  ce  que 
c'étoit  que  d'abandonner  ^es  en- 
fans  à  des  nourrices  d'emprunt , 
&:  chaque  mères  s'acquittoit  par 

elle-même  de  ce  devoir {a)  Sua 

quemcjue  mater  uheribus  alit  ,  nec 
ancillis  aut  nutricibiis  ddtgdntur. 

C'étoit  encore  une  coutume 
établie  parmi  les  EcofTois  (^  )  de 
ne  pas  fouflrir  de  nourrices  à 
leurs  enfans  ,  mais  chaque  mère 

( ^ )  Tant,  de morîhui German. ^ag.  lit». 
(  i  )  H.  Bo'éikius  in  Scoiia^ 


de  nourrir  leurs  enfuis.  1 8  i 
devoit  nourrir  le  iîen  :  leur  fevé- 
nré  là-deflTus  alloit  au  point  de 
déshonorer  une  femme  dans  le 
monde ,  ôc  de  la  faire  foupçon- 
ner  d'infidélité ,  fi  faute  de  lait 
elle  ne  pouvoit  pas  nourrir  ;  par- 
ce qu'ils  étoicnt  perfuadés  qu'il 
falloit  qu'un  enfant  fût  adulté- 
rin 5  fi  la  nature  lui  refufoit  dans 
celle  qui  l'avoit  mis  au  monde  , 
une  nourriture  qui  lui  apparte- 
noit  de  droit, fi  elle  avoit  été  fage. 
Les  nations  les  plus  éloignées 
ne  fe  font  pas  moins  fait  une  re- 
ligion d'obliger  les  m.eres  à  nour- 
rir leurs  en  fans.  Un  célèbre  Hif- 
torien  Efpagnol  {a)  en  parlant 
des  peuples  de  la  Chine ,  qui  ont 
coutume  de  fe  fervir  de  femmes 
dans  les  ambaflades  6c  dans  les 
affaires  d'Etat  j  rapporte  qu'une 
des  principales  conditions  pour 
les  faites  admettre  dans  ces 
hauts  emplois ,  c'eft  qu'elles  doi- 

(a)  Fernand, Mmàîz  Vînto  Hijîor,  (hin, c, 
172. p. 878. 


i%i  De  l^ obligation  aux  mères 
vent  avoir  nourri  de  leur  propre 
lait  tous  les  enfans  qu'elles  ont 
mis  au  moadc;  ôc  pour  ne  s*y 
point  méprendre ,  on  n'admet 
aucunes  femmes  à  ces  dignités 
qu'après  des  informations  févé- 
rcs  &  juridiques.  Une  de  leurs 
raifons  pour  en  ufer  ainfi  ,  c'eft 
qu'ils  font  perfuadés  qu'une 
femme  qui  ne  nourrit  point  fon 
enfant  refFemblc  bien  mieux  à 
une  maitrefle  ou  à  une  courti- 
fanne ,  qu'à  une  femme  d'hon- 
neur. Ils  vont  même  jufqu'à 
croire,  que  cette  faute  dans  une 
femme  eft  odieufe  ,  infamante  , 
&  déteftable  :  deforte  que  fi  par 
une  impoifibilité  phylique  une 
merc  fe  trouve  hors  d'état  de 
nourrir ,  elle  ne  peut  mettre  fa 
réputation  en  f  ireté  dans  le  pu- 
blic ,  qu'en  prenant  &:  produi- 
faut  des  atteftations  en  forme , 
qui  portent  que  l'impoilibilité 
qu'elle  allègue  eft  réelle  &  avé- 
rée. 


de  nourrir  leurs  enp.ns.  i  Sj 
La  Religion  Chrétienne  ache- 
va de  perfuadcr  les  Grecs  &  les 
Romains  de  l'obligation  où  font 
les  mères  de  nourrir  leurs  cn- 
fans  j  &  c'eft  pourquoi  les  Pères 
Grecs  êc  Latins  fe  font  (i  fort 
récriés  contre  les  mères  qui  man- 
quoient  à  ce  devoir.  L'étrange 
différence,  dit  faint  JeanChry- 
foftomc  ,  (  ^  )  que  celle  qui  fe 
trouve  entre  une  pauvre  femme 
&  une  Dame  de  qualité  par  rap- 
port à  la  piété  !  la  pauvreté  dans 
l'une  devient  une  reffburce  na- 
turelle de  falut;  la  vanité  dans 
l'autre  devient  une  occafion  con- 
tinuelle de  chiite.  Parmi  les  pau- 
vres, une  femme  peut  être  tout 
à  la  fois  maitrefle  5c  fervante;  ôc 
accoutumée  à  ex<^cuter  par  elle- 
même  ,  elle  ne  rougit  pas  de  pa- 
roître  la  mère  &:  la  nourrice  de 
fcs  propre;  enfans.  Il  n'en  eft  pas 
de  même  des  femmes  de  q^irt-ité  • 
leur  but ,  ce  ff  mble,  feroit  moins 


t  ?4  De  rôhlîgdHon  aux  mer  es 
de  devenir  mères  ,  que  de  ne 
point  paroître  nourrices,  C'eft 
ainfi  que  leur  vanité  les  dérobe 
aux  devoirs  les  plus  efTentiels  de 
la  nature  ôc  de  la  piété  ,  lorf- 
qu  elles  ne  veulent  que  s'hono- 
rer du  nom  de  mère ,  &  qu  elles 
rougiflent  de  la  qualité  de  nour- 
rice. Confidera  pauperem  incentiva 
fietatis  hahere  fulcïmina  ,  in  di* 
"vitïhus  dutem  mnltam  ftéperhiam, 
Aftid  pnuperes  uxor  d^  ancilla  ^ 
fnïnijlra  ejl  >  d^  procréât  flios ,  d* 
ipfa  mater  d*  nutrix  efi.  Apud  di- 
%'ltes  autem  non  ejl  ita ,  Jed  cum 
genuerit  fiium  y  fi^tim  eum  tradit 
forts ,  &  pietatis  injignia  ahfcindit 
fuferbia,  Eruhefcitjîeri  nutrix  qux 
facia  ejl  mater  ! 

Saint  Bafiîe  (  a)  fait  ob  fer  ver , 
que  Dieu  ayant  deftiné  les  fem- 
mes à  nourrir  &  à  élever  leurs 
enfans  ,  leur  a  donné  un  naturel 
plus  tendre  oL  plus  affectif  qu  ■ 
aux  hommes.    Or  de  ce  que  ce 

faint 


dt  nourrir  km  s  en  fans.  1 8  5 
faint  Père  ajoute  ,  que  cette  af- 
fection dans  les  mères  va  jufqu'à 
leur  faire  perdre  le  repos  &  le 
fommeil ,  toutes  les  fois  qu'elles 
voyent  que  leurs  enfans  fouf- 
frent  ;  cette  remarque  fait  voir 

3ue  ce  Saint  parle  en  cet  endroit 
es  mères  qui  nourrifTent  leurs 
enfans.  Il  en  parle  encore  lorf- 
qu'au  fujet  d'une  perfécution ,  il 
rapporte  la  conftance  d'une  mè- 
re qui  exhortoit  fon  fils  au  mar- 
tyre. Car  il  dit  de  cecte-mere , 
qu'elle  avoit  encore  plus  nour-^ 
ri  cet  enfant  des  maximes  de  \x 
piété  chrétienne  ,  que  du  lait  de 
fes  mammelles.  Cette  obligation 
aux  merçs  de  nourrir  leurs  en- 
fans n'eil  pas  moins  marquée 
dans  les  Pères  Latins. 

Saint  Ambroife  {à)  reprend  les 
mères  chrétiennes  qui  fe  don^ 
nent  la  liberté  de  donner  des 
nourrices  à  leurs  enfans  ,  fous 
prétexte  de  leur  nobleiTç  §c  de 

( a  )  hik.  H^ifo^n.  r.  c.  i S. 

Q 


iS^  tit  l*oUïgâtîon  aux  mères 
leur  qualité;ôc  il  leur  fait  un  com- 
mandement de  ce  devoir  dans 
ime  de  {ç:s  lettres,  (  ^  )  Le  même 
Père  enfin  expliquant  cet  en- 
droit de  l'Ecriture j  {h)  où  il  eft 
marqué  que  Sara  allaita  Ifaac 
fon  fils ,  dit  que  «  cet  ex^emple 
»»  devroit  bien  réveiller  l'émula- 
•»^tion  des  mères  chrétiennes 
»»  pour  nourrir  leurs  enfans  ;. 
*»  puifque  cette  fonftion  de  leur 
»»  état  les  honoreroit  dans  le 
^  monde ,  ôc  les  rendroit  plus 
^  agréables  à  leurs  maris  ,  qui 
»»  les  en  eftimer oient  davantage , 
»•  par  le  cas  qu  ils  verroient  qu'- 
»  elles  feroient  du  fruit  de  leur 
»»  mariage  :  Provocantur  feminx 
tneminijffc  dignitatis  fu£ ,  &  lac^ 
tare  flios  fuos.  H£C  enîm  matrîs 
gratta  y  hic  honos  qua  fl  comment 
dent  'viris  fuis. 

Saint  Auguftin  (r)  rapporte 

(b)  Genef.  c.  21; 


it  nourrir  leurs  enfans.  1 87 
que  rilluftre  fainte  Perpétue 
ëtoit  actuellement  occupée  à  al- 
laiter un  de  fes  enfans  ,  lors- 
qu'elle fouffrit  le  Martyre. 

Mais  faint  Grégoire  [à)  s'ex- 
plique plus  ouvertement  qu'au- 
cun autre  fur  ce  même  fujet ,  en 
condamnant  la  coutume  donc 
les  femmes  fe  fervent  pour  fe 
difculper.  «  Il  s'eft  glifle ,  dit-il , 
>'  une  pernieieufe  coutume  dans 
«  les  mariages ,  qui  autorife  les 
w  femmes  à  ne  point  nourrir  leurs 
*  enfans ,  &  à  fe  décharger  de  ce 
••  devoir  fur  des  nourrices  à  loiia- 
»  ge  :  Prava  co?ifmtudo  in  cvnju^ 
gatorum  morihus  irrep/it ,  nt flios 
ijuos  gignunt  mulicres ,  nutrirc  con- 
temnant  ,  eofque  aliis  mulicrihus 
nd  nutriendurn  tradant.  Mais  il 
ajoute  que  cette  prétendue  rai- 
fon  ,  n'eft  que  le  prétexte  de  leur 
incontinence 5 (^)  Ex  folàcarnis 

{a)  Lîb.  T . eftji. indiCi.  7.  epifl.  3  i . 
(b)  S. Gregor* ibid, epij}, ad AugnJlin.Efîfç, 
Camuarienfem, 


I??  T>t  rohUgatton  aux  mercf 
incontinentïà  videtiir  illud  fuijjl 
invcntum  y  quia  dum  fe  continerc 
^olunt ,  defjficiîint  laciare  quos  gi- 
gnunt. 

Le  Pape  Nicolas  L  confuké 
(  a  )  par  les  Bulgares  ,  fi  les  mères 
ëtoient  obligées  de  nourrir  leurs 
enfans  ,  blâma  fort  dans  fa  ré- 

f>onfe  les  femmes  cjui  ne  vou- 
oient  pas  fe  foumettre  à  ce  de- 
voir ;  &  ce  faint  Pontife  ajouta, 
comime  faint  Grégoire  ,  que  ce 
n' étoit  que  pour  fatisfaire  leur 
incontinence ,  qu  elles  fe  difpen- 
foient  de  cette  obligation.  Elle 
fubfiftoit  donc  encore  cette  obli- 
gation dans  Tefprit  des  Docteurs 
de  TEglife,  &  des  perfonnes  ré- 
gulières au  neuvième  fiécle  ^ 
dans  lequel  vivoit  ce  Saint  Pape. 
Environ  300  ans  après,  fous 
Grégoire  IX.  on  trouve  dans  la 
bouche  d'une  femme  Juive  un 
témoignage  authentique  de  l'o- 
bligation où  les  mères  croyoiçnc 

(>ï)  AdConfuluBulgar,.c».6é^ 


de  nettrYÏr  tcurs  en  fans.    rKf 
être  de  nourrir  6c  d'élever  par 
elles -mêmes  lem'S  enfans.    Un? 
Juif  converti  à  la  Foi,  demanda 
que  (a  femme  lui  rendît  Ion  en- 
tant ,  pour  rélever  dans  la  Reli- 
gion Catholique  :    cette   merc 
moins  dénaturée  en  ce  point  que 
nos  Chrétiennes  s'y  oppofa  ,  (  ^  ) 
repréfcntant    qu'un    enfant    de 
quatre  ans  étoit  mieux  fous  les 
yeux  d'une  mère  ,  que  fous  ceux 
d\in  père  qui  n  entre  point  vo- 
lontiers dans  de  lî  menus  foins^ 
Mais   pour  mieux  juftifîer  foa 
refus  elle  ajouta ,  qu'il  feroit  in- 
humain de  lui  ravir  un  fils  qui 
lui  avoir  coûté  tant  de  fatigue 
avant  que  de  naître  ,  tant  de 
douleurs  dans  fa  naifTance  ,  & 
tant  de  foins  6c  de  peines  depuis 
qu'il  étoit  né  :  An  te  parfum  one^ 
rofus  y  dolorofus  in  partu ,  pajl par- 
tum  lahoriofus,    C'eft  donc  une 
marque  que  les   mcres  d*alors 
nourriffbient  leurs  enfans  j  puif- 

(^  )  Di  converf  inf^d,  c.  r«- 


190  Be  rohligatîon  aux  mères 
qu'elles  prétendoient  que  la  pei- 
ne de  les  avoir  allaités  leur  ac- 
queroit  une  forte  de  droit  fur 
€ux.  Il  paroît  que  les  Théolo- 
giens qui  font  venus  dans  la 
îuite  ont  tenu  les  mêmes  maxi- 
mes. Car  ceux  qui  ont  travaillé 
fur  leurs  principes  à  inftruire  les 
Fidelles  touchant  les  obliga- 
tions de  la  piété  chrétienne ,  y 
font  auffi  entrés  &  les  ont  ap- 
puyés fur  Pexemple  des  Dames 
de  qualité  :,  qui  dans  ces  derniers 
tems  ont  elles  -  mêmes  allaité 
leurs  enfans  (  a  ).  Ainfi  un  Au- 
teur {b)  des  plus  verfés  dans  la 
Difcipline  de  l'Eglife ,  &  dans  la 
fcience  des  Saints  ,  auffi  refpec- 
table  d'ailleurs  par  fa  piété  , 
qu'eftimable  pour  fon  érudition, 
vient  de  confirmer  cette  obliga- 
tion dans  les  mères  ,  avec  toute 

f<a)  NotesfùrlaBibledeM.  (!eSacy,Gf- 
nef.  C.21. 

{h)  M.  de  Vilthierry  dans  Ton  Traité  de 
la  vie  de  s  gens  mariés ,  pag.  426.  c.  3  5» 


de  nourrir  leurs  enfans.  19  r 
la  folidité  que  mérite  cette  ma- 
tière. 

Les  plus  habiles  Médecins  r 
{a)  ^  compter  depuis  Gallien 
jufqu'à  nous ,  ont  penfé  là-def^. 
fus  comme  les  Théologiens  ôc 
les  Pères.  La  préférence  que  Ga- 
lien  &  ceux  qui  l'ont  faivi  ont 
donnée  avec  éloge  au  lait  de  la 
mère  ,  pour  nourrir  plus  fure- 
ment  un  enfant ,  prouve  PinjuC 
tice  de  celles  qui  le  refufent  aux 
leurs.  Il  eft  vrai  qu  ils  ne  déci- 
dent point  en  termes  exprès  la 
queftion  de  l'obligation  des  me^ 
res  :  mais  peut-être  la  trouvoient- 
ils  (\  naturellement  établie  dans 
la  nature  &  dans  les  efprits  de 
leurs  tems ,  qu'il  étoit  inutile 
alors  d'en  marquer  les  preuves. 
Mais  l'abus  croiflant  on  a  vu  les 
plus  fçavans  {b)  dans  cet  Art 

(a)  Vid.  Gafp.  a  Rejes  qu.  47, 

(b)  Sennert.  tom   l-fag.  6^9'  "Etmull.  de 
vitiis  laClis^  fag.  65.  Bomt,  Poliah.  de  m^rb», 


i<)i  De  Pûhligatîon  aux  mer  es 
s'élever  contre  les  inconvénient 
qui  s'enfuivenc  ,  &  prouver  que 
hors  les  cas  de  maladie  ou  d'im- 

f)ui (lance  ,  une  mère  devoir  fon 
ait  à  fon  enfant.  De  forte  que 
peu  parmi  les  habiles  fe  font  é- 
cartés  de  cette  uniformité  de 
fentimens.  On  trouve  à  la  vérité 
dans  un  Médecin  Efpagnol  {a) 
très-célébre  &:  rres-fçavant  d'ail- 
leurs ,  un  peu  trop  d*indulgen- 
ce  dans  cette  occafion  pour  le 
ménagement  des  femmes  j  mais 
le  féjour  de  la  Cour  auroit  bien 
pu  amollir  fon  cœur  &  afFoiblir 
Tes  lumières  en  ce  point  :  en  ef- 
fet fes  raifons  font  fi  foibles  {h  ) 
&  fi  parfaitement  détruites  par 
un  autre  Médecin  auiîî  très-ha- 
bile ,  [c)  qu'on  a  tout  lieu  de 
croire  que  ce  fcavant  Efpagnoi 

(a)  Gallego  de  la  Serna  de  alend.fœt,  rat, 
f.  8. 

(b)  Fkulne^fimt  Gallegi  de  la  Serna  rathm^ 
ftiîa  in  contrarium  allatm,  Paulin,  Cyiîogra^lu 
fag.<;7' 

(c)  Sennert^ 


dt  nourrir  leurs  erifan:s,  193 
a  moins  penfé  à  inftruire  des  mè- 
res ,  qua  obliger  des  Dames. 
Ajoutons  à  tout  ceci  les  expref- 
fîons  fortes  ôc  les  termes  durs 
qu'on  a  employés  en  differens 
tems  contre  ces  mères  inhumai- 
nes ,  pour  achever  de  convaincre 
le  monde  de  leur  obligation. 

Phavorinus  appelle  ces  fem- 
mes ,    des  monftrcs  de  mères  , 
frodigiofas  mulieres ,  ou  des  me- 
res  à  demi ,  qui  reiioncent  à  la 
plus  belle  moitié  decet  aim.ablc 
nom  ,  dimidicttum  matris  genus , 
^peperiffe  acjlatim  ahjeciffe.  Ce  Phi- 
lofophe  trouve  d'ailleurs  un  dou- 
rile  crime  dans  ces  fortes  de  mè- 
res :  car  leur  injuftice  félon  lui 
tient  du  meurtre  &  de  rexpofî  - 
tion.    Ceft,  dtt-iU  une  fcéléra- 
tefle  à  une  femme  que  de  défaire 
fon  enfant ,  ou  de  le  faire  mou- 
rir dans  fon  fein  :  mais  c'eft  une 
petite  différence  que  de  tuer  un 
enfant  qui  efl  à  naître,  ou  de 
contribuer  à  la  mort  d'un  en- 

R 


1^4  ^^  P obligation  aux  mtrcs 
faut  nouveau-né ,  (  ^  )  Tublick  dc' 
tejiatione  ,  communique  edio  di* 
gnum  ejl ,  in  ifjis  hominis  primer^ 
diis  y  dumfngitur ,  dum  animât ur , 
intcr  ipfas  artifices  naturji  manu  s 
interfcèîum  ire,  ^^u^antuliim  hinc 
aheji  jam  perfecium ,  jam  genitum  , 
jamjïlium  yproprii  atquc  confueti  , 
atque  cogniti  Janguinis  alimoniâ 
privare  ? 

Mais  c'eft  encore  une  forte 
d'expofition  :  car  un  enfant  qui 
n'a  point  fiicé  le  lait  de  celle  qui 
Ta  mis  au  monde  ,  reffemble  aux 
enfans  trouvés  qui  n'aiment ,  ni 
ne  diftinguent  plus  leurs  mères, 
parce  qu'ils  ont  pris  des  idées 
étrangères  dans  un  lait  étranger  : 
Terinde  ut  in  expofnis  ufu  veniî , 
rhatris  qu^  genuit ,  neque  fenfum 
ulLum  y  neque  dej/derium  c/ipit. 

D'autres  Auteurs  moins  an- 
ciens &  auffi  habiles  que  Pha- 
vorinus,  ont  reproché  le  même 
crime  à'expofition  aux  mercs  qui 

( ^ )  AiiL  Gell.  ibîà.  î.  1 2.  r.  i^ 


de  nourrir  leurs  enfdns.  \  9  5 
ne  nGurriirent  point  :  (a)  Annon 
expojitionis  gcnus  ejl ,  infanîulurFi 
4encrum ,  ad  h  fie  k  mixtre  ruhentem  , 
fnatrem  fpirantem  ,  matris  opem 
woce  implorantcm  ,  ^//^  movere  di-» 
eitur  é"  feras  j  trader e  miilieri,,,,^ 
4UÏ  pluris  fit  fecuniài  fauxillum 
^Hâm  totus  infans  tuus  ? 

D'autres  enfin  traitent  celles 
qui  ne  no ur rifle nt  pas  leurs  en- 
fans  5  de  marâtres  ,  d'inhumai- 
nes ,  d'impies  ,  enfin  d'adultérés. 
Qui  n'apperçoit  en  effet  dans 
cette  conduite  une  forte  d'infi- 
délité dans  une  femme  ?  Car  fî 
dans  t'adultère  ordinaire  la  fem- 
xne  donne  à  fes  enfans  un  autre 
que  fon  mari  pour  père ,  dans  ce- 
lui-ci elle  donne  aux  enfans  de 
fon  mari  une  autre  qu'elle  pour 
mère.  Ce  font  donc  dans  l'un  des 
enfans  d'emprunt,  ôc  dans  l'au- 
tre des  mères  empruntées. 

(  ^  )  Erafm.  Colloq,  Etitrapeli  &  fabula' 
Nullum  expojitionis  gentti  cndelius  ejfe  ^otejl* 
ijâ^pAr*aRcjçs ,  2iY.47,p;zj.  348. 

R  ii 


ic)6  De  l'obligation  aux  mères 


CHAPITRE    IV. 

^ue  la  mention  de  notirrkes  qu'on 
trouve  dans  Us  anciens  Livres 
ne  préjudicie  foint  aux  maximes 
quon  vient  d'établir  ,  ^  ne  di- 
minue en  rien  l'obligation  indif- 
penfable  des  mères, 

POur  s*cn  convaincre,  il  fut 
firoic  de  faire  réHexion ,  que 
tous  ces  exemples  reffemblent 
mal  à  la  conduite  qui  fe  gardoic 
dans  les  prerhiers  liécles  du  mon- 
de 5  où  les  mères  nourrifToienc 
leurs  enfans.Sara,  par  exemple, 
femme  d'Abraham  ce  Patriarche 
fi  faine  &:  fi  célèbre  dans  les  Li- 
vres faints,  nourrit  elle-même 
fon  cher  fils  Ifaac.  Rebecca  , 
femme  d'Ifaac  ,  non  moins  célè- 
bre dans  TEcriture ,  nourrit  de 
fon  lait  Jacob. Cétoient  pourtant 
des  Dames  des   plus  qualifiées 


de  nourrir  leurs  enfans ,  i^j 
de  leur  tems.  Si  Ton  joint  à  ces 
exemples  ceux  de  la  fainte  fem- 
me Anne  qui  allaita  Samuel ,  ôc 
de  cette  illuftre  mère  des  Macha- 
bées  qui  avoit  nourri  fon  fils ,  ce 
fera  un  efpace  d'environ  trois 
mille  ans ,  pendant  lefquels  oa 
trouvera  que  les  mères  ne  crai- 
gnoient  point  de  déshonorer 
leur  rang  ,  en  fc  rendant  les 
nourrices  de  leurs  propres  en- 
fans. 

Le  trifte  équipage  dans  lequel 
on  conduilit  au  fupplice  deux 
autres  faintes  femmes  ,  qu  on 
promena  par  la  ville  du  tems  des 
Machabées  5  [a)  avec  leurs  en* 
,  fans  pendus  à  leurs  mammellcs  , 
avant  que  de  les  précipiter  du 
haut  des  murailles ,  prouve  d  ail- 
leurs que  c^étoit  une  coutume 
&  un  ufage  familier  alors  d  al- 
laiter fes  en  fans  ,  parce  que  c'é- 
toient  des  femmes  du  peuple  oa 
de  fimplcs  citoyennes.   Cet  ufa- 

(<ï)  Mathab  Li,c,  4,  v.io. 


j^%  De  r obligation  au^  mères 
ge  venoit  même  de  plus  loin  t 
car  en  remontant  autems  de  Sa- 
îomon  5  on  remiarque  que  les 
femmes  débauchées  d'alors ,  plus 
fidelles  à  leurs  cnfans  qu'à  elles- 
mêmes  5  ne  craignoient  pas  de 
s*avoiier  les  mères  des  enfans 
qu'elles  tenoicnt  de  leur  crime  , 
en  les  allaitant  elles-mêmes.  La 
fameufe  Hiftoire  [a)  du  juge- 
ment de  Salomon  en  eft  une 
preuve  évidente  3  car  la  conteC- 
ration  que  ce  grand  Roi  termi- 
jia  avec  tant  de  difcernement  & 
d'équité ,  étoit  entre  deux  mères 
nourrices  qui  fe  difputoient  ce- 
lui de  leurs  enfans  qui  n'avoit 
point  été  étouffé.  Mais  fi  à  tou- 
tes cts  réfleîcions  on  ajoute  en- 
core ,  que  le  mot  de  nourrice 
dans  l'Ecriture  ne  fignifie  pres- 
que jamais  une  femme  à  gage 
pour  nourrir  les  enfans  d'autrui, 
m.ais  qu'il  s'y  prend  au  contrairc^ 
011  pour  la  véritable  mere>,  oii- 


de  nourrir  leurs  enfans.  199 
pour  une  gouvernante  5  on  y 
trouvera  peu  d'exemples  de  ces 
nourrices  étran2:cres.  C'eft  pour- 
tant  ce  qui  paroit  par  pluiieurs 
endroits  de  TEcriture  :  ainiî  Moï- 
fè  fe  plaignant  à  Dieu  du  poids 
exceffif  qu'il  fentoit  dans  la  char- 
ge qu'il  lui  avoit  impofie  de 
gouverner  fon  peuple  dlfraël  : 
Pourquoi,  dit -il,  Seigneur  me 
charger  de  la  conduite  de  tout 
ce  peuple  ,  qui  m'engage  à  des 
foins  non  moins  grands  que 
ceux  qu'une  nourrice  doit  à  fon 
enfant  ?  Eft-ce  moi,  ajoute-t'il , 
qui  les  ai  mis  au  monde  ?  (  4  ) 
Nunquid  ego  cencefi  hanc  multitti^ 
dinem  ,  vel  genui  eam  ^  ut  dicas 
mihi  j  porta  eos  in  Jînu  iuo  , 
ficut  portare  folct  nutrix  infan^ 
tidum.  Par  où  l'on  voit  que  le 
mot  de  nutrix  dans  cet  endroit 
fe  prend  pour  la  véritable  merc. 
En  voici  encore  un  femblable. 


{ 4 )  Kumer.  c*ii.v.  iz. 

Kiiij 


200  T>e  rohligmon  ausi  mères 

Ifaïe  (  4  )  voulant  par  l'ordre 
de  Dieu  confoler  la  ville  de  Sion^- 
qui  fe  croyoit  déferte  ôc  aban- 
donnée à  la  ftérilité ,  lui  promet 
qu'un  jour  viendra  qu'elle  aura- 
des  Rois  (h)  fonr  riQurricicrs  &  des 
Reines  four  nourrices  y  c'eft-à-dire, 
qui  ferviront  de  percs  &:  de  mè- 
res au  nombre  prodigieux  d'en- 
fans  qui  fe  trouveront  dans  fon 
enceinte.  Or  les  mots  de  nourri- 
ciers ôc  de  nourrices  fe  pren- 
nent ici  pour  àcs  pcres  6c  des^ 
mercs  ;  puifque  le  Prophète  erb 
cet  endroit  veut  faire  entendre, 
à  Sion  qui  fe  croyoit  fans  enfans^ 
qu'elle  fera  obligée  d'étendre  {ç,% 
murailles^  pour  contenir  tous 
ceux  qui  lui  viendront ,  5c  dont 
les  Princes  fe  rendront  comme 
les  pères  ôc  les  nourriciers,  par 
les  fecours  lin entiers  qu'ils  leur 
donneront.    L'événement  a  juf- 

{a)  C.  4^.t;.23. 

{h)  Mamilld Regttm  îaCîahms ,  Jfai» c»(fOA- 


de  nourrir  leurs  enfans.  i  o  i 
tifié  la  prophécie  :  car  outre  que 
les  Rois  de  Perfe  (a)  protégè- 
rent la  Synagogue  ,  ^c  pourvu- 
rent à  l'entreten  ncment  du  Tem- 
ple &  des  Sacrifices  ,  la  charité 
fit  enfuite  trouver  dans  les  Prin- 
ces Ch-rétiens  l?  )  d'illuftres  pro- 
tecteurs ôc  de  charitables  pères 
aux  enfans  de  l'Eglifc  qui  pafTe- 
rent  du  Faganifme  à  la  Foi.  Dieu 
lui-même  prend  dans  l'Ecriture 
la  qualité  de  nourricier  du  peu- 
ple Juif,  de  Jérufalem  y  reçoit 
celle  de  nourricière  du  même 
peuple  :  deux  titre?  qui  renfer- 
ment les.  fonctions  de  père  &:  de 
merc  ,  par  la  raifon  qu'on  appel- 
le la  terre  la  mère  nourrice  da 
genre  humain. 

Ce  qu'on  avance  touchant  le 
mot  de  nourrice ,  fc  confirme  par 
ridée  qu'on  avoit  dans  ces  tems- 
des  Nourriciers  ,  qui  étoienc 
comme    les    Gouverneurs    des 

(a)  Menock,  Kic» 

{h)  Dans  Conftantin  &  Théodore^ 


aoi  De  J^ûhlîgâtïon  âux  mères 
jeunes  Princes ,  moins  deftiné^ 
à  veiller  fur  leur  nourriture  que 
fur  leur  éducation.  Tels  étoient 
les  Nourriciers  des  enfans  d'A- 
chab  ;  (  ^0  puifque  TEcriture  les 
range  parmi  les  Anciens  6c  les 
Miniftres  d'Etat;  6c  qu an  sa- 
drefToit  à  eux  dans  les  affaires  de 
la  dernière  conféquence  ,  com- 
me fît  à  ceux-ci  rufurpateur 
Jéhu. 

De  même  les  Nourrices  qui 
étoient  auprès  des  jeunes  Prin- 
ces ,  étoient  auffi  apparemment 
des  Gouvernantes  :  car  outre 
qu  elles  habitoient  un  apparte- 
ment ordinaire  aux  Gouvernan- 
tes ,  in  triclinh  ,  elles  demeu-- 
roient  auprès  d'eux  jufqu'en  des 
âges  trop  avancés ,  &  dans  lef- 
quels  Tofïîce  de  Nourrices  au- 
roit  été  mal  reçu  ou  inutile^ 
Ainfî  la  Nourrice  qu*avoit  Mi- 
phibofeth  à  cinq  ans  ,  &:  celle 
qu'avoit  le  Roi  Joas  à  huit,  é^ 

(^)  Rois^liv.  4.  c.  10,  V.  î.  J^ 


de  nourrir  leurs  enfans,  205 
toient  des  Gouvernantes.  C'en, 
ëcoit  encore  une  que  celle  qui 
accompagna  Rebecca  lorfqu'eile 
vint  époufer  Ifaac  :  auffi  étoit- 
il  de  Tordre ,  de  la  bienféance  , 
^  de  la  condition  d'une  fille 
tomme  Rebecca  d'avoir  une 
Gouvernante.  Mais  ce  qui  doit 
convaincre  là  -  defliis  tout  le 
monde  ,  c'eft  qu'il  n'étoit  pas 
extraordinaire  alors  d'appeller 
Nourrice  celle  qui  étoit  char- 
gée de  l'éducation  d'un  jeune 
homme  de  condition.  Ainfi  l'E- 
criture appelle  Noemi  {d)  la 
Nourrice  de  l'enfant  de  la  célè- 
bre Ruth  fa  fille ,  quoique  Noë- 
mie  fut  hors  d'âge ,  comme  elle 
le  témoigne  elle-même  ,  d'avoir 
des  cnfans  (^)  &  d'en  nourrir. 

En  entrant  dans  les  tems  de  la 
Loi  nouvelle,  on  troirve  d'^abord 
la  plus  pure  des  Vierges  ,  6c  la 
plus  fainte  de  toutes  les  Mères,, 

(-3)  Tuith.  c.  4.  V.  \6^. 


104  ^^  l* obligation  mx  merù 
qui  nourrit  de  fon  lait  le  Sau^ 
veut  du  Monde.  Mais  ce  qui 
prouve  que  c'étoit  une  pratique 
ordinaire  à  toutes  les  mères  ^ 
e'eft  qu'alors  on  difoit  d'une 
femme  qu'elle  nV/oit  point  al- 
laité ,  pour  exprimer  q:u  elle  n'a- 
voit  point  en  d'^enfans  \{a)  Beat£. 

Jîeriks beat  a  ubera  qu£  non  lac^ 

taverunt.  Tant  on  étoit  pcrflia- 
dé  qu'être  mère  &  allaiter  foiT 
enfant,  étoit  une  même  chofe. 
C'eft  pourquoi  iaint  Paul  paroît 
faire  une  obligation  aux  femmes 
chrétiennes  ,  de  nourrir  elles- 
mêmes  leurs  en  fans  y  fi  elles  veu- 
lent fe  fauver -,  attachant  leur 
falut  à  l'éducation  de  leurs  en- 
fans  :  {è  )  Sdvabitur  multer  fer 
JlîoYum  gêner ationem.  Car  1  es- 
meilleurs  Interprètes  (  c  )  expli- 
quent ce  paiTage  de  l'éducation, 
terme  qui  fe  prend  aflfez  naturel* 

(^)  tue.  c.  23. «y.  2p, 

\b  )  S.Paul.  T.adTmotk,ç,i,v,iU 


âe  nourrir  leurs  tnfdns.  20^ 
lemcnt  pour  la  nourriture  mê~ 
me.  Cette  interprét^ticaparoit 
d'autant  plus  raifonnabîe,  que 
comparant  la  raifon  de  péniten- 
ce que  Dieu  a  voulu  impofer 
aux  femmes  en  les  condamnant 
■à  la  peine  de  mettre  des  enfans 
au  monde ,  ce  feroit  en  retran- 
cher ce  qu  elle  a  de  plus  fati- 
guant &  de  plus  ennuyeux  ,  que 
de  les  afFranchir  du  devoir  de  les 
allaiter. 

Mais  ce  n  eft  pas  uniquement 
dans  les  faints  Livres  ,  les  plus 
anciens  d'ailleurs  qui  foient  au 
monde  ,  qu*on  voit  les  mères 
nourrir  leurs  enfans  :  on  décou- 
vre la  même  pratique  dans  ceux 
des  Payens  qui  approchent  le 
plus  près  de  rantiquité  des  Li- 
vres de  Moïfe.  Ainiî  on  trouve 
dans  Homère  {a)  une  des  plus 
grandes  Reines  de  ce  tems ,  c'efl: 
Hecube ,  qui  avoit  nourri  fon  fils 
Hector  de  fon  lait,.  La  chafte  Pé- 


noS  De  tûUlgatlon  aux  m^ni 
nélopc  (^)  avoit  rendu  Je  même 
devoir  à  fon  cher  Telcmaqae , 
&:  la  Reine  Theiïalonice  dans 
Juftin^  {h)  en  fait  fouvenir  foa 
fils  Antipatrc. 

Ce  fut  donc  moins  un  ufagc 
<:ju'un  abus ,  moins  un  exemple 
a  fuivre  qu\in  fcandale  à  éviter , 
-que  ce  qu'on  lit  de  tant  de  Nour- 
rices que  le  Paganifme  a  don- 
nées aux  enfans  des  Dieux.  Hon- 
teux qu  ils  étoient  d'avouer  leurs 
adultères  ,  ou  leurs  débauches  , 
ils  en  cachoient  les  fruits  dans 
le  fein  des  Nourrices  étrangères, 
Ceft  par  un  article  à  peu  près 
fcmblable  que  la  Fable  rapporte, 
que  la  naiflance  de  Jupiter  fut 
cachée  pour  un  tems  dans  Tille 
de  Crète  ,  entre  les  mains  de 
deux  Nymphes  ,  qui  au  défaut 
de  lait  de  femm.e,Péleverent  avec 
le  lait  d'une  chienne.  Ce  qu'on 
lit    des   Nourrices    d^s    autres 

(^)  CdyfUL  ij. 


de  munir  leurs  cûfans.  107 
Dieux  eft  auiîi  fabuleux  ou  auffi 
peu  raifonnablc.  Ceft  donc  à  la 
dépravation  du  cœur  humain  , 
ou  à  la  décadence  des  mœurs, 
qu'on  doit  imputer  Tentreprifc 
des  mères  ,  qui  infenfiblcment 
ont  cffàyé  de  s'affranchir  du  joug 
incommode  d'allaiter  leurs  en- 
fans  ,  fe  dépouillant  ainfi  des  {^n- 
timens  naturels ,  dont  faifoient 
gloire  les  femmes  des  anciens 
tems  ,  pour  imiter  la  m.ollefTe  , 
ou  Tincontinence  des  femmes 
infidelles,  qui  faifoient  nour- 
rir par  d'autres  des  enfans  qu'el- 
les n'ofoient  avouer.  Ce  n*eflpas 
qu'on  ne  trouve  dans  l'Antiqui- 
té Se  depuis  des  exemples  de 
nourrices  Se  dem.eres  fages  :  mais 
outre  qu'on  ne  nous  dit  pas  les 
raifons  qu'elles  avoient  d'en  ufer 
ainfi  ,  lefquelles  pouvoient  être 
bien  fondées  ,  on  doit  fe  fou  ve- 
nir que  ces  exemples  font  la  plu- 
part dans  les  Cours  des  Princes 
&  des  Rois  ,  en  qui  on  doit  re- 


5.0^  ^s  Vohligatîûn  aux  mères 
connoîtrc  en  tout  une  préféren- 
ce refpectabîe  ,  ôc  qui  ne  tire 
point  à  conféc;uence  pour  le  refte 
des  femmes ,  qui  d'ailleurs  doi- 
vent fe  tenir  aux  régies  &  aux 
ufages  fa  gement  .établis. 

Si  après  tout  ce  qu'on  vient  de 
rapporter ,  on  fait  réflexion  qu'il 
ne  le  trouve  point  de  Nourrices 
différentes  des  véritables  mères 
dans  riiiftoire  Sainte  j  que  celle 
qui  fut  donnée  à  Moïfe  fe  trou- 
va la  même  que  celle  qui  l'avoir 
mis  au  monde  ;  que  le  mot  de 
Nourrice  n'eft  emiployé  dans  les 
Livres  Saints,  que  pour  mieux 
.exprimer  la  bonté  de  Dieu  ei>- 
vers  fon  peuple ,  que  Ton  com- 
pare aux  foins  emprcfTés  d'une 
mcrc  qui  nourrit  fon  enfant  , 
Ohliti  ejlis  Veum  qui  nutrivit  vos  y 
^  ccntriftdtis  nutrîcem  vcjirdm 
Jerufalcm,  dit  un  Prophète  (a) .. 
Enfin  fi  pluiicurs  faintes  Mercj 
dont  il  y  eft  parlé ,  quoique  fem. 

(^)  Baruch.  4.8. 

mes 


de  nmrrlr  leurs  tnfans.     loc) 
mes  de  diftinction  ou  de  qualité , 
ont  nourri  de  leur  lait  ;  quel- 
les fortes  d'exemples  empruntés 
d'ailleurs    pourroient    affbiblir 
l'obligation  où  font  les  mères 
de   nourrir  leurs   enfans  ?    des 
Chrétiennes  au  contraire  ne  de- 
vroient-elles  pas  plutôt  crain- 
dre de  reiïembler  à  ces  mères 
dénaturées  que  dépeint  un  au- 
tre Prophète   (  4  )  ôc  qui  pour 
cette  raifon  les  met  au-deiTous 
des  bêtes  ks  plus  farouches ,  qui 
ne  fe  refufent  pas  à  leurs  petits  : 
Lamid  nudAVtrunt  mammas  ,  /^r- 
taverunt  catulos  fuos  :  Jflia  fofulh 
mei  crudelis ,  qu^fi  Jlruthio  in  de- 
fato.   Les  bêtes  farouches ,  dit 
ce   Prophète  ,     ont    découvert 
leurs  mammclles ,  &  donné  du 
lait  à  leurs  petits  :  mais  la  fille 
d^  mon  peuple  eft  cruelle  com- 
me une  autruche  (  h)  qui  eft  dans 
le  défert, 

(«)  /«rem.  L^rwew.  c.  4.  V.  5. 

(^  )  Don;  il  eu  4Jt  qu'elle  abandonne  it% 

s 


e  ro  Be  rohlïgatîon  aux  merrr 

Peut-être  trouveront-elles  àts 
exemples  plus  favorables  à  leur 
molleffe  dans  Thiftoire  profane  : 
mais  des  exemples  pris  d'après 
des  Divinités  hibuleufes  ,  des 
femmes  infidelles  ,  ou  des  filles 
libertines,  peuvent -ils  jamais 
former  la  conduite  de  femmes 
chrétiennes?  On  leur  demande- 
roit  fi  ces  leçons  font  celles  que 
la  Religion  infpire  ,  An  fie  didi- 
eijiis  Chrlftu^mf 

Mais  ces  exemples  ont-ils  me- 
me  pu  faire  changer  de  conduite 
à  ces  Reines  &  à  ces  Dames 
fayennes  ,  qui  n'en  ont  pas 
moins  bien  compris  la  néceffî- 
té  où  font  les  mères  de  nour- 
rir leurs  enfans  ?  Ce  font  du 
moins  d'autres  exemples  d'au- 
tant plus  capables  de  combat- 
tre ceux  dont  on  s'autorife,  6c 
d'autant  plus  dignes  d'être  fui- 
vis  5  que  les  perfonnes  qui  les 

ceufs,  quando  Jfruehio  derelirjquif  ova  fita  in 


âc  nourrir  leurs  enfans,  1 1 1 
ont  laiiTés  étoient  pins  fages  6c 
plus  qualifiés.  Car  tandis  qupn 
prend  pour  modèles  des  mères 
davanture  qui  faifoient  nour- 
rir leurs  enfans  à  des  perfonnes 
méprifables  ou  inconnues ,  on 
néglige  Texemple  de  grandes 
Princeires ,  qui  fe  font  elles-mê- 
mes 2:énéreufement  données  ri 
leurs  entans  pour  nourrices. 

GH  APITR.E     V, 

Des  dangers  qnon  fait  courre  aux 
enféins  qu'on  met  en  nourrice  {a) . 

ON  a  déjà  fait  remarquer 
que  le  corps  d'un  nouveau- 
né  ,  n'étoit  un  moment  avant  fa 
ïiaifrance  prefquun  avec  celui 
de  fa  mère ,  par  les  rapports  ôc 
les    convenances   merveilleufes 

(a)  Quantétfeccatrices nutrices ,  &  quanta 
lahes  ab  iis  dtmanet  in  farvulos ,  non  untus 
diei  ftudium  eft  recenfere.  Francifc,  Paullmi 
sbfervat,  centuriâ  fecundd  ,  çbfervaP.  4^.  Vide 
fidhiK  Pichlin,  obfçrvatioms  ^  obferv.  ^6.- 

's  •; 


î  1 1  Ik  rohllgâtUn  aux  mères 
qui  fe  trouvoient  entre  Tun  ST 
Tautre.  Ce  n'étoic  qu  une  même 
circulation  qui  entretenoit  la 
vie  dai>s  tous  les  deux ,  mais  une 
vie  fi  dépendante  &:  fi  peu  pro- 
pre à  l'enfant ,  qu'elle  iè  feroic 
éteinte  dans  le  premier  moment 
qui  auroit  fini  celle  de  la  mère. 
Ce  qu'il  avoit  de  nourriture  ve- 
Boit  auffi  peu  de  lui  ;  car  c'étoit 
moins  lui  qui  iè  la  préparoit  , 
que  la  mère  qui  la  lui  diftribuoit 
préparée  j  enfin  il  n'en  profitoit 
bien  qu'autant  qu'elle  avoit 
toutes  \qs  qualités  qui  conve- 
noient  à  la  délicatefie  de  fes  or- 
ganes. De  -  là  fans  doute  vien- 
nent ces  morts  promptes  6c  ino.- 
pinées ,  qui  étoufi^ent  tant  d'en- 
fans  dans  le  fein  de  leurs  mères  ^ 
car  enfin  fi  un  aliment  fouvent 
bizarre  5  mais  trop  ardemment 
defiré,  laifl^  de  Ci  étranges  im- 
preffions  fiir  ces  tendres  créatu- 
res 5  quoiqu'une  mère  par  raifon 
ou  par  impuifîauce  ^'qw  foit  pri- 


de  nourrir  leurs  enfant:  xrf 
vée  ;  que  ne  doit-on  point  crain- 
dre peur  un  enfant  qu'une  mère 
intempérante  aura  nourri  dcfuc3 
imipurs  &  mal  aflbrtis.  De  mê- 
me encore  fi  une  répugnance  ,< 
un  dégoût ,  une  averfion*  pour 
une  nourriture  qu'une  mère  au- 
ra prife  en  horreur ,  s'imprime 
il  fortement  fur  les  parties  de  ce 
jeune  enfant,  qu'il  ne puifie  ja- 
mais s'en  délivrer  ,  &  qu'il  k 
trouve  toute  (a  vie  dans  ces  mê- 
mes averfions  ;  que  ne  doit  point 
produire  fur  Ini  la  préfence  d'un 
fuc  qui  lui  fcroit  contraire  ôc 
mal  préparé.  Il  eft  donc  des  rap- 
ports mutuels  6c  des  convenan- 
ces réciproques  entre  une  fem- 
me enceinte  6c  le  fruit  qu'elle 
porte  ,  qu'il  eft  impoflîble  de  ne 
point  appcrcevoir  :  6c  ces  rap- 
sports  ne  paroiflent  nulle  part 
autant  que  dans  les  manières  8c 
l'artifice  que  la  nature  employé  5 
pour  préparer  dans  la  mère  \^ 
nourriture  de  Tenfant.- 


$14  î>e  l^ûhligation  aux  m^/ref 

Mais  ces  rappoi-ts  ne  font  paSf 
moins  fenfibles  entre  une  nou- 
velle accouchée  ôc  fon  enfant.- 
La  dépendance  eft  à  peu  près  la 
même ,  &  tout  ce  qui  fe  paffe  en 
elle  ne  fe  fait  encore  que  par 
rapport  à  lui  :  SoU  Ucïïs  confccïio 
d^  difj^enfatiû  fufficit  ad  d^monf' 
trandam  natur  £  fro^oidentiam.  Cet- 
te réflexion  eft  de  Piutarque ,  [â) 
qui  ajoute  au  même  endroit ,  que 
la  nature  n'a  placé  les  mammel- 
les  des  femmes  au  milieu  de  la 
poitrine,  que  pour  leur  donner 
plus  de  facilité  pour  carelTer  6c 
nourrir  leurs  enfans  \  {h)  JJbera 
mnlicri  fuperî^e  ad  pecïiis  nafcun^ 
tur  y  ut  in  promftujit  ofcuUri  am- 
flecïique.&  fûvere  iy^famem. 

Ces  rapports  deviennent  d'au- 
tant plus  refpecbables  à  une  mè- 
re dans  un  jeune  enfant  ,  que 
fortant,  comme  il  fait,  fraiche- 
ment  des  mains  de  la  nature ,  elle 
doit  y  rcfpeâier  le  doigt  de  Dieu 

(  a  )  De  amoYÇ  prolis ,  Pag,  4P  J. 


de  nourrir  leurs  en  fan  s,  itf 
qui  vient  de  former  ce  jeune 
corps  :  une  mère  chrétienne  doit- 
donc  penfer,  que  tout  ce  qu'el- 
le va  employer  de  foin  pour  fou 
enfant  qui  n'en  attend  que  d'el- 
le ,  elle  Temployera  pour  un  ob- 
jet d'autant  plus  digne  de  fon 
attention ,  que  la  malice  ni  la 
paflion  n'ont  point  encore  eu  le 
tems  d^  rien  déranger  ;  èc  ce 
fera  pour  elle  fervir  le  Créateur  ^ 
que  de  prendre  par  elle-même 
ie  foin  de  fa  créature  :  (a)  In  re-- 
cais  nato  ipfas  adhuc  récentes  Dei 
m  anus  débet  cogitare ,  ^uas  in  ho-- 
Tnine  modo  formata  d^  recens  nate 
-quodammodo  exofculamur. 

A  cette  raifon  de  refpect  ôc 
de  piété  ,  il  faut  joindre  celle  de 
nécelTité  :  car  une  mère  chrétien- 
ne nourriiïant  fon  enfant  par 
un  motif  de  vertu  &  de  con- 
fcience  ,  remplit  un  devoir  qui 
n'en  cft  pas  moins  naturel  ,  ni 
moins  néceiïaire.  Cette  née cffité 

(  ^  )  s.  Cy^rim,  e0.;^ag.  aSr, 


i-rC  De  l'ohligatîOH  aux  menf 
eft  fondée  fur  ces  mêmes  rap- 
ports mutuels  dont  on  vient  de 
parier  ;  parce  qu'ils  paroiflent 
uniquement  établis  pour  les  be- 
foins  de  Tenfant  :  on  dit  unique- 
ment ;  car  comme  tout  ce  qui 
arrive  à  une  nouvelle  accou- 
chée 5  eft  principalement  par 
rapport  à  la  production  du  lait  ; 
ce  lait  ne  peut  auffi  fervir  qu'à 
l'enfant ,  en  vue  duquel  il  eft 
uniquement  fait.  Le  lait  eft  ua^ 
fiic  nourricier  travaillé  premiè- 
rement dans  l'eftomac  de  la  mè- 
re ,  par  le  broyement  qui  s'y  fait  ; 
mais  ce  broyement  fe  conti- 
nuant dans  tous  les  vaiffèaux 
par  oii  ce  fuc  doit  pafTer  pour 
arriver  aux  mam.melles ,  il  le  paî-^ 
trit  &  divife  continuellement , 
tant  par  la  trituration  qui  s'e- 
xerce auffi  dans  ces  vaiffèaux  , 
que  par  la  force  qui  le  poulFc  6c 
l'oblige  à  pafTer  par  les  diamè- 
tres 5  toujours  plus  étroits  les 
mns  que  les  autres.    Tels  font 

ceux 


de  nourrir  leurs  cnfdy!s,     217, 
ceux  des  canaux  qui  compofenc 
les  glandes  des  mammelles  ,  qui 
étant  d'une  ténuité  inconceva- 
ble ,  obligent  ce  fuc  à  s'affiner 
jufqu  au  point  de  devenir  lait. 
C'eft  donc  une  liqueur  travaillée 
par  des  triturations  auffi  propres 
à  la  mère ,  que  les  diamètres  des 
vaiffeaux  qui  compofenr  Tes  vis- 
cères lui   font  particuliers  :   or 
comme  il  eft  impoiTible  d'imagi- 
ner des  vaiffeaux  de  même  dia- 
mètre dans  toutes  les  femmes  , 
&  une  m^ême  force  d'ofciliation, 
de  reilbrt ,  oL  de  trituration  ,  en 
chacune  d'elles  •  il  faudra  con- 
cevoir des  broyeniens  différens 
dans  chaque  femme ,  &  par  con- 
féquent  des  laits  difî-erens  dans 
toutes. 

Mais  cette  différence  &  cette 
variété  dans  les  femmes ,  ne  don- 
neroit  rien  à  craindre  aux  en- 
fans  ,  fi  chacune  allaitoit  le  fien  , 
6c  voici  comnient.  Suivant  ce 
prijicipe,  qu'une  femme -encein- 

t 


î  1 8  De  lûhlïgdtlon  aux  mcres 
te  ne  fait  qLfun  tout  avec  foii 
enfant  j  celui-ci  ne  refpire ,  ne 
digère ,  &  ne  vit  que  par  fa  mè- 
re. Les  fonctions  donc  qui  s'e- 
xercent dans  ce  petit  corps  pen- 
dant tout  le  tems  qu'il  eft  ren- 
fermé dans  celui  de  la  merc  ,  ne 
tirent  leurs  caufss  ôc  la  force  qui 
les  meut  que  d'elle,  G'cft  par 
conféquent  le  même  broyement 
qui.  pafTe  de  la  merc  à  l'enfant  : 
c'eft  une  trituration  ou  une  di- 
geftion  continuée  de  l'une  à  l'au- 
tre j  êc  celle  qui  fe  fait  dans  l'en- 
fant neft  qu'une  fuite  &  une 
imitation  de  celle  qui  fe  paiïe 
dans  la  mère,  Ainfi  au  lieu  que 
les  ofcillations  fe  continuent 
feulement  du  cerveau ,  aux  ex- 
trémités dans  une  femme  qui 
n'eft  pas  enceinte  ,  elles  paiTent 
jufqu'à  l'enfant  dans  une  fem- 
me groffè.  De  tout  ceci  il  réful- 
tc  qvie  les  triturations  ou  les  di- 
o;eftions  qui  fe  font  dans  la 
mère  &  dans  l'enfant ,  étant  en-r 


de  no/r/rh'  leurs  en  fans.  119 
trctcniies  par  une  même  force  , 
fuivent  la  même  cadence  :  c'eft 
le  même  rythme  &  la  même  me^ 
fure  qui  les  régit,  Ainfî  cette 
préparation  du  fuc  nourricier 
qui  fe  fait  dans  la  mère  ,  n  cffc 
qu'en  vue  de  l'enfant ,  &  la  dif- 
tribution  qui  s'en  fait  dans  l'en- 
fant ,  n'eft  qu'en  vertu  de  la 
force  qu'il  reçoit  de  fa  merc. 
C'cft  une  correfpondance  réci- 
proque de  l'un  à  l'autre  ,  une 
même  mefjre  ,  &  une  propor- 
tion mutuelle  ,  par  laquelle  tout 
s'aïufte  dans  l'enfant  par  rapport 
à  la  mère  ,  en  qui  réciproque- 
ment tout  travaille  pour  lui. 
Car  comme  le  fuc  nourricier  fe 
prépare  en  elle  pour  l'enfant , 
tout  fe  range  6c  fe  mefure  en  lui 
pour  le  recevoir  :  fes  vaifleaux 
tendres  6c  fufceptibles  des  iitua- 
tions  &  des  capacités  qui  leur 
conviennent ,  fe  ployent  6c  fe 
tournent  de  manière  à  perfec- 
tionner Se  à  faire  croître  ce  petit 

Tij 


2,xo  D^  Pûbligation  a^x  -mères 
corps.  Se  dilatant  donc  plus  ou 
moins  ,  &  réglant  leurs  diamè- 
tres fiir  ceux  de  la  merc  ,  ils 
fe  mettent  en  proportion  avec 
eux.  Ce  font  des  routes  que  la 
nature  fraye  aux  liqueurs  qui 
viennent  nourrir  l'enfant  ,  2c 
des  moules  quelle  crenfe  pour 
en  rnefurer  le  volume  ,  pour 
établir  enfin  un  parfait  équili- 
bre &  une  jufte  confonance  , 
«ntre  le  corps  de  la  mère  &  ce- 
lui de  l'enfant.  Quel  dérange^ 
Tnent  donc  pour  un  nouveau-né 
qu'on  livre  à  des  mères  étrangè- 
res !  c'efl  plus  l'expofer  qu'aux 
dangers  d'un  peuple  ou  d'une 
terre  inconnue.  Il  fe  trouve  hors 
d'œuvre  ôc  de  mefure  j  puifque 
le  lait  d'une  nourrice  ne  fut  ja- 
mais  fait  pour  lui ,  hL  que  la  dil- 
pofition  de  fon  corps  ne  peut 
s'en  accommoder  fans  péril. 

'    Il  eft  inutile  de  dire  que  le  lait 
qu'on  lui  donne  eft  meilleur  {a) 

{ /î  )  Errant  ^uî  futam  in  alimrâ  tantnm^ 


de  nourrir  leurs  enf.ins.  ut 
que  celai  de  la  mère  :  car  enfin  iî 
Ton  doit  convenir  qu'une  roiie 
ou  quelquautre  pièce  d'une 
montre  ,  s'aiuftera  mal  avec  les 
pièces  d'une  autre  plus  excel- 
lente, quoique  les  deux  m.on- 
tres  paroiflent  d'ailleurs  conve- 
nir pour  le  volume  de  pour  les 
proportions  extérieures  ;  qui 
n'apperçoit  que  la  juftefie  que  la 
nature  avoir  mife  entre  une  mè- 
re 6c  fon  enfant  ,  étant  infini- 
ment plus  grande,  il  fera  moins 
pOilible  de  la  retrouver  cette 
j-iifteffc ,  entre  un  enfant  &:  une 
mcre  étrangère  ?  Cette  difficul- 
té fe  montre  d'abord ,  à  ne  con- 
fîderer  m.ême  les  cliofes  que  par 
les  dehors,  c'eft-à-dirc  ,en  coni- 

f>arant  la  condition  ,  l'humeur  , 
e  tempéram^ent  ,    &   le  genre 
de  vie  d'une  nourrice  avec  tou- 

dem  ejje ,  qiiibus  ntttriculis  infantes  utanttir  , 
in  totiim  tamen  mclhis  ejJe  ^Jï  fclidtoris  habitas 
&  flurimi  facci  nutrices  eligantur  :  qttem  ego 
trrorem  majortim  gentiiim  liber is  funejlum  fiiif- 
fe  novi.  Pechl.  obfervat.  ^6.  faz-  l'sS. 

Tiij 


2  2  2  De  l'obligation  aux  mères 
tes  ces  mêmes  chofes  dans  une 
merc.  Ce  fera  une  femme  pau- 
vre ,  (  ^  )  fouvent  indigente  qu'on 
fubftituera  à  une  mère  riche  , 
une  ruftique  à  une  femme  de 
condition;  une  emportée  &  plei- 
ne de  paffion  a  une  mère  prude 
6c  m.odefte  j  une  femmx  enfin 
nourrie  d'alimens  grolTiers  3c 
vul2:aircs  à  une  m.ere  accouru- 
mée  aux  viandes  délicates  êc 
bien  apprêtées.  Mais  quand  par 
impoiiible  on  pourroit  fe  pro- 
mettre de  réùiiir  à  allier  tou- 
tes ces  contrariétés  ,  il  en  eft 
une  qu'il  n'eft  au  pouvoir  de 
perfonne  de  pouvoir  concilier: 
c'eft  1  âge  du  lait  d'une  nourrice 
avec  celui  de  la  mère.  En  eflet 
quoi  qu'on  imagine  ià-deifus  ,  il 

(  ^  )  Cum  matres  fîerumqiie  ftnt  tenerje  Ô* 
délicate  ,  infantes  nutricibiis  traditi  rohiifiis- 
nrofîfque  &  jucci  pknis  jfrœ  alimenti  infuetï 
anomaliâ  Ù"  pnguii  biityrofique  laCiis  copia  in 
morbiim  tandem  incidunt ,  dirutoque  molli  coH— 
textu  ante  diem  ^ereimt.  Pechlin.  obfervat.  4  ^>' 


'  de  nourrir  leurs  enfans.    2 1  ^ 
fera  impoiFible  de  donner  un  lait 
auffi  frais  que  le  fien ,  &:  auflî 
bien  proportionné  à  la  difpofi- 
tion  de  Tenfant.    Cet  inconvé- 
nient eft  ordinairement   moins 
remai'qué ,  parce  qu'on   a  fait 
paiTer  en  maxime  ,  que  le  lait 
d'une  nouvelle  accouchée  eft  im- 
pur ,  &  qunn  autre  plus  âgé  eft 
plus  parfait  &:  mieux  préparé  : 
maxime  meurtrière  &  mal  fon- 
dée I    car  ce  lait  fereu  fi  l'on 
veut  &  mal  déphle^mié^  eft  tel 
qu'il  convient  à  un  nouvean-né , 
qui  fc  nourrifToit  peu  d'heures 
avant  fa  naiffance  d'un  fuc  enco- 
re   moins    fucculent    &   moins 
nourriiTant.  Une  production  fi 
nouvelle  demande  mille  fortes 
de  ménagemens  ;  (i  on  fonge  fiir 
tout  que  la  nourriture  qui  doit 
gro(îir  ce  petit  corps  ,  ne  f^au- 
roit  prefque  fe  faire  d'abord  avec 
trop  de  loifir.  C'eft  un  dévelop- 
pement commencé  dans  le  fein 
de  la  mcre  ,  qui  doit  s'achever 
T  iiij 


2  14  "Dt  V ohUgéittûn  aux  mères 
par  la  faite  des  cems.    Un  lait  f 

donc  trop  fucciilent  troublera  , 

tout  dans  rœconomie  de  ce  pe-  ' 

tit  corps  :  s'il  eft  trop  épais ,  il 
embaraflera  les  parties  au  lieu  de 
les  démêler  :  s'il  eft  trop  vif,  il 
les  enflammera  :  d'où  viennent  : 

tant  de  tranchées  ,  de  coliques  ,  ' 

de  cours  de  ventre  ,  6c  de  con-  \ 

vulfions  ,  qui  enlèvent  jfi  bruf- 
quement  du  monde  ces  tendres 
victimes  de  l'is^norance  ou  du 
préjugé.C'eft  comme  un  vin  nou- 
veau &  fumeux,  qu^on  voudroit 
fubftituer  dans  un  corps  délicat 
à  un  vin  vieux  &  paihble  :  car  un 
lait  trop  fait  &  trop  déphleg- 
mé,développedansun  enfant  un 
volatile  vicieux  qui  trouble  les 
efprits ,  fermente  fon  fang,  allu- 
me fa  bile  ,  dedeche  fes  entrail- 
les ,  6c  le  tue  enfin  fans  reffburce.. 
Pour  parer  cet  inconvénient  ^ 
on  imaginera  de  prendre  une 
nourrice  ,  qui  foit  accouchée  le 
même  jour  que  la  mère  :  mais  où 


de  nourrir  leurs  enfdns.    2  2  f- 
en  trouver  fur  Icfquelles  on  puiC- 
le  compter  avec  tant  de  précis 
fion  ?  cette  attention  cft  impra- 
tiquable ,  &  la  réuffite  de  cet- 
te contemplation  eft  impofîîble  ^ 
d'autant  plus  qu'on  fe  trompe- 
tous  les  jours  en  chofcs  moins 
difficiles,  &:  oui  tombent  fous 
les  fens.  On  compte ,  par  exem- 
ple,  de  s'être  donné  une  excel- 
lente nourrice  ,  parce  qu'on  eft 
f  ir  de  fa  jeuneffe ,  de  fes  mxurs, 
de  fa  fanté  :  il  arrive  cependant 
tous  les  jours  qu'avec  ces  rares 
qualités  un  enfant  rebute   ion 
lait,  qu'il  s'abandonne  aux  cris  (5C' 
aux    pleurs  ,    com.me    pour    fe 
plaindre  du  vol  qu'on  lui  a  fait 
de  celui  de  fa  mère  ,  il  fe  ven^e 
ennn  f  ir  la  noiirrice  qu'il  mord 
&:   qu'il  dechiie.    La  rciïburce 
d'en  changer  foulage  peu  fa  dou- 
leur :  elle  cederoit  fans  doute 
aux  feuls  attraits  d'une  mère  vé- 
ritable 5  ôc  le  plaifir  de  tirer  un 
lait  dont  il  a  tant  goûté  calm.e- 


ii6  lye  lûhllgdtîon  aux  mères 
roît  fes  clameurs.  Mais  parce  que 
ce  moyen  eft  celui  donc  on  s'oc- 
cupe le  moins  ,  un  enfant  ic 
nourrit  mal ,  fon  fommeil  de- 
vient laborieux  ,  fes  veilles  fati- 
guantes ,  le  lait  s'aigrit  en  lui , 
ou  s'enflamme  ,  il  languit  <Sc  pé- 
rit enfin.  S'il  furmonte  tant  de 
dangers  ,  ce  neft  que  pour  fouf- 
frir  plus  long-tems  par  mille 
maux  qui  fuccédent  trop  fou- 
vent  à.  un  mauvais  lait ,  &  qui 
peuplent  le  Monde  d'infirmes  <2c 
l'Etat  de  fujcts  foibles. 

Mais  de  pauvres  en  fans  n*en 
font  pas  quites  pour  perdre  leur 
fanté  entre  les  mains  des  nour- 
rices :  leurs  corps  mal  nourris 
intérefîent  leurs  efprits  &  leurs 
cœurs  :  ils  fucent  avec  le  lait  de 
leurs  nourrices  leurs  mauvais 
penchans  &  leurs  vices  :  ils  pren- 
nent des  airs  ,  des  manières  ,  & 
des  inclinations  contraires  à  cel- 
les de  leur  famille,  &:  indignes 
de  leur  naiflance.   On  en  verra; 


de  nourrir  leurs  enfaus,  217 
des  exemples  6c  des  preuves  ci- 
après  :  mais  en  voici  une  qui  fe 
préfente  ici  naturellement. 

Une  plante  qu'on  levé  de  ter- 
re ,  &  un  arbre  qu'on  tranfplan- 
te  ,  courent  rifque  de  mourir ,  fî 
on  ne  les  levé  en  motte  :  mar- 
que certaine  de  cette  familiarité 
de  fubftance  &  de  nourriture  né- 
cefïaire  à  l'accroiffemcnt.    Mais 
malgré  cette  précaution  ils  pren- 
nent des  natures  différentes  par 
rapport  aux   diiîerens  terroirs  : 
autre  preuve  des  rapports  qu'on 
a  fait  rembarquer  ci-devant  entre 
l'enfant  &  la  mère.  Ces  change- 
mens  de  terroirs  vont  fouvent  à 
altérer  les  fruits  ou  à  les  faire  dif- 
paroître  :  car  on  fcait  que  certains 
arbres   tranfplantés   deviennent 
ftériles  &: inféconds.  On  connoîc 
encore  l'adrefle  des  Jardiniers  à 
changer  la  couleur  des  fleurs ,  ou 
à  les  faire  doubler  par  certaines 
tranfplantations  6c  par  le  mélan- 
c;c  de  certaine  terre.  Ajoutez  les- 


1 2  8  T>i  r obligation  aux  mères 
ehangemens  merveilleux  qui  ar- 
rivent par  les  cntzs  oC  les  greffes , 
&  on  comprendra  combien  d'al- 
térations doivent  arriver  à  des 
cni^ns  qu'on  fepare  de  leurs  mè- 
res, pour  les  faire  nourrir  par 
des  femmes  fou  vent  plus  diffé- 
rentes entr'elles  ,  qu'un,  fauva- 
geon  ne  l'eft  de  Târbre  le  plus 
franc. 


CHAPITRE    VL 

Des  dangers  {a)  que  courent  Us 
mères  qui  nt  ï.ourrijjlnt  pas, 

IL  n'eft  perfonne  qui  ne  fça- 
che  à  combien  de  dangers 
nous  expofe  la  fuppreffion  ou  la 
retenue  des  évacuations  naturel- 
les. Une  bile  détournée  ou  re- 

f  a  Nobtles  matrona  vitx  voluptaria  fer" 
vîentes  ,  incommoda  qux  infantium  altturA 
ajfert  fugientes  ,  detrecîatâ  infantium  fitornm 
laciatione ,  vinSÀCiam  in  fe  ^^'ovocaverunt,  Fe^ 
shîln,  obferv-,  ^6* 


âe  ncîr;rÏY  leurs  Cfîfans.  229 
mêlée  avec  le  fang  ,  au  lieu  de  fc 
vuider  caufe  fouvcnt  la  mort  :  ce 
ce  n^eft  qu'au  manque  de  quel- 
que évacuation  femblabic  qu'on 
impuce  la  plupart  des  mala'dies. 
C'eiT:  que  le  fang  n'entretient 
bien  f  .rement  la  fanté  q-i'autant 
<jue  les  fécrétions  font  complet- 
tes  ,  6c  qu'il  fe  dépure  parfaite- 
ment. Il  fafiît  donc  de  faire  ob- 
ferver ,  que  le  lait  dans  les  ac- 
couchées devient  une  liqueur , 
dont  le  trop  long  féjour  dans 
les  parties  qui  le  travaillent ,  ou 
dont  le  retour  dans  les  vaiffeaux 
apporte  de  très  -  fâcheux  acci- 
dens  ,  pour  faire  comprendre 
qu'il  ne  accouchée  s'expofe  beau- 
coup ,  quand  elle  manque  de 
s'en  décharger  en  nourriiîant 
fon  enfant.  Ce  qu'on  a  déjà  dit 
fur  cette  matière  ,  en  montrant 
que  le  lait  ne  fert  à  la  mère  que 
par  rapport  à  l'enfant ,  fuffiroit 
pour  convaincre  de  ce  qu'on 
vient  d'avancer  :  mais  en  voici 


a  ^o  Bt  rohïïgdtïon  aux  mtrcs 
encore  d'autres  preuves.  iPour 
qu'une  liqueur  n'apporte  point 
de  trouble  dans  le  corps  tant 
qu'elle  y  eft  renfermée ,  il  faut 
qu  elle  ait  fes  iiîuës  ëc  fes  rou- 
tes libres  ,  à  travers  lefquelles 
elle  ait  les  allées  6c  venues  ,  ^ 
puiile  circuler  :  à  faute  dequoi 
ne  faifant  que  fe  porter  ou  elle 
peut ,  ou  venant  à  croupir  par 
tout ,  elle  devient  la  caufe  6c  la 
matière  de  quantité  de  fâcheux 
dépôts.  Or  e'eft  ce  qui  arrive  au 
lait  dans  une  accouchée  ,  qui 
doit  par  conféquent  en  foui- 
frir  étrangement  ,  quand  elle 
ne  l'employé  pas  à  nourrir. 

Il  y  a  dans  nos  corps  une  dou- 
ble circulation  dans  l'état  d'une 
pleine  faute  ^  l'une  de  la  partie 
rouge  du  fang  ,  l'autre  de  fa  par- 
tie blanche.  Que  fi  par  quelque 
caufe  que  ce  foit  la  partie  blan- 
che ne  peut  fuivre  le  courant  de 
la  rouge  ,  il  fliut  ou  lui  ouvrir 
une  ifllië  ,  ou  s'attendre  de  fa. 


de  nonrrir  leurs  enfans.  1 3 1 
part  aux  accidens  les  plus  fâ- 
cheux. 

C'eft  ce  qui  arrive  dans  le 
corps  d'une  nouvelle  accouchée  ; 
puifque  la  partie  blanche  &:  lai- 
teufe  qui  alloit  nourrir  l'enfant 
pendant  la  grofTeffe  ,  doit  né- 
celTairement  après  les  couches 
ceifer  de  circuler  dans  les  parties 
qui  ont  porté  Tenfant  :  on  le 
comprend  par  les  changemens 
qui  doivent  arriver  aux  diamè- 
tres des  vaifleaux  de  ces  mêmes 
parties ,  comme  on  va  le  mon- 
trer. 

Dans  l'état  de  grofleffe  tous 
les  vaifTeaux  fe  dilatent  &  fe  gor- 
gent  pour  ai niî  dire  :  tant  la  na- 
ture occupée  du  néceflaire  de 
l'enfant  ne  craint  point  de  paf- 
fcr  à  l'excès.  Mais  au  moyen  de 
cette  dilatation  extraordinaire 
des  vailleaux  ,  les  capillaires 
eux-mêmes  doivent  aufli  pren- 
dre beaucoup  plus  de  diamètre. 
Que  fi  donc  dans  l'état  de  iànté 


i  3  2.  ^^  tohUgnîlon  aux  mer  es 
ordinaire,  les  capilléiircs  ont  af^ 
fez  de  capacité  pour  donner  pal- 
fage  à  la  partie  blanche  du  fàng, 
tandis  que  la  rou2;e  retourne  au 
cœur  par  des  vaiiTeaux  plus  gros 
&  plus  fcnfibles ,  les  capillaires 
des  parties  baiîes  dans  les  accou- 
chées doivent  avoir  beaucoup 
plus  de  capacité  ,  ôc  tranfmettre 
Bon  iciilement  la  lymphe  nour- 
ricière ,  mais  un  fuc  vrayement 
laiteux  pour  la  nourriture  de 
Tenfant. 

Mais  il  n'en  eft  plus  de  même 
après  les  couches  :  toutes  les  par- 
ties qui  étoient  \\  extraordinai- 
rement  étendues  ,  s'affaiflent  & 
fe  retirent  j  les  vaifTeaux  ,  fur 
tout  les  capillaires  ,  doivent 
donc  fe  rétrécir  ;  &  le  fuc  lai- 
teux ne  trouvant  plus  iç:s  iiTuës 
auffi  larges  ,  ePc  contraint  de  de-r 
meurcr  mêlé  au  fang  ,  jufqu  a  et 
qu'il  fe  foit  frayé  d'autres  routes 
êc  ouveit  une  autre  ifuië.  C'eft 
ce  qu'on  appelle  fièvre  de  lait  5 

qui 


de  nourrir  leurs  enfans,  233 
qui  eft  un  eiTort  de  la  nature  , 
par  lequel  le  fuc  laiteux  encore 
intimement  m.êlé  au  fang,  cher- 
cîie  à  aller  fe  féparer ,  ôc  s'ouvre 
un  aille  vers  les  mammelles  , 
qui  doivent  déformais  lui  fervir 
d'entrepos  ,  êc  favorifcr  la  dé- 
charge. 

Toute  cette  manœuvre  qui  fe 
paile  dans  les  corps  des  accou- 
chées 5  leur  devient  à  charge 
quand  elles  ne  veulent  pas  nour- 
rir :  car  leur  lait  n'étant  point 
tiré  par  l'enfant ,  outre  qu'il  de- 
vient inutile ,  caufe  par  fon  fé- 
jour  tant  de  maux  ,  d'inflamma- 
tions &  d'ahfcès  ,  qui  tourmen- 
tent trop  fouvent  celles  ,  qui 
pour  s'épargner  la  fatigue  de 
nourrir  ,  s'expofcnt  aux  dangers 
de  cruels  accidens  ,  ou  aux  en- 
nuis de  longues  infirmités ,  dont 
voici  la  raifon. 

Lors  des  couches  les  vaifleaux 
{q  trouvent  furchargés  de  li- 
queurs 5   6c  quoi  que  la  partie 


2, 34  ^^  Pchligation  aux  mcrtr 
rouge  du  fang  conferve  &  coir-- 
tinuë  la  circularion,  la  blanche 
<ievenuë  laiteufe  dans  ce  tems^ 
trouve  fes  iiTiiës  fermées  ou  ré- 
trécieSj  ôc  contraintes  de  refter 
mêlées  au  fans; ,  elle  eft  obliî^ée 
cl  en  luivre  le  courant ,  ae  retour- 
ner donc  au  cœur  ôc  d'aller  fe 
décharger  par  les  glandes  des^ 
mammeilés.  Une  femme  donc 
qui  ne  veut  point  nourrir  s*enga- 
o^e  en  d'étransies  inconvénicns': 
car  ce  volume  ae  liqueurs  rete- 
nu dans  les  vaifTcaux  ,  ou  les  fur- 
charge  d'autant ,  ou  met  Tac- 
couchée  en  rifque  de  fâcheux 
dépôts* 

il  y  a  ,  dira-t'on  ,  des  remèdes 
&  des  moyens  pour  faire  perdre 
le  lait ,  6c  en  prévenir  les  incon- 
véniens.  Mais  eft-il  permis  de 
perdre  une  liqueur  fi  précieufe, 
&  que  la  nature  mcnaQ;e  avec 
ta  ne  de  foin  ?  17/  cjuid  perditlo 
h\tcf  Comprend-on  qi*'on  puilTe 
fe  permettre  fans  néceifité  à  fans 


de  nourrir  leurs  enfans',  2  3  ^^ 
crime  ,  de  faire  périr  une  chofe 
deftinée  par  le  Créateur  à  des 
ufa^res  fî  néceilaires  ?  N*eil:-ce 
point  au  contraire  un  fpecta- 
clc  honteux  ,  ôc  qu  on  ne  peut 
exempter  de  faute ,  de  voir  des 
femmes  refufer  à  leurs  enfans 
un  lait  qu'elles  font  obligées  de 
prodio;uer  aux  chiens  ?  car  enfin 
on  en  a  vu  qui  ont  ete  contrain- 
tes pour  fe  foulager  de  fubfti- 
tuer  à  leurs  enfans  ces  indignes- 
nourriiTons.  Encore  ces  lâches 
moyens  répondent -ils  mal  aux 
befoins  des  accouchées,  &  ne 
les  laiflent  guéres  moins  expô- 
iéQS  aux  douloureux  dépôts  qui 
fuivent  la  retenue  du  lait.  Car 
dans  les  unes  venant  à  s'aigrir  6c 
à  fe  2;rumener  ,  il  leur  caufe  des 
abfeès  aulli  opiniâtres  que  dou- 
loureux :  en  d'autres  il  fe  durcit 
&  pafle  en  des  tumeurs  dures 
&  fchirreufes  aufli  mal-aifées 
a  fondre  ,  qu'incertaines  dans 
leurs  fuites.    Il  s'en  trouve  cn- 

V  ii 


^'i^6  De  l'obligation  aux  mères 
core  en  qui  le  fang  embarraiîe 
lui  -  même  par  l'abondance  du 
lait  dont  il  n'a  pu  fe  défaire  , 
fc  rallentit ,  &  par  fon  féjour 
fait  des  érylipeles  ,  des  inflam- 
mations ,  &  d'autres  abfcès  en- 
core auffi  pénibles  &:  non  moins 
fâcheux.  Hé  !  qui  fçait  enfin  fl 
tant  de  cancers  èc  de  tumeurs 
malignes  ,  qui  affligent  journel- 
lement les  femmes ,  ne  font  point 
les  fuites  ou  la  punition  du  pé-- 
ché  de  celles,  qui  lans  nécelfité 
de  par  coutumie  fe  difpenfent  de 
nourrir.  Car  enfin  qui  empêche- 
ra de  croire  ,  que  les  glandes  des 
mammelles  faites  ccmm.e  elles 
font  pour  dépurer  le  fang  de  fil- 
trer une  liqueur,  puiiîent  s'im- 
biber d'une  férofité  maligne  ,  au 
lieu  du  fjc  laiteux  auquel  elles 
étoient  deftinées. 

Fi/he  etiam  ingrat ^t  référant  tihi 

-prjimïa  matris  s 
Et  qukm  non  imf  une  ferai  claujijfs 

fuentes 


de  nourrir  leurs  enfans:     23  7 

Vhcrihus  rivos  ,  dlïmentaque  dehi^  ' 

ta  ?îaîis  ? 
C&nantï  latices  illt  frigentihus  her^ 

bis 
Sijîere  difperfos^  ^  /Vi?  om'ae  rtfun-- 

acre  cornus , 
Trigidus  ^  vehemcns  fubito  rigar' 

occupât  art  us, 
Tum  maU  confe  qui  turf ebrîs  yfivi- 

que  dolores 
Vbera  dïfcrucïant.   Multis  lac  cogl-- 

tur.intus , 
Nequicquam prejfts  lucians  erumpe-- 

re  mammis» 
Inde  tibifœdo  manabunt  ulcéra  pu- 
re: 
Et  ni  fubvenias  in  tempore ,  quoi^ 

fuir  ulcus 
Cdfzcer  erit  fubit)}  y  &c.  (  a  ) 

Mais  ce  n  eft  pas  aux  mammel- 
les  feules  que  tant  de  maux  fe 
prennent  :  les  fièvres  ,  les  flu- 
xions de  poitrine  ,  les  oppreC- 

{a)  Mîchad,  HofptaU  epiji,  /.  3 .  p.  1 80» 


^  jS  -^^  l* obligation  aux  mères 
fions  ,  les  cours  de  ventre  ,  les 
inflammations  d'entrailles  ,  ne 
font  pas  moins  fouvent  les  triC- 
tes  témoins  ou  les  dangereux 
effets  de  la  retenue  du  lait.  Les 
vaiiîeaux  trop  pleins  d'un  fang 
gluant  &  qui  roule  mal ,  fe  bou- 
chent &  arrêtent  fa  circulation 
qui  y  auroit  été  libre  &  aifée  ,  fî 
la  femme  en  avoit  diminué  le 
volume,  &:  confervé  fa  fluidité 
en  nourrifl^,nt.  C'efl;  encore  à  un 
mauvais  refte  de  lait  dans  ks 
veines  ,  qu'il  faut  imputer  cqs 
maux  de  cuiffes  fi  infljpporta- 
bles  &  fi  périlleux ,  qui  font 
fouffrir  tant  d'accouchées  ,  en 
qui  le  lait  n'ayant  pii  fe  faire 
voye  ,  ni  par  les  mammelles ,  ri 

fmr  ailleurs  ,  s'eft  cantonné  dans 
es  mufcles  des  cuiffes.  Laraifon 
en  eft  fenfible  ,  c'eft  du  miêmc 
tronc  de  vaifl^aax  que  partent 
ceux  qui  alloient  nourrir  Ten- 
faut ,  &:  ceux  qui  portent  le  lang 
à -ces  mufcles. 


di  nourrir  leurs  enfans,  23^^'- 
Mais  quand  tons  ces  accidens- 
feroient  moins  ies  fuites  de  leur 
faute  que  de  leur  malheur,  ce 
manque  de  nourrir  leurs  enfans 
fe  trouver  oit  encore  étrange- 
ment puni ,  par  la  néceflité  oii 
elles  fe  trouvent  d'accoucher 
fou  vent  ,  quand  elles  en  font 
quittes  pour  mettre  des  enfans 
au  monde.  En  effet  la  crainte 
ie  l'incontinence  ,  les  égards 
pour  une  femme  nourrice ,  les 
ménagemens  pour  un  nourriflon 
qu'on  aime,  retiennent  naturel- 
lement un  mari  ;  au  lieu  qu'une 
fem.me  c]ui  rtfufe  d'être  nourri- 
ce n'a' rien  à  oppofer  à  fa  paffioii 
ou  à  fa  tendrefle. 

Ce  n'eft  pas  pourtant  qu'on 
prétende  ici  fournir  aux  femmes 
à^s  prétextes  de  fe  refufer  à  leurs 
maris  :  l'Apotre  leur  donne  là- 
dciTus  des  régies  nui  doivent  fai- 
re celles  de  leur  conduite  cC  de 
leur  foumifTiOn  :  mais  puifqu'on 
a  i'cxempic  des  femm.es  Juives?  5. 


140  -^^  VollîgAtlon  AUX  mères 
qui  dans  une  Reli2;ion  moins 
iainte  que  la  notre  ,  ont  bien 
f<^Li  fc  préferver  d'enfans  pen«- 
dant  des  années  entières  qu  elles 
allaitoient ,  &  puifque  a  ailleurs 
les  maris  d'alors  entroient  dans 
ces  égards  ;  on  fe  croit  bien 
fondé  à  faire  efpérer  aux  fem- 
mes chrétiennes  qu  elles  obtien- 
droient  du  moins  autant  des 
leurs.  Mais  quand  bien  même  I 
elles  les  trouveroient  moins  com- 
plaifans  en  ce  point,  Tétat  de 
nourrice  pourroit  les  préferver 
par  lui-même  :  puifqu  une  nour- 
rice tant  quelle  nourrit  rede- 
vient  rarement  mère.  On  en 
trouvera  la  raifon  dans  ce  qu'on 
a  dit  ci-defflis  :  car  la  nature  oc- 
cupée uniquement  à  la  nourri- 
ture de  l'enfant ,  fe  trouve  toute 
diftraite  en  fa  faveur  j  6c  tandis 
que  tous  les  vaiiïeaux  deftinés 
à  préparer  le  lait  fe  trouvent 
ouverts  &  amplement  dilatés  , 
ceux  qui  devroient  fervir  à  la 

formation 


de  nourrir  leurs  efifans. 


241 


formation  d'un  nouvel  enfant 
ont  changé  de  lîtuption ,  -ie  me- 
fure ,  hc  de  diamètre.  Tout  fe 
porte  donc  alors  principalement 
aux  mammelles  ,  fang  ,  lymphe, 
&:  efprits  ;  &  par  cette  raifon 
les  vœux  d'un  mari  réuffiflent 
alors  mal  -  aifément  j  ôc  il  eft 
beaucoup  moins  ordinaire  pen- 
dant tout  ce  tems ,  qu'il  rede- 
vienne pcre. 

Ce  qu'on  veut  donc  faire  com- 
prendre ,  c'eft  qu'une  mère  qui 
fe  rendroit  la  nourrice  de  fes  en- 
fans  5  en  retireroit  cet  avanta- 
ge ,    qu  elle    auroit    beaucoup 
moins  à  rifquer  pour  fa  fanté  6c 
fa  vie ,  en  nourriirant  deux  en- 
fans  ,  qu'en  s'expofant  à  mettre 
tous  les  ans  un  enfant  au  mon- 
de. Si  donc  la  condition  de  nour- 
rice eft  plus  importune  ,  celle 
de  mcre  eft  plus  périlleufe.  Une 
trifte  expérience  en  eft  la  preu- 
ve :    car  on  compte  beaucoup 
plus  de  maladies  qui  attaquent 


z^i  De  r obligation  aux  mères 
les  femmes  grofles  ,  qif  il  n'y  en 
a  qui  menacent  les  nourrices  : 
celles-là  fe  prennent  à  la  vie , 
celles-ci  n'en  veulent  guéres  qu'- 
aux aifcs  &  aux  commodités  :  en 
un  mot  on  voit  fouvent  mourir 
des  femmes  grofles  ou  des  ac- 
couchées 5  mais  rarement  des 
nourrices. 


CHAPITRE    VIL 

^^e  les  Familles  &  les  Etats  {a) 

Jouffrent  de  ce  que  Us  mères  ne 

nourrijjent  pas  leurs  enfans^ 

Rien  ne  contribue  tant  que 
l'union  ,  la  concorde  &  le 
bon  eforit  à  foutenir  les  familles 
&  à  affermir  les  Etats.  Rien  donc 

(  fl  )  Cum  Mque  frîpati  nobilium  mores  fi^ 
miarum  inflar  affe6ient ,  mirandum  non  ejl  eam 
ladanài  infoîentiam  in  vuîgus  quoque  tranjîijje: 
flr  quod  aliis  ex  necejfitate  incumbit ,  aiiis  ai 
cftentationem^juramm  ejfe,  Pechlin.  obferY#4^* 
pag. 107. 


I 


de  nourrir  leurs  enf^ns,  245 
ne  doit  tant  nuire  aux  uns  éc 
aux  autres  ,  que  Tomiflion  des 
mcres  à  nourrir  leurs  cnfans  ; 
puifquil  ri'eft  rien  qui  aliène 
tant  les  cœurs  ,  ni  qui  aviliflc 
tant  les  efprits. 

Un  enfant  nourri  d'un  lait  é- 
tranger  en  aime  moins  fa  véri- 
table mère  (a)  &:  ce  font  moins 
fes  mœurs  &  fes  inclinations  (  b  ) 

?|ia'il  emprunte  que  celles  de 
a  nourrice.  Ceft  pourquoi  un 
grand  Prince  difoit  autrefois  , 
Gu  une  femme  étoit  plus  fùre  de 
fe  faire  aimer  d*un  enfant  pour 
l'avoir  allaité  que  pour  l'avoir 

Vtinam-&  ter  quaterquè  !  athtam  koc  nofha 
intelltgerent  mtiliercuU  !  nte  Reifublica  mala 
averterentur.  Franc.  Paullin.  Cynograpliije  , 
pag.  5^.art.  5^ 

(^ )  Velim  agnofcant  quarum  primum  culpA 
hoc  vitium  invaluit ,  quantum  pietati  &  amori 
in  liberos  peregrinâ  illâ  alitura  detraxerint  ; 
raph  enim  nutrktda  quoi  matri  debebatur , 
blanda  ridcntiaque  ora  &  qua  tenellus  amor 
dî6iarefolet.  Joaa.  Nicol.  Pechlin ,  obfer.  ^6, 
p. io8. 

{h)  Trancifc,  de  Mmdoçn  viridar.  erttdk,, 
f  ag.  15^5. 

Xij 


i44  ^^  r obligation  aux  mères 
mis  au   monde.    AluiJJ}  majora 
hahet  amoris  ificitamenta ,   quam 
crcajfc  {a).    Et  de  vrai  la  paf- 
iîon   peut  engager  une  femme 
à  devenir  mère  j  mais    l'amitié 
feule  peut  l'alTujettir  à  fe  rendre 
nourrice.  Alendifnis  ejl  non  ne^ 
cejfitas y  fed amor  {b),   Ceft  pour- 
quoi l'Ecriture  voulant  expri-  |l 
mer  la  bonté  de  Dieu  envers  fon  | 
peuple ,  ne  la  compare  pas  à  la-  ^ 
mitié  d'une  mère ,  mais  à  la  tcn- 
drefle  d'une  nourrice  [c):  par 
une  raifon  femblablc  on  trouve 
dans  l'antiquité  des  marques  fi 
authentiques  de  reconnoiflancc 
d'enfans  envers  leurs  nourrices  , 
qu'ils  ont  quelquefois  fait  dref- 
fer  des  Monumens  [d)  tn  leur 
honneur. 

Seroit  -  ce  que  le  lait  d'une 
nourrice  auroit  quelque  chofe 
de  plus  parfait  &:  de  plus  puif- 

(a)  Alexandre  le  Grand. 
.  (^)  Plutarch.de  amor. -prolis, p.  49 'i» 
(c)  Nombr.c.2.  Orée,c.  z.IfaiejG.  ^^, 
id)  Vid,GrHter.;p.66i._ 


de  nourrir  leurs  enfans,  24  j 
fant ,  que  tout  ce  que  la  mère  a 
fourni  pour  former  fon  enfant  > 
ce  n'efb  pas  l'idée  qu'on  s'en  fait 
ordinairement  :  cependant  elle 
étoit  veniie  à  de  grands  hom- 
mes  (  d) ,  qui  ont  cru  y  apperce- 
voir  quelqu'apparence  de  vérité. 
Ce  qui  paroît  certain ,  c'eft  qu'u- 
ne mère  y  met  moins  du  fien 
qu'une  nourrice.  On  a  vu  ci-def- 
fus  que  toutes  les  femelles  des 
animaux ,  comme  les  graines  des 
plantes ,  apportoient  en  elles  &; 
du  fein  de  leurs  mères  les  ébau- 
ches des  animaux  qu'elles  ont  à 
mettre  au  monde  :  ainfî  ce  n'eft 
pas  l'ouvrage  de  la  mère  que  le 
développement  qui  fe  fait  en 
elle  par  le  mariage  des  parties 
de  fon  enfant  ;  6c  ce  qu'elle  y 
contribue  n'eft  que  du  peu  qu'el- 
le  fournit  pour  fon  accroifle- 
ment.  Comparant  à  préfent  le 
peu  de  tems  qu'elle  lui  donne , 

(di)  Aridotel.  lih.  4.  àe  gêner,  animal,  c.  8. 
AbiilenJîsinc,ii,L€vit.Matfhiol.L6.mDiofcor* 

Xiij 


14^  Ve  rolUgaîton  m^  mîtes 
quieft  celui  delà groiTefTc 5  &îe 
peu  de  fuc  qu'elle  lui  fournit , 
avec  des  années  entières  qu'une 
nourrice  employé  à  nourrir  fon 
enfant ,  à  le  former  6c  à  le  fai- 
re croître ,  on  comprendra  déjà 
qu'une  nourrice  donne  beau- 
coup plus  de  fa  propre  fubftan- 
cê  qu'une  mère. 

Un  enfant  d'ailleurs  dans  le 
fein  de  fa  mère  ne  peut  avoir 
aucun  fentiment,  ni  s'apperce- 
voir  de  ce  que  fa  mère  fait  pour 
lui  ;  êc  ce  qu'elle  fait  elk-même 
en  fa  faveur  n'eft  ni  de  fon 
choix  ,  ni  volontaire  :  au  lieu 
qu'une  nourrice  agit  de  propos 
délibéré  ,  &  que  par  fes  paro- 
les ,  ks^  airs  ,  les  amitiés  6c  {^% 
carefTes  ,  elle  agit  autant  fur  Tef- 
prit  de  fon  nourrillbn  que  fur  fon 
corps.  Celui  -  ci  n'apperccvant 
donc  rien  que  d'affable  &  de 
gratieux  de  la  part  de  fa  nourri- 
ce ,  ôc  flatté  continuellement  par 
elle  5  parvient  à  fentir  le  plaïur 


de  nourrir  leurs  tnfans,  247 
qu'elle  lui  fait  :  en  faut-il  davan- 
tage pour  engaeer  une  amitié 
récjproqiie ,  6c  former  une  rc- 
connoiitance  habituelle? 

Le  lait  enfin  confidéré  en  lui- 
même  peut  encore  infpirer  à  nn 
enfant  des  retours  damour  Se 
de  bienveillance  envers  fa  mère. 
Car  fans  vouloir  prétendre  qu'ail 
foit  autant  ou  plus  parfait  qisa 
le  fang  5  on  ne  peut  difconve- 
nir  y  qull  ne  foit  détrempé  par 
beaucoup  de  fuc  nerveux  ou  de- 
lymphe  qui  n  en  eft  que  le  réfi- 
du.  Or  ces  fucs  remêlés  au  fang ,, 
&  portés  aux  glandes  des  mam-^ 
melles ,  rendent  le  lait  finon  jfpi- 
ritueux  ,  chargé  du  moins  de 
parties  frnes  &  actives ,  .propres 
à  tran{mettre  dr.ns  un  enfant  les 
inclinations  d^  la  mère ,  ôc  à  éta- 
blir entre  eux:  une  refTcmblance 
d'humeurs  &  de  panchans. 

Cette  conjecture  reçoit  beau- 
coup de  vraifemblance  par  les 
faits  hiftoriques  qui  nous  fonr 

•vr   •  •  •• 

X-nij, 


is^  De  Pohli^^athn  aux  mères 
reftés  là-delTus.  On  a  cru  que 
Remus  &  R^omuiiis  n'ont  tant 
aimé  le  brigandage,  que  parce 
qu  ils  avoient  tiré  le  lait  d'une 
louve.  La  raifon  qu'on  apporte 
pourquoi  Tibère  aimoit  fi  paf^ 
lîonnément  le  vin  ,  c'eft  parce 
que  fa  nourrice  y  étoit  fujette. 
On  difoît  d'Achille  ,  qu'il  avoit 
été  nourri  de  bJle  ,  parce  qu'il 
étoit  emporté  (^j.   Ceux  enfin 
qui  dans. l'antiquité  étoient  les 
plus  verfés  &:  les  plus  habiles 
dans  l'éducation  des  en  fan  s  ont 
recommandé ,  quand  on  ne  pou- 
voit  faire  mieux  ,  de  leur  don- 
ner des   nourrices  fages   6c  de 
bonnes  mœurs  (^  )  j  parce  qu'ils 
étoient  perfuadés  qu'une  nour- 
rice fage'pouvoit  autant  infpirer 
de  bien  à  fon  nourrifîbn ,  qu'u- 
ne femme  vicieufe  pouvoir  inf- 
pirer  de  mal.  Il  fc  trouve  même 
d'excellens   maîtres  ea  matière 

(  ^ï  )  Homer.  lîh.  1 6.  Iliad. 

(  b  j  Flutarch,  de  e  duc  and*  liber} 


de  nourrir  leurs  enfAns^*  249 
d-'éducation,qui  vouloient  qu'on 
leur  en  donnât  de  içavantes. 
Quintilien  confeille  d'en  choi- 
sir qui  parlent  bien  j  6c  Ciceroa 
ajoute  qu'elles  devroient  même 
être  éloquentes  :  par  oii  Ton  voit 
combien  de  maux  ou  de  biens 
on  a  toujours  craint  ou  efpéré 
''du  lait  d'une  nourrice* 

Mais  les  deux  Hiftoires  qui  fui- 
vent  le  prouvent  parfaitement. 
L'une  eft  d'un  certain  Efpagnol 
{a)  qui  cour  oit  auffi  vite  qu'un 
cerf,  parce  qu'il  avoit  été  nour- 
ri de  lait  de  biche.  L'autre  eft 
d'un  Moine  {h)  qui  fe  déroboit 
aux  yeux  de  {ç:%  frères  ,  pour 
danfer  &  fauter  à  fon  aife  en 
fon  particulier  :  &  cette  inclina- 
tion à  bondir  ne  lui  étoit  venue , 
que  pour  avoir  eu  une  chèvre 
pour  nourrice. 

Il  eft  donc  évident ,  que  le  lait 

(  ^  )  ]u(itn.  htfi,  lib.  uîtîmo, 
(  b  )  Vid.  Franc,  de  Mmioça^  wi<L  çradifi 
lib.iv.frohUvij,    - 


1^^  De  fêhligation  aux  mens 
d'une  nourrice  eft  d'une  étran- 
ge force  pour  former  les  incli- 
nations d'un  enfant.  Mais  com- 
me les  Nourrices  font  toutes  ou 
pauvres,  ou  de  qualité  médio- 
cre 5  inférieure  du  moins  à  la 
condition  de  la  véritable  mère  , 
c'eft  manifeft'ement  expofer  des 
cnfans  à  prendre  des  inclina- 
tions bafïes  ,.  impolies  ,  rufti- 
ques  ,  Se  qui  dégénèrent  par 
conféqucnt  de  celles  de  la  fa- 
mille 5  où  la  Providence  les  a  voit 
fait  naître  :  c^eft  donc  rifquer  de 
peupler  des  familles  de  gens  fans 
efprit ,  fans  polite^e  ,  &:  fans 
cœur  ;  c'eft  fut:  ce  principe  que 
font  fondés  ces  reproches  d'Ho* 
mère  : 

Non  ccfucs  i^f.  paurfuerat  tibi  , 

me  hercule  y  Peleus , 
Non  Thetis  ejî genitrix  iglducum 

te  protulit  dquor  y 
AértJieiue  rupes  ^  mens  quod  tîbi 

duraferoxque  ejl^ 


de  nourrir  leurs  enfans,  i^x 
Virgile  par  une  raifon  femblable 
met  ceux-ci  dans  la  bouche  de 
Didon  contre  Enée  : 

Nec  tlbi  Diva  farens^geriîris  nec 

Dard  an  us  Ancîor , 
Terfde ,  ftd  duris  gcnuit  te  cau^ 

tihus  horrcns 
Caucafus ,  Hyr canaque  admorunt 

uhera  Tjgres, 

Après  cela  il  ne  faut  plus  im- 
puter à  d'autres  caufes  la  déca- 
dence des  familles ,  k  peu  d'u- 
nion qui  y  régne ,  le  peu  d'ami- 
tié qui  lie  ceux  qui  les  compo- 
fent ,  le  peu  d'efprit  enfin ,  ôc  la 
mauvaife  fanté  qu  on  remarque 
en  des  enfans  nés  dérailleurs  de 

Î;ens  fains  &:  de  bon  efprit  ;  c'eft 
'eiFet  d  un  lait  étranger  j  car  il 
peut  beaiicoup  fur  les  corps  (4  )  : 

(  ^  )  Peregrina  aîttura  tradtt  ingeneratque 
mores  non  matris ,feà  fuos ,  fafe  etiam,  corporU 
valetudinem  ferofosnitçndam.  Pechlin.  obrerv» 


^^1  De  r obligation  aux  mtrcs 
le  fait    fuivanc  ne  permet  pas 
d'en  douter. 

Un  Auteur  de  la  vie  ruftique 
parlant  de  la  meilleure  manière 
d'élever  de  bons  chiens  pour  la 
campagne ,  ordonne  qu'ils  feront 
nourris  du  lait  de  leurs  mères  , 
{\  on  veut  fe  les  aflurer  de  bonne 
race.  (  a  )  Nec  uncjuam  eos ,  quo- 
rum generofam  volumus  indolcm 
con/irvare  ,  patiemur  aliéna  nutri* 
fis  uhcribus   e  du  cari,    La  rai  ion 

Su'il  en  apporte ,  c'eft  que  le  lait 
e  la  mère  renferme  plus  de 
bonnes  qualités ,  &:  fait  un  meil- 
leur corps  ,  .guonlam  lac  ^  fpi^ 
rit  us  mater  nu  s  longe  m  agi  s  ingenii 
4tque  corporis  incrementa  auget.  Il 
donne  le  même  avis  touchant  les 
animaux  qu'on  veut  engraifler  , 
fî  on  veut  qu'ils  foicnt  de  bon 
fuc ,  (  h)  Curet  porculator  ne  quis 
fuh  aliéna  nutrice  educetur  ;  &:  ce- 
la fans  doute  parce  que  le  lait 

(^)  CoîumelLUb.j.c.iz» 
(  ^  )  ColumelL  lib»  7»c\p. 


de  nourrir  leurs  enfans,  2^3 
de  la  mère  fait  une  meilleure 
chair  :  il  eft  donc  vrai  de  dire , 
que  le  lait  de  là  mère  peut  beau- 
coup plus  que  tout  autre  fur  le 
corps.  Ceft  pourquoi  Ton  a  tou- 
jours crû  ,  que  l'éducation  pou- 
voit  autant  pour  former  les  corps 
&:  les  efprits,  que  la  naiilance  ;  [a) 
^u^amohrem  non  frujira  crédit um 
ejl  y  ficuti  valent  adjïngendas  cor- 
poris  atque  animi  Jimilitudines  vis 
dr  natura  feminis  ,  non  fecus  ad 
tandem  rem  lacîis  quoque  ingénia, 
^  proprietates  va  1ère, 

Mais  les  enfans  de  famille  peu- 
vent-ils dégénérer,  fans  que  les 
Etats  tombent  infenfiblement 
en  décadence ,  ou  fans  qu'ils 
changent  de  mœurs  ? 

Talia  principia ,  atque  or  tus  f un- 

damina  nojlri , 
l^atur£  non  fponte  ynec  ^quo  nu- 

tninejacla , 


154  T>c  rMigatîon  aux  m£r€s 

Muhis  deinde  mdis  aditum  cm" 

famcjut  dedère , 
Vt  fAYvi  jam  frima,  fimul  cum 

tacîe  hibamus 
Semina  nequiti^y  qu£  fojl  fc  flu-^ 

rim4fundunt{a), 

Puifque  les  Etats  ne  fubfiftent 
que  par  les  familles  dont  ils  ti- 
rent leurs  fujets  ,  leurs  foldats , 
leurs  Officiers ,  leurs  Capitaines, 
Cétoit  pour  cette  forte  de  bien 

{)ublic,  que  Platon  fe  défiant  de 
'éducation  de  la  plupart  des  pa- 
rens  qui  la  négligent  dans  leurs 
enfans^  auroit  voulu  que  TEtat 
lui-même  fe  chargeât  de  ceibin , 
te  qu'on  fît  élever  les  enfans  en 
public  5  parce  que  de  l'éduca- 
tion [b)  de  la  jeunefle  dépaid 
le  refte  de  la  vie ,  &:  la  gloire  ou 
la  félicité  d'un  Empire. 

i  a  )  Mtchaélis  Hofptaln ,  eftjî,  /.  3  .|>.  T  79* 
(^  )  Educatio  eft  rei^rinci^ium,  Xeno^h*  lié* 


de  nourrir  leurs  enfAns.  2  5  j 
Dans  une  femblable  vue  Ca- . 
ton  (a)  vouloit ,  comme  on  îa 
die  ci-deffus ,  que  fa  femme  6c 
celles'  de  {ç^s  valets  allaitaffenc 
leurs  enfans .,  &  il  entroit  lui- 
même  dans  le  détail  de  l'éduca- 
tion des  fiens  ^  U.  de  leur  nour- 
riture. Çeft  que  ce  grand  Poli- 
tique avoit  reconnuics  étranges 
inconvéniens  ,  dont  un  lait  é- 
trangcr  menace  les  familles. 

At  melior  natura  tamen  ,  cum 

U6ÎC  y  honique 
Mutantur  mores  s  dar'ifque  ^à^ 

rentihus  orta 
Virgoft  ancilUJimilis ,  lafciva , 

frocAxque , 
Mhrîa ,  faltatrix ,  dr  amans  în- 

honejla  virorums 
Turpis  ,  iners  ^  fdvufque  puer  , 

fcôrtator ,  avarus  , 
lUarum  fimilis  ,  quorum  prius 

uhera/uxit  (h), 

ia)  Vîutarch.  in Cat, Maj. 

Ib ;  Id,  Mie,  Hofpu  efift,  i .  /.  3 .p,  ipj 


z<^6  De  r obligation  aux  mères 

En  effet  on  a  vu  des  enfans  qui 
aimoient  à  fe  vautrer   dans  la 
boue  6c  la  fange  ^  [a)  parce  que 
la  difette  avoit  contraint  leurs 
mères  à  les  nourrir  de  lait  de 
truye.   On  imputa  le  panchant 
que  Cyrus  {h)  avoit  à  rufer  ôc  à 
furprendre ,  à  ce  qu  il  avoit  été 
nourri  du  lait  d'une  chienne  î  &C 
les  mœurs  cruelles  d'un  certain 
Parius  (^r)  à  ce  qu'on  lui  avoit 
fait   fuçer  le  lait  d'une   ourfe. 
Mais  l'exemple  du  plus  affreux 
des  malheurs  qui  puiffe  arriver 
d'un   lait  étranger  ,    fe   trouve 
dans  la  perfonne  de  Caligula  : 
car  5  de  ce  qu'il  a  été  le  plus  dé- 
naturé des  Empereurs,  il  ne  faut 
s'en  prendre   qu'au   lait    d'une 
nourrice  qui  ajouta  à  fon  hu- 
meur féroce  &:  cruelle  ,  la  cou- 
tume de  fe  frotter  de  fang  le 

(tf)  SennertA.  a,  Injîh.  feCi.  i,  r. 4.  Qum'^> 
tll.l.  I. 

(h)  Mariana  tr. de rege  &  regno ^  c.  2 , 
f  <?  )  i^ataL  Cornes  j  /.  6,  Mytholog, 

bout 


de  nourrir  leurs  en/ans,  257 
bout  des  mammelles ,  qu'elle  fai- 
foic  fucer  enfuite  à  ce  malheu- 
reux nourrifTon.  Par  ce  moyen 
il  devint  fî  barbare  ,  qu'il  alla 
jufqu'à  fouhaiter ,  que  les  têtes 
de  tous  les  hommes  puiTent  ne 
tenir  qu'à  un  feul  col ,  pour  fe 
pouvoir  donner  la  fatisfactioa 
de  les  abattre  toutes  à  la  fois  ,  6c 
de  voir  d'un  coup  d'œil  couler 
le  fa  no;  de  tout  le  i^enre  humain,- 

Mais  ce  n'eft  pas  aux  particu- 
liers feuls  ,  que  font  à  craindre 
les  malheurs  qui  viennent  d\ia 
lait  étranger  :  ils  peuvent  deve- 
nir ceux  de  tout  un  Empire^ 
Ceft  pourquoi  Mithrydate  {a}^ 
Roi  de  Pont  reprochoit  aux  Ro- 
mains ,  qu'il  ne  falloit  point  s'é- 
tonner de  leurs  cruautés ,  puif^ 
que  leurs  Princes  avoient  eu  des> 
louves  pour  nourrices. 

Il  eft  vrai  qu'on  peut  éviter 
aujourd'hui  de  fi  extrêmes  mal- 
heurs :  mais  du  moins  ces  exem.- 

(4)  Juflin.BiJi.l. 

T       . 


258  De  rohligdtîûn  aux  mères 
pies  prouvent-ils  à  n'en  pouvoir 
douter  ,  ce  que  peut  un  lait 
étranger  fur  de  jeunes  enfans; 
D'ailleurs  voici  un  incanvénient 
qu'aucune  précaution  ne  peut 
prefque  faire  éviter.  On  a  déjà 
fait  voir  qu'un  enfant  qui  a  tiré 
une  nourrice  érrangere  ,  en  ai- 
me beaucoup  moins  fa  véritable 
mère  ,  &  on  en  a  apporté  des 
exemples  :  mais  ces  cnfans  reve- 
nus de  nourrice ,  auront-ils  con- 
fervé  plus  de  naturel  pour  leurs 
frères  ^  peur  leurs  fœurs  que 
pour  leurs  mères  ?  c'eft  ce  qui 
paroît  impoffible  à  croire ,  fi  ort 
fait  réflexion  que  chacun  des 
frcres  &:  chacune  des  fœurs ,  a 
eu  fa  nourrice  auffi  différente 
de  celle  du  dernier  revenu ,  qu'- 
elles toutes  cnfembles  font  peu 
reffemblantesàlamere.  L'étran- 
ge variété  donc  d'humeur  ,  de 
panchans  5c  d'inclinations ,  que 
celle  qiû  doit  fe  trouver  non  feu- 
lement parmi  les,  enfans  ,  mais 


de  nourrir  leurs  enfans.  1^9 
encore  entre  les  enfans  &:  la  mè- 
re !  Quelles  femcnccs  par  confé- 
quent  de  divifîons  j,  aanimofi- 
tés  5  d  antipathies  !  Que  fi  après- 
ecla  il  leur  refte  quelque  forte 
de  confîderation  les  uns  pour  les 
autres  ,  ce  fera  moins  une  ami- 
tié de  tendrefTe  que  de  cérémo- 
nie ;  Propterea  ohliteratis  &  ahù" 
litis  KAturA  pietatis  élément is  y. 
quidquid  ita,  educaPi  liheri  amarc 
patrem  &  matrem  njidentur  y  ma,^ 
gnam  fere  partem  ,  non  naturdis- 
il  le  Amor  eji ,  fed  cwilis^  &  opina^ 
hilis.  (  a)  Que  fr  Ton  ajoute  ^ 
tout  ceci  5  que  la  coutume  de 
donner  des  nourrices  aux  enfans 
a  prefqu  inondé  tout  le  monde  ^ 
n'a-t'on  pas  fujet  de  craindre  de 
voir  dégénérer  les  familles  6c  lesî 
Etats  l 

Et  natûs  miramur  oririfan^uinc^ 
nojïra 

(a}  Ttraqml, de nohtlhar.  fag.  m.. 


2.^0  T^e  VohUgAtîon  aux  mères 

Dégénères ,  qtiihus  immeritis  m^'^ 

terna  premuntur 
Vhra  y  conduBjtfu^  dant  aren^ 

tiaferva  {a), 

A  tant  de  raifons.  Ton  nous 
permettra  d'en  ajouter  une  der- 
nière 5  qui  n'intéreffe  pas  moins 
les  familles  bc  les  Etats.  L'on 
convient  que  rien  ne  peut  tant 
y  nuire  que  roifiveté  ,  la  fource 
de  tout  mal ,  &  l'origine  de  tous 
les  défordres.  Rien  cependant 
n'y  conduit  fi  naturellement  que 
la  coutume  d'autorifer  les  mè- 
res à  fe  fubftituer  des  nourrices. 
Quittes  de  cette  occupation  ,  la 
feule  prefque  qui  leur  convien- 
ne 5  elles  demeurent  défœuvrées, 
&  la  vanité  ,  l'amufement ,  le 
feu  ,  le  luxe  ,  6c  peut-être  encore 
quelque  cliofe  de  pis  ,  prennent 
la  place  d'une  occupation  rai- 
fbnnable.  Le  mal  s'étend  enco- 


de  nourrir  leurs  en  fan  s.  i^\ 
tt  plus  loin  :  car  le  loifir  des  fem- 
mes devient  nn  piège  pour  les 
hommes  :  ils  fe  croyent  obligés 
d  abord  ,  par  pure  honnêteté  ôc 
par  politeue  ,  damufer  ce  loifir 
qui  paroît  à  charge  à  des  per- 
fonnes  pour  lefquelles  ils  font 
naturellement  portés  :  mais  ce 
prétendu  devoir  de  civilité  paflc 
en  habitude  5  les  efprits  fe  pren- 
nent, 6c  les  cœurs  s'engagent  : 
on  aime  ce  qu'elles  aiment ,  6c  la 
complaifance  pour  les  femmes 
engage  les  hommes  dans  une  vie 
molle  Se  efféminée.  Les  garçons 
féduits  par  l'exemple  fe  font  des 
vertus  des  défauts  de  leurs  pères, 
&  fe  forment  des  cœurs  &:  des 
efprits  de  femmes  dans  des  corpsr 
d'hommes  ,  comme  un  anciea 
Poète  le  reprochoit  à  la  jeunelîe 
de  fon  fîécle  ; 

Vos  etenîm  ]uvenes  ^ammos  geri'^ 
tis  muliehres. 

Et  les  filles  accoutumées  a  voir 


26 1  T>e  l'obligation  du)c:mere:s 
dans  leurs  mères  une  vie  molle 
&  fenfuelle  ,.croyent  que  le  tems 
ne  leur  eft  donne  que  pour  le 
plaifir.  Ceftainfi  qiielarainéan- 
tife  prend  la  place  du  travaii 
dans  les  uns  6c  dans  lès  autres  r 
tous  méprifent  ra£lion  &  de- 
viennent prodigues  &:  diffipa- 
teurs  du  tems  ,  la.  feule  chofe 
dont  if  eft  hannête  de  paroître 
avare..  Ceft  pourquoi  les  cfprits 
s'avilliflent ,  les  courages  s  abat- 
tent ,  tout  s'énerve  ,  les  Etats 
s'affoibliiTent  &  viennent  enfin 
à  déchoir.  Il  ne  faut  point  en 
chercher  la  caufe  ;  on  Tapper- 
çoit  dans  cette  vie  molle  des 
femmes ,  qui  défoccupées  de  leur 
ménage  5c  de  Téducation  de 
leurs  enfans  ,  ne  font  prefque 
plus  qu'amollir  le  cœur  des  hom- 
mes 6c  les  accoutumer  à-  roiiî- 
'«été. 


de  nourrir  leurs  enfms^     i  ff  j 


CHAPITRE    VIII. 

Faux  prétextes  des  mères  qm  Je 
difpenfent  de  nourrir, 

CEs  prétextes  par  lefquels 
on  voudroit  juftifier  les 
mères  qui  ne  nourriflent  pas  , 
font  encore  aujourd'hui  les  mê- 
mes queceu:^  quune  mère  aveu- 
glée par  fa  tendreflè  pour  fa  fille 
oppofa  autrefois  au  Philofophe 
Phavorin  ,  (  ^  )  &  que  le  fçavant 
Erafme  {h)  améprifë  depuis.  Ils 
le  réduifent  à  la  délicatelTe  de 
complexion  ^  &C  aux  dangers 
qu'une  nourrice  fait  courre  à  fr 
ianté  5  à  Tufage^  établi  êc  pafTé 
en  coutume ,  enfin  à  une  forte 
de  déshonneur  qu'on  trouve  au- 
jourdhui  à  nourrir  fesenfans. 
i^.  Cette  prétendue  délicatet 

(a)  Aul.Gdl.  m6l.att,l.  u.c.  u. 

(b )  Co//o^.  Eutra^eU  &  Fabuî, 


2^4  ^^  f obligation  a-u^s^  meref 
fe  eft  mal  entendue  ;  puifqu'îl 
ne  faut  pas  plus  de  forée  pour 
nourrir  un  enfant ,  que  pour  le 
mettre  au  monde.  Si  natura  dédit 
'vires  ad  concipiendum ,  haud  dfihie 
d^  ad  ladandum,  (  a  )  D'ailleurs 
eft-ce  que  les  ennuis  d'une  grof- 
fefle,  éc  les  efforts  quil  coûte 
pour  donner  le  jour  à  un  enfant , 
font  moins  fouffrir  la  fanté  que  la 
peine  d'allaiter  ? 

Rien  ,  dit-on ,  ne  détruit  tant 
la  poitrine ,  que  la  fonction  de 
nourrice  :  mais  un  des  plus  ha- 
biles Médecins  d* Angleterre ,  oii 
\q,s  phthifies  font  plus  commu- 
nes ,  fait  obferver  que  des  mcres 
menacées  en  apparence  de  cet- 
te fâcheufe  maladie  par  leur 
maigreur  &  leur  délicatefle ,  s'en 
préfervent  en  nourriffant  leurs 
en  fans  ,  (h)  Etiamjl  îahidd  vi- 
deantuY  naturâ  fua  d^  gracias  , 

{a)  Erafm. Colloq. Eutrapel.  & Fahttl.  Ri. 
Guerin ,  Méthode  d'ciever  les  enfans ,  p.  28^ 
(•if)  Mononin Fhthifiolog. ^ag,  13. 

tamc?-^ 


âe  nourrir  leurs  enfans,     16^ 
îamcn    inter    lacîandtim  finguej- 
cunt..   On  appuyé  fortement  ce 
préjugé    fur   l'étrange   déperdi- 
tion de  fubftance  qu'une  mère 
doit  fouffrir  en  nourrilTant  \  puiC- 
qu'il  faut  que  la  meilleure  par- 
tie de  foi-même,  ou  du  fuc  nour- 
ricier qu'elle  prépare ,  s'employe 
&  fe  confomme  pour  la  nourri- 
ture d'un  enfant. 

Mais  la  nature  a  pourvu  à  cet 
inconvénient ,  &:  ce  que  la  merc 
donne  à  fon  enfant  n  eft  que  ce 
<jue  la  nature  lui  a  prêté  dans 
cette  vue.   Car  fî  hors  l'état  de 
grofTefle  elle  n'a  de  fanté ,  qu'en, 
perdant  dans  un  an  par  une  éva- 
cuation fenfible  vingt  livres  de 
fang;  elle  fe  trouve  dans  le  tems 
de  neuf  mois  de  grofTelIe ,  pen- 
dant laquelle  cette  évacuatiori 
cefle,  avec  quinze  livres  de  fang 
de  plus  qu'il  ne  lui  en  faut  pour 
fe  bien  porter.    Or  comme  un 
nouveau-né  eft  à  peu  près  au  mo- 
ment de  fa  naifTance  du  poids  de 

Z 


x66  De  rohlîg^thn  aux  mères 
neuf  à  dix  livres  ,  ce  ne  fera  que 
du  fuperflu  de  la  mère  qu'il  aura 
reçu  ce  volume. 

Il  en  eft  encore  de  même  dans 
une  nourrice  ,  elle  ne  met  rien 
de  fon  néccfTaire  pour  allaiter 
Ton  enfant  j  car  la  nature  lui 
épargnant  êc  lui  mettant  en  ré- 
ferve  cette  même  quantité  de 
vingt  livres  de  fang  quelle  au- 
roit  eu  à  perdre  chaque  année 
pour  fe  conferver  en  fanté  fi  elle 
n'étoit  point  nourrice  ;  elle  {e 
trouve  plus  riche  d'autant  de 
fang  qui  pafTe  en  fuc  nourricier 
ou  en  lait.  Ce  font  donc  vingt 
livres  de  lait  de  furcroît,  &:  qui 
lui  eft  d'ailleurs  inutile ,  qu  elle 
peut  par  conféquent  employer 
à  nourrir  fon  bnfant,  fans  qu'il 
lui  coûte  rien  de  fon  nécellaire. 

Mais  cette  même  nature  amaf- 
fe  encore  à  la  -mère  un  autre 
fonds  ,  d'où  fans  rien  ôter  à  Çqs 
véri'tables  befoins ,  elle  peut  fuf- 
fifamment  tirer  de  quoi  fatisfai- 


de  nourrir  leurs  enfans.     1 6j 
re  à  ceux  de  fou  enfant.  Suppofé 
donc    que  vingt  livres  de  fuc 
nourricier  mis  en  réferve  par  an, 
puiflent  à  peine  fuffire  à  fournir 
à  un  enfant  le  poids  ôc  le  volu» 
me  qu'il  acquiert  dans  cet  efpa- 
ce  de  tems  ,  ôC  fans  lui  compter 
ce  qu'une  mère  ajoute  d'alimens 
avec  fon  lait ,  voici  de  quoi  dou- 
bler à  fon  profit  au  moins  la  quan- 
tité de  vingt  livres  qu'on  vient  de 
lui  afîigner.  Les  femmes  naturel- 
lement tranfpirent  (a)  moins  que 
les  hommes:  cela  fe  prouve  i^. 
Parce  qu  elles  ont  le  poux  plus 
mou  âc  plus  lent.  2°.  Parce  que 
leurs  vaifTeaux  font  plus  étroits 
ou  de  moindre  diamètre  que  ceux 
des  hommes  :  le  cœur  par  confé- 
quent  dans  les  femmes  doit  pouf- 
fer le  fang  avec  plus  de  lenteur 
à  l'habitude  du  corps ,  &  les  ca- 
pillaires doivent  contenir  moins 
de  fuc  nourricier  ,    fuivant   ce 
principe  d'un  {h)  des  plus  célé- 

(a)  Frend.  Erronenologiie ,  p.?^.  1 6, 
{b)  Bcllh.  Z  ij 


%6t  De  robllgation  mx  mtres 
bres  Médecins  du  fiécîe  pafle., 
que  les  fécrécioxis  font  dans  nos 
corps  plus  ou  moins  abondan- 
tes ,  à  proportion  du  plus  ou 
moins  de  vitefTe  dans  le  cours 
du  fang  5  ôc  du  plus  ou  moins  de 
diamètre  dans  les  vaifleaux.  li 
cft  donc  évident ,  qu'il  doit  s'a- 
maflerplusdefuc  nourricier  dans- 
le  corps  d'une  femme  que  dans 
celui  d'un  homme ,  parce  qu'elle 
tranfpire  beaucoup  moins. 

Mais  s'il  ejft  vrai  p  comme  Ta 
remarqué  le  célèbre  Sanftorius 
que  la  tranfpiration  diminue  mê- 
me dans  les  hommes  d'autant, 
que  quelqu'autre  évacuation  fen- 
iîble  s'augmente  ,  comme  lorf- 
qu'on  fuë  excellî vement ,  ou  qu'il 
arrive  quelque  grand  cours  de 
ventre  ;  jufquà  quel  degré  la 
tranfpiration  doit-elle  diminuer 
dans  une  nourrice  ,  c'eft-à-dire  , 
lorfqu'il  s'ouvre  dans  une  fem- 
me deux  iffuës  H  fenfibles  au  fuc 
nourricier  ?  A  mefure  donc  qu'il 


de  nourrir  leurs  enfans.  tG^ 
enfilera  la  route  des  mammel- 
les ,  il  ne  doit  guéres  en  refter 
pour  fournir  à  la  tranfpiration, 
Ainfi  une  bonne  partie  de  ce  qui 
étoit  deftiné  à  s'échapper  par 
cette  voyc ,  paiïera  en  lait.  Ainfî 
quand  la  matière  de  la  tranfpi* 
ration ,  qui  eft  dans  les  hommes 
du  même  poids  que  celui  de  leur 
nourriture  ,  ne  feroit  ordinaire- 
ment dans  une  femme  que  des 
deux  tiers  des  alimens  quelle 
prend,  fuppofant  qu'il  pourroit 
encore  s'échapper  la  moitié  de 
ces  deux  tiers  par  cette  voye ,  ce 
feroit  un  tiers  de  revenant  bon  , 
qui  augmenteroit  d'autant  la 
quantité  du  lait  dans  une  nour- 
rice. Accordons  -  lui  à  préfenc 
une  livre  &  demie  de  nourriture 
par  jour  :  ce  feroit  huit  onces  de 
lait  par  jour  qui  ne  feroienc 
point  prifes  fur  le  nécefïaire  de 
la  merè  ,  6c  qui  tourneroient  au 
profit  de  l'enfant.  Mais  parce 
que  le  produit  de  huit  onces  de 

Ziij 


1  yo  De  f  obligation  aux  mer  es 
lait  par  jour  monteroit  à  quator- 
ze livres  par  mois  ,  ce  qui  feroit 
un  volume  prodigieux  au  bout 
de  Tan  dans  le  corps  d'un  nour- 
rifTon  qui  tranfpire  peu  ;  fai- 
fons\ine  autre  fuppolition  plus 
vraifemblable.  Qu'une  nourrice 
donc  mangeant  trois  livres  ôC 
demie  par  jour  tranfpire  de  qua- 
tre onces  moins  qu'à  l'ordinaire , 
il  reviendra  fept  livres  de  fuc 
nourricier  par  mois  à  un  enfant , 
&  de  quoi  augmenter  à  l'excès  le 
volume  de  fon  corps  au  bout 
d'un  an  ou  deux  de  nourriture  , 
fans  lui  donner  que  le  fuperfiu 
de  fa  mère.  Qu'on  ne  vienne  donc 
plus  dire  que  c'eft  trop  deman- 
der à  une  mcre  ,  que  d'exiger 
d'elle  la  noi^.rriture  de  fon  en- 
fant ;  puifqu'elle  a  reçu  d'avance 
ce  qu'elle  lui  donne  comptant. 

Elle  ne  méritera  pas  plus  d'ê- 
tre.écoutée  fur  fa  foibleffè  (//  )  de 

(  ^  )  Eqwdem  ji  veterum  Femmarum  (  qua? 
fuos  alebant  fétus  )  hubùum  refpàs  j  &  cum 


de  nomrîf  leurs  enfans,  1 71 
rémpéramenc  :  car  outre  qu  elle 
fait  peut-être  pour  fon  plaifir 
des  chofes  beaucoup  plus  capa- 
bles de  le  ruiner ,  ce  n  eft  pas  tou- 
jours par  le  volume  du  corps  qu'il 
faut  niefarer  fes  forces  :  les  plus 
épais  ne  font  pas  toujours  les' 
plus  vigoureux:  du  moins  réfif^- 
rent-ils  moins  ordinairement  à 
la  fatigue  5  de  le  plus  grand  cou- 
rage neie  rencontre  pas  toujours 
dans  les  corps  les  plus  puiflans. 
En  tout  cas  une  femme  délicate , 
pourvu  quelle  foit  faine  dail- 
leurs,  a  de  quoi  fe  raûTirer  fur 
les  rifques  qu'elle  pourroit  faire 
courir  à  fa  fanté  en  n-ourriflarit  :  - 
car  pourvu  qu'elle  conferve  tou- 
jours fon  appétit  y  &  qu'elle  di- 
gère bien  ,  elle  prendra  mê- 
me plus  d'embonpoint  dans  la 
fuite  ,  qu'elle  n'en  avoit  en  com- 
mençant de  nourrir  ,  fui  vaut  la 

-rtoflris  hifce  compares ,  juraverisnon  ejfe  cas  vf- 
uris  &  avhi g?nçrîs [obokm.  Pechlin.  obferY» 
a6.  p.  Ï08. 

Z  iiij 


272-  2)^  ï*  obligation  aux  mer  es 
remarque  des  bons  Praticiens  en 
Médecine:  {a)  Nutrices ,  etiamji 
graciles  ,  Ji  appetitu  vigent  (^  henc 
dtgerunt ,  intev  la^andum pinguef- 
cura. 

Ce  feroit  fe  fingularifer ,  ajou- 
tent les  mères  qui  ne  veulent  pas 
jnourrir ,  &  fe  diftinguer  du  refte 
Aqs  femmes  ,  que  de  vouloir  au- 
jourd'hui Tentreprendre  :  cela 
n'eft  plus  ni  d'ufage,  ni  de  mo^ 
de  :  la  coutume  contraire  a  pré- 
valu. 

Etrange  proteftrice  du  bien 
que  la  coutume  !  Fut-il  jamais 
rien  de  plus  d'ufage  que  la  pra- 
tique du  mal  ?  en  doit-il  être 
plus  autorifé  ?  Efl-il  coutume 
plus  univcrfelle  que  celle  de  s'a- 
bandonner au  jeu',  à  la  débau- 
che 5  à  la  fourberie  ,  à  Pyvrogne- 
rie  5  ôc  à  tant  d'autres  paffions 
qui  dominent  les  hommes  ?  en 
font-ils  pour  cela  moins  crimi- 
nels 5   parce  que  le   mal  qu'ils 

(f)  Mcrtcn,  Phthijiolo^.fag,  i^: 


de  nourrir  leurs  enfans,  175 
Commettent  eft  commun  ?  (  ^  ) 
Vulgo  feccant ,  'vulgo  ludhur  alcâ , 
vnlgû  commeaturadfornicesy  vuU 
gofrdudatur ,  potatur ,  infanitur. 

Il  fant  donc  d'autres  raifons 
pour  [uftifîer  un  mal:  &  on  croie 
en  trouver  une  dans  la  honte 
qu'on  met  aujourd'hui  à  nour- 
rir ks  enfans  !  Mais  quelle  dé- 
pravation de  fiécle  !  quelle  cor- 
ruption de  mœurs  !  Quoi  !  une 
femme  rougit  d^allaiter  un  en-- 
fant  qui  s'eft  formé  dans  foiî 
fein ,  qu'elle  a  nourri  de  fort 
fang ,  ôc  qu'elle  a  mis  au  mon- 
de !  n'eft-ce  point  rougir  de  la 
aneilleurc  partie  de  foi -même  1 
(  b  )  0  tempora  !  0  mores  !  Cuinam 
dedecori  ejfe  potejl  lacidre  fùum  , 
quem  ex  propriis  vifcerihus  eduxit , 
novemque  integris  menfihus  in  re^ 
condiîïffîmis  uteri  recejjihus  proprio 
fanguine  aluit  ?■ 

La  raifon  de  déshonneur  6c 

(  :ï  )   ErûGn.  Colloqu.  Eutrapel.  &  FabuL. 
(^)  Tiraqiiell,  de  ^obilit.  -j^ag.  10^. 


174  ^^  i' obligation  aux  mères 
de  honte  qu'elles  trouvent  dan^ 
la  fonction  de  nourrice  ,  fe  tire 
de  la  qualité  des  msres  aufquel- 
les  on  croit  que  meiîîed  tout  ce 
bas  détail  qui  reç^arde  les  de- 
voirs d'une  nourrice  :  mais  cette 
exception  eil:  échappée  à  l'Apô- 
tre faint  Paul,  qui  décrit  fans 
diftinction  les  devoirs  de  toutes 
les  femmes  mariées  :  Idco  Afoflo" 
lus  uxoribus  pr^cepit  [a)  ut  cjfônt 
Jubdlt^  'vïrls  Juis  y  ne  forte,  divi" 
tiïs  é^  nohilitdte  p3rjîat£  Del  fen^ 
te::tl£  no/i  memlaeryat  r-per  quum 
fuhjecije^  funt  vlrls^ 

La  nobleffè  ne  peut  donc  pré- 
tendre ici  de  diftinclion ,  puif- 
que  la  foumiffion  dans  les  de- 
voirs naturels  de  mères  oblige 
également  toutes  les  femmes» 
Un  autre  Père  {b  )  de  TEglife 
s'en  explique  clairement  :  Eru- 
hefcunt  forjitan    noblles   dellcatis 

(a)  Hieronym.  in  epfl. Paul,  ad Tit.  ci. 
{b)  S.  Augiift.  in  Sçrm^  de  tçm^^  fi^'  f'  i^ 
C^ii,DQm*Serm.i» 


de  nourrir  leurs  enfans^  ij^ 
manibus  mulieres  chriJiUnàc, ,  in  hoc 
mundo  Sancîûrum  contrecïare  vejii" 
gia  ,  ^uia  hoc  natalium  frjirogati^ 
"ja  nonpatitur,  Mala  nobilitas  quji. 
fe  per  fuperbiam  apudDeum  reddit 
igr.obihml  Ceft  donc  moins  la 
noblelTe  que  la  vanité  ôc  la  naol- 
lefle ,  qui  a  infpiré  aux  femmes 
chrétiennes  la  coutume  de  ne 
point  nourrir  elles-mêmes  s  puif- 
que  de  grandes  Princefies  payen- 
nés  s'honoroient  de  tout  ce  qui 
reeardoit  leur  ména2;c.  C'eft 
pourquoi  Ton  trouve  dans  Ho- 
mère des  Reines  (  â  )  defcen- 
duës  des  Dieux  mêmes,  qui  ne 
croyoient  rienau-deflous  de  leur 
naiiTance  ,  quand  il  s'agifToit 
d'obliger  les  Princes  leurs  ma- 
ris. On  y  en  voit  qui  font  leurs 
lits  {h\  &C  leurs  chambres  ; 
quelques  -  unes  qui  prennent 
des  foins  encore  plus  bas,  {c) 

(a)  Homer.  in  fin.  7.  Odyff. 

(bj  Id.  O.iyf  L7.de  Neftor.  uxdir. 

(c )  Id,  lîiad.  /.  8.  ai  AndromaM  HeCîcr^ 


morç. 


i'7^  'Ùefohlîgdtîon  aux  merei 
'èc  des  Princes  (a)  mêmes  qui 
faifoient  la  cuifinc.    Ceft  qu'a- 
îors  c'étoit  moins  les  profeiTîons 
qui  honoroient  les  perfonnes , 
que  la  vertu  qui  honoroit  les 
profeilions.  Dans  ces  tems  d  m- 
nocence  tout  féïoit  bien  à  de 
grandes  âmes  que  la  raifon  gui- 
doit  ;  au  lieu  que  tout  bleffe  ôC' 
indifpofe  des  efprits  que  la  va- 
nité trompe  ôc  que  le  préjugé 
feduir. 


CHAPITRE    IX. 

Des raifons  qui  diCptrifent  {h)  les^ 
mères  de  nourrir, 

CEs  raifons  ne  font  multi- 
pliées qu.2  parmi  les  Chré- 
tiens j  car  les  Payens  n'en  con- 

(  a  )  Achilles  &  Tatrocîus  Homer  Jlîai.U  9. 

(  ^  )  Omnis  mater [uo  non  emptîtio  Utîe  quos 
genmt  fujîentato  :  neque  idlam  vel  dtvitice  feu 
rijitaliumfplendor  excipiunto  :  jl  morbus  impe- 
diaf^aiidùis  NUdkorumfuffragiii  ça  ds  rtmA^ 


■de  nourrir  leurs  enfans.  2-7^ 
noilToient  que  deux  {a)  aufquel- 
les  ils  déféroient  ;  rimpuilTance 
dans  une  mère  languiiïante  ôc 
jnal  faine  j  &  l'envie  ou  la  nécct 
iîté  de  multiplier  les  enfans  6c 
d'en  peupler  les  familles.  A  la  fé- 
conde de  CCS  raifons  un  Auteur 
{^)fage  ôc .célèbre  en  fubftituë 
ime  autre  ,  c'eft  rinfirmité  de 
l'enfant  qui  pourroit  altérer  la 
ianté  de  la  mère. 

Si  tamen  optato  prohiber  i  s  munc- 

refungiy 
.Sive  quod  dgra  negds  oneri  fatis 

efifererido  y 
Sive  quodipfe  doler  puer  ,&  for- 

tafe  verendum  eft 
Morbida  ne  injirmi  Ixddnt  conta* 

gi£  matrem , 
^^^  tibift  nutrix  aliunde  pe^ 

tenda  docebo.  (  c  ) 

xttus  MagiJIratufque  flamimto  :  qua  fecus  fa- 
xit  îgmminiâ  notator.  Eft  Lçx  Schiurliana»  Di^ 
•fert,  4.  politiq.th.  i6, 

(a)  Piutarch. 

(b)  Scavola Sammarthanus. 

(  <r  )  Iii,  Pxdotro^hia  ,l,z.f,  %u 


/ 


278  -25^  l'obligation  aux  mer  es 

Une  quatrième  raifon  qu'op- 
pofent  les  mères  pour  ne  point 
■nourrir ,  eft  la  volonté  des  ma- 
ris ,  qui  perfuadés  qu'une  femme 
n'eft  faire  que  pour  eux ,  les  obli- 
gent de  fe  refufer  à  leurs  enfans. 
La  première  eft  évidente  &  dif- 
culpe  une  mère  de  l'aveu  de  tout 
ie  monde  ,  &  à  celle-là  fe  doi- 
vent encore  rapporter  certains 
vices  de  conformation  ou  cer- 
tains défauts  naturels,  Ainfî  le 
manque  de  lait  dans  quelques- 
unes  ,  des  mammelles  mal  con- 
formées en  d'autres  ,  autorifent 
une  mère  à  donner  une  autre 
nourrice  à  fon  enfant» 

La  raifon  qui  fe  prend  de  la 
part  de  l'enfant  dont  Tinfirmité 
pourroit  incommoder  ou  infec- 
ter la  mère ,  cette  raifon ,  dis-je , 
fait  d'abord  quelque  impreffion , 
&  fembleroit  autorifer  une  merc 
à  recourir  aux  fecours  d'autrui  : 
voici  pourtant  de  quoi  la  faire 
entrer  en  quelque  fcrupule  là- 


•  dt  nourrît  leurs  enfans,  i  -7 ^ 
defTus.  Ces  infirmités  dans  un 
enfant ,  font  la  galle  ,  le  fcorbut, 
ou  encore  quelque  chofe  de  pis , 
toutes  maladies  ou  défagréables 
ou  contagieufes  pour  un«  nour- 
rice. Mais  fi  Ton  trouvoit  que  le 
lait  de  la  mère  fût  plus  propre 
qu'un  autre  à  guérir  ces  infirmi- 
tés 5  fi  les  mconvéniens  qui  en 
pourroient  venir  intérelToient 
xnoins  la  ^anté  d'une  mère  que 
fes  aifes  ou  fa  commodité  j  fe 
trouveroit-elle  cette  mère  en  fiU 
reté  de  confcience ,  defe  refufer 
à  fon  enfant  ;  &  la  mort  de  ce- 
iui-ci  ne  pourroit-elle  pas  deve- 
nir un  crime  pour  elle  ?  puifque 
c'eft  une  forte  d'homicide  que 
de  refufer  le  néceflaire  à  la  vie^, 
,^u^os  non  pauijli  occidifti. 

D'ailleurs  fi  une  mère  a  l'ex- 
périence 5  que  la  plupart  de  ces 
maladies  arrivent  ordinairement 
à  fes  enfans  entre  les  mains  des 
nourrices  étrane:éres  ,  ne  feroit- 
ce  point  une  obligation  pour  elle 


^So  J>e  rohligation  ai^x  mcres 
d'efTayer  iî  fon  lait  ne  les  pré- 
viendroit  pas  ? 

Le  mari  viendra  peut-être  s'op- 
pofer  à  propos  à  cette  complai- 
-fance  5  il  revendiquera  fes  droits 
de  préférence  fur  fa  femme  :  mal  \ 
•latîsfait  quelle  l'engage  dans  ' 
les  égards  contraignans  qu'il 
faut  avoir  pour  une  nourrice  , 
len  s'expofant  &:  en  Texpofant 
•lui-même  aux  importunités  d'un 
nourriflon. 

L'Apôtre  en  .pareil  cas  paroî- 
troit  prefquc  diiculper  une  fem- 
me ,  qu'il  ne  veut  pas  fouftraire 
à  fon  mari  contre  fon  gré  :  mais 
ce  fera  à  elle  à  examiner ,  fi  le 
prétexte  apparent  de  fa  foumif- 
fîon  ne  feroit  point  en  effet  ce- 
lui de  fon  incontinence.  D'ail- 
leurs elle  ne  paroîtroit  pas  mê- 
me en  ce  cas  abfolument  autori- 
fée  à  ne  point  nourrir  ;  puiC-  j 
qu'elle  &  tout  le  monde  craint 
h  peu  d'envoyer  à  la  ville  ou  à  la 
campagne  fes  enfans ,  entre  les 

mains 


de  nourrir  leurs  efifans.  281 
mains  des  nourrices  qui  vivent 
avec  leurs  maris. 

Refte  la  raifon  que  Plutarquc 
propofe  ;  c'eft  celle  qu  il  tire  de- 
là néceffité  qu'il  y  auroit  dé  faire 
naître  au  plutôt  plufieurs  héri- 
tiers dans  les  familles  ,  ou  de  les 
peupler  d'enfans  ;  mais  cette  vue 
qui  faifoit  autrefois  Tobjet  &  la 
fin  des  mariages  des  Patriarches^ 
ôc  de  ceux  des  Saints ,  occupe- 
t'elle  aujourd'hui  les  efprits  des 
perfonnes  mariées  ?  Trouve-t'on^ 
encore  des  pères  qui  fe  réjouif- 
fènt  de  fe  voir  au  milieu  d'une 
îiombreufe  famille  ?  Ce  goût  fur 
celui  de  cts  fîécles  pleins  d'in- 
nocence ,  où  l'opulence  des  fa- 
milles dépendoit  du  travail  des^ 
en  fans  :  mais  depuis  que  le  tra- 
vail eft  devenu  honteux  pour  des-' 
perfonnes  aifées ,  depuis  que  les? 
enfaris  ont  été  moins  deftinés  à 
enrichir  leurs  parens  ,  qu'à  jouir 
de  leurs  richefTes  ,  leur  nombre 
ell  devenu  formidable,.  Jamais 

Av 


tSz  De  Fohlîgatton  aux  mer  es 
donc  il  ne  ïut  fiécle  où  il  fût  plus 
permis  aux  mère?  de  nourrir  leurs 
enfâns  ;,  puifque  cette  forte  d'in- 
térêt des  familles ,  s'il  étoit  per- 
mis de  fe  le  propofer  ,  fe  trou- 
veroit  aujourd'hui  de  concert  a- 
vec  le  devoir  des  mères.  Bien 
plus ,  quand  même  il  arri veroit 
qu'une  mère  qui  fe  feroit  nour- 
rice ,  ne  donneroit  des  enfans  à 
fon  mari  que  tous  les  deux  ans  , 
les  familles  n'en  feroient  pas 
moins  nombreufes  ,  ni  le  monde 
moins  peuplé  ,  pour  deux  rni- 
fons:  la  première  ,  parce  que  s'il 
en  venoit  moins  au  monde ,  il 
en  refteroit  davantage  fur  la  ter- 
re :  la  féconde ,  parce  que  fi  une 
femme  accouchoit  mioins  ibu- 
vent  5  elle  donneroit  plus  long- 
tems  des  enfans.  Voici  l'explica- 
tion de  cette  énigme. 

Si  l'on  comptoit  tout  ce  qui 
arrive  de  fauflès  couches  à  uiic 
femme ,  tous  les  enfans  qui  vien- 
nent morts  ,  Se  tous  ceux  qui 


de  nourrir  leurs  enfans,  285 
meurent  à  la  mammelle  ;  on  fe- 
roit  efFrayé  de  voir  combien  les 
familles  perdent  d'héritiers  ,'6c 
les  Etats  de  citoyens.  Or  la  cau- 
fe  la  plus  ordinaire  de  ces  pertes 
publiques  ,  ne  vient  que  parce 
qu'une  femme  qui  met  beau- 
coup d'enfans  au  monde ,  les  y 
met  foibles  ôc  peu  vigoureux  , 
plus  cxpofés  par  conféquent  à 
mourir  bientôt ,  parce  qu'ils  font 
plus  délicats  &:  plus  ienfibles 
aux  injures  de  l'air,  &  à  tous  les 
maux  qui  les  menacent.  L'arbre 
le  plus  gros  ne  donne  que  des 
avortons  de  fruits  fi  011  l'en  laif- 
fe  trop  chargé  ;  les  fleurs  per- 
dent beaucoup  de  leurs  beautés 
fi  elles  font  trop  nombreufes  fur 
une  p 'ante  ;  un  champ  trop  char- 
gé de  légumes  n'en  produit  que 
dimpar faits  ;  enfin  la  terre  qu'on 
enfemence  trop  fouvent  dépérit 
5c  tombe  en  friche.  Par  une  rai- 
fon  femblable,  on  doit  concevoir 
qu'une  femme  qui  met  fouvent 
Aaij 


2.84  -^^  l'obligation  aux  mefes 
des  enfans  au  monde  ,  doit  les  y 
mettre  moins  forts  ,  ou  moins 
propres  à  vivre  :  il  eft  donc  vrai 
de  dire  en  ce  fens  ,  que  plus  elle 
en  donnera  au  monde  ,  moins  le 
monde  en  confervera.  La  fécon- 
de raifon  n'eft  pas  moins  vraye. 
L'on  fçait  que  les  couches  ou  en- 
lèvent beaucoup  de  femmes  au 
mionde  ,  ou  en  font  beaucoup 
d'infirmes ,  ôc  les  mettent  hors 
d'état  d'avoir  des  enfans  :  or  ces 
dangers  feront  d'autant  plus  à 
craindre,  que  les  couches  dans 
une  même  femme  deviendront 
plus  fréquentes.  Ainfi  une  fem- 
me qui  auroit  pu  fans  trop  ri{^ 
quer  avoir  dix  enfans  en  vingt 
ans,  rifquera  beaucoup  plus  en 
les  donnant  en  neuf  ou  dix.  Au 
lieu  donc  qu  elle  étoit  prefque 
fure  de  vivre  ces  vingt  ans ,  elle 
devient  très-incertaine  d'en  vi- 
vre dix.  Que  Ton  compare  à  pré- 
fent  la  force  que  doit  avoir  un 
enfant  ^  pour  lequel  une  femme 


de  nourrir  leurs  enfans.  2  §5" 
fe  fera  préparée  pendant  deux 
ans,  avec  celle  d'un  autre  qui 
fera  venu  tout  au  plus  au  bouc 
de  l'année  :  ce  fera  mettre  en  pa- 
rallèle le  frait  d'une  terre  fraî- 
che 6c  qui  feroit  dans  fa  force  , 
avec  celui  d'une  autre  qui  fcroiè: 
ou  fatiguée  ou  ufée.-  Que  l'on 
compte  enfin  les  dangers  d'une 
ferrime  qui  accoucheroit  tous- les 
deux  ans ,  avec  ceux  d'une  autre 
qui  le  feroit  tous  les  onze  oa 
douze  mois  :  on  trouvera  d'une 
part,  que  celle-ci  fera  fouvent 
expofêe  ou  à  périr  par  les  dan- 
gers réitérés ,  ou  à  fe  voir  infirme 
ôc  incapable  d'en  fans  au  bout  de 
peu  d'années  j  tandis  que  l'autre 
le  confervera  encore  famé  5c  vi- 
goureufe.  Que  fi  l'une  Ôc  l'autre 
de  ces  femmes  f.irmontcnt  ces 
dangers ,  le  mionde  fera  bien  plus 
fur  de  conferver  les  dix  enfans 
forts ,  vigoureux  cc  bien  formés , 
qu'il  aura  reçu  en  vin2;t  ans  , 
qu\in  pareil  nombre  qu'il  auroit 


1 8  6  De  Vohligatîon  aux  ?nerês 
reçu  dans  refpace  de  neuf  ou  dix 
années.  Si  donc  une  femme  don- 
ne plusfdrcment  dix  en  fans  dans 
refpace  de  vingt  ans ,  que  dans 
refpace  de  dix ,  il  fera  vrai  de 
dire  que  le  monde  y  gagnera  du 
moins  autant ,  &  que  fi  une  fem- 
me accouclioit  moins  fouvent , 
elle  multiplieroit  autant,  &:  plus 
à  profit  pour  le  monde,  quoi- 
que dans  un  efpace  de  tems  plus 
long. 

Mais  ce  feroit  encore  le  moyen 
de  remplir  le  monde  d'hommes 
forts ,  bienfaits  &  bien  élevés  y 
de  de  pourvoir  aifx  incommodi- 
tés ou  à  Topulence  des  familles, 
èc  par  conféquent  des  Etats.  En 
effet  les  enfans  fe  trouveroient 
plus  forts  de  corps  Se  d'efprit ,  &: 
les  mères  vivant  plus  long-tems , 
il*  ie  trouveroit  moins  d'orphe- 
lins ,  &  il  fe  feroit  moins  de  re- 
mariages ,  moins  par  conféquent 
d'enfans  abandonnés ,  méprifés 
&  ruinés  5  parce  que  les  mcres 


,  de  nouYïîr  leurs  en  fan  s,  i  S  y 
^yanc  plus  de  vie,  auroient  le 
cems  d^élever  leurs  enfans  par 
elles-mêmes  ,  &  de  pourvoir  à, 
leur  écabîiiîemenr. 


CHAPITRE     X. 

Des  précautions  que  doit  apporter 
une  mère ,  qui  eji  obligée  de  pren- 
dre une  nourrice  étrangère, 

ON  ne  prétend  point  ici  en- 
crer dans  un  détail  exact  de 
toutes  les  qualités  que  doit  avoir 
une  nourrice  ;  ce  feroit  la  matiè- 
re d'une  autre  Diflertation ,  &: 
cette  matière  fe  trouve  traitée 
dans  plufieurs  bons  Auteurs.  Ce 
ne  font  donc  que  des  confeils 
qu'on  efîaye  de  donner  ,  pour 
réformer  des  abus  où  Ton  tom- 
be tous  les  jours  fans  y  pcnfer  , 
&  pour  n'en  avoir  pas  afiez  com- 
pris les  conféquences  :  peu  de 
gens  ,  par  exemple  ,  apperçoir 


2. s?  T>t  l'ohligation  aux  mer ô^ 
vent  les  inconveniens  de  donner 
à  un  nouveau -né  un  lait  plus 
âgé  que  celui  de  la  mère;  parce 
qu'on  croit  commitnément  qu - 
un  lait  trop  frais:  eft  malfaifant 
êc  impur  ,  fans  fonger  que  c'efl. 
cependant  celui  qui  eft  naturel- 
lement deftiné  à  un  enfant  qui 
vient  de  naître,  par  les  raifon:? 
qu'on  en  a  apportées  ci-deffus. 
Mais  ce  préjugé  paroît  fur  tout 
dans  le  peu  de  crainte  qu'on  a  de 
prendre  pour  des  nouveaux-nés 
des  laits  de  plufieurs  mois ,  6c 
quelquefois  de  plufieurs  années  : 
cependant  l'cftoraac  d'un  Çi  jeu- 
ne enfant  ne  doit  être  ni  indif- 
férent ,  ni  infenfible  à  cette  for-- 
te  de  nourriture.  En  effet ,  ce  vil^ 
cere  peu  accoutumé  encore  au' 
broyement  néceffaire  pour  digé- 
rer un  aliment  plus  folide  de 
beaucoup,  que  celui  qu'il  rece- 
voit  dans  le  fein  de  fa  mère  , 
doit  foufirir  beaucoup  du  tra- 
vail qu*on  exige  de  lui  ;,  en  lui 

préfentanc 


de  muYYÎr  leurs  enfans.  i  %■<) 
préfentant  un  lait  trop  nourrif- 
fant.  Ceft  expofer  cette  jeune 
créature  à  mille  crudités  ,  6c  à 
-des  aigreurs  qui  font  les  femen- 
ces  des  maladies  qui  affligent 
ordinairement  les  enfans. 

De-là  viennent  encore  ces  dé- 
goûts qui  les  éloignent  fi  fou- 
vent  de  leurs  nourrices;  parce 
qu'un  lait  trop  nourriflant  ôc 
trop  favoureux  les  faoule  d'a- 
bord 5  puk  les  rebute ,  comme 
un  mets  trop  fucculent  dégoûte 
aifément  ceux  qui  en  ufent. 

Mais  quand  même  leur  efto- 
mac  viendroit  à  bout  de  digérer 
un  lait  trop  âgé  ,  il  ne  feroit  pas 
fur  que  ce  lait  fe  trouvât  aUez 
dompté  ,  pour  s'achever  de  bri- 
fer  dans  les  autres  digeftions.  Ce 
font  donc  des  fucs  groilîers  qui 
vont  fe  diftribuer  par  tout  le 
corps  ,  dans  lefquels  revivent  ôc 
fe  réveillent  toutes  les  qualités 
ôC  les  faveurs  naturelles ,  qui  é- 
toient  dans  les  alimens  que  la 

Bb 


%cjo  De  tohligation  aux  mères 
mère  a  pris  :  &  c'effc  de-là  que 
viennent  aux  enfans  ces  four- 
milières de  vers  qui  infedtent 
leurs  entrailles  ,  ôc  qui  même 
fouvent  paffent  aux  adultes.  De 
cette  même  caufe  leur  vient  en- 
core la  galle  ,  les  écroîielles  ,  ôc 
les  autres  maux  qui  fe  répandent 
furia  peau  &:  dans  l'habitude  du 
corps  par  les  embarras  qui  fe 
font  dans  les  lymphatiques  ôc 
dans  les  capillaires  j  parce  qu'on 
y  introduit  des  fucs  incongrus 
6c  mal  apprêtés. 

Cette  erreur  en  amené  une  au- 
tre :  on  croit  d'autant  mieux 
nourrir  un  enfant ,  lorfqu'à  un 
vieux  lait  on  ajoute  Tufage  de  la 
bouillie ,  qu'on  lui  donne  dès 
les  premiers  jours  de  la  naiflan- 
ce ,  pour  le  mieux  fortifier.  Le  - 
mal  peut-être  deviendroit  moins 
formidable ,  fi  cette  bouillie  é- 
toit  faite  avec  la  mie  de  pain  [a) 
fraifé  ;  parce  qu'elle  feroit  moins 

(  ^  )  Ettmulkr  de  vitiis  ladis. 


de  nourrir  leurs  en  fans,    251 
pefance  ôc  moins  fujette  à  ob- 
llruction  :  mais  ce  iVeft  pas  à  ce 
feul  danger  qu'on  expofe  un  en- 
fant auquel  on  donne  prématu- 
rément de  la  bouillie  :  car  s'il  eft: 
vrai ,  comme  on  le  prouve ,  que 
là  fan  té  ^  une  forte  d'équilibre 
qui  entretient  Tordre  6c  le  cal- 
me dans  les  fondrions  de  la  vie  , 
ôc   fî   les    liqueurs    entrent    au 
moins  de  moitié  pour  aider  à  en- 
tretenir cet  équilibre  ,  quel  dé-, 
fordre  &:  quelle  difproportion  ne 
doit  point  arriver  à  Toccafion  de 
l'ufage  prématuré  de  cette  nour- 
riture trop  folide  ?  Un  air  épais 
rou  trop  groiîîer  donnant  trop  de 
gravité  ou  de  poids  au  fan  g  ,  ex- 
pofe un  animal  à  des  fulFoca- 
tions  mortelles  :  iliais  quel  volu- 
me ne  doit  point  recevoir  le  fang 
d'un  jeune  enfant  qu'on  empâ- 
-te  de  bouillie?  c'eft  une  réfiftan- 
ce  ou  un  obftacle  prefqu'invin- 
cible  ,   qu'on  préfçi;ite  au  c*œur 
de  cet  enfant.    Cette  réfîitancc 
Bb  '^ 


loi    T>e  rohlïgatïon  aux  mères 
devient  pour  lui  d'autant  plus 
dilproportionnée  ,  que  tout  é- 
tant  laiteux  dans  un  nouveau- 
né  ,  les  parties  folides  &  le  cœur 
lui-même  n'ont   point  encore 
pris  ni  la  fermeté  ,  ni  le  relTort 
néceflaire  pour  remuer*une  maf- 
fe  folide  :  c'eft  donc   un  poids 
d'une  réhftance  démefurée  qu'on 
oppofc  à  une  puiflance  mal  af- 
fermie :  c'eft  un  fang  lourd  & 
pefant  qu'on  donne  à  pouller  à 
un  cœur  d'un  reffbrt  trop  foiblc. 
Ce    fang   doit   par   conféquent 
croupir  par  tout ,  s'aigrir ,  &  ex- 
pofer  l'enfant  aux  inconvéniens 
d'une  circulation  trop  lente  ou 
retardée ,  &  d'un  fang  aigri  &c 
vicieux. 

Que  fi  le  lait  de  la  nourrice  fe 
trouve  en  même-tems  trop  fuc- 
cu^ent  &  trop  plein  d'ardeur ,  ce 
fera  le  moven  d'attirer  à  l'enfant 
autant  de  maladies  aiguës  &  mor- 
telfes ,  que  l'épaifTeur  5c  le  ra- 
lentiflement  du  fang  lui  en  au- 


de  nourrir  leurs  enfans,    1 9  j 
roit  caufé  de  longues  Ôc  d'opi- 
niâtres :  c'cft  cependant  ce  qui 
lliit  naturellement    du    régime 
qu'on  fait  ob  fer  ver  aux  nourri- 
ces :  on  les  gorge  de  fouppes ,  de 
boiiillons  ,  de  confommés  :  on 
les  fait  manger  à  outrance  des 
viandes  fucculentes  :  quelques- 
unes  y  ajoutent  le  vin  ou  des  li- 
queurs :   en  faut -il    davantage 
pour  former  un  lait  trop  nour- 
riflant  ,  plein  de  parties  vives  6c 
fermentativcs  ,  femblables  à  cel- 
les du  moût  ou  du  vin  doux  , 
qui  iront  porter  le  trouble  &  le 
tumulte   dans   les    veines   d'un 
jeune  enfant  ?  Si  l'on  réfléchit  à 
préfent  fur  TeiFet  d'un  fembla- 
ble  lait   trop    vif,  fur  un  fang 
lourd  5   rallenti  &  comme  em- 
bourbé dans  les  parties  j  on  con- 
cevra un  fang  trop  épais  qui  con- 
centrera une  matière  de  feu  ,  ou 
un  acide  brûlant,  qui  le  fermen- 
tera ,  l'agitera  ,  6c  le  coagulera 
enfin ,  femblable  au  fang  d'un 
Bb  iij 


2  94  ^^  r obligation  aux  mères 
pleuritique  ,  qui  plein  d'une  ar- 
deur qui  le  defféche  ,  Tépaiffit  &: 
le  coagule ,  tourmente  le  mala- 
de 5  le  brûle  ôc  enfin  TétoufFe» 
On  ne  doit  donc  point  s'éton- 
ner quand  on  voit  un  enfant  en- 
levé Drufquement  de  ce  monde, 
par  une  convulfion  imprévue , 
par  des  tranchées  énormes ,  par 
des  fièvres  ôc  des  aflbupiflemens 
léthargiques  :  c'eft  la  fuite  né-r 
ceflaire  du  régime  mal  entendu 
d'une  nourrice ,  qu'on  a  faoulée 
de  mets  trop  délicats  ôc  d'ali- 
mens  trop  exquis. 

L'inégalité  de  condition  en-r 
tre  la  mère  &  la  nourrice  qu'on 
lui  fubftituë ,  ne  contribue  pas 
peu  à  cet  inconvénient.  Ce  font 
ordinairement  des  femmes  pau- 
vres ou  mal  aifées  qu'on  loiie 
pour  être  nourrices  ,  accoutu- 
mées à  une  vie  dure  ôc  laborieu- 
fe ,  qu'elles  ne  foutenoient  qu'a- 
vec un  peu  de  nourritures  erof- 
lieres  &  mal  apprêtées.  De  lem-» 


de  nourrir  leurs  enfans,  19c 
blables  créatures  ,  que  la  faim 
fouvent  fatiguoit  ,  que  ?Indi- 
gence  faifoit  fouffrir  ,  ou  qui  ne 
mangeoiont  leur  faoul  que  des 
alimens  2;roffiers  6c  mal  choiiis  ; 
de  telles  créatures ,  dis-je ,  pa- 
roilTent-elles  faites  pour  réfifter 
à  la  tentation  d'un  bon  mor- 
ceau ,  ou  d'une  vie  oiiîve  &  ai- 
fée?,  elles  mangeront  donc  au- 
delà  du  nécelFaire ,  travailleront 
moins  que  jamais  ,  &  ne  s'occu- 
peront que  de  faire  du  lait ,  mais 
d'une  qualité  trop  vive  &  pro- 
pre à  enflammer  le  fang  d'un  en- 
fant. Une  terre  trop  fumée  brû- 
le l'arbre  ,  ôc  fi  à  cet  excès  d'ar-- 
deur  le  jardinier  ajoutoit  l'indif- 
crétion  de  l'arrofer  de  quelque 
eau  fpiritueufe ,  peu  de  fruit 
viendroit  à  bien.  Or  une  plante 
dont  les  fucs  font  moins  propres 
à  s'exalter,  ou  à  s'enflammer  que 
le  fang  ,  périroit  fi  on  Texpofoit 
aux  dangers  de  cette  force  de 
culture  :  2c  on  ne  craindra  rien 
B  b  iiij 


2  5:  (5  T>c  r obligation  aux  mêYts 
pour  un  enfant  délicat  qu'on 
nourrira  de  foufFres  ou  de  feux  î 
Une  autre  forte  d'infirmités  pour 
de  jeunes  nourriflbns  ,  c'eft  de 
fubftituer  à  la  mère  qui  fera  tou- 
te jeune ,  une  nourrice  beaucoup 
plus  âgée ,  &  à  une  femme  dou- 
ce &:  délicate,  une  ruftique  &. 
une  paffionnée,  que  l'intérêt  fé- 
parera  en  apparence  de  fon  mari, 
mais  que  la  paffion  lui  rendra 
toujours  préfent.  Pourroit-on 
ramafîcr  plus  de  caufes  capables 
de  former  un  efprii  groflier  ôc 
un  cœur  vicieux  dans  un  enfant 
que  la  naiflance  avoir  deftiné  à 
la  politefTc  &:  à  la  vertu  ?  c'eft 
ce  qu'on  a  lieu  de  craindre  de  ce 
mélange  bizarre  d'humeurs ,  d'â- 
ge ,  de  tempéramens  Mais  les 
principes  qu'on  a  pofés ,  ^  les 
preuves  qu'on  a  apportées  fuffi- 
fent  ôc  au-delà ,  pour  faire  fcntir 
CCS  malheurs. 

De  tout  ceci  il  réfulte  ,  qu'en 
cas  de  vraye  néceffité ,  une  merc 


ds  nourrir  leurs  enfam.     197 
Chrétienne  ne  fatisfera  ni  à  fa 
confcience ,  ni  à  fon  devoir  na- 
turel ,  fi  à  fon  défaut  elle  ne  don- 
ne à  fon  enfant  une   nourrice 
qui  approche  autant  quil  fera 
poflible  de  fon  âge^  de  fon  hu- 
meur ,  de  fon  tempérament ,  5c 
de  fa  condition.  Elle  ajoutera  à 
toutes  ces  qualités  celle  du  lait 
qui  doit  être  le  plus  frais  qu'il 
fera  pofTible  ,  &  afTez  abondant 
pour  fuffire  à  l'enfant  fans  le  fe- 
cours  de  la  bouillie  ,  du  moins 
pendant  pluheurs  mois.     Enfin 
elle  prendra  ,  Ci  faire  fe  peut  , 
cette  nourrice  chez  elle ,  pour 
fe  rendre  le  témoin  du  bon  em- 
ploi de  toutes  ces  qualités  ,  non 
moins  utiles  à  la  confervation 
des  enfans  &  au  foutien  des  fa- 
milles ,  qu'au  bien  public  6c  à 
celui  de  l'Etat. 


apS  De  rohl}g4tiôn  aux  mères 

CHAPITRE    XL 

Des  Scvreufes. 

T  *A':)us  d'employer  des  Se- 
I  j  vreufes ,  fuît  de  près  celui 
de  ië  fervir  de  Nourrices ,  6c  de- 
là naiiïent  mille  autres  inconvé- 
jniens  qui  achèvent  de  ruiner  la 
fanté  des  tn^zns  cl  de  corrom- 
pre leur  éducation.  Etrange  con- 
dition en  des  mères  chrétiennes  ! 
Peu  fenfibles  à  la  jufte  inquié- 
tude ou  elles  devroient  être  de 
voir  leurs  enfans  bannis  entre 
les  mains  des  Nourrices ,  elles 
les  relèguent  encore  chez  les 
Sevreufes.  On  croiroit  prefque 
quelles  craignent  de  les  revoir, 
tant  elles  font  ingénieufes  à  les 
éloigner  d'auprès  d'elles.  Rien- 
cependant  ne  peut  tant  aliéner 
les  efprits  des  enfans ,  6c  les  ren- 
dre étrangers  à  leurs  parens  ;  rien 


de  nourrir  leurs  en/ans,  29^ 
encore  neft  fi  propre  à  altérer 
leur  fanté  ,  &  à  leur  infpirer  de 
mauvaifes  habitudes  ou  de  per- 
nicieux exemples. 

L*état  de  ces  femmes  qu'on 
employé  à  prix  d  argent  à  fevrer 
des  enfans  ,  découvre  d'abord  à 
quels  dangers  ces  jeunes  créatu- 
res font  expofées.  Ce  font  des 
femmes  auffipeu  aifées  ôc  autant 
intérefîees  que  les  nourrices.  Ce 
n  eft  donc  ni  l'amitié  qui  les  en- 
gage à  cet  emploi ,  ni  leurs  ta- 
lens  ou  leur  habileté  ,  l'intérêt 
feul  les  fait  Sevreufes ,  &:  leur 
avidité  pour  le  gain  coûte  cher 
à  de  pauvres  enfans  ,  qui  au- 
roient  befoin  d'une  nourriture 
bien  choifîe  &  proportionnée  à 
leurs  infirmités.  Imaginez  un  en- 
fant, qui  après  avoir  efiTnyé  les 
incommodités  d'un  mauvais  lait, 
fe  retrouve  engagé  à  fubir  celles 
d'une  nourriture  d'autant  plus 
malfaifante  qu'elle  eft  plus  grof- 
fierc  ôc  mal  apprêtée.  Ajoutez  la 


500  J>c  l* obligation  aux  mères 
dureté  d'une  Sevreufe ,  plus  oc- 
cupée fouvent  à  farcir  un  cnfanc 
d'une  mauvaife  fouppe  ,  pour 
impofer  aux  parens ,  par  une  ap^ 
parence  trompeufe  d'embon- 
point ,  qu'à  lui  former  un  bon 
corps  par  des  alimens  légers  &: 
melurés  à  Ton  âge  ,  à  fa  conftitu- 
tion  ,  6c  fouvent  à  l'infirmité  où 
il  fe  trouve.  C'eft  ainfî  que  des 
enfans  ne  deviennent  que  chair 
&  que  fling  ,  fi  on  parvient  à  les 
accoutumer  à  cottt  'forte  d'em- 
pâtement. Mais  l'cfprit  ne  s'en 
porte  pas  mieux  j  car  un  fang 
trop  épais  &  trop  fubftantiel , 
outre  qu'il  appefantit  le  cerveau, 
fournit  peu  de  cette  liqueur  fine 
êc  fpiritueufe  qui  rend  léger  , 
difpos  5  ingénieux  j  ôc  c'eft  ainfi 
qu'on  achevé  de  peupler  les  fa- 
milles &:  les  Etats  de  ftupides  6c 
gens  grolîîers.  Mais  des  organes 
auflî  délicats  que  ceux  d'un  en- 
fant qui  revient  de  nourrice  ,  ne 
font  pas  toujours  en  état  de  ré-^ 


de  nourrir  leurs  enfans,  301 
iîfter  au  poids ,  au  volume  &  aux 
mauvaifes  qualités  d'alimens  {{ 
mal  aflortis.  Il  s'en  forme  de 
mauvais  fucs  ,  indigeftes  &  pe- 
fans  ,  mal  propres  à  fe  laiiïer 
broyer  •  &:  le  cœur  tendre  enco- 
re &  peu  élaftique  ,  les  pouffe 
avec  peine.  Ces  fucs  donc  fe  ral- 
lentiffent  ,  s^aigriflent  ,  fe  fer- 
mentent &  s*échaufFent  :  d'où 
viennent  les  obftructions  ,  les 
fièvres  ,  les  convulfions  ,  les 
cours  de  ventre ,  ôc  les  vers  qui 
tourmentent  fi  fouvent  les  en- 
fans. 

Les  foins  empreffes  d'une  mè- 
re afFeclionnée  préviendroient  la 
plus  grande  partie  de  ces  maux  j 
car  rien  n'honoroit  tant  autre- 
fois une  merc  de  famille  ,  que 
les  foins  du  ménage.  ^pndGrx^ 
cos ,  c^  mo:<  a'^ud  Romanos  domejli» 
eus  Uhor  ??ia.trondiîs  fuit.  (  a  )  Rien 
donc  ne  fiéroit  mieux  à  des  mè- 
res que  le  foin  de  fevrer  elles-  . 

(  4  )  Cohmll  de  re  ruft,  hiz.f.  407^ 


30 z  De  t olUgAÙon  auic  mères 
mêmes  leurs  cnfans.  Leur  pré- 
fence  attircroit  rattention  des 
femmes  qu'elles  employeroient 
pour  cela,  &:  Tam.our  maternel 
ëpargneroit  bien  des  inconvé- 
niens. 

En  efFct  l'ancien  ufage  étoit 
que  les  mères  elles-mêmes  fevrat 
fent  leurs  enfans.  Ce  fut  Sara  qui 
fevra  (4)  Ifaac  ;  Anne  {h)  ren- 
dit ce  bon  office  à  Samuel ,  ôc  il 
y  a  apparence  que  la  mère  des 
Machabées  [c)  qui  avoit  nourri 
fon  fils  pendant  trois  ans ,  ne  lui 
manqua  pas  quand  il  fallut  le 
fevrer.  C'étoit  même  alors  une 
cérémonie  &:  une  fête  domefti- 
que  :  car  on  régaloit  la  famille 
d'un  feftin  magnifique  ,  comme 
il  eft  marqué  d'Abraham ,  qui  fit 
un  grand  feftin  le  jour  qu'Ifaac 
fut  fevré.  Fecit  (d)  Abraham  gr an* 

(a)  Gen.c.  ii.  t^.  8. 

(b)  i.Reg.  I.  V,  22,. 

(  c  )  z.  Machab,  cap.  7.  V.  a 7  •' 
(■rf)  Genef.  c.  21.  v.  8, 


de  nourrir  leurs  enfans,  3  03 
dî  convivium  in  die  ablacîatio?iis 
(Ifaac).  Cette  fête  étoit  encore 
en  ufage  parmi  les  Sparthes ,  (  ^  ) 
qui  l'appeiloient  Tithenidia  ,  Nu- 
tricalia  ,  &:  elle  fe  paflbit  dans  la 
joye  &  dans  les  feftins ,  oii  en- 
troient fîjr  tout  les  cochons  de 
lait  qu  on  avoit  offerts  en  facri- 
fice  pour  honorer  cette  fête. 
Non  feulement  donc  les  mères 
s*acquittoient  elles-miêmes  de  ce 
devoir  ,  mais  elles  le  faifoient 
avec  joye.  C*eft  qu'alors  le  luxe 
&  Toifiveté  étoient  bannis  des 
familles  bien  réglées  ;  &  les  fem- 
mes comme  les  hommes ,  s'occu- 
poientd*un  honnête  travail  pour 
s'entrefoulager.  (b)  Mais  depuis 
que  les  femmes  non  feulement  fe 
font  défaccoutumées  du  travail , 
mais  qu  elles  fe  font  fait  hon- 

{a)  Laurent.  Tolymath.  331. 

(  ^  )  Erat  fwvma  revrrentia  cum  concordiâ 
ij  diligentîâ  mlfla  ,  fiagrabatque  mulkr  pd- 
cherrima  dih'gentm  amtiîaîione ,  Jîudere  negotia 
'uiri  curâfuâ  majora  atquemeliora  nddere  Co- 
luflisl.  de  re  rufl.  f.  107. 


304  ^^  ï* obligation  aux  mères 
neur  de  l'oifiveté  ;  les  mères  de 
famille  fe  font  occupées  du  lu- 
xe ,  &:  tout  autre  emploi  leur  a 
paru  indigne  ou  honteux.  Ntmc 
{  a  )  fhrdquefic  luxu  ^  inertià  dc^- 
flutmt ,  ut  m  lanificii  quidem  eu* 

ram  fufcipert  dignentur qtiam 

oh  caufam  in  totum  non  folum 
exoluit  5  fèd  etiam  occidit  njctus  ille 
matrum  familias  mos.  Il  ne  faut 
donc  plus  s'étonner, fi  après  avoir 
méprifé  l'occupation  de  nourrir 
leurs  enfans ,  elles  ont  dédaigné 
le  foin  de  les  fevrer  par  elles- 
mêmes.  Car  elles  n'ont  pu  trou- 
ver de  honte  à  payer  des  fevreu- 
fes  après  avoir  loiié  des  nour- 
rices. 

Saint  Clément  d'Alexandrie 
(  h)  apporte  une  autre  raifon  fort 
naturelle  de  cette  forte  de  fête  , 
que  l'on  fe  donnoit  dans  une  fa- 
mille ou  on  fevroit  un  enfant. 
C'eft  qu'une  femme  qui  allaitoic 

{«)  Colum- K de  reruJî.L  11, p.  10^, 
(^•)  Stromau  3« 

yivoit 


de  nourrir  leurs  en  fans.  305 
vivoit  pendant  tout  ce  tems  dans 
la  continence  :  le  tems  donc  ve- 
nu de  fevrer  l'enfant ,  étoit  com- 
me celui  d'un  remariage  :  le  mari 
&:  la  femme  fembloient  s'épou- 
jfer  de  nouveau ,  ôc  ce  repas  qu'on 
faifoit  à  cette  occafion  ,  étoir 
comme  un  feftin  de  noces.  Les 
parens  fe  réjoiiifToient  encore 
alors,  parce  que  l'enfant  étant 
heureuiement  parvenu  à  pou- 
voir prendre  des  nourritures  plus 
folides  ,  ils  fe  réjoiiiiroient  dans 
l'efpérance  de  le  pouvoir  confer- 
ver  long -tems.  Par  une  raifon 
femblable  les  Athéniens  avoient 
retenu  l'ufage  de  faire  un  [a) 
feftin  ou  repas  de  joye  ^  quand 
leurs  enfans  commençoient  à  en- 
trer dans  le  monde  {h)  &:  à  vi- 
vre en  famille  •  6c  ce  repas  avoit 
été  précédé  d'un  autre  (  c  )  dans 
le  tems  que  le&  dents  a  voient: 
commencé  à  lui  fortir. 

(  4  )  Cureotis, 

(b)  Laurent.  PolymAth.f.  ^'^J\ 

(c)  Odontia.  ihid.  Çc 


30(5   De  rohligdtiôn  aux  mères 

On  feroit  aullî  fcndble  qu'a- 
lors à  ces  fêtes  domeftiques  ,  fî 
la  coutume  étoit  encore  de  voir 
les  mercs  alla  ter  leurs  enfans; 
mais  leur  manque  de  naturel  à 
cet  égard  eft  la  caufe  d\in  in- 
convénient beaucoup  plus  fâ- 
cheux :  car  de-là  vient  qu'il  faut 
fouvent  fevrer  les  enfans  avant 
le  tems  :  une  nourrifle  d'em- 
prunt ne  fe  contraint  point  tou- 
jours aiïez  pour  un  nourriflon 
étranger  :  le  pancbant  de  fe  re- 
voir mère  l'emporte  ,  elle  de- 
vient grolTe.  Alors  on  préfère  de 
fevrer  l'enfant  pour  ne  le  plus 
expofer  à  de  femblables  incon- 
véniens.  La  difette ,  la  mifere, 
l'avarice  en  d'autres  nourrices  , 
ou  qui  ne  peuvent  s'accorder  de 
bons  alimens  ,  ou  qui  fe  les  é- 
pargnent  par  ménage  ,  abrègent 
fouvent  le  tems  dcftiné  à  allaiter 
des  enfens  :  or  îa  tendreffe  d'une 
mère  pv'viendroir  li  plupart  de 
ces  incoi.véniens.  En  effet,  les 


de  nourrir  leurs  enfans.  307 
mères  d'autrefois  ne  fe  lafToient 
pas  4e  nourrir  leurs  enfans  des 
années  entières.  Dans  les  pre- 
miers fiécles  du  monde ,  lorlque 
Ton  vivoit  plus  long  -  tems  ,  6c 
que  l'enfance  étoit  plus  longue, 
elles  ne  fevroient  les  enfans  qu  a 
cinq  ans,&:  c'eft  l'âge  oii  l'on  croit 
que  fut  fevré  Ifaac  (4).  Saint  Jé- 
rôme (h)  prétend  qu'on  diffé- 
roit  quelquefois  juiquà  douze 
ans  :  mais  la  cérémonie  qu'on 
pratiquoit  pour  les  enfans  de  ce 
dernier  âge ,  n'étoit  point  pour 
les  fevrer  du  lait  de  leurs  mères  , 
mais  en  réjoiiiflance  de  ce  qu'ils 
fortoient  d'enfance  ,  (  ^  )  ôc  qu'ils 
devenoient  hommes  [d). 

Dans  la  fuite  on  a  ordinaire- 
m.ent  fevré  les  enfans  à  trois  ans, 
c'étoit  Tufage  du  tems  des  Ma- 
chabées.  [e)  Lac  trïennio  dedi ^ 

{a)  s . Hieronym.  q.  in Genef, 

(b)  Ibid. 

(c)  Laurent.  Volymath.f.  "^11, 
(  d)  Excedebant  ex  ephcbis, 
(e)  L.Machab.7'^7* 

C  c  i  j 


3c8  De  1^ obligation  aux  mères 
dit  une  mère  à  fon  fils.  Lafainte 
femme  Anne  [a)  ne  voulut  ame- 
ner Samuel  fon  fils  qu'après  l'a- 
voir fevré  :  or  il  fe  trouva  alors 
en  état  de  rendre  quelque  petit 
fervice  dans  le  Tabernacle  \  [h) 
Tuer  autem  erat  minijler  in  conj^ 
pe&U'  Domini  ante  faciem  Hèli,  Il 
devoir  être  par  conféquent  âgé 
au  moins  de  trois  ans.  On  voit 
auffi  dans  l'Ecriture  (c)  qu'on 
n'alîîgnoit  rien  pour  la  nourri- 
ture des  jeunes  Prêtres  &  Lévi- 
tes jufqu'à  rage  de  trois  ans  : 
ce  qui  pourroit  faire  croire  [d) 
qu'ilis  étoient  nourris  jufqu'à  cet 
âge  du  lait  de  leurs  mcres.  De- 
puis ce  tems ,  les  Rabbins  ont 
voulu  que  les  femmes  allaitât 
fent  leurs  enfans  pendant  deux 
ans  5  &  c'eft  le  terme  que  l'Alcc-^ 
ran  leur  ordonne.    (^)  Elles  n^ 

(^)  i.Reg.i.  zr.  &c. 
{b)  Ibid, 

(c)  Paraîîf%  1,11.  i6. 

(d)  Le  P.  Calmst ,  fur  la  Genefe ,  p.  4^4» 


de  neurrir  leurs  e^fans,  ^o*^ 
les  allaitèrent  cependant  depuis , 
fuivant  robfervarion  d'un  Au- 
teur {a)  moderne  ,  que  pendant 
un  an  •  mais  de  manière  que  pen- 
dant ce  tems  ,  l'enfant  ne  pre~ 
noit  rien  autre  que  le  lait  de  fa 
mère. 

On  ne  donne  guéres  aujour- 
d'hui à  tctter  plus  îong-tems  aux 
cnfans  :  car  peu  demeurent  en 
nourrice  au-delà  de  quinze  ou 
dix-huit  mois  ;  mais  fi  cette  me- 
fure  de  tems  eft  la  moindre  qu'on 
ait  jamais  accordée  ,  6c  qui  fuf- 
fife  à  l'allaitement  d'un  enfant , 
à  quels  dangers  ne  fe  trouvera- 
t'il  pas  expofé,  fi  l'incontinen- 
ce ,  la  difette  ,  ou  PindifFérence 
d'une  nourrice,  l'obligea  être  fe- 
vré ,  &:  à  prendre  une  nourriture 
trop  folide  avant  le  tems  ? 

L'Antiquité  elle-même  avoit 

prévu  cet  inconvénient:  elle  a- 

voit  crû  y  remédier  en  confeil^ 

lant  de  ne  donner  à  un  nouveau^ 

(  a  )  Beîlon ,  obfcrvat ..  /^  3,.  ^.- 1 1 .  - 


310  T>e  l'obligation  aux  mères 
fevré  rien  de  folide ,  qui  n'eut 
été  auparavant  mâché  par-  la  mè- 
re. Les  femmes  Juives  dans  les 
derniers  fiécles ,  (  4  )  étoient  dans 
cette  pratique  qu'elles  tenoient 
des  anciens  Grecs  5  (  é  )  &:  elle  eft 
enfin  venue  jufqu'à  nous ,  puis- 
que la  plupart  des  nourrices  ont 
coutume  de  fe  mettre  dans  la 
bouche  la  boiiillie  de  leurs  nour- 
riffbns  ,  ôc  de  la  détremper  de 
leur  falive. 

Mais  le  remède  eft  pire  que  le 
mal.  On  fçait  le  pouvoir  ôc  la 
part  qvi'a  la  falive  dans  la  diges- 
tion :  elle  eft  le  premier  des  dé- 
layans  ,  c'eft- à-dire  ,  le  premier 
qui  doit  pénétrer  êc  fondre  les 
alimens  ,  &  leur  donner  comme 
la  première  empreinte.  Mais  plus 
la  falive  a  de  pouvoir  pour  avan- 
cer la  digeftion ,  quand  elle  eft 
bien  conditionnée ,  plus  elle  a 
de   force   pour  la  corrompre  , 

(iz)  Bellon.obferv.l.'^.c»  11. 
^b)  Arijîof^h, equît, aCi»z,c»z» 


de  nourrir  leurs  enfans.  311 
quand  elle  elt  vicieiife.  Mus  ea 
qui  la  concevoir  moins  loiiablc 
ou  plus  altérée  que  dans  des 
femmes  ordinairement  indi^en- 
tes  ,  fou  vent  paiTionnées  ,  quel- 
quefois vicieufes  ,  &:  toujours 
mal  élevées  ?  car  il  ne  faut  pas  s'y 
tromper,  la  falive  cft  peut-être 
une  des  caufes  qui  tranfmettent 
le  plus  ordinairement  aux  nour- 
riflons  les  maux  &:  les  langueurs 
qui  les  tourmentent ,  ôc  qui  jet- 
tent en  eux  les  fondem.ens  d'une 
fanté  foible  &:  incertaine  :  &:  de- 
là fans  doute  leur  viennent  aullî 
fouvent  tant  de  m.auvaifes  5c  de 
fi  baiFes  inclinations. 

Pour  s'en  perfuader ,  il  ne  faut 
que  comprendre  que  la  falive  eft 
une  lymphe  mêlée  de  beaucoup 
d'efprits  ,  qui  lui  viennent  de 
tant  de  nerfs  qui  fe  terminent 
aux  glandes  falivales.  Or  ces 
glandes  étant  auffi  peu  fenfibles 
qu'elles  le  paroilTent  dans  les 
opérations  ,   n  étant  pas   defti- 


y  ï  i  T^e  Vohllgafîon  aux  mtrts 
aées  au  mouvement ,  étant  d'ail- 
leurs autant  favoureufes  quel- 
les le  font  dans  les  animaux' 
qu'on  maniée ,  ne  peuvent  avoir 
d  autre  ulage  que  de"  mêler  les- 
efprits  à  la  lymphe  qui  s'y  pré- 
pare ,  &  après  cela  il  ne  fera  plus 
difficile  à  comprendre  comment 
le  défordre  &  les  vices  des  ef- 
prits ,  auiTi-bien  que  ceux  div 
fang  ôc  des  autres  liqueurs ,  paf- 
fent  du  corps  d'une  nourrice^ 
dans  celui  d'un  nourriffbn. 

Mais  quand  il  feroit  prouvé  , 
que  la  nourrice  ou  la  fevreufe 
feroit  auffi  fage  &:  auffi  faine 
qu'on  veut  bien  le  fuppofer,  fa' 
falive  fera  toujours  un  fort  mau- 
vais mets  pour  fon  enfant;,  &  un' 
di (loi vaut  mal  affbrti  &  dange- 
reux pour  lui.  Car  s'il  eft  vrai 
que  la  produftion  de  l'efprit  ani- 
mal &  de  la  lymphe  ,  eft  le  ter- 
me &  la  fin  de  toutes  les  digef- 
cions  qui  fe  font  dans  nos  corps, 
ces  liqueurs  doivent  être  auflî> 

difpro- 


de  nourrir  leurs  enfans.  313 
difproportionnces  dans  celui 
d'un  nourriflon  &  dans  celui  de 
fa  nourrice  ,  que  la  force  6c  le 
reffbrt  qui  les  préparent  dans 
fun  &  dans  Tautre  font  difFé- 
rens.  Comparez  à  préfent  la  for^ 
ce  du  cœur  ,  des  artères  6c  des 
mufcles  dans  un  adulte  ,.  avec  la 
force  de  ces  organes  dans  un 
nourriiTon  ,  6c  les  efl-ecs  qui  doi- 
vent s'enfaivre  :  on  comprendra 
qu'autant  que  les  liqueurs  dansr 
l'adulte  feront  vives  &  animées , 
autant  celles  d'un  nourriiTon  fe- 
ront molles  êc  laiteufes.  Ce  fe- 
ront donc  des  fucs  mutins  &  fer- 
me ntatif  s  5  qu'on  fera  paffer  du 
corps  de  la  nourrice  dans  celui 
de  Tenfant ,  c'eft-à-dire  ,  des  fe- 
mences  de  mille  infirmités  j  car 
par  ce  moyen  on  porte  dans  le 
corps  d'un  enfant  le  vice  &:  le 
trouble  dans  la  première  coc- 
tion  :  vice  qui  ne  peut  fe  re£ti- 
fier  dans  les  autres. 

Outre  donc  qu'il  eft  très-dan- 
Dd 


^IJ^  De  r  obligation  aux  mer  es  ^  &€", 
gereux  de  faire  pafler  un  nour- 
rifTon  des  mains  d*ane  nourrice 
en  celles  des  fevreufes  ,  il  fera 
pernicieux  de  le  faire ,  fi  Tenfant 
n'a  pas  tiré  fa  nourrice  aflez  long- 
tems  5  &  s'il  eft  indifpenfable- 
ment  ncceflaire  de  le  fevrer  , 
il  faudroit  en  ce  cas  des  foins 
plus  tendres  6c  des  attentions 
plus  vives  que  ne  font  celles  des 
fevreufes.  Rien  donc  n'en  dé- 
couvre ^\  bien  les  inconvénient 
ôc  les  abus. 


Fin  du  fécond  Traité. 


Q  U^  STIO 

M  E  D  I  C  A. 


Ddij 


QU.ESTIO 

M  E  D I C  A- 

'An  Prolem  laSiare  Matribut 
faluberrimum  l 

L 

Emïka  non  tàm  fibi  5  = 
quàm  procreandis  edu- 
candifque  liberis  nata. 
Vix  diim  bis  feptem 
complevic  annos ,  hanc  mox  fo- 
re viro  maturam  pr^nuntianc 
mammx  fororiantes  5  lumborum 
gravitas  ,  dolor  coxendicum  , 
ipontanea  artuum  laffitudo  ,  ci- 
borum  faftidium.  Hxc  fympto- 
mata  brcvi  fugat  manans  ex  ute- 
ro fanguis  ,  puellamque  toro 
prorsiishabilemefficit.  Menftruâ 
Ddiij 


3î8  ^u^Jtfltû  MedîcA. 

quâque  periodo  ,  pari  ftîpatus 
comiratu  ,  effluit  redundans  hu- 
mor  fanguineus  ,  donec  utero 
gerat  mvilier  ;  tune  ut  plurimùm 
cédant  Menftrua ,  humorem  fu- 
perffaum  matrique  inutilem  in 
fui  nutrimentum  abfumente  foe- 
tu.'  At  parum  effet  naturam  non 
nato  infanti  providiiïe,  nifi  ôc 
adhuc  à  matre  recentis  mollitu- 
dini  accommodatum  paraflTet  pa- 
bulum  }  illud  eft  mammaruni 
jnunus.  Ut  primùm  è  carccre 
maternoin  auras  prodiit  tenel- 
lus  homuncio  ,  protiniis  non  jam 
diftenta  amplius  utcri  fornix 
conftringi ,  vafa  ipfum  alluen- 
tia  ad  nativam  redire  diame- 
trum  y  contenti  humores ,  hinc 
Lochiorum  nomine  foras  emit- 
ti ,  illinc  rétro  converfi  vicina 
latè  loca  diftendere  ,  turgefcere 
uberiori  fanguinis  copia  arteria^ 
Epigaftricx  ,  appelleuti  per  fibi 
copulatas  Mammariarum  in  ter- 
narum   ramificatioues  fangiiini 


An  Vrôlem  lacîare ,  ^c.  3  i  c; 
fôrtiùs  refiftere  ,  ille  per  ramos 
ipfimet  mammarum  fubftantix 

f)rofpicientes  ferri  copiofîùs ,  il- 
os  ampliare  ,  mammx  hinc  do- 
1ère  &  intumefcere  ,  hinc  lac* 
teus  humor  à  fanguine  feparari, 
primis  à  partii  dicbiis  dilutior  , 
fpiffior  deinceps  evafurus  ,  cum 
fenfim  fine  fenfu  laxata  mam- 
marum compage  ,  fpafinus  6c 
dolor  remiferint ,  ampliorefque 
c?.(q.oÇis  5c  butyrofis  partibus  pa- 
tebunc  vix.  Lac  rali  iecretnm  ar- 
tificio  quantum  puerulo  convc- 
niens  eft  alimcntum,  tantiim  ma- 
rri omninb  eft  inutile, quin  etiam 
ejufdem  fanitati  infenfiffimum , 
nifi  câdem  emulgeatur,  quâ  fc- 
cernitur  proportione.  Candidos 
igitur  latices  tcnero  vagitu  effla- 
gitanti  puero  furdas  ne  prxbeat 
aures  mater  puerpera  ,  ipfam  pu- 
deat ,  à  feris  fylvcftribus  mater- 
no  in  natos  amore  fuperari.  At 
fi  ,  vcl  feris  ipfis  feriorem  ,  nulla 
proprix  prolis  tangat  cura  ,  fibi- 
b  d  iiij 


320  ^Ufflio  Me  die  a. 

met  ipfi  faltem  confulat.  Ociits 
infantulo  fugendos  denudet  lac- 
tei  roris  eburneos  fontes  ,  fîr- 
miorem  indè  fibi  certo  cornpa- 
ratura  fanitatem»  Illud  enim  fa- 
luberrimum  effe  nullus  infîcias 
ibit,  cujusbenencio,  foras aman- 
datur  humor  materno  corpori 
inutilis  ,  qui  tum  in  vafis  excre- 
toriis  commorando ,  tum  ad  maf- 
fam  fanguineam  revertendo  , 
morbis  curatu  difficillimis  darec 
occafîonem. 

IL 

EA  eft  Iinmani  corporis  ftruc- 
tura  ,  ut  neceflitate  quâdam 
mechanicâ ,  varii  è  fanguinis  finu 
fecernantur  humores.  Illorum 
ad  fervandam  valetudinem  ma- 
xima  militas.  Si  quâcunque  de 
causa  debitis  in  locis  feparari  c^Ç- 
faverint,  numerofa  ftatim  pr^t 
to  eft  segritudinum  cohors. Num 
çrethifmo  laborat  glandulofa  re- 
num  fubftantia  ?  haud  mora  mu- 


An  Frolcm  laôîare ,  ^c,     311: 
riatico  humore  inquinatus  fan- 
gais    totum    genus   membrana- 
ceum    faliitudine   fuâ   pungit  , 
vellicat  ,  inordinatos  trahit  in 
mottis  ,  urinam  redolentia  asger 
vomitu  rcjicit ,  délirât,  convul- 
fionibus  Uiiiverfum  quatitiir  cor- 
pus ,  mors  tandem  fuccedit  mi- 
Icrrim.a ,  nifî  artis  benefîcentif- 
fimx  auxilio  ,  urinas  per  renum 
colatotia    reftituatur     fecretio. 
Num  obftruclis  quoquo  modo , 
tendentibus  ad  hepar  vense  por- 
tarum  ramificationibus ,  bilis  im- 
peditur  feparatio  ?  ^eger  faftidic 
cibos  ,  ingefta  maie  concoquit. 
AIvus  ficcefcit  ,    os  amarefcit , 
lotium  croceo  colore  infectum 
redditur  ,  Erefîpelate  ,  aut  etiam 
Phlegmone  fœdatur  cutis.  Adeo 
mafHe   fanguinea^  permiftos  re- 
manere  varios  humores  pericu- 
lofum  !  nec  minora  fanitati  im- 
minent damna  ,  ubi  ex  aliorum 
confortio  extricatus  humor  qui- 
Jibet  (  negato  exitu  )  propriis  ha:- 


511  ^^jt/liû  MedtCd. 

ret  in  conceptaculis  ,  vel  indè  à 
vafîs  lymphaticis  exfugitur  aJ 
fanguiiicm  clerc  rendus.  Qaoties 
ab  intempeftivâ  perfpirationis 
infenflbjlis  fbppreilîone  ,  fsevif- 
fîmis  Rheumatifmi  doloribas  , 
torque ntur  membra  ,  atrociiîî- 
mis  Podagrx  cruciatibus  dive- 
xantur  articuli  ?  Quot  ab  eadem 
causa  repetendx  Pleuritides ,  Pe- 
ripnermonix  ,  Diarrhex,'febres 
cacharrhales  5  Anginx  ,  Ophtal- 
mie ?  Quot  ;?egros  tumulavit  la- 
tex urinofiis  ,  in  corpore  reten- 
tus  aut  à  veficx  Paralyfi ,  aut  ab 
ejufdem  fphincteris  contraitio- 
xie  fpafniodica,  vel  etiam  à  cal- 
eulo  ureteris  viam  claudentc  ? 
Quantas  fxpè  parit  tragœdias, 
in  jecore  fecreta  bilis  ,  liberum 
per  ductus  hepaticos  iter  non 
inveniens  ?  Quin  &;  ipfarum  fe- 
cum  in  inteftinis  rémora  gravif- 
fimos  nonnunquàm  efficit  mor- 
bos ,  haemorrhagiâs  ,  vcrtigines  , 
hemicranias  ,  dolores  colicos  , 


An  Prolem  Liclare  ,  é'C,     3 1  ^ 
pafllonem    iliacam.      Numquid 
non  à  fupprdiîs  menlîbus  funef- 
tiflima  pullulant  aliquando  qux 
muliercs  adoriuncur  mala ,  lix- 
moptyfis  ,    voinitus    cruentus  , 
hyftcrica  paiîîo  ,  comatofi  afFec- 
tus  ,  convulfiones  ,  cordis  palpi- 
tatio  ?    numquid    impeditus   in. 
puerperis    Lochiorum    fluxus  , 
Apoplexias  quandoque  non  pro- 
ducic  lethiferas  ,  cruielia  ven- 
tris  termina  ,  immancs  Cardial- 
gias  ,    uteri    innammationem  , 
aliaque   horrenda  gencris   ejuf- 
dem  fymptomata.  Quifquis  igi- 
tur   tranquillos    abfque    dolore 
foies  condcre  expetit  ,  inftitu- 
tani  à  naturâ  variis  in  organis 
humorum  feparationem   feriari 
non  finat  ;  hanc  convenienti  fex 
rerum  non  naturalium  ufu  pro- 
moveat  ;   grande  credat  piacu- 
lum,    fecreti   cujuflibet   humo- 
ris  ab   organo    fecrctorio  effla- 
xum  omni  opéra  non  adjuvafTe  , 
illuique  habeat  tanquam  caafa. 


3'i4'  ^Uji^Jiio  Medïcd.^ 

plurium  morborum  frequentii!H=- 
ma  ,  quos  prxcavere  longé  faci- 
liùs  eft  quàm  cxpugnare. 

QUemadmodum  à  fecundo 
ad  fcptimum  ufque  circi- 
LcjL  cCtatis  feptenarium  ^  men- 
/îum  fluxu  carere  tuto  nequit 
femina  non  prasgnans  ,  ita  6c 
matrem  impunè  ab  infantnm 
nutricatîone  difcedere  difficilli» 
mum  eft,  Eadem  lactis  quxCa- 
tamenioram  materia,  qu^  lac- 
tant  mulieres  per  uterum  non 
repurgantur  5  id  faltem  raro  con- 
tingit.  Uterque  humor  in  cor- 
pore  muliebri  fuperfluus.  Illius 
egeftio  ab  uteri  peculiari  fabricâ 
pendet ,  alteriusab  infantis  fuc- 
ru  perfîcitur,  Quot  6c  quantos 
matri  impendentes  avcrtat  mor- 
bos  ab  cjus  uberc  pendens  pue- 
rulus,  oftendit  natura  laclis  ac- 
tsntiiis  confiderata.   Triplex^  lac 


"AnTrùUm  îacîare\  &c.  32-^ 
conftituit  fubftantia  ,  aquea,  & 
ferum  audit  ;  falino  terrea  ca- 
feum  dicunt  5  oleofa  tandem  , 
qux  butyrum  nuncupatur. Quiè- 
te diuturniori  fecedunt  ab  invi- 
cem  heterogeneahaec  lactis  prin- 
cipia.  In  excretoriis  mammarum 
îion  lactantium  tubulis  quiefcit 
lac.  Quid  inde  ?  triplicem  refol- 
vitur  in  fiibftantiam.  Oleofa  fî- 
bimet  permifla  acris  fît  ôc  ran- 
cida ,  continentia  vafa  ftimulat , 
erodit;  tum  vaforum  lymphati- 
coFum  ope  ^numerofa  in  mam- 
mis  reperiuntur)  ad  fanguinem 
revecla ,  motuque  circulari  ab- 
repta ,  accenditur  ,  seftuat ,  alios 
humores  exagitat ,  febres  parit 
inflammatorias.  Aqnea  pars  ut- 
pote  fluidior  ,  maflam  fangui- 
neam  rursiis  ingreditur  ,  per  re- 
ines amandanda ,  quandoquè  fub 
feri  tenuioris  forma  papillis  exir. 
Quid  intérim  de  çaleosâ  parte  ? 
ferô  in  dies  fpoliata  ,  crafiefcit, 
induratur ,  in  tubulis  Galaclo- 


51^  .^dtfiip  Medica. 

phoris  c-oa^eritur ,  gypfeam  ar^ 
niulatur  foliditatem  ,  uno  verbo 
in  fcitThum  dégénérât ,  hinc  vi- 
cina  comprimuntur  vafa  fangui- 
fera,  hinc  impedica  in  mammis 
circulatio  ,   hinc   inflammatio  , 
fuppuratio  ,  cancer  cxulceratus 
letho  fepiflîmè  finiendus.    Qub 
nuis  humor  à  fanguinc  fcparan- 
aw^  ^  circulation!  minus  idoneis 
&:  craflioribus  confkat  partibus  , 
eo  intra  fanguinis  maflam  hune 
retineri  periculofummagis.  Ta- 
lem  effe  lactis  indolem  perfe  pa- 
tens  eft.  Quantis  itaque  xgritu- 
dinibus   non  lacftantes  feminas 
p!e£ti  neceffum  eft  ?  prxterquàm 
^ubd  fuperfluo  ac  inutili  humo- 
re  non  liberantur ,   ficque  ipfîs 
inetuendi  funt  quotquot  à  ple- 
thora  natales  ducunt  morSi ,  ille 
eft  infuper  laclis  genius  ,  ut  fa- 
cillimè  fpiflefcat  &  grumos  agat; 
plethorx  igitur  adjunget  fe  co- 
mitem  Cacochymia.  Qualis  por- 
xh  Cacochymia:  ipecics  ?  cœnofa 


J'/j  Prolem  laclare  ,  d^c.  ^ij 
&  lutulenta  humornm  Diathe- 
fis  ,  flniditatis  inimica.  Lacteo 
humore  luxurians  fanguis  ,  om- 
nes  vitiabit  fccrctiones  ,  ha^rebic 
in  câpillaribns  ,  mille  pariet  ob- 
ftructiones  mox  daturas  proge- 
niem  vitiofiorem, 

IV, 

HA  c  T  E  N  u  s  rationc  ftabi- 
litam  de  noxis  ab  efFufo 
(  ut  vocant  )  lactc  fententiam  , 
heu  frequens  nimiiim  !  ulteriiis 
confirmât  expcrientia.  Decum- 
bentes  à  partu  adeamus  non  lac- 
tantes  puerperas,  Dictu  horren- 
dum ,  qnàm  multa  ,  quàm  criidc- 
lia  ,  quàm  pertinacia ,  ipfas  un- 
diquè  circumveniant  incommo- 
da !  Modo  vultum  occupât  Ery- 
fipelas  ,  indè  tumet  faciès  dolet- 
quc,  fcintillant  oculi  ,  pulfant 
tempora ,  lancinans  adcft  capitis 
dolor ,  totidem  retenti  intra  mo- 
iem  fan2:uineam  ladei  humoriç 


328  .^Ajîio  Medica. 

partus  infelices.  Modo  lympha 
lentior  facla ,  hic  ôc  illic  moras 
nectitj  cumulatur  in  glandulis  , 
tumores  gignit  duriflîmos  ,  Pa- 
rotides ,  ftrumas,  fcirros.  Modo 
impatibilcs  non  lactantium  fe- 
mora  diftrahunt  dolores ,  ingenf- 
que  medentibus  facefTunt  nego- 
tium.  Alias  incarceratum  in  ma- 
rris corpore  recens  nati  alimen- 
tum  prx  calore  -expanditur  ,  fe- 
brcfquc  accendit  varii  generis , 
quas  inter  exanthematicx  oni- 
nes ,  prxferrim  qux  purpurata 
dicitur ,  five  rubra  fit  Purpura  , 
fîve  alba ,  magnoperè  pcrrimef- 
cendx.  Clinicis  notifîîmum  eft 
lacteum  fuccum  palTim  per  vifl 
cera  bc  artus  vagantem ,  abfcef- 
fus  aIiqua,ndo  gêner  are  perica- 
Tofiffimos  non  nifi  ferro  debel- 
landos  ,  quibus  in  fpeciem  fana- 
tis  5  alii  non  deficiunt  pari  artc 
oppugnandi ,  fepiufque  cum  pa- 
ri flicceffli.  Nonnunquàm  abin- 
gratâ  matre  pœn:is  repofcit  pieu- 


An  Trolem  Uciare ,  &c,  -i^ic^ 
ricis  graviffima  ,  illamve  ex- 
haurit  fluens  al  vus  ,  confodit 
penè  y  atrox  inteftinorum  in- 
Hammatio  molefta  angit  fuffoca- 
tio.  Quandoquè  ipfius  lactis  affî- 
ciuntur  receptacula ,  quibufqiie 
deliquit  5  in  iifdem  potilîîmum- 
partibus  maltatur  parens  inhu- 
mana,  mammas  varii  infeftant 
tumores ,  ulcéra  deturpant ,  can- 
cri  excedunt.  Eft  &:  ubi  in  mali 
partem  trahitur  utérus  ,  taboque 
&  fanie  diffluit  humani  generis 
officina.  Hse  funt  quas  fecum 
Galliis  intulit  peftes  ,  prolcm 
non  lactandi  mos  peffimus.  Tôt 
procellis  jactatam  non  vivunt 
vitam  illarum  regionum  mulie- 
res ,  apud  quas  naturam  feqtien- 
di  duccm  maxima  religio  ,  vetat 
infantes  conduclitiis  mammis 
alcndos  traderc. 


E  c 


330  ^.ejllo  Me  die  a. 

V. 

AT  T  A  M  E  N  ,  înquies ,  mili- 
ta: funt  non  lâchantes  femi- 
nx  qUcT  optima  friiuntur  valetu- 
dine.  Qiiid  ad  nos  ?  Il  parta  ire- 
qucntilTimo  fatifcant  tandem  i!- 
larum  vires ,  folidorumque  fran- 
gatur  Elater  ,  un  de  proies  nii- 
merofa  quidem  fed  debilis  ,  ut- 
potè  infirmo  in  corpore  genara- 
ta.  Ha:c  vitant  incommoda  qux 
prolem    nutriunt    ma  très.     Ita 
enim  eft  ftatutum  à  naturâ  ,  ut 
Veneris  prxmla  rarillimè  feranc 
nutrices.    Uterum  agro  non  i- 
neptè  comparaveris  ,  non  fecus 
ac  agri  interpo  fi  ta  quiète  non  re- 
parari ,  elTœti  fiunt  ,  raramque 
emittunt  fegetem ,  utérus  pari- 
ter  non  intormiiro  partu  exhauf- 
tus ,  concreditum  fibi ,  malè  edu- 
cat  hominis  germen.   Quandiu 
lactat  mulier,  amilTum  utérus  ré- 
cupérât tonum  novafque  accipit 


An  Trolem  Uclare ,  é^c.     331 
vires,  ut  pulchrâ  fanâque  proie 
rursLis  beec  parentes. Procul  hinc 
malefana  quorumdam  coiifîlia  , 
qui  fexui  f  haud  diibiè  colcndif- 
iimo  )  blaadiendo  nimis,  ipfum 
crudeliter  enecant.  Quidmolef- 
tius  iaquiunt  quàm  clamores  in- 
ter  6c  ejulatus  infantis  ,  vitam 
tr aller e  ?    Qiiid  txdiofum  magis 
quàm  puerulum  uliiis  continen- 
ter   geftare  ,  ipfiufque    ad    or  a 
papillas    identidem    admovere, 
E^reria.  profecto    difficultas  î 
Quali  vero  huic  quoque  rei  ma- 
xime fubventum  non  effet  à  na- 
turâ.    Hcxc  quippe  tantam  ma- 
ternis  animis  in  natos  caritatem 
infevit ,  ut  quicquid  prolis  cau- 
sa fufceperint ,  nedum  cuni  tx- 
dio  6c  moleftiâ  ,  quin  etiam  in- 
credibili  cum  gaudio  illud  a^- 
grediantur  :  imo  vifx  funt  pri- 
miparx  quas  ex  avulsâ  proie  , 
alienis  uberibus  nutricndâ  mœ- 
ror  extulit  inconfolabilis.    Sed 
dicanc  viciffim,  num  fatius  eft 

Eeij 


33^  c^^i^  Medica. 

torqueri  morbis  periculofiflimis  ? 
Num  gravia  funt  miniis  geftatio- 
nis  incommoda  ,  cibi  faftidium  ^ 
Pica  ,  Malacia,  abfurdorum  ap- 
petitus  5  Cardialgia  ,  Naufea  , 
Vomitus,  Strangurla,  Dyfiiria, 
Tenefmais  ;  Hxmorrhoïdes  ;,  cru- 
rum  inflatîo  &  indè  fiibfequens 
difficilis  progreffio  ?  Veriim  in- 
furgunt  alii  ,  adfunt  rationes 
quibus  prxcaveantiir  nox^  ab 
efllifo  lacle  oriundx  ^  aut  etiam 
ejufdcm  impediatur  effufio.  Fe- 
licem  utinam  fortirentur  efrec- 
tiim  tôt  adhiberi  folitx  in  non 
laclantium  morbis  ,  evacnatio- 
nes  omnis  generis.  Prxterea  non- 
ne iniipientis  eft  morbum  etiam 
curatu  facillimnm  coiifulto  ad- 
mififle  ,  qui  faciliimo  declinari 
potcrat  negotio  ?  Ergo  canibus 
ultro  offerent  mammas  mulie- 
res ,  qiias  infantibus  deneo;a- 
runt?  talia  memmille  norret  ani- 
mus.  Urges  adhuc ,  debilioris 
iunt  temperamenti  urbanx  ma^ 


An  Prolem  laclare  y  drc»     335 
trcs  quàm  ut  illxsâ  fanitate  tan- 
tam  perferre  valeant  evacuatio- 
nem  ,  qiiantam  folent  cxpcriri 
lactanres  ;  compertum  enim  eft 
experientià    nutriccs    quafdani 
duas  laclis  libras  quotidie  émit- 
cere.    Apage  erroncam  opinio- 
nem  ,  débilitas  illa  non  aliundè 
provenir,  quàm  ex  eo  quod  ma- 
terna non  fuxcrunt  ubera ,  fcd 
6c  ipfi  optimè  mxdetur  infantum 
nutricatio  ;  hujus  enim  ope  fo- 
ras  emittirur  humor  qui  mole 
îuâ  gravaret  partes ,  huic  oneri 
ferendo  prx  fuâ  molUtie  impa- 
res ;  6c  id  adeo  verum  cft ,  ut  in- 
ter-  femînas  non  laccantes  ,  illx 
graviiis  cegrotent  qua:  vitreâ  ,  ut: 
ita  dicam  ,  donanturvaletudine, 
Malâ  igitur  non  ampliùs  utan- 
tur  matres  confuetudine  ,  eoque 
majora  fibi  ex  prolis  laclatu  fpon- 
deant  emolumenta ,  quod  dùm 
eas  nutriendi  infantes  cura  te- 
net,  nec  menfis  opiparis  accum- 
bendi,  née  in  feram  noclemcœ- 


334        jQji^^eJIio  Medica,  ç^'C. 
nas  protrahendi   tempus   fupç- 
reft ,  ficque  permultas  morbo- 
rnm  effugienc  occaiianes.  Quid 
plura  ?  Concludamus. 

Ergo  Frolc?n  lacîare  Matrihus 
faluhtrrïmum. 


33y 

•|AAAAAA&#>«^;tA4.A     .\AAAA.t.AA44;AA->4.v> 

QUESTION 

D  E 

MEDECINE- 

La  famé  des  mères  demande^ 
felle  qu'elles  f oient  elles-mê^ 
mes  jSourrices  de  leurs  en- 
fans  \ 

L 

LE  s  femmes  ne  font  pas 
tant  faites  pour  elles-mê- 
mes y  que  pour  donner  au 
Monde  6c  élever  des  enfans,  A 
peine  ont-elles  quatorze  ans  ac- 
complis ,  que  leurs  mammelles 
qui  s'enflent  ,  la  pefanteur  des 
reins,  la  douleur  des  hanches  , 
une  lafîitude  qui  vient  d'elle- 
même  dans  les  membres ,  6c  le 


f< 


53^  cS^^ifiion  de  Médecine. 
dégoût  des,  alimens  ,  annoncent 
qu'elles  feront  bientôt  nubiles.- 
Le  fang  qui  coule  de  la  matrice 
fait  bientôt  difparoître  ces  fimp- 
tomes  ,  6c  rend  les  filles  maria- 
blés.  Cet  écoulement  de  fang 
furabondant  revient  tous  les 
mois  accompagné  des  mêmes 
fymp tomes  ,  jufqu  à  ce  qu'elles 
foient  groffes.  Alors  ccflent  le 
lus  fouvent  les  mois  ou  régies  , 
e  fang  fuperflu  ôc  inutile  à  la 
mère  fervant  à  la  nourriture  du 
fœtus.  Mais  ce  ne  feroit  pas 
allez  que  la  nature  eut  ainfi 
pourvu  à  la  fubfiftance  de  l'en- 
fant ,  avant  qu'il  foit  né  ,  fi  elle 
ne  lui  préparoit  encore  par  la 
mère  un  aliment  accommodé  à 
la  délicateffe  de  fes  organes  dans 
les  premiers  tems  de  fa  naiflLan- 
ce,  c'eft  ce  que  font  les  mam- 
melles.  D'abord  que  l'enfant  efi: 
forti  de  la  prifon  maternelle  , 
pour  yenir  à  la  lumière ,  la  ma- 
trice n'étant  plus  tendue ,  fe  ré- 
trécit ; 


Lafanté  des  mères ,  é'c  337 
trécit  ;  les  vaiffeaux  qui  y  por- 
tent   les    humeurs    reprennent 
leur  diamètre  naturel  j  les  hu- 
meurs qu  elle  contient ,  d\in  cô- 
té coulent  dehors  fous  le  nom 
de  vuidanges  ,  êc  de  l'autre  re- 
tournant ,  elles  dilatent  ce  qui 
fe  trouve   proche  j   la   grande 
quantité   de  fang  qui  ne  peut 
plus  aller  à  la  matrice  ,  fait  en- 
fler les  artères  épigaftriques ,  les- 
quelles réfiftentavec  plus  de  for- 
ce au  fang  qui  vient  par  la  com- 
munication qu'elles  ont  avec  les 
artères  mammaires  ;  le  fang  eft 
porté    avec    plus    d'abondance 
dans  les  ramifications  internes 
qui  font  pour  la  nourriture  des 
mammelles  ,  il  les  grofTitj  delà 
la    douleur   fe    fait    fentir  aux 
mammelles  qui  s'enflent  aufîi  ; 
delà  il  fe  fépare  du  fang  un  fuc 
laiteux  fort  liquide  les  premiers 
jours    qui    fuivent    l'accouche- 
ment, &:  plus  épais  dans  la  fui- 
te, jufqu'à  ce  que  le  tfl^i  des 

F  f 


3  3  s  S^ejlion  de  Medexlne, 
Tnammelles  s'étant  relâché  infeii- 
iîblement ,  le  fpafme  &:  la  dou- 
leur foient  rallentis  5  &:  que  les 
diamètres  devenu  plus  grands, 
laiffcnt  pafler  les  parties  cafeu- 
fes  &  butyreufes.  Autant  le  lait, 
dont  la  réparation  fe  fait  par 
ce  mécanifme  ,  eft  inutile  ôc  mê- 
me nuifible  à  la  mère ,  fî  on  ne 
le  tire  à  la  même  quantité  à  la- 
quelle il  eft  féparé  de  la  mafle 
du  fang  ,  autant  il  eft  un  ali- 
ment utile  à  Penfant.  Qu'une 
mère  ne  refufe  donc  pas  de  don- 
ner à  tetter  à  fon  enfant  nou- 
vellement né  ,  qui  le  lui  deman-r 
de  en  pleurant  ^  qu'elle  ait  honte 
de  voir  que  les  bêtes  féroces  des 
forêts  ayent  plus  de  tendrefle 
pour  leurs  petits  qu'elle  n'en  a. 
Mais  i\  plus  féroce  que  ces  bêtes 
mêmes ,  elle  ne  fe  foucie  pas  de 
{es  propres  enfans  ,  q  u'elle  foit 
du  moins  touchée  de  ce  qui  la 
regarde  ;  qu'elle  découvre  fou 
fein  pour  donner  à  tetter  à  foa 


La  fantédes  mer  es ,  ^c,     3  3  a> 
enfant ,  dans  la  certitude  de  ren- 
dre par  là  fa  fan  té  plus  forte. 
On  ne  fçauroit  nier  que  cela  ne 
foit  très-nécefîajre  pour  la  fan- 
té  ,  quand  on  confidérera  qu'on 
met  par  là  hors  du  corps  aune 
merc  une  humeur  inutile  ,  qui , 
foit  en  reftant  dans  les  vaifleaux 
excrétoires  ,   foit    en    rentrant 
dans  la  maffe  du  fang ,  occafion- 
neroit  des  maladies  très-diffici- 
ks  à  euérir, 

^  IL 

LA  ftnicture  du  corps  humain 
eft  telle  que  par  une  certaine 
îiécelfité  mécanique  ,  il  fe  fé- 
pare  du  fang  différentes  hu- 
meurs ,  dont  l'utilité  eft  très- 
grande  pour  la  confervation  de 
la  fanté  ;  fi  par  quelque  caufc 
que  ce  foit  la  fécrétion  cefle  de 
s'en  faire  dans  les  lieux  deftinés 
à  cet  ufagc  ,  il  paroît  auffi-tôc 
nne  infinité  de  maladies.  Y  a-t'il 
de  rérétiime ,  par  exemple ,  dans 

Ffij 


3 4^  ,^ueJiion  de  Médecine, 
la  fubftance  glanduleufe  des 
reins  ?  fur  le  champ  le  fang  alté- 
ré par  une  humeur  falée,  piquo- 
te  par  fes  fels  toutes  les  mcm^" 
branes  des  vaiiTcaux  ,  caufe  des 
mouvemens  déréglés  ;  le  malade 
rend  par  les  vomifTemens  des 
matières  xqui  Tentent  Turine  ^ 
tombe  en  délire  ,  tout  fon  corps 
cft  agité  de  convulfions  ;  il  fuit 
^enfîn  la  mort ,  à  moins  qu'on 
ne  rétablifle  les  fécrétions  dans 
les  vaifTeaux  tranfcolateurs  des 
reins.  De  quelque  manière  qu'il 
ie  foit  formé  obftruckion  dans 
les  ramifications  de  la  veine  , 
portes  qui  vont  au  foye ,  la  fé- 
crétion  de  la  bile  eft  empêchée  , 
le  malade  a  du  dégoût  pour  le 
manger  ^  ce  qu'il  prend  fe  digère 
mal  5  le  ventre  devient  fec  ,  la 
bouche  amere ,  l'urine  de  cou- 
leur de  fafFran  ,  la  peau  fe  cou- 
vre d'éréfypéles  ,  êc  même  de 
phlegmons;  tant  il  eft  dange- 
reux qu'il  reftc  différentes  hu- 


Lofante  des  mères  y  ^ç,  341 
meurs  mêlées  dans  la  mafle  dit 
fang  5  &  la  fanté  ne  foiifFre  pas 
moins  fitôt  que  qiielqu'humeuir 
que  ce  foit ,  refte  féparée  des  au- 
tres dans  fes  propres  réfervoirs  > 
fans  en  pouvoir  forcir  ,  où  eft 

fiompée  delà  par  les  vaifleaux 
ymphatiques  pour  être  portée 
dans  le  fang.  Combien  de  fois 
n'eft-on  pas  tourmenté  de  très- 
cruels  rhumatifmes  ,  ou  des  dou- 
leurs très-cuifantes  de  la  goutte, 
par  la  fuppreflion  de  la  tranfpi- 
ration  infenfible  ?  Combien  de 
pleuréiîes  ,  de  péripncumonies  ^. 
de  diarrhées  ,  de  fièvres  avec  ca- 
tharre  ,  d'efquinancies  ,  d'oph-- 
talmies  ne  viennenr  pas  de  la 
même  caufe  ?  Combien  de  ma- 
lades ne  font  pas  morts  de  ré- 
tention d'urine ,  foit  par  la  para- 
lyfie  de  la  veffie ,  foit  par  la  con^ 
traction  fpafmodique  du  fphinc- 
ter,  foit  par  la  pierre  qui  en  em- 
pêche la  fortie?  Quelles  tragé- 
dies ne  fait  pas  fouvcnt  la  bile 
Ffiij 


3 4 i     ^u^ejîion  de  Médecine. 
feparée  dans  le  foye  ,  ne  trou- 
vant pas  d'ifTuë  par  les  conduits 
hépatiques  ?   Les  matières  féca- 
les mêmes  retenues  dans  les  in- 
teftins  ,  caufent  fou  vent  des  ma- 
ladies très-confidérables^  des  hé- 
morrhagies  ,  des  migraines  ,  des 
vertiges ,  des  coliques ,  la  paflion 
iliaque.  Ne  vient-il  pas  auffi  aux 
femmes  des  maux  très-funeftes 
de  la  fiippreflîon  de  leurs  régies , 
des  crachemens  Se  des  vomifle- 
mens  de  fang ,  la  paiîîon  hyftéri- 
que  5  des  aiîetlions  foporcufes  , 
des   convulfions  ,   des   palpita- 
tions de  cœur?  L'écoulement  des 
vuidanges  arrêté  dans  les  fem- 
mes accouchées  ,  ne  produit-il 
pas  quelquefois  des  apoplexies 
mortelles ,  des  trenchées  cruelles 
dans  le  ventre ,  des  cardialgies 
afFreufes ,  des  inflammations  de 
matrice ,  &:  d'horribles  fymptô- 
mes  decette  forte  ?   Si  Ton  veut 
paiTer  des  jours  fans  douleurs  ,  il 
faut  donc  faire  enforte  que  les 


La  pinte  des  mères,  é'c.  343 
fécrétions  que  la  iiature  fait  dans 
les  organes  deftinés  à  cet  ufage  , 
ne  foient  pas  empêchées  j  il  faut 
les  aider  par  les  ufages  des  diffé- 
rentes chofcs  non  naturelles;  fe 
faire  un  crime  de  ne  pas  les  ai- 
der ,  ôc  croire  qvie  c'cft  là  la  eau- 
fe  d^rne  infinité  de  maladies 
qu'il  eft  bien  plus  facile  de  pré- 
venir ,  que  de  guérir» 

1 1  L 

S 'Il  y  a  du  danger  à  une  fem- 
me de  ne  pas  avoir  fes  régies 
depuis  quatorze  ans  jufqu'à  qua- 
rante-neuf,  à  moins  qu'elle  ne 
foit  enceinte  ,  il  cft  très-difficile 
qu'il  n'y  en  ait  pas  auffi  pour  une 
mère  qui  n'allaite  pas.  Les  fem- 
mes qui  allaitent  n'ont  pas  leurs 
ré2;Ics  ,  il  eft  du  moins  très-rare 
qu'elles  les  ayent  j  ces  deux  hu- 
meurs viennent  du  fuperflu  qui 
fe  trouve  dans  le  corps  des  fem- 
mes. L'écoulement  des  mois  dé- 
F  f  iiij 


3  44  ^t^^fl'ton  de  Médecine. 
pend  d'une  ftructure  particuliè- 
re de  la  matrice  •  celui  du  lait  fe 
fait  par  Penfant  qui  tette.  La  na- 
ture du  lait ,  confidëré  avec  atten- 
tion ,  nous  fait  connoître  quel- 
le eft  la  multitude  6c  le  danger 
des  maladies  qu'évite  à  une  mère 
l'enfant  qu'elle  allaite.  Le  lait 
contient  trois  fortes  de  fubftan- 
ces  ;  la  première  qux)n  nomme 
petit  lait;  la  féconde  terreufe  > 
appcUée  fromage  ;  6c  la  troifiéme 
Jiuileufe ,  connue  fous  le  nom 
de  beurre.  Quand  le  lait  repofe 
long-tems,  ces  trois  principes 
s'y  féparent.  Le  lait  le  repofe 
dans  les  tuyaux  des  vaifleaux 
excrétoires  des  mammelles  qu'on 
ne  tette  pas  :  qu'en  arrive -t'il? 
il  s*y  réfoud  en  fes  trois  princi- 
pes. La  partie  huileufc  féparée, 
devient  acre  &:  rance  ,  pique  les 
vaifTeaux  dans  lefquels  elle  fe 
prouve ,  les  corrode  ;  enfuite  re- 
tortée  dans  le  fang  par  les  vaif- 
feaux  lymphatiques  qui  fe  trou- 


La  Jante  des  mères ,  drc.      345 
vent  en  grand  nombre  dans  les 
mammelles  ,  ôc  emportée  par  le 
mouvement  de  la  circulation  , 
elle  s'échaufFe  ,  agite  les  autres 
humeurs ,  produit  des  fièvres  in- 
flammatoires :  la  partie  aqueufe  , 
comme  plus  fluide  ,  rentre  dans 
la  mafl^e  du  fang  pour  être  em- 
portée par  les  urines  ,  ôc  quel- 
quefois fort    par    les   mamme- 
lons  ,  fous  la  forme  de  petit  lait 
très-atténué.  Que  devient  la  par- 
tie caféeufe  ?    De  jour  en  jour 
dépouillée  de  plus  en  plus  de  fon 
phlegme  ,  elle  s'épaiiTit ,  fe  dur- 
cit y  s'amalTe  en  dépôt  dans  les 
conduits  laiteux  ,  devient  auffi 
folide  que  du  plâtre  ,  dégénère 
en  fquir ,  d^ou  les  vaifîeaux  fan- 
guins  font  comprimés  ,  la  circu- 
lation empêchée  dans  les  mam- 
melles ,  ce  qui  caufe  inflamma- 
tion ,  fuppuration ,  cancer  ,  ul- 
cère, qui  finit  par  la  mort.  Plus 
une  humeur  qui  doit  fe  féparer 
du  fang  5  cft  eompofée  de  par- 


34^  J^f/?/^;;  de  Médecine, 
tics  groflîeres  ô£  qui  ne  font  pas 
propres  pour  la  circulation ,  plus 
il  eft  dangereux  qu'elle  foit  rete- 
nue dans  la  maiTe  du  fang.  Il  eft 
évident  que  le  lait  eft  de  cette 
nature.  De  combien  de  maîadies 
ne  feront  donc  point  accablées 
les  femmes  qui  ne  nonrriffcnt 
pas  d'enfans  ?  Outre  qu  elles  ne 
font  pas  délivrées  d'une  humeur 
inutile,  êc  par  là  fujcttes  à  tou- 
tes les  maladies  qui  viennent  de 
la  pléthore ,  le  lait  s'épaiffit  ôc 
grumele  facillement  ;  la  caco- 
chymie  accompagnera  donc  la 
pléthore.  Mais  quelle  forte  de 
cacochymie  ?  Une  difpofition 
boueufe  dans  les  humeurs  ,  qui 
leur  ôtela  fluidité;  un  fans;,  qui 
regorgeant  d'une  humeur  laiteu- 
fe  ,  rendra  toutes  les  fécrétions 
défeftucufes  ,  s'arrêtera  dans  les 
vailîeaux  capillaires  ,  eau  fera 
mille  obftruclions  ,  qui  feront 
fuivies  de  maille  autres  maux  en- 
core plus  grands^ 


Lafantédesmcres  y  &c,     347 
IV. 

NO  u  s  venons  d'établir  par 
Ja  raifon  ,  ce  que  nous  pen- 
lons  du  lait  répandu ,  pour  me 
fervir  de  Texpreflion  ordinaire. 
Mais  hélas  !  Texpérience  en  con- 
firme bien  davantage.  Voyons 
les  femmes  accouchées  qui  n'al- 
laitent pas.  La  penfée  feule  don- 
ne de  Thorreur  :  de  combien 
d'incommodités  cruelles  &  opi- 
niâtres ne  font- elles  pas  envi- 
ronnées ?  Tantôt  un  éréfypclc 
leur  couvre  le  vifage ,  d'où  il 
s'enfle  &  leur  caufe  de  la  dou- 
leur j  leurs  yeux  font  comme 
éteincelans  ^  les  artères  tempo- 
rales battent  avec  force  ;  elles 
ont  un  mal  de  tête  qui  fcmble  la 
leur  déchirer  :  ce  font  autant 
d'efFets  affreux  du  lait  retenu 
dans  la  mafTe  du  fang.  Tantôt  la 
lymphe  devenu  trop  lente ,  s'ar- 
rête en  difFérens  endroits ,  s'ac- 


;  48     ^iejlion  de  Médedne, 
cumule  dans  les  glandes ,  pro- 
duit des  tumeurs  très-dures  ,  des 
f carotides  ,  des  écrouelles  ,  des 
quirs.    Tantôt  ,  celles  qui  ne 
nourriflent  pas ,  fentcnt  des  dou- 
Ijeurs    infupportables    dans    les 
jambes  ,   qui  donnent  bien  de 
l'embarras  aux  Médecins.  D'au- 
tres   fois  l'aliment   de  l'enfant 
nouvellement  né ,  renfermé  dans 
le  corps  de  la  mère ,  fe  répand 
par  la  chaleur ,  caufe  des  fièvres 
de  différentes  fortes,  entre  les- 
quelles fe  trouvent  toutes   les 
fièvres   accompagnées  d'ébulli- 
tions  ,  fur  tout  la  fièvre  pour- 
preufe ,  foit  le  pourpre  rouge , 
ibit  le  pourpre  blanc ,  qui  font 
très-fort  à  craindre.    C'eft  une 
chofe  très-connuë  de  ceux  qui 
pratiquent  la  Médecine  ,  que  le 
fuc    laiteux  porté  en   différens 
endroits  dans  lesvifcercs  ,  y  pro- 
duit des  abfcès  très-dano-ercux  ;, 
qui  ne  peuvent  être  guéris  qu  e- 
tant  extirpés  par  la  main  aua 


La  fdnté  des  mères ,  &<:.  34^ 
Chirurgien  \  6c  qui  étant  guéris 
en  apparence ,  font  fuivis  d'au- 
tres pour  lefquels  il  faut  em- 
ployer le  même  remède,  avec  un 
fuccès  qui  n'a  pas  plus  de  durée. 
Quelquefois  les  mères  font  pu- 
nis de  leur  peu  de  tendrefTe,  par 
des  pleuréfies  très  -  confîdéra- 
bles  j  quelquefois  elles  font  épui- 
fées  par  des  diarrhées ,  tourmen- 
tées par  des  inflammations  d'in- 
teftins  affreufes  ,  ou  par  des 
étoufFemens  fort  incommodes. 
Tantôt  ce  font  les  réfcrvoirs  du 
lait  qui  font  attaqués  ,  &  les 
mères  inhumaines  font  principa- 
lement punies  dans  la  partie  où 
elles  ont  fait  fautes.  Les  mam- 
melles  font  infectées  de  diverfes 
tumeurs  ,  rongées  d'ulcères  ôc 
de  cancers.  Quelquefois  la  ma- 
trice a  fa  part  de  c^s  maux ,  ôc 
Ton  voit  couler  le  pus  de  ce  labo- 
ratoire du  genre  humain.  Voilà 
les  maux  qu'a  apporté  en  Fran- 
ce cet  ufage  pernicieux  des  me- 


3  50  ^iiejîîon  de  Médecine, 
res  de  ne  pas  allaiter  leurs  en- 
fans.  Les  Femmes  des  pays  où  la 
plus  grande  Religion  étant  de 
luivre  la  nature  ,  défend  d'avoir 
des  nourrices  à  gages^n  y  fontpas 
cxpofées. 

V. 


^T  Eanmoins ,  dira-t'on ,  il  y  a 
\  des  femmes  qui  jouifFeat 
d'une  parfaire fanté, quoiqu'elles 
n'allaitent  pas.  Qu  eft  -  ce  que 
cela  fait  contre  nous  ?  Si  leurs 
forces  font  à  la  fin  épuifées  par 
de  trop  fréquens  accouche- 
mens  ,  &  que  les  folides  perdent 
en  elles  leur  rcffbrt  tellement , 
qu'elles  ont  une  famille  nom- 
breufe,  il  eft  vrai,  mais  foible, 
comme  venant  d'une  mère  infir- 
me. Les  mères  qui  allaitent  ne 
foufFrent  pas  ces  incommodités: 
car  c'eft  une  Loi  de  la  nature 
que  les  femmes  qui  nourriflent, 
deviennent  très  -  rarement  en- 
ceintes.  On  peut  comparer  la 


L  a  fanté  des  mer  es ,  drc  351 
inatrice  à  une  terre.  Comme  les 
terres  qu'on  ne  laiiTe  pas  repofer 
s'épiiifent  &c  produifent  peu  , 
de  même  les  femmes  étant  tous 
les  ans  grofTes  fans  interruption, 
la  matrice  nourrit  mai  fon  fruit. 
Pendant  qu'une  femme  allaite  , 
cet  organe  reprend  fon  tout,  dc 
répare  fes  forces  perdues  pour 
donner  à  la  famille  de  beaux  en- 
fans  ,  èc  d'une  forte  complexion. 
Loin  d'ici  les  mauvais  confeils  de 
ceux  qui  voulant  ménager  un 
fexe,  pour  lequel  en  effet  on  doit 
avoir  de  très  -  grands  é^^ards  , 
le  font  mourir.  Quy-t-'il  déplus 
incommode ,  difent-ils  ,  que  de 
pafler  fa  vie  à  entendre  crier  & 
pleurer  des  enfans  ?  Qu'y-a-t*ii 
déplus  ennuyeux  que  de  porter 
continuellement  un  enfant  en 
maillot  dans  fcs  bras ,  &  de  le 
baifer.à  tout  moment?  Voilà 
un  grand  inconvénient,  comme 
fila  nature  n  avoir  pas  pourvu  à 


5  5  i  ^w^ton  de  Médecene. 
cela  ;  car  elle  a  donné  aux  mcres 
une  telle  tendrefle  pour  leurs 
enfans  ,  quelles  trouvent  un 
plaifîr  incroyable  dans  tout  ce 
qu  elles  font  pour  eux  ,  bien  loin 
d'y  reflentir  du  dégoût  ôc  de  la 
peine.  Bien  plus ,  on  a  vu  des 
femmes  mourir  de  chagrin  de  ce 
qu'on  leur  avoir  enlevé  le  pre- 
mier enfant  qu'elles  avoient  eu 
pour  le  faire  nourrir  par  d'autres« 
Mais  je  leur  demanderai  récipro- 
quement s'il  vaut  bien  mieux 
être  expofé  à  des  maladies  très- 
dangereufes  ,  qu'aux  préten- 
dues incommodités  defquelles 
je  viens  de  faire  le  détail  ?  Y 
en  a  t'il  moins  dans  la  grof- 
fellè  ,  dans  le  dégoût ,  dans  l'ap- 
pétit dépravé ,  dans  la  cardial- 
gie  ,  dans  les  naufées  ,  dans  les 
vomiflcmens  ,  dans  la  ftrangu- 
rie  ,  dans  la  dyfuric ,  dans  le  té- 
nefme  ,  dans  les  hémorrhoïdes  , 
dans  l'enflure  des  jambes  &:  la 

difficulté 


La  Jante  des  mères ,  drc,  3  ^  j 
difficulté  de  marcher  qui  en  fuit- 
Mais,  répliquent  d'autres  ,  on  a 
des  moïens  de  prévenir  les  in- 
commodités du  lait  répandu  ,  &1 
d'empêcher  même  qu  il  ne  fe  ré- 
pande. Plut  à  Dieu  que  les  éva- 
cuations de  tout  genre  ,  qu'on  a 
coutume  d'employer  dans  les 
maladies  des  femmes  qui  n'allai- 
tent pas ,  eufFent  un  effet  heu- 
reux. Outre  cela  ^  n'y  a-t'il  pas 
de  l'imprudence  de  donner  lieu 
volontairement  à  une  maladie 
très- facile  m^ême  à  guérir,  qu'on: 
pourroit  éviter  même  avec  enco- 
re plus  de  facilité  ?  Il  faudra  que 
des  mères  faflcnt  tettcr  à  des 
chiens  ,  un  lait  qu  elles  rcfufent 
à  des  enfans.  J'ai  horreur  de  fai^ 
re  remarquer  de  pareilles  chofes*. 
On  croit  nous  preiler  bien  da- 
vantage ,  en  difant  que  les  fem- 
mes élevées  dans  les  Villes  font 
d'une  complexion  trop  délicate- 
gour  poavoir  ,  fans  altérer  leuc 

G  g, 


3  f  4  ^? ^^'^  ^  ^^  Médecine, 
fanté  ,  foniFrir  une  évacuation 
telle  que  celle  des  nourrices;  Tex- 
périencc  nous  ayant  appris  qu  el- 
les donnenttous  les  jours  deux  li- 
vres de  lait  :  c'eft  une  opinion 
erronée.  Cette  foiblelTe  ne  vient 
que  de  ce  quelles  n'allaitent 
pas  ,  &  le  remède  eft  de  nour- 
rir leurs  enfans.  Par-là  elles  fe 
déchargent  d'une  humeur  qui 
incommoderoit  des  parties,  qui 
par  leur  délicatefTe  naturelle  font 
incapables  de  les  foutenir.  Cela 
eft  fi  vrai ,  qu'entre  les  femmes 
qui  n'allaitent  pas  ,  celles  qui 
font  d'une  fanté  plus  foible ,  font 
fujettes  à  des  maladies  plus  con- 
fidérables  que  les  autres.  Les  mè- 
res devroient  donc  abandonner 
ce  mauvais  ufage  ,  elles  en  ti- 
reroient  des  avantages  d'autant 
plus  grands  ,  que  nourriflant 
leurs  enfans ,  elles  n'auroient  pas 
le  tems  de  (e  trouver  à  de  magni- 
fiques repas ,  &  de  faire  durer  le 


Lafanté  des  mères ,.  é"C.  35-5- 
fouper  jufque  bien  avant  dans 
la  nuit  j  &:  par-là  éviteroient  bien 
des  occafions  de  maladies.  Enfin 
concluons  donc  : 

,^e  U  fanté  des  Mères  demandt 
qu'elles  f oient  elles  -  mêmes  nour^ 
rlccs  de  leurs  enfa^ns. 


QUiESTIONES 

M  E  D  I  C  iE, 


Ddij 


'sis. 

QU^STIO 

M  E  D  I  C  A. 

An  Ht  Virginitatis ,  fie  Virllitatîs 
certa  Indiciaf 


VIden  mendacia  rerum  !  cafsâ  fpe- 
cie  nos  ludunt.  Sic  eil ,  in  cortice 
hseremus ,  nucleum  praetereuntes.  Ideô 
quiainfuperfîciebus,  non  medullis  re- 
rum verfamur.  QuaeHelenaforisjintùs 
Hecuba  eft.  Eâdem  fraude ,  defideres 
interdùm  in  fponfo  maritum  ;  in  marito 
patrem;  in  juvene  virum.  In  fexibus 
enim  Androgynura  dari  non  poteft,  po- 
teft  in  hominum  vultu.  Ipfa  vox  homQ 
anceps  eft,  viri  ac  fœmince  particeps; 
undequod  de  cœnis  habent,  in  homi- 
nés  cadit ,  dubii  funt  ; 

Die  as  in  atirem  ,Jîc ,  ut  étudiât  mtllusi 

Amat9r  ille 

Qiii,  .  .  .  Galbanos  *  hnbet  marçU 

t  EfFœminatos. 


$'j6  Qudflio  Msdical 

Quœrzs  quîs  hic  fit  ?  excidit  mthi  nomtni 

Quarè  define  me  vocare  fratrem 
Ne  te vocemfororem. 

An  dubia  forent  fexuum  difcrimma  ? 
îmo  :  at  dubi^  funt  hominum  faciès , 
ûc  ut  interdùm  in  viro  virum  qu^ras. 
Etiam  fuo  confpedu  ludunt  fexuam  or- 
gana  ;  ex  eoruni  enim  numéro ,  quantita- 
te,  formaturâ,  marem  à  foeminâ ,  à  non 
Virgine  Virginem  potueris  definire;  at 
ex  talium  pr^fentiâ ,  virum  ab  homine , 
validumab  mvdWdo , potentem  ah  impo- 
tente ,  à  mulierofo  frigidum  decernere 
imperiîias  eft.  De  fexuum  dignitate 
quseflio  eft,  fed  qux  odii  argumentum 
minus efl: 5  quàm  inviûi^  hominum.  Rê- 
vera ipfas  fœminarum  formas  aliqui  non 
dedignantur,  iilarum  illecebris  capi  am- 
biunt  multi ,  vinci  gaudent  non  pauc? 
Poflhàc  mulierem  dimidiatum  homi- 
nem  dices  fan  virum  dimidiatam  mulie- 
rem ?  hïEc  omnis  homo  fuerit ,  iî  forti- 
tûdinem  qu^e  hominem  infignit,  pofïït 
in  du  ère.  At  heroïbus  dominari  datum 
jan;  illis  eft,  3l  quo  Herculem  nere  do- 
cuerant.  Portentofa  iflhsec  eft  mulierum 
în  viros  omnipotentia ,  quam  (oW  frigidi 
fic'ent.  Mulierem  ergo  monftrum  natu- 
Xdç  vocari, dogmatis  monftrum  eft.  Me- 

liùs 


^An  ut  Vïrgmïtatïs ,  &c.      5*7*7 
liùs  naturcC  prodigium  erit ,  quse  fie  îm- 
perat  gentium  dominis.  Intérim  mulie- 
ris  caput  eft  vir  ?  appofitè  fie  tyrannidi 
fexûs  cautum  efi,  lei^um  vi  ac  Sacramen- 
ti  virtutê.  Sed  fœminarumregnum  intra 
fe  diviium  efi  ;  innuptis  nuptse  invident  : 
hîs  illipr^ferre  Judasisconfuetamjnup- 
tis  innuptas  Chriflianis.  Hinc  Virginita- 
tis  pretium  &  honos,  qui  quô  infignior, 
eo  rarior  quibufdam  habetur.    Reipsâ 
fio5  6c  mundities  efi  Virginitas,  quam 
perdit  turpitudinis  aura.  Eâ  de  causa, 
mente  perire  Virginitatem  Religjo  do- 
cet  ,  iliîbato  enim  corpore  mens  inqui- 
natur.  Quot  ex  h<5c  pietatis  dogmate 
patiatur  damna  pudicitas,  immane  :  at 
pluies  adhuc corporis integritati  volunt 
fieri  jacluras,  Virginitatis  cultores  ava- 
ri.  Hos  intellige ,  qui ,  dùm  eos  occupât 
fexûs  amor,  lexui  invidiosè  convician- 
tur.  Virginem  tam  raram ,  quàm  Phœ- 
riicem  perhibent  ;  quod  fimultati  non 
imputaveris,  cis  enim  maledicunt  ,  à 
<^^iibus  amati  amant.    Eô  tamen  venit 
Virginibus  maledicendi  malignitas,  ut 
bas  à  mulieribus  fecerni  nolint.    Hos 
inalè  iuadet  vuîtûs  pudor,  oris  verecun- 
dia  ,  modefiia  vultûs  ,  virorum  fuga , 
filentii  amor,  pudicitise  fama,  morum 
ântegritas  ;  h^c  (aïunt)  omnia  sequè  re- 
ferunt  ac  reprsefentant ,  qu^  ut  fexuni 

I  i 


57  5  Qjujîio  Medtca* 

fie  connubium  Habilitant  mulieres.  Alîas 
imperiosè  exigunt  notas  ,  quibus  exte- 
riori  integritati  concinat  arcana  corporis 
/ntegritas.  Ludibrio  habent,  &  merito , 
Virginitatis  notacula,  quse  ex  naribus, 
colio ,  voce ,  (Sec»  venari  folent ,  ut  Vir- 
ginitatis naufragia  hariolentur.  Ulteriiis 
hos  rapit  in  Virgines  livor ,  qucC  lexum 
faciunt  partes,  in  innuptis  perindè  ,  ac 
in  nuptis  fimiles  flatuunt ,  forma ,  fpc-^ 
cic, colore,  habitudine,  pofiturâ.  Tarn 
facile  credideris,  floreni  intadum,  ne 
vel  à  miafmate  maligno  temeratum ,  al- 
teri  fîmilem  flori  impuris  manibus  corut 
prefîbjattrito,  obfcurato. 

IL 

HE  u  antiquatam  veteris  asvî  iim^ 
piicitatem  !  heu  deperditam  prif- 
cam  fîoem  î  quo  homines  antique  vir- 
tutis  !  Dod;ii  forte  minus  ;  at  fapientes 
inagis  ,  veritatis  amantes ,  ftudiofi  iin- 
ceritatis.  Tune  temporis  motam  de  Vir- 
ginitate  litera,  illico  derimebant  limpli- 
cia  Virginitaris  figna.  Num  arcanas  re^ 
velando partes?  numeasnudando,  quas 
diligentiùs  tegit  natura  ?  num  eas  intuen- 
do  quas  voluit  inconfpicuas  ?  quas  vide- 
ri ,  violari;  quas  tangi ,  foedari  efl.  Vef- 
timenta  Virginis  coram  fmibits  ^anderc 


An  m  VÎYgimt^jis  :,  ^c.         579 
fat  erat  ^  quo  daco  figno  5  fie  abfolve- 
bacuc  fufpeélata  conjux ,  uc  vir  odii  fui 
pœnas  verberibus  lueret.  Tanta  erat  fim- 
plici  huic  (îgnoParrnm  fides  l  At  hinc 
venire  poteft  aliunde  major,  in  quofri- 
gidis  opprobrii  nota  paratur.  Quid  enim, 
{\  u!ci(cendo  nnpra  virgo  junior  cum  vi- 
re ,  quem  impotenriae  accufabit  ^  expof- 
tulaverit  virginitaris  figna  ?  hoc  abfentc 
iîgno  ignaviam  viri  &copulae  defeiftum 
argact.  Reclamabir  vir  î  acculationi  jfi- 
dcm  faciet  Virgo  jiivencala  conjux,  inf- 
piciendam   fe  oiferendo.    Virginitarein 
enim   à  nuptiis  ruperftitem  oftendere , 
fponfi  impocentiae  »  hgnum  ram  cerruni 
eric  ,  quâm  conftuprationis  indicium  , 
non  oblatum  in  veftimentis  Virgimtatis 
JignHm.  QuorsùiTi  igicur  ram  muira  fcru- 
tari?  rotcumulari  quid  juvat  îquibus_^;- 
^ânm  évinças ,  auc  abfolvas  Virginem  ? 
air  in  hoc  uno  non  eric  cerrum   asquè 
ftigtditatis  ,    ac   Virgimtatis   indicium. 
Nupcam  ergo,  quae  Virgo  juvencula  erar, 
apud  Judicès  conqueri ,  Q^^\oà.  ftgna  Vtr^ 
ginitatis  afFerre  /îbi  non  detur  ,   virum 
fitgtditatis  accufareeric ,  confpedamque 
fe  Virginem  offerte  ,  ent  evincere.  Fi- 
dem  excedit ,  quot  exp^dnct  frigtdorum  » 
ac  FtrginHm  lites ,  do6trina  haec  (acris 
contenta  codicibus  1  Sic  parcererur  tur- 
piioquio  hymenU ,  c^truncftlarum ,  ruga- 

Bb  ij 


5So  Q^haJîIo  Me  die  a,, 

rum  ureri ,  &c.  à  fœdo  hoc  fcrutinio  ab£- 
tineretur,  fcilicec  an  fuam  ordinationem 
(ervaverint  ,  in  colore  ,  tenorc  ,  fîru  , 
racnfurâ ,  habitudine.  Àbfit  ramen  du- 
bitaveris,  h«c  quoque  vera  reperiri  \  ea 
cnim  eft  nuptfle  abinnuptâ  partium  dif- 
pirilitas  ,  tantùmque  à  fe  ipsâ  mucaca 
tune  illarum  faciès ,  ut  quantum  in  nup- 
tis  (ui  vioJacione  maricani  oftendunc  , 
tantùm  ininnuptis  integiitate  fiiâ  Virgi- 
nem  évinçant.  Copulationis  enim  fuc- 
cen^is  5  ab  elatere  pendet  partium  quae 
copulantur.  id  dateras  k  viro  unicèex- 
pe<5tabis  ?  abes  à  vero  :  Majculum  Ut e- 
rum  fecit  natura^  fie  conftiruium  ,  ut 
quo  magis  dilatari  cogitur ,  in  fe  redeun- 
do  ftringatur  magis.  Stri(^ionis  autem 
vim^ab  eâ  quaeiiliusdilacationiscfi:  me- 
ttre :  coadt^E  ad  pyri  magnitudinem  (quae 
uteri  in  Virginibus  menfura  eft)  ureri 
fibrac ,  ad  capitis  molem  in  prœgnanti- 
bus  crefcunt  &  diiatantur.  Hase  autem 
immanis  fibrarum  uteri  in  praegnan- 
tlbus  dilatatro  ,  eUterem  portcntofum 
uteri  prodit  ,  quandoquidem  quo  brc- 
viores,  co  potenriores  fine  fibrae.  Par  eft 
cxindc  manans  vagmA  dater  ;  latera 
cujus ,  ut  compreiîilia  maxime ,  fie  ardlè 
conni  ventia,  id  opcrae  prseftant  in  fexuum 
cj>puià  ,  ut  adfc  accedendo,  quem  ad- 
mittunt  fœcundaRtem  fuccum  fortiùs  de 


An  Ht  Virginitatii  >  ^c,  581 
incro  adigant.  Ex  hâcaurem  duplici  & 
mutuâ  violentiâ,partium  miilicris  viola- 
tionem  i  fîtus,  po/îturac  ,  ordinis  ,  ru- 
garum  ,  habirudinis  murationem  ,  hia- 
tum  &  Fœdacioncm  conjicerc  eft.  In 
his  autem  tenore  ,  pofîturâ  &lhabiru- 
dine  5  certiora  habes  PirgimtAtii  figna, 
Arre  enim  meretriciâ  angufta  viarum 
quantumvis  xmulentur ,  vaginac  rugas  & 
afperitates  reftituere  ,  exrcrnamquepar- 
lium  œconomiam  reconcinnare,  colo- 
rem  neque  fpeciem  ac  tonum  ementiri 
dabitur.  Hjmenem  confilio  praetermifTum 
credes,  quafi  anilibus  fabulis  acccnfen- 
dum?  imoaliud  indubiratum  Firginita* 
tis  fîgnum  vcnit  ,  in  quibus  occurrir  ; 
occurrere  autcm  teftantur  inter  Anato- 
micos  non  ignobiles.  Defucrit  ?  fiipple- 
bunt  CAYunctiUrum  flos  &  conniventia. 
Carunculis  fidem  quoquc  negas  \  hanc 
cogit  finûs  pudoris  difpofitio  ,  circum-: 
fepti  in  Virginibus  eâ  arre  ,  ut  poft  co- 
pulam  à  fitii  j  rono  ,  ac  ordinarione  dif- 
cedat.  Poftremo  addideris  verba  Virgî- 
nis ,  qnse  fponfi  copulam  negavcrit.  Ri- 
des ?  fponfo  copnlationem  afïîrmanri  cre- 
dis?  Num  quia  mnlieris  caput  eft.  Ira  , 
fi  (ponfus  maritus  ,  fi  marita  mulier , 
tune  enim  illum  Dorainum  vocare  co- 
gicur.  Ac  qm  fiigidtis^  non  maritus  eft, 
neciilius  marita,  mulier. 

B  b  iij 


582.  Qjufîio    Aîedica, 

III. 

VI  R I L  I T  A  s  ad  Venerem  potencia 
eft,  vimm  enim  ut  'tîolo  mmium ,  no- 
h  parkm.  Vencris  nomine  iexuum  co- 
pulam  inrelliges  ,  quîs  conjugum  ut  vo- 
tum  eft  ,  fie  conjugii  finis.  Haec  enim 
procrcationem  intendit ,  cui  copuiâ  prs- 
ludi ,  tàm  neceiïum  quàm  conFclîum.  In- 
térim infœcundè  fcxiis  mifceri  quotidia- 
num  ,  ni  fucci  fœcundantis  midusfiar. 
Igitur  prseter  copulas  potentiam  ,  miiîi* 
lem  fœcundarionis  auram  oportet  cxi- 
lire.  Huic  auras  fœcundarionis  necefîi- 
tatem  injungis  ?  At  tune  fœcundationis 
caufas  rimaiieft,  non  Virtlttatis  notas 
perfequi.  Porto,  ut  cicra  Firilttatem  n^- 
mo  fœcundus ,  fie  ablque  fœcundatione 
aliquis  Vinlis  eft.  Quae  hujufmodi  Firi- 
7/><«r^«?(pondeantrcrucaris  ?  ut  in  liberis 
teftes  fuos  hubet  fœcundatio,  in  fignis  fui 
dat  indicia  Vtrilttas.  Hase  forte  locabis 
injHvene  csnvemenîthm  organis  inlîruElo  f 
quid  enim  potentius  ,  quàm  amorisor- 
ganorum  opulenta  fupellex  ?  an  liunc  ap- 
paratum  opère  caillim  concipere  eft  ? 
adjiciro  corpus  eufarcum  ,exercifum  vo- 
luptate ,  dapibus  delicatuiis  infuccatum  , 
fpirituofis  animatum  fuccis  aut  liquori- 
bus  i  iiccinè  amorum  faiellitioftipatum 
corpus,  ignavum  ad  Venerem  aut  im- 


An  ut  Virginitatis  ,  ^c,  5  î  5 
belle  conjicies?  ferianria  concipies  toc 
tamque  praeclara  lafciviae  inlbiimenta  ? 
Ira  fané  ,  nimiiim  his  ciredes  omnibus , 
fî  mendofa  fine ,  fi  ludant  oculos  ^  f  fu- 
cum  facianr.  Illndunt  autem ,  Ci  ^d:x 
fint  inftrumencorum  effigies,  mera  or- 
ganorum  fimulachra ,  ignava  ,  inertia  , 
fiincrata.  Funerata  vocas  ,  motus  aiiE 
elateris  expertia  ?  honore  auc  ticulo  de- 
funôixwnx  ,  abutieft.  Extinùâ  hcEcnon 
funt  ,  fcd  vacanria,  nunc  non  primûm  , 
fed  ab  anciquo  ,  à  cnnis  ipfis  feriantia. 
Porro  ^/îÀ  poffe  adaBmn  mnvaleat  con» 
jcqaentia  ,  num  à  mn  poffe  ad  poffe  vale- 
bic  ?  quas  aurcm  ferianria  nata  (iint,»o« 
potentia  funr,  aut  tmpote-rjtta.  Hanc  for- 
rem  innatam  fibi  graculabunctir  cselibes , 
qnos  importuné  ftimalaret  aur  pericu- 
iosè  amandi  pruritns;  fed  hanc  lugebunc 
mariti  Veneris  officio  debiti.  Mdeficia^ 
tù  hanc  forte  fortem  dabis?  perperam. 
M^leficiatorum  enim  ftatus  ,  cafus  eft 
&  malitia  •,  fri^idor^i^  ,  naturâ  eft  Sc 
habitudo.  Fngidi  (une,  invalidi,  &  im» 
patentes  ,  qui  bu  s  fradus ,  aut  mollis  eft 
cnpidimi  arcpi^  ;  quos  nempe  déficit  nul- 
la  ex  iis  partibus  quas  virum  oftendunt , 
atquos  urit  auc  excitât  ex  iis  nulla.  Cae- 
tçvùm  frigidt  viriitbus  organis  prseclarè 
infigniti  ,  à  lafciviâ  tuti  ,  viros  fe  noa 
fwitiunt ,  nediim  experiuntur.  Intereà  , 

B  b  iiij 


584  Qudflio   McâicA. 

novercam  iis  defuifre  non  omnino  na- 
taram  argumenro  cft ,  penfata  aliunde 
horiim  calamicas  ?  Achillis  inftar^  fui  ali- 
quâ  parte  ,  funt  invulnerabiies.  Iterûm 
piae  caereris  à  naturâ  beantur  ,  indefeli- 
ciores  quod  ancipites  &  neutri^fœminas 
inter  &  viros ,  nec  (ui  ^  nec  alcerius  fc- 
xûs  aegritudinibus  pateant.  Ac  dtgitocom* 
pefce  labeiltim,  Quae  honeftè  innuunrur 
obkœna ,  inhoneftè  proferuntur.  Uc  ut 
iîc  5  frigidi  nati  ,  â  carne  flagellaci  nun- 
quam  ,  non  concupifcunt,  amorum  ig- 
nibus  immoti  ,  non  perulci  ,  non  (àla- 
ccs  ,  non  catulientes.  Defes  enim  pars 
illa  ,  quâ  viri  forent,  humilis  &  tacita 
filet ,  deprcffa  jacet ,  motuque  tardefcens 
inftupuit  ,•  nunquam  ab  inertiâ  refurgens, 
fui'git  nunquam  ad  opus  >  nec  in  aébum 
erigitur. 

I  V- 

HI  s  fe  prodit  indiciis  Vtrilitas^  qusc, 
illisabfentibus,  abeft.  Qnidenim, 
amabo ,  (unt  conjuges  ?  duo  in  carne  tsnâ, 
Qiiid  conJLigium  \  fexuum  conjiindtio  > 
(3  adh(xrehn  uxori  jha,  Illud  Religio  , 
hoc  ratio.  Procreationis  negotium ,  mu- 
tuum  quid,  à  duobus  pendet.  Sttndura 
eft,  cujus  impages  fejundtis  divifae  lo- 
cis,  veniunt  adunandae.  Hinc  germen  , 
tUinc  ovum;  duabus  quafî  conclufacap- 


An  ut  Virginitatii  ,  (3c.  ÇSÇ 
fulis,  qu£e  duo  (exus  iunt.  Ovum  ,  tœ- 
tus  compendiolum  ,  maflula  ineis  eft  ^ 
arcanis  fœminae  partibus  aire  condita, 
Germen  animabilis  materies ,  à  viri  cor- 
pore  in  ureium  exilitura  -,  illi  cnim  exi- 
liendum  ad  ovum  eft ,  ucpotè  alicnum 
a  (exarque  difîitum.  Huic  o^ptùiVtÀ  vtri 
ad  fœminam  opus  fuit ,  quâ  ad  rcgnem 
materiam  animatio  pervenirer.  Haec 
via  ^  (exuum  copulatio  eft,  cui  proin-: 
de  deefle,  mariri  condirionem  abdicare 
eft.  Nam  copulae  pr^eeft  vir ,  fubeft  fœ- 
mina;  ille  caufa  QÎïyhxcfftl^je^ftm;'ûle 
mot  uni ,  haec  nfoùile  ;  ille  elaterem  ,  baec 
r/^rm/|cap(ulam  \  verbo,  ofcillttm  alter  , 
ofcillayida6  altéra  partes  luftîcit  \  vir  enim 
ofcilla  (qu«  germina  fonanc  )  (uppedi- 
tat ,  fœmina  dat  fomites.  Ai  ovum  ut 
ad  germen  veniie  nequit ,  germini  ovum 
adeundum  eft.  Adeundum  dicis  ?  ita 
fané  ,  il  in  aperto  ,  vicino ,  &  faciii  lo- 
co  fitum  ovum  fuiftet.  At  fecûs  fe  ha- 
bet ,  tàm  remotum  enim  quâm  recondi- 
tum  eft.  Hinc  potentta  viri  opus  eft  ,  (eu 
organi  eUtere  ,  quo  miiïum  germen 
ovum  queat  attingere.  Attigifte  autem 
non  exigitur,  viri  enim  debitum  folve- 
rit ,  aut  mariti  exegeiit  officium ,  qui  im- 
petu  profilieis  ad  ovum  germen  vali« 
dus  emiferit.  Harum  fub  vocum  umbris 
defcriptam  habes  FtrilttAtcm ,  quam  con- 

Bb  V 


Ç8  6  Oudlîio  Medica, 

ftituic  firmus  organorum  tonî4^s,  vaiiduf- 
que  dater  ,  quibus  vibretar  animabilis 
f  uccus.  Efto  enim  ,  viii  muneris  non  fie 
fœcLindarei  atporuiiïe  illius  honoris  eft  ", 
pacrîs  titulo  deeire  infauftam  s  mariti 
officio  indecorum.  Forcé, ovum  fiicns 
eric  auc  fubventaneum  ,  admittendo  ger- 
minis  fpiculo  impar  aur  abfonuQi,  tuin- 
que  irrita  copula  Fueric  ;  ac  focmins  cul- 
pâ,  non  mittentis  jnecmiiîilis  defefta  , 
modo  praecederir  organorum  ^/^/^r ,  fi- 
tus  ,  tonm ,  &  conftaniia  /o»^ ,  qnaE  vi- 
brando  ,  difigendo,  animandocjue  faris 
iic.  Ovum  enim  per  fe  immocum  cft  j 
milBlis  ergo  imperu  indigum,  quo  mo- 
lum  concipiat.  Hune  antem  dac  impe- 
tum  vibracio  ,  qux  profeclam  d  viro  re- 
tinensmotûs  decerminacionem  ,  hanc  (e- 
cum  transfert  ad  ovum.  Igiiur  quo  mi- 
nus ad  motum  fe  erigere  ovum  poreft  , 
co  validiûs  ad  illum  clevari  oportet  & 
crigi  viri  potentiam,  Hinc  bellum  orga- 
norum apparatum.  ,  loco  ,  numéro  ,  ac 
menfurâ  abfolucum  oftentare,  non  Ma(- 
culum  (e,fed  Marem  aiïcrere  ell:.  Maf- 
culum  oftendic  non  iftorum  praefencia  ^ 
fed  a6tus.  Si  valida  de  ad  opus  habilla 
eiïe  ifthaec  organa  confefTum  eft ,  fœ- 
cundatione  quamvis  caflâjin  tuto  ma- 
nebit  viri  validitas  ;  quod  enim  partium 
fuarumerac,  pracfticic.  Ac  ftupenciaor- 


An  Ht  VirginitAtis  ,  ^c.        5  S7 
gana  ,  defedla  tono  ^  eh.tere  deftituca  3 
agicata  nunquam  nec  agicabilia  ja6l3re> 
heroïca  frigidorum  vircus  ,  &  potentU 
eil.  Talem  haec  (e  prode:  fi  cum  juven- 
culâ  fponsâ  jacueric  inexpercâ.  Poflhâc 
impo!e'fîtt£ ^voiimcnium  cvidentius  rogas? 
folem  qusris  lucenrem?ac  ccecucire  amas? 
fidem  cogQt  fponla  ifthaec  (fi  fponla  fue- 
ric  )  à  nuptiis  virgo  fiiperftes.  Virginira- 
tis  huic  argumenciim  deberipraetendis^ 
folvendo  eric  virgo  eonjiix  ,  non  in  œre  , 
non  in  rixis ,  non  in  rergiverfationibus , 
fed  in  ciite.  Atqui  ifth^c  erunc  Medico- 
rum  phanrafiae  lafcivientis  ludibria  ,  hîsc 
illius  ambitiofx  arris  confilia,  ea  aaden^ 
tis  imperiosè  quas  fui  juris  née  func ,  nec 
authoritatis,  necfcientiac.  Bella  verbal 
quafi  à  Jadicibus  invocarentur  Medi» 
eoram  ,  ac  Chirurgorum  artes ,  de  or» 
ganorum  unicâ  formaturâ  ,  numéro  ,  fi» 
gurâ,  quanrirare  ,  pronunciacurîs  :  ceiiè 
ad  hase  nec  eruditis  manibus  ,  nec  fa- 
pientiumdecrecis  opuserit.  Verûm  ,  cùm 
frigidic{{Q  queanr ,  conveme/ttibné  quam- 
rumvis  orq^anii  infirn^i  \  à  legibus  Me- 
dici  interrogati  5  an  ifthasc  organap5^f«- 
tia   fint ,  &  ad  conjugum  opus  valida , 
eoriim  officii  eft ,  de  organorum  appa- 
fatu  mirabili  proniinciare  non  rantùm  , 
ar  decernere  quid  iila  oïg^nzpojpnt ,  qmd 
ferre  recafent^ 

Bb  vj 


58S  Q^HdJîiQ  Medicaé 

V. 

AT  fero  fapinnt  Phryges.  Javenem 
habes  convenientibm  organis  inf- 
trti^um  \  defperes  nihil ,  inventmi  nihil 
ArdHHm  efi.  Talis  Achlerae  gracia ,  in  fpem 
contra  fpem  ire  licet»  Tantûm ,  da  fpa- 
tium ,  tenuemque  moram  \  nam  grande 
morac  pretium  cft.  Da  tempus  ;  quod 
«cas  nequiit  ^  faepe  (anavic  mora,  H«c 
mora  neqiie  iponfbs  dedecec  : 

Nuhre  fi .  .  *  -   voles  ,   quamvii  properahitts 
amho , 
Differ;  habent  parvA  commoda  metgna  moYX. 

Venereos  in  juvene  recognofcis  lepo-: 
les  ?  Ac 

Konformofm  eraf ,  /ed  eraf  fœcundm  Ulyjfes, 

Copule  nondûm  matunim  excufas  ?  As 

Heroés  ciib  maiuri-,  Ec 
Céijarikus  virtus  contigit  ante  diem, 

Spem  ,  emendicando  aïs  ,  rerine ...» 
fpes  una  hominem  nec  morte  reliquit. 
Igirur 

Eia  âge ,  rumpe  m&rcu  ,  quo  te  fpecîahimu4  ufque  ? 

Dum  qtiidfis  dtibitits  i  jam  potes  effe  nihil. 
Cum  mora  non  tut  a  efi ,  totis  incumbere  remis 

Utile  y  ^  admiffofubdere  calcar  equo, 

Urgebisr  Sed  juvcnem  cupidonon  urio 


An  Ht  VtrginitatU  ,  ^c*       5  8> 
non  uxoris  urget ,  nec  fœturac  amor? 

"Excitât  ignavos  [pes  fxm&, 

Sed  ad  quid  evidentia  Virilitatis  m?, 
dicia  exigi  ?  ad  quid  proferri  VirginitaH 
tis  notas  ?  numquid  non  piidorem  extie- 
re  eft  'ifrigidorum  cantilenam  ,  pudibiin- 
dorum  ne  pudefcant  1  Pudibundumnc 
dixeris  ,  quod  jubent  Icges  ,  qiiod  Re- 
ligio  finit ,  quod  probat  ufus  î  turpe  eft 
frigidorum  connubium  ,  quorum  non 
eft  thorH6  immacnUtHâ,  Thorum  interea 
frigidt  emendicare  f oient ,  m potentia  pe- 
riculum  facianr^nam  in  multis,  aïunt, 
imra(  amor  mentes  ufa.  Ira  in  validis  ; 
at  in  frigidis  dedifcitur  ufu.  Infupcr  , 
an  frigiderum  portentosâ  libidine  Sacra- 
mentum  fcelerari  licet  \  fpeciminis  titur 
Jo  thoriufusindulgctur  iis  ,  quibus  <i«- 
te  pilos  non  venit  amer  -,  qui  filentem  ce- 
lant ,  fuo  tempore  macurandam  poten* 
tiam,  At  tu  juvenis  iHe  ,  inftrumenîù  con-* 
venientthns  injiru^e  , 

j)um  vernat  femguis ,  dtim  rugii  integer  /tnntu , 
Uterti 

Si  tardas  erii .  .  errabis  . .  tranjiet  atas. 

Belle  mones  ,•  quafi  veto  id  fpedfces  ab 
€0,  cui  défunt  VirtUtatU  indicia.  Apa- 
ge  ,  inquam  ,  ifth«c  indicia  ,  hoftilia 


çoo  Qui&flio  Me  die  a, 

padori ,  religioni  contraria  !  opéra  re- 
nebrarum  func  renebris  condenda  ,  quse^ 
noclraarum  exemplo  lux  offendir/Ligacve 
hominum  praefentia.  Praerereà  ,  itane  fti- 
mulos  amoris  evocare  datur  ?  (iccinè  Ve- 
neri  licare  J  /iccinè  tentaminis  infandi 
memoriam  rcfricnre  ?  pudicè  quidem,  ut 
videtar.  Ac  unde  virilem  organorum  ha- 
bicudinem  defiderari  in  juvene  tam  con^ 
ventent ëY  ii^  inftruEio?  unde  hune  opor- 
rercadigi  ad  illum  partium  tenorem ,  qui 
in  virum  non  evirarum  cadit  ?  excitari 
ad  actum  ,  auc  organa  erigi ,  impermif- 
fum  credis  ?  at  juber  confuecudo  vêtus , 
quam  Ecclefia  vider  racerque  ,  iinunc 
Pontificis  leges  ,  cogit  necefîiras.  Ne- 
ceiîîtas  ?  ita  neceflitas ,  (\  thorum  â  fce- 
Jeratis  frigidorum  aiifis  arceri  volueiis» 
Alias ,  impermifTb  illo  Vtrilitatis  (igno  , 
in  tuto  func  friqïdoYum  connubia  ,  de 
quibus  folvendis  fiicant  oportcc  legcs  , 
&  lites.  Aliundè  ,  (i  excitare  fe  juvenem 
piaculo  ducatur  ,  forticer  ur  eft  ille  ruus 
a  natura  inftruâ:us  ,  excitatum  ultro  fe 
monftret.  Atqui  excitatum  fe  nunquani 
fenticV  ecce  fatentem  rcum  habes  ,-/W- 
giâput^.  Se  fentiecaïs ,  fada  fibi  puel- 
Jae  copia.  Quid  aucem  fî  matrimonio  rra- 
<iitum  j  copulae  imparem  déclarer  mi- 
kllaconjux  ?  Q^aid  fi  inveniatur  onera- 
lus  magis  quàm  ornatus  convemsntibm 


An  ut  ViYgtmtutis  ,  ^c*  5  5  ï 
organisa  utpoiè  triftibus ,  &  plimibeis? 
Qaid  fî  intentataîTi  copulam  in  fe  often- 
dere  polliceatar  fraadaca  conjux,  inrac- 
tam  ie  monftrando  r  Eodem  quo  te  tue- 
ris  piidoris  vélo  ,  ham:  illico  tegi  poftu- 
labis  r  Sed  hos  mitte  cuniciilos ,  ab  his 
abftine  tricis.  Ad  tiirpia  licica  cogir  ne- 
ccilicas ,  mundis  omnia  munda  -,  neqne 
fordida  qusevis ,  qiiaé  verecunda ,  nifi  quae 
fordefcens  animus  admiferit.  Caeceriim 
an  hodie  pEimûm  V  irgines  infpici  cœp- 
tiim  eft  >  Pacrum  EccleHs  memoriâ  , 
Virgines  flupro  notatas  intueri  moris 
fuie.  Exindè  ieges  id  ipfum  imperâuiinr. 
Incertari  clamiras  Virginiratis  indicia  3 
errare  amas  \  tam  certa  lune ,  quam  cer- 
ta  habetur  rerum  humanarum  conditio, 
TJna  quidem  hirundo  non  facit  ver  \  ne- 
que  unicum  ,  aur  uniui^modi  iîgnum  Virr 
ginitatem  aflruet  :  {ç.à  fada  (ignorum , 
conditionum  ,  ac  circumftantiarum  jjn- 
drome ,  in  decernendo  tutus  erit  ^quus 
recum  sftimaror.  Revcrâ,  fi  de  Virgine 
femel  tantùm  comprefsâ  quxftio  fuerit  , 
obfcura?  forrè  videbuntur  conftupratio- 
nis  notas  -,  de  illo  tamen  flupro  decer- 
nunt,  ieges  ,  fi  illud  recognovilîe  oculi 
eruditi  teftenrur.  Verùm,  incertumne  ve- 
niet  judicium  de  infpedâ  muliere  virum 
fîaepiùs  pafsâ  ?  an  in  iliâ  expe6târe  erit 
.Virginicacis  umbellam  l  At  infpiciendae 


$9^^  Q^^f^io   Me  die  a, 

mulierîs  copia  non  darur  -,  diibia  vifa 
func  viri  organa  \  undenam  aîcerutrius 
conditionem  definieris  ?  ïmo,  en  le  tibî 
prodit  Vii'ginicas;  hujus  indicia  quse  ia 
alcerutro  conjugum  incerta  quaerebas ,  iti 
utroque  certa  tenes.  Non  maritum  fc 
profère  fponfus  ,  non  fponfa  Te  mari- 
tam?  certus  concludas  ,  funt  Virgines 
ambo. 

Brgo  ut  Virginitatis  ,  fie  VirilitAîti 
cma  Indicia, 


*QUESTION 

D   E 

MEDECINE- 

S'il  ejl  des  Signes  qui  ajjârent  de  la 
puiJjAfîce  des  Hommes  ,  autant  que 
le  font  cetix  qui  réfondent  de  U 
fogejfe  des  Filles  ? 

I. 

LTtrange  incertitude  !  tout  nous 
impofe  ,  &  jufqu'aux  apparences  \cs 
mieux  établies  ,  elles  nous  donnent  le 
change.  La  fédudtion  vient  de  ce  que 
l'apparence  nous  (aifit ,  &  que  la  vérité 
nous  échape  j  parce  que  les  dehors  des 
chofes  nous  en  dérobent  la  nature.  La 
beauté  elle-mèiTre ,  n'eft  fouvent  qu'uQ 
mafquc  qui  déguife  une  Hécube  fous  le 
vifage  d'une  Hélène»  Par  une  femblablc 
méprife ,  on  Te  trompe  en  prenant  un 

*  Cttte  traducîiûH  x  été  faite  par  M&nfieur 
H  E  c  Q^U  E  T  lui-même  ,  pour  arrêter  les  traduc- 
tions malignes  (^  mauvaifes  qu'on  en  faifoit  cai4' 
rir. 


.594'         Q^eflion  de  Médecine, 
cpoux  poui  un  mari,  un  mari  pour  un 
père,  un  garçon  pour  un  homme.  Car  en- 
fin quoiqu'il  ne  foir  point  de  (exe  doublcj 
qui  tienne  tout  à  la  fois  de  l'homme  &  de 
la  femme,  il  eft  des  vifages^  des  conre- 
nances  douteufes^qui  tiennent  de  tous  les 
deux.  Le  mot  même  d'homme  efk  équivo- 
^ucil  s'entend  auiîî  de  la  femme.  De-for- 
te qu'on  pourroit  dire  des  hommes   ce 
qu'on  dit  des  mets  douteux  ,  ce  font- des 
ambigus.  Ai  de  z^- moi  ^  dit  Ariftarque,^ 
dt finir  ce  doucereux  ,  cjui  affecle  les  atrs 
dUnne  femme  -,  de  cjuel  [exe  feriez,-vous 
cette  aimable  figure  ?  Dites-moi  a  ï  oreille  > 
Jans  cjHC  perfonne  nous  entende  ,  quel  nom 
lui  do4nertez.'V0HS  ?  Mats  pourquoi  cher- 
cher  ce  nom ,  ^»;  échape  k  l'efprit  tant  il 
elï  douteux  ?  Du  moins  quil  n  arrive  poi 
À  ce  beau  vif  âge  de  m'appelUr  père  ,  car 
je  r  appe  lier  ois  Jœur,  Seroit-ce  donc  qu'on 
pourroit  (e  méprendre  dans  la  diftinc- 
rion  des  fexcs  ?  Tant  s'en  faut-,  maison 
fe  trompe  à  juger  àts  fexes  par  lesvifa- 
ges  :  de-forte  qu'on  fe  trouve  fouvent 
emb.trralîé  â  trouver  la  vérité  de  Thom- 
rae  dans  fa  figure.  Les  organes  même  qui 
diflinguent  les  fexes,  ont  leurs  manières 
de  féduire.  Le  nombre  .  la  quantité  &  la 
conformation  de  ces  parties  peuvent  fuf- 
fire  ,  pour  diftinguer  un  homme  d'avec 
uue  femme  ,  une  fille  d'avec  celle  qui 


S'il  efl  des  Signes  qui  affurem  ^c.  595 
ne  ia  feroit  pkis  j  mais  ce  (eroit  une  mc- 
prife  groffierc,  qui  tiendroit  de  l'impé- 
litie,  de  conclure  de  la   feule  préfcnce 
de  ces  organes  ,  qu'un  homme  efl  mari  , 
hahiîe  ou  inhabile  ^pmjfant  ou  tmpmjjant , 
fioid  ou  faffionné  ,    capable  ou   incapable 
d'ufer  d'une  époufe.   Mais  en   parlant 
des  fexes ,  on  demande  s'il  en  eft  un  plus 
excellent  que  TaurreJ  L'oncroiroit  pref- 
que  par  cetre  queflion  ,  que  les  hommes , 
ennemis  du  beau  fexc,  auroient  deflein 
de  le  déprimer  ;  mais  ils  n'en  paroiiïenc 
pas  moins  épris  ,  puifqu'il  s'en  trouve 
pîirmi  eux  qui  s'honorent  de  reiïembler 
aux  femmes  ,  que  plusieurs  ne  feroient 
pai  fâchez  de  fentir  leurs  charmes,  & 
que  beaucoup  aimcroienr  à  s'en   laifîer 
vaincre.    Sied-t-il  bien  après   cela  aux 
hommes  de  dire  ,  que  les  femmes  ne  par- 
tagent qu'à  demi  la  nature  humaine,  tan- 
dis qu'ils  paroifTent  eux-mêmes  dts  de- 
mi-Femmes. Bien-tôt  même  déroberont- 
elles  l'homme  à  lui-même  ,   fî  jamais 
elles  parviennent  à  lui  enlever  la  force, 
qui  fait  le  titre  de  fa  préférence.  Mais 
cWqs  en  font  déjà  là  ,  puifque  hs  Héros 
eux-mêmes  ont  à  craindre  de  s'aftbiblir 
auprès  d'elles,  depuis  qu'on  a  vu  Her^ 
cule  fe  réduire  àfîlerà  leurs  cotez.  Voi- 
là certes  un  prodige  de  puidance  dans 
hi  femmes,  d'autant  plus  étrange,  qu'il 


59^        Qjieflion  ai  Médecine* 
n*efl:  presque  qu'au  pouvoir  de  ceux  qui 
font  froids ,  de  n'en  rien  craindre.    Il 
n'eft  donc  plus  permis  de  dire  que  la 
femme  foie  un  monftre  ,  ou  la  produc- 
tion d'une  narure  qui  s'égare  ou  le  four- 
voie ;  le  monftre  (eroic  dans  cette  opi- 
nion, à  moins  qu'on  n'appeliât  prodi- 
ge dans  \ç,s  femmes ,  ce  pouvoir  de  vain- 
cre \ç.s  vainqueurs.  Peut-être  dira-t-on 
que  l'homme  eft  le  fouverain  ,  puifqu'il 
eft  le  chef  de  la  femme.  Mais   tire-t-il 
cette  fouveraineté  de  fon  fond  ?   a-t-il 
fallu  moins  que  la  vertu  d'un  Sacrement , 
&  que  la  force  des  Loix  ,  pour  la  lui 
valoir  ou  Ty  maintenir  ?  Le  plus  grand 
malheur  des  perfonnes  du  (exe,  eft  qu'el- 
les difputent  entr*clles  de  la  préférence  > 
celles  qui  font  mariées  la  prétendent  au* 
dclTus  de  celles  qui   gardent  le  célibat. 
A  la  vérité  le  mariage  l'emporroit  dans 
la  Loi  ancienne  ,  mais  le  célibat  l'em- 
porte dans  la  Loi  nouvelle.    De-îà  eft 
venue  Pcftime  que  l'on  fait  aujourd'hui 
de  la  continence  *,  état  fi  digne  &  fi  ra- 
re ,  que  quelques-uns  le  croient  à  la  por- 
tée de  peu  de  filles.  En  effet  ,  il  faut 
convenir    qu'elle  eft  comme  une  fleur 
tendre  6c  délicate  qu'une  ombre  d'im- 
pureté ternit  -,  une  pureté  qu'une  appa- 
rence de  faleté  altère.  Auflî  enfeigne- 
t-on  dans  la  Religion  Chrétienne  ,  que 


S'il  ejî  des  Signes  qni  afflirert  ^c,   597 
la  virginité  le  perd  par  Tcrprit,   parce 
qu'on  peur  cefler  cl*êcre  vierge  dans  im 
corps  chafle.   On  comprend  par   cette 
maxime  de  morale,  à  combien  de  per- 
tes eft  expofée  la  pureté   de  l'efprit  \ 
ccpcndanc  celle  du  corps  fe  trouve  en- 
core expofée  à  plus  de  naufrages  ,  fi 
l'on  en  croit  ceux  qui  ont  fi  mauvai(e 
opinion  de  la  continence.  De  ce  nom- 
bre (ont  ceux  qui  par  un  malin  artifice 
décrient  un  fcxe,  dont  ils  n'onr  pu  dé- 
fendre leur  ccEur.  Ils  voudtoient  qu'on 
crût  qu'il  en  eft  d'une  fille  (âge  comme 
du  Phénix  ,  ou  que  ce  feroit  une  des 
fepr  merveilles.  Cependant  cette  calom- 
nie outrée  n'eft  point  un  effet  de  la  hai- 
ne ,  puifqu'ils  déclament  contre  ce  qu'ils 
ne  peuvent  (e  difpenfcr  d'aimer.  Ils  ne 
lâificnt  point  de  poufier  loin  leur  médi- 
fance  affeilée  ,  jufques-lâ  qu'ils  ne  vou- 
droient  admettre  aucun  figne  de  dillinc- 
tion  entre  une  femme  &  une  fille.  La 
pudeur  (ur  le  vifage  ,  la  retenue  dans 
les  yeux  ,  la  (agefie  fur  le  front ,  la  fui- 
te àts  hommes,  l'amour  de  la  ictraite^ 
l'inclination  pour  le  filence ,  une  condui- 
te fans  reproche  ,  d^s  mœurs  fans  tache , 
leur  paroifient  de  foibles  garants  d'une 
vertu  fi  rare.  Ils  tiennent  que  ces  mar- 
ques (ont  au(fi  celles  de  toutes  \q%  fem- 
mes fages,  qui  honorent  le  fcxe &  le  ma- 


598       Q^ueftion  de  Médecine» 
riage.  Il  leur  faut  d'autres  [ignés  de  con- 
tinence, qui  répondenr  que  le  corps  eft 
auffi  entier  ^  que  les  mœurs   font  intè- 
gres, lis  (e  moquent  avec  raifon  de  ces 
marques  qu'on  tire  du  col ,  du.  nez. ,  de 
la  VOIX  ,  pour  s'afîûrer  de  la  lagefîe  d'u- 
ne ;eune  perfonne.  Leur  mauvaife  opi- 
nion contre  les  filles  n'en  demeure- pas 
là ,  ils  refufent  de  reconnoître  en  çWqs 
aucune  différence  dans  \ts  organes  qui 
font  le  fexe.  Fulfenr-elles  filles  ou  fem- 
mes ,  ils  font ,  difent-ils ,  les  mêmes  dans 
\ç.s  unes  &  dans  les  autres  :  on  y  trouve 
de  part  &  d'aucre  même  apparence,  mê- 
me difpo/irion  ,    même  couleur  ,  même 
firuation  ,  même  attitude.  Mais  c'eft  vou- 
loir  nous  perfuadei-   qu'une  fleur  qui 
n*aura  été  ni  touchée  de  perfonne,  ni 
atteinte  d'aucune  altération  ,  reiFemble 
en  tout  à  une  autre  >qae  des  mains  im^ 
pures  ou  grolîieres  auroient  fiétcicjfroif- 
lée,  &  ternie, 

I  I. 

QU  E  L  malheur  d'être  forti  de  la  fim- 
plicicé  àzs  premiers  tems  !  Quel 
dommage  que  celui  d'avoir  abandonne  ■ 
Ja  naïveté  de  nos  pères  !  Où  font  ct% 
hommes  de  l'ancienne  vertu  ,  moins  fça- 
vans,  mais  plus  fages,  vrais  par  natu- 
re ,  îînceres  par  éducation  !  Fût-il  ar- 


S'il  ejî  des  Signes  qui  affurent  ^c.    55?^ 
rivé  de  leur  cems  de  douter  de  la  fagefîe 
d'une  fille  qui  venoic  de  fe  marier  >  on 
s'en  rapportoit  à  des  hgnes  (iinpîcs,  auf- 
quels  cependant  tout  le  monde  donnoit 
fa  confiance.  Ce  n'éroit  ni  en  découvrant 
ce  que  la  pudeur  cache  ,  ni  en  dévoilant 
ce  que  la  nature  couvre  ,  nî  en  portant 
les  yeux  fur  ce  qu'elle  leur  dérobe  ;  par- 
ce que  la  vue  le  deshonore  ,  ôc  que  le 
toucher  le  rouille.  Ces  fagçs  le  conren- 
roic^nc  de  voir  dans  les  linges  de  la  nou- 
velle époufe  j  les  débris  d'une  intégrité 
perdue:  fur  cette  fimplc  apparence ,  une 
nouvelle  mariée   écoit  li   parfaitement 
juftifiée ,  que  le  mari  convaincu  de  ca- 
lomnie 5  étoit  condamné  au  fouet.  Voi- 
là jufqu'où  nos  pères  avoienc  donné  con- 
fiance à  cette  iimple  apparence  *,  mais 
elle  en  mérite  aujourd'hui  davantage  > 
puifqu'elle  peut  fervir  de  preuve   à  la 
honteufe  marque  à'impatff^ince  dans  les 
froids.  Car  enfin  fi  une  jeune  perfonne  , 
qui  viendroit  de  fe  marier  fille  ,  vou- 
lant venger   Ton   (exe  â  l'encontre  des 
hommes ,  venoit  fe  plaindre  devant  les 
Juges ,  de  ce  que  par  Vtmpf4i[[ance  d'un 
prétendu  m.ui  ,  elle  ne  peut  leur  pro- 
duire \qs  marques  ordonnées  pour  prou- 
ver qu'elle  s'eft  mariée  fille,  le  défaut  de 
ces  marques  ne  feroit  il  pas  une  preuve 
qu'elle  auioit  trouvé  ce  mari  en  défaut  ^ 


ÏToo        Que/iiô^  de  Médecine. 
puifqae  leur  préfence  écoit  une  preuve 
de  pui/Fance  dans  l'homme,  ou  de  con- 
fommacion  dans  le  mariage  ?  Le  mari 
voudroic-iife  juftifier  ?  la  mariée  lecon- 
vaincroit  en  offrant  la  vifice  de  fa  per- 
fonne.  Car  enfin  fe  montrer  fille  après 
les  noces  ,  ne  doit  pas  moins  être  une 
marque  à' imputjfance  dans  un  nouveau 
marié  ,  que  le  défaut  de  produâion  des 
fîgnes  ordonnez  par  la  Loi ,  ctoit  une 
preuve  que  la  mariée  n*avoic  point  été 
iage  avant  Tes  noces.  Pourquoi  donc  tant 
de  recherches?  pourquoi  tant  de  preu- 
ves pour  convaincre  un  tmpmjfant  ^  ou 
juftifier  une  filleîfaudrGit-il  d'autres  mar- 
ques qu'un  mari  auroit  été  impui/fant , 
&  qu'une  mariée  feroit  demeurée  fille , 
que  le  défaut  du  figne  ordonné  par  les 
Joix  ?  Ainfi  la  plainte  d'une  jeune  ma* 
riée  ,  de  ce  qu'elle  ne  pourroit  produi- 
re les  marques  de  (a  fagefîe  avant  (ts  no- 
ces ,  feroit  une  accusation  à'impmffaKce 
a  rencontre  du  mari ,  &  ce  feroit  une 
conviétion  fi  elle  offroit  de  fe  montrer 
fille.  Grand  Dieu  !  que  cet  expédient  ; 
tout  fimple  qu'il  eft  ,  &  aurorifé  par  les 
Livres  Saints  ,  termineroit  de  procès  1 
Par  ce  moyen  on  (c  pafieroit  de  ces  hon- 
teux termes  à' hymen  ^  de  caruncnles ,  &:c. 
on  n'auroir  plus  recours  à  ces  honteux 
examens ,  fçavoir  fi  \ts  organes  des  fem- 
mes 


V'ilefl  àtsfignei  ijui  affurent,  ^c.  6qî 
mes  fe  retrouvent  dans  leur  /ituâtion , 
s'ils  ont  gardé  leur  apparence  naturelle, 
leur  ton,  leur  uniformité,  kur  propor- 
tion, leur  oeconomie.  Ce  n'eil  pas  que 
toutes  ces  obfervations  n'ayent  leur  vé- 
rité; car  ces  parties  font  fi  dilTemblables 
en  des  filles  devenues  femmes  >  elles 
changent  û  manifeflement  de  face  après 
le  mariage,  qu'elles  prouvent  aulîi  len- 
iiblement  qu'elles  font  d'une  fille,  quand 
elles  fe  trouvent  en  leur  entier,  qu'elles 
montrent  qu'elles  font  d'une  femme  , 
quand  elles  fe  trouvent  forcées ,  foities 
de  leur  niveau  &  de  leur  ordre.  Pour 
le  comprendre,  il  faut  fe  iouvenir  que 
l'union  desfexes  ne  peut  devenir  fécon- 
de, qu'autant  que  les  parties  qui  s'unif- 
ient ont  derefTort,  Peut-être  croiroir-on 
que  ce  refibrt  ne  viendroit  uniquement 
que  de  la  part  du  mari,  mais  ce  feroit 
mal  entendre  la  chofe.  Il  y  a  aufïi  une 
force  de  mufcle  dans  la  partie  de  îa  fem- 
me, tellement  difpofée  parla  nature, 
que  plus  cette  partie  efl  dilatée ,  plus 
elle  fait  effortpourfe  rétrécir,  parce  que 
fes  fibres  fe  racourcilTent ,  fe  ramènent , 
Ôc  rentrent  en  elles-mêmes.  Or  pour  con- 
cevoir jufqu'oij  va  ce  relferrement ,  il 
faut  examiner  jufqu'où  fe  porte  la  dila- 
tation. Les  fibres  de  cette  partie  dans 

Kk 


602  Quefiion  de  Médecine, 
leur  étendue  naturelle,  telle  qu'elle  eft 
dans  les  perfonnes  qui  n'ont  point  été 
mariées,  font  un  volume  de  quelques 
pouces;  au  lieu  que  dans  les  femmes 
groiïes  elles  forment  en  fe  dilatant  un 
volume  gros  comme  la  tête.  Rien  ne 
prouve  tant  que  cette  prodigieufe  dila- 
tation 5  l'énorme  élafticité  de  cette  par- 
tie, puifque  des  fibres  ont  d'autant  plus 
de  rejfort ,  qu'elles  font  plus  capables 
de  fe  racourcir.  Les  voyes  qui  mènent , 
&;  qui  tiennent  à  cette  partie,  en  par- 
tagent le  rejfûrt;  c'ci\  un  canal  dont  les 
parois  peuvent  fe  raprocheravec  force, 
de  forte  que  fe  comprimant  dans  l'ac- 
tion des  fexes ,  elles  chafTent  avec  im- 
pétuoiité  vers  le  lieu  de  la  féconda- 
tion, le  fuc  qui  y  efi:  envoyé ,  pour  l'y 
aller  faire.  Qui  n'appercevra  que  pen- 
dant ce  mutuel  effort,  Se  cette  double 
violence,  les  organes  de  la  femme  prê-^ 
tent  avec  peine ,  Se  qu'ainfi  ils  doivent 
perdre  beaucoup  de  l'arrangement,  de 
l'égalité,  ôc  de  lafîtuation  qui  les  unif' 
foit  ?  C'efl:  pourquoi  ils  doivent  fe  mon- 
trer changez  de  face,  déplacez,  défu- 
nis,  détendus,  applanis,  relâchez.  Au 
reiîe ,  les  fîgnes  qu'on  tirera  de  cette 
uniformité,  ôc  du  niveau  de  ces  parties^ 
ne  font  pas  fujets  à  fédudion  ;  car  quoi 


5'/7  efi  des  Sig'-.es  cjul  aJJUreKt  ^c,  So  5 
qa*ai:  pu  inventer  la  débauche  ,  pour 
contrefaire  ou  rcrablir  l'union  extérieu- 
re de  ces  parties  ,  il  lui  eft  impodible 
d'imiter  les  filions  qu'on  y  trouve  quand 
elles  n'ont  foufFert  aucune  violence.  La 
débauche  réiiiîîra"  auffi  peu  à  reparer  le 
coloris  5  l'égalité  ,  l'œcûnomie  ,  &  le 
jufte  afTemblage  qui  \ts  approche  ,  &c 
que  l'union  des  {^Y.ts  ruine  immanqua- 
blement. 11  femblera  peut-être  qu'on 
voudroit  éluder  de  s'expliquer  fur  Vhy* 
men  ,  parce  qu'on  le  croiroit  une  fable  *, 
on  l'admet  au  contraire  comme  un  figne 
non  douteux  de  fageiïe  en  celles  en  qui 
on  le  rencontre  ,  ce  qui  n'eft  pas  fans 
exemple  parmi  les  bons  Anatomiftes# 
Mais  au  défaut  de  ce  figne ,  on  trouve 
ion  équivalent  dans  l'intcgcité  ou  le  julte 
afTemblage  des  caruncuies.  Mais  peut- 
être  forme- 1' on  encore  quelque  doute 
fur  ces  carptncHles;  du  moins  n'y  en  a- 
t-il  point  fur  l'art  qui  ferme  cçsi  parties  , 
&  qui  en  fait  le  fcean  dans  les  perfonnes 
fages ,  ni  fur  la  iuftefTe  des  brides  qui 
les  ferrent  ,  qui  les  affermifTenr ,  &  les 
défendent  de  telle  forte  ,  qu'elles  doi- 
vent paroicre  défunies ,  defaiïembîécs, 
&  changées  de  face  par  l'aélion  des  fe- 
xes.  Mais  il  refte  encore  une  autre  ref* 
fource  pour  vous  afîûrer ,  même  fans  tous 
ct$  examens ,  fi  une  mariée  cfr  demeu- 

C  c  i  j 


6,0 i.  Q^uejlivn  de  Ms'decinc. 
réc  fille  :  C'eft  dans  la  parole  qu'elle  vou. 
donnera  que  fon  mari  l'a  laifTée  telle 
Cette  reiïburce  vous  paroîc  impertinen- 
te î  auflî  eft  celle  de  la  parole  que  vous 
donne  ce  mari  ,  qu'elle  cft  femme  ,  à 
laquelle  vous  voulez  cependant  qu'on 
fe  tienne.  Mais  pourquoi  cette  prcfér 
rence  pour  la  parole  du  mari  ?  C'eft  , 
dites-vous  3  parce  qu'il  eft  le  chef  delà 
femme  ,  auquel  elle  doit  toute  créance, 
La  maxime  fera  vraie  quand  l'homme 
fera  devenu  mari ,  &i  que  l'epoufe  fera 
devenue  femme  \  en  ce  cas  même  elle 
l'appellera  Jon  Seigneur  ^  fon  A^aître  : 
mais  un  impuilTant  ne  fut  jamais  mari , 
&  fon  époufe  ne  fut  jamais  femme. 

1  I  I. 

ON  appelIe/)«(,//4»r^  pour  le  mariage; 
la  faculté  d'en  remplir  le  devoir  j 
car  enfin  quoiqu'on  n'exige  point  d'un 
homme  ,  qu'il  foir  mari  pafTionné  ,  on 
demande  d'un  mari  qu'il  foit  un  hom- 
me fenfible.  Ce  devoir  ('(elon  lesPhyfî- 
ciens  )  confifte  dans  l'union  dts  deux 
(tyitSi  en  vûë  de  laquelle  on  s'époufe, 
comme  entrant  dans  la  fin  du  mariage» 
En  effet  on  fe  marie  pour  avoir  des  en* 
fans ,  &  pour  cela  tout  le  monde  con» 
vient  que  les  fexes  doivent  s'approcher* 
11  eft  pourtant  vrai  que  cette  union  fe 


S'il  ejî  des  Signes  qui  ajftirent  ^c*  60  5 
paflTe  fouvenc  (ans  que  la  fécondation 
s'en  enfiiive  -,  c*eft  lorfque  les  organes 
vnides  de  (ucs  on  d'efprits  ,  manquent 
de  relforrou  de  matière  pour  cette  opé- 
ration. Ainfi  avec  la  faculté  aux  Ççxes 
de  s'unir  ,  il  doivent  être  en  état  de  four- 
nir la  matière  de  la  fécondation,  &  de 
la  chafîer  vers  l'endroit  où  elle  doit  s'ac- 
complir. Mais  ,  exiger  avec  ce  reffort 
dans  les  organes,  cette  impétuofitc  qui 
doit  emporter  cette  matière  au  lieu  de 
fa  deftination,  c'eft  établir  les  caufcsdc 
la  fécondation  du  mariage  ,  au  lieu  qu'on 
ne  recherche  ici  que  les  (îgnes.qui  font 
voir  un  homme  en  état  d'en  remplir  le 
devoir.  Or  quoiqu'il  n'y  ait  pas  de  fé- 
conds iw/?«///^;?/  ,  il  y  a  àçspmjfans  in- 
féconds. Si  après  cela  on  demande,  quels 
font  ces  (ign es?  Comme  les  enfans  qui 
/ortent  d'un  mariage,  font  l«s  témoins 
de  fa  fécondité,  lesfîgnesqui  montrent 
qu'un  homme  peut  devenir  mari,  (ont 
les  preuves  qu'il  y  ^ïi  habile.  Peut-être 
fera-t-on  confifter  ces  (îgnes  dans /<î^^/- 
le  conformation  cCun  jeune  homme  cjue  U 
nature  anru,  doiié  d'organes  convenables  *  .♦ 
car  enfin  ,  quoi  de  plus  efficace  pour  le 

*  Voyez  la  Thcfe  foûienuë  dans  les  Ecoles 
de  Médecine  le  17.  Novembre  171 1. /«^«'Vtf- 
ne  convenientihîi^  organts  injirucîo  ,  nunquftm' 
îiS  dejperanda.  Vt'/ius  ? 

C  c  ii^ 


6o6  Que ft ion  de  Médecine, 
mariage  )  qu'un  riche  appareil  de  tout  ce 
cju'ii  faut  pour  exciter  la  tendrefTe,  ou  al- 
lumer la  paiîion  î  Pourroit-on  appréhen- 
der qu'une  (î  belle  repréfentation  devînt 
Tans  efFetjfur-tout  ifî  cet  ample  appareil  fe 
trouve  dans  un  corps  bien  nourri ,  livré  à 
la  volupté,  pétri  de  mets  déiicars,  baigné 
&  animé  de  liqueurs  chaudes  ,  ou  de 
boidons  rpiricueufes  ;  eft-il  poOibie  de 
croire  qu'un  homme  dans  cet  état ,  que 
hs  charmes  amoljlfent ,  &  que  la  volup- 
té obfèdej  puiiïe  être  infenfible  à  la  vo- 
hipté,  ou  incapable  de  rendrefTe?  Peut- 
on  imaginer  que  tant  d'inftrumens  lu* 
briques  ne  fe  feront  jamaisfentir  l  Oui 
centres  cela  eft  pofTible  j  on  fe  trompera 
à  toute  cette  belle  apparence  ,  fi  elle  eft 
fujette  à  caution,  fielleimpofe  aux  yeux, 
fi  elle  les  les  féduir.  Or  elle  les  féduit  , 
fi  ces  organes  ont  pins  de  montre  que  de 
vérité  ,  s'ih  fant  moins  des  réalitez  quç 
des  reiïemblances  ,  tant  ils  paroifTent  dé- 
niiez de  force  ,  d'aélion  S^  de  vie.  QLi'ap- 
pel lez- vous  déniiez  de  vie  ,  des  parties 
qui  n'on  ni  mauven>ent ,  ni  difpofîtion  â 
fe  remuer  5  CVePt  abu(ei  du  nom  de  vie  , 
&  leur  faire  honneur  d'im  titre  qu'elles 
ne  méritèrent  jamais.  Ce  ne  font  point 
des  parties  mortes ,  elles  n'eurent  jamais 
de  vie  >  leur  endormiflTement  n'eft  point 
d'aujourd'hui ,  il  n'eft  pas  contradc,  il 


S'il  efi  des  Signes  qui  affûrent  ^c,  6oy 
cft  aulfi  ancien  que  ces  parties ,  il  eft  né 
avec  elles.  Mais  s'il  n'ei^  pas  permis  de 
conclure  qu'une  chofe  eft  réelle  ,  parce 
qu'elle  eft  poilible  ,  fera-t-il  raifonna- 
ble  de  fe  promettre  ,  de  ce  qui  ne  pur 
j-imais  rien  ,  qu'il  pourra  jamais  quclqifc 
cho(e?  Or  ce  qui  n'a  point  d'aàion  ni 
de  force  ne  peut  rten  -,  il  eft  donc  im- 
puiflant.  Ceux  qui  ont  à  vivre  dans  la 
continencejDOurroient  fefça  voir  gré  d'ê- 
tre nez  avec  cette  forte  d'inadion,  eux 
pour  qui  une  forte  inclination  pour  le 
iexe  5  devient  une  tentation  dangereufc 
ou  importune  :  mais  cette  tranquillité 
affligera  un  mari  *  qui  fe  doit  à  fa  fem- 
me» Peut-être  effayera-t-on  d'excufer 
J*impui(Tance  d'un  mari  freid  ,  par  le 
foupçon  de  maléfice  *,  mais  mal  à  propos  ; 
Tctar  des  perfonncs  mu'cfictées  vient  de 
malice  5  &  par  cas  fortuit  ;  au  lieu  que 
celui  dts  TViTiùi froids  vient  de  naiffarice  ; 
les  froids  font  donc  des  hommes  ir.eptes 
au  mariage,  inébranlables  aux  traits  de 
la  plus  piquante  pafl:on>  laquelle  n'a  con- 
tre eux  ni  éguilicn  ,  ni  force  .  gensd'aiU 
leurs  à  qui  il  ne  manque  aucune  des  par- 
lies  qui  déclarent  le  (exe  j  mais  qui  ne 
(ont  remuez  ni  fbîlicitcz  par  aucune  de 
CCS  parties.  Au  (urpius  ,  \cs  froids  ,  touc 
avantagez  qu'iJs  font ,  autant  que  les  au- 
tres hommes  i  à' organes  convenables  ,  onr 

C  c  iiij 


6o^  Qtie/iio»  de  Médecine. 
Je  bonhwur  de  n'en  êcre  pas  incommo- 
dez j  ils  font  exempts  de  tentation ,  parce 
que  ne  fe  fentant  jamais  iiommes ,  ils  ne 
iont  point  expofez  aux  faillies  >  ni  aux 
vivacitez  de  ce  (exe.  Ce  n'eft  pourtant 
pas  que  la  nature  leur  ait  tout  à-.^'ait  mar>- 
cjué  ,  ou  qu'elle  leur  ait  entièrement  re- 
fufé  fes  Faveurs  ,  elle  a  fçu  d'ailleurs  dé« 
dommager  leur  difgrace  *,  elle  en  a  fait 
àQS  Achille  s  y  en  les  rendant  en  quelque 
manière  invulnérables.  Cette  aitenrion 
en  leur  faveur ,  n'eft  pas  la  leule  par  où 
elle  les  diftingue  ,  elle  les  avantage  en- 
core en  ce  qu'étant  des  ambigus  d'hom- 
mes ,  ou  àQS  individus  neutres,  n'étant 
ni  hommes  ni  femmes,  ils  ne  font  point 
en  bute  aux  infultes  de  l'un  ni  de  l'au- 
tre fexe,  §c  n'en  ont  point  les  maladies. 
Mais  brifons  là-delTus  ;  il  deviendroic 
honteux  de  s'expliquer  fur  des  matières, 
que  le  détail  rendroit  obdènes  ,  &  dont 
la  pudeur  ne  permet  que  le  généra).  En 
un  mot  ,  à^^  froids  par  nature  ,  n'étant 
point  expofez  aux  loLilevemens  ,  qu'-i^x- 
citentdans  le  corps  des  paiîions  honteu- 
fes ,  n*ont  point  à  combattre  la  concu- 
pifcence  j  infenfibks  an  piquant  de  la 
volupté ,  ou  aux  éguillons  de  la  chair  > 
ils  ne  font  ni  portez  ,  ni  emportez  au 
penchant  du  plaifir,  ils  nefenccnt  point 
ks  femmes,  La  raifon  ca  eft  renfible^ 


S*il  efl  des  Signes  qui  ajlnrent  &c,  Gôf 
les  organes  qui  font  les  maris  ne  les  tour- 
mentent poinr  \  ces  organes  demeurent 
en  eux  rrnn^uiiles,  négligez,  oubliez^ 
inutiles  -,  <te  ibnc  àz%  pièces  dormantes 
que  rien  ne  remue,  à^s  parties  abattues 
que  rien  ne  relevé  ,  àç.i  indtumens  oififs 
que  rien  n'excite  -,  enBn  des  mafles  lour- 
des &  pefantesque  rien  ne  (oûleve,  que 
rien  ne  déplace  ,  on  ne  met  en  œuvre. 
I  V. 

VOiLA  par  cû  l'on  diflingoe  \ù. 
pîitjUfice  d'un  homme,  à  faucedc 
quoi  ij  eft  déclaré  tnhahle  au  mariage. 
Car  cnhn  ,  qu'ed  ce  qu'un  mari  ':  qu'cfl- 
ce  qu'une  femme  ?  Deux  perfonncs  (dit 
l'Ecriture  )  dans  u/ie  feule  chair,  Qu'cik- 
ce  que  le  mariage  ?  l'union  des  fexcs ,  fé- 
lon la  pnioledu  Créateur  ;/e  mart  (dit  ii) 
s^ttmra  àja  femme»  Voilà  ce  que  la  foi 
uous  apprend  ,  voici  ce  que  la  raifon 
roiis  enfeigne.  L'œuvre  du  mariage  cfî; 
rcL-^.iivcou  dépendante  de  deuxchofc?. 
C'efc  com.me  un  édifice  qui  fe  fait  de 
pièces  d'afTemblage  ,  placées  en  diffé- 
rens  linix  ,  d'où  il  faut  les  rapioclier. 
Le  germe  qui  doit  opérer  cette  produc- 
tion ,  eft  dans  un  endroit  \  l'œuf  d'où 
elle  doit  éclore  ,  efl:  dans  un  autre  ;  tous 
^tv\yi  en  des  réfcrvoirs  différens ,  ce  font 
\^s  fexes.  L'œuf  5  qui  eft  l'ébauche  de  Ta- 
uirnalj  eft  une  petite  mafTc  de  chaii  im- 

C  c  V 


6  i  o        Q^Hefîiort  de  Aiedecine* 
mobile  ,   gillaïue  &  profondément  np- 
chce  dsns  le  corps  de  la  femme.  Léger- 
m-e  (  par  lequel   on   doit  entendre  une 
matière  vivifiante  )  eft  dans  le  corps  de 
l'homme  ,  d'où  il  doit  s'échaper  dans  ce- 
lui de  la  femme,  par  reflFort  qu'il  reçoit 
vers  roEiif ,  qtf  il  eft  obligé  d'aller  cher- 
cher au  loin.  Pour  y  arriver,  il  a  eu  be-' 
foin  d'un   paffage  pour  le  porter  d'u:i 
corps  à  Faiitre  ,  &  aller  animer  cette 
malfc  immobile  ,  ou  la  mettre  en  branle; 
ce  ptiflige  cfl  l'union  des  fexes  ,  (î  nc- 
ceilaire  d'ailleurs  ,  qu'un  mari  décheoit 
de  fi  qualité  ,  s'il  ne  peur  y  ficisfaire  : 
en  effet  l'homme  cfl  dans  cette  aélion 
ie  principal  acteur,  au  lieu  que  la  fem- 
me n'y  eft  qu'en   fécond  \  le  mari  in- 
Hlîc  dans   cette   œ-.îvre  ,  la  femme  ne 
fait    prefque  que  s'y  prêter  ;  celui-là 
fournit  la  caufe  du  mouvement  qui  va 
(e  faire  ,  celle-ci  Ini  donne  la  matière  ; 
i'u:i  envoyé  le  reffort   qui  va  porter  la 
vibration  ,  l'autre  fournir  le  lieu  qui  doit 
le  Io;>er  -,  en  un  mot  l'un  transfère  le 
penâîiîe  qui  va  commencer  VofcUUtion  , 
l'autre  Li  matière  qui  va  s'y  foûmertre  r 
parce  que  l'homme  portant  le  germe  , 
auquel  les  Latins  donnent  le  même  nom 
qu'a  un  pendule  * ,  il  e(l  vrai  de  dire  que 
le  mari  porte  la  caufe  àQS  vibrations  ^  ÔC 
*  Oj^iU  veut  dire  germes. 


^ilefî des  Signes  qui  ajourent  ^c.  ^i  i 
que  ia  femme  lOurnic  Itsiiiftiumens  qui 
doivent  les  continuer.  Ccpendaiu  l'œuf 
ncpoiivant  Te  rendre  vers  ie  gtrme,  pour 
recevoir  fa  fécondation  ,  c'eft  une  nécef- 
Çné  nu  germe  d'aller  trouver  l*œuf.  Il 
arrive  même  quelque  cho(e  de  plus  j  car 
pour  queie  germe  ailac  trouver  l'œuf  ^ 
il  faudroic  que  l'œuf  im  dans  un  endroit 
découvert ,  non  détourne  ,  aifé  à  attein- 
dre ;  mais  au  contraire  il  cft  dans  urj 
lieu  profond  &  reculé  ,  c'eft  pourquoi 
fl  faut  wv>ç-puîfjaKce  dans  l'homme  ,  oit 
une  force  de  rejfort  dans  les  organes  qui 
donne  au  gern^ie  toute  Timpultion  Tuf- 
fi(ancc  pour  pouvoir  atteindre  l'œuf: 
on  CK  pouvoir  atteindre  ,  parce  qu'il 
n'ed  pas  nécedaire  pour  établir  la  puif- 
J9,nc€  de  riîomnre  ,  que  le  germe  attei- 
gne l'œuf  V  un  mari  en  eft  quitte  ,  &  doit 
être  cenfé  avoir  fait  tout  ce  qui  dépend 
de  lui  3  quand  il  a  donné  au  germe  qui 
part  de  fon  corps ,  affez  d'élan  &  de  fail- 
lie ,  pour  atteindre  l'œuf.  Ces  termes  fi  - 
gurez  ^-L  métaphoriques  renferment  l'i- 
dée de  la  puijf^ucce  de  l'homme ,  qui  con- 
irAQ  uniquement  dans  une  direction  con- 
fiante de  convenable  dans  les  organes, 
&  dans  une  force  ftifiSfatJte  de  redort  , 
qui  chaiTe  au  loin  le  fuc  deftiné  à  la  fcî- 
condirion.  Car  enfin  accordanr  à  un 
feomme  cti'ii  n'eft  pas  rcfpcnfable  de  ce 


6  i  2  Q^aeiliôH  de  A'fedectne, 
que  loti  maiiaoe  eft  ians  Finit  j  i!  n\Tt 
point  excufablc,  s'il  lui  cil  impoiîible  de 
faire  ce  qu'il  faut  pour  en  avoir  \  cac 
qu'il  ne  devienne  point  père,  pcur-êcre 
icra-ce  l'effet  de  {on  malheur  ,  maisqu'ii 
ne  piiiife  être  mari ,  ce  ne  peur  être  poui* 
lui  qu'un  (ujet  de  confuiion.  Qiî'il  arri- 
ve, par  exemple  ,  qu'un  œuf  le  trouve 
vicié  dans  le  corps  à'uno:  Femme,  inepte 
à  la  Fécondation  ,  c'eil-àdire  mal  difpo- 
fc  pou?  recevoir  le  germe  _,  les^  (cxts  fc 
joindront  fans  fruits  mais  la  faute  vien- 
dra de  la  part  de  la  Femme  ,  non  de  cel- 
le de  l'organe  qui  lance  le  germe,  ni  du- 
germe  qui  t^t  lancé  ,  pourvu  qu'il  foir 
confiant  que  Yélafiiate  de  l'organe,  fo!i 
attitude  de  U  dirtclion  ayenr  été  tclks  , 
êc  pendant  aulfi  long-rems  qu'il  a  fallu 
pour  affûrer  au  germe  fa  dcftination  ^z 
ia  détermination  vers  la  fécondafion^. 
Car  l'œuFcrant  incapable  de  (e  trauFpor- 
ter,  il  ne  peut  recevoir  de  mouvement 
que  par  la  rencontre  du  germe  ,  qui  vient 
le  heurter,  &  le  mettre  en  branle.  C'efè 
«ne  Ferre  de  choc  qu'opère  la  vtbratta» , 
par  Laquelle  le  germe  com.muniquant  à 
l'œuf  la  détermination  qu'il  a  reçue  de 
l'organe  d'où  il  part  ,  hii  tranfmec  (on 
ftiouvemenr  -,  ainfî  plus  l'œuf  a  de  cifft- 
culté  pour  fortir  de  Fon  repos  &  Fc  le- 
ver de  fa  place  >  plus  la  puiilânce  de 


S'il efi  des  Signes  cjui  ^Jfi4r€)it  zfc  6i^ 
rhomme  doit  s'cicvcr  ëc  s'aceroîrre , 
pour  kiitranfmcftreccmouvcmenr. Tout 
ceci  fait  comprendre  qu'en  montrant  un 
pompeux  attirail  d'organes ,  notables  par 
leur  preftance  ,  fufôiants  par  leur  nom- 
bre ,  diftinguez  par  leur  volume,  c'cft 
prouver  qu'il  ne  manque  ritn  au  (exe 
d'un  homme  i  mais  cela  n'ôre  pas  le  dou- 
te qu'ii  ne  manque  beaucoup  à  la  con- 
dition d'un  mari  ,  laquelle  ne  fe  dé- 
cide pas  par  la  préfence  de  harix  orga- 
nes y  mais  par  les  înarques  effcdiivesde 
leur  action  ;  de-forte  que  des  que  ces  or" 
ganes  fe  font  voir  capables  de  putjjay7ce  ^ 
ou  propres  à  leurs  for.ccions ,  fufTenc- 
ils  e;iiploy.ez  fans  fruit,  un  mari  e(î  pur- 
gé du  ioupçon  d'impfiiftn^ce  ,  parce  qu'it 
a  fair  fon  devoir  •>  au  contraire  ,  ne  pra- 
duifant  qttc  àts  parties  nonchalantes  » 
pueH'eufes  ,  fîa(qucs  >  incapables  de  fs 
remuer  ,  parce  qu'elles  ne  remuèrent  ja- 
mais ,  ce  n'cft  que  dequoi  parer  un/Vi- 
fuijfaKt  ,  ou  l'honorer  d'un  mafque  de 
puifîance.  Le  foupçon  fera  confirme  ,  (i 
cette  prétendue  puilfance  s'éroit  endor- 
mie ou  oubliée  a  c6:c  d*une  jeune  fem- 
me ;  car  chercher  après  ctiic  épreuve 
un  C\gnQ  à'tmpuijjance  moins  équivoque, 
ce  feroit  chercher  le  foleil  en  plein  midu 
Cependant  parce  qu'ii  efl  des  gens  qui 
fê  plaifent  dans  le  dourc  ,  &  qui  aiment 


^14  Qjieftidn  de  Méâsche. 
à  le  boucner  les  yeux  ,  la  marque  fuî* 
vanre  elt  fans  réplique  :  C'eil:  li  ccîcc 
préceridue  femaie  (e  trouvoir  fille nuièj 
(es  noces. L'o-biigera-t-on  à  en  faire  prca- 
veîelle  n'y  employerani  argent  ,  ni  chi« 
canes,  ni  mauvaifes  difficulccz,  la  vihre 
de  fa  perfonne  fera  (a  caution.  Maisccr- 
te  preuve  ,  dira-t-on  ,  cft  une  àt  cespro- 
dudions  imaginaires  d'une  têce  échau'- 
fée  de  Médecin  ,  qui  entreprend  (ur  ce 
qui  ne  fut  jiinais  de  fa  compétence,  fur 
ce  qui  excède  fon  pouvoir ,  &  qui  pafîc 
(es  connoifîances.  La  belle  reiîource  ! 
Comme  fi  on  pouvoir  imaginer  que  àz^ 
Juges  crulfent  avoir  befoin  de  Méde- 
cms  &  de  Chirurgiens  ,  feulement  pour 
en  faire  des  infpecfceurs  ,  leur  donnant 
des  parties  à  compter  ,  à  décrire  &  à 
mcfurer.  Ce  feroit  bien  la  peme  d'em- 
ployer à  ime  œuvre  \\  ba(le,&  à  \v(\^ 
fonârion  (i  aifée  d'habibs  maîtres  &  de 
fçavans  hommes.  Cette  intention  ne  fut 
jamais  celle  Ats  loix  *,  mais  parce  qu'il  e?l 
ordinaire  a  des  hcyinints  i^pfiijfa^ts  par 
figidité  d'être  parfaitement  conformez.  , 
ks  Jages  confukent  à^s  Médecins  pour 
fçâvoir  d'eux  ,  fî  ces  organes  parfaits  à 
la  vue  onr  d'ailleurs  leur  puiflance ,  & 
leur  validité  pour  l'œuvre  du  mariage': 
ce  lï'efl:  donc  pas  pour  juger  d'une  bel- 
le montre  ,  ou  d'une  avantageui!e  leprc- 


S't!  ejl  des  Sigtî^s  ijui  .ifj firent  ^c.  6 1^ 
(enration  à' organes  qu'ils  (ont  appeliez  , 
mais  pour  décider  de  ieui  pmjfance  ,  ÔC 
fixer  leur  valeur. 

V. 

ON  oûf^iffc^  qu'il   efi:  des  confliru- 
rions  parefTcules  &   des  tempéra- 
mens  tardifs.  On  propofe  un  jeu»e  hom- 
me  *  en  qui  les  efpérances  font  belles^ 
fondées  qu'elles  font  fur  la  fleur  d'une 
jc-unelfe  brillance,  (ur  un-corps  frais, &: 
richement  orné  à' organes,  N'eft-ce  pas  la 
de  quoi  (e  tout  promettre  r  Un  jeune 
mari  ainfi  bâti ,  promet- il  peu  en  amour  î 
Y  a-t-il  rien  au  contraiie  ,   dont  on  ne 
doive  (e  flacer  delà  part  d'un  il  brave 
athlète  î  certes  des  efpérances  manquées 
deviendroient  capables  de  retour  dans 
un  (ujet  de  (i   belle  reifource!  Il  faut 
feulement  donner  quelque  chofc  au  rems* 
&  ne  fe  pas  reburer  pour  les  délais  >  ils 
feront  amplement  reparez  dans  la  fuite 
avec  un  peu    de  patience  ;  le  tems  qui 
eft  un  grand  Médecm,  pourra  remédiei 
aux    manqucmens  de  l'âge  ;  \t^  délais 
même  conviennent  en  fait  de  mariage: 
car  cfuel^tie  tjnpatience  cjH'ayent  des  époux 
de  s'unir ,  ils  y  viennent  toitjoHrs  k  tems. 
On  fait  valoir  les  charmes  de  ce  jeune 
homme  ;  mais  on  veut  dans  un  mari  d^s 

*  Voyez  la  Thèfe ,  In  ^Hvsne  conveniemihm . 
&c.  di'ja  ckcc. 


6  i  6  Qjieflion  ds  A^IedectHe» 
attraits  qui  prenneiît  ;  car  U/))y^  ne  pafl 
foie  pas  pour  beau  ,  mais  i!  ë^oit  piiifFant, 
Il  le  deviendra  (dit-on)  avec  l'âge: 
mais  les  vrais  brèves  n  attendent  rte-n  à't 
tems  ,  Ç3  la  vertu  naît  avec  les'  gra,uls- 
hommes.  Mais  enfin  de  grâce  pourquoi 
déiefperer  ce  jeune  homme  l  Pourquoi 
lui  otir  l'efpera*fçe  ,  la  feule  chnfe quinom 
ffiit  iufqud  lu  mort  ?  Hàtez.'VQus  doue 
(  dit  Ariftarcjue,  )  évertuez^-votàs  ^  qu'oyi 
ne  vous  voie  ^ius  fans  rien  faire  \  car  tan^ 
dis  que  vous  Liijferez.  te  monde  en  attente 
de  quelque  chofe  ,  voî4'S  pourriez,  bien  par 
avance  nêtre  rien.  Le  délai  commençant 
donc  a  devenir  pour  voît4  de  mauvai'.e  au^ 
gure  ,  //  vom  convie'rtt  de  faire  underrder 
effort ,  (3  de  vous  exciter  k  finir.  .  .  .  • 
Mais  ce  jeune  homme  n'y  t^i  ^  dir-on, 
point  porté  ,  il  cfl:  infenfible  pour  le» 
femmes,  '\\  ne  fc  foucie  pas  de  devenir 
père.  Oj^il  s'en  fuucieparpoïKt  d'honneur» 
Mais  quel  point  d'honneur,  à  montrer 
^tî  lignes  de  puidancc,  &  à  obliger  une 
tille  à  ic  f^iire  voir  telle  î  Qr^ioi  de  pins 
honteux  ?  Prétextes  ,  excufes  fiivoks  , 
ordinaires  dans  la  bouche  f\<^s  impuiffansi 
ilsfe  piquent  de  pudeur  pour  s'épargner 
la  honte  de  leur  état.  Car  enfin  fera-t  il 
contre  la  pudeur  ,  de  fc  conformer  à 
ce  que  les  Loix  ordonnent  ,  à  ce  que 
k   Religion   permet  ^  à  ce    que  Tufa- 


s* il  efl  des  Signes  e^m  aptrent  &c,  6 1  7 
ge  autorifcf }  N'eft  ce  pas  plûrôr  le  ma- 
riage des  tmpHijjli'f^s^  cjui  eft  une  infamie» 
parce  qu'ils  ne  fçauroir  effayer  d'en  ufec 
fans  crime?  Vous  les  voyez  cependant  ces 
impHijfans ,  mettre  leur  dernière  refîbur- 
ce  dans  la  cohahitatio»  ,  qu'ils  deman- 
dent en  giace  pour  s'éprouver ,  perfua- 
dez  que^la  paflion  pour  les  femmes  fe 
prend  ou  s'accroît  à  leurs  cotez.  Mais 
cet  expédient  qui  réiifTîr  à  ceux  qui  (ont 
capables  pour  le  mariage  ,  tourne  à  la 
conFufîon  de  ceux  qui  (ont  froids  ,  par- 
ce qu'ils  fe  convainquent  par-lâ  déplus 
en  plus  de  leur  indigne  foiblefTe.  Au- 
furplus  peut-on  permettre  à  des  impuij' 
fayjs  un  Sacrement  qu'ils  ne  peuvent  que 
profaner  par  le  crime  d'une  impudicifé 
monflrueufe  ?  La  cohahitution  s'accorde 
pour  eiïayer  des  époux  ,  en  qui  les  paf- 
fions  tardives  fuppofent  «n  germe  de 
puilTance  qui  doir  enfin  éclore  :  mais 
pour  un  jenyie  homme  avar.t  ^igé  d' organe  s , 
autant  qu'on  le  dit  ,  en  cjtti  tout  potijfe 
OH  végète  i  que  Ini  refie-t -  il  qt*  k  éprouver 
ces  organes  dans  le  mariage  f  Délibérer  en 
p.vreii  cas  ,  cefi  manquer  l'cceafmi  ^ per» 
dre  les  heatîx  jours.  L'avis  efl  bon  ,  mais 
à  qui  fcroir  en  puij[(wce  de  l'exécuter. 
Mais  trêve,  fe  recrie-r  on  ,  (ur  ces  preu- 
ves, qu'on  n'en  parle  plus  ,  elles  (oi:e 
criminelles  &  hon^eufe5.  Ce  font  des oeu- 


6iS  Queflion  de  Méâiclne, 
vrcs  de  ténèbres ,  lefqLiels  fembiables  aux 
oifeaux  de  nuit  dirparoifTcnc  au  grand 
jour  ,  ou  que  la  vue  des  hommes  cfni- 
rouche  \  ils  ne  s'accommodenc  que  de 
l'obfcnricé  &  du  fecrer.  On  ajoure  que 
ce  feroit  s'exercer  au  crime  ,  s'exciter  à 
la  pafljon,  &  fe  profiituer  â  l'infamie  j 
enfin  que  ce  feroit  faire  revive  ces  in- 
fimes épreuves  que  le  Barreau  a  fi  fage- 
ment  profcrites.  Certes ,  on  fc  laifîcroiîf 
quafi  prendre  à  ces  apparences  de  pu- 
deur. Mais  pourquoi  trouver  ce  jeune 
homme,  quieft  libien  en  organes, avec 
fi  peu  d'apparence  de  mari  1  Pourquoi 
fauc-il  l'obliger  de  fe  montrer  dansl  at- 
titude qui  arrive  à  ceuK  qui  ne  (ont  poine 
piiàs  ^  C'eft  ,  dit  on  ,  que  ce  feroit  une 
fcélcrateiïe  dans  un  homme  qui  excrce- 
roit  ces  organes  à  l'impudicité.  Aiaisl'oa 
%t\\  tient  à  ce  qu'une  ancienne  coutu- 
me autorife  ,  à  ce  que  TEglife  voit  & 
foviffre  ,  à  ce  que  les  Souverains  Ponti- 
fes permettent,  a  ce  que  !a  néceOité  exi- 
ge. Nécefiité  ?  Oiii  nécefliré  ,  fi  1  on  veut 
préferver  les  mariages  d'infâmes  licen- 
ces ^  ou  d'inutiles  attentats  de  la  part  àt% 
impHifJaas  :  car  fans  la  précaution  d'obli- 
ger à  montrer  des  marques  d'homme, 
on  ne  peut  plus  inquiéter  perfonne  pour 
caufe  d'impuiiïance  ,  il  ne  faudra  plus 
U  deiïus  ni  Loix  ,  ni  Arrêts.  Mais  enfin 


S^îl  îfl  des  Signes  qui  ^ffurent  £^c .  (^19 
fi  l'on  foupçonne  du  crime  dans  l'action 
d*un  homme  qui  montreroit  ces  mar- 
ques*, la  nature  qtii  a  fi  bien  fervi  ce  jeu- 
ne homme  en  organes  ,  manqaeroit- 
clle  â  lui  en  faire  fentir  le  pouvoir  1 
Qti'il  montre  ce  pouvoir  quand  il  eft 
follicité  par  elle  ,  on  le  tienr  quitte. 
Mais  s'il  ne  fe  fent  jamais  follicité  ?  il 
faut  s'en  tenir  à  fon  aveu  ,  il  cfl:  im» 
pHifjant.  Mais  il  fe  fentiroit  follicHé au- 
près d'une  jeune  perfonne  ?  le  mariage 
en  fera  la  preuve.  Mais  fi  la  pauvre  ma- 
riée déchïQ  que  ce  jeune  homm^^  l'a  laif- 
fce  fille  ?  que  dire  d'ailleurs  ^  fi  en 
confcquence  on  trouve  que  ces  organes 
fi  vantez  font  moins  des  organes  que  des 
malTcs  ,  tant  ils  font  abatus  ,  noncha- 
lans,  defœuvrez  ?  Qiie  penfer  encore  , 
fi  cette  mariée  fans  mari,  offre  démon- 
trer en  fa  perfonne  une  marque  incon- 
teflable  que  fon  époux  ne  s'eft  point  ba- 
zarde' delà  rendre  femme  -,  laquelle  mar- 
que fera  l'intégrité  de  fon  corps?  La  pro- 
pofition  vous  choque  ,  vous  aimerez 
mieux  offrir  d'accorder  àl'époufelemê- 
me  voile  de  pudeur  que  vous  avez  de- 
mandé pour  l'époux.  Mais  pourquoi  chi- 
caner ]à-de/Tus?A  quoi  bon  ces  dérours  J 
N'eft-il  point  dts  chofes  honteufcs  que 
la  nécclîiré  aurorifej  Tout  devient  pur  â 
un  cœur  qui  n'tft  pas  corrompu  >  &  tout 


€io  QueJIioH  de  Méâecm:, 
ce  qui  eft  honteux  ,  n'eft  point  impur,  â 
moins  qu'un  efprit  gâté  nes'y  intéreiîe. 
D'ailleurs  ,  eft- ce  d'aujourd'hui  qii*on  a 
cherché  dans  la  vtfite  des  marques  de 
la  fagelîe  des  filles  ?  C'éroit  une  couru* 
me  en  ufage  du  rems  des  premiers  Pères 
de  l'Eglifcdc  vifiter  les  Vierges  Chré- 
tiennes accu(ées  d'impudicité  ,*  <?c  de- 
puis ces  tems  Xinj^eBion  a  été  autorifée 
par  les  Loix.  Vous  criez  à  l'incertitude, 
parce  que  vous  n*en  croîez  nulle  part 
tant  que  dans  ces  fignes  de  fagefTe.  Mais 
c'cft  aimer  à  fc  tromper  -,  ces  iignes  ont 
de  la  certitude,  à  la  manière  des  cho- 
fes  qui  font  certaines  en  Phyfique.  On 
ne  s*y  rapporte  de  la  vérité  d'aucune 
cho(e  à  une  feule  marque ,  auiji  ne  faut- 
il  point  s*atrendre  qu'on  s'en  fie  ici  à  m> 
feul  de  ct%  (îgnes  ,  ou  qu'il  n'y  en  fîit  que 
d*univoques.  On  enramafTe  de  différen- 
tes  fortes  ^  de  la  condition  à^^  pcrfon- 
nes ,  êk^%  circonftances  du  tems ,  du  lien , 
de  leur  conduire  ;  &  du  concours  de 
tous  ces  indices  on  forme  fa  décinon. 
C'en  fera  alîcz  pour  allûrer  le  jugement 
d'une  perfonnc  qui  ne  chercheia  que  la 
vérité.  Il  paroitroit  peut-être  de  Tinccr- 
îitude  dans  une  fille  qui  n'auroit  failli 
qu'une  fois  *,  cependant  en  ce  cas  même 
les  Juges  décident  fur  le  rapport  des 
Experts.  Mais  cette    di&uké   n'aura 


S'il  e fi  des  Signes  qui  affurerit ,  &c,  61 1 
point  lieu  dans  une  femme,  dont  un 
homme  fe  déclarera  le  mari ,  puifqu'un 
commerce  journalier  des  deux  fexes  doit 
abfolument  effacer  jufqu  aux  veftiges  de 
ces  fignes ,  6c  les  dérober  à  la  vue.  Mais 
s'il  n'eft  pas  pofïîble  d'obtenir  cette  vûëj 
s'il  y  a  du  doute  fur  les  organes  du  mari , 
ou  que  leur  puiffance  ne  foit  pas  prou- 
vée ,  par  où  s'alTûrer  qui  eft  fîlle ,  ou  qui 
efl  hom.me  ?  Rien  au  contraire  ne  ca- 
raâ:érife  fî  bien  les  filles.  En  effet  par 
les  preuves  ordinaires  on  n'auroit  ici 
trouvé  qu'une  fîlle  dans  l'un  des  deux 
fexes ,  au  lieu  qu'en  voilà  une  dans  cha- 
cun des  deux  ;  car  cet  époux  ne  peut  fe 
montrer  homme,  cette  époufe  montre- 
ra qu'elle  n'efl  pasfemme;  tirez  la  con- 
féquence ,  ils  font  tous  deux  filles. 

//  ejl  donc  des  Signes  qui  ajjurent  de 
Ufuijjance  des  Hommes ,  autant 
que  le  font  ceux  qui  réfondent  de 
Ufàgejje  des  Filles. 


I