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Full text of "De l'origine et des débuts de l'imprimerie en Europe"

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DE L'ORIGINE 



ET DES DEBUTS 



DE L'IMPRIMERIE 



EN EUROPE. 



A PARIS, CHEZ JULES RENOUARD ET C", 

UBRAlHfiS-éDITECBS ET LIBRAIRES- C01IM1SS10?I!IA1RKS POTR L*ÉTRAlf€ER , 

BBE DE TOCBXOa, S* 6. 

SE TROUYE AUSSI CHEZ L^AlîTEliR, RrE LE PELETIER, jC ib. 



DE L'ORIGINE 

ET DES DÉBUTS 

DE L'IMPRIMERIE 

EN EUROPE, {}]■,■; 

PAR AUG. BERNARD, 

lIlHBltE SB LA JOCIËTÉ DES ANTIQUAIRES DE FRANCE. 

DEUXIÈME PABTIE. 



PARIS. 



IMPRIME PAR AUTORISATION DE L'EMPEREUR 

4 L'IMPRIMERIE IMPÉRIALE. 

MDCCC LUI. 



AVANT-PROPOS. 



Dans ia première partie de ce travail , j'ai fait con- 
naître les difiPérentes phases de l'invention de Tim- 
primerie. Il me reste à raconter maintenant de quelle 
manière cet art se propagea dès les premières années 
de la découverte : c'est ce qui fera Tobjet de cette 
seconde partie. On y verra que l'imprimerie envahit 
presque aussitôt les principales villes de chaque na- 
tion de l'Europe occidentale , d'où elle se répandit 
ensuite ) comme les rayons du soleil, sur toutes les 
autres villes d'im même état. Cette circonstance m*a 
conduit à procéder dans mon récit , non pas par villes 
isolées , mais par groupes nationaux. Quant à la com- 
position de ces groupes, elle m'était tout naturd- 
lement indiquée par les grandes divisions géogra- 
phiques qui existaient en Europe au xv^ siècle , en 
prenant pour indice de la nationalité la langue et les 
rapports qu'elle étabtit entre les populations. Ainsi 
j'ai rangé sous le nom générique à^ Allemagne : Co- 



II. 



II AVANTPROPOS. 

logne , qui est une ville prussienne ; Strasbourg , qui 
est une ville française ; Bâle, qui est une ville suisse. 
J'ai mis dans ¥ Italie : Venise , qui est ime ville autri- 
chienne ; Turin , qui est une ville piémontaise ; Napies 
et la Sicile , qui sont aujourd'hui indépendantes de 
Rome. Dans la France, j'ai mis Bruges et la Belgique, 
dont le centre n'était pas alors Bruxelles, qui n'avait à 
cette époque aucune prééminence politique; j'y aurais 
mis Genève et Chambéry même, si ces villes n'avaient 
été initiées à l'art typographique quelques années 
trop tard pour trouver place dans le cadre de mon 
livre. Bruges, Genève et Qiambéry étaient alors tel- 
lement françaises, que leurs premiers imprimeurs 
n'ont mis au jour que des livres français (si j'en 
excepte toutefois quelques ouvrages en latin, qui 
était alors la langue universelle ) , et que la première 
de ces villes en a même produit avant aucune autre 
de France, Paris compris, ainsi qu'on le verra. Il 
était impossible , ce me semble , de procéder autre- 
ment, à moins de faire un chapitre spécial pour 
chaque province, et* à ce compte Lyon même nau- 
. rait pas été dans la France. . . Au xv* siècle, Bruges 
et Louvain étaient des villes aussi françaises que 
Dijon, par exemple ; car, outre qu'elles ressortissaient 
féodalement à la France , elles étaient placées alors 
sous l'autorité d'un prince français d'origine et de 



AVANT-PROPOS. m 

oœur, le duc de Bourgogne. Je ne pouvais, sans me 
rendre coupable d^un anachronisme impardonnable, 
faire un chapitre intitulé Belgique, l'état tout poli- 
ticpie qui porte ce nom ne datant que d'hier. Je ne 
pouvais non plus le ranger sous le titre général de 
Pays-Bas, car ces deux mots n'ont jamais désigné 
réeUement un corps de nation, mais une agglomé- 
ration jdus ou moins considérable de provinces. . . 
J'ai même été tenté un moment de me placer uni* 
quement au point de vue historique , et de revendi- 
quer pour la France tout le territoire de l'ancienne 
Gaule , c'est-à-dire cette magnifique portion de l'Eu- 
rope qui est limitée à l'ouest par l'Océan, au midi 
par les Pyrénées et la Méditerranée, à l'est et au 
nord par les Alpes et le Rhin. En plaçant ainsi dans 
la France Strasbourg , Mayence et les Pays-Bas , j'au- 
rais peut-être rendu plus facile l'accord des préten- 
tions diverses relatives à l'origine de l'imprimerie ^ . . 
Mais j'ai craint qu'on ne m'accusât de faire de la po- 
litique , en rappelant un état de choses détruit de- 
puis un demi-siècle, et j'ai mieux aimé perdre Stras- 
bourg que de revendiquer des villes dont on me 

' Ou la France , en effet , a le droit de revendiquer la gloire des 
Pays-Bas et de Mayence , ou elle n*a pas le droit de revendiquer 
celle de T Alsace, car ces provinces sont dans la même situation 
à son égard. 



IV AVANT-PROPOS. 

contesterait la nationalité. Même privée de ses an- 
nexes naturelles, la France joue un assez beau rôle 
dans les débuts de Tart pour n avoir rien à envier 
aux pays voisins. On peut voir, en effet, dans les 
fac-similé de pièces, que le plus ancien document 
qui fasse mention de Timprimerie est en français : 
les autres pièces sont en latin, mais appartiennent 
à la France ^ Au surplus, mon récit lui-même jus- 
tifiera, je Tespère, le système que j'ai adopté. 

Pbris, le 16 novembre 1 85 1. 



^ L*une de ces pièces est à Genève ; mais pour moi la patrie de 
Rousseau est française , et d'ailleurs ce document a été rédigé à 
Paris même et par un Français. 



DE L'ORIGINE 



ET DES DEBUTS 



DE L'IMPRIMERIE 



EN EUROPE. 



a«BB=^BS3i^^ss:^sa^x^B=aB==ass«s3SESBaBs:sasss|SBS9s^ 



■ »i - >i I. — T jg 



DEUXIEME PARTIE. 

DE LA PROPAGATION ET DES PREMIERS PROPAGATEURS 

DE L'IMPRIMERIE. 



CHAPITRE PREMIER. 

ALLEMAGNE. I^54-l48o. 

De même qu on a Irop retarde jusqu'ici Tëpoque de la 
première pratique de i art typographique , de même aussi 
on a trop retardé Tépoque de sa propagation en Europe. 
Quoi qu'aient avancé Jean Schoiffer d'abord et plusieurs 
autres écrivains d'après lui, il est certain que, longtemps 
avant la prise de Mayence , en octobre 1462, par l'arche- 
vêque Adolphe de Nassau, quelques imprimeurs avaient 
déjà exercé leur art hors de cette vflle. Je ne nie pas qu'à 
partir de cet événement la diffusion n'ait été plus rapide; 
II. I 



2 DE L'ORIGINE DE LIMPBIMERIE. 

mais je crois qu'il ne fiit pour rien en lui-même dans la 
propagation , qui devait s'opérer naturellement vers cette 
époque. En effet , il n'est pas rationnel de penser que les 
ouvriers auxquels les premier» imprimeurs étaient forcés 
d'avoir recours , comme nous l'apprend Trithème ^ , se 
fussent condamnés à travailler toujours chez les autres, 
n devait venir un moment où ils songeraient à exploiter 
l'art pour eux-mêmes. On a prétendu qu'ils étaient liés 
par un serment , et ne pouvaient s'établir à leur jpropre 
compte. Je crois qu'on s'est mépris sur le but de ce pré- 
tendu serment, dont on ne connaît nî les termes ni l'ob- 
jet précis, et qui d'ailleurs n'aurait été qu'un bien faible 
obstacle à l'intérêt individuel. Si j'en juge par d'autres 
documents du même genre , que j'aurai occasion de citer 
plus loin , ce serment devait défendre seulement aux ou- 
vriers de révéler les procédés d'exécution ; or, en s'établis- 
sant, ils pouvaient le respecter, ils le devaient même dans 
leur intérêt. Au surplus , les conditions du contrat , quel 
qu'il fiit, se trouvèrent bien changées lorsqu'après le pro- 
cès de i455, Fust, d'un côté, et Gute^berg, de l'autre, 
eurent chacun un atelier. Si le premier crut devoir lier 
ses ouvriers par un serment , rien ne prouve que le 4er^ 
nier, dont l'esprit élevé ne devait pas tenir à ces petites 
ruses industrielles , et qui d'ailleurs n avait plu« intérêt à 
cacher un art dont il ne possédait plus seul le secret, ait 
agi de la même manière. Sans parier de 1 école costérienne, 
qui pratiquait l'imprimerie d'une manière imparfaite , il 

* Voyci 1. 1, p. 296 et 3o8. 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE I. 3 

est vrai , mais qui ne devait pas tarder à se transformer à 
la vue des nouveaux produits de la typographie guten- 
bei^enne, il y avait encore toute une dasse d*artisans 
déjà sur la voie de cette découverte, qui durent s ingénier 
à la réaliser par eux-mêmes, dès qu'elle eut été révélée 
au monde par les souscriptions du Psautier et des autres 
livres de cette époque. Ces artisans étaient les imagiers 
sur bois et sur cuivre, et les imprimeurs en xylographie, 
déjà familiers avec ce genre de travail, et pourvus de 
plusieurs des instruments nécessaires au nouvel art. 

Quoi qu'il en soit, il est certain qu'avant même la sé- 
paration de Fust et de Gutenherg, il y avait déjà un et 
peut-être deux ateliers d'imjmmerie en dehors du leur, 
exécutant d'après le nouveau procédé : c'est ce que je 
crois avoir démontré dans le chapitre IV de la première 
partie de ce livre, en parlant des Lettres d'indulgences 
de 1 454-55. J'ai signalé, en e£Fet, trois éditions au moins 
de ces Lettres imprimées avec des caractères tout à fait 
différents de ceux de Gutenherg. J'ai même dit qu'on 
pourrait contester à ce dernier les deux autres éditions , 
où Ton trouve le caractère gothique qui ressemble à celui 
de la Bible de k'^ lignes, parce qu'on ne peut pas afiir* 
mer l'identité de ce caractère avec cdui de Gutenherg , 
et parce qu'on voit paraître dans les éditions des Lettres 
d'indulgences de 3o lignes un petit caractère rond dont 
Gutenherg n'a fait usage dans aucun livre connu. Toute* 
fois, comme on ne connaît également aucun autre artiste 
qui ait employé ce petit caractère , on ne peut faire de 



1 . 



4 DE LORIGINE DE LIMPRIMERIE. 

cette absence de preuves un argument përemptoire contre 
rhypothèse qui attribue à Gutenbei^ Timpression de ces 
deux éditions. Aussi m*en tiendrai-je à ma première propo- 
sition, qui est incontestable, à savoir, qu'il y avait en 1 4 5 ^ , 
sinon plus tôt , une imprimerie parfaitement organisée , 
et exécutant ses travaux par le procédé de Gutenberg, 
en dehors de lui. 

Où était cette imprimerie? G est ce qu'il est impos- 
sible de dire positivement dans Tétat actuel des choses. 
Cependant, il y a toiit lieu de croire quelle se trouvait à 
Mayence, comme j'espère le démontrer plus loin en par- 
lant d'un artiste étranger à cette ville , auquel on a attri- 
bué à tort, suivant moi, les Lettres d'indulgences ayant 
le plus gros caractère gothique. 

Mais auparavant il convient de parler de quelques im- 
primeurs qui ont exercé à Mayence avant i /I62 , et dont 
les noms et les travaux sont plus connus. 

S 1 . Mayence et Eltvil. 

Parmi les livres qu'on a attribués à Gutenberg , le plus 
célèbre, sans contredit, est certainement le CathoUcon 
de i46o, dont j'ai déjà dit un mot. Ce livre singulier, 
écrit par Jean de Gênes, et qui se compose d'une gram- 
maire et d'un dictionnaire latins, fort curieux pour l'é- 
poque^, forme un gros volume in-folio de 874 feuillets 
ou 7 4 8 pages à deux colonnes de 6 6 lignes chacune . C'est , 

* Ce dictionnaire est surtout remarquable par la manière dont les mots 
y sont définis. 



1 



DEUXIEME PARTIE. —CHAPITRE I. 6 

à proprement parier, le premier ouvrage purement litté- 
raire c[a on ait publié. Le livre commence au recto du pre- 
mier feuillet par le sommaire suivant , qui est imprimé 
en rouge dans quelques exemplaires, et manuscrit dans 
d'autres : 

Incipit Summa que vocatur CathoUcon, édita a fratre Johanne 
de Janua , ordinis fratrum predicatorum. 

Au recto de lavant-dernier feuillet, seconde colonne, 
on lit une souscription chargée d'abréviations, qui peut 
être restituée ainsi : 

Altissimi presidio, cujus nutu infantium lingue fiunt diserte, 
quique nûo ' sepe parvulis révélât quod sapientibus celât , hic liber 
égregius Catholicon, dominice Incamacionis annis M cccc lx, 
abna in urbe Maguntina, nacionis indite Germanice, quam Dei 
demencia tam alto ingenii lumine donoque gratuito ceteris terra- 
mm nacionibus preferre iUustrareque dignatus est, non calami, 
stiU , aut penne suflfragio . sed mira patronarum formarumque con- 
cordia, proporcione etmodulo, impressus atque confectus est. 

Hinc tibi sancte pater nato cum fiamine sacro 
Laus et honor Domino trino tribuatur et uno , 
Ecdesie laude hbro hoc catholice plaude 
Qui laudare piam semper non linque Mariam. 

DEO GRACIAS. 

On n a pas manqué de faire une foule de raisonne- 
ments poiu* prouver que cette souscription mystique ne 
pouvait être que de Gutenbei^, qui, en sa qualité de 

* On a longuement disserté sur la restitution de ce mot abrégé ; mais 
le mot de numéro, n offrant aucune difficulté , doit être préféré à tout autre 
[nmnerosmpe pour sœpenamero). 



6 DE L ORIGINE DE LIMPRIMERIE. 

gentilhomme, ne voulait pas mettre son nom sur les 
livres qu'il imprimait. C est à Taide de ce procédé 001x17 
mode qu'on explique Tabsence de souscriptions plus pré- 
cises sur tous les livres qu'on lui attribue. Cette façon de 
rendre compte des choses est bien simple, mais peu con- 
cluante. Pour ce qui est du CatJiolicon en particulier, je 
soutiens qu'elle est inadmissible , et je fonde mon opinion 
sur un fait incontestable : c'est que le caractère du Catho- 
licon a été employé par un autre imprimeur que Guten- 
berg, et du temps même de ce dernier. Cet imprimeur est 
Henri Bechtermuntze , qui était établi à Eltvil ou Ëlfeld 
(AltaviLld!\y près de Mayence, en 1 467. On a prétendu expli- 
quer ce fait en disant que Homery, le détenteur de l'im- 
primerie de Gutenbei^ , après la mort de ce dernier, avait 
vendu cette imprimerie à Bechtermuntze ; mais à cette 
hypothèse je fais deux objections principales : la pre- 
mière, c'est que Bechtermuntze imprimait en 1 466, et 
qpie Homery était encore détenteur de l'atelier typogra- 
phique de Gutenberg en i468; la seconde, c'est que 
Bechtermuntze était établi à Ëltvil^ et que dans l'acte 
déjà invoqué on voit qu'il avait été prescrit à Homery de 
vendre cet atelier à un bourgeois de Mayence de préfé- 
rence à toute autre personne. Ce n'est pas répondre que 
de dire avec la Sema Santander qu'Eltvil, étant le lieu 
de résidence de l'archevêque de Mayence , jouissait des 
mêmes droits et privilèges que cette ville ^; car nous 
voyons, par la déclaration de Homery, que l'imprimerie 

^ La Serna Santander, Dict, hibliogr. 1. 1* p. 90-91. 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE I. 7 

de Gutenberg était encore à Mayence en i &68 , et nous 
avons la preuve qu*Henri Beditermuntze et son frère 
Nicolas ont imprime avec les caractères du Cathoticon 
avant et après cette dernière date, c est-à-dire en 1467 
et en 1 469. 

Voici , au reste , cominent la Sema Santander résout 
la question : « Nicolas Bechtermuntze réimprima à El- 
feld en 1^69 le Vocahnlariam ex quo^, qui y avait déjà 
paru en 1 467. Les caractères employés dans ces deux 
éditions sont exactement les mêmes qui ont servi à fim- 
pression du fameux Cathoticon Jokartnis de Janue vel de 
Balbis, de 1 46o, dont ce Vocahulariam ex quo contient des 
extraits , ainsi qu une grande partie de la souscription , ce 
qui démontre victorieusement que le susdit Catholican, 
imprimé à Mayence, sans nom d*imprimeur, en i46o, 
est sorti de 1 atelier typographique de J. Gutenberg^. » 

J avoue ne pas comprendre la suite de ce raisonne* 
ment. Je ne vois pas comment il peut être victorieme- 
ment prouvé que le CalhoUcon a été imprimé dans late- 
iier de Gutenbei^, par la raison que les caractères qui 
ont servi à exécuter ce livre se trouvaient plus tard en 
la possession d*un autre artiste qui employait également 
la même souscription ' 

 la vérité , tous les partisans de Gutenberg ne sont 

* Ce livre est ainsi appelé parce qu*ii commence par les mots ex quo. 

* La Sema Santander, Dieu hibliogr. 1. 1, p. 91, note. 

' rajouterai que la souscription du CathoUcon ne fait nnliement allusion 
am premiers travaux de Gutenberg, ce qui ne serait pas naturel si die 
était de ce dernier. 



8 DE L ORIGINE DE LIMPRIMERIË. 

pas aussi sûrs de leur fait que Santander. Plusieurs se 
contentent de dire que Gutenbei^ avait peut-être prêté 
avant sa mort à Bechtermuntze, Tun de ses élèves, les 
caractères du CathoUcon, dont celui-ci se rendit ensuite 
acquéreur. Mais cette hypothèse n est pas plus admis- 
sible que lautre , car il n est pas probable que Bechter- 
muntze fût allé s établir à Ëltvil pour imprimer avec des 
caractères qu'on lui eût prêtés à Mayence. 

Van Praet^ a émis une opinion particulière pour ex- 
pliquer la possession des prétendus caractères de Guteii- 
berg par Bechtermuntze. D suppose que cet imprimeur 
aurait hérité de fimprimerie de Gutenberg à titre de 
proche parent. Il paraîtrait en effet qu'une demoiselle Else 
Bechtermimtze avait épousé , en 1 464 , un membre de la 
famille Soi^enloch de Mayence 2, doù était issu, comme 
on sait, Gutenberg; mais cela ne peut expliquer le fait 
qui nous occupe. Ce n est évidemment pas comme héri- 
tier que Bechtermuntze possédait les caractères du Catho- 
Ikon, puisqu'il s'en servait avant la mort de Gutenberg, 
ou tout au moins alors que Homery était encore déten- 
teur de l'atelier que celui-ci avait laissé. 

On le voit, il est impossible d'expliquer d'une manière 
satisfaisante la possession des caractères du CathoUcon 
par Bechtermuntze , tant qu'on persistera à attribuer à 

^ Vélins du roi, t. IV, p. 1 7. 

^ Voyez l'ouvrage publié par Bodmann sous le titre de Rheingaaiscke 
Àlterthûmer (Mayence, 1819, m-h"), oh Ton trouve (p. i34 à i36) quelques 
renseignements sur la famille Bechtermuntze. 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE I. 9 

Gutenbei^ Timpression de ce livre. Pour moi , je n hé- 
site pas un seul instant à repousser cette attribution. Je 
pense que le CathoUcon a été imprimé par f artiste au- 
quel nous devons ie Vocahalarium ex quo de 1 667, c'est-à- 
dire par Henri Bechtermuntze. Je crois que cet impri- 
meur était un des élèves de Gutenberg, et qu'il s'établit de 
fort bonne heure à Mayence , d'où il transporta ensuite 
son imprimerie à Eïtvil. A quelle époque Bechtermuntze 
s établit-ii à Mayence ? Cest ce qu'il est difficile de déter- 
miner; mais on peut facilement, il me semble, faire re- 
monter son établissement à deux ans avant la date du Car 
ihoUcon; car il lui fallait au moins ce temps-là pour graver 
et fondre son caractère, le plus petit qu'on eût encore 
vu (il est moins fort que le n^ 1 de Schoiffer, n'ayant que 
dix points et demi environ) , et imprimer un livre aussi 
considérable. 

Comme ce livre est, suivant l'usage, divisé par cahiers 
de 5 feuilles ou a o pages , à deux colonnes , ayant chacune 
66 lignes de ào lettres environ, on ne peut pas évaluer à 
moins de 3oo,ooo le nombre des caractères fondus pour 
cette édition, car chaque cahier en demandait plus de 
100,000, et il fallait- pouvoir établir en même temps 
trois cahiers pour faire marcher l'impression un peu 
rapidement, un sous presse, un en épreuve, et un en com- 
position ou en distribution. 

L'ouvrage est d'une exécution fort remarquable. Le 
premier sommaire, qui seul est imprimé en rouge, et 
encore pas dans tous les exemplaires, se relie à des or- 



10 DE LORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

nements assez gracieux qui remplissent toute la marge 
gauche de ia première page, Bechtermuntee alliait ainsi 
la manière sërère de Gutenbei^ au^ procédés artistiques 
de Schoiffer, qui, comme nous l'avons vu, se distingue 
du premier par le côté pittoresque de ses éditions. 

En 1 465, un exemplaire, probablement en vélin, de ce 
beau livre fut vendu au monastère de Sainte-Marie d'Aï- 
tenboui^ 4 1 écus^ ; dix ans après, c est-à-dire en 1 4 76; 
ce même livre n'était plus vendu que 1 3 écus^, tant la 
concurrence avait déjà pris de développement et fait bais- 
ser les prix des livres imprimés! Cela se conçoit: dansées 
dix ans l'imprimerie s'était établie dans toutes les villes 
importantes d'Europe, et quelques-unes, comme Rome et 
Venise, comptaient déjà jusqu'à vingt ateliers distincts! 

C'est sans doute pour se soustraire à la concurrence 
que Bechtennuntze transporta ses pénates à Eltvil; car il 
devait y avoir alors au moins deux autres imprimeries à 
Mayence , celle de Schoiffer et celle de Gutenberg. 

M. Fischer nous a fait connaître un monument fort 
curieux de l'imprimerie de Bechtennuntze, imprimé pro> 
bablement à Mayence comme le CaihoUcon, dont il nous 
o£Bre les types. C'est un fragment d'une petite formule 
rappelant des Lettres d'indulgences accordées par le pape 
Pie n, pour la réparation de l'église d'une localité d'Al- 
lemagne du nom de Nuhusen (Neuhausen). Cette for- 

^ Meerman, t. II, p. gS, note. • Scilicet XLi antiquis seiagenb. iVan Praet« 
Catal, in-fol. p. 43. 

' Lambinet, Origine de rimprimerU, 1. 1, p. ^09. 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE I. Il 

mule, rédigée probabiemjNit à Worms, est signée des 
noms de Reinfaard , évêque de cette ville , et deRoddphe, 
doyen du chapitre ; ainsi c'est un monument tout à la fois 
typographique et historique. Le fragment imique décrit 
par M. Fischer est un petit morceau de parchemin de 
huit centimètres sur quatorze , trouvé par lui sur la cou- 
verture d*un livre à Mayence ^, et déposé dans la biblio- 
thèque du comte Razomowski, à Moscou^. Depuis la 
vente de cette bibliothèque, on ignore ce que ce frag- 
ment est devenu. Ce motif m*a engagé à en donner ici le 
fac-similé, d'après la planche qu'en a fait faire M. Fischer', 
et qu'il a bien voulu m'envoyer de Moscou. 

B est difficile de fixer d'une manière précise l'époque 
de l'installation de Henri Bechtermuntze à Eitvil ; mais 
il est certain qu'il s'y trouvait en i A66 , puisque son frère 
Nicolas y termina l'année suivante un livre dont la mort 
n'avait pas permis à Henri d'achever l'impression. Ce 
livre est le vocabulaire appelé Vocahularium ex qao. 

Ce nouvel ouvrage n'est pas moins curieux que le Ca- 
tkoUcon, et il est beaucoup plus rare, puisqu'on n'en 

^ CcBt ce que m*a écrit ce vénérable savant dans une lettre datée de 
Moscou, le 39 janvier (10 février) i85i. Toutefois je crois qu*il a fait 
confusion, car il dit, page 90 de son Essai, que : «la Lettre d'indul- 
gences de 1 46 1 [a été] découverte par Zapf au couvent de Furstenfeidt » 

' Elle est décrite dans un autre livre de M. Fischer, sans nom d'auteur, 
intitulé : Notice des monuments typographiques qui se trouvent dans la hihlio- 
tkèque de S. E, M, le comte Razomowski (Moscou, in-8% 1810) , p. 1 1 , n"* 4- 

^ Cette planche n*a Gguré jusqu ici que dans une petite brochure écrite 
par M. Fischer à l'occasion de l'érection de la statue de Gntenberg à Mayence, 
et cette brochure, écrite en allemand , est tout à fait inconnue en France. 



12 DE L ORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

connaît quun exemplaire, qui se trouve à la Biblio- 
thèque nationale de Paris : c'est un volume in-quarto, en 
papier, divisé en cahiers de dix feuillets (ou deux feuilles 
et demie), sauf le premier, c[ui avait douze feuillets, 
mais qui nen a plus que onze, le premier, qui portait 
sans doute un titre , n existant plus. C est une idée assez 
singulière que celle de diviser un in-quarto par cahiers 
de vingt pages; mais c'était un usage emprunté aux in* 
folio : cela nécessitait une combinaison particulière pour 
l'imposition et le tirage. Ce dernier se faisait sans doute 
par forme , de sorte qu'on devait couper et séparer les 
feuilles, au lieu de les plier seulement, de manière à 
en former de doubles feuillets immédiatement. Gela de- 
vait être , au reste , plus commode que l'usage ordinaire, 
surtout pour le vélin , que le couteau de la plieuse n'au- 
rait pu entamer. 

Le Vocabularium ex quo se termine par la souscription 
latine suivante, à la fin de laquelle nous retrouvons trois 
des vers insérés dans celle du Catholicoh : 

Presens hoc opusculam non stili aut penne sufFragio , sed nova 
artificiosaque invencione quadam, ad eusebiam Dei, industrie per 
Henricum Bêchtermuncze pie memorie in Aitavilia est inchoa- 
tum, et demum sub anno Domini m. gggg. lxvii. ipso die Leonardi 
confessons , qui fiiit quarta die mensis Novembris, per Nycolaum 
Bêchtermuncze , fratrem dicti Henrici , et Wygandum Spyess , de 
Orthenberg, est consummatum. 

Hinc tibi sancte pater nato cum flamine sacro 
Laus et honor Domino trino tribuatur et uno, 
Qui laudare piam semper non linque Mariam. 



^ 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE I. 13 

Le mot opasculam, que j*ai mis en italique dans la sous- 
cription qui précède, n est pas parfaitement exact, car ce 
volume renferme 1 6 5 feuillets; mais, comparé aux énormes 
in-folio auxquels on était habitué alors, il peut bien pas- 
ser pour un opuscule. Nous avons vu déjà que ce même 
mot avait été employé d une manière encore bien plus 
impropre, cinq années avant, par Schoiffer, pour dési- 
gner sa Bible de i ^62 , qui se compose de deux gros vo- 
lumes in-folio. 

On voit que c* est Nicolas Becht^rmuntze qui a achevé 
le livre commencé par son frère Henri. Toutefois Nico- 
las ne me semble être ici que l'héritier de Timprimerie. 
Je crois que le véritable imprimeur de ce livre est l'as- 
socié de Nicolas, et probablement aussi celui de Henri, 
c est-à-dire Wygand Spyess^ 

Quoi qu'il en soit, Nicolas réimprima trois autres fois 
ce même livre, en 1469, 1472 et lAyy. L'édition de 
1^69, la plus intéressante pour nous, parce qu'elle est 
imprimée avec le même caractère et dans le même for- 
mat que celle de 1467, porte une souscription sem- 
blable , à la différence seulement de la date et du nom 
de l'imprimeur : 

Presens hoc opusculum , etc, industrie per Nicolaum Bechter- 
muntze in Eltvil est consummatum, sub anno Domini m. gggg. lxix , 
ipse (sic) die sancti Bonifacii, qui (iiit quinta die mensis Junii. 

On connaît plusieurs autres ouvrages exécutés avec ce 

^ Voyes page 1 36 du livre de Bodmann cité à la page 8 , note 3 , quel- 
ques renseignements sur Spyess. 



14 DE LORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

même caractère , et probablement par le même impri- 
meur, mais sans date , sans nom de lien ni d'imprimeur. 

Le premier est un petit trwté de saint Thmnas d'A- 
quin, intitulé Samma de articnUs fidei, la feuillets in- 
(piarto de 36 lignes longues à la page, a Le papier, avec 
la tête de bœuf, portant la moitié d'une étoile, est fort, 
mais un peu jaunâtre. Cette impression a été connue de 
Denis, Zapf et Seemilier. Le dernier se trompe quand 
il annonce Tannée ik'jo comme la date de ce livre, qui 
sans doute a paru avant i &6o ^. » 

Le second, de Matbieu de Cracovia, est intitulé : Tracta- 
tas racionis etconsciencie, a 2 feuillets in-quarto de 3 o lignes 
longues à la page^. Papier à la tête de bœuf. 

D'après Van Praet , l'im des deux exemplaires de ce 
dernier opuscule que possède la Bibliothèque nationale 
est enrichi d une très-intéressante souscription , malheu- 
reusement rognée en partie par la maladresse dun re- 
lieur; elle porte : «Per duos sextenos accomidavit mihi 
«Henricus Keppfer de Maguncia; nunquam revenit ut 

* Fischer, Essai, etc. p. 88. 

' Bechtermuntze est probablement aussi Timprimeur d*une autre édition 
de ce livre, exécutée avec le caractère qui paraît dans Tédition du Vocahu- 
larium esç quo de 1 472. G^est une espèce de cicéro se rapprochant fort, par 
la forme, des caractères de Schoiffer. Le livre en question se compose de 1 2 
feuillets de 35 lignes à la page. Quant au Vocahulœnam de 1472, il est di- 
visé , non plus par cahiers de 10 feuillets, mais par cahiers alternatifs de 12 
et de 8 feuillets, ce qui revient au même, mais ce qui est beaucoup plus ty- 
pographique, quoique moins régulier. En effet, dans le premier cas, chaque 
cahier était composé de deux feuilles et àende; dans le second , de trois et 
de deux feuilles alternativement. 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE I. 15 

tt reaceiperetur, quare. . .K » En ârançais : a Henri Keppfer, 
de Mayence, ma prêté ce livre pour douze jours; il n est 
pas revenu pour le reprendre , c'est pourquoi , etc. » On 
sait que ce Keppfer ou Keffer est un des ouvriers de 
Gutenberg, et qu'il comparut comme témoin dans son 
procès de 1 455, à Mayence. Ne pourrait-on pas conclure 
de la note rappelée ici que KefiGer fut d'abord associé 
aux tiravauK de Henri Beditermuntse , avec lequel il au* 
rait imprimé le petit livret en question ? Ce qu'il y a de 
certain , c'est que cet artiste s'associa plus tard à Jean 
Sensenschmidt , avec lequel il exerça la profession d'im- 
primeur, vers 1 &70, à Niu*emberg, comme nous aurons 
occasion de le voir plus loin. 

Nous avons déjà vu un autre élève de Gutenberg 
qui exerça du vivant de ce dernier à Mayence même, 
c'est Nummeister, qui parait avoir été associé à son 
maître après le procès de i455, et qui alla s'établir en- 
suite en Italie. Nous en reparlerons aussi plus loin. 

Quelques auteurs nomment encore , parmi les élèves 
de Gutenberg qui auraient exercé de son temps, Jean 

^ Je suis obiiçé de m*en rapporter ici à ce qa*a écrit Van Praet [CataL 
in-foi. p. 33) ; car on n*a pu me n^ontrer ce livre à la Bibliothèque nationale. 
Je le regrette d^autant plus vivement que la restitution donnée par Van 
Praet n'est pas très-claire. Peut-être faut-il lire septenos au lieu de sextenos, 
qui ne se trouve dans aucun vocabulaire? Alors on pourrait traduire deux 
semaines au lieu de àouisjovan, ce qui serait plus natureL J'ai cru devoir 
rendre par r^acçip^retar le mot inintelligible de reaQopet, qu on iit dans 
Touvrage de Van Praet, avec indication de deQx abréviations Tune aup« 
l'autre au t. 



16 DE LORIGINE DE ^IMPRIMERIE. 

Meydenbach ou de Meydenbach (Meydenbachias). On dit 
même que cet artiste aida Gutenberg à graver des ca- 
ractères de bois, et qu'il fit partie de l'association de ce 
dernier avec Fust. Mais on ne sait rien de ce Jean de 
Meydenbach, qu'on a peut-être confondu avec Jacques 
Meydenbach, imprimeur à Mayence en i&Qi. Quanta 
ce dernier, qui avait alors poiu* confrères Frédéric Misch 
et Pierre de Friedbei^ , il exerçait son art avec des carac- 
tères très-remarquables, qui lui étaient propres, comme 
il nous l'apprend dans la souscription suivante d'une édi- 
tion de ÏHortas sanitatis ou Herbarius , in-folio , avec gra- 
vures , qu'il publia cette année même : 

Quem quidam librum omni diligentia collectum et elabora- 
tum intelligibili caractère propriis impensis Jacobus Meydenbach, 
civis Moguntinus , luculentissîme impressit. . . Impressum est au- 
tem hoc ipsum in inclita civitate Moguntina. . . in qua. . . ara ac 
scîentia hec subtilissima caracterizandi seu imprimendi fuit pri- 
mum inventa, anno salutis, etc.. 

Outre les imprimeurs de Mayence que je viens de 
faire connaître, il y eut encore de fort bonne heure, 
dans les environs de cette ville , un atelier typographique, 
celui des frères de la Vie commune de Marienthal , en 
Rhingau^ autrement dit le Val-Sainte-Marie dans le pays 
du Rhin. C'est de là que sortit la première édition d'un 

' Rhingau ou Rheingau est le nom qu*oii donne au territoire environ- 
nant Mayence, d*où vient le titre de Rhingrave attribué autrefois à un 
des magistrats de cette ville , et que nous avons vu figurer dans un acte 
de i468. (Voyez t. T,p. a6o.) 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE I. ; 17 

petit in-folio sans nom d'imprimeur, sans date et sans 
nom de lieu, intitulé Copia indulgentiaram de institatione 
festi presentationis beatœ Mariœ per dominnm Adolphwn, 
archiepiscopum Moguntinum, concessarum. La date porte : 
uDatum in civitate nostra Moguntina, dk penultima 
«mensis Augusti, anno (i468). » Puis : «Lecte fuerunt 
« présentes littere in generali sinodo sancta , die M ercu- 
«rii et ultima (3i) mensis Augusti, anno (1&68). » Cet 
opuscule se compose de 1 a feuillets. On ignore quelle 
est la date d'impression ; mais elle ne peut pas être de 
beaucoup postérieure à celle des lettres mêmes. Le livre 
est imprimé avec un caractère de quatorze points envi- 
ron et d un œil assez semblable au n"" 2 de SchoifiPer. A 
la suite de la lettre de l'archevêque de Mayence se trouve 
l'office de la Vieiçe, où l'on a réservé des espaces en 
blanc pour noter le plain-chant^ 

Les firères de la Vie commune de Marienthal publièrent 
en ilijliun Psautier ou Bréviaire, où l'on trouve deux 
sortes de caractères (de même forme et de même force 
de corps, mais d'un ûr7 différent de grosseur), doYit un 
%urait déjà dans le livret précédent. Ce livre, parfaite- 
ment exécuté, se compose de 628 pages in-quarto, où 
les deux caractères sont mariés avec beaucoup d'art. Il 
commence aiiisi : « [SJubjectum volumen Psalterii bre- 
«viariique Maguntinensis impressorie artis industria per- 
« fectum et féliciter consummatum est in domo fratrum 

^ L*exemplaire de la Bibliothèque nationale est incomplet, et le plain- 
chant est resté en blanc. 

II. 2 



18 DE L'ORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

« clericorum communis vite Vaiiis Sancte Marie ejusdem 
«diocesis in Ringkavia, anno Domini m. cccc. lxxiiii, 
(I sabbato post Reminiscere (19 mars^). » Ailleurs on lit : 
«... Cujus primarium exemplar quam sumina diligentia 
(( ac multo labore ad normam veri ordinarii Moguntini 
u emendatum fuit » 

On peut également attribuer aux frères de la Vie com- 
mune de Marienthal un petit ouvrage de Gerson, inti- 
tulé : De preeceptis Decalogi, in-quarto de 3& feuillets, 
sans nom de lieu ni d'imprimeur, et sans date. Ce livre , 
imprimé avec les deux caractères qui paraissent dans le 
Psautier ou Bréviaire mentionné ci-dessus, a été décrit 
par M. Fischer^. 

On cite encore, comme un de ceux qui s'établirent de 
fort bonne heure à Mayence ou dans les environs, Hans 
Petersheim, ou à Petersheùn, autrement dit Jean de Pe- 
tersheim , exerçant la profession d'imprimeur à Francfort- 
sur-le-Main en 1459. Cet artiste serait élève de Fust 
et Schoiffer, suivant Faust d'Aschaffenbourg^; mais les 
renseignements fournis par cet auteur sont trop suspects 
pour qu'on puisse les admettre sans réserve. On voit, il 
est vrai, sur les registres matricules des citoyens de 
Francfort , la mention d'un Briefdrucker appelé Hans von 
Pederssheym , qui prêta serment en qualité de bourgeois 

^ Et non pas le 3 5 février, comme Ta écrit M. Schaab, Die Geschichte, etc. 
1. 1, p. 609. 

* Typograpkische Seltenheiten, 6* livraison, p. 128. 

^ Anonymi relatio, dans Wolf, Monum, typogr. 1. 1 , p. 47 1 • 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE I. 19 

le dimanche après la Sainte -Luce^ iààg\ maie le sens 
du mot Briefàracker est encore incertain. Les uns pré- 
tendent qu*ii veut dire ici imprimeur fypojrropAe; les autres, 
au contraire, soutiennent qaiL signifie seulement /airi- 
cant de caries à jouer ^. Ce qu'il y a de positif, c'est qu'on 
ne connaît aucun livre de Jean de Petersheim. Voici, au 
reste, la copie exacte du passage relatif à ce Briefdrucker, 
tel qu'il se trouve dans le Bûrgerbuch de Francfort, con- 
servé aujourd'hui au Rômer ou hôtel de ville. J'en dois 
la copie à M. Hertzog, l'archiviste en chef: 

Item. Hans von Pederssheym , Brieffdnicker, hat den Burger 
Eyd getan und mit den Rechenmeistem ' mnb die x 1. iiij sh. uber- 
konmien. Actmn Dominica post Lucie anno lABg. 

M. Hertzog accompagne ce document de la note sui- 
vante : « Cet homme était donc étranger, peut-^tre natif 
de Pederssheim ou Pfeddersheim^, et avait une fortune 

« 

qui lui permettait de donner trois fois plus que les autres 
industriels dans la même circonstance, car la taxe de 
bourgeoisie était ordinairement de 3 livres 4 scheUings. » 
Je ferai remarquer cependant que Pierre Schoi£Fer paya 
la même somme, i o hvres k scheUings, vingt ans après^, 

* G*est-è-<lire le i6 décembre, la Sainte-Luce, qui arrive le 1 3 décembre, 
tombant un jeudi en i ^69. 

* Voyei ce que disent à ce sujet Heinecke, Mûnden et Breitkopf cités 
par Lichtenberger, Initia typogir. p. 3-3 et 3^3. 

^ Caissier de la ville. 

^ Petite ville près de Worms, qui iîit incendiée en 1689. 

^ Voyez dans la première partie de cet ouvrage , p. 29 1 . 



3 . 



20 DE LORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

lorsqu*ii se fit recevoir bourgeois de Francfort , ce qui 
donnerait à penser que tous les industriels de la même 
catégorie étaient taxés à ce cbifire. Cette circonstance 
est assez favorable à Topinion de ceux qui font de Jean 
de Petersheim un imprimeur typographe; mais, je le 
répète , on ne connaît rien de lui. 

S 2. Bamberg. 

Les découvertes bibliographiques faites depuis un 
demi-siècle ont révélé Texistence d'un imprimeur très- 
habile, qui exerçait sa profession à Bambei^ de fort 
bonne heure , et qui avait jusqu'ici échappé aux investi- 
gations des érudits, quoiqu'il eût produit plusieurs livres, 
les uns datés , les autres datés et souscrits de son nom 
tout à la fois, d'autres enfin ne portant aucun indice d'o- 
rigine , il est vrai , mais d'une importance capitale , tels 
qu'une Bible en trois volumes in-folio. Cet imprimeur 
s'appelait Albert (Albrecht) Pfister. On a de lui plusieurs 
impressions datées de 1 46 1 , et exécutées avec un carac- 
tère gothique analogue au gros caractère des Lettres d'in- 
dulgences de 3 1 lignes, dont nous avons déjà parié dans 
un des chapitres précédents. On a tout naturellement 
conclu de ce fait que les Lettres d'indulgences en question 
avaient été imprimées par Albert Pfister; puis, partant 
de ce point, qui n'est rien moins qu'incontestable, les 
compatriotes de cet artiste ont prétendu que ces Lettres 
avaient été imprimées à Bamberg, et, de conséquence en 
conséquence , ils sont arrivés à conclure que Pfister était 



DEUXIÈME PARTIE. —CHAPITRE I. 21 

Tinventeur de Timprimerie , et qu'il avait découvert cet 
art vers i44o. Certes, ce nest pas moi qui nierai que 
Timprimerie ait pu être inventée à Bamberg en i44o, 
puisque j'ai dit précédemment qu'il y avait eu plusieurs 
inventeurs de cet art, et que l'un d'entre eux l'avait réa- 
lisé à Haariem avant ilxko. Mais de ce qu'un fait est 
possible, je ne veux pas en conclure qu'il est certain. 
Voyons ce qu'il y a de réel, d'autbentique dans les asser- 
tions des champions de Bambei^ et du premier impri- 
meur de cette ville. 

Comme base de mon alimentation, je vais décrire 
tous les ouvrages attribués à Pfister par ses partisans, tant 
ceux qui lui appartiennent réellement, que ceux qui 
n'ont pour fondement de cette attribution qu ime analo- 
gie tout à fait éloignée. Us sont au nombre de seize , et 
offrent tous un véritable intérêt pour l'histoire de la ty- 
pographie : je ne m'écarterai donc pas de mon sujet 
en les décrivant. Malheureusement nous n'en avons à 
Paris qu'un très-petit nombre, et pour les autres je se- 
rai forcé de m'en référer aux descriptions plus ou moins 
inexactes, et toutes fort peu typographiques, qu'en ont 
données les Allemands. Je décrirai d'abord ceux qui, 
soit à l'aide d'une souscription, soit par quelques circons- 
tances extérieures, peuvent être datés rigoureusement 
ou approximativement. J'aborderai ensuite les autres. 

1** Donat dit de 1U51. Ce Donat, dont il existe deux 
feuillets à la Bibliothèque nationale , est un petit in-folio 
de 2 y lignes à la page , imprimé en caractères gothiques 



22 DE L'ORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

ayant environ vingt points typographiques. M. Fischer 
est le premier qui ait décrit ce livre , en allemand , dans 
ses Typographische Seltenheiten ^ ; il en a donné une nou- 
velle description, en français, et un fac-similé dans son 
Essai sar les monuments typographiques de Gutenberg. Après 
lui, MM. Wetter^ et Duverger^ en ont aussi donné des 
fac-similé. Celui du dernier est exécuté en caractères 
mobiles. On peut donc se faire une idée exacte de ce 
livre. M. Fischer croit quil a été imprimé avec des ca- 
ractères de bois. Van Praet* a adopté cette opinion; 
mais elle est erronée. M. Duverger a démontré que les 
imperfections qu'on remarquait dans les caractères pro- 
venaient du procédé défectueux à l'aide duquel le poin- 
çon avait été appliqué sur la matrice, ou, pour mieux 
dire , du défaut de justification de celle-ci. Nous retrou- 
verons ce caractère, de plus en plus perfectionné, dans 
une foule d'ouvrages des premiers temps de l'imprime- 
rie. Quant à la date de i/i5i qu'on donne à ce Donat, 
je dois déclarer qu'elle est tout hypothétique : elle n'est 
fondée que sur cette circonstance , que Bodemann, archi- 
viste du département du Mont-TohneFre à l'époque de 
la domination française à Mayence, en a trouvé les deux 
feuillets encore existants sur un livre de compte de 1 45 1 , 
qui faisait partie du dépôt confié à sa garde. Sur l'un des 

* Première livraison, p. 55, n° 2. 

^ Kritiscke Geschichte, etc. pi. III , n** 1 . 

^ Histoire de ï imprimerie parles mon ument^^ grand in-4°, Paris, i84o. 

* Van Praet, Vélins de la Bibliothèque du roi, Belles-ï étires , n" 4. 



DEUXIÈME PARTIE. —CHAPITRE I. 23 

feuiUets est encore écrit le nom dun village voisin de 
cette ville , Heydersheim (actuellement Hadiersheim) ; sur 
lautre se trouvent qudques mots en allemand qu on peut 
traduire ainsi : « Contrat passé pour nos biens à Heyder* 
sheym, 1/193.» Ceci ne prouve rien pour i45i; mais 
comme ces mêmes caractères paraissent dans les Lettres 
d'indulgences de i454 et dans TÂlmanach de i& 55, on 
en peut inférer qu ils sont plus anciens, surtout en voyant 
leur imperfection dans le Donat en question. M. Fischer 
dit que le noir de ces feuillets, dont il attribue Timpres- 
sion à Gutenberg^, montre une haute antiquité ; qu'il n est 
point huilé et ne résiste pas à leau. Cette dernière asser- 
tion au moins est inexacte : Tencre de ce Donat est par- 
faitement bonne, et si l'impression en parait un peu 
grise , c est que les feuillets ont beaucoup souffert. J ai 
vu au British muséum à Londres des fragments de plu- 
sieurs éditions de Donat imprimées avec le même carac- 
tère, mais de justifications différentes, pouvant dater de 
la même époque. J'en ai vu également un à Mayence. 
M. Wetter^ a donné \^ fac-similé de ce dernier, qui a 3o 
lignes à la page. Le docteur Kloss , de Francfort-sur-le- 
Main, a aussi donné, dans son rare et précieux recueil 
de fac^imile , le spécimen de divers Donats du m^me 
genre qu'il possédait. Tous ces fragments supposent un 
grand nombre d'éditions de ce livre imprimées avec le 
même caractère. 

* Essai, etc. p. 68. 

^ Kritische Geschickte, etc. pi. III , n* 3. 



24 DE rORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

2** Lettres dindulgences de H5U'55, J'ai déjà décrit ce 
monument dans la première partie. Je n y reviendrais pas 
ici, si je n avais à entrer dans quelques détails particuliers 
sur les éditions de ces Lettres qu on attribue à Pfister. 
Ces éditions, où Ion voit deux lignes en grosse gothique 
semblable à celle du Donat (le reste est en petit carac- 
tère cursif de douze points), sont au nombre de deux : 
lune de 32 lignes, lautre de 3 1 . Cette dernière a fourni 
au moins deux tirages , lun daté de 1 4 5 A , lautre de 1 4 5 5 . 
On n en ccmnaît quun de la première ; il est daté de 1 45^. 
Les trois seuls exemplaires qui en restent se trouvent dans 
la bibliothèque du gouvernement (Mmistma2 bibUotheck) 
à Brunswick : ils n ont pas servi , et ont été trouvés collés 
sur la couverture d'un livre. On connaît douze exem- 
plaires de la seconde édition , sept imprimés avec la date 
de 1 liSli et cinq avec cellç de 1 455. 

L'exemplaire de la Bibliothèque nationale de Paris 
porte la rubrique de Mayence même , ce qui renverse par 
la base le système qu'on a bâti de nos jours en faveur de 
Pfister. En effet , sur cette hypothèse , que tous les exem- 
plaires de l'édition de 3 1 lignes auraient été distribués 
dans la Francome , dans la Thuringe et dans la Bavière , 
on . concluait qu'elle avait été imprimée à Bambei^. 
MM. Jack^ et Sotzmann^, les champions de ce système, 
qui attribue à Albert Pfister l'honneur d'avoir découvert 

* Ancien bibliothécaire de la ville de Bamberg. Il a écrit plusieurs ou- 
vrages sur ce sujet. 

^ Voyez dans la première partie, p. 174, ce que j'ai dit à ce sujet. 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE I. 25 

Timprimerie, n'ont pas pris garde que, même en admet- 
tant que tous les exemplaires des Lettres de 3 1 lignes se 
soient trouvés dans les pays désignés plus haut, cela ne 
prouverait rien autre chose, sinon que l'agent ctiargé de 
la distribution de cette édition s'était réservé ces con- 
trées; mais nous voyons que cette liypothèse est toute 
gratuite. Non-seulement on a trouvé des exemplaires de 
ces Lettres datés de Mayence et de Copenhague, qui ne 
sont pas, que je sache, dans la banlieue de Bamberg; 
mais on n'en connaît pas un seul daté de cette ville ou 
de ses environs. En présence de ce fait, que devient la 
conclusion des partisans de Pfister? 

Je ne dois pas manquer de signaler une circonstance im- 
portante dans la question qui nous occupe : c'est que le 
petit caractère de ces Lettres d'indulgences de 3 1 lignes, 
qui, conome celui de l'édition de 3o lignes, décrite dans 
la première partie , est une espèce de ronde approchant 
du romain, ne parait dans aucun ouvrage connu jusqu'ici, 
quoi qu'aient pu dire à cet égard quelcpies auteurs peu 
au fait de la typographie. M. Falkenstein (après M. Wet- 
ter, il est vrai) a même eu le tort plus grand encore de 
prendre cet admirable produit de l'imprimerie mobile 
pour un monument xylographique ^ Une pareille erreur 
nest vraiment plus permise aujourd'hui, et à M. Fal- 
kenstein moins qu'à personne, car il a près de lui, à 
Leipsick^, deux exemplaire^ de ces Lettres d'indulgences. 

* Getckickie, etc. p. i sg , ooi. i . 

* M. Falkenstein rende à Dresde, d*où est datée la pré&ce de son livre. 



26 DE L'ORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

y Almanach deliSS ou plus exactement Appel contre 
les Turcs. L unique exemplaire qui subsiste de ce curieux 
document se trouve dans la Bibliothèque royale de Mu- 
nich. M. le baron Arétin en a donné le fac-similé com- 
plet^ Cette pièce se compose de six feuillets in-quarto ou 
une feuille et demie. Le premier feuillet est entièrement 
blanc, le dernier est blanc aussi au verso, ce qui réduit 
Timpression à neuf pages. Elles sont exécutées avec les 
caractères du Donat dont nous venons de parler, c est-à- 
dire en gothique de vingt points. Chaque page a 20 
lignes, excepté la première et la dernière, qui en ont 
chacune 2 1 . Ce document a certainement été imprimé 
en 1 &54 , car il se termine par un souhait de nouvel an : 
« Eyn gut selig nuwe Jar. » L'ouvrage est écrit en vers ; mais 
comme la justification des lignes était trop courte pour 
qu'avec un aussi gros caractère on pût faire tenir chaque 
vers en une ligne, On a fait suivre ces derniers, en ayant 
soin seulement démarquer le commencement de chacun 
d'eux par une majuscule ou capitale. Les alinéas sont ter- 
minés par des points disposés dans un certain ordre. Ce 
monument a été découvert en i8o4, dans le couvent 
des Jésuites , à Augsbourg. Quelques bibliographes ont 
contesté la date de ce document, et M. Bemhart^ la re- 
porte même à l'année 1 iya; mais c'est tout à fait sans rai- 

^ Veher diefràhesten universalhistorischen Folgen der Erjindung der Buck- 
drucherkunst , Munich , 1 808 , in-4°. M. Wetter a aussi donné un fac-similé 
partiel de TAppel conti-e les Turcs, pi. ÏV. 

* Ansichten von der Geschichte der Erjindung der Buchdrucherkunst 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE I. 27 

son, comme ie prouvent ies Lettres d'indulgences dont 
nous venons de parier, et qui ont été publiées en 1 65&, 
pour le même objet. 

i4** Calendrier de iU57. Ce curieux monument, qui 
doit avoir été imprimé en 1 656 , et dont la Bibliothèque 
nationale de Paris doit à la libéralité de M. Fischer Tu- 
nique fragment qui en reste , formait une grande pan:- 
carte in piano, en papier, imprimée dun seul côté, afin 
sans doute qu'on pût coller la feuille sur le mur. On ne 
possède que le haut de la feuille , contenant le titre ou 
plutôt fexplication générale en trois lignes, et l'explica- 
tion des six premiers mois de Tannée , c est-à-dire trois 
lignes consacrées à chacun des mois de janvier, février, 
mars, avril, mai et juin. Ici la feuille est coupée; mais 
on aperçoit encore le haut des lettres de la ligne suivante. 
Il nest pas sans intérêt de faire remarquer que, quoi- 
qu'on fût dans Tusage de commencer Tannée à Pâques , 
en France et dans quelques autres contrées de l'Europe \ 
néanmoins, comme cette date était variable et pouvait 
allonger et raccourcir une année, de telle sorte qu'on 
trouvât quelquefois dans Tune deux mois d'avril , Tun au 
commencement, l'autre à la fin, tandis que Tannée sui- 
vante n'en avait point du tout , la science avait continué 
à suivre Tancien usage romain ou païen , qui faisait com- 

^ A Rome et dans quelques autres pays , on avait adopté un mode de 
comput moins iirationnei : on datait Tannée du jour de Noël. Il est probable 
que Mayence suivait cet usage, car nous avons la preuve que le commen- 
cement de Tannée n y était pas retardé jusqu'à Pâques. 



28 DE L'ORIGINE DE L IMPRiMERlEL 

mener réguliéremeiit Tannée an mois de janvier. Nous 
pofi&édons de nombreux documents manuscrits et ini|^î- 
mes qui ie prouvenL Je citerai parmi les derniers lesCa- 
lendriers de Jean de Gamundia et de Jean ReskmHmtanus 
( antranent dit ton Kunsperk , corraption de Kônigs- 
berg) « deux jmoduits xylographiques dont M. Falkenstein 
a donné lefacsbnUe dans son Histoire de {imprimerie'. 
Haneun personnes ont également publié le foc- 
simile du Calendrier de liSy; je citerai, oitre aotres, 
\t!A, Wetter^ et Falkenstein'; mais le fac-similé le plus 
complet est celui qua donné M. Fisdier dans une bro- 
chure de buit pages in-quarto, intitulée Notice ia pre- 
nàer manament typosmphi^ en caructèns mobUes a^ 
date cannajasqaà cejoar^. Ce précieux monument a- été 
trouvé, en 1 8o4 « dans une liasse de comptes de la ville 
de Mayence de 1 620 à 1 46o. Le lieu de sa provenance 
est d'aflleurs constaté par une inscription du temps quon 
lit au dos, et qui nous apprend qu'il a été employé en 
lASy par Jean Kess, vicaire de f église de Saint-Gengolf 
de Mayence intra nuuvs. Voici la restitution complète de 
cette inscription, prise fidèlement sur l'original, et dont 
ia lecture ne présente aucune difficulté^. Je ne la repro- 
duis pas dans sa forme primitive, parce qu'il y a des signes 

* Getehiehu, etc. p. 54. 
' Kntiiche Geschiehte, etc. pi. Vf. 
'' Geichicku, etc. p. 1 33. 
^ Mayence, 1804. 

^ Je crois devoir prévenir le lecteur que cette restitution difl^ consi- 
déraUement des restitutions données jusqu'ici, et particulièrement de 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE I. 29 

d*abréviatioii que la typographie ne possède pas : « Pre- 
« hendanun, Registrum capituii ecclesie Sancti GengoUfi 
«intra muros Moguntiae receptorum et distiibutonim 
«anno lyii, per Johan. Kess, vicarium ecclesie predicte. 
« 1457-1458.» 

Ainsi, dès la fin de Tannée 1 457, Jean Kess se servait 
déjà de ce document pour envelopper des papiers rela- 
tif au chapitre de Saint-Gengolf de Mayence. 

Gomme dans l'Appel contre les Turcs , imprime avec 
ie même caractère^, les alinéas sont terminés par des 
points, dont quelques-ims sont disposés en forme de 
losange. 

5"" Bible de 36 lignes. Ce livre , qui passe encore , aux 
yeux de quelques personnes, pour Tœuvre capitale de 
Gutenbei^^, est quelquefois désigné sous le nom de Bible 

celle qu on lit dans Tôuvrage de M. Wetter (p. 609) , laquelle non -seule- 
ment est inexacte , mais encore n*offre aucun sens. 

' Lambinet répète par deux fois (t. I , p. 1 87 , 1 38) que le caractère du 
Calendrier de 1 457 est le même que celui du Donat de Schoiffer, qui est 
imprimé avec les caractères de la Bible de 4a lignes. «Au premier coup 
d^œil ils paraissent un peu plus gros , parce que la feuille a été passée à 
l'eau, lavée, et que par conséquent elle s'est étendue. Ces légères diffé- 
renees de caractères sortis de la même matrice se font remarquer souvent 
dans les imprimés (p. i38). . . » Il me su£Qrade dire que les caractères du 
Gidendrier de 1467 sont de deux points plus forts que ceux de la Bible de 
4a lignes, sans compter qu'ils diffèrent de forme. Cela nous donne une 
idée de la confiance qu'il faut avoir dans les assertions de Lambinet. 

^ Voyez le livre de M. de Laborde, Débuts de l imprimerie à Mayence 
et à Bamherg, p. 18 et suiv. et celui de M. Duverger, intitulé Histoire de 
l^imprimerie par les monuments, qo\ est tout entier fondé sur cette fausse 
donnée. 



30 DE L ORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

de Schelhom , parce que ce savant est le premier qui ait 
décrit cette Bible au siècle dernier^ . Elle se compose de 88 2 
feuillets ou 1 ,764 pages grand in-folio, à deux colonnes. 
Comme la Bible de Gutenberg, que 1 imprimeur de ce 
livre semble avoir prise pour modèle, elle est divisée en 
cahiers de cinq feuilles. Uimpression en est parfaite, 
sauf le premier cahier, qui présente des traces évidentes 
de nombreux tâtonnements, et dont le dernier feuillet 
(c est-à-dire la seconde moitié de la première feuille) a 
été retiré sur onglet, sans doute à cause de quelque im- 
perfection trop choquante. Le registre^ dans tout ce cahier 
est fort défectueux; on voit même au troisième feuillet 
les traces des bois qui séparaient les colonnes et enca- 
draient les pages. Cela prouve que Tusage des pointures 
et de la frisquette était encore peu familier à l'artiste qui 
a imprimé ce livre, et qu'il ne connaissait pas même 
l'emploi des biseaux ni des coins : on se servait alors de 
vis fixées dans le châssis pour serrer les formes^. 

* De anùquissima latinorum Bibliorum editione, in-d"* de 36 pages, Ulm, 
1760. 

^ Il ne faut pas confondre ce terme technique, dont se servent aujour- 
d'hui les imprimeurs pour désigner la concordance des pages sur le recto 
et le verso, avec le registre des incunables, cpii était une sorte de table des 
chapitres ou des premiers mots de chaque feuille, destinée à faciliter 
l'opération de Vassemhlage ou à constater Tétat d'un volume. Ces deux sens 
n'ont qu'un rapport très- éloigné : le premier paraît avoir prévalu dans les 
ateliers lorsque le second a été abandonné avec la chose qui lui avait 
donné son nom, c'est-à-dire lorsque les signatures ont rendu inutile le 
registrum. 

^ Il en était encore ainsi à Mayence à l'époque de la Révolution, sui- 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE I. 31 

Corome dans la Bible de & !2 lignes ou de Gutenberg, on 
a réservé en blanc Tespace nécessaire aux rubriques, qui 
toutes sont manuscrites. B existait sans doute à la fin du 
livre une table de ces rubriques; mais elle ne se trouve 
plus à aucun exemplaire. Seulement deux feuillets cou- 
pés à la fin du dernier cahier semblent en conserver la 
trace. En effet, si les feuillets retranchés n avaient pas 
reçu d'impression, l'imprimeur ne se serait pas condamné 
à imprimer les feuillets correspondants sur on^et : il les 
aurait réunis pour en former une feuille. 

Voici la description de la Bible de 36 lignes dapiès 
l'exemplaire de la Bibliothèque nationale de Paris, qui 
est en trois volumes in-folio, en papier*. 

Les cahiers i à i o ont régulièrement cinq feuilles ou 
vingt pages. Comme je viens de le dire, les imperfections 

vaut une lettre datée de cette ville , et insérée dans le Conservateur de Fran- 
çois de Neufchâteaa (t. U, p. 277 )• M. Rndler, Tauteur de cette letlre, 
nous apprend en outre que, lorsque la république française s'empara de 
Mayence, cette ville était si arriérée en fait de typographie, qu*on ny 
trouvait pas de caractères romains , et qu'on fut obligé d*en faire venir de 
Strasbourg, avec des ouvriers capables, qui manquaient également : ce 
lut comme une nouvdle initiation à Tart de Gutenberg que Mayence reçut 
encore de Strasbourg. 

* Lorsque j*ai étudié ce livre, il était complet; plusieurs feuillets étaient 
coupés, mais se trouvaient encore à leur place, comme je Tai fait remar- 
quer aux deux bibliothécaires en chef. Ces feuillets coupés étaient sans 
doute destinés jadis par Van Praet à quelque échange de vélins; car ce cé- 
lèbre bibliographe ne se gênait guère pour mutiler les ouvrages en papier 
(auxquels il tenait médiocrement, quelle que fût leur rareté) lorsqu'il 
s agissait pour lui d'obtenir en échange des ouvrages en vélin , de quelque 
date qu'ils fussent ! J'en citerai un singulier exemple à l'article de Paris. 



32 DE L'ORIGINE DE ^IMPRIMERIE. 

de ia première feuille du livre ont forcé de retirer le 
dixièn^ feuillet. 

Le cahier 1 1 a quatre feuilles et demie , le deuxième 
feuillet étant sur onglet. J'ignore le motif de cette disposi- 
tion : elle a eu peut-^tre pour but de réparer une omission . 

Les cahiers i a à 26 ont régulièrement cinq feuilles. 

Le cahier 27 na que quatre feuilles, ou, pour mieux 
dire, trois feuilles et demie, car il n a que sept feuillets : 
le dernier est même en partie blanc. 

G est là que finit le premier volume des exemplaires 
dii^isés en trois ou en quatre tomes : cette dernière divi- 
sion parait être la plus habituelle en même temps qu elle 
est la plus régulière. Toutefois Van Praet en cite un 
exemplaire en vélin divisé seulement en deux volumes, 
et réunissant par conséquent dans chacun deux tomes 
de fédition en quatre volumes. 

Les dix-huit cahiers suivants , de 2 8 à 4 5 , ont régulière- 
ment cinq feuilles , et forment le second volume des exem- 
plaires en quatre tomes. C'est aussi là que finit le tome I 
de lexemplaire en deux volumes cité par Van Praet. Il 
y a, en effet, une colonne blanche en partie, pom* pou- 
voir commencer les Proverbes ou Paraboles de Salomon 
au cahier suivant. L'exemplaire de la Bibliothèque natio- 
nde étend son second volume jusqu'au 69* cahier. Cette 
coupure est fort mauvaise, car elle ne répond à rien, et 
a forcé d'écrire au commencement du volume suivant et 
dernier de cet exemplaire le début du livre de Baruch, 
qui se trouve sur le dernier feuillet du cahier 5 9. 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE I. 33 

Les cahiers &6 à 67 ont rëgulièFement dnq feuilles, 
sauf le dernier (le 67*), qui en a six; ils foiment le troi- 
sième volume des exemplaires en quatre tomes. Ce to> 
lume Gonmience par les Proveiiies et finit par les Ma- 
chabées, avec le bas d'une colonne en blanc 

Les vingt-deux cahiers suivants, de 68 à 89, ont chacun 
cinq feuilles, sauf le dernier, qui nen a que trois, dont 
deux sur onglet, la première etla seconde; ou, pour mieux 
dire, ce cahier na que quatre feuillets, dont les deux 
derniers forment une feuille. Ces vingt-deux cahiers C(Mn* 
posent à eux seuls le quatrième volume des ex^nplaires 
en quatre tmnes. Ainsi que je fai dit, je pense que les 
deux derniers feuillets du dernier cahier, qui manquent 
à tous les exemplaires, contenaient une table des rubri- 
ques ou autrement dit un registre^ comme celui qu on voit 
dans les exemplaires complets de la Bible de 4 2 lignes K 

En somme , sur 89 cahiers dont se compose cette Bible, 
j85 ont cinq feuilles, et k seulement s'écartent de ce 
nombre, afin de faciliter, comme on l'a vu, la division 
de l'ouvrage, sauf le cahier 1 1 , dont je ne puis expliquer 
l'irrégularité. Quoiqu'il n'eût sous la main qu'un exem- 
plaire incomplet^, Schelhom , qui croyait tenir dans ce 
livre la Bible de Gutenberg, n'avait pas manqué de re- 
marquer cette particularité, qui semblait ne pas cadrer 
avec le récit de Trithème, où il est question.de quater- 

* Voyez t. I, p. 18S. 

* n avait qae le premier et le dernier volume d'nn exemplaire en 
trois tomes, comme oeloi de la BiMiothëqae nationale. 

u. 3 



34 DE LORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

nions. Trompé par Tëtymoiogie de ce mot, et ayant vu 
que tous les premiers livres imprimés sont en cahiers de 
dnq feuilles , comme Lambinet ^ , il accuse à tort Trithème 
d'erreur : a Ëum hic memoria iapsum suspicor, dit-il ^« et 
(( in hac suspicione confirmor, quod observavi in primis a 
a divinae artis inventione editionihus solemne fuisse char- 
tas, non in quaterniones, sed quintemiones complicare. » 

Quoique la Bible de 36 lignes n appartienne pas à 
Gutenberg, elle nen est pas moins lun des incunables 
les plus rares et surtout l'un des plus intéressants que 
nous possédions, d'abord parce quelle est admirable- 
ment exécutée, et ensuite parce quelle est un des pre* 
miers livres sortis de la presse. En effet , deux circons- 
tances semblent démontrep que ce livre a été imprimé 
avant 1 460 : la première , c'est que la Bibliothèque natio* 
nale de Pans possède un second exemplaire du dernier 
feuillet de la Bible de 36 lignes portant une souscription 
manuscrite en rouge datée de 1 /l 6 1 ; la seconde , c'est 
qu'on a trouvé un autre feuillet détaché de cette même 
Bible dans l'épaisseur de la couverture (faite de diffé^ 
rentes feuilles de papier) d'un registre de dépenses de 
l'abbaye de Saint -Michel de Bamberg, conunencé le 
21 mars i&6o^. Cette dernière découverte semble in- 
diquer à la fois la date et le heu d'impression. 

Pour ce qui est du lieu d'impression , nous avons en- 

* Voyez t. I , p. 3o3 , ce que j'ai dit au sujet du mot qnatemion, 

' P. a 5 de la brochure citée. 

' Van Praet, Vélins des bihUath. parik, 1. 1, p. i3. 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE I. 35 

oore un autre indice, «cest que la plupart des exem- 
plaires de cette Bible se sont conservés en Bavière, et 
quun grand nombre de fragments , qui supposent une 
surabondance d'exemplaires , se sont retrouvés dans les 
couvents de ce pays. « M. de Laborde, à qui nous em* 
pruntons cette observation importante , ajoute encore ^ : 
« C. G. de Murr écrivait déjà en 1 799 : u Le père Anselme, 
c capucin de Bambeig, a rassemblé neuf feuillets de par- 
« chemin de cette Bible ; moi aussi j'en possède des firag- 
«ments tirés d*andennes reliures. En 1776, je trouvai 
« dans la bibliothèque du cloître de Langheim plusieurs 
a anciens volumes reliés dans des feuilles de parchemin 
« de cette Bible. » 

Conunent, après tous ces t^oignages, signalés par 
M. de Laborde» lui-même, ce savant a-t-il pu attribuer 
la Bible de 36 lignes à Gutenberg? Au surplus, je citerai 
bientôt^ un témoignage qui semble résoudre la question 
en fiiveur de Pfister, en même temps qu'il prouve que 
ce livre a été imprimé i Bambeig, et avant 1 &63. 

6* Le Joyau de Boner, autrement dit Liber simitittdi^ 
nif , est un recueil de fables en allemand, portant l'in- 
dication du lieu et de la date d'impression. B se compose 
de 88 feuillets petit in-folio , de 9 5 lignes à la page. 
Même caractère que dans la Bible de 36 lignes. L'ou- 
vrage renferme quatre-^vingt-dnq fables, accompagnées 
chacune d'une gravure en bois asses grossière , analogue 

' DAutt de Timprimariê à Mayence et à Bmihtr§, p. a&f col* 1. 
* VoyeEplu8loia,p. 56. 

3. 



56 DE rORIGINE DE LIMPRIMERIË. 

au sujet, et dont les personnages sont représentés par 
des singes. La gravure de la première page a été donnée 
enfaC'Similefso' Heinecke^ et par Falkenstein^. On a long- 
temps cru que ce livre était imprimé avec des caractères 
en bois ; mais aujourd'hui cette opinion est tout à fait aban- 
donnée, grâce aux découvertes modernes qui sont ve- 
nues expliquer la date de i &6 1 inscrite dans la souscrip- 
tion, et prouver qu'en effet il y avait un imprimeur à 
Bambei^ à cette époque. 

Voici la traduction de la souscription du livre : 

 Bamberg ce livret fut fini 

Après la Nativité de Jésus-Christ, 

Quand on comptait mille quatre cents ans 

Et soixante et un , cela est vrai , 

Au jour de Saint: Valentin (i4 février). 

Dieu nous garde de ses peines. 

Le seul exemplaire complet et bien connu de ce livre 
est à Wolfenbùttel. Il a figuré pendant quelque temps 
dans la Bibliothèque nationale de Paris; mais il fut em- 
porté par les alliés en 181 5. Il se trouve réuni dans un 
même volume avec les Plaintes contre la mort et le Livre 
des quatre histoires, deux autres ouvrages du même impri- 
meur et du même temps dont nous parierons bientôt. 
Je ne puis rien dire ici de la disposition typographique 
du Liber similitadinis , parce que les auteurs qui font 
décrit n'en parient pas, suivant lusage, et que je n'ai pu 

' Idée générale, etc. p. 27$. 
' Geschickte , etc, p. i35. 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE I. 37 

le voir moi-même. B parait qu'il en existe un autre exem- 
plaire entre les mains de M. Stôger, à Munich. C'est sans 
doute celui que Saubert a décrit comme se trouvant au- 
trefois à Nurembei^^. 

M. Brunet^ mentionne une autre édition des Fables 
de Boner sans indication de lieu, sans nom d'imprimeur 
et sans date , imprimée avec les mêmes planches , le même 
caractère et la même justification, mais n'ayant que 77 
feuillets, parce qu'on a mis 28 lignes à la page au lieu 
de 25. «C'est en mars i835, dit-il, que m'a été com- 
muniqué le bel exemplaire de ce livre précieux, dont 
les planches sont enluminées , et qui avait été envoyé de 
Francfort à M. Pieri Bénard, marchand d'estampes à 
Paris. On en demandait, je crois, 3, 000 firancs à la Biblio- 
thèque du roi. » 

Dans cette édition , comme dans la précédente , le 
texte, quoiqu'en vers, est imprimé consécutivement. 
Suivant la description de M. Brunet, l'édition sans date 
aurait une planche de plus que l'autre , car il en compte 
102 dans celle-là et 101 seulement dans celle-ci. 

7° Le Livre des quatre histoires renferme les histoires 
bibliques (en allemand) de Joseph, Daniel, Esther et Ju- 
dith, et se compose de 60 feuillets, dont deux sont restés 

' J. Saubert, Hist reipnbL Norihergensis, etc. (Nuremberg, 1 643, in-i a), 
p. 1 1 6 ; voyez aussi Bqurckard , Lettre à un ami sar la BihL de Wolfenhûttel, 
1710; Schwartz, Index lihr. suh incun. tjrpogr, 1727* p* 16; Heinecke, 
Mémoires (en allemand) sur les arts, pari. Il, p. 21, et Idée générale, etc. 
p. 275. 

* Manuel, H* édit. t. I, p. 4 12. 



38 DE L*ORIGINE DE TIMPRIMERIE. 

en blanc au milieu du texte. L'ouvrage est sans titre, 
suivant Tusage, et chaque histoire, formant un fascicule 
distinct, débute par les mots suivants : «Ici commence 

rhistoire de » Les pages pleines se composent de 

2 8 lignes du gros caractère qui figure dans la Bible de 
36 lignes. Uouvrage entier renferme 6 1 gravures en bois, 
ou mieux 55, car quelques-unes ont été répétées. Ces 
gravures pccupent environ onze lignes de texte, de sorte 
que les pages où elles se trouvent n'ont que dix-sept lignes. 
Camus a donné un fac-similé très -exact dune gravure 
et du texte de ce curieux livre*. Le fac-similé du texte 
reproduit la souscription du livre, qui est en allemand, 
comme tout le reste. Elle est en vers; mais, comme dans 
l'Appel contre les Turcs et les Fables de Boner, les vers, 
composés en lignes pleines, ne sont indiqués que par 
des initiales. Voici la traduction de cette souscription , 
qui nous fait connaître à la fois la date et le lieu d'im- 
pression , et le nom de l'imprîmeiur : 

« Chaque homme désire de cœur être savant et bien 
instruit; sans maître et sans livre cela ne peut être. D'ail- 
leurs nous ne savons pas tous le latin. Ces réflexions 
m'ont occupé pendant quelque temps. J'ai rédigé et réuni 
les quatre histoires de Joseph, de Daniel, de Judith aussi 
et encore d'Esther, à bon escient. Dieu accorda sa protec- 
tion à ces quati'e personnages , comme il le fait toujours 
encore aux bons. Ce livret, dont l'objet est de nous ap- 

^ Notice d'an livre imprimé à Bamberg, etc. lue à Tlnstitut national , par 
Camus. Paris, an VII, in-/i°. 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE I. 39 

prendre & améliorer notre vie , a été mis i fin à Bam- 
berg; dans ia même ville Albredit Pfister la imprime, 
fan où fpn compte mil et quatre cent deux et soixante, 
telle est la vérité , peu de temps après le jour de sainte 
Walpurge ^, qui peut nous obtenir grâce abondante, paix 
et la vie étemelle. Dieu veuille nous la donner à tous ! 
Amen, n 

Les gravures de ce livre présentent des anachronismes 
très-intéressants au point de vue historique. Elles sont 
grossièrement faites , plus grossièrement enluminées : les 
couleurs rouge , blanc , vert y dominent. Les caractères 
paraissent fatigués ; ils semblent avoir travaillé longtemps, 
car les angles aigus sont écornés. On retrouve dans le 
blanc des bouts de lignes qui terminent les alinéas des 
points disposés en losange comme dans le Calendrier de 
1 457 et dans l'Appel contre les Turcs de 1 &54. 

On ne connaît que deux exemplaires complets de ce 
livre : Tun qui se trouve à la Bibliothèque nationale de 
Paris, et dont Steiner^ et Camus' ont donné la descrip- 
tion , et Tautre dans la bibliothèque Spencer à Althorp , 
en Angleterre. L'exemplaire de Paris est joint à la Plainte 
contre la mort et à la Bihle des paavres , du même impri- 
meur, et en allemand aussi. 

' Sainte Walpurge est fameuse dans toute la Bavière; sa fête s*est célé- 
brée au a 5 février et au 13 octobre, mais jdus généralement au 1*' mai. 
G*est ce jour-là qu^eile est manpiéedans un ancien bréviaire de Strasbourg 
imprimé en 1478. 

* Meusers HistorUck-Uterarischen Magasine, V* livraison (179a). 

' Noùct, etc. p. 7. 



40 DE L'ORIGINE DE ^IMPRIMERIE. 

Voici la distribution typ(^[raphique des feuilles qui 
composent le Uvre des quatre histoires : 

JOSEPH. 

i*' cahier 5 feuilles ou lo feuillets. 

a* a 4f. 

DANIEL. 
3- 5 lO f. 

4* 3 6 f. (Le 5* est en blanc.) 

JUDITH. 

5* 5 lof. 

6* 3 6 f. (Le 5* esten blanc.) 

ESTHER. 

7' 5 lo f. 

8' 2 4f. 

Comme on le voit, les cahiers complets ont 5 feuilles 
ou 20 pages, de même que dans les premiers livres de 
f école mayençaise. La septième page du dernier cahier 
nest pas pleine, et elle se termine par un alinéa dont la 
dernière ligne est ornée, en guise de cadrais, d*une série 
de points disposés en losange. La huitième est entière- 
ment blanche. Les feuillets blancs du quatrième et du 
sixième cahier sont les parties correspondantes de deux 
onglets qu on a nég^é de couper. Il est à remarquer 
qu on avait soin de placer les ong^çts dans Imtérieur 
du cahier, et non à la première feuille, ce qui aurait 
pu faire croire au premier abord qu'il y avait un feuillet 
perdu. 

8** Bélial ou la Consolation da pécheur, en allemand. 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE I. 41 

Le seul exemplaire connu de ce livre , dont lauteur est 
Jacques de Therano, se trouve dans la bibliothèque de 
lord Spencer. IlaétëdécritparDibdin^. C est un volume 
petit in-folio de 9 5 feuillets. L'exemplaire connu n'en 
a que 98 , mais une pagination manuscrite déjà ancienne 
prouve que les deux premiers sont perdus. Gomme dans 
l'ouvrage précédent, les pages ont a 8 lignes de cette 
grosse gothique de Pfister si connue. Au reste, celui-ci 
a inscrit son nom et celui de sa ville sur l'avant -der- 
nier feuillet; cette souscription est ainsi conçue : «Al- 
brecht Pfister zu Bamberg. » Mais la date de l'impression 
n'y parait pas. M. Falkenstein pense que c'est la pre- 
mière édition de ce livre , fort souvent réimprimé depuis 
en différentes langues. Contrairement à son usage, Pfis- 
ter n'a point mis de gravures dans ce livre. 

9° Bible des pauvres, en allemand. Cette édition de la 
Bible des pauvres, la première exécutée en caractères 
mobiles , se compose de deux cahiers petit in-folio , l'un 
de 5 feuilles, l'autre de 4 « en tout 18 feuillets, dont le 
dernier est resté blanc. Chaque page est ornée d'une 
gravure en bois, divisée en cinq compartiments, dont 
le plus important a pour sujet une scène du Nouveau Tes- 
tament, deux autres moins grands représentent des faits 
historiques analogues tirés de l'Ancien Testament, et les 
deux plus petits, chacun deux bustes des prophètes qui 
ont prédit l'événement qui fait l'objet du tableau princi- 
pal. Le surplus de la page contient des textes relatifs 

* BibL Spenc. 1 , 94 , et III , 1 8 1; et Decam, 1 , 87 1 . 



42 DE LORIGINE DE LIMPRIMERIE. 

aux faits ou aux personnages représentés dans les gra- 
vures. Le format de ce livre est le même que celui des 
Quatre histoires , avec lequel il est relié dans l'exemplaire 
de Paris. 

Ce précieux livre a été décrit par Schwartz, Meer* 
man , Heinecke , Camus, Sprenger, Dibdin et £bert« On 
trouve des fac-similé des gravures dans Dibdin , Camus , 
Falkenstein, etc. Les trois seuls exemplaires connus 
sont à Paris , à Âlthorp (chez lord Spencer) et à Wol- 
fenbùttel. Le dernier exemplaire est incomplet; il est 
joint au livre des Fables et aux Plaintes contre la mort 

1 o^ Bible des pauvres y en latin. Ce livre, dont Tunique 
exemplaire connu se trouve dans la bibliothèque spen^ 
eérienne, est entièrement conforme à louvri^e précé- 
dent pour le texte et les gravures. La seule différence 
qu'il présente, cest qu'il est en latin. H est impossible 
de dire lequel des deux a été imprimé le premier. 

1 1"* Plainte contre la mort Cette pièce, que Heinecke 
désigne sous le nom à Allégorie sur là nwrt^, se compose 
de deux cahiers de 6 feuilles chacun , soit s Ix feuillets ou 
48 pages du tnéme format que les précédents ouvrages, 
et ayant par conséquent Tt 8 lignes à la [^ge. L'exemplaire 
de Paris est relié avec la Bible des pauvres en allemand , 
et avec le Livre des quatre histoires, égalemait en alle- 
mand. Camus en a donné une description dfflis sa Notice 
d'un Uvre imprimé à Bamberg en ià62^, etc. Ce livre ren- 

^ Idée générale, etc. p. 276. 
* P. 4. 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE I. 43 

ferme cinq gravures sur bois de la grandeur entière des 
pages. Les deux premières, imprimées sur le verso, n'ont 
rien au recto du feuillet ; les trois autres , au contraire , 
imprimées sur le recto, ont au verso un nombre de lignes 
plus ou moins considérable. Le texte de l'ouvrage est 
divisé en trente-quatre chapitres, avec des sommaires 
imprimés et numérotés en chi£Bres romains. Les lettres 
initiales de chaque chapitre ont été faites à la main ; toutes 
sont coloriées en rouge. Le premier chapitre n'a ni titre 
ni numéro; il commence, sans préliminaire, par des in- 
jures que le plaignant adresse à la mort. « Le sommaire 
du chapitre xxxiv avertit que le nom du plaignant est 
exprimé par des lettres rouges majuscules qui se trouve- 
ront semées dans ce chapitre. En effet, outre la lettre ini- 
tiale , on remarque dans le cours du chapitre six lettres 
rouges non imprimées, mais peintes- à la plaque (à ce 
qu'il pai^t) , qui commencent six phrases diverses. Les 
lettres initiales des autres phrases sont imprimées en 
noir. Les lettres rouges sont I, H, E, S, A, N, W. Doit- 
on les assembler dans l'ordre où elles sont placées , ou 
bien doivent-elles recevoir un autre arrangement? Je ne 
prends pas sur moi de le décider. Le plaignant ne nous 
a point laissé ignorer le nom de sa femme : il la nomme 

Marguerite Le texte est en allemand, tel qu'on le 

pariait et qu'on l'écrivait au xv* siècle ^ » 

On connaît trois exemplaires de cet ouvrage : un dans 
chacune des bibliothèques de Paris et de Wolfenbûttel, 

' Ganras, Notice, etc. p. 6. 



(14 DE L ORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

et le troisième en la possession de M. Nachler, ancien di- 
recteur des postes à Berlin. La bibliothèque de Bamberg 
en a quatre feuillets; celle de lord Spencer, un, celui 
qui porte la dernière image. L'exemplaire de Paris est 
ainsi composé : une grande planche imprimée au verso 
d un feuillet dont le recto est blanc ; puis deux cahiers 
de 6 feuilles : le second n'en a réellement que 5 et 1/2 ou 
1 1 feuillets, le premier feuillet manquant à ce cahier. 
On en voit la trace. On ne peut dire s il y avait là du 
texte ou une gravure, car la page précédente finit en 
alinéa, et la suivante commence de même par un alinéa, 
n est probable que ce feuillet était blanc, comme ceux 
quon voit dans le Livre des quatre histoires , et qu'il a été 
retranché comme inutile. 

1 2* M. Falkenstein^ décrit encore, sous ce titre alle- 
mand : Rechtstreit des Menschen mit dem Tode (Jugement 
de rhomme sur la mort), un ouvrage de 28 feuillets 
petit in-folio, qui ne se distingue, dit- il, du précédent 
que par la forme , et qui en est peut-être une seconde 
édition. La plus grande différence qu'on remarque entre 
ces deux livres , c'est que le dernier n'a pas d'images. H 
se trouve également dans la riche bibliothèque de Wol- 
fenbiittel. Il débute par une pièce dont voici les pre- 
miers mots : nAn (sic) dem Buchlein ist beschriben ein 
Krig, etc. Le premier chapitre commence, comme celui 
de l'ouvrage précédent, par les mots: [G]rimig€r ablit- 
gef, etc. J'ignore jusqu'à quel point cette description est 

* Geschichte, etc. p. iSg. Voyez aussi Ébert, Lexîcon, n" 18,704. 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE I. kb 

exacte, et si cest réellement un autre livre ou une autre 
édition du même livre. 

i3* Dibdin attribue à Pfister l'ouvrage suivant, qu'il 
a décrit dans sa BibUotheca spenceriana, t. I, p. lai. 
Gomme je n'ai pu voir le livre, j'emprunte au bibliophile 
anglais les détails qu'A a pubUés : 

PsaUerimn latine, in-folio. Le seul exemplaire connu 
se trouve dans la Bibliothèque spencérienne. C'est un 
livre très-remarquable, tant sous le rapport de la forme 
des types que sous celui de la beauté du papier. Le 
caractère a beaucoup de ressemblance avec celui de 
Pfister; toutefois il semble un peu moins fort. Il tient 
du caractère de la Bible de &2 lignes; mais il est plus 
gros. Le texte conmience, par les mots suivants, sur le 
recto du premier feuillet, avec omission de la première 
lettre : [B]eatas vir qui non ahiit, etc. La première page a 
seulement ^27 lignes; les autres, celles qui sont pleines, 
en ont 29. Sur le cinquième feuillet, à compter par la 
fin , le psaume finit à la seconde ligne. Le symbole de 
saint Âthanase occupe le dernier feuillet, au recto du- 
quel il se termine par ces mots : Finitfœliciter. L'ouvrage 
est sans chififre , signature ni gravure , et les lettres ini- 
tiales sont toutes omises. On a laissé un blanc à leur place 
pom* recevoir le dessin du rubricateur. Le papier porte 
dans le filigrane une tête de bœuf d'où part un long filet 
terminé par une étoile. 

M. Brunet^ qui n'a pas vu le livre, dit qu'il est imprimé 

' Manuel du Uhraire, 4* édition, t. III, p. 858. 



46 DE LOfilGINE DE L IMPRIMERIE. 

avec le caractère de Pfister; Dibdin, qui lavait sous la 
main, dit que les caractères sont un peu plus petits, ce 
qui, en termes d'imprimerie, équivaut à une assertion 
contraire à celle de M» Brunet. Toutefois, il ajoute que 
les lignes sont toutes de même longueur, a ce qui prouve 
que le livre est sorti de Tofficine de Pfister. » J avoue 
ne pas comprendre la justesse de cette conclusion. Dans 
les premières impressions seulement les lignes étaient 
d mégale longueur, soit qu*on n'eût pas encore une assec 
grande variété d'espaces pour combler le blanc qui exis- 
tait à la fin en le répartissant également sur toute la 
ligne, soit quon suivît sans réflexion Tusage des scribes, 
qui ne peuvent , comme la typographie , terminer régu- 
lièrement leurs lignes; mais je ne vois pas ce que cela 
prouve en faveur de Pfister. 

1 à!" Les Sept joies de Mûrie ^ petit ouvrage allemand , 
dont il n existe qu'un exemplaire , qui se trouve dans la 
Bibliothèque royale de Munich. Comme tous les vieux 
monuments de la typographie, il n a point de titre. Celui 
qu'on lui donne est tiré du sujet. L'ouvrage se compose 
de 9 feuillets ^ dont 5 avec texte et les k autres avec gra- 
vures : il y en a une de chaque côté , c'est-à-dire huit 
gravures en tout. Le texte commence au verso du pre- 
mier feuillet avec une prière : « Im namen, etc. » Chaque 
page a i5 lignes, sauf la neuvième ou dernière (car la 
dixième est blanche comme la première), qui n'en a 
que 1 4» L'ouvrage est disposé de telle sorte, que le texte 
se trouve toujours en face de la gravure qui s'y rapporte. 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE I. 47 

Quand les lignes ne sont pas remplies par les mots , on 
y ajoute des points, comme au Calendrier de 1 45 7, etc. 
Les gravures sont imprimées sur des planches de métal 
et coloriées ; elles ressemblent à des cartes à jouer. Cha- 
cune de ces gravures occupe toute la page. Leur grandeur 
est de Ix pouces 7 lignes de hauteur sur 3 pouces 5 lignes 
de largeur, mesure de Paris, et répond, par conséquent, 
i un petit in-octavo. Les dessins annoncent un artiste 
assez habile, quoique la perspective manque. Les con- 
tours sont grossiers , ont peu d'ombre et ressemblent à 
des silhouettes. Des fleurs et des arabesques remplissent 
les intervalles laissés entre les figures, intervalles qui , au- 
trement, seraient tout noirs. Le tout est exécuté d'après 
la manière dite eribUe. M. Falkenstein^ donne la no- 
menclature des gravures, et M. Stôger^, des fac-similé 
des caractères et des gravures. 

1 b"* La Passion de Jésus. Cet opuscule , en allemand , 
du même format que le précédent , se compose de a 1 
feuillets, dont 1 1 avec gravures et 10 de texte. Comme 
dans les Sept joies de Marie, la première page du premier 
feuillet et la seconde du dernier sont blanches , avec cette 
difiërence, toutefois, que ce sont ici les gravures qui 
conunencent, tandis que cest le texte dans louvrage 
précédent. Le premier et le dernier feuillet de la Passion 
de Jésus n ont donc qu une gravure ; mais les feuillets 3,5, 
7, 9, 1 1 , 1 3, 1 5, 1 7, 1 9 en ont chacun deux, ce qui porte 

^ Gnckukte, etc. p. 137. 

* Zwsi àtt àtmtai éÊUUpkik DrmckàaïkmAltr, in-8*, i^3, Munich. 



48 DE L*ORIGINE DE LIMPRIMERIE. 

le total à 20. Chaque page de texte a i k lignes» sauf les 
feuillets 2 et 20, où il ny en a que i3. Les blancs des 
alinéas ne sont pas ici remplis par des points, comme 
dans les Sept joies de Marie; mais, de même que dans 
cet ouvrage , les images sont gravées en creux sur fond 
noir et sur planches de métal. M. Falkenstein en a donné 
la nomenclature ^ ; Dibdin a publié le fac-similé d'une 
gravure dans son Vcycuge archéologique^ ; M. Stôger a fait 
une description complète de lopuscule dans son livre 
intitulé Zwei der àltesten deutschen Drackdenkmàler. On y 
trouve le fac-similé du texte et des gravures. 

1 6° La Passion de Jésus (autre édition). Tel est le titre 
que M. Bechstein ' donne à un petit opuscule allemand 
qui a beaucoup de rapport avec le précédent, mais qui 
en diffère toutefois par le nombre et par la disposition 
des pages, sinon par la forme des caractères et des ima- 
ges. En effet, ce dernier na que 9 feuillets, ou plutôt 
nen a que 8 , car on a perdu le neuvième depuis quelque 
temps ; mais cet opuscule devait être plus considérable, 
car la disposition du premier et du second feuillet res^ 
tants, qui montrent deux gravures en regard Tune de 
lautre , indique évidemment une lacune ^. Le livret en 

* Geschichte, etc. p. 137. 

» T. III,p. a8o. 

' Deatsches Museam (lena, i833, m-8*), t. II, p. 375. 

^ Peut-être, au reste, cette singulière disposition du premier feuillet n'est- 
elle cpie le résultat d'une erreur de placement de ce feuillet. Si M. Bech- 
stein avait fait connaître Tarrangement typographique de tout le livret, 
c'est-à-dire la manière dont les feuillets tiennent entre eui , on pourrait se 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE I. 49 

question se trouve dans le riche cabinet de M. Meyer, 
de Hfldburghausen. Comme les deux ouvrages précé- 
dents, auxquds il ressemble complètement, il a iti li- 
gnes à la ps^e , et est accompagné de gravures sur mé- 
tal, à la manière dite crihlée. Les huit feuillets restants 
nous offirent huit images, dont M. Bechstein a donné un 
fac-similé, et huit pages de texte, que cet auteur a repro- 
duites en lithographie dans son livret Voici la disposition 
des pages de texte et de gravures : 



i" feuSlet : recto, texte. 

verso, gravure. 
1* feui]let : recto , gravure. 

verso , texte. 
3* feuillet : recto , gravure. 

verso , texte. 
IC feuillet : recto , gravure. 

verso , texte. 



5* feuillet : recto , gravure. 

verso, texte. 
6* feuillet : recto, gravure. 

verso , texte. 
7* feuillet : recto, gravure. 

verso, texte. 
8" feuillet : recto , gravure. 

verso , texte. 



Gomme on le voit, le texte a dû être tiré avec les gra- 
vures dans ce livret, tandis que, dans les deux précé- 
dents , se trouvant sur des feuillets distincts , celles-ci ont 
pu être tirées à part. Cette circonstance me porte à croire 
que le livre de M. Meyer, s'il n'est pas de beaucoup plus 

prononcer; mais les bibliographes n*ont jamais jusqu'ici songé à cela. C'est 
cependant une des choses les plus importantes à constater, pour connaître 
le format des livres et la manière dont ils ont été tirés. Ainsi, par exemple, 
il n*y aurait qu'un moyen de reconnaître que le feuillet en question est bien 
placé , ce serait de voir s'il tiôit au huitième ; ce dont je doute , car ce hui- 
tième feuillet est disposé comme les six précédents. 
^ Deutsches Museam,t. II, p. a8i et suiv. 



50 DE L'ORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

ancien qu€ ceux de ia bibliothèque de Munich, les a du 
moins précédés de quelque temps ; car Timpression des 
gravures isolées est un progrès qui pouvait permettre d y 
apporter plus de soin. Du reste, cest le même artiste qui 
a exécuté ces trois livrets. On y trouve le même genre 
de gravures, le même caractère (une grosse gothique de 
dix-huit points environ), le même genre d'impression et 
le même format. 

En présence dune aussi nombreuse série d ouvrages, 
dont le plus, grand nombre ne porte aucune indication 
diimprimeur, de lieu ni de date, il y a une question princi- 
pale à résoudre , c'est celle de savoir si c'est le même artiste 
qui a imprimé toutes ces pièces. Or je n hésite pas à dé- 
clarer que non , et qu'on a attribué à Pfister les ouvrages 
de trois artistes différents au moins. Suivant moi, il faut 
d'abord lui enlever les trois derniers numéros ( 1 4 , i S et 
1 6) , qui non -seulement nous offrent un tout autre genre 
de gravures que celles fabriquées par Pfister, mais encore 
un tout autre caractère. C'est une chose vraiment surpre- 
nante que de voir avec quelle facilité les savants se trom- 
pent dans les questions typographiques les plus simples. 
La pluparjt .des auteurs qui ont attribué pes livres à Pfister 
(et de ce nombre sont Dibdin ^ et M. Falkenstein) se sont 

* Le célèbre bibliothécaire de lord Spencer est d'autant moins exci^- 
»Me qu'il avait constaté la différence ejustante entre les caractères de 
Pfister et ceux employés dans la Passion de Jésus. « Ce dernier tient , dit-il , 
le milieu entre ceux des ^ibles dje 36 et de 43 lignes. » {Voyage archéo- 
logique, etc. t. III, p. 280.) 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE I. 51 

fondés sur Tanalogie de forme des caractères de ce der- 
nier avec ceux qui paraissent dans les livrets en question , 
sans tenir compte de la différence de grosseur. Il semUe- 
rait, d*après eux, que Timprimerie procédât à la &çon 
d'un scribe, dont on peut toujours reconnaître la main, 
quelle que soit la dimension de récriture qull adopte. 
On ne saurait trop le répéter : en typographie , deux ca- 
ractères de forces différentes , fiissent-ils absolument iden- 
tiques sous le rapport de la forme, ne prouvent rien 
pour l'origine d'un livre. Or jusqu'ici nous ne connais- 
sons qu'un caractère à Pfister, c'est son gros missaUypé 
de la £gible de 36 lignes. Les livres dont le caractère s'é- 
carte de cette proportion ne lui appartiennent pas. Gela 
dit, je me dispenserai dç signaler les différences radi- 
cales qui existent, en réalité, dans la forme des deux ca- 
ractères; car c'est inutile. M- Becbstein en a relevé quei- 
ques-unes^ ; mais il faudrait, pour être exact, toucher à 
tout l'alphabet. 

Lestrois opuscules que j'ai décrits sous les numéros 1 4> 
1 5 et' 1 6 sont évidemment exécutés par un de ces an- 
ciens graveurs sur métaux qui nous ont laissé tant d'î- 
mages remarquables, et dont quelques-uns soi^t contem- 
porains des débuts de la jtypographie^. Sans doute l'un 
de ces artistes am*a utilisé le nouvel art pour vendre plus 

* Deutsches Muséum, t. II , p. a 9 1 . 

* Voy^ IJ^inecte , liie générale, etc. p. a 1 7 et suiv. Cet auteur, ei com- 
pétent po\ir ceX çbjet, fait remonter la gravure sur cuiyre à Tachée 1 44o 

(p. 334)- 

4. 



52 DE L'ORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

facilement ses gravures , en les accompagnant d'un texte 
dont îi aura lui-même gravé et fondu le caractère, ce 
qui était chose facile pour lui, habitué à travailler le 
métal. 

Maintenant, quel est cet artiste et quand vivait-il? Je 
l'ignore, fet je n'entreprendrai pas de bâtir un conte pour 
suppléer au défaut de renseignements , comme ont fait 
quelques-uns de mes devanciers. M. Falkenstein place 
l'impression de la Passion de Jésus entre les années i dSo 
et 1 460 ; mais c'est là une pure hypothèse que rien n'ap- 
puie; M. Stôger, qui a étudié ce livre à fond, est beau- 
coup plus réservé : il ne se prononce ni sur l'époque de 
l'impression ni sur son origine. Tout ce qu'on peut dire 
dans l'état actuel des choses , c'est que l'artiste qui a im- 
primé ces petits livrets était allemand. La contrée où ils 
se trouvent autorise à penser qu'ils ont été imprimés 
dans le centre de l'Allemagne, peut-être à Nuremberg 
ou dans les environs, où demeuraient, suivant Heinecke, 
les premiers inventeurs de la gravure sur métaP. Des 
découvertes nouvelles viendront peut-être un jour éclair- 
cir cette question aujourd'hui encore insoluble. 

Quoi qu'il en soit, il est certain qu'on ne peut attri- 
buer à Pfister les trois opuscules décrits en dernier lieu. 
Peut-être faut-il encore lui retirer le numéro 1 3 , qu'on 
ne lui attribue que sur de vagues ressemblances de ca- 

^ c Au moins suis-je persuadé que les premiers inventeurs demeuraient 
ou à Gulmbach, ou à Nuremberg, ou à Augsbourg. » (Idée générale, etc. 
p. 233). 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE I. 53 

ractères ; mais , comme je n* ai pas vu le volume, et comme 
ce fait est sans importance, je ne m'y arrêterai pas. 

Quant aux autres ouvrages, je les diviserai en deux sé- 
ries, dans lesquelles je nai pas toutefois la prétention* de 
pouvoir fixer rigoureusement leur place. La première em- 
brasse tout ce qui est postérieur au Calendrier de i iSy, 
et appartient à Pfister; la seconde, composée des quatre 
premiers nmnéros de la liste, appartient à un autre ar- 
tiste, sm* lequel nous n avons pas de renseignements, mais 
qui est probablement mort après Timpression du Calen- 
drier, opérée, comme nous lavons vu, vers la fin de i A 56. 
Voici sur quoi est fondée mon opinion : i** Pfister ne 
s est jamais servi du petit caractère des Lettres dlndul- 
gences dans les livrets qui lui appartiennent certaine- 
ment, et l'on ne s'expliquerait pas la persistance qu'il 
aurait mise à laisser chômer ce gracieux caractère, s'il 
l'eût possédé , surtout si on lui attribue les numéros i Ix , 
1 5 et 1 6, où nous voyons employer un gros caractère tout 
à fait disproportionné avec le format du livre ; a® Pfister 
demeurait à Bamberg, où résidait sa famille , et c'est à 
May ence qu'on a trouvé le Donat dit de 1 4 5 1 et le Calen- 
drier de 1 457, et c'est de cette ville qu'est daté l'un des 
exemplaires le plus anciennement délivrés des Lettres 
d'indulgences de 3 1 lignes; 3** enfin, l'exécution typogra- 
phique de ces Lettres d'indulgences est bien supérieure 
à tous les ouvrages de Pfister. 

On me demandera sans doute comment j'explique alors 
la possession par ce dernier du gros caractère gothique 



5/A DE LOBIGINE DE L IMPRIMERIE. 

qui figure dans les diverses pièces que je viens de citer. Ma 
réponse sera bien simple : Pfister Ta probablement acheté 
de celui qui remployait, ou plutôt de ses héritiers , car il 
n est pas naturel de supposer qu un imprimeur en exer- 
cice se soit dessaisi de ses instruments. Cette hypothèse 
expliquerait d'ailleurs pourquoi le petit caractère des 
Lettres d'indulgences ne reparait nulle part : cest qu'il 
n'aurait pas été acheté. De fait, les trois autres imprimeurs 
exerçant alors à Mayence n'en avaient pas besoin , puis- 
qu'ils possédaient des caractères qui leur appartenaimt 
en propre, comme nous l'avons vu, et le gros carac- 
tère suffisait à Pfister pour le genre de livres qu'il exé- 
cutait. Cette circonstance semble indiquer l'époque où 
aurait eu lieu la vente du gros caractère en question , 
c'est celle où Schoiffer imprimait le Rationale Durandi 
de 1459; Gutenberg, le Calendrier de i46o, et Bech- 
termuntze, le Catkolicon de la même année. Or cette 
époque, chose singulière ! coïncide parfaitement avec celle 
où Pfister imprimait sa Bible de 36 lignes; car il n'y a 
pas de doute que ce livre n'ait été exécuté par lui à Bam- 
berg vers 1 46o, comme je l'ai dit précédemment : c'est ce 
que confirme au reste un passage fort curieux d'un ma- 
nuscrit de la bibliothèque de l'université de Cracovie 
qu'il convient de faire connaître ici. Ce passage, tiré d'une 
encyclopédie des sciences et des arts écrite en latin , 
vers l'année iZi63, par un docteur en médecine et en 
philosophie appelé Paul de Prague , a été déjà imprimé 
dans plusieurs livres tant français qu'allemands , etc. mais 



DEUXIÈME PARTIE.— CHAPITRE I. 65 

dune manière inexacte. Je dois à M. Joseph Muczkowski, 
bibliothécaire de luniversité de Gracovie , qui a publié 
dans cette ville, en 1 835, un travail ^ très^intéressant sur 

' Yoici le tilve complet de cet opuscale, qui forme une brochure de 
64 pages avec une planche : « Pauli Pauiirini, olim Paulus de Praga yow- 
• tati, viginti artium manuscnptum lihrum, cujus codex membranaceus, 
fin bibliotheca universitatis Jagellonicae Cracoviae asservatus, Twardovio 
c vulgo tribuitur, descripsit, vitamque auctoris adjecit Josephus Muczkow- 
« ski. — Accessit tabula lapidi incisa. — Cracoviae , 1 835. » Xen extrais les 
renseignements suivants, qui ne sont pas sans utilité , comme on va le voir. 

L'auteur du manuscrit de Gracovie s'appelait Paul Paulirinus , ou mieux 
PoMlirian: il naquit, en 1 4 13, d*un père juif, auquel il fut ravi par un ha- 
bitant de Prague qui Téleva dan9 les principes de sa secte chrétienne ; cela 
valut plus tard à Paul le surnom méprisant de Zydek ou Zidek (petit juif); 
mais il est plus généralement connu sous le nom de Paul de Prague, qu'il 
reçut probablement durant ses voyages, eu mémoire de la ville où il avait 
été élevé. Quand il eut Tâge requis, Paul alla étudier dans les universités, 
et d'abord dans celle de Vienne , où il abjura son hérésie, et entra dans le 
giron de l'Église catholique. Il se rendit ensuite dans les universités de Pa- 
doue et de Bologne , et revint à Prague en 1 44 s , en passant par le diocèse 
de Ratisbonne , où il fut ordonné prêtre. Quoique pourvu de ce titre , il crut 
pouvoir accepter la provision de quelque office dans l'église hérétique de 
Prague , et resta dans cette ville jusqu'en 1 444 ; mais à cette époque il vint 
se fixer à Gracovie, où il résida quelque temps; puis il quitta cette der- 
nière ville en 1 453 , fuyant la peste qui la désolait, et vint à Breslau. Là, 
convaincu d'avoir conservé des rapports avec les hérétiques de Prague, il 
fut jeté en prison, puis relâché sur la demande des autorités civiles. Il re- 
vint alors à Gracovie, où il fut de nouveau incarcéré, et condamné comme 
hérétique. Absous par le pape, grftce à l'intervention d'un cardinal , il se 
retira à Pilsen, en 1 453 , et y obtint un modeste bénéfice annuel de douie 
florins, qui fiit longtemps sa seule ressource. G'est dans cette ville, et 
pour occuper ses loisirs, qu'il entreprit son grand travail, quoique privé 
de livres, comme il nous l'apprend. Il fut aidé dans cette œuvre par un de 
ses disciples qui le suivit constamment durant sa mauvaise fortune , et qui 
transcrivit lui-même tout l'ouvrage de son maître. Ge serviteur fidèle s'ap- 



56 DE L'ORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

le livre de Paul de Prague , le moyen de pouvoir rectifier 
ce texte, qui reste néanmoins encore quelque peu obscur. 
Voici le passage en question ^ : 

Ciripagus' est artifex sculpens subtiliter in laminibus ereis, 
ferreis ac lignais, solidi ligni, aut altero, ymagines, scripturam, 
et omne quodlibet, ut post imprimât papiro, aut parieti, aut as* 
seri mundOf faciliter onme quod cupit: aut est homo faciens talia' 
cum patronis. Et tempore mei Pambergae quidam sculpsit integram 
Bibliam super lamellas , et in quatuor septimanis totam BibUam 
super pai^ameno subtili presignavit scriptura. 

« Le ciripagas est un aitisan qui taille ingénieusement 
dans des lames de cuivre, de fer, de bois dur, ou d'autre 
matière, des images, de l'écriture et toute sorte de choses, 

pelait Paul de Neufchâteau (de Novo Castro), Il est difficile de dire à quelle 
époque le livre fut commencé. Une phrase écrite sur le trentième feuillet 
avant celui où se trouve le passage qui nous intéresse nous apprend seule- 
ment que Tauteur écrivit une partie de son livre en 1 663. Voici en effet ce 
qu*il dit au feuillet 160 : i Ad annum Domini i463 incompletum, in quo 
« presentem scripsi materiam , in die Benedicti (1 1 juillet). » Il cessa proba- 
blement de s'en occuper à partir de Tannée 1 666 , où il fut appelé à la cour, 
et Touvrage est resté inachevé. Dans son état actuel il se compose de 359 
feuillets grand in-folio en vélin, à deux colonnes. On ignore à quelle époque 
mourut Paul de Prague; mais on sait qu'il survécut au roi Georges, mort 

en 1671. 

^ Folio 1 90 recto , col. 1 . 

* Il y a bien ciripagus ou tiripagus, et non Ubripagm, comme on avait 
lu jusqu'ici. Le yoc-^iiniTe joint à la brochure de M. Muczkowski et celui 
que ce savant a bien voulu m'envoyer particulièrement ne laissent pas de 
doute à cet égard. Que signifie ce mot, qui ne se trouve dans aucun glos- 
saire? Je l'ignore, et je laisse aux philologues le plaisir de le chercher. 

^ La lecture de ce mot n'est pas certaine : il y a dans le manuscrit 
tliâ ou quelque chose d'analogue. On pourrait peut-être lire taliam, pour 
gravure; mais le sens serait moins précis et surtout moins clair< 



DEUXIEME PARTIE— CHAPITRE I. 57 

pour imprimer ensuite avec facilité sur papier, sur mur 
ou sur planche unie, tout ce qu'il lui plaît : on donne aussi 
ce nom à 1 ouvrier qui exécute ces choses avec des patrons 
[tout faits]. Pendant que j'étais à Bamberg, un homme 
a gravé une Bible tout entière sur lames, et a fixé récri- 
ture de toute cette Bible sur vélin ^ en quatre semaines. » 
Personne ne met en doute que ces dernières lignes 
ne s'appliquent à Pfister^, quoiqu'il n'y soit pas nommé; 
seulement quelques auteurs pensent que Paul de Prague 
a voulu parier d'une Bible des pauvres en planches xylo- 
graphiques qu'aurait gravée et imprimée cet artiste avant 
de connaître la typographie. Ils se fondent sur ce qu'au- 
cun imprimeur n'aurait pu terminer une Bible en quatre 
semaines. Cela est évident, en effet; mais il ne l'est pas 
moins que Paul de Prague a voulu parier de la grande 
Bible , car il répète par deux fois Bibliam integram, totam 

^ Je traduis ainsi pargameno subtili; mais peut-être devrait-on rattacher 
le dernier mot à sàriptura. Dans ce cas il faudrait dire : c l'a reportée sur 
parchemin en écriture menue dans l'espace de quatre semaines. » Il se 
pourrait en effet que Paul de Prague ait cru devoir appeler écriture menue 
le gros caractère de la Bihle de Pfister, par comparaison avec ceux dont 
se servaient habituellement les ciripagi, 

* Paul de Prague ne dit pas précisément que l'imprimeur de la Bible 
résidât à Bamberg : on pourrait donc appliquer les termes de son récit à 
Gutenberg aussi bien qu'à Pfister; j'ai cru cependant devoir me ranger à 
cet égard à l'opinion générale, parce qu elle me semble la plus naturelle. 
Tout s'éclaircirait si l'on pouvait fixer l'époque du séjour de Paul de Prague 
à Bamberg; mais on n'a aucun renseignement sur ce fait. Il ne peut tou- 
tefois se placer qu'entre l'année iA55, où Gutenberg publia sa Bible, et 
l'année 1 463, où Paul de Prague paraît avoir écrit le passage qui nous inté- 
resse :je crois qu'on approcherait fort de la vérité en adoptant l'année 1 46o. 



58 DE L'ORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

EihUam. Il faut donc conclure qu'il s est trompé relative* 
ment au temps que demanda cet ouvrage. Son erreur, 
au reste, est facile à expliquer par le secret dont s'entou- 
raient les premiers imprimeurs , et par l'admiration où 
fiirent les contemporains des premiers travaux de la typo- 
graphie , admiration qui les portait à en exagérer encore 
les résultats. Paul de Prague a répété tout simplement le 
bruit qui était venu jusqu'à lui. 

Disons un mot, en passant, de lindustrie de l'artisan 
que Paul de Prague appelle ciripagns, et à l'occasion du- 
quel il parle de l'imprimeur de Bamberg^ Jusqu'ici on 
avait lu libripagus (comme un équivalent barbare de biblio- 
pegas) , au lieu de ciripagas que porte le manuscrit, et la 
chose semblait toute natiu*elle ; mais ni le lihrarius , ni le bi- 
Uiopegus ne gravaient sur métal, encore moins impri- 
maient-ils sur mur. Quant à moi , sans me préoccuper de 
l'étymologie du mot ciripagus, qui me paraît fort difficile 
à trouver, je crois pouvoir dire que l'artisan ainsi appelé 
était le dominotier, qui, dans certaines contrées , à ce qu'il 
paraît, faisait non-seulement les écriteaux de location, 
comme aujourd'hui, mais encore les enseignes, et même 

^ Paul de Prague, perdu dans la petite ville de Pilsen , ignorait encore, 
lorsqu*il écrivit, non -seulement le» procédés d'exécution, mais le nom 
même de Tart dont il signalait une production. Gela, au reste, ne doit 
pas surprendre, car pendant quelques années on ne sut comment dési- 
gner les typographes : les savants les appelèrent d'abord Uhrarii, par tra- 
dition classique, puis typograpki, chalcogr<iphi,ex€ttsores,protocharagmar 
tici, etc.; mais le vulgaire les appela tout simplement impressores, du nom 
de leur principal instrument (la presae) , et c'est cette appellation qui prévalut. 



DEUXIEME PARTIE— CHAPITRE I. 59 

les affiches : ce n'est qu'ainsi qu'on peut expliquer l'im- 
pression sur papier, sur bois et sur mur dont parie Paul 
de Prague. L'industrie des affiches peintes, appliquées 
sur la muraille à l'aide d'une feuille de métal découpée 
sur laquelle on passe une brosse enduite de couleur n'est 
donc pas nouvelle, comme on pourrait le croire, puis- 
qu'elle était connue au xv* siècle. C'est le cas de dire 
comme le proverbe : « Rien de nouveau sous le soleil ! » 

n est possible que Pfister ait débuté par cette indus- 
trie dans la carrière qu'il était destiné à parcourir d'une 
façon si remarquable, et qu'il ait passé de l'impression 
sur plaques à l'impression xylographique, et de cette der- 
nière à l'impression typographique, dont elle était l'avant- 
coureur ; mais il paraît qu'il exerçait déjà la xylographie à 
Bamberg à l'époque où Gutenberg réalisait enfin la typo* 
graphie à Mayence. On fait même remonter l'existence 
de son atelier à i&35, époque où il aurait été saccagé 
après un siège soutenu par les boui*geois de Bamberg 
contre leur évêque. 

Quoi qu'il ^1 soit, il est probable qu'aussitôt après 
l'apparition du Psautier de lASy, qui révéla publique- 
ment au monde l'art nouveau, Pfister, ayant compris le 
profit qu'il pouvait en tirer pour imprimer les textes de ses 
livres à gravures, résolut de se procurer des caractères : 
l'imprimeur du Calendrier de i àSy étant, je pense, mort 
sur ces entrefaites, Pfister trouva sans doute plus com- 
mode d'acheter l'un des caractères du défunt que d'en 
faire graver un semblable à son compte. C'est, à mon 



60 DE L'ORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

avis , la seule manière raisonnable d'expliquer la posses- 
sion de ce caractère par Timprimeur de Bamberg. 

S'il était permis de tirer des conséquences rigoureuses 
de certains accidents typographiques que j'ai signalés 
dans la description de la Bible de 36 lignes, je ne serais 
pas éloigné de croire que ce fut là le début de Pfister 
dans l'imprimerie en caractères mobiles. En effet, le pre- 
mier cahier de cette Bible a été exécuté avec une grande 
inexpérience , et cependant la netteté de l'impression 
prouve que le caractère était tout neuf. Cette dernière 
circonstance me porte à penser que Pfister acheta, non 
pas les caractères , mais les matrices elles-mêmes et les 
moules , avec lesquels il fondit la quantité de lettres qui 
lui était nécessaire^. 

On trouvera peut-être étrange que je fasse débuter 
Pfister dans la typographie par un livre aussi considé- 
rable que la Bible; mais c'est précisément la longueur 
du travail qui devait engager l'imprimeur de Bamberg à 
conunencer cet ouvrage le plus tôt possible , sans préju- 
dice des autres livres qu'il pouvait conduire de front. Ce 
qu'il y a de certain pour moi , au siu*plus, c'est que cette 
Bible fut finie avant 1/160, date antériemre à toutes celles 
qui se trouvent sur les autres livres de Pfister. 

Je terminerai là ce que j'avais à dire de cet artiste; 
car on ne sait rien de sa vie. On pense qu'il était fils 
d'Ulrich Pfister, qui parait comme Geleitsgeldner à la foire 

^ C'est sans doute ce que Paul de Prague a voulu dire par le mot^ 
sculpsit, qu on lit à la cinquième ligne du passage cité page 56. 



DEUXIÈME PARTIE— CHAPITRE I. 61 

de Francfort dans un acte de i&4o, et qii*ii mourut 
peu après 1662. B (îit probablement le père de Sebas- 
tien Pfister* qui a publié vers 1Â70 un ouvrage assez 
remarquable sous le rapport typographique, et commen- 
çant ainsi : « Dis buch, etc. (ce livre est appelé Les vingt- 
quatre vieillards ou Le trône £or du frère Otkon de Passaajy » 
sans indication de lieu ni de date. Le livre se compose 
de 1 62 feuillets petit in-folio, avec vingt-six gravures sur ' 
bois^ On ne connaît rien autre chose de Bamberg jus- 
qu'en Tan 1 A8 1 , où Jean Sensenschmidt vint s*y établir. 
Par une fatalité déplorable , de même que Mayence 
n a que des fragments sans importance des premiers ou- 
vrages de ses premiers imprimeurs, Bamberg na égale- 
ment que quelques fragments des ouvrages de Pfister. 

S 3. Strasbourg. 

Suivant le récit consigné par Tabbé Trithème dans 
les Annales JtHirschau, cest d'abord à Strasboui^ que 
les ouvriers mayençais importèrent l'art typographique*. 
C'était la dette de la reconnaissance qu'ils venaient 
payer à la ville où Gutenberg avait conçu l'idée des ca- 
ractères mobiles. Toutefois, il parait que déjà l'un des 
habitants de cette viUie l'avait dotée de cette merveil- 
leuse industrie. 

^ Falkenstein , Gescfùchtej etc. p. 1 4 1 . Le livre de frère Otton de Passau 
a été réimprimé à Augsbourg en i48o. 

' Voyez 1. 1, p. 296 et 807. L'auteur de la Chronique de Cologne, par 
patriotisme, fait passer sa ville avant Strasbourg. Voyec 1. 1 , p. 1 4o. 



62 DE LORIGINE D£ LIMPRIMERIE. 

Les circonstances de 1 Introduction de rimprimerie 
à Strasbourg ne sont pas moins incertaines que celles 
de Tinvention de cet art dans la même vilte quelques 
années auparavant. Si Ton en croyait certains auteurs 
strasbourgeois , il faudrait même enlever à Gutenberg 
rhonneur qu on lui attribue , et en doter un bourgeois 
de Strasbourg nommé Mentelin, qui aurait réalisé Tin- 
vention de Fimprimerie dès iklxo, et dont Gutenberg 
n'aurait été que le plagiaire, voire même le spoliateur. 

Ce système a contre lui les monuments et le témoi- 
gnage des contemporains ; toutefois , comme il a en Al- 
sace de nombreux partisans, je crois qu'il convient de 
le réfuter en règle , dans l'intérêt même de Strasbourg ; 
car il pourrait arriver à cette ville ce qui arriva au chien 
de la fable , qui perdit sa proie en courant après l'ombre. 

Voici la traduction exacte d'un passage d'une chro- 
nique allemande dont le manuscrit est conservé dans la 
bibliothèque de Strasbourg , et qu'on attribue à Specklin , 
intendant de la ville dans la seconde moitié du xvf siècle : 
«L'an i44o, l'art admirable de l'imprin^erie fut trouvé - 
à Strasbourg par Jean Mentel, demeurant sur le Fron- 
hof, dans l'hôtel du Parc (Thiergarten)^. Son gendre, 
Pierre SchoifFer, et Martin Flach le propagèrent ensuite ; 
mais un domestique de Mentel, appelé Jean Gensfleisch, 
après lui avoir ravi son secret, s'enfuit furtivement à 
Mayence, et là porta l'art encore plus loin, grâce aux 
secoiu^ de Gutenberg, homme très-riche. Mentelin res- 

' Lieu occupé aujourd'hui par les bâtiments du collège. 



DEUXIEME PARTIE— CHAPITRE L 63 

sentit tant de chagrin de cette perfidie , qu*ii en mourut. 
Il fut enterre , pour Thonneur de lart , dans le monas- 
tère ou église cathédrale , et sur son tombeau fut repré- 
sentée sa presse. Dieu punit ensuite le domestique Gen^ 
fleisch en le rendant aveugle pour le reste de ses jours. 
«Tai vu cette première presse et les types qui avaient été 
sculptés sur du bois , et se trouvaient composés de syl- 
labes et de mots. Ils étaient percés sur le côté , afin qu on 
pût les réunir au moyen d'un fil , et étaient ainsi main- 
tenus en l^ne. On doit bien regretter que ces objets , 
qui étaient les premiers de ce genre, aient été perdus'. » 

C'est sur cette version , qui renferme autant d erretu*s 
que de mots, que tous les partisans de Mentelin se sont 
appuyés pour revendiquer en sa faveur llionneur de 
Tinvention de Timprimerie. Je ne crois pas nécessaire de 
les réfuter tous; car le nombre ici ne signifie rien. Du 
moment qu aucun d eux ne produit des faits nouveaux , 
il suffit de réfuter le récit original. 

D'abord rien ne prouve que cette chronique soit de 
Specklin, qui, du reste, né en i536 et mort en 1689, 
serait un guide assez peu sûr dans cette matière. La- 
question n'est pas là. Peu importerait, le nom de l'auteur 
de cette chronique , si le fond même du récit était vrai ; 
mais il n'en est pas ainsi : dès la première ligne nous 

* Voyez le texte ea allemand et en iatin dans Meerman, Ori^. ^poyr, 
t. II, p. 1 99. Je ne donne pas les termes d*une seconde chronique publiés 
par le même auteur, parce qu ils sont presque identiques à ceux de la 
première. On peut en voir le ^te dans Meerman , au lieu cité. 



64 DE L'ORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

voyons percer Tignorance de son auteur. D^abord ii fait 
de Pierre Schoiffer un des gendres de Mentelin, afin de 
pouvoir encore revendiquer la gloire de cet artiste cé- 
lèbre après avoir escamoté celle de Gutenberg ; ensuite 
il fait du noble Jean Gensfleisch un domestique de Men- 
telin , et de Jean Gutenberg un homme riche ! . . . Nous 
avons vu ce qu'il en était de tout cela : il est donc inutile 
d'en reparler. Seulement je ferai remarquer que la chro- 
nique fait à tort deux personnes d'un même individu ; 
car il n'est pas probable que Jean Gensfleisch le vieux 
soit venu à Strasboui^. 

Suivant la chronique, Mentelin mourut du chagrin 
que lui avait causé la perfidie de son domestique : or 
Mentelin mourut en 1678. A quelle époque fut-il donc 
volé? Si c'est en 1 44o , il faut avouer que le chagrin de 
Mentelin n'a pas été bien vif, puisqu'il a mis trente-huit 
ans à tuer son homme. Si au contraire c'est aux environs 
de 1/478 que le vol eut lieu, il faut croire que Guten- 
berg , mort depuis plus de dix ans alors , était revenu à 
la vie exprès pour commettre sa mauvaise action. 

Il est inutile de pousser plus loin la critique, car je 
ne crois pas nécessaire de réfuter ici pour la centième 
fois l'histoire des caractères de bois perforés, sorte de 
fable destinée à amuser les niais. Voyez-vous cette presse 
et ces caractères qui s'étaient conservés tels quels pen- 
dant plus d'un siècle (car, comme on l'a vu plus haut, 
Specklin était né en i536), et qui disparaissent tout à 
coup sans qu'on sache ce qu'ils ^nt devenus ! 



DEUXIEME PARTIE— CHAPITRE I. 65 

Ce qu'il y a de plus singulier, c*est que Terreur a suivi 
à Strasboui^, en ce qui concerne Mentelin, la marche 
qu elle avait suivie à Mayence en ce qui touche Schoif- 
fer, dont on a aussi voulu faire l'inventeur de Timpri- 
merie, au préjudice de Gutenberg : les versions devien- 
nent de plus en plus affirmatives à mesure qu on s éloigne 
des événements , jusqu'à ce qu elles aient formulé un 
système complet, auquel on s'arrête sans tenir compte 
de ses invraisemblances. 

Ce qui n'a pas peu contribué à jeter le doute sur cette 
question , ce sont les mensonges de deux personnes in- . 
téressées : d'une part, Jean Scfaott, petit-fils par sa mère 
deJeanMentelin, et imprimeur comme lui à Strasbourg ; 
et, de l'autre , Jacques Mentel, de Château-Gonthier, mé- 
decin résidant à Paris au xvii* siècle, et qui prétendait des- 
cendre de Jean Mentelin, auquel on ne connaît pour- 
tant point de fils. Le premier induisit en erreur plusieurs 
Alsaciens de son temps ; le second soutint avec effronte- 
rie, dans deux opuscules qu'il publia sur l'histoire de 
l'imprimerie, les mensonges les plus évidents en faveur 
de celui qu'il -disait son aïeul. Il est allé jusqu'à altérer 
des passages de livres imprimés ^ 

Le texte le plus important qu'on puisse opposer à la 
version du chroniquem' anonyme est certainement celui 
de Wimpheling , compatriote et contemporain de Men- 
telin : ils étaient tous deux nés à Schelestadt , et étaient 

* Voyez Schœpflin, Vindiç» typogr» p. 57. —• Lichtenberger, /nie. typ. 
p. 56. 

II. "* 



66 DE L ORIGINE DE LIMPRIMERIE. 

ensuite venus à Strasbourg, où Witnpheling passa les 
premières années de sa vie, à Tépoque de la plus grande 
célébrité de Mentelin. Or Wimpbeling , loin de reven- 
diquer pour celui-ci la gloire d'avoir inventé Timpri- 
merie , lattribue tout entière , comme nou$ lavons vu, à 
Gutenberg, qu'il considère , à tort, il est vrai, mais avec 
tous les écrivains du xv* et du xvi'' siècles, comme né à 
Strasboui^ , et cela à cause du long séjour que ce dernier 
avait fait dans cette ville. Il ajoute seulement au passage 
de son Epitome rerum Gernumicanxm ^ que j ai déjà cité ^, 
les lignes suivantes : « Interea Joannes Mentel , id opifi- 
acii genus inceptans, multa volumina castigate ac po- 
« lite Ai^entinae imprimendo factus est brevi opulentis- 
(( simus. Huic successit Àdolphus Ruschius , mox Âdolpho 
«Martinus Flaocus, qui et ipsi Argentinenses in natali 
« solo cum laude et gloria banc artem exercuerunt n 

Il faut vraiment avoir 'toute Timpudence de Jacques 
Mentel pour prétendre trouver là la preuve que Mente- 
lin a inventé rimprimerie. Wimpbeling nous apprend 
seulement que Mentelin s'étant mis à pratiquer fart de 
fort bonne beure, et pendant que Gutenbei^ était oc- 
cupé à le perfectionner à Mayence, devint fort ricbe. Il 
n y a rien là d'extraordinaire ; il est même assez babituel 

^ Ghap. LXT. Ce livre, écrit en i5os, fut imprimé en i5o5 à Stras- 
bourg même. Il a été réimprimé par Schardius, Scriptores rerum Ger- 
mailicarum, 1. 1, p. SgG. Gest dans ce dernier livre c[ue j'ai pris ma co- 
pie, n ayant pu me procurer V édïiion princeps, 

* Voyez t. r, p. i38. 



DEUXIÈME PARTIE— CHAPITRE I. 67 

de voir les exploiteurs d une invention qui a ruiné son 
auteur s enridiir. Toute f argumentation de Jacques Men- 
tel porte sur le malheureux mot interea , qui , suivant lui , 
veut dire que Mentelin a réalisé Tart, tandis que Guten- 
berg le cherchait encore. Nous retrouvons là, comme 
dans le récit de Junius, ime question grammaticale. Pré- 
cédemment c'était sur postea^, ici cest sur interea qu'il 
faut discuter. Je laisserai ce soin aux grammairiens, et 
je reviens à mon sujet, en faisant remarquer qu'en tout 
cas ce récit renverse complètement celui de la chronique 
anonyme; car il prouve que les travaux de Gutenberg 
étaient antérieurs à ceux de Mentelin. 

 b vérité, on prétend (pie Wimpheling a modifié 
plus tard son opinion à l'égard de ce dernier, et on en cite 
comme preuve le passage de sa Chronique des évèques 
de Strasbourg que j'ai donné précédemment^. On s'est 
fait un argument de l'omission du nom de Gutenbeig 
dans ce passage, pour en appliquer les termes à Men- 
telin ; mais tout homme de bonne foi reconnaîtra que 
l'inventeur strasbourgeois dont il est ici question est le 
même que celui qui est nommé dans l'£pitom^. Wimphe- 
ling n'aurait pas dit que Mentelin était de Strasbourg; car 
il devait bien savoir que cet artiste était comme lui de 
Schelestadt. Le seul fait intéressant que nous révèle ce 
passage, c'est la cause de la cécité de Jean Gensfleisch, que 
la Chronique anonyme citée précédemment attribue à 

* Voyez t I, p. 76. 

* Voyei t. I, p. i63. 

5. 



68 DE ^ORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

une punition infligée par Dieu même au voleur de Men- 
telin. Nous voyons que loncie de Gutenberg, celui chez 
lequel il alla demeurer, et qui l'aida de ses conseils et 
de son argent, était aveugle de vieillesse. Wimpheling, 
contemporain des faits qu'il raconte, et qui lavaient in- 
téressé comme savant, est plus croyable quun chroni- 
queur anonyme. Plus l'histoire de l'imprimerie s'éclaircit, 
et plus on reconnaît l'exactitude de cet auteur. Ainsi l'exis- 
tence des deux Gensfleisch , qu'il nous révèle ici , et qui 
avait été contestée par Schœpflin ^ et par d'autres histo- 
riens anciens , est aujourd'hui parfaitement démontrée , 
comme on l'a vu précédemment , chapitre iv de la pre- 
mière partie. Si Wimpheling, né en i AS i , et qui par con- 
séquent était âgé de vingt-sept ans à l'époque de la mort 
de Men telin , en i i^yS , ne parle pas du prétendu vol dont 
ce dernier aurait été victime de la part de Gensfleisch 
ou Gutenberg , c'est qu'alors ce vol n'était pas encore m* 
venté. En effet, c'est Schott qui le premier fa mis en avant 
au XVI* siècle, non pas directement, mais par la plume 
de ses amis. 

En présence des souscriptions menteuses de Jean 
Schoiffer, qui osait revendiquer pubUquement pour Jean 
Fust,son aïeul, et pour Pierre Schoiffer, son père, l'hon- 
neur de f invention de l'imprimerie , en passant sous si- 
lence le nom de Gutenberg, Jean Schott pensa qu'il 
aurait beau jeu contre ces deux prétendus inventeurs, et 
il en profita adroitement. Jean Schoiffer ayant imprimé 

* Vindic. typogr» p. 53. 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE I. 69 

en tête dune édition de Tite-Live, publiée par lui en 
1 5 1 9 , un privilège de l'empereur Maximilien I*, daté de 
Wels le 9 décembre 1 5 1 8 , c est-à-dire un mois avant sa 
mort, et dans lequel Jean Fust est qualifié d'inventeur 
de l'imprimerie, Schott mit sur ses livres, dès i Ststo, un 
écu au Uon couronné avec ime inscription dont voici la 
traduction ^ : « Armes de la famille Schott , concédées 
par l'empereur Frédéric UI à Jean Mentelin, premier 
înventeiur de la typographie, et aux siens, l'an i/i66.» 
C'est dans ces termes ambigus qu'il donne à entendre 
que son aïeul avait reçu des lettres de noblesse de l'em- 
pereur comme inventeur de l'imprimerie. Quant au 
titre qui résoudrait la difficulté, il ne le produisit jamais, 
et Jacques Mentel lui-même , qui fonde toute son argu- 
mentation sm* ce monument, mis en demeure^ de pro- 
duire les lettres de Frédéric III, ne put le faire. Que 
Mentelin ait été anobli en i&66, le fait est possible, 
quoique non prouvé; à la rigueur même il pourrait 
l'avoir été comme premier imprimeur de Strasbourg; mais 
c'est tout ce à quoi il peut prétendre, et il n'a même 
jamais demandé autant. Aucun des monuments con- 
temporains qui émanent de lui ou qui le concernent 

' Ces armes sont imprimées dans Wolf , Monum, typogr. t. Il , p. 2 1 2 , 
et dans Meerman, Orig, typogr. t. II, p. iSg. Mentel prétend qu* elles fi- 
gurent sur rédition de Ptolémée publiée par Jean Schott en 1620. Xaî 
adopté cette opinion ; mais le fait n*est pas prouvé. Suivant Schoepflin, elles 
auraient paru pour la première fois, en i5d3, sur YOnomasticon Ottonis 
Branfelsiù [Vind, typ, p. 98.) 

* Voyez Parœnesis, etc. p. 3 et io4. (Wolf» t. II, p. 23g et 363.) 



70 DE L'ORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

ne lui accorde cet honneur. Mais le diplôme impérial lui 
donnât -il formellement le titre de premier inventeur 
de la typographie , que cela ne prouverait rien ^ ; car 
on sait avec quelle facilité les princes accordaient alors 
de pareils cert^ats. Le diplôme de Maximilien en fa- 
veur de Jean SchoifFer en est une preuve. L empereiœ y 
donne à Taïeul de ce dernier le titre d'inventeur de Tim* 
primerie, quoique Jean ait déclaré quelques années avant, 
dans une dédicace à ce même Maximilien , que Tinven* 
teur était Gutenberg^. 

Dès Tannée 1 5 2 1 , trompé par les déclarations de Jean 
Schott, Jérôme Gebwiler^ écrivait dans son panégyrique 
de lempereur de Gharles-Quint^, imprimé à Strasbourg 
cette année même: 

Foverunt et haec mœnia (Ârgentinensia) plœclars indolis homi- 
nés et indigenas et advenas in Âlsatia nostra olîm viritim nomi- 
nandos, in quorum aibo Joannes MenteUn non infimum locum 
obtinet, ob calcographandi seu stanneis calamis excudendi libres 
artem, quam primus ante septuaginta et quatuor annos in bac 
urbe mortalibus adinvenit, etsi Moguntiaci cuidam Joanni Fust, 
civi suo, id acceptum ferant. Ipsi quidem vidimus syngrapbum 
Joannis Mentelin et Henrici Eckstein , Argentinensium civium, su- 

^ Schœpfliiif qui parie de ces lettres comme s'il les avait vues, nie 
qu elles donnent à Mentelin le titre d'inventeur de Timprimerie. ( Viniic. 
typogr. p. 98, note a.) 

* Voyez t. I,p. 309. 

^ Né à Horbourg près de Colmar en id73. 11 fut successivement rec- 
teur des écoles de Schelestadt et de Haguenau. 

^ P. 1 9 de rédition originale. J'ai collationné cette citation sur l'édition 
de i64i- (Voyez aussi Wolf, Monum» typogr. t. II, p. 39.) 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE I. 71 

per certis pactb, qaibus idter al^ sese eo tonpore obligavent 
causa oocultias hanc impressoriam aitem iiiter se primum ez.er> 
cendi, quae nimîrum quotidiano usu novis adinventionibus da- 
rior reddita est. Conspeximus et illic libellum ejusdem Joannis 
manu scriptum ac multis figurîs instrumentorum ei arti necessa- 
riorum depictum; item de atramento conficiendo elegantissima 
pnecepta. Qus monmnenta Joannes Schotus, Argentinensis, et 
doctrina et hac arte cdebris, prsdicti Joannes Hentdin ex, fiiîa 
nepos, hodie pênes se illœsa relinet. Cujus tam praeclarissimi in- 
genii ac ceterorum de re literaria bene meritorum Abatarum no- 
mine , tmn Italia , tum Gallia , ullius barbariei notam Tnbocibus 
nostris inurere enibescat. 

On remarquera que Gebwiler ne revendique Thonneur 
de Imyention pour Mentelin qu'eu égard aux assertions 
des Mayençais, qui lattribuaient à Jean Fust. Ce n est pas 
d'ailleurs , comme dans la chronique anonyme , qui vint 
plus tard , à Tan i4Ào,maisbienàiÂiÏ7 qu'il fait remon- 
ter les premiers travaux typographiques de Mentelin ; 
car c'est la date qu'on trouve en retirant 7 k ans de 1 5 2 1 . 
Et cette date elle-même est toute fictive : elle est fondée 
sur l'existence d'im livre du pape Innocent III, qu'on a 
longtemps cru imprimé en 1^48. Mais ce monument, 
que Schœpflin a invoqué aussi à l'appui de son système 
d'impression en caractères de bois, ne peut servir de té- 
nàoignage ni à l'un ni à l'autre , parce qu'il n'a pas été 
imprimé à Strasbourg, et qu'il l'a été beaucoup plus 
tard que la date qu'on lui assigne par erreur. En effet, 
cette date ne se trouve pas dans la souscription, mais 
dans l'intitulé, et rappelle uniquement l'époque où la 



72 DE rORIGINE DE LIM PRIMERIE. 

copie qui a servi à cette impression arait été terminée. 
Voici cet intitulé : « Liber de miseria hmnane conditionis , 
« Lotharii Dyaconi , sancf omm Sergi et Bachi cardinalis , 
(( qui postea Innocentius tertius appellatus est. Ânno Do- 
u mini m. ccgc. xlviii. » 

Suivant Braun ^ ce livre aurait été imprimé par un 
typographe exerçant vers ikjk; mais peu importe cette 
attribution. Il nous suffit de savoir que le livre n*est pas 
de Mentelin, ee que la forme des caractères rend évident. 

Gebwiler nous parie vaguement dun traité existant 
entre Jean Mentelin et Henri Eggestein au sujet de 
lexercice secret de leur profession ; mais il ne donne ni 
la date ni le contenu de cette pièce. Il dit encore que 
Jean Schott , dont il fait un grand éloge , lui a montré 
un livre manuscrit de Mentelin dans lequel étaient peints 
des instruments typographiques , et renfermant des notes 
sur la composition de Tencre d'imprimerie ; mais tou- 
jours sans date. Que peut- on conclure d'une pareille 
réclame ? Rien , sinon que Schott était Tami de Gebwiler, 
et obtint facilement de lui ces déclarations. 

C'est par lemême moyen que Schott obtint plus tard 
de Jacques Spiegel , neveu de Wimpheling , et également 
né à Schelestadt, une déclaration analogue. Spiegel dit 
d^abord, dans son Commentaire de Barthole^, imprimé 

* NoùùaUhroTwn sec, xv impress, 1. 1, p. 102. 

^ Il s'agit sans doute ici de Touvrage intitulé : SchoUa in Rich^ Bartho- 
Uni Austnados; mais je ne puis raffirmer, car yemprunte ce ïambeau de 
citation aux panégyristes de Mentelin, qui n*ont pas pris la peine de dé- 



DEUXIÈME PARTIE. —CHAPITRE I. 73 

en 1 5 3 1 , c'est-à-dire s^rès la mort de son oncle ^ que c'est 
Jean Mentel qui a inventé fart de l'imprimerie à Stras- 
boui^ en iklià> «Insigniter autem divina iUa-impres- 
«soria ars Argentorati primum per Jo. Mentel, Schotti 
(cnostri aviun, anno ilikU, inventa testatur, simul cum 
« bombarda ^ . » Il dit ensuite au mot Ubrarii, dans soi^ Lexi- 
conjuris, que cette invention eut lieu en i44a : «Cujus 
n artis inventum Elsaciis nostris an te alias nationes dona- 
«tum apud Argentoratum Joanni Mentelino, prototy^ 
« pographo, Schottorum familiae proavo , sub anno Gbristi 
<( M. Gccc. xxxxii , licet ejus publicatio , sed haud absque 
«ingenio, Moguntiacis tribuatur^. » 

Telles sont les données vagues , incertaines , contra- 
dictoires , qui servent de base à la chronique anonyme 
qu'on attribue à Specklin , et qui sont encore invoquées 
par les partisans de Mentelin. Des monuments authen- 
tiques , ils n'en produisent aucun , et ceux qu'on connaît 
contredisent leur assertion : c'est ce que je vais démontrer. 

Suivant M. Doiian ', Jean Mentelin * naquit à Sche- 
lestadt , d une famille consulaire. Les premiers documents 

signer exactement Touvrage et la page où ils puisaient. (Voyez particuiië- 
rement le livre de M. Dorian cité à la note 3 ci-dessous.) 

^ Plusieurs imprimeurs des premiers temps de la typographie exer- 
çaient à la fois deux ou trois industries. Celle d*artificier fut exercée aussi 
par Tun des premiers imprimeurs de Lisbonne. 

* Lexicon Jmis, in-fol. 1 53 1 . Simon Schardius a copié ce passage dans 
son Lexicon jaris, imprimé en 1682. 

' Notices historiques sur ÎAbax:e, et particulièrement sur la ville de Sche- 
lestadt (Cohaar^ i843, in-8''), impartie, p* 377. 

^ On écrit indifféremment Mentel , Mentele, Mende, Mentelin, Mentlin. 



7A DE LORIGINE DE LIMPRIMERIE. 

authentiques qui fassent mention de lui sont des actes 
qu*il écrivit et si^a en quditëde calligraphe ou notaire 
épiscopai, et que Schœpflin dit avoir vus^. Le même 
auteur donne des extraits des registres des contribu- 
tions de la ville de Strasbourg qui constatent que Jean 
Mentelin était fixé dans cette ville avant 14^7; car il y 
figure cette année parmi les orfèvres^ comme écrivain 
en or (galtschriber ou guldenschriber), c est*à-<lire enlumi- 
neur. La même année , le troisième jour après la Quasi- 
modo (mescredi 1 7 avril) , il fiit reçu bourgeois de Stras- 
boui^, dans la tribu des peintres^. En 1/1/19, il figure 
encore avec le titre d*écrivain en or dans les registres 
des contributions; il était sans doute marié alors, car il 
paye pour deux personnes {an selb 11 personn). Rien en 
tout ceci ne justifie les récits de ses partisans , qui le font 
imprimer dès 1 44o; seulement on voit que sa profession 
était un acheminement vers la typographie. Schœpflin 
pense que cet artiste avait déjà fait quelques essais de 
typographie ^ ; mais c est une pure supposition. Mentehn 
habitait alors une maison à lenseigne de TËsprit [Spirir 
tas) , dont on ignore l'emplacement. La chronique citée 
précédemment dit qu'il demeurait sur la place du Fron- 
hof, à rhôtel du Parc [zum Thiergarten) , au lieu occupé 
aujourd'hui par les bâtiments du lycée. 

^ VinL typogr, p. gS , note m. 
' Ibid. p. 96. 

3 Schœpflin, Vind. typô^r. p. 96. 

* Vind, typogr. p. 96 , S 2 : « Tum vero typographicam artem haud du- 
tbie tractare jam cœperat. » 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE I. 75 

"^ Quelques auteurs ont supposé que Mentelin avait été 
associé aux travaux de Gutenbei^ à Strasboui^g, et qu'il 
continua ses essais après le départ de celui-ci; mais les 
pièces du procès donnent un démenti à cette hypothèse, 
car on n y voit pas paraître une seule fois le nom de 
Mentelin , ni comme associé , ni même comme témoin. 
D'autres ont pensé que Gutenherg se l'attacha en qudité de 
cdligrapbe lorsqu'il quitta Strasbourg , et qu'après avoir 
appris son art à Mayence , sous la direction de ce der- 
nier, Mentelin revint se fixer dans son pays; mais cette 
hypothèse n'est pas plus admissible que la précédente , 
car, outre qu'en quittant Strasbourg vers ilikkf Guten- 
herg n'était en état d'entretenir personne , il est prouvé 
par les documents qu'a cités Schœpflin^ que Mentelin 
résida à Strasbourg de i &45 à 1 45o sans interruption. 

Il est beaucoup plus naturel de penser que cet artiste, 
dont l'attention avait dû être éveillée par le procès de 
I âSg , s'ingénia longtemps à trouver le secret de Guten- 
bei^, et fiit en mesure de marcher sur les traces des 
imprimeurs de Mayence aussitôt que leur industrie fut 
devenue publique. Nous avons vu, en efifet, que Guten- 
herg redoutait fort, après la mort de Dritzehen, les in- 
vestigations de certains curieux, dont il ne donne pas 
les noms; mais qui ne pouvaient être autres que les cal- 
ligraphes, si directement intéressés dans ses essais, dont 
ils avaient eu vent malgré toutes les précautions prises 
par les associés pour cacher leur secret. 

* Vind, typoyr^ doc. p. 42. 



76 DE L ORIGINE DE LIMPRIMERIE. 

Ainsi tenu en éveil , Mentelin fut probablement un 
des premiers à connaître ce qui se passait à Mayence et 
le différend qui s'était élevé entre Gutenberg et Fust. 
En tout cas , il ne put ignorer la découverte lorsqu'elle 
eut été révélée au inonde par la souscription du Psautier 
de 1 45 7. La proximité de Strasbourg et de Mayence, 
les rapports religieux, politiques et commerciaux qui 
existaient entre ces deux villes, lui permirent d*avoir 
promptement connaissance de ce fait, qui frappa l'Eu- 
rope savante d admiration ; car c est une erreur de croire 
que la souscription du Psautier passa inaperçue, comme 
l'ont dit quelques écrivains; nous verrons bientôt que 
Paris lui-même s'en émut : ce n'était pas encore un évé- 
nement populaire , il est vrai ; mais il intéressa vivement 
les savants et les gens qui tenaient aux lettres par un lien 
ou par un autre. H y a tout lieu de croire que Mentelin 
alla s'instruire sur les lieux mêmes de ce qui se passait, 
et que, s'étant mis au fait de l'invention dans l'une des 
trois ou quatre imprimeries qui existaient déjà à Mayence 
dès cette époque, comme nous l'avons vu, il vint ensuite 
exercer cet art dans son pays. Ce qu'il y a de certain, 
c'est que la Chronique des papes et des empereurs [Crth 
nica pont^cum imperatorvanque) de Ricobalde de Ferrare, 
continuée par Philippe de Lignamine, et imprimée par 
ce dernier à Rome en ikjki dit que Mentelin avait, 
dès 1 A 58, à Strasbourg, un atelier typographique, où il 
imprimait , comme Fust et Gutenberg à Mayence , trois 
cents feuilles par jour : « Johannes quoque Mentelinus 



DEUXIEME PARTIE. —CHAPITRE I. 77 

« nuncupatus, apud Ârgentinam, ejusdem provinciœ^ ci* 
« vitatem , et in eodem artificio peritus , totidem cartas 
te [trecentas] per diem imprimere agnoscitur^. » Le chro* 
niqueur a bien pu être induit en erreur quant à Tannée 
précise , comme ii la été relativement au prénom et an 
lieu de naissance de Gutenberg'; mais il est certain que 
Mentelin a dû commencer de fort bonne heure Texer- 
cice de la profession d'imprimeur, si nous en jugeons par 
le nombre considérable de livres sans indices bibliogra- 
phiques que la forme de leur caractère permet de lui at- 
tribuer^; car il est à remarquer que Mentelin na mis son 
nom qu'à fort peu des ouvrages publiés par lui, encore 
ne la-t-il fait que fort tard {en i AyS). 

Quoi qu'il en soit , il est positif qu'il imprimait avant 
1 466. On a de lui une Bible allemande en un gros vo* 
lume in-folio . dont plusieurs exemplaires sont souscrits 
de cette année, et elle demanda certainement plus d'un 
an de travail; car elle se compose de 8 1 2 pages à deux 
colonnes de 6 1 lignes chacune. 

La première souscription manuscrite est celle qui se 
trouve sur un exemplaire existant à la bibliothèque du 
consistoire de Stuttgard. Suivant Schœpflin^, ce livre a 
appartenu auparavant au monastère de Sainte-Margue* 

^ L'ëvéque de Strasbourg était suffiragant du siège de Mayence. (Voyes 
1. 1, p.ii9t notei.) 

* Cronica snmmormn pondjicum, etc. fol. 121 verso. 
^ Voyez 1. 1, p. ao8, note a. 

* Voyez Panzer, Awn. lypogr, 1. 1, p. 67-80. Il y en a plus de cinquatite. 
^ Vind, tjrpogr, p. 42. 



78 DE UOHIGINE DE LIHPRIMERIE. 

rite de Strasboui^, et ena été emporté en i À78 , lorsque 
le comte de Wurtemberg envoya Jean Pruser chercher 
en Alsace des sœurs de la règle de saint Dominique. Les 
dames du couvent de Sainte*Marguerite qui furent dési- 
gnées remportèrent avec elles , et il passa dans la biblio- 
thèque du consistoire à Tépoque de la réforme , qui sup- 
prima les couvents. La souscription de cette Bible , dont 
Schœpilin a d(xiné le fac-similé^ est ainsi conçue : «Ex- 
uplicit liber iste anno Domini millesimo qttadringen- 
«tesimo [ici venait le mot quinquagesimo, qui a été ^acé, 
*ietàla suite on a écrit : ) sexagesimo sexto formatus arte 
« impressoria per venerabilem virum Johannem Mentell. 
(( in Ârgentina. » 

En présence de Thésitation du scribe , on peut contes- 
ter Tauthenticité de ce renseignement; mais nous avons 
d'autres monuments du même genre , qui ne laissent pas 
de doute sur 1 époque de l'impression de cette Bible. 
Un exemplaire , qui provient de la bibliothèque des Jé- 
suites de Munich , et qui est aujourd'hui dans la biblio- 
thèque royale de la même ville , porte à la dernière page 
du livre , au-dessous des armes du premier possesseur, 
Hector Mûlich, une souscription en allemand, par la- 
quelle on apprend que l'ouvrage a été acheté non relié 
1 2 florins, le a y juin 1 466 ^ La date de 1 467 a ensuite 
été écrite ailleurs (après les prières de Jérémie) par le 

^ Voyez Steigenberger, Veher die zwo aUeraUesten deutscken BiheUi^m-h^y 
Nuremberg , 1 787 ) , p. 1 3 , et pi. I , n* 7 . Ce fac-similé a été reproduit par 
M. Wetter, Kritiscke Gefchichte, etc. pi. YIII. 



DEUXIEME PARTIE. —CHAPITRE I. 79 

rubricat^ir, qui a voulu constater l'ëpoque où il faisait 
son travail. Sa note est ainsi conçue : « i ^Gy, sub papa 
« Paulo secundo , et sub imperatore Frederico tercio ^. » 
G^e même date de 1/167 ^^ ^^ plusieurs fois dans un 
autre exemplaire de ce livre qui est à Leipsick^. Enfin la 
bibliothèque de Strasbourg en possède un où on lit le 
millésime 1À70 au-dessous de Tinitiale du livre de Job'. 

Sdiœpflin a donné un très-mauvais fac-similé du ca- 
ractère de cette Bible^; mais on en trouve de moins im- 
parfaits dans les livres de Steigenbei^er ^, de M. Wetter^ 
et de M. Falkenstein'^. C'est une espèce de cicéro ou de 
sainl-augustin de forme gothique. 

Mentelin a imprimé vers le même temps, peut-être 
même avant sa Bible allemande, une Bible latine de 
Q5& pages à deux colonnes de Ag lignes, en caractère 
un peu plus gros*, dont on voit un fac-similé dans lou- 
vrage de Steigenberger • et dans celui de M. Falkenstein*^ : 

' Steigenberg^, loc. cit. p. 1 S, pi. I, n* 8. 

* Lichtenberger, Iniu ^ypogr. p. 58. 

* Catalogue des ohjets,.. faisant partie de T exposition aax fêtes d£ Guten- 
herg célébrées à Strasbourg (Strasbourg, in-8*, [ i84o]), p. 5. 

^ Vindic, typogr. pi. III. 

* PI. I. 

* PL X. 

' P. 168. 

* La Senia Santander (Dieu bibh t. lï, p. i83, n"^ 361) attribue encore 
à Mentelin une Bible latine en deux volumes in-folio , mais cette attribution 
est fort contestable. 

» Pl.I,n-iet2. 
'' P. 168. 



80 DE LORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

c'est une gothique de seize points environ . La Bible la- 
tine de Mentelin est décrite par Braun ^. 

Menteiin imprima encore avec son petit caractère go- 
thique la Somme de saint Thomas [Secnnda secundm)^ 
que plusieurs rubriques manuscrites prouvent avoir été 
publiée avant i&6y, et qui est, par conséquent, la pre- 
mière édition de ce livre , car celle de SchoiflFer n est que 
de cette année-là. L*une de ces rubriques du miniaturiste 
porte: «Ânno i466^;» une autre : «Âctum lxvi';» une 
troisième : « Anno Domini m. gggg. lxvii , a festo Trans- 
«£gurationis ^ ; » une quatrième : aÂd Fauces Âlpium 
«pertinet iste liber, i468^;)> une cinquième enfin, qui 
nous fait connaître le rubricateur : a Johannes Bamler 
«de Âugusta, rubricator, etc. 68^» 

Mentelin publia aussi, avant i ^70, la Sonune du frère 
Âstexanus, De casibus con$cienciœ, très -gros volume in- 
folio à deux colonnes, de 60 lignes chacune. L'exem- 
plaire de la bibliothèque de Tordre de Saint* Jean -de- 
Jérusalem de Strasbourg portait la souscription manus- 
crite suivante, dont Schœpflin a donné le fac-similé, 
qu'il a eu le tort de confondre avec le texte ^ : u Explicit 

* Noûcia Uhr, sec, xv impr. part. I , p. 5 et suiv. 

* Bibliothëc[ue de Strasbourg. 
^ Bibliothèque de Munich. 

* Panser, Ann, typ. 1. 1, p. 72 , n^ 4o2. 
' Ihid. 

* Van Praet, CataL in-fol. p. 89. 
' Vind. typogr. pL IV. 

' H a donné aussi, p. 4Â, le filigrane du papier employé dans ce livre. 



DEUXIÈME PARTIE. —CHAPITRE I. 81 

« Summa fratris Astexani , arte impressoria formata , per 
a venerabilem virum Joh. Mentel , anno Domini m. gggg. 
«Lxix. 1&69. Deo gratias. )) L'exactitude de la date de 
Tannée, répétée ici en chiffires romains et arabes, est 
confirmée par la souscription qui se trouve à la fin du 
premier volume d*un exemplaire divisé en deux tomes, 
que possède la Bibliothèque nationale : «Explicit pri- 
« mum volumen Summœ de casibus, quem ligavi et clausi 
apro necessitate hujus ecclesie, anno Domini 1 469^, » et 
par celle d'un exemplaire de la prévôté de Saint-Nicolas 
près Passau, décrite par Denis^, et portant que le livre 
a été achevé en 1 46g. 

Parmi les autres ouvrages remarquables de Mentelin , 
non datés, mais auxquels il est possible d'assigner une 
date à l'aide de circonstances particulières, je ne dois 
pas oublier de mentionner : 

i*" Une édition de la Concordance de la Bible, dont 
un exemplaire, donné par Mentelin lui-même à la Char- 
treuse de Strasbourg , comme le constate une note ^ ma- 

^ On a depuis gratté fort adroitement la cpeue du 9 , de manière à en 
faire un zéro, et à reporter ainsi l'impression du livre à Tannée 1 ii 60 ; mais 
ce livre porte encore la date de 1469 sur la reliure. Si cette date de i46o 
avait quel({ue fondement, elle serait une précieuse confirmation de la Chro- 
nique des papes, que j*ai citée précédemment, et qui fait remonter Texploi- 
tation de Mentelin à Tan i458. 

' Suppl. à Maittaire,^. 496, n* 4a6o. 

^ t Liber domus montis Beatse Maris Virginis prope Argentinam , or- 
«dinisCarthusiensiSfin quo continentur concordancie Bibiie fratris Gon- 
« radi de Ailemania , quem donavit nobis honorabilis vir Johannes Mente- 
« lin , civis Argentinensis. » 

II. 6 



82 DE LORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

nuscrite placée à ia fin du volume, se trouve 4 la Biblio- 
thèque de cette vflle. 

2^ Les Épîtres de saint Jérôme. Un magnifique exem- 
plaire de ce livre, qui se trouve aujourd'hui à la Biblio- 
thèque nationale de Paris, porte , sur les plats de la cou* 
verture , cette curieuse inscription , imprimée avec le fer 
rouge du relieur, en lettres onciales du temps ; d*un côté : 
a Epistolare vatis omnium discertissimi Hieronimi Eusebii 
« Sophronii. Liber pertinet magistro Jacobo, rectori sco- 
« larum in Gmind ^ ; » et de Tautre : « Dligatus est anno 
«Domini 1469, per me Johannem Richenbach, capel- 
<( lanum in Gyslingen^. » 

i*" La Cité de Diea de saint Augustin , également d'a- 
vant 1&69. Un exemplaire de ce livre, qui se trouve 
dans la Bibliothèque de lord Spencer, porte cette ru- 
brique à la fin du dix-buitième livre : a lUuminator bujus 
« libri fuit Johannes Bamler' de Âugusta, anno etc. sexa- 
« gesimo octavo . » Un autre exemplaire , faisant partie 
de la bibliothèque du docteur Kloss , de Francfort, 
vendue à Londres en 1 835, porte à la fin du volume la 
note suivante ^ : 

Nota quod anno Domini 1469, die post festum Ludœ, emi 
istum librum Augustini pro novem florenis de manu in stuba mea , 

' Gmind, autrement dit Gmûnd, près de Stuttgard. 

* Geiftlingen, également près de Stuttgard, et non loin par conséquent 
de Strasbourg. 

' Dibdin(JE;<2esi2t&oi7>.t.II,n''io3o)écritàtort^Ba]ii6«r. 

^ Je copie le Catalogue Kloss (p. 34); car j'ignore où se trouve au- 
jourd'hui l'ouvrage. 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE I. 85 

présente firatre meo magpstro Maroo. Insiqier ego Georgias Aiich, 
piesbiter hiunilis, pn^posoi mihi quod an^lins velim ooatenian 
in iibros qaos habeo, quia sufficientb habeo ad l^endum prae 
tadio. O sancte Augustine, lux doctorum , imperti mihi adeo illu- 
minationem intellectus mei. Amen. 

La reliure du y<dume , paiement exécutée par Jeatt 
Bidienbadi de Geislingen , et disposée de la mmie ma- 
nière que celle des EpUres de saint Jérôme dont je viens 
de parler, porte sur un des plats de la couyerture : « Au- 
«gustinus, de Givitaté Dei. Pertinet domino Georgio 
«Ruch de Ganlundia^;» et sur l'autre : «Bligatus est 
« anno i &70 per me Johannes Ridhenbadb^, capdlanum 
uin Gyslingen. n 

Mais f œuvre cajutale de Mentelin , c est sa collection 
des Specnh de saint Vincent de Beauvais , en huit ou dix 
volumes in-folio^ tenninée en lAyS (le k décembre), 

^ Gemundia, Gmûnd ou Gmind. Voyez la note 1 de la page précédente. 

* On connait beaucoup d'autres livres reliés vers le même temps 
par Jean Richenbach. Je citerai particulièrement une Bible d*£ggesteia 
avec ,1a rubrique de i468 , et uu autre exemplaire des Épitres de saint Jé- 
rôme de Mentelin avec la date de 1470* (Van Praet, Catal. in-fol. p. 99 et 
suiv.) On vmt, par les deux spécimens que j*ai décrits, que ce relieur pos- 
sédait un matériel presque aussi considérable que celui d*un imprimeur. 
La disposition singulière de ces inscriptions , le moyen par lequel elles 
ont été ^ypliquées, tout démontre que Richenbach avait, non -seulement 
beaucoup de caractères, mais encore une presse à imprimer. 

^ Suivant le goût des possesseurs de ce livre. Le SpecuUim kUtoriaU fait 
à volumes parfail^nent indiqués par Téditeur lui-même ; le SpecmUan na- 
tarakp a volumes; le Specahan doctrinale, a ou 1 volume (il a 4o3 feuil- 
Jets); le Spéculum momlie, 3 parties réunies ordinairement en 2 ou 1 vo- 
lume (493 feuillets). 

6. 



84 DE L ORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

comme Tindique la souscription du dernier volume. On 
ignore quand fut commencé ce livre , car les premiers 
volumes ne portent aucun indice. Mentelin n'a même 
mis son nom qu aux quatre volumes du Spéculum histo- 
riale, qu'on juge avoir été imprimés les derniers. En adop- 
tant cette opinion , et en prenant une année pour Tim- 
presMon de chaque volume, nous ferions remonter le 
commencement de l'impression des Spécula à 1 666; mais 
cette date est douteuse , car on trouve dans l'ouvrage en 
question un caractère romain qui n'a pu être gravé que 
sur le modèle des impressions faites à Rome en 1^67 
par.Pannartz et Ulric Hahn. On pourrait admettre cepen- 
dant que les caractères employés àSubiaco dès 1 665, par 
Sweinheim et Pannartz, en ont donné la première idée. 
En tout cas , s'il est vrai, comme l'a dit un auteur ^ sans 
l'appuyer de preuves , à la vérité , que les premiers impri- 
meurs de l'Italie soient venus de Strasbourg , on voit que 
cette ville reçut à^on tour un reflet de la gloire typogra- 
phique de l'Italie. 

Schœpflin cile le premier volume d'une nouvelle édi- 
tion du Spéculum morale, souscrit du 9 novembre 1 676^. 
Mentelin ne parait pas avoir imprimé les autres volumes^ 

^ Jacques Mentel, dans son iivre intitulé Parœnesis, p. la ; Wolf, Mon. 
typogr, t. II, p. aSo et suiv. 

* Fîiui. typo^, p. 48. 

^ On lui attribue aussi , mais à tort , une édition de Vincent de Beauvais 
sans lieu ni date , imprimée avec un caractère un peu plus petit, et remar- 
quable par la forme d*une lettre majuscule , IV^ qui est figurée ainsi : JPL. 
Le rédacteur du Catalogue de la bibliothèque du docteur Kloss ( Londres , 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE I. 85 

de cette édition des œuvres de saint Vincent de Beau- 
vais; mais il réimprima la Somme du frère Astexanus ; 
on lui attribue même trois éditions différentes de ce livre, 
qui est ordinairement divisé en deux volumes. 

C'est à faide de ces grandes publications, parfaitement 
appropriées à f esprit du temps ^ que Mentelin fit for- 
tune', tandis que d'autres se ruinaient à imprimer les 
classiques latins, dont le besoin ne s'était pas encore aussi 
vivement fait sentir. Cet imprimeur joignait d'ailleurs à 
sa perspicacité une activité et une aptitude toutes particu- 
lières. C'est probablement à lui que la librairie doit les 
premiers prospectus qui aient été faits pour attirer l'at- 
tention du public. On possède encore de lui deux diffé- 
rents catalogues dans lesquels il annonçait ses livres aux 
amateurs, en leur déclarant qu'ils étaient bien exécutés 
et bien corrigés. « Ceux qui voudront, dit-il, se pro- 
curer tel ou tel livre (la liste suit), n'ont qu'à se présen- 
ter à l'enseigne de. . . (le reste en blanc, afin que chaque 
dépositaire pût mettre son adresse.)» 

Je donne ici la copie exacte de ces deux pièces cu- 
rieuses , dont l'une se trouve à la Bibliothèque royale de 
Munidi , et l'autre à la Bibliothèque nationale de Paris. 

in -8*, i835) a démontré (p. 280 et suiv. ) que ce type n*appartenait 
pas à Mentelin, contrairement à Topinion généralement reçue. Nous 
dirons un mot de l'imprimeur anonyme de ce livre à la fin de Tarticle de 
Strasbourg. 

^ Telle est la glose de Nicolas de Lyra sur la Bible , 5 vol. in-fol. 

' « . . . . imprimendo factus est brevi opnlentissimus. » (Voyez ci-dessus, 
p. 66.) 



80 DE L ORIGINE DE ^IMPRIMERIE. 

À LA BIBLIOTHÈQUE DE MUNICH \ 

Vdientes emere epistolas Aurelii Augustiiii,Ypponensium presulis 
digHissimi , in quibus ncMidum humane eloquentie facundia aonat ; 
verum etiam piurimi sacre Scripture passus di£Bciles et obscuris^ 
simi lucide exponuntar, etc. 

Fortalicium fidei. 

Item Epistolas quoque beati leronimi. 

losephum , de Antiquitatibus et Bello Judaico. 

Virgilium *. -^ Terentium. 

Scrutinium Scripturarum. 

Librum confessionum beati Augustim. 

Valerium Maximum. 

Venianf ad hospicium Zu dem' 

À LA BIBLIOTHEQUE DE PARIS. 

Cupiens igitur pretactum volumen emere una cum ceteris sub- 
scriptis bene emendatis , veniat ad hospicium infra notatum , et har 
bebit largum venditorem. 

Item Spéculum historiale Venceucîi. 

Item Summam Astaxani. 

Item Archidyaconum, super decretis. 

Item Ysidorum, Ethimologiarum. 

M. Brunet* émet quelques doutes au sujet de Tattri- 
bution du premier catalogue à Menteiin ; quant au se- 
cond , il appartient incontestablement à cet artiste. Il est 
imprimé au revers du feuillet 162 d'un autre livre de 

1 Voyez lefac'simile dans Dibdin, JEdes Akhorp. t. II , p. i3i. 

^ La bibiiotlièque de Strasbourg possède un très-bel exemplaire de ce 
rarissime livre. 

^ Zu <2em sont deux mots allemands qui équivalent au datif de l'article 
français (à le [au] on à la), 

* Manuel, 4* édition (II, 3 12). 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE I. 87 

Mentelin, intitulé Fratris Conradi de Attenuam concor- 
dantie BibUomm, dont nous avons déjà parlé ^. L'exem- 
plaire que nous possédons est probablement une épreuve 
£dte sur le premier fragment de papier que f imprimeur 
aura trouvé sous sa main. 

Je ne mentionnerai pas ici les autres ouvrages publiés 
par Mentelîn. On en peut voir une liste considérable, 
quoique encore incomplète^, dans les Annales iypoyra- 
phicœ de Panzer'; mais je ne puis me dispenser de dire 
un mot d'un petit ouvrage qui porte son nom, chose 
rare , et qui a acquis une certaine célébrité parmi les 
bibliographes. Je veux parier d'un opuscule de saint Au- 
gustin , intitulé Liber de arte predicandi, seu Liber qnartas 
de doctrina christiana, dont Mentelin a même donné deux 
éditions, presque identiques à celle publiée par Fust, 
et que nous avons décrite précédemment^. Les deux 
éditions de Mentelin n ont que 2 1 feuillets in-folio de 
39 lignes à la page. Elles se distinguent entre elles en 
ce que Tune commence en belle page (c'est celle qu'on 
considère comme la première), et l'autre, au contraire, 
au verso du premier feuillet. Cette dernière se fait d'ail- 
leurs remarquer par une faute typographique ; on y lit à 
la fin du texte , au dix-septième feuillet : a Explicit quar- 

* Voyei ci-dessus p. 8 1 . 

* On connaît plus de quarante volumes in-folio appartenant à cet im- 
primeur, sans parler de ceux à la lettre R, , qu^on lui attribue à tort, et 
qui sont presque aussi nombreux. 

3 T. I, p. 67-76. 

* Voyex t. I, p. 362. 



88 DE (.ORIGINE DE LIMPRIMERIE. 

« tus de doctiina christiana beati Augustini episcopi. » Le 
mot liber a été omis après quartas. 

Ces éditions de Menteiin o£Brent ceci de singulier, 
qu'on y trouve un proœmium conçu dans les mêmes termes 
que celui de Tédition de Fust, sauf le nom de Menteiin, 
qui remplace celui de lex-associé de Gutenberg. Voici le 
passage essentiel de ce proœmium : 

Qua' propter cum nullo alio modo sive medio id expedicius fieri 
posse judicarem , discreto viro Johanni Menteiin , incole Ai^enti- 
nenjsi*, etc. (le reste comme à l'édition de Fust). . . Sciât eciam qnisque 
hune libellum ab eodem magistro comparans , quod ille majores 
littere alphabeti tam stmplices quam duplicate , intra margines im- 
médiate ante versalia quorumlibet punctorum notabilium posite , 
deserviunt pro ejusdem libelli tabula alphabetica in fine ejus po- 
slta, que tabula ad easdem litteras remittit per singula puncta. Et 
quisque, cui placuerît, poterit eas faciliter manu sua per pennam 
eciam in margînibus nigro vel rubeo' colore signare : correspon- 
dentur ad istas intra littéral positas, quod non parum utile erit, 
quia cicius in margine posite occurrent querenti. Et sic per re- 
missiones* tabule ad ipsas easdem litteras, unumquotque in hoc 
llbello contentorum ad vota , ciun placuerit , cito poterit reperiri. 

Comme Fédition de Fust renferme deux petites tables 
(de tribus precipms operihas predicatoris, et de tribus gme- 
ribus dicendi) qui ne paraissent pas dans celles de Men- 
teiin , plusieurs bibliographes en ont conclu que ces der- 

^ Une édition porte quia, 

^ Ibid. Argentenensi. 

^ Ibid. rahio, 

^ Ibid. renûsiones; mais le rubricateur a ajouté à la plume Ys omise. 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE I. 80 

mères étaient les plus andennes , et que Fust n'avait £aiit 
que les imiter en les complétant : or, comme celui-<îi est 
mort en i &66 , il en résulterait que les éditions de Men> 
telin, ou au moins Tune d'elles, qui aurait servi de copie 
aux ouvriers de Fust, serait bien antérieure à cette date. 
Quoique mon hypothèse relativement à l'origine de l'im- 
primerie de Menteiin pût recevoir de cette opinion une 
nouvelle confibrmation , je ne crois pas pouvoir l'adopter; 
et je pense, au contraire, que c'est Mentehn qui a copié 
l'édition de Fust, en en modifiant toutefois les disposi- 
tions. Ainsi, dans l'édition de Menteiin, afin de s'éviter la 
peine de placer dans les marges les lettres qui servent à 
diviser les pages pour faciliter les recherches, on a placé 
ces lettres dans le texte , après certaines ponctuations. C'est 
ce dont avertit l'éditeur, qui, faisant allusion à la mé- 
thode adoptée par Fust dans son édition, dont l'anté- 
riorité est ainsi presque démontrée, dit que le lecteur, 
s'il le trouve plus commode, pourra écrire ces lettres à 
la main dans la marge. Un motif analogue, le désir de 
s'éviter de la peine, aiu*a porté Menteiin à négliger les 
deux petites tables imprimées dans l'édition de Fust, et 
qu'il aurait fallu retoucher pour les nouvelles éditions. 
Est-il vrai que Menteiin fut anobli en i466 par un 
diplôme impérial, en récompense de ses travaux? Le 
fait est possible, mais non prouvé. S'il eût acquis à cette 
époque une gloire telle qu'elle lui eût valu une pareille 
distinction , l'histoire en aurait conservé quelque trace. 
S'il a , en effet , été anobli , ce n'est pas à titre de premier 



90 DE LORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

imprimeur, comme le dit Jean Schott, son petit-fiis, 
mais pour un tout autre motif; car les imprimeurs de 
Mayence étaient beaucoup plus connus, et auraient pu, 
à plus juste titre , obtenir cet honneur. H est vrai qu'on 
se fonde sur ce diplôme impérial pour revendiquer en 
faveur de Mentelin la gloire d avoir inventé l'imprimerie; 
mais il faudrait d*abord produire ce titre unique , et c est 
ce que n ont pu faire ni Schott ni Mentel , quelque inté- 
ressés qu'ils fussent dans la question. Le dernier est même 
en désaccord avec le premier sur ce point; car il prétend 
que le diplôme de Frédéric ne fit que confirmer les 
armes de Mentelin , celui-ci ayant déjà , comme noble 
d'origine, le fond même de l'écu. Quoi qu'il en soit, on 
a eu tort de conclure de nos jours, de ce fait, qui reste 
à prouver, la véracité de l'assertion de Jean Schott. Ce 
que je dis ià n'infirme pas le mérite réel de Mentelin. 
Cet artiste a certainement fait preuve d'une grande in- 
telligence dans l'exercice de sa profession ; mais on ne 
peut lui attribuer, sans preuve, un honneur qu'il n'a re- 
vendiqué nulle part lui-même. Mentelin , comme Pfistcr, 
comme l'imprimeur de la Passion de Jésus, comme ime 
foule d'autres que je ferai connaître plus loin, comme 
un plus grand nombre encore que nous ne connaîtrons 
jamais , a utihsé^ au profit d'un art qu'il pratiquait déjà 
d'une certaine manière, celui de faire des livres, une 
invention due à d'autres, et dont il comprit de bonne 
heure l'importance. 

Peut-être Jean Schott a-t-il voulu mettre à profit la 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE I. 91 

tradition qui attribue^ à rem](lereur Frédéric^ la conces- 
sion faite à la corporation des imprimeurs d'un ëcu bla- 
sonnë d'un aigle tenant dans une serre un vispiiam et 
dans f autre un compostear^ et surmonté d*un griffon dis- 
tribuant l'encre sur deux baUes ? Mais , malheureusement 
pour le système de Schott, Véta de Mentelin ne porte 
aucun de ces insignes caractéristiques, ce qui justi&e le 
doute émis par Sdiœpflin'sur l'origine de ces armes. 

' Je me sers à dessein de cette expression, parce qn^on ne connaît 
aucun acte aathentique qui ait concédé ces armes aux imprimeurs. G*est ce 
que me confirme M. Sotzmann, dans une lettre datée de Berlin, ie 1 1 juillet 
1 853 . ( Voy. au surplus dans HaUische Jubelzengràsse, 1 7 4 1 > les recherches. 
qu*a faites à ce sujet Schmeitzel.) Ces armes n*en sont pas moins un mo- 
nument fort curieux à cause de leur ancienneté. On leur a malheureuse- 
ment £iit subir, dans les différentes reproductions qui en ont été faites , 
des modifications déplorables, en recùfiant la forme des instruments figu- 
rés sur Técu. Ainsi le fameux composteur de bois à justification fixe est 
devenu, sur quelques gravures, un composteur en fer comme celui de nos 
jours. 

* Oestreichischer Ehrenspiegel^par Birken, Nuremberg, in-fol. 1 668, liv. V,. 
chap. IX, p. 829. L*auteur de ce livre nous apprend que Tempereur con- 
céda en outre aux imprimeurs le droit de 8*habiller comme les nobles et 
gens d^église. Cest pourquoi , sans doute, fimprimerie était considérée jadia 
comme ne faisant pas déroger. Voici , au reste , le passage en question : 

9Lbn ed ioat ein eitlet Stu^m, imb biefe ^ebeitôgebev to)&Ten long^ 
felbet bem ®ebd^tEt^ bet Tltri^â^tn abgeflorben, toann jte bie $tt<i^bttt<» 
^erei^ nic^t mu k)om Xob etrettet. îDannen^eto tourben , btefet itttitjl 
f&tmanhttf anfangd «on iebetmoii beel^tet unb htxtxéftxt : toie bann j(. %xii 
bni^ fie, ®ûtb %n ttagen, att^ fon^en bcm 9(bel unb ben ©eU^vtett 
gUi^, beftel^et, unb infoubeti^eit bett ®é^xifhf®t%tm einen ^IbUt, ben 
S>tïïâtxn oBet einen i^teif mit bem S)fttde¥^$aUen in bet einen Xiaviif 
nnb be^be âBa)}))en mit ofnem ^elm, t)etUe)^en. 

^ Vind, typogr. p. 98. 



92 DE L'ORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

Outre ses travaux typog^phiques , on attribue à Men- 
telin une légende en vers allemands sur les expéditions 
de Charles, duc de Bourgogne, et commençant ainsi: 
Dies wart gedracTcet nnd geschrieben, etc.^; mais le fait est 
loin d*être prouvé. 

Mentelin se maria deux fois : i*" avec Elisabeth-Ma- 
deleine Nicolaî , dont il eut deux filles ; et a^ avec Elisa- 
beth de Matzenheim, dont il n'eut pas d*en(ant. Cette 
dernière mourut probablement en i iyS , époque où son 
mari fit ériger, sous le péristyle de 1 église de Saint-Guil- 
laume, une pierre tumulaire aujourd'hui déposée dans 
le vestibule de la bibliothèque de la ville , et portant une 
inscription ainsi conçue : « Mémorise Johannis Mentelin, 
«civis Ârgentinensis , parentiun suorum^, Nicolai Elysa- 
«beth Magdalene, prime uxoris, et liberorum suorum, 
«necnon Elysabeth de Matzenheim, uxoris sue secunde. 
K Ânno Domini m. ccgc. lxxiii. » 

Les armes de la famille de Matzenheim paraissent à 
lun des angles supérieurs de la pierre comme pendant 
de reçu de Mentelin [le lion couronné) ^ qui est à l'autre. 

' Voyez Lambinet, ou plutôt M. Dorlan, qui le cite dans ses Notices his- 
toriques sur ÏAbace, 1. 1, p. 284; car Lambinet (t. I, p. aSg) ne dit pas 
que Mentelin soit Tauteur de ce livre; il lui en attribue seulement fini- 
pression. 

* Quelques personnes proposent de traduire : «A la mémoire de Jean 
Mentelin, de Nicolas et d^Élisabeth, ses parents (son père et sa mère?), 
de Madeleine, sa première femme, etc.» Mais pour qu*on pût rendre 
ainsi le texte de Tinscription, il faudrait d*abord une conjonction entre les 
mots Nicolai et Eljsaheth, puis un nom de famille après celui de Made- 
leine. Au reste , la cbose est sans importance pour nous. 



DEUXIÈME PARTIE. —CHAPITRE I. 93 

Une circonstance très-remarquable , c'est que les carac- 
tères de cette inscription sont en majuscules romaines et 
non en godiiques, comme c'était lusage général alors. 
On reconnaît là le goût de Mentelin, qui lui-même em- 
ployait des capitales romaines dans ses impressions. 

Ce monument semble prouver que Mentelin demeu- 
rait alors sur la paroisse de Saint-Guillaume. Il la quitta 
sans doute l'année suivante, car on le voit fonder, le 2 1 
juin 1474 (le n des calendes de juillet), un anniver- 
saire dans la grande église, Saint-Laurent ^ 

Mentelin mourut le 1 2 décembre 1 478. Il fut enterré 
dans la grande église, comme l'indique le livre de la 
sonnerie, où on lit : « Obiit dominus Johannes Mentelin , 
<(impressor, sabatbo post Gonceptionem Virginis Mariœ, 
« anno m. cggc. lxxviii. Et factus est ei pulsus cum cam- 
«pana magna, dominica sequenti, de sero. » Cette note, 
tout en constatant qu'on sonna la grande cloche en son 
honneur^, le lendemain dimanche au soir, ne lui donne 
cependant que le titre d'impnmcnr, et ne lait nidle men- 
tion de sa prétendue gloire d'inventeur. Il est vrai que 
ce titre lui était donné dans une inscription placée , dit- 
on, jadis sur sa tombe, au bas des marches du chœiu*, 

^ La veilie il avait déjà fait donation de quelques rentes à cette église. 
Schœpflin, Viïkd, typogr, p. 97, note a : «À. li'j^, xii Kal. Julii, 20 
« iibras d«nar. dédit ad reditus annuos unius libne denar. in usum chori. 
< Die autem xi Ksd. Julii ejusdem tinni in S. Laurentii parochia anniversa- 
« rium fundavit. b (KaUndar* summi tempM* ) 

* n était alors très-riche , et nourrissait, à ce titre , un des chevaux pu- 
blics de la ville. (Voyez Schœpflin, Vind, tjrpogr. p. 96.) 



94 DE L0RI6INE DE L IMPRIMERIE. 

du côté gauche , devant la porte d une chapelle souter- 
raine ; mais lauthenticitë de cette inscription , qui d'ail- 
leurs ne pourrait servir de témoignage , attendu que la 
véracité de ces sortes d'éloges est fort contestable , n est 
pas prouvée. Schœpflin, grand amateur d'antiquités, à qui 
nous devons la conservation de l'inscription de i /ïyS, n'en 
dit pas un mot. Quoi qu'il en soit , voici la traduction de 
cette inscription, en vers allemands, dont on ne possède 
plus que la copie : 

(( C'est ici que je repose , moi , Jean Mentelin , qui , par 
la grâce de Dieu , ai le premier inventé à Strasboui^ les 
caractères de l'imprimerie, et fait parvenir cet art, qui 
doit se perpétuer jusqu'à la fin du monde , i un tel de- 
gré de perfection , que maintenant un homme peut en 
un jour écrire autant qu'autrefois en une année. Or il se- 
rait juste qu'on en rendît grâces à Dieu, et, sans vanité, 
à moi*mème; mais comme cet honmiage pourrait ne pas 
être rendu d'une manière convenable , Dieu lui-même y 
a pourvu, et a voulu que, pour prix de mon invention, 
l'édifice de cette cathédrsde me servit de mausolée ^ » 

M. Dorian, trompé par la forme de cette épitaphe, 
'OÙ l'on fait parler le défunt, suivant l'usage, dit que Men- 
telin lui-même en fut l'auteur. Il est évident que si ce 
document a jamais existé en réalité, il était du moins 
postérieur à Wimpheling ^, qui l'aurait contredit formel- 

^ Dorian , Notices historûfues, «te. 1. 1 , p. 33s. 

' Peut-être avait -il remplacé un monument plus ancien, datant de 
Tëpoque de Mentelin. 



DEUXIEME PARTIE. —CHAPITRE I. 95 

lement. Au surplus, fauteur de cette épitaphe a voulu 
dire sans doute, non pas que Mentelin était l'inventeur 
de la typographie, mais seulement qu'il fîit le premier 
qui fit confectionner des caractères à Strashoary ; c'est 
dans le même sens que plusieurs autres imprimeurs, qui 
avaient introduit fart dans certaines villes, se sont qua- 
lifiés, dans leurs souscriptions, d'inventeurs de l'impri- 
merie, ainsi que nous le verrons plus loin. 

Le père Laguille ^ prétend que les caractères et les 
instruments de Mentelin fiu*ent déposés dans le trésor 
de la ville , en signe d'honneur. « Mais la servante du 
condei^e, dit -il, ayant trouvé moyen d'entrer dans 
la salle où ces caractères étaient conservés, les vola, et 
les vendit peut-être à quelque curieux. Son crime fut 
découvert, et on la punit en lui faisant couper la tête. 
L'illustre préteur royal que j'ai tant de fois cité m'a 
assuré que les registres publics font mention de ce chft- 
tîment. » 

Que penser d'un historien qui , au lieu de s'assurer 
d'un fidt si facile à vérifier, se contente d'invoquer des 
om-dire aussi étranges? Hermann, dans ses Notices sur 
Strasbourg^j a cependant renchéri sur ces données, «t La 
presse de Mentelin, dit- il, fiit longtemps conservée; 
mais on ignore ce qu'elle est devMiue : peut-être sera- 
t-elle retrouvée quelque jour parmi les nombreux mo- 
dèles et machines depuis trop longtemps entassés dans 

* HUtaire ^Abace, liv. XIX, p. 33i|« 
» T. II, p. 4i3. 



96 DE LORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

une chambre obscure , d où , faute d emplacement con- 
venable , on n*a pas encore pu les retirer » 

Mais laissons ces contes strasboui^eois , dignes de 
figurer avec ceux qu*on a faits à Mayence au sujet des 
prétendus caractères de bois de Gutenberg, dont on au- 
rait donné jadis une lettre à chaque apprenti qui passait 
ouvrier, en guise de diplôme 

Mentelin laissa deux filles : lune , appelée Salomé , 
épousa en premières noces Adolphe Rausch (Ruschius), 
dingwiller , boui^eois de Strasboui^ , qui devint Tassocié 
de Mentelin , puis lui succéda ; l'autre , dont on ignore le 
nom^ , épousa Martin Schott, aussi imprimeur à Strasbourg, 
et père de Jean , Tinventeur du système qui attribue à 
Mentelin Thonneur d'avoir découvert Timprimerie. S'il 
fallait s'en rapporter à Jacques Mentel , déjà cité, auteur 
de deux opuscules sur l'imprimerie publiés à Paris, où il 
exerçait la profession de médecin , dans le cours du 
xvii^ siècle , Jean Mentelin aurait eu aussi un fils dont 
Jacques serait descendu ; mais le fait est sinon positivement 
faux , du moins fort peu probable. En effet, si Mentelin 
eût eu un fils, ce n'est pas à ses deux gendres qu'il eût 
laissé son établissement. La véracité de Jacques Mentel 
doit être aussi suspecte sur ce sujet que sur vingt autres : 
on sait qu'il n'a pas reculé même devant la falsification 

* Suivant Jacques Mentel , elle s'appelait Jeanne (Brev, excursus, p, i o ; 
Wolf, Monuments typographe t. II, p. 319]; mais cet auteur se trompe si 
lourdement au sujet de la généalogie de Schott, qu'il n*est pas possible 
d'admettre sa version sans autre fondement. 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE I. 97 

des textes imprimes pom* se donner du relief devant ses 
contemporains.. 

Le nom de Rausdi me paraissant sm* aucun livre, la 
Sema Santander ne fait nulle mention de cet impri* 
meur^; mais son existence ne peut être mise en doute. 
Le témoignage de Wimpheling, son contemporain et 
son compatriote, est formel à cet égard : «Huic (Mente- 
tilino) successit Âdolphus Ruscliius, mox Âdolpfao Mar- 
«tinus Flachus, qui et ipsi Âi^entinenses in natali solo 
« cum laude et gloria hanc artem exercuerunt^. » Si son 
nom ne pandt pas , c'est qu il exerça peu de temps seul 
après la mort de Mentelin, et qu'il n'a, par conséquent, 
imprimé que fort peu de chose, dont rien n'est venu 
jusqu'à nous. Peut-être même , suivant les errements de 
son beau-père, ne mit-il pas son nom à ses impressions, 
qui de la sorte sont confondues avec cçUes de Mentelin, 
dont il employa les caractères. Ce qu'il y a de certain , 
c'est qu'il était associé à cet imprimeur dès i dyo, comme 
le constate la note suivante qu'on lit sur un volume com- 
prenant leTérence et le Valère-Maxime imprimés séparé- 
ment par Mentelin : n Anno Domini m. gggc. lxx , tem- 
« pore nundinarum in Nôlingen ', emi ego frater Sigis- 
« mundus Meusterlin Terentii opus pro i flor. Rh.; Valerii 
« vero Maximi ^ missum fuit in nomine propine [remune- 

* Dict. hihl, 1. 1 , article de Strasbourg. 

* Epit, Ttr. Germon, ch. xxv. (Voyez 1. 1, p. 1 38 , et t. il , p. 66.) 
^ Il faut probablement lire Noerdlingen. 

^ Ce livre était aussi imprimé en 1^70, comme le constate la note ma* 

II- ' 7 



98 DE LORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

« rationis] a famoso ejusdem impressore domino Âdoipho 
(( de Ingwiien , cujus tamen faciem nunquam yidenan ^. » 
Le fameux Adolphe dlngwiUer dont il est ici question 
nest autre que Rausdi, qui, suivant Lichtenbarger \ ti- 
rait son nom du château de Rauschenbui^ près dlngwil- 
1er, château dans lequel une tradition du pays dit qu'a été 
inventée Timprimerie'. Adolphe fut sans doute père de 
Henri de Ingwiller, qui imprimait à Strasbourg vers 1 483. 

D'après le récit de Gebwiler, que nous avons cité pré- 
cédemment^, Mentelin se serait associé, à une époque 
indéterminée , avec un nommé Eggestein , pour l'exploi- 
tation d'un secret, qui pouvait bien être Imprimerie. 
Cette association dura peu sans doute, car nous voyons 
de bonne heure Henri Eggestein , Eckstein ou Ecsgestein, 
exercer la typographie à Strasbourg avec des caractères 
qui lui sont propres. 

Schœpflin ^ a fait connaître des documents qui prou- 
vent qu'Eggestein fut reçu bourgeois de Strasbourg en 

nuscrite suivante, que porte un des exemplaires de ce livre : c Presens Vale- 
« rîi Maximi opus preclarissimum , in nobili urbe Argentina Reni termi- 
«natum, anno m cggg lxx, xtii kalendis Julii (i5 juin),per virumquen- 
• dam egregiom, impressorie artis maiistrum, fisiiciter est consmnraatnm. t 
Panzer, Annales typogr, t. I, p. 74. (Voyez aussi le Catalogue de M. Kloss, 
n** 3791, où cette souscription a été reproduite, mais avec des variantes, 
ou plutôt avec des inexactitudes. ) 
' Panzer, Ann, iyp, t. IV, p. 224. 

* liât, tjrpogr. p. 74. 

^ Irenicns, Exeges. Germon, iib. II, cap. xltii. 

* Voyez ci-dessus, p. 70. 
^ Vind, typogr. p. roo. 



DEUXIEME PARTIE. —CHAPITRE I. 

1 kk^f cinq ans avant Mentelin, ce qui donne à supposer 
qu*ii était plus âgé que ce dernier. Aussi loin qu (m peut 
remonter dans la vie d'£gg;e$tein , on voit qu'il portait le 
titre de maître es arts et es philosophie* U devint chan* 
celier épiscopal de la cour de Strasbourg, et figure 
sur le livre des contributions de cette ville parmi les 
consiables. B paye pour trois autres personnes de sa fa- 
mille K U n était pourtant pas encore marie , car ce ne 
fut qu en 1 45 1 qajl épousa Agnès , sœus de Michel Ochi* 
senstein. B demeurait alors sur la place des Vierges^. 

On ne sait pas à quelle époque il commença à impri- 
mer; mais ce fiit probablement peu de temps après que 
Menteiui eut monté son imprimerie : peut-être même lui 
fut-il associé dès le début. Le premier livre daté de Stras^ 
bourg a été imprimé par Eggestein, c'est le Decretam Gra- 
tiani, en deux voliunes in-folio. La souscription porte en 
effet qu'il a été exécuté a per venerabilem virum Henricum 
a Eggestein , artium liberalium magistrum , civem inclite 
a civitatis Ai^entinensis , anno D. m. cccc. lxxi ^. » Mais ce 
n'est pas le premier livre publié par cet imprimeur. Dans 
la souscription d'une édition des Constitations clémentines, 
achevée par lui le 2 1 novembre (xi kal. dec.) 1 ^7 1 , il a 
soin d'apprendre au public qu'il avait déjà imprimé beau- 

^ Vind, typogr. doc. viii , p. à 1 • 

* Ihid. p. 100. 

^ On possède au Britisk Museam, à Londres, un exemplaire de ce livre 
donné par Eggestein lui-même à la maison religieuse de Sainte -Marie 
prope Argentinam (la Chartreuse). 




100 DE LORIGINE DE LIMPRIMERIE. 

coup d'autres livres : a Ut innumera antehac divini huma- 
« nique juris per ipsum testantur volumiaa^. » 

Parmi les livres d'Eggestein d une date antérieure à 
1 A7 1 , nous pouvons ranger une Bible qui a souvent été 
citée comme étant celle de Gutenberg , particulièrement 
par Foumier^. Cette Bible (ou plutôt ces Bibles, car on 
en connaît des exemplaires avec de nombreuses variantes, 
ce qui fait croire à deux éditions) forme deux volumes 
in-folio, à deux colonnes de 4 5 lignes chacune. Un exem- 
plaire de ce livre, qui provient de la célèbre maison de 
Saint- Jean-de- Jérusalem de Strasbourg, et qui est con- 
servé auj ourdliui dans la bibliothèque publique de la même 
v31e , porte à la fin des psaumes de David , qui terminent 
le second volume , une souscription manuscrite ainsi con- 
çue : « Explicit Psalterium per magistrum Henricum Eg- 
«gestein, anno Lxvni'. » Foumier, qui attribue le livre à 
Gutenberg , prétend que cette souscription veut dire seu- 
lement que Henri Eggestein Ta rubrique. Cette assertion 
est d'autant plus étrange, que Foumier convient ailleurs^ 
qu' Eggestein imprima presque aussitôt que Mentelin. 
u Qui croira, dit avec raison Lichtenbei^er^, que cet im- 
primeur, qui déclare en 1 /i 7 1 avoir imprimé une quantité 
innombrable de volumes, n'était encore que rubricateur 

' Vofyez lefacsindU de cette souscription dans le livre de Steinberger, 
pLIV. 

* Origine de timprimerie,^. 318, aao. 

'* Voyez le fac-similé dans Schcqpflin , Vind, typogr. pi. V. 

* Ohservaûons sur les Vind, tjpogr. p. 28. 
^ Init. tjrpogr. p. 63. 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE I. 101 

en 1 468. » Le mot per après la formule expUcit signi- 
fie toujours imprimé par dans les souscriptions des anciens 
livres, comme on peut s*en convaincre dans ceux de Men- 
telin, à Strasbourg; d*Ulric Zell, à Cologne, etc. Quant 
à lomission du millésime, eUe était alors très^frëquente 
dans les dates. 

La célèbre Bible de Saint- Vaast d'Arras, conservée 
aujourdliui à la Bibliothèque nationale ^, est de Tédition 
d'Eggestein. Un exemplaire de cette même Bible , qui se 
trouvait autrefois dans la bibliothèque du duc de Bruns- 
^ick-Lunebourg , et dans laquelle on lisait, à la suite 
des psaumes, une souscription manuscrite du rubrica- 
teur, ain» conçue:» Bamler, i A66 , » a longtemps induit 
en erreur les bibliophiles , qui ont voulu attribuer ce 
livre à Bamler, d'Âugsbourg; mais il est aujourd'hui re- 
connu que Bamler n a pas imprimé avant i Aya , et qu'en 
1 468 il n était encore que rubricateur^. Par la forme 
des caractères , qui sont ceux dont Eggestein s est servi 
dans le Decretam Gratiani et les Instituées de i Aya , il est 
prouvé que le livre appartient à ce dernier. On a souvent 
appelé cette Bible Mazarine, parce qu'il en existe un 
exemplaire à la bibliothèque de ce nom ; on la aussi 
appelée Biblia Sallierii, parce que Sallier, bibliothécaire 
en chef de la Bibliothèque royale de Paris en 1 760, la- 
vait décrite d après un exemplaire acheté en Savoie. Elle 

^ Voyez un article de M. Prunelle, inséré dans le Magasin encyclopé' 
di^otf de Millin , 1806, 1. 1, p. 72, et t. IV, p. 477* 
' Voyez ci-aprës à Tarticle d'Augsbourg. 



102 DE LORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

a été encore dëcrite depuis par beaucoup de personnes, 
et particulièrement par Lîchtenberger *, qui croit qu'il 
y en a deux éditions presque semblables : lune de i &68 
ou antérieure, l'autre de 1 4 70 environ. 

Eggestein publia encore une autre Bible latine , avec 
un caractère un peu plus gros , qui ne donne que 4 1 lignes 
i la colonne. Ce livre forme deux volumes petit in-folio de 
320 et 3 1 2 feuillets. Enfin il publia aussi une Bible alle- 
mande qui joue un grand rôle dans l'histoire de la typo- 
graphie , parce qu'on l'a attribuée à Fust et à SchoifiFer, 
sur la foi d'une souscription menteuse qui se trouve sur 
un exemplaire conservé dans la bibliothèque du consis- 
toire de Wurtemberg. Voyez à ce sujet la Sema Santan- 
der^ et Steigenberçer*. Cette Bible, qui ne forme qu'un 
volume, est imprimée avec le petit caractère d'Eggestein; 
elle se compose de 4o3 feuillets ou 806 pages in-folio, 
à deux colonnes de 60 lignes chacune. 

Je n'entrerai pas dans de plus srands détails sur les 
^ publia p jEggesWn. à. enCuvera la M. i.«s 
Panzer*. Les caractères de cet imprimeur sont, comme 
les premiers de Mentelin, de la forme de ceux de Schoif- 
fer; ils sont même un peu plus romains, s'il est permis 
de se servir de cette expression pour désigner le semi- 
gothique. Comme Schoiffer, Eggestein avait trois carac- 

* Init. typogr. p. 62 et suiv. 
' Dict, bibl, t. II, p. 199. 

^ Ouvrage cité, cî-dessus, p. 87. 

* Ann. typogr. 1. 1, p. 76-78. 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE I. 103 

tères de même forme et de force différente : on en trou* 
vera des fac-similé dans Scfaœpflin^, dans Steigenbei^er^ 
et dans Falkenstein'. De même que Menteiin, E^estein 
nasousmtquepeudelivres.Sonnom,quine paraît dans 
les souscriptions qu*en i Ay i , n'y figure plus après 1 472, 
et c est précisément l'année suivante que Mentelin sous- 
crit son Sfecuban de saint Vincent de Beauvais, presque 
le seul livre , il est vrai, où il ait mis son nom. On ignore 
l'époque de la mort d'Eggestein, mais il est probable 
qu'il vivait encore en 1 ^78 , car on voit à cette date un 
livre imprimé avec ses caractères ^ fl se pourrait toute- 
fois qu'il l'eût été par un successeur. 

Nous avons vu que , comme Trithème , le chroniqueur 
de Cologne , sur la foi d'Ulric Zell , attribue à un ouvrier 
de Sdioiffer l'introduction de l'imprimerie à Strasbourg ; 
mais Mentelin et Eggestein sont Strasbourgeois, ou du 
moins Alsaciens, et à moins d'admettre que l'un ou 
l'autre ait pratiqué l'art à Mayence, ce qui. n'est guère 
probable, on ne voit pas que le récit d'Ulric Zell soit 
fondé , du moins en tant qu'il attribue à un artiste étran- 
ger l'introduction de l'imprimerie à Strasbourg. Il se 
peut bien qu'un ouvrier mayençais soit venu de fort 
bonne heure à Sti*asbourg, mais il y trouva déjà l'art 
installé. Je ne vois pas trop, au reste, à quel imprimeur 

^ FiW. typo^, pi. V et VI. 

^ Ouvrage cité, pi. IV. 

^ Gesckichte, etc. p. 1 66. 

* Panzer, Ann. typogr, 1. 1, p. a 1, n** 2 5. 



s L'IUPBIHERIE. 
ter le récit de ZcU. Ce n'est 
imprima en tUyh le Bedac- 
car cet imprimeur anonyme ' 
Strasboui^ , et d'ailleurs on 
rage ci-dessus cité. Serait-ce 
clerc de Mayence , et impri- 
jeois de Strasbourg , Geoi^es 
■*eut-être cet artiste a-t-ii im- 
, et fut-il forcé de recourir 
lutter avec Mentelin et Eg- 
plusieurs ouvrages sans date 
exécutés avec les caractères 
i ' Jean Beckenhub et son 

bien hasardée , je l'avoue. 
18 d'apparence de raison, ap- 
11 à quelqu'un des artistes 
l'imprimerie de bonne heure 
ar exemple, que Bertholdt 
eux premiers imprimeurs de 
l'ont pas cru devoir s'arrêter 

itWolfgang Koeptel (Vindic. typogr. 

Cepkalns Wtiiphitu. Seemiler dit au 

mr était Conradu» Wolfach. Je laine 

igme. 

rt pen de temps après, soit qu'il eût 

plus après cette date, taodis que celui 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE I. 105 

à Strad>oiaqg, où ils avaient trouvé des imprimeries en 
exercice? 

Quoi qu*ii en soit, et sans parler de la gloire qui lui 
revient dans la découverte de f imprimerie, Strasbourg 
joue un grand rôle dans les annales de la typographie. 
De vagues traditions ou des preuves positives attribuent 
même à des ouvriers de cette cité l'importation de l'im- 
primerie dans plusieurs autres villes : nous en dirons un 
mot à f artide de ces villes. 

B y aurait certainement un livre très-curieux et très- 
intéressant à £ûre sur les premiers temps de la typogra- 
phie strasboui^eoise. Je m'étonne qu'il n'ait pas encore 
été entrepris. Les ouvrages de Schœpflin et de lichten- 
berger ne peuvent en tenir lieu. 

Je ne terminerai pas cet article sans relever une er- 
reur assez généralement accréditée parmi les bibliogra- 
phes , et qui consiste à attribuer à Mentelin les impres- 
sions dans lesquelles on trouve une r majuscule d'une 
forme bien connue et dont voici le facsimile : R. Il est 
aujourd'hui constaté que cette lettre ne paraît dans au- 
cun des livres souscrits par Mentelin, et que le caractère 
dans lequel elle se trouve est un peu plus petit que celui 
de cet artiste. La confusion vient de ce que le posses- 
seur anonyme de ce caractère a imprimé une édition de 
saint Vincent de Beauvais, qu'on a eu le tort de con- 
fondre avec celle de Mentelin. Le rédacteur du Catalogue 
de la bibliothèque du docteur KJoss, de Francfort-sur- 
le-Main, imprimé à Londres en i835, in-octavo, a par- 



106 DE L*ORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

fidtement ëdairci ie fait , grâce â l'existence , dans cette 
bibliothèque , des deux éditions différentes du Specuban 
historiale: ïvn souscrit par Mentelin, et sans ia lettre XI, 
l'autre sans aucune note bibliographique , mais avec la 
lettre R ; la première ayant 6 a lignes à la colonne , la 
seconde 67, et, chose singulière, toutes deux imprimées 
avec le même papier, ce qui semble prouver que les deux 
imprimeurs étaient contemporains et exerçaient dans 
la même contrée. 

Le rédacteur du Catalogue Kloss a donné, page a Se , 
un fac-similé des deux caractères : il les a accompagnés 
àiun fac-similé des lettres inscrites sur le Pace ou Agnas 
Dei gravé en 1 45 si par Maso Finiguera pour les moines 
de Saint-Jean de Florence ^ afin d'en tirer une con- 
clusion bien importante, si elle pouvait être admise : 
la lettre R de l'imprimeur anonyme étant semblable 
pour la forme à celle qui parait sur la gravure de Fini- 
guera, notre auteur se demande si cet artiste n'aurait 
pas, comme son compatriote et confrère l'orfèvre Cen- 
nini, dont nous parierons plus loin, exercé l'imprimerie, 
et ne serait pas l'artiste anonyme que nous cherchons^. 

* Il existe deux ou trois exemplaires imprimés de cette curieuse 
planche : la Bibliothèque nationale de Paris en possède un (département 
des gravures) ; il y en a un autre dans la bibliothèque du duc de Bucking- 
faam , en Angleterre : c est cette dernière qui a servi de modèle pour le 
fac-similé du Catalogue Kloss. Il est bon de noter que les caractères qui 
paraissent sur cette gravure , qui n a pas été faite pour Timpression, sont 
dans le sens droit sur le métal, et par conséquent à rebours sur le papier. 

• Je ne parle pas ici d*une autre hypothèse présentée par le môme au- 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE I. 107 

€*est aller vite dans les hypothèses. En l'état des dioses, 
je ne crois pas que la question puisse encore être discu- 
tée ; il faut attendre de nouveaux renseignements. Pro- 
visoirem^it^ je me contenterai de donner ici la descrip- 
tion des volumes de saint Vincent de Beauvais qu'on 
peut attribuer à cet imprimeur anonyme; tous ces livres 
sont sans chi£Bres, réclames ni signatures, sans nom de 
lieu ni d'imprimeur, et sans date : 

1 "^ Le Spéculum naturaïe, a volumes in-folio à deux co- 
lonnes de 66 lignes chacune. Le livre n'offre pas la lettre 
R; mais les caractères sont identiques i ceux des ou- 
vrages suivants. 

a"* Spéculum histx)rialey & volumes in-folio, à deux co- 
lonnes de 67 lignes chacune. De même que le précédent, 
il est sans indices (l'édition de Mentelin, au contraire, 
porte son nom imprimé à tous les volumes et n'a que 6 a 
lignes) ; mais il a la lettre R . 

3^ Spéculum doctrinaley 2 tomes en 1 volume, à deux co- 
lonnes de 67 lignes, sans indices, mais avec la lettre R. 

On ne sait pas encore si cet imprimeur a publié le 
Spéculum morale, dont on attribue deux éditions à Men-. 
telin : l'une sans indices, l'autre avec son nom et la date 
de 1 476. n n'est pas rare de rencontrer dans les biblio- 
thèques des exemplaires du livre de saint Vincent com- 
posés de volumes des deux éditions mélangés. Ils sont 

leur, et qui ferait de Finiguera le graveur des caractères de Fust, et 
cela sur cette seule donnée que la typographie aurait été réalisée en 1 452, 
date de la gravure du Pacc de Finiguera. 



108 DE LORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

cependant facfles à distinguer, parce que le caractère de 
Fanonyme donne une ligne de plus sur trente et est plus 
gothique que celui de Mentelin. 

Voici Imdication de deux autres livres du même im- 
primeur anonyme qui ont souvent été attribués à Men- 
telin : 

1** JohamUs Jannensis de Balbi CaÛioUcon, i volume 
in-folio à deux colonnes de 6 7 lignes. Sans indices, avec la 
lettre R. (L'édition de Mentelin est également sans in- 
dices, mais eUe n'a que 65 lignes. Quelques bibliographes 
l'ont attribuée à Fust. Un exemplaire de ce CathoUcon de 
Mentelin, qui se trouvait jadis à Mayence^ portait la 
souscription manuscrite suivante : « Ânno Domini 1 ^76, 
« secunda feria post Michaelis , M. Geoi^us de Gechin- 
«gen émit presentem librum illustrissimo principi do- 
c< mino D. Emesto, duci Saxonie, postulato ecclesie Mag- 
« deburgensis , pro xni florinis , de pecunia D. Emesti , 
« domini et patris ejus postulati ^. ») 

a^ Bible latine, i volume in-folio à deux colonnes, de 
56 lignes chacune; sans indices, mais avec la lettre JK. 
La Bible de Mentelin est aussi sans indices , mais elle 
n'a que A 9 lignes. 

Voir, pour les autres livres à la lettre R, l'ouvrage de 
Panzer'. J'ajouterai seulement ici l'indication d'un opus- 
cule qui n'y figure pas : c'est une Bulle du pape Sixte IV, 

' Gudenus, SyUoge dipL p. 3/&2. 
* Van Praet, Caud. in4bl. p. 37. 
•' Ann. typogT, t. ï , p. 76-80. 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE I. 109 

donnée pour la construction de f ^ise de Vrach , et datée 
du 5 des ides (le 1 1) de juiUet 1 678 ^. Cette pièce prouve 
que l'imprime^ anonyme a vécu au moins aussi long- 
temps que Mentdin. 

S 4. Cologne. 

Strasbourg et Cologne furent les deux premières villes 
où Mayence envoya directement ses éclaireurs de la ci- 
vilisation. On ne connaît pas précisément l'époque où 
celui dirigé sur Cologne commença à imprimer; mais du 
moins on sait son nom , et on est sûr qu'il n'eut pas le 
regret de se voir devancé , comme celui de Strasbourg. 
L'artiste qui introduisit l'imprimerie à Cologne s'appelait 
Ulric Zell (ou Zel) ; il était né à Hanau, près de Francfort- 
sur-le-Main, et avait peut-être appris son art dans i'a- 
telier de Schoi£Fer, dont il imita les caractères et suivit 
les usages typographiques. 

Le premier livre daté qu'on connaisse de lui est un 
opuscule de dix feuillets in-quarto, intitulé : Joannis CKri- 
sostomi super psaïmo quincfuagesimo liber primus , à la fin 
duquel on lit cette souscription : « Per me Ulricum Zel , 
« de Hanau , clericum diocesis Moguntinensis , anno Do- 
«mini millesimo quadringentesimo sexto, » c'est-à-dire 
1 466> en supposant l'omission du mot sexagesimo avant 
sexto^. La Sema Santander' conteste cette interprétation , 

* iUoss, Catalogue, n* ih^h» 

* Voyei Panzer, Ann, typogr. t. IV, p. 271. 
^ Dict. hihL t I,p. 157. 



110 DE LORIGINE DE LIMPRIMERIE. 

en donnant pour raison qu Ulric Zeil a imprimé au moins 
jusqu'en i ^99 1 et qu'on peut tout aussi bien lire 1 476, 
1/186,1 496 ; mais je ferai remarquer que èet imjmmeur 
prend dans la souscription le titre de clerc àa diocèse de 
Mayence, qu'il abandonna bientôt, et qu'on ne voit plus 
paraître sur ses livres à partir de 1/17 3. En tout cas, 
nous avons un autre opuscule de Zell, daté de 1667. 
C'est un ouvrage de saint Augustin , intitulé LibeUas de 
singulariiate cUricorum, 33 feuillets in-quarto, à la fin 
duquel on lit : « Per me Olricum Zel , de Hanau , cleri- 
« cum diocesis Moguntinenais , anno , etc. seocagesmo sep- 
(( tiïïio» )) 

Ici la date est incontestable : au reste, il est bien cer- 
tain que Zell imprimait auparavant» On a de lui une masse 
énorme de volumes sans date , dont plusieurs portent 
tous les caractères des impressions primitives. Panzer ^ cite 
particulièrement une édition des Offices de Cicéron qu'il 
considère comme antérieure à celle donnée par Sdioif- 
fer en 1 & 65; suivant lui, elle a étéÊdte sur un manuscrit 
original : voilà pourquoi ^ dit-il, elle est pleine de fautes, 
et beaucoup de mots , qui n'ont pu être lus par le com- 
positeur ni par l'éditeur, sont restés en blanc, ce qui ne 
serait pas , si l'édition de Mayence eût été publiée alorS , 
À cause de la proximité des deux villes , dont le Rhin rac- 
courcit encore la distance. 

Parmi les autres produits de la presse de Zell qui sont 
sans date et sans nom d'imprimenr, mais que des cir- 

^ Ann. typogr. t. IV, p. 49a. 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE I. III 

conslaiices paiticuiiàres pennettent de fiûre remonter 
aux premiers temps de son eiqdoitation , je citerai deux 
autres ouvrages : 

i"" Une Bidie donnée par ie pape Pie II (./Eneas 
^TÎus), sous le titre de Bulla retractaJtionum. Cette Bulle, 
qui forme un petit volume in-quarto de 36 feuillets, 
ayant 27 lignes longues à la page, est datée du 6 des 
calendes de mai (26 avril) i663; elle est adressée aux 
recteurs et membres de f université de Cologne. La Sema 
Santand^ ^ dit que ce livre a été imprimé en 1 à68 , mais 
sans donner le motif qui le porte à retarder ainsi cette 
impression : il est beaucoup plus naturel de penser que 
cette Bulle fiit imprimée aussitôt après qu'elle eut été 
apportée à Cologne, le pape ayant intérêt à rendre pu- 
blic ce document, où il rétractait des opinions qu^il avait 
émises auparavant relativement au concile de Bâle, et 
qui pouvaient porter atteinte à son caractère actuel. Je 
pense donc que cette Bulle a été imprimée avant la 
mort du pape, arrivée le 1 6 août 1 464. 

a*" Orado contra Turcos , du même auteur et du même 
format que la Bulle précédente. Comme la mort du pape 
Pie n est rappelée dans le titre de cette pièce , elle est 
postérieure au 1 6 août 1 &64 ; mais elle parut sans doute 
peu après , et lorsque Paul II se disposait à poursuivre 
lœuvre entreprise par son prédécesseur contre les Turcs. 

On trouvera dans Panzer* une liste très-considérable 

> DiethibltAl, p. i3. 

* Ânn. typogr, t. I, p. 325-335, t. IV, p. 271 et ^91. G* est là que se 



112 DE LORIGINE DE LIMPRIMERIE. 

des livres sans dated*Ulric Zell; mais elle nest pas com- 
plète. Suivant moi , il faut y ajouter au moins deux ou- 
vrages français , imprimés avec des caractères particuliers 
et aux'frais du duc de Bourgogne , résidant alors à Bruges. 
Ces ouvrages sont le Recueil des histoires de Troyes et le 
roman de Jason , tous deux écrits par Raoul le Fèvre , et 
présentés par lui au duc Philippe le Bon, dont il était 
chapelain, et qui mourut le i5 juin 1^67. Ge prince, 
voulant faire jouir ses contemporains des beaux livres que 
Raoul avait entrepris par ses ordres , fit graver pour cela 
un caractère spécial, avec lequel on les imprima à Cologne, 
et par conséquent chez Ulric Zell , seul imprimeur de 
cette ville alors. Ces caractères servirent encore plus tard 
à Caxton , avec Tagrément de la duchesse de Boui^ogne, 
dont il était le compatriote , et à laquelle il était attaché 
par quelque emploi, lorsqu'il commença à apprendre Tart 
dmprimer. C est dans cette ville, en effet, que Caxton im- 
prima trois ouvrages : i*" Recueil ofthe historiés of Troyes: 
a** The game of chess; 3" De proprietatïbus rerum : on ne 
sait pas si le dernier, sur lequel on n a que de vagues ren- 

trouve naturellement placé le Liher regnlm pastoralis Gregorii papa, à pro- 
pos duquel Foumier [De ï origine de t imprimerie, p. 4i et suivantes) et 
les bibliographes du siècle dernier ont dit de si étranges choses. Ge 
livre, que j*ai vu À la Bibliothèque nationale , est un petit in-4*, et non un 
in-8% comme le dit Foumier dans son ignorance des choses typogra- 
phiques; il se compose de io4 feuillets de 37 lignes à la page; il est im- 
primé avec le petit caractère d*Ulric Zell , parfaitement fondu , et non avec 
des caractères de bois, que Foumier croyait voir dans tous les livres 
anciens. 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE I. 113 

seignements, était comme les deux autres une simple 
traduction anglaise, ou louvra^ original latin dont je 
viens de donner le titre. 

Mais nous aborderons ce sujet à farticle de Bruges, 
car nous ne savons pas quelle part eut Ulric Zell à toutes 
ces impressions. Je me contenterai d ajouter ici quelques 
renseignements sur ce célèbre typographe. Il parait qu*il 
se maria vers i&yB; car il abandonna alors, dans ses 
souscriptions, le titre de clericas diocesis Moguntinensis 
pour prendre celui de maître en fart d'imprimer {artis 
impressone magister). Vers fan i ^87, Ulric Zell avait son 
imprimerie dans la maison de Lyskirchen, chez qui il 
imprimait encore en 1 ^9^2 , comme on le voit par la sous- 
cription du Commentam sex tractataam Pétri Hispani, qu*il 
publia alors, et dans la souscription duquel il prend le 
titre de protocharagmaticns. Voici au surplus cette curieuse 
souscription, où f on. apprend que le livre, imprimé en 
1 &88, fut réimprimé en 1 Ug^ , à cause des fautes qu'a- 
vait laissées passer le correcteur : « Colonie Âgrippine 
« M. GGGC. Lxxivni. absoluti , sed rursus quarto super près- 
« criptum numerum anno, propter nonnuHas mendas dor- 
« mitancia orthosynthetici admissas, examussim revisa per 
<( providum virum Ulriciun Tzell prope Lûskirchen , insig- 
«nis civitatis Goloniensis civem protocharagmaticum ^ » 

Ulric Zell exerçait encore sa profession en i& 99, au 
rapport de fauteur de la Chronique de Cologne, qui dit 
tenir de cet artiste son r^cit sur f invention de f impri- 

^ Panier, Ânn, tjrpogr, t. I , p. 3oâ 1 n** 1 99. 

lu 8 



114 DE UORIGINE DE LIMPRIMERIË. 

merie^ Gomme SchoiiSer, Zell se servit de trois carac- 
tères semi-gothiques de forces différentes. On en trou- 
vera lefac'sindle dans la quatrième livraison des Curiosi- 
tés typographiques de M. Fischer. 

Dès Tannée lAyo cet imprimeur eut de nombreux 
concurrents à Cologne. Le plus célèbre d*entre eux est 
AmoldusTherHoemen,qui exerça également jusqu'à la 
fin du siècle. G est le premier imprimeur, dit-on , qui ait 
fait usage de chiffres arabes ; mais on verra plus loin qu un 
autre imprimeur peut lui disputer cet honneur : c est Hé- 
lie Louflen, imprimeur à Munster-en-Ai]gau^. Quoi qu'il en 
soit, Âmoldus employa ces chiffres dans le premier livre 
daté qu on connaisse de lui , le Sermo ad popubm predica- 
biUs infesto Presentationis beatissime Marie semper Virginis, 
in-quarto, 1 4 70. Il donna la même année deux éditions de 
ce livre , sans se nommer dans la souscription de Tune ni de 
lautre ; mais Tune de ces éditions est précédée d'ime pré- 
face qui nous révèle le nom de fimprimeur et celui de la 
ville où il exerçait : « In civitate Goloniensis, per discretum 
«virum Âmoldum Ther Hoernen. » Le 17 juillet 1^72 
Arnold publia un ouvrage in-folio intitulé Summa coUa- 
tionum Johannis Gallensis , qui, dès Tannée suivante, était 
mis en vente à Bruxelles, comme on le voit par un exem- 
plaire de ce livre que possédait la'Serna Santander'. 

^ Voyez dans notre première partie, p. iSg. 

* Il n y aurait rien d'étonnant à ce qu'on trouvât de» livres avec chiffres 
d'une date antérieure , car les manuscrits en portaient beaucoup plus tôt. 
^ Voyez son Catalogne, t. II, n*i5oi. 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE I. 115 



La même année il im^ima le Prmce^ionam Htèrn fejfô, 
de Nidcr, în-fidîo i deux oolomies, avec des jijmfaar 
C*est jusqakî le premier livre daté où f <m en voit pa- 
raître , encore n en a-l-il pas partout. 



S 5. Nuremberg. 

Henri Reffer, que nous avons vu figurer conune té* 
moin de Gutenberg dans lacté de i&55 ^ et ]dus tard 
ocnnme associé de Beclitermuntze i Ifayence ou A E3tvil^ 
vint s'établir à Nurraaobergvers 1 669, ou peut-être un peu 
plus tôt N'ayant point de fortune, il fut sans doute forcé de 
recourir à la bourse d'un bourgeois de cette ville, JeanSen- 
senscbmidt, qui fut pour lui ce qu'avait été Fust pour 
Gutenberg : c'est-JKlire qu'il en fiit exploité de la &çon la 
plus inique. Ce bailleur de fonds ne lui laissa pas même la 
gloire de ses œuvres; car c'est son propre nom qu'A mettait 
habituellement sur les livres sortis de leur o£Bcine com- 
mune. Nous ne connaîtrions pas même l'établissement 
de Keffer, si son associé n'avait consenti à le nonuner une 
fois dans la souscription du livre le plus important qu'ils 
aient imprimé, la Pantkeologia de Rainerius de Pisis. La 
souscription de ce livre ne porte , à la vérité , que la date 
tardive de itiji; mais tout démontre que les premières 
impressions de Nurembei^ ont été £adtes par KefiFer. 
On retrouve même , en grande partie , dans la souscrip- 
tion du premier livre date de cette viUe , les formules 

^ T. I, p. 195. 

* T.II^p. i5. 

8. 



116 DE LORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

du CaAoUcon de 1&60, imprimé par Bechtermmitze , 
avec lequel KefiFer parait avoir été associé d'abord ^. Ce 
livre est le Codex egregias comestorii viciorum de François 
de Retz, imprimé en 1 4 70, et à la fin duquel on lit : « Nu- 
« remberge , etc. lxx", patronarum formarumque concor- 
« dia et proporcione impressus. » Il forme un volume in- 
folio. Un exemplaire de ce livre fut vendu, en 1671, 
huit florins et demi dor^. Un autre exemplaire, qui se 
trouve aujourd'hui dans la bibliothèque de lord Spencer, 
mais qui provient de la maison des Chartreux de Nurem- 
berg, porte une note manuscrite fort intéressante pour 
nous ; elle est ainsi conçue : « Hune librum propinavit 
n nobis Henricus Rumel cum suis impressoribus, eo quod 
« plures libros ex liberaria nostra eis accommodaverimus, 
« anno Domini 1 67 2 . » Traduction : a Henri Rumel et ses 
imprimemrs nous ont donné ce livre en 1/172, comme 
récompense de ce que nous leur avons prêté plusieurs 
ouvrages de notre bibliothèque. » Le nom de Rmnel, 
qui paraît ici, est celui de l'éditeur du livre, et non pas 
celui d un imprimeur, comme quelques auteurs font cru. 
Rumel était jurisconsulte^; il exerça peut-être la profes- 
sion de correcteur, mais jamais celle de typographe. Au 
contraire , les imprimeurs du livre , dont lé nom n est pas 
rappelé , ne peuvent être que Keffer et Sensenschmidt. 

^ Voyez ci-dessus, p. i5 etsuiv. 
^ Gudenus, SjUoge dipl, p. 4o4. 

•^ Voyez ce que dit à ce sujet Panzer, Aeltest. Bttckdruch Geschichte 
Numhergs, p. i et suiv. et Ann. typogr. t. II, p. 167. 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE I. 117 

Qd a prétendu aussi attribuer A Frédéric Creossuer la 
gloire d'avoir introduit f imprimerie à Nuremberg; mais 
cette opinion n est fondée que sur ce qu'on possède de 
lui un livre allemand daté de idy^i^ Or, à cette date, 
non-seulement on a des livres souscrits par Sensen- 
sdunidt', mais encore par Antoine Koburger'. Eln réa- 
lité, c'est à Keffer seul que doit revenir l'honneur de fin- 
trt)duction de l'imprimerie à Nurembei^, car les trois 
autres imprimeurs que je viens de nommer étaient ci- 
toyens de cette ville \ et n'ont pu connaître l'art que par 
la communication que leur en fit cet élève de Gutenbei^. 

Gonune je l'ai dit, le nom de Keffer ne parait qu'une 
seule fois, dans la souscription du livre daté de i AyS et 
intitulé Panikeologia Ramerii de Pisis. On ignore ce qu'il 
devint depuis. Voici la souscription entière de ce livre, 
qui est imprimé avec des caractères tout à fait analogues 
à ceux du CathoUcon de i &6o , autrement dit de Bechter- 
muntze, excepté qu'ils sont un peu plus gros (ayant douze 
points et demi environ) et qu'on y trouve quelques let- 
tres d'une forme romaine, surtout parmi les capitales, 
telles que l'N , par exemple ^ : 

Anno a nativitate Domini milesimo (sic) quadringentesimo septua- 

^ 06 einem numn sey zu nemen ein eliches weib oder nich, 1 47 a > in-d*. 
(Voyez la Sema Santander, Dict. hihl, 1. 1, p, aao.) 

' Panzer, Ann. typogr, t. II, p. 167. 

^ Ihid, p. 169. 

* Sensenschmidt, quoique né à Egra, en Bohême, était citoyen de Nu- 
remberg. 

' On en trouve un fac-similé dans Braun, fasc. 1, tabl. V. 



118 DE LORIGINE DE LIMPRIMERIE. 

gesîmo tercio, sexto idus Aprilis, finita, Deo juvante, perfectaque 
est iUa egreffA Summa fratris Rayneri de Pisû, ordinis predica- 
tonim , (pie alio nomine Pantheologia , quasi tota theologia , baud 
ab re vocata est, per industriosos impressorie artis magistros 
Johannem Sensenschmid de Egra et Henrîcum Kefer de Ma- 
guntia , Nurmberge urbis cives; eo apposito imprîmendi studio, 
et ea corrigendi cura diligentiaque adbibita , qua major adhiberi 
vix possit. De quo fine sit iaus et ^oria Dec trino et uno, qui est 
per secula benedictus I Amen. 

L'aimëe suivante, ce livre fut réimprimé dans le même 
format, et presque avec la même souscription, par An- 
toine Koburger, le plus célèbre imprimeur de Nuremberg. 
Si 1 on en croit certains auteurs, cet artiste occupait à la fois, 
non-seulement vingt-quatre presses et tm nombre infini 
d'ouvriers dans la ville où il était établi, mais encore il 
faisait imprimer dans plusieurs villes, telles que Bâle et 
Lyon , où il avait une librairie , aussi bien qu'à Nurem- 
berg. On lui attribue jusqu'à douze éditions de la Bible en 
latin , et une en allemand ^. Q est appelé le prince des 
libraires dans une épitré de Judoce Bade à lui adressée 
en 1^99. 

C'est à Nuremberg que parut, en iSiy, la première 
édition du célèbre livre allemand intitulé Theardanck, 
qui a mis si longtemps les érudits et les bibliographes à 
la torture. Foumier et Papillon eux-mêmes, malgré leur 
spécialité , soutinrent encore au xviii* siècle que ce livre 
n'était pas en caractères mobiles. La fausseté de cette as- 
sertion est aujourd'hui démontrée, non -seulement par 

* Lichtenberger, Init. typogr. p. 200. 



DEUXIÈME PARTIE.— CHAPITRE I. 119 

les eirconstancesde Timpression, où l'on trouve des lettres 
retournées, des espaces qui lèvent, etc. mais encore par 
des documents authentiques qui font connaître les noms 
des artistes qui y ont coopéré^. 

S 6. Bâle. 

Berdiold Rot, de Hanau, autrement dit Bechtold de 
Hanau, que nous avons vu figurer également comme 

• • • 

témoin et ouvrier de Gutenberg dans le procès de i A 55, 
quitta de bonne heure Mayence pour aller exercer à son 
propre compte fart typographique dans une autre ville 
d'Allemagne. Peut-être est-ce lui qu'Ulric Zell a voulu 
désigner comme ayant porté l'imprimerie à Strasbourg; 
mais si Berthold vint à Strasbourg, il n'y resta pas, et 
poursuivit sa route jusqu'à Bâle, où il se fixa. 

A quelle époque eut lieu cette émigration? C'est ce 
qu'il est impossible de dire^, car Berthold, qui n'a sous- 
crit de son nom qu'un seul ouvrage, n'en a daté aucun. 
n est probable que, comme KefiFer, il fat forcé de recou- 
rir à la bourse de quelque bourgeois du lieu , qui ne lui 
aura pas laissé la faculté de tirer gloire de ses œuvres. 

Le seul ouvrage où paraisse le nom de Berthold est 
une espèce de dictionnaire intitulé Conradi de Mure, ca- 
nonici Turicensis, Repertorium vocahnloram exqmsitomm 

^ Voyez Débuts de t imprimerie à Mayence, par M. de Laborde, p. i8. 

* Braun (Nodcia, etc. 1. 1, p. Sa) mentionne nne lettre d*un certain 
Félix de Balthasar, qui fixe à Tannée i^Bg rétablissement de Berthold à 
Bàle , je ne sais diaprés quel renseignement. 



120 D£ L ORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

oratoriœ, poeseos et historiarum, in-folio. On lit dans une 
pièce de vers latins qui se trouve au verso du premier 
feuillet : 

Bertholdus nitide hune impresserat in Basilea. 

Ce renseignement unique a permis dattribuer à Ber- 
thold une dizaine d*ouvrages imprimés avec les mêmes 
caractères , mais sans aucun indice typographique. Parmi 
ces livres se trouve le premier volume d^une Bible , dont 
le second a été imprimé par Bernard Richel , autre im- 
primeur de Bâle , dont on a des impressions datées de 
ilijli^- Quelques bibliograjdies considèrent ce livre 
comme le produit d'une association des deux impri- 
meurs, qui auraient exécuté chacim de leur côté un 
volume; Braun^ dit quon peut souscriix à Topinion de 
ceux qui pensent que cette Bible a été imprimée entre 
i46o et i465; mais je crois cette opinion erronée, et 
au lieu de considérer ce livre comme un des premiers 
de Berthold, je le regarde comme le dernier. Suivant 
moi, c'est parce que celui-ci est mort sans pouvoir achever 
sa Bible, qu'elle a été terminée par Richel, probablement 
acquéreur du premier volume. Il n'est pas possible d'ad- 
mettre , en effet , que Bernard Richel , qui a mis son nom 
à presque tousses livres à partir de 1 47 4 , ait exercé long- 
temps avant. Richel était de Bâle , et devait avoir appris 

* DerSassen Spiegel, in-fol. (Voyez la Sema Santander, Dict hibh 1. 1» 
p. 3i4>) 

^ Noticia hist. litL etc. t. I, p. 52. 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE I. 121 

son art chez Beithold. B donna lui-même deux autres 
éditions de la Bible, une sans date, et une datée de i Ayy. 

Quoi qu'il en soit, il est certain que Berthold im- 
primait avant 1 468 , car on a de lui un ouvrage de saint 
Grégoire , intitulé MoraUa in Job , sur un des exemjdaires 
duquel on lit : «Hune solvi anno m. ccgc. lxviu, Joseph 
«de Vergers, praesbiter ecdesiae Sancti Hylarii Mogun- 
« tini^ nOr, pour que ce livre ait pu être acheté en 1 468, 
à Mayence, il £iut qu'il ait été commencé au moins un 
an avant, car cest un énorme volume in-folio de 4;) i 
feuillets, à deux colonnes de &8 lignes chacune. 

On ignore complètement ce que devint Berthold et 
quand il mourut. Je crois cependant que sa mort doit 
être placée aux environs de i UjU- A cette date il y avait 
déjà deux ou trois autres imprimeurs à Baie. 

S 7. Augsbourg. 

Quelques auteurs ont voulu faire remonter l'établisse- 
ment de l'imprimerie à Augsbourg à l'année 1 466 , et 
cela sur la foi d'une note inscrite sur un exemplaire 
d'une des Bibles d'Ëggestein, de Strasbourg, que nous 
avons déjà citée ^ ; mais cette opinion est tout à fait dénuée 
de fondement. Jean Bamler, d'Augsbourg, auquel on 
attribue l'introduction de l'imprimerie dans cette ville , 
n'y exerça cet art que longtemps après. La mention qui 
est laite de lui sur la Bible d'Ëggestein prouve seule- 

* La Sema Santander, Dict. bibl, t. II, p. 46o. 
' Voyez ci-dessus , p. i o i . 



122 DE L0RI6INE DE L IMPRIMERIE. 

ment qu*il était alors caliigraphe ou rubricateur, titr€ 
qu*il se donne lui-même dans plusieurs autres souscrip- 
tions manuscrites du même temps. Je citerai entre autres 
un exemplaire de la Somme de saint Thomas de Mentelin, 
qui se trouve dans la bibliothèque royale de Munich , et 
où on lit : «Joannes Bamler, Augustinensis , rubrica- 
«tor, etc. 68 ^ » 

Le premier imprimeur connu d'Augsbourg est Gun- 
ther Zainer ou Zeyner, de Reutlingen , dans le Wurtem- 
berg. B était probablement frère de Jean Zainer, premier 
imprimeur d'Ulme, et avait sans doute, ainsi que ce der- 
nier, appris son art à Strasbourg. Le premier ouvrage 
avec date imprimé à Augsbourg par Gimther est inti- 
tulé Meâitationes vitœ Christi (par Bonaventure), un petit 
volume in-folio. Il est daté du U^ des ides ( 1 2 du mois) 
de mars 1 468, ce qui reporte forcément le commence- 
ment de l'impression à Tannée précédente. 

En 1 &6 9, Gunther Zainer donna deux éditions in-folio : 
1° la Somme de Jean de Aurbach, a* laSomme de Jean de 
Gênes ou Jean Balbi , autrement dit le CathoUcon. C'était 
la quatrième édition de ce livre célèbre , si nous comp- 
tons celle de 1 460 et les deux sans date dont nous avons 
parié page 1 08. Un exemplaire de cette dernière édition 
ne s en vendit pas moins 32 ducats, en 1^70, comme 
rindique la note suivante qu'on y trouve inscrite : « Anno 

* Voyez ci-dessus, p. 80 et 8a. 

^ M. Brunet, Manuel, 4* édil. t. I, p. 409, écrit à tort m au lieu 
de un. 



DEOXIEME PAKTIB. — CHAPITRE L ISS 



«DcMnim lAyo, d o Mw» Fiidcricos, priw 

• jbotis < M i MMinn mgeJotimi in Sods^ wdîpis Cartnaicn- 

«sii, émit Imnc Ubnm pn> xxxn dnatab» 

Les Guadères de cet in^primeiir ont la fenne or- 
dinaire, ceslr4-dire qa% sont irailés des carac tè re s de 
transition de Sclioiffcr. Pfais tard, infloencë par rhalie, 
et sortont par les in^essimis de Vonse, qm eomt dàs 
leur dâbot une si graide répotrtion, il adi^rta les carac- 
tères romains. H fit usage de ces derniers dans les Éfy- 
mabyî» de saint Isidore de Sévflle, publiées par lui, 
en i&ya (le 19 norembre), enungrosTirfamein-foiia. 
Quelques jours a^rès (le 7 dëoendire), 3 fit paraître un 
petit ouvrage du même auteur, intitulé De respamsiame 
nupidip etc. même format, mêmes caractères, cest-^-dire 
in-folio de 38 lignes i la page. Quoique ce livre n eût 
que 20 feufllets, il fiit vendu a florins , comme le constate 
une note manuscrite consignée sur un exemplaire, et 
qui est ainsi conçue : «Iste liber est monasterii S. Magni 
u in Faudbus Alpis, emptos pro n flor. ^. » 

Le docteur Kloss, de Francfort-sur-le-Main, dans son 
curieux et rare recueil de fac-similé ^ a donné le spécimen 
des caractères gothiques et romains de Gunther 2iainer. 
Il a donné également dans le même ouvrage iefac^simle 
d'un catalogue de livres de cet illustre imprimeur, pu- 
blié par lui-même , et dans lequel il recommande sa mar- 
chandise au public : « Ceux qui voudront acheter les livres 
suivants, exécutés avec beaucoup de soin et bien corrigés, 

* Van Praet, CatàL in-foi. p. 3é6. 



124 DE L ORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

dit-il, n ont qu'à venir à l'adresse indiquée ci-dessous. » Ici 
il y a un blanc pour écrire le nom du dépositaire , car ces 
catalogues étaient surtout faits en vue de faciliter le pla- 
cement du livre dans les villes étrangères où fimprimeur 
avait établi des dépôts. C'est de la même manière que Men- 
telin procédait, comme nous l'avons vu. Seidement Men- 
telin faisait ses catalogues plus courts et en faisait proba- 
blement plus souvent. Celui de Zainer est dans toutes les 
formes : il y a des divisions pour les ouvrages latins et 
allemsmds, pour les ouvrages allemands seuls, pour les 
grandes collections ; car la concurrence forçait à conden- 
ser la marchandise. Voici , au reste , l'économie générale 
du Catalogue. Il commence ainsi : 

Volentes sibi comparare infrascrîptos libros summ'a cum dilîgên- 
tia correctos ac bene continuatos, ad hospicium sese recipianl 
infrascriptum 

Pantheologiam , hoc est totam theologiam quam . . . 

Spéculum humanae salvationis, alias Béate Virginis, cum ima- 
ginum picturls ad id spectantibus , latina et teutonica lingua 



impressum^ 



Sabscripti tractaculi continentur in uno volumine. 

Hieronimus , de vins iUustribus' 

Isidori Junioris Hispalensis 

In teusch. 
Ein nutzlich bûch der Epistelen und Ewangelien \ . . 



' Ici vient une série de livres latins qu il est inutile de donner. 
* Suit la nomenclature des douze articles publiés par Panzer, Ann. typ. 
1. 1, p. i3i, n* 196. 

^ Suit une nomenclature d'ouvrages allemands. 



I 



DEUXIÈME PARTIE. ~ CHAPITRE I. 125 

On voit que ia profession d'imprimeur -libraire était 
parfidtement organisée alors. 

Zainer parait avoir abandonné fimprimerie vers i AyS, 
date à partir de laquelle on ne trouve plus aucun livre 
souscrit de son nom ; mais il ne mourut qu'en 1^78^, selon 

* Il existe une édition de VExplanado in PsaUerium, de Jean de Tor- 
quemada, imprimée à Grossis, avec le gros caractère de Gonther Zainer, 
mais sans date et sans nom d'imprimeur (Branet, Maxael, 4* édit. t. IV, 
p. 539]. Goifi. Zapf a pnbiié une dissertation (in-4*, Nuremberg, i8o3) 
où il prétend prouver que Gunther Zainer a imprimé ce livre à Gra- 
covie avant de venir à Augsbourg, vers i465; mais c*est le contraire 
qui est seul admissible, en supposant que Gunther Zainer en soit bien 
rimprimeur, ce qui est douteux : il est fort possible que ce vidume ait été 
exécuté par un autre artiste qui aurait acheté des caractères de Zainer, 
En effet, Gunther avait probablement appris Tart à Strasbourg, ville voi- 
sine de son lieu de naissance (Reudingen) , et on ne peut admettre qu'il 
ait sauté tout à coup d*un bout de l'Europe à f autre. Qudques biblio- 
gn|^es ont aussi prétendu , sur la foi d'un livre qui porte, dit-on , la date 
de 1 468 , et qoi est imprimé dans la langue tchèque ( Trojanska Historié) , 
que l'art typographique avait été introduit en Bohême plusieurs années 
avant. Os citent même une lettre de Jean Huss écrite de Gonstance au 
prêtre Hawlick-Jakoubek, et mentionnée âàraVhdexBohem. Uhror, prokib. 
de 1749 avec la date de 14S9, in-folio; mais on ne peut produire cette 
pièce, et rien ne prouve qu'elle ait été imprimée l'année de sa date, en- 
core moins qu'elle l'ait été en Bohême; M. Dabrowski (dans son Histoin 
de la langue et de Tancienne Uttératare de Bohême, Prague, 1 818 ) dit qn'dle 
ne fat imprimée qu'en i495, c'est-à-dire qu'U suppose, avec beaucoup 
I d'apparence de raison, la transposition des deux derniers chiffires de la 

• date donnée par V Index. Quant à la date du Trojanska Historié (Histoires de 
Troie) , elle*est rejetée par M. Dabrowski, meilleur juge que moi en cette 
circonstance, car je n'ai pas vu le livre , qui ne se trouve qu'à Prague. Je 
ferai remarquer que la forme typographique de ce livre (qui est fort bien 
exécuté, à ce qu'il parait) vient encore infirmer cette date. Voyei au surplus 
ce qu*a écrit sur ce sujet M. Hanska, dans le Journal du Musée (Casopis 



126 DE LORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

la notice consignée dans le r^istre des bienfaiteurs de 
la chartreuse de Buxheim près Âugsbourg , que nous a 
conservée Zapf , et dont voici la partie essentielle : 

Dom. Gûntherus, impressor, civis Auguste, dédit nobislibros 
înfrascriptos propter Deum et anime sue salutem, anno 1^74 et 
sequentibus : Pantheologiam in duobus voluminibus . . . Bibliam 
in vulgari . . . Summam Pisani . . . Lumen anime in latino . . . Qui 
obiit 1478; et habet anniversarium perpetuum nobiscum in die 
sancti Remigii , pro se et parentibus , uxore , et omnibus anteces- 
soribus suis. Idem habuit plénum monachatum in domo bac sicut 
unus de professis. Obiit i^^^ aprilis \ 

Incité par lexemple de Zainer, Jean Schûssler, citoyen 
dAugsbourg, fonda aussi de fort bonne heure une im- 
primerie dans cette ville. H imprima dès lAyo la pre- 
mière édition de la traduction en latin des Anticjaités ju- 
daïques de Josèphe, avec un très-beau caractère presque 
romain , et sur un beau papier. 

L'imprimerie prit alors un essor remarquable : chaque 
ville et chaque établissementreligieuxauraientvoulu pos- 
séder une presse. Nous voyons plusieurs monastères pour- 
vus d'imprimerie. Le couvent de Saint-Ulric d'Âugsbourg 
peut être cité pour exemple. Suivant Guillaume Witwe- 
rus, moine contemporain, Tabbé de ce monastère, Mel- 

Ceskeho Musmum, i84o, i*" cahier, p. 80). Ce savant mentionne plusieurs 
«utres ouvrages sans date imprimés avec des caractères semblables à ceux 
du Trojanska Historié; mais le plus ancien daté, après ce dernier, est un 
Nottveaa Testament en langue bohème de i475, probablement imprimé à 
Prague, où Ton fit vers la même époque plusieurs autres impressions. 
^ Zapf, Ann, ^ogr. Aug, p. XTiii. 



DEUXIEME PARTIE— CHAPITRE I. 127 

chior de Stanheim, y monta une imprimerie en lk^%. 
B employa une année à préparer tous les instruments 
nécessaires. Il acheta de Jean Schûssler cinq presses , qui 
lui coûtèrent 7 3 florins du Rhin, et en fit construire 
cinq autres petites par im habile ouvrier de la ville, 
nommé Sauriodi. Il lie parait pas avoir eu de caractères 
particuliers, mais s'être servi de ceux de Zainer, Schûss- 
ler, Sorg et autres imprimeurs ^ Il commença à impri- 
mer en 1 473, et publia Tannée suivante Leonardi de Utino 
Sennones aareos de Sanctis. H entreprit aussi le Speculam 
historiale de saint Vincent de Beauvais , en trois volumes 
in-folio ; mais il ne put lachever, étant mort celte année 
même avant d avoir terminé le dernier volume. Son suc- 
cesseur Henri fit achever le livre, qui se vendit 24 flo- 
rins. Melchior avait dépensé 702 florins pour monter et 
entretenir son imprimerie'. 

C'est à Âugsbourg que fiit imprimée , en 1 5 1 9 , la se- 
conde édition du Theurdanck, dont la première avait 
paru à Nuremberg deux ans avant. L'une et l'autre édi- 
tion furent imprimées par Schœnsperger, imprimeur 
d'Augsboui^g. Voyez à la fin de l'article de Nurembei^. 

S 8. Munster en Argovie. 
A quatre lieues au nord de Luceme , et dans le can- 

* Panier (Ann. typ. 1. 1, p. i35) lui attribue cependant cinq à six ou- 
vrages imprimés avec des types particuliers. 

' Voyez Braun, Nodcia Uhrorum, etc. part I, préface, p. u et suiv. 
Denis, Suppl. à Maiwûre, p. 786; Lambinet, Orig. de Vimpr, 1. 1, p. 3o8. 



128 DE L ORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

ton du même nom (Suisse), se trouve une petite localité 
appelée Munster in Aargau, qui a joué un certain rôle 
dans les annales de la typographie. Son nom actuel lui 
vient d'un ancien monastère ou chapitre fondé par un 
comte de Lentzburg , appelé Béron , qui lui laissa d*ahord 
son nom, villa BeronensiSy changé plus tard en monaste- 
rium. Un chanoine du heu , appelé Helie Hehe , né près de 
là, sur les bords du Rhin, à Lauffen ou LoufFen; dont il 
prenait aussi le nom , y étabht de fort bonne heure une 
imprimerie. C'est de là que sont sortis plusieurs ouvrages 
assez grossièrement exécutés, avec un caractère gothique 
maigre et allongé, de dix-sept points environ, très-remar- 
quable par son imperfection. Je ne serais pas éloigné de 
croire que ces caractères ont été fondus dans le sable, 
tant les lettres diffèrent les unes des autres. Foumier 
n aurait pas manqué de voir là des caractères en bois ; 
mais n y eût-il point d autres raisons à donner, la régida- 
rité dans la hauteur de toutes les pièces ne permet pas 
d admettre cette hypothèse. 

Le premier livre daté de Munster, ou plutôt de Bé- 
rone, est de ilx'jo. Il est intitulé : Mammotrectas sea 

expositio vocabuloram quœ in Bibliis occurrant G est 

un volume in-folio de 299 feuillets S à deux colonnes de 
3 2 lignes chacune, et à la fin duquel on lit la souscription 

^ Diaprés Panzér (Ann. typogr, 1. 1, p. 20a). M. Brunet dit 297 , d'après 
Van Praet [Catal, in-fol. p. i63). Je nai point vérifié le fait, n ayant pu 
obtenir communication du volume , qui était autrefois à la Bibliothèque 
nationale , mais qui ne s y trouve probablement plus. 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE I. 129 

suivante : « Expiidt Mamotrectus sive piîmicereus , arte 
« imprimendi seu caracterizandi per me Helyam Helye, 
c( alias de LloufiPen, canonicum ecclesie ville Beronen«s^, 
« in pago Ergowie site , absque ealami exaracione , vigilia 
tt sancti Martini episcopi, sub anno ab Incamadone Do^ 
« mini millesimo quadringentesimo septuagesimo. Deo 
u laus et gloria per infinita secula seculorum ! Âmen, etc. 
u Ârdiangele Michahel, princepsac propugnator noster! » 
Par un hasard singulier, il se trouve que cette édition 
est datée du jour même où Schoi£Fer publia une autre 
édition de ce livre à Mayence. Quelques bibliographes, 
ne pouvant croire à cette coïncidence extraordinaire, et 
se fondant d*ailleurs sur ce que le livre de Munster au- 
rait porté, suivant eux, des signatures, sorte de hors 
d œuvre typographique non encore en usage en 1À70, 
et que l'imprimeur de Munster lui-même 11 a pas em- 
ployé daiis des livres d une date postérieure , en ont con- 
clu que le Mammotrectas de Helie de Louffen était anti- 
daté dune année ou deux, et que Timprimeur avait tout 
simplement copié la souscription du livre de Schoiffer. 
Cette supposition ne me semble pas admissible. Da- 
bord il n est pas vrai que le Mammotrectas de Munster 
porte des signatures. Ce que les bibliographes ont pris 
pour des signatures est tout simplement une lettre de 

1 C'ert à tort que Panzer (Annal, typogr. 1. 1, p. 20a ) et la Serna San- 
tander (Dict. hibl t. III, p. i44) écrivent Veronensis : ce mot commence 
par un B très-lisible. Je coHaiionne sur l'original même de cette souscrip- 
tion, que je possède. 

II. % 9 



130 DE LORIGINE DE ^IMPRIMERIE. 

Taiphabet placée au bas de chaque colonne , et qui , se 
combinant avec un cbi£Ere arabe placé dans le haut, tient 
lieu de folio. Il était impossible de rédiger les tables sans 
ces points de repère. En second lieu, il n'est pas exact 
de dire que l'imprimeur de Munster a copié la souscrip- 
tion de Schoiffer; car, sauf deux ou trois mots de cette 
souscription, qui se retrouvent d'ailleurs dans tous les 
autres livres datés de Munster et d'une foule d'autres 
villes, les termes employés par Helie sont très-différents. 
Pour qu'on en puisse mieux juger, je transcris ici la sous- 
cription du Mammetractas de Schoiffer : « Explicit Mam^ 
umetractns arte imprimendi seu caracterizandi absque 
« calami exaracione sic eflBgiatus, et ad eusebiam Dei in- 
« dustrie per Petrum Schoiffer de Gemszhem in civitate 
u Maguntina féliciter consummatus , anno Dominice In- 
« camationis m. ccgg. lxx. in vigilia Martini. )> 

Évidemment on ne peut prétendre que les deux sous- 
criptions sont copiées l'une sur l'autre, ou bien il faudra 
en dire autant de celles de tous les livres de ce temps-là; 
car il n'en est pas une presque où l'on ne retrouve la for- 
mule imprimendi et caracterizandi , devenue d'im usage 
imiversel depuis la publication du Psautier de i & 87, où 
Schoiffer l'employa pour la première fois. 

Sans doute c'est un singulier hasard que celui de l'ap- 
parition de deux éditions d'un hvre le même jour; mais 
d'abord il n'est pas certain que le saint Martin tout 
court de Schoiffer soit le saint Martin évéqae de Louffen. 
Il y a cinq ou six saints de ce nom , sans parier des jours 



DEUXIEME PARTIE— CHAPITRE I. 131 

différents adoptés pour la fête de chacun d'eux dans dif- 
férents pays. En supposant toutefois qu'il s'agisse dans 
les deux livres du célèbre évècpie de Tours, le hasard pa- 
raîtra moins extraordinaire , si l'on réfléchit que le Mmir 
motrectas, fort goûté alors, a été réimprimé une trentaine 
de fois dans les trente dernières années du xv" siècle ^ 
Sans parler des éditions sans date, il en parut deux en 
1^76, deux en 1Â78, deux en i^yg» deux en 1&89, 
deux en ilig^^ deux en i&g3'. Pourquoi donc, au mi- 
lieu de réimpressions si fréquentes , n y en aurait-il pas 
deux finies le même jour? Ce hasard ne s'est pas ren- 
contré si souvent qu'on ne puisse l'admettre au moins 
une fois. 

Au reste , l'ouvrage de Louffen diffère complètement 
de celui de Schoiffer, et il est accompagné de trois tables^ 
dont une manque dans l'édition de ce dernier. De plus, 
il se distingue par l'emploi de chiffres arabes, qui n'a- 
vaient pas encore figuré parmi les signes typographiques, 
quoique depuis longtemps en usage dans l'écriture. 

^ li porte di£férents tkres : Mammotractus, Mammetrectus , Mammotrep- 
tas,e(t plus exactement Mammotrepton, Sixte de Sienne [Bihl sanctœ, 
lib. lY, p. 3&3 et 344) rend ainsi raison de ce titre : cVir simplex et 
• deTotus (Marchesinus) de sua exigua facultate obtulit in templum Do- 
cmini ([uod habebat, hoc est Dictionarium vocabularium totius Bibiis, 
« latinorum vocum prolationem , accentum , significationem crassa et rudi 
«Ifinerva explicans, qaod quia rudibus clericis, et adbuc in linguala- 
«tina infantibtts, veluti manunam sugendam et in&ntibus manibus trac- 
«tandam , instar pis nutricis exhibuerat, Mammotreptum inscripsit, tacito 
« ob humUitatem suo nomine. » 

* Panzer, il An. t^. t. Y, p. 397. 



132 DE L'ORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

En 1&72, LoufFen publia le Specalam vUœ hwnanœ 
Roderici Zumorensis, d après Tédition quen avait donnée 
l'année précédente Gunther Zainer à Augsbourg; et en 
1 473 il réimjMrima encore ce livre, qui avait alors une 
grande vogue. On a de Lou£Fen, ou du moins exécuté 
avec son caractère , un Psautier in-folio , sans date et sans 
nom d'imprimeur ni de ville, qui se trouve à la Biblio- 
thèque nationale , et que Van Praet ^ croit antérieur aux 
deux ouvrages précédents. Ce volume, composé de 68 
feuillets, commence ainsi : « [Bjeatus vir qui non. . . , » en 
lettres majuscules gothiques qui occupent toute la pre- 
mière ligne. L'ouvrage est à lignes longues et en a 3 1 à 
la page. 

On attribue encore à Hélie quelques ouvrages sans 
date^, mais cette attribution est fort contestable* Au sur- 
plus , il ne put pas «n imprimer beaucoup , car il mou- 
rut en 1 &75^ dans un âge fort avancé, étant né avec le 
siècle. 

Cette circonstance démontre que ce n est pas lui qui 
exécutait les livres qui portent son nom. H avait sans 
doute pris à sa charge quelques ouvriers typographes, 
dont il payait le travail. Peut-être l'un de ces artistes 
était-il Pierre Grantz , qui figure comme témoin de Fust 
dans la pièce du procès de 1 455, et qui serait venu de 
fort bonne heure s'établir dans ces contrées. Nous ver- 
rons, en effet, un frère ou tout au moins un parent de 

' CataL in-fol. p. i64 (Bibl. nat. n** 43S3, foi. papi€r)C 
* Voyez Panzer, Ann. typogr. t. I, p. 2o3» n*" 4 et 5. 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE I. 133 

ce Pierre , appelé Martin Crantz (ou Grantz) , venir de cette 
partie de TAUemagne, avec deux autres associés, Uiric 
Gtering^ de Constance, et Michel Friburger, de Colmar, 
exercer à Paris la profession d'imprimeur en 1 4yo. Un 
autre artiste du même pays, Jean Reynardi, d'Éningen, 
exerça également à Trévi la même année (i 470). Tout 
cela suppose un établissement antérieur. Pour moi, je 
reste convaincu que Timprimerie de Munster était plus 
ancienne quon ne le croit, ou du moins avait été pré- 
cédée d une autre établie dans les environs. 

S 9. Spire. 

Je ne puis pas quitter l'Allemagne sans dire un mot 
de Spire, qui a eu la gloire de donner le jour aux deux pre- 
miers imprimeurs de Venise. On ne connaît point d'impres- 
sion datée de cette vâle avant l'année i 67 1 ; mais l'établis- 
sement des deux frères Jean et Vindelin de Spire sur les 
bords de l'Adriatique, dès l'année 1 469, donne à croire 
que l'imprimerie avait été établie dans cette ville aupa- 
ravant, et sa situation géographique vient corroborer 
cette hypothèse. Placée sur le Rhin , entre Strasbourg et 
Mayence , il n'est pas permis de penser qu'elle ait tardé 
si longtemps à recevoir l'imprimerie, qui était allée s'ins- 
taller déjà dans des localités beaucoup moins impor- 

' M. Ambroifle Firmiii Didot dit positivement, d'après un document 
dont il na pu toutefois m'indiquer la source, qu Ulric Gering était un des 
associés du chanoine Loufien. (Article Ty/oo^ro^^ie^ dans rKnc^clojD^fe 
nouvelle, t. XXVl, col. 670.) 



134 DE LORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

tantes. Pourtant la Serna Santander «efforce de lui exAe- 
ver même fhonneur de lavoir eue en 1 47 1 . « La PostiUa 
9ehoiastica super Apocatypsin, imprimée dans cette ville en 
1471 9 in-quarto, est une preuve (de i existence de cette 
imprimerie) , dit-il , et cependant il est remarquable que . 
depuis cette époque jusqu*en 16779 Ion ne trouve plus 
aucune impression avec date faite dans cette ville ^ » Il 
avoue toutefois que la forme particulière des caractères 
de ce livre , qui ne réparait plus dans les ouvrages des 
autres imprimeurs de cette ville , peut faire croire que 
Tartiste qui a imprimé cet opuscule serait mort quelque 
temps après , et que l'imprimerie fut suspendue jusqu'en 
l'année 1 477» où Pierre Drack la rétablit de nouveau. 

Les caractères du premier imprimeur de Spire, qui 
sont romains, et non pas gothiques comme dans le reste 
de l'Allemagne, expliquent le voyage des deux frères 
spiriens en Italie. Sans doute leur maître d'apprentissage 
était de ce pays, et leur avait, par ses récits, inspiré le 
désir de le voir. 

Au reste, les deux premiers imprimeurs de Venise ne 
sont pas les seuls typographes du xv* siècle qui soient 
sortis de Spire. On en connaît plusieurs autres qui por* 
taient ce nom, soit qu'ils l'empruntassent au lieu de 
leur naissance, soit qu'ils le dussent à leur parenté avec 
Jean et Vindelin ^. De ce nombre sont, entre autres, un 
imprimeur de Venise appelé Jean Emeric (1 484 -94); 

* La Serna Santander, Dict hihL 1. 1, article de Spire. * 

* Voyez ce que nous disons à ce sujet à l'article de Venise. 



i 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE I. 135 

un imprimeur de Napies, Jodocus Hauenstain (làyS); 
et deux frères , Michel et Georges Reyser ou Ryser, im- 
primeurs à Ëichstett. Le dernier imprima dans cette viUe 
un Bréviaire du diocèse de Ratisbonne , en deux volumes, 
à Toccasion duquel Tarchevêque Henri publia, en 1 48o, 
des lettres patentes portant que l'ouvrage avait été tiré 
k Ixoo exemplaires, et serait vendu 3 florins, conformé- 
ment à la requête de l'imprimeur, appelé dans cet acte 
Geoi^es de Spire. Un exemplaire de ce livre fort rare , 
vendu à Londres en 1 835 , était accompagné de la copie 
des lettres de Tarchevêque^. 

En présence de pareils faits , il est impossible de con* 
tester l'importance typographique de Spire. Si l'on ne peut 
faire remonter Timportation de l'imprimerie dans cette 
ville avant 1671, c'est que les monuments sont perdus. 

' moss, Catalogue, n** i366. 



136 DE L'ORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

CHAPITRE IL 

ITALIB. l\6à. 



SI". Rome (Subîaco). 

A dix lieues au sud de Rome , environ , existe une pe 
tite ville appelée Sabiaco , près de laquelle se trouve un 
monastère de bénédictins qui a joué un grand rôle dans 
les annales de la typographie : cest là, en effet, que 
Timprimerie a été exercée pour la première fois en Ita- 
lie, par deux Allemands, qu'un auteur contemporain 
dit frères^, mais à torli Voici, suivant toutes les probabi- 
lités, comment la chose arriva : le monastère de Subiaco, 
situé dans un pays âpre et montagneux, mais très-pitto- 
resque, et pom* cela même souvent visité aujourd'hui 
par les artistes , était , vers le milieu du xv* siècle , habité 
par des moines, poiu* la plupart Allemands^. Lorsque le 
bruit de la découverte de Timprimerie se fut répandu 
dans le monde, grâce aux souscriptions des livres publiés 
à Mayence, ces moines, fiers d'une invention qui hono- 
rait tant leur pays, résolurent d'en doter leur patrie d'à- 

m 

^ Raphaël Maffeus Voiaterranus , in Uhris Commentariorum urbanoram, 
éd. Rom. 1 5o6. « Authores (typograpbis) , duo e Germania fratres, Romae 
«cœperunt anno m. gccg. lxv. Primi omnium Augustinus de Givitate 
«Dei et Lactancius prodiere.» (Lib. XXXIII, cap. De modo scrihendi 
apud veteres. ) *~ 

^ Quirini (card.), Liber sing. de primis editionibus romanis, p< 75 de 



I l'édition de Schcihorn. 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE IL 137 

doption. Ils écrivirent à leurs amis d'Allemagne pour 
demander des ouvriers typographes, so£Brant sans doute 
de faire tous les frais d'installation de l'imprimerie dans 
leur monastère. Leur proposition fut acceptée, et deux 
artistes se mirent en route poiu* l'Italie ^ Ces artistes 
sont Conrad Sweinheim^ et Arnold Pannartz. 

n est difficile de dire à quelle époque précise eut lieu 
ce voyage. On s'accorde généralement à fixer le premier 
étaUissement de l'imprimerie de Subiacp au commen> 
cément de i A65; mais si l'on songe' que le Lactance, qui 
n'est pas le premier ouvrage de Sweinheim et Pannartz , 
fiit achevé le 29 octobre de cette année, et qu'ils avaient 
eu à graver et à fondre des caractères latins et grecs 
d'une forme toute nouvelle , et à faire construire une ou 
deux presses, et cela loin des ressources d'une grande 
ville, on ne sera pas éloigné de croire avec moi qu'ils 
commencèrent leurs travaux en 1 46^. 

Le premier livre qu'ils publièrent, suivant l'usage , fut 

* Quelques auteurs disent que ce voyage de Sweinheim et Pannartz en 
Italie eut lieu à l'aventure, et que ce fut par hasard qu'ils se fixèrent à 
Suhiaco. Cette opinion ne me semble pas admissible : si ces deux ar-' 
tistes n'avaient pas eu un but fixé d'avance, ils n'auraient pas sans doute 
préféré à Rome une localité perdue dans les montagnes , comme Subiaco , 
pour exploiter leur industrie. On verra que le fait tel que nous l'expli- 
quons s'est produit dans beaucoup d'autres endroits , et particulièrement 
à Paris, où les premiers imprimeurs vinrent d'Allemagne sur la demande 
d'un de leurs compatriotes , et avec la certitude de n'avoir point à sup- 
porter les frais d'établissement. 

^ Schwartz pense que cet artiste tirait son nom du village de Schwan* 
heim, situé dans l'électorat de Mayence. 



138 PE L'ORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

un Donat, tiré à trois cents exemjdaires, et dont on n'au- 
rait aucune connaissance s*ils ne Tavaient mentionné eux* 
mçmes quelque part , car on n a pu retrouver jusqu'ici 
aucun fragment de cet opuscule ^ ; mais cela ne doit pas 
surprendre : ces sortes de livres , destinés aux enfants , 
pro paeraUs, comme portait le titre de celui-ci, étaient 
promptement détruits dans leurs mains. 

Le second ouvrage des imprimeurs de Subiaco fut un 
Lactance , dont on possède encore de nombreux exem- 
plaires. Ce livre, très-recherché, est un petit in-folio 
ayant 36 lignes longues à la page. H est imprimé avec 
un gros caractère de quinze points typographiques en- 
viron, et d'une forme toute nouvelle, qu'on distingua 
depuis par le nom du pays qui l'avait produit , dénomi- 
nation qui est encore en usage aujoiutL'hui : caractère 
romain^. Gomme c'est le premier caractère de ce genre 
qui ait été gravé , les formes en sont encore un peu go- 
thiques , surtout dans les capitales : les artistes aflemands 
navaient pu se dépouiller complètement de la peau du 
vieil homme. Mais une fois entrée en Italie , l'imprimerie 
ne devait pas tarder à réaliser les beaux types dont les 
manuscrits itaUens lui offraient le modèle. Cinq ans après, 

^ Suivant Dibdin ( BibUogr. Decamtr, 1 , 353 , note) , il s'en conserverait 
un exemplaire dans une bibliothèque particulière en Italie. 

* Le nom A'iudufue ne vint que beaucoup plus tard. Ce fut Aide Ma- 
nuce, imprimeur à Venise, qui Tinventa pour désigner une nouvelle 
forme de caractère dont il fit les premiers essais, et qui depuis est devenue 
d*un usage général dans la typographie pour faire ressortir certains mots 
ou certains passages au milieu d*un texte romain. 



DEUXIÈME PARTIE. —CHAPITRE II. 139 

notre compatriote Jenson gravait à Venise des caractères 
dont la forme , si Ton en excepte quelques modifications 
sans importance , produites par la mode ou par le goût 
particulier des différents peuples de l'Europe, n'a plus 
varié, malgré quelques tentatives isolées de retoiu* au 
gothique faites dans les premiers temps de l'imprimerie. 
Des gens à système ont prétendu que les graveurs des 
carajCtères romains s'étaient inspirés de je ne sais quel 
mélange de toutes sortes d'alphabets ^ C'est une erreur: 
au lieu de faire un pareil amalgame , qui n'aurait été in- 
telligible pour personne , ils se bornèrent à imiter l'écri- 
ture du pays, comme on peut s'en convaincre encore 
aujourd'hui en comparant les premiers livres imprimés 
de l'Italie avec les plus anciens manuscrits de la même 
origine. On peut bien créer un alphabet à un peuple de 
sauvages, mais on ne serait pas bien venu à en vouloir 
imposer im à une nation dont les monuments littéraires 
remontent à des milliers d'années. L'Italie, au milieu 
de toutes ses vicissitudes politiques, avait conservé ses 
anciens caractères. Le gothique même, qui n'est qu'une 
dégénérescence du romain , n'avait pu s'introduire dan& 
ces contrées avant l'invention de l'imprimerie. 

' « L*imprimerie est redevable de ce caractère (romain), (jui est de- 
venu celui de fEurope, à un Français nommé Nicolas Jenson Il 

forma un caractère composé des capitales latines, qui servirent de majus- 
cules; les minuscules furent prises d'autres lettres latines, ainsi que des 
espagnoles, lombardes, saxones, françaises ou carolines. » (Foumier, Ma- 
nuel typographique, t. II , p. 26 1 .) Cette opinion a été adoptée de nos jours 
sans réflexion par M. Crapelet. (Voyez ses Études lypographiquÉS , p. 11.) 



140 DE L ORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

Le Lactance offre déjà l'exemple de caractères grecs 
mobiles et fondus : ce sont les premiers de ce genre, 
car ceux qui paraissent dans Tédition des Offices de Cicé- 
ron imprimée à Mayence la même année i465 furent 
simplement gravés ; cela suffisait à SchoifTer, qui n avait 
qu'un petit nombre de mots à imprimer. Le Lactance fut 
commencé avant qu'on eût les caractères grecs , car les 
passages qui se trouvent dans les premières feuilles du 
livre ont été écrits à la main , dans un blanc réservé pour 
cela. Ce n est qu'au quart du volume environ qu*on com- 
mença à se servir du grec, et encore pas consécutive- 
ment, ce qui semble prouver qu'il n'y en avait pas une 
fonte bien considérable. En effet, on rencontre encore 
beaucoup de passages manuscrits dans le reste du vo- 
lume. Ce grec, au reste, est ime espèce d'archaïque fort 
peu compliqué , et pour lequel il ne fallut qu'un petit 
nombre de poinçons : il est sans ligattires et sans accents, 
et imité des beaux manuscrits du vif et du vin* siècle. 
On en peut voir un fac-similé dans l'Histoire de l'impri- 
merie de M. Falkenstein ^ 

Le Lactance fut terminé le 29 octobre 1 465, comme 
nous l'apprend la souscription, qui est ainsi conçue : 
(( Lactantii Firmiani de Divinis institutionibus adversus 
«gentes libri septem, necnon ejusdem ad Donatum de 
((ira Dei liber unus, una cum iibro de Opificio hominis 
((ad Demetrianum finiuntur, sub anno Domini m. cccc. 
c( Lxv. pontificatus Pauli papae II, anno ejus secundo, in- 

^ Geschichte, etc. p. 209. 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE II. 141 

« dictione xni , die vero antepenultima mensis Octobris , 
«in venerabili monasterio.Sublacensi. Deo gratias^l » 

A la suite de cette souscription se trouvent douze 
feuillets contenant : les neuf premiers une table des ru- 
briques ou sommaires des chapitres, et les trois derniers 
un enxUa avec ce titre : « Lactantii Firmiani errata, qui- 
« bus ipse deceptus est, per fratrem Antonium, Randen- 
« sem theologum, coUata et exarata sunt ^ Ces douze feuil- 
lets sont parfois placés en tête du volume; ils manquent 
à la plupart des exemplaires, ou au moins, les trois feuil- 
lets d'errata. 

Cette édition de Lactance , la première qui ait été pu- 
bliée, est fort belle; le papier en est petit, mais magni- 
fique , Timpression parfaite, et le noir très-beau. Elle est 
divisa, comme tous les livres des mêmes imprimeur, 
en cahiers de cinq feuilles. 

On remarquera que le nom des artistes ne parait pas 
dans la souscription, mais seulement celui du monas- 
tère de Subiaco. Cette circonstance vient à lappui de ce 
que jW dit plus haut, que tous les frais d'établissement 
et d exploitation furent faits par les moines, qui dispo- 
saient du livre à leur gré. Il semble, en effet, que ce 
Lactance ne fut pas mis dans le commerce , et que sa pu- 
blication n'eut pas un grand retentissement, car un im- 
primeur de Venise qui, six ans après ^, publia une nou- 

^ Voyez le fiw-sindU de cette souscription dans Wetter, Kridsche Ge- 
schichu, etc. pi. XII, n"" &, et dans Faikenstein, Geschkhu, etc. p. 309. 
' L'édition donnée par Timprimeur Adam , en 1 47 1 • 



142 DE LORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

velle édition de ce livre , ne cite que celle faite à Rome 
par les mêmes imprimem^s en i /|68. 

Presserai hune primo mundi caput indyia Roma : 
Post regina premit quippe colenda maris ^ 

Je crois que le travail des deux artistes de Subiaco fut 
parfaitement distinct dans leur œuvre commune. Swein- 
heim fiit, je pense, le graveur des caractères, et Pannartz 
Timprimeur proprement dit. Nous verrons en effet , par 
la suite, le premier se séparer de son collègue pour se 
livrer entièrement à la gravure , et le second, au contraire, 
continuer sa profession d^imprimeur. Sans doute , dans 
les premiers temps, Sweinheim réunit à sa fonction de 
graveur celle de fondeur et de compositeur ; il ne sortait 
pas ainsi de son élément, la manipulation des caractères. 
Quant à Pannartz , au contraire , il dut être chargé de 
lorganisation du matériel, et plus tard de la mise en 
œuvre de la presse. Cette division du travail me semble 
avoir été de règle au début de Timprimerie. Alors on 
voit paraître fréquemment deux ou trois noms d as&ociés 
dans les souscriptions des livres , comme on a pu le remar* 
quer déjà dans celles que nous avons citées, et comme 
on le verrait plus fréquemment encore , si , le plus sou- 
vent, réditeur, ainsi que le Lactance nous en fournit un 
exemple , n'avait substitué son nom à celui des artistes. 

4 

^ Voyez Maitlaire, Annal typogr, t. 1,2* édit p. 3o6 ; Meerman, Orig, 
tjffogr, t. II , p. 1 53 ; Panzer, Ann. typogr. t. III , p. 83 ; la Sema , Dict 
hihl. t. III, p. 93. 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE II. 143 

Le troisième ouvrage publié par Sweinheim et Pan- 
nartz fut un Gicëron {De oratore Ubri ///), in-quarto, 
grand papier. L'ouvrage est divisé par cahiers de i o feuil- 
lets, ce qui est assez singulier pour un in-quarto; mais 
ce qui était tout naturel alors, parce quon tirait Tin- 
quarto par forme et non par feuille , même à Mayence , 
ou du moins à Ëltvil^ Ce livre ne porte aucun indice 
de lieu, de date ni dlmprimem* ; mais les caractères 
sont ceux du Lactance , et il est généralement considéré 
comme ayant été imprimé à Subiaco en 1A66. Cette 
édition, fort recherchée, a 3o lignes longues à la page 
et 108 feuillets^. 

Le quatrième ouvrage de Sweinheim et Pannartz est 
un saint Augustin [De civitaie Dei Ubri un), grand in- 
folio à deux colonnes de 44 lignes chacune. B a été achevé 
le 1 a juin , comme l'indique sa souscription , qui se ter- 
mine ainsi : « Sub anno a Nativitate Domini m. gggg. lxvii. 
(( pontifîcatus Pauli papœ secundi , anno ejus tertio , tertio 
«régnante Romanorum imperatore Frederico, indic- 
« tione XV, die vero duodecimo mensis Junii. Deo gra- 

1.:^^ I GOD. , 

«tias! AL. >> 

Les dernières lettres de cette souscription , qui , à ce 
qu'il parait, ne se trouvent pas à tous les exemplaires', 

* Voyet ci-dessus, p. 12. 

' La transposition faite par le relieur de quelques feuillets du second 
et du troisième livre d*un exemplaire dont M. Debure s*est servi [Bibl 
instract n' a 3 90) a inspiré à ce bibliophile des observations erronées. 

^ Tous les exemplaires que j*ai vus les ont cependant. 



14/1 DE L'ORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

ont donné lieu à diverses conjectures parmi les biblio- 
graphes ; mais on pense généralement aujourd'hui qu elles 
signifient (en allemand) : Dieu tout ou tout-puissant [God 
almachtig). On retrouve cette épigraphe dans quelques 
manuscrits du xv^ siècle. et même dans d'autres ouvrages 
imprimés : voyez particulièrement un livre de François 
de la Rovère, intitulé De potenHa Dei, imprimé à Rome 
vers iliji par Philippe de Lignamine, dont nous aurons 
occasion de parier plus loin. 

Le nom du monastère de Subiaco ni celui des impri- 
meurs ne paraissent /dans la souscription du saint Augus- 
tin ; mais la forme des caractères ne laisse pas le moindre 
doute sur l'origine de ce livre. L'incertitude peut d'ail- 
leurs être levée par la note suivante qu'on lit , à la suite 
de la souscription imprimée, sur un exemplaire de 
la Bibliothèque nationale, et qui nous apprend qu'il a 
été acheté à Rome, l'année même de l'impression, des 
mains des deux imprimeurs allemands : a Hune librum 
(( De civitate Dei émit sibi et Georgio nepoti suo Leonar- 
«dus Dathus, episcopus Massanus, de propria pecunia, 
« aureis octo et grossis duabus papalibus, ab ipsis Theu- 
((tonicis Romae commorantibus, qui hujusmodi libros 
(( innumeros non scribere sed formare soient. Ânno sa 
u lutis M. CGCG. Lxvii. mense Novembrio. » 

Ainsi que les deux précédents ouvrages, celui-ci est 
divisé par cahiers de i o feuillets. 

Pendant que Sweinheim et Pannartz étaient occupés 
dans le monastère de Subiaco , où ils imprimaient mo- 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE II. 145 

destement un ouvrage par an, la typographie prenait 
des développements immenses , et s'installait dans toutes 
les viUes importantes de TEurope. Le tour de Rome ne 
pouvait pas tarder à venir. Il arriva bientôt en effet. Ulrie 
Han ou mieux Hahn , citoyen de Vienne en Autriche , 
mais natif d'Ingolstadt en Bavière , ainsi qu'il nous l'ap- 
prend lui-même dans ses souscriptions ^ vint s'établir à 
Rome en 1 467. Meerman^ pense que Hahn arriva dans 
cette ville peu après l'établissement de Sweinhein et Pan- 
nartz à Subîaco. Il cite à l'appui de son opinion la Chro- 
nique des papes, imprimée dans cette ville quelques an- 
nées ajnrès par Philippe de Lignamine, et qui mentionne, 
en effet, les trois Allemands : Sweinheim, Pannartz et 
Hahn, comme imprimant à Rome en i465. L'opinion 
de Lignamine, qui exerçait lui-même l'imprimerie dans 
cette ville dès l'année 1 470, est certainement d'un grand 
poids dans la question ; mais cependant elle ne peut la 
résoudre complètement, parce qu'elle présente quelque 
inexactitude. Voici ses propres paroles : « Gonradus Suuey- 
tt nem ac Arnoldus Panarcz , Udalricus Gallus parte ex 
«alia, Teuthones librarii insignes, Romam venientes, 
«primi imprimendorum librorum artem in Italiam in> 
u troduxere , trecentes cartas per diem imprimentes ^. )> 

^ Voyez particBlièrement le Misstde Romanam et les ïmùtaUs de 1^75, 
où on lit : « .. . per Udalricum GaHum , Alamanum , alias Han, ex Ingel*- 
« stat, civem Wiennensem. . . » 

* Ori^f. typogr, t. II, p. 2 52. 

^ Crojdca summorum pontificam , etc. in-foi. 127 (adann. ià65). 

II. 10 



IM DE L'ORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

Il semble résulter en effet des termes généraux dont se 
sert Lignamine qu*Ulric Hahn vint à Rome en 1 465; mais 
conome il installe également à Rome à la même époque 
Sweinheim et Pannartz , sans faire mention de Subiaoo , 
on voit qu'il ne peut être cru rigoureusement. La Sema 
Santander^ prétend que ces derniers vinrent à Rome 
avant Hahn ; mais le fait est peu probable , car, à moins 
d'admettre que la Cité de Dieu ait été imprimée dans 
cette ville, on a la preuve qu'ils étaient encore à Su- 
biaco le \% juin 1/167, date que porte la souscription 
du livre. Or dès la fin de cette année nous voyons un 
livre imprimé à Rome par Ulric Hahn, les Méditations 
du cardinal de Tor^uemada (Turrecremata). Â la vérité, on 
a également un livre de Sweinhekn et Pannartz daté de 
Rome en 1467, avec des caractères nouveaux; mais on 
comprend que ces artistes, déjà expérimentés et pour- 
vus de tous les instruments nécessaires, ont pu réaliser 
leur impression beaucoup plus tôt qu'Ulric Hahn, qui 
avait à s'organiser. Le nouveau caractère des imprimeurs 
de Subiaco me semble même plaider en faveur de Hahn. 
En effet, on peut conclure de l'existence de ce nouveau 
caractère , que Sweinheim et Pannartz , en abandonnant 
le monastère, furent obhgés de laisser aux moines les 
caractères qui avaient été gravés à leurs dépens, et qui 
ne reparurent plus nulle part à partir de ce moment. 
De plus, le nouveau caractère de Sweinheim et Pan- 
nartz , quoique d une forme plus romaine que le précé- 

* Dict, bihl. t. I, p. 137. 



DEUXIEME PARTIE. -^CHAPITRE IL 147 

dent, offire des imperfections frappantes dans les pro- 
portions et dans latignement des lettres , ce qui semble 
prouver qu'il a été grave et frappé très-rapidement. H y 
a même des lettres d'une forme tout à fait disgracieuse « 
comme la curaf, par exemple; les capitales seules sont 
bien proportionnées : elles imitent parfaitement celles 
qu'on voit sur les inscriptions anciennes. 

Suivant moi, l'abandon du monastère de Subiaco par 
Sweinheim et Pannartz ne peut s'expliquer que par l'ar- 
rivée de Hahn à Rome. Ils avaient, dans ce cas, deux 
moti& pour quitter cette maison : i"* la crainte de se voir 
éclipser par leur compatriote placé sur un théâtre beau- 
coup plus célèbre ; 2^ le mécontentement qu'ils devaient 
éprouver en apprenant que le cardinal de Torquemada , 
administrateur du monastère , s'était adressé à un autre 
artiste pour faire imprimer ses Méditations. 

Au reste, la question de savoir quel est le premier 
imprimeur qui se soit établi à Rome est de peu d'impor- 
tance. Sweinheim et Pannartz auront toujours l'honneur 
d'avoir été les premiers imprimeiu's d'Italie, et la proxi- 
mité où ils étaient de Rome les autorise à se dire les 
véritables importateurs de l'art dans cette ville, quoique 
leurs premiers livres n'en soient pas datés. 

Quoi qu'il en soit , nous avons vu que Sweinheim et 
Pannartz étaient déjà à Rome en novembre 1^67. Es y 
imprimèrent, cette année même, les Epitres de Gicéron 
avec leur nouveau caractère , dont la force est un peu 
moindre que celui de Subiaco, car il n'a que quatorze 



10. 



148 DE L ORIGINE DE LIMPRIMËRIË. 

points et demi environ; mais dont les formes jsont, 
comme je l'ai dit, beaucoup plus romaines. Le nouveau 
livre ) intitulé M. TuUii Ciceronis Epistolaram ad fami- 
Uares Ubri xvi, forme un volume in-quarto de 3 1 lignes 
à la page. On lit à la fin cette souscription : 

Hoc Gonradus opus Suueynheym ordine miro 
Amoldusque simul Pannarts una sde colendi 
Gente theotonica Romœ expédiera sodales. 
In domo Pétri de Maximo m. gggg. lxvii. 

On voit ici pour la première fois le nom de Swein- 
heim et Pannartz paraître sur un des livres imprimés par 
eux. En face de la concurrence, ils avaient pensé sans 
doute devoir se faire connaître particulièrement, d'au- 
tant plus qu'ils imprimaient maintenant à leur compte , 
et non plus, comme auparavant, au compte d'autrui; 
cependant, ils avaient encore trouvé des patrons géné- 
reux qui leur avaient offert un gîte , mais sans condition 
cette fois. Pierre et François, de l'illustre maison de 
Maximis, leur cédèrent libéralement l'hôtel de ce nom, 
et c'est là que Sweinheim et Pannartz continuèrent à 
exercer leur art pendant plusieurs années. Outre ce se- 
cours matériel , ils en reçurent un intellectuel plus utile 
encore, le célèbre évêque d'Âléria, Jean André, mit sa 
plume à leur disposition , et devint tout à la fois leur 
éditeur et leur correcteur. 

La première année de leur arrivée à Rome ne fut pas 
très-productive pour l'imprimerie ; car ils ne donnèrent 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE II. 149 

que le livre que nous venons de décrire. Cela s*explique 
par le peu de temps qu'ils y eurent et par les nécessités 
dune installation nouvelle. Il leur fallut, sans doute, 
faire fabriquer des presses et des casses, graver et fondre 
des caractères tant grecs que romains , tous deux diffé- 
rents de ceux qu'ils avaient à Subiaco. Mais, une fois pour- 
vus, ils donnèrent une grande activité à leurs travaux. 
Eux qui n avaient imprimé jusque-là quun volume par 
an en publièrent cinq en 1 468, onze en 1 469, onze en 
1 470 , dix en 1 iy 1 , quinze en 1 ^72. Et il ne sagit pas 
ici de pkuiiiettes sans importance : ce sont pour la plu- 
part des in-folio , et quelques-uns d une grosseur déme- 
surée. Quant au sujet, ce sont en majorité des classiques 
latins ou grecs; mais ces derniers traduits en latin: 
Cicéron , Aulu-Gelle , César, Suétone , Ovide , Tite-Live , 
Justin, Térence, Pline, Platon, etc. et au travers de 
tout cela : Lactance, saint Augustin, saint Jérôme, saint 
Thomas d'Aquin, etc. 

Mais cette activité ne pouvait durer longtemps ; elle 
s*amortit un peu en 1^73, année où ils ne produisirent 
que sept volumes, et s'arrêta presque tout à fait en 1 47 A. 
L'un des deux associés, S^einheim, renonça même alors 
à l'imprimerie , pour se consacrer entièrement à la gra- 
vure. Dès 1472, Sweinheim et Pannartz s'étaient vus 
réduits à implorer l'assistance du pape pour subvenir à 
leurs nécessités , le goût du public ne pouvant suffire à 
cette fabrication immense. En effet, nos deux artistes 
avaient déjà publié, au commencement de 1/172, près 



150 D£ LORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

de douze mille volumes , tant in-folio qu'in-quarto , et ils 
n étaient pas les seuls imprimeurs de Rome; depuis Tai^ 
rivée d*Ulric Hahn, que nous avons vu établi en 1467, 
il en était venu plusieurs autres. On comptait déjà, en 
1/172, cinq ou six imprimeries dans la seule ville de 
Rome , sans parler de celles qui s étaient fondées dans 
toutes les principales villes de TEurope , et particulière- 
ment à Venise , qui avait à la même époque plus de dix 
imprimeries. Evidemment, quelque rapides qu'aient été 
les progrès de la consommation des livres dès le début 
de Timprimerie , ils ne pouvaient devancer la rapidité de 
cette production. D'ailleurs ces livres coûtaient encore 
fort cher relativement aux nôtres , et tout le monde n'é- 
tait pas savant ! Il n'y a donc rien d'extraordinaire à ce 
que les premiers imprimeurs de Rome aient éprouvé 
quelque difficulté à écouler promptement leurs produits 
en ï A72 , d'autant plus qu'ils ne paraissent pas avoir eu 
le génie mercantile, et que tout devait se consommer 
sur place, Rome n'étant pas une ville de commerce. Ce 
n'est pas ainsi qu'agissaient les imprimeurs de Mayence, 
de Strasbourg, d'Augsbourg, etc. Au lieu de demander 
des secours , ils s'ingéniaient à trouver sans cesse de nou- 
veaux débouchés à leur marchandise , qui , du reste , était 
J'un débit plus facile, s'àdressant à un public moins 
choisi. Ils avaient des facteurs dans toutes les villes im- 
portantes, et faisaient distribuer, comme nous avons vu, 
des prospectas qui ne le cédaient pas aux réclames en usage 
aujourd'hui dans le commerce. 



f 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE IL 151 

Nom transcrivons ici, en raccompagnant de notes, 
la curieuse lettre adressée au pape, le 20 mars 1/172, 
par révêque d'Alëria , au nom de Sweinheim et Pannartz , 
pour lui demander assistance. On y verra le nombre 
des éditions et des exemplaires publiés à cette époque 
par nos deux artistes. Cette lettre , qui est imprimée sur 
un feuillet in-folio , se trouve jointe habituellement au 
quatrième volume de la Glose de Nicolas de Lyra sur la 
Bible. 

Communis ac trita olim inter gentiles opinio fiiit, pater bea- 
tissime Xyste IIII, pontifex maxime, cetera diis, deos ipsos, duo- 
dedm etiam illos principes, selectos et magnos appellatos, uni 
necessitati continuo paruisse : eam enim inter numina omnia abs- 
que provocations imperiosum exercuisse magistratum. Id ne inter 
christianos quoque vere dici censeatur, tua potissimum sapientia 
clementiaque occurri potest , et ut digneris misericorditer occur- 
rere, servuli tue sanctitatis Conradus Suueynhem et Amoldus 
Pannartzs, impressores nostri, ac utiUssime hujus fictorie artis 
primiin Italia opifices, maximi in urbe operarii, ante sanctissimos 
pedes tuos terram vestigiis tuis impressam deoscxdantes, implo- 
rant. Nanque ego ipse, creatura tua, ceteras epistolas proprio, banc 
iliorum nomine et decessoris antea et postmodum tno numini 
divîno inscripsi. Vox quidem impressorum sub tanto jam cartha- 
rum fasce laborantium , et, nisi tua liberalitas opituletnr, deficîen- 
tium, ista est, pater beatissime : Nos de Germaniis primi tanti 
commodi artem in Romanam curiam tuam multo sudore et im- 
pensa, decessoris tui tempestate, deveximus. Nos opifices librarios 
ceteros, ut idem auderent, exemplo nostro incitavimus. Nos reK- 
quis propter impensarum magnitudinem a tanto negotio, vel om- 
nino, vel maxima ex parte, quasi in salebra herentibus, recentîore 
animo viribusque geminatis, cum summa difficultate restitimus. 



152 D£ LORIGINË DE L'IMPRIMERIE. 

Jam tandem defecti nervis et sanguine, divinam opem tuam im- 
ploramus. Indicem si peiiegeris impressorum a nobis operum, 
miraberis , tante majestatis et apostolici culminis pater, vel carthas 
huic librorum copie potuisse vel linamenta sufficere. Et ut per- 
legere valeas usque adeo curis pontificalibus districtus , nihil aliud 
hec ad te epistola continebit. Nam , auditis nominibus tantorunr au- 
torum duntaxat, facere non poteris, si bene tuam pietatem novi- 
mus , quin statim nobis subvenias ; nec ulla rerum qUaliumcunque 
occupatione difficultateve valebis deterreri. Impressi sunt nostro 
studio , pater beatissime , libri qui in subjectis suo ordine tibi re- 
censebuntur : 

Donatî pro puerulis \ ut inde principium dicendi su- 
mamus , unde imprimendi initium sumpsimus'. Nu- 
méro'' îoo 

Lactantii Firmiani Institutionum contra gentiles, et 

reliquorum ejus auctoris opusculorum , volumina . . 8a 5 * 

* Il ne reste plus rien, dit-on, de ce livre (voyez toutefois ce quen 
a rapporté Dibdin, BihUogr. Decam, I, 353, note), ce qui s'explique faci- 
lement :les 3oo exemplaires de cet opuscule étant destinés aux jeunes 
écoliers [pro puemUs) ne durent pas en effet se conserver longtemps entre 
leurs mains. 

^ C'était l'usage des imprimeurs de commencer leurs travaux par une 
édition du Donat, comme mise en train de leurs instruments. La grande 
consommation qu'on faisait de ce livre assurait le placement de toute édi- 
tion , quelque informe qu'elle fût. 

-^ Pour économiser l'espace et rendre le calcul plus facile,, nous don- 
nons ici en chiffres arabes seulement les nombres, qui sont d'abord en 
toutes lettres, puis en chiffres romains, dans Toriginal. 

^ Sweinheim et Pannartz ne tiraient communément que 276 exem- 
plaires de leurs livres, le nombre de 826 inscrit ici comprend trois édi- 
tions in-folio du même ouvrage : 275 pour l'édition de i465 faite à Subia- 
co; 2 75 pour celle de 1 468 ; et 276 pour celle de 1 470 : ces deux dernières 
faites à Rome; total, 82 5. 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE II. 153 

Epistolanim familiarium Gceronis volumina 55o ^ 

Epistolarum Giceronis ad Atticum volumina. .;.... 376 * 

Speculi humane vite volumina 3oo '^ 

Divi Augustini De civitate Dei volumina 8a 5 * 

Divi Hieronymi Epistolarum et libeQorum volumina . 1 100 ^ 
M. Tul. Giceronis De oratore cum ceteris volumina. . 55o ^ 
M. Tul. Giceronis operum omnium in philosophia vo- 
lumina 55o ^ 

L. Apuleii Platonici cum Alcinoo volumina a 75 * 

A. Gelii Noctium Atticarum volumina 276 ' 

G. Gesaris Gommentariorum Gallici et civilium bel- 

lorum volumina 276 ^'^ 

' Ces 55o exemplaires comprennent deux éditions du même livre, à 
375 chacune : la première de 1467, in-d**; la deuxième de 1469, in-folio : 
toutes deux de Rome. 

' Édition de 1470, in-folio; le titre exact est : Epistolœ ad M. Brutam, 
ad Q.fratrem, ad Octavium et ad Atticum, etc. 

' Édition de 1 468. 

* Ce chiffire comprend trois éditions de 376 chacune : 1467, i468, 
1470. La première est sans nom de lieu, mais a été imprimée à Subiaco; 
les deux autres sont datées de Rome. 

' Ce chiffre comprend deux éditions en deux volumes chacune, l'une 
de i468 et Tautre de 1470, soit quatre volumes à 376. Les deux édi^ 
tions ont été imprimées à Rome. 

^ Ce chiffre comprend deux éditions in-folio : Tune sans date et sans, 
nom de lieu, mais imprimée à Subiaco vers i466, Tautre datée de Rome 
et de 1469. 

^ Ce chiffre comprend deux éditions, Tune imprimée en 1469, in-4°, 
avec ce titre : De officiis ad M. JUium Ubri III: paradoxa ad M. Brutum, etc. 
et Tautre en 1471, in-folio. Opéra philosophica, etc. : toutes deux dç 
Rome. 

^ Impression de 1469. 

' Idem. 

•^ Idem, 



154 DE L'ORIGINE DE LIMPRIMERIE. 

Defensionis divi Platonis yolumina 3oo ' 

P. Vîrgilii Maronis operum omnium yolumina 55o * 

T. Livii Patavini cum epitomate omnium decadum 

yolumina 276 * 

Strabonis geograpfai yolumina 275 ^ 

M. Annei Lucani yolumina 276 ^ 

C. Plynii Veronensis De naturali historia yolumina. . 3oo * 
C. Suetonii Tranquilli De duodecim Cesaribus yolu- 
mina 276 ' 

Diyi Leonis pape sermonum yolumina 276 * 

M. Fabii Quintîliani Institutionum oratoriarum yolu- 
mina. 376 * 

Continui , id est Cathene auree Divi Thome Aquinatis 

yolumina 55o " 

Divi Cypriani epistolarum yolumina 2'jb " 

BiUie cum opusculo Aristee yolumina 55o ** 

Silii Italici cum C. Calphumio et Hesiodo volumina. 276 *' 

^ Impression sans date, mais de 1469. (Voir Brunet, Manuel, &* ëdit. 
1. 1, p. 307.) 

* Ce chifire comprend deux éditions : toutes deux sans date, mais im- 
primées en 1469 et 1471. 

"^ Impression sans date (1469). 

* Idem, 

^ Impression de 1469. 

^ Impression de 1470. j 

^ Idêtti, 

' Idem. 

^ Idem. 

** Ce chiffre comprend les deux volumes in-foiio de cette édition , im- 
primée en 1471. 

II Impression de 1471. 

'^ Ce chi£Bre comprend les deux volumes de cette édition, imprimée 
en i47i> 

^' Impression de 1471. 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE II. 155 

Orationum M. Tul. Cioeronis cum invectivii omnibus 
in AnUmium, Veirem, Gatilinam et ceteros, volu- 
mina ayS ^ 

P. Ovidii Nasonis Metamorphoseos et Elegianun om- 
nium voiumina 55o * 

Nicolai de Lyra voiumina i loo ' 

^ Impression de 1471. Un exemplaire de ce livre fut payé a ducats 
d*or, le 20 janvier i473 (Van Praet, Catal. in-foi. p. 272). 

' Ce chiffre de 55o comprend les deux volumes d'une édition dont le 
premier volume est daté du i5 des kalendes d*août (18 juillet) 1471* Le 
second volume est sans date , mais il est probablement de la même année. 

' Ce chiffre de 1,100 comprend quatre volumes sur cinq dont se com- 
pose le livre entier; le titre est : Glossa in universa BihUa, ex recognitione 
Johan. AndreaB : 

V volume imprimé en 1471 (18 novembre) 276 

III* volume imprimé en 147 1 ( i4 janvier) 27$ 

IV* volume (point de date, mais de 1472) 276 

V* volume imprimé en 1472 ( i3 mars) 276 

Quant au tome II, il ne figure pas ici, parce qu*il ne fut fini que le 
26 mai 1472, c*e8t4-dire après Tenvoi de cette requête, datée du 20 mars 
1A72, et qui se trouve jointe tantôt au troisième volume, tantôt au qua- 
trième, voire même quelquefois au cinquième. 

Nous donnona ici , pour compléter cette liste , la nomenclature des 
autres ouvrages publiés par Sweinheim et Pannartz. 

1472. 
T. Livii Patavini Hisloriaram Romanarwn décades très. In-folio , terminé 
le 16 juillet 1472. 

A. Gellii Noçtes Atticœ. In-fol. 6 août. 

C. JuUi Cœsaris Commentaria. In-fol. 26 août 

M. TttUii Ciceronis Epistolœ adfamUiarts. In-fol. 5 septembre. 

Justini Historiaram ex Trogo Pompâo UhriXLIX. In-fol. 26 septembre. 

C. Suetonius TranquiUaSj De XII Cmsarihus, In-fol. 27 septembre. 

Fïori Epitame, In-fol. sans date , parfois joint à Touvrage précédent. 

P. Terencii Afri Comœdiœ, etc. In-fol. 6 octobre. 



■• - ' 



156 DE LORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

Honim omnium vohimînnm smmna, ut tua pietas perspicit, 
pater beatûsime , nisi fdlimur, effidt codices duodecies mille qua- 

Roberti de Liùo, ord. Min. Quadragesimaîe , etc. In-fol. 17 novembre. 
JEUi Donaù Commentarii in V Termûi comœdias, In-fol. 10 décembre. 
M, TttUii Ciceronis PhiUppicw. In-fol. ( idya.) 
L, ÀpuleU Medanrensis Opéra, in-fol. 1473. 

1473. 
ÀrisîoteUs Ethicoram Uhri X, latine, In-fol. 1 1 janvier. 
Strahonis Geographim Uhri XVII, latine. In-fol. 1 3 février. 
Nicolai Perotti Pont, Sipondni ad Pyrrkam Perottam nepotem ex fratre 
sua»issimam Rudimenta Grananatices. In-fol. 1 9 mars. 
Valerii MartiaUs Epigrananata. In-fol. 3o avril. 
Plinii Secnndi Nataralis historiœ Uhri XXXVII. In-fol. 7 mai. 
Plutarchas, latine. In-fol. i473. 
Polyhii Historiaram Uhri V priores, latine. In-fol. 3i décembre. 

1474. (Pannartz seul.) 
Nicolai Perotti Rudimenta Grammatices. In-Zi**, 2 décembre. 

1475. 

X. Annœi Senecœ Epistolarum adLuciUum Uhri XXV.Peût in-fol. 1*' févr. 

Herodoti HaUcamassei Historiaram Uhri XI, laudne. In-fol. ao avril. 

LaXLrentii VaXiœ De Elegantia Unguœ latinm Uhri VI. In-fol. a juillet. 

Statii Papinii Syharum Uhri V, ex emendatione et cum commentariis Do- 
mitii CaJderini. In-fol. i*' août. 

S. Thoma Aquinatis De Veritate caAoUcœfidei, etc. In-fol. ao septembre. 

HierocUs philosophi Stoici in aareos versus Piihagorœ opuscnban, latine, 
ex versione Jo. Aarispw. Petit in-4^ 2 1 septembre. 

Ex lihris historiaram C. Crispi SaUastii Orationes et epistolœ, etc. Petit 
in-&*, 2 5 septembre. 

Flavii Josephi Historiaram de BeUo Judaico Uhri VIL In-fol. 25 novembre. 

1476. 

S. Thoma Aquinatis Quœstiones disputatœ de veritate, ex recensione Jo. 
Francisci Veneti, etc. In-fol. 20 janvier. 

Nicolai Perotti Rudimenta grammatices. In-fol. 2 5 février. 

S. Hieronymi Tractatuum et Epistolarum. In-fol. t. I, 28 mars. (Le t. Il 
fut imprimé en 1479, par Georges Laver.) 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE II. 1S7 

dringentos septuaginta quinque\ acervum quidem ingentem et 
nobis impressoribus tuis ad ferendam, qua parte restât, intolerar 
bilem, propter eam, quam in inîtio epistole posueramus, necessi- 
tatem. Nam ingens sumptus ad victum necessarius, cessantibus 
emptoribus, ferri amplius a nobis nequit. Et ementes non esse 
nullum est gravius testûnonium, quam quod domus nostra satis 
magna plena est quintemionum*, inanis rerum necessariarum. 
In te igitur, dementissîme pater, qui es sapientissiznus doctissi- 
musqué, spes nostra sita est, in te subveniendi nostre necessitati 
est copiarum, ne pereamus. Da nobis subsidium de excelso throno 
majestatis tue. Parati sumus pro démentie tue arbitrio de nos- 
tra merce, id est de impressis quîntemionibus nostris, tibi tôt 
tradere quot volueris et quibus voluerîs. Tua incredibilis man- 
suetudo subveniat nobis de aliquo offido, unde possimus nos et 
nostros alere. Impensa est facta in solius Nicolai de Lyra a nobis 
voiuminibus tanta, ut amplius nihil nobis supersit ad vivendum. 
Si venderemus opéra nostra, non solum a tua pietate nihil pete- 
remus, sed ultro in presentium temporum articulo, in quo te 
plurium egere non nescimus, ipsi nostra offerremus; fademus- 
que quotiens tuo adjumento fortuna nobiscum usa esse videbitur 
fironte sereniore. Interea, pater sancte, adjuvent nos miserationes 
tue, quia pauperes facti sumus nimis. Sis perpetuo sospes et felix, 
pater beatissime. 

Rome, XX. marcii m. gggg. lxxii. pontificatus tui dementissimi 
anno primo. 

On ne sait pas si le pape répondit favorablement à 

^ La restriction msifoUimur était bien placée, car nous ne trouvons 
que 1 1,475 volumes. L'auteur se trompe de 1,000 dans son addition. 

' Ce mot, appliqué aux livres des premiers imprimeurs de Tltaiie, di- 
visés par cahiers de cinq feuilles ou vingt pages , était certainement plus 
exact que celui de qaatemions, généralement employé ailleurs. (Voy. 1. 1, 
p. 5o3 et suiv. et t. II, p. 34.] 



158 DE L'ORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

cette éj^tre, dans laquelle il y a beaucoup dexagëra-^ 
tion sans doute*. Meerman* pense que Sweinheim et 
Pannartz ne reçurent que peu ou point de secours, et 
il attribue à la pénurie Timperfection de leurs impres- 
sions de cette époque. Il cite à lappui de son opinion 
le volume de Nie. Perotus, Ra^Umenta grummatices, in- 
folio, imprimé le 19 mars i&yS, et qui est exécuté 
avec des caractères tout à fait usés. Ce qu'il y a de cer- 
tain, cest que fim des deux associés, Conrad Swein- 
heim , crut devoir abandonner Timprimerie pour se livrer 
exclusivement à la gravure en taille-douce , qui était alors 
un art nouveau. C'est en liyS qu'il prit cette détermi- 
nation; car, à partir de 1 Ayd , le nom de Pannartz parut 
seul dans les souscriptions du petit nombre de livres im- 
primés dans la maison des Maximis. Le seul ouvrage que 
ce dernier publia en 1^74 fut ime nouvelle édition du 
livre de Nicolas Perotus, grand in-quarto, achevée le â dé- 
cembre , avec de nouveaux caractères un peu plus petits 
que ceux de l'édition précédente , car ils n'ont que treize 
points et demi. On voit bien que Sweinheim n'était plus 
là : ce caractère, tout romain qu'il est, a une forme trop 

' On a de no» jours tiré de» couclusions eiagérées de cette requête , en 
prétendant que les livres avaient alors fort peu de débit, et que les impri- 
meurs de Rome avaient encore en magasin tous leurs ouvrages : c*est 
une grave erreur. Il est possible que la vente n*ait pas été aussi rapide 
que Teussent désiré nos deux artistes; mais à qui fera>t-on croire qu'ils 
auraient imprimé (et cela est fréquent) jusqu'à trois éditions d*un livre, 
s'ils n'avaient pas vendu les deux premières? 

* Orig. tjrpogr. t. II, p. 2 55. 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE II. IW 

disgracieuse pour qu^on puisse Tattribuer à f fllustre gra- 
veur des planches du Ptoiëmée de 1 478 , dont nous par- 
ierons bientôt. H est sans proportion , sans alignement et 
d'un œil beaucoup trop petit pour la force du ccrrps. 

Pannarta termina ses travaux typographiques en 1 476, 
par le premier volume d'une nouveUe édition des Épitres 
de saint Jérôme , qu'il ne put achever, car le second vo- 
lume de ce livre fut publié trois ans après seulement 
(en 1 479), par Georges Laver, avec le caractère employé 
dans le premier, c'est-à-dire celui du Cicéron de 1^67, 
caractère dont cet imprimeur parait avoir eu la pro- 
priété, soit par legs, soit par acquisition. 

Pannartz mourut dans cet intervalle de trois ans, et 
probablement peu après 1/176. 

Quant à Sweinheim , il moment vers la même époque 
et certainement avant 1/178, sans avoir pu terminer, en 
trois ans de labeur, le grand travail qu'il avait entrepris: 
les cartes destinées à une traduction latine fort ancienne 
de la géographie de Ptoléniée. C'est ce que l'éditeur 
de ce livre nous apprend dans la préface, où il nous fait 
connaître en outre le nom de l'artiste qui acheva le tra- 
vail : c'était un compatriote de Sweinheim appelé Arnold 
Buckinck. Voici, au reste, ce qu'on y lit à ce sujet : 

.... Magiâter vero Conradus Suueynheym , Germanus , a quo 
fonnandorum Rome librorum ars primum profecta est, occasione 
faine sumpta posteritati consulens animum primum ad banc doc- 
trinam capescendam applicuit. Subinde mathematicis adhibitb vins, 
quemadmodum tabulis eneis imprimerentur, edocuit : triennioque 



160 DE L^ORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

in hac cura consumpto diem obut. In cajus vigikrum laborum- 
que partem non inferiori ingenio ac studio Amoldus Bucldnck, 
e Germania, xir apprime emditus, ad imperfectum opus suoce- 
dens. . . ad unum perfedt 

A la fin de ce précieux ouvrage on lit la souscription 
suivante , en g;randes majuscules romaines : 

NVMEROS HATEIfATIGOS 

INEXPLIGABILE FERME TER 
RE ASTRORVMQVE OPTS 

r4LAVDII PTOLEMAEI ALEZAN 
DRINI PHILOSOPHI GEOGRAPB 
lAM ARNOLDVS BVGKINCK E 
GERMANIA ROME TABVLIS AE 
NEIS IN PIGTVRIS FOAMATAM 
IMPRESSIT. 

SEMPITERNO INGENU ARTIPI 
GIIQVE MONVMENTO. ANNO 
DOMINIGI NATALIS M. GGGG. 
LXXVIII. VI. IDYS OGTOBRIS. 
SEDENTE SIXTO IIII. PONT. 
MAX. ANNO EIYS VIII. 

Cette édition de Ptolémée, la première qui ait été en- 
richie de plandies en taille-douce ^ forme un volume in- 
folio à deux colonnes, orné de 27 cartes géographiques, 

' n en avait été publié déjà une édition sans planches en 147 5, à Vi- 
cence, par rimprimeur Levilapide, de Cologne, avec le secours intellec- 
tuel de Benoît Trivisano et Angelo.Michael. Quant à Tédition avec planches 
datée de Bologne, 1463 , elle est en réalité de 1482. 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE II. 161 

dont une mappemonde , i o cartes pour f Europe , k pour 
TAfrique et 1 2 pour TÂsie. 

Le caractère dont on s'est servi dans ce Ptoiëmëe est 
de la même force que celui que Sweinheim et Pannartz 
ont emplgy é , pour la première fois , dans le Cicëron de 
1 467 ; mais plus beau de forme, ce qui prouve que le 
livre n'a pas été imprimé dans latelier de ce dernier. 

Leâ planches qui accompagnent le volume sont dis* 
posées par cahiers de quatre feuilles, qui ont une grande 
analogie avec ceux du Spéculant humanœ salvationis quant 
à l'arrangement typographique. En effet, elles sont tirées 
en blanc et de façon à être vis-à-vis les unes des autres , 
comme cela était nécessaire, puisque chaque carte com- 
prend les deux pages à regard , urées siu* des feuilles dis- 
tinctes; mais ce travail est fait avec tant de soin et de pré- 
cision , qu'on s'aperçoit à peine de cette difficulté vaincue. 
Il n'y avait qu'une manière d'éviter cette difficulté , c'était 
de tirer chaque carte isolément sur une grande feuille, 
qu'on aurait cousue de même isolément dans le livre 
à l'aide d'un onglet. C'est ce qu'on ferait aujourd'hui; 
mais alors la chose était peut-être impossible. On n'avait 
sans doute pas encore trouvé le moyen d'imprimer d'aussi 
grandes planches en taille-douce. 

Quoi qu'il en soit, voici l'ordre de chaque cahier : 
1 " page , blanche ; 2' et 3', imprimées ; 4* et 5*, blanches ; 
6* et 7% imprimées; 8* et g', blanches; lo* et 1 1", im- 
primées; 1 2* et 1 3', blanches; 1 4* et 1 5*, imprimées; 1 6', 
blanche. 

II. 11 



162 DE L ORIGINE DE L*1MPR1MERIE. 

Pour mieux dire , voici l'ordre d'imposition des quatre 
formes du premier cahier : 

l"(i*' côté de la i"pl.) , tirée avec la 8* ( a* côté de la 4' pi. ) ; 
2* (a* côtédela i"pl.), tirée avec la 7* ( i* côté de la 4*pl.); 
3' ji" côté de la a* pi.), tirée avec la 6* (a* côté de la 3* pi.); 
k" (a* côté de la a* pi.) , tirée avec la 5* ( i" côté de la 3' pi. ). 

en est ainsi pour les autres cahiers. 

Les planches sont aussi remarquables par le travail ma- 
tériel que par le travail scientifique. Tous les mots sont 
écrits en majuscules romaines , frappées , dit-on , avec un 
poinçon unique pour chaque lettre , ce qui donne à lœuvre 
entière une régularité admirable. Pour la forme de ces 
poinçons , on a choisi les types de la plus belle époque 
épigraphique ; et il est bien regrettable qu'on n'ait pas 
employé ces poinçons h frapper des matrices pour fondre 
des caractères typographiques. Il n'y a que les capitales 
de Jenson qui puissent leur être comparées. Si c'est 
Sweinheim qui les a gravés, comme tout porte à le 
croire, il doit être mis pour cela seul au-dessus de notre 
célèbre compatriote. En somme , ces cartes sont un tra- 
vail exquis qu'on pourrait attribuer à Ptolémée lui-même, 
ou du moins à un Romain de son temps. 

Nous avons vu que le premier ouvrage daté d'Ulric 
Hahn était les Méditations du cardinal de Torquemada 
(Turrecremata). C'est un volume in-folio de 34 feuillets *, 
orné de trente-trois gravures en bois, assez grossières. Le 

^ Je ne sais pourquoi Mercier, p. 35 de son Supplément à V histoire de 
i'iniprimerie,<\ua\ilic ce livre de grand volume. Peut-être est-ce pour donner 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE II. 163 

• 

texte est en gros caractère godiique de fonne dlemande, 
que Hahn avait probablement apporté avec lui de son 
pays. Le livre se termine par la souscription suivante : 
« Finite sunt Contemplationes supradicte et continuate 
« Rome , per Ulricum Han , anno Domini millesimo qua^ 
<c dringentesjmo sexagesimo septimo, die ultima mensis 
« Decembris. » 

E«n datant son livre du dernier jour de Tannée, Ulric 
Hahn semble avoir voulu constater l'existence de son éta- 
Uissement dès 1Â67. Pour donner une forme moins 
barbare à son nom, il en avait déjà retranché une h. 
Bientôt il le roïnanisa complètement, en le traduisant 
en latin par le mot gaUus (coq), ce qui la fait prendre 
quelquefois pour un Français. 

L'année suivante Ulric Habn donna deux éditions 
imprimées avec un nouveau caractère, de douze points 
environ , de forme romaine, mais encore un peu gothique. 
La première est un opuscule sans date de jour, intitulé 
Rolandi CapuUéti ChrysopoUtani philùsophi Parmensis, etc. 
Tractatas de cwratione pestiferoram aposthematam , in-quarto 
de 6 feuillets jie Sa lignes à la page. La seconde est un . 
Cicéron (De oratore Ubri très), terminé le 1 5 décembre. 
La première ligne et la souscription de ce livre sont im- 
primées avec la grosse gothique des Méditations ^ qui a 
environ vingt points. 

En 1469, le 1*' avril, Ulric donna une autre édition 

plus de poids à son hypothèse de la venue de Hahn à Rome avant ses 
compétiteurs Sweinheim et Pannartz. Ce volume n*est ni grand ni gros. 

1 1 . 



làk DE L'ORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

de Gicëron {Tuscahmœ ifuestiones) , gcsoïd in-quarto de 69 
feuillets, ayant 35 lignes à la page^. 

Jusqu'ici Ulric Hahn avait marché très -lentement; 
mais dès 1 &70 son atelier prit une activité considérable, 
grâce à la collaboration intellectuelle de Jean-Antoine 
Gampanus> qui se fit son éditeur, comme Tévêque d*Â- 
léria était celui de Sweinheim et Pannartz. Il exista alors 
entre les deux ateliers et les deux éditeurs une rivalité 
pleine de profit pour le public. Ulric Hahn, ou Han, ou 
Gallus , publia cette année même une dizaine d'éditions 
avec ou sans date , formant douze volumes in-folio. Il est 
inutile d en donner ici la nomenclature^. La plupart sont 
souscrits de ces vers de Gampanus, qui renferment un 
jeu de mots sur la traduction latine du nom de Timpri- 
meur et les oies dont les cris empêchèrent jadis les Gau- 
lois de s emparer du capitole : 

Ânser Tarpeii custos Jovis, unde, quod aiis 
Constreperes , Gallus decidit. Ultor adesl : 

Udalricus Gallus , ne quem poscantur in usum , 
Edocuit pennis nil opus esse tuis. 

^ Les bibliographes joignent ordinairement à ce volume des Tusca- 
loues un volume renfermant les Offices, etc. ; mais ce dernier est sans date 
et d*une autre justification (32 lignes). (Voyez Brunet , Manuel, 4* édition, 
1. 1, p. 679.) 

' Voyez Panzer, Annales typogr, t. II, p. 4 lÀ et suiv. p. 621 et suiv. 
et t. IV, p. 4 1 5. Dans ce nombre figure, comme cela devait être, la Cofvi- 
pendiosa historia Hispanica, de Rodéric Sancius, que plusieurs biblio- 
graphes espagnols ont eu la singulière idée d'attribuer à une ville d'Es- 
pagne. (Voyez Antonio, BihUoiheca Hi^ana vetas, et Caballero, Déprima 
typographiœ Hispanicm œtate. ) 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE IL 165 

Impiimit iUe die quantum non scribitur aimo. 
Ingenio , haud nooeas , omnia vincit homo. 

Ulric Hahn faisait un jeu de mots semblable, mais 
moins poétique et moins savant, lorsqu'il mettait à la fin 
de ses éditions, conune dans l'Histoire d'Espagne de Ro> 
deric Sancius : « Ego Uddricus Gallus sine calamo aut 
« pennis eundem librum impressi. » Ce qui revient à ceci : 
u Moi, coq, sans plume j'ai écrit ce livre. » 

L'année i Ay i ne se présentait pas sous des auspices 
moins favorables, car elle avait déjà produit trois vo> 
lûmes in-folio; mais l'activité de Hahn fut arrêtée pres- 
que subitement par une circonstance indépendante de 
sa volonté. Le célèbre évêque Gampanus, qui, par son 
savoir, mérita d'être appelé le nouveau Cicérone partit 
pour la diète de Ratisbonne dans cette même année, et 
Hahn, livré à ses seules ressources, fîit forcé de s'assor 
cier une autre personne, non pas au même titre, mais 
au moins comme éditeur. Cet associé fut Simon Nicolaï 
de Ghardelle , autrement dit de Luc^ues , du lieu de sa 
naissance. Ils imprimèrent ensemble, le 1 3 octobre 1^72, 
une édition du livre des Décrétâtes. Mais cette associa- 
tion ne dura pas longtemps; car ils se séparèrent vers la 
fin de 1474. Un des livres publiés par eux porte la cu- 
rieuse souscription que voici : 

Finis est hujus secundi libri exin^ii ac celeberrimi utriusque 
juris doctoris domini Anthonii de Butrio super primo Décréta- 
lium in duobus voiuminibus. Quem quidam et nonnullos diver- 
sorum electorumque librorum a domino Udalrico Gallo Almano 



166 DE L ORIGINE DE ^IMPRIMERIE. 

féliciter impressos, a prudenti equidem viro Simone Nicholaî 
Chardella^ de Lucha, merchatore fide dignissimo, sua £sicultate , 
cura, diligentia, amplexos, qui pauperum census divitumque 
avaritiam miseratus , ab egregiis vero viris emendatos , in lueem 
reddidit, anno salutis m. gggg. lxjliii, die xviii Novembr. etc. 

NYGODElil VERSUS AD PATRUELIS LAODEM. 

Aspice quam , lector, genium sublime Simonis 

Antiquis prestet, quod facit arte nova. 
Imprimit bic Rome centum sex quinque per annum : 

Aetas tôt libros non dédit ante tibi. 
Hos eme : vénales ubi sint si quaeris in urbe P 

Post castrum Florae quaque petendus ager, 
Aurea que scripsit, ubi nunc sedet ille magister, 

Dans bodie parvo : si sapis , adpropera. 

On voit ici que Nicolaï Ghardelle n était à proprement 
parler que libraire éditeur, et non pas imprimeur ; que 
le livre a été imprimé par Ulric, aux frais et par les soins 
de Nicolaï, qui, u ayant compassion du peu de ressources 
des gens pauvres , et considérant le peu de largesse des 
gens riches, s est déterminé à en faire faire une édition, 
après révision soigneuse du texte par des savants. » Quant 
aux vers qui suivent, adressés par Nicodème de Ghar- 
delle à Simon Nicolaï, son cousin germain paternel, ils 
renferment un appel aux acheteurs, et lem* signalent la 
boutique où se vendait à bas prix le livre , les engageant 
à se hâter, s ils veulent être sûrs d*en avoir un exemplaire. 
Lauteur ajoute que fimprimeur de ce livre imprimait 
trois mille volumes par an , c'est-à-dire plus qu on n en 



DEUXIÈME P.ARTIE. — CHAPITRE IL 167 

aurait pu faire en un siècle auparavant, tant le nouvel 
art remportait sur les procédés anciens. 

Avant de se séparer, les deux associés imprimèrent 
encore, en lAyA, avec un gros caractère romain, un 
saint Augustin {De civitate Dei), en un gros volume in- 
folio. La souscription de ce livre, imitée de celle du Ca- 
ihoUcon de 1 46o, mérite d être rapportée. Elle est conçue 

en ces termes ru Aima in urbe Roma, totius mundi 

<( regina et dignissima impératrice , que sicut ceteris ur- 
4<bibus dignitate preest, ita ingeniosis viris est referta, 
<( non atti*amento , plumali calamo neque stilo ereo , sed 
a artificiosa quadam adinventione. . . sic effîgiatum , ad Dei 
«laudem industrieque est consumatum per Udalricum 
« Gallum , Âlmanum , et Symonem Nicolai de Luca, anno 
« Domini m. cccc. lxxiiii, die vero iiii mensis Februarii. . . » 

Les deux associés se séparèrent à la fin de 1 67 4. Ulric 
Hahn continua à imprimer seul jusquen 1478. Il ter- 
mina sa carrière typographique comme il lavait commen- 
cée, par une édition des Méditations du cardinal de Tor- 
quemada. Cette dernière est datée du 3 1 décembre 1/178. 
n avait achevé quelques jours avant une édition du Dé- 
cret de Gratien, où il se donne le surnom de Barbu. 
u Impressus. • . per. . . Udalricmn Gallum, alias Barbatum. » 

De son côté, Simon Nicolaï monta une imprimerie 
à son propre compte, et en confia la direction à son 
cousin germain Nicodème de Chardelle, comme nous 
rapprenons de la souscription d*un livre imprimé par lui 
en i477» ^^ Guidonis de Baysio Rosariam. On lit à la fin 



168 DE L ORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

du livre : « Hoc Rosarium impressum per yenerabiiem 
(( virum dominum Simonem Nicoiai de Luca, cujus nO- 
« mine et auctoritate dominus Nicodemus de Gardeiio , 
« Lucensis , presens opus rexit et gubernavit. » Dans la 
souscription d'un autre livre, Simon nous apprend qu*il 
était le maître de Tatelier : « Hoc presens Âlberti magni 
« de Rerum proprietatibusopus impressum per egregium 
(( virum dominum Simonem Nicoiai de Luca, hujus la- 
« boratii dominum. » On croit que cette imprimerie est 
celle qui fonctionnait au palais de Saint-Marc, et dont 
on possède plusieurs éditions avec cette seule indication : 
« Apud Sanctum Marcum. » Cette opinion est fondée en. 
grande partie sur la souscription manuscrite suivante, 
qu*on trouve dans quelques exemplaires du Repertorivan 
juris de Pierre de Monte, imprimé à Rome, en 1476, 
en deux volumes in-folio : « Per honorabilem virum do- 
uminum Simonem Nicoiai de Luca, mercatorem, cu- 
«riam romanam sequentem. » L'imprimerie de Saint- 
Marc changea de propriétaire en 1Â79, sans doute par 
la mort de Nicolaï de Ghardelle. 

A cette époque, Rome avait un nombre considérable 
d'imprimeries, dont plusieurs dataient déjà de liyo. 
Parmi ces dernières, je citerai celle de Georges Laver, 
de Wurtzbourg, établie dans le monastère de Saint-Eu- 
sèbe, sous le patronage du cardinal de Garaffa, et d'où 
sortit, cette année même (le 29 octobre), une édition 
des Homélies de saint Ghrysostome, en latin. Je citerai 
encore celle de Jean-Philippe de Lignamine, niédecin, 



DEUXIEME PARTIE. —CHAPITRE IL 169 

natif de la viile de Messine. Ce savant quitta la Sidle 
et se rendit à Rome sous le pontificat de Paul II, qui 
l'aida beaucoup. Il établit dans sa maison, vers i^yô, 
une imprimerie d'où sont sorties plusieurs éditions esti- 
mées, n a publié, entre autres ouvrages, une édition de 
la Chronique des êoaverains pontifes^ etc. qui renferme 
des renseignements très -curieux sur les premiers im- 
primeurs de Mayence, de Strasbourg et de Rome. On 
croit qu'il fut le continuateur de Ricobalde de Ferrare, 
à qui l'on attribue ce livre; mais il ne réclame nulle part 
cet honneur. Lignamine a imprimé jusqu'en 1/181. Son 
établissement était situé «in pinea regione, via Pape, 
« prope Sanctum Marcum , » comme le prouvent les sous> 
criptions du Quintilien et du Suétone de l&70^ qu'on 
a longtemps attribués à d'auùres imprimeurs, mais quilui 
appartiennent réellement, ainsi qu'on peut le voir dans 
ime lettre qu'il écrivit, en 1 4 7 s , à l'abbé de Sainte-IHacide 
pour lui demander des secours, à l'exemple de celle que 
Sweinheim et Pannartz avaient adressée au pape. Voici 
le passage essentiel de cette lettre, que Lignamine a im- 
primée en tête du Pongie Ungua de Dominique Gaval- 
cha, in-folio, 1672 : 

Igitur jam secundus annus, révérende pater, quo me Roma, ut 
jussit fortuna vel ut magis divina voluit Providentia , et habet et 
possidet. Ubi , pro mea et veteri et honesta consuetudine , dum 
ociosus, ut scis, esse nullo modo possum, libronim varia volu- 
mîna imprimi jussi. Quo mihi primum tum posteris meus hic 

Ml y a des passages entiers de ce livre en caractères grecs. 



170 DE LORIGINE DE ^IMPRIMERIE. 

hbor et indiistria non omnino esset caMos et înutilis. Qao sane 
labore Quintilianus, Soetonius, Leoniê pon^cis maxiad Sermonei» 
Lactantiuâ, Ambrosint De officiis, Laurentii Elegantiœ, Horatii opiu- 
cula,Sixti pontificis ïihelli duo, Desangaine Ckristi et Poteatia Dei 
emersere. Quibus quidem libeQis in S. D. N. benivdentiam et 
fiimiUaritatem adductiu sum. His operibus cam eruditûsunoram 
ingimîomm rationem haboissem, eaqne qnibos se exercèrent to> 
lamina plttrîma munere meo haberent, mediocribiu <pioqpe et 
idiotis animis aliqua in parte favendnm duxi. Libellosque altemm 
de inunortalitate anims, alterum linguae continentiam habentem 
impressi. 

H ne parait pas que i auteur de cette lettre ait été plus 
heureux auprès de son patron que Sweinheîm et Pan- 
nartz auprès de. Sixte IV. Comme eux, il réasta pourtant 
à la crise que subissait alors à Rome f imprimerie, et qui 
fut sans doute de courte durée, car on vit les imprimeries 
se multiplier infiniment dans cette ville vers la même 
époque , et se faire les unes aux autres une concurrence 
fatale. A ce sujet, je crois devoir relever une assertion de 
Meerman. Cet auteur a accusé Sweinheim et Pannartz 
d une basse jalousie à Tégard d'Ulric Hahn. H a passé au 
crible de la malveillance chacune des actions des anciens 
imprimeurs de Subiaco S et en a tiré des conclusions tout 
à fait erronées. Il a prétendu , par exemple, que ces im- 
primeurs avaient contrefait méchamment les livres d'Ul- 

* Voyez la dissertation qu il a ajoutée au second volume de ses Ori- 
gines tjpographicœ (p. 3 35 et suiv.), sous le titre de : f Disqiiisitio de trans- 
« lata in Italiam , speciatim Subiacense cœnobium , atque urbem Romam , 
« arte typographica. » 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE II. 171 

rie, et il cite, entre autres, le Quintilien et le Suétone 
de 1 /170 , qaû attribue à ce dernier, et qui furent réim- 
primés la même année , ou du moins avee la date de 
1 470, par Sweinheim et Pannartz. Or ii est aujourdliui 
reconnu que l'édition de ces livres sans nom d'in^pri- 
meur appartient à Philippe de Lignamine , et ndn à Ul- 
rie Hahn. On pourrait, au contraire, rétorquer l'argument 
contre ce dernier; car il publia certainement en 1 il 6 8 le 
Cicéron [De oratore) , qu'avaient imprimé auparavant 
Sweinheim et Pannartz à Subiaco; il réimprima encore 
en avril 1 ^69 le Ciceronis officia, que Sweinheim et Pan- 
nartz avaient publié le^k janvier précédent; enfin il fit en 
1 473 une nouvelle édition des Œuvres de Virgile, déjà 
imprimées deux fois par ses concurrents, etc. Mais je me 
hâte d'ajouter que le reproche serait aussi injuste d'un 
côté que de l'autre. La concurrence devait entretenir, sans 
doute, entre les divers imprimeurs, un certain esprit de 
îalousie; mais ce n'était pas dans le but de se nuire réci- 
pn,quement que les preLx. typographes réimprimaient 
ainsi à l'envi les mêmes ouvrages; c'était uniquement 
dans le but de gagner plus d'argent, en exploitant la veine 
de la publicité qui leiu* paraissait la plus riche. La CQn« 
trefaçon n'était pas possible , car chaque imprimeur n'a- 
vait alors qu'un ou deux caractères au plus, d'une forme 
particulière qui rendait toute méprise impossible. Ces 
artistes cherchaient d'ailleurs si peu à tromper, qu'ils met- 
taient presque toujours leur nom à leurs livres. C'est aussi 
l'espérance du gain qui porta Hahn à réimprimer en 



172 DE LORIGINË DE LIMPRIMERIE. 

1 672 le Liber sextas decretaUam du pape Bonifece VIQ, 
publié d^à deux fois à Mayence par Schoiffer, dont il 
copia même prescpie littéralement la souscription. 

Pour être juste à Tégard de tout le monde , je dirai en 
terminant que , si Ton doit à Sweinkeim et Pannartz le 
nom. générique de romain, qui a été donné, depuis l'ap- 
parition de leurs caractères , à tous ceux d'une forme ana- 
logue , d un autre côté , il me parait naturel d attribuer à 
Ulric Hahn les noms de cicéro et saint-augustin, qui sont 
restés à deux corps particuliers de ces mêmes caractères, 
et servent encore aujourd'hui dans certaines imprime- 
ries. C'est à tort , suivant moi , que M. Crapelet ^ rapporte 
ces deux dénominations aux livres publiés en 1467 par 
Sweinheim et Pannartz. Le nom de saint-augustin pour- 
rait bien venir, à la rigueur, du caractère qui a servi à 
imprimer la Cité de Dieu, quoiqu'il eût près de seize 
points au lieu de treize ; mais il n'est pas possible d'ad- 
mettre que celui de cicéro ait été emprunté au caractère 
qui a servi à imprimer les Épitres de Cicéron, données la 
même année par ces imprimeurs, car ce caractère a près 
de quinze points au lieu de onze. D'ailleurs, il me semble 
que ces dénominations techniques, qui sont évidemment 
empruntées à la langue des ouvriers, n'ont pu avoir cours 
dans l'atelier de Sweinheim et Pannartz, par la raison 
que le caractère qui avait servi dans la Cité de Dieu n'a 
plus été employé par eux à partir de leur installation à 
Rome, où il ne fut probablement pas apporté : il était 

* Etudes sur la typographie, p. 3. 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE II. 173 

donc mutile d'établir une distinction, puisque cette im- 
primerie n*avait qu'un caractère. Au contraire, Ulric 
Hahn avait deux caractères romains parfaitement appro- 
|Miés à ces deux dénominations : f un qui lui servit à im- 
primer, en 1 &68, une édition de Cieéron, et qui navaît 
que douze points typographiques; Tautre, avec lequel il 
imprima enià'jk la Cité de Dieu^ et ayant treize points, 
n est tout naturel de penser que, suivant un usage en- 
core pratiqué aujourd'hui dans les imprimeries pour des 
cas analogues ^, les ouvriers donnèrent à chacun de ces 
caractères le nom de l'auteur le plus célèbre qu'il avait 
mis en lumière ; que ces noms se transmirent traditionnel* 
lement dans les ateliers aux caractères de mêmes forces, 
et qu'ils passèrent plus tard de la langue technique dans 
celle des érudits : le fait me semble incontestable. 

Mais il est temps de quitter Rome. Une fœs installée 
dans cette ville, l'ûaifNrimerie gagna rapidement le reste 

> Ainsi, diBS certaines imprimeries de Paris, où ii existe plnsieurs 
sorties de cicéro, comme la dénomination ancienne (non plus «pie la nou- 
velle par points) ne pourrait pas servir, puisque ces caractères ont la 
même force de coips, et ne diffk^nt que par la forme de Tcgd, on leur 
donne le nom de Tauteur qu*ils ont servi k imprimer pour la première fois 
dans cette imprimerie. Mais de nos jours ces dénominations ne peuvent 
sortir du cerde étroit de Tatelier où elles sont nées, car elles n*auraient 
point de sens dans un autre, où le même caractère a servi à imprimer 
toute autre chose. D en fut à peu près de même des noms des papiers : ceux 
de ^moiid aigle, ^raiid raisin, écu, couronne, etc. , tirés de la marque des 
ialnriques, et qui servirent d*abord à désigner uniquement Torigine des 
papiers, ont été appliqués insensiblanent à des fonnats particuliers, parce 
que chaque fabrique ne produisait guère qu*une sorte de papier. 



}74 DE ^ORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

de ritalie , comme de Mayence elle s était répandue sur 
t#ute TÂllemagne. Moins de cinq ans après Tépoque de 
la publication du Lactance à Subiaco, plus de vingt villes 
du nord de lltalie , pays intermédiaire entre Mayence et 
Rome, avaient reçu Tart typographique. Je ne le suivrai 
pas dans toutes ses pérégrinations ; mais je dois faire con- 
naître les circonstances les plus intéressantes de son in- 
troduction dans les principales villes. 

S 2. Venise. 

Une faute typographique , qui s est glissée dans la sous* 
cription d'un livre intitulé : Décor paeUarum , imprimé à 
Venise par Nicolas Jenson, en i /Sty i , et daté par erreur 
de 1 46 1 , a longtemps jeté de l'obscurité sur l'époque des 
débuts de l'imprimerie à Venise ; mais cette question est 
aujourd'hui parfaitement éclaircie. C'est vainement que 
le patriotisme local s'est ingénié à prouver que la typo- 
graphie avait été pratiquée dans cette ville avant 1/169. 
Quelque intéressés que nous soyons dans la discussion , 
puisqu'il s'agit de la gloire d'un Français, nous somiftes 
forcés de reconnaître que les assertions des historiens de 
Venise sont erronées. Ils se trompent, non-seidement 
sur l'époque où Jenson a commencé à imprimer dans 
leur ville , mais encore sur l'origine de cet imprimem*, 
qu'ils prennent à tort pour un Allemand ^ malgré le 

* «Typographie ars Venetias hoc anno ( idSg) traducta est a Nicolao 

c Jenson, Germano. » (J. P. Thomasini, De Gymn. P<ttavino,éd, 1 698, p. 3g] .) 

« E in questa terra (di Venezia) poi e per tutto Tltalia fu principiata l*arte 



DEUXIEME PARTIE. —CHAPITRE IL 176 

soin qu'il se donnait lui-même pour faire connaître son 
pays dans toutes ses souscriptions. 

Le premier imprimeur de Venise fut certainement 
Jean de Spire , ainsi appelé du nom de sa ville natale, et 
son premier Uvre parait avoir été une édition des Épitres 
de Gicéron [AdfamiUares) publiée en 1 469, sans date de 
jour ni de mois. Ce livre, imprimé dans le format in- 
folio, et en beau caractère romain de quatorze points en- 
viron , comme tous les autres livres du même imprimeur, 
se termine par ces vers devenus célèbres dans l'histoire 
de Timprimerie : 

Primus in Adriaca formis impressit aenis 
Urbe libres Spira genitus de stirpe Johannes. 
In reHquis sit quanta vides spes , lector, habenda , 
Quom labor hic primus calami superaverit artem. 

M. CCCC. LXVIIII. 

Peu de temps après, et dans la même année, Jean de 
Spire publia YHistoire naturelle de Pline. G est un chef- 

« dello stampar libri , la cpale ebbe principio da alcuni Tedescbi tra* quali 
< uno chiamato Nicolo Jenson, Tedesco, fu il primo cbe in Venexia facesse 
• stampare libri.» (Sanutus, Murât. Script rer, itoL t. XXII, col. 1 168*] 
t Librorumque imprimendorum ratio lum primum in Italia reperta est; 
« adinventumque ipsum Germani bominis creditur. Post quem Nicolaus 
«Genson in eo génère laudis maxime floruit, cui multum Veneta civitas 
« débet in instituendis liberis nobilissimo commente. Atque bine librarie 
« officine plurimae instituts , e quibus multa commoda in addiscendis dis- 
«ciplinis studiosi percepere.» (Petrus Justinîanus, Hist VeneU lib. VIII, 
Venise, in-fol. i56o, p. 278.) — Voyez aussi Venezia la prima cittàfaori 
deUa Germania dove si esercitè tarte deUa stampaj par J. M. Paitoni , Venise, 
in-8% 1773. 



176 DE LORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

d*œuvre de typ<^;rapliîe. Un exonplaire en papier a été 
vendu à Paris, en 1 786, 3,ooo livres. H y a des exem- 
plaires en vélin : ils sont d'un prix inestimable. Cependant 
ce livre oSre une imperfection : Jean de Spire nayant 
pas de grec, les mots de cette laqgue qui se trouvent 
dans l'ouvrage ont été laissés en blanc pour être écrits 
à la main. 

Ces deux ouvrées de Jean de Spire sont mentionnés 
dans un privilège que lui accorda, sur sa demande, la 
république, le 18 septembre 1^69, et qui prouve que 
de son vivant il n y eut point d'autre imprimeur que lui 
à Venise. Voici ce document, tel qu'il a été publié d'a- 
près l'original , vers la fin du siècle dernier, par le célèbre 
bibliothécaire de Saint-Marc , J . Morelli ^ : 

1469, die 18 Septembris. — Inducta est in banc nostram in- 
clytam civitatem ars imprimendi libros, in diesque magis cele- 
brior et frequentior fiet, per operam, studium et ingenium ma- 
gistri Joannis de Spira, qui ceteris aliis urbibus banc nostram 
praeelegit, ubi cum conjuge, liberis et familia tota sua inhabitaret 
exerceretque dictam ariem libronim imprimendorum : jamque 
summa omnium commendatione impressit Epistohu Gceronis et 
nobile opus Plinii De naturali kistoria in maximo numéro, et pul- 
cherrima Utterarum forma, pergitque quotidie alia pneclara vo- 
lumina imprimere ; adeo ut industria et viVtute hujus hominis , 
multis praeclarisque voluminibus , et quidem pervili pretio , locu- 

' Ce document, d'abord imprimé en un feuillet volant, a été réim- 
primé dans le recueil des opuscules de Morelli (Opérette ai Jacopo MorelU, 
3 vol. in-8*, Venise, 1830) , t. II, p. 409. Voyez aussi Denis (Micb.) , Lite- 
rarischer, etc. [Un legs Uttéraire, etc.), p. 71-94. 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE II. 177 

pletabitur. Et quoniam taie inventum œtatis nostr» peculiare et 
proprium , priscis illis omnino incognitum , omni favore et ope 
augendum atque fovendum est, eidemque magistro Joanni, qui 
magno urgetur sumptu familis et artîficum mercede, praestanda 
sit materia, ut alacrius perseveret, artemque suam imprîmendi 
potius celebriorem reddere, quam desinere, habeat; queniad- 
modum in aliis exercitiis sustentandis , et multo quidem inferio- 
ribus , fieri solitum est ; infra^cripti domini consiliarii, ad bunûlem 
et devotam supplicationem praedicti magistri Joannis, tennina- 
runt, terminandoque decreverunt, ut per annos quinque proxime 
futuros nemo omnino sit, qui velit, possit, valeat audeatve exer- 
cere dictam artem imprimendorum librorum in hac inclyta civi- 
tate Venetiarum et districtu suo, nisi ipse magister Joannes. Et 
toties quoties aliquis inventus fuerit, qui contra hanc termina- 
tionem et decretum ausus ^erit exercere ipsam artem et impri- 
mere libros, mulctari condemnarique debeat, et amittere instru- 
menta et libros impressos. Et sub hac eadem pœna nemo debeat 
aut possit taies libros in aliis terris et locis impressos vendendi 
causa hue portare. — Angeles Gradenigo, Bertuccius Conta- 
RENo, Angelds Venerio, Jagobus Maurogeno, FRANGis<fûs Dan- 
DDLO, consiliarii. 

C'est le plus ancien privilège typographique qui soit 
connu. Jean n'en profita guère , car il mourut peu de 
temps après l'avoir obtenu. Il imprima néanmoins, cette 
année même, une seconde édition des Epîtres de Cicé- 
ron, la première s'étant promptement écoidée. Cette se- 
conde édition se termine par la souscription suivante: 

Hesperiç quondam Germanus quosque libelles 
AbstuUt ; en plures ipse daturus adest : / 

Nanque vir ingenio mirandus et arte Joannes 
Exscribi docuit clarius çre libros. 

II. 12 



178 DE L'ORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

Spim fieivetVenetb : quarto nam même peregit 
Hoc tereentenum bb Ciceronis oçm». 

M. CCGG. Lxvnii. 

On voit, par les deux derniers vers, que Jean imprima 
trois cents exemplaires de chaque édition des Épitres de 
Cicëron , et que cela lui demanda quatre mois de travail. 
On peut donc facilement faire remonter rétablissement 
de cet artiste à Venise au commencement de Tannée 
i46g. n entreprit aussi une édition de la Cité de Dieu 
de saint Augustin ; mais il mourut avant d'avoir pu la- 
chever, et ce fut son frère Vindelîn qui termina le livre , 
comme nous l'apprenons de la souscription : 

Qui docuit Venetos exscribi posse Joannes 
Mense fere trino centena ' vokunina Plini 
Et totidem' magni Ciceronis, Spira libdSos 
Gçperat Aureli, sobita sed morte perentus 
Non potuit ceptmn Venetis finire volomen. 
Vindelinus adest, ejusdem frater, et arte 
Non minor; Hadriacaque morabitur urbe. 

nia GGCG* liXJL» 

Cette souscription renchérit encore, comme on voit, 

^ On a tort, à mon avis, de conclure de ce mot que le Gicéron et le 
IHine n ont été tirés qu'à cent exemplaires : ceiiUna est ici pris dans un sens 
indéterminé, et signifie un grand nombre; autrement, il serait en contra- 
diction avec le dernier vers de la souscription de la deuxième édition de 
Gicéron, qui précède. , 

' Gonmi% la souscription précédente nous apprend que Jean de Spire 
a tiré Gicéron à trois cents exemplaires, on peut conclure de ce mot de 
totidem qu il en avait été tiré autant de Hine. 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE IL 17d 

sur la précédente , car on y dit que Jean de Spire a mon- 
tré aux Vénitiens qu'on pouvait, en trois mois à peine, 
transcrire des centaines de volumes de Pfine et de Cicé- 
ron. L*auteur termine en disant que Viiidelin n'est pas 
inférieur à son frère dans Fart typographique. Je ne dis- 
cuterai pas cette question. Ce qu^ii y a de certain , c'est 
que l'imprimerie perdit dans l'aîné des deux frères un 
artiste halûle, qui, en quelques mois, avait donné au 
public trois éditions remarquables , et en avait commencé 
une quatrième. Sa mort anéantit le privilège qu'il avait 
obtenu. On lit en marge , sur les registres du sénat de 
Venise, où se trouve cette pièce originale : «NuUius est 
uvigoris, quia obiit magister et auctor^ » 

Cette circonstance permit à d'autres imprimeurs de 
s'établir à Venise, et ils se hâtèrent d'en profiter. Le 
premier fiit le célèbre Nicolas Jenson, Français, dont 
nous avons plusieurs impressions datées de Venise en 
1 470, et le second, Christophe Valdarfer, dont nous re- 
parlerons à l'article de Milan , où il se rendit après avoir 
débuté à Venise la niéme année 1 &70 : tous deux avaient 
de beaux caractères romains , bien dignes de lutter avec 
ceux de Vindelin de Spire ^. 

^ VoyexMorelli, à Tendroit cité précédemment 

' Un des volâmes imprimés par Christophe ValdttHTer, en 1 47 1 , /I I>eear 
mnro» de Boceace, in-foi. mis en vente A Londres, le 17 juin 1813 , avec 
les autres livres du duc de Rôxburghe, fîit acheté 5 3, 000 fr. (3,360 1. st) 
par le marquis de Kandfort, grftce à la concurrence que lui fidsait un 
autre riche bibliophile, lord Spencer. Ce dernier ne perdit rien pour 
attendre :1e livre ayant été remis en vente en 1819, il Tobtint pour 

12. 



180 DE LORIGINË DE ^IMPRIMERIE. 

A partir de 1/170, rimprimerie prit dans la ville de 
Venise une extension extraordinaire. Vindeliii, àluiseul, 
ne donna pas moins de quinze éditions cette année, y 
compris le saint Augustin commencé par son frère. La 
Sema Santander ^ lui attribue en outre une édition de 
Tacite, que d autres bibliographes attribuent, au con- 
traire, à son frère Jean, et cela uniquement par suite 
d une fausse interprétation du derniers vers de la sous- 
cription de ce livre, qui jouit d^une certaine célébrité. 
Voici cette souscription : 

Cçsareos mores scribit Cornélius ; esto 

Iste tîbi codex : historiç pater est; 
Insigni quem laude feret gens postera : pressit 

Spira premens artis ^oria prima suç. 

La Serna croit voir dans les mots artis gloria prima 
suœ la preuve que ce livre a été la première œuvre de 
Tartiste qui Ta exécuté. Or, dit-il, cet artiste ne peut être 
Jean de Spire , puisque le premier ouvrage de ce der- 
nier fut ime édition des Épitres familières de Cicérôn, 
comme il nous lapprend lui-même dans la souscription : 
(( Quom labor hic primus calami superavit artem. » Les 
termes du privilège de 1 469 et ceux de la souscription 

918 liv. i5 sch. (près de 33,000 fr.), somme encore fort raisonnable. Ce 
volume n'avait coûté primitivement que 100 guinées au duc de Roxburghe. 
Voir à ce sujet une anecdote rapportée par Beloe (Anecdotes of literatare , 
t. II, p. 33à). L'adjudication du 17 juin 1813 donna naissance au Rox- 
burghe clnh , société de bibliophiles anglais qui célèbre chaque année cet 
événement dans un banquet anniversaire. 
* Dict, bihL t. I, p. 177. 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE IL 181 

de la Cité de Dieu démontrent en effet que ie livre en 
question n a pas été imprimé par Jean , car il n y est nul- 
lement question de Tacite. 

Mais lattribution de ce livre à Vindelin est-elle plus 
probable? J'en doute. En effet, le premier livre imprimé 
par Vindelin après la mort de son frère fut le saint Au- 
gustin commencé par celui-ci, et con pas Tacite. Or on 
ne peut prétendre qu'il ait commencé ce dernier avant la 
mort de son frère , car il ne s'y nommerait pas absolu- 
ment Spire. Cette expression indique, suivant moi, que 
l'imprimeur de ce livre était seul de sa famille lorsqu'il 
l'a exécuté. 

Deux autres circonstances , qui n'ont pas été assez re- 
marquées jusqu'ici, semblent prouver que le livre n'a été 
imprimé ni par Jean ni par Vindelin. Le Tacite en ques- 
tion est, comme tous les ouvrages de ce temps, sans 
chiffires et sans signatures; mais il a des réclames^ y ce 

^ On appelait ainsi certains, mots placés au-dessous des derniers d'une 
page, et ([ui indiquaient de quelle manière devait commencer la page 
suivante. Cet usage, qui est devenu inutile depuis qu'on a adopté celui 
des folios, n en a pas moins persisté fort longtemps dans la typographie. 
On en a même fait un abus. Ainsi, pour prendre un eiemple entre 
mille, le livre de Heinecke, intitulé Idée ai une collection générale £ es- 
tampes, etc. imprimé en Allemagne, en 1777, porte des réclames à toutes 
les pages, ce qui est absurde, car il ne pouvait pas y avoir erreur d'une 
page à l'autre du même feuillet. En France , on a depuis longtemps rejeté 
cet usage. On ne se sert plus aujourd'hui des réclames que pour signaler 
l'intercalation d'un tableau, ou de toute autre chose, placé en dehors de la 
pagination, ou bien pour apprendre au lecteur qu'il y a quelque chose 
d'essentiel à voir à la page suivante. 



182 DE UORIGINE DE ^IMPRIMERIE. 

qu on ne trouve pas dans les livres imprimes par les 
deux frères dont nous nous occupons en ce moment, 
et ce qui ne fiit adopté d'une manière générale que |dus 
tard par la typographie. De jias, le Tadte, imprimé 
certainement avec le caractère de Jean et Yinddin de 
Spire ', nous offre cependant, comme lettre initiale, un 
V d'une fonne godiique qui ne paraît pas dans les ou- 
vrages de ces derniers , où f on n a emjdoy é que fit ord^ 
naire, soit au cc»nmencement, soit au milieu des mots. 
N'est'il pas permis <le condure de ces £dts que le livre 
a été imprimé après la mort des deux fi^es, et par l'un 
de leurs descendants, qui, ayant hérité de leur carac- 
tère et y ayant ajouté la lettre v, aurait donné cette édi- 
tion, en y revendiquant la gloire attachée au nom de 
Spire^? n est certain que Jean de Spire avait des enfants, 
car le privilège qui lui fut accordé en i /169 , par le sénat 
de Venise , porte qu'il est venu dans cette ville avec sa 

femme , ses enfants et sa famille : « hanc nostram [ur- 

«bem] praeel^it, ubi cum conjuge, liberis et familia 
«tota sua inhabitaret. » Vindelin lui-même recommande 
sa famille à son Mécène dans la souscription d'un livre 
imprimé par lui en 1 472 ^ : « Se tibi commendat, fami- 

' C'est à tort que la Sema Santander {Dieu hibl 1. 1, p. 178) et Sar- 
dini ( Esame, etc. II , 1 $7 ) disent que le caract^e du Tacite est plus fort 
que celui de Jean et Vindelin. Cette opinion est contndre à leur propre 
assertion relativement à rimprimeur de ce livre. 

^ Il y a un Tércnce , également sans date , imprimé de la même manière. 
(Voyeï Bmnet, Manad, 4* édit. t. IV, p. 4i3, n* iv.) 

-^ Jokannis Bocatii de Certaldo Genealo^iœ deorum ffentiUum. In-fol. 



DEUXIÈME PARTIE— CHAPITRE II. 183 

lesuam. »Et, d'un autre côté, on trouve à Venise, 
Ters cette époque , un imprimeur qui s aj^eiie d'abord 
Jean Emeric de Udenheim (1487), et plus tard Jean 
Émeric de Spire (i^gi), ce qui revient au même, car 
Udenheim est un petit village voisin de Spire. SeraitKîe là 
le successeur de Jean et de Vindelin? C'est très-possible. 
Dans le cas de Taffirmative , il faudrait condure que les 
deux premiers imprimeurs de Venise étaient nés à Uden- 
heim, et qu'en prenant le nom de Spire ils agissaient 
comme Pierre Schoiffer, de Gemsheim, qui prenait quel- 
quefois le hova de Mayence, et comme Jean de Wesiphalie, 
qui se faisait appeler Johaanes Paderbomensis , quoique 
né i Hœken , petit village assez éloigné de Paderbom. 

Au reste, on connaît plusieurs autres imprimeurs de 
cette époque portant le nom de Spire, et qui pourraient 
revendiquer une parenté avec les premiers typographes 
de Venise : de ce nombre sont Jodocus Hauenstain, qui 
exerçait à Naples vers 1 476 , et Georges et Michel Ryser 
ou Reyser, deux frères, qui imprimèrent à Easchstett et à 
Wurtzbourg vers 1 48o ^ Mais le fait est sans importance 
pour nous, car il s'éloigne un peu de l'époque dont nous 
nous occupons. 

Vindelin continua à exercer l'imprimerie à Venise 
jusqu'en 1677, et publia un nombre considérable de 
bonnes éditions des classiques. Il imprima quelquefois en 
société avec Jean de Cologne. Christophe Berardi, de 
Pesaro, et Gergio Alessandrino furent ses correcteurs. 

' Voyez l'article de Spire, ci-dessus, p. i33. 



184 DE L ORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

Si Nicolas Jenson ne fut pas le premier imprim^ir en 
ëate à Venise, il en fiit certainement le plus célèbre. 
Nous ne dirons rien ici de son origine, nous réservant 
d en palier au chapitre consacré à Timprimerie de Paris, 
où Ton verra que, délégué par le roi Gharies VII, en 
1^58, pour aller s'instruire dans Tart typographique à 
Mayence , il en revint vers iliSi^ et que , peu favorisé du 
nouveau roi, Louis XI, précisément à cause de cette 
mission , il résolut d'aller chercher fortune hors de la 
France. Il n y avait que trois villes au monde qui pussent 
convenir au mérite de Jenson : Paris, Rome ou Venise. 
Il ne pouvait exercer à Paris sans l'assistance royale; 
Rome était déjà pourvue : Jenson vint à Venise, où il es- 
pérait arriver le premier, mais où il trouva installé Jean 
de Spire, ou pour mieux dire son frère Vindelin. Le pri- 
vilège accordé par le sénat au premier de ces artistes 
•étant expiré, Jenson se mit en mesure de faire concur- 
rence au second. 

Ancien graveur de la monnaie de Paris, notre com- 
patriote apporta tous ses soins à la gravure de son carac- 
tère , dont il avait choisi les formes dans les manuscrits 
italiens les plus parfaits. Il réalisa ainsi un type si har* 
monieux, qu'il fat adopté universellement, et s'est per- 
pétué jusqu'à nos jours. On a eu tort de dire que Jenson 
avait le premier gravé des caractères romains; depuis 
cinq ans , les imprimeurs italiens en avaient produit beau- 
coup; mais aucun, on peut l'affirmer, n'avait atteint au 
même degré la grâce et la perfection. On me pardonnera 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE II. 18S 

d'entrer id dans quelques détaiis sur la composîtion de 
ce caractère, détails qui peuyent s'appliquer plus ou 
moins exactement à tous les autres caractères romains 
de ce temps-là. 

Le caractère de Jenson, de la force d'un saint-augus- 
tin (il a environ quatorze points et demi), se compose 
de a 3 lettres majuscules ou capitales , c'est-i-dire de tout 
l'alphabet actuel , mmns le J , l'U et le W, qui sont des 
lettres modernes. Les minuscules ou lettres du bas de 
casse sont au nombre de a6, c'est-à-dire a3 lettres de 
l'alphabet ordinaire (où le v est ici remplacé par lu), 
plus une s longue et les diphthongues ae et œ , qui dis- 
tinguent précisément, pour les bibliographes vulgaires, 
Jenson de son concurrent Vindelin. Chez ce dernier, en 
effet, Vdd est remplacé par un e avec cédille (ç), comme 
dans les manuscrits du moyen âge, et l'œ par les deux 
lettres distinctes o et e. A ces deux nombres il faut 
joindre encore 1 5 lettres avec signes abréviatifs en usage 
alors (âêîôûpp(pqQ$9ft2),6 doubles lettres (fl ffl 
£f ft ff &), et 3 signes de ponctuation (•:?). en tout 73 
poinçons, sans parler toutefois de quelques signes parti- 
culiers, gravés pour certains livres de médecine. Tel est 
le fonds avec lequel Jenson s'est acquis une gloire im- 
mortelle; car il est bon de remarquer que cet artiste, 
comme la plupart de ses confrères de la même époque , 
n'employa jamais qu'un caractère romain , avec lequel il 
faisait toutes ses impressions, à la différence des impri- 
meurs allemands, forcés par la nature même de leurs 



186 DE L*ORIGINE DE L*IMPRIMERIE. 

caractères d'avoir plpsieurs carp$, ne pouvant pas, eux, 
se servir des captales pour composer les titres des livres. 

Les yS poinçons de Jenson ne dorent pas donander 
à cet habile artiste un temps bien long pow la gravure. 
Suivant Foumier, graveur lui-même, et à qui nous pou- 
vons paiCûtement nous en rapporter en cette occasion, 
un artiste ordinaire peut £dre trois ou quatre poinçons 
par jour^ : cétait donc moins d'un mois consacré à la 
gravure ; mettons-en autant pour la fabrication des ma* 
trices, et autant epcore pour la fonte des caractères : 
c'était en tout trois mois pour un homme seul. 

H est probaUe que , pendant que Jenson s'occupait à 
fabriquer ses poinçons et tout ce qui tient à la fonte des 
caractères, les ouvriers qu'il paraît avoir amenés avec lui 
s'occupaient de la confection des presses, des diâssb, 
des casses et de tout le matériel proprement dit. Il pou- 
vait d'ailleurs lui-même surveiller les travaux de ses com- 
pagnons tout en travaillant à ses caractères. 

On attribue à Jenson plusieurs ouvrages qui seraient 
d'une date antérieiu*e i celle que nous fixons à ses 
premiers travaux; mais ces ouvrages, ou ne lui appar- 
tiennent pas, ou sont d'une date postérieure. Le plus 
célèbre de tous est le fameux Décor pueUarum, portant 
la souscription suivante : «Ânno a Christi Incamatione 
« M. cccc. Lxi. per magistrum Nicolaum Jenson hoc opus, 
a quod PueUarum décor dicitur, féliciter impressum est. » 
La plupart des anciens bibliographes , se fondant sur ce 

* De t origine de f imprimerie, p. 66. 



DEUXIEME PARTIE— CHAPITRE II. 1«9 

monument, ont prétendu faire remonter f imprimerie 
de Jenson à Tannée i à6 1 ; qudque»-uns même rétablis- 
sent à Venise en iliSg. De ce nombre est Maittaire, 
qui dte sur oui-dire un autre monument de la même 
date que le Décor pueUaram. Voici ses projn*es paroles : 

n comes PemlHt)kianus. . . mihi afiirmayit alium in 

a quodam catalogo librum italicum a Nicolao Jenson i & 6 1 
(( excusum a se alioque viro generoso visum fuisse. Titulus 
cclibri, lectu licet ob informam literarum non plane des- 
acriptarum figuram diffidlis, exhibere tamen videbatur 
(( DeUi Cani. Ulum catalogum comes ab Italo quodam Lon- 
i< dini oonmiorante acceperat; navimque, qua libri in cata- 
« logo descripti vehebantur, paulo post comperit prope 
a oras GaHiae maritimas firactam fuisse^. » 

LTtalien Sardini , dans le livre si curieux qu'il a consa- 
cré à Jenson , sous le titre de a Esame sui principi délia 
«francese ed italiana tipografia, owero storia critiœ di 
(( Nicolao Jenson^, » a prouvé que le Décor pueUaram était 
de 1 Ây 1 et non de i &6 1 , conune le porte par erreur le 
livre. Quant au second ouvrage, aujourdliui perdu par 
suite du naufrage dont parle Maittaire, quel fond peut-on 

^ Maittaire , AtmaL f^po^r. 1. 1, t* édit. p. 6. 

' Un volume in-folio en trois tomes ou parties , de u- 1 39, 1 67 , i s 6 pages, 
on en tout hià pages de texte, avec gravures; Luoques 1796-1798. Ce 
livre, dédié aui savants français : cagli emditt ooncittedini del medesimo 
• insigne t%M>grafo ddla Francia 1 , est à peine connu dans notre pays, où 
on a en général trop peu de goût pour les ouvrages en langues étran- 
gères. En tout cas, celui-ci aurait dû faire exception, car il est fvsnçais 
par le fond, sinon par la forme. 



188 DE LORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

fidre sur f authenticité de la date qu'il p<Mrtait, alors que 
cet auteur dédare lui-même qu <mi avait à peine pu lire 
sur le titre du livre les mots DeUi Cani^y tant lescarac- 
tères étaient difformes^ ou altérés? Au reste, le décret du 
sénat en faveur de Jean de Spire prouve péremptoire- 
ment que Jenson na pu exercer à Venise avant 1/170, 
et f on verra au chapitre consacré à Paris , plus loin , qu'il 
n a pas exercé en France. 

D'autres bibliographes ont attribué à Jenson un petit 
volume in*quarto intitulé : Guarini Veronensis reguleB gram- 
maikes , sans nom de ville ni d'imprimeur, mais avec la 
date du 5 janvier 1&70. Cet ouvrage se trouve à la Bi- 
bliothèque nationale. Je l'ai comparé avec différents livres 
de Jenson , et je me suis convaincu, à mon grand regret, 
car il est admirablement imprimé, qu'il n'appartient pas 
à notre compatriote. 

Voici l'indication des quatre premiers ouvrages de 
Jenson : 

1° EusebU Prœparatio evangelica, latine; Georgio Tra- 

^ Voir dans Bninet [Mcamel, t. I, p. 54 1) Tindication de différents 
opuscules d*un auteur itidien appelé Jean-Jacques Conif^ auxquels pourrait 
s*applicpier la note de Maittaire. L*un, intitulé Camâna duo (in -4**), est 
sans date , mais fait mention d*un tournoi donné à Padoue en 1 466 ; Tautre, 
intitulé De injariis etdamno dato (in-foL), est daté de i468, mais je ne 
puis dire si cette date est exacte; car le livre, qui a été acheté 3oo firancs 
à la vente Boutouriin, pour la Bibliothèque nationale de Paris, ne se 
trouve plus dans cet établissement. Nous en reparlerons à Tarticle de 
Lncques, 

* Gela ne s*accorderait guère avec ce qu on sait des caractères de Jen- 
son. (Voyez, au sujet du livre en question, Sardini , ouvrage cité, I, io5.) 



DEUXIÈME PARTIE— CHAPITRE II. 189 

pezantio interprète. In-foi. à la fin duquel on lit ces vers 
d*Ant. Comazanus, à la louange de Timprimeur : 

Artîs hic et fidei spiendet mirabiie numen : 

Quod fama auctores, auget honore deos. 
Hoc Jenson Veneta Nicolaus in urbe volumen 

Prompsit, cui fœlix Gallica terra parens. 
Scire placet tempus ? Mauro Christophorus urbi 

Dux erat iEqua anime musa retecta suo est. 
Quid magis artifioem peteret dux, Christus et auctorP 

Très facît œtemos ingeniosa manus. 

2"* M. TttlUi Ciceronis Epistolœ ad Atticum, etc. In-fol. 
avec cette ëpigramme finale : 

Attice, nunc totus Veneta diffunderis urbe, 

Cum quondam fuerit copia rara tui. 
Gallicus hoc Jenson Nicolaus muneris orbi 

AttuHt ingenio dœdaUcaque manu. 
Christophorus Mauro plenus bonitate fideque 

Dux erat. Auctorem , lector, opusque tenes. 

3" M. TulUi Ciceronis Rhetoricoram novoram UbrilVet 
De inventione. In-quarto. On lit à la fin : 

Emendata manu sunt exemplaria docta 

Omniboni , quem dat utraque lingua patrem. 

Hœc eadem Jenson Veneta Nicalaus (sic) in urbe 
Formavit, Mauro sub duce Christoforo. 

k^ Justini Epitome Trogi, etc. In-fol. avec ces vers à 
la fin : 

Historias veteres peregrinaque gesta revoivo : 
Justinus , lege me , sum Trogus ipse brevis. 



,j 



190 DE LORIGINE DE ^IMPRIMERIE. 

Me Gallus Veneta Jenson Nicolaus in urbe 
Formavit, Mauro principe Ghristophoro. 

On voit que dans toutes ces souscriptions Nicolas a 
soin de rappeler son origine française , dont il n*était pas 
moins fier que de sa profession. 

Tous ces livres sont imprimés en beaux caractères ro- 
mains, qui ont depuis servi de modèle à funivers civilisé. 
Gomme je Tai dit, Jenson n'avait qu'un seul caractère, 
et c'est avec ce caractère qu'il s'est acquis une gloire 
immortelle. Il se procura plus tard un corps de grec; 
mais en 1 470 il ne l'avait pas encore, car les mots de 
cette langue qui figurent dans l'ouvrage de Justin sont 
laissés en blanc, poiu* être écrits à la main. Le grec qu'il 
grava est d'ailleurs fort peu considérable : il est sans ma- 
juscules, et ne se compose en tout que d'une quarantaine 
de signes. 

L'année 1^71 fut bien autrement productive que la 
précédente. Sardinî ^ fait connaître une vingtaine d'édi- 
tions plus ou moins authentiques de Jenson à cette date. 
Je n'en donnerai pas la nomenclature. Il me suffira de 
dire que c'est en cette année que fut imprimé le Décor 
fuelhram, daté par erreur de id 6 1 , erreur qui provient de 
l'omission d'un x dans la date, écrite en dbifires romains. 
Ce genre de fautes n'est pas rare , et j'en pourrais citer 
bon nombre, même dans les impressions de Jenson. 
Ainsi deux éditions de 1 ^80 sont datées : l'une de 1 4 00 
(m.cccc), l'autre de i58o (m. ccccc. lxxx.), etc. La date 

' Ouvrage cité, part. III, p. 9 et suiv. 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE IL 191 

de 1 47 1 quon assigne au Décor pudlarum ressort de di- 
verses circonstaqces que nous devons rappeler ici. On 
possède quatre opuscules sembiaUes, imprimés par le 
même artiste, avec le même caractère et le mikne papier, 
mêmç format, même justification, et absolument con- 
formes dans toutes leurs parties au Décor pneUarunt, et 
portant tous la date de 1 Ay 1 * Ces opuscules sont intitulés : 
Luctas christianoram , Pùbne virtutam, Gloria maUeram, 
Parole dévote, etc. Trois d entre eux sont cités dans le 
Décor puellaram; ils sont tous écrits en italien comme 
ce dernier, traitent de la même matière « et ne forment 
qu un seul corps d'instruction morale; d'où Ton peut con- 
clure qu'ils ont été imprimés vers le même temps. 

Parmi les autres livres publiés cette année par Jenson , 
il en est un qui mérite une mention particulière , c'est 
une édition de Quintilien en tête de laquelle se trouve une 
épitre où Omnibonus Leonicenus , le correcteur, ou pour 
mieux dire l'éditeur des ouvrages imprimés par Nicolas 
Jenson ^ , donne à ce dernier le titre d'inventeur de l'im- 
primerie : « . . . qui librariaB artis mirabilis inventor, non ut 
(( scribantur csdamo libri , sed veluti gemma impriman- 
« tur ac prope sigillo , primus omnium ingeniose mons- 
« travit. » Quelques personnes ont voulu voir dans ces 
paroles la preuve que J enson serait l'inventeur de l'im- 
primerie. Nous n'avons pas à revenir sur ce sujet. Les 

^ Un fait assez étrange, c'est qae les livres propres d'Omnibonus, im- 
primés plusieurs fois à Rome et à Venise , vers 1 i'jk , ne Tout pas été chez 
Jenson , avec lecpiel il avait eu des rapports si intimes. 



192 DE LORIGINE DE ^IMPRIMERIE. 

éloges exagérés d*Omnibonus ont déjà été réfiités dans 
le XV* siècle par Ulric Zell , le premier imprimeur de Co- 
logne , ou, pour mieux dire , par lauteur de la Chronique 
imprimée en 1^99 dans cette ville ^. 

On a pu voir par ce qui précède que le chroniqueur 
a parfaitement raison, et que Jenson ne fîit pas même 
l'introducteur de Timprimerie à Venise, bien loin d*être 
rinventeur de cet art. Mais peut-être Omnibonus fait-il 
allusion au voyage de Jenson à Mayence en i& 58, et à 
ses relations avec les premiers imprimeurs de cette ville , 
ou bien encore au perfectionnement qu'il a apporté 
dans la forme des caractères ^ ? 

Quoi qu'il en soit, Nicolas Jenson est un des artistes 
les plus célèbres dans les fastes de la typographie. Ses 
caractères sont d une grande beauté et ses impressions 
de véritables chefs-d'œuvre. Il donna le dernier degré de 
perfectionnement à l'imprimerie. La forme de ses carac- 
tères est celle que nous avons encore aujoiu*d'hui, sauf 
de légers changements introduits par la mode, mais qui 
ne touchent pas au fond. 

Le mérite des éditions de Jenson était si bien reconnu 

< 

* Voyez la première partie de notre ouvrage , p. 1 Sg. 

* Voyez, au sujet de ce mot inventor, que se donnent plusieurs impri- 
meurs sur leurs livres, les observations de Sardini, ouvrage cité, I, 1 13- 
124. Cet auteur prouve que le mot d*in»entor ne s*entend pas seulement 
de celui qui a le premier trouvé une chose', mais encore de celui qui la 
perfectionne. Ainsi Christophe Valdarfer se donne aussi vers le même 
temps le titre d*mv«ntor. (Voyez la souscription de son Commentaire de 
Virgile parMaurus Servius Honoratus, imprimé à Venise en 1471.) 



DEUXIEME PARTIE— CHAPITRE II. 193 

de son temps , et ses quditës personnelles si éclatantes , 
que le pape Sixte IV crut devoir lui donner un témoi- 
gnage de sa considération , et le gratifia du titre honori- 
fique de comte palatin, en Tannée 147 5. 

Vers la même époque cependant , ou pour mieux dire 
un peu avant, cédant à la mode^ Jenson se mit à impri- 
mer avec des caractères gothiques. Il en eut même jus- 
qu*à quatre corps différents, dont Sardini a donné le foc- 
simileK On dirait que Jenson a voulu constater par là sa 
supériorité dans ce genre de caractères comme dans le 
caractère romain. 

En 1&80, déjà vieux sans doute, Jenson s associa à 
quelques autres personnes, parmi lesquelles figure un 
célèbre imprimeur de Venise , Jean de Cologne , qui y 
exerçait depuis 1A71. Le premier livre imprimé parla 
nouvelle raison sociale parut le 3o novembre. H est 
intitulé : Baldi de Perasio Lectara ^uper sexto Ubro codicis. 
G est un in-folio à deux colonnes, en caractères gothi- 
ques , et le premier volume imprimé d*un livre qui en 
forme neuf, dont celui-ci n est que le quatrième en ordre 
régulier'. Il se termine par la souscription suivante : 

^ On ne saurait se figurer jusqu'où alla à un certain moment Tengoue- 
ment du public pour le caractère gothique. Quelques auteurs, dans leur 
enthousiasme, le qudifient même de divin. 

' Voyez le livre de Sardini, à la fin de la deuxième partie, 
3 Sardini, III, fia , 63 et 68. Les deux derniers volumes sont de i489 
et non de 1487, comme le dit Panzer, Ann» ^rpogr, t. III, p. 338, n** 975. 
Quant À rédition de i488 (Panser, t III, p. 349, ^^ io5o) , il est pro- 
bable qu'elle est de 1478 , et qu'on aura mis un x de trop dans la date. 

II. i3 



194 DE L'ORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

u Lectura Baidi supei:^ sexto codicis diiigenter impressa 
<( atque emendata ductu et auspiciis. . • litteranim carao- 
« teribus summorum virorum Johannis de Golonia , Ni* 
(( colai Yenson , sociorumque, explicit m. cgcc. lxxx. pridie 
« kalendas Decembris. n 

li est à remarquer que Jenson ne figure pas ici le fH'e^ 
mier ; cette place d'honneur est attribuée à Jean de Co- 
logne , dont l'imprimerie avait alors tme grande impor- 
tance. Au reste , il est certain que ni lun ni l'autre ne 
pratiquait plus à ce moment. En i &8 1 leur officine com- 
mune était dirigée par Jean Herbert, de Selingenstadt 
près de Mayence. C'est ce que nous apprenons de la sous- 
cription des ouvrages imprimés alors dans leur atelier : 

Exactum insigne hoc atque preclarum opus ductu, auspîtiis 
optimonim Joannis de Colonia, Nicolai Jenson , sociorumque, qui 
non tantum summam curam adhibuere ut sint hec et sua que- 
que sine vicio et menda, verum etiam ut bene sint elaborata atque 
jucundissimo ' litterarum caractère confecta, ut unicuique prodesse 
possint et oUectare, more poetico , et prodesse volunt et delcctare 
poète. Hujusce autem operis artifex extitit summus in hac arte 
magister Joannes de Selgenstat, Alemanus, qui sua solertia ac 
vigiliis divoque imprimendi caractère facile supereminet onmes*. 

Je n'ai rieii à dire des éloges que se donne ici Jean de 
Selingenstadt. Ces exagérations de langage étaient alors 
d'un usage général , et ne tiraient pas à conséquence. Cet 

' Cette épithète 8*applique aux caractères gothiqne», qui, ainsi qa*on 
vient de le voir, séduisaient alors tous les yeux. 
* Panser, ^nn. (^. t. III, p. 1 6s. 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE II. 195 

artiste était d'aiUeurs trèsJiabae, et avait été pour cela 
même appelé de Padoue , où il exerçait la typographie 
depuis 1 475. Il s était rendu à Venise sur la demande des 
associés, qui, confiants dans sa réputation, lavaient chaîné 
de la direction de leur atelier. H conserva cette direction 
jusqu'à la mort de Jenson , laquelle mit fin à lassociation ; 
après quoi il retourna à Padoue , où il ne resta que peu 
de temps, et revint à Venise , où il exerçait à son compte 
dès 1Â82. 

Jenson paraît être mort au mois de septembre 1 à8i . 
Il est du moins certain qu'il Tétait le 3 février 1 48a ^ 
car on possède un livre imprimé à cette date par André 
Torresani de Asula, avec les caractères de Jenson : cest le 
premier volume d'un ouvrage de Nicolas de Tudeschis, 
autrement dit Nkolaus Sicalus. Il est intitulé : Lectara in 
I et Ji decretalium. La seconde partie se termine par la 

souscription suivante : « Ëxactum hoc opus. . indytis 

« instrumentis famosisque litterar um characteribus optimi 
« qu(H)dam in hac arte magistri Nicolai Jenson Gaflici , 
« quo nihil prestantius , nihil melius , nihilve dignius. Cas- 
« tigatum vero hahes adeo , ut nihiî sit ex omni parte ad- 
« dendum. Guram vero ac diligentiam adhibuit optimus 

« vir Andréas de Asula. Venetis m. cccc. lxxxii , tertio 

(( nonas februarias. » 

^ Nouveau style^ car Taniiée datait à Venise du 25 mars (Sardini, 
£MMe««to. II, 74, et m, s). Jean de Cologne parait être mort vers k 
■léme temps. Vmu.er {Ann. typo^» t. III, p. a3td, n*" 976) lai attribue 
un livre de 1^87; mais ce livre est en réalité de 14.78. (Voyes Sardini, 
ouvrage cité, II, 116.) 

i3. 



196 DE UORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

André Torresani devint le chef d'une nouvelle associa- 
tion qui se servit pendant plusieiu*s années des caractères 
de Jenson , et qui se qualifiait : « Societas Jobannis de Co- 
c< lonia, Nicolai Jenson sociorumque, rt sans autre désigna- 
tion. Cette association se servit aussi de la marque artis- 
tique de Jenson^, à laquelle elle ajouta, en i liSj, les deux 
initiales d*André Torresani, d'Âsole. Celui-ci s'associa plus 
tard avec le célèbre Aide Manuce , qui devint son gendre 
et son héritier, et qui, par conséquent, posséda à son tour 
latelier de Jenson^. j^d e Man uce , de Bassjano , près Ser- 
moneta, dans les Etats Romains, d'où vient le titre de 
Romanm qu'il prend dans ses premières impressions, fîit 
d'abord chargé de l'éducation d'Albert Pius, prince de 
Carpi (qui , par reconnaissance , permit plus tard à la fa- 
mille de son précepteur de joindre le nom de Pius au 
sien propre); il vint ensuite se fixer comme imprimeur 
à Venise en 1 49& , et s'y acquit un renom incomparable, 
qu'il transmit à sa famille. C'est à lui qu'on doit l'inven- 
tion du caractère italique, qu'il employa pour la première 

* Cest un cercle divisé horizontalement par un trait sur lequel s'ap- 
puie une croix à deux croisillons, qui s'élève au-dessus du cercle. 

* Suivant Sardini, ouvrage cité (II, 133), une partie au moins des 
livres de Jenson seraient revenus en France après sa mort, comme portion 
de son héritage. Notre auteur cite particulièrement la Bible de 1&7 6, la- 
quelle aurait été plus tard en la possession de Jean Petit et Gui Marchand, 
libraires de Paris , qui Tauraient vendue avec un frontispice nouveau. Mais 
Van Praet(F(^Ziiu c2b roi^ 1 1, p. 38) conteste cette assertion, fondée peut- 
être uniquement sur Texistence d*uii exemplaire de cette Bible auquel le 
propriétaire aurait ajouté le titre et les tables de Tédition publiée par Jean 
Petit en i5oi. 



DEUXIÈME PARTIE. —CHAPITRE IL 197 

fois en 1 5o 1 dans un Virgile in-octavo, et pour lequel il 
obtint du pape Léon X un privilège spécial en 1 5 1 3. 

Mais je m'aperçois que Tintérêt du sujet m'entraîne 
hors du cadre que je me suis tracé: je me hâte d*y rentrera 

Les éditions de Venise , grâce aux travaux des frères 
Jean et Vindelin de Spire , de Nicolas Jenson , de Val- 
darfer, de Jean de Cologne, etc. acquirent bientôt une 
telle réputation en Europe, que beaucoup d'imprimeurs 
étrangers à cette ville déclaraient, dans les souscriptions 
de leurs livres, que ces derniers étaient imprimés avec 
des caractères vénitiens : caracteribus VenetiisK Le pre- 
mier typographe d'Oxford , Thierry Bood , de Cologne , 
ne trouva rien de mieux que de comparer ses propres 
éditions à celles des Vénitiens : « Dii dent ut Venetos 
a exuperare queant ^ ». 

Pour l'imprimerie, comme pour beaucoup d'autres 
industries, Venise fiit longtemps la première ville du 
monde. Les ateliers typographiques s'y multiplièrent au 
point qu'on y compte plus de deux cents imprimeries 
dans les trente deltûères années du xv* siècle , et qu'il y en 
avait près de cinquante en exercice en 1 5oo, Le nombre 
des éditions connues positivement comme ayant été faites 
dans cette ville pendant les trentes années dont je viens 
de parier s'élève à près de trois mille, qui, à trois cents 
exemplaires seulement chacune , nous donnent près d'un 

^ Voyez les Àmudes de V imprimerie des Aides, par M. hnt Aug. Renouard. 
* Cheviller, Origine de ^imprimerie de Paris, p. 620. 
' ' Souscription du PhaJtaridis epistoUe, sans date. (Voyez le chapitre iv.) 



198 DE LORIGINE DE ^IMPRIMERIE. 

miilioti de volumes. Si l'on songe maintenant que tout 
n'est pas connu ; qu'un grand nombre de livres ont dis- 
paru entièrement; que beaucoup des livres que je viens 
de dter ont deux, trois, quatre volumes ou un plus 
grand nombre; que beaucoup ont été tnrés & plus de 
trois cents, comme, par exemple, une édition de Nicolas 
de Tudeschis , autrement dit Panjormitanas, imprimée par 
Vindelin de Spire à mille exemplaires en i A 7 1 {copia milîe, 
porte la souscription), il n'y a rien d'exagéré à élever à 
deux millions le nombre de volimies imprimés à Venise 
dans les trente premières années de la pratique de fart 
typographique en cette ville. 

S 3. Lacques* 

Une circonstance particulière, dont on se rendra 
eompte dans un instant, m'engage à placer Lucques im- 
médiatement après Venise , quoique cette ville ne soit 
pas la troisième de Tltaiie qui ait été dotée de l'impri- 
merie. Si l'on en croyait Sardini, cependant, elle serait 
la seconde , car il lui attribue un livre daté de l'année 
1 468. Il convient de dire ici quelques mots de ce livre. 
Malheureusement, je ne puis en parier de visu, car Tu- 
nique exemplaire connu ne se trouve plus à la Biblio- 
thèque nationale, pour laquelle il avait été acheté à la 
vente Boutouriin, au prix de 3oo francs. Je suis donc 
obligé de m'en rapporter au renseignement que donne 
sur cet opuscule un mémoire publié à son sujet par Sar- 
dini , sous le titre suivant : « Gongetture del M*^ Giacomo 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE II. 199 

(f Sardini, senator Lucchese, sopra un antica stampa, tras- 
« messe ultimamente dal medesimo in tre iettere al molto 
«R. P. Antonmaria Amoretti, G. R. D. M. D. D. dimo- 
«rante in Roma, ed ora pubblicate dai proposto Fer- 
ci dinando Fossi , bibiioteoario délia R. libreria Maglia- 
c( bechiana di Firenze. Presso Giuseppe Molini di Firense, 
<t 1 793. )) In-quarto de 90 pages, BlYbc fac-similé. 

L*oun*age en question commence parlmtitulë suivant : 

D. A. 
PIVINAS GBNTIS 8TRENV0 ASQVITI ET ?A 
GVNDISSIIfO GBAVISSIMOQ. PHILOSOPHO .D. 
3ERNARD0 IVSTINIANO LBONARDI ORATO. 

.F. GOMPENDIOLVM. 

lOANNES lAGOBUS GANIS VTROQ. IVRE GON 

SYLTVS EX GOMMENTARIIS IVRIS INTERPRE 

TVM DBDIGAVIT. 

Suit le proœmium, après lequel on lit le titre : 

DE INIVRIIS ET DAMNO DATO RVBRIGA 

6REG0RIVS. X. IN GONGILIO. GE. 

[e]tSI PIGNORATIOIIES. 

Vient ici le texte , qui commence par ces mots : « Hœc 
ttdecretalis, etc. » Puis à la fin se trouve cette souscrip- 
tion au recto du dernier feuillet : 

EXPLIGIT OPVSGVLVM. D. 10. lA. GAN. EDITVM. 

L. ANNO DOIfINI NOSTRI 

.M. GGGC. LXVIII. 

CALBN. APRILIS. 

L ouvrage se compose de 1 6 feuillets in-folio en tout, 
imprimés avec un caractère romain de la force d'un 



200 DE rORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

saint-augustin. Il est sans chiflBres, sans réclames et sans si- 
gnatures. Les points sont carres et non pas ronds. Enfin 
il offire tous les indices d'une impression primitive ^ 

Quant au fond , ce livre est une espèce de mémoire 
ou consultation de jurisconsulte , rédigé à l'occasion d'une 
mesure prise par le sénat de Lucques contre les mar> 
chauds étrangers , mesure qui avait occasionné i ceux-<îi 
de grandes pertes : 1 auteur engageait à user de représailles 
contre les marchands lucquois. 

La date de cet événement démontre , suivant Sardini , 
qui entre dans de grands détails sur l'affaire en question, 
que le livre fîit imprimé le i " avrfl dans la vflle de Luc- 
ques, par quelque imprimeur ambulant, comme il y en 
avait alors, dit-il. Ce sont là, à mon avis, autant d'asser- 
tions erronées: i^ le mot eUtam qu'on lit dans la sous- 
cription du livre ne prouve pas qu'il ait été imprimé en 
1 468; cette date se rapporte peut-être à la rédaction du 
mémoire; a"" en ^t-il autrement, que la lettre L, qui 
suit le mot eUtam y ne prouverait en aucune sorte que le 
livre a été imprimé à Lucques : on ne citerait pas un seul 
exemple d'une pareille alnréviation; l'impossibilité d'expli- 
quer le sens de cette lettre, par suite du séjour de l'auteur 
du livre , Jean-Jacques de Ganis , à Padoue , n'est pas une 
preuve péremptoire que l'impression en ait été faite à Luc- 

^ Congettare, etc. p. 3 a . Autantqu^il est permis d'en juger par le fac-similé 
informe donné par Sardini , le caractère de cet opuscule a beaucoup de 
ressemblance avec celui des deux pièces de vers du même auteur citées 
à la page 188, note 1, et qui se trouvent à la Bibliothèque nationale. 



DEUXIÈME PARTIE. —CHAPITRE IL 201 

ques; y enfin ii n est pas exact de dire, comme quelques 
bihiiographes Tont fait , qu'il y avait autrefois des impri- 
meurs ambulants , portant leur attirail de ville en ville , 
imprimant ici et là. Plusieurs artistes typographes ont, 
à la vérité , changé plusieurs fois de résidence ; mais c'é- 
tait pour chercher mieux que ce qu'ils avaient, et non 
pour exploiter leur industrie en route. Ce n'était pas une 
petite affaire que de monter une presse autrefois , alors 
que ces instruments étaient si imparfaits , qu'il fallait , 
pour ainsi dire, les souder au parquet et au plafond de la 
pièce où elles se trouvaient ! Ceux qui en parlent ainsi 
n'ont probablement jamais vu d'anciennes presses, avec 
leurs nombreux étançons : il y en a cependant beaucoup 
de représentations sur les vieilles éditions du xvi" siècle. 

En somme , toute la dissertation de Sardini se réduit 
à de simples conjectures, qui n'ont pas toujours pour 
elles les présomptions. Il ne suffit pas, en effet, pour ré- 
soudre ime question problématique, d'avancer quelques 
vagues propositions; il faut s'appuyer sur des faits ou au 
moins sur des probabilités. Sans doute l'opuscule de Jean- 
Jacques de Canis est digne d'attirer l'attention des biblio- 
graphes, car il semble révéler l'existence, dans l'Italie, en 
1 468 , d'un imprimeur qui n'est pas encore connu ; mais 
il y a beaucoup d'autres livres dans le même cas. 

Dans l'état actuel des choses , il faut attendre , et ne 
pas nuire à la précision des recherches en jetant le doute 
dans les esprits. Le hasard fera peut-être plus pour ré- 
soudre les questions douteuses, que le plus long mé- 



202 DE rORIGINE DE ^IMPRIMERIE. 

moire. Ce qu'il y a de certain , c est que Lucques n avait 
point encore d'imprimerie en i &70 , comme le prouvent 
les renseignements que j'ai recueillis, et dont je vais 
donner ici le résumé. 

Lorsque l'imprimerie s'introduisit en Italie , il y avait 
à Lucques un prêtre appelé Clément, natif de Padoue, 
et qui prenait pour cette raison le nom de Patavinas. Ce 
prêtre exerçait alors le métier de calligraphe , de relieur, 
de rubricateur, etc. Aussitôt qu'il eut entendu pariier de 
la nouvelle invention , il s'ingénia pour trouver le secret 
du procédé merveilleux qui l'intéressait à tant de titres, 
conune homme, comme savant, comme calligraphe et 
miniaturiste. Il parait qu'il y réussit, smsi que beaucoup 
d'autres dont nous ignorerons toujours les travaux. Tou- 
tefois , il voulut voir pratiquer par lui-même , et vint pour 
cela à Venise , où il resta quelque temps. N'ayant sans doute 
pas les moyens nécessaires pour monter une imprimerie, 
ou ne se jugeant pas de force à lutter avec les deux maîtres 
en l'art typographique qui exerçaient dans cette ville , 
Vindelin de Spire et Nicolas Jenson , il s'adressa aux con- 
suls de la république de Lucques , qui n'avait point en- 
core d'imprimeur, pour leur offrir ses services. Sa requête 
est du 1 a octobre 1 ^70 ^. Le tiy du même mois le sénat 
s'assembla pour en délibérer, çt le gonfdonier de la jus- 
tice exposa la demande et les titres de Clément, qu'il 
avait pu connaître autrefois , et dont il fit l'éloge : 

Proposuit magnificus vexillifer justiciae quod magister Qemens 
^ Sardini , Esame , etc. 1 , 1 03 . 



DEUXIEME PARTIE.— CHAPITRE II. W3 

Patavinus sacerdos, qui Venetiis preditos est multis virtutibus, et 
presertim novit artem imprimendi Uteras : cum sit discessurus 
Venetiîs , si invitaretur aliqua subventione puUîca , qua posset se 
substentare, facile applicaret animum ad veniendum Lucam, ibi> 
que manendum et exercendum suas virtutes , easque in alios dif- 
fundendum. Quod utile ac honorificum civitati liostre forêt. Ideo- 
que petiit, in Dei nomine, consuH, etc. \ 

Le sénat décida, à la majorité de 38 voix contre 9, 
que Clément serait invité à venir à Lucques , et que pen- 
dant quatre ans il lui serait payé une subvention de a flo* 
rins par mois^ à la condition quil enseignerait son art, 
comme fonctionnaire public, à tous ceux qui voudraient 
rapprendre, et qu'il viendrait dans le terme d« six mois: 
(( quibus durantibus (annis quatuor proximis) teneatur pu- 
« blice docere , et conductus intelligatur, et sit ad publiée 
« docendum scribere discere volentibus ; dummodo venire 
(( debeat habitandum Luce intra menses sex proximos^. » 

^ SardlnijEsame, etc. III, 96. 

' La petite ville de Lucques ne fut pas la seule qui se montra libérale 
pour le nouvel art. Targioni ( Via^gi in diverse parti deUa Toscana, t. VII ,• 
p. do3) cite un document des archives de CoUe, près de Florence, par 
lequel on apprend que le premier imprimeur de cette ville , avant de 
s*y rendre , obtint Tassurance qu'il serait exempté de la gabelle. • Un 
«certo maestro Bono stampatore ne* 20 aprile 167 1» chiese alla comunità 
«di Colle esenzione dalle gabelle, e Y ottenne, promettendo di venirvi ad 
• esercitare la stampa , corne fece e continue per più anni. . . » Ce document 
semble donner raison à Marchand, qui date une impression de CdUe de 
Tannée 1 47 1 , contrairement à Topinion de la Seraa Santander, qui recule 
Tintroduction de Timprimerie dans cette ville jusqu'en 1A78. Ce premier 
imprimeur de Colle, appelé ici Bonus ou le Bon, se nommait en redite 
GaUas, l'autre dénomination n'étant qu'un surnom. 

^ Sardini, £«am«> etc. III, 96. 



2M DE LORIGINE DE LIMPRIMERIE. 

A force de peines et de démardies, Clément parvint 
à organiser une imprimerie à Venise , et y exécuta même 
plusieurs ouvrages^ dans le cours de 1A71 et au com- 
mencement de 1 472. Le plus intéressant de tous est un 
gros livre in-folio de plus de Aoo pag^, intitulé iDemede- 
cinis wmersaUbnSf par Jean Mesue de Damas. Ce volume est 
imprimé avec un gros caractère romain de trme points 
et demi, d'une forme tris-nette et très-régulière. Le 1^ 
est particulièrement remarquable : la queue dépasse de 
beaucoup le corps de la lettre, et se prolonge sur la ligne 
suivante , ce qui a dû présenter souvent des difficultés à 
la composition , sans parier de celles de la fonte. 

On apprend par une lettre imprimée à la fin de ce 
livre , et écrite par Nicolas Gupalatinus , médecin de Ve- 
nise, qu'il fiit confié à Clément le 1 8 mai (1 5 des calendes 
de juin) 1 47 1 , par un autre médecin de la même ville 
appelé Peregrinus Cavalcabo^. H y a dans cette lettre 
de Gupalatinus un passage très-intéressant, dans lequel il 
dit que Clément fiit le premier Italien qui ait pratiqué 
f imprimerie , et qu'il l'apprit de lui-même, sans l'avoir vu 
pratiquer à personne. Voici les propres tenmes de Gupa- 
latinus : « Clemens Pattavinus, sacerdos bonus virque non 

' Panzer, ilini. typpgr. t. III , p. 81 et 82 , t. IV, p. 5. 

' Le lien de f impression n*y est pas indiqué ; mais il est mqppelé dans 
la dédieace d^nne édition des ProbUmu d^Aristote publiée en 1475 à Borne 
par Téditenr Gnpalatinns; on lit dans cette dédicace, adressée an pqie 
Sixte IV : « Hanc antem noTissimam Problematum recognitionem et emen- 
« dationem cnin per impressivam artem , in cujus landem multa in proe- 
« mio Jo. Damasceni Venetiis impressi diziinns , dindgandam cnraremne. > 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE II. 205 

tt solum litteranun studiis apprime eruditus , sed et om- 
« nium quos unquam novi in dedaleo prçsertim et ma- 
unuali opère ingeniosissimus. Nam cum neminem taie 
uartificium operantem unquam prospexerit, suo perspi- 
(( caci ingenio , elementis quibusdam tantum hujus artis 
apreceptis, reliqua consumatissime reperiens, Italonim 
i( piîmus libres hac arte formavit ^. » 

Quoi qu'il en soit, le résultat obtenu, Clément écrivit 
de nouveau au sénat de Lucques, ie\^ août ikj^, pour 
s'excuser de n avoir pas répondu de suite à ses proposi- 
tions. Quelque modeste que fât Tallocation qui lui avait 
été offerte , il se serait volontiers , dit-il , rendu à Lucques , 
s'il n'en avait été empêché par la nécessité de graver et 
de fondre ses caractères; mais aujourd'hui que le travail 
est achevé et que les Italiens sont devenus, avec la grâce 
de Dieu , aussi habiles que les Allemands dans l'art d'im^ 
primier, il se met à la disposition du sénat. Voici les 
termes de sa requête : 

Esponsi umilmente per parte del servitore di vostre magnifiche 
signorie Chimetto da Padova chôme altra volta stè in la dttà vostra 
a insegnare a scrivere et a quademare* et miniare e mostrare tatto 
quello di bene che potè per la umanità e virtù de' vostri cittadini. 
Volentieri sare tomato in la ultima electione facta di lui per fare 
cosa piacesse aile magnifiche signorie vostre, benchè la provisione 
al suo bisogno fusse pîccola , ma impedito dallo imprendere et im- 

^ Cette épître est imprimée aussi dans Van Praet, Cotai, in-fol. p. 435. 

' Le sens de ce mot, qui vient sans doute de quaUme, cahier de pa- 
pier, est donné dans une phrase de la page suivante, où on lit en latin 
dans le même cas : limprimendi literas, 2ijfam2i et miniandi. » 



206 DE LORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

parare.a fàr lettere di che ai fiiimo li libri , la quai cosa già è per> 
fecta et in tal modo che, per la grazia di Dio, Tltaliani stanno al 
pari con li oltramontam, hora stando assai expedito, se piacesse 
aile M. S. V. , verre a stare tutti i gîomi suoi con V. S. et esercite- 
resi in &re lîbri con tali forme di lettere che sarà utile et a honore 
alla vostra magnifica città, con quella paga gli parrà provedere di 
qualche provigione acciocchè possa vivere apretso qudla, corne è 
consueto fiu*e a quelli portano qualche virtù in la vostra città\ la 
quale Dio conservi in felice staiuto* 

Toujours désireux de doter leur ville d'une imprime- 
rie, les membres du sénat de Lucques s empressèrent 
d'accepter les nouvelles offires de Clément, et augmen- 
tèrent même la subvention qui avait été votée précédem- 
ment. A la majorité de & 4 voix contre 4, ils lui allouèrent 
3 florins par mois pendant quatre ans. « Quod ad boc ut 
«invitetur magister Glemens suppli[cator?] advenien- 
(( dum in dvitatem Lucam , et ibi habitandum et exer- 
ce cendum ejus artem imprimendi literas , ligandi et mi- 
ce niandi, et ceteras suas virtutes quibus est' instructus, 
((fiât ei, auctoritate presenti consilii, subventio publica 
(( et de pecuniis M. Luc. communis flor. trium ad 36 in 
«mense per annis quatuor proximis^. » 

n ne paraît pas que le sénat de Lucques ait été plus 

* Clément £ùt sans doute allusicm aux privilèges c[u*avait aceordés le 
sénat de Lucques six ans avant aux deux frères Turchi, lorsqu'ils intro- 
duisirent dans la république une fabrique de papier. (Sardini, Esame, eic* 

111,94.) 

* Sardini, III, 96. 

^ Sardini écrit à tort «nm pour «t. 

* Sardini, Esame, etc. III, 96. 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE II. 907 

heiireiDL oette fois que i autre ; car on ne connaît aucun 
ouvrage imprimé par Clément dans cette ville. On ne 
sait ce qu'il devint. On voit seulement que dès i&ya 
d'autres imprimeurs se servaient des mêmes caractères 
que lui. Parmi les livres qui furent imprimés de la sorte, 
je citerai un Juvénal sans date et sans nom de lieu^, et 
un Vii^e daté de Fivisano, i&ya. Ce dernier a été 
imprimé par trois artistes associés (Jacques, Baptiste et 
Alexandre), dont un était prêtre, comme Clément. Le 
caractère de ce livre, ainsi que je l'ai dit, est identique à 
celui dont s'est servi ce dernier, sauf la lettre ^, qui a 
reçu une forme plus régulière. 

Toutefois , Lucques ne devait pas être privée plus long- 
temps d'imprimeur. Sardini ^ nous apprend qu'un gra- 
veur sur bois {intagUatore de Ugname) de cette ville, ap- 
pelé Barthélemi de Civitale, offiît au sénat de monter 
une imprimerie si Ton voulait lui accorder quelques privi- 
lèges, ayant déjà, dit-il , appris l'art et organisé un atelier'. 
Ce Barthélemi, si l'on en croit un de ses neveux, auteur 
d'une histoire de Lucques, aurait appris l'art d'imprimer 
tout seul, aidé uniquement par son intelligence^. 

Quoi qu'il en soit, il est certain qu'il imprûnait à 
Lucques en 1&779 car on a de lui une édition in-folio 

^ Bninet, Manuel, V édit. t. II, p. 766. 

* Con^tUare, etc. p. ao. 

' Ihid, c \veva imparato T arte, e già adrizzato gli ediGcj. » 

^ c ÂTendo prasaentito dt qoesta nuova arte , ed essendo d* ingenio acu- 
« tittimo, senz* altri maestri la messe in esecuzione. • (Gmtaii, Stor* di Lvc. 
ms. ann. 1477*) 



208 DE UORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

des Triomphes de Pétrarque, à ia fin de laquelle on lit la 
souscription suivante, qui prouve qu'il fut réellement le 
premier imprimeur de cette ville : « Impressus Luc» li- 
«ber est hic primus ubi artem de GivitaU Bartholomeus 
« init. anno m. ggcc. lxxvii , die xii maii. i> A la vérité c est 
le seul livre qui nous reste de lui. 

S à. Foligno. 

Parmi les villes dltalie qui s'enrichirent de bonne 
heure de l'imprimerie, je dois mentionner Foligno, pe- 
tite cité épiscopale de TOmbrie , qui dut l'introduction 
de l'art à Jean Numeister, l'un des élèves de Gutenberg, 
et ensuite son associé. 

Après la mort de ce dernier, Numeister alla chercher 
fortune hors de Mayence, où déjà fonctionnaient plu- 
sieurs imprimeries. H se rendit à Foligno , probablement 
sur la demande d'Émilien de Orfinis^ citoyen illustre de 
cette ville, et enthousiaste du nouvel art, dans la maison 
duquel Ait montée l'imprimerie. Dès l'année i^yo ils 
publièrent un volume in-folio intitulé : Leonardi Aretini 
Brani de bello Italico adoersus Gothos. 

Ce livre très-rare , et très-recherché des bibliographes, 
est imprimé en beaux caractères romains de seize points 
environ , et se termine par la souscription suivante : 

Hune libellum Ëmiiianus de Orfinis Fulginas^ et Johannes 

^ C'est ce que semble vouloir dire le dernier vers de la souscription du 
Dante, qui suit, p. 310. 

^ Il y a par erreur Eulginas dans quelques exemplaires, celui de 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE IL 209 

Nnmeisler, Theutmiicas , ejuaque sotîi , fdidter impresserant Fol- 
gîneî, in dimio ejusdem Enûliani, «nno Domini miOeûmo qua- 
dringentesimo septus^;esimo {éliciter. 

r 

On voit par cette souscription que Numeister avait 
avec lui quelques ouvriers typographes, qu'il avait amen^ 
de Mayence sans doute, et qui étaient ses associes. * 

Ces artistes publièrent aussi une édition des Épitres 
de Gicéron , sans date , mais du même temps environ , et 
en tout cas antérieure à 1&72. Elle est également fort 
rare, n'ayant été tirée qu'à deux cents exemplaires, et se 
termine par les six vers suivants : 

Emilianus auctor Fulginas, et fratres una, 
Ingenio' prestante viri, Numeister et auctor 
Johannes Almanus , recte qui plura peregit *, 
Tu]]i ducenta nuper pressere volumina recte , 
Quç viserat probus episcopus Aleriensis. 
Fulginei acta vides et laribus Emiliani. 

Ëmilien mourut sans doute avant i/lya , car, à partir 
de cette date , Numeister imprima seul. On a de lui : 

1 "* La divina Comedia du Dante ; un volume in-fol. idj^y 
imprimé à longues lignes. Debure a cru, mais sans fon- 
dement, que cette édition avait été imprimée à Mayence. 
La date qu'elle porte et la parfaite ressemblance des ca- 
la bibliothèque Sainte-Geneviève, par exemple; celui de la Bibliothèque 
nationale, au contraire, porte bien Fulginas. M. Bninet dit qu'il y a aussi 
une variante dans le nom propre à'ÉndUen, mais les deux exemplaires 
que fai vus portent Oifinis. / 

^ Uimprimé porte par erreur ignenio, 

* Allusion aux autres impressions de Numeister. 

II. i4 



210 DE LORIGINE DE ^IMPRIMERIE. 

ractères avec ceux eûiployés dans Timpression des livres 
précédents démontrent que ce livre a été exécuté à Foli- 
gno. Le nom de cette ville se trouve d'ailleurs implicite- 
ment à la fin de la souscription, qui forme deux tercets^ : 

Nel mille quatro cento scpte et due*, 

nel quarto mese adi cinque et sei '^ 

questa opéra gentile impressa fue. 
lo maestro Johanni Numeister opéra dei 

alla decta impressionc, et meco fue 

Elfulginato Evangelista mei*. 

n"" Johannis de TurrecrenuUa Contemplaciones; in-folio, 
1479. Ce dernier ouvrage est imprimé avec des carac- 
tères gothiques semblables à ceux de la Bible de Guten- 

* Ce livre , qui est d'un bout à Tautre écrit de la sorte , était autrefois 
à la Bibliothèque nationale ; mais il ne s'y trouve plus : il en existe heureu- 
sement un exemplaire à la bibliothèque Maxarine. 

' Sept et deuxj autrement dit 7a ( 1472 ). 

^ Ici au contraire les nombres sont additionnés : 5 et 6 font 1 1 . Il s*agit 
donc du 1 1 avril 1 473. 

^ Les bibliographes italiens qui ont parié de ce livre (voy. entre autres 
Gamba, Série dei iesti di Ungua italiana [Venezia, 1828], p. 79] semblent 
avoir pris mei pour un nom de personne dont evangelista serait le prénom. 
Je pense qu'on doit voir dans le mot mei une altération de mio, que le 
poète se serait permise pour la rime , et traduire « mon évangéliste > , c'est- 
à-dire , celui qui m'a fait connaître , qui a révélé mon talent. Ou bien peut- 
être que le mot mei est ici pour megUo, dont il est la forme antique; alors 
il faudrait traduire : « Le Folignien, meilleur évangéliste que moi • , c*estp 
à-dire , qui m'est supérieur pour le mérite, pour la science. Cette manière 
de s'exprimer est parfaitement dans le goût du temps. En tout cas le Fo- 
Ugnien est évidemment Emilien de Orfinis , cité avec cette qualification 
dans les souscriptions précédentes. 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE IL 211 

berg. Il était tout naturel quim ëiève suivit les règles du 
maître. Si ses autres impressions ne les rappellent pas; 
c est que ces impressions ont été exécutées avec les ca^- 
ractëres du goût d'Ëmilien de Qrfinis , qui , en sa qualité 
dltalien» n avait pu vouloir que des caractères romains. 
On ne connaît aucun livre imprimé par Numeister 
après 1 479, date probable de sa mort. 

S 5. Milan. 

Morel, cité par .Mbert Fabricius dans sa BibUotheca 
latina (première partie, page 55 1), prétend que le livre 
intitulé Historiée Aagiistœ scriptores a été imprimé à Milan 
en 1À55. Fabricius, n osant pas soutenir cette date, dit 
qu*il faut lire 1 d65 , et s'appuie en cela sur la déclaration 
de Saumaise, qui , dans la préface de 1 édition de l'Histoire 
auguste qu^il a donnée en 16120, mentionne, en éifet, 
une édition de Milan de vingt-ciruf ans plus ancienne <fue 
celle de Venise, laquelle a été imprimée en 1 490. En re- 
tirant a 5 de 90 on a 65. Si donc on s'en tient à ce ren- 
seignement, la date donnée par Morel, et rectifiée par 
Fabricius, acquiert une certaine authenticité; mais on va 
voir que c'est une pure hypothèse. D'abord on a cherché 
à expliquer la date fautive de Morel en disant qu'il avait 
été trompé par Maittaire, qui, dans ses Annales typogra- 
phiques, donnait par erreur la date de 1 /tSo (qu'il a recti- 
fiée ensuite) à l'édition de Venise. Retirant a 5 de 80, 
Morel a trouvé 55 , et c'est la date qu'il avait adoptée sur 
la foi de Saumaise , n'ayant évidemment pas vu le livre 

i4. 



212 DE LORIGINE DE LIMPRIMERIE. 

dont il par}e. Fabridus, qui n'a pas vu non plus lou- 
vrage cité , a essayé de rectifier cette erreur impardon* 
nable. En réalité, les trois témoignages que je viens de 
citer se réduisent donc i un seul , celui de Saumaise. Or 
ce témoignage unique, donné dans des termes vagues, 
pèche par la base, car il est reconnu aujourd'hui que 
Saumaise s'est servi de l'édition de Milan de i475, et 
non de celle de ià65, qui n'a jamais existé. C'est donc 
vainement que Saxius, dans les prolégomènes de son His- 
toire littéraro-typographique de Milan, imprimée en tête 
de la Bibïioiheca scriptoram Mediolanensium}, a prétendu ex* 
pliquer l'impression du livre en question à Milan en 1 465 
par un séjour qu'auraient fait dans cette ville Swein- 
heim et Pannartz avant d'aller à Subiaco ^. Cette hypo* 
thèse n'est pas admissible, car les deux premiers typo- 
graphes italiens commencèrent très-probablement leurs 
travaux à Subiaco dès làSli, et ne purent, par consé- 
quent, imprimer à Milan en 1 465. 

Quel fut en réalité le premier imprimeur de Milan? La 
question est vivement débattue. Saxius se prononce pour 
Antoine Zarot ou de Zarotis, autrement dit Antoine de 

* In-fbi. Milan, 1745 , p. lxxxiz. 

^ Saumaise déclare ne pas savoir le nom de celui qui a le premier 
forme la collection de l'Histoire auguste ; Fabricius en a conclu que ce 
savant n'avait pas eu l'édition de 1&75, où se trouve imprimé le nom des 
éditeurs Bonaccursius Pisanus et Bonino Mombritio; mais Saxius a la 
bonne foi de reconnaître que Saumaise a voulu parler du premier collec- 
teur ancien de ce livre , et non des éditeurs. (Hûtoria Utterana-^ogr. 
MêdioUmensis , p. ccccLTi> note (, et Duz, note a.) 



DEUXIÈME PARTIE. -^CHAPITRE IL 21S 

Parme, du lieu de sa naissance. B lui attribue, d*après cer" 
tains bibliogra[dies, plusieurs ouvrages des années i /i6g 
et 1 470. Malheureusement ces ouvrages ne se retrouvent 
plus nulle part, et le plus célèbre d'entre eux est considéré 
commeapocryphe:cestunTérencedatédui Smarsi A70, 
suivant Maittaire. On croit généralement aujourd'hui 
que Maittaire a été trompé par une supercherie, et que 
le livre dté par lui n'était qu'un exemplaire de l'éditioif 
publiée le i3 mars i&Si par Zarot, et dont un adroit 
fiîpon aurait gratté les deux derniers chiffires (lzx[xi]). 

La Sema Santander, au contraire^, prend parti pour 
Philippe de Lavagna, et invoque comme témoignage ir- 
récusable, à l'appui de son opinion, un petit livre por- 
tant le nom de ce dernier et la date de 1 /169 (1 9 mai)^ 
Ce livre, dont l'unique exemplaire se trouve à Turin, 
est un in-quarto intitulé : MiracoU de la ghriosa Verzene 
Mariai H se termine par la souscription suivante : 

Dentro de Milano e doue staio impronta 
L* opra beata de miracoli tanti 
Di quella che nel ciel monta et dismonta 
Accompagnata con ^ angeli et sancti. 
Philippo da Lauagna quiui si conta 
£ stato el maestro de si dolce canti. 
Impressum anno Domini m. cggc. lxviui , di ivuii Maii. 

Mais cette date est-elle exacte ? Plusieurs circonstances 

* Dict hihL 1. 1, p. 209 et suiv. 

* Panzer, Ann, typogr. t. II, p. 1 1. Ce livre se trouve dans la biblio- 
thèque de rAcadémie de Turin. (Tirabosch, Hist Utt, Ital t YI , p. 167.) 



1 



214 DE UORIGINE DE UIATPRIMERIE. 

semUent prouver le contraire. D'abord le livre a des si- 
gnatures , ensuite il est imprimé avec le même caractère 
qn a employé Lava^a dans une autre édition des Mùvr 
coU, datée de 1 680. M. Brunet pense qu'il s'est glissé une 
erreur dans le millésime : qu'on y aura oublié un x, ou 
du moins qu'on aura mis un f à la place d'un second x 
qui devait s y trouver. De la sorte , le livre serait au plus 
tôt de 1 àjkf et peut-être même de 1 479^ ce qui lui en- 
lèverait tout intérêt pour nous. 

La Sema invoque encore à l'appui de soti opinion la 
souscription d'un livre imprimé en 1 dyS , et où Lavagna 
revendique positivement l'honneur d'avoir introduit l'im- 
primerie il Milan, ce que Zarot, alors dans toute sa ^oire, 
n'a pas contredit. 

Mais il y a moyen de tout concilier en disant que La- 
vagna , riche bourgeois de Milan , a Eût venir à ses frais 
Zarot dans cette ville , et s'est chargé de la dépense des 
premiers livres qui y aient été exécutés par celui-ci. 

Ce qu'il y a de certain, c'est que Lavagna n'avait point 
encore d'imprimerie en i^yS, comme nous allons le 
voir, et que , si son nom parait seul sur des livres impri- 
més avant cette époque , c'est uniquement à titre d'éditeur. 

Le premier ouvrage auquel Zarot ait mis son nom est 
un Virgile daté des calendes (i* du mois) de décem- 
bre iiiyii;,mais on a des livres d'une date antérieure, 
sans nom d'imprimeur, exécutés avec les mêmes carac- 
tères. Tels sont, par exemple, les trois suivants, impri- 
més en liiyi. 



DEUXIÈME PARTIE. —CHAPITRE II. 215 

i"" Sexti PompeU Festi de verhofvm si^w^aUane liber; 
in-folio, Milan 1&71, 3 des nones (3 du mob) d*août 

a* Pcmponii MeUt cosau)grafikia; in-quarto, Milan, 
1 &7 1 , 7 des cadendes d'octobre (a5 septembre). 

3* M. T. Cicenmis epùtoburamfamûiariam tiber primas; 
in-folio ,1671, sans nom de ville^ 

Si Zarot n'a pas mis son nom à ces livres, c'est sans 
doute parce qu'ils étaient imprimés aux frais de Lavagna , 
comme le suivant, exécuté avec les mêmes caractères, 
en 1 ^72 : 

M. T. Ciceronis epistolm adfamiUares; in-folio, 8 des 
calendes d'avril (a5 mars) ikj^; sans^nom de ville ni 
d'imprimeur; mais avec une préface de Lavagna, dam 
laqudie cet éditeur annonce qu'il a fait tirer trois cents 
exemplaires de ce livre, à la correction duqiiel plusieurs 
savants ont donné* leur 6oin : «Epistolarum familiarium 
« M. TuU. Cic. multa volumina in diversis Italiae lods bac 
a nova impressorum arte transcripta sunt : quae si ut plu- 
« rima numéro, ita etiam studio satis correcta essent, novo 
«hoc labore non fuisset opus. Sed tanto errorum nu- 
it mero confimduntur, ut non modo iitterç pro lltteris^, 
«et pro verbis verba perturbatissime involuta, verum 
(( etiam epistolç in epistolas, libri in libros sic invenian- 

« tur confiisi Quç cum audirem ex vins cum doc- 

« tissimis tum etiam pilidentissimis , ego Pbilippus Lava- 

^ Panier, AnnaL ^fo^* t. IV, p. 4, n* is ; Brunet, Manmd, 4* édition, 
1. 1, p. 690, J* eol. 

* Ce qae nous appelons en typographie une coquille. 



216 D£ LORIGINË DE LIBIPRIMERIE. 

ugna, civis Mediolanensis, ut pro virili mea aliqua ex 
(( parte meis civibus prodessem , nactus exemplar correc* 
« tissimum studio diligentissimo hominum doctrina prçs- 
« tantium, trecenta volumina exscribenda curavi» opéra 
(( adhibita , ut singulç paginç antea quam imprimerentur, 
« ab aiiquo doctonun periectç essent et casdgatç^ » 

Les dernières lignes que nous venons de citer prouvent 
positivement que Lavagna n'était pas imprimeur, mais 
simplement éditeur. B ne dit pas avoir imprimé, mais 
avoir fait imprimer le livre. Or l'imprimeur ne peut être 
autre que Zarot, travaillant au compte de Lavagna^. 

Trouvant sans doute les conditions de son premier 
contrat trop peu avantageuses, Zarot forma en i&ya, 
avec d autres habitants de Milan , une association qui ré- 
vèle Timportance qu'avait déjà acquise l'imprimerie dans 
cette ville. Nous possédons l'acte même de cette associa- 
tion typographique '. 

' Panzer, Ann, typ. t. II , p. i a. J*ai rectifié la citation de Panser d'après 
Texemplaire en vélin de ce rarissime livre qui est à la Bibliothèque na- 
tionale. 

' Cette opinion est aussi celle de P. Ireneo A£fb, Saggio di memorie su 
la Hpografia Parmense delsecolo xv. Parme, 1791, in-4% p- ix et suiv. 

^ Nous pensons faire plaisir à nos lecteurs en leur donnant ici en note 
le texte origind. Il se trouve dans Touvrage de Saxio cité plus haut, 
p. CCGGXLVII et suiv. et dans celui de Sardini, Esame, etc. III, 82 et suiv. 

tQuesti sono capituli de pacti, e promissi, e convenzioni facte, e con- 
clusi tra ^' infrascritti messier preto Gabriel de li Orsoni, emeistro 
Colla Montano, e meistro Antonio de Parma, e messier Pedro Antonio 
de Burgo de Castiliiono , e messier Gabriel Pavero de Fontana in questa 
forma e modo, che li dicti de optima disposizione de mente hanno ferma- 
mente deliberato, e deliberano fare compagnia e fraternité fra loro fino 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE IL 217 

Le contrat en fiit rédigé le ao mai 1 4y 2. B porte que 
Gabriel de Orsonibus, de Crémone, prêtre; Gabriel Pa- 

ad anni tre proxime futuri a stampire, e far stamplre libri e ogni altra 
scriptura, la quale accaderà coin ogni fede e dâigentia posslbile. 

« Intendandose primo per tatti li compagni que lo predicto meistro An- 
tonio de Parma compagno sia tenuto e obiigato fare tutte ie letAere latine 
e greche, antique e moderne, e inchiostro, e teneiie facte, ie quaie senuano 
necessarie a fare iavorare tutti ii torculi cum li quali la compagnia deiibe- 
rarà Iavorare overo fiire iavorare, e anchora tegnirà in ordine ii torcuii 
qoanto se eztenderanno le fone dû suo ingenio e arte. 

titem, voleno tutti ii dicti compagni esser* expreasamente inteao, che 
ii qnattro, cioè messier preto Gabriel, e meistro Colla, e mesaier Pedro 
Antonio, e mi Gabriel, siamo tenuti e obiigati fare la scorta de li denari 
cbe senmno necessarii in far torculi , littere e inchiostro e <^ni altra spesa 
utile per modo che se possa dar principio, e mezzo, e fine al lavoro; in- 
tendando tamen che 1 dicto messier Pedro Antonio sia tenuto e obligato 
mettere de presenti in la compagnia predicta ducati cento, quali li pre- 
dicti compagni confessano havere receutto ex nunc, cum pacto che se 
metta in ordine quattro torculi, e che continovamente se facciano Iavo- 
rare, e quando alcuno fosse cagione in la compagnia che dicti torculi per 
ne^gentia o per propria malitia non potessino tutti quattro iavorare, se 
intenda illico coilui o coUoro esser privati de la compagnia, e perdere 
ogni denari, e roba, e rasqne che havessino in dicta compagnia, e aian 
perjuri. 

«Item, dicti compagni tutti cinque voleno esser* intexo che la pisone 
de la casa dove se lavorerà sia comunamente pagata secundo parera ho- 
nesto alla compagnia. 

«Item, voleno tutti li compagni esser* intexo cheio guadagno che per- 
vegnirà de la dicta arte de stampire sia divise in questa forma e modo, 
cioë que la terza parte sia data al dicto meistro Antonio, le altre doe terze 
parte siano divise equalmente fra li altri quattro compagni, cioè messier 
preto Gabriel, e meistro Colla, e mi Gabriel, e messier Pedro Antonio. 

«Item, tutti li compagni voleno esser* intexo che lo dicto meistro An- 
tonio sia tenuto pagare de la sua propria terza parte del guadagno tutti li 
denari veramente exbursati da Ii altri quattro compagni in la fabrica de 



218 DE LORIGINE DE LIMPRIMERIE. 

Tero de Fontana; CoUa Mmitanus el Pierre-Antoine de 
Burgo, dit de CastUtione^ forment, arec Zarot, une so- 

li toreoli, e iettere, e che li denari ofae se ^ndifinno in ahre ^Miie siaiM 
cavatî fon de li libri che « vendirumo oommoniter. 

• item, voleBo dicd compagni tatti insieme essere inleio e^iressamenle 
dhe la dicta eompagnia dora fino ad amii tre pnnduiè iîitim, né ino a 
^ndio termine se possa rompere ni in tntto ni in parle, niai in casnmagn* 
necemitatis per caao fortuite, lo qoale caso accadendo neeessario, voleno 
cfae, rampendote tutta la compagnie , ciascnno possa repetere la sua parle, 
e conseguire satisfacdone cod de roba come de denari , segondo se troYarà 
essere in la eompagnia ; e quando accadessi uno solo, o doi, o tre partine de 
la compagnie, voleno che lo loro pagamento se faecia come è dicte, e 11 
tittï , o quattro, o tre, o doi siano tenuti slare insieme e mantenére la eom- 
pagnia cum quesd pacti medesimi, e tere e non tore eompagm come a 
loro parera. 

«Item, voleno li predicd compagni esser veramente intexo che tutti li 
denari de la eompagnia, e tutti li libri, e scripture, come più presto se- 
ranno stampite, e cosi ogni altra cosa che appartenga a la compagnie, 
seranno integramente consignati e messi in mano et halia de ml Gabriel 
Favero de Fontana, electo per la dicta compagnie de commttni consensu 
thesorero e rectere de la compagnie, lo quale mi haverb tenere conte e 
rason de dicti denari, e libri, e cose, e similmente d* ogni denari li quali 
pervegnirano in utilitA de la compagnie, e qudli servarè, e partirb, e 
pagar6, e spender6 secundo sera expediente, e cosi la prefata compagnie 
h contenta che per mia faticha e honorante habia in dono uno vcJume 
d* ogni volume che seri per la compagnie stampite. 

< Item, voleno dicti compagni esser' intexo che messier Pedro Antenio 
non sia tennte ni obiigate metter più che ducati cento predicti in la com- 
pagnie per fare kvorare li dicti quattro terculi , nisi in casu magn» ne- 
cessitatis, ut supra, e che li dicti cente ducati, e ogni altro denari che 
seranno messi per mantenére la compagnie, resteno e stegano in la eom- 
pagnia fino a r ultime anno de la eompagnia, nel quaie anno ultimo se 
eominciaranno a pagare o de denari o de roba , come se trovarà essere in 
)a compagnie. 

« Item , dicti compagni voleno essere intexo che non se possa stampire 



DEUXIÈME PARTIE. —CHAPITRE II. 219 

ciétë qui devra durer trois ans, et dont voici eh résumé 
les principales dispositions : 

alcuno libro ni altra scriptura, ni a li stampiti mettere alcano pretio, senza 
plenarîa concordia e volontà de tutti li predicti compagni. 

< Item, voleno dicti compagni e$»ere intexo che, se acéorderà besogtture 
correggere a fare correggere alcuno libro o scriptura per ùjc lodevole 
opéra, sera provisto a la faticha del correttore de uno o doi volume stam- 
piti, secundo la faticha; e accadendo a scrivere alcuna opéra, per fare 
0|iera paù dègha, se ppovederà al scriptore de la mercède sua secundo 
vorà la honestà, e Ib dic^ 9ori|>tore torà in pagamento tanti voiumiâf 
stampiti in lo pretio sera taxato a li libri. 

«Item, dicti compagni ^voleno essere intexo che se tegnirà sécréta la 
compagnia, e tutti It Hbiri che se stampiranno, fino parera a dicti com- 
pagni ; e che non se âcceptarà «Ictino t^ompesitore ni stamfMrtore, ni tdtfd 
iavoratore, senaa sacramento de esser fidèle e secreto a la compagnia de 
quanto ghe sera comandato. 

« Item , dicti cinque compagni voleno expressamente esser * intexo ch^ 
noa sia alcuno de li eoiftpàgni chi ardiaeti ni présuma havere inteHigentia 
cum alcuni altri maestri de stampa o che fecëssi stampire, ni a qudli 
date akimo acQiito, ne fimire, ne cônsilio, ne ricordo, ni in dicti , ni in 
fiieti, ni in segni, ni in eegni, ni in aleun* a^taro modo de kttere, de in- 
«^ûostro de stampire, de correggere, de imprestare libri, m é» fiire im- 
prestare, ni per alcuna altra via, che résultasse in damno de la présente 
compagnia, e che niuiio possa &re stan^ire libri per àitri stampatori ni 
iit Miiaao, ni fora de Milano, senàa expressa licenzia de la compagnia; 
e quando messier Pedro Antonio o tàtro de li compagni vdlessi &re 
stampire per sua spedalità uno o doi volumi, e non più, sia obligato, 
primo bavere ricorso da li compagni, e vedere de accordarse cum loro, 
pagando quello sia honesto, e per loro fare stampire tali volumi; e quando 
oiim loro non potessi bavere accordio, gli sia lidto fare stampire éioti 
volumi tantum per altri stas^fkadort o in Miknb, o in Pâma, o dova ghe 
parera. 

• Item, dicti compagni voleno essére intexo che, finiti li anni tre de la 
compagnia, che ciascuno sia in sua libertà, e che niuna ae intenda essere 
compagnia se non de amore, e che li torculi e lettere remangano per soi 



220 DE UORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

1 . Antoine Zarot s engage à fournir tous les caractères, 
latins et grecs, antiques et modernes^ (c est-à-dire romaini^ 
et gothiques), et à fabriquer en outre fencre nécessaire 
pour le nombre de presses que la société jugerait con> 
venable d'établir. 

a. Les quatre associés de Zarot s'engagent, de leur 
côté, à faire tous les frais de l'entreprise; et Pierre-An- 
toine de Burgo , en particulier, devra avancer de prime 
abord pour sa part i oo ducats , à la condition qu'on mon* 
tera de suite quatre presses, qui travailleront constam- 
ment, n ne devait pas être tenu de payer davantage plus 
tard, à moins d'événement extraordinaire. 

3. Si l'un des associés était cause de l'interruption des 
travaux , il perdrait tous ses droits. 

proprii a meistro Antonio predicto, havendo satisfaeto integramente a la 
compagnia, oome è dicto de sopra 

c In fide de le quaie Gose io Gabriel , de consensu partium , ho scripto, 
e aottoscritto de mia mano propria li presenti capitula, facti in Milano, 
in la parochia de Santa Maria Pedone, die vigesimo mensis Mali, M cccc LXZ 
secundo. » 

Viennent ensuite les signatures des parties, terminées par celle de Zarot : 
t lamaistro Antonio Zaroto da Parma ho soto scritto ([uesti capituli de mia 
man propria, li quali suro havere rati e ferme. » 

^ Suivant la plupart des auteurs contemporains qui se sont occupés de la 
typographie , le moXtuaique désignerait le caractère gothique , et le mot nuh- 
dame, le caractère romain. Je suis d*un avis opposé. Les Italiens ne pou- 
vaient donner le nom de moderne à une forme d'écriture dont ils s'étaient 
toujours servi, et c'est précisément la prétendue nouveauté des caractère» 
gothiques qui leur donna de la vogue en Italie vers la fin du xv* siècle. 
Tous les documents du temps que j*ai eu occasion de voir jusqu'ici me 
confirment dans mon opinion que le mot moderne désigne le caractère go- 
thique. JTen donnerai d'ailleurs plus loin une preuve incontestable. 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE II. 221 

ti. Le loyer de la maison où se trouverait latelier de^ 
vait être aux frais de la société. 

5. Les bénéfices devaient être partagés en trois parts 
égales, dont une reviendrait à Zarot, et les deux autres 
aux quatre autres associés. 

6. Zarot, sur son tiers, devait rembourser aux asso- 
-ciés les sommes vraiment payées pour la façon des presses 
et autres ilistruments , qui deviendraient par là sa pro- 
priété à Texpiration du traité. Quant aux autres dé- 
penses, elles devaient être remboursées sur la vente des 
livres. 

7. Le prêtre Gabriel de Orsonis devait être le garde^ 
magasin des livres , le caissier et l'agent général de la so- 
ciété, et répondre comme tel des valeurs à lui confiées. 
Il devait recevoir pour ses honoraires un exemplaire de 
tous les livres imprimés par la société. 

8. Le choix des ouvrages à imprimer devait être fait 
en assemblée générale des associés. 

9. La rétribution du correcteur et des copistes dont 
on pourrait avoir besoin devait être payée en nature, 
c est-à-dire en volumes. 

1 o. Tout compositeur, imprimeur ou autre employé 
devait, avant d'être admis dans l'atelier, faire le serment 
de garder le secret sur ce qui s'y ferait. Il lui était dé- 
fendu, ainsi qu'aux associés, de prêter aucune assistance 
aux autres imprimeurs de la ville. Toutefois, si l'un des 
associés voulait faire imprimer un livre à son compte , et 
ne parvenait pas à s'entendre avec l'association, il pouvait 



222 DE L'ORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

obtenir f autorisation de le faire exécuter par un autre , 
soit à Milan, soit à Parme. 

Ce dernier ardde prouve qu*il y aTait déjà plusieurs 
imprimeries à Milan , et une au moins à Parme. 

 peine ce traité était-il signé que , le même jour, 
Pierre-Antoine de Buigo en fit un autre avec les mêmes 
associés et pour le même temps , dans lequel il fit com- 
prendre son frère Nicolas ^ 

^ Voici le texte de ce nouveau traité, que nous empruntons également 
à Saxius: 

«Capitttli, pacti e conventioni facte tra meaûere Pedro Antonio de 
Borgo, dicto de Gastilliono, et NiccoUo soo fintdlo, per uaa parte; e 
measier preto Gabriel de li Orsoni de Gremona, e meistro G<rfla Mon- 
tano, e meistro Antonio de Parma, e mi Gabriel Pavero de Fontana, per 
V altra parte, in ipiesto modo e forma : 

« Primo, li didi <{uattro oompagni mesaier preyto Gabriel, e meistro Colla, 
e meistro Antonio, e mi Gabriel , siamo contenti che li predicti doy fira^ 
telli messier Pedro Antonio e Niccolao possano fare lavorare tre torculi , 
e più quanto vorranno, e stampire libri dumtaxat in jure civHi et in me- 
dicina et in jure canonico, e meistro Antonio prometti e ha promisso fare. 
iavorare dicti tre torculi, tenendoli in ordine de lettere antique e mo- 
derne, e de inchiostro, e de quanto besognarà, pagando tamen dicti doi 
fratelli ogni denari necessarii in fare li torculi, e lettere, e inchiostro, e 
ogni altra cosa necessaria a taie impresa. 

« Item, pagando papyro, e charte, che besognaranno per stampire, pa- 
gando lo salario de compositori, e stampatori, demum pagando ogni spesa 
necessaria. 

« Item , pagando la mita de la pisone de la casa dove se lavorarà cura 
dicti torcoli. 

tLi dicti doi fratelli messier Pedro Antonio e Niceolb promittono e 
hanno promisso libère et ex certa scientia dare la quarta parte de gua- 
dagno che se farà del laborerio de dicti tre torculi, deductis expensis, le 
4|uale se intendano in qnesta forma , che li dicti doi fratelli d* ogni libro 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE II. 223 

Par le nouveau traité , les deux frères s engagent à faire 
travailler à leur compte, dans Tatelier de Zarot, trois 

stampiti cum dicti tre torculi in littera antiqua o modema, li quali sa- 
ranno venduti , primo et ante omnia possano tore de communi li soi de- 
nari, quali haverano spesi ia papyri, e in charta, e in inchioaitro, e in 
compositori, e in stampatori, e in altre cose necessarie, salvo in torculi e 
lettere, quibus habitis libère postea, et sine ulla exceptione, daranno la 
quarta parte del resto integramente alli predicti quattro compagni , cioë 
dd precio se yenderanno dicti libri; ita et taliter cbe iibri non se possano 
dividere nisi el precio se venderanno. 

« Item , dicti doi fratelli promittino e hano promisso donare de pre- 
senti alli predicti quattro compagni ducati vintecinque, quali ex nunc dicti 
quattro compagni confessano havere receuti presentiaimente. 

«Item, dicti fratelli promettino e hano promisso donare uno volume 
d' ogni volume chi se stampirà a ciaschuno de li quattro compagni, cioè 
uno a messier preyto Gabriel, e uno a meistro Colla, e uno a meistro An- 
tonio, e uno a mi Gabriel, e uno per uno a dicti fratelli, li quali non se 
posoano vendere a minore precio cbe se vendirà a li altri. 

« Item , li predicti fratelli promittino e bano promisso far iavorare li soy 
torculi tre cum li altri quattro torculi de la compagnia in una casa e loco 
medesimo, e non in altro. « 

« Item, promettino e hano promisso che tutti ii denari quali spendirano 
in li torculi e lettere , e li altri instrumenti necessarii a stampire starannp 
morti fino ai fine de anni tre proximè futuri, fino al quale tempo dura- 
ranno li presenti capitidi e pacti; et tune , cioë quando sera lo fine de tre 
anni, sono contenti la^sare ad Antonio predicto tutti li torculi e lettere 
quali se trovaranno havere, per quello precio che ail' ora seranno esti- 
mato valere per persona da hene e perita de Y arte. 

« Item , li dicti fratelli promettino e hanno promesse non fare precio 
aicuno e libri stampiti né qùelli vendere, nisi prius ne habiano facto no- 
titia alli dicti compagni. 

«Item, li prefati quattro compagni promettino e hanno promesso afli 
dicti doi fratelli che non lavoraranno cum li quattro torculi ne con akri » 
ne daranno ajnto, soccorso, favore ni consilio ad aicuna aitra persona» 
per far iavorare aicuna opéra in le tre dicte facultà, cioè in jure civili , in 



224 DE UORIGINE DE L^IMPRIMERIE. 

presses de plus, uniquement consacrées aux ouvrages de 
droit civil et canonique et de médecine, en payant, bien 
entendu, tous les firais de construction, d'installation et 
de main-d'œuvre, et de plus la moitié du loyer de la 
maison où serait Tatelier commun. 

En outre , les deux firères s'engagent à donner aux as- 
sociés le quart du bénéfice net qu'ils feraient sur la vente 
des livres exécutés par leurs trois presses , et à payer im- 
médiatement ^5 ducats. 

Ils s'engagent encore à donner à chacun des quatre as- 
sociés un exemplaire de chaque livre imprimé, lequel, 
toutefois, ne devra pas être vendu au-dessous des prix 
fixés pour l'édition , prix qui sera signifié auxdits associés. 

Ils s'engagent enfin- à laisser dans l'association , et sans 
intérêt , jusqu'à la fin des trois années que devait durer 
cette dernière, tout l'argent qu'ils auront avancé pour 
l'exécution des travaux; ils consentent aussi à laisser à 
cette époque à Zarot, moyennant un prix fixé à dire d'ex- 

jure canonieo et in medicina, senxa licentia expressa e consentimento de 
dicti firatelli. 

c Item, tutti li predicti compagni insieme pron^ttino Y tino a 1* altro, e 
Tallro a Tuno, favorine et ajutane <{aanto sera possibile e honesto; e 
voleno che li presenti capituli e pacti durano tanto fino ad anni tre 
proiimè futuri, ii qiudi finiti, intendano la compagnia essere finita» 

«Item, che jurano de observare, et quando se ritrovasse che facesseno 
iavorare in dicte tre facuitate, in raxone civile, canoniche e medicine, 
che cadeno in pena de perjurio, et de perditta de tutte le opère se faranno 
in dicta facuitate, per loro et etiam de ducati ducento per xaschaduno 
contrafarà; ii quali siano applicati a dicti fratelli da Borgo , seu de Brugniis, 
dicti de Castilliono. ...» 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE II. 225 

perts , tous les instruments , presses , caractères , etc. qu'ils 
auraient fait faire pour leur usage. 

De leur côté, les associés s'engagent, envers les deux 
frères Pierre -Antoine et Nicolas, à ne faire travailler 
leurs quatre presses, non plus que les trois autres desdits 
frères, à aucun ouvrage de droit ou de médecine, sans 
leur agrément, et cela sous peine de aoo ducats pour 
chaque contravention. 

On voit sur quel pied respectable se présente , dès le 
début, rimprimerie de Milan, puisque latelier de Zarot 
devait avoir jusqu'à sept presses roulantes en i Aya , et il 
n était pas seul alors. 

J'ignore quel ouvrage 4'association de Zarot mit au 
jour; mais à partir de i A72 le nom de cet imprimeur 
parait sur beaucoup de livres. Le premier qui nous ofire 
cette particularité est, comme nous lavons dit déjà, un 
Virgile daté du 1" décembre 147a. Ce livre, que Pan- 
zer^ a eu le tort de confondre av^c un autre sans date 
de jour, sans nom de lieu ni d'imprimeur, mais avec les 
initiales B. H. est fort rare. On n'en connaît que deux 
exemplaires, un sur vélin et un sur papier^. Il se ter- 
mine par la souscription suivante: aMediolani, anno a 
(tNatali christiano milesimo quadringentesimo septua- 
« gesimo secundo , kalendis Decembribus, P. Virgilii Ma- 

* Ànn, typogr. t. II, p. i3, n** 9. 

' Van Praet, Cotai, in-foi. p. 363. Les initiales de Tautre édition (B. H.) 
sont peut-être celles de Benignus de Honate, qui exerçait alors la profes- 
sion d*éditeur à Milan. 

II. i5 



226 DE L'ORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

« ronis Partheniae opéra omnia diligenter emendata , diii- 
(tgenter impressa ab Antonio Zarotbo Parmensi, qui 
«quidem artifex egregius propediem multo majora de 
« se poUicetur. » 

Je riens de dire que Zarot n'était pas seul imprimeur 
à Milan en i & 7 2 . En effet , tout porte à croire que Chris- 
tophe Valdarfer, dont les dernières impressions connues 
de Venise sont datées de 1Â71 ^ vint s'établir à Milan 
dans le cours de 1/172. Il y était du moins en ik'ji- 
Peut-être même est-ce lui qui imprima , vers cette époque, 
pour Philippe de Lavagna, le liyre dont parie Santander, 
et dans la souscription duquel Lavagna revendique posi- 
tivement l'honneur d'avoir introduit l'imprimerie à Milan. 
Ce livre est le recueil des Œuvres d'Âvicènes , en deux 
volumes in-folio, et en caractères gothiques de quatorze 
points. Il commence ainsi : n Liber canonis primus quem 
«princeps Âboaii Abiusceni de medecina edidit, trans- 
ie latus a magistro Gerardo Cremonensi in Toleto ab ara- 
a bico in latinum. » On lit à la fin de la seconde partie : 
«Mediolani, die xii Februarii ikji^t per magistrum Fi- 

^ Quelques biUiographes (et entre autres Panier, t IV, p. 7, n* s8) lui 
attribuent une édition des Épitres de Léonard Bruni, surnommé Âre- 
tinus, de 1473 , in-4*, sans nom d'imprimeur ni de lieu; mais c'est cer- 
tainement une erreur. Les caractères de ce livre sont plus gros que 
ceui de Valdarfer : ils ont près de i4 points, et ceux de Valdarfer n'en 
ont que i3. 

* Peut-être faut -il lire ih^jh, nouveau style. Alors cette impression 
appartiendrait nécessairement à Valdarfer. Mais je dois fkire remarquer 
qu'elle est en caractère gothique. 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE II. 227 

« lippum de Lavagnia , hujus artis stampandi in hac urbe 
« primum latorem atque inventorem ^ » 

Ce qu'il y a de certain, cest que, ie 8 octobre i AyS, 
Philippe de Lavagna et Colla Montanus, qui figure déjà 
dans le traité laÂt avec Zarot, conclurent un accord avec 
Chriât0[^e Valdarfer, par lequel ce dernier s engagea à 
faire rouler deux presses à leurs frais. 

Les deux associés prennent rengagement d'entretenir 
continuellement les presses de Valdarfer, qui, de son 
côté, s'engage à établir chaque quinternion de dix feuil> 
lets ou vingt pages des ouvrages que lui remettront ceux- 
ci pour le prix de- 2 4 impériaux. 

Ce prix, bien entendu, ne s applique qu'à la compo- 
sition, car tous les autres frais sont payés par les éditeurs, 
et Valdarfer a même sa part sur les bénéfices généraux 
de l'association , tQus frais payés. On a soin de spécifier 
que les pages blanches ne lui seront pas payées, ce qui 
indique bien qu'il ne s'agit ici que de la composition. 

^ C'est au même titre que Pierre Adam de MickaeUs, d*une illustre fa- 
mille de Mantoue , se donne , dans la souscription du Decameron de Boccace 
imprimé dans cette ville en 1 472 , le titre de premier imprimeur de Man- 
tQue : limprimendi auctor», ce qu'il répète en d'autres termes dans la 
souscn^tion du Tractatuf malejiciorum de la même année : 

Petr»» Âdjun Maatiu opiu hoc imprawit in iurb« : 
Illic nuHui eo acripaerai ère priua. 

En réalité, les premiers imprimeurs de Mantoue furent deux Allemands, 
Georges et Paul , qui imprimèrent dans cette ville en leur nom propre 
dès 1À72. Le second exerça jusqu'en i48i* 11 prenait alors le ncmi de 
Paul-Jean de Putzbach ou mieux Butxbach , petite ville près de Majence. 
Sans doute ces artistes avaient été appelés à Mantoue par Pierre Adam. 

i5. 



228 DE LORIGINE DE ^IMPRIMERIE. 

Au reste, comme ce document est fort court et en 
latin Je nliésite pas à en donner ici la partie essentielle. 

Pacïta et cooTentiones inter Philippom Lavagnia, filium qaon- 
dam êaaâm Jaoobî Porte Horientalis paretie Sandi Raj^dîs 
Mediolam, et Colam Montanmii, fiHiim qa<Nidam domiiii Mi- 
diadîs Porte VerodKiuB paiedae Sandi Vicloiîs ad teatmm, ex 
ana parte , et Quîstophomm llieatoiiiGam Ratîsponensem , fiKiun 
qiaondam domini Valdofiri, ex alia parte, ad in^rimendam sÎTe 
stampandum in civitate Mediolani libros et quascumque scripturas , 
ex litteris antiquis talibos vel quasi tatibus quales sunt illae lit- 
terae quas deposuenint apud me notaiimn instramenti inter dictas 
partes de dictis pactis confectorem, in nna pagina scfipta^ in pa- 
pyro subscripta ponta in qoatemo'. 

Primum dictas Ghristophonis est obligatos, diiigmter labo- 
rando per se, vel per alimn ejus nomine, et nullmn tempus per- 
dendo , imprimere sive stampare cum duobus torcularibus libros 
et scripturas quas dicti Philippus et Cola volent, et non aliter, 
emendando omnia secundum exempta sibi data et secundum con- 
siliam ccurrectoris. 

Item dicti Philippus et Cola debent fiicere omnes expensas ne- 
cessarîas ad imprimendum sive stampandum cum duobus torcu- 
laribus cum tali diligentia, quod magister Christophonis non co- 
gatur ammittere tempus. 

Item finitîs singulis libris sive scripturis, dicti Philippus et Cola 
debent acdpere tôt de dictis libris vel scripturis quot sufiBdant 
pro satisfactione suarum expensarum, ad computom impérial, vi- 
ginti quatuor pro unoquoque quintemo , et intdligîtur quintemus 
decem foliorum scriptorum, nam folia aut partes foliorum non 
scripts non debent computari. 

^ Le rédacteur de cet acte parait avoir ignoré encore le terme technique. 
' Ce spécimen est en effet joint à la pièce originale ; c'est le beau ca- 
ractère romain dont se servait Valdarfer. 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE IL 229 

Item finîtis operibus yel scripturis, et deductis expensis, illa 
quae restabunt debent dividi in partes très œcjuales, (piarum una 
sit dicti Christophori, una Philippi, una Cols, et dicti Philippus 
et Cola debent emere partem Christophori , et Christophorus débet 
eis vendere ad computum impérial, viginti quatuor pro singulis 
qointemis , et non possit vendere diis. 

Item Philippus et Cola debent solvere Christoj^oro pro sua 
tertia parte mediam suam in fine quindecim dierum a die qua 
finiti sunt libri, et reliquam mediam in fine duorum mensium 
finitîs operibus. 

Item de quacumque forma debent extrahi volumina viginti quin- 
que, qus sint Philippi et Colœ, sine ulla mentione alicujus rei 
liberae et immun», tamquam si essent donata. 

Item Christophorus in fine societatis débet solvere pro expensis 
litterarum et torcularium, et habere sibi litter^s omnes quas fe- 
cerit de métallo et torcularia, et hoc sit in ejus electione si vo- 
luerit habere vel non. 

Item dicta societas débet durare menses sex, incipiendo ab illa 
die in qua cœptum fiierit imprimi vel stampari. 

Item non potest dictus Christophorus toto tempore sex vaen- 
sium stampare vel imprimere de litteris antiquis in sodetate ali- 
cujus alterius Mediolani. 

Suivent les formules. Christophe donne pour garant 
at condébiteur, «magister Gianes Bartoidus de Frihur, 
« fiiius quondam domini Zilii Portae Horientaiis paretiae 
(( Sancti Simpliciani Mediolani , » et pour témoin « un 
ftutre Allemand appelé Léonard de Pegiel, quon croît 
être le même que Léonard Pachel , imprimeur à Milan 
vers i48o, ou peut-être Léonard Pffiegel, imprimeur à 

Rome en idya- 

A la suite de lacté est attaché un spécimen du carac- 



230 DE L'ORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

tère de Christophe Valdarfer. C*est le beau romain dont 
a se servait à Venise , comme nous l'apprend Gaetano 
Marini^ qui a le premier publié ce document d'après 
loriginal^. Voici en eflFet ce qu'il écrit à propos de ce 
spécimen : « Ali' istrumento è unita questa pagina stam- 
upata con ottime lettere romane^ data per saggio de' ca- 
« ratteri con i quali il Valdarfer si obbliga di stampare'. » 

Quels livres cette association mit-elle au jour? Je l'i- 
gnore. Je n'en vois mentionné dans Panzer qu'un seul 
qui, par sa date, puisse lui appartenir, mais il porte le 
nom de l'imprimeur. G'eat un saint Âmbroise [De affieiis 
libri très) , « impressus Mediolani per Ghirstophorum [sic) 
«Valdarfer Ratisponensem , m. cccc. LXxnn, die vn Ja- 
« nuarii. » In-folio en beau caractère romain de treize 
points. 

Gependant Philippe de Lavagna publia deux ouvrages 
en son nom en i /iy 4 , mais postérieurement aux six mois 
que devait durer son traité avec Valdarfer. G es ouvrages 
sont: 

i" P. Virgilii Maronis opéra. Grand in-quarto (et non 
in-folio comme le disent quelques bibliographes). Milan, 
i& juin 1&7&. 

a"" ApolUnaris Offredi Cremonensis in Uhrtan Aristotelis 
de anima comfnentarias. In-folio , Milan , 1 3 octobre 1/176. 

* Degli archiiUn ponùfici (2 vol. in-4*« Rome, 17S4) t. II, p. 21 3. 
^ Ihid, t. II, p. 309. Ce document a été publié aussi, d'après Gaetano 
Marini, dans le livre de Sardini, Esame, etc. III , 88. 
'* Degli archiatri pontijici^ t. II, p. 31 3. 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE IL 231 

Je ne puis rien dire du dernier, que je nai pas vu; 
mais q[uant au premier, il est imprimé avec les caractères 
dont Valdarfer s était servi déjà dans son saint Âmhroise. 
Lavagna mit encore soa nom à un autre Uvre imprimé 
Tannée suivante avec le même caractère. Ce livre est in- 
titulé : «Âugustini Dati Senensis isagogicus libellus in 
« eloquentiae praecepta ad Ândream Christophori filium ; » 
in-quarto de 4o feuillets, terminé par cette souscription : 
((Mediolani impressum per magistrum Philippvun de 
« Lavagna, i AyS , die 18 Martii. » Tout cda prouve bien 
quai n avait pas d'imprimerie à lui, du moins jà cette 
•époque. J*ignore si plus tard il s en procura une. 

Valdarfer imprima aussi etn 1674 et i&yS plusieurs 
ouvrages en son nom. Je citerai entre autres PauU Veneti 
summulœ, in-quarto exécuté avec un petit caractère go- 
thique qui n a pas plus de dix points. L*ouvrage , terminé 
le 1 A décembre lU^ky a été surveillé par Bonitas Mom- 
britius , qui a mis quelques vers à la fin du volume. Vers 
la fm de i^yS, cest-à-dire après le tenne des trois 
années que devait durer le traité conclu par Zarot avec 
Pierre-Antoine de Bui^o, on voit Valdarfer imprimer 
également pour ce dernier, qui joue un grand rôle dans 
lliistoire typographique de Milan. 

Quant à Zarot, il continua d'imprimer à son nom jus- 
qu en 1 5o& , date probable de sa mort. S'il ne fut pas le 
premier imprimeur de Milan , il en fut du moins le plus 
célèbre. Nous avons vu qu'il s'était engagé envers ses 
associés à avoir des caractères gothiques et grecs dans 



232 DE rORIGINE DE L*IMPRIIfERIE. 

son imprimerie , outre les caractères romains qui lui ser- 
vaient alors. D se procura en effet du gothique , et l'em- 
ploya particulièrement dans une traduction latine des 
fables d'Ésope, publiée par lui en làyU^; mais il ne pa- 
rait pas avoir eu du grec, du moins dans le commence- 
ment de son association, car il a laissé en blanc les mots 
de cette langue qui se trouvaient dans un livre publié 
par lui le 25 octobre làji^ sous le titre : OmnAani Léo- 
nicensis de versa heroico liber, in-quarto. Le premier im- 
primeur de Milan, et Ion peut dire du monde, qui ait 
exécuté des livres entiers en caractères grecs , est Denis 
Paravisinus, ainsi nommé d'un bouiig voisin de Milan 
{Paravisinam) , où il était né sans doute. 

Denis Paravisinus, précédemment imprimeur à Gôme, 
imprima à Milan , en 1 676 , la Grammaire grecque de Las- 
caris , en un volume in-quarto. Ce livre fut achevé le 
3o janvier, de sorte qu'on peut sans scrupule fixer l'éta- 
blissement de l'imprimerie grecque dans cette ville en 
1 67 5^. Lltalie était alors pleine de proscrits grecs, que 
la prise de Gonstantinople et les autres victoires des Turcs 
avaient forcés de quitter leur pays. Parmi eux était Deme- 
trius Gretensis, éditeur de la Grammaire publiée par 
Paravisinus. 

* La Bibliothèque nationale possède au moins deux exemplaires de ce 
livre, qui est assez rare. Le caractère gothique avec lequel il est imprimé 
a environ i4 points typographiques. 

* C'est aussi dans les environs de Milan , à Soncino , dans le Grëmonais , 
que, moins^de dix ans après, furent imprimés les premiers livres juifs. (Voy. 
Rossi, de Hehr. typ, oiig. in-4*.) 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE IL 233 

Panni les premiers typographes de Milan, je crois de- 
voir signaler encore Timprimeur d'une curiosité biblio- 
graphique, qui prouve Tintérêt que portait alors TÉglise 
à la nouvelle invention. Ce livret est intitulé : « Libellus 
u Rogationum Triduanarum (quœ Ambrosiano antiquis- 
(c simo ritu circumdata per urbem [Mediol.] solemni sup- 
« plicatione quot annis celebrantur.) » 

Une épitre placée en tête et adressée à Etienne Nar- 
dinus, archevêque de Milan et cardinal, prouve que le 
livre fut imprimé après lÂyS, époque où Nardinus ob- 
tint le cardinalat, et par un prêtre du même diocèse. Ce 
prêtre, Archangelus Ungardus seu de Undegardis, était 
membre d une famille noble qui a laissé son nom à une 
des rues de Milan, appelée aujourd'hui par corruption 
degV Andegari. Voici quelques passages de son épttre: 
«Jamdiu, révérende pater, ex quo me huic imprimen- 
adorum librorum arti addixi, qua nihil Christus Do^ 
44 minus lioster studiis liberalium artium conducibilius 
« monstravit in terris , mecum ipse considero quo potb- 
«simum praeside huic novellœ arti principium darem, 
u cujus auspiciis féliciter incœptam , féliciter etiam in relî- 

(( quum tcmpus exequi possem Existimavi cum tibi 

a gratissimum , tirni publicse utilitate non incommodum 
«fore, si eum libellum, qui officium illud litaniarum 
«contineret, meo labore meisque sumptibus imprimen- 
<( dum curarem. Atque eo magis quod ego sacerdos , quam- 
« vis indignissimus , nihil magis et officio meo et profes- 
«sioni conveniens reperiebam, quod concivibus meis 



25(1 DE L'ORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

<( Teiut primitias operationum meanim offeirem. . . quod 
« opus cum viderem yix in paucorum manilms esse, quippe 
a in negligentiam cadente fidelium devotione , ac mullo* 
«mm charitate refirigerata, statui, nulla magis alia re 
« fretus quam divina dementia tuseque reverenliœ auxi- 

« lio per hanc artem quam Chrbtus Dominus 

« oœlitus dimisit in taras , tantam honim librorum co- 
(( piam imprimere , quanta Mediolanensî populo. . . pluri- 
(( mis seculis suffectura videatur. » On voit, par ce passage , 
avec quelle admiration Tart typographique était accueilli 
dans toutes les classes de citoyens. 

Mais le fait qui frappe le plus dans les débuts de lim- 
primeiie à Milan , c*est le grand nombre de savants qui 
se mirent à la disposition des imprimeurs de cette vifle , 
soit comme patrons , bailleurs de fonds ou correcteurs. 
Nous en avons déjà cité quelques-uns ; mais on en pour- 
rait nommer plus de vingt. Cette circonstance a jeté une 
certaine obscurité sur les premiers temps de Timprimerie 
milanaise, parce que ces savants ont souvent mis leurs 
noms aux livres publiés par eux, et qu'on les a pris pour 
des imprimeurs. Mais cette confusion est facile à édanrcir 
à l*aide de Tbistoire locale. 

S 6. Bologne. 

Une erreur qui sest glissée dans la Cosmographia Pto- 
hmœi, imprimée à Bologne par Dominique de Lapis, 
a porté quelques savants à croire que Timprimerie avait 
été établie dans cette ville avant 1I162; mais on sait au- 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE II. 235 

jourd'kiii parfaitement i quoi s'en tenir. Ce nest pas 1 46 a 
(m. gcgg. lxii.), mais bien i &8a (m. cccg. Lxxxn), et peut- 
être même i&ga, qu*ii £3iut lire. En effet, le prunier 
ouvrage imprimé avec date par Dominique est de i ^76. 
D'ailleurs, dans la préface de cette édition de Ptolémée, 
il est dit que Philippe Beroalde a mis la dernière main à 
ce livre après avoir compulsé tous les anciens géographes : 

« extremam emendationis manum imposuit Philip* 

M pus Beroddus , qui IHinii , Strabonis reliquorumque id 
(( genus scriptorum geographiam eum Ptolomœo confe- 
«>rens, ut esset quam emendatissimus, etc. n Qr Beroalde 
n'avait que neuf ans en 1A62, sinvant les récits de ses 
biographes. On peut ajouter à cela que l'édition en ques- 
tion porte des signatures^ et que l'usage des signatures 
n'a commencé qu'en .1 47^ ^ 

On connaît une autre édition de cette ville, avec er- 
reur de date, c'est l'ouvrage intitulé Pétri Brixiensis fie- 
pertoriam utriasque juris , k i^ fin duquel on lit, dans le 
seul exemplaire connu, qui fait partie de la bibliothèque 
de l'église cathédrale de Bergame : « Bononie bac mira 
a arte impressum anno Domini m. cccg. lxv , die viii No- 
«vembris. » D'après Panzer^, il faut lire 1476 (lxxv) au 
lieu de i465. 

^ On appelle signatures des lettres ou chiffres placés au bas de certaines 
pages de chaque feniUe, et paûrticulièrement sur la première, pour indi- 
<{uer au relieur Tordre de ces feuilles. La disposition des signatures a été 
bien simplifiée de nos jours, grâce à la pagination, qui la rend presque 
inutile, mais qui n était pas encore en usage en 1472* 

^ Ami. typ, t. IV, p. 243. Suivant le renseignement qu'à reçu Panser du 



236 DE L ORIGINE DE ^IMPRIMERIE. 

Baithazar Âzzoguidi ou de Azzoguiià, bourgeois de 
Bologne, est le premier qui ait établi une imprimerie 
dans cette ville , soit par lui-même , soit avec f aide d'un 
artiste dont le nom ne nous est pas connu. C'est peut- 
être André Portilia, de Parme, qui imprimait à Bologne 
en son nom propre en 1 473, «t qui retourna cette année 
même dans sa ville natale. 

Quoi qu'il en soit, le premier livre daté de Bologne 
est la première édition des œuvres complètes d'Ovide, 
car les imprimeurs de Bome (Sweinbeim et Pannartz) 
n'en avaient publié qu'une partie. Ce livre forme un gros 
volume in-folio en caractères romains. On trouve au conb 
mencement trois feuillets qui renferment une épître dé- 
dicatoire de François Puteolanus au cardinal de M antoue, 
François Gonzague, et la vie d'Ovide rédigée par le même 
Puteolanus, et suivie de cette souscription : a Hujus opéra 
u omnia, Medea excepta et Triumpho C^esaris et libelle 
« illo pontica lingua composite, qu« incuria temporum 
«perierunt, Balthasar Azoguidus, civis Bononiensis, ho- 
<( nestissimo loco natus, primns in sm civUate artis impressth 
(( riœ inventor et summa necessitate miki conjunctissimus, 
n ad utilitatem humani generb impressit. m. cgcc. lxxi. » 

On voit par le titre d'inventor, que Puteolanus donne 
à Baithazar, que ce mot n'avait pas le sens absolu que 
nous lui attribuons aujourd'hui. Il signifie seulement 

bibliothécaire même de Tëglise de Bergame, la date do Repertorium a été 
fal8ifiée;au contraire, d'après ceux qu*a reçus Sardini (ouvrage cité , I, io3), 
elle est intacte. En tout cas elle est inexacte. 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE IL 237 

que Balthazar fut le premier qui introduisit Tart dans 
Bologne. 

Au reste, Balthazar (ut bientôt imite par Vautres ci- 
toyens de Bologne et par des étrangers , et cette ville ac- 
quit au XY* siècle une grande importance typographique. 

S 7. Florence. 

La patrie de Maso Finiguerra ne reçut qu'assez tard 
la typographie. Lart y fut pratiqué pour la première 
fois en 1471 par Bernard Gennini, habile orfèvre de 
cette ville. Bernard Gennini était né le a décembre 1 & 1 5, 
de « Bartholommeo di Genni del Fora, beccajo di pro- 
« fessione ^ » Son père Barthélémy étant mort en 1 43o , 
Bernard, qui n avait alors que quinze ans, fut forcé d'en- 
treprendre divers métiers pour vivre , jusqu'au moment 
où il adopta définitivement celui d'orfèvre , dans lequel 
il s'acquit une certaine r^utation. 

Vers 1 644 , il épousa a Angiola d'Antonio di Piero del 
Rosso, » de laquelle il eut quatre fils : Pierre , né en 1 445 ; 
Dominique, en 1 452; Barthélémy, en 1 453, et Gio-Fran- 
cisco, en i458. Le second et le quatrième suivirent la 
profession paternelle; le premier et le troisième adop- 
tèrent une autre carrière , ils jouirent du titre honorable 
de notaires de la république dans les années i473 et 
1 487, et se distinguèrent dans les lettres^. 

^ Voyez Fantozzi (Federigo), NoHzie hiograficke di Bernardo Cennuii, 
Firenze, 1839,111-8". 

' Cambi, DeUzie degli eraditi Toseani 



238 DE L'ORIGINE DE ^IMPRIMERIE. 

fin 1 45 1 , Bernard Gennini travaillait aux ornements 
qui accompagnent les fameuses portes de San-Giovani de 
Florence, auxqueHes Lorenzo Ghiberti a consacré qua- 
rante ans de sa vie. Lorsque l'imprimerie se fut répan^ 
due en Italie, enthousiasmé conmie tout le monde de^ 
résultats admirables de cette invention, il résolut den 
faire jouir sa patrie. Aidé de ses deux fils aînés, Pierre et 
Dominique, il la réalisa de lui-même, sans le secours 
d aucun typographe. Mais il ne parait pas en avoir tiré 
grand profit, car on ne connaît de lui qu*un seul ou- 
vrage ^ C'est un commentaire de Servius sur Vii^e, en 
un volume in-folio imprimé avec des caractères romains. 

On lit à la fin des Bocob'f 0^5 cette souscription : 

AD LECTOBEM. FlorentlsB. VII. idus Novembres* m. cccc. lxxi. — 
BemardusCennnîus (51c), aurifex omnium judicio prsstantissimus , 
et Dominicus ejus F.(filius], egregiœ indolis adolescens, expressis 
ante calibe caracteribus, ac deinde fusis lîteris, volumen hoc pri- 

* Meerman (Orig, typogr, t 1, p. 95, note) attribue sans fondement 
aux mêmes artistes une édition du Dœtrinde de Viiiedieu, sans date, sans 
nom d'imprimeur ni de lieu. ( Voyez Panzer, Ann, typogr, 1. 1 , p. 43o.) On 
attribue encore aux Cennini père et fils une Vie de sainte Catherine por- 
tant la même souscription que le Servius; mais Texistence de cette édi* 
tion est fort problématique, sinon tout à fait apocryphe. M. Brunet (Manuel, 
k* édit. t. II j p. 374] leur attribue aussi un petit ouvrage sur la peste, 
de Marsiie Ficin; mais je crois que c'est à tort. En tout cas , la traduction 
itdienne de ce livre, faite selon M. Brunet par Jean de Mayence, qu'il 
appelle simplement Alemanus, a été imprimée dans Tatelier de Ripoli, dont 
nous parlerons dans un instant. 

' Le 7 novembre. Il y avait déjà, comme nous l'avons vu, un atelier à 
Colle, à quelques lieues de Florence, et dans le même Etat* 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE IL 2S9 

mum im[Me88enuit. PetrasCemimus.Benittrdi qi]sdemF.(fiiiii»), 
quanta potuit cura et diligentia emendavit; ut cemis» FlorentiniB 
ingeniis nil ardui e5i\ 

L opération de la gravure des poinçons sur ader et 
de la fonte des caractères est ici clairement exprimée. 

A la fin des Géorgiques se trouve une souscription à. 
peu près semblable, sauf la date, qui est ici « v idus Ja- 
« nuarii Lxxi, » c'est-à-dire 9 janvier 1 Aya, nouveau style, 
car f année ne commençait à Florence que le 3 5 mars^ 

Le volume est terminé par cette souscription : « Abso- 
a lutum opus nonis Octobribus (7 octobre) m. cgcc. Lxxn. n 

On voit par là que ces trois artistes mirent près d*un 
an à imprimef leur livre. On peut induire des termes 
de la souscription que chacun d eux eut une besogne à 
part dans Tœuvre commune : Bernard , le père, en sa qua- 
lité d orfèvre, grava et fondit les caractères; Dominique, 
son fils cadet, fiit l'imprimeur, et Pierre, Tainé, le cor- 
recteur. 

Une note placée à la fin du livre nous apprend que la 
difficulté d'imprimer le grec, surtout à cause des accents, 
a forcé de laisser en blanc les mots de cette langue qui s'y 
trouvent : a Petrus, ejusdem Bemardi F.(filius), emendavit, 

* Dans Texempiaire de ia Bibliothèque nationale de Paris , qui est fort 
incomplet (Y. 8 id* A], on a gratté et fait disparaître, j'ignore pour quel 
motif, k dernière ligne de cette souscription, ut cemu, etc. Cestpeut> 
être un tour de fripon , comme on en voit tant, destiné à faire passer cette 
édition pour une autre. 

' Le 8 des cdendes d*avril. Voyez Fossi (ouvrage cité p. a&&, note i), 
t. III, préface, p. vi. 



240 DE LORIGINE DE ^IMPRIMERIE. 

u cum antiquissimis autem multis exemplaribus contuiit. 
(( In primisque illi curae fuit , ne quid alienum Servio ad- 
« scriberetur, neu quid recideretur, aut deesset, quod Ho- 
a norati esse pervetusta exemplaria demonstrarent. Quo- 
« niam vero plerosque juvat manu propria suocpie more 
« grœca interponere, eaque in antiquis codicibus perpauca 
n sunt, etaccentusquidem difficiiiime imprimendo notari 
« possunt, relinquendum ad id spatia duxit Sedcum apud 
«homines perfectum nihil sit, satis videri cuique debe- 
«bit, si hi libri (quod vehementer optamus) prœ aiiis 
u emendati reperientur. » 

Gomme je lai dit, on ne connaît aucune autre impres- 
sion des Gennini; sans doute qu*ils cessèrent de pratiquer 
la typographie ; ils reculèrent probaUement devant la 
concurrence que vinrent leur faire , dans leur propre ville, 
les artbtes allemands. Ge qu'il y a de certain , c est quon 
voit Bernard Gennini continuer sa profession d orfèvre 
jusqu'à la fin du siède ^, et son fils Pierre exercer à la 
même époque celle de notaire ^. 

Parmi les artistes étrangers qui vinrent se fixer de 
bonne heure à Florence , nous devons citer Giovani Te- 
desco, en latin : « Johannes Pétri de Moguntia, » en fran- 
çais : «Jean, fils de Pierre, de Mayence», que quelques 
auteurs ont eu la singulier eidée de vouloir faire passer 
pour le fils de Pierre Schoiffer. Jean publia , le 1 2 no- 

^ Voyez Touvrage de Fantozzi , cité plus haut. 

' Notizie storiche sopra la stamperia di RipoU, etc. (in-8^ Florence, 1781), 
p. 59. 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE II. 241 

vembre i Àya, un ouvrage de Boccace intitule jR Pfcilocolo, 
à la fin duquel on lit cette souscription : a Magister Jo- 
«vannes Pétri de Moguntia scripsit hoc opus Florentie, 
a die \n. Novembris m. cogc. lxxiu » 

Gomme on ne connatl pas dautre livre souscrit du 
iiom de cet imprimeur jusqu*en lAgo, quelques biblid^ 
graphes croient qu*il y a erreur dans la souscription du 
Philocolo, et Panzer propose de lire 1 492 ; d autres pen*- 
aentque la date rappelée ici se rapporte à une copie mor 
nuscrUe du livre faite par Jean ; mais ces deux hypothèses 
sont erronées. D*abord ce livre n a pas de signatures ^ ce 
qui prouve qu'il est antérieur à 1 â8o, et, en second lieu^ 
^ous allons voir bientôt que Jean de Mayence vendit 
des matrices de caractères à d autres imprimeurs de Flo- 
rence en 1 676 « ce qui prouve qu'il y exerçait réettement,. 
non paslacalligrajdûe, mais la typographie. Si ion ne con- 
naît rien de lui jusqu'en 1 490 , c est probablement qu'il 
a imprimé au nom de quelque autre, ou que les livres 
qu'il a publiés en son nom sont perdus, ce qui n'a rien 
d'extraordinaire. Au reste, on a de Jean de Mayence un 
autre livre antérieur à 1 48o. Il n'est pas daté, il est vrai> 
mais comme il n'a pas de signatures non plus que le 
Phâocolo, on est assuré qu'il est du même temps à peu 
près. Il est imprimé avec le même caractère que ce der^ 
nier, et porte comme lui le mot scripsit au lieu de celui 
d'impressit dans la souscription. Le livre dont je veux par- 
ler est une édition des Triomfi de Pétrarque , in-quarto , 
à la fin de laquelle on lit : « Magister Johannes Pétri de 
II. 16 



2A7, DE LORIGINË DE L IMPRIMEAIB. 

« Magontia scripsit hoc opus die xxii Febmarii. » L*annëe 
aëtëoini»eparmëgardc^ 

Un autre artiste aHemand vint se fixer à Florence vers 
la même époque : c est Nicolaus Laurentii Aiemannus» 
en italien : a Nicole di Lorenzo délia Magna », et en fran- 
çais : tt Nicolas, fils de Laurent , d'Allemagne. » Nicolas, qui 
était né dans le diocèse de Breslau,en Silésie, fiit certai- 
nement ^imprimeur le plus célèbre de Florence. H pu- 
Uia en 1 /i 7 7 le premier livre où fon ait vu des gravures 
en taille-douce, car le Ptolémée de Sweinheim n'avait 
pas encore paru. Ce livre est intitulé : Munie $Mto di Dio. 
Les planches ont été dessinées, dit-on, par Baccio Bai- 
dini et gravées par Alexandre ou Sandro Boticdlo, deux 
élèves de Finiguerra^. D'après Heinecke^, c'est le con- 
traire qui aurait eu lieu , car Baldini , habile graveur, ne 
savait pas dessiner» et était obligé de travailler d'après 
les dessins de Boticello. Je laisse à d'autres le sein d'é- 
daircir cette question , qui est en dehors de mon sujet. 
J'ajouterai seulement que Nicolas a publié en 1 48i une 
édition célèbre du Dante avec des gravures des mêmes 
aortistes. 

Outre ces imprimeurs étrangers, Florence avait aussi , 
vers le même temps , des imprimeurs italiens. Je citerai , 
entre autres , deux religieux de l'ordre de saint Domi- 
nique, qui avaient établi une imprimerie dans le monai^ 

' Voyei Brunet, Manml, k* édit. t. III, p. 706 , col. i. 
' Panier, Ann, typogr. 1. 1, p. 4o5. 
^ Idée générale, p. 1 4 1 . 



DEUXIEME PARTIE. —CHAPITRE IL 243 

lère de Saint-Jaoques de Bipoli , « in via délia Scala. » Le 
P. Yincemio Finesdbi a £aiit f historique de cet établisse- 
ment dans un petit volume^ qui renfenne des docu- 
ments assez curieux , empruntés au livre original des dé- 
penses de cet étaMîssement, livre qui existe encore^. Mal- 
lieureusement il n a pas pris garde à la différence qu*^ 
y avait entre lancienne manière de supputa le temps à 
Florence, au xv* siècle, et la nôtre, ce qui lui a fait oom* 
mettre de lourdes eireurs. Nous allons donner ici un ré- 
sumé des £ûts les plus intéressants , en rétablissant les 
dates d après le manuscrit or^nal et les notes de FossL 
En ikyU.ie conseil général de 1 ordre ayant ncmuné 
Dominique de Pistoia directeur du monastère de Ripoli , 
ce rdUgieux, qui avait beaucoup voyagé, et qui avait 
sans doute appris limprimerie dans Tun de ses séjours 
à Rome, à Venise ou à Milan , eut Tidée d'occuper ses loi- 
airs en exerçant l'art typo^phique dans le monastère. 
Aidé de son compagnon Pierre de Pise, il fabriqua des 
presses, des châssis et tous les autres instruments néces- 
saires. Dès fannée 1&76, les deux religieux commen- 
cèrent à imprimer; leur premier livre fut un Donat, 
dont quatre c^its exemplaires furent déposés pour la 
vente dans la boutique du libraire Dominique , le 1 4 no- 
vembre. On ne possède pas un seul fragment de ce livre. 
Ils imprimèrent ensuite plusieurs autres petits livres de 

^ Voya la note 1 àt la page ado. 

* Ce maiMscrit se trouve aujmirdl'liui dans la biUiotkèque Magiiabe- 
chienne, à Florence. 

16. 



244 DE L ORIGINE DE LIMPRIMERIE. 

prières^ qui ne se sont pas mieux conservés. Tout ce qu'on 
sait , c est qu'ils devaient être exécutés avec un petit ca- 
ractère gothique de douze points environ et fort mal gravé, 
dont ils se servirent pour d'autres livres qu'on possède. 

Au mois de mai 1 677 ^ les deux religieux s'associèrent 
avec Jean de Mayence pour l'exécution de quelques tra- 
vaux ; mais cette association dura peu de temps. Elle fut 
rompue au mois d'août, et chacun reprit ce qui lui ap- 
partenait après le partage des bénéfices. Seulement nos 
deux religieux, peu satisfaits sans doute de leur caractère 
gothique , achetèrent à leur ex-associé , au prix de 1 o flo- 
rins d'or, des matrices de caractères romains, comme le 
constate le livre des dépenses de l'imprimerie de Ripoli , 
à la date du 28 avril 1 ^77 (1 ^78 nouveau style) , « dato 
«uno ducato à Giovanni Tedesco, el quale ci vende le 
a madri délia lettera antica colle maiuscola et sue brevia- 
tt ture, per prezzo di dieci fiorini d'oro larghi'. ^ Ce carac-r 

^ Voir la liate complète des éditions de Ripoli dans la pré&ce du 
tome III de louvrage de Fossi intitulé : Catalog^s codicum sœcuh xv im- 
pressorum qai in pnhlica hibliotheca MagUahechiana Florentiœ adservantur, 
3 vol. in-fol. Florence, 1783, 1784, 1785. 

* Suivant Fosai (p. Tin), les deux religieux de Ripoli auraient été asso* 
ciés auparavant avec un typographe appelé Hippolyte, dont le contrat fut 
rompu définitivement, et après de longues contestations, par jugement 
du vicaire de Tarchevéque de Florence, le 1 1 janvier. Peut-être cet Hip- 
polyte était-il celui qui les avait initiés à i*art typographique. 

' Notizie, etc. p. %o. Cesi à tort c[ue Fineschi dit que les caractères 
achetés à Jean de Mayence étaient gothiques. Ils étaient romains, comme 
l'indique le nom d*antiques qu'on leur donne. Fossi avait déjà relevé cette 
erreur. ( Cotai, p. yii. ) 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE II. 245 

tère antique est précisément celui dont s'était déjà servi 
Jean de Mayence dans son Philocolo, comme Ta constaté 
Dibdin^ 

Parmi les livres qui furent imprimés cette année même 
è Bipoli, avec le nouveau caractère romain, nous devons 
citer le Libro da Compagnie^. 

Le 2 4 octobre les deux religieux remirent au libraire 
Zanobi, à la demande duquel ils les avaient ipiprimés, 
cent exemplaires du ConfessionaJe de saint Antoine de 
Florence, autrement dit Specchio di conscientia, et ce 
au prix convenu de 2 a sous l'un , soit 1 1 o livres pour 
le tout , non compris le papier, qui avait été fourni par 
ïéditeur. 

Le 1 1 janvier 1677 (1478 nouveau style), ils firent 
un tmité avec le libraire Bartolo pour donner plus d ex- 
tension à leur industrie, en lui assurant des ressources 
financières. L'association produisit d'abord peu de chose, 
se contentant de publier de petits livrets religieux; mais 
elle s'occupait de réunir le personnel et le matériel né-r 
cessaires poiu" de grands travaux. En efiFet, avant que 
l'année fût écoulée, l'imprimerie de Ripoli avait déjà 
mis au jour plusieurs ouvrages importants, et, entré 
autres, une Légende de sainte Catherine de Sienne, for^ 
mant un volume in-quarto , en caractères gothiques très- 
mal gravés , mais fort petits pour le temps , car ils n'ont 
pas douze points typographiques. L'ouvrage se compose 

» Bibl Spencer. yn.iZS. 
' FoMÎ, Cato/. t. III, p. VI. 



2A6 DE L'ORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

de iS8 feuillets ou 3 16 pages à deux colonnes de 
35 lignes chacune. Il ëtait vendu 10 sous broché et 
3 livres avec les initiales peintes; il se termine par la 
souscription suivante : n Explicit anno Domini mille quat- 
«tro cento settanta sette, addî ventiquattro di marzo 
(M 477 (ou 1478 nouveau style), è stata questa iegenda 
H inprontata in Firenze , al monisterrio di Sancto Jacopo 
« di Ripoh, deU ordbie de firati praedicaUm, per mano di 
«duo religiosi, frate Dominico da Pistoia e fraie Piero 
« da Pisa. » 

L activité donnée aux travaux de f imprimerie de Ri- 
poli força dy établir aussi une fonderie. Vers 1 678, les 
deux religieux chargèrent Torfévre Benvenuto (fils de 
Clément) de graver trois corps de caractères, deux an- 
tiques (romains) et un moderne (gothique). Ce travail fut 
payé 110 livres. 

Suivant un usage que nous avons vu pratiquer à Milan, 
les imprimeurs de Ripoh payaient presque toutes leurs 
dépenses avec des livres sortis de leur officine. Ainsi, 
ayant été guéri d une grave maladie par le médecin Dino 
(fils de François ) , le frère Dominique donna à ce doc- 
teur un florin d*or et plusieurs ouvrages de sa fabrique , 
la Légende de sainte Catherine de Sienne, un Quinte- 
Ciut^e, etc. 

Le frère Pierre de Pise étant mort en ikjg, Domi^ 
nique continua avec ardeur ses publications, aidé d'un 
certain Laurent de Venise (V^enetianas), qui s établit plus 
tard â son compte. 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE II. 247 

Le t6 décembre 1479, Dominiqae passa avec le lî-r 
braire Boni£aicio un marcbë pour rimpresâion de la Lo- 
gique de saint Augustin* li fut convenu qu'il recevrait 
1 livres , non compris le papier, fourni par le libraire , 
pour Timpression à deux cents exemplaires de cet ou- 
vrage , qui devait faire 2 3 ou 2 d feuillets in-octavo royal 
ou inrqawrto commun^. Cette somme devait lui être payée 
lors de la remise des deux cents exemplaires, et il ne de- 
vait pas en tirer davant^e, sous peine de perdre ses 
frais. On voit que ce n est pas d*aujourdliui seul^nent 
que les éditeurs prennent leurs précautions contre Tin- 
délicatesse des imprimeurs : le caractère particulier dotit 
Dominique était revêtu ne le mit pas à Tabri de la dé- 
fiance. Le livre était sans doute terminé le 2 a février sui- 
vant, car le libraire solda alors son compte. L'imprimeur 
avait mis deux mois pour exécuter ce livre. 

Le 1 9 octobre 1 48o Dominique passa un autre mar- 
ché avec Barthélémy Fonzio pour Timpression du livre 
de Publius Papinius Statius intitulé Silvœ^. Il s engagea 
à livrer cent exemplaires de ce livre, qui devait faire 5o 
à 60 feuiliets in-folio , avant le 8 novembre , et ce au prix 
de 4 florins dor [har^ïii), le papier fourni par l'éditeur. 

La modicité de cette somme doit sans doute être at- 
tribuée à ce que Barthélémy était attaché à l'imprimerie 

^ «Ghe sia V uno 33 o lA carte ad octavo foglk> reale cioè in forma di 
«quarto foglio comune. » (Nûdzie, etc. p. 3o.) 

' Fineschi dit à tort «pie cette édition était traduite du latin en italien 
par Barthélémy Foniio. (Voyez Panser, Ann, typogr, t. IV, p. a^.) 



248 DE UORIGINË DE ^IMPRIMERIE. 

de Dominique en qualité de correcteur. On ignore quels 
appointements il recevait à ce titre ; mais le livre des dé- 
penses de Timprimerie de Ripoii porte de temps à autre : 
u Dato a ser Bartolommeo nostro correptore fiorini uno ^ n 
En 1 A8 1 , lorfévre Banco fournit à la fonderie de Ri- 
poli cent petites lettres, trois grandes lettres ornées et 
trois vignettes sur cuivre , pour placer en tête et à la un 
des livres. Dominique fit acheter aussi du cuivre pour 
faire les matrices d'un caractère grec, qui ne fiit proba- 
blement jamais gravé, car on ne connaît pas de livre en 
langue grecque imprimé à Bipoli. Le seul ouvrage qui 
aurait pu en exiger est une édition de Platon , imprimée 
en 1 48 A; mais ce n* est qu'une traducti(Mi en latin faite par 
Marsile Ficin. Cette traduction fut lobjet dun traité de 
Dominique et Laurent de Venise (au nom duquel elle a 
été publiée , par suite de la mort du premier associé pen- 
dant rimpression) avec deux disciples de Ficin, qui, par 
reconnaissance firent imprimer le livre de leur maître , à 
leurs frais. Il &t convenu qu'il serait exécuté en petits 
caractères modernes ou gothiques, à deux colonnes de 
kS vers chacune, dans la même disposition que le Cham- 
pion^, et que le quinternion ou cahier de 5 feuilles ou 
2 G pages, tiré à mille vingt-cinq, coûterait 3 florins, non 
compris le papier, fourni par les éditeurs, suivant l'usage. 

* Notizie, eic, p. 3i. 

' Il s'agit sans doute ici d*une édition inconnue du Champion des dames 
de Martin Franc, car celle qui passe pour être ia première, et qui est 
sans date , est en gros caractères, ne donnant que 36 lignes à la page. Van 
Praet Tattribue à Guillaume Leroy, imprimeur à Lyon vers i48o. 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE II. 249 

Voici, au reste, un extrait de ce curieux document, 

qui présente en certains points de l'obscurité : 

Sia noto e manifesto a qualunque questa présente scripta le- 
gerà, corne questo di a5 dî Gennaio i483 (i&84 nouveau style)» 
il venerabile frate Domenico di S. lacopo di Ripoli, et corne 
sindacho e procurafore di detto luogo , e Lorenzo di Francescho 
di Vinezia, conducono a imprimere più Dialogi di Platone da 
Francescho di Niccolo Beriinghieri e Filippo di Bartolommeo Va- 
lori, in questo modo : cioè che detti conduttori imprimina libri 
Mzxv, cioè ioa5,in fogli comuni, e quali haranno da decti locha- 
tori Francesco Berlinghieri et Filippo Valori con lettere moderne 
piccliole , di che il Champione appresso a detti lochatori , con que^i 
spatii che da detti si daranno , cioè che per ogni colonnello sieno 
versi 48 , con quegli spatii che sono in decto principîo in buona 
fonna, e tinta in modo che rispondino al Champione posto da 
detti conduttori, per pregio di fiorini tre larghi a lir. 3 soldi xv 
per fiorino , per qualunque quintemo di decta opéra e dialoghi 
imprimessino, cioè che essendo e Dialoghi quintemi 3o, habbiano 
avère ûorini go ad ogni , et qualunque loro spesa , excepta quella 
de' fogli e quella del correptore, cioè che decti Francescho et Fi- 
lippo debbino mandare a loro spese uno che rivegha dette faccie 
una volta , o più il de quelle bisognasse , o veramente che detti 
conduttori debbino mandare una volta il di, o più a casa di Fi- 
lippo Valori , o a casa di chi e volessi le faccie , le quali debbino 
fare correggere, et non si pretenda che per decto correptore i 
conduttori habbino a spendere alcuna cosa , et la decta impressura 
debbino cominciare per tutto il di 8 di Febbraio proximo, et 
quella seguire sintanto che abbino &cti decti dialogi e quah 
daranno detti locatori, senza alcuna giusta intermissione ' . . . 

Le 1 2 février, l'impression n allant pas sans doute as- 
sez vite au gré des éditeurs , il intervint un nouveau traité 

' NotixU, etc. p. 44-^6. 



2A0 DE L'OHIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

« 

par lequel il fut ocMivenu que Laurent de Venise consa- 
crerait une autre presse au travail , moyennant que PU- 
tippe Valori payerait 4 florins au lieu de 3 pour chaque 
cahier qui y serait imprimé , le salaire de f ouvrier res- 
tant à la chaîne des imprimeurs, le papier fourni par f ë- 
diteur : u . . . che con decto strettoio faremo fare per mano 
« de garzoni terremo a salario, e lui non à a dare se non 
rttuttala carta^» 

S'agit-Jl ici d'une édition inconnue des Dùdoyaes de 
Platon , ou de fédition , en un gros volume in-folio , des 
Œuvres de ce philosophe, donnée par Laurent de Ve- 
nise? C'est ce que je ne saurais dire. B me semble toute- 
fois que le traité ne concerne pas ce dernier livre en 
entier, car, d'après les conventions, l'ouvrage imprimé 
aux frais des deux disciples de Marsile Ficin ne devait 
faire qu'une trentaine de cahiers, soit 600 pages, tandis 
que le volume des Œuvres en a plus de 1 ,000. Peut- 
être les éditeurs se décidèrent-ils à faire imprimer tout 
le livre après la conclusion de leur traité. Quoi qu'il en 
soit, ce dernier ouvrage est imprimé avec une assez belle 
gothique ronde de douze points environ , dont l'ceil est 
beaucoup plus gros que celui du caractère de la Légende 
de sainte Catherine de 1 4 7 7 . B n'a d'ailleurs que Ix 6 lignes 
à la colonne, au lieu de 48 que porte le traité. 

Le nom de Dominique ne paraît pas dans la souscrip- 
tion, où on lit seulement : «Impressum Florentiae per 
« Laurentium Venetum, » parce que le directeur deRipoli 

^ Noùxie, etc. p. 46. 



DEUXIÈME PARTIE. -^ CHAPITRE II. i&I 

était mort au mois de juillet, et que Vincenzio Brunetti, 
son successeur, ne se soucia pas de continuer une in- 
dustrie à laquelle il n'entendait rien sans doute. Le 
nombre des éditions connues de Ripoli s'élève à près de 
cent d'après le catalogue de Fossi. 

Parmi les artistes et ouvriers qu'employa Dominique, 
le P. Fineschi cite Jean TAllemand ou de Mayenee, 
Pierre Pacini, Laurent de Venise, qui s'établirent plus 
tard à leur ccMupte , Jean de Hato , Nardo Pacini , et les 
sœurs mêmes du monastère , qui fiurent occupées à la 
composition ^. 

Voici, d'après le P. Fineschi, le prix des différents 
objets employés par l'imprimerie et la fonderie de Ri- 
poli, relevés sur le registre des dépenses de cet établis- 
sement. 

Prix* dei fUfien à imprimer. 



Grand piqpîer de Bologne, 
in-fol. ordin. (la rame). 6' 8' 

Moyen papier 3 lo 

Petit papier 3 

Papier de CoBe a 6 

Papier de Pïato a lo 



Papier de Fabriano , avec 
le s^e de Y arbalète . . 3 ' 6 ' 

Idem, avec la croix a 6 

Papier de Pescia , avec le 
signe des lanettes. ... a i8 

/ibm,aveclesignedu|^iiitt. a 8 



' On voit que Temploi des femmes à la composition. n*est pas nouveau. 
Le grand nombre de personnes employées alors à la confection des livres 
i Florence n'empêchait pas les artistes calligraphes, fort nombreux dan& 
cette ville, de confectionner de magnîfiquet manoscrita: en ié8^ Aft- 
toiae Sinibddi exécuta pour Matthieu Gorvin, roi de Hongrie, un superbe 
saint Augustin, qui se trouve aujourd'hui dans la bibliothèque impériale 
ée Vienne. La même année Charles Hikuii fit un Appien du même genre. 

* Suivant Fineschi, ces valeurs pouvaient s'évaluer de son temps comme 



252 DE L* ORIGINE DE LIMPRIMERIË. 

Prix des objets divers nécessaires pour faire l'encre, la coulear 

et le vernis. 



Huile de lin (le baril). 3^io* 
Térébenthine (la livre). 4 

Poix-résine 4 

Poix noire i 8* 

Marcassite 3 

Cinabre 5 



Résine (la livre) ..... 3* 

Vernis solide 8 

Vernis liquide i a 

Noixdegalle 4 

Vitriol 4 

Laque 3 4' 



Prix des objets concernant la fonderie. 



Acier a* 8' 

Métal (fer?) ii 

Laiton 13 

Cuivre 6 8' 



Étain 8* 

Plomb 2 4* 

Fildeier 8 



S 8. Trévi, Trévise; Ferrare, Pavie, Vérone, Gènes. 

Parmi les autres villes de Tltalie qui furent pourvues 
d'imprimeries de fort bonne heure , je citerai encore Trévi,* 
où Jean Raynardi d*Eriingen a publié deux ouvrages: 
Tun daté de 1470, sans nom dlmprimeur, intitulé His- 
toria quomodo B. Franciscus petivit a Christo indulgentiam 
pro ecclesia Sanctœ Mariœ de AngeUs ; lautre , daté de 1 4 7 1 , 
intitulé Bartholi de Saxoferrato lectara, etc. à la fin du- 
quel on lit : « Impressa in Trevio per magistrum Jo- 
«hannem Raynardi Alemanum, sub correctione domini 
((Pétri Donati. .. anno Domini m. gccg. lxxi, die xxin 
« mensis Januarii. . . Pontificatus(Paulipapaesecundi)vn. » 

3 est à 7. Ainsi les 6 livres 8 sous du premier article équivalaient à 1 5 livres 
environ en 1781 à Florence. 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE II. 253 

Cest bien i A7 1 , et non 1 /17a nouveau style , car le pape 
Paul n mourut au mois de juillet 1 À7 1 . 

La Sema Santander cite aussi Vérone comme ayant 
eu une imprimerie en 1 670 ; mais M. Brunet ^ a prouvé 
que la Batracomiomachia étOmero, datée de cette ville le 
i5 janvier 1^70, ne pouvait être de cette date, ce qui 
recule l'exercice de Timprimeneà Vérone jusqu'en 1 472, 
époque où fut publié le livre intitulé Valtarius de re mi- 
litari. 

Quelques auteurs italiens attribuent l'invention de 
l'imprimerie à un de leurs concitoyens de la Marche tré- 
visane, appelé PamphiloGastaldi, jurisconsulte et poète, 
qui l'aurait pratiquée dès i456. Gastaldi aurait été volé 
par un ouvrier allemand appelé Faust, qui aurait com- 
muniqué son art à Gutenbei^^. Mais c'est là un conte 
absurde, imité de la partie hypothétique du récit de 
Junius. 

Trévise ne fut pourvue d'une imprimerie qu'en l'an- 
née 1 4 7 1 . Le premier imprimeur de cette ville fut Gé- 
rard de Listty ainsi nommé parce qu'il était né sur les 

^ Manuel, d* édit. jt. II « p. 6 a 3. 

* Voyez Giacinto Axnati, Riçerche storicthcriticO'Scientijiche sulle origini, 
scoperte, invenzioni e perfezionamenti fatd nelle Uttere, nette arti, e nette 
scienze, etc. (Milan, i83o, 5 volumes in-8"), t. V, introd. Ce tome V, in- 
titulé Tipografia del secolo XV (769 pages), est tout entier consacré à la 
nomendature des éditions du xt* siècle. Voyez aussi F. Domenico Maria 
Federici, MemorU Trevigiane sutta tipograjia del secolo xv, per servire 
alla atoria litteraria e délie belle arti d' Italia ; in Venezia, per Andreola, 
i8o5, in-4". 



N 



254 DE L ORIGINE DE ^IMPRIMERIE. 

bonis de la Lys, en Fiandre ; il est a^elé souresl ansA 
« Girardus de Flandria. »On croit que le premier produit 
de ses prêtes fut le livre intitule B. Augustini de s(date 
sive de aspiratione animm ad Deum , petit in-quarto , à la 
fin duquel on lit cette ëpigramme , due à la jdume de 
Fr. Rfaolandelius, son correcteur : 

Gloria debetur Girardo maxima Liss , 
Quem genuit campis Flandria picta suis. 

Hic Tarvisina nam primus cœpit in urbe 
Ârtifici rares aère notare libros. 

Quoque magis faveant excelsi numina régis, 
Aurëlii sacrum nuBc manuale dédit. 

Gérard publia encore trois ou quatre autres ouvrages 
la même année à Trévise : Tun est daté du 8 novembre 
{Nûvella di Lionora di Bardi, etc«); un autre, du 19 dé- 
cembre [Mercurii Trismegisti tiber de potestate et^sapisÊUia 
Dei, etc.). Il continua d exercer son art dans cette ville 
jusquen 1676, où il la quitta pour aller à Vicence^ et 
de là à Venise, à Friuli, à Udine^ 

C'est aussi en 1 47 1 que Ferrare fut pourvue de Tîm- 
primerie. Celui qui l'y introduisit est un citoyen de cette 
ville appelé André Belfort (Belfortis), Français d origine. 
Le premier livre qu'on ait de lui est un Martial, in -à", 
sans nom d'imprimeur, mais terminé par cette souscrip- 
tion : «Imprejisum Ferrarie, die secunda Juiii^ m. lxxi. » 

^ Mem»rie TrmigUne, etc. p. ^S, 

* Van der Meersch, Rtchitckes sur iameths tmotmas de ^uelftes im- 
primeurs belges, etc. (Gand, i8Â4t in-8*)> p. 16. . 



DEUXIEME PARTIE. —CHAPITRE II. 255 

Le compositeur a oublié après Tii les quatre cccc néces- 
saires à cette date. La même année, le lo octobre, An- 
dré publia un autre lîrre intitulé : Àugustini Dathi Senen- 
sis libellas de variis lo^iuendijigwris, etc. A la fin duquel ora 
Ut ces quatre vers : 

Impressi Andréas hoc opus , cui Francia nomen 

Tradidit; at dvis Ferariensis ego. 
Hercuko felix Ferraria tuta manebat 

Niuxiine, p^rfectus cum liber iste fiiit. 

On retrouve les mots eui Francia nomen du premier 
ver} de cette souscrqvtion dans une édition de GatuHe, 
sans date^, qui appartient sans doute à André Belfort, et 
non à Ulric Han (de Rome) , à qui quelques bibliographes 
Tout attribuée. André Belfort a continué à imprimer à 
Ferrare jusqu'à la fin du xv' siècle ^. 

Les bibliographes rangent aussi la ville de Pavie parmi 
celles qui ont joui de Timprimerie en i Ay i , et cela sur 
la foi d'un seul monument, un livre de médecine inti» 
tulé : « Johannis Mathaei de Ferrariis de Gradi Practice 
« prima et secunda pars, una cum textu Noni ad Almen* 
« swem do. Rosis', » à la fin duquel on lit : « Papise. m. cgcc. 
a Lxxi, die IX Octobris. nMais il est bon de noter toutefois 
qu'on ne connaît aucun autre livre imprimé dans cette 
ville avant 1/176. 

' Voyei M. Brunet, Maaei, 4' édit 1. 1, p. 589. 
* Voyez Antoneili (Giaseppe), Ricerehe bibUogr. suUe edizioni Ferrorêsi 
del stcoh XV, Fernure , 1 83o , iiihS". 

^ Tirabotchi, Satipt. MtdwL 1. 1, p. n, ool. iîoS. 



256 DE LORIGINE DE LIMPRIMERIE. 

Le premier imprimeur connu de Gênes est Matthias 
Moraviïs, d'CHmutz, qui y exerçait en société avec Mi- 
chael de Monaco en i AyÀ ;mais on a la preuve que Tim- 
primerie était établie dans cette ville dès Tannée i^yi, 
car il existe une supplique des copistes adressée au gour 
vemement en 1 47^ , et dans laquelle ils le prient de dé- 
fendre aux imprimeurs , nouvellement établis , d'imprimer 
les livres les plus usuels , tels que Bréviaires , Offices de 
la Vierge, Donats, Psautiers, etc. Est-ce Matthias Mora- 
vus qui fat l'objet de cette requête? Je l'ignore; ce qu'il 
y a de certain , c'est que cet artiste qmtta bientôt après 
Gênes pour aller s'établir à Naples , où nous allons le re- 
trouver dans un instant. 

Laire a parié de la requête des copistes de Gênes ; 
mais il lui donne à tort la date de 1 &7& ^ L'abbé Amati 
a publié une lettre à lui adressée sur ce sujet par M; Gaz- 
zera, qui est beaucoup plus précise , et dont nous croyons 
devoir donner un extrait dans sa langue originale^ : 

In Genova esiste veramente tuttora nella biblioteca privata di 
un Durazzo la suppUca o memoriale diretto alla suprema autorita 
dello stato dal corpo dei copisti, accià si cacciassero daHa città gli 
stampatori nuovamente venuti. Esso è deir anno 1472. lo n ebbi 
notizia certa da un coltissimo e cortesissimo cav. Genovese , amante 
de' buoni studj , il quale lo ebbe sotto occhio ; in esso era detto : 
« nonnulli estranei qui fabricant et imprimunt volumina diVersa- 
« rum materiarum et qualitatum. » La supplica non demandava , 
dice il cavalière, un bando o divieto générale, ma la sola esclu- 

* Laire, Index Uhrorum ah iiwenta typographia, etc. t. I, p. 3 s 6. 
^ Amati , Ricerche storico'-criticO'Sciennficke , etc. t. V, p. 'jkS , note. 



DEUXIEME PARTIE— CHAPITRE II. 257 

sione délia stampa di libri più oomuni ed andanti , corne Breviari, 
Offizi délia Madonna, Donatij Salteri, Regole» Gramatica, DoU 
trine cristiane, Epistole d'OvOio, e le Opérette di Prospéra e di 
Esopo, t quae volumina pauca sunt et pauci valons ; » e non contras- 
teranno il diritto d* imprûnere altri c innamera et infinita volumina 
quœ imprimunt et imprimere possunt. » 

On voit que les copistes ne s'opposaient pas à Texer* 
cice de Timprimerie, mais qu'ils demandaient seulement 
le privilège de confectionner les petits livres, plus appro- 
priés à leur profession. 

S 9. Naples. 

Après avoir occupé les villes principales du nord de 
ritaUe, Timprimerie se répandit dans le midi. Elle fut 
apportée à Naples par un prêtre appelé Sixtus Riessin- 
ger, de Strasbourg. Son premier livre connu fut BartoU 
de Saoooferraio lectura super codice (in-folio , 1/171, carac- 
tère romain), dont il avait composé les notes, comme il 
le dît dans la souscription. 

Quas- cernis mira Sixtus Theotonicus arte 
Parthenope impressit, composuitque notas. 

En làyS, Riessinger publia la première édition des 
Cùïistitalions du royaume de Sicile, en un volume in-folio. 
Ce livre est imprimé dans la forme des Constitations 
Clémentines de SchoiflPer, c'est- à -dire que le texte» en 
gros caractère semi-gotbique , est entouré de tous côtés 
par des notes en petit caractère d'une forme romaine. 

IT. 17 



258 DE L ORIGINE DE LIMPRIMERIE. 

Le roi Ferdinand, voulant fixer Biessinger dans ses 
états , lui offrit un ëvêché et d'autres dignités ecclésias- 
tiques; mais celui-ci les refusa par humilité, et quitta 
Naples en i ^79 » pour regagner Rome , d'où il était pro- 
bablement venu auparavant 

L'exemple de Riessinger fut suivi par beaucoup d'autres, 
et particulièrement par un de ses compatriotes, Berthold 
Rying, de Strasbourg, qui vint à Naples en 1 67 5. 

Parmi les autres imprimeurs qui se fixèrent à Naples 
de fort bonne heure, nous devons citer Arnold de 
Bruxelles, et surtout Matthias Moravus d'Olmutz, qui 
s'était établi précédemment à Gênes, et qui fut ensuite le 
plus célèbre typographe de la capitale des Deux-Siciles. 

S 10. Sicile. 

C'est aussi de Rome que vint le premier imprimeur 
de la Sicile, Henri Âlding, d'Allemagne. Il partit de cette 
ville avec ses ouvriers pour se rendre à Catane vers 1471; 
mais n'y ayant pas réussi, il vint s'établir à Messine, où 
il imprima de 1 li^i à 1 k'jS. Il paraît qu'il changea sou- 
vent de résidence, car on a aussi des impressions de lui 
datées de Naples, 1476 et 1477. Son nom ne se trouve 
plus sur aucun livre après 1678, et c'est de Messine 
qu'est datée sa dernière publication. L'imprimerie fut 
sans doute interrompue pendant plusieurs années après 
cela dans cette ville , car on ne connaît plus d'autre im- 
pression qui en soit datée jusqu'en 1497. ^^^^ année, 
André de Bruges y publia une nouvelle édition des Cons- 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE IL 250 

titations siciliennes, colligëes par Jean-Pierre Âpuly (un 
volume in-folio). C'est dans la préface de ce livre, où ïimr 
primeur ne paraît pas très-content de son sort, que nous 
apprenons les circonstances de Tarrivée de Henri Alding 

à Messine : « Jam sunt anni sex et viginti impressor 

« Henricus nomine cum operanis ab urbe Roma Gatfai- 
« nam venit, adiectiis magna spe lucri (bene natus si &ta 
<c juvissent et vota complessint) Messanam divertit . . i> 



260 DE L ORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

CHAPITRE m. 

frange'. 



$ r. Pari». 

Si nous en exceptons Strasbourg, qui faisait par lie de 
l'Allemagne au xv* siècle , et dont nous avons parlé pré* 
cédemment, Paris est la première ville de France qui ait 
reçu Timprimerie : cet honneur lui était bien dû. L*art 
typographique ne fut importé qu'assez tard dans cette 
ville; mais on nen sera pas siupris, lorsqu'on saura que 
les imprimeurs de Mayence se hâtaient, aussitôt après 
avoir publié im livre dans cette dernière ville, de venir 
le vendre eux-mêmes à Paris. Nous citerons de curieux 
exemples de cet empressement, qui constate l'importance 
du marché parisien. 

En présence de pareils faits, ce nest pas sans étonne- 
ment qu'on lit dans certains ouvrages, publiés dans ces 
derniers temps, que Paris avait été une des villes où les 
premières productions de l'imprimerie avaient eu le plus 
de difficulté à pénétrer, parce qu'il y avait un corps très- 
nombreux de scribes qui s'étaient montrés rebelles au 
nouvel art. 

Sans doute la corporation des scribes parisiens était 
nombreuse, car Paris était déjà depuis longtemps la ca- 
pitale intellectuelle du monde , et sa fabrique de livres 
était considérable ; mais c'est précisément pour cela que 



DEUXIEME PARTIE.— CHAPITRE III. 26t 

f imprimerie devait y être bien accueillie, et elle le fut en 
effet, quoi qu'en aient dit quelques chroniqueurs igno- 
rants. Le prétendu procès intenté à Fust pour la vente 
de ses Bibles de i &6ik est une fable sans fondement : je 
prouverai par des monuments incontestables que Fust, 
bien loin d'avoir été forcé de quitter Paris pour se sous- 
traire à des poursuites judiciaires, est mort et fut enterré 
dans cette ville même , et qu'il y était lié d'amitié avec 
l'un des premiers magistrats de la France. J'ajouterai 
qu'aucune ville au monde, sans en excepter Mayence, 
ne peut montrer autant de monuments typographiques 
donnés ou vendus directement pas Fust et Schoiffer, et 
portant, spit une signature, soit une souscription qui in- 
dique cette provenance. Paris eût été une des premières 
villes de l'Europe pourvues de l'imprimerie , ainsi qu^on 
le verra , sans une circonstance politique tout à fait indé- 
pendante de la volonté de ses habitants, et en particuliw 
de ses scribes, bien moins intéressés qu'on ne le suppose 
dans l'affaire; car c'est une erreur de croire que l'imprir 
merie portait un préjudice immédiat aux faiseurs de ma- 
nuscrits. Les livres de bibliothèque de ce temps-là étaient 
si richement ornés , que les produits de la typographie , 
forcément dépourvus de miniatures , ne pouvaient lutter 
sous ce rapport avec leurs aines, qui leur furent long- 
temps préférés. L'imprimerie économisait, il est vrai, le 
travail le plus grossier, celui du pur copiste ; mais elle 
agrandissait le vaste champ de l'art, en centuplant les 
objets destinés à être ornés par la plume et le pinceau,, 



202 DE LORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

et, à ce point de vue, la corporation des scribes nayait 
rien à perdre à son introduction à Paris. 

Pour expliquer le Eût, il conTient d'entrer ici dans 
qudiques détails préliminaires, qui feront connahre f im- 
portance littéraire de Paris à cette époque. 

Suivant une loi providentielle, dont nous recueil* 
Ions aujourd'hui les bénéfices, la plupart des grandes 
familles féodales qui s'étaient partagé la Gaule après la 
dbute de l'empire de Charlemagne, vinrent successive- 
ment se fondre dans la famille royale de France, qui 
réunit leurs fie& à la couronne. Ce résultat était déjà en 
partie obtenu au xiv* siède« Malheureusement, à cette 
époque , les avantages de l'unité territoriale n'étadent pas 
encore assez bien sentis pour qu'on crût devoir renoncer 
à l'usage établi de constituer des apanages distincts aux 
enfants de France. Le roi Jean, ayant eu quatre fils, leur 
attribua à diacun une portion du territoire , à la condi- 
tion du retour à la couronne, il est vrai, à dé&ut d'heurs 
mâles, mais avec assez d'indépendance dans leurs fie&, 
cependant, pour qu'ib pussent entraver la marche poli- 
tique du pays : et c'est ce qui eut lieu. Ces princes, toute- 
fois, rachetèrent par des qualités personnelles les vices des 
institutions de leur temps. Les fils de Jean se signalèrent 
k la postérité parleur amour des lettres. La masse énorme 
de manuscrits qu'eux ou leurs descendants réunirent, 
et dont on ne possède guère aujourd'hui que les cata- 
logues, leurs bibliothèques ayant été dispersées ou dé- 
truites i la suite des guerres civfles qui déchirèrent si long* 



DEUXIEME PARTIE.— CHAPITRE III. 263 

temps le sein de ia patrie cmnmune , atteste leur goût et 
la supériorité de leur intelligence. 

Les fils de Jean furent : i* Charles V, roi de France, 
fondateur de la célèhre Ubrairie du. Louvre; 2^ Louis, duc 
d* Anjou, laieid du roi René, si connu pour son amour 
des arts; 3^ Jean, duc de Berri, qui forma dans son châ* 
teau de Bicêtre, près Paris, une des plus magnifiques 
bibliothèques de ce temps-là; li!" Philippe le Hardi, duc 
de Bourgogne , illustre chef d'une branche cadette de I9 
maison de France, qui égala bientôt en puissance son 
aînée, dont elle était vassale; niais plus digi^e d être signa- 
lée dans rhistôire pour Tincomparable collection de livres 
qu elle s'était plu à rassembler, et dont nous possédons 
encore de superbes débris, que pour sa puissance, dont 
il ne reste guère que des souvenirs. 

Comme on le voit, les quatre fils du roi Jean, ou du 
moins trois d'entre eux, appartiennent à l'histoire littér 
raire de la France. Bs contribuèrent puissamment à y 
développer cet amour de la science, qui avait fait de 
l'université de Paris la première du monde. Je ne dé- 
crirai pas les richesses bibhographiques qu'amassèrent 
tous ces princes H mais je dois dire un mot ici de leur 
bibliothèque, et en particulier de la Ubrairie du Louvre, 
la plus célèbre de toutes. 

' Voyez le livre publié par Van Praet sous ce titre : Inventcdre ou caia* 
logue des Uvres de Vancienné bibliothèque du Louvre, fait en Vannée 1373 par 
Gilles Mollet, garde de ladite biblioth^ue (Paris, in-8^ i836) ; et celui qu'a 
publié M. Barrois, sous le titre de : BibUothèque protypographique (Paris, ^ 
in-r, i83o). 



264 D£ ^ORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

Le roi Gharies V avait reçu de son père une éduca- 
tion libérale; il aimait beaucoup les livres» et, connais- 
sant son goût, on lui en apportait de tous les côtés. Non- 
seulement les auteurs et les libraires, mais encore les 
princes , les grands de sa cour et la plupart des officiers 
de sa maison lui en ofiBraient en présent. Tous ces livres, 
joints à 1 ancien fonds qui lui avait été laissé par son 
père , et placés dans une des tours du château du Lou- 
vre, appelée pour cela même la tour de la librairie, for- 
mèrent une bibliothèque prototype. Cette bibliothèque 
occupait trois chambres situées au-dessus les unes des 
autres, dans la tour de la Ubrairie. Félibien, dans une 
Histoire (manuscrite) des maisons royales, aujourd'hui peiv 
due', dit que « Gharies V, pour garantir et conserver pré- 
cieusement ses livres, fit fermer de barreaux de fer, de 
fil de laiton et de vitres peintes toutes les fenêtres de sa 
bibliothèque. Et afin, ajoute-t-il, que Ton y pût travailler 
à toute heure, on pendit, par son ordre, à la voûle 
trente petits chandeliers et une lampe d'argent, qui estoit 
allumée toutes les nuits. Il dit aussi que les lambris des 
murs estoient de bois d'Iiiande, que la voûte estoit lam^ 
brissée de bois de cyprès, et que tous ces lambris estoient 
embellis de sculptures en bas-relief^. » 

Outre cette bibliothèque principale , Gharies V avaèt 
encore dans ses autres châteaux, à Saint-Germain, à Vin- 
cennes et dans la Tour de Beauté, des étades ou cabinets 

* Voyci l'ouvrage cité de Van Praet, p. ¥in et note 3 (p^ xv9u). 
^ Ihid, p. VIII. 



DEUXIÈME PARTIE.— CHAPITRE III. 2ft5 

de livres; mais il ny avait dans chacun de ces cahmets 
que quelques tablettes de livres chcHsis pour son usage 
particulier, et presque tous tirés de la librairie du Louvre. 

On trouvait dans cdle*ci des livres de toute espèce, 
mais surtout des ouvrages religieux. Quant aux livr^ 
pro£mes, ils consistaient en traités d^astroiogie, de géo- 
mancie et de chiromancie, sciences fort i la mode sdors; 
on y voyait aussi beaucoup de livres de médecine , la plu- 
part d'auteurs arabes traduits en latin ou en firançais; en* 
core plus de romans en prose et en rime; quelques livres 
de droit; peu d'anciens auteurs; pas un seul exemplaire 
de Gicéron ; et pour tous poètes latins : Ovide , Lucain et 
Boèce. Les livres d'histoire faisaient la partie la plus eu* 
rieuse de la bibliothèque. Outre les chroniques et les 
histoires générale» , il s'y trouvait plusieurs histoires par* 
ticulières , surtout de la vie de saint Louis et des guerres 
d'outre*mer. 

Quoique Charles V entendît assez bien le latin , il ne 
lisait ordinairement les auteurs anciens que dans des tra* 
ductions firançaises. B y avait beaucoup de ces traductions 
parmi ses livres. Dès avant son règne , on avait traduit 
de latin en français : Tite-Live, Valère-Maxime, la Cité 
de Dieu de saint Augustin , la Bible , etc. mais ce fut sur* 
tout de son temps que ces sortes de versions devinrent à 
la mode. Les plus savants hommes de son royaume, ani* 
mes par le désir de lui plaire , ou dans la vue des récom* 
penses dont il payait leurs travaux, mirent en firançais 
beaucoup de livres latins, espagnols et italiens; ils tra- 



266 DE L'ORIGINE DE ^IMPRIMERIE. 

duisirent aussr quelques auteurs grecs et même des livres 
arabes, non pas, il est vrai, sur les originaux, mais sur 
les versions latines qui en avaient été faites dans les siëdies 
précédents, a Nonobstant que bien entendist le latin , dit 
<( Gbristine de Pisan dans son Histoire de Charles V, et 
«que ja ne fîist besoing qu*on luy exposast, de si grant 
u providence fiit pour la grant amour qu'il avoit pour ses 
(( successeurs, qu au temps à venir les volt pourveoir d'en* 
« seignements et sciences intraduisibles à toutes vertus. 
(( Dont pour ceste cause fist par solemnels maistres , suffi* 
<f sans en toutes les sciences et arts , translater de latin en 
te françois tous les plus notables livres. ... et sans cesse y 
« eust maistres qui grans gages en recevoient. d 

En Tannée iSyS, qui était la neuvième du règne de 
Chailes V, Gilles Mallet, valet de chambre du roi, fut 
chargé de la garde de sa Ubrairie. Il en dressa lui-même 
un inventaire. Ce document original, qui existe encore 
à la Bibliothèque nationale , et qui a été imprimé dans 
le livre de Van Praet ^ se compose de 9 1 o articles, com* 
prenant autant d'ouvrages, en un ou plusieurs volumes, 
la plupart in-folio sur vélin, magnifiquement reliés, et 
enrichis des plus belles miniatures, comme on en peut 
juger par les débris de cette bibliothèque qui sont venus 
jusqu'à nous. 

Après la mort de Charles V, en 1 38o, Jean Blanchet, 
secrétaire du roi, eut ordre du duc de Bourgogne de 
visiter la librairie du Louvre. L'inventaire écrit de la main 

' hventtàre on catalogue, etc. voyez à la note de la page 363 ci-dessus. 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE III. 267 

de Mallet fut coHationné , et on ne trouva de manquants 
que les livres qui avaient été donnés par le feu roi ou 
par son ordre. En i &og , cette bibliothèque fut augmen* 
tée d'une vingtaine de volumes, qui y furent envoyés par 
le duc de Guyenne, fils aine de GhaiiesVI. Gilles Mallet 
on fit égedement le catalogue avant de les placer dans la 
tour. 

Gilles Mallet étant mort en 1 4 1 o , Antoine des Es- 
sarts fut nommé à sa place garde de la librairie. Â cette 
occasion, on fit un inventaire de celle-ci en i&ii, et 
Ton constata l'absence d'un grand nombre de volumes. 
En effet, le roi Ghaiies V en avait pris plusieurs, soit 
pour son usage particulier, soit pour en faire des cadeaux, 
suivant l'usage de ce temps; Gharles VI avait suivi en 
cela l'exemple de son père ; les premiers princes du sang 
et surtout le duc d'Anjou , régent du royaume , s'en étaient 
approprié un assez bon nombre ; les grands et les petits 
ofiiciers de la cour en avaient emporté quantité, qu'ils 
n'avaient pas rendus : bref, il manqua environ aoo vo-^ 
lûmes ; mais par compensation on en trouva à peu près 
autant de nouveaux, ce qui éleva le nombre total des ar- 
ticles portés sur l'inventaire à i , 1 22, ou même à 1,286, 
en y comprenant les ouvrages appartenant à Charles V et 
trouvés ailleurs. 

A ce nombre, déjà énorme pour ce temps, on peut 
joindre encore ceux que le duc de Berri, frère du roi 
Gharies V, avait rassemblés à Bicêtre , et qui furent en 
partie détruits à cette époque avec le château qui les ren- 



268 DE LORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

feimait Un inventaire des meubles et des joyaux de ce 
prince, rédigé en i & 1 6, après sa mort, nous fait connaître 
encore une centaine d*ouyrages qui avaient échappé au 
désastre de sa fortune^. Je ne dirai rien ici de la biblio- 
thèque du duc de Bourgogne, plus considérable à elle 
seule que les deux ensemble que je viens de citer, parce 
que j'aurai occasion d'en parler plus loin ^ . 

On fit un nouvel inventaire des livres de la librairie du 
Louvre en i A^S, après la tnort du roi Gharies VI; mais 
alors le désordre était tel , qu'on n'en trouva plus que 
853, qui furent estimés à la somme de 2,323 livres. 

Le 2 2 juin 1 4 2 5 , le duc de Bedford, régent du royaume 
pour le roi d'Angleterre , se fit représenter ces livres par 
Gamier de Saint- Yon , qui en était alors bibliothécaire , 
et qui en eut soin jusqu'en i &29. Â cette époque, il en 
fiit déchargé par le r^ent. Ce dernier, suivant Félibien', 
ayant acquis tous ces livres moyennant i ,2oofirancs, qui 
furent comptés à Pierre Thury, entrepreneur du mauso- 
lée du roi Gharies VI et de sa femme Isabeau, les fit, à 
ce que l'on croit, transporter en Angleterre, où l'on en 
a retrouvé à diverses époques un certain nombre ^. Au 

* L*origixial de ce précieux document est conservé à la bibiioth^ue 
Sainte-Geneviève. U en a été publié une copie, en ce qui concerne les 
livres, dans Y Histoire de Charles VI, par le Laboureur, et dans la Bihlio- 
ikèque protypographiqne de M. Barrois. 

' Voyez l'article Bruges , ci-après. 

-^ Ouvrage cité à la page 264* 

^ Voyez le livre de Van Praet, p. xiiv et xxv, et la notice historique 
qui précède le l" volume du catalogue imprimé de la Biblioth. nationale. 



DEUXIÈME PARTIE— CHAPITRE III. 269 

reste , soit qu elle ait été emportée en Angleterre , soit 
qu elle ait été dilapidée en France durant les désordres 
de ce temps, il est certain que la fameuse librairie du 
Louvre fut alors anéantie. Il y a une solution de conti* 
nuité entre cet établissement et celui que forma plus 
tard Louis XI, et qui a servi de fonds à la Bibliothèque 
nationale. 

Mais la perte de la bibliothèque de Charles V n anéan* 
tit pas le goût des livres en France. Même au milieu de 
ces temps malheureux, Paris conserva sa vieille réputation 
littéraire. Quoique f université , ruinée par les désastres 
publics de cette époque , fut tombée dans une ère de 
véritable décadence, aussitôt que le cdme commença à 
renaître , on vit arriver dans cette ville une foule d'étu- 
diants étrangers. De ce nombre fut sans doute Pierre 
SchoîfFer* (destiné à être plus tard Tun des premiers im- 
primeurs deMayence, puis juge laïque de cette ville), car 
nous avons une preuve de sa présence à Paris en i UUg* La 
bibliothèque de Strasbourg possède , en effet, un précieux 
msbuscrit dans lequel on lit cette intéressante souscription, 
écrite en grosse gothique de près de deux centimètres de 

^ Je dois avouer que j*ai vainement cherché son nom dans les registres 
tenus par les maîtres de sa nadon à l'université de Paris, et qui se trouvent 
encore, avec les archives de Tuniversité, au ministère de Tinstruction pu- 
blique; mais cette absence de mention ne prouve rien contre mon hypo- 
thèse, car ces registres ne nomment certainement pas tous les étrangers 
qui ont pris des grades à la faculté des lettres de Paris; il n*y a de réguliè- 
rement inscrites que les personnes qui ont rempli une fonction, et Pierre 
Schoiffer, alors fort jeune, n*a probablement pas eu (!et honneur. 



270 DE LORIGINE DE LIM PRIIf ERIE. 

hauteur, et dont Schœpflin a donné le fac-similé : a Hic 
u est finis omnium librorum tam veteris quam nove loiee, 
M completi^ per me Petrum de Gemszheym, alias de Mo- 
« guncia , anno i^ cccC^ xLnL^ in gloriosissima universitate 
(( Parisiensi. » 

G est un cahier d*étude, probablement compilé par 
Schoiffer, mais achevé et peut-être même recopié tout 
entier par un de ses compatriotes appelé Jean Geriach , 
de Hoecht^, auquel il lavait sans doute laissé en quittant 
Paris. Plusieurs pièces de ce livre sont, en effet, souscrites 
du nom de ce Geriach, et contre-signées Fr. Jo. de Vaden. 

Le manuscrit peut être divisé en deux parties princi- 
pales. La première , dont récriture a beaucoup de res- 
semblance avecle/ac*5imil^ de Schoiffer donné précédem^ 
ment', porte toutefois une souscription qui ne permet 
pas de la lui attribuer, car elle est datée de 1 456 ; Tautre 
partie , dont récriture diffère peu , paraît avoir été écrite 
dans les années i /i5o et i&5i, sauf une pièce datée de 
1Â&9. n se pouirait quelle ait été écrite par Schoiffer 
lui-même , car elle se termine par la souscription suivante 
(outre celle que j'ai citée déjà, et qui se trouve tout à fait 
à la fin du volume) : « Et haec de questione dicta sujGB- 
«ciant, et per consequens de omnibus libris tam veteris 
if quam nove loice ; finitum et completum per me Petrum 
a de Gernsheim, alias de Moguncia. n 

^ Lises : logice et comphtorum. 

' G*estutie petite localité voisine de Francfort-sur-le-Main. 

^ Voyez iesyàc-Wmi(0 de pièces; pi. II. ' 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE III. Î71 

Quoi qu'il en soit, ce livre est fort intéressant pour 
nous. Différentes notes qu on y a écrites , à diverses épo- 
ques, nous font connaître les vicissitudes qu il a éprou- 
vées dans le xv^ siècle. Lune délies, la plus moderne, 
nous apprend, par exemple, que ce manuscrit a été 
acheté à Paris, en i&yS, par un Allemand appelé Jean 
Rot^, qui la probablement emporté dans son pays, ce 
qui explique pourquoi le volume se trouve aujourd'hui 
à Strasbourg. On lit, en effet, sur l'un des feuillets de 
garde : a Haec logica^ pertinet Joanni Rot, venerabilis 
(( nationis Alemanie, ipsamque Parisius anno i ^yS com- 
«paravit*. » 

•^ Ce Jean Rot était peut-être parent de Berthold Rot, premier im- 
primeur de Râle* 

* Ce mot explique le sens du loice de la souscription de Schoiffer, qui 
a donné occasion à plusieurs interprétations erronées. (Voyez Lambinet, 
Orig. de timpr. 1. 1, p. a 20^ et ci-dessus, p. 270, note 1.) 

' D'autres souscriptions nous apprennent que ce manuscrit avait été 
acheté en i46a , moyennant 32 sous, dufràre Verdnus 5cortîj par le frère 
Pierre Francisci, de Tordre des frères mineurs de la province de France, 
de la custodie de Reims, et du couvent de Laon, «non quod sibi appro- 
• priet usu (sic) dicto, sed cum licentia et usu communi.i Cette acqui- 
sition eut lieu ctempore quo frater Johannes de Fabrica, ordinis eorum- 
« dem [fratrum] , regebat pueros cum sociorum adjutorio. » 

Voici, au surplus, la description de ce volume, que j*ai parcouru avec 
beaucoup de soins dans un de mes séjours à Strasbourg, en i85a. Comme 
c'était à Tépoque des vacances, M. Jung, le bibliothécaire, qui m'avait 
déjà fourni de précieux renseignements sur ce livre, m'en donna com- 
munication chez lui pour c[ue je pusse l'étudier à mon aise. 

1* Liber prœdicabilium PorphiriL^^ 3o feuillets à deux colonnes. 

2*" lÀher prtdufamentomm Aristotelis. — 3 1 feuillets à deux colonnes. (A la 
fin de ce traité on lit : • Et haec de questione et per consequens de toto libro 



272 DE L ORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

Quand Schoiffer quitta-t-il Paris pour retourner à 
Mayence ? Cest ce qu'il est impossible de déterminer 
exactement. Mais il est certain qu'il n y était plus en 
1 &55, car il parut cette année même, comme témoin, au 
procès de Fust avec Gutenberg, dans latelier desquels 
il était sans doute employé depuis quelque temps. Quoi 
qu'il en soit, dès ikS'j û rendait son nom immortel en 
l'inscrivant dans la £mieuse souscription du Psautier qui 
révéla au monde la découverte sublime de l'imprimerie. 

cpredicamentomm Aristotelis finito anno Dom. millesimo qaadringente- 
« simo quincpiagesimo sexto, die <piinta menais octobris. ») 

3** Liber GiJherti Porrgtani circa Lihrum s€x principiorum* •— 1 3 feuillets 
à deux colonnes. 

Ce qui suit est d'une autre main : 

4** Peryantuemas (2 livres) . —-37 feuillets à deux colonnes. ( Le premier 
livre se termine par cette souscription : c £t haec de questione et per con- 
« sequens de primo libro Peryarmenias finito et completo anno .L. per me 
« Johannem Geriaici de Hoest. — Fr. Jo. de Vaden. » Et le second par celle- 
ci : c Finito anno Incamationis u" ggcg* l. secundum stylum Parisiensem , 
XIII febr.{i3 février i45i nouveau style.]) • 

S"* Lihri pnonan. Aristotelis. — 4o feuillets à deux colonnes. (Souscrip- 
tion : < Ac de toto libro finito ac complète anno Dom. m** ccgg^ l. sabbato 
«ante dominicam Septuagesimam. [ao févr. idSi nouveau style.] » Cette 
date est confirmée par le récit d'un voyage que fit à Saint-Denis le roi de 
Sicile, et qui est rapporté avec quelques détails dans le tnanuscrit ) 

6* Lihri posteriorum. — 35 feuillets. 

7** Lihri Topicorum, — 37 feuillets. (A la fin : «Finito anno Dom. m* 
CCGG** xLix. in VI Maii. v) 

8* Lihri Elenchoram. — 36 feuillets. (A la fin : « Finito anno m" ccccf* 1% 
« X februari secundum Parisiensem [stylum] , per me Jobannem Geriaci 
« de Hoest. — De Vaden. ») 

Cest après tout cda que se trouvent les deux souscriptions de Pierre de 
Gemsheim r(q>portées plus haut 



DEUXIÈME PARTIE, — CHAPITRE III. 273 

Aussitôt que la France connut cette merveilleuse in- 
vention, et elle la connut sans doute promptement, grâce 
au rôle important que jouait sa capitale àzni la répu- 
blique des lettres , elle se mit en mesure de l'exploiter à 
son profit. Voici, en effet, ce qu'on lit dans un très-pVë- 
cieux manuscrit conservé à la bibliothèque de TÂrsenal, 
dansTarmoîredefer': 

Le m* octobre m. iiii* lviii , le roy ayant sceu que messire Gu- 
themberg, chevalier, demeurant à Mayence au païs d'Allemagne, 
homme adextre en tailles et de caractères de poinçons , avoît mis 
en lumière Tinvention d'imprimer par poinçons et caractères, cu- 
rieux de tel trésor, le roy avoit mandé aux généraux de ses mon- 
noyes luy nommer personnes bien entendues à la dite taille 
pour envoyer audit lieu secrètement soy* informer de ladite forme 
et invention, entendre, concevçir et apprendre Tart' d'icelles; à 
quoy fut satisfait audit sieur roy, et par Nicolas Jenson* fut entre- 
pris, tant ledit voyage que semblablement de parvenir à Tintel- 

^ Hist. 467. Ce volume se compose de deux parties dictinctes : la pre- 
mière renferme une série de gravures imprimées des monnaies de France , 
et est attribuée à Haultin, qui détruisit , on ne sait pourquoi , tous ies exem- 
plaires de son livre, sauf deux, celui qui est à la bibliothèque de TArse- 
nal, et un autre qui est, dit-on, en Allemagne; la seconde partie est ma- 
nuscrite , et se rapporte aux gravures. La note citée ici est au foi. 409 verso 
du texte, et se réfère à la page i63 des gravures. 

> Le manuscrit de TArsenal , qui n est qu'une copie d*un document plus 
ancien , porte par erreur soit 

^ Le manuscrit porte Tun. 

*• Le manuscrit porte Sanson, le copiste ayant pris le J pour une S. 
Mais Tidenlité du personnage dont il est ici question n'est contestée par 
personne. D'autres manuscrits vus par M. E. Cartier, ancien directeur 
de la Monnaie de Paris, portent Sanson, Jenson, Jenpen, L'irrégularité 
de l'orthographe à cette époque est seule cause de ces différences. 

II. 18 



274 DE L'ORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

ligence dudit art et exécution d'icduy audit royaume, dont pre* 
mier a fait devoir dudit art d'impression audit royaume de France. 

Deux autres manuscrits du même genre , cites par de 
Boze , dans un travail communiqué par lui à TAcadëmic 
des inscriptions ^, vers le milieu du siècle dernier, por- 
taient à peu près la même chose. Sur lun deux, qui ap- 
partenait au célèbre libraire Mariette , on lisait, en regard 
des monnaies de Charies Vil , que ce prince , « informé 
de ce qui se passait à Mayence , demanda aux généraux 
de ses monnaies une personne entendue pour aller s en 
instruire ; que ceux-ci lui indiquèrent Nicolas Jenson , 
maître de la monnaie de Tours; qu'il fut aussitôt dépêché 
à Mayence ; mais qu'à son retour en France , ayant trouvé 
Charies Vil mort, il était allé s'établir ailleurs. » 

Sur l'autre, appartenant à de Boze lui-même, et qui 
lui parut écrit du temps de Louis XI, uil y a, dit-il, à 
côté des premières monnaies de ce prince, et de la même 
main : qu'ayant seu qu'il y avoit à Mayence gens adroits 
à la taille des poinçons et caractères , au moyen desquels 
se pouvoient- multiplier par impression les plus rares ma- 
nuscrits, le roy, curieux de toutes telles choses et autres^ 
manda aux généraux de ses monnoies y dépescher per- 
sonnes entendues en ladite taille , pour s'informer secrè- 
tement de l'art, et en enlever subtilement l'invention : 
et y fut envoyé Nicolas Jenson , garçon saige , et Vun des 
bons graveurs de la mjonnaie de Paris. » 

r -fc • 

* Et imprimé dans les Mémoires de cette compagnie. (Histmre,t, XIV, 

p. 237.) 



DEUXIÈME PARTIE— CHAPITRE IIÏ. 275 

Le dermer document cité semblerait retarder de quel- 
ques années ie voyage de Jenson à Mayence , en le pla- 
çant sous le règne de Louis XI, qui ne monta sur le 
trône quen 1 46 1 ; mais il est à remarquer que de Boze 
n'en donne qu une analyse , et que dans cette analyse 
on ne lit ni date, ni nom de prince : cest seulement 
parce que la note manuscrite se trouve en face des pre- 
mières monnaies de Louis XI , que de Boze place le fait 
qu elle rappelle sous le règne de ce roi. Or il est bien 
possible que cette circonstance provienne uniquement 
d'une erreur du scribe , qui aurait par inadvertance écrit 
q[uelques lignes trop bas , c est-à-dire en face des pre- 
mières monnaies de Louis XI , ce qu'il devait mettre en 
face des dernières de Charies YH , son père et son pré- 
décesseur immédiat. Non -seulement nous trouvons le 
nom du roi Charles Vil et Tannée 1 458 cités dans les 
deux autres manuscrits; mais encore, dans lun d'eux, 
une date de jour : «le 3 octobre i458. » 

Des raisons puisées dans l'histoire viennent en outre 
confirmer les données des deux premiers manuscrits. La 
fin du règne de Charles Vil fut paisible , relativement du 
moins, et l'on put s'y occuper d'améliorations intérieures. 
L'avènement de Louis XI, au contraire, fut suivi de 
troubles assez graves , et il est peu probable que ce prince 
eût trouvé , au milieu de ses préoccupations politiques , 
le calme et le temps nécessaires pour s'occuper de Tîm- 
primerie. D'ailleurs on ne pouvait songer, à cette épo- 
<fae , à envoyer quelcp'un étudier l'invention nouvelle à 

i8. 



276 DE LORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

Mayence , car cette ville était alors livrée à toutes les hor- 
reurs d*une guerre civile, par suite de la rivalité d'Adolphe 
de Nassau et de Dietfaer de Isembourg, qui se disputaient 
1 archevêché. Prise au mois d'octobre 1&63 par le pre* 
mier de ces compétiteurs , la ville fut livrée au pillage , 
comme nous l'avons vu au chapitre v de la première 
partie , et beaucoup de ses habitants émigrèrent. Ces ca* 
lamités, qui durèrent près de deux ans, ne permettent 
pas de penser que ce fôt alors que Jenson vint à Mayence ^ . 
Le moment aurait été mal choisi en effet. 

Je ferai remarquer, en outre , que le manuscrit appar* 
tenant à de Bo2e porte, comme les deux autres, que 
Jenson fit son voyage aussitôt qu'on connut en France 
la découverte de l'imprimerie. Or il n'est pas permis de 
croire qu'elle resta ignorée à Paris jusqu'en 1 &6 1 , lors-^ 
qu'on voit que, depuis 1/1 5 7, plusieurs livres, imprimés 
coup sur coup à Mayence , l'avaient annoncée au monde 
dans les termes les plus pompeux et les plus précis! 
Comment la France aurait-elle pu ignorer si longtemps 
ce qui se passait à sa frontière ^, alors que déjà , ainsi que 

^ Jemprunte une partie dea raisons qui précèdent à une lettre qu*a 
bien voulu m*écrire sur ce sujet M. de Petigny, membre libre de Tina- 
titut, en réponse aux doutes que je lui avais soumis, ainsi qu'à beaucoup 
d'autres personnes, relativement aux notes manuscrites citées par deBoze. 

' Sans doute les communications de ville à ville n'avaient alors ni la 
promptitude ni la régularité qu'dles ont acquises de nos jours; mais en 
l'absence même de la poste, qui n'existait pas encore, puisqu'elle a été 
créée par Louis XI, il y avait des services réguliers, surtout entré les 
viHes universitaires, comme étaient Mayence et Paris; et l'université de 



DEUXIEME PARTIE.— CHAPITRE III. 277 

nous Tavons vu, plusieurs viiles d*un rang inférieur, si* 
tuées tant en deçà qu'au delà du Rhin, possédaient des 
ateliers typographiques? Â la fin du siècle dernier, Sar< 
dini, bien désintéressé dans la question en sa qualité 
dltalien, a écrit ce qui suit, dans le curieux livre qu'il a 
consacré à notre célèbre compatriote Jenson : « Per poco 
tt che uno sia informato del sublime luogo che occupava 
« Parigi nella republica litteraria , si rileverà non esser 
<f possibile che un' invenzione di tanto interesse per gli 
ustudj, e d'un plauso cosi universale, non passasse sol- 
a lecitamente a cognizione di quella insigne università , e 
u délia gente più colta e meglio istruita delta stessa au- 
(( gusta dominante ^ » 

L'époque du voyage de Jenson semble, au reste, dé- 
terminée par la résolution que prit plus tard cet artiste 
d'aller se fixer à Venise. H n'est pas croyable, en effet, que, 
s'il eut reçu sa mission de Louis XI lui-même , il eût été 
ensuite forcé de quitter sa patrie, et d'aller exercer son 
industrie ailleurs, par suite du mauvais vouloir du prince. 
On ne peut admettre que Louis XI , si bien disposé pour 
tout ce qui était mécaniqjie et marchand, eût abandonné 
l'importateur d'un art qu'il aurait envoyé chercher lui- 
même à l'étranger? Si, au contraire, nous plaçons la 

cette dernière ville en particulier avait des messiigers spéciaux , partant à 
des époques fixes et assez rapprochées pour les diverses universités de 
rSurope occidentale. Il n'est donc pas permis de croire qu'un fait aussi 
important pour les lettres que l'invention de l'imprimerie soit resté ignoré 
pendant quatre ou cinq ans à Paris. 

* Esame, etc. I, 9. (Voyez ci-dessus, p. 187.) 



278 DE L ORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

mission de Jenson sous Charies Vn, tout s explique par 
le sentiment de haine qu'éprouvait Louis XI pour tous 
ceux qui avaient servi son père , n importe à quel titre. 
Alors on comprend que Jenson , abandonné à ses seules 
ressources, et dégoûté peut-être par quelques tracasse- 
ries et par la suppression de son traitement , ait cru de- 
voir chercher un autre théâtre digne de lui et de son 
talent. 

Mais si 1 époque du voyage de Jenson à Mayence est 
facile à fixer, il n'en est pas de même de l'origine et de 
la fonction de ce célèbre imprimeur, avant son départ 
pour Mayence. Sardini, qui lui a consacré un volume in- 
folio , en a été réduit , pour toute la première partie de 
son existence, à de vagues hypothèses et à des digres- 
sions dont je crois inutile d'ennuyer le lecteur. 

Ghalmel, dans ses Tahlettes chronologùfues de l'histoire 
de Toaraine, et plus tard dans ï Histoire de la même pro- 
vince, a consacré quelques pages à Jenson ; mais ses asser* 
tions ne sont pas moins incertaines que celles de Sardini. 

De mon côté , quelques recherches que j'aie faites dans 
les dépôts publics de la France , il m'a été impossible de 
rien trouver concernant notre illustre compatriote. Je 
suis donc forcé de me restreindre à quelques renseigne- 
ments puisés aux deux sources que je viens de faire con- 
naître. 

Suivant Sardini et Ghalmel, qui n'en donnent, il est 
vrai, aucune preuve, Nicolas Jenson serait né à Tours, 
dans les premières années du xv' siècle, et y exerçait la 



DEUXIÈME PARTIE.— CHAPITRE III. 279 

chaire de maître de la monnaie lorsqu'il fut envoyé i 
Mayence. On a vu, en effet, que Tun des deux plus authen- 
tiques manuscrits que j'ai cités lui donne ce titre. Le 
troisième le qualifie de graveur de la monnaie de Paris. 
Mais Tauteur de ce dernier manuscrit fait peut-être allu- 
sion à un séjour de Jenson à Paris, où il aurait été em- 
ployé comme graveur de la monnaie de cette ville, avant 
de devenir nuxitre de celle de Tours? Il fallait, au reste, 
que Jenson connût la gravure pour qu'on songeât à lui 
dans cette circonstance, cai* l'œuvre principale de la ty- 
pographie consistait alors dans la confection des poinçcms. 
Quoi qu'il en soit, il paraît à peu près certain que Jenson 
était maître de la monnaie de Tours lorsqu'il fut envoyé 
à Mayence. Suivant Chalmel ^ , il fut remplacé dans sa 
chaîne par Jean Basire. 

Arrivé à Mayence vers i&Sg, Jenson n'eut pas de 
peine sans doute à se faire initier à l'art, car il y avait 
alors dans cette ville , comme nous l'avons vu , trois ou 
quatre ateliers typographiques qui se faisaient concur- 
rence. En prenant quelque précaution , il était facile de se 
faire admettre dans l'un ou dans l'autre, non pas comme 
imprimeur, ce qui était peu en rapport avec les habi- 
tudes de notre artiste, et parfaitement inutile d'ailleurs, 
mais comme graveur de caractères. 

Suivant le manuscrit de Mariette , Jenson , à son retour 
en France , trouva le roi mort , ce qui revient à dire que 
notre artiste rentra dans son pays vers le milieu de l'an- 

* Histoire de Toaraine, t. IV, p. 254. 



280 DE LORIGINË DE LIMPRIMERIE. 

née 1 46 1 , car Charles VU mourut le 2a juillet de cette 



même année. 



Louis XI fut sacré à Reims le 1 5 août 1 46 1 . « Arrivé 
à Paris le 3 1 août, il commença son règne par casser la 
plupart des officiers de son père , auxquels il substitua 
ceux qui lavaient suivi en Daiq>hiné, en Bourgogne et 
en Flandre ^ » C'était de mauvais augure pour Jenson, 
qui n avait pu. servir en rien le nouveau roi. Aussi est-il 
probable qu il fut fort mal accueilli de ce dernier, lors- 
qu'il vint réclamer la récompense de sa mission. Ce n est 
pas, certes, que Louis XI eût aucune prévention contre 
l'imprimerie. Nou^ verrons, au contraire , qu il se montra 
très->favorablement disposé pour Schoiffer et pour les pre- 
miers imprimeurs de Paris^ £n dépit de la réputation qu'on 
lui a faite , Louis XI joignait à Tamour du commerce et 
de l'industrie celui de la science et des lettres, ou du moins 
des livres ^ : c'est à lui qu'on doit le premier fonds de la 

^ Art de vérifier les dates, 2* édit. p. 565 , c<^. 1 . 

* Nou$ ea avons un curieux exemple dans une lettre (pie les. docteurs 
de la faculté de médecine lui écrivirent en 1^7 1« au sujet de Touvrage 
d^un médecin arabe qu'ils avaient prêté par son ordre au président Jean 
de la Ihîesche. Voici la copie de cette pièce, ^ se ni{^rte en. pfais d*un 
point à notre sujet : 

« Notre souverain seigneur, tant et si très-humblement que plus pou- 
vons nous recommandons à votre bonne grâce; et vous plaise sçavoir 
que le président messire Jean de la Driescbe nous a dit que lui aves 
rescript qu*il vous envoyait TtOam continent Rosis pour faire escrire; et 
pource qu'il n en a point , sçachant que nous en avons un , nous a requis 
que lui voulussions bailler. Sire, combien que nous ayons gardé très-pre- 
cieusement ledit livre, car c'est le plus beau et le plus singulier trésor 



DEUXIÈME PARTIE.— CHAPITRE III. 281 

Bibliothèque nationale actuelle. B eut soin de réuniries 
débris de la librairie du Louvre, qui se trouvaient épars 
dans les maisons roysdes; il y joignit les livres de son père 
et les siens propres , et forma du tout une bibliotbèque 
qu'A augmenta depuis jie ceux de Ghailes de France , son 
frère, mort en i^ya, et d'une partie de ceux de^ ducs 
de Boui^ogne, dont il réunit le principal apanage à la 
couronne en 1/177, ^P^^^ ^^ mort de Charies le Témé- 
raire. Quelques auteurs, qui ont suivi en cela Gabriel 
Naudé , prétendent même qu'il eut pour bibliothécaire 
le câèbre Bobert Gaguin. Le fait n est pas démontré ; 
mais il est certain que la bibliothèque de ce prince eut 
un garde en titre appelé Laurent Palmer, qu on voitmen- 
tionni en cette qualité dans les comptes de J. Briçonnet, 
général des finances, de Tan ik'j^.Ji eut aussi un enlu- 
mineur en titre nonuné Jean Fouquet, de Tours, dont 
f habileté paraît surtout dans les tableaux historiques du 

de notre faculté, et n'en trouve-tron guère de tel, néanmoins nous, qui 
de tout notre cœur desirons vous complaire et accomplir ce qui vous est 
agréable, comme tenus sommes, avons délivré audit président ledit livre 
pour le faire escrire, moyennant certains gages de vaisselle d'argent et 
d'autres cautions , qu'il nous a baillé en seureté de nous le rendre, ainsi 
que selon les statuts de notre faculté faire se doit, lesquels nous avons 
tous jurez aux saints Evangiles de Dieu garder et observer, ne autrement 
ne les pouvons avoir pour nos propres affaires.* Priant Dieu sire, etc. Ce 
39 novembre 1 A7 1 • » 

Suivant feu Gabriel Peignot, l'emprunteur du livre deRhasis fut obligé 
de déposer comme garantie 1 2 marcs d'argent et 20 livres sterling, et de 
fournir la caution d'un bourgeois pour 100 écus d'or. (Dict. bihl. t. I„ 
p. 81 ). L'ouvrage de Rhasis ne fut imprimé que beaucoup plus tard« 



282 DE L ORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

manuscrit des Antiquités juives qui est encore à la BiblicH 
tfaèque nationale ^ 

Avec de pareils goûts, il eût été très-naturel sans doute 
que Louis XI eût aussi son imprimeur, ou du moins pa- 
tronnât celui qui s o£Brai t pour exercer à Paris Tart typc^^ra* 
phique; mais Jenson avait été employé par Charles VU: 
c en était assez pour être mal vu de Louis XI , son fils , qui 
fut si longtemps le compétiteur de son père au trône de 
France. Dans de telles circonstances , il est présumable 
que notre artiste perdit plusieurs années à solliciter en 
vain le prix de ses travaux. Enfin, poussë>1à bout, il s*expa^ 
tria, et alla exploiter ailleurs son art, qu'il tenait peut-être 
de Gutenberg lui-même. Rome étant déjà pourvue d'im- 
primerie , notre compatriote se rendit à Venise, la reine 
du monde pour le commerce , comme Paris fêtait pour 
les sciences et les arts. Mais lorsqu'il y arriva, vers 1 469, 
Venise avait déjà un imprimeur, et peu s'en fallut que 
Jenson ne pût exercer dans cette ville, attendu que son 
devancier avait reçu de la république reconnaissante un 
privilège pour exercer seul pendant cinq ans. Heureuse- 
ment pour Jenson ce privilège venait d'expirer par la 
mort du titulaire , Jean de Spire , et il ne fiit pas trans- 
porté à son fi*ère et successeur Vindelin. Malgré l'existence 
de cet imprimeur à Venise, Jenson n'hésita pas à s'y fixer, 
pensant bien qu'il y aurait place pour deux dans une aussi 
industrieuse cité , en relation commerciale avec toutes les 

^ Voyez la Notice historique sur la bibUoth, royale, qui précède le cata- 
logue imprimé de cette bibliothèque. 



DEUXIEl^E PARTIE. — CHAPITBE III. 285 

parties du monde civilisé, encore fort restreint, il est vrai. 
Il ne se trompa pas. Il y eut bientôt dans cette ville plus 
de vingt imprimeurs, qui exercèrent sans se nuire, tant 
le commerce des livres prit alors d'extension. 

Quelques auteurs ont prétendu que Jenson avait exercé 
son art en France avant de se rendre à Venise. Mais c'est 
une opinion erronée. Elle est fondée uniquement sur une 
date inscrite dans deux livres, reconnus aujourd'hui pour 
être d'ime exécution typographique postérieure à cette 
date : le premier de ces livres est le fameux Décor pueUa- 
mm , terminé par cette souscription : « Anno a Ghristi In- 
« camatione m. cggg. lxi. per magisti^xun Nicolaum Jenson 

)( hoc opUs féliciter impressiun est. » Nous avons vu 

à Tarticle Venise qu'il fdlait lire 1/^71, le compositeur 
ayant oublié un x avant le dernier chiffre. Le second 
livre est un petit volume composé de deux opuscules, 
à la fin du premier desquels on lit cette souscription : 
tt Francisci Florii Florentini de duobus amantibus liber 
((féliciter expletus est Turonis, in domo domini Guil< 
« lermi Archiepiscopi Turonensis, pridie kalendas Januar 
«rii, anno Domini millésime quadringentesimo sexage- 
tt simo septimo. » Le deuxième opuscule, intitulé n Libellus 
« de duobus amantibus per Leonardum Aretini in lati- 
Kuiun ex Boccacio transfiguratus , n se termine par ces 
mots : fuit féliciter. Il est démontré aujourd'hui que la 
date inscrite sur le titre du premier opuscule est celle 
où le livre fut fini [expletas), à Tours, par François Flo- 
rins Florentin, dans la maison de Guillaume Larche- 



284 DE LORIGINE DE L* IMPRIMERIE. 

véque de Tours, et envoyé {éditas) à son ami. Elle na 
aucun rapport avec Timpression du livre , qui parait sor- 
tir des presses des imprimeurs parisiens Pierre Caesaris et 
Jean Stoil , et être par conséquent postérieure à i & 7 3 . On 
connaît, au reste, trois ou quatre éditions plus modernes 
de ce livre, toutes avec la même date, quoique impri- 
mées avec des caractères différents, qui ne permettent 
pas de supposer qu elles soient sorties du même atelier^ 

On m'objectera peut-être la dernière phrase du pas- 
sage du manuscrit de f Arsenal que j*ai cité , et où il est 
dit que Jenson a premièrement « fait devoir dudit art d'im- 
pression audit royaume de France. » Mais cette phrase , 
écrite à la décharge ^de Jenson , veut dire seulement qu'il 
s'est mis à la disposition de son pays avant de se rendre 
à Venise, et qu'on n'a pas de reproche à lui faire. En 
effet , on doit croire que ce n'est pas sans motif qu'il 
s'est expatrié. Paris devait lui o£Brir autant de chances de 
fortune que Venise , où il dut amener plusieurs de ses 
compatriotes , si l'on en juge par l'importance qu'eut son 
imprimerie dès l'année 1/170. 

Mais laissons Jenson sur l'Adriatique, où il s'acquit 
bientôt une grande célébrité , qu'il fit rejaillir siu* son 
pays , et revenons à Paris. 

Depuis quelques années, l'imprimerie avait pris des 
développements considérables. Plusieurs villes d'Alle- 
magne étaient déjà pourvues d'ateliers typographiques , 
lorsqu'on i465 l'art comn^ença à se répandre en Italie. 
La concurrence força dès lors les imprimeurs à cher- 



DEUXIÈME PARTIE. -.CHAPITRE III. 285 

cher des débouches pour leurs produits, et la France, 
à partir de ce moment, servit particulièrement de marché 
à ceux de Mayence. On n a pas la preuve que les impri- 
meurs de cette ville aient vendu leurs premiers livres à 
Paris , mais on sait que Fust y vint placer la Bible de i A 6 2 , 
ce qui ne put avoir lieu qu après le mois d'octobre de cette 
année, ou pour mieux dire en i463, pour les raisons 
que nous avons dites ailleurs^. 

Jean Walchius^ rapporte le fait suivant, qu'il dit te- 
nir d'un vieillard belge, fort respectable, nommé Henri 
Schorus , établi à Strasbom*g , où il publia plusieurs ou- 
vrages, de 1 578 à 1 588' : « Fust, dit*il, apporta à Paris 
quelques exemplaires de sa Kble , et les vendit d'abord 
soixante couronnes^, au lieu de quatre ou cinq cents 
que coûtaient auparavant les Bibles manuscrites sur par- 
chemin. Les premiers acheteurs furent d'abord dans l'ad- 
miration, en voyant l'exacte ressemblance de tous ces 
volumes, qui ne différaient pas d'un iota y et avaient par-» 
tout le même nombre de lignes et de lettres , ce dont on 
ne pouvait se rendre compte alors ; mais ensuite ayant ap- 
pris que Fust, pour se défaire plus vite de sa marchandise, 
avait cédé ses Bibles à cinquante, à quarante couronnes, 
et même à un prix beaucoup inférieur, ils y regardèrent 

' Première partie, p. 337. 

* Decas fahalaram ^eris hamani (m-4*« 1609, Strasbourg), p. 181; 
Wolf, Monum, tyfiOfr* t* I, p. 177 et suiv. 

^ Voyez Marchand, lyict. hist. t. II, p. 19a. 

^ Gabriel Naudé rend le mot coronatis par thaJUrs, et Cheviller par 
écus. Je préfère conserver le mot latin. 



286 DE L ORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

de plus près , et se convainquirent que ces volumes avaient 
été exécutés par un procédé mécanique moins coûteux 
que ia calligraphie; alors, se considérant comme lésés, ils 
vinrent réclamer au vendeur, les uns la moitié , les autres 
les trois quarts, et quelques-uns même les quatre cin- 
quièmes du prix payé par eux. La chose alla si loin, 
que Fust fut obligé de se sauver à Mayence d'abord , puis 
à Strasbourg, où il apprit son art à Mentelin. » 

Tel est le récit primitif, plein d'invraisemblances lui- 
même, sur lequel on a cru devoir encore broder plus 
tard un procès pour magie, procès auquel on ne craint 
pas de mêler le parlement. Je ne m amuserai pas à réfu- 
ter ces contes. Je dirai seulement que j'ai fait des re- 
cherches pour trouver dans les registres du pariement la 
trace de ce prétendu procès, et qu'elles ont été vaines, 
comme celles qu'ont faites avant moi d'autres personnes^. 
Il se peut que Fust ait vendu ses J^Ies à des prix divers, 
et que cela lui ait valu quelques réclamations; mais il y 
a loin de là à un procès, dont, au reste, Walchius ne 
parle pas. J'ai d'ailleurs peine à croire que Fust ait vendu 
son livre au-dessous de quarante couronnes en i/i63, 
lorsque je vois qu'il coûtait encore quarante écus en i iy i , 
<;'est' à-dire à une époque où déjà l'imprimerie était répan- 



^ «M. de Boze pria M. Gilbert, alors greffier en chef du parlement de 
Paris, de faire rechercher ces prétendus arrêts contre Fust, dont on avait 
tant parlé. Jamais il ne fut possible de les trouver; ce qui doit faire bannir 
fouT toujours toutes ces vieilles histoires. » (Foumier, De t origine de Tim- 
j)rimerie,p. 72,) 



DEUXIÈME RARTIE. — CHAPITRE III. 287 

due partout, et où il avait été publié une foule d^éditions 
de la Bible en un ou plusieurs volumes. Nous possédons 
en effet un acte par lequel Herman de Statboen , facteur 
d'un libraire de Paris nommé Jean Guymier, vendit à Guil- 
laumedeTourneville,archiprètreàÂngers,le5avril i k'jo 
( 1 4 7 1 nouveau style), une Bible de 1 46 ii , au prix de qua- 
rante écus. Cet acte se trouve sur le livre lui-même, 
qui a appartenu à Goustard , conseiller au pariement de 
Paris 1. 

D un autre côté , est-il possible d'admettre que les sa- 
vants qui achetaient des livres en i &63 ignorassent finven- 
tion de Timprimerie? Le fait est d'autant moins croyable , 
que la découverte en question se trouve consignée en 
toutes lettres dans la souscription du livre : « Presens hoc 
« opusculum artificiosa adinventione imprimendi seu ca- 
« racterizandi ahsque caUuni exaratione, in civitate Mogun- 

^ Voici le texte de ce document d'après Van Praet ( Catalogue des livres 
imprimés sur v^n, in-folio, p. 5 g] : c Ego Hermannus de Alemannia, îns- 
« tiior honesti ac discreti viri Johannis Guymier, aime universitatia Pa- 
crifliensis librarii publici ac jurati, fateor vendidisse prsclaro ac acienti- 
tfico viro magistro Guiliermo Toumeville, archipresbytero ac canonico 
« Andegavensi dignissimo , dominoque meo sui gratia ac prasceptorî colen- 
c dissimo, unam Bibliam Moguntias impressam , in pergameno , în duobus 
• voluminibus , et hoc pretio et summa quadraginta scutorum a me manua- 
c liter ac realiter receptorum ; cujus quidem Biblis venditionem profiteor 
< per praesentem ratam ac gratam habere nec contra venire , ac dominum 
cmeom colendissimum dictsBiblie emptorem indempnem contra omne» 
« rilevare, et de evictione ejusdem Bibliae nec teneri, et ante dictum donii- 
cnum meum defendere poUiceor; teste signo meo manuali hic apposito, 
«bac die 5* menais aprilis, anno Domini m. cccc. lxx. — Heemah. » On 
trouvera la traduction de cette pièce dans la première partie , p. adg. 



288 DE LORIGINE DE ^IMPRIMERIE. 

«tina, sic e£^;iatiim, et ad eusebiam Dei industrie per 
A Johannem Fust dvem et Petnim Schoiffher de Gém- 
ir szheym, dericum diotesis ejusdem, est consummatum. » 
A la vérité, on argumente sur ce que cette souscription 
ne se trouve pas absolument semblable sur tous les exem- 
plaires ^ ; dans quelques-uns, la phrase c< artificiosa adinven- 
« tione imprimendi seu caracterizandi absque calami exa- 
« ratione » fait défaut , et ce «ont ceux4à seuls , dit-on , qui 
furent vendus à Paris ; mais je crois que cette assertion est 
dénuée de fondement, et que l'omission provient d'une 
erreur de l'ouvrier et non d'un calcul. Ge qui manque ici 
se trouve d'ailleurs sur cinq autres ouvrages au moins, 
publiés depuis six ans par les imprimeurs de Mayence, 
et dont il est impossible que Paris n'ait pas eu un certain 
nombre d'exemplaires : au surplus, en connaissant la pro- 
venance de la Bible de i&6a, et tous les exemplaires 
portent les noms de Fust et Schoiffer, accompagnés de 
celui de Mayence, on devait savoir qu'elle n'était pas ma- 
nuscrite; enfin la mission confiée à Nicolas Jenson, 
quelques années avant, prouve d'ailleurs que l'invention 
de l'imprimerie était parfaitement connue en France. 

Si tout ce que je viens de dire ne su£Git pas pour mon- 
trer le peu de fondement du prétendu procès fait à Fust 
pour la vente de sa Bible, je puis produire un autre té- 
moignage plus positif encore, c'est sa présence à Paris,, 
deux ou trois ans après, et la considération dont il y 
jouissait alors. 

' Voir la description de ee livre dans la première partie, p. 235 et suiv. 



DEUXIEME PARTIE. —CHAPITRE III. 289 

Les circonstances politiques dans lesquelles se trou- 
vait le diocèse de Mayence après la prise de cette ville 
par Adolphe de Nassau, en octobre i&6a, n'ayant pas 
permis aux imprimeurs Schoi£Fer et Fust de donner un 
grand essor à leur industrie, ils restèrent jusqu'en 1 465 
sans rien produire d'important. Â la fin de cette année 
cependant ils publièrent deux ouvrages, une édition des 
Offices de Gicéron , in-quarto , qui fut promptement épui- 
sée, et le Liber sextas DecretaUum de Boniface VIII, in* 
folio. Ce dernier ouvrage fut achevé seidement le 1 7 dé- 
cembre. Le k février suivant (1 A66), ils publièrent une 
seconde édition des Offices de Gicéron. Ge livre achevé, 
Fust se hâta de venir le placer à Paris , ainsi que ses Dé- 
crétales. H se trouvait déjà dans cette ville au mois de 
juillet, comme le constate la note suivante qu'on lit à la 
suite de la souscription imprimée qui porte son nom sur 
un exemplaire des Offices de Gicéron de la dernière édi- 
tion, donné par lui-même à l'un des premiers magistrats 
français ^ : « Hic liber Marcii Tidlii pertinet michi , Ludo- 
« vico de Lavernade, militi , cancellario domini mei ducis 
« Borbonii et Alvemie, ac primo presidenti parlamenti Lm- 
ague occitanie^y quem dédit michi Jo. Fust supradictus', 

* Voyez lefac'sindle n* 7. Ce fac-similé est pris sur le volume de La- 
vernade, qui se trouve aujourd'hui dans la bibliothè({ue de Genève, où 
j'ai eu tout à la fois le plaisir de le feuilleter, et le regret de le voir si loin 
de Paris, sa place naturelle. 

' Ce qui est ici en italique est ajouté par un renvoi dans Toriginal. 

^ Ce mot se, rapporte au nom de Fust qui est dans la souscription im- 
primée au-dessus de la note de Lavernade. 

II. 19 



290 DE L ORIGINE DE LIMPRIMERIE. 

«Parisius, in mense Julii, anno Domini m. gggc. lxvi, 
a me tune existente Parisius pro generaii reformatione 
u totius Franconun régni. » 

L'authenticité de ce document ne peut être mise en 
doute. Louis de Lavernade, gratifié de ce livre par Fust, 
était un illustre gentilhomme de la province de Forez , 
dont le portrait se voyait encore avant la révolution de 
1 789 sur Tune des verrières de l'église Notre-Dame de 
Montbrison ^ ma ville natale. Je suis heureux de consta- 
ter les rapports qui ont existé entre Fust et mon illustre 
compatriote, digne précurseur en cette occarion du bi- 
bliographe Antoine du Verdier^. Non -seulement cette 
note nous fait connaître la valeur morale et intellectuelle 
de Louis de Lavernade, mais encore elle le signale i 
rhistoire comme un des personnages les plus importants 
de son époque. 

' ' De la Mure, Histoire du pays de Forez, p. 867. Louis de Lavernade, 
juge et président de Forex des id35, puis commissaire-réformateur de 
ia justice en Languedoc en i456, obtint la charge de premier président 
du parlement de Toulouse vers 1 46 1, et la garda au moins jusqu en 1471, 
sans préjudice de son titre de réformateur général de la justice. Louis de 
Lavernade portait de gueules au vente cTor accosté de deux étoiles Jtargent à 
la bordure d'or. Il y a plusieurs actes de lui au cabinet des titres à la Bi- 
bliothèque nationale : j'ai fait copier sur Tun d'eux sa signature, pour ser- 
vir de terme de comparaison avec le fac-similé de la note du volume de 
Genève. On peut voir la ressemblance exacte de cette signature avec le 
mot Lavernade qui se trouve dans ia note, malgré Timperfection àxx fac- 
similé de cette dernière. 

' Antoine du Verdier, sieur de Vauprivas, né à Montbrison en i544- 
La plupart de ses livres ont été imprimés à Lyon, particulièrement son 
Supplem, epitome hihliothecm Gesneriasue, et sa Bihlioth. françoise (1 585). 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE III. 291 

Outre fintërêt génëral que présente cette note, en 
rappelant une réforme de la justice opérée en France 
vers 1666, et dont les historiens ne font pas mention, 
elle est pour notre objet spécial d'une grande valeur. 
D'abord elle prouve , ce que j'ai dit déjà , qu'à Mayence 
on suivait l'usage romain pour la date des actes , car les 
Offices de Gicéron datés du 4 février 1 466 sont bien de 
cette année, et non de 1 ^67 nouveau style , puisqu'ils ont 
pu être donnés au mois de juillet 1 &66 ; en second lieu, 
elle nous apprend que Fust vendait déjà ses livres à Paris 
quatre mois après leur publication à Mayence. C'était 
presque tout juste le temps né<:;esâaire pour les appor- 
ter d'une ville dans l'autre, à cette époque où les routes 
devaient présenter tant d'obstacles aux lourdes charrettes. 
Les voyages à cheval étaient faciles et fort communs alors, 
mais le transport d'objets volumineux et pesants comme 
des livres offi*ait mille diflBicultés , sans compter le peu de 
sûreté des chemins , surtout dans cette période du règne 
de Louis XI. Cet empressement de Fust à venir vendre 
son livre à Paris montre , mieux que tous les raisonne- 
ments qu'on pourrait faire, l'importance littéraire de 
cette viUe, et l'absurdité du reproche qu'on lui fait au- 
jourd'hui. 

Quoi qu'il en soit, Fust ne devait pas revoir Mayence. 
n mourut à Paris quelques mois après avoir donné son 
livre à Lavemade, et fut très-probablement enterré à 
Saint-Victor, où ses héritiers fondèrent pour lui plus tard 
un anniversaire. Quelques auteurs prétendent qu'il fut 

»9- 



292 DE L ORIGINE DE LIMPRIMERIE. 

emporté par une p*ande mortalité qui affligea Paris au 
mois daoût ou de septembre, mortalité attribuée par 
les uns à la peste , et par les autres à la trop grande cha- 
leur. Pour moi , je crois que la date de sa mort doit être 
celle de son anniversaire , c'est-à-dire le 3o octobre (3 des 
calendes de novembre). Nous avons donné précédem- 
ment^ le texte de ce curieux document, qui prouve que 
Fust,le prétendu magicien, n était pas plus mal avec les 
gens d'é^se qu avec les magistrats. Nous en pouvons 
d'ailleurs fournir d*autres preuves : ainsi, nous savons qu'à 
Mayence il était l'un des douze jurés de sa paroisse de- 
puis 1 &6& , et que sa mort seule força de le remplacer 
au commencement de 1 467 ^. 

Lui mort, l'imprimerie passa, ainsi qu'on a pu le voir, 
à Conrad Fust, son fils^ qui fut cette année même, en 
mémoire de son père , admis comme ce dernier dans le 
conseil de fabrique de l'ég^e Saint-Quentin de Mayence. 
Mais l'apparition d'un nom nouveau pouvant nuire à la 
raison commerciale , il fut probablement convenu que 
le nom de Scboiffer, qui avait figuré jusqu'ici sur les 
souscriptions des livres, continuerait seul à figurer dans 
celles des nouveaux ouvrages que l'atelier de Fust met- 
trait au jour à l'avenir. C'est du moins ce qui eut lieu dès 
le commencement de l'année 1A67, comme on le voit 

^ Première partie, p. a54* 
* Ihid. p. 358. 

^ Voyex, pour tous ces détails, le chapitre v de la première partie de 
ce livre. 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE III. 29$ 

dans la souscription de la Somme de saint Thomas pu- 
bliée le 6 mars de cette année ^. 

Schbiffer, à Texemple de Fust, vint vendre ce livre à 
Paris, sinon en 1467, du moins en i468. Pour ce qui 
est de cette dernière date , nous avons une preuve posi* 

* 

tive du voyage de SchoifFer, c est une quittance donnée 
par lui le 20 juillet 1 468 , aux pensionnaires du collège 
d*Autun ^ à Paris , de la somme de quinze écus d'or pour 
le prix d'un exemplaire en vélin de la Somm£ de saint 
Thomns. Voici la traduction de ce document, dont nous 
avons donné précédemment le texte et le fac-similé^ : 
t(Moi, Pierre Gemsheim, imprimeur de livres, du dio- 
cèse de Mayence , je confesse avoir vendu aux vénérables 
maîtres et écoliers boursiers du collège d'Âutun, fondé à 
Paris , un livre nommé la Somme seconde de la seconde 
partie de saint Thomas, en parchemin, non relié ^, non 
rubrique, commençant au second feuillet par les mots: 
(( ut Âugustinus dixit, » et finissant au dernier feuillet 
avant la table par les mots : «ingressus sed, etc. » pour 
le prix de quinze écus d'or, que j'ai reçus d'eux , et dont 
je les tiens quittes; et j'ai promis et promets leur garantir 

1 Voyez la première partie, p. 270. 

' Ce collège avait été fondé, un siède auparavant, par le cardinal 
Bertrand , évêque d*Autun. 

' Voyez dans la première partie , p. 27 1 et suiv. 

* Autrement dit en cahiers, in quaternis. On trouvera dans la première 
partie , p. 3o3 , Texplication de ces mots, qui ne veulent pas du tout dire 
divisé par cahiers de cpiatre feuilles, comme on le croit généridement^ 
p uisque le livre en question est divisé par cahiers de cinq feuille^. 



294 DE LORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

ledit livre contre toute personne. Et en fœ et ténxN^nage 
des choses susdites , j*ai écrit cette quittance de ma propre 
main, à Paris, et i'ai signée, l'an i468, le 20 juillet^ » 

Au-dessous de lacté on voit, en guise de signature, 
un monogramme où Ton retrouve , dans une disposition 
différente , mais parfaitement reconnaissables , les signes 
qui paraissent sur les deux écussons de Fust et de Schoif^ 
fer, imprimés à la suite des souscriptions de îeurs livres. 
Il convenait, en effet, à ce dernier de réunir en un même 
chiffre les marques artistiques qui avaient rendu son ate- 
lier si célèbre. 

A la suite de la quittance de Sdioiffer, et sur la même 
ieuSle de papier, il y a deux autres quittances , qui ne sont 
pas moins intéressantes, quoique à un point de vue diffé- 
rent. La première est celle d'un relieur, qui déclare avoir 
reçu quarante-quatre sous parisis pour avoir Ruminé et 
relié le livre vendu par Schoiffer : 

Je Jehan Duhamel , relieur de livres , confesse avoir eu et repseu 
de ce livre desus nommé, pour l'avoir enluminé et relié, et avoir 
mis appoint, cest assavoir la somme de quarante et quatre sous 
Parisis des maistres escoliers du coliege d'Autun; de laquelle 
somme je me en tiens pour bien paie et comptent, tesmoing mon 
sygne manuel cy mis, le xxv* jour de septembre mil nii cccc 
soisante et huit. Duhamel. 

La seconde est celle d*un libraire de Paris, qui avait 
vendu aux mêmes pensionnaires du collège d'Autun, pour 
un prix inférieur à celui de la Somme de saint Thomas ,. 

^ Voyez ia note de ia page 27 1, dans ia première partie. 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE III. 2»5 

un autre ouvrage du même auteur, mais probablement 
manuscrit; car on ne connaît aucune édition de ce livre 
antérieure à 1472. Voici, au reste, la copie de lacté en 
question : 

Je Pasquier Bonhomme \ Tung des quatre principaiik librares 
de l'université de Paris , confesse avoir vendu au maistre et escol- 
liers boursiers du colliege dOuthun ung livre en parchemin nonuné 
Qaestiones de veritate sancti Thome de Aquino, coipmensant au se« 
gond foliet « quid est , » et finissant au penullieme davant la table 
« prîmi motus ; » pour le pris et somme de dix escuz d'or, laquelle 
somme je ay receu et m*en tiens pour comptans et bien paie , et 
promès a yceidx dessus nommés envers et contre tous garentir le 
dessus dit livre : tesmoing mon seing manuel cy mis, le sisieme 
jour d'ouctobre Tan mil cccc soixante et huit. Bonhomme. 

Cette somme de dix écus dor est bien modique pour 
un aussi gros ouvrage, car celui-ci na pas moins de 
à8o feuillets, à deux colonnes, dans les éditions impri- 
mées. Est-ce que la nouvelle invention aiu^ait déprécié 
les manuscrits? H y aurait lieu de faire ici de curieuses 
remarques sur le prix des livres à cette époque ; mais ce 
travail, qui m*éloigner»t de mon sujet, pourra être traité 
ailleurs d'une manière spéciale. ' 

On voit, par tout ce qui précède, Tinjustice de lac- 
cusation portée contre Paris. Si Timprimerie ne fut pas 
immédiatement installée dans cette ville , c'est que , grâce 
à rhabileté des scribes et à l'activité des imprimeurs de 

* Pasquier Bonhomme fut plus tard imprimeur à Paris : on a de lui les 
Chroidques de France (^ vol. in-fol. goth. 1 476) , premier ouvrage imprimé 
en français dans cette ville. 



296 DE UORIGINE DE ^IMPRIMERIE. 

Mayence , le besom ne s en fidsah pas trop ¥ivement sen* 
tir. Longtemps même après f instsdiation de l'imprimerie 
i Paris, Sdioifier continua à eiq»loiter ce riche marché, 
qui était sans ^;al au monde; car il est bon de remar- 
quer que, si Venise a produit beaucoup plus de livresque 
Paris dans les trente dernières années du xv* siècle, cela 
ne prouve pas sa supériorité comme centre intellectuel, 
mais seulement comme point d*eiqportatioD. 

Ce sont deas, membres de l'université de Paris qui in- 
troduisirent l'imprimerie dans cette ville. Mais , par un 
hasard singulier, ces illustres docteurs, dont les noms se- 
raient dignes, par cela setd, dépasser à la postérité, sont 
tous deux étrangers à la France proprement dite par leur 
naissance : l'un était Savoyard, l'autre Allemand. D est 
vrai que le premier, Guillaume Fichet, était né dans un 
pays ressortissant à la France ^, avait été élevé à l'univer- 
sité de Paris , et était encore boursier de Sorbonne en 
i46&; mais lé second, Jean Heynhn, était né à Stein, 
en Suisse, près de Constance; c'est de là que lui vient le 
nom de Lapideus en latin, et de la Pierre en français, 
sous lequel il est uniqueînent connu aujourd'hui. Ce Eut, 
qiu n'a encore été signalé par personne^, explique le 

' On le dit né à PetitrBomand , près du lac de Genèye ; mais le somon» 
d^Âlnelanas, qu*il prend sur ses livres, semble indiquer qn^il est né dans 
tm endroit ou près d'un endroit appelé Auhiaj, Annet, Aunajr, Annet on 
Anet : peut-être même a-i-il voulu désigner Annecy. Je n*ai pu vérifier 
le fait; mais il est sans importance : ii n'en est pas de même à Tégard du 
surnom de Jean Heynlin. 

' On n a pas fait attention que le nom de la Kerreétak la traduction du 



DEUXIEME PARTIE. ^ CHAPITRE III. 297 

Irôle important que joua dans l'introduction de f impri* 
merie à Paris cet iliusti^ Allemand* En e£Pet , c'est lui 
qui, à là sollicitation de Fichet, bIots recteur de l'uni* 
versité de Paris, demanda en Allemagne des ouvriers 
typographes. 

Ceux qui répondirent à l'appel de Jean de Stein 
furent: i" Ulric Gering*, de Constance, c'est-à-dire con- 
citoyen de ce dernier, car Constance n'est qu'à cinq 
lieues de Stein ; 2® Michel Friburger ou Friburgier, de 
Colmar ; 3^ Martin Crantz ou Grantz ^, dont on ne con^ 



nom allemand de la ville natale de Jean Heyalin, 1^, suivant Fusage du 
tempa, était appelé Johannes von Stein. 

* Prononcez Guering, suivant la prononciation allemande, ou mieux 
Guennch, comme en Alsace, et non Géiingy comme on Ta imprimé dans 
l'ouvrage de M. Didot. Les Français contemporaine ont cherché à rendre la 
véritable prononciation de ce mot de diverses manières. Ainsi Ton trouve 
Quering dans les lettres de naturalité de février 1474* que nous- donnons 
plus loin; Guerincg, sur une inscription latine j^acée dans la chapelle 
haute du collège de Montaigu, rapportée par Cheviller, p. 89; Gnendch 
(ou phitôt Gncm'iicJL), aubas d'un portrait qui se voyait autrefois dans la 
même diapelle, et qui a été reproduit en taille-douce par Boudan. Cette 
gravure, insérée dans quelques exemplaires retouchés de V Histoire de 
^imprimerie de Lacaille, a été de nos jours lidiographiée , et figure dans 
le travail qu'a publié M. Taillandier sur l'origine de l'imprimerie de 
Paris , travail qui a été inséré dans les Mémoires de la société des antiquaires 
de France, t. XUI, p. 346 , puis tiré à part ea une hachure in-8*. 

' Si je donne à Gering le premier rang ici, ce n'est pas qu'il ait été le 
chef de l'association, car le nom de Friburger et celui de Crantz figurent 
le plus souvent les premiers dans les souscriptions; mai» c'est que Gering 
a continué l'imprimerie longtemps après que sea deux associés se furent 
retirés des affaires, ce qui permet de supposer qu'il était le plus jeune 
des trois. 



298 DE LORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

naît pas le lieu de naissance, mais qui était probablement 
Allemand comme Friburger et Gering. fl est tout na* 
turel, en effet, de penser que les trois associés étaient de 
la même contrée ou à peu près^. Il ne serait pas impos- 
sible aussi que le dernier ne fût le fils, ou tout au moins 
le parent de Pierre Grantz , qui figure conune témoin de 
Fust dans le procès de 1 45 5, et qui, suivant f exemple 
de Bechtermuntze , de Keffer, de Numeister, etc. aurait 
quitté Mayence de fort bonne beure , et serait venu se 
fixer du côté de Constance, où il aurait introduit f im- 
primerie. 

Si Ion en juge par le lieu de naissance de Jean de la 
Pierre et de deux de ses imprimeurs, les premiers typo- 
graphes de Paris vinrent, non pas de Mayence, comme 
on le croit généralement^, mais de Munster en Âi^au , 

^ Il ne faut pas perdre de vue que TAlsace n*a été réunie à la France 
ipie deux siècles plus tard, quoique ayant fait jadis partie de la Gaule, 
ccmime Mayence et toute la rive occidentale du Rhin. 

' Voyes Grapeiet (Etudes sur la t)fographie, p. 5) et Taillandier (Ré" 
sumé historique de t introduction de t imprimerie à Paris, dans les Mémoires 
de la société des antiquaires de France, t. XIII, p. 348). Gheviller, beaucoup 
mieux renseigné, puisqu'il avait, comme bibliothécaire de laSorbonne, 
tous les documents soùs la main, s*était contenté de dire (p. 5i) ; • On voit 
bien par ia lettre de Fichet, qui sert de préface aux Ëpîtres de Gasparin, 
que c'est Lapierre qui a iait venir à Paris ces imprimeurs de son pays d'Al* 
lemagne; mais on n'y lit point précisément qu'il les ait fait venir ou de 
Mayence ou de Strasbourg. Je crois pourtant que c'est à Mayence qu'ils 
ont appris leur art, parce que je vois -dans leurs impressions des carac- 
tères qui reviennent fort à ceux de Pierre Schoeffer de Mayence, comme 
le Spéculum Zamorensis de la seconde édition, qu'ils mirent sous la presse 
en 1 475. V II n'aurait pas conclu de la sorte, s*il eût connu le lieu de nais- 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE III. 290 

où avait été étaUie une imprimerie depuis quelque 
temps, comme nous lavons vu, ou du moins de Bâle ou 
de Strasbourg^. Jean de Stein devait, en e£Pet, avoir pfais 
de relations avec la Suisse et TAlsace qu'avec le Rhein- 
gau, situé à cent lieues de sa ville natale. 

Quoi qu'il en soit, les premiers imprimeurs de Paris 
arrivèrent dans cette ville vers la 6n de 1 469 ou au com- 
mencement de 1 A 70. Us furent installés dans les bàti-^ 
ments mêmes de la Sorbonne, qu'habitaient Ficbet et 
de la Pierre. Ainsi , comme on la souvent fait remarquer, 
Timprimerie parisienne prit naissance dans le sein d'une 
société avec laquelle el}e ne devait pas tarder à être en 
guerre, et qu'elle devait même faire tomber sous ses 
coups ^. Mais on ne pouvait prévoir alors la puissance 
d'un art si docile à ses débuts. 

Le premier livre imprimé par Gering et ses associés 
parait être le recueil des lettres de Gasparin de Beigame, 
autrement dit Barzizio, du lieu de sa naissance. C'est 

sauce de la Pierre, car il avait écrit précédemment (p. 36] : «Il y a des 
conjectures assez fortes pour croire que Jean de Lapierre était ou de même 
ville , ou de même diocèse qu Ulric Gering , » ce qui est parfiiitement exact. 
On voit que Cheviller était sur la voie, et que 8*il n'eût pas été dérouté par 
ce nom de la Pierre, ou 8*il eût su Tallemand, il aurait trouvé la vérité. 

^ La question serait résolue en faveur de Munster si Ton s*en rapporte à 
une note publiée par M^ Didot dans son article Typographie de VEncyclo- 
pédie nomteUt ( t XXVI , col. 670) : « Elias (rimprimeur titulaire de Muna- 
ter) avait deux associés, Jean Dorfling de Winterthur, et Uiric Gering, 
qui plus tard fut appelé à Paris. > Malheureusement M. Didot n a pu m^ 
dire d*où il avait tiré ce renseignement. 

' M. Taillandier, mémoire cité, p. iàS. 



800 DE LORIGINE DE LIMPRIMERIE. 

un petit volume in-quarto de a36 p^es de aa lignes 
chacune , imprimé avec des caractères romains de qua- 
torze points et demi environ, dune forme encore un 
peu gothique, mais déjà très -différente de celle des 
caractères de Mayence et de Strasbourg. On reconnaît 
ici Tinfluence classùfue des deux fondateurs de Timpri- 
merie parisienne , qui ne firent publier que des livres 
latins, destinés à relever f étude des belles - lettres , et 
qui partant avaient plus de relations avec Rome qu'avec 
Mayence ^ 

Le livre de Gasparin est divisé en i a cahiers de i o feuil- 
lets ou 10 pages, sauf le dernier, qui nen a que 16. Il 

» 

na ni signatures ^ ni réclames, ni folios, ni indices typo- 
graphiques. Il conunence par une épitre de Guillaume 
Fichet, docteur en théohgie, à Jean de la Pierre, prieur 
de la maison de Sorbonne. Cette lettre sert à fixer Tépoque 
de l'impression du livre. En effet, on sait que Jean de 
la Pierre fut deux fois prieur de Sorbonne, une première 
fois en 1^67, et la seconde en 1670. La première date 
ne peut convenir, par la raison que Fichet n'était pas en- 
core alors docteur en théologie. Le livre a donc été im- 
primé au commencement de 1 47 o* Il se termine par une 
souscription où on lit ces quatre vers adressés à Paris, 

« * Déjà Mentelin , à Strasbourg , et Gunther Zainer, à Augsboorg, avaient 
ntroduit en Allemagne le caractère romain; mais il ne put pas 8*y main^ 

tenir. 

' Mercier (SuppL etc. p. 1 20) dit qu'il a des signatures. Cette assertion 

est sans le moindre fondement. 



DEUXIEME PARTIE. —CHAPITRE III. 901 

inscrîptioii qui prouve que c est le premier ouvrage des 
imprimeurs de cette ville : 

Primos eocelibros quos hxc industria finxii 
Franconim in terris, aedibus atqae tais. 

Ifichad, Udalricus' Martinusque magistri 
Hos impresserunt ac fiident alios. 

La lettre de Fichet nous apprend de plus que Jean de 
la Pierre fut Tëditeur de ce livre, le premier qui ait été 
imprimé en France , et que c est à lui quon doit la venue 
â Paris de Gering et de ses associés. Voici , d*après La^ 
caille , la traduction de ce curieux monument historique , 
dont le texte latin se trouve dans Cheviller (p. &o) : « Les 
Epitres de Gasparin de Bergame, que vous m avez en- 
voyées depuis peu^, sont remplies d agrément; car, outre 
qu elles sont imprimées fort nettement par vos ouvriers 
d'Allemagne (a tais quoqne Germanis impressorihus) , vous 
avez pris la peine vous-même de les corriger avec beau- 
coup d exactitude. Gasparino vous est beaucoup obligé , 
puisque, de corrompu qu'il étoit auparavant, vous Tavez 
rendu parfait par vos soins et par vos veilles ; mais quelles 
actions de grâce ne devroient pas vous rendre les docteurs 
de Paris , de ce que non-seulement vous remplissez fort 

^ Il paraît c[u*îi s*était glissé une faute à Timpression dans ce mot, car 
les premières lettres ont été grattées et refiûtes à la main dans Texemplaire 
de la Bibliothèque nationale qui vient de la Sorbonne; il y avait, je crois» 
daVlricus, par suite d*une transposition du V, 

^ En épreuves, car ce livre n était pas terminé, puisque l'éditeur a pu 
y joindre Tépitre même de Fichet. 



SOS D£ LORIGINE DE LIMPRIMERIË. 

bien les devoirs de votre chaîne, en vous appliquant 
fortement à la théologie , mais aussi de ce que vous em» 
ployez vos soins et vos peines à rétablir les auteurs latins ! 
En vérité , il faut être aussi savant et aussi honnête homme 
que vous letes, puisque, après avoir présidé avec beau- 
coup de gloire et avec lapplaudissement de tout le monde 
aux thèses de Sorbonne , vous donnez encore , par votre 
seule industrie, le lustre et fédat aux belles-lettres, qui 
étoient presque ensevelies dans les ténèbres par Tigno- 
rance de notre temps ; car, outre plusieurs pertes d ou^ 
vrages que la république des lettres avoit faites, elle avoit 
encore le déplaisir de voir tous les auti*es livres presque 
devenus barbares par la faute des scribes; mais je suis 
bien aise que vous ayez chassé cette peste de la ville de 
Paris. Les imprimeurs que vous avez fait venir d*Âlle- 
magne (quos — etaa Germania Ubrarios ascivùti) rendent 
les livres fort corrects (quam emendatos Ubros ad exemphr 
ria reddant) et fort semblables aux manuscrits , puisque 
vous faites en sorte qu'ils ne mettent au jour auctin ou- 
vrage que vous ne l'ayez corrigé auparavant par la con- 
frontation de plusieurs exenq)laires. C'est pourquoi ils 
devroient vous donner les louanges que vous méritez, et 
que donnoit autrefois Horace à Quintilien , censeur des 
poésies de son temps , puisqu'ils ont le plaisir de goûter 
de la fontaine de lait , plus douce mille fois que le miel , 
qui coule de l'éloquence agréable de Gasparino, et de 
celle de plusieurs autres beaux génies de cette ville; ce 
qu'ils font de jour en jour avec plus d'avidité , depuis que 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE IIL SOS 

la radesse en a été ôtée. Pour moi, je souhaiterds de 
tout mon cœur, à lexemple de ce que disoit Haton à la 
louange d'Aristote, d'avoir le plaisir de demeurer avec 
celui de qui je lis les ouvrages avec tant d affection. » 

Les autres livres imprimés par Gering et ses associés 
dans la Sorbonne sont les suivants : 

a"" Florus {De tota historia Titi Livii epitome) , même 
format, même caractère que Touvrage précédent, égale- 
ment sans date, sans signatures, sans chifiBres. Il parait 
que le dernier feuillet de ce livre a été réimprimé , car 
les divers exemplaires connus y laissent voir des diffé- 
rences. 

S"" Salluste {De Lucii Catilinœ conjaratione liber, etc. ) , 
mêmes dispositions que louvrage précédent. Le livre se 
termine par cette souscription , qui rappelle la guerre dé- 
clarée en 1 470 par Louis XI au duc de Bourgogne : 

Nunc parât arma virosque simul rex maximus orbis , 

Hostibus antîquis exitium mînitans. 
Nunc îgitur bello studeas , gens Pariseorum , 

Gui Martîs quondam gloria magna fuit. 
E^emplo tibi sint nunc fortia facta virorum , 

Qus digne memorat Crispus in hoc opère. 
Ârmigerisque tuis Alemannos annumeres , qui 

Hos pressere libros , arma futura tibi. 

4** Gvdllelmi Ficheti Alnetani rhetoricorum Ubri très. On 
lit à la fin de ce livre de Fichet la souscription suivante : 
a In Parisiorum Sorbona conditae Ficheteae rethoricae finis. » 
Puis vient un panégyrique de 1 auteur par Robert Ga- 



304 DE LORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

guin, son ami^ en quatorze distiques latins, o Cette pre^ 
mière Rhétorique de Tuniversité , dit Cheviller, fut ainsi 
composée , datée et imprimée en Sorhonne. » C'est un 
volume in-quarto conforme aux précédents. Il fiit proba^ 
blement achevé en juin 1 47 1 , car les lettres d envoi de 
1 auteur, adressées à cinq illustres personnages , ses con- 
temporains, sont toutes postérieures à cette date, sauf 
ime seule, qui, par erreur sans doute, porte : oiËdibus 
a Sorbonœ , idibus Julii , scriptum anno septuagesimo et 
« quadringentesimo supra miUesimum. » Il est fort pro- 
bable qu'on a oublié après anno les mots 'nno et, qui se 
trouvent dans toutes les autres lettres./' 

Fichet fit tirer plusieurs exemplaiur^es 4e son livre sur 
vélin , destinés à être donnés par lui en cadeau aux plus 
illustres personnages. On en possède encore cinq exem- 
plaires de ce genre. Celui adressé au pape , et qui se trouve 
au British muséum, à Londres, est orné d'initiales peintes 
en or et en couleurs. Â l'exemple des plus somptueux 
manuscrits de ce temps-là , il est enrichi d'une très-belle 
miniature qui représente Fichet faisant hommage de son 
livre au souverain pontife. La dédicace de cet exemplaire, 
qui est imprimée sm* trois feuillets, outre la suscription, 
a été insérée encore dans un petit recueil de lettres 
analogues dont nous allons parler, et dans un volume 
contenant des lettres manuscrites et autographes de ce 
savant, où on lit, en marge de la dédicace, de la même 
main qui a écrit tout le volume : « Prefatio libri quem 
M pontifici misi. » Elle est suivie de la réponse du pape. 



» 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE III. 305 

datée de Rome le i& février 147a* Ces deux recueib 
sont à la Bibliollièque nationaie, à Paris ^ 

Un second exemplaire en vélin , celui adressé par Tau- 
teur au cardinal Bessarion, et accompagné également 
d'une épitre particulière , ornée d'une miniature qui re- 
présente celui<<;i assis sous un dais, et ayant à ses genoux 
Guillaume Fichet, qui lui o£Bre son livre, se trouve à la 
bibliothèque de Saint-Marc, à Venise. 

Un troisième exemplaire en vélin , celui oflTert par Tau- 
teur à Charies, comte du Maine, se trouve dans la bi- 
bliothèque de Gotha. B est, comme le précédent, en- 
richi d'une épître et d'une miniature. 

Les deux autres exemplaires en vélin sont à Paris et à 
Vienne, en Autriche. Le dernier a quelque temps figuré 
à la Bibliothèque nationale de Paris , mais il fut rendu 
à la Bibliothèque impériale de Vienne en 1 8 1 4. 

Fichet a réuni , en un petit volume in-quarto de huit 
feuillets , les lettres d'envoi imprimées en tête des cinq 
premiers exemplaires de son livre donnés par lui. Les 
destinataires sont : 1^ le cardinal de Bessarion; 2^ le pape 
Sixte IV; 3" René , roi de Sicile ; 4*" Jean RoUin , évêque 
d'Âutun, cardinal; 5® Guillaume Quadrigarius (Ghartier), 
évêque de Paris. B a joint depuis trois autres lettres ma- 
nuscrites à un exemplaire de ce recueil qui provient de 
la Sorbonne , et qui se trouve à la Bibliothèque natio- 

^ Vélins de la bihUothèque du roi, t. lY, p. 18. Toutefois je dois avouer 
qu^on n*a pu me montrer le second, li y a bien aux manuscrits une copie 
des lettres de Fichet, mais ce recueil n^est pas celui dont parie Van Praet. 

II. 20 



306 DE L ORIGINE DE L*IMPRIMERI£. 

naie. Ces lettres sont adressées : i"" à Charles, duc d'Aqui- 
taine, frère du roi; a" à François, duc de Bretagne; 3"* â 
Charles , comte du Maine. 

Mais reprenons la liste des éditions de Gering ; 

5^ Gasparini Pergamensù ortkoyraphiœ pars prima et se- 
cunda, etc. in-quarto, à la fin duquel on trouve un petit 
traité de Guarinas Veronensis, intitulé De Jipkthongis U- 
beïlas , de 9 feuillets seulement. 

6"* Epûtoïa cynicœy hoc est Phalandis epistolœ a Franc. 
Aretino e grœco latine rediita, etc. in-qûarto. On lit à la 
fin du livre, en l'honneur des imprimeurs, une épigramme 
de huit vers , d'un certain Allemand, Erhard Windsberg, 
qui était probablement leur compatriote , et qui leur te- 
nait lieu de correcteur ou de réviseur : 

Plura licet summœ dederis, Alemannia, laudi , 

At reor hoc majus te genuisse nihU; 
Quod prope divinam summa ex industria fingis 

Seribendi hanc artem , multij^cans stodia. 
Fcdkes igitor, Hichad Martineque, semper 
^ Vivite, et Ulrice , hoc quels opus imprimitur ; 
Erhardum vestro et non dedignemini amore, 

Cui fido semper pectore clausi eritis. 

Jacques Mentel , qui a publié au xvii* siècle deux dis^ 
sertations latines pour revendiquer en faveur de son pré- 
tendu parent, Jean Mentelin, l'honneur d'avoir inventé 
l'imprimerie , prétend que les épîtres de Phalaris ont été 
imprimées à Strasbourg , et cite à l'appui de son opinion 
un exemplaire de ce livre où le premier vers se termi- 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE III. 307 

nait par lea mots dederis ta Argentina kmdi, au tieu de 
Alemannia loadi; mais personne na jamais vu cet exem- 
plaire. U faut croire que cet auteur a été trompé par 
un faussaire qui aura gratté les mots primitif pour y 
substituer une autre version, si ce n'est Jacques Men- 
tel lui-même qui a fait cette substitution sur son exem- 
plaire. 

7^ Bessariofds cardinaUs Epistolm ad GuiUebnnm Fiche- 
tom, etc. in-quarto de 4o feuillets, dont le dernier est 
blanc. Lexràiplaire de la BiMiothèque nationale, qui 
provient de la bibliothèque de la Vallière, contient, de 
plus que les autres, une lettre de Fichet à Louis XI et aux 
grands du royaume. Elle occupe deux feuillets, et se ter- 
mine ainsi : « Nonis sextilibus anno une et septuagesimo 
« quadringentesimoque supra millesimum Parisii scri- 
« ptum , aedibus Sorbone. » 

8° Laurentii VaUœ elegantiaram Ungua lutijUB UhriseXf etc, 
in-folio. L'éditeur de ce livre fut un certain Petras Paalns 
SemUs, secrétaire du roi Louis XI, homme fort habile 
dans les humanités , dit Cheviller. Ayant su « qu'il s'étoit 
échappé de la cour, pour quelque affaire qu'il avoit à 
Paris, Jean de Lapierre vint le solliciter de donner au 
public les Elégances latines de Laurent Valle. Celui-ci 
voulut s'en excuser, tant sur son peu de capacité, qui 
n'étoit pas augmentée à la cour, comme il disoit, que sur 
le temps de guerre et le peu de jours qu'il avoit pour 
rester à Paris. Mais Lapierre obtint ce qu'il avoit souhaité. 
Le Laurent Vdle fut revu en peu de temps par ce docte 



20. 



308 DE L ORIGINE DE LIMPRIMERIE. 

courtisan , qui laissa à Lapierre le soin d'adiever et cor- 
riger son ouvrage^. » 

9"" Roderici, Zamorenm episcopi, Specalam hunumœ viUe, 

in-folio. 

1 o"" Jacobi Magni ordinis eremitarum S. Augustim Sopho- 

logium, in-folio. 

«Tous ces livres, dit Cheviller*, sont imprimés de 
mêmes lettres, fondues dans les mêmes matrices. Cest 
un caractère rond de gros romain; Comme l'impression 
ne faisoit que de naître à Paris, et que ces premiers livres 
sont comme des essais de l'art, il se trouve en quelques- 
uns des lettres à demi formées et des mots i moitié im- 
primés , qu'on a achevés avec la main. H y a même 
quelques épitres imprimées dont l'inscription n'est que 
manuscrite. Il n'y a point de lettres capitales'. Les pre- 
mières lettres des livres et des chapitres sont omises , on 
y a laissé de la place pour y peindre une première lettre 
en or ou en azur. B y a plusieurs mots abrégés. Toutes 
les anciennes impressions ont ce défaut. Le papier n'est 

^ Cheviller, Long, de Timpr. de Paris, p. 3a. 

* Ibid. p. 38. 

' Lisez grandes lettres initiales. M. Grapei«t , c[ui n*a pas compris cette ex^ 
pression, chose fort extraordinaire de la part d'un imprimeur, croit <pi*il n'y 
avait point de lettres capitales dans les livres de Gering et de ses associés , et 
attribue V invention de ces lettres à Nicolas Jenson (Étades pratiques, etc. p* 1 1 ) • 
C'est une grave erreur : les premiers livres de Paris ont des capitales, et 
elles sont parfaitement romaines. Longtemps avant Nicolas Jenson on avait 
gravé des majuscules de cette sorte à Rome, d'où leur vient leur nom. Il 
est déplorable que M. Crapelet n'ait pas pris la peine d'aller voir à la Biblio- 
thèque nationale les livres dont il parlait. 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE III. 309 

pas bien blanc; mais ii est fort et bien coilë. L encre est 
d'un beau noir. Ils imprimèrent aussi quelques lignes en 
lettres rouges et sur vélin ^. B y a quelques ouvrages qui 
commencent par le folio verso, comme le Florus. fls sont 
tous sans titre , sans cbifires et sans signatures » 

Cheviller ajoute : a Cette première liste ne contient pas 
certainement tous les livres qui ftu*ent imprimés en Sor- 
bonne. On en a perdu quelques-uns. » 

Depuis répoque de Cheviller on a retrouvé cinq ou- 
vrages inconnus à ce dernier, et l'indication de plusieurs 
autres qui n'existent plus. Voici la description des premiers, 
avec la mention des bibliothëques où ils sont conservés : 

11'* Une édition de Térence, de 88 feuillets in-folio, 
dont les pages pleines ont 3â lignes. Le premier feuillet 
recto porte l'intftulé suivant en une ligne : a Publii Tê- 
te rentii Afri poète comici Andria incipit fœliciter. » Sans 
chiffi^, sans réclames ni signatures, sans date.sans nom 
de lieu ni d'imprimeiu*. L'unique exemplaire connu est 
dans la bibliothèque de lord Spencer^. 

12" Une édition de Vitale (les Bucoliques et les Géor- 
giques seulement) , 69 feuillets in-folio, même disposition 
que l'ouvrage précédent. Aussi dans la bibliothèque Spen- 
cer^. Van Praet* pense que nos imprimeurs publièrent 
aussi ÏÉnèide; mais c'est une simple hypothèse. 

* Particaliërement le titre de la lettre adressée à Jean Rollin. 
^ Dibdin , Bibl. Spencer, t. II , p. Â08. 

^ /Mi. t. II, p. 487. 

* CataL in-fol. p. 5o5. 



310 DE LORIGINË DE LIMPRIMERIE. 

1 3° Une édition des Satires de Juvënai et de Perse,, 
réunies en un volume de 7a feuillets, dont 61 pour le 
premier de ces auteurs et 1 1 seulement pour le second. 
Ce livre , conforme aux deux précédents , a été décrit par 
Dibdin Ml ne se trouve qu'en deux exemplaires, un peu 
différents, et tous deux en Angleterre : lun dans la bi- 
bliothèque du collège de la Maddeine^ à Oxford; l'autre 
dans la bibliothèque Grenville , ou pour mieux dire au 
Britisk mnseam , par suite du legs fait à cet établissement 
par lord GrenviUe. L'exemplaire d'Oxford contient, au 
dernier feuillet, une pièce de vers d'Erhard de Windsberg, 
qui ne se trouve pas au second. 

1 Ix"" Une édition des Tuscahmœ questiones de Gicéron. 
In<-folio de 87 feuillets, à 3 1 lignes seulement à la page. 
Il commence par un prologue : a M. T. G. oratorum Ho- 
« meri Prologus, etc. » Au verso du quatre-vingtrcinquième 
feuillet on lit quelques vers d'Erhard de Windsberg, sui- 
vis d'une table. Le livre se termine par les mots : « Vale,. 
<( lêctor studiose. » L'exemplaire unique de la Bibliothèque 
nationale est incomplet de trois feuillets, le premier et 
deux autres, que Van Praet, pour satisfaire sa monoma- 
nie bien connue , a eu le courage d'arracher et de donner 
à M. Ant. Aug. Renouard, en échange d'un exemplaire 
du Mérite des femmes^ in-trente^deux en vélin. C'est ce 
qu'a constaté Van Praet lui-même dans une note de sa 
main , reliée avec le volume , et datée du mois de sep- 
tembre 1826. 

^ Bibl. Spenc. Il , 321. 



r 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE III. 311 

Je ne sais pourquoi M. Brunket » qui décrit cette édition 
des Tusi^ilants ^ , la considère conune la seconde partie 
du volume suivant. Rien ne constate cette prétendue dé- 
pendance, si ce n est peut-être la réunion des deux livres 
dans un volume. 

1 5"" Une éditieofi de divers ouvrages philosophiques de 
Gcéron {les Offices, t Amitié , la Vieilksse, le Songe de Sci- 
pion, les Paradoxes) y in-folio de i st3 feuSlets à 3 1 li^iss 
par page , non o(»n[Hris deux feuillets blancs qui sont pkr- 
ces entre le Songe et les Paradoxes. Le livre commence 
par une lettré de Fichet à Jean de la Pierre , datée de 
Tours, le 7 mars i^yi (1A73 nouveau style), suivie 
d'une réponse de Jean et des tables du livre. 

La Bibliothèque nationale possède deux exemplaires 
de ce livre. Lun avec les rubriques imprimées; T^autre 
avec les rubriques écrites en rouge. Ce dernier, qui pro- 
vient de la bibliothèque la Vallière, et qui a coûté 45 o 
francs, est enrichi d'un feuillet de plus, en vélin, et por- 
tant au verso (le recto est blanc) une dédicace de Jean 
de la Pîen^e à Georges de Bade, évêque de Metz : «il- 
<( lustrissimo principi patrique in Christo reverendo do- 
« mino Georgio ,. Metensis episcopo. » ËUe ne r^iferme 
rien d'intéressant pour nous. Il n'en est pas de même 
de la lettre de Fichet dont j'ai déjà parlé : on y trouve 
un passage fort curieux dont voici la traduction ^ : 

«Dernièrement, tandis que je résidais auprès du roi, 

^ Manml, 4* édit. 1. 1, p. 677. 

* « Nuper quom apud regem pro Gallorum principum concordia, bello- 



312 DE L0RI6INË DE LIMPRiMERIE. 

par ordre du cardinal Bessarion , pour rétablir la paix 
entre les princes français et pousser à la croisade contre 
les Turcs , il me tomba entre les mains plusieurs ou- 
vrages de Gicéron que les Uhïxirii étrangers, que nous 
nommons imprimeurs ^ avaient apportés à Tours. La 
lecture de ces livres , au milieu du tumulte de la cour, 
fut pour moi pleine de charme ; mais combien elle m'eût 
été plus agréable encore, si chaque livre eût été plus 
correct et si ses divisions eussent été plus distinctes, tel, 
par exemple, que le Cficerdnù Orator, le Valerim et le 
Laurentius que vous avez publiés 1 Ces divisions , que nous 
appelons chapitres , aident la mémoire , édaircissent un 
livre , et en rendent la lecture facile même aux enfanta. 

«que contra Turcum obeundo, Bessarionis Niceni cardînatis jussu, verba 
« fecissem , exitumque rerum mîhî creditarum opperirer, inoîderunt forte 
«fortuna manus meaa opéra multa Giceronb, quae Turonem eztenu qiû- 
«dam librarii (quos dicimus impresso^es) advexerant. £onun mihi lec- 
«tio fuit in hoc curiali tumuitu non ingrata, multoque jocundior. Quam 
«quom eadem domi saepe saspiusque legebam, fuisset autem ionge jocun- 
c disaima, si coirectissimus et cq>itibus distinctissimus liber qoisque fiiia- 
«set» ^uemadmQdui^ Çiceronis Orator, Valerius et Lfoxrentiqs opéra tgmt suât 
«impressi : quibus distinctiones istae (capitula quae nos appell^mus] et ad 
« cognitionem et ad memoriam magnum sane lumen recludunt, ut vel 
cpueris eorum lectio sit aperta. Rogatum itaque te voio ut Ciceronis Of- 
«ficia (qive Parisie»ses Ubrarii noulongo post tempore sunl impressuri) 
«prius isto castigandi tuo distinguendique labore reddantur meliora. Est 
« enim facillimus et jocundissimus viro tibi doctissimo et offîciosissimo la- 
«bor futurus, ut cui nihil omnino desit quod istum laborem graviorem 
«. tibi reddere possit. » 

^ Il est dii&cile de rendre exactement en français le sens de cette phrase 
latine, à cause du mot lihrarius, qui signifie tout à la fois copiste, libraire, 
imprimeur, relieur, etc. 



DEUXIEME PARTIE. —CHAPITRE III. 313 

Je vous recommande sous ce rapport les Offices de Gicé* 
ron, que les imprimeurs de Paris doivent bientôt mettre 
sous presse : ayez soin de les rendre meilleurs par la cor- 
rection et la division du livre. Un pareil travail sera fa- 
cile et agréable à un homme tel que vous » 

La recommandation de Fichet fut e^sactement suivie. 
Le volume qui nous occupe en ce n^oment est précédé 
^*une table très-détaiUée , et chaque pièce commence sur 
une page distincte , avec sommaire explicatif. 

On voit par cette lettre avec quelle rapidité les livres 
imprimés se répandaient dans tous les pays , puisque la 
France , qui n avait point encore d'imprimeur, ou , du 
moins , qui n en avait qu'à Paris à Tépoque dont parie 
Fichet, était inondée des ouvrages publiés à l'étranger. 

Mais ce qu'il y a de plus curieux pour nous dans la 
lettre de Fichet , c'est la mention de deux éditions incon- 
nues des imprimeurs de Paris, publiées avant 1^72, car, 
comme nous l'avons vu, sa lettre est datée du 7 mars 147a 
nouveau style. Ces éditions sont VOrateur de Cicéron et 
le Valère Maxime, qu'aucun bibliographe n'a encore dé- 
crits. Quant au troisième ouvrage cité d^ns cette lettre, 
nous en avons parié précédemment. 

A ces deux éditions encore inconnues, quelques bi- 
bliographes en joignent une de Quintilîen; mais l'exis- 
tence de cette édition , signalée seulement par Maittaire, 
est fort peu authentique. 

Dibdin attribue aussi à Gering une édition du livre De 
duobus amantibus, d'-^neas Silvius (depuis pape sous le 



314 DE LORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

nom de Pie II), de hh feuillets ûo^folio, de )3 l^nes à la 
page, qui se trouve dans la biUiothèque de Vienne en 
Autriche; mais ce qu'il en dit^ est trop vague pour qu'on 
puisse adopter son opinion. 

M. Bnmet^ mentionne en outre un livre de saint 
Âmlnncnae (De dfficiis Vbri très), in-folio de 3i lignes. 
L'exemplaire de ce livre , qui fut vendu avec la biblio- 
thèque du cardinal de Lomënie en 1 793 , était acccMooqpa- 
gné dun traité de Sénèque (De footeor virtutïhus), opus- 
cule de quatre feuillets. 

Les bibliogra^dies ajoutent encore à la première liste 
de Qieviiler louvrage suivant, qu'il n'a mentionné nulle 
part : Jekannis Scoti in quartam lihrmn SentenÊàuram Pétri 
Lombardi. Gros volume in -folio, à la fin duquel on lit 
cette souscription : 

Si te nosse juvat , lector nunc officiose, 

Unde tibi tersa haec Iktera pressa venit : 
Parisii mauibus noscas hœc ingeniosis 

Conscripta, et doctis ante relecta viris. 
Is etenim Mîcfaael, Martinus (gente Âlemani) 

Atque Udalricus multiplicant stadia. 
Felîces formas iQorum jure vocabis , 

Quœ nitidis formiuit optîma qiuBqae libris. 
Ne te poBoiteat precûim huic impendere dignum, 

Quem docta împressit regia Parisius'. 

Je n'ai pas vu ce livre ; je connais bien une édition 

^ A bibliographical tour, etc. t. III , p. 5o2. 

« Manuel, il* édii, I, 85. 

' Panzer, Ann. tffogir. t. U^ p. 273. 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE IIL 315 

iB*folio de 1 kjk^ qui se trouve à la l^iiothèque natio- 
nale, mais elle n'appartient pas à la première série des 
livres de Gering et de ses associés , car elle est imprimée 
avec un caractère autre qae celui dont ils firent constam- 
ment usage à la Sorl>onne« Ce livre, au reste, ne figure 
pas non plus sur la deuxième liste des livres des impri^ 
meurs de Pans donnée par Cheviller. 

Gabriel Naudé dit que le premier ouvrage de ces im- 
primeurs ht le Specalam de Roderic Sandus; mais il est 
dans Terreur en ceci comime en beaucoup d'autres dioses. 
Ainsi il ne connaissait pas même le nombre ni le nom 
des premiers imprimeurs de Paris. H prend le prénom 
du dernier pour le nom de famille des deux autres, parce 
que tous trois ne sont nonunés ^e par leur prénom , 
suivant Tusage, dans les lettres de Gasparin. Voici, au 
reste, ce qu'il dit, page 3io de son Addition à thistoire 
de Louis XI: « Reste maintenant à parler de notre France, 
et montrer comme cette invention y fut apportée. . . par 
deux Allemans nommes Martin et Michel Ulriques , qui 
se logèrent au Soleil d'or, en la rue Saint- Jacques , et 
mirent premièrement sous leur presse le SpecuUan viUe 
kamanœ Roderici, Zamorensis episcopif qu'ils dédièrent audit 
Louis XI , comme un premier et asseuré témoignage de 
leur industrie, sans toutefois y mettre aucune marque 
qui pût dénoter le temps et Tannée de cette impres- 
sion. Mais néanmoins nous pouvons assez probaUement 
conjecturer que ce fut pour le plus tard environ Tan 
1470. » 



316 DE UORIGINE DE ^IMPRIMERIE. 

A cela Cheviller^ répond, avec sa modestie et son bon 
sens habituels : « «Taurois bien voulu voir cette épitre dé- 
dicatoire à Louis XI. H faut qu'elle n'ait été mise qu'à 
l'exemplaire qu'ils présentèrent au roy, et qui ne se trouve 
plus. Elle n'est point dans les deux que j'ai vus , dans 
celui qui est en Sorbonne , ni dans celui qui est aux Ce- 
lestins de Paris ^. Xaccorderois volontiers que le Zamo- 
rensis fiit imprimé le premier, n'étoit que le caractère 
me parolt avoir déjà beaucoup servi, et bien plus usé 
qu'aux Épitres de Gasparin. Quant à ce qu'il dit, que cette 
impression fut faite dans la rue Saint-Jacques, au Soleil 
Jtor, je ne m'étonne point qu'il l'ait cru. Il n'avoit point 
vu les livres qu'on gardoit en Sorbonne , ni sçu que ces 
premiers maîtres avoient été appelés d'Allemagne par 
Jean de Lapierre , prieur de cette maison ; qu'ils avoient 
été reçus dans ce collège, où ils dressèrent leurs presses 
et firent les premières épreuves de leur art. Et parce 
qu'il avoit vu quelques-unes de leurs anciennes impres- 
sions , où il étoit marqué qu'elles avoient été faites dans 

la rue Saint-Jacques, au Soleil d'or il a jugé qu'ils y 

dlèrent d'abord. » 

Il est hors de doute que les premières impressions 
<le Gering et de ses associés ont été faites en Sorbonne, 
car on lit à la fin de la lettre adressée par Fichet au car- 

' L'origine de Timprimerie de Paris, p. 49- 

* Gabriel Naudé a sans doute confondu Touvrage de Roderic avec celui 
de Bessarion décrit sous le n* 7 , et où se trouve en eflfet une lettre à 
Louis XI. (Voyez ci-dessus, p. 307.) 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE III. 317 

dinal Bessarion , lorsqu'il lui envoya sa Réthoràiue, lettre 
imprimée dans le petit livret dont j'ai déjà parlé à l'oc- 
casion de ce dernier livre ^ : « iEdibus Sorbons, scriptum 
(( impressumque anno uno et septuagesimo quadrii^en- 
« tesimo supra millesimum. » L'expression « impressumque 
nous donne sujet de juger, dit avec raison Cheviller^, que 
les autres lettres , qui sont toutes de suite dans le volume, 
ont été écrites et imprimées pareillement dans le même 
lieu. Et s'il est vrai que les lettres ont été imprimées en 
Sorbonne , il sera vrai aussi que les livres marqués dans 
la précédente liste , étant tous du même caractère , de la 
même encre , du même papier, de la même fabrique que 

les lettres, viennent aussi du même lieu 

« Au reste. . . quand nous mettons les Épitres de Gas- 
parin au premier lieu , nous ne sommes pas si fort atta- 
chés à lui donner cette place, que nous ne consentions 
qu'on y mette le Florus ou le Salluste ou quelque autre. . . 
H est bien probable que plusieurs de ces livres ont été 
imprimés tout de suite , et qu'on ne les a fait paroitre 
dans le public que tous ensemble. La lettre de Fichet 
donne sujet de le penser, quand il dit à Lapierre que 
ses Allemands rendoient très-fidèlement par leurs im- 
pressions les copies qu'on leur donnoit [qjmm emendatos 
Ubros ad exempUaia reddunt). Ce qui semble insinuer 
qu'avant ces Ëpîtres, Fichet avoit déjà remarqué d'autres 
livres très- correctement imprimés. Mais étant de néces- 

* Voyez ci-dessus, p. 3o5. 

' Uoriff, de timpr, de Paris, p. 48. 



318 DE L ORIGINE DE ^IMPRIMERIE. 

site d*en placer quelqu'un le premier, dans le doute, nous 
y avons mis ces Épitres à cause de Tépigramme où il est 
dit primos ecce Ulros. D*aiiieurs le caractère de ce volume 
parott neuf et n'avoir point encore servi : aux autres livres 
il paroh un peu usé^. » 

Le raisonnement de Cheviller est parfaitement juste, 
et je crois que l'ordre suivi par lui est le plus probable. 
Ainsi le Sophohgimn, qu'il place en dernier lieu, est exé- 
cuté avec un caractère si usé, qu'on a peine à y recon- 
naître les types de Gering. Il a probablement été imprimé 
€n 1 47a, aussi bien que l'ouvrage de Laurent Valle, où 
l'on trouve une lettre de Jean de la Pierre, datée de 1 47 1 • 
De même le Bessarion est forcément de 1 47 1 , car il ren- 
ferme une lettre datée de Rome au mois de décembre 
1 470. Quant aux Offices de Gioéron, ils ne peuvent être 
également que postérieurs au mois de mars i & 7 3 , puisque 
la lettre de Ficbet, qui se trouve en tête et qui est écrite 
de Tours, porte cette date. 

Quoique la liste des livres de Gering et de ses associés, 
que j'ai donnée, s'élève à une quinsaine d'articles , j'a* 
voue que c'était fort peu de chose encore , car, sur ce 
nombre , il n'y a que cinq ou six ouvrages qui aient de 
l'importance. Jusque-là l'imprimerie de Paris était une 
œuvre personnelle à deux membres de la Sorbonne , ou 
plutôt à un seul, Jean de la Pierre; car, pour Fichet, il 
ne parait pas avoir pris une part active à l'impression. 
Jean de la Pierre , au contraire , était le véritable éditeur 

' L'^rig, de timpr. de Paris, p. 49< 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE III. 51» 

des ouvrages publiés en Sorbonne , et je ne serais pas 
étonné qu*iis aient tous été donnés par cet illustre et sa- 
vant étranger à ses amis , dans Imtérêt des lettres latines : 
cest, avec la qualité d'Allemand, qu'avaient leur patron 
et eux-mêmes , ce qui exj^que pourquoi les premiers im- 
primeurs de Paris n'ont pas publié un seul ouvrage fran- 
çais durant leur association. Comme on le verra plus 
loin, Bruges et Lyon devancèrent Paris sous ce rapport. 

Du reste , l'établissement de l'imprimerie de Paris ne 
nuisit en rien au commerce des imprimeurs étrangers, 
qui continuèrent i apporter le produit de leurs presses 
dans cette ville, d'où ils se répandaient sur toute la 
France. 

Ainsi, après l'impression de ses Épitres de saint Je* 
rôme, qui fîit terminée le 7 septembre 1 &70, Scboiffer, 
accompagné cette fois de son beau-père et associé , Con- 
rad Fust, dit Heniif, vint placer ce livre à Paris. Nous 
avons la preuve de leur voyage dans la fondation d'un 
anniversaire qu'ils firent en faveur d'eux-mêmes et de 
Jean Fust à l'abbaye de Saint-Victor, où ce dernier re- 
posait sans doute. J'ai donné dans la première partie de 
ce livre le texte original et lefac-^simUe du passage du Né- 
crologe qui constate ce fait : j'y renvoie le lecteur^; je 
me bornerai maintenant à traduire cette pièce : 

(c Lettre dominicale B, le 3 des calendes^ de novembre 

* Voyez première partie, p. 954, et fac-similé deè ^ihces, pi. I, n*^3. 
^ M. Schaab, qui a imprimé cette pièce dans ie tome I , p. 1 38 , de son 
Histoire de l'imprimerie (Die Geschichte àer Erjindung der Buckârucher- 



320 DE L ORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

(3o octobre , suivant notre manière de compter) 

Anniversaire des honorables hommes Pierre Scofer et 
Gonrard Heniif, et de Jean Fust» citoyens de Mayence, 
imprimeurs de livres , ainsi que de leurs épouses , fils , 
parents, amis et bienfaiteurs. Lesquels Pierre et Gonrard 
nous donnèrent les Epitres de saint Jérôme , imprimées 
sur pardiemin, pour lesquelles toutefois ik reçurent 
douze écus d*or, des mains de Jean , abbé de cette église 
(Saint'-Victor). » 

A quelle époque eut lieu cette fondation? G'est ce 
qu'il est di£Bicile de dire d'une manière précise; mais 
ce nest pas avant i ily i , puisque les Éf lires de saint Je* 
rôme sont datées du mois de septembre 1 4 70, et qu'il 
fallait bien trois mois pour apporter \m chargement 
de livres de Mayence à Paris , à supposer même qu'on 
n'ait pas retardé le voyage à cause de l'hiver. D'un autre 
côté, cette fondation n est pas postérieure non plus à 
1474* car l'abbé Jean Nicolaî, dont il est question ici, 
mourut le 28 novembre de cette année. La date de 1 47 1 
me semble devoir être préférée à toute autre , comme 
étant la plus rapprochée de l'époque de la mort de Jean 
Fust et de l'impression des Epitres de saint Jérôme. 

Van Praet^ dit que ce furent les religieux eux-mêmes 
qui fondèrent l'anniversaire en reconnaissance de la li- 
béralité de Schoifier et de son associé (son beau-père} , 

kunst) y l'a horriblement mutilée , comme toas les textes français et latins 
qu'il a donnés. Ainsi au lieu de Kal. il a écrit ici Sol, qui n'a aucun sens. 
' Catal, â^s livres imprimés sur vélin, in-fol. p. 1 5o. 



DEUXIEME PARTIE.— CHAPITRE III. 321 

qui leur avaient cédé ce magnifique livre en deux volumes 
in-folio, sur parchemin, pour la modeste somme de 
douze écus. Le fait est possible, mais non prouvé. C'était, 
à la vérité, un prix bien modique pour un si beau livre, 
que douze écus d or, surtout si Ion compare ce prix à celui 
de la Bible de 1 46^2, vendue à la même époque quarante 
écus^; mais il est bon de remarquer que plusieurs im- 
primeurs venaient de publier les Épitres de saint Jérôme. 
Conrad Sweynheym et Arnold Pannartz en avaient im- 
primé à Rome, coup sur coup, deux éditions, en i468 
et 1 470, et Ton en connedt deux autres éditions sans date 
et sans nom de ville ni d*imprimeur, mais dont ime, au 
moins, attribuée à Mentelin, de Strasbourg, est certaine- 
ment antérieure à 1 470 ; car un exemplaire de ce livre, 
bien connu des bibliographes , et qui se trouve encore à 
la Bibliothèque nationale , porte , sur sa reliure antique , 
une inscription avec la date de 1469^. La dépréciation 
du livre de Schoiffer fut telle, quen i473, fondant im 
autre anniversaire pour Jean Fust et sa femme dans le 
couvent des dominicains de Mayence , il donna pour rien 
aux religieux , non-seulement ses Epitres de saint Jérôme, 
mais même par-dessus le marché un exemplaire de sa 
troisième édition des Clémentines, imprimée en 1 47 1 • 

Quoi qu'il en soit, nous possédons encore à Paris le 
précieux exemplaire des Épitres de saint Jérôme qui a 
servi à fonder Tanniversaire de Fust. Il se trouve aujour- 

^ Voyez ci->de88us, p. 8a et 83 , note a. 

* Voyez-en la description à l*article de Strasbourg , p. 371. 

II. 31 



322 DE L'ORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

d'hui à la bibliothèque de l'Arsenal. Gesi un magnifique 
livre , relie aux armes de Tabbaye. On lit sur un feuillet 
de garde , placé à la fin du tome II , l'extrait du nécro- 
loge de Saint -Victor que nous avons donné plus haut. 
Cet extrait est signé de la Noue Bonet, bibliothécaire de 
Saint-Victor. 

Mais revenons aux trois imprimeurs allemands que 
nous avons laissés établis dans la Sorbonne. Pour accom- 
plir les travaux que nous connaissons d'eux , ces artistes 
s'étaient vus forcés de prendre quelques aides. Ils avaient 
particulièrement employé , dit Cheviller, Pierre Caesaris 
et Jean StolP, qui étudiaient dans l'université, où le pre- 

^ Cheviller dit, je ne sais d'après <{uel document, que Pierre Caesaris et 
Jean StoU étaient allemands. On ne voit pas qu'ils aient nulle part rap- 
pelé leur pays. Dix ans après on trouve en Flandre un imprimeur appelé 
Âmoldus Canaris, autrement dit Arend dô ICeysere, en flamand, et Ar- 
noux de l'Empereur, en français. Cet artiste imprima à Âudenarde, en 1 4 80, 
un livre que quelques bibliographes ont attribué à tort à un Jean Caesaris 
qui n'a jamais existé (voyez la Sema Santander, Dict hihl. t. I, p. 387- 
Sgo, et t. III, p. 2^5). Amoux transporta ensuite son établissement à 
Gand, où il imprima, en 1 483 , la Bhétorique de Guillaume (d'Auvergne), 
évéque de Paris. Amoux était-il parent de Pierre? Je l'ignore; mais il y a 
lieu de le croire , car son nom n'était pas commun. Peut-être sont-ils Fran- 
çais l'un et f autre, ou, si l'on veut. Flamands. 

Quant à StoU, il y a aussi beaucoup d'incertitudes sur son origine. 
Son nom ne figure pas sur la plus ancienne impression de Caesaris, ce qui 
semble prouver qu'il ne fut pas de suite associé à ce dernier. Leurs noms 
ne paraissent plus sur aucun livre après 1^79; on ne sait s'ils sont morts 
alors. Je vois cité dans le Catalogue de la bibliothèque du docteur Kloss, 
de Francfort-sur-le-Main , qui a été vendue à Londres en 1 835 , un Brevia- 
rium secundum consuetudinem Ronumœ cttriœ (Venetiis, Jacobus Rubens, 
Gallicus, i474)f n** i367, enrichi d'un autographe et du monogramme de 



DEtfXIÈME PARTIE. — CHAPITRE III. 323 

mier avait même pris ie degré de maître es arts. « Bs 
furent instruits par (xering, dit Cheviller \ et ce sont 
eux qui établirent la seconde imprimerie à Paris. » On 
croit généralement qu'ils fondèrent leur établissement en 
1473, parce qu'on a un livre portant le nom de ïu^n 
d eux (Pierre Gaesaris) , avec cette date ; mais cette preuve 
ne serait pas sidfisante , si Ion n'en avait point d'autre ; 
carie livre en question est du mois de mars 1 iyS , c'est- 
à-dire mars ikjk, nouveau style. Toutefois cela suppose 
évidemment un établissement antérieur d'un an au moins, 
car il fallait non^eulement un certain temps pour l'exé- 
cution du livre , mais encore pour la gravure et la fonte 
du caractère. On a d'ailleurs plusieurs autres livres sans 
date , de ces imprimeurs, qui peuvent être d'une époque 
antérieure^. Ces deux artistes logeaient dans la rue Saint- 
Jacques , à l'enseigne du Soufflet vert {FolUs viridis) , près 
du couvent des frères prêcheurs. Comme ils ont fait plu- 
sieurs impressions sans nom d'imprimeur, il est facile de 
les reconnaître à l'indication de leur enseigne. 

L'établissement de Caesaris et StoU fut un stimulant 
pour Gering et ses associés. |ls voulurent, à leur tour, 
marcher seuls: Ils quittèrent la Sorbonne , qu'avait déjà 
abandonnée un de leurs protecteurs, Guillaume Fichet, 

Jean Stoll, avec cette note : «Isté liber pertinet Johanni Stoj tmpressori, 
« qui deposuit illum apud nos in caritate. » Je ne sais ce qu'est devenn le 
livre, ni d'o6 il provenait. 

* L'origine de ï imprimerie de Paris, p. 55. 

* Panzer, Ann, typoyr. t. II , p. 34 1 et suiv. 

21 . 



324 DE L ORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

appelé à Rome par le pape Sixte IV, en 1 47 1 , et que se 
disposait à quitter l'autre , Jean Heynlin , pour retourner 
dans son pays. Désirant donner une grande extension à 
leur travaux , ils vinrent s'établir dans la rue Saint-Jac- 
ques , à l'enseigne du Soleil d'or, laissant à la Sorbonne , 
à laquelle il appartenait sans doute , le caractère qui leur 
avait servi jusque-là. C'est du moins ce qui me semble 
résulter de l'abandon complet de ce caractère , qui ne re- 
parut plus nulle part. C'est ainsi que les imprimeurs de 
Subiaco avaient abandonné, en venant s'établir à Rome, 
les caractères dont ils s'étaient servis pour les impressions 
faites dans le monastère. 

Voici ce que dit Cheviller^ au sujet de la maison de 
la rue Saint-Jacques que vinrent habiter Gering et ses 
associés en 1 47 3 : « On ne peut point dire certainement 
quelle étoit cette maison. Quelques-uns ont cru que ce- 
toit celle où est encore présentement (en 169/1) ^^^^® 
même enseigne (du Soleil d'or), vis-à-vis la petite rue 
Fromentel, de l'autre côté du collège du nessis, autre- 
fois occupée par les Martins, connus des gens de lettres 
pour avoir été des meilleurs imprimeurs de cette ville. 
Je ne puis être de ce sentiment après avoir lu les registres 
des procureurs de la société de Sorbonne , à qui cette 
maison appartient. On voit , par ces registres , qu'elle a tou- 
jours eu pour enseigne le Coq et la Pie , jusqu'en l'année 
1 5 1 1 , en laquelle on commença de l'appeler la maison 
du Soleil d'or en cette manière : « Domus olim ad Gallam 

* L'origine de timprimerie de Paris, p. 67. 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE III. 325. 

net Picam, nunc ai Solem anreum.)) Ce fut Bertholde 
Rembolt qui y porta cette enseigne, Tannée 1 809, lors- 
qu'il commença dy faire des impressions sous son nom 

seul D'ailleurs on voit, par les mêmes registres , que 

cette maison a été habitée, depuis Tannée 1 dyo jusqu'en 
celle de 1 5o4 , par Cardin Clouet et sa veuve, à qui elle 
fut louée huit livres parisis chaque année, par un bail à vie 
qui leur en fut fait. Ce n est doiic point cette maison où 
Gering porta son imprimerie. Nous dirons la conjecture 
que nous avons. Dans le différend que Reuchlin eut avec 
les docteurs de Cologne, touchant son livre intitulé Oca- 
lare spéculum, qui fut accusé d'hérésie et de judaïsme, et 
condamné par les facultés de théologie de Mayence , de 
Cologne, d'Erphord (Erfurth) et de Louvain, ces doc- 
teiurs ayant sollicité plusieurs fois la faculté de Paris de 
censurer aussi ce livre, Reuchlin lui écrivit, et envoya à 
Paris toutes les pièces qui pouvoient servir à sa justifica- 
tion. Pour s'attirer la bienveillance de ces théologiens, il 
leur dit dans sa lettre qu'il a été écolier daiis l'université 
de Paris, qu'elle est sa bonne mère^ qu'il a étudié en 
Sorbonne dans l'école de Jean de Lapierre, et qu'il de- 
meuroit dans la rue Saint- Jacques , à l'enseigne du Soleil. 
Dans une autre lettre, qu'ij écrivit pour le même sujet 
à Jacques Fabry, d'Étaples, il dit que c'étoit en lAyS 
qu'il étudioit à Paris. H y a bien de l'apparence que ce 

^ Epist iUastr. ad ReuchUn, Ub. II. Ayant été condamné aussi par ]a 
faculté de Paris , en 1 5 1 4 « il chaiigea de ton , et Tappela marâtre (injasta 
noverca) , dans sa lettre à Gopus , médecin de cette ville. 



326 DE UORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

fîit daiu cette maison du Soleil, haUtëe par ReucUin, 
où nos Allemands placèrent lean presses. Mais, soit que 
ce fàt là, soit que ce fût dans quelque autre, où ils pri- 
rent de leur propre choix pour enseigne le Soleil d'or, 
il est certain que cette maison étoit prodie de Véf^iae de 
Saint-Benoit , prope Sanctam Benedictam. » 

Je suis heureux de dire que , comme presque toujours, 
les observations de Cheviller scmt parËdtement exactes. 
Jai retrouvé , sur le beau plan historique de Paris que pré- 
pare M. Albert Lenoir, et dont ce savant a bien voulu me 
communiquer les épreuves , les trois maisons du Soufflet 
vert, du Soleil d*or et du Coq et la Pie. Cette dermère, 
avec la double désignation que lui avait value le séjour 
de Rembolt, touchait à la précédente, et c'est là ce qui 
a occasionné la confiision dont se plaint notre auteur. 

Comme on vient de le voir, les deux établissements 
concurrents de Cœsaris et de Gering se trouvaient à peu 
de distance f un de l'autre , sur le même côté de rue ; 
celui de Caesaris près de la rue des Grès , celui de Gering 
un peu plus bas, derrière les bâtiments actuels de là 
Sorbonne, vis-à-vis la rue du Gimetière-Saint-Benoit ou 
Fromentel. Leurs maîtres se firent, dès le début, une 
véritable guerre typographique , réimprimant à 1 envi les 
livres que l'un ou l'autre éditait. 

Le premier ouvrage connu, avec une date certaine, 
pour avoir été imprimé par Gering et ses associés dans 
leur nouvelle imprimerie , est le Manipulas curatomm de 
Gui de Montrocher. Il fut achevé le 2 1 mai 1 473, avec des 



DEUXIEME PARTIE — CHAPITRE III. 327 

caractères de transition, qui se rapprochent beaucoup 
de ceux de Schoi£Fer, m^s qui sont encore un peu ro- 
mains, surtout dans les majuscules. Ce caractère a en- 
viron onze points et demi. 

Dès Tannée suivante , le s a mars 1/173(1474 nouveau 
style), Pierre Câesaris donna une autre édition du Ma- 
nipalas curatorum. Vers le* même temps, il publia aussi 
le SpecaUtm de Tévêque Roderic, que Gering et ses as- 
sociés avaient déjà édité dans les bâtiments de la Sor- 
bonne. 

Malgré la création de ces deux ateliers typographiques 
à Paris, Schoiffer nen continua pas moins à exploiter 
cette ville. Non-seulement il y vendait ses livres, mais 
encore ceux publiés par les autres imprimeurs d'Alle- 
magne , dont il se fit lintermédiaire pour la France. C est 
à ce titre qu'il livra à Jean Henri , chantre du chapitre 
de Paris, un exemplaire du livre de Jean Duns, intitulé 
In qaartum sententiaram scriptam, sans date ni nom de 
lieu, mais qu on croit imprimé à Nuremberg, en làyà, 
par Antoine Koburger^. Ce livre, qui se trouve aujour- 
d'hui à la bibliothèque de l'Arsenal , porte à la dernière 
page la quittance suivante : « Ego Petrus SchoefFer, im- 
(( pressor librorum Moguntinus , recognosco me récépissé 
« a venerabili magistro Johanne Henrici , cantore Pari- 

' Sardini (Etame, etc. I> 69) cite encore un livre à gravures, imprimé 
à Louvain en 1 476, et v«ndu à Paris par Schoiffer et son associé en 1 477* 
Mais ce renseignement est trop vague pour que je puisse Tutiiiser ici. Voici, 
au reste , le passage de Sardini : « Aggiungeremo che nel 1 477 la stamperia 



328 D£ L ORIGINE DE ^IMPRIMERIE. 

c( siensi S tria scuta pro pretio hujus lilnri, quod protestor 
if manu propria. » Au-dessous paraît le monogramme de 
Schoiffer que j'ai déjà donné, à la différence toutefois 
que l'espèce de crosse qui le surmonte est ici taillée 
carrément^. 

On ne sera pas surpris du prix minime de ce livre , 
trois écus, si Ton songe queGering et ses associés en 
avaient déjà publié , à Paris , une édition que j'ai décrite^. 

Schoiffer vint donc à Paris vers 1 67 4. Au reste, à cette 
époque , il avait dans cette ville un facteur chaîné de 

« Fausto-Scoefieriana vende a Parigi 1* opéra Fascicuhu tempomm, che non 
« troviamo di âua impressione , e che nataralmente in vîsta del rigoardevol 
«preuo era quella omata di figure del Valdener, nei précédente anno 
« entro 1* università di Lavanio presso Gio. di Wesfidia. ■ 

^ M. Schaab, qui cite cette quittance, 1. 1, p. 131 de son Histoire (en 
allemand) de l'invention de rimprimerie , d'après le Catalogue de la Val- 
lière (t. I, additions, p. 36), a lu machinalement Pisiensis, et a fait de 
Jean Henri un chantre de Pise, tandis qu'il s'agit ici d'un des officiers 
fort connus du chapitre de. Paris, mort en 1 483. (Voyez le Cartulaire de 
t Eglise de Paris, publié par M. Guérard, dans la Collection des documents 
inédits de t histoire de France, t. IV, p. i5.) 

* Voyez les/ac-5Ûiuie des pièces, pi. Il, n" 6. Ce monogramme est 
figuré d'une manière fort inexacte dans le Catalogue la Valiière. Craignant 
que quelque zélé bibliographe ne s'appropriât un jour cet autographe, en 
coupant le feuillet sur lequel il se trouve, comme on a déjà fait pour un 
autre autographe qui était au bas du même feuillet, j'ai cru devoir faire 
autographier le reçu de Schoiffer. On voit à la suite une souscription qui 
nous apprend que le livre a appartenu à Etienne Diacre, curé de Ber- 
niencourt (localité qui n'est plus aujourd'hui qu'un hameau de la com- 
mune de Val-David, près d'Ëvreux). Cette souscription est terminée par 
la prière suivante : cHunc quicunque librum post me possesseris, orô 
«cum Christo Stephanus, die : Requiescat. Amen.» 

' Ci-dessus, p. 3ié. 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE III. 329 

le représenter en France , durant ses longues absences. 
Ce facteur était Hermann de Statboen, ou de Stattem, 
comme l'appelle Meerman^, je ne sais d'après quel ren- 
seignement. Cet Hermann est celui-là même qui avait 
vendu, en 1 47 1 , à Angers, pour le libraire Guymier, de 
Paris, la Bible de SchoifFer de 1/162. Il était compatriote 
de SchoifFer, étant né dans le diocèse de Mimster, ce 
qui fiit assez fâcheux pour ses commettants. En effet, 
Hermann étant mort vers 1 ifiyA, sans avoir des lettres de 
nataralité, comme on disait alors, tous ses dépôts de 
livres, tant à Paris qu'à Angers et ailleurs, lurent saisis 
en vertu du droit d'aubaine. Schoiffer réclama ; mais l'af- 
faire ne put être réglée de suite , et le fisc fit pendant ce 
temps vendre les livres trouvés chez Hermann. 

r 

Eclairés sur leurs intérêts par cet événement, Gering 
et ses associés sollicitèrent du roi des lettres de naturalité 
pour eux-mêmes. Louis XI ne pouvait être défavorable 
aux premiers imprimeurs de Paris. Il leur donna, au 
mois de février ili'jk (1^7 5 nouveau style), des lettres^ 

* Orig, typogr, 1. 1 , p. 7, note. 

' Archives nationales , pièce 4o du carton K 7 1 , et non 1 7 comme Va 
imprimé par erreur M. Grapeiet (Études, etc. p. i4)* Au dos iLittere nota- 
ralitatis Ubici Gnerini, et au-dessus : « xxxiiii scut. pro liis litteris cum m 
(suit un mot illisible). • On lit en marge de Tacte : c Représentées le a 9 dé- 
cembre 1739. Transcrites et insérées dans les registres de la chambre 
des comptes en exécution de la déclaration du roy, du 26 avril 1738.-— 
DucouRNET. » Cet acte avait déjà été publié, mais d*une manière imparfaite, 
dans le Catalogue de la Vallièrie, t. III, p. 1 4 1» d'après une copie informe 
du Trésor des chartes, registre 196, pièce i32i, et non i3i7, comme le 
porte par erreur la table de ce recueil. 



330 DE LORIGINE DE UIMPRIHERIE. 

dont loriginai existe encore aux Archives nationales, et 
dont voici ta teneur : 

Loys , par la grâce de Dieu , roy de France , savoir faisons â tous 
presens et avenir, nous avoir receue FumUe supplication de noz 
bien amez Michel Friburgier, Uldaric Quering^ et Martin Grantz, 
nsLÛk du pays d^Alemaigne, contenant : que ilz sont venuz demeu- 
rer en nostre royaume puis aucun temps en ça, pour Texercice 
de leurs ars et mestiers de faire livres de plusieurs manières d*es- 
criptures , en mosle et autrement, et de les vendre en ceste nostre 
ville de Paris , où ilz demeurent à présent , et ailleurs , ou mieulx 
ils trouveront leur proufit, en espérance de faire leur résidence, 
le demeurant de leurs jours, en nostredit royaume; mais ilz doub- 
lent que , obstant ce qu*ilz ne sont natife de nostredit royaume , 
que après leur décès , on voulsist mectre empeschement en leurs- 
dits biens , et les prandre de par nous ou autres , comme biens au- 
beins , et les en frustrer, et semblablement leurs femmes , enffans , 
ou autres leurs héritiers, s*aucuns en avoient, s^ilz n*estoient par 
nous habilitez à povoir tester et disposer de leursdits biens ; re- 
querans humblement noz grâce et provision leur estre sur ce im- 
parties. Pour ce est-il que nous , ces choses considérées , à iceulx 
supplians , pour ces causes et considérations , et autres à ce nous 
mouvans, avons octroyé et octroyons, de nostre grâce especial, 
plaine puissance et auctorité royal, par ces présentes, voulons et 
nous plaist qu'ilz et chascun d'eulx puissent et leur loise acquérir 
en nostredit royaume tant et telz bien qu'ilz y pourront licite- 
ment acquérir, et d'iceulx biens, ensemble de ceulx quilz y ont 
ja acquis , ordonner et disposer par leurs testamens ou autrement^ 
ainsi que bon leur semblera ; et que leursdites femmes , enffiins 
et autres leurs héritiers, s'aucuns en ont à présent, ou quilz 
pourroient avoir le temps avenir, leur puissent succéder, et appré- 
hender leurdite succession , tout ainsi et par la forme et manière 

* Ici et plus loin, Torthographe rend la prononciation allemande. 



DEUXIEME PARTIE. —CHAPITRE III. 5Si 

que s*âz estoient, ou leunditx hoirs, natific de nostredit royaume. Et 
lesqudz , quant à ce, nous avons habilitez et habilitons , de nosdites 
grâce et auctorité par cesdites présentes, sans ce que aucun em- 
peschement leur soit ou puisse estre fait, mis ou donné, ores ne 
pour le temps avenir, ne à aucun d'éulx, en aucune manière au 
contraire ; ne que pour ce ilz soient ou puissent esfre tenuz nous en 
paîer aucune finance ; et laquelle , à quelque somme qu^elle puisse 
monter, nous , en feveur d^aucuns de noz prindpaulx officiers , leur 
avons donnée et quictée , donnons et quictons , et à chascun d*eulx, 
de nostredite grâce et auctorité, par cesdites présentes , signées de 
nostre main. 

Si donnons en mandement à noz amez et feaulx les gens de noz 
comptes et trésoriers , à nostre prevost de Paris , et à tous noz autres 
justiciers et officiers, ou à leurs lieuxtenans ou commis presens et 
avenir, et à chascun d'eulx, si comme à luy appartendra et qui 
requis en sera, que lesdits supplians et chascun d*euk, ensemble 
leursdits hoirs, successeurs et ayans cause, facent, seu£Brent et 
laissent joîr et user de nos presens grâce , don , congié , licence et 
octroy, paisiblement et à plain , sans pour ce leur faire ne souffrir 
estre fait aucun destourbier ou empeschement, ores ne pour ledit 
temps avenir, en aucune manière au contraire; car ainsi le voulons 
et nous plaist estre fait, non obstant que ladite finance ne soit cy 
dedairee ne tauxee par lesdits gens de noz comptes , que deschai^e 
n*en soit levée par le changeur de nostre trésor, et quelzconques 
autres ordonnances , mandemens , restrinctions ou defienses à ce 
contraires. Et afin que ce soit choses ferme et estable à tousjours, 
nous avons fiiit mectre nostre seel à cesdites présentes; sauf toutes- 
voyes en autres choses nostre droit et Tautruy en toutes. 

Donné à Paris, ou moys de février. Tan de grâce mil cccc soixante 
et quatorze, et de nostre règne le quatorzième. — LOYS. 

Sur le pli : Par le Roy, vous et plusieurs autres presens. Le Gooz^ 
^ On lit au dos : « Expedita in caméra compotormn domini nostri régis 



332 DE LORIGINE DE ^IMPRIMERIE. 

Ces lettres étaient de bon augure pour Schmffer, qui 
fit sans doute, pour son affaire, plus d*un vopge à 
Paris , à cette époque , avec son beau-père et associé Con- 
rad Fust, autrement dit Hanequis. En effet, deux mois 
après, ils obtinrent, grâce à Imtervention de l'empereur 
et de rélecteur - archevêque de Mayence, des lettres 
d'exemption ainsi conçues ^ : 

Loys , par la grâce de Dieu, roy de France, à nos amez et feaulx 
les generaulx conseillers par nous ordonnez sur le iait et gouverne- 
ment de toutes nos finances , salut et dilection. De la partie de 
nos chers et bien amez Conrart Hanequb et Pierre Scbefire, mar- 

• et ibidem libro cartarum bujus temporis, fol. xiii* registrata sine 
cfinancia, proviso quod heredes supplicantium sint regnicole. Ordina- 
« tione dominorum. Actum ad burellum, ultima die Julii m. ggcc. lxxvi* 
— Chevalier. • 

* Nous n avons malheureusement plus Toriginal de ces lettres, ou du 
moins c*est vainement que je Tai demandé aux Archives nationales. Il a 
probablement été détruit dans Tincendie de la chambre des comptes, où 
il dut être déposé, en conséquence des prescriptions mêmes de Tacte, 
après le payement intégral de la somme allouée à Scboiffer. Au reste, 
elles ont été plusieurs fois imprimées d*aprës d'anciennes copies. (Voyez, 
entre autres , Wolf , Jtfonnm. typogr, t. II , p. 389 ; Mémoires de ïajcaàénde 
des inscriptions, t. XIV, p. 343 ; Ordonnances des rois de France, t. XVIII, 
p. 1 id; Recueil général des lois françaises (de M. Isambert), 5* livraison, 
p. 710; Origine de t imprimerie, par Lambinet, t. I, p. a as; Études sur 
la typographie, par M. Grapelet, p. 32.) J*en connais encore deux copies 
anciennes à la Bibliothèque nationale : fonds Baluze, n°' 844d-3 , fol. 63 v% 
et fonds de la Mare, 9476-6, fol. 3. Il y a dans ce dernier volume beau- 
coup d'autres pièces relatives à Timprimerie, mais d'une époque posté- 
rieure. Le manuscrit de Baluze est celui que j'ai suivi ici comme le plus 
authentique : c'est un recueil d'actes du règne de Louis XI, transcrit avec 
beaucoup de soin , peut- être d'après les originaux , ou en tout cas d'après 
une copie authentique. 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE III. 333 

chans, bourgeois de la cité de Mayance en Alemaigne , nous a esté 
exposé qu'ilz ont occuppé grant partie de leur temps à Tindustrie , 
art et usaige de l'impression d*escripture, de laquelle, par leur 
cure et diligence , ilz ont faict &ire plusieurs beaulx livres, singu- 
liers et exquiz, tant d*ystoires que de diverses sciences > dont ik 
ont envoyé en plusieurs et divers lieux, et mesmement en nostre 
ville et cité de Paris, tant à cause de la notable université qui y 
est, que aussi pour ce que c'est la ville capital de nostre royaume, 
et ont commis plusieurs genz pour iceulx livres vendre etdistribuer; 
et entr aultres , depuis certain temps en ça , commîstrent et ordon- 
nèrent pour eulx un nommé Hermen de Statboen\ natif du diocèse 
de Munsteï* en Alemaigne, auquel ilz baillèrent- ou envoyèrent cei*- 
taine quantité de livres pour iceulx vendre là où il trouverroit au 
prouffît desdiz Gonrart Hanequis et Pierre Scheffre, ausqudb ledit 
Statbœn seroit tenu d'en tenir compte; lequel Statboen a vendu 
plusieurs desdiz livres, dont à Teure de son trespas il avoit les 
deniers par devers luy, et pareillement avoit par devers luy plu- 
sieurs livres et autres qu'il avoit mis en garde tant en nostredite 
ville de Paris que à Angiers et aUleurs , en divers lieux de nostre- 
dit royaume; et est icellui Statboen aUé de vie à trespas en nostre- 
dite ville de Paris. Et pour ce que, par la loy genéralle de nostre 
royaume , toutesfoys que aucun estrangier et non natif d'icellui 
nostre royaume va de vie à trespassement sans lettres de naturalité 
et habilitation et puissance de nous de tester, tous les biens qu'il 
a en nostredit royaume à l'eure de son trespas nous compectent et 
appartiennent par droit d'aubenaige< et d'autant que ledit Statboen 
estoit de la qualité dessusdite et n'avoit aucune lettre de naturalité 
ne puissance de tester, nostre procureur ou autres nos o£Bciers ou 

^ Dans la copie de cette pièce publiée par Wolf , d*après celle qu'avait 
envoyée en 166 5, au R. P. Louis Jacob, M. de la Mare, conseiller au par^ 
lement de Dijon, on lit constamment Stattretij au lieu de Statboen; d*un 
autre côté, Meerman écrit toujours Stattem ( Orig. iypogr, 1. 1 , p. 7 , note as: 
p. i54i note k\ t. II, p. 271, 2' coi.). 



334 DE L'ORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

cammissaires firent prendre , sabir et arrester tous les livres et 
autres biens qu'il avoit avec luy et ailleurs en nostredit royaume 
à Teure de sondit trespas; et depuis, et ayant que personne se 
soit venu comparoir pour les demander, iceulx livres et biens ou 
la pluspart ont esté venduz et adeneres, et les deniers qui en sont 
venuz, distribuei. Après lesquelles choses, lesdis Conrart Hane- 
quis et Pierre Sche£Ere se sont tires par devers nous et les gens 
de nostre conseil, et ont fait remonstrer que, combien que lesdiz 
livres fassent en la possession dudit feu Statboen à Teure de sondit 
trespas, toutesfois ilz ne luy appartenoient point, mais véritable- 
ment compectoient et appartenoient ausdiz exposans, et, pour 
ce prouver, ont monstre et exhibé le testament dudit Statboen , 
avecques certaines ceduUesetoUigations, et produit aucuns témoins 
et autres choses fisdsans de ce mention, en nous requérant les 
faire restituer desdiz livres et aultres biens , ou de la vdieur et 
estimation d'iceulx, lesquels ils ont estimé à la somme de deux 
mil quatre cens vingt*cinq escus d'or et trois solz tournois. . 

Pourquoy nous, les choses dessusdites considérées, etmesme- 
ment pour considération de ce que très hault et très puissant prince 
nostre très chier et très amé frère , cousin et allié le roy des Ro- 
mains nous a escript de ceste matière ; aussi que lesdiz Hanequis 
et Scheffire sont subgectz et des pays de nostre très chier et très 
amé cousin Tarcevesque de Mayance, qui est nostre parent, amy, 
confédéré et allié , qui pareillement sur ce nous a escript et requis; 
et pour la bonne amour et affection que nous avons à luy, desirans 
traicter et faire traicter favorablement tous ses subgectz; ayans 
aussi considération à la peine et labeur que lesdiz exposans ont 
pris pour ledit art et industrie de impression, et au prouiEt et 
utilité qui en vient et peut venir à toute la chose publicque , tant 
pour l'augmentation de la science que autrement ; et combien que 
toute la valeur et estimation desdiz Uvres et autres biens qui sont 
venuz à nostre cognoissance ne monte pas de grand chose la dite 
^somme de'deux mil quatre cens vingt-cinq escus et trois sols tour- 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE IIÏ. 335 

nois, à quoy lesdiz exposans les ont estimez : ce neantmoins, pour 
les considérations dessusdites et autres à ce nous mouvans , nou^ 
sommes liberailement condescendus de faire restituer ausdiz Con- 
rart Hanequis et Pierre Chefifre ladite somme de deux mil quatre 
cens vingt cinq escuz et trois solz tournois , et leur avons accordé 
et octroyé , accordons et octroyons par ces présentes que , sur les 
deniers de nos finances , ilz aient et preignent la somme de huit 
cens livres pour chascun an, à commancer la première année au 
premier jour d'octobre prochain venant, et continuer d*an en an 
d*illec en avant, jusques à ce qu*ilz soient entièrement payez de 
ladite somme de deux mil quatre cens vingt cinq escuz et trois 
solz tournois. 

Si vous mandons et enjoingnons expressément que par nostre 
amé et féal conseiller Jehan Briçonnet, receveur gênerai de nos 
finances, ou autre qui pour le temps avenir sera, vous, sur icelles 
nos finances, &ictes payer, bailler et deslivrer ausdiz Conrart Ha- 
nequis et Pierre Schefire , ou a leur procureur souffisamment fondé 
pour eulx, ladite somme de huit cens livres tournois pour chascun 
an, à commancer ladite première année ledit premier jour d'octobre 
prouchainement venant, et continuer d'an en an, jusques à ce qu'ilz 
soient entièrement payez de ladite somme de deux mil quatre cens 
vingt-cinq escus et trois sols tournois. Et par rapportant ces pré- 
sentes signées de nostre main, ou vidimus d'icelles fait soubz scd 
royal , avec quictance ou recongnoissance sur ce souffisant desdits 
Conrart Hanequis et Pierre Schefire , nous voulons ladite somme 
de huit cens livres tournois par chacun an , ou ce qui en aura 
esté payé , estre alloué es comptes et rabatu de la recepte dudit 
Jehan Briçonnet, ou d'autre qui sera nostre receveur gênerai ou 
temps avenir, par nos amez et feaulx gens de nos comptes, aus* 
quieulx nous mandons ainsi le faire sans difiiculté. Et en outre vou- 
lons et décernons que le vidimus de cesdites présentes , fait soubz 
scel royal, vaille estât et roolle audit Briçonnet ou autre nostre 
receveur gênerai présent ou avenir pour les sommes dessusdite» 



336 DE LORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

qui auront esté payées à la cause dessusdite, sans ce que besoing 
leur soit d'en avoir de nous autre roolle ou acquict, pourveu que par 
chascun an il soit tenu d*escripre ou faire escripre au doz de cesdites 
présentes les payemens qui auront esté sur ce faiz, et que au der- 
renier payement et parfoumissement de ladite sonune, lesdiz Con- 
nut Hanequis et Pierre Scheffire, ou leurdit procureur ou commis, 
seront tenus rendre et bailler à nostredit receveur gênerai ce pré- 
sent original, pour le rendre et rapporter sur son compte en nostre- 
dite chambre des comptes; car ainsi nous [daist-il estre fait, non 
obstant que lesdltes présentes ne soient enrotulees chascun an sur 
les rooUes de nostredit receveur gênerai, et quieulzconques restrinc- 
tions, mandemens ou deffenses à ce contraires. 

Donné à Paris, le xxi* jour d'avril , Fan de grâce m.. gggc. lxxv, 
et de nostre règne le quatorzième. Ainsi signé : — LOYS. 

Par le Roy, vous Tévesque d'Évreux et plusieurs autres presens. 

Le Gouz. 

On ne manquera pas de remarquer que la somme 
de 2,42 5 écus, accordée par Louis XI à Schoififer pour 
la perte de ses livres, est presque quadruple de celle à 
laquelle avait été évaluée cinquante ans avant toute la 
librairie du Louvre ^. On peut juger par là de Timpor- 
tance du dépôt de livres c[U*avaient à Paris les impri- 
meurs mayençais. 

Je ne pousserai pas plus loin mes investigations sur 
lorigine de Timprimerie de Paris. Les faits subséquents 
tiennent à un autre ordre de choses que je nai pas le 
dessein d'aborder pour le moment. H me suffira de dire 
que la typographie parisienne fut bientôt en mesure de 
lutter avantageusement avec celle des principales villes 

* Voyei ci-dessus, p. 263. 



DEUXIÈME PARTIE— CHAPITRE III. 357 

d'Europe. A partir de ce moment, Schoiffer dut renoncer 
à venir vendre ses livres sur le marché parisien , fourni par 
les imprimeurs du pays. La lutte entre les deux ateliers 
du Soufflet vert et du Soleil d'or dura toutefois jusqu'en 
1676, époque où l'on vit paraître un nouveau concurrent» 
qui fut suivi de beaucoup d'autres, Français comme ce 
dernier, car l'art typographique était alors devenu fort 
commun. Je ne parierai pas de tous ces nouveaux impri- 
meurs (dont quelques-uns se sont cependant acquis un 
grand renom), parce qu'ils n'exercèrent qu'après l'époque 
dans laquelle je me suis renfermé. J'en nommerai quatre 
seulement. Le premier fut Pâquier Bonhomme, tjue nous 
avons déjà vu figurer comme libraire de l'université, et 
qui publia, en 1476 (1677 nouveau style), les Grandes 
chroniques de France, premier livre imprimé en français à 
Paris ^ avec date; le second, Guillaume Maynyal, associé 



^ Cette restriction est nécessaire , car c'est à tort qu'on a considéré long- 
temps les Grandes chroniques de France comme le premier livre imprimé 
en français. Non -seulement Colard Mansion imprimait depuis quelque 
temps dans cette langue à Bruges, ce qui est assez singulier, puisque la 
langue nationale de cette ville est le flamand (le français était, il est vrai , la 
langue de la cour de Bourgogne, qui résidait ordinairement à Bruges); 
mais encore Barthélémy Buyer avait déjà donné à Lyon la Légende dorée, 
qui est datée du 18 avril 1^76; c'est-à-dire antérieure de près d'un an 
aux Grandes chroniques, datées du 16 janvier 1476 ( 1477 >^ouveau style). 
Il est vrai que ce dernier ouvrage, qui se compose de trois volumes in- 
folio, a pu être commencé longtemps avant la Légende dorée, qui n'en a 
qu'un. Mais il existe un livre français , malheureusement sans souscrip- 
tion, bien antérieur à tous ceux là, c'est le Recueil des histoires de Troyes , 
dont je parlerai à l'article de Bruges. 

II. 3 2 



338 DE L ORIGINE DE LIMPRIMËHIE. 

de Gering dans les années 1 479 et 1 &80, lorsque les deux 
autres associés de ce dernier Teurent quitté; le troi- 
sième, Antoine Vérard , dont les nombreux ouvrages sont 
aujourd'hui si recherchés; et enfin le quatrième, Henri 
Estienne, père de Robert, Tune des gloires de la France. 

Ainsi que nous venons de le voir, Martin Crantz et 
Michel Friburger quittèrent la société vers 1 477, et aban- 
donnèrent tout à fait la typographie ; du moins ne voit-on 
plus paraître leur nom nulle part après cette époque. 
Gering imprima seul pendant Tannée 1 478; en 1 479 et 
1 480 , il s'associa avec Maynyal. Vers 1 483 , il quitta la 
rue Saint- Jacques, et loua, dans la rue de Sorbonne, 
une maison appartenant i Técole de ce nom , et qui por- 
tait renseigne du Buis {ad Buxufny II y plaça son impri- 
merie et son enseigne du Soleil d^or. Il s associa alors avec 
un de ses compatriotes , Bertholde Rembolt , du diocèse 
de Strasbourg, avec lequel il imprima jusqu'en i5o9, 
ou plutôt jusqu'à sa mort, arrivée le a 3 août i5io. Mais 
en 1809, comme nous l'avons vu précédemment, Ber- 
tholde transporta de nouveau l'imprimerie rue Saint- 
Jacques, dans une maison attenante à celle occupée jadis 
par Gering , et qui portait l'enseigne au Coq et à la Pie. 
Il remplaça cette enseigne par ceHe du Soleil d'or, avec 
laquelle son prédécesseur s'était rendu célèbre. Quant à 
la maison voisine , qui portait auparavant cette enseigne 
du Soleil d'or, elle avait reçu depuis le départ de Gering 
celle du Chêne vert. 

Voir, pour les curieux détails de la vie de Gering , le 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE III. 339 

consciencieux travail de Cheviller, dont il me faudrait 
citer de trop longs passages , si je voulais aborder ce sujet. 
J aime mieux y renvoyer le lecteur. H me suffira de dire 
c[ue Gering , qui était resté célibataire, s unit si intimement 
à la société de Sorbonne, qu'il en reçut, en i494, des 
lettres dLhospitaUté , où, en dépit de son grand âge, il est 
traité d! écolier étadiant en ï université de Paris. Ces lettres en 
firent un des hôtes de la maison. Par son testament, qui 
est de 1 5o 4 , il donna presque toute sa fortune , qui était 
considérable, aux collèges de Sorbonne et de Montaigu. 
Avant de mourir, il eut la gloire de voir plus de vingt 
ateliers typographiques fonctionner dans Paris , où il avait 
exercé lui-même pendant quarante ans. 

Gering avait employé dans le principe dès caractères 
romains ; il fit usage ensuite de caractères de transition , 
dans le goût de ceux de Schoiffer et de Mentelin ; puis il 
revint aux caractères romains : ceux dont il se servit en 
1478, après la dissolution de sa première société, sont 
dune grande beauté. Mais à la fin, entraîné par le goût 
du temps, il fit usage de caractères gothiques. 

S 2. Lyon. 

« 

Lyon est la seconde ville de France qui reçut fart ty- 
pographique , comme cela convenait à son rang. Il y fut 
introduit, non pas par des Allemands, mais bien par 
des Français, ainsi que le constate la souscription dés 
premiers livres publiés dans cette ville. Depuis quelque 
temps plusieurs Français pratiquaient cet art, soit quiis 

22. 



340 DE LORIGINË DE LIMPRIMERIE. 

en eussent appris les éléments à Paris, soit qu'ils y eussent 
été initiés à Tétranger; quelques-uns même lexerçaient 
déjà en Italie. En effet, sans parler de Jenson,* le plus 
célèbre de tous , nous trouvons André Belfort à Ferrare, 
en 1 &7 1 ; Etienne Goral, de Lyon, à Parme, et Louis de 
la Salle à Venise, en i & y 3 ; plus tard, nous voyons Eustache 
le Français à Bresse, et Jean Fabri , de Langres , à Turin , 
en 1 &7Â ; Pierre Maufer, de Rouen , à Padoue, et Jacques 
de Rossi à Venise, en i /176; Philippe Âlbinus, d'Aquitaine, 
à Vicence, en 1 477, etc. 

Le premier imprimeur de Lyon fut un nommé Guil- 
laume le Roi, dont on ignore le lieu de naissance. Cet 
artiste vint probablement dans cette ville sur la demande 
de Barthélémy Buyer, chez lequel il travailla d*abord. 
Buyer était un citoyen de Lyon, membre d'une famille 
consulaire dont le nom figure honorablement parmi les 
officiers municipaux de cette ville au xiuSiècle. Son zèle 
pour le nouvel art prouve qu'il était digne de ses aïeux. 

Le premier livre avec date connu pour avoir été im- 
primé à Lyon est le Compendium de Lothaire, diacre 
(depuis pape sous le nom d'Innocent III). C'est un petit 
in-quarto de 82 feuillets, qui a a& lignés longues à la 
page, en caractère gothique de quinze points typogra- 
phiques environ, ayant beaucoup de ressemblance avec 
celui employé par l'imprimeur de Munster en Ârgau. Le 
Compendium se termine par cette souscription : « Lugduni, 
uper magistrum Guillermum Régis, hujus artis impres- 
(( sorie expertum , honorabilis viri Bartholomei Buyerii , 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE III. 341 

(( dicte civitatis civis , jussu et sumptibus impressus , anno 
(( Verbi incamati m. ccgg. lxxiii, quintodecimo kal. Oc~ 
<( tobris. » 

Cette date correspond au 1 7 septembre 1 47 3. On voit 
que le livre fut imprimé aux frais de Buy*er. L*impri- 
merie était même dans la maison de ce dernier, comme 
on 1 apprend de la souscription du Spéculum vitœ hwnanœ 
de Roderic Sancius (1 vol. in-fol. en gotbique, à longues 
lignes^), qui est ainsi conçue : «Hoc opus fuit comple- 
«tum et fihitum in civitate Ludini supra Rbodanum, 
« per magistrum Guillermum Régis, dicte vile Luduni ha- 
« bitatoris , in domo bonorabilis viri Bartholomei Burii , 
((burgensis dicti Ludini, die septima mensis Januarii, 
« anno Domini m. gccc. lxx. iiniii. (1 ^78 nouveau style.J » 

On lit quelque chose de plus précis encore dans le 
Miroer historial (1 vol. in-fol. goth. à deux col.), car le nom 

de le Roy n'y parait pas : « '. imprimé à Lion sur le 

Rosne. en la maison de maistre Bartholomieu Buyer, 
citoien de Lion, et fini le dernier jour de juillet mil 
quatre cens lxxix. » 

Buyer a-t-il réellement exercé la profession d'impri- 
meur? Quelques bibliographes se prononcent pour l'affir- 
mative, en se fondant sur la souscription d'un livre où on 
lui donne le titre d'imprimeur; mais cette preuve ne me 
semble pas péremptoire , car on y dit aussi que le livre 
a été exécuté à sa requête. Voici au reste cette souscrip- 

^ Le titre de ce livre est imprimé avec une fonte neuve an caractère du 
Compendium, et le texte, avec un petit caractère de treize points, fort usé. 



342 DE L'ORIGINEn>E L'IMPRIMERIE. 

tion , qui se trouve sur le Guidon de la practicqae de cy- 
rargie de maistre Gmgon de Calliac (i vol. in -fol. goth. 
à deux col. ) : « Veu et corrigé sur le latin par Nicolas 

Panis habitant de la cite de Lion sur le Rosne, 

laquelle a esté faicte à la requeste de maistre 

Bartholomy Buyer, impremeur, citoien et habitant de 
ladite cité de Lion. Et a esté Timpression de ce livre ac- 
complie Tan de grâce mil cccc. lxxviii, le xxvm'jour du 
mois de mars , après Pasques. » 

Il existe encore cinq autres ouvrages dont les sous- 
criptions portent qu*ils ont été imprimés peur Barthohmiea 
Bayer : 

i" La légende dorée; i vol. iivfol. en caractère gothique, à deux 

coionnes, daté du 18 avril 1^76. 
a" Le miraer de vie humaine; même disposition que le précédent ; 

daté du 8 juillet i477' 
3" La légende des saintz nouveaubc ; même disposition ; daté 

du ao août i477- 
4° Le Nouveau Testament; même disposition ; sans date. 
5" Même ouvrage , même disposition , mais à longues lignes ; 

sans date. 

Eh bien» malgré ces prétendues preuves, je persiste 
à croire que Barthélémy Buyer n a jamais été typographe, 
et que c est Guillaunie le Roy qui à imprimé tous les 
livres souscrits du nom de son patron. Suivant moi, 
Buyer na jamais pratiqué par lui-même; il a été seule- 
ment Tassocié, le bailleur de fonds de Guillaume le Roy. 
Du reste , je conviens qu à ce titre il avait autant de droit 
de se qualifier imprimeur que Fust à Mayence , Sensen- 



DEUXIÈME PARTIE. -^ CHAPITRE III. 343 

schmidt à Nurembei^ , LofiTen à Munster, Orfin» à Fo- 
ligno , Lavagna à Miian , Azsoguidi à Bologne , etc. 

Le dernier ouvrage daté portant le nom de Barthé- 
lémy Buyer est celui qu'on appelle Le Uvre de MandevUle 
( 1 vol. in-fol. à deux colonnes , en caract^e gothique de 
foime nouvelle, et plus gros que ceux dont on s était 
servi dans les ouvrages précédents). La souscription porte : 
« Imprimé à Lyon sur le Rosne, Tan mil cccc. lxxx. ( 1 48 1 
nouveau style), le vm* jom* de février, à la requeste de 
maistre Bartholomîeu Buyer, bourgoys dudit Lyon. » 

Barthélémy Buyer était fils de Pierre Buyer, licendé 
es lois et conseiller de ville en ilik'j et 1 448, mort vers 
la fin de Tannée 1 459. B avait étudié à la faculté de Paris, 
et était déjà d un certain âge à Tépoque de fintroduction 
de l'imprimerie à Lyon, car ce fut lui qui se présenta 
au consulat , comme aîné de sa famille , pour demander, 
après la mort de son père , une modération de chaîne 
en faveur de sa mère et des enfants de celle-ci. Voici 
ce quon lit à ce sujet dans les registres consulaires, à la 
date du 8 janvier 1 469 (1 46o nouveau style) : « Barthé- 
lémy Buyer, fils et cohéritier pour le tiers de messire Pierre 
Buyer, justifie de sa résidence aux estudes de la faculté 
de Paris (en la faculté des arts), et demande, en vertu 
des privilèges des estudians, d'estre exempt des tailles pour 
sa part, et modération des imposts de la délaissée et des 
autres enfans dudit Pierre ^ » 

Barthélémy fut lui-même conseiller de ville pendant 

^ Péricaud, Bibliographie lyonnaise du xv' sihle, 3* partie, p. 3o. 



344 DE UORIGINË D£ LIMPRIMERIË. 

les années 1 48a et i kSi Ml mourut probablement peu 
de temps après ; car son nom ne figure nulle part après 
cette dernière date. U pouvait avoir alors quarante-huit ans, 
en supposant qu'il en eût vingt-cinq à Tépoque de la 
mort de son pare. 

Son jeune frère^, Jacques Buyer, qui étudiait alors à 
Valence , hérita de ses goûts littéraires et typographiques, 
peut-être même de son imprimerie , car on le voit pu- 
blier dès 1/187, ^^ Gïxmtvita Christi (a vol. in-folio, en 
caractère gothique , avec figures sur bois) , à la fin duquel 
on lit : (( Imprimé en la cité de Lyon sur le Rosne , par 
maistre Jaques Buyer, bachelier en chacun droyt, ci- 
toyen , et Mathieu Hus, de la nacion d'Âllemaigne, impri- 
meur , habitant dudit Lyon , Tan mil quatre cens quatre 
vingtz et sept, et le septiesme jour de juillet. » 

En 1 & 98 , il fit encore imprimer par Jean Siber ïOpus 
distinctionum d*Henri Bouhic ; in-folio , à deux colonnes. 

C'est sans doute aussi vers ce temps qu'il publia son 
Traciatas corporis Christi, petit volume in-quarto où l'on 
voit paraître jusqu'à trois caractères gothiques de dififé- 
rentes grosseurs et parfaitement combinés. On lit au verso 
de l'avant-dernier feuillet (le 33*) : « Ânno millésime qua- 
(( dringentesimo octuagesimo , in vigilia Nativitatis béate 

* Monfalcon, Hist. de lyon, p. i4oo. 

^ Nous avons vu que Pierre Buyer avait laissé trois enfants en mourant : 
le troisième était une fille, appelée Marie, qui fonda en 1^92 une messe 
pour son frère Barthélémy , dans Téglise Saint^Nizier, sur la paroisse de 
laquelle il était mort sans doute. (Péricaud, Bihliogr. etc. 2' part. p. 45.) 



DEUXIÈME PARTIE. —CHAPITRE III. 345 

« Marie Vii^nis, date fuere vacationes studentîbus Valen- 
«tie, et finita fuit presens repetitio super decretali cum 
« marthe de celé. mis. sub egregio pâtre domino Dozoli, 
« decretorum comité , per me Jacobum Buerii , de Lug- 
« duno. )) Ce qu'il faut, je pense, traduire ainsi : « L'an 1 48o, 
la veille de la Nativité de la Vierge (le 7 septembre), des 
vacances furent accordées aux étudiants de Valence , et 
la présente leçon sur la décrétale Cum Marthœy au titre 
de Celebratione missaram^^ fut terminée sous le savant 
père Dozole , professeur en lun et l'autre droit , par moi 
Jacques Buyer, de Lyon. » 

Quelques bibliographes ont pris à tort la date de cette 
souscription pour celle de l'impression du livre ^. Il suffit 
de voir la disposition typographique de celui-ci pour re- 
connaître qu'il a été imprimé longtemps après 1 /l8o'. 

On ne- sait pas autre chose sur Jacques Buyer, si ce 
n est qu'il fut un des douze 6011^ personnages qui se joi- 
gnirent au consulat pour aller au-devant du roi , le 8 mars 
1 kgli » jour de son entrée à Lyon , et qu'il fut, lui aussi , 
plusieurs fois conseiller de ville de 1 ^9 1 à 1 609. 

Quant à Guillaume le Roy, il s'établit à son compte 
vers 1 /183, probablement après la mort de son patron, et 
imprima plusieurs livres souscrits de son nom seul , ou 

« 

^ Décret, lib. III , tit. XLI , cap. vi. 

* Péricaud, Bibliogr. fyonnaise, etc. 1'* partie, p. 5. 

^ Je n en ai pu juger que par lesfacsimUe qaa. bien voulu m^adresser 
M. Gauthier, archiviste du département du Rhône , d*après rexemplaire 
de ia bibliothèque de Lyon; mais je suis sûr de ne pas me tromper dans 
mon appréciation. 



346 DE L ORIGINE DE L*IMPRIMERIE. 

sans souscription Jusqu'en Tannée 1 488, où il parait avoir 
renoncé à la typographie ^ . Heureusement Tart pouvait 
se passer de lui, car Timprimerie avait pris alors un grand 
développement à Lyon. Parmi les artistes qui étaient ve- 
nus s établir dans cette ville, je dois mentionner particu- 
lièrement un Mayençais appelé Jean fÂUemand^ qui pu- 
blia en 1&87 un très -remarquable Missel à l'usage de 
ï Église de Lyon, in-folio à deux colonnes, en caractères 
gothiques , tiré en rouge et en noir, avec plain-chant. 

Il existe encore trois exemplaires en vélin de ce livre, 
un dans la bibliothèque publique de Lyon, un autre dans 
celle de Montbrison^, et le troisième à la Bibliothèque 
nationale. Celui-ci renferme un acte notarié, écrit sur le 
verso du dernier feuillet, et par lequel on apprend que 
Guichard Pavie, prieur commendataire de Montrotier^, a 
donné ce volume avec qudques autres objets aux parois- 
siens du lieu , en la personne de Jean Josannon, baninier 
des églises de Notre-Dame et de Saint-Martin : « Videlicet 
« quinque casulas sive chasubles de soye, in quibus sunt arma 
« dicti domini , unam casulam de soye violete^ unum cah- 
« cem argenteum auro deaurato, in quo sunt arma dicti 

' Il figure sur un rôle de i^qS comme imprimeur de livres, mais non 
taxé. (Péricaud, Bibliogr. etc. 2* part. p. 22.) 

* On pense que c'est Timprimeur appelé Trechsel sur d'autres livres. 

^ Mon frère aîné , bibliothécaire de la ville , m'écrit <{ue ce livre pro- 
vient du chapitre de Notre-Dame, auquel, suivant la tradition, il aurait 
été donné par l'archevêque et cardinal Charles de Bourbon , sous l'admi- 
nistration duquel il fut imprimé. 

* Prieuré dépendant de l'abbaye de Savigny, près de Lyon. 



DEUXIEME PARTIE. —CHAPITRE III. 347 

u domini , et hoc pro serviente dictarum ecciesiarum, qua- 
(( tuor missaiia, quorum duo describuntur in palgameno, 
« alia duo in papiro, et unum greaie^, eciam palgameni, 
<( in quibus sunt arma dicti domini , necnon quoddam ta- 
u bleaa existons de et super aitare dicte Béate Marie , in 
« ecclesia dicti castri. » L'acte est date du 7 mai 1 5 1 S. 

Je ne dois pas négliger de dire que Lyon est la pre- 
mière ville de France où Ton ait imprimé des livres 
avec gravures en taille -douce. On en voit déjà paraître 
dans une traduction du Voyage de Breydenbach à la 
terre sainte , imprimée par Michelet Topie de Pymont et 
Jacques Heremberck , d'Allemagne , au nom de Nicole le 
Huen, et terminée le 28 novembre 1/188. Ces gravures 
sont copiées sur celles en bois de Touvrage original. 

S 3. Bruges. 

Quoique Bruges ne soit pas précisément la troisième 
ville française où Tar^ typographique ait été pratiqué, je 
ne puis lui refuser le troisième rang, d abord parce qu elle 
est la première de toutes , sans en excepter Paris même , 
qui ait produit des livres en langue française , et ensuite 
parce que son histoire , comme celle de Paris, se rattache 
par plusieurs points à f origine de fimprimerie. Cette 
ville d'ailleurs pouvait être considérée alors comme la 
capitale d'une portion détachée du territoire français , car 
elle était la résidence habituelle de la cour toute fran- 
çaise des ducs de Bourgogne, et de même que son cou- 

' C'était sans doute un Graduel. 



348 DE L'ORIGINE DE LIMPRIHERIE. 

sin Charles Vil , le duc Philippe le Bon peut revendiquer 
rhonneur d'avoir initie son pays aux travaux de la typo- 
graphie. Pour expliquer ce fait, il est nécessaire dé re- 
monter un peu plus haut, car on ne saisirait pas bien 
aujourd'hui le rapport qu'il pouvait y avoir entre la ville 
de Bruges et la famille des ducs de Bourgogne. 

J'ai déjà dit au commencement du paragraphe relatif 
à la ville de Paris que le roi Jean avait attribué à chacun 
de ses fils une portion de territoire à titre d'apanage. Je 
reprends le récit au point où je l'ai quitté en ce qui con- 
cerne Philippe le Hardi , quatrième fds de ce prince. 

Philippe ftit nommé d'abord lieutenant de roi dans le 
duché de Bourgogne, puis duc, sur la demande des 
grands seigneurs de ce pays , désireux de posséder une 
cour qui rappelât l'ancien royaume de Bourgogne. En 
1869, Philippe épousa Marguerite, fille unique de Louis, 
dit de Maie , comte de Boui^ogne , de Flandre , etc. En 
1 384 , il hérita de ce dernier, et réunit sous son gouver- 
nement les deux Bourgognes (le duché et le comté), la 
Flandre , l'Artois , etc. Il devint par là aussi puissant que 
le roi Gharies V son firère , ou plutôt que Gharies VI son 
neveu, qui était monté sur le trône en 1 38o. Ge dernier 
prince étant devenu fou , ses deux oncles , le duc de Berri 
et le duc de Bourgogne , s'emparèrent du pouvoir, à l'ex- 
clusion du duc d'Oriéans, fi*ère du roi, qui tenta de s'en 
saisir à son tour. G'est à l'occasion de ce conflit de pré- 
tentions diverses que naquit la rivalité fatale des deux 
maisons de Bourgogne et d'Oriéans , qui coûta la vie au 



DEUXIEME PARTIE. —CHAPITRE III. 349 

chef de ceiie-ci , et mit la France à la merci de TÂngle- 
terre. On sait quels maux affreux en résultèrent pour 
notre pays; je n ai pas à m occuper de ce sujet. Il me suf- 
fit d'avoir fait connaître comment la Flandre se trouvait, 
au xv** siède , sous lautoritë des ducs de Boui^ogne. Nous 
allons voir maintenant comment Bruges devint leur ré- 
sidence habituelle. 

A l'exemple de ses frères aînés, Charles V et Jean, 
duc de Berri, Philippe commença une bibliothèque ou 
librairie, qui, accrue par ses successeurs, devint le plus 
riche dépôt de livres qu'on eût vu jusque-là. Les cata- 
logues qui en furent dressés à la mort de Charles le 
Téméraire l'élèvent à près de 2,000 articles^, la plupart 
magnifiques in-folio en peau de vélin, ornés de minia- 
tures du plus grand prix et de somptueuses reliures , en 
velours, en satin, en damas, enrichis de perles, d'éme- 
raudes , de saphirs ; etc. avec des fermoirs d'or ou d'ar- 
gent doré 2. 

Philippe le Hardi, affable et généreux à l'excès, grand 
amateur d'objets d'art et de musique, était savant et cu- 
rieux de bons livres , pour lesquels il fit de grandes dé- 
penses^, n ne se bornait pas, au reste, à de simples ac- 
quisitions d'ouvrages , ni à faire exécuter de riches ma- 
nuscrits à ses frais, il mettait aussi à contribution les 

^ Voyez-en le catalogue imprimé dans la Bihlialhhftte pro^o^tapldqne 
de M. Barrois, in-4°, Paris, 1 83o. 

^ Catalogue étune partie des livres composant la bihUoHthfue des ducs de 
Bourgogne^ etc. par G. Peignot, 2* édit. (Dijon, i8di, in-8*), p. 16. 

^ Barrois, ouvrage cité, liminaire, p. XY, note a. 



350 DE LORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

personnes instruites de son temps , et leur commandait 
des ouvrages. G*est par ses ordres que Thistoire de son 
frère Charles V fut composée par Christine de Pisan , 
ainsi que nous lapprend Fauteur dans la préface de son 
livre. 

Comme spécimen du prix vénal des livres à cette 
époque, je citerai ici celui de quelques ouvrages achetés 
par les ducs de Bourgogne. Ces documents, tirés des re- 
gistres des comptes qui se trouvent dans les archives du 
département de la Côte-d*Or, à Dijon , ne sont pas sans 
intérêt pour nous^ 

sous PHILIPPE LE HARDI. 

1373. — Belin, eniuminettr à Dijon, escript et enlumine un 
Septseaumes (psaumes) pour la duchesse pour 3 francs. 

1477. — Le duc paye à maistre Robert, faiseur de cadrans à 
Paris, 4 francs pour un almanach qu'il avoit fait pour lui, pour cette 
année, commençant le i" janvier*. 

A Robert Lescuyer, vendeur de livres à Paris , pour unes Heures 
et autre livre appelé la Somme le Roi, 5o francs. 

1382. — Le duc paye à Henriot Gamier Breton, 72 francs, 
pour un livre appelé les Croniqaes des Rois de France, 

1383. — Le duc fait achepter une Bible pour les chartreux 
de Dijon, pour 35 francs. 

^ Peignot, ouvrage cité, p. 28 et suiv. 

' Ceci démontre ce quej^ai dit précédemment au sujet du calendrier 
imprimé à Mayence en i456 , que, quoique Tannée religieuse commençât 
officiellement à Pâques, comme cette date était variable, les aimanachs 
dataient du i*' janvier. 11 en était ainsi pour beaucoup d^usages de la vie. 
Ainsi les pensions des officiers et des magistrats commençaient généra- 
lement au 1" janvier à cette époque; c'était au i"*^ janvier enfin qu^on 
donnait les étrennes du nouvel an, comme on va le voir un peu plus loin. 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE III. 351 

1386. — Le duc achepte de frère Philippe, son confesseur, un 
Caiholicon, pour mettre en sa chapelle, loo francs. 

1393. — Le duc achepte 3o francs un petit Bréviaire à Tusaige 
de Paris. 

1397. — Le duc enroie de Paris une Bible de 22 francs; trois 
Antiphoniers , 4o firancs; deux petits livres appelés, Tun Thesaurtu 
pmaperum, et Tautre Remondine, 5 francs. 

1398. — Gillet Daunai , escripvain à Dijon , est payé par le duc 
de Tescripture de treize quayers et demy du grand volume de la 
Bible que feu maistre Jean de la Rose, jadis escripvain, avoil 

commencée pour Téglise des chartreux au prix de 34 sous 

4 deniers par quayer d*escripture. 

A Pierre Donnedieu, escripvain demourant à Paris, pour Tes- 
cripture de deux grands Aatiphoniers par lui escripts et notes. . . . 
60 francs. 

1398. — A Jacques Raponde, marchand à Paris, 600 écus 

d*or, pour une Bible escripte en françois très bien ystoriée 

dedans et dehors, armoyée aux armes du duc, couverte de drap 
cramoisy et garnie de gros fermeaux d'argent dorez. 

A Dyne Raponde, conseiller et maistre de son hostel, 5oo 
livres parce qu'il avoit envoyé en bonnes estrennes un très bel 
livre de Thistoire de TitasLivius, enluminé de lettres d'or et histo- 
rié d*ymaiges en plusieurs et divers lieux. 

1399. — A Jacques Raponde 5oo écus d'or pour un livre 

appelé la Légende dorée, escripte en françois. . . ystoriée de belles 
y8toires\ 

1400. — Au même, 4oo écus d'or pour un livre nommé De 
la propriété des choses, tout neuf et ystorié, couvert de veluel en 
grains , à fermouers d'argent dorez. 

1401- — A Polequin Manuel et Janequin Manuel, enlumi- 
neurs , lesquels monseigneur le duc retint pour faire les ystoires 

^ On désignait ainsi les miniatures des manuscrits. 



352 DE LORIGINE DE LIMPRIHERIE. 

d une très belle et très notable Bible qu*il avoit depuis peu fait 
commencer. Iceulx Polequin et Janequin ne pouvoient se louer 
à aultre qu*à mondict seigneur, mais entendre et besongner seule- 
ment en Touvrage d*iceUe (Bible); et afin que ledit ouvrage fût 
fait et achevé le mieux et le plus tôt possible, monseigneur taxa 
auxdicts Manuel, tant pour leur peine et vivres comme pour avoir 
leurs autres nécessités , la somme de ao sols parisis pour eux 
deux par chacun jour ouvrable et non ouvrable, jusques à quatre 
ans prochains. Pour laqudlle Bible faire et historier a esté baillé , 
du commandement de mondict seigneur, à maistre Jehan Durand , 
son physicien (médecin) , la somme de 600 livres pour employer 
es escriptures et perfection d'icelle BiUe et aussi es gages desdits 
Polequin et Janequin. ^ Nota ladite Bible estant achevée en latin 
et en firançois, avec histoires, fut donnée par monseigneur le 
duc (Jean) ^ au duc de Berry. 

Gabriel Peignot ajoute en note : « Dans ce temps-là le 
marc d'argent flottait entre 5 livres . 1 6 sous et 6 livres 
8 sous; ainsi les 20 sous par jour (des frères Manuel) 
équivalaient à 9 francs de notre monnaie actuelle. » On 
voit par cet échantillon quelle somme le duc de Bour- 
gogne dépensait en livres , soit pour sa bibliothèque , soit 
pour faire des cadeaux, comme dans le dernier cas. En 
effet, Tusage d offrir des livres en cadeaux était fort ré- 
pandu alors dans la haute classe de la société , et surtout 
à la cour du roi de France^. Les dififérents inventaires 

^ Peignot met à tort ici le nom de Philippe. On verra plus loin que 
c est son fils q[ui donna la Bible au duc de Berri. 

* Le livre cité de Van Praet en mentionne un grand nombre d'exemples 
concernant Charles V. Son fils suivit son exemple. En 1 4 1 2 , « le roi 
Charles VI fait présent à la duchesse de Bourgogne d'un livre d'Heures 
qui coûta 600 écus d'or. » (Peignot, ouvrage cité , p. 35. ) 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE III. 353 

cités par Peignot nous apprennent que le duc de Berri 
et le duc de Bourgogne , son frère , se faisaient récipro- 
quement de semblables cadeaux. Ainsi , ie premier offire 
au second les Dialogues de saint Grégoire et les Aniûimtés 
judaïques de Josèphe ; le second, en retour, donne au pre- 
mier le Livre de lajleur des ystoires et le Livre de toutes 
les cités du monde : le tout en beaux volumes in-folio sur 
vélin , comme on savait les faire alors. 

Philippe le Hardi mourut en 1 4o/i : son fils Jean sans 
Peur lui succéda. La vie orageuse de ce prince ne lui 
permit pas d apporter autant de soin que son père à 
l'augmentation de sa bibliothèque ; toutefois il ne la né- 
g^gea pas entièrement. Les inventaires déjà cités nous 
apprennent qu en i /lo5 le duc paya à Christine de Pisan 
loo écus, «pour récompensation de deux livres quelle 
a présentés à mondit seigneur, dont lun lui fut com- 
mandé à faire par monseigneur le duc, père de mondit 
seigneur; )> à Jacques Raponde, lOO francs d'or pour un 
livre renfermant le Roman de Lancelot da Lac, le Saint 
Greal et le RoyArthus, «historié de plusieurs belles his- 
toires, couvert de drap de soye, garni de deux gros fer- 
meaux d'argent doré esmaillés. » 

En 1 /i 06 , au même ^ « 60 francs pour faire istoire en 

^ Ce Jacques Raponde faisait, à ce <pi*il parait, un grand commerce de 
livres. Outre ceux que nous avons déjà cités, il vendit au duc Philippe 
« trois livres appelés La fleur des histoires de ia terre £ Orient, escripts en 
parchemin, de lettres de formes, historiés, couverts de veluau (velours) 
et fermoyes d*argent doré, etc.' pour la somme de 3oo livres d*or, des- 

II. 33 



554 DE LORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

la Bible en latin et en François que le duc (Philippe) 
avait fait faire , et que son fils voulait donner au duc de 
Berry. » . 

En itiog, «à Pierre Linfol, libraire à luniversité de 
Paris, i5o escus d*or pour un livre en françois nommé 
Valere le Grand. » 

En 1 4 1 &. « à Jean Ghousat , conseiller de monseigneur 
le duc, la somme de dSo francs pour vente dune Bible 
toute neuve, en françois, historiée et enluminée dor et 

d azur contenant 558 feuillets de grand volume de 

parchemin vélin , dont la peau ne peut faire que deux 
feuillets seulement , et couverte de drap de soie vert et 
d une housse de cuir blanc garnie de deux fermeillets d ar- 
gent doré et émaillé , et d'une pipe ^ d'argent doré , etc. 
et cousta à faire plus de 700 francs, et a esté longtemps 
devers madame la duchesse, à laquelle ledit Ghousat l'a- 
vait prêtée. Et laquelle Bible, mondit seigneur, à la requête 

de madame a fait prendre et acheter, et commis 

la taxe au confesseur dudit seigneur et aux gens de ses 
comptes à Dijon, lesquels l'ont taxée en conscience à la 
somme de 5oo francs, et toutefois (Ghousat) n'en a voulu 
prendre que 45o^. » 

quels il en donna un à monseigneur le duc de Berry, un autre à monsei- 
gneur le duc d*Orléans , et le troisième il le fit mettre en sa librairie. » 
(Peignot, p. Sa). Raponde reçut encore 3oo francs en i^oi, «pour un 
livre françois de plusieurs Histoires des femmes de hwM renomma, <pi*il 
avait présenté en étrennes au duc. » ( fcL p. 3 1 . ) 

* On appelait ainsi le bouton qui servait à retenir le fermoir du livre. 

^ Peignot, p. 35. Pour avoir plus de détails sur le prix des livres à 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE ïlï. 355 

On peut joindre à cette courte nomenclature un bré- 
viaire, qui avait coûté 200 écus d*or, et dont le duc avait 
fait cadeau à sa femme. On pense que ce bréviaire est 
celui-là même que ce prince portait sur lui lorsqu'il fiit 
assassiné , le 1 o septembre 1/119, dans une entrevue qu'il 
eut avec le dauphin (depuis Gharies Vil), sur le pont de 
Montereau. On lit dans les registres de la chambre des 
comptes de Dijon : a Jean Guiot, doyen de l'église collé- 
giale de Notre-Dame de Montreau-fault -Yonne, rendit 
un beau et riche bréviaire du duc Jehan , qui fîit perdu le 
jour de son trespas, pour lequel il eut 120 francs, de 
même que pour avoir gardé sauvement le corps dudit 
duc, sans estre osté ni transporté de ladite église par les 
ennemis^, etc. » Le duc de Boux^ogne périt de la même 
manière que le duc d'Orléans , son cousin , qu'il avait fait 
assassiner en 1 &07, dans la rue Barbette, à Paris. Ge bré- 
viaire, qu'il avait pris comme un talisman , ne le préserva 
pas du sort qu'il redoutait. 

Mais ce que firent pour leurs bibliothèques Philippe 
le Hardi et Jean sans Peur, particulièrement le second, 
est peu de chose auprès de ce qu'exécuta Philippe le Bon , 
qui succéda à Jean sans Peur en 1 & 1 9. G e prince, ayant 
considérablement agrandi ses états dans les Pays-Bas, 
par l'acquisition du Brabant , de la Hollande , etc. établit 

cette époque , on peut consulter la Prisée des livres du, duc de Berry, f^ite en 
1 4 1 6 , et C[ui est imprimée dans la Bibliothèque protypographique de M. Bar- 
rois , p. 89 et suiv. 

^ Peignot, ouvrage cité, p. 80. 

23. 



356 DE L ORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

sa résidence habituelle à Bruges, où il eut dès lors la 
majeure partie de ses livres. David Aubert, d*Hesdin en 
Artois , fait de lui cet éloge dans le prologue de sa Chro- 
nique de Naples, écrite en i &43 , et dont un exemplaire 
se trouve à la Bibliothèque nationale à Paris: «A cestuy 
présent volume esté grosse et ordonné pour le mettre en 

sa librairie et nonobstant que ce soit le prince sur 

tous aultres gamy de la plus riche et noble librairie du 
monde , si est-il moult enchn et désirant de chascun jour 
laccroistre, comme il fait; pour quoi il a journellement 
et en diverses contrées grands clercs, orateurs, transla- 
teurs et escripvains à ses propres gages occupés ^. » Le 
même auteur dit encore , dans la préface de son Histoire 
abrégée des empereurs, manuscrit de 1 687, qui se trouve 
à la bibliothèque royale de Bruxelles : <c Très-renommé 
et très-vertueux prince Philippe, duc de Bourgogne, a dès 
longtemps accoustumé de journellement faire devant lui 
lire les anciennes histoires , et pour estre garni d'une li- 
brairie non pareille à toutes autres, il a dès son jeune 
aage eu à ses gaiges plusieurs translateurs, grands clercs, 
experts orateurs, historiens et escripvains, et en diverses 
contrées en gros nombre diligemment labourans; tant 
que aujourd'hui c'est ie prince de la chrestienté , sans 
réserve aucune, qui est le mieux garni de autentique et 
riche librairie, comme tout se peut plainement appa- 

m 

roir*. » 

^ Peignot, p. i4> 

^ Barrois , BihUolh. protypogr. p. it. 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE III. 357 

A cette époque, en efiFet, la bibliothèque de Charles V 
n -existait plus , et celle que le duc de Bourgogne avait à 
Bruges seulement s élevait k gào articles, ainsi que le 
constate un inventaire de i /^58, qui se trouve dans les 
archives du département du Nord, à Lille ^ 

Il est certain que Philippe le Bon a fait composer, 
traduire et copier un grand nombre d'ouvrages , tant pour 
enrichir sa bibliothèque et pour son amusement particu- 
lier, que pour Tinstruction de son fils Charles. C'est ce 
que dénote Tinscription de beaucoup de livres qui lui 
ont appartenu , comme , par exemple , outre les deux déjà 
cités, ÏYstoire de Gérard de Nevers et de la belle Euryane 
sa mie y de Guyot d'Angers; Gérard de RoussiUon, traduit 
ia latin enfrançois , par ordre du duc de Bourgogne, etc. Les 
seigneurs les plus distingués de sa cour s'empressaient 
aussi , connaissant ses goûts , de lui offrir des livres^ ; enfin 
beaucoup d'auteurs de cette époque lui dédiaient leurs 
ouvrages comme à un Mécène. Parmi les derniers, je 
puis citer Jean Vauquelin , auteur de la Vie de sainte Hé- 
lène; Martin le Franc, prieur de Lausanne, auteur de 
tEstrif de la fortune; Christine de Pisan, etc. Quant aux 
dépenses pour copie, enluminure, reliure, et autres re- 
latives aux livres de la bibliothèque du duc , il faut re- 
noncer à les enregistrer, car elles sont trop nombreuses. 
On en trouvera, du reste, un grand nombre dans le vo- 
lume des Comptes des ducs de Bourgogne , récemment pu- 

* Van Praet, Notice sur Colard Mansion, p. 70. 

* Peignot, ouvrage cité, p. i5, en donne une ILste. 



358 DE L ORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

biië par M. Léon de Laborde. Je n en citerai qu'un pas- 
sage d un grand intérêt pour nous : c'est celui qui nous 
apprend que «Coiard Mansion, escripvain, de Bruges, 
reçut, en i&5o, cinquante -quatre livres pour un livre 
nommé Roovilion (Romuléon) en ung volume couvert 
de velour bleu ^ » 

Mais ce n'est pas tout. Le goût des livres , se propa- 
geant autour du duc de Bourgogne, donna naissance à 
un grand nombre de bibliothèques particulières dans les 
Flandres. L une des plus célèbres de ces lihravries y comme 
on disait alors, fut celle de Louis de Bruges, seigneur 
de la Grutfauyse , d'abord simple échanson du duc Phi- 
lippe le Bon , puis l'un des principaux officiers de sa cour. 
Cette bibliothèque, dont il ne reàte aucun inventaire, 
mais sur laquelle Van Praet a publié un livre si curieux^, 
vint se fondre , on ne sait à quelle époque , dans celle 
que Louis XII avait au château de Blois. Elle était fort 
riche aussi, à en juger seulement par les volumes dont il 
a été possible de constater la provenance à la Bibliothèque 
nationale de Paris , et dont le nombre s'élève à plus de 
cent. Ces volumes n'en étaient sans doute que la moindre 
partie , mais non pas la moins belle , car ce sont leurs 
riches miniatures aux armes de l'ancien propriétaire qui 
les font reconnaître. On voit par là qu'ils ont été écrits 
en grande partie aux frais de Louis de Bruges, qui suivait 
en cela l'exemple de son maître. 

' Van Praet, Notice sur Coiard Mansion, p. 70. 

* Recherches sur Louis de Bruges, 1 voî in-S*» Paris, i83i . 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE III. 359 

Le grand développement qu avaient pris le commerce 
et la fabrication des livres à Bruges à cette époque y 
donna naissance, en i/i54, à une confrérie comprenant 
toutes les professions qui se rattachaient de près ou de 
loin à la librairie. Elle fut instituée en vertu de lettres 
patentes du duc Philippe ^ Les registres de cette confré* 
rie, qui existent encore, nous apprennent qu'elle était 
placée sous Imvocation de saint Jean-Baptiste , et qu elle 
possédait dans Téglise de Tabbaye d'Ëechoute , à Bruges , 
une chapelle où elle faisait célébrer loffice divin les di- 
manches et fêtes , et pour laquelle elle payait annuelle- 
ment six escalins à Tabbé. Voici la nomenclature des 
professions qui y sont mentionnées : 

Les libraires (lihrariers, hockverkopers) y 

Les peintres en miniatures (vinghette makers) , 

Les copistes {scrivers, houc-scrivers) , 

Les maîtres d'école (scoole-meesters) , 

Les marchands d'images (prenter-vercoopers) , 

Les enlumineurs (v^h'c^ters) , 

Les relieurs (bouc-binders) , 

Les corroyeurs [riemmakers) , 

Les parcheminiers {parkement-makers , Jransyn-makers) , 

Lés faiseurs de houppes (guispel-sniders) , 

Les maîtresses d'école (scole-vrowen). 

Les peintres (scilders) , 

Les tondeurs de draps [drooch-scherrers) , 

Les faiseurs d'images ( heelde-makers) , 

Et enfin les imprimeurs {printers) et les graveurs en caractères 

* Van Praet, Notice sur Colard Mansion, p. 2 , 72 et 73. 




360 DE L ORIGINE DE LIM PRIMERIE. 

(letter-snjdersy^ qui n'y furent sans doute admis que plus tard, 
la typographie , qui ne s'était pas encore révélée publiquement au 
monde , n'ayant pu être déjà introduite à Bruges. 

Quelque nombreuse et quelque active que fut la con- 
frérie de Saint-Jean , elle ne pouvait remplacer Timpri- 
merie, qui était devenue à cette époque un véritable be- 
soin social, en présence de Témaiicipation intellectuelle 
des populations occidentales de TËurope. Aussi tous les 
amis des lettres dans ces contrées lappelâient-ils de leurs 
vœux. Nous avons vu le roi Charles Vil s efforcer d*en 
doter Paris aussitôt que cet art nouveau fut connu pu- 
bliquement. Son cousin Philippe le Bon , marchant sur 
ses traces, laurait sans doute introduite à Bruges, si la 
mort lui en avait donné le temps. Cet honneur était ré- 
servé à celui qui , après le prince, aimait le plus les livres, 
Louis de Bruges, seigneur de la Gruthuyse, dont nous 
avons déjà parié. Toutefois le duc de Boui^ogne ne mou- 
rut pas sans avoir donné à Timprimerie un témoignage 
éclatant, quoique oublié, de son admiration. 

Il y avait alors à la cour de Bourgogne un prêtre ap- 
pelé Raoul le Fèvre, attaché à la personne du duc en 
qualité de chapelain. Philippe le Bon , qui venait de fon- 
der son fameux ordre de la Toison d'or, chargea Raoul , 
déjà auteur d'un livre allégorique sur cet ordre (le Jason) , 
d'écrire une histoire des malheurs de la ville de Troie, à 

* Van Praet, Notice sur Colarà Mansion, p. 77. On trouvera dans ce 
même livre» p. 73 et suiv., quelques autres détails curieux sur la confrérie 
de saint Jean-Baptiste. 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE III. 3W 

laquelle une vieille fable historique, fort en vogue à cette 
époque , rattachait lorigine du royaume de France. Raoul 
se mit aussitôt à la besogne, et son livre termina, il le con- 
fia aux mains des scribes et des miniaturistes , pour qu^ils 
en fissent un ouvcage digne d être offert au duc de Bour- 
gogne. La copie originale^ fut terminée et présentée au 

^ On considère généralement Touvrage conservé dans la Bihliothhjue 
de Bourgogne (section des manuscrits delà Biblioth. royale de Bnuellés, 
n*^ 9261-62 ) comme étant Toriginal en question. Les détails qu*a bien 
voulu me fournir M. le conservateur de cette bibliothèque ont fait naître 
le doute dans mon esprit : 1* cet ouvrage n*est pas complet, et ne Ta ja- 
mais été, ainsi que le prouvent les différents inventaires des livres des 
ducs de Bourgogne : il se compose de deux volumes seulement, tandis 
qu*il en devrait avoir quatre d'après le prologue; 2** il diffère considéra- 
blement du livre imprimé; 3* il ne porte point de date; 4^ la première 
miniature ne rappelle pas réellement la présentation du livre au duc de 
Bourgogne. Voici en effet la description de cette miniature d'après les 
notes c[ui m*ont été envoyées de Bruxelles : « Elle représente le duc Phi- 
lippe le Bon en robe noire , bordée d'une fourrure brune , et assis dans un 
fauteuil adossé à une tapisserie d'or dessinée de pourpre ; vu de face ; il 
porte le collier de son ordre de la Toiscm d'or; sous ses pieds, il y a un 
tapis brodé de ses armes. Ce prince est entouré de deux chevaliers de 
l'ordre et de plusieurs autres personnes de sa cour : ils sont tous debout. 
A sa gauche, l'auteur, Raoul le Fèvre, est assis devant un pupitre; vu de 
profil; il transcrit l'un des volumes de VHUtoire de Troyes, tandis que 
l'autre est placé sur la marche dudit pupitre, t Cette miniature ne rap- 
pelle-t-elle pas plutôt une nouvelle rédaction entreprise par ordre du duc, 
et restée inachevée par suite de sa mort en 1 467 ? Cette nouvelle manière 
de voir donnerait à la fois l'explication de la différence de rédaction, de 
l'absence de date, et enfin du non-achèvement du livre, la mort du duc 
étant survenue pendant que l'auteur était occupé de son travail. Cela ex- 
pliquerait aussi pourquoi on ne voit que deux volumes dans la miniature , 
au lieu de quatre qui auraient dû s'y trouver si c'était réellement le volume 
de présentation. Pour corroborer mon opinion, j'ajouterai qu'il y avait 



362 DE L'ORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

duc en i &6/i , comme Tindique ie titre , ainsi conçu : 
« Gy commence le volume intitulé : le Recueil des his- 
toires de Troyes, composé par vénérable homme Raoul 
le Fèvre, prestre chappellain de mon très redoubté sei- 
gneur monseigneur le duc Philippe de Bourgoingne, en 
Tan de grâce m. ggcg. lxiiii. » 

Ce roman ravit la cour de Bourgogne d admiration , 
et chacun voulut en avoir une copie : les scrihes ne pou-- 
vant satisfaire assez promptement les désirs des courti- 
sans , on songea à Timprimerie , qui depuis quelques an- 
nées se propageait dans l'Europe occidentale. Le livre 
(ut donc imprimé avec le titre que je viens de transcrire. 
Il forme un volume petit in-folio de 285 feuillets de texte^ 
ou 5 70 pages de 3 1 lignes chacune, sans signatures ni ré- 
clames, sans nom de ville ni d'imprimeur, exécuté avec 
une cursive française de quinze points et demi typogra- 

dans la bibliothèque des ducs de Bourgogne plusieurs autres exemplaires 
de Touvrage de Raoul (voyez la Bihliotk. protypogr, de M. Barroîs, article 
Histoire de Trojtes)^ parmi lesquels pouvait se trouver l'original de id64. 
C'est sur cet original aans doute que furent copiés les autres manuscrits 
connus du Recueil des Idstoires de Troyes; car ces manuscrits, qui sont 
complets en un ou deux volumes au plus, sont conformes au livre im- 
primé. Il y en a deux À la Bibliothèque nationale de Paris : l'un provient 
originairement de la bibliothèque de Louis de Bruges, seigneur de la 
Gruthuyse; il est sous le n^ 6787 de l'ancien fonds français ; l'autre a été 
acheté à la vente de la Vallière (n** 4087). Ce sont de magnifiques vo- 
lumes in-folio sur vélin, avec un grand nombre de miniatures , dont une, 
la première , reproduit la scène de la présentation du livre au duc de 
Bourgogne, c'est-à-dire qu'elle est totalement différente de celle qu'on 
voit sur l'exemplaire de Bruxelles, dont on vient de lire la description. 
* H en manque un à l'exemplaire de Paris, qui n'en a que 284. 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE III. 363 

phiques , et divisé par cahiers de cinq feuilles^, suivant 
1 usage de Gutenberg et de Schoiifer. 

Où et quand fut imprimé ce livre? On Tignore. Tou- 
tefois, je crois quon peut raisonnablement soutenir qu*il 
fut exécuté à Cologne vers Tannée 1/166. La date que je 
donne ici résulte, suivant moi, des termes mêmes du 
titre que je viens de transcrire : elle ne peut être anté- 
rieure à 1 46 A , puisque cest Tannée où le livre fut écrit; 
mais elle ne peut être non plus postérieure au 1 5 juin 
1467, puisque c'est la date de la mort du duc de Bour- 
gogne , après laquelle Raoul le Fèvre n'aurait pu se qua- 
lifier achapellain de mon très-redoubté seigneiur le duc 
Philippe.» Nous verrons, en efiFet, que, sur la traduc- 
tion anglaise de ce livre, publiée avec les mêmes carac- 
tères peu de temps après la mort du duc, on a eu soin 
de modifier ce titre. Or, la date admise , le lieu d'im- 
pression ne peut être douteux : Cologne était la seule 
ville de ces quartiers qui possédât alors une imprimerie, 
et cette ville était enclavée pour ainsi dire dans les vastes 
états du duc de Bourgogne, qui comprenaient à cette 
époque, outre les provinces bourguignonnes, le Lotbier 

* Cette circonstance prouve qu il devait y avoir 286 feuillets en tout, y 
compris un feuillet blanc en tête, lequel manque également à Texemplaire 
de la Bibliothèque nationale. L*ouvrage devait se composer de 29 cahiers, 
dont 28 de 5 feuilles et 1 de 3 , le 2 1*, qui termine le deuxième'livre. Dans 
Texemplaire de la Bibliothèque nationale , ce deuxième livre est tcfut bou* 
leversé. Par suite de la perte d'un feuillet du 16' cahier, et de la transpo- 
sition de deux autres du 19% il y a des cahiers de 1 2, de 8, de 4 > de 6, et 
de 7 feuillets. 



364 DE L OEIGIIIE DE L IMPUIIERIE. 

ou hame Lomône, le Bfafamt, ie | j iifHJMmig ,legFlao- 
dres« rArtob, le Haioaiit, la HoHande, b Zâande. de 

La 4|iiestion de savoir i|iiel fiit fimprimeiir de ce dvyv 
ei»l encore pii» incertaiDe que les deux antres; car rioi 
id ne nous met sur la Toie. Seulement on peut con> 
dure de ce que nous Tenons de dire précedeinHii'iit, que 
Vnasfnnear du Becweâdeshisiairrs Je Tn^ 
premier imprimeur de Cok^;ne. A cela on olijectera sans 
doute qn*fl ne s*est servi des caiactèires s remaïquaUcs 
de ce livre dans aucun autre qn on poisse lui attribuer en 
propre : je yais r^iondre à cette objectiim. 

Les Âi^^^ais attribuent cette impression à Cazton, et 
cela par la seule raison que cet artiste fit ^us tard usage 
du même caractère pour une traduction anglaise du livre 
de RaouL Mais cette raison n'est pas concluante. Gixton^ 
qui, dans ses préÊices, est entré dans de si grands dé- 
tails sur ses direrses éditions, ne dit pas un mot de celle- 
d. On ne voit pas à propos de quoi il se serait cfaaigé de 
cette impression, lui qui, de son propre aveu, savait très- 
mal notre langue, et n avait même jamais mis les pieds 
dans la France proprement dite^. Au reste, ce qu'il a 
écrit dans sa pré&ce de la traduction du livre de Raoul 
le Fèvre est, comme on le verra, formellement contraire 
â lopinion de ceux qui lui attribuent Tédition fi'ançaise. 

* • Whao J rememberyd myself of my symplenes and anperfightnes 
• ihai I bad in botbe langages , that is to wete in frenwhe and in en- 
« gliMb , (or in France was I nmrer. • ( Prol. dn EteuydL of dœ kuêoryes 

ofTroytê.) 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE III. 365 

Pour moi, à voir ia forme des types du Recaeil des 
histoires de Troyes^je suis convaincu qu'ils sont lœuvre 
d*un Français, et que Téditeur nest autre que Philippe 
le Bon lui-même , à la demande duquel avait été entre- 
prise cette espèce d! Iliade, comme nous lapprend Raoul 
dans sa préface : «Quant je regarde et cognois les opi- 
nions des hommes nourris en aucunes singulières his- 
toires de Troyes , et voy et regarde aussi que de icelles 
faire un recueil, je, indigne, ai receu le commandement 
de très nohle et très vertueux prince Philippe, par la 
grâce faiseur de toutes grâces, duc de Bourgoyngne. . . )> 

Ge livre ayant été écrit par ordre du duc , il est tout 
naturel de penser qu'il a aussi été imprimé aux frais de 
ce prince. Voici un fait qui me semble corroborer cette 
opinion. Le papier employé à limpression du livre de 
Raoul présente dans son filigrane deux signes seulement, 
et tous deux sont étrangers- aux fabriques allemandes : 
lun reproduit Técusson ordinaire de France à trois fleurs 
de lis surmonté d une couronne ; 1 autre un P gotlûque 
dont la haste se termine au bas en forme de fourche , et 
dont le haut est surmonté d une espèce de fleur à quatre 
feuilles égales ayant la forme du trèfle. Les éditeurs four- 
nissant généralement leur papier, ainsi que nous lavons 
vu déjà^, ne peut-on pas en conclure que celui de la 
première édition du Recueil de Raoul fut tiré de France, 
et peut-être même en partie fabriqué au compte du duc 
Philippe, dont la lettre initiale aurait été placée pour 

« 

* Voyez les paragraphes consacrés à Milan et à Florence. 



3«6 DE LORIGINE DE LIIIPRIMERIE. 

cela même dans le filigrane? Ce qu'il y a de certain, c est 
que ces signes ne paraissent pas dans le papier de Tédi- 
tion anglaise, imprimée après la mort du duc. On y trouve 
seulement une grappe de raisin , marque très-commune 
dans les livres imprimés en Allemagne, et qu'on voit déjà 
dans la Bible de Gutenbei^. 

Toutes ces circonstances réunies expliquent, suivant 
moi, parfaitement le silence gardé par l'imprimeur du 
livre des Histoires de Troyes : i\ ne fut dans cette occasion 
qu'un mercenaire sans responsabilité aucune. Il y a, 
comme on le voit ( et sauf la différence qu*a dû apporter 
tout naturellement dans l'exécution du second le perfec- 
tionnement de l'art), une grande conformité entre le 
livre de Raoul et le fameux Thewdanck, imprimé dans 
le siècle suivant aux firais de l'empereur Maximilien ^^ 
Je ne crois pas nécessaire de parier ici de ce célèbre ou- 
vrage allemand , qui a si longtemps intrigué les savants 
(et que plusieurs croient encore aujourd'hui imprimé sur 
planches fixes , malgré les preuves du contraire données 
par Camus dans le mémoire qu'il lui a consacré^), car 
tout le monde le connaît. Comme dans ce dernier, les 
caractères du livre de Raoul le Fèvre sont si bien com- 
binés, et imitent si bien l'écriture du temps, grâce à un 
grand nombre de ligatures ou groupes de lettres fondues 
ensemble, qu'au premier aspect ils semblent xylogra- 
phiques. Ames, et après lui Herbert , ont dit qu'il y avait 

* Mémoires de l'Institut (classe de littérature), Paris, an ix (M. Brunet 
dit par erreur an vu ) , p. 1 7 i-a 1 1 . ( Voyex ci-dessus , p. 1 1 9.) 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE III. 367 

dans ce livre deux gravures sur bois; mais Dibdin a nié 
le fait^ et avec raison, car il n'y en a point dans lexem- 
plaire que possède la Bibliothèque nationale de Paris , et 
où Ton voit que les initiales étaient restées en blanc , ou 
du moins n avaient été figurées que par de petites lettres 
du caractère ordinaire destinées à disparsutre dans les en* 
luminures. 

Voici im extrait du prologue qui fera connaître la com- 
position de {ouvrage : « Au moins mal que je pour- 

ray, feray trois livres qui mis en un prendront poiu* nom 
le Recueil des troyennes histoires. Ou premier livre je 
traicteray de Saturne et de Jupiter et de Tadvenement 
de Troyes et des faiz de Perseus , et de la merveflleuse 
nativité de Hercules, et de la première destruction de 
Troyes. Ou second je traicteray des labeurs de Hercules, 
en demonstrant comment Troyes fut reedifiee et des- 
truicte par ledit Hercules la seconde fois. Et ou tiers je 
traicteray de la derreniere et generalle destruction de 
Troyes faite par les Gregois à cause du ravissement de 
dame Helaine femme de Menelaus ; et y adjousteray les 
faiz et grans prouesses du preu Hector et de ses frères , 
qui sont dignes de grant mémoire. Et aussi traicteray des 
merveilleuses avantures et périls de mer qui advînrent 
aux Gregois en leur retour, de la mort du noble roy Aga- 
menon , qui fut duc de f ost , et des grans fortunes du roy 
Ulixes et de sa merveilleuse mort*. » 

' Typographieal antiqmties, 1. 1, p. 8. 

' Pour donner une idée de la différence qui existe entre cette première 



368 DE L ORIGINE DE LIMPRIMERIE. 

Après le Recueil des histoires de Troyes, on imprima 
de la même manière , et dans 1« même format, le roman 
de Jason, du même auteur, qui, ainsi que nous l'apprend 
Caxton , dans l'édition anglaise qu'il donna de ce livre , 
vers 1 47 5, n'avait été publié séparément que parce qu'il 
aurait trop grossi le premier volume^. Gomme le Recueil 

édition des Histoires de Troyes et le manuscrit de la bibliothèque de Bruxelles 
que j*ai déjÀ cité p. 36 1 , à la note , je vais transcrire ici un passage du pro- 
logue de ce dernier : t Ou premier livre je traitteray de Saturne et de Jupî* 
ter, de Tadvenement de Troyes et de la première destruction; ou second 
je traitteray de la deuxième destruction qui fiit faite par Jason, et sy y 
adjousteray les fais d^Hercules; ou tiers je traitteray de la troisième des- 
truction, qui fut faite pour le ravissement de la belle Hellaine; et ou quart 
je descriray la quarte destruction qui fu faitte par Fimbria, consul romain 
au temps de la contencion qui fu à Romme entre Marins et Scilla, et y 
adjousteray la naissance de Paris et ses adventures de jeunesse ; la naissance 
de Ulixes et ses anciens perds de mer, et les généalogies de la plupart de 
ceux qui Troyes perdirent durant le r^ne du roy Priam. » Ou je m'abuse 
fort, ou les additions qu'on trouve ici signalent bien une deuxième édition 
d*un même livre. Peut-être aussi Raoul le Fèvre voulait-il fondre dans son 
ouvrage les aventures de Jason , dont il avait fait d*abord un livre à part. 

' t — the said book should bave been too great , if he bad set the said 
abistory in bis book, for it containetb three books beside tbe bistory of 
«Jason. > (Préface du Jason anglais.) C'est sans doute à cette circonstance 
qu'il faut attribuer l'omission du nom de Raoul le Fèvre sur le titre du 
livre, tant dans l'imprimé que dans les manuscrits; car on possède encore 
plusieurs beaux exemplaires manuscrits de ce curieux livre. La Biblio- 
thèque nationale de Paris en a un (n* GgSS) qui vient de Louis de Bruges, 
contemporain de Raoul le Fèvre , et qui a figuré jadis dans la fameuse 
bibliothèque de Louis XII à Blois. M. P. Paris, qui décrit ce beau livre dans 
ses Mannscrits àe la hibliotkkque da roi, t. II, p. 336 et suivantes, parait 
douter que Raoul le Fèvre en soit l'auteur. Mais ce qu'en dit Caxton ne 
laisse aucun doute à cet égard. Un des arguments sur lesquels M. Paris 
s'appuie pour contester la paternité de Raoul y. c'est qu'il n'y a pas dans 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE III. 369 

des histoires de Troyes, le Joison avait été présenté au duc 
Philippe le Bon^, et par conséquent avait été écrit avant 
1467; c'est ce que prouverait au besoin l'invocation 
finale : a Et pour ce je finiray ceste histoire atant, priant 
à mon devant dit très redoubté seigneur et à tous ceux 
qui le contenu de ce présent volume liront ou or- 
ront lire qu'il leur plaise de grâce excuser autant que 
mon petit et rude engin na seu toucher ne peu com- 
prendre, etc. )>; toutefois le livre ne fut imprimé qu'après 
la mort de ce prince , car on lit dans le prologue le pas- 
sage suivant : « Je t'ay esleu afin que ton escripture 

présentes au père des escripvains , c'est à Philippe , père 
et ameur de vertus, en son temps duc de Bourgoyngne et 
de Brabant, etc. lequel tout son vivant a esté moult affecté 
et enclyn de oyr et veoir lire les anciennes histoires ou ra- 
compter les faiz des preux jadis flourissans en vertus et 
vaillance, et prudence, pour son singulier passe temps. » 
Le Jason forme un volume petit in-folio de 1 3 1 feuil- 
lets de texte *^, ou a6a pages à 3 1 lignes. Il est divisé par 

tout le prologue une seule allusion à Tordre de la Toison d'or, fondé par 
Philippe de Bourgogne; mais je ferai remarquer que le livre lui-même 
n'est d'un bout à Tauti^ qu'une dlusion à cet ordre cél^re. Gaiton l'a 
bien prouvé dans le prologue particulier de sa traduction , où il décrit la 
fameuse salle du château de Hesdin. Mais nous parierons de cela plus loin. 

^ « . . . . which he presented unto the iioble prince in bis days Philip , 
< duke of Bourgoyne. » (Préface du Jason anglais. ) 

' Le Jason est divisé en 17 cahiers de 4 ''feuilles, le dernier excepté, 
qui n'en avait que 3. Gela donnait i34 feuillets, dont 3 blancs, 1 à la tête 
et 8 à la fin. On a retranché ces 3 feuillets blancs dans les deux seuls 
exemplaires que j'aie pu voir. 

II. a4 



370 DE L'ORIGINE DE LIMPRIMERIE. 

cahiers de quatre feuilles. Il est difficile de fixer Tépoque 
précise de Timpression de ce livre; mais on peut la placer 
vers 1 670. Il eiv existe un très-bel exemplaire à la Biblio- 
thèque nationale , et un autre défectueux à la biblio- 
thèque de TÂrsenal. Le filigrane du papier porte une 
grosse fleur de lis couronnée, qui semble constater sa 
provenance. Il est porobable, en effet, que ce papier, 
comme celui des Histoires de Troyes, venait de France. 
Tous les bibliographes qui ont parlé jusqu'ici de ce livre 
font attribué à tort à Caxton^ 

William Gaxton était un Anglais qui remplissait tout à 
la fois, à Bruges, les fonctions d'ambassadeur de son souve- 
rain auprès du duc de Boulogne, et de consul de sa nation 
sur le continent^. GetÂng^ais, qui avaitpu connaître Raoïd 
le Fèvre à la cour, et qui était enthousiasmé, comme tous 
ses contemporains, du livre de ce dernier, s amusa à le 
traduire dans sa langue pour son agrément particulier, 
et aussi, comme il le dit, pour éviter les mauvais con- 
seils de l'oisiveté^; car il avait alors, à ce qu'il parait, fort 
peu d'occupation, probablement à cause de la guerre 

' Branet {Manaelji 4' édit.) , Vaa Praet (Noùcesur Colard Mansion,p, 87, 
et Recherches sur Louis de Bruges, p. 176), Dibdiii ( Tjpographical antiqui" 
tief , 1. 1, p. 1 54 ). li est bon de noter touteibis que les bibliographes fran- 
çais ne parlent pas de l'édition anglaise, et Dibdin ne mentionne pas Tédi- 
tion française : d*où Ton peut conclure qu'ils ne se sont pas entendus, ne 
sachant pas qu'il existait deux éditions distinctes et par la langue et par le 
caractère. 

^ J'entrerai dans quelques détails à ce sujet à l'article de l'Angleterre. 

^ <( Whan I remembre that every man is bounden by the comandement 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE III. 371 

sourde que se faisaient Loub XI et le duc de Boui^ogne, 
et des troubles civils de l'Angleterre. Gaxton écrivit ainsi 
cinq ou six cahiers consécutivement , puis abandonna ce 
travail pour un motif ou pour un autre, et ne le reprit 
que deux ans après, au commencement de i A 69 ^ sur 
Tinvitation de la jeune duchesse de Bourgogne , et dans 
les circonstances que nous allons faire connaître. Ces dé- 
tails viennent corroborer mon opinion relativement à la 
date de Timpression du livre de Raoul le Fèvre. En effet, 
puisque Gaston a commencé sa traduction en 1 k^j, et 
quelle est conforme à l'édition française, on doit con- 
clure que cette dernière était imprimée avant 1 467. 

Nous avons vu précédemment que Philippe le Bon 
était mort le 1 5juin 1 467. Cetévénement, loin de rompre 
les relations que Gaxton avait avec la cour de Bourgogne, 
était destiné à les rendre plus étroites encore ; peut-être 
même Gaxton lui doit*il le commencement de sa for- 
tune. En effet, le successeur de Philippe, Gharles le Té- 
méraire, qui devait périr si misérablement dix ans plus 
tard, épousa en i468 la sœur du roi d'Angleterre. Ge 

« 

« et counceyli of the wy$e man to eschewe slouthe and yd^enes , wkyche ù 
« moder and nourysshar of vyces, and ought io put my self unto v^rtuoua 
t occupacion and besynesse. — Than I havynge no grete charge or occu- 
« pacion, followyng the sayd counceyl , toke a frensshe booke and redde 
« therin many straunge mervellous historyes where in^I had great pleasyr 
« and delyte, etc. » (Prologue du RecuyeU, etc.) 

^ « And in two y ère afiyr iaboured no more in thys werk, and waa Iblly 
• in wyll to bave left hyt, tyll on a time it fortuned that the ryght hygh 
« excelient and nght-virtmous prynces, etc. » (Ihid,) 



372 DE L ORIGINE DE ^IMPRIMERIE. 

mariage, qui eut liea le 3 juillet , fat roocaskm , à Brnq^, 
de fêtes iiu^;iiifiqDes, oà Caxton figura sans doute ho- 
noraUement. En tout cas ii fat dès lors attaché à la jRin- 
cesse anglaise, on ne sait à qud titre, mais avec honneur 
et profit, ainsi qu*3 nous fapprend lui-même^. Ayant eu 
occanon alors de paiier de son essai de traduction à 
Mai^erite, cdle^ demanda à le vob, et a^wès Tzwcir 
lu, engagea lauteur à continuer ce travail, en lui indi- 
quant tontefins de nombreuses corrections dans le style. 
Par déférence pour sa maîtresse, Caxton se remit à la 
besogne le i* mars 1 469'; mais il ne put achever son 
livre qu en septembre 1 Ây 1 , attendu les nombreuses oc- 
ciqMitions quil avait alors, et qui le forçaient i de firé- 
quents déplacements. Nous voyons, en effet, que la tra- 
duction du second des trois livres de f ouvrage de Raoïd, 
commencée à Bruges , fat continuée à Gand , et terminée 
à Cologne. Les déplacements dont je viens de parler 
étaient sans doute imposés à Caxton par la charge de 
consul de la nation anglaise sur le continent, qu*il avait 
alors, soit qu*il la remplît déjà avant 1 /|6& , lorsqu'il fat 
chargé par son souverain 'de confirmer un traité de com- 
merce Élit par ce dernier avec le duc de Bourgogne, soit 
qu'il Teût reçue seulement depuis ou même après l'arrivée 
de la princesse anglaise dans les Flandres. Nous avons 

' « Y am a ftenranl unto her aayd grâce, and resaeive of her yerly ffee 
« and other many goode and grete benefets. » ( Prol. dn Reemjdl, etc.) 

^ Son livre porte 1 46S , maû e*eat 1 469 , nouveau st^^e , qn*il faut lire ; 
car la princesse Marguerite n était pas encore mariée en mars i468. 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE III. 373 

un document curieux de cette époque, qui, tout en nous 
révélant le titre o£Bciel de Caxton , nous fait connaître 
une des mille affaires qu'il avait à régler journellement 
en sa qualité de consul de sa nation , à cette époque où 
le commerce anglais commençait à prendre tant d'ex- 
tension. Ce document se trouve dans les registres des ju- 
gements civils de la ville de Bruges , à la date du i a mai 
1469. En voici la partie essentielle pour nous, car il est 
inutile de le donner en entier ^ : 

Gomme Daniel F. Adrien, dit Scepheer Daniel, demandeur, 
d'une part, et Jeroneme Vento, pour et ou nom de Jaques Dorie, 
marchant de Jennes ', defiendeur, d'autre part, se soient soubs- 
mis et compromis de toutes les différences qu'ils avoient ensemble 
ou des sentence, ordonnance et arbitraige de Willem Caxton, 
marchant d'Angleterre , maistre et gouyemeur des marchans de 
la nation d'Angleterre par deçà , et de Thomas Perrot, comme en 
arbitres arbitrateurs , amiables compositeurs et communs amis ; 
promettent lesdites parties et chacun d'eulx de bien et loyalement 
entretenir, observer et accomplir tout ce que par lesdits arbitres 
seroit sur lesdites différences des sentences ordonné et arbitré , 
sans faire ou venir à l'encontre en aucune manière ; et que lesdits 
arbitres aient oy les raisons desdites parties, et sur ce ordonné 
leur sentence et ordonnance, lesquelles ils ont rapporté en la 
plaine chambre des echevins de Bruges , ont esté publié auxdites 
parties; parce que ledit Willem Caxton s'estoit nécessairement' 

' Ce document a été publié pour la première fois par Van Praet, dans 
sa Notice sur Colard Mansion, Paris, in-8*, 1829 (p. 89]. Il est tiré d*un 
registre qui embrasse les années 1 4 65- 1469, fol. ao4. 

* Lisez Gênes, Jacques Dôrie était probablement de l'illustre famille des 
Doria. 

^ Cest-à-dire avait été force de quitter Bruges pour ses affaires. 



374 DE L'ORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 



rotrait de ladite ville de &uges , eti>il que pu* kdite plaine diain^ 
d escbevins de Bruges lesdites parties ont esté appelées et sont 
comparus, ausquel a esté dit et signifié Tarbitraige et ordon- 
nance desdits aii)itres , qui estoit et est tel comme s'ensuit 

Ici viennent les articles du jugement arbitral sans in- 
térêt pour nous, et la pièce se termine ainsi : «... à lob- 
servation de laquelle sentence, ordonnance et arbitraige 
lesdites parties et chacune d elles ont esté par ladite plaine 
chambre des eschevins de Bruges condamnez. » 

En sa qualité de consul anglais , Gaxton habitait sans 
doute à Bruges Thôtel dont Sanderus a donné une vue 
datée de 1 46 1 \ et qui portait alors le nom de Htmse ef 
ihe English. Nous venons de voir qu'il avait été forcé de 
quitter cette ville vers le milieu de l'année 1 469. Son dé- 
placement eut probablement lieu par suite de celui de 
la cour de Bourgogne , qui vint passer quelque temps à 
Gand , où le duc reçut du roi d'Angleterre , son beau- 
frère, Tordre de la Jarretière [U février i&yo nouveau 
style). Quoi qu'il en soit, nous savons que Gaxton conti- 
nua dans cette ville la traduction du second livre de l'ou- 
vrage de Raoul, commencée par lui à Bruges, et termi- 
née seulement à Cologne au commencement de lAyi. 
C'est aussi dans cette dernière ville, où il résida quelque 
temps , qu'il acheva le troisième livre , grâce aux loisirs 
que lui imposaient alors les troubles dont l'Angleterre 
était le théâtre, et la guerre ouverte que se faisaient 

^ Flandria iUustraUij t. II , p. 89. Dibdin a reprodait cette gravure dans 
ses Typogr, antiq, t. I , p. lxxviii. 



DEUXIÈME PARTIE. —CHAPITRE III. 375 

Louis XI et le duc de Bourgogne. Edouard IV, forcé de 
quitter TAngleterrc, où ses ennemis triomphaient, se ré- 
fugia à cette époque ( 1 470) auprès de son beau -frère, 
qui avait déjà équipé dans son intérêt une flotte de trente- 
six voiles , et qui lui en donna encore une de dix4iuit vais- 
seaux poiu* le reconduire dans son pays. Le roi d*Ânglet^re 
quitta Bruges le 1 9 février 1 ày 1 (nouveau style). Après le 
départ de ce prince, Caxton se remit à sa traduction , qu'il 
termina le 1 9 ^ptembre 1 /i 7 1 , à Cologne même, où il s'é- 
tait retiré pour être plus éloigné du théâtre de la guerre, 
ou peut-être dans le but de faire imprimer immédiatement 
son livre , qui était attendu de diverses personnes, et par- 
ticulièrement de la duchesse de Bourgogne. Cette prin- 
cesse anglaise contribua même largement, à ce qu'il pa- 
rait , aux frais d'impression ^ de la traduction de Caxton , 
dont elle avait accepté la dédicace. De plus, elle lui ac- 
corda sans doute l'autorisation de disposer des caractères 
gravés par ordre de son beau-père , et appartenant à son 
mari. Cest ainsi qu'on peut expliquer facilement l'em- 
ploi que fit Caxton des caractères qui avaient servi à la 
première édition du livre de Raoul le Fèvre , et qui étaient 
restés probablement en dépôt chez l'imprimeur. 

Quoi qu'il en soit, la traduction de Caxton fut cer- 
tainement imprimée à Cologne, où cet artiste exécuta 
encore d'autres livres avec le même caractère , et cette cir- 
constance vient confirmer l'attribution que j'ai faite pré- 

^ « She hath well accepted hit, and iargely rewarded me. » (Préface du 
livre.) 



376 D£ L ORIGINE D£ L IMPRIMERIE. 

cédemment à cette ville de 1 édition française du Recueil 
des histoires de Troyes. La traduction de Gaxton fut publiée 
avec un titre analogue à celui que portait le livre de Raoul 
le Fèvre, mais on y mentionne toutefois la mort de Phi- 
lippe le Bon , en disant qu'il était dans son temps duc de 
Boui^ogne, ce que ne portait pas Tédition française, im^- 
primée évidemment du vivant du prince. Je vais trans- 
crire le titre complet de la traduction anglaise : il occupe 
toute une page, et est imprimé en rouget à la différence 
de celui de ledition française , où Ton n a employé que 
de lencre noire. On voit que les innovations introduites 
par Schoiffer se propageaient de proche en prodie. 

^ Hère begynneth the volume intituled and named the Recuyeli 
of the historyes of Troye , composed and drawen out of diverce 
bookes of latyn into frensshe by the ryght vénérable persone and 
worshipfull man Raoul le Ffevre , preest and chapeiayn unto the 
ryght noble, g^orious and myghty prince in his tyme Philip, duc 
of Bourgoyne, of Braband, etc. in the yere of the incamacion of 
our Lord God a thousand foure honderd sixty and foure, and 
translated and drawn out of frensshe into englisshe by Willyam 
Caxton , mercer of the cy te of London , at the commandement of 
the right hie mighty and vertuous pryncesse hys redoubtyd iady 
Margarete , by the grâce of God , duchesse of Boui^oyne , of 
Lotryk, of Braband, etc. whych sayd translacion and werke was 
begonne in Brugis , in the countee of Fflaundres , the first day of 
march the yere of the incamacion of our sayd Lord God a thou- 

^ Il y a encore un autre passage du livre imprimé de la sorte. Dibdin 
nç parait pas avoir songé à cette édition de Caxton , lorsqu'il dit ( Typo^. 
antiq. 1. 1, p. cv] que cet artiste n*a jamais imprimé en rouge : tWbich is 
« not observable in any of those printed by Gaxton. » 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE III. 377 

sand foure honderd sixty and eyghte, and ended and fynisshed in 
ihe holy cy te of Colen , the xix day of septembre the yere of our 
sayd Lord God a thousand four hunderd sixty and enleven, etc. 

On ne connaît que quelques exemplaires de ce livre , 
et ils sont presque tous en Angleterre , conune cela est 
naturel. Nous en avons pourtant un à la Bibliothèque 
nationale de Paris, mais il est incomplet d*un grand 
nombre de feuillets, tant du conunencement que de la 
fin. Le duc de Roxbiu^h, que j'ai déjà eu occasion de 
nommer, en possédait un exemplaire précieux, enrichi 
d'une note autographe d'Elisabeth de Wideville , veuve 
du chevalier Grey, et femme d'Edouard IV, roi d'An- 
gleterre, constatant qu'il avait été la propriété de cette 
reine; en 1812, il fut vendu 1,060 livres steriing ou 
25,000 francs. Il avait probablement été donné par Gax- 
ton à cette princesse, belle-sœur de sa patronne, ou peut- 
être directement par Marguerite elle-même. 

Quoique imprimé dans le même format et avec le 
même caractère que l'édition française , celle de Gaxton 
est beaucoup plus volumineuse : elle a environ le sixième 
de plus^ Gela s'explique tout naturellement d'abord par 

^ Dibdin [Typographical anûqvàdes, t I, p. a3) donne à ce volume 
778 pages , c'est-à-dire 889 feuillets ; mais je crois que cet auteur se trompe 
en trop, conome M. Brunet , qui ne compte que 3 52 feuillets , se trompe en 
moins. N'ayant pu obtenir de Londres des renseignements précis en ré- 
ponse à mes questions sur ce sujet, j'ai reconstitué typographiquement 
toute réconomie de cet ouvrage d'après l'exemplaire imparfait de la Biblio- 
thèque nationale, et il me parait impossible de lui trouver plus de 34o feuil- 
lets. Ainsi, le second livre, qui est à peu près complet dans l'exemplaire 



378 DE ^ORIGINE DE L*IMPRIMERI£. 

les exigences d*uBe traduction fidMe, qui , pour tout re- 
produire doit être plus verbeuse <{ue~ l'original (surtout 
en employant une langue barbare conune Tétait alors 
l'anglais, mélange de saxon et de finançais encore à l'état 
naiard) ; et ensuite par les additions de l'éditeur , qui a 
joint à son volume une p*é£ice et deux ^ilogues. 

Je ne dirai rien de la première de ces pièces, dont j'ai 
donné l'analyse dans les pages précédentes ; mais je crois 
devoir traduire ici une partie des deux autres , qui sont 
pleines d'intérêt pour nous. 

Dans l'épilogue du second livre, l'auteur nous apprend 
qu'il a commencé sa traduction à Bruges (en i ^69 ^), qu'il 
l'a continuée à Gand (en 1 1x^6) , « et finie à C<dogne (en 
1 ^7 1)> autempsdesguerresquitroublaientalorslemonde, 
et au moment de la plus g^nde ardeur de la querelle des 
rois de France et d'Angleterre. Quant au troisième livre, 
dit-il , j'aurais pu me dispenser de le traduire , car il a été 
déjà traduit par le moine Jean Lydgate^, dont je ne suis 
pas digne de porter la {^ume ni l'écritoke ; mais comme je 

de Paris (il n y manque , je crois , que 3 feuillets] , se compose de 8 cahiers 
de 5 feuilles, i de 4 et i de 3, soit, en tout, lod feuillets, y compris Vépi- 
logue. Or r édition française , qui n'a pas dépilogue, nous donne pour ce 
même livre 8 cahiers de 5 feuilles et i de 3 , soit 86 feuillets. C'est une 
différence du siiième seulement en plus pour f édition anglaise. £n ap- 
I^iquant celte proportion à l'ouvrage entier, on trouve pour l'édition an- 
glaise 334 feuillets, puisqu'on ea compte 286 à l'édition française. On 
peut donc affirmer que le livre de Caxton n'a ni plus de 34o feuillets, ni 
moins de 33o. 

* Voyez précédemment p. 372. 

^ L'ouvrage de Lydgate ( Troye hoke) n'a été imprimé qu'en 1 55§. 



DEUXIÈME PARTIE. —CHAPITRE III. 379 

tenais à complaire à ma dite dame (la duchesse de Bour- 
gogne) , c<»nme d'ailleurs le livre de Lydgate est en rers, et 
n a pas été paravenùBire^ traduit du livre de Raoul; comme 
de plus les goûts sont divers, les uns aimant les rimes et 
d'autres la prose, n'ayant rien à faire pour le moment 
à Cologne, j'ai résolu de traduire aussi ce livre, et je 
prie Dieu de l'avoir fait à la satisfaction de la princesse. » 
L'épilogue du troisième livre conmience de la sorte : 
« Ainsi je finis ce livre , que j'ai traduit du mieux que j'ai 
pu sur le texte de mon auteur, à qui revient la ^oire et 
le mérite de l'œuvre. Gomme, à ^ce travail, ma plume 
s'est usée, ma main s'est fatiguée^, mes yeux se sont trou* 
blés à force d'être fixés sur le ptqpier blanc; comme mon 
courage n'est plus le même qu'autrefois, étant journelle- 
ment abattu par l'âge ; comme eïSn j'ai promis à divers 
gentilshommes et à mes amis de leur stdresser le plus tôt 
possible cet ouvrage , j'ai appris l'art d'imprimer, et l'ai 
pratiqué à grands fixais pour la confection de ce livre, 
qui n'est pas écrit avec la plume et l'encre , comme les 
autres livres le sont, mais imprimé dans la manière que 
vous voyez , afin que chacun pût l'avoir à la fois, car tous 
les exemplaires de ce livre ont été commencés et finis en- 
semble*. » 

^ Ce mot se trouve ainsi écrit dans le teste anglais Ae Caxton. 
^ Il y a là comme une réminiscence de ce vers qa^on lit dans la souscrip- 
tion de la première édition de Pline (Venise , 1 470) : 

FeMa manus quondam moneo « calamnaqne quiescat. 

^ « Thus ende I this book wbycke I bave transiated aller myn auctor 



380 DE LORIGINE DE ^IMPRIMERIE. 

Ce passage du livre de Caxton est fort important pour 
nous. Il nous donne le moyen d^édaircir plusieurs faits 
restés obscurs jusqu'ici. Il nous apprend : i^ que ce livre 
est le premier que Caxton ait imprimé, ce qui détruit 
l'hypothèse de ceux qui lui attribuent l'édition française ; 
a^ que son apprentissage se fit à Cologne, où Caxton 
avait achevé le livre, et où il en imprima plusieurs autres , 
comme nous allons le voir, et cela avec les mêmes ca- 
ractères ; ce qui prouve que l'édition française des His- 
toires de Troyes a été exécutée dans la même ville; 3® qu'il 
a été imprimé au plus tard en 1 47 a, car la rédaction en 
avait été achevée le 1 9 septembre 1 67 1 , et Caxton , qui 
l'avait promis depuis longtemps à ses amis , dut mettre 
une grande activité à faire cette impression ; 4^ enfin, que 
Caxton était déjà âgé alors. 

n y a aussi dans ce récit une phrase qui a été fort mal 
comprise jusqu'ici : c'est celle où Caxton dit que tous les 

c as nyghe as God hath gyven me connyng to wbom be gyven the laud 
« and preysing. And for as moche as in the wiytyng of the same my penne 
« is wom , myn hande wery and not stedfast , myn eyen dimed with over- 
« moche lokyng on the whit paper, and my corage not so prone and redy 
« to laboure as hit hath been, and that âge crepeth on me dayly and fee- 
' « bieth ail the bodye , and aiso because I bave promysid to dyverce gentii- 

• men and to my frendes to adresse to hem as hastely as I myght this sayd 

• book; therfor I bave practysed and iemed at my grete charge and dispense 
« to ordeyne this said book in prynte aller the maner and forme as ye may 
c hère see , and is nof wreton with penne and ynke as other bokes ben, to 
« thende that every man may hâve them attones, £for ail the books of this 
« story, named the Recule of the historyes of Troyes, thus enprynted as ye 
« hère see, were begonne in oon day, and also fynyshid in oon day. » 



DEUXIEME PARTIE. —CHAPITRE IIÏ. 381 

exemplaires de son livre ont été commencés un jotir et 
finis un autre jour, ce qui veut dire qu'ils ont été com- 
mencés et finis ensemble , à la difiPérence des manuscrits , 
qui étaient écrits les uns après les autres. Quelques écri- 
. vains, et même des Anglais, ont attribué à l'auteur la 
ridicule pensée d'avoir voulu faire croire à ses lecteurs 
que son livre avait été commencé et fini en un seuljaur^ 
ce qui serait impossible même aujourd'hui dans la plus 
grande imprimerie de Paris ; car, indépendamment de la 
d^alté de réunir un matériel assez considérable pour 
pouvoir composer à la fois toutes les pages de ce livre , 
il y en aiu*ait une plus grande encore à réunir dans le 
même atelier les 700 personnes (35o compositeurs et 
35o imprimeurs) nécessaires pour opérer cette impres- 
sion en quelques heures, et cela, sans compter les correc- 
teurs, les protes, etc. Mais, je le répète, Caxton n'a pas dit 
et ne pouvait pas dire ce qu'on lui attribue , quelque en- 
thousiasme qu'on lui suppose pour le nouvel art auquel 
il venait d'être initié : il lui fallait plus de six mois avec 
l'aide de plusieurs ouvriers poiu* exécuter ce qu'il pré- 
tendrait avoir fait tout seul en un jour. 

Quoi qu'il en soit, ce livre est le premier qui ait été 
imprimé en anglais, comme l'édition française avait été 
le premier livre imprimé en français; et tous deux offrent 
cette singularité, qu'ils ont été confectionnés hors des 
pays auxquek ils étaient naturellement destinés. Il paraît 
qu'il y a quelques variantes dans les différents exem- 
plaires existants du livre de Gaxton , ce qui a porté Her- 



382 DE L ORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

bert à penser qu*il y snrait peut-être eu deux éditions. Je 
ne partage pas cette opinion. JW déjà donné aflieurs les 
raisons des variantes remarquées dans les premiers livres 
imprimés; je ny reviendrai pas ici^ 

Une fois lancé dans cette voie, Gaxton y persista toute 
sa vie. Winkind de Worde nous apprend, dans la sous- 
cription d'une magnifique édition du livre intitulé : De 
proprietatibus r^mm, de Barthélémy de GianviUe, traduc- 
tion anglaise de Gaxton , qu il publia à Westminster vers 
la fin du XV* siècle^, que ce dernier en avait jadis imprimé 
une édition à Cologne. Voici ses propres termes : 

And also of your charité bear in remembraunce 
The soûle of William Gaxton first printer of this boke 
In laten tongue ai Coloyn himself to advaunce 
That every wel disposid man may tfaeron loke. 

Ces vers obscurs ont donné lieu à bien des hypothèses ^ ; 
mais nous n avons pas à nous en occuper ici; car toutes 
s'accordent sur le fait principal : 1 exercice de la profes- 
sion d'imprimeur par Caxton à Cologne. Peut-on rigou- 
reusement en conclure que l'édition de cet artiste dont 
parle Winkind de Worde était en latin? Je ne le pense 

* Voyez particulièrement, p. 238 et sSo de la première partie. 

^ £lie est sans date. L*éditeur de ce livre apprend au lecteur une par- 
ticularité asseï intéressante : c*est que le papier en avait été fabriqué par 
John Tate lejeoM, C*est probablement la preaûère papeterie qu'ait eue 
TAn^eterre , qui continua longtemps encore à s'approvisionner de papier 
en France et en Hollande. 

^ Dibdin, Typo^r. antiq. t. I,p. xc-xcii. 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE ÎII. 383 

pas. Gaxton a imprimé fort peu de Uvres dans cette iai^e, 
et il avait d autant moins de raisons d'imprimer celiii-€i , 
qu'il en avait fait , comme on voit , une traduction an- 
glaise. Quant à moi, je pense que cest en anglais , vers 
itiyi, que Caxton imprima ce livre. Au reste, on nen 
connaît aucun fragment, soit en latin, soit en aurais. La 
forme si remarquable des caractères employés alors par 
Caxton aurait aidé à reconnaître cette édition, s'il en res- 
tait quelque chose. 

Poursuivant sa carrière typographique et littéraire, 
Caxton fit encore plusieurs autres traductions anglaises 
durant son séjour dans les Flandres, et il en imprima 
même une en ik'jU- Son livre n'est qu'une traduction 
de la traduction française d'un ouvrage latin de Jacques 
de Gessoles^, intitulé : Solacium ludi schaccoram, sciUcet 
libellas de mjorihus hominum officiisifue nohiUum; c'est une 
espèce de traité de morsde tiré du jeu des échecs. Ce 
nouveau livre de Caxton est imprimé avec le même ca- 
ractère et dans le même format que les précédents. Il 
est intitulé : The game and playe of the chesses, translated 
oat offrench, and imprynted by fVilUam Caxton. Il est 
précédé d'une dédicace au duc de Clarence, frère du roi 
d'Angleterre, à la fin de laquelle on apprend que le livre 
a été fini le 3 1 mars ilxyli^ : « Fynysshid the last day of 

^ Voir, sur le nom de cet auteur, ie Manuel de M. Bmnet, 4* édition , 
t. II , p. 698. 

' L*année ih'jh vieux style commençant le 10 avri), et finissant le 
a 6 mars suivant, n*ent point de 3i mars, suivant le comput français; 



38(1 DE ^ORIGINE DE L*IMPRIMERIE. 

« marche, the yer of our Lord God a thousand four hun- 
adred and Ixxiiij. » Cette date est celle de la rédaction, 
et non pas, comme on semble le croire ^ celle de Tim- 
pression; mais le livre, étant peu considérable, dut être 
imprimé peu de temps après. C*est une des plus rares 
pièces de Caxton. L'Angleterre seide en possède des exem- 
plaires. 

La plupart des bibliographes disent que ce fiit là le 
premier livre imprimé par Caxton dans son pays , où il 
se serait rendu vers t&73. Je ne partage pas cette opi- 
nion^. Je crois qu'il a été exécuté, comme les précédents, 
à Cologne, parce qu'il est imprimé avec les caractères 
dont nous avons déjà parié, caractères qui, ne lui ap- 
partenant pas , n'ont pas été emportés par lui en Angle- 
terre. En effet, il ne s'en est jamais servi dans aucun 
des nombreux livres imprimés par lui dans ce pays. Au 
reste , il a soin de nous dire, dans la seconde édition du 

Tannée 147 5, au ccmtraire, devait en avoir deux. Caxton crut sans doute 
devoir suivre en cette circonstance Tusage du pays oh il se trouvait alors , 
et qui était beaucoup plus rationnel. Il n y a, suivant moi, que cette ma- 
nière d* expliquer l'irrégularité de cette date. Tous nos cdculs seraient 
renversés s*il fallait lire i475, ou, comme le donne à entendre Ames, 
i484. (Voyez Dibdin, Tjpogr. antiq, t. I, p. 35.) 

^ Dibdin, Typogr. andq, t. I, p. 34* La preuve que cette date se rap- 
porte à la rédaction , c'est qu elle se trouve au conunencement du livre 
et non à la fin. On n avait pas encore adopté l'usage de réserver les pièces 
liminaires pour les imprimer en dernier lieu. Les livres étaient faits tout 
d'une pièce* et on les imprimait tels qu'ils étaient écrits. 

* Dibdin pense aussi que ce livre a été imprimé sur le continent. ( Typ. 
antiq, t. I,p. xcv.) 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE III. 385 

Game of chess, imprimée en An^eterre , que ie livre a 
été traduit lorsqu'il résidait à Bruges , et qu'il le fit aussi- 
tôt tirer à un certain nombre d'exemplaires , qui furent 
promptement vendus ^ Gda prouve deux choses : i"" que 
ce livre fut imprimé sur le continent (et par conséquent 
à Cologne, comme les autres) ; a*" que Caxton faisait déjà 
le commerce dès livres à Bruges. 

Quoi qu'il en soit, notre artiste quitta bientôt après 
cette viiliB pour aller s'établir imprimeur en Angleterre , 
où nous le retrouverons dans le chapitre suivant. 

On me pardonnera cette longue digression sur des 
livres imprimés hors de Bruges , il est vrai , mais qui ce- 
pendant appartiennent bien plus au fond à cette ville 
qu'à toute autre, comme on a pu le voir. Les bibliographes 
sont si peu d'accord sur le lieu et la date de l'impression 
de ces livres, que j'ai pensé ne pouvoir mieux faire, pour 
édaircir le doute, que d'en parier avec quelque détail 
dans l'endroit qui m'a semblé le plus convenable pour 
cela : or je n'aurais pu le faire aussi complètement ni à 
l'article de Cologne , ni à celui de Londres. 

Au reste , nous voici arrivés à l'imprimerie brugeoise 
proprement dite. 

La publication des deux livres de Raoul le Fèvre et 
les travaux de Caxton avaient attiré l'attention des nom- 

' « Which, at such time as I was résident in Bruges came into my 

• bands and when I had so achieved the said translation, I did do set 

t in imprint a certain number of them , which anon were depesshed and 
< sold. » (Préf. de la 2* édit. du Game of chess, 

II. 25 



386 DE LORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

breux amis des lettres que renfermait alors la ville de 
Bruges sur Fart nouveau qui venait en aide à la civilisa- 
tion. Gharies le Téméraire était trop occupé de ses guerres 
pour pouvoir continuer l'œuvre de son père * : ce fut un 
des principaux officiers de ce prince qui s en acquitta 
pour lui : cet officier est Louis de Bruges, seigneur de 
la Gruthuyse, dont nous avons déjà parlé. 

Bruges possédait alors un calligraphe plein de mé- 
rite appelé Golard Mansion. Get artiste , dont on ignore 
la date de naissance, mais qui exerçait déjà sa profession 
en 1 45o , époque à laquelle il reçut des mains de Guil- 
laume de Poupet, garde des joyaux du duc de Bourg(^ne, 
54 livres pour un exemplaire du roman de Romuléon, 
avait été lun des fondateurs de la confrérie de Saint Jean- 
Baptiste en i454^. n jouissait même dune certaine con- 

' Ce prince aimait bien aussi les livres , mais ceux qui lui plaisaient 
le plus étaient ceux qui rapportaient les histoires des anciens guerriers. 
Gommines dit de lui : « Il desiroit grand gloire « qui estoit ce qui plus le 
meltoit en ses guerres que nulle autre chose , et eust bien voulu ressem- 
bler à ces anciens princes dont il a été tant parlé après leur mort. » Les 
inventaires de la bibliothèque des ducs prouvent quUl y fit placer plu- 
sieurs ouvrages; mais celui qu'il affectionnait entre tous était la Cjrropédie, 
ou Histoire du premier roy Cyrus, par Vasque de Lucena. Cet ouvrage 
plaisait tellement au duc ^ qu à l'exemple d'^exandre , qui avait toujours 
un Homère avec lui , Charles le Téméraire ne quittait point son exemplaire 
de la Cyropédie, et qu'on le trouva dans ses bagages après la bataille de 
Nancy, où ce prince fut tué, le 5 janvier 1477. (Peignot, ouvrage cité, 

P- > 9-) 

^ Van Praet (Nodce sur Colard Mansion, p. 2 ) , se fondant sur le pré- 
nom de CoUnet, qui est donné à un certain Melckien dans les registres de 
la confr(5rie pour 1 4 54 > en conclut que Mansion, à qui il attribue ce nom , 



DEUXIÈME PARTIE. —CHAPITRE III. 387 

sidération dans cette confrérie , puisqu'il en fut nommé 
doyen ou syndic pour les années lAyi-iAyS. Incité, à 
ce que Ton croit, par Louis de Bruges, qui avait eu occa- 
sion de l'employer plusieurs fois , Colard Mansion entre- 
prit de doter son pays de îart d'imprimer. 

On pense qu'il quitta Bruges en ilijli, pour aller ap- 
prendre l'art nouveau, parce que ce ne fut pas lui qui 
paya sa cotisation à la confrérie de Saint- Jean -Baptiste 
cette année, et qu'il n'y contribua pas les années sui- 
vantes. Est-ce à Cologne ou à Paris qu'il fat initié ? On 
l'ignore. Toutefois, à en juger par la forme de ses carac- 
tères, qui est toute française, et par le genre de livres qu'il 
mit au jour, tous en français également (un seul excepté), 
j'inclinerais assez pour la dernière ville. Ces circonstances, 
jointes à la forme française de son nom\ avaient même 
porté Van Praet à le croire Français ^ ; mais de nouvelles 
recherches, duesàM.Scourion, bibliothécaire et archiviste 
de la ville de Bruges, l'ont fait changer d'opinion , et l'ont 

• 

était fort jeune aiors. Je ne partage pas cette opinion. En admettant que 
Meichien soit le même cpie Mansion, ce qui n*est pas démontré, le pré- 
nom de Goiinet ne prouverait qu*une chose , cVst cpie notre artiste aurait 
gardé fort tard son nom de jeunesse. Nous voyons que Mansion vendait 
déjà des manuscrits en i45o : on peut donc faire remonter sa naissance 
à Tan 1 43o environ. Uépoque probable de sa mort (i 484 ) ne contredit pas 
cette donnée, puisqu'il n'aurait eu alors que cinquante-quatre ans. 

> Ce nom se trouve écrit dans les registres de la confrérie : Monzioen, 
Manûoen, Menchoen, Mansyon, Mansion, Mansioen, Mansioens, Mon- 
syoen, Manchion, Manschions, etc. ; mais dans ses éditions on lit presque 
toujours Mansion. 

^ Recherches sur Colard Mansion (Espr, desjoum, février 1780]. 

25. 



388 DE LORIGINE DE L IMPRIMERIE 

induit à penser que Mansion était né dans cette dernière 
ville. La mort de sa femme, arrivée en i iyA * , fut peut- 
être un des motifs qui déterminèrent cet artiste à quitter 
Bruges pour quelque temps. La seule chose qu*on sache 
positivement, c'est qu'il était de retour dans cette ville en 
1 ^76, car il a imprimé un livre daté de cette année même. 
Peut-être était-il rentré dès Tannée précédente : en eflFet , 
on a de lui plusieurs autres ouvrages sans date, dont un, 
entre autres, est certainement antérieur à celui de 1 À76. 
Ce livre est intitidé Ls jardin de dévotion. C'est un petit in- 
folio en grosse bâtarde, sans chiffires, réclames, signatures 
ni initiales, à longues lignes, au nombre de 28 à la page 
entière , contenant a 9 feuillets. Quoique le livre soit en 
français , la souscription est en latin ; elle est ainsi conçue : 
« Primum opus impressum per Golardum Mansion. Bru- 
((gis. Laudetur Omnipotens. » Comme on le voit, Colard 
déclare que c'est là sa première impression. Ce livre est 
fort rare. 

L'ouvrage de 1^76, que j'ai déjà cité, est une traduc- 
tion française intitulée Œuvre de Boccace, du dechiet des 
nobles hommes et femmes. C'est un in-folio, imprimé avec 
le même caractère que le livre précédent, mais ayant 
33 lignes à la page et 289 feuillets. Il est également sans 
chiffires, réclames ni signatures; mais il a des minuscules 
à la place des initiales. En tête de chaque livre , il y a un 
espace en blanc d'une demi -page pour qu'on puisse y 
mettre une miniature. La souscription se termine par 

^ Notice sur Colard Mansion, p. 5 et 81, 



DEUXIÈME PARTIE— CHAPITRE III. 389 

ces mots : « Imprimé à Bruges, par Colard Mansion; 
« anno m. gggg. lxxvi. » 

L année suivante Mansion donna une autre édition 
datée : c*est une traduction du livre de Boèce ; elle est in- 
titulée : « Le livre de Boèce , De la consolation de philoso- 
phie, compilé par Reynier de Saint -Trudon , et translaté 
de latin en françois. » 

Ce livre est des mêmes format, caractère et disposi- 
tions que le précédent, sauf Tabsence de minuscules dans 
l'endroit destiné aux initiales. H a «179 feuillets. Le trans- 
laieur déclare, dans un épilogue placé au verso de l'avant- 
dernier feuillet , qu'il a fait ce travail « au moins mal qu'il 
lui a été possible, » la veille des SS. Pierre et Paul (2 8 juin) 
1677. La souscription, qui vient ensuite, est ainsi con- 
çue : «Fait et imprimé à Bruges, par Colard Mansion, 
l'an et jour dessusdits. » Van Praet croit ^ que cette tra- 
duction pourrait bien avoir été faite par Mansion lui- 
même, «car il dit l'avoir achevé d'imprimer la même 
année et le même jour que la traduction en a été finie. » 
Cette induction me parait forcée. Colard n'avait aucune 
raison pour dissimuler la part qu'il aurait eue à cette 
œuvre , et d'ailleurs le traducteur se donne quelque part 
le titre de clerc, que n'a jamais pris, que je sache, l'im- 
primeur de Bruges. 

Ce livre, dont les sommaires sont imprimés en rouge, 
est le premier où Colard Mansion ait mis sa marque : c'est 
un écusson pendu à une branche, et dans lequel on 

* Notice sur Colard Mansion, p. 34. 



390 D£ UORIGINË DE ^IMPRIMERIE. 

aperçoit une M gothique au-dessus dun croissant, que 
quelques bibliographes croient représenter l'initiale de 
son prénom ^ 

Il parait que Mansion donna un exemplaire de ce hvre 
à la confrérie de Saint-Jean-Baptiste en i &8 1 , époque oà 
il s y fit de nouveau recevoir, car on lit dans le cœnpte 
de 1&81-82 une note en flamand que Van Praet tra- 
duit ainsi : « Item , reçu de Guillaume de Brouwere , à 
cause d\m livre intitulé Boetius, De consolatione philoso- 
JuB, autrefob donné par Colaert Mensioen, et vendu par 
le susdit (doyen), ko escalins de gros^. » 

En 1 477, Golard Mansion publia un autre livrer mais 
avec un nouveau caractère se rapprochant du romain. 
C'est un petit in-folio intitulé : Le quadrilojue Jt Alain 
Chartier, ayant 3a lignes à la page, sans chi£Bres, sans 
réclames, etc. 

Van Praet pense que le prologue de ce livre, où Ion 
déplore les troubles auxquels la Flandre était alors en 
proie, et qui est particulier à cette édition, est de Man- 
sion lui-même. 

On ne connaît de ce livre que deux exemplaires , Tun 
à Bruges, lautre à la Bibliothèque nationale de Paris. Ce 
dernier fiit acquis en 1 808, avec le roman de Jason, dont 
j'ai parlé précédemment. Les deux hvres étaient réunis 
dans une ancienne reliure en bois. 

^ Voir cette marque typographique dans l^ouvrage de Van Praet (Notice 
sur Colard Mansion^ p. 7 et 34). 
^ Notice sur Colard Mansion, p. 35. 



DEUXIEME PARTIE. —CHAPITRE III. 301 

En 1479, Mansion publia la Somme rurale, pur Jean 
Boutillier; 

Et en 1 484 , les Métamorphoses d'Ovide, moralbées par 
Thomas Waleys, et traduites du latin en français par Man- 
sion lui-même. 

Ce sont là tous les livres datés de cet imprimeur. Le 
nombre de ses éditions sans date est beaucoup plus con- 
sidérable : il est d une quinzaine au moins. La plus cé- 
lèbre est ceUe des Dits moraux des philosophes, par Guil- 
laume de Tignonville , que plusieurs bibliographes ont 
annoncée à tort avec la date de 1 AyS. Quelques-unes de 
ces éditions sans date n existent qu'à un seul exemplaire 
à la Bibliothèque nationale de Paris. L*une d elles, le Doc- 
trinal du temps passé, par Pierre Michault, est terminé 
par quatre vers énigmatiques , dans lesquels se trouve 
une date (1 466) qu'on a prise à tort pour celle de Tim- 
pression du livre , tandis qu'elle se rapporte à la date de 
la rédaction. Voici ces vers : 

Un trepier et quatre croissans (une m et quatre c) 
Par six croix avec sy nains faire (six x et six /) 

Vous feront estre congnoissans 
Sans faillir de mon miliaire. (m. cccc. xxxxxx. mm.) 

Parmi les autres éditions sans date de Colard Man- 
sion , je ne dois pas oublier de citer celle du Donat espiri- 
fuel de Jean Gerson , dont il fut le traducteur. C'est un 
petit in-folio, en tout conforme au Jardin de dévotion. 
L'unique exemplaire de ce livre se trouve dans la biblio- 
thèque de Lille. 



392 DE L'ORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

Colard Mansion est encore fauteur d'une traduction 
française du livre latin de Nicole Pergaminus, intitulé 
Diabgus creataramm. Il acheva cette traduction à Âbbe- 
ville f à une époque qu'il est assez difficile de déterminer, 
mais qui en tout cas est postérieure à i ^77, car le livre 
est dédié à Philippe de Crèveoœur, qui y est qualifié de 
« lieutenant du roy en Picardie. » Or ce seigneur ne put 
porter un pareil titre qu'après la mort du duc de Bour- 
gogne et la confiscation de ses terres par le roi Louis XI. 
Ce qu'il y a d'assez singulier, c'est que ce livre , imprimé 
en 1 /i 8 2 sous le titre de Dialogue des créatares^, ne le fut 
pas par Mansion, mais par Gérard Lyon (Leeu), impri- 
meur à Goude , qui en avait déjà publié voie édition la- 
tine en 1 480, et qui en publia une flamande peu de temps 
après. On ne connaît qu'un exemplaire de l'édition fran- 
çaise : il est à la Bibliothèque nationale de Paris. 

Le voyage de notre artiste eut probablement pour 
cause celui qu'entreprit, au commencement de 1477» 
Louis de Bruges lui-même , l'un des ambassadeurs que 
Marie de Bourgogne envoya, immédiatement après la 
mort de son père, à Louis XI, qui était alors à Arras; et 
le motif qui porta Mansion à dédier son livre à Philippe 
de Crèvecœur fut sans doute la parenté de ce dernier 
avec Jean de Bruges , le fils de son patron : ces deux sei- 
gneurs étaient beaux-frères, ayant épousé les deux sœurs, 
le premier Isabeau, le second Marie d'Auxy. 

Quoi qu'il en soit, le voyage de Mansion dura peu, 

* Van Praet, Notice sur Colard Mansion, p. io4. 



DEUXIEME PARTIE. —CHAPITRE III. 395 

car il donna le 1 8 juin de cette année son édition de 
Boèce, qui est un livre assez considérable. Du reste, ce 
voyage eut peut-être lieu un peu plus tard. 

Nous avons vu précédemment que Mansion était ren- 
tré dans la confrérie de Saint-Jean-Baptiste en 1&81, et 
qu'il lui avait fait cadeau alors dun de ses livres. Cette 
seconde affiliation dura peu de temps, car on voit,qu*il 
était mort enilxSk, époque où un certain Jenny, qui de- 
meurait avec lui, et qui était peut-être son associé, paya 
Il escalins pour sa dette de mort^ 

Son protecteur, Louis de Bruges, lui survécut près 
de dix ans encore, continuant à enrichir sa bibliothèque 
des plus magnifiques manuscrits, car c'est une erreur de 
croire que l'imprimerie ait tué l'industrie des scribes. La 
typographie ne pouvait faire que des livres communs 
comparés à ceux que produisaient les calligraphes de ce 
temps, et l'art de ces derniers persista longtemps encore. 

J'ai dit que Louis de Bruges avait eu occasion d'em- 
ployer le talent de Mansion avant qu'il fût typographe. 
En effet, ce dernier avait écrit pour ce seigneur, qui avait 
daigné tenir un de ses enfants survies fonts baptismaux, 
un livre in-folio intitulé la Penitance Adam, dont il était 
aussi le traducteur. Ce livre , qui est aujourd'hui à la Bi- 
bliothèque nationale^, avec la plupart des autres manus- 
crits de Louis de Bruges, est un petit in-quarto, écrit en 
ancienne bâtarde, à longues lignes, 27 à la page, par- 

^ Van Praet, Notice sur Colard Mansion, p. 82. 
* Dëparlement des manuscrits, n" 7864. 



394 DE L ORIGINE DE LIMPRIMERIE. 

iaitement conforme au caractère du Recueil des histoires 
de Troyes. Les sommaires sont en rouge. Les initiaies sont 
peintes en or et en couleur. Ce livre était anciennement 
relié en velours bleu. H se compose de 4 3 feuillets. L ou- 
vrage conunence par le sonmiaire suivant en encre bleue : 
a Cy conunence un petit traitié intitulé de la penitance 
Adain, translaté du latin en firançois au commandement 
de bault et puissant seigneur monseigneur de la Gru- 
thuse, comte de Wincestre, etc. par Colard Mansion, 
son compère et biunble serviteur. » Le texte commence 
au recto du sixième feuillet, où se trouve une jolie mi- 
niature représentant le sujet prindpal du livre. Dans le 
haut, à gauche, on voit sur une éminence Colard'Man- 
sion debout, nu-tête, vêtu d'une robe noire, et faisant à 
son protecteur hommage de son hvre , couvert de velours 
bleu, garni de dious dorés aux quatre coins, et tel qu'il 
était encore ii y a quelques années, avant qu'on lui eut 
donné une reliure nouvelle. Le seigneur de la Gruthuyse 
est également debout, habillé de la même manière, mais 
il a la tête couverte d'un bonnet de veloiu^ noir. La 
longue robe dont il est revêtu est d'étoffe cramoisie et 
garnie de martre. Les insignes de l'ordre de la Toison 
d'or qu'il porte au cou tombent sur sa poitrine. Derrière 
lui se tient aussi debout un jeune homme, vraisembla- 
blement son fils aîné Jean , dans un costume différent, 
sans doute celui de son âge. D est vêtu d'un espèce de 
gilet bleu et d'un pantalon écariate. Le bonnet qui couvre 
sa tête est orné d'un bourdalou d'or et d'une aigrette 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE III. 396 

blanche. Dans ie lointain on découvre une partie du 
château que son père possédait à Oostcamp, village situé 
à peu de distance de la ville de Bruges ; Tentrée en est 
défendue par deux tourelles crénelées^^ C'est dans ce 
château que Louis de Bruges eut Thonneur d'héberger 
le roi d'Angleterre Edouard IV, lorsque , chassé de son 
pays en 1 470, il vint demander secours au duc de Bour- 
gogne, son beau-frère, pour rentrer dans ses Etats ^. 

Aucune date n'indique à quelle époque ce livre fut 
écrit. Toutefois les détails de la miniature peuvent servir 
à la fixer approximativement. D'abord les insignes de la 
Toison d'or, que porte Louis de Bruges , prouvent qu'il 
est postérieur aa a mai 1 46 1 , jour où ce seigneur en fut 
décoré*. Ensuite le portrait de Jean son fils, qui repré- 
sente un jeune homme d'une quinzaine d'années, nous 
reporte à 1/I70 environ, Louis de Bruges s'étant marié 
eni455^ 

On ignore si Golart Mansion a eu des enfants. En tout 
cas , s'il en a eu , il n'ont pas continué d'exercer la pro- 
fession de leur père à Bruges. Peut-être Robert et Paul 
Mansion , imprimeurs et libraires à Paris au commence- 

* Van Praet, Notice sur Colard Mansion, p. 8. 

^ Pour reconnaître les services que lui avait rendus Louis de Bruges à 
cette époque , le roi d* Angleterre le fit nommer par le parlement comte de 
Wincester. (Van Praet, Recherches sur Louis de Bruges, p. 11.) 

^ Louis de la Grutbuyse n* était que le soixante et unième chevalier.. 
L ordre datait donc d'avant 1 46 1 et non de 1 468 , comme le dit Warton ^ 
cité par Dibdin, Typogr, andq, 1. 1, p. 54 « note. 

^ Van Praet, Recherches sur Louis de Bruges, ft. 5. 



395 DE L'ORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

ment da \nf siède. descndaient-ik de fimpriiDcna- de 
Bruges? 

ATant de tennîoer cet article, je dois dire on mot 
sur on livre «pu a fort intrigué les hibiiograirfies an siècle 
dernier. 

Quelques années avant la révirfntion, fahbé GhesqoBwe 
vit dans la biMiodièque de Meerman, à la Haje, un petit 
livre dmit vmd le titre exact : 



Cest cj la coppîe des deux grans tobicans , esqoeb tout le 
tenn de ce livre est en escnpt , qoi soot ataciiia an ddiors da ooeor 
de Ve^se Nostie Dbane de Terewane, ao oosté devers midi, poor 
rînsUndîoD et doetrine de toos diresdens et duesdaiaes , de 
qneloonque ertat i|a*ik soient; laqfiiefle doctrine et instruction 
fbt composée en raniversîté de Paris , par Irriiaigr et tiesdisGret 
boaune et maistre en dÎTÎnîté, maistre Jehan Janon, clianceiier 
de Nostre Dune de Paris, et ce à la requeste et prière de nostre ré- 
vérend père en Diea monseigneor Tevesque de Terewane, nommé 
maistre Mabien Regnanh, dont Nostre Seigneur Jesncrist venfle 
avoir l'ame. 

Ce livre , dont le titre abr^é est Doctrine pour Tinstmc- 
tion de tous les chrétiens ^ par Jean Chartier, autrement dit 
Gerson , du lieu de sa naissance , se termine par une sous- 
cription en six mauvais ver$ latins que voici : 

Ksfice presentis scriptore gracia que sit : 
Confer opns <^re; spectetur codice codex.; 
Respioe qoam monde, quam terse, qnamqae décore. 
Imprimit hec civis Bnigensis Brito JiJiannes, 
Inveniens artem, nullo monstrante, mirandam, 
instrumenta qnoqae non minus lande stnpenda. 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE III. 397 

Rapprochant cette souscription du passage des Mé- 
moriaux de Jean le Robert, abbé d^ Saint -Aubert de 
Cambrai, que nous avons cité précédemment S et dans 
lequel on voit quen janvier 1 445 (i 446 nouveau style) 
on vendait à Bruges le Doctrinale jeté en moule, Ghes^ 
quière^ en a conclu que Briton avait inventé l'imprime- 
rie dans cette ville. C'est aller vite en besogne, on en 
conviendra. Et, d'abord, quel est ce Jean Briton ou de 
Brite , citoyen de Bruges , qui revendique (suivant Ghes- 
quière) en termes si ambigus l'honneur d'avoir inventé 
l'imprimerie P On n'a sur lui aucim renseignement : on 
voit bien un Jean Britoen ou Bortoen figurer dans les re- 
gistres de la communauté de Saint-Jean-l'Évangeliste de 
Bruges ; mais rien ne prouve que ce Britoen , qui figure 
invariablement sur les registres de sa communauté de- 
puis l'an 1 454 jusqu'en l'année 1 494', date probable de 
sa mort, soit le Briton qui nous occupe. La similitude 
de nom et de profession n'est pas une preuve d'identité 
d'individu, car cela se rencontre Souvent dans deux per- 
sonnes de la même famille; mais, cette identité fût-elle 
certaine , il resterait à prouver le rapport du Brito mort 
en 1 494 avec l'imprimeur du Doctrinale de 1 445. 

Van Praet a donné une explication bien plus naturelle 
du fait Je ne puis mieux faire que de transcrire ici ce 
qu'a écrit ce laborieux bibliographe , né lui-même dans 

^ Voyez la première partie, p. 97. 

'^ £5/)r. (iesjoam. juin 177g, p. 24o. 

^ Van Praet, Notice sar Coïard Mansion, p. 90. 



398 DE L ORIGINE DE L*IMPRIMERIE. 

la ville de Bruges, à laquelle il porta toujours une affec- 
tion filiale , et dont il n aurait pas négligé ce titre de gloire, 
s'il y avait trouvé quelque fondement , dans le livre qu'il 
a consacré à l'histoire de l'introduction de l'imprimerie 
dans son pays natal. 

« Ce Jean Briton , dit-il ^, est celui qui exécuta , suivant 
ses propres expressions, par un art nouveau et des ins- 
truments de son invention , un écrit composé à la prière 
de l'évêque de Térouane par Jean Gerson, et que ce 
prélat avait fait transcrire dans deux tableaux, pour qu'ils 
fussent exposés au dehors de son église. Il mit au bas six 
vers latins où il faisait admirer la beauté, l'élégance et 
la netteté de son travail , en employant pour le caracté- 
riser le mot imprimit, dont les écrivains ou les copistes 
de livres de son temps se servaient quelquefois au lieu 
de celui de scripsit Cette nouvelle manière d'écrire, qu'il 
donnait comme une chose merveilleuse, consistait pro- 
bablement à mouler des caractères avec des lettres de 
laiton à jour, semblables à celles qu'on a longtemps em- 
ployées pour exécuter des livres de liturgie et de chœur^. 
Vers i48o, Jean Veldener, alors imprimeur à Utrecht, 
mit sous presse cette production de Jean Briton , sans y 
rien changer, et en laissant même subsister les six vers 
qui la terminent : ce qui a fait croire mal à propos à 
quelques bibliographes qu'ils avaient rapport à cette édi- 
tion remarquable. » 

' Notice sur Colard Mansion, p. 1 1. 

- Voyez ce que j*ai dit précédemment,, p. 58 et 69. 



DEUXIEME PARTIE. —CHAPITRE III. 399 

 i appui de lopinion de Van Praet, je dois dire que 
ce livre, dont Tunique exemplaire connu se trouve au- 
jourd'hui à la Bibliothèque nationale de Paris , pour la- 
quelle il a été acheté 5io florins à la Haye, en i8a4, 
lors de la vente des livres de Meerman , qui lavait payé 
seulement 8 florins, est parfaitement exécuté, et nest 
certainement pas un premier essai typographique. G est 
un petit in-quarto, en ancienne bâtarde de quinze points, 
avec des sommaires en gothique pure de même force à 
peu près. H a a5 lignes longues à la page, et 3o feuillets 
en tout. U n a pas de chif&es , mais il a des signatures et 
des réclames , contrairement à ce que dit Van Praet dans 
la description qu'il en a donnée ^ Ce qui a trompé notre 
célèbre bibhographe , c est que ces signatures et ces ré- 
clames (les deux choses sont réunies dans une même 
ligne) se trouvent, non au bas des pages et au recto des 
feuillets, comme c'est l'usage aujourd'hui, mais dans la 
marge du fond (en sens perpendiculaire] et au verso. 

L'existence de signatures dans le livre en question 
suffirait seule pour prouver qu'il n'est pas aussi ancien 
qu'on l'a cru ; à cela il faut joindre encore son exécution , 
qui est parfaite, et la forme des caractères, qui ne laisse 
rien à désirer. L'un de ces caractères est parfaitement 
semblable à celui qu'a employé Veldener dans le Fasci- 
calas temporam en flamand, qu'il a imprimé à Utrecht 
en 1 48o, et qui est lui-même un livre très-remarquable 
(typographiquement parlant) pour cette époque. 

^ Notice sur Colard Mansion ^ p. 94 • 



liOO DE LORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

L*ordre des signatures du petit livret en question, que 
j'avais d'abord cru arbitraire » est au contraire parfaite- 
ment régulier. L'ouvrage étant divisé en quatre cahiers 
de deux feuilles in-quarto , c'est-à-dire de 1 6 pages cha- 
cun , sauf le dernier qui n'en a que i tu , est signataré aux 
pages a, 6 et 1 6. Le fait est bon à noter; car ie relieur, 
suivant l'usage de ses confrères, a cousu le livre de ma> 
niëre à dérouter même un compositeur d'imprimerie qui 
voudrait déterminer le fcHtnat à la simple inspection de 
la piqûre : on pourrait prendre cet in-quarto pour un in- 
seize, par suite de l'exiguïté du papier en usage à cette 
époque, comparé au nôtre. 

En étudiant les livres anciens, il faut bien prendre 
garde à cette circonstance, que, l'usage des signatures 
n'étant pas universel, chaque imprimeur, de même que 
chaque scribe, adoptait le mode qui lui semblait le plus 
commode pour faciliter l'assemblage des cahiers de son 
livre. J'ai sous les yeux en ce moment un manuscrit de 
la Bibliothèque nationale , du \if siècle , où les signatures 
sont au verso du dernier feuillet de chaque cahier, et un 
volume imprimé en i/i83, où elles sont au recto de 
chaque feuillet, mais avec cette circonstance singulière 
qu'elles sont en travers dans la marge de droite, au bout 
des lignes, dans ce sens ? ï: ?: S:. Ce dernier livre est 
un recueil petit in-folio des Epîtres familières d'^neas 
Sylvius, imprimé par Jean de Westphalie, à Louvain , avec 
un beau caractère romain de quinze points typographiques 
environ. 



DEUXIEME PARTIE— CHAPITRE III. 401 

S k. Alost et Louvain. 

Deux villes de la Belgique se disputent Thonneur da- 
voir reçu en premier lieu la typographie. Ces villes sont 
Alost et Louvain. Elles ont chacune leurs partisans. La 
SernaSantander tient pour Alost et son imprimeurThierry 
Martens^; Lambinet, pour Louvain et Jean deWestpha- 
lie, son premier typographe. A la suite de ces deux au- 
teurs, pour ainsi dire du cru ,> car Lambinet était Belge, 
et la Sema , Espagnol d origine , demeurait à Bruxelles , 
beaucoup d autres ont continué la dispute jusque dans ces 
derniers temps, avec plus ou moins de succès ou de rai- 
son. Pour moi, qui suis complètement dégagé de l'esprit 
de localité, la question ne présente pas la moindre obs- 
curité. Il est incontestable que c est à Alost qu'on a im- 
primé d'abord; mais, d'un autre côté, il nest pas moins 
évident que c'est Jean de Westphaiie qui a apporté l'im- 
primerie dans cette ville. Comme on a cherché à lui ra- 
vir cet honneur au profit de Thierry Martens dans un 
livre récemment publié à Alost^, je vais essayer de réta- 
blir la vérité , en me fondant sur ce livre même , qui nous 
offre le dernier résultat des recherches faites sur Thierry 
Martens. 

Le premier ouvrage avec date connu pour avoir été 

^ On écrit le nom de cet artiste de diverses manières; nous avons 
adopté celle qui est le plus habituelle. 

' Recherches historiques et critiques sur la vie et les éditions de Thierry 
Martens,pàr feu J. de Gand, d' Alost, i vol. in-S** avec planches; Âlost, 1 84 5 . 

II. 26 



402 DE L ORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

imprimé à Alost, est un petit volume intitulé : Spéculant 
conversionis peccatoram, par Denis de Leuuuis (Leuwis), 
autrement dit Rikel, du lieu de sa naissance, situé dans 
le diocèse de Liège. Ce livre forme un petit in-quarto , 
ayant 33 lignes longues à la page , sans chiffires , signatures 
ni réclames, contenant en tout 37 feuillets. On lit au 
verso du dernier : cilmpressum Alosti in Flandria, anno 

On cite encore un autre ouvrage imprimé à Âlost en 
iÀy3, en tout conforme au premier, et intitulé : Libel- 
las de daobas amantibas. Il est terminé par la souscription 
suivante : « Explicit opusculum Enee Silvii de duobus 
«amantibus, impressum Alosti, anno Domini m^ qua- 
« dringentesimo septuagesimo i*" (sic). » Mais son exis- 
tence, quoique constatée par Marchands est encore pro- 
blématique. Il reste du moins à vérifier la date qu'il lui 
donne à Taide dun chiffre arabe. 

Au surplus, lis fait importe peu : puisque nous avons un 
livre positivement imprimé à Alost en 1 473, il en peut 
bien exister deux et plus^. La question pour nous n est 
pas là. L'important est de savoir qui a imprimé ce livre. 
A ceux qui nient que le Spéculum conversionis ait été exé- 

' Histoire de V imprimerie, p. 63. 

^ M. de Gand , dans I*ouvrage cité plus haut , en mentionne un autre , 
qu41 date arbitrairement de 147 3, et quil attribue de son plein droit à 
Alost et à son imprimeur Thierry Martens, par le seul motif que ce livre 
est imprimé avec le même caractère que le Spéculum conversionis, dans le 
même format, et avec le même papier. Ce livre est intitulé : Beati Augus- 
tini de sahite sive aspiratione anime ad Deum . 



DEUXIÈME PARTIE— CHAPITRE III. 403 

cuté par Martens , on répond qu il est imprimé avec les 
mêmes caractères que le traité intitulé : De vita beata, à 
la fin duquel on lit : 

Consummatus Alosti tractatulus fratris Baptiste Mantuani de 
vitabeata, anno Domini millesimo quadringitesimo (sic) septua- 
gesimo quarto , die sancti Remigii. 

Hoc opus impressi Martins Theodoricus Alosti, 
Qui Venetum scita Flandrensibus affero * cuncta. 

Mais cette prétendue preuve ne prouve rien , car ces 
caractères sont ceux dont s est servi Jean de Westphalie 
à Louvain et à Alost même , comme le démontre la sous^ 
cription suivante d un livre plus ancien que le traité de 
Mantuanus, et conforme en tout au Spéculum conversûh 
nis : (( Ëxplicit féliciter textus Summularum editarum a 
« fratre Petro Alfonsi Hispano, ordinis predicatôrum , im- 
(( pressus in Alosto , oppido comitatus Flandrie , per Jo- 
« harniem de Vuestfelia Paderbornensem, cum socio suo 
«Theodorico Martine, anno Domini m^ gggc*' Lxxnn% 
«Maii die XXVI ^.» 

N est- il pas évident, d*après cela, que Jean de West- 

^ Le catalogue de Gharies Major, où ce livre était inscrit, porte ici of- 
fero, ce qui change bien le 'sens. M. de Gand affirme qu il y a affero, ]q le 
crois sur parole. 

^ Voyez louvrage de M. de Gand , p. 239 , où Ton trouve quelques dé- 
tails sur ce curieux livre encore peu connu , et qui n est évidemment pas 
autre chose que le Liber predicabilium, cité par tous les bibliographes , 
mais avec une date de jour différente (le vi mai), par suite d'une erreur 
de copiste sans doute. 

a6. 



404 DE L ORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

phalie a commencé par imprimer à Alost avant d*aiier 
à Louvain , et que Thierry Martens ne fiit qu un de ses 
élèves? Rien nempéche d'admettre que le livre de Denis 
de Leuwis ait été imprimé par Jean de Westphsdie seul , 
en 1 473 ; celui de Pierre d'Espagne , par Jean de West- 
phalie et Thierry Martens, le a 6 mai 1 âyi, et celui de 
Mantuanus, par Thierry seul, le l'octobre de la même 
année. 

M. de Gand prétend que c est uniquement par poli- 
tesse que le nom de Jean de Westphalie parait dans la 
souscription du livre de Pierre d'Espagne \ et comme 
souvenir d une visite qu'il avait faite à Thierry Martens. 
Cette objection ne me paraît pas sérieuse, et je ne pense 
pas qu'on puisse l'appuyer d'un autre exemple de ce 
genre : aussi ne m'y arrêterai-je pas. Les observations de 
M. de Gand au sujet des deux vers qui terminent la sous- 
cription du livre de Mantuanus sont plus spécieuses, si- 
non plus concluantes. Il prétend que Thierry Martens 
n'avait pas eu besoin d'apprendre son art chez Jean de 
Westphalie, puisqu'il déclare lui-même dans ces vers 
qu'il a appris la typographie à Venise. 

J'ai beau relire ces vers énigmatiques , je n'y vois pas 
du tout que Martens dise avoir appris son art chez les 
Vénitiens. En voici la traduction littérale : « J'ai imprimé 
cet ouvrage [moi] Thierry Martens, d' Alost, qui apporte 
aux Flamands tout ce qui est su des Vénitiens. » Je n'y 
vois qu'une chose , c'est un industriel qui vante sa mar- 

^ Ouvrage cité, p. 3o3. 



DEUXIEME PARTIE— CHAPITRE III. 405 

chandise. Les impressions vénitiennes avaient alors une 
grande et juste réputation ^ etThierry Martens, de même 
que plusieurs autres typographes de cette époque , in- 
voque le nom de Venise comme une recommandation 
pour récoulement de ses produits. Il ne parait pas tou- 
tefois que son chariatanisme lui ait bien réussi, car on 
ne connaît qu'une autre pièce imprimée par lui à Âlost, 
c est un opuscule de dix pages in-quarto , à la fin duquel 
on lit : 

Explicit tabulare fratrum ordinis Deifere virginis Marie de 

Cannelo. 

Ex Alosto Flandrie octobris xxvui 

Theodorico Mertens impressore peractum. 

La date d année n est pas exprimée ici; mais cette im- 
pression ne peut être que de i Ix'jlx ou i AyS, car en i ^76 
Martens était établi à Anvers. M. de Gand prétend que cet 
ouvrage est de 1 A7 3, et la raison qu'il en donne cest que 
le format de ce livre est semblable à celui du Spéculum 
conversionù f et différent de celui de Mantuanus, qui est 
du 1*"' octobre ili'jk. «Lambinet, dit -il, ne saurait être 
assez déraisonnable pour prétendre que dans' ses pre- 
miers essais Martens ait pu employer deux formats diffé- 

^ M. de Gand nie que les éditions vénitiennes fussent connues des Fla- 
mands en 1673 ; mais il me semble que, si Thierry Martens avait pu ap- 
prendre son art à Venise et l'apporter à Alost, les livres vénitiens avaient 
bien pu venir aussi dans cette contrée , et y acquérir la réputation qu'ils 
méritaient. J'ajouterai que, s'il en eût été autrement, Thierry Martens eût 
été bien absurde de mettre sa marchandise sous le patronage d'un nom 
inconnu. 



a06 DE LORIGINË DE ^IMPRIMERIE. 

rents dans Tespace d un mois. Donc il est démontré pour 
nous que ce troisième opuscule de Martens n est pas de 
ilijk, mais de i&yS, et par conséquent que les deux 
autres, imprimés à Alost la même année, et sortis des 
mêmes presses, appartiennent également à notre conci- 
toyen*. » 

On conviendra que voilà un singulier raisonnement. 
Tel livre eât d*un format différent de celui de tel autre, 
donc il ne peut être du même temps! Même en adoptant 
cette ai^umentation , pourquoi concluez-vous pour ik^S 
plutôt que pour i /i 7 5 ? Mais voici qui est plus fort : en 
recourant au catalogue des éditions de Martens publié 
dans le livre de M. de Gand , je vois que le livre du 28 oc- 
tobre est exactement du même format que celui du 1^ oc- 
tobre 1 47 4, c est-à-dire qu'il a comme ce dernier 3o lignes 
à la page, au lieu de 33 qui se trouvent au Spéculum con- 
versionis. La conséquence forcée du raisonnement de 
M. de Gand serait donc que louvrage en question est du 
mois d'octobre 1674, au plus tôt, et non de 1 673 ; mais 
je me hâte d'ajouter que ce raisonnement est tout à fait 
dénué de force. 

M. de Gand n'est pas plus heureux quand il veut nous 
prouver que Thierry Martens a appris son art à Venise. 
Si nous nous en rapportons à l'épitaphe qu'Erasme a con- 
sacrée à son ami Martens, ce dernier n'avait guère que 
quatre-vingts ans lorsqu'il est mort, le 28 mai 1 534 , et 
non le 1 5 mai 1 433 , comme on la dit par erreur dans 

^ Ouvrage cité, p. 2o4. 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE III. 407 

quelques livres ^ On lit, en effet, le vers suivant dans 
cette ëpitaphe : 

Octavam vegetus praeterii decadem. 

Mettons quatre-vingt-un ou quatre-vingt-deux ans, si 
l'on veut^, et déduisons ce chiffre de 1 53 A., Nous trou- 
verons que Martens était né en 1^5 2 au plus tôt : or en 
1 ^y3 il n avait que vingt et un ans. A quel âge aurait -il 
donc appris son art? Ce n est pas à dix-huit ans qu'on a 
rhabitude de courir le monde , et cela est encore moins 
admissible pour le xv* siècle que pour le xix.*. 

A lappui de son opinion , M. de Gand cite encore une 
autre souscription où Martens rappelle son art vénitien. 
C'est celle dun opuscule de 62 feuillets in-quarto, inti- 
tulé : Itinerarius a terra AngUe in partes lerosolimitanas. Ce 
livre, d'abord écrit en français, par Jean de Mandeville, 
en 1 385, fut ensuite traduit en latin par le même auteur, 
et c'est cette traduction latine qui fut imprimée , à ce que 
l'on croit, par Thierry Martens. Je dis à ce que l'on croit, 
car la souscription n'indique ni l'époque, ni le lieu de 

* Ouvrage cité, p. 8. 

^ M. de Gand (p. 19a) prétend que cela veut dire aussi bien quatre- 
vingt-huit ou quatre-vingt-neuf que quatre-vingt-un ou quatre-vingt-deux. 
Il faut avouer que, dans ce cas , Érasme aurait eu une singulière idée de 
spécifier un âge qui laissait dix ans de latitude au lecteur. Je suis disposé 
à croire qu*il a plutôt augmenté que diminué Tâge de Martens , et que , 
si ce dernier avait ea quatre-vingt-huit ans , Érasme se serait servi d'une 
autre expression que celle d' octavam decadem. En effet, le même motif qui 
porte à diminuer Tâge d*un enfant sur une pierre tumulaire, porte à aug- 
menter celui d'un vieillard. C'est une manière d'exciter la pitié. 



ft08 D£ UORIGINË DE L IMPRIMERIE. 

rimpression , ni ie nom de Timprimeur. Elle se termine 
seulement par cette phrase ambiguë : a Quod opus ubi 
u inceptum simul et compietum sit , ipsa elementa seu 
n singularum seorsum caractères litterarum , quibus im- 
m pressum vides, Venetica monstrant manifeste,. » 

De deux choses Tune : ou ce livre n est pas de Mar- 
tens, ou il est de lui. S'il est de lui , comme le prétend 
M. de Gand, comment cet auteur peut-il nous vanter 
la probité et la sincérité de son compatriote^? Voilà un 
imprimeur qui ne met pas son nom à ses livres, et qui 
a soin de nous dire que la forme des caractères montre 
bien qulls viennent de Venise, et vous voulez que je croie 
à sa probité ! J'ajoute que ce mensonge était d autant plus 
audacieux, que les caractères de Martens, quoi qu'en dise 
M. de Gand 2, n'ont rien de vénitien , car ik sont d'un go- 
thique allemand fort peu gracieux, et les imprimeurs vé- 
nitiens s'étaient fait leur réputation par leurs caractères 
romains. C'est assez tard seulement qu'entraînés par la 
mode ils se mirent à imprimer avec des caractères go- 
thiques. Certes ce n'est ni-chez Jenson, ni chez les Vinde- 
lin , que Martens aurait appris à graver des caractères go- 
thiques avant 1 4 7 3 , comme semble l'insinuer M. de Gand, 
car on ne pourrait pas citer un seul livre imprimé de 
la sorte par ces illustres typographes à cette époque^. Ce 

* Ouvrage cité, p. 26, 207 et ailleurs. 
^ Ibid. p. 195 et 201. 

^ M. de Gand en cite bien quelques-uns (p. 192), mais ils sont d*une 
époque de beaucoup postérieure. 



DEUXIEME PARTIE. —CHAPITRE III. 409 

n est pas dans une grande ville que Martens aurait pu 
mentir aussi impudemment; mais il le pouvait dans une 
petite ville comme Alost, où les éditions vénitiennes ne 
devaient pas être communes , quoiqu'elles fussent très- 
célèbres. 

Une des principales raisons que M. de Gand allègue à 
lappui de son système relativement à lapprentissage de 
Martens , c est que cet imprimeur savait parfaitement l'ita- 
lien , et devait par conséquent l'avoir appris dans sa jeu- 
nesse en Italie m^e. De pareilles hypothèses ne se dis- 
cutent pas. Je ne vois pas pourquoi M. de Gand repousse 
avec tant de dédain celles de Lambinet , qui suppose que 
Martens pourrait bien avoir fait un voyage en Italie du- 
rant Tune des lacunes que nous ofifre la série de ses édi- 
tions; mais la chose est ppur nous sans intérêt. 

Voici la conclusion qui me semble ressortir de ce qui 
précède . Jean de Westphalie s'étant rendu dans la Belgique 
pour y exercer son art, y fit la connaissance de Martens, 
qui l'engagea à venir à Alost, sa ville natale, où il pour- 
rait lui être utile, soit par lui-même, soit par quelque 
membre de sa famille. 

Jean suivit ce conseil, et publia en 1 47 3, à Alost, les 
ouvrages suivants : 

1" Spéculum conversionis ; 

2'' Libellas de duobus amantibus; 

3° De sainte sive aspiratione anime ad Deum, 

Par reconnaissance , il avait appris son art à Thierry 
Martens, qui put l'aider dans l'impression du livre de 



AlO DE L ORIGINE DE LIMPRIMERIE. 

Pierre d'Espagne, terminé le 9 6 mai i A 7 â. Il jugea donc 
convenable d associer son jeune ami à la gloire comme il 
lavait été à la peine : voilà pourquoi le nom de Thierry 
Martens parait dans la souscription de ce livre à coté de 
celui de Jean de Westphalie. 

S*étant fait connaître par ses premiers travaux , Jean 
de Westphalie fut appelé sur un plus vaste théâtre. Il se 
rendit à Louvain aussitôt après la publication du livre de 
Pierre d'Espagne ^ ; mais en partant il eut soin de laisser 
à son élève une certaine quantité de caractères, afin qu'il 
pût continuer la noble profession qu'il lui avait apprise. 

Martens publia seul alors : 

1° Le livre daté du i** octobre liyi. 

q" Le livre daté du a 8 octobre. 

Puis , à son tour, cherchant un marché plus favorable 
qu Alost pour l'écoulement de ses produits , il se rendit 
à Anvers, où il ne resta que peu de temps ; revint à Alost; 
retourna ensuite à Anvers , et enfin alla se fixer aussi à 
Louvain , comme son ancien maître^. Je ne le suivrai pas 

^ Ce livre commence ainsi : « Dyalectica est ars artium , sciencia scien- 
«ciarum, etc.» Il se compose de 106 feuillets petit in-folio de a 6 lignes 
à la page pleine. Au verso du 106* se lit la souscription que j*ai transcrite 
plus haut Ce précieux ouvrage, découvert par M. Jules de Saint -Génois, 
bibliothécaire de Gand , dans Téglise réformée d*Amheim ( Gueldre ) , 
se trouve aujourd'hui dans la bibliothèque royale de la Haye. Je dois ces 
renseignements à M. de Saint-Génois lui-même , qui a bien voulu m'écrire 
une longue lettre à ce sujet. 

* Ce titre ne peut-être contesté à Jean de Wesphdie. Froppens le lui 
donne positivement, fol. 1 1 17 de sa Bihliotheca hekfica, oii il dit en par- 
lant de Martens : i Juvenis associavit se Joanni a Westphalia. » M. de Gand 



DEUXIEME PARTIE.— CHAPITRE III. 411 

dans ces diverses pérégrinations, qui nont pour nous 
aucun intérêt. 

Contrairement à ce que dit M. de Gand, la Sema San- 
tander prétend que Martens n'imprimait pas dans les pre- 
miers temps avec des caractères qui lui fussent propres; 
mais qu'il se servait de ceux des imprimeurs qui se trou- 
vaient dans les villes où il allait. Il en tire même une sin- 
gulière conclusion : « C est là, dit-il, ce qui prouve la grande 
supériorité de Thierry Martens sur tous les autres impri- 
meurs de la Belgique, puisque partout où il allait exercer 
Timprimerie , il avait et leurs presses et leurs personnes 
à sa disposition, tous à lenvi s'efforçant de le servir^. » 
Si le fait était vrai, il faudrait en conclure, au contraire, 
que Thierry Martens était plutôt un éditeur qu'un véri- 
table imprimeur. 

Martens mourut le 28 mai 1 534, et fut enterré dans 
le couvent des Guillemites d'Alost, où il s'était rétiré, et 
auquel il légua sa bibliothèque et tous ses biens. Les re- 
ligieux lui firent élever un monument où il est repré- 
senté en relief, les deux mains jointes ^ , et vêtu d'une 
grande robe fourrée qui lui descend jusqu'aux pieds. On 
lit autour une inscription en flamand qui lui donne le 
titre de « premier imprimeur de lettres de l'Allemagne ,. 

préfère à ce témoignage, appuyé sur des faits, ceux de Maittaire et de 
Meerman , qui ne sont fondés sur rien. (Ouvrage cité , p. 3 1 .) 

^ La Sema Santander, Dict bihliogr, t. I, p. 296. 

* Voyez la représentation de cette tombe dans l'ouvrage de Lambinet ,. 
Origine de l imprimerie t. Il, p. 97. 



&12 DE LORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

de la France et des Pays-Bas. » Il parait qu'on a tenu à 
le faire mentir sur sa tombe, comme il mentait lui-même 
dans ses éditions. 

M. de Gand, malgré son admiration pour Martens, 
accorde cependant « que cet imprimeur ne fut pas abso- 
lument le premier dans l'ordre du temps; mais il ajoute 
qu'il le fut dans l'ordre du mérite, de la science et des ta- 
lents , et qu'il porta l'art à un degré de perfection auquel 
personne avant lui, ni même de son temps, ne put at- 
teindre. )) Il est inutile de s'élever contre une pareille pré- 
tention. Qui donc, hors d'Alost, a pu comparer Martens 
aux Ëstienne , par exemple. C'est tout aussi justement 
que M. Delpierre , dans son ouvrage intitulé : La Belgique 
illustrée par les sciences, les arts et les lettres (Bruxelles, 
i84o), dit, page 199 : «Ce qui est certain, c'est que 
dès 1 5o 1 Martens avait gravé et fondu des caractères 
grecs, les premiers dont on ait connaissance. » Il se peut 
que M. Delpierre n'ait jamais eu connaissance du grec 
employé par les imprimeurs de Rome en 1 465, mais 
il aurait dû connaître au moins ceux des imprimeurs de 
Milan datant de 1476^ 

Quoi qu'il en soit, il est certain que Martens s'acquit 
une grande réputation , soit par le soin qu'il apportait à 
ses éditions latines, soit par l'importance des éditions 
grecques qu'il publia par la suite, et qui, l'ayant mis en 
rapport d'amitié avec tous les savants de l'époque, lui 
valurent le titre d'Aide de la Belgique. On voit dans une 

* Voyei ci-dessus, p. a Sa. 



DEUXIEME PARTIE— CHAPITRE III. 413 

lettre de Martin Dorpius à Érasme , da ilx juillet 1 5 1 8 , 
que Thierry parlait le flamand, le français, l'italien, le 
latin (à quoi il faut probablement ajouter l'allemand et 
le grec). La lettre porte qu'il aurait pu se mesurer avec 
saint Jérôme, sinon pour l'élégance, au moins pour le 
nombre des langues qu'il savait^. 

D'après Visser, cité par Mercier, abbé de Saint-Léger^, 
il parait que Jean de Westphalie, autrement dit Aken 
ou Haeken, du lieu de sa naissance, situé dans le diocèse 
de Paderborn , qui lui a aussi valu le nom de Johannes 
Paderbomensis , lut d'abord copiste de livres : cet auteur 
cite même un manuscrit de la main de Jean [Ciceronis 
Epistolœ adfamiUares) qui existerait encore. Lorsque l'im- 
primerie eut pris quelque développement, Jean aban- 
donna sa profession, comme beaucoup d'autres scribes, se 
fit initier à l'art typographique, et vint l'exercer dans la 
Belgique , qui n'avait point encore d'imprimerie. 

Nous avons vu précédemment que le Specubam con- 
versionis daté de idyS, attribué à tort, suivant moi, à 
Thierry Martens, et le traité De vita beata, imprimé po- 
sitivement par ce dernier en ik'jk, avaient été exécutés 
avec les caractères de Jean de Westphalie. En effet, nous 
trouvons celui-ci en possession de ces caractères à Lou- 
vain en 1 474. Il imprima cette année même, au mois de 
décembre, ïOpus raraUum commodoram de Pierre Crescen- 
tius , en un volume in-folio , à deux colonnes , de 4 2 lignes 

^ Érasme, Opéra, t. III, p. 33 1. 

^ Suppl. à thistoire de f imprimerie, 2* édit. p. 69-60. 



414 DE LORIGINE DE L*1MPRIMERIE. 

diacune , sans signatures ni rédames. H semble Touloir 
s attribuer d*une manière toute particulière la pn^riété 
des caractères avec lesquels est exécuté ce livre, dans la 
souscription suivante, qui se trouve à la fin : 

Preseos opus ruraliom comodonun Pétri de Crescentiis , quo- 
dam îndustrioso caracterisandi stilo novissîme omnipolentis Dei 
siiflBragio adinTento, exdtit hac littera Tera, modemabi, abscua et 
formata, impressom per Johamiem de Wesifidîa P^erbomensb 
dyocen8,mdmaaG floraitisamia oniTenitale Lovanieiui lesiden- 
tem. Amio incamacioiiû Dominice m. ggcc lxxiiii , measb deœm- 
bris die nona. 

On attribue à Jean de Westpbalie une édition du livre 
intitulé Gesta Remanoranty qui aurait été imprimée à Lou- 
vain en i k'ji; mais l'édition en question est sans este et 
postérieure à cette année. Nous avons vu, en effet, que 
Jean était encore à Âlost en 1&7&, et qu'il y imprima 
un livre en société avec Thierry Mart^is. 

Jean de Westpbalie fiit appelé à Louvain par quelque 
membre de l'université , à ce que l'on croit 

Dans l'espace d'une vii^taine d'années, il mit au jour 
plus de cent vingt ouvrages ^ La dernière impression avec 
date portant son nom est de 1 àgS. Il avait alors, entre 
autres concurrents, dans la même ville, Thierry Martens, 
dont il avait été le maître en 1 dyS, et l'associé en 1 iy&. 

Dès l'année liyS, Jean Veldener était aussi venu se 
fixer à Louvain. Ce dernier publia en 1 ^76 les Formulœ 
epUtolareSy in-folio, à la fin duquel on lit une longue et 

' Voyez Lambinet, Origine de T imprimerie, t. II, p. i i 80. 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE 111. 415' 

curieuse souscription commençant ainsi : «Salve. Si te 
u forsan , amice dilecte , novisse juvabit quis hujus volu- 
((minis impressorie artis perductor fuerit atque magis- 
•( ter, accipito huic artifici nomen esse magistro Johanni 
(( Veldener, cui quam certa manu insculpendi , celandi , 
(( intorculandi , caracterandi assit industria , adde et figu- 
(( randi et effigiandi , etc. » 

La même année , un certain Conrad de Westphalie , 
probablement frère de Jean, donna une autre édition 
de ce livre, parfaitement conforme à celle de Veldener, 
dont il copia même la souscription , en substituant tou- 
tefois son nom à celui de ce dernier. On ne connaît qu un 
autre livre de ce Conrad , c est un petit volume in-quarto, 
sans date, de ao feuillets, intitulé : Tractatas fratris Hug. 
de Sancto Victore saper officio missœ. La souscription porte : 
« Impressum Lovani per magistrum Conrardum de West- 
«valia Paderbomensis. » On ne peut admettre, avec la 
Sema Santander, que Conrad était le père de Jean , et 
lui aiurait survécu, puisque Jean a imprimé jusqu'en 
1&96; d'un autre côté, il ne peut être ici question du 
fils de ce dernier, car il n aurait pas fait concurrence 
à son père en exerçant son art dans la même ville. 

Quant à Veldener, il quitta Louvain vers 1^77 t et 
alla s établir à Utrecht, où il imprima en 1 48o une édi- 
tion en hollandais du Fascicahis temporam , gros volume 
in-quarto, fort remarquable par son exécution ^ typogra- 

' Le caractère est le même que celui qui a servi dans le petit livre 
de Gerson attribué à un prétendu imprimeur Britto. Voy. p. BgG et suiv. 



416 DE LORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

phique, oa du moîiis par sa di^osîlîon; de là il passa 
à Culembouig, dans la Gueldre, où il puUia, ea 1 483, 
comme nous Favons vu déjà', one édition in-(|aarto du 
Specalam hmmamtt saèoaikmû^ en hollandais. 

$ 5. AnTers. 

Je Wens de nommer deux villes de la Belgique qui se 
disputent flionneur d'avoir possédé la pnranière impri- 
merie. Pour être juste j aurais dû en citer une troisième; 
car Anvers prétend avoir devancé Alost et Louvain. Cette 
ville fonde ses prétentions sur Fexistence d*un petit livre 
flamand intitulé Vysioen van Tandalas^ et bien connu des 
bibliographes, à cause de sa souscription, portant quil a 
été imprimé à Anvers en i /ly a, par Vander Goes. 

Les partisans de Thierry Martens, voulant attribuer 
encore à cet artiste llionneur d avoir introduit Timpri- 
merie à Anvers en 1 476 , prétendent qu*il y a eu onois- 
sion volontaire ou involontaire d'un x dans le chiffire de 
la souscription du livre de Vander Goes, et qu'il faut 
lire Lxxxn, au lieu de lxxii, parce qu'on ne connaît 
rien de ce dernier imprimeur dans l'intervalle de 1/172 
à i&Sa^. Cette manière de raisonner me paradt peu 
concluante. H y a plus d'un imprimeur du xv' siècle dans 
la vie typographique duquel on peut signaler de pa- 
reilles lacunes. Celle de Thierry Martens lui-même en 
fournirait plusieurs exemples. Aussi M. de Gand a-t-il 

' Première partie, p. 55. 

' La Sema Sanlander. DicL hihL 1. 1, p. 347. 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE III. 417 

eu recours à une autre hypothèse. Suivant lui , il n existe 
quun exemplaire du livre de Vander Goes, et il a passé 
par les mains d'un imprimeur moderne d*Anvers, qui a 
bien pu , par patriotisme, lui faire subir une falsification ^. 
En réponse à Tinsinuation de M. de Gand, je dirai que 
nous avons à Paris un exemplaire dnVy'sioen van Tonda- 
lus, et que la date, qui y est parfaitement intacte, porte 
bien 1^72 en chiffres romains. 

Je ne prétends pas toutefois défendre absolument cette 
date. Je conviens que ce livre ne ressemble pas à un pre- 
mier essai, et qu*il porte des signatures, ce qui n était 
pas encore généralement adopté en 1472; mais, enfin, 
rien ne prouve qu'il soit antidaté. Aussi laisserai -je la 
question pendante. 

Je clorais là ce paragraphe, si je n avais à dire un mot 
d une prétention beaucoup moins fondée de la part d'An- 
vers, celle d'avoir eu des imprimeurs dès avant 1 442. 

Jean des Roches mit cette idée au jour dans un mé- 
moire lu par lui à l'académie de Bruxelles, le 8 janvier 
1777, et imprimé dans le premier volume du Recueil 
de cette société. Ce mémoire traitait deux questions prin- 
cipales : i*" suivant Jean des Roches, les imprimeurs exis- 
taient en i II 1x2 à Anvers, et faisaient alors partie de la 
confrérie de Saint-Luc, sous le nom de printers; 2** les 
premiers essais de l'imprimerie devaient être attribués à 
un certain Louis de Vedelare, qui s'en serait occupé 
dans la première moitié du xiv* siècle. 

* Recherches , etc. p. 18. 

II. 27 



418 DE LORIGINË D£ L IMPRIMERIE. 

L abbé Joseph Ghesquière répondit à des Roches dans 
une lettre adressée à labbé Tuberville-Needham, qui fiit 
imprimée dans ÏEsprit des journaux de juin 1 779 (p. a3a- 
a6o). Il prouva que les imprimeurs en lettres n'étaient 
entrés dans la confrérie de Saint-Luc qu'en ibS'jy con- 
traints et forcés, et que par conséquent les printers de 
làk^ n'étaient pas des typographes, mais bien plutôt des 
imprimeurs d'images ou des dominotiers ; que si Vander 
Goes fiit reçu dans cette confrérie en 1 487, ce fiit moins 
comme imprimeur que comme exerçant quelque autre 
profession analogue. Il serait étrange, en effet, qu'il n'eût 
été reçu que quinze ans ou au moins cinq ans après avoir 
exercé sa profession , car on ne peut nier qu'il n'ait im- 
primé en 1482, sinon en 1&72. Ghesquière prouva en- 
core que Louis de Vedelare , joueur de violon de pro- 
fession , pouvait bien avoir inventé une nouvelle manière 
déjouer d'un certain instrument, mais non pas l'impri- 
merie. 

Cette lettre de Ghesquière , qui faisait connaître pour 
la première fois les Mémoriaux de Jean le Robert , que 
nous avons déjà cités ^ donna matière à une véritable 
polémique 2, à laquelle prirent part Mercier, abbé de 
Saint-Léger, et Van Praet ; mais cette polémique , très- 
intéressante au point de vue bibliographique, ne modifia 

' Dans la première partie, p. .97. 

^ VoyeiEspr. des journaux ,noyeinhre 1779, p. 2 36-2 49; janvier 1780, 
p. 24o-244; février 1780, p. 23 1; avril 1780, p. 221-246; octobre 1780, 
p. 227. 



DEUXIEME PARTIE.— CHAPITRE III. 419 

en rien les faits principaux à Taide desquels Ghesquière 
avait réfuté les assertions de Jean des Roches, aussi ce 
dernier ne prit-ii aucune part à la discussion. Il ne reste 
donc que le livre de Vander Goes, sur lequel la ville 
d'Anvere puisse se fonder pour revendiquer l'honneur 
d avoir été la première ville de Belgique qui ait eu une 
imprimerie. 

S 6. Utrecht. 

Sur un autre point des états du duc de Bourgogne , 
à Utrecht, la typographie fut importée par Nicolas Ke- 
telaer et Gérard de Leempt. On ne sait pas précisément 
à quelle époque, parce que ces deux imprimeurs n*ont 
daté et signé que fort peu de leurs livres; mais le fait est 
certainement antérieur à i ^yS, car on a un ouvrage im- 
primé par eux avec cette date. Cet ouvrage, le seul où ils 
aient mis leur nom, est intitulé : Pétri Comestoris His- 
ioria scholastica super Novwn Testamentum, secunda pars 
(un volume in*folio). On lit à la fin du livre : ulmpressa 
uin Trajecto inferiori per magistros Nycolaum Ketelaer 
u et Gherardum de Leempt, m. gccg. lxxiii ^ )) 

On a encore de ces artistes un ouvrage daté de ikytx, 
mais sans nom d'imprimeur ni de ville : c est THistoire ec- 
clésiastique d*Eusèbe, en latin^ un volume in-folio à longues 
lignes, au nombre de 3 1 à la page entière. La forme des 
caractères indique positivement l'origine de ce livre. Il 
est imprimé avec des lettres absolument semblables à 

' Voyez-en unfae-simiU dans l'ouvrage de M. Wetter, pL XI, n* 8. 



420 DE LORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

celles employées par Ketelaer et Leempt dans 1 ouvrage 
^précédent : cest une espèce de ronde gothique comme 
celle employée par Ulric Zell , dont ils étaient probable- 
ment élèves. 

On leur attribue encore Liber Alexandri Magni de 
preliis; FI, Renati de re militari; Hieronimi de vins illas- 
tribus, et TTionuB a Kempis Opéra varia, quatre ouvrages 
dont Meerman^ a donné lefacsintile, les prenant pour 
des ouvrages de Técole costérienne, et cela sur d'assez 
vagues indices'. En effet, le principal motif de cette at- 
tribution est une note en hollandais écrite par un ancien 
propriétaire de lun de ces livres (le premier), conservé 
aujourd'hui à la bibliothèque publique de Haaiiem^, et 
réuni à un exemplaire du Spéculant hamane salvationis (en 
liollandais). L'auteur de cette note dit que celui qui lui 
a donné le livre en question lui a affirmé qu'il avait été 
imprimé à Haarlem; mais, comme cette note est du mi- 
lieu du XVI* siècle , elle est sans autorité pour nous. Et 
j'ajouterai que Meerman a reconnu son erreur, et l'a 
rétractée dans un errata imprimé en tête du second vo- 
lume de son livre*. 

Au reste, une fois établie à Utrecht, l'imprimerie ne 
devait pas tarder à se répandre dans toute la Hollande , 

» Orig. typ. t. II , pi. VII. 

' Ihid, 1. 1, p. i44 et suiv. 

^ Catalogas Haarlemensis BihUo^tecm publie» [auctore A. de Vries], 
(a vol. in-8^ à Haariem, imprimerie Enscfaedë, 1 848-1 853), t. I, p. 96 
et ia3. 

' Orig typ. t. Il, p. vin. 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE III. 421 

et cest ce qxii eut lieu en effet; mais, par un jeu assez 
singulier de la fortune , Haariem fut une des dernières 
villes de ce pays à recevoir rimprimerie de la nouvelle 
école. On ne connaît pas de livre imprimé dans cette' 
ville avec date antérieure à i483. Son premier impri- 
meur fut un nommé Jean Andriesson, autrement dit 
fils d'André , suivant l'usage du pays. Les Hollandais pen- 
sent qu'il était parent de Coster par la femme de ce der- 
nier, Gatharina Andriesdochter (fille d'André) ^ 

Les caractères d' Andriesson sont gothiques, comme 
ceux dont s'était servi Coster, mais d'une forme plus 
nette, ce qui est tout naturel. 

^ De Vries, Eclaircissements, p. 35, note. 



422 DE L'ORIGINE DE L IMPRIMERIE. 



CHAPITRE IV. 

ANGLETERRE. 

En 1 66/!i, Richard Âtkyns , qui avait un différend avec 
le corps des libraires de Londres , se fondant sur Texis- 
tence d un opuscule imprimé à Oxford , et portant la date 
de 1 iï68 ^ prétendit ravir à Caxton la gloire qu'il a incon- 
testablement d être le premier importateur de Timprime- 
rie en Angleterre. Atkyns feignit^ d avoir reçu d*un ami 
(qu'il ne nomme point) la copie dune ancienne chro- 
nique manuscrite existant dans la bibliothèque du pa- 
lais archiépiscopal de Lambeth^, et dans laquelle on lisait 
ce qui suit , en résumé : « Thomas Bouchiers, archevêque 
de Cantorbéry , ayant persuadé à Henri VI d employer 



' Expositio S. leronimi in Simholum apostolorum, impressa Oxoniae, 
et fînita anno Domini h. cccg. lxviii , xyii die Decembris. Petit in-4'' àe 
4i feuillets. Il s*en trouve un exemplaire à la Bibliothèque nationale de 
Paris. Ce livre , fort bien exécuté , avec des caractères semblables à ceux 
d*Ulric Zell , de Cologne , porte des signatures. 

* Atkyns (Richard), The original andgrowth ofprinting. CoUected out of 
history and the records of this kingdom , wherein is also demonstrated 
that printing appertaineth to the prérogative royal, and is a fiower of the 
crown of England. Whitehall, i664, in-4*. 

' Lambeth- bouse est un palais que possède Tarchevêque de Cantor- 
béry sur les bords de la Tamise, dans Tun des faubourgs de Londres 
connu sous le nom de Southwark, et presque en face du palais législatif 
anglais (hoase of parliament) , situé sur l'autre rive du fleuve, dans la cir- 
conscription de Westminster. 



DEUXIEME PARTIE— CHAPITRE IV. 423 

tous les moyens de faire passer en Angleterre 1 art de 
l'imprimerie , pratiqué alors à Haaiiem , par Gutenbei^, 
ce roi chargea Robert Turnour, son valet de chambre , 
d une mission secrète , consistant à suborner un des ou- 
vriers de latelier haarlémois , et à l'amener dans la Grande- 
Bretagne. Pour accomplir sa mission , Turnour s adjoi- 
gnit Gaxton , riche marchand de Londres , qui avait de 
grandes relations dans la Hollande, et dont le séjour 
dans ce pays devait être moins suspect. Ils vinrent d'a- 
bord à Amsterdam, puis à Leyde, n osant pas aller à 
Haarlem , parce qu on y veillait avec grand soin, à con- 
server le monopole du nouvel art, et parce que plu- 
sieurs étrangers avaient été jetés en prison , sur le simple 
soupçpn qu'il voulaient en prendre connaissance pour 
en doter leur pays. Bref, après avoir dépensé beaucoup 
d'argent, ils parvinrent à débaucher un ouvrier, nommé 
Frédéric Gorsellis, qui trouva le moyen de s'évader, et 
vint avec eux à Londres, d'où il fui ensuite conduit à 
Oxford , et mis à même de travailler, sous la garde tou- 
tefois de quelques personnes, de peur qu'il ne se sauvât. 

a Ainsi, ajoute Atkyns, Oxford est la première ville 
d'Angleterre qui ait pratiqué la typographie , et cela avant 
qu'aucune imprimerie existât ni en France, ni en Es- 
pagne , ni en Italie , ni en Germanie , en exceptant néan- 
moins de ce dernier pays la ville de.Mayence, qui dût 
la connaissance de Fart au frère d'un des ouvriers haar- 
lémois ^ » 

^ On trouve le texte anglais de ce passage dans Marchand, Histoire de 



424 D£ rORIGINË DE L IMPRIMERIE. 

C est à f aide de cette fable absurde , où le faux et le 
vrai sont mêlés de la façon la plus grotesque , qu Atkyns 
essaya d'établir que le droit d'imprimer dépendait de la 
couronne en Angleterre. Il se garda bien de donner le 
texte de sa prétendue chronique, quon n*a jamais pu 
retrouver; il en fit seulement une analyse. Le docteur 
Middleton , dans sa Dissertation sur ï origine de Vimprime- 
rie^j prouva plus tard que l'impression d'Oxford était de 
1478, et non de 1 468, et que la prétendue chronique 
de Lambeth-house avait été fabriquée par Atkyns lui- 
même, n y a au reste un témoignage bien plus fort en- 
core contre le récit d'Atkyns , c'est celui de Caxton , qui 
aurait prêté la main à l'embauchage de l'ouvrier haaiié- 
mois, et qui cependant n'en dit pas un mot, et attribue, 
au contraire, formellement à la ville de Mayence l'hon- 
neur de l'invention de l'imprimerie, dans son supplément 
à la chronique de Ranidphe Hygden, continuée par Jean 
Trevisa, qu'il imprima en 1482, sous le titre de Poly- 
chronicon^. Cette opinion était naturelle de la part d'un 
élève des imprimeurs de Cologne, et elle ne pouvait être 
contredite par le premier imprimeur étranger qu'ait eu 
l'Angleterre , Théodore Rood , qui lui-même était de Co- 

l origine de l'imprimerie , partie II, p. 126; dans Meerman, Orig. typogr, 
t. II, p. 208 ; et dans ia Sema Santander, Dict, hihL 1. 1 , p. 2 25 et suiv. 

^ En latin, imprimée à Cambridge en 1785, in-4^ Voyez aussi la lettre 
de M. Ducarel à Meerman, insérée dans le livre de celui-ci, Orig, typ, t. II, 
p. 2- 1 8 , et la réponse de Meerman , ihià, p. 1 g-do. 

* Voyez les raisons singulières que donne M. de Vries pour expliquer 
ce fait, Eclaircissem£nts , etc. p. 2ji3, note i. 



DEUXIEME PARTIE— CHAPITRE IV. Û25 

logne, et vint s établir dans ce pays vers i ^178 , époque 
où il imprima le livre daté par erreur de iliGS^. 

William Caxton naquit vers 1 A 1 2 > en Angleterre, dans 
le pays de Kent, où il passa les premières années de sa 
vie^. D apprit les éléments de la grammaire dans ce même 
pays de Kent, où la langue, comme il nous le dit lui- 
même, était aussi rude qu en aucune autre partie de TAn- 
gleterre'; mais il vint achever son éducation à Londres, 
qu'il appelle quelque part sa mère, et où il déclare avoir été 
élevé^. G est là sans doute qu'il apprit le français, qui était 
encore la langue officielle de l'Angleterre, dont les souve- 
rains se qualifiaient même de rois de France. Quelque in- 
complète que fût l'instruction que reçut Caxton , elle n'en 
était pas moins une exception bien rare pour le temps 
où il vécut et dans la classe du peuple anglais où il était 
né. Aussi s'en montra-t-il toujours fort reconnaissant en- 
vers ses parents : « I am bounden (dit-iP) to pray for my 
« father and mother's soûls , that in my youth set me to 
«school, by which, by the sufferance of God, I get my 
« iiving I hope truly. » 

^ Ce livre , parfaitement imprimé , a des signatures , ce qui prouve qu il 
est postérieur à la date qu'il porte. 

^ cl... was bom and lemed myn englissh in Kente in the Weaid. » 
(Prol. du Recuyell ofihe historyes of Troye^ 

^ « is spoken as brode and rude en^issh as is in ony place of 

«Englond.» (ïbid,) 

* « As to my mother, of whom I hâve received my nurture and Iiving. » 
(Prol. du Cathon [magnus].) 

^ Préface de Charles the Greet (Ghariemagne ) , imprimé par lui en 1 485. 



A26 DE ^ORIGINE DE ^IMPRIMERIE. 

Les premiers biographes de Gaxton ^ assurent qu*il passa 
trois ans de sa vie (de la quinzième à la dix-huitième an- 
née) à apprendre le commerce chez un célèbre marchand 
(autrement dit mercier) de la Cité, appelé Robert Large, 
qui devint plus tard lordnaiaire de Londres. Gomme ce 
commerçant , de même que ses confrères , s occupait de 
librairie^, Gaxton puisa là ce goût des livres qui ne le 
quitta plus depuis. Il parait que Gaxton continua à rési- 
der chez Large , ou du moins à lui être attaché comme 
associé ou employé, car ce dernier, à sa mort, arrivée 
en 1 4& 1 1 légua par son testament une somme de vingt 
marks ^ à son ancien apprenti, comme témo^age de 
satisfaction de ses bons services. 

Après la mort de Large , Gaxton , devenu citoyen de 
Londres^, parait avoir exercé le commerce en son nom 
propre , et avoir acquis une certaine considération dans 
la corporation des merciers de cette ville. Soit qull y eut 
été poussé par la curiosité, soit qu'il y eût été amené par 
ses affaires, Gaxton quitta bientôt TÂngleterre, et vint se 
fixer dans les Pays-Bas, où il résida une trentaine dan- 
nées^, tantôt dun côté, tantôt de lautre, mais plus parti- 

' Lewis et Oldis. Voyez Dibdin , T^, antiq, 1. 1 , p. lxxtii. 

^ Dibdin, Typ. antiq. I, Luviii. 

^ Ihid, p. Lxxix , texte et note. 

^ « William Gaxton , citizen and conjurée of the same ( city of London), 
« and of the fratemity and feliowship of the mercery. » (Prol. du Cathon.) 

^ « And [I] hâve contynued by the space of xxx yere for the most parte 
« in the contres of Brahant, Flandres, Holand, and Zeland. » (Prologue du 
Becayell of thfi kistotyes ofTroye,) Comme ce prologue dit que le livre a 



DEUXIEME PARTIE— CHAPITRE IV. 427 

culièrement à Bruges, qui était alors le séjour habituel de 
la cour du duc de Bourgogne. Lewis dit que Gaxton était 
le facteur [travelling agent) de la corporation des merciers 
de Londres; mais le fait est quon ignore complètement 
ce qu'il fit jusqu'en 1 464. A cette époque, il reçut du roi 
d'Angleterre la mission de confirmer et de continuer, de 
concert avec un certain Richard Whetehill, le traité de 
commerce qui avait été conclu précédemment entre 
Edouard IV et Philippe le Bon. Dans les lettres en latin 
qui furent expédiées à cette occasion ^ les deux agents 
anglais sont nommés a ambassiatores, procuratores, nuu- 
« cios et deputatos spéciales. » Cela suppose que Gaxton 
occupait déjà un rang honorable. 

La mission qu'il rempht alors l'appelait souvent à la 
cour du duc de Bourgogne; elle lui donna sans doute 
occasion de connaître Raoul le Fèvre , dont les travaux 
eurent sur sa destinée une grande influence , conmie on 
a pu le voir à l'article de Bruges. 

Je n'entrerai pas ici dans le détail des faits que j'ai rap- 
portés précédemment^; on a vu comment, en faisant 

été commencé en 1469, Dibdin, s'attachant rigoureusement au nombre 
trente, se demande si le départ de Gaxton d'Angleterre ne devrait pas 
être fixé à idSg; mais il est évident que le célèbre imprimeur anglais 
s'est servi d'un nombre rond , qui ne résout pas absolument la question. 
D'ailleurs la date dont parie Gaxton ne peut être fixée cpie du jour où il 
écrit son prologue, et cette date n'est certainement pas antérieure au mois 
de septembre 1471- 

* Rimer'sfœdera, t. XI, p. 536 de l'édition de 1710, et t. V, p. 127 de 
l'édition de 1741* 

' Voyez, ci-dessus, p. 370-385. 



428 DE L ORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

imprimer sa traduction du livre de Raoul le Fèvre inti- 
tulé Recueil des histoires de Troyes, Gaxton s^enthousiasma 
pour le nouvel art, et se mit à rapprendre. H le prati- 
qua même pour ce volume , comme il le dit dans Tépi- 
logue du troisième et dernier livre : « I hâve practysed 
« and learned at my grete charge and dispense to or- 
« deyne this book in prynte. » 

Une fois initié à Timprimerie, Gaxton ne l'abandonna 
plus : il Texerça d*abord à Cologne pendant quelque temps, 
puis ensuite il importa cet art en Angleterre. «Tai décrit à 
larticle de Bruges les livres qu'il a imprimés à Cologne , 
et qui se réduisent à trois, dont deux seulement sont 
connus [Historiés of Troye et The game of chess). Je n'y 
reviendrai pas ici : cela ferait double emploi. 

Le dernier livre connu pour avoir été imprimé par lui 
à Cologne étant daté du mois de mars ilxqlx, il n'est pas 
probable qu'il ait pu aller en Angleterre avant 1 4 7 5 . Il em- 
porta de l'Allemagne les caractères dont il se servit dans 
son pays, où il n'aurait pu trouver encore des artistes, 
assez entendus pour graver ses poinçons. Ces caractères, 
entièrement difiFérents de ceux qu'il avait employés jus- 
que-là, ont une forme tout allemande. Comme les pre- 
miers imprimeurs d'Italie et de France , Caxton établit 
son atelier dans une maison religieuse. Le chapitre de 
Westminster lui donna un local dans l'abbaye même de 
ce nom , et c'est là sans doute qu'il imprima comme essai 
de son caractère le petit livre in-quarto intitulé : Propo- 
sitio clarissimi oratoris magistri Johannis Russell , etc. C'est 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE IV. 429 

le discours prononcé par John Russell , ambassadeur du 
roi d'Angleterre , en remettant , de la part de celui-ci , au 
duc de Bourgogne , son beau-frère , les insignes de che- 
valier de la Jarretière , cérémonie qui eut lieu à Gand , 
au commencement de Tannée 1 470 (4 février 1 469 an- 
cien style). L'unique exemplaire connu de cet opuscule 
se trouve dans la bibliothèque de lord Spencer, à Althorp. 
Il ne porte ni date, ni nom de ville , ni nom d'imprimeur, 
mais il est exécuté avec les premiers caractères dont s'est 
servi Gaxton en Angleterre. Dibdin et M. Brunet pensent 
qu'il fut imprimé à l'époque même où eut lieu la cérémo- 
nie. Le premier ajoute que Gaxton profita probablement 
de cette occasion pour doni^er un échantillon de son art à 
la duchesse Marguerite, sa patronne, femme du nouveau 
chevalier. Mais cette opinion est t^t à fait inadmissible , 
et en désaccord avec ce que dit Gaxton lui-même dans 
sa préface des Histoires de Troyes, imprimées seidement 
en 1^72. S'il avait eu déjà à Gand en 1 470 le caractère 
du petit livret en question , il n'aurait pas eu besoin de 
venir imprimer sa traduction anglaise à Gologne , avec 
un caractère différent. H n'y a rien d'extraordinaire à ce 
que ce petit hvret ait été imprimé plusieurs années après 
la cérémonie à laquelle il se rapporte. Lord John Rus- 
sell devait tenir à conserver son discours, comme un té- 
moignage de son honorable mission sur le continent, et 
il n'avait pas de meilleur moyen pour cela que de le 
confier à la presse aussitôt qu'elle fiit importée en An- 
gleterre. Peut-être même cette impression fut-elle- un 



430 DE LORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

acte de prévenance de Gaxton , qui , possédant une copie 
du discours de Russell, qu*il avait pu entendre prononcer 
à Gand , et voulant se faire un patron , crut devoir inau- 
gurer ses travaux typographiques par cette œuvre, an- 
^aise quant au fond, sinon quant à la forme. 

Quoi qu*il en soit, au reste, il est certain qu*un des 
premiers livres imprimés par Gaxton avec son nouveau 
caractère fut une traduction du roman de Jason, dont nous 
avons parlé à Tarticle de Bruges. Ge livre forme un petit 
volume in-folio, sans date, sans nom de lieu ni d*impri- 
meur, sans signatures ni réclames. Le rang chronologique 
que je lui assigne semble déterminé par le passage suivant 
de la préface de la Légende dorée (The golden légende), 
imprimée par le même artiste en 1 483 : « When I had per- 
«formed and accomj^shed divers works and historiés, 
(( translated out of french into english , at tfae request of 
«certain lords, ladies and gendemeh, as the History of 
(( the Recueil of Troy, the Book of the Ghess, the History 
« of Jason, the History of the Mirror of the World, etc. » 
Toutefois cela est contestable. Dibdin fait passer avant le 
Jason ui\e deuxième édition sans date du Game ofchess; 
mais je n'admets pas que ce dernier livre soit de i dyS, 
car il est enrichi de nombreuses gravures en bois, et l'An- 
gleterre ne pouvait pas avoir encore des artistes graveurs, 
puisque Gaxton venait à peine dy apporter Timprimerie. 
Ge livre est du reste imprimé avec le caractère du Jason 
anglais et non avec l'ancien caractère qui avait servi à la 
première édition du Game of chess. 



DEUXIÈME PARTIE. —CHAPITRE IV. 431 

Rien n indique Tâge de la deuxième édition du Game 
of chess» H n en est pas de même du Jason. Outre ce 
qu'on lit dans la Légende dorée, Caxton nous apprend, 
dans la préface du livre , qu'il a entrepris sa traduction 
avec la permission du roi et de la reine, lorsque le jeune 
prince de Galles, auquel elle était destinée, conoutnença à 
savoir lire, c'est- à -dire lorsqu'il eut quatre ou cinq ans : 
or ce jeune prince, dont le sort ne répondit pas aux vœux 
de Caxton^, était né vers i lij i^ ce qui nous donne i iiyS 
ou 1^76 pour la date de l'impression du livre. Et cette 
date est confirmée encore par ce qu'on sait des habitudes 
un peu courtisanesques de Gaxton , qui aura voulu sans 
doute placer ainsi ses travaux en Angleterre sous le patro^ 
nage du roi , comme il les avait placés à Bruges sous celui 
de sa sœur, la duchesse de Bourgogne. 

Le prologue du Jason anglais offre un intérêt parti- 
culier, c'est la description de la fameuse salle du château 
de Hesdin , où le duc Philippe , fondateur de l'ordre de 
la Toison d^or, avait fait peindre de la manière la plus 
somptueuse les différents épisodes de l'histoire roma- 
nesque de Jason, qui était comme la glorification de 
son ordre. Caxton déclare avoir vu ces peintures de 



^ « whom I praye God save , and increase in viriue , and bring 

« him unto as much wordship and good renomé as ever had any of hi» 
«noble progenitors. » Le jeune prince fut assassiné le 9 avril i483, par 
ordre de son oncle , qui s^empara du trône. 

' On ne connaît pas positivement la date de sa naissance , mais on sait 
qu il avait onze ans à Tépoque où il fut assassiné. 



W2 DE L'ORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

ses propres yeux^ et n avoir entrepris sa traduction que 
pour honorer Edouard IV, qui était iun des chevaliers 
de ia Toison d or. 

Dibdin range aussi parmi les premières publications 
anglaises de Gaxton un petit livre sans date, Caniesbury 
taies, imprimé avec le caractère du Jason; mais cette at- 
tribution est fort incertaine, et d'ailleurs sans importance 
pour nous. 

Le premier livre de Gaxton exécuté en Angleterre 
avec une date positive et l'indication du lieu d'impres- 
sion est un ouvrage d'Antoine WideviUe , comte de Ri- 
vers , frère de la reine d'Angleterre ^ : c'est la traduction 
an^aise d'un livre français, traduit lui-même du latin, 
par Guillaume de Tignonville, prévôt de Paris, sous le 
titre de : Les dits moraux des philosophes, et imprimé vers 
la même époque à Bruges par Golard Mansion'. L'ou- 



' «. « . But well wote I that the noble duke Philip, first founder of this 
«flaid order, did do maken a chamber in the castle of Hesdyn, wherein 
« was craflily and curiously depainted the conquest of the golden fleece by 
« the said Jason. In which chamber I bave been , and seen the said his- 
«tory 60 depainted.» (Prol. du Jason anglais.) 

* L*aunée suivante Gaxton imprima deux autres traductions du même 
seigneur. On voit que notre typographe avait de hautes relations. Il avait 
été ambassadeur du roi Edouard lY auprès du duc de Bourgogne, et attaché 
au service de la femme de ce prince , soeur du roi d'Angleterre ; il dédie 
«m de ses livres au duc de Glarence, frère de ce même roi; un autre à 
«on fils, le prince de Galles; il en imprima plusieurs pour le frère de la 
reine Elisabeth Grey, à laquelle avait été remis particulièrement un exem- 
plaire du Recueil des histoires de Troyes,en anglais, etc. 

^ Voyez ci-dessus , p. 391. 



DEUXIEME PARTIE. _ CHAPITRE IV. 433 

vrage de lord Hivers est intitulé : The dictes hnd sayinges 
of philosophers , etc. (Enprynted by me William Gaxton, 
at Westmester, the yere of our Lord m. cccc. lxxvii.) 
Cest un petit in-folio de 7 5 feuillets, ayant 29 lignes à 
la page, imprimé avec le nouveau caractère de Caxton, 
sans chiffres, signatures ni réclames, sur un papier fort 
portant dans le filigrane une tête de veau avec une fleur 
entre les cornes. L'influence des habitudes du continent 
est encore sensible dans ce livre , dont les mots sont di- 
visés à la fin des lignes suivant la mode firançaise , et 
non à la mode anglaise. J entre dans tous ces détaUs parce 
quil existe une autre édition sans date de ce livre, qui, 
quoique imprimée avec le même caractère, en diffère com- 
plètement. Mais elle est au reste très-facile à reconnaître : 
d*abord elle est sans date , n ayant à la souscription que 
les mots : u Caxton me fieri fecit; » ensuite elle na que 
66 feuillets, et 3i lignes à la page; enfin elle a des si- 
gnatures, ce qui prouve qu'elle est postérieure ^ 

Dans la préface de son livre, le noble traducteur nous 
apprend quil a fait ce travail en 1 AyS, pour occuper ses 
loisirs durant une traversée d'Angleterre en Espagne, où 
il dlait visiter Saint-Jacques de Compostelle. Caxton a 
ajouté comme éditeur quelques pages à la fin du volume. 

On vient de voir que ce livre portait la rubrique de 
Westminster. Tout le monde sait que Westminster est 
une ville qui s est formée près de Londres, autour dun 
célèbre monastère, fondé au vu' siècle, à louest de la 

' Dibdin, Typ, anùq. 1. 1, p. 71-72. 

II. a 8 



434 D£ rORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

capitale de rAngleterre, d*oà lui vient son nom actuel 
(west monasterimn). Peu à peu Tintervalle qui les séparait 
s est couvert de maisons, et elles ne forment plus aujour- 
d'hui qu'une seule ville. Mais à l'époque de Gaxton il 
n'en était pas encore ainsi. Gomme cet artiste data plus 
tard ses livres de l'abbaye même, on pense généralement 
qu'il eut, dès le début de ses travaux en Angleterre, son 
atelier dans ime chapelle du monastère. Quelques-uns 
font même venir de là le mot de chapelle^, qui servait 
autrefois à désigner l'administration intérieure de chaque 
atelier. Mais c'est là une pure invention. Tout ce qu'on 
sait, c'est que Gaxton demeurait dans l'abbaye, et qu'il 
vendait ses livres dans l'Âumônerie, qui tenait lieu, à 
Londres, de la grand' salis du palais à Paris, oà tant 
de libraires avaient jadis leurs boutiques. Le fait est dé- 
montré par une espèce de prospectus qu'on a de lui^, 
annonçant la mise en vente, à bon marché y de petits li- 
vrets à l'usage de l'église de Salisbury, livrets dont on ne 
connaît pas aujourd'hui un seul exemplaire : 

If it plese ony man spirituel or temporel to vye ony pyes of two 
ànd thre comemoracions of SaHsburi use, enpryntid after the forme 
of this présent lettre, whiche ben wel and truly correct, late hym 
corne to Westmonester in to the almonesrye at the reed pale, and 
he shai hâve them good chepe. 

' Supplico stet xsedula. 

Gaxton continua longtemps ses travaux typographiques, 

^ Voyez Dibdin , Typ, antiq, t. I , p. c. 
^ Ibid, p. cii. 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE IV. 435 

qui consistaient presque uniquement en publications 
d'ouvrages français traduits en anglais, en grande partie 
par lui-même. En i A78 , il imprima un autre ouvrage de 
lord Rivers : c est une traduction en vers des Proverbes 
moraux de Christine de Pùan. L'année suivante, il imprima 
encore un autre ouvrage du même auteur : c est une tra- 
duction de la traduction française du livre anonyme in- 
titule le Cordiale. Ce livre frit imprimé en un mois et 
demi et non en deux ans, comme le dit Dibdin^, après 
beaucoup d'autres bibliographes , qui n'entendaient rien 
aux indications chronologiques du xv' siècle. En effet, 
Caxton dit qu'il a reçu le manuscrit des mains de lord 
Rivers, le jour de la Purification de la Vierge, mardi, 2 fé- 
vrier 1^78 (ancien style) : « which book was delivered to 
K me William Caxton by my said noble lord Rivers on 
« the day of the Purification of our blessed Lady, falling 
a the tuesday the second day of the month of february , 
« in the year of our Lord m. çggc. lxxvih ; » qu'il l'a com> 
mencé le lendemain, jour de saint Biaise, évêque : « which 
<(Work présent I began the morn after the said Purifi- 

« cation which was tlie day of saint Blase , bishop 

a and master, » et qu'il l'a fini la vigile de l'Annoncia- 
tion , tombant le mercredi , 2 Ix mars , an 1 9 du règne 
d'Edouard IV : a . . . and finished on the even of the An- 
« nunciation of our said blessed Lady, falling on the wed- 
« nesday the xxiiii day of march, on the xix year of king 
(( Edward the fourth. » Or le jour de la Purification de la 

* Tjrpogr. ond'y. t. I , p. 8 1 . 

28. 



456 DE L ORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

Vielle 1A78 (1479 nouveau style) tombe en efiFet un 
mardi « tuesday , » et le 2 4 mars de la même année , qui 
était la dix-neuvième du règne d'Edouard , puisqu'il était 
monté sur le trône le k mars 1 46 1 , tombait un mercredi 
« wednesday ». Toutes tes notes chronologiques s accor- 
dent donc à donner tort à Dibdin. Caxton n eut pas d'ail- 
leurs pris soin de noter toutes ces dates, et den faire pa- 
rade, s il eût mis deux ans pour imprimer un livre aussi 
peu considérable. 

Je ne pousserai pas plus loin le détail des éditions si 
nombreuses de Caxton : il me suffira de dire qu'il im- 
prima en 1 48 1 , sous le titre de The historye of Reynart 
the Fox, la traduction d'un livre allemand faite par lui; 
et en i485, celle d'une Histoire de Charlemagne, tirée 
en grande partie du fameux Miroir historial (Specuhm 
historiale) de Vincent de Beauvais. Ce livre, entrepris sur 
les instances d'Henri Bolomyer, chanoine de Lausanne , 
est tout à la gloire de la France , comme le dit l'éditeur 
dans la préface : « for the most part of this book is made 
« to the honour of the Frenchmen , and for profit of every 
«man. » Il fut fait, non sur l'original latin, car Caxton 
parait n'avoir pas su cette langue, mais sur une tra- 
duction française. Quant à la traduction du premier ou- 
vrage, eUe fut faite sur l'allemand même, que Caxton 
avait sans doute appris durant son séjour dans les Pays- 
Bas et à Cologne. 

Caxton, à qui il était survenu des concurrents ^ aban- 

* Jean Letton , qu*on croit avoir été onvrier ehei Caxton , exerçait seul 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE IV. 437 

donna vers i ^85 labbaye de Westminster, où il n'était 
pas assez à son aise sans doute , et vint s établir dans la 
rue Royale ( King street), où il exerça jusqu en i A9 1 , date 
de sa mort. Il était alors âgé de près de quatre-vingts ans. 
Il eut pour successeur Winkin de Worde, qui exerça 
non-seulement dans la même maison , mais encore avec 
la marque primitive de Caxton. Cet artiste, lun des plus 
célèbres de T Angleterre, était, dit-on, Lorrain (ce que 
nmdique certes pas son nom). On croit qu'il avait été 
amené en Angleterre par Caxton, et qu'il fut chargé par 
celui-ci de monter la première imprimerie à Westminster. 
Mais le dernier fait est peu probable, car Winkin exerçait 
encore en 1 535, c'est-à-dire soixante ans au moins après 
l'établissement de l'imprimerie de Caxton. Il n'était pro- 
bablement qu'apprenti lorsqu'il suivit- ce dernier, et ne 
put être cbargé de monter son imprimerie. 

Quoi qu'il en soit, rien ne saurait ravir à Caxton l'hon- 
neur d'avoir été le premier imprimeur d'Angleterre; ce 
qui lui valut , de la part de quelques écrivains du xvi* siècle, 
le titre de Prototypographus AngUœ^. Quant au récit d'At- 
kyns,il n'a pas le moindre fondement. Dès le xV siècle, 

en 1 4 80; en 1 481, il s*associa avec un certain Guillaume deMalines (de 
MachUnia) , qui exerça seul aussi Tannée suivante. Ils furent imités par 
quelques autres artistes. Toutefois le nombre des impressions du xv' siècle, 
datées et attribuées tant à Londres qu*à Westminster, est fort restreint : il 
ne s*élëve pas à deux cents. Plusieurs villes de France du second ordre 
sont plus riches. 

^ Voyez Middleton, Orig. ofprinting in Engkmd, Cambridge, 1735. Jo. 
Lewis, Vita GuiL Coxfonû^ Londres 1737. 



438 DE LORIGINË DE ^IMPRIMERIE. 

il était contredit par les vers suivants, qui se trouvent à 
la fin du Phalaridis epistola, sans date ( 1 48o environ), pu- 
blié par le premier imprimeur connu d'Oxford, lequel 
n aurait pu ignorer l'histoire de Gorsellis, si elle était 
vraie : 

Hoc Teodoricus Rood , quem Colonia misit , 

Sanguine Germanus, nobile pressit opus; 
Atque sibi socius Thomas fuit Anglicus Hunte. 

Dîi dent ut Venetos exuperare queant. 
Qoam Jenson Venetos docuit vir Gallicus artem « 

Ingénia didicit terra Britanna sao ^ 
Ceiatos, Veneti , nobis transmittere libros 

Cedite : nos aliis vendimus , o Veneti. 
Qus fuerat vobis ars primum nota , Latini , 

Est eadem nobis ipsa reperta presens. 
Quamvis sejunctos toto canit orbe Britannos 

Virgilius , placet bis lingua latina tamen. 

^ Ceci ne veut p&s dire que 1* Angleterre a inventé rimprimerie , mais 
qu*eUe la doit à on de ses enfants, et notf à un étranger, comme Tauniit 
été CorselUs. 



DEUXIEME PARTIE— CHAPITRE V. 439 



CHAPITRE V. 

ESPAGNE. 



Quoiqu'on ait publié en Espagne plusieurs ouvrages 
sur rhistoire de rimprimerie dans ce pays, on ignore en- 
core , en réalité , à quelle époque l'art typographique y 
fut positivement introduit, et quelle est la première ville 
qui en fut dotée : 

Suivant la Serna Santander, voici dans quel ordre se 
produisit et se propagea rimprimerie dans cette partie 
de l'Europe : 

Valence, lày/i. 

Barcelone, lAyS. 

Saragosse, liyô. 

Séville, 1477. 

Ces dates sont contestées, au moins en ce qui con- 
cerne Tune des quatre villes que je viens de citer, Bar- 
celone, pour qui Ton a récemment encore revendiqué 
l'honneur d'avoir, la première de toutes, été visitée par 
un imprimeur. Dans l'incertitude , je vais faire connaître 
les opinions nouvellement émises sur ce sujet. 

Voici d'abord quelques passages d'un article signé 
H. C. Landrin fils, publié dans le numéro du journal la 
Presse du 1 3 octobre 1 85o : 

(( Capmani dit que Barcelone fut une des premières 



440 D£ L ORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

villes du royaume qui firent suer la presse [sudar la prensci)^ 
et il fixe à 1 47 1 la date de la première édition de la Ca- 
ihena aarea de saint Thomas, dont Mendez nie Texistence. 
De Seiz ne fait remonter qu*à Tan 1473 l'importation de 
cet art à Barcelone : « Migravit hoc anno { 1 478) ars ty- 
« pographica versus occidentem in regiones Hispanas, et 
uBarcinone typis vulgati sunt Nicolai Boneti, ordinis 
« Minorum, Commentarii in libris Âristotelis, ac prœci- 
« pue Metaphysica. In-4^. » Fabricius dans sa BibUotheca, 
Bayer dan$ ses Notes sur Antonio, et Maittaire dans ses 
Annales, mettent en doute l'existence de cette édition de 
la Métaphysique d'Aristote. Mendez la nie complètement, 
en la reportant à Tannée i493. Mais Caballero nous 
apprend qu'il en fut fait deux éditions. Tune en 1478, 
et l'autre en i493, ce qui porte à croire que Mendez a 
fait confusion. Caballero cite encore, comme apparte- 
nant à la même année et à l'imprimerie de Barcelone, le 
Liber divinalis vocatas arbor scientiœ, de Raymondo Luli, 
que le père Mendez, emporté par l'habitude, nie sans 
examen. 

« Lorsqu'on cotisidère qu'en 1 476 on imprimait déjà à 
Saragosse, il est difficile de ne pas penser qu'avant d'arriver 
à cette dernière ville, l'imprimerie a dû passer par Bar- 
celone. On peut donc, sans courir le risque de se tromper 
beaucoup, accepter la date de 1478 comme l'époque à 
laquelle les premiers livres furent imprimés en Cata- 
logne. » 

Voici maintenant la traduction d'une curieuse notice 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE V. 441 

qua publiée M. G. Heine, de Berlin, dans le journal le 
Serapeum^ : 

a Mendez et ce qu*il a dit dans sa Typogr(ifia espanola 
sur les anciennes impressions de TEspagne font main- 
tenant autorité en Allemagne. Je n'en persiste pas moins 
à soutenir qu'il a commis des erreurs nombreuses et con- 
sidérables, qu'il serait bien temps de relever. Faux est 
ce qu'il avance sur l'introduction de l'imprimerie dans 
la péninsule ibérique, faux que les premières impres- 
sions soient le Certamen poetich et le Comprehensoriam^ 
imprimés à Valence en ili'jk et ikjS. On conserve dans 
la bibliothèque de l'académie, à Barcelone, un petit vo- 
lume in-octavo^, présent de l'estimable chanoine Ripol 
de Vich, qui prouve l'erreur de Mendez. L'extérieur de 
ce volume annonce tout d'abord l'âge le plus reculé. Les 
cinquante pages ^ dont il se compose sont sans chiffres 
et sans aucun autre signe (typographique); les initiales 
manquent, ou sont ajoutées d'une main moderne; il n'y 
a pas d'autre ponctuation que le point final ; il y a des 
abréviations nombreuses et difficiles à lire ; les lettres 
elles-mêmes ne sont pas uniformes : tantôt elles parais- 
sent gothiques, tantôt latines; les capitales R et V, par- 
ticulièrement, affectent les formes les plus diverses. Ce 

' Voyez t. VIII , p. 1 1 3^ 1 1 d de ce journal , qui se pubiie à Leipsick de- 
puis i84o, par cahiers de deux feuilles, les i" et i5 de chaque mois. 

^ G*est plutôt un petit in-d", comme on les faisait alors. 

^ Diaprés les renseignements particuliers qui m'ont été fournis, le vo- 
lume aurait'! 16 pages, ou peut-être même 1 16 feuillets. 



442 DE LORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

livre est une grammaire , comme Tannonce son titre : 
(( Pro condendis orationibus juxta grammaticas leges litte- 
« ratissimi autoris Bertholomei Mates libellas exorditur. » 
Il commence ainsi, après le titre ci-dessus : a [G]ramma- 
iitica est scientia gnara recte scribendi, recte loquendi. 
<(Hec diffinitio est Pétri Helic. que perfecte continet 
« necessaria , etc. » Enfin la souscription , se joignant aux 
autres preuves de haute antiquité qu'offi*e ce livre, est 
ainsi conçue : « Libellus pro effidendis orationibus ut 
u grammatice artis leges expostulant e docto viro Bertho- 
«lomeo Mates conditus, et per P. Johannes Matoses, 
« Gbristi ministrum presbyterque (sic), castigatus et emen- 
«datus, sub impensis Guiilermi Ros. et mira arte im- 
« pressa per Johannem Gberiint Âlamanum : finitur Bar- 
« cinone, nonis octobriis anni a nativitate Gbristi m. cccc. 
«Lxvni^» 

u Pour échapper à la force probante de cette indica- 
tion précise , il ne reste d'autre moyen qu une supposi- 
tion. On pourrait croire que, comme cela arrive fré- 
quemment, il s*est glissé une faute dans la date : qu un x 
ou deux seraient tombés; de sorte qu on devrait lire 1678 
ou même 1 /i88. Mais ce ne serait qu une supposition que 

^ Pour toutes ces citations, je me sers à' un fac-similé envoyé de Barce- 
lone , et qui m'a permis de rectifier cpieicpies inexactitudes échappées à 
M. Heine. Je dois ce fac-similé, ainsi que quelques autres, à M. Bermudez , 
président de la Société des antiquaires de Madrid, qui, ayant résidé pen- 
dant quelque temps à Paris , a bien voulu , pendant son séjour dans cette 
ville , demander des documents en Espagne à quelqu'un de ses amis , les 
lettres que j'avais écrites moi-même étant restées sans réponse. 



DEUXIÈME PARTIE. —CHAPITRE V. 443 

rien ne justifierait. On devrait pintôt, s appuyant sur cette 
preuve de Imtroduction de rimprimerie en Espagne à 
une époque trè»-reouiée, en conclure en faveur de i*exis- 
tence de ia Caihena aurea de 1&71, révoquée en doute 
par Mendez. » 

Cette conclusion serait en effet rigoureuse, si le petit 
livre de Barcelone était réellement de la date qu'il porte; 
mais ie'fac-sùnile qui m en a été envoyé ne permet pas de 
le croire : 1 ° le livre nous offre deux caractères, ce qui est 
un luxe inoui en 1 &68 pour un imprimeur à son début; 
2^ Tun de ces caractères est d*une petitesse inconnue à 
cette époque : il n'a guère que neuf points ou neuf points 
et demi , c est-à-dire qu'il est plus petit que tous ceux que 
nous avons mentionnés jusqu'ici ; 3*^ la forme de ces ca- 
ractères , qui est d'un gothique tourmenté , semble leur 
assigner une époque assez tardive ; U^ la disposition du 
titre du livre en deux lignes distinctes en petit caractère, 
et celle de la première ligne du texte en gros caractère 
( . . . rammatica est scientia) semblent aussi se rapporter à 
une autre époque que 1 468. 

Mais, outre les raisons tirées de la forme du livre lui- 
même contre la date qu'il porte, nous en avons une bien 
plus puissante tirée du nom de l'imprimem*. Nous voyons 
que ce dernier, appelé Gherlint, était Allemand. H faut 
supposer qu'il était dans la force de l'âge lorsqu'il vint 
exercer sa profession en Espagne : or nous le retrou- 
vons, environ trente ans après la date du livre de Barce- 
lone, exerçant sa profession à Braga, en Portugal, où il 



kkk DE L'ORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

imprima, en 1/Î9À, le Bréviaire du diocèse, Breviarium 
Bracharense , livre qui porte cette souscription ; « Impres- 
(( sum in Âugusta Bracharensi civitate per magistnim Joan- 
(t nem Gherlinc, Alemannum, anno Salutis Ghristianae m. 
« cccc. xciv. » Pour moi, supposant que Gherlint a quitté 
Braga peu après Timpression du Bréviaire, car on ne 
connaît point d autre livre de lui, je suis tenté de croire 
qu'il faut lire sur le livre de Barcelone m. cccc. xcvra au 
lieu de m. cccc. Lxvni. 

Pour éclaircir ce doute , j'ai écrit à Valence à M. Pierre 
Salvà , fils de feu Vicente Salvà , qui exerçait naguère la 
librairie à Paris, où plusieurs érudits l'ont connu, et qui 
s'était beaucoup occupé de l'histoire de la typographie 
en Espagne. Voici ce que m'a répondu en substance 
M. Pierre Salvà, possesseur des notes de son père: «Le 
premier ouvrage imprimé en Espagne avec une date cer- 
taine est le Comprehemorium de Valence , 2 3 février 1 4 7 5 , 
qui existe à la Bibliothèque nationale de Paris. Le second 
est le Salluste en latin, également de Valence (1 3 juillet 
1 AyS), en ma possession. Quant au petit volume de Bar- 
celone, que nous avons examiné, mon père et moi, très- 
attentivement, je ferai voir, lorsque je publierai le cata- 
logue de ma bibliothèque , qu'il y a beaucoup de raisons 
pour croire cette date apocryphe, raisons qui ne peu- 
vent manquer de convaincre ceux qui connaissent un 
peu la bibliographie et la typographie. » 

' Gomme M. Sdvà ne m'a pas fait connaître ses moti& 
de suspicion, je ne puis les donner. Je me défie même 



DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE V. 445 

un peu de son opinion , à cause de son origine : les deux 
seules villes d'Espagne qui puissent se disputer sérieuse- 
ment l'honneur d avoir reçu en premier lieu l'imprime- 
rie sont Barcelone et Valence ; en optant pour cette der- 
nière, M. Pierre Salvâ est peut-être trompe par l'amour 
de sa ville natale. Toutes les traditions, en effet, semblent 
favorables à Barcelone. 

Cependant, s'il fallait s'en rapporter à certains écri- 
vains. Valence serait non-seulement la première ville de 
l'Espagne, mais encore l'une des premières villes d*Eu- 
rope qui auraient été dotées de l'imprimerie. Vicente Xi- 
meno, dans ses Escritores del reyno de Valencia, à l'article 
de Miguel Ferez , cite deux éditions du Verger de la Vierge 
Marie, imprimées à Valence en ilx^i et en i463; mais 
ces éditions doivent aller rejoindre celle de Léonard 
Ârétin , imprimée à Salamanque en 1 60 1 . Je ne m'amu- 
serai pas à en aller chercher les dates probables , toutes 
fort postérieures à l'époque qui nous intéresse. 

M. Pierre Salvà dit que le premier livre imprimé à 
Valence, avec date certaine, est le Comprehensoriam du 
Q 3 février 1 iyS; mais cette date, qui nous reporte à 1 676 
nouveau style, car en Espagne, comme en France, on 
datait alors l'année du jour de Pâques, est postérieure à 
celle du Salluste, qui est du 1 3 juillet. Au reste, tous les 
bibliographes citent un autre ouvrage antérieur aux deux 
derniers, car il est daté du a 5 mars 1474(1475 nouveau 
style). C'est le Certamen poetich, dont voici le titre réel : 
« Obres o trobes les quales tracten de lohor de là sacra- 



ft46 DE LORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

« tiflsima Verge Maria, auctore Bemardo Fenoiiar, una 
«cum aliis poetis. » In-quarto. Il ne porte pas de nom 
d^imprimeur. 

Le seul livre ancien de Valence que j aie vu est le 
CompreheMorium, espèce de Dictionnaire latin, attrU)ué 
à un auteur appelé Jean. Il forme un gros volume petit 
in-folio à deux colonnes, sans signatures ni réclames. Le 
caractère est romain , mais encore un peu gothique. Le 
nom de Timprimeur ne figure pas dans la souscription ^; 
mais on sait que le premier imprimeur de Valence fut 
un Mlemand appelé Lambert Palmart , associé d'abord 
avec Âlonzo Femandez de Cordova , qui lavait peut-être 
attiré dans ie pays. La première impression où ieur nom 
paraisse est la fameuse Bible limousine de 1/178, dont 
on ne possède plus aujourd'hui que quatre feuillets, dé- 
couverts seulement en 1 6&5 dans les archives de la ville 
de Valence. Heureusement la souscription se trouve sur 
lun de ces feuillets. En voici le passage le plus intéres- 
sant : u Es stada empremptada en la dutat de Valencia , a 
i( despenses del magnifichen Philip Vizlant, mercader, de 
«la vila de Isne, de alta Alemanya, per mestre Âlfonso 
tt Femandez de Cordova , del règne de Gastella , e per 
« mestre Lambert Paiomar [sic) y Alamany, mesti^e en arts. 
(( Gomençada en lo mes de febrer del any mil quatrecens 

^ Voici cette souscription , qui se trouve avant les feuillets du registre : 
« Presens hujus Gomprehensorii preclarum opus * Valentie impressum , 
«annoM. cccc. lxxv, die vero xxiii Febroarii , finit féliciter. » (Bibl. nat. 
in-fol. X. 898 B, réserve.) 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE V. 447 

«setanta set, e acabada lo mes de marc del any mil 
« CCGG. Lxxyiii. » G est-à-dire , commence au mois de fé- 
vrier 1 478 nouveau style, et fini au mois de mars 1479, 
mais avant le a a, qui fut le jour de Pâques. La dispari- 
tion complète de ce livre doit être attribuée aux ordres 
de rinquisition, qui défendit la lecture de TÉcriture sainte 
en langue vulgaire. On n a jamais vu une proscription 
officielle arriver à un résultat aussi complet. L'Espagne 
seule pouvait ofirir un pareil exemple. 

La souscription de la Bible limousine nous apprend 
que f imprimeur, aussi bien que le libraire de Valence 
pour qui le livre fut exécuté , était Allemand. Ce dernier 
nous fait même connaître le nom de sa ville natale , Isn , 
en Bavière. 

Le premier imprimeur connu de Barcelone, sans par- 
ler de Gheriint , fut aussi un Allemand , Nicolas Spindeler , 
associé à Pierre Bru, Savoyard. Ils imprimèrent ensemble* 
en 1478 : Commentarii D. Thomœ in Ethica et Poliiica 
Aristotelis; peut-être est-ce là ce livre que de Seiz date 
de 1473^ Antonio^ dit avoir vu un livre imprimé dans 
cette ville en 1 475; mais il n'indique ni le format, ni le 
nom de Timprimeur : c est un traité de Valastus de Ta- 
renta, intitulé De epidenUa et peste, traduit en langue ca- 
talane par Jean de Villar. 

Le premier imprimeur de Saragosse fut, si Ton en 
juge par son nom , un Flamand. Il s'appelait Matthieu 

* Voyei ci-dessus, p. 44a. 
"^ Bihl. Hisp. Vet, t. II, p. 200. 



448 DE LORIGINE DE ^IMPRIMERIE. 

Flandnu^ . Il imprima une édition du Manipulas cwra- 
toram , de Guy de Montrocher, in-folio , en caractères go- 
thiques, datée du 1 5 octobre i AyS. On ne connaît point 
d*autre livre de cet imprimeur, après lequel on voit pa- 
raître Paulus Hurus, de la ville de Constance en Suisse, 
qui sacquit une certaine célébrité dans la typographie 
espagnole. 

La quatrième ville d'Espagne qui reçut Timprimerie 
fut Séville, en latin HispaUs, où trois artistes Elspagnob, 
Antonio Martinez, Bartholome Segura et Âlphonso del 
Puerto, vinrent l'exercer vers 1 67 6, peut-être même avant, 
car on possède ime édition sans date du Sacramentale de 
Clémente Sanchez de Vercial qui offre toutes les marques 
d'une grande antiquité, et qu'on croit de 1 4 7 5. Quoiqu'elle 
ne porte pas de nom d'imprimeur, on ne peut douter 
qu'elle n'appartienne aux artistes que je viens de nommer, 
lesquels donnèrent successivement deux autres éditions 
de ce même livre, en 1^77 et en 1478. Celle de 1^77 
porte la souscription suivante : « Fue impresa esta obra en 
c( la dicha muy noble e muy leal cibdad de Sevilla por los 
« diligentes e discrètes maestros Anton Martines e Bar- 
c< tbolome Segura e Alphonso del Puerto. E acabose en 
(( primero dia del mes de Agosto , anno del nacimiento 

^ Née de la Rochelle (Recherches historiques et critiques sur TétabUsse- 
mehtdetart typographique en Espagne et en Portugal, i83o, in-8^ Pans) 
dit, en pariant de cet imprimeur : « Ce Mathaeus Flander est peut-être le 
même que Mathieu Vendrell , que Ton regarde comme un honnête mar- 
chand et des plus anciens lihraires d'Espagne, ayant fait faire des édi- 
tions à ses frais à Gironne en i48o, à Barcelone en i484. » 



DEUXIEME PARTIE— CHAPITRE V. kk9 

<( del Nuestro Salvador Jesu Ghristo de mill e quatrocien- 

« tos e setenta e siete anos (i* août 1 477). » Il 

est composé de 168 feuillets, avec signatures, mais sans 
chiffres ni réclames. 

La même année ils publièrent ausai le Manuale de Al- 
phonso Diaz de Montalvo, qui est peut-être le premier 
ouvrage daté de Sévilie. La souscription de ce livre , cu- 
rieux et rare tout à la fois, prouve du moins que ces im- 
primeurs furent les premiers typographes qu ait eus cette 
ville. fJle est ainsi conçue : 

Si petis artifices primos quos Ispalis olim 
Vidit, et îngenio proprio monstrante peritos, 
Très fuerunt homines : Martini Antonius , atque 
De Portu Alphonsus, Segura et Bartholomeus. 

M. CCCC. LXXVÏI. 

Les termes de cette souscription viennent confirmer 
ee que j ai dit relativement à la première édition sans 
date du Sacramentale , car elle nous apprend que ces ar- 
tistes avaient pratiqué avant ik'j'j : quos vidit olim Ispalis, 

Ces trois artistes se séparèrent peu de temps après, et 
travaillèrent isolément. Âlphonso del Puerto imprima de 
la sorte la Cronica de Espana abreviada, aussitôt que don 
Diego de Vsdera eut achevé de l'écrire , ce qui n eut lieu 
qu'en 1 48 1 . L'impression de ce livre, qui forme un gros 
volume in-folio , en caractères gothiques , à longues lignes , 
sans chiffres ni réclames , mais avec signatures, fut ache- 
vée en 1/182, comme nous l'apprenons du curieux épi- 
logue qui le termine, lequel est adressé à la reine Isa- 



450 DE L ORIGINE DE L'IMPRIMERIE. 

belle. Eli voici le passage essentiel , tiré des Annales de 
Panzer ^ ; car je n ai malheureusement pu voir f original : 

Agora de nuevo, serenissima princesa , de singular ingenio, ador- 

nada de toda doctrina , alumbrada de claro entendimiento 

asi como en socorro puestos ocurren con tan marayiUosa arte de 
escrevir, do tomamos en las hedades aureas, restituyendonos por 
multiplicados codices en conoscimiento de lo pasado, présente y 
fiituro, tanto, quanto ingenio humano conseguir puede , por nas- 
cion Alemanos , muy espertos y continuo inventores en esta arte de 
imprimir, que sin error, divîna dezir se puede. De los quales Ale- 
manos es uno Michael Dachaver, de maravilloso ingenio e dotrina, 
muy esperto, de copiosa memoria, familiar de vuestra alteza, a 
espensa del quai e de Gracia dd Castillo, veâno de Médina del 
Campo*, tesorero de la Hermandad de la cibdad de Sevilia, la pré- 
sente istoria gênerai en multiplicada da copia por mandado de 
vuestra alteza, a honrra del Soberano e immenso Dios, uno en es- 
cencia e trino en personas. En vuestra muy noble e muy leal db- 
dad de Sevilia fue impresa per Alonso del Puerto, en el anno dd 
nascimento de Nuestro Salvador Jhesu Ghristo de mil e quatroden- 
tos e ochenta e dos annos'. 

La Sema Santander^ dit que Michel Dachaver et 
Garcia de Gastille ne furent que les Mécènes de cette 

' Cette copie renferme évidemment beaucoup d*erreurs, outre cdles ^ 

que j*ai rectifiées. 

' Lisez : c Garcia del Gastilio, vezino (citoyen) de Médina del Gampo. » -^ 

Médina del Gampo est une petite ville près de Valladolid. 

' La même souscription se trouve à une seconde édition de ce livre, 
imprimée à Bruges en 1 487. L'imprimeur a seidement substitué son nom 
à ceux de Dachaver et de Garcia de Gastille : «De los quales Alemanos es 
cuno Frederico de Basilea, de maravilloso ingenio e doctrina, mny 
« esperto, etc. » 

* Dicthihli.ni,p. 4 12. 



DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE V. 451 

édition. Cela peut être exact pour le dernier; mais je ne 
suis pas éloigné de croire que Michel Dachaver fut le vé- 
ritable importateur de lart typographique à Séville, quoi- 
qu'il ne porte pas le titre d'imprimeur. Cet Mlemand n'a- 
vait aucun intérêt moral à la publication de la Chronique 
de Valera, et il n'en aurait pas fait lés frais, s'il n'avait eu 
quelque lien particulier qui l'attachât à l'imprimeur de 
ce livre. La manière dont son nom intervient ici semble 
le mettre sur le même pied que les illustres Allemands 
inventeurs de l'art dont paiie la souscription. En tout 
cas, il avait été au moins libraire, comme son célèbre 
compatriote Philippe Vizlant, dont le nom figure déjà 
dans l'une des souscriptions précédentes, avant de deve- 
nir le familier de la princesse. 

Quoi qu'il en soit, il est certain que les Allemands 
jouèrent un grand rôle dans le début de l'imprimerie en 
Espagne et en Portugal. 

Voici, d'après les données que nous avons, et en 
exceptant du concours le livre daté de 1 468, l'ordre d'in- 
troduction de l'imprimerie dans les quatre villes que j'ai 
nommées : 
\ Barcelone, liyS [?]. — Valence, i/iyA. — Saragosse, 

' lAyS. — Séville, 1476. 

Quant à Madrid et Lisbonne , elles ne furent dotées 
de l'imprimerie que beaucoup plus tard. 

Ici se termine la tâche que je m'étais imposée. Comme 
on l'a vu, c'est dans les monuments les plus authenti- 



452 DE LORIGINE DE L IMPRIMERIE. 

ques du temps et dans les premiers produits de Tart que 
j'ai cherché ia vérité. Je les ai pour cela comparés , dis- 
cutés, soumis à la critique la plus sévère, et je crois en 
avoir fait jaillir quelque lumière. J'ai suivi Timprimerie 
pas à pas dans ses premiers essais; j'ai fait voir comment 
elle était née , comment elle s'était développée, conunent 
enfin elle s'était propagée dans l'Europe, ce foyer unique 
de la civilisation avant la découverte du Nouveau-Monde. 
Maintenant, grâce à cet art merveilleux qui va se ré- 
pandre rapidement partout, la barbarie n'est plus à crain- 
dre : pour la combattre , l'humanité possède une arme 
sans pareille. L'imprimerie va transformer la société : c'est 
au moraliste à continuer cette histoire. 



FIN. 



M rORIfiH ET DES DÉBUTS DE LINPEINERIE EN EUROPE, 



Par AuG. BERNARD. 



(S volumes iu-8^ Paris, imprimerie impériale, 1S53.— A Paris, chez 
MM. Renoaard et G^», libraires, rue de Tournon, n» 6, et chez l'Auteur, 
pue Lepeletier, 25.) 



Paris, le SO. octobre 1854. 

L'accueil bienveillant fait à mon livre sur Forigine de rim« 
primerie par le public lettré auquel il était destiné , et qui en 
a presque épuisé l'édition en un an, me faisait un devoir de 
rédiger une table qui en rendit Tusage plus facile. J'ai suivi 
pour la rédaction de ce travail le mode qui m'avait été indiqué 
par plusieurs bibliothécaires français et étrangers, qui, ayant 
fréquemment occasion de recourir à mon livre, m'ont eux- 
mêmes tout à la fois signalé cette lacune et tracé le plan de 
l'index destiné à la combler. Je me suis efforcé de remplir leur 
vceux dans une série de petites tables distinctes, à l'aide des- 
quelles il sera facile de trouver tout ce que l'ouvrage renferme 

30 



454 

d'essentiel au point de vue de la bibliographie et de l'histoire 
littéraire. Ces tables sont au nombre de cinq : 

1° Imprimeurs, libraires, etc., cités; 

2** Impressions du xv* siècle décrites; 

3<» Localités où l'établissement de Fimprimerie est signalé ; 

4» Pièces originales rangées dans l'ordre chronologique ; 

S** Matières principales par ordre alphabétique. 

De plus, j'ai ajouté à ce fascicule, qui pourra être joint faci- 
lement aux exemplaires (1), un feuillet où j'ai relevé les fautes 
les plus graves (2) qui m'avaient échappé , et où j'ai consigné 
quelques additions. 

Je prie les personnes qui ont bien voulu me communiquer 
leurs observations sur mon livre d'agréer mes remercîments 
bien sincères. Elles verront que j'en ai profité. 

AuG. BERNARD. 



(1) On devra le placer à la fin du second volume, comme l'indique la pagi- 
naUon. Pour qu*on puisse ce joindre fascicule même' aux exemplaires déjà 
reliés, je Tai fait imprimer en très-petits caractères et avec abréviations, de ma- 
nière à ne former qu*un nombre de feuillets très-restreint. On pourra d*ailleurs, 
si on le préfère, joindre cette table à mon Archéologie typographique^ dont la pre- 
mière livraison, composée de trois feuilles d'impression, et renfermant le récit de 
mes voyages typographiques, est en vente. 

(S) Je n*ai pas cru devoir relever les simples fautes d'impression, que tout 
le monde a pu remarquer; car je suis trop typographe pour croire que je les ai 
toutes vues : je ne signale ici que les inadvertances qui pourraient induire en 
erreur. 



TABLES. 



(Le chiffre romain indique le tome; le chiffre arabe, la page; la lettre t., les paget 
. suivantes ; la lettre n., les notes. Les dates et les noms d'imprimeurs douteui sont 
entre parenthèses). 



I. Imprimeurs, libraires, correcteurs, <îraveur8, etc., cités 

DANS LE LIVRE. 



Adam. Yoy. Michaeli», 

Albinus (Philippe), d'Aquitaine, imp. 

à Yicence, ii, 340. 
Aide Manuce, imp. 2i Yenise, ii, 196. 
Alding (Henri), d'Allemagne, imp. à 

■ Catane, Messine, Naples, etc., ii, 358. 
Alessandrino (Gergio), correct, chez 

Yindelin de Spire, ii, 183. 
Alexandre, imp. à Fivisano, il, 307. 
Allemagne (Nicolas, fils de Laurent d'), 

imp. a Florence, ii, S41-251. 
Allemand (Jean T), de Mayence, imp. à 

Lyon, II, 346. 
Andriesson (Jean), imp. à Haarlem, ii, 

431. 
Anonyme (imprimeur) à la lettre R, ii, 

84, 87, 105, S., 306. 
Ansicarus, traduction latine du nom 

de famille de Gutenberg (Gensfieisch, 

chair d'oie), l, 315. 
Antoine (frère), éditeur à Rome, ii, 

141. 
Azzoguidi (Balth.), imp. à Bologne, ii, 

336. 
B. H.', éditeur à Milan, ii, 335. Yoy. 
. Benignu» de Honate. 
Bamler (Jean), rubricateur, puis imp. 

à Augsbourg, ii, 80, 101,131, 133. 
Banco, orfèvre, grar. de caractères à 

Florence, ii, 348. 
Baptiste, imp. à Fivisano, n, 307. 
Bartoldus (Gianes), de Fribur, caution 

de Yaldarfer, ii, 339. 
Bechtermuntze (Henri et Nicolas), imp. 

à Mayence. puis à Eltvil, ii, 4-14. 
Beckennub (Jean), de Mayence, imp. à 

Strasbourg, ii, 104. 
Becthold. Yoy. Uanau. 
Beildeck (Laurent), domestique de Gu- 
tenberg à Strasbourg, i, 139, s. 
Belfort (André), Français, imp. à Fer- 
rare, II, 354, 340. 
Benignusde Honate, éditeur à Milan, ii, 

335. 
BenvenutQ, orfèvre, grav. de caractères 

à Florence, ii, 346. 
Berardi (Christ.), de Pesaro , correct. 

chez Yindelin de Spire, il, 183. 
Beroald (Phil.), èdit. A Bologne, ii,335. 
Berthold. Yoy. Rot, 
Bitz, facteur de P. Schoiffer, à Lubeck, 

1,390. 
Bonaccursius Pisanus, èdit. à Milan, 

II, 313 n. 



Bonhomme (Pàsquier), libraire, puis 

imp. à Paris, ii, 393, 337, 
Bonus. Yoy. Gallua, 
Briton (Jean), prétendu inv.Xde Timp. 

à Bruges, il, 396, s. 
Bru (Pierre), Savoyard, imp. à Barce- 
lone, II, 447. 
Bruges (André de), imp. à Messine, ii, 

358. 
Bruges (Louis de), seigneur de la Gru- 

thuyse, mécène de Mansion, à Bruges, 

II, 358, s. 
Bruxelles (Arnold de) , imp. i Naples, 

II, 358. 
Buckinck (Arnold), d'Allemagne, grav. 

et imp. à Rome, il, 159-160. 
Burgo (P. Ant. de), dit de Castillione^ 

associé de Zarot, ii, 316, s. ~ (Nico- 
las), frère dû précédent, aussi associé 

de Zarot, ti, 333. 
Buyer (Barlbél,) , imp. à Lyon, il. 340- 

344. — (Jacques) , rrére du précèd., 

imp. i Lyon, ti, 314. 
G. w., imp. à Strasbourg, ii, 104. Yoy. 

Wolfius. 
Cœsaris (Pierre), Allemand, imp. & Pa- 
ris, II, 384, 333, s. Yoy. Keytere. 
Gampanus (J.-A.), correct, chez Ulrie 

Habn, II, 164-165. 
CarafTa (le cardinal de), mécène de G. 

Laver, ii, 168. 
Caslillo (Garcia de), édit. à SéviUe, ii, 

450-451. 
Gavalc^o (Peregrinus), édit. à Yenise, 

II, 304. 
Caxton (Will.), imp. à Cologne, ii, 113, 

364-386; à Londres, li, 433-437. 
Cennini (père et fils), imp. à Florence, 

II, 337. 
Chardelle (Nicodéme de), associé de son 

oncle S. Nicolaï, n, 166. Yoy. Nicolaï, 
Givitale (Barth. de) , imp. à Lucques, 

II, 307. 
Clément de Padoue {Patavinu»)^ d'abord 

calligraphe à Lucques, puis imp. i 

Yenise, ii, 303, s. 
Cologne (Jean de), imp. à Yenise, il, 

183, 193, 195. 
Coral (Et.), de Lyon, imp. à Parme, 

II, 340. 
Cornélius, apprenti imp. de Coster,puis 

relieur à Haarlem, i, 63. 83, 85, 90. 
CorseUis (Frédéric), prétendu import, de 

l'imp. en Angleterre, ii, 433-434, 438. 



456 



mPRIMBURS, LIBBAIRE», COURECTKUM, CRATKUIIS, KTC. 



Coster (Lauréat), imp. à Haarlem de 
U33à 1440, I, 56-lU; il, 431. Voy. 
ee qui coDceme le .Spéculum humana 
êalvationis, dont TinipressioD lai est 
attribuée, i, 1&^. 

Craotz ou Granli (Martin), imp. i Paris, 
II. 133, S97-338. Voy. Grantx. 

Creossner (Frédéric), imp. à Marem- 
berg, II, 117. 

Dachater (Michel), Allemand, édit. i 
SéTille, II, 4S0-451. 

Demetrius Greteosis, édit. à Milan, ii, 
339. 

DinclLmut, imp. en xylographie à Mu- 
nich et à Ulm, i, 107 n. 

Derflin(i( (Jean), de Winterthur, associé 
d^Hélie Loufren, ii, 399 n. 

Drack (Pierre), imp. à Spire, ii, 134. 

Dritzehen (André), associé de Guten- 
berg à Strasbourg, 1, 133, s.— (Georges), 
frère du précédent, fait un procès à 
Gutenberg, i, 133, s. 

Bttnne (Hans), orfèvre, grar. de carac- 
tères pour Gutenberg, à Strasbourg, 

I, 134, 143. 

Bggestein (Henri), imp. k Strasbourg, 

1,39; 11,70,9^103. 
Eiseneck. Voy. ii«neclr. 
Emeric (Jean), de Udenheim, dil de 

Sjnre, imp. à Venise, ii, 134, 183. 
Empereur (Arnoux de V) ou Cssaris, 

imp. à Audenarde, ii, 332 n. Voy. 

Ceuarii et Keysere. 
Bstieont (Henri et Robert), imp. ii Paris, 

II, 338. 

Fabri (Jean), de Langres, imp. à Turin, 

11,340. 
Fernandez (Alonio), de Cordoue, imp. 

à Valence (Espagne), ii, 446. 
Fichet (Guilt.) , Tun des introducteurs 

de'rimprimerie à Paris, ii, 396, s. 
Finiguerra (Maso), grav. à Florence, 

I, 3, 4; II, 106, 107, 337, 343. 
Flaccus (Martinus), imp. à Strasbourg, 

11.66. 
Flandria (G. de). Voy. Lùa, 
Fiandrus ou Flander (Math.), Flamand, 

imp. à Saragosse, ii, 447. 
Fonzio (Barth.), correct, chez D. de 

Pistoia, II, 347. 
Français (Eustaehe le), imp. à Bresse, 

II, 340. 

François, correct, chez P. Schoiffer, 
1,375. 

Frères de la vie commune , imp. au 
Tal-Sainte-Marie (Marienthal), dans 
le Rheingau. ii, 16-18. 

Friburger (Michel) , de Colmar, imp. i 
Paris, II, 133, 397-338. 

Fnst (Jean), d*abord associé de Guten- 

. berg à Mayence, 1, 1S9, s.; puis impri- 
meur lui-même, i, 316, 968, 396-315; 
II. 385-393, 319-330; soupçonné par 
Junius d'être le voleur de Coster, 
1, 63, 80. — (Conrad), autrement dit 
VaMftttt, Hwnlif, Heneku (Petit-Je«D), 



fils du précédent, lui succède, ii, 354- 
193. — (Ghristina), fille de Conrad, 
femme de P. Schoiffer, i. S56, s. — 
(Jacques), frère de Jean, i, 194, s., 356. 
» (Nicolas) , luge à Mayence, i, 900. 

Gallus (Bonus), imp. à Colie, i, 903* 

Gallus (Ulric). Voy. Hahn, 

Gastaldi (Pampbilo), un des prétendus 
Inventeurs de Tlmp., à Trévise, il, 353.^ 

Gensberg (Jean), de Laudenbach, imp. 
à Rome, i, 314. 

Gensfleisch(Jean) Tancien, oncle de Gu- 
tenberff , i, 81, 117, 156, 163.— Autre 
Jean Gensfleisch, i, 303, 393. Voy. 
Gutenberg, 

Gering (Ulrte) , de Constance , imp. à 
Paris, II, 133, 397-339. 

Gernsheim ou Gimsbeim (Pierre de). 
Voy. Schoiffer (P.). 

Gberlint (Jean), Allemand, imp. h fiar- 
celone, ii, 443 ; à Braga, ii, 443. 

Grantz (Pierre), témoin pour Gutenberg 
en 1455, 1, 900. Voy Crantx. 

Gupalatinus (Nicolas), éditeur à Venise, 
11,304. 

Gutenberg (Jean Gensfleisch le jeune^ 
dit), Tun des inv. de Timp., i, 115-315» 
396-315: II, 5, s. Voy. Gensfieieoh. 

Guymier (Jean), libraire à Paris, i, 339, 
888; 11,387. 

Hahn ou Han (ITIric), dit Galltu, imp. à 
Rome. II, 145, s., 169-167, 170. s., 955. 

Hanau (Bechtold de), témoin pour Gu- 
tenberg, 1, 195. Voy. Rot, 

Hanequis. Voy. Fitt< (Conrad). 

Hato (Jean de), associé de D. de Pis- 
toia, II, 951. 

Hauenslein (Jodocus) , de Spire, imp. à 
Naples, II, 135.183. 

Heilmann (André), associé de Guten- 
berg à Strasbourg, i, 133, s. 

Hélie (Hélie), dit louffen ou lûuffen, 
imp. à Munster, ii, 138, s. 

Henlif ou Henekes. Voy. Fuit (Conrad). 

Herbert (Jean), de Seiingenstadt, imp. 
à Venise et à Padoue, ii, 194-195. 

Heremberck ( Jacques ) , d*Allemagne , 
imp. à Lyon, ii, 347. 

Hermann de Statboen, facteur de Guy- 
mier, I, 339; de P. Schoiffer, i, 988; 
II, 887. 399. 339, s. 

Heynlin (Jean), de Stein (Von Stein, au- 
trement dit de la Pierre), Tun des in- 
troducteurs de rimp. à Paris, II, 996, s. 

Hippolyte, imp. à Florence, ii, 944 n. 

Homery (Conrad), détenteur de Timp. 
de Gutenberg, en 1468, i, 911 ; n, 5^. 

Huen (Nicole le), traduct. franc. duFoy. 
de Brejfdenback, impr. à Lyon, il. 347. 

Hunte (Thomas), Anglais» imp. a Ox- 
ford, II, 438. 

Hurus (Paul), de Constance, Imp. h 
Saragosse, ii, 448. 

Ingwilfer. Voy. hauêch. 

Iseneeh,Tseneck ou Eisenech (Jean), té- 
moin pour Fnst, en 1455, i, 900. 



IMPRIMEURS, LIBRAIRES, CORRECTEURS, GRAVEURS, ETC. 



457 



Jean,ouvrierdeCo9ter, irop.àMayence? 

I, 80-83, 93-94, 110, 8.; il, 157. 
Jean, imp. à Fivisano, ii, 207. 
Jean-Anaré, évéque d'Aléria, éditeur à 

Rome, II, 148. 
Jenson (Nicolas), imp. à Venise, ii, 179, 

184-196, 273-284. 
keffer ou Keppfer (Henri), imp. à 

Mayeoce, ii, 14-15; à Nuremberg, ii, 

115-118. 
Ketelaer (Nie), imp. à Ulrecbt, ii , 419. 
Keysere ( Arend) , imp. à Audenarde, ii, 

323. Vo3r> Ckesari», 
Kislen, Kisten ou Kist (Jean), témoin 

pour Fust, I, 200. 
Knopff ou Knost (Jean) , témoin pour 

Fust, 1,200. 
Koburger (Ant.), imp. k Nuremberg, i, 

287; II, 117-118, 327. 
Kœpfel. Voy. Wolfgang, 
Lapierre. Voy. Heynlin. 
Lapis (Dominique de) , imp. à Bologne, 

II, 234. 
Laudenbacb. Voy. Getuherg» 
Laurent (fils de François, de Venise), 

imp. à Florence, ii, 246-250. 

Lavagna (Philippe de), imp. à Milan, ii, 
213-231. 

Laver (Georges), de Wurtzbourg, imp. 
à Rome, Ii, 153, 168. 

Leempt (Gérard de), imp. àUtrecht, u, 
419. 

Leroy (Guill.)» autrement ditKe0M,imp. 
à Lyon, ii, 340-346. 

Letton (Jean), imp. à Londres, ii, 436. 

Levilapide (de Cologne), imp. a Vicence, 
II, 160 n. 

Lignamine (Jean -Philippe de), de Mes- 
sine, imp. à Rome, ii, 168-170. 

Lisa (Girard de), Flamand, appelé aussi 
G. de Flandriaf imp. à Trévise, à 
Vicence, à Venise, à FriuH, à Udine, 
II, 254. 

Louffei) ou Laurfen. Voy. Hélie. 

Machlinia. Voy. Malinet. 

Matines (Guill. de Machlinia ou de), imp. 
à Londres, ii, 437. 

Mansion (Golard), d*abord calligraphe, 
puis imp. à Bruges, ii, 358, 386, s. 

Manuce. Voy. Aide, 

Martens (Thierry), imp. à Alost, à An- 
vers, à Louvain, i, 54; ii. 401-413, 416. 

Martinez (Ant.), imp. à Seville, ii, 448- 
449. 

Maufer (Pierre), de Rouen, imp. à Pa- 
doue. II, 340. 

Maximis (P. et F. de), mécènes deSwein- 
heim et Pannartz, ii, 148. 

Mayence (Jean, fils de Pierre dej, Alle- 
mand, imp. a Florence, ii, 240, 251. 

Mayence (Pierre de). yoy,Schoiffer{?.). 

Maynyal (Guill.), imp. a Paris, ii, 337. 

Mentelin (Jean), imp. à Strasbourg, ii, 
61-97, lCa.109. 

Meydeiibach (Jean et Jacques de), imp. 
à Mayence, ii, 16. 



Michael (Angeio), collaborateur de Le- 
vilapide. Il, 160 n. 

Michaelis (Pierre-Adam de), imp. à Man- 
toue, 11,227 n. 

Milnet (Bernard), graveur, i, 4. 

Mombritio (Bonino), édit. à Milan, ii, 
212 n., 231. 

Montanus (Colla), associé de Zarot, II, 
216, s.; de Valdarfer, ii, 227, s. 

Moravus (Maihias), d'Olmutz, imp. à 
Gênes, ii, 256 ; à Naples. ii, 258. 

Nicolaï (Simon) , de Cnardelle , imp. k 
Rome, II. 165-168. 

Nicolas dWilemagne. Voy. Allemagne. 

Numeister ou Nummeister (Jean), imp . 
k Mayence, I, 204; ii, 15; k Foligno, 
II, 208-211. 

Omnibonus ( Leonicenus } , correcteur 
chez Jenson, ii, 191. 

Opilio, trad. latine du nom de Schotf- 
fer (en franc, beraer)^ l, 161, 217. 

Orlinis (Emilien de), imp. k Foligno, if, 
208-210. 

Orsonibus (Gabriel de) , associé de Za- 
rot. II, 216, s. 

Pachel (Léonard), imp. à Milan, ii, 229. 

Pacini (Pierre et Nardo), associés de D. 
de Pistoia, ii, 251. 

Palmar (Lambert), Allemand, imp. k 
Valence (Espagne), ii, 446. 

Pannartz ( Arnold ) , Allemand , imp. à 
Rome^ II, 136-159, 170 s. 

Paravisinus (Denis), imp. kCôme, puis 
à Milan, ii, 232. 

Patavinus. Voy. Clément de Padoue, 

Pavero (Gabriel), de Fontana, associé 
de Zarot, ii, 216, s. 

Peffiel (Léonard de), témoin pour Val- 
darfer, II, 229. 

Petersheim (Jean de), imp. k Francfort- 
sur-le-Main, II, iS-itO. 

Pffiegel (Léonard), imp. à Rome, il, 229. 

Pfister (Albert), imp. a 6amberg,i,3i4; 
II, 20-61. 

Philery. imp. d'images k Anvers, i, 7. 

Pierre (la). Voy. Heynlin. 

Pise (Pierre de), imp. à Florence (Ri- 
poli), 11,243-246. 

Pistoia (Dom. de), imp. à Florence {Ri- 
poli), II, 242-251. 

Plantiç, imp. k Anvers et à Leyde,i, 61, 
110. 111. 

Portilia (André), de Parme, imp. k Bo« 
logne. II, 236. 

Puerto (Alph. del), imp. à Séville, ii, 
448-450. 

Puteolanus (François), édit. à Bologne, 
II, 236. 

Putzbach (Georges et Paul de). Alle- 
mands, imp. à Mantoue, ii, 227 n. 

Raphelingue, imprimeur à Leyde, i, 61. 

Rauscb (Adolphe), d'Ingwiller, imp. k 
Strasbourg, ii. 66, 96 98. 

Raynardi (Jean), d'Eningen, imp. k 
Trévi, II, 133, 252. 

Régis. Voy. Leroy, 



458 



laPRIUOIIS, LIBRAIRES, CORRECTEURS, GRAVE CRS , ETC. 



Remboll (Berthold), de Strasbourg, 

imp. à Paris, ii, 338. 
Reyser ou Ryser (Hich. et G.)* de Spire, 

imp. à EicMUtt, II, ISTv 183. 
Rholandellus (Fr.) , correcteur chei G. 

de Lisa, ii, S5i. 
Richel (Bernard), imp. à Bâle, ii, lâO. 
Richenbach (Jean), relieur i Gmind, ii, 

81-83. 
RiessiDger (Sixtus), de Strasbourg, imp. 

à Napies, II, 2CT. 
Rirfe (Jean), associé de Gutenberg, à 

Strasbourg, i, i23, s. 
Rood (Thierry), de Cologne, imp. à Ox- 
ford, II, 197. 438. 
Rossi (Jacques), Français, imp. k Yenise, 

II, 322, 340. 
Rot (Berthold), imp. à BAle, ii, 104, 

119- 121. Voy. Hanau. 
Roy (le). Voy. Leroy, 
Rumel (Henri), édit. à Nuremberg, ii, 

116. 
Ruschius. Voy. RauMch. 
Iiyins (Berthold) , de Strasbourg , imp. 

i Naples, ii, 257. 
Salle (Louis de la). Français, imp. à Ve- 
nise, II,. 340. 
Saurloch, constructeur de presses à 

Augsbourg, II, 127. 
Schœnsperger, imp. à Nuremberg et à 

Augsbourç, 11,127. 
Schoiffer (Pierre), dit de Gem$heim ou 

de Mayenee, étudiant à Paris, li, 269, 

s.; associé de Jean Fust, i, 161, 200, 

216-315; 11,293-294, 319-322, 328, 329, 

332-336. — (Jean), fils de Pierre, imp. 

à Mayenee dans le xvi* siècle, i, 226. 

293, s. — (Yves), fils de Jean, imp. a 

Mayenee, i, 228, 294-295. 
Scbott (Jeanl, imp. à Strasb., ii, 68, s. ; 

— (Martin;, imp. à Strasb., ii, 96. 
SchQssler (Jean), imp. à Augsbourg, n, 

126. 
Segura (Barth.), imp. à SéTÎlle, ii, 448- 

Senilis (Pierre-Paul) , édit. pour Gering, 
11,307. 

Sensenschmidt (Jean) , imp. à Nurem- 
ber|[, II, 115-118. 

Sorg, imp. à Augsbourg. il, 127. 

Sorgenloeh, nooi d'une ues branches de 
la famille de Gutenberg, i, 117. Voy. 
Gutenberg. 

Spindeler (Nie), Allemand, imp. à Bar- 
celone, 11, 4iT. 

Spire (Jean et Vindelin <?e), imp- à Ve- 
nise, II, 133, 174-185. Voy. Emeric, 
Bauenstein^ Revter, 

Spyess (Wygandus), imp. à Eltvil, ii, 
H-13. 



Stanheim (Melchior de), abbé de Saînt- 

nirie d'Augsbourg, imp. dans cette 

abbaye, ii, 126-127. 
Slatboen, Stattren, Stattem. Voy. Her- 

mann. 
Stoll (Jean), Allemand, imp. à Paris, 

11,284,322, s. 
Sweinheim (Conrad) , Allemand , imp. , 

puis graTenr à Rome, ii, 136-170, s. 
Tate (Jean), fabric. de papier en Angle- 
terre, II, 382 n. 
Ther Hoemen (Arnold), imp. à Colo- 
gne, II, 114. 
Thomas, gendre de Coster et son aide, 

I, 62, s. 
Topie (Miche1et),dePymont (Piémont?), 

imp. à Lyon, ii, 347. 
Torresani (André) , de Asula , imp. k 

Yenise, ii, 195-196. 
Treschel (Jean), imp. à Lyon, ii, 346. 
Trivisano (Benoit), collaborateur deLe- 

Tilapide, ii. 160 n. 
Torchi (les frères), fabric. de papiers 

dans la république de Lucques , ii , 

906. 
Ungardus (Archangelus), imp. à Milan, 

11.233. 
Valaarfer (Christophe), de Ratisbonne, 

imp. à Venise, puis A Milan, ii, 179, 

192, 226-228, 8% 
Vander Goes, imp. à Anvers, 416-419. 
Vedelare (Louis), l'un des prétendus 

invent. deTimp., i, 92; ii, 417. 
Veldener (Jean), imp. à Culembourg, r, 

55: à Utrecht, ll , 398-399, 414-416. 
Vendrell (Math.), édit. à Girone et à 

Barcelone , ii, 448 n. Voy. Flandnu. 
Yérard (Ant.),imp. è Paris, ii, 338. 
Vienne. Voyei Laurent. 
Viziant f Philippe), Allemand, édit. de la 

Bible limousine. Il, 446-451. 
Westphalie (Jean de), d*Aken , imp. à 

Alost, puis à Louvain, ii, 400, 415. 
Windsberg (Erhard), correcteur chez 

Gering, ll, 306-310. 
V\rolfaèh (Conrad), imp., n, 104. 
Wolfgans (Kœpfel), imp., ii, 104. 
Wolmis (Gephalus), imp., ii, 104. 
Worde (Winkind de), Lorrain, imp. à 

Londres, ii, 382, 437. 
Yseneck. Yoy. lieneck. 
Zainer ou Zeiner (Gunther), de Reutlin- 

gen, imp. à Augsbourg, i, 152 ; ii, 122- 

125; à Cracovie (?), ii, 125 n.-- (Jean), 

imp. à Ulm, ii, 121. 
Zarot (Ant.), de Parme, imp. à Milan, ii,. 

212-231. 
Zell (Ulric), de Ilanau, imp. à Cologne, 

i, 56, l&O; II, 109-114, 192, 36ft. 



IIPRESSiONS DU XV« SIÈCLE- 459 

r 

fl. Impressions du xv* siècxe décrites ou citées dans le livre. 



Agntu ou Pace. Voy. Aisomption, 
Albert le grand, Dé rerum propriet.^ 

Nicolaï, H, 168. 
Altnanach de 1455 (allem.), Il, 26. Voy. 

Calendrier. 
AiHBROiSE (S.), De officiiê, (Gering), li, 

314; (Lignamine), ii, 170; Valdarfer, 

1474 II 230. 
Antoine '(S.) de Florence, Confetufmale^ 

0. de Pistoia, 1477, ii, 345. 
Apollinariê Offredi Cremonensii in libr. 

Ariêt, de anima comin., Lavagna, 1474. 

II, 230. 
Appel contre la Turcs, Voy. Almanach de 

1455. 
Apulée, Pannartz, 1469, ii, 153; id,, 

1473, II, 156. 
Arçhidiagonus, Super Deereti», II, 86. 
ARÉTIN (Léon), OEuvrei, 1401 (?), Il, 

445. — Liber de duobus amantibiu^ ii, 283. 

— Epîlres, 1472, II, 226 n. — De Bello 
itaL, Numeister, 1470, ii, 208. 

Aristote, Ethic. (lat.), Pannartz, 1473, 

II, 156. — Pro6l«m. (lat.), 1475, 11,204. 
Atêomption de Hazo Finiguerra, gravée 

en 1452, 1, 3, 4 n. ; ii, 106. 
ASTEXANUS, De caeib. consciéneiœ^ II, 80, 

86. 
AUGUSTIN (S.), De Civitate Dei, (Men- 

lelin), II, 82; Pannartz, 1467, ii, 143; 

«., 1468, II, 153; id., 1470, ir 153; J. 

de Spire, 1470, ii, 176; Schoifrer, 1473, 

1, 285; Habn, 1474, il, 167.— De salute, 
G. de Lisa, n, 251; (Marlens?), il, 
402. — EpUu, (Mentelin?), ii, 86. — 
Liber confessionum, (Menlelin?), Il, 86. 

— Libellus de iingular, clericorum, Zelï, 
II, 110. — Liber de artepredicandif (Fust), 
i»252;(Mentelin, deuxédil.), 11,87,88. 

— Lo^ic, D. de Pistoia, 1479, il, 247. 
Auguêtini Dathi Sênensii Libellui de va- 

riiê loquendi figuris t Belfort, 1471,11, 

255. — Ejuidem laagogicus^ Lavagna, 

1475, II, 231. 
Aulu-Gell , JXoct., Pannartz, 1469, ii, 

153 ; id,, 1472, II, 155. 
AURBACH (J. d'), Summa, Zainer, it, 

122. 
AviGBNES (Aboalas Abiuseenus), Œu- 

erei (trad. en latin) , Lavagna, 1473. 

11,226. 
Balbi (Joannet Januensi»), Catholicon 

(xylogr.?), i, 29T; (Bechtermunlze), 

1460, II, 4. s.; (Mentelin?), ii, 108; 

(imp. à la lettre R), ii, 108 ; Zainer, 

II, 122. 
Baldi ( L. di ) , Kovella^ G. de Lisa, 

1471, II, 254. 
Baldi de Perusio Lectura tuper sexto Ub. 

cod., Jenson, il, 193-194. 
Bariizio. Voy. Gasparin de Bergame, 
Baysio (Guido de), Aofortum, Nicolaï, 

1477, II, 167. 



Bélial (allem.), II, 40. 

Bernard (S.), gravure sur cuivre de 1454, 
I, 3. 

BERNARD (S.) , Sermonet , Schoiffer, 
1475, I, 286. 

Berthorii {Pétri) Reductorium Biblia, II, 
104. 

Bessarion, Epist., (Gering), ii, 307. 

Bible dei pauvre», édit. xylographique, 
i; 53 ; édit. typographique (en alle- 
mand), II. 41 ; (en latin), ii, 42. 

Bible (latine) de 42 lignes (ou de Guten- 
berg), I, 39 n. 2, 164, 177-192, 218, s., 
315. — de 36 lignes (ou de PGster), ii, 
29, s. — de 45 lignes, i, 39. — de 48 
lignes, i, 33. — (de Mentelin), il, 79. 

— (dTEggesteîn), l**" édit., il, 83 n., 
100, 101; 2« édit.. Il, 102. —(de l'imp. 
à la lettre R), ii, 108. — de Schoiffer, 
1462, l, 235; II, 287; id., 1472, l, 284. — 
de Pannartz, 1471, ii, 154. — de Jen- 
son, 1476, II, 196 n. — de Rot et 
Richel, II, 120. 

Bible allemande de Mentelin, li, 77. 

Bible limounne, 1478, II, 446. 

Bible Mazarine , I, 235. 

Bible Maxarine (autre), II, 101. 

Bible de Sallier, u, 101. 

Bible de Schelhom, II, 29, 30. 

Bibles en latin et en allemand db Ko- 
burger, ii, 116. 

BoccA.CE,.GenealogioB Deorttm.etc. ( trad; 
lat.), J. de Spire, 1472, ll, 182.— Liber 
deduobus amantibus (irad. lat.). Il, 283. 

— /{ Decameron, Valdarfer, 1471, il, 
179 ; A. de Michaelis, 1472, ii, 227 n. 
— lî Philocolo, J. de Mayence, 1472, 
11,241, 245.— Du deehiet des nobles hom- 
mes et femmes (trad. franc.), Mansion, 
1476, II, 388. 

BOECE, De la Consolation de Philosophie 

(trad, franc.), Mansion, 1477, ii, 389. 
BONAVENTURE, Meditationes vitœ Christi, 

Zainer, 1468, u, 122. 
BONER, le Joyau ou les Fables (en 

allem.), 1461, H. 35. 
BONET (Nie), Comment,, in Aristot., 

(1473? et 1493?), II, 440. 
BONIFACE VIII, Décret., Schoiffer, 1465, 

I, 247; id., 1470, I, 279; id., 1473, I, 
284; id., 1476, 1, 287, 289; Hahn, 1472, 
H, 165, 172. 

BOUHIG (Henri) , Opus distinotionum , 

J. Buyer, 1498, ii, 344. 
BouTiLLiER, Somme rurale^ Man&ion, 

1479, II, 391. 
Breviarium Bracharense, Gherlint, 1494, 

II, 444. 

Breviarium Ratisponnense , Reyser, II, 

135. 
Breviarium Romanum, Rubeus, 1474, II, 

322. 
Bretdenbacb (Bernard de), Voyage à 



4S0 



UPRESSIOlfS BU XV< ftlÈCU- 



f4 



iéruÊàkm (trad. Aranç.)» i488, U, 347. 
BmuHUB, Voy. Arétin, 
Bitlif. Voy. Fi« // et Sixu IV, 
BUTftio (Ant. de) , Sufwr primo dwnt., 

HahD, II, 165. 
Buter (Jacq.),rrac(altM eorporit ChriitL 

n, 844-34B. 
Calendrier de 1439 (grav. sor bois), 

1, 5; •- de 14», II, 96; — de 1457, ii, 

97 ; — de 1460, l, 906. 
Calliac (Guig. de), Guidon de la prat. 

de chirurgie^ B. Buyer, 1478, II, 319. 
CAMPAHUS (Ï.-A.), De Ingratitudine fw 

giehda, SchoifTer, 1539, l, 998. 
Canis (J.-J.), De InjnrHê et damno dato , 

1468, II, 188, 198, 8.— Camûna duo, 
n, 188 n. Voy. Délit Cani, 

Cante$bury taies, Caiton, II, 439. 
Cataloguede Menlelin, ii, 85 et86.— deG. 

Zainer, i, 159; il, 194. Voy. Proepectut. 
Catherine {Ste), Voy. Légende. 
Catholicon, Toy. Balbi. 
Catoniê distieha^ l, 90, 114. 
Catulle, ii, 955. 
Catalcha (Dom.), Pongie lingua, Ugna- 

jpine, 1479, ii, 169. 
CBSAR, Comm., Pannartz, 1469, n, 153; 

td., 1479, II, 155. 
Cessoles (J. de), Game of ehê*» (trad. 

aBgl.), Gaxton (lr« et 9* édit.), ii, 

383-385, 430-431. 
Chartier (Alain), Quadrilogue, Man- 

sion, 1477, II, 390. 
Chartier (Jean). Voy. Gerton. 
€kri»tophe (S.), graT. ax 

I, 5, 93 n. 
€An>ii>ea nimmortim ponlt/le., etc., Lig- 

namine, 1479, ii, 145, 169. 
Chronique de France, Bonhomme, 1476. 

II, 995, 337. 

ChRTSOStohe (S. Jean), Super pealmo», 
etc., Zell, II, 109.— Homel,, ll, 168, 

Cic^RON, Epist,, Pannarti, 1467, ii, 
147,159; id., 1469, II, 153; Numeister, 
1479, II, 909. — Epist, ad Atl,, Pan- 
nartï, 1470, n, 153; Jensoo, (1470), 
H, 189.— £pMt. ad, /oin., Pannartz, 1479. 
n, 155; J. de Spire, !'• édit., n, 175; 
id,, 9« édit.. Il, 177 ; (Zarot), 1471, 
II, 915; (Laragna), 1479, ii, 915. — 
Of/ic., Schoiffer, 1465, i, 946, s.; id,, 
1466, 1, 949 ; Habn> il, 164 n.; Zell, ii, 
110. — Opéra philoioph, , Pannartz , 

1469, II, 163; id. 1471, II, 153; Ge- 
ring, II, 311. — De orator,^ Pannartz, 
!'• édit., II, 143, 153; id., 9« édit., ii, 
153; Hahn, 1468, II, 163, 171; (Ge- 
Ting), II, 319-313, 318. — Orat. cum 
inveci., Pannartz, 1471, II, 155. — P*i- 
lipp,, Pannartz, 1479, Ii, 156.— ilfc««or., 
Jenson , ii , 189. — Tuêcul, , Hahn, 
1469, II, 164; (Gering), ii, 310. 

CliKment V, CoMtit., Scnoiffer, 1460, I, 
934; id,, 1467, 1, 979; id., 1471,1, 955, 
989;td., 1476,1,287; ii,319,Eggestein, 
11,99. 



SUT bois de 1493, 



Comeetorië ( Pétri ) Uiitoria SehoUutuea, 

1473, II, 419. 
Compendium. Yoy. Lothaire, 
Comprehenêorium (aactore Johanne), 

1475, II, 441, 444, 446. 
Conciles (ouvr. sur les), enaliem.,i, 909*. 
Confeeeionalia de 1450 (?), I, 5T. 
Conradi de Allemania Concardantim Bi- 

d/»orum,. (Mentelin), II, 81, 87. 
Constitut, regn, Sieiliœ, Riessinger, 1475, 

II, 957 : A. de Bruges, 1497, ii, 968-989-. 
€opta inéklgentiarum de institutione festi 

présentât. Beat, Jlf art». (1468?), il, IT. 
Cordiale { trad. angl. ), Cazton , 1479^ 

II, 435. 
Cretceneit IPètri) Opus ruralium commo- 

dorum, J. de Wesiphalte, 1474, ii, 

413-414. 
Ctprien (S.), Epùt,, Pannarts, I47f, 

II, 154. 
Dante, Numeister, 1479, ii, 909; Nie. 

d'Allemagne, 1481, il, 949l 
Décor pueitamm, Jenson, (14617), ll^ 

174, 186, S., 190, 191, 983. 
Defensio divi Platonis, Pannartz, 1469, 

II, 154. 
De»t Cant, (1459^ Venise?}, il, 187, 188. 

Toy. Came. 
Der Saeset^Spiegel, 14T4, Richel, II, 190. 
Dialogut inter Hugonem^ eU,, euper ti- 

bertate ecelesiast,, l, 909. 
Doctrinale, Yoy. FtMedteiu 
Domitt»ca/ta attribué à un aRcien imp.^ 

d'AuTers, i, 99. 
Donatii (JElii) Comment, in Terenlii Co^ 

mesd., Pannartz, 1479, ii, 156. 
Donats (xylogr.), 1, 103, s.; (typogr.) at- 
tribués à Coster, i, 89, 114; à Guten> 

berg (à Strasbourg) , i, 153, 154; aur 

même (àMayence), i,i65.— del450(?), 

i^ 57;— de 1451, II, 91 .—de Schoiffer,!, 

166, 311. —de Pannartz, ii, 138, 152. 

— de D. de Pistoia, ii, 949. 
Dtirandt roitonale, Schoiffer, 1459, i, 

931 S. 
Epitres et Evangiles (en allemand ), 

G. Zainer, ii, 194, 196. 
Esope, Fables [lai,), Zarot, 1474, il, 839. 
£USÈRE, Préparât, evangeL, Jenson, II, 

188. — Bist, eccl., 1474, II, 419. 
Fables {les). Voy. Boner. 
Fasdeulus temporum (en hollandais) , 

Yeldener, 1480, n, 398, 399, 415. 
Fenollar (Bern.), Cerromen pœtich, 

1474, II, 446* 

Ferrariis {Jehannis Mathiœ de) De gradi, 

pracUce, etc., 1471, II, 955. 
Fetre (Raoul le),. Histoires de Troyes,. 

II, 369, S.; trad. angl. n, 370, s.; 

trad. bohème, n, 195 n. — Jason^ il, 

368, S.; trad. angl., ii, 430, s. 
FlCHET (G«ill.), Rhetor.y (Gering, 1471), 

II, 303-306. — Lettres, (id.), II, 305. 
FiciN (Marsile), ouvrage sur la peste, 

attribué aux Ceonini, ii, 938. — 

Trad. de Platon, D. de ristoia, ii, 948. 



IMPRESSIONS DU ZV* Sl&CLE. 



46i 



) 



FfNICWERBA. Voyei Àuomption, 

Floni (Franc.) Fk>renUni Dû dnolnu 

amantibu», il, 283. Voy. Sylviu$, 
FL0RU8, £ptl. TU, Lto., (Geriog, 1471) , 

II, 303; Pannartz, 1472, ii, 155. 
Formula epitiolare» ^ Veldtiner, 1476, II, 

4M; G. de Westphalie, 1476, ii, 415^ 
Fortalicium fidei, II, 86> . 
Franc (Martin), U Champion, il, 248. 
pRÉoéRic II. Lettre de cet empereur 

Kour proelamer la déchéance de 
iether de IsemlMirg, 1461, i, 241. 

G(tilen»is (Joh,) Snmma collalionum^ Ther 
Hoernen, 1472, ii, 114. 

Gallus. Voy. Villtdieu, 

GAMUNDlA*oa Ghundia (Jean de), Ca- 
lendrier de 1439 (xylogr.), 1, 5. ^ 

Gasparim de Bergame, £j»ts<.,(Gering, 
1470 ?). II, «99, 8., 316, Zil.—Orlhogr.f 
{id.), II, 306. 

GÊNES (Jean de). Voy. Balbi, 

Gerson (Jean Chartier, dit). De prœ- 
ceptum decalogi, II, 18. — Donat spi- 
rituel (trad. franc.), Hansion, ii, 391. 
— Doctrine pour Vinttruction de , tou9 
chrélieni, 11,396, 415. 

Geêta Românorum, (1473?), Il, 414. 

Glan VILLE (B. de), De propriet, rerum 
(trad. angl.), ii, 382. 

Gloria muUerum^ Jenson, I47i, II, 191^ 

Crammatiea vêtue, Schoider, 1466, l, 
251 ; id,, 146», I, 276. 

Grant vita Chriiti, J. Buyer,1478,n,344. 

Gratien, Decretum, Scnoiffer, 1472, I, 
283; Habn, 1478, ii, 167 ; Ëggestein, 
II, 101. 

Granure eur boit, prétendue à tort de 
1384, I, 5 n. ~ de 14ia, conservée à 
Bruxelles, i, 5.— de 1423. Voy. 5. Chriê- 
tophe^-^ée 14^. Voy. Gamundia, 

Gravure eur métal^ prétendue de 1422, 

I, 3. — de 1452. Voy. Aeeomption. — 
de 1454. Toy. S, Bernard. 

GRiKgoirb (S.), MoraUa in Job, Rot, 

II, 121. -" Gregorii papa liber régula 
poêtoralii, II, il2 n. — Dialogues {J), 
I, 150. 

GRBAOIRE IX, Nova oompii, decretaliumf 
Schoiffer, 1473, l, 285. 

Guarini Veronenuê régula grammatiee», 
1470, II, 188. — Ejuêdjy De diphtongis, 
(Gering, 1471 ?), Ii, 306. 

Guillaume d'Auvergne, Rhet,, Keysere, 
1483, II, 322. 

Guillelmuê de SalicetOyDe Salute oorporiif 
(Coster?), 1,114. 

Uerbariui [ou Uortuê San>/alt«^, Meyden- 
bach, 1491, ii, 16. 

Hbrodotb (lat.), Pannarlz,1475, ii, 156. 

Hbrp (Henri), Spéculum aureum, Schoif- 
fer, 1474, I, 285. 

Uierocliê Philoeophi Stoici in aureoi ver- 
tu» Pithagora opuec. (latin), Pannartz, 
1475, II, 156. 

ttiêtoire de 5. Jean en figuret (lylogr.), 



Uietoire de Charlemagne (trad. angi.), 

Caxton, 1485, ii, 436. 
Bittor, Auguêt, ecript,, (1455? 1465?) , 

1475, (1480?), 1490, II, 211, 212. 
Biator.quomodo B. Frandecu» petivit, etc.,. 

1470, II, 252. 
Bietory {the) of the Fox ( trad, angl. ) , 

Caxion, 1481, li, 436. 
BOHÉRB, Batracomiomachia (lat.), 1470, 

II, 253. 
Horace , Opuêcula, Lignamine , ii, 170w 
Borarius, attribué à Coster, i, 90, 114. 
Bortuê Bonitatiê, Voy. Berbàriu». 
HUGUES de S. Victor, Traetatut euper 
offlcio mitta, C. de Westphalie, ii, 

415. 
INCHEN , Oratio in mmn, Martilii^ I, 

213 n. 
Innocent IlI.Voy. Lothaire. 
iSEHBURC^ (Diether de). Manifeste e» 

allemand, 1461. i, 239. 
ISIDORE de Séville, Ethimolog.y il, 86, 

123, 121. — De reêpoMionCj II, 123. 
Jardin (le) de dévotion, Mansion, II, 388. 
jénosB (9.), Dp»'., Schoiffer, 1470, i, 

254, 255, 27^, 8. ; il, ai9-322 ; Pannartz, 

1468, II, 153; id,, 147^, II, 153; id,, 

§476, II, 159; (Mentelln), ii, 82, 83 n., 

S6,—Expont, in eymbol, aposl,, II, 422, 

424. — De viris illuttribus, (Zainer), 

II, 124; (Ketelaer ?), ii, 420. — Trocf. 

et epist.^ PannarU, 1475^ il, 156> 159; 

Laver, 1479, ii, 159, 
JosÈPBE, De Bello judaieo, il, 86 ; Pan- 
nartz, 1475, II, 156. — Àntiq,, II, 86; 

SchQssler, ii, 126. 
Joyau {te), Voy. Boner. 
Jugement de Vhomme eur la morty II, 44. 
Justin, Epit, Trogi, Jenson, ii, 189; 

Pannartz, 1472, ii, 155. 
JUSTINIEN, Codex, Schoiffer, 1475, i,^ 

286.— /M<tl., Schoiffer, 1468, i, 273; 

Id., 1472, I, 284; id,, 1476, I, 287; 

Eggestein, ii, 101; Habn, 1475, ii, 

145. 
JuvÉNAL, (Gering), ii,310 ; Jacq., Bapt., 

Alex., (Fivisano, 1472), ii, 207. 
Lagtangb, (Pannartz), 1465, il, 138, s. ; 

{id,), 1468, II, 142, 152; {id,), 1470, H, 

152 ; Lignamine, ii, 170 ; A. de Mi- 

chaelis, ii, 141 n. 
LaS€ARI8, Grammaire grecque y Para- 

Yisinus, 1476, il, 232. 
Légende dorée, B. Buyer, 1476, H, 342. 
Légende des saints nouveaux, B. Buyer, 

1177, II, 342. 
Légende de sainte Catherine de Sienne (en 

latin), D. de Pistoia, 1478, ii, 245; autre 

édit. attribuée aux Cennini, ii, 238 n.^ 
LÉON, pape, Sermons, Pannartz, 1470^ 

II, 154; Lignamine, ii, 170. 
Lenres d'indulgences do 1454-55(30, 31 8» 

32 lignes), 1, 167. s.; (31 et 32 lignes),. 

II, 24. — de 1461, II, 10. 
LEWIS (Denis de). Spéculum tonvers^ 

pejcc, 1473, II, 402, 403, 413. 



469 



mpRESSIOIfS DU XV« SIÈCLE. 



LiUlliu rogationMm, etc., UDgardu8,f 413, 

It, S33-234. 
Liber Alex^ndri magiù De Preliù, II, 490* 
Idber predicabiliwn , n, 403. Voy. Pierre 

d*E8Dagiie. 
Lihro aa compagnie, D. de Pistoia, 1477, 

II, »i5. 
Livre de» cantiques (lylogr.), I, K3* 
Livre de$ quatre fcMlotre«,l4é9, il, 37, s. 
lÀrret de» coiimIoIioiu, I, 100. 
JLt'rto {Koherti de) Quadrage»imale^ Pan- 

naru, 1473, ii, liS6. 
LoTHAiRB, diaere (depuis Innocent Ilf), 

Liber de mi»eria humanœ condi'f., Il, 7é. 

— Compenditti», B.^ Buyer, 1473, ii, 

340, 341 n. 
LuGAiN , Pannartz, 1409, ii, 1S4. 
Luctu» chri»tianorum f Jenson, 1471, II, 

191. 
iLudoviei de Rema Singularia in catui» 

crinùnaUhu», l, 114. 
LULI (RBiimond), Liber divinali», (1473?), 

11,480. 
Lumen animœ, II, S96. 
LTD6ATE, Troye Boke, H, 378. 
Ltbà (Nie. de), Glo»». in fit6l., Pannartz, 

II, 12»; (Mentelin), ii, 85 n. 
jra9iit(/ac.)SopftoIo9tiim,(Gering,1471?), 

II, 308, 318. 
Mammotrectu» ou mieux Mammetractu», 

Toy. Marckeeinu», 
llANDBTiLLE {Le livre de), B. Buyer, 

1481, II, 343; (trad. lat.), Martens, ii, 
.407. 
Mantuanus (B.), De vita beata, Martens, 

II, 403, 413. 
MâRCHbsinus ( Jean ) , Mammotrectu» 

ou mieux Mammetractu» , SchoifTer, 

1470, 1, 281; II, 199, 130; Hélie, 1470,11, 

128, s. ; 1476, 1478, 1479, 1489, 1492, 

1493 II 131. 
Martial, 'fpi^r. Belfort, 1471, n, 254; 

Pannartz, 1473, ii, 156. 
Matbs (Barth.), Grammatica^ Gherlint, 

1468 (?), II, 441, S. 
Matheu» de Craeovia, Traetalu» radoni», 

etc., II, 14. 
Mbsde (Jean), de Damas, De medicini* 

univer»aL, Clément, 1472, il, 204. 
MiCHAULT , Doctrinal du temp» pa»»é, 

Mansion, ii, 391. 
Miraeoli de la gloriota Verxene Maria, 

Layagna, 1468, 1480, ii, 213, 214. 
Miroer de vie humaine, B. Buyer, 1477, 

II, 342. 
Miroer historial, B. Buyer, 1479. Il, 341. 
Ui»»ale Lugdunen»e, J. rAllemand, 1487, 

n, 346. 
Miuale Romanum, Hahn, il, 145. 
MONTALTO (Biaz de), 3ianua<e,(Sév ille), 

1477, II, 449. 
Monte (Petrus de), Aeperfonum juri», 

1476 II, 168. 
Monte Santo de Dio, N . d'Allemagne, 1477, 

II, 243. 
MONTROGHER (Gui de), Manipulu» cura- 



torum, Gering, 1473, n, 396 ; Cssaris, 
1474, II, 327; Math. Flandrus, 1475, 
II, 448. 

Mure (Conrad de), Repertonitm vocab.^ 
etc., II, 119. 

NiDBR, Prœceptorium dtvtfuv legi», Ther 
Hoernen, ii, 115. 

Nouveau te»tament (en français), B. Buyer, 
deux ëdit., ii, 342. » (en bohème), 
(1475?), 126 n. 

Ob einem mann, etc., 1472, II, 117 n. 

Omnibonus (Leonicenus), Oper., (Rome 
et Venise), i, 139; ii, 191. — De vertu 
heroico liber, Zarot, 1473, II, 332. 

OTIDE , Metamorph., Pannartz, 1471, II, 
155; Azzoguidi, 1471, ii, 236; (trad. 
franc.), Mansion, 1484, ii, 391. 

Paee. \oy» A»»omption, 

Palme virtutum, Jenson, 1471, il, 191. 

Parole dévote, Jenson, 1471, II, 191. 

Pattion dejétu» (en allemand), deux édit., 
II, 47-48. 

Pauli Yeneti Summulm, etc., Taldarfer, 
1174,11, 331. 

PEREZ (Miguel), Verger de la Vierge Ma- 
ne, 1461 (?), 1463 (?), II, 445. 

Pergaminus (Nicole), Dialogu» creatu- 
rarum, Leeu, 1480, II, 393; (trad: 
franc.), Leeu, 1482, ii, 393 ; (trad. fla- 
mande), ibid, 

PEROT, Rudim. grammat,, Pannarix, 1473^ 
II, 1S6, 158; id., 1474, II, 156, 158; td., 
1476, II, 166. 

PERSE, (Gering), ii, 310. 

PÉTRARQUE, De »alibu» virorum illu»- 
(rtum, etc., I, 114. ~ Triomfi, J. de 
Mayence , ii , 241 ; B. Civitali , ir, 
207-208. 

Pétri Brixienei» Repertorium juri», 1465 
(1475?), Il, 235-236. 

PHALABiDis, Epùi. (latin), (Gering, 1471), 
II, 306; Rood, n, 197, 438. 

Pie II. Quatre bulles relatives à la dé- 
chéance de Diether de Isemburg, ar- 
chev. de Mayence (1461), i, 242, s. — 
Bulle relative à la querelle des princes 
électeurs (1461), i, 244 — Bullareirac- 
tationum , il , 111. — Oratio contra 
Turco», Zell, II, 111. — Bulle relative 
à la croisade contre les Turcs (1463), 

I, 246 ; la même en allemand, i, 246. 
— Voyez Sylvitu. 

PIERRE d'Espagne (Petru» Alphon»u» 
Mi»panu», pape sous le nom de Jean 
XXI), Traité* (c'est probablement 
l'ouvrage suivant), i, 82, 83, 113. — 
Commentum »ex tractatuum, Zell, 1488 
et 1492, 11,113.— 5«tmmtt/a,J. de West- 
phalie, 1474, ii, 403, 410. 

PlSAN (Christine de). Proverbe» moraux 
(trad. ang.), Caxlon, 1478, ii, 435. 

Pisani Summa, Zainer, il, 126. 

Plainte» contre la mort (en allemand), 

II, 43. 

Platon ,* trad. de Marsile Ficîn , ii , 
948-250. 






IMPRESSIONS DU XV« SIÈCLE. 



4&5 



) 



PLINE, Uitt. nat., J. de Spire, il, 175, 
379 n.; Pannartz, 1470, ii, 154; id., 
1473, II, 156. 

PLUTARQUE (co latio), Pannartz, 1473, 
II, 156. 

POLTBE (en latin), Pannartz, 1473, ii, 
156. 

Pelychrontcon, Caxton, 1482, II, 424. 

Pompeii {Sexti) Festi de Verborum sigmfi- 
cat., 1471, II, 215. 

POMPONIUS MELA, Co«mogr., 1471 , II, 
215; 

PostiUa Schola$tica, etc., n, 134. 

PROBUS, Epithàma de prénom, apud Ro- 
tnanos, I, 282. 

Prospectm de Caxton, II, 434. Voyez Ca- 
talogue. 

Psautier de P. SchoifTer, 1457, l, 40, 221, 
s. ; 1459, 1, 40, 226, 229 ; 1490, 1, 40, 226 ; 
1502, 1, 40, 226, 293. — de J. Scboiffer, 
1516, I, 40, 226, 227. — des frères de 
la vie commune de Marier. tbal, 1474, 
II, 17. — attribué à Pfister, ii, 45.— 
d'H(^lie Louffen, ii, 132. 

PTOLJÊMÉE, CMeogr. (lat.), Levilapide, 
1475, II, 160; Sweinbeim et Buckmck, 
1478, II, 159-162; de Lapi6, 1462(1482?), 

* II, 160, 234. 

Pubîii Papini Statii Silvœ, Pannartz, 1475, 
II, 156; D. de Pistoia, 1480, ii, 247. 

Quatuor evangeliorum consonancia, J. 
Scboiffer, 1524, i, 294. 

EuiNTE-CURCE, D. de Pistoia, ii, 246. 
uiNTiLiEN, Pannartz, 1470, ii, 154; 

Jenson,«i, 139; ii, 191; (Lignamine), 

II, 169, 170, 171 ; (Gering), li, 313. 
Bainerius de Puis Pantheologia, Keffer, 

1473, II, 115-117; Koburger, 1474, Ii, 

118 ; Zainer, ii, 124, 126. 
Rationale. Voy. Durandi. ^ 
Renati {FI.) de Re militari. II, 420. 
Retz (François de). Codex egregiiu co- 

me«/ortt otitorum,. 1470, il, 116. 
RODERicus. Voy. Sancius. 
Rolandi Capulleti Tractatus de curatione 

pe$tif.f Habn, 1468, il, 163. 
RovÈRE (François de la). \oj.Siœte IV, 
RvssELL {Joh.),Propo$itio, etc., Caxton, 

II, 428. 
Saldis {Hermanni de) Spéculum^ iaeerdo- 

tum, I, 209. 
Salluste, (Gering), ii, 303; Pannartz, 

1475, II, 156; (Valence), 1475, il, 444. 
SaNCHEZ (Glém.), Sacramentale , 1475» 

1477,. 1478, II; 448. 
Sancius (Roderic), évéque de Zamora, 

Spéculum humanœ vitœ, Pannartz, 1468, 

II, 153; Hélie, 1472 et 1473, ii, 132; 

Zainer^ 1471, n, 132- (Gering, 1471), 

II, 308, 311; {id., 1475), II, 298 n.; Gse- 

saris, ii, 327; Leroy, 1478, ii, 341. 

'^Compendioiahiit^Ùispanaf Habn, il, 

164 n., et 165^. 
Saxoferralo (0. de) Lectura, Riessinger, 

1471,11,257; Raynardi, ii. 252. 
Scoti {Joh. Dun$)fin quart. Ub. ient., (Ge- 



ring), II, 314; (»d.), 1474,11, 315; (Ko- 
burger ?), I, 287; II, 327. 

Scrutinum gcripturarum , II, 86. 

SéNÈQUE, De quatuor virtutibu», (Gering), 
II, 314.— Epist., Pannartz, 1475, ii, 
156. 

Sept Joie* de Marie, II, 46. 

Sermo ad popul.^ etc., Tber Hoernen, 
II, 114. 

Servius (Maurus) Honoratus, Comment, 
in Virgil., Valdarfer, 1471, il, 193 n.; 
Cennini, 1471, h, 328, s. 

SiCULUS. Voy. Tudesckis. 

Silius Italicus, Calphum. et Hesiod., Pan- 
nartz, 1471, II, 154. 

Silvœ,\OY' Publii. 

SiLVius. Voy. Sylviui. 

Sixte IV (Franc, de la Rovère), De ian- 
guineChriati, Lignamine, il, 170. — De 
potentia Dei, Lignamine, ii, 144, 170. 
—Bulle imprimée par Fimpr. à la let- 
tre R, Il , 109. 

Specchio di conscientia ou Confeuionale. 
Voy. S, Antoine de Florence. 

Spéculum conversionis, etc. Voy. Lewis. 

Spéculum humanœ salvationis; description 
des diverses éditions anonymes de ce 
livre, tant en latin qu*en bollandais, 

I, 13-55, 74-80, 113. — Édit.de Velde- 
ner, 1483, i, 49; ii, 416. 

Spéculum humanœ salvat. cum. spec. Bea» 
tœ Mariœ,,elc^ Zainer, i, 151-153; li, 
224. 

Spéculum sacerdotum. Voy. Saldis. 

Strabon, Geogr. (lat.), Pannartz, (1169), 
11,154; id., 1473,11, 156. 

Suétone, Pannartz, 1470, ii, 154.; id^, 

1472, II, 155; Lignamine, ll, 169, 170. 
171. 

Stlvius (^neas), pape sous le nom de 
Pie II, De duobus amnntibus, n, 313*; 

1473, II, 402.— />e mulieribus pra- 
M», etc., 1, 114 n* — Epist. fam.yj. de 
Westphalie, 1483, li, 400. — Opéra, l, 
i 08. — Voy. Pie II. 

Tabulare fratrum ord, de Carmelo, Mar- 

tens, II, 405. 
Tacite, Spire, ii, 180, s. 
TÉRENCE, Spire, n, 182, s.; (Menlelin). 

II, 86,97; (Gering), ii, 309; Pannartz, 
1472, II, 155; Zarot, 1470 (1481?), il. 
213. 

Theurdanck, célèbre livre allemand, ii, 

118, 127, 366. 
THOMAS (S.) d*Aquin (àKempis), Ca- 
thena aurea, Pannartz, 1471, ii, 154; 
(Barcelone, 1471 ?), ii, 440. — De ve- 
ritate cath. fidei, Pannartz, 1475, il, 
156. — Comment, in Ethica et Politica 
Aristotelis, Spindeler, 1478, ll, 447. — 
Expositio libri quarti sentent., Scboiffer, 
1469, I, 260, 277. — Questiones de ve- 
ritate (?), 11,295; Pannartz, 1475, ii, 
166.-— Summa, prima pars, i, 271 n.; 
Scboiffer, 1471, l, 282. — S«mma, se- 
cundo pars, Scboiffer, 1407, i,271, s«; 



Te 



4Ô4 L0€ALITl£8 00 L'ÉTABLISSEMCXT DE L'iMPIUMERIE EST SIG.'VALlî. 



(Mentolin), ii, 80, ISt. — Swuma de 
artieuUi /fdri, l|, 14. — Optra varia, II, 
490. 
TlCifOHTlLLB (G. de), Dits MoraMXf{}i9n- 
sion), II, 391; Gaxtoo, (trad. angl.), 

1477, II, 43i-433. 

TITE-LIYB, PaBQarlz, ii, 154; td., 1473, 
11, 155; J. SchoitTer, 1518, i, 309; ii, 
69; 1. Schoiffer, (trad. allem.), 1505, 

I, 309; II, 69. 

TOBQUEHÂDA (le Cardinal), Meditationeê, 
Haho, 1467, II, 14&-147, 168, 163; t<i., 

1478, II, 167; Nameister, 1479, ii, 210. 
— Bxplanatio tn pialtgriutn, (Grassis) , 

II, 1S5. — Expoêitio breviê super toto 
psalterio, Scboiffer, 1474, I, 286; id., 
1476, I, S87. — Optra, l, 109. 

Traetatui dt celebrationt mi$*antm, I, i04| 

8., 211. 
Tractatuê malefieiorum , Michaelis, 1472, 

II, 227 n. 
TRi8ME6i8TE(Merc.), Liber de potêttatt et 

tap, Dei, G. de Lisa, 1471, ii, 254. — 

J. SchoifTer. 1503, l, 293. 
TRITHÈMB, Compendi«m,etc., J.SchoifTer, 

1515, I, 307, 8.— CAron.Sponn., 1601, 

I, 297. — Opéra (C^ron. Uiriaug.)y I , 
295. 

Trojantka Historia (en bohème), (1468 ?), 

II, 125. Voy. Fevre (ïe). 

Trône d'or (te) du frère Othon de Poêtau 
(en allem.}, 1470, n,61; 1480, ii,61 n. 

TUDESGHis (Nie. de), auirement dit iVi- 
colaui Siculut, Lectura, Vindelin de 
Spire, 1471, ii, 198; Torresani, 1481, 
II, 195. 

TUKRECEEMATA. Yoy. Torqwmada, 



Vtino{Le<mardide) Sermome» aureoe, etc., 
II, 127. 

Valoêtuê de Tarenta, De epid, peet,, 1475, 
II, 447. 

Valera (Diego de), Crouica de Eepaaa 
abreoiada, 1482, II, 449; 1487, II, 450. 

TÀLàRE-MAXiME, SchoifTer, 1471. i,281 ; 
(Gering), ii,312-313; (Mentelin), 11,86, 
97. 

VALLENSIS {Laurentii) Facétie» moralet, 
(C08tcr?), I, 114.— Vall» (L«crenlii) 
Elegantia, (Gering), 1471, ll, 307, 318; 
Lignamine, u, 170; Pannartz, 1475, 
II, 156. 

Valluriut, De Re milHari, 1472, 11,253. 

Fierge (la) et l'Enfant, gravare ancienne 
attribuée à Bernard Uilnet, i, 3. 

TiLLEDiBU (Alexandre de) , autrement 
dit Àlexander GaUta, Doctrinale , at- 
tribué à TouTrier de Goster, i , 82- 
83, 114; Tendu à Bruges en 1445, i, 
98; vendu à Valenciennes en 1451, i, 
98; attribué aux Gennini, n, 238 n. 

Vincent de BeauTais, Specuhm, i, 33; 

! Mentelin ?}, n, 83, 86 ; [id,), 1476, ii, 84; 
imp. à la lettre R), ii, 81, 105 ; Stan- 
leim, n, 197. 
VIRGILE, Pannartz, (1469), i, 154; li., 
(1471), I, 154; (Mentelin), ii, 86; (Ge- 
ring), II, 309; B. H. , 1472, II, 225 ; 
Zarot, 1472, ii, 214. 225; Layagna, 
1474, II, 230-231; Hahn, 1474, II, 171. 
Voy. Serviui. 
Voeabularium ex quo , Bechtermuntze , 

1467, II, 7, S.; id., 1472, 1477, 11,17. 
Vysioen von Tondàlut, Vander Goes, 1472, 
II, 4i6. 



111. LoGALiTÉs OU l'Établissement de l'imprimerie est signalé. 



Alost, II, 401-414. 

Anyers, i, 6-7, 92; il, 410, 416-419. 

Audenarde, ii, 3:22. 

Augsbourg, II, 121-127. 

BAle, II, 119-121. 

Bamberg, ii, 20-61. 

Barcelone, ii, 439, 8. 

Bologne, ii, 234-237. 

Braga, ii, 443-444. 

Bresse, li, 340. 

Bruges, l, 6; ii, 347-400. 

Gatane, il, 258. 

Golle, II, 203, 238. 

Gologne, ii, 109-115, 363-387, 428-429. 

Gôme, II, 232. 

GracoTie, ii, 125. 

Gulembourg, i, 49, 55, 113. 

Eichsiett, l, 135. 

Elfeld ou Eltvil {AUa Villa) , II, 4-15. 

Voy. Mayence. 
Ferrare, i, 304; ii, 254. 
Fivisano, ii, 207. 
Florence, ii, 237-252. 
Foligno, II, 208-211. 



Francfort- sur- le-Main, ii, 18-19. 

Friuli, II, 251. 

Gand, ii, 322. 

Gènes, II, 256. 

Gottde, II, 392. 

Haarlem, l, 55-115, 156 ; il, 420-421, 423. 

Londres, il, 384, 422-438. 

Louvain, ii, 400-4t6. 

Lucques, il, 198-208. 

Lyon, II, 248, 339-347. 

Hantoue, ii, 227. 

Marienthal. Voy. Val-Sainte-Marie. 

Mayence , l, 59, 65 , 138, 139-419, 155- 

315; II, 4-20. 
Messine, ii, 258. 
Milan, ii, 211-234. 
Munich, i, 107 n. 

Munster en Argovie, ii, 1:27-133. 299. 
Naples, II, 257-258. 
Nuremberg, ii, 115-119. 
Oxford, II, 197, 422-424, 438. 
Padoue, il, 195, 340. 
Paris, 11,260-339. 
Parme, ii, 217-222, 316. 



N 



PIÈCES IMPRIMICES RANGÉES DANS L*ORDRE CHRONOLOGIQUE. 46.1 



Pavie, II, SS5. 
Prague, ii, 196. 

Rauscbenburg, ti, 98. Voy. Stratbourg. 
Ripoli, II, S48, s. Voy. Florence, 
Rome, I, 2U; il, 136-174. 
Saint-Ulric, ii, 196. Voy. Augihourg, 
Saragosse, ii, 439, s. 
SéviUe, II, 439, s. 
Sonioo, II, 939. 

Subiaco, ii, 136-147. Voy. Rome. 
Spire, II, 133-135. 

Strasbourg, i, 115-15i, 163 ; If, 61-109, 
119. 



Trévi, II, 133,259. 

Trévise, ii, 9S3. 

Turin, li, 340. 

Udine, ii, 9S4. 

Uim, i, 107 n.; li, 199. 

Utrecbt, ii, 398-399, 41S, 419-490. 

Val-Sainte-Marie, ii, 16-18.Voy. Jfaycnee. 

Yaienoe (en Espagne), ii, 439, s. 

Venise, i. 6; ii, 174-198, 909-904, 340, 

404, 406, 406. 
Vérone, ii, 953. 
Vicence, ii, 100, 954, 360. 
Westminster, ii, 433. Voy. Londreê. 



IV. PlÈŒS IMPRIMÉES DANS L'OUVRAGE RANGÉES DANS L'ORDRE 

CHRONOLOGIQUE. 



1439 (19déc.). Jugement rendu à Stras* 
bourjç, au sujet d'une contestation qui 
s'était élevée entre Gutenberg et les 
frères d'un de ses associés, i, 191. 

1441 (11 oct). Décret du sénat de Ve- 
nise relatif aux impr. de cartes et 
d'images, i, 6. 

1445 Qanv. 1446 n. s.). Acquisition, à 
Bruges, d'un Doctrinal imprimé (voy. 
le fac-*imile n? i), i, 97. 

1451 (oct.). Acquisition, à Valenciennes, 
d'un Doctrinal imprimé (voy. ie fac-si- 
milé no 9). I, 97. 

1455 (6nov.). Jugement rendu àHayen- 
ce entre Gutenberg et son associé 
Fusl, I, 194. 

1458 (3 oct.). Jenson est envoyé par le 
roi Charles YIII à Mayence pour s'y 
instruire dans Tart dimprimer^ il, 
973. 

1159 (16 déc). Jean de Petersheim, 
brie/drucker , prête serment comme 
bourgeois de Francfort-s.-Ie-M., ii, 19. 

1466 (juillet). Cicéron donné à Louis de 
Lavernade par Fust pendant son sé- 
jour à Paris cette année-là (voy. le 
fac-similé no 7), il, 289. 

1467 (6 mars). Vente d'un livre par P. 
Schoiffer, au collège d'Autun, à Paris 
(voy. \e fac-similé no 5), l, 971. 

1468 (14 janv.). Prêt d'un livre à Pierre 
Schoiffer, par le cbap. de Saint-Pierre 
de Mayence , pour lui donner le 
moyen d'en taire une édition (voy. 
le fac-similé no 4), l, 960. 

— (96 fév.]. Lettre du doct. Homery 
au sujet de l'imp. de Gutenberg, i, 911. 

— (95 sept.) Reçu du relieur Duhamel, 
pour le prix d une reliure faite pour 
le collège d'Autun, à Paris, ii, 994. 

— (6 oct.). Reçu du libraire Ronnomme 

Sourie prix d'un livre vendu au même 
tablissement, ii, 995. 

1469 (19 mai). Sentence arbitrale rendue 
à Bruges par Caxton, ii, 373. 

— (18 sept). Privilège typogr. accordé 



par le sénat de Venise à J. de Spire, 
II, 17G. 
1470 (19 oct). Requête de l'imprimeur 
Clément au sénat de Lucques, ii, 903. 

1470 (5 avril 1471 n. s.}. Reçu d^Her- 
mann pour la vente d'une Bible do 
Schoiffer à l'archiprêtre d'Angers, ii, 
987. 

1471 ? (98 oct.). Extrait de l'obituaire de 
Saint-Victor de Paris, au sujet de l'an- 
niversaire de J. Fust (voy. \e fac-similé 
no 3), II, 955. 

1471 (99 nov.). Lettre de la faculté de 
médecine de Paris au roi Louis XI, au 
sujet d'un livre à lui prêté par elle, 
II, 980. 

1471 (7 mars 1479 n. s.). Lettre de Fi- 
chet à J. de la Pierre, au sujet des 
livres imprimés apportés en France, 
II, 311. 

1479 (90 mars). Lettre des imprimeurs 
de Rome au pape pour lui demander 
des secours, II, 151. 

— Lettre de J.-Ph. de Lignamineà l'abbé 
de Sainte-Placide, à Rome, pour le mê* 
me objet, ii, 169. 

— (90 mai). Traité de Zarot, impr. k 
Milan, avec ses associés, ii, 916. 

— Autre traité du même, ii, 999. 

— 119 août). Nouvelles propositions de 
Clément au sénat de Lucquesi.- rela- 
tivement à l'imprimerie, ii, 90^. 

1473 [8 oct.). Traité de Valdarfer, impr. 
à Milan, avec Lavagna, ii, 998. 

1474 (fév. 1475 n. sO- Lettre du roi 
Louis XI en faveur des premiers im- 
primeurs de Paris, ii, 330. 

1474 (?). Reçu de P. Schoiffer pour le 
prix d'un livre vendu k un chanoine 
de Paris (voy. le fac-similé no 6), ii, 
397. 

1475 (91 avril). Lettre du roi Louis XI 
en laveur de P. Schoiffer, etc., ii,S39. 

1483 (95 janvier). Traité de l'imprimeur 
de Ripoli pour l'impression d'un li* 
vre, II, 949. 




466 



MATIÈRES PRINCIPALES. 



V. Matières principales rangées par ordre alphabétique. 



Armes anciennes de Haarl«m, i, 23, 87. 
Armes données ani imprimeurs, ii, 91. 
Bibliothèque de Charles V, ii, 96i, s. 

— du dToe de Berry, 16. ~ du duc de 
Bourgogne, 11, 349, s. 

Caractères fondus dans le sable, i, 43, 
43; dans des matrices en plomb, 
1, 145, 298 ; — de bois (il n'y en a pas 
eu), I, 9, 11, s., 34, s., 39, s., 224. S. ; 

— en argile, i, 11 ; — antiques (ro- 
mains), II , 220, s. ; — modernes (go- 
thiques), II, 220. s.; — romains (Voy. 
caract. antiques), 11, 102, 138, 139 ; — 
italiques, 11, 138; — chinois, pr^/*. ix-x. 

Cartes (fabrication des), i, K, 6, s. 

Carton, en terme d'imprimerie, i, 50 n. 

Chalcographie (la) conduit à la taille- 
douce, I, 2, 3, s. 

Chapelle, terme d'imprimerie, if, 431. 

Chiffre, leur emploi dans l'imprimerie, 
11, 114, 131. 

Cicéro (caractère), il, 172. 

Cirijpagus (industrie du), 11, 55, s. 

Club lloxburghe, 11, 179, 377. 

Composteur primitif, i, 43. 

Comput au moyen âge, i, 271; 11, 97, 
350, 383. 

Corporation des calligraphes, i, 6; 11, 

417. 
Criblée (genre de gravure dite), i, 4. 
Frotton, I, 8 n. 
Grec (caractère), grave, i, 248 ; fondu, 

II, 140, 169; premiers livres grecs, 

II, 232. 
Gros-romain, nom d'un caractère, I, 15. 
Hébreux (caractères); premiers livres 

hébreux, 11, 232. 



Images. L'impression des images fort 
ancienne, i. 3, 5,6. — Corporation 
des impr. d images, i, 7 ; 11, 359, 417. 

Imprimeries ambulantes, 11, 201. 

Interligne, I, 9 n. Premier livre intei^ 
ligne, 1, 35. 

Moulées (lettres), i, 99!, s. 

Moules à fondre les caractères, i, 44, 277. 

Musée Coster, à Haarlem, i, 66. 

Musée Thiéland. à la Haye, i, 27. 

Nielles, leur ancienneté, i, 3. 

Noms divers donnés aux imprimeurs 
dans le xye siècle, 11, 58. 

Orfèvres, gravant pour Timprimerie, 

I, 3, 134, 145 ; II, 237. 

Papiers ; origine de leurs noms divers, 

II, 173. 

Point; mesure typographique,pr^A, xii. 

Police des caractères, i, 41. 

Quatemion; signiOcation de ce mot, i, 
304. 

Réclame, i, 18t. 

Registre (ancien), i, 33; (nouveau), 11, 
30 n. 2. 

Romain (caractère) ; d'où Tient ce mot, 
II, 138. \oy. Groê-romain. 

Saint>au2ustin , nom d'un caractère; 
son origine, 11, 172. 

Signatures, 1, 104; 11, 235. 

Steréotypie (invention de la), i, 86 n. 

Taille-douce (son origine), i, 4. —Pre- 
miers livres avec des grav. en taille- 
douce, II, 159, 242 (et oddt'r), 347. 

Xylographie, i, 3, 7, 8, 9, 53, s. (Voy. 
dans la table des impressions les mots : 
Donat, DomintealiOf Confeuionale, Bible 
des pauvres, etc.) 







I 



CORRECTIONS ET ADDITIONS. 

TOME* I. 

Dédicace, p. Il, effacez Tarticle 4**, qui n'appartient pas A M. Fischer de 
Waldheim. — Ce savant est mort à Moscou, le 18 octobre 1853, à l'âge de 
82 ans. 
Avant-propos, p. yii, 1. 7. — - Presque tous les diplômes royaux du moyen flge 
se terminent par cette formule : « Ac annuli nostri impreuione jussimus 
sigillari. » 
P. XI, n. 1 : Girod, lisez Gn-aud. 

XT, I. 21 (Lettres dMndul^ences de 1454-55), ajoutez en note : Ce fac-similé a 
été pris sur un fac-simiIe manuscrit qu'a fait faire H. Ambroise Didot, au 
British muséum, et qu'il a bien voulu me confier. 
P. 7 du texte, n. 1, ajoutez : « et dans ce livre, t. ii, p. 359 et 417. > 

23, 1. 11. Armes de la ville de Haarlem. Voy. p. 87 n., des armes différentes. 
33, n. 1, 1. 2, effacez saint, 
40, 1. 13 : de fonte, lisez fondus, 

54, 1. 6 : 1473, ajoutez en note : « Voy. t. ii, p. 406-407. » 
70, n. 1. Porter -cette note à la page 268. 

83, 1. 8 et suiv. Ce livre serait-il celui qui est décrit t. ii, p. 113 ? 
86, n. 1, à la fin, ajoutez : « dans la Hollande. » 
91, 1. 24 : Vabbé des Roches, lisez Jean des Roches, 
92, 1. 4 et suiv. Voy. ce qui est dit k ce sujet, t. ii, p. 417. 
97, I. 22 : son abbé, ajoutez en note : « Jean le Robert, nommé aussi Jean de 
Valenciennes, parce qu'il était né prés de cette ville (à Haveluy), fut élu 
abbé de Saint-Aubert en 1432, abdiqua en 1469, et mourut en 1471. » 
102, effacez la note 1. 
152 et 153 : Zeiner, lisez Zainer, 
173, note, effacez (ou Pinentirone Grata), 

181, 1. 23 : acquéreurs, ajoutez : « ou d'en permettre la vente par fascicules, > 
et en note : « Robert Eslienne en fit autant au xvi* siècle pour la Bible 
hébraïque, qui fut divisée en quinze fascicules d'étendue et de prix diffé- 
rents. » (Voy. les Annales des Estienne, par M. Renouard, 2* édition.) 
188, 1. 25, lisez : « On ne distinguait les divers exemplaires d'un même ou- 
vrage que par le nombre des lignes qu'il avait à la page. » 

198, 1. 26, lisez : « Henri [Gunther], et », et supprimez la note. 

199, 1. 1 : serviteurs, lisez serviteur 

200, 1. 3 et suiv. M. Wetter écrit : Grauss, Kist, Knoff, Yseneek, Gimssheim, Bone, 
204, 1. 16 et 17, lisez : « De son art et de celui {sicut etiam ?)'ûe Jean. . . . > 
205, 1. 17 : le n<*6, lisez les n»» 10 «Ml. 

229, 1. 21. Voir une curieuse note sur ce livre dans le Catalogue de la biblio- 
thèque de M. A. A. Renouard (1853), p. 5, n^ 45. 
232, 1. dernière : délicates, lisez adroites, 

235, 1. 23 : Bible Mazarine. On a aussi donné ce nom à la Bible d'Eggestein. 
241, effacez la note l. 
243, n. 1, 1. 5 : vassalibtu, lisez vassalîs. 

256, dernière ligne : 296, lisez 295. 

257, dernière ligne : 302, lisez 308. 
260, I. 4, lisez extra Uberariam concesso, 

— i. 15 : donums, etc, lisez dominis etiam, 

— 1. 20 : ad statum, lisez adstatim, 

270, I. 29, ajoutez : « J'ai vu le 3 novembre 1853, chez le libraire Tross, à 
Paris, un exemplaire parfait, encore dans son ancienne reliure en bois, 
couvert de cuir. Le nom du relieur, écrit en gothique dans une espèce de 
banderolle imprimée plusieurs fois, à froid, sur la couverture, est Hanns 
Oesterricke, On m'affirme qu'il exerçait du temps de Schoiffer. » 

— I. 7 et 9, lisez Marcoussiaco et JUarcoussy, 

271, 1. 2t : 1840, lisez 1848. 

287, dernière ligne : n» 7, lisez n» 6. 

288, 1. 9 : Stathoen, lisez Statboen, 

294, 1. 4, lisez l'âge seul de cette dernière, 
314> 1. 14, lisez le second atelier. 



•7 



4(>8 CORIIECTiONS ET AI»1)IT10NS. 



TOME. II. 



69, 1. 3, liiei ia mort de Vempereur. 

8S, I. f5, efTaoei ioint. 

8K,I. l,efbeei famf. 

100, n. t, lifec Stêig^nberger. 

103, 1. 7, effaeei êoint, 

108, I. i8, efracez «atni. • 

107, 1. 5 et S4, effaeei Mini. • 

liT, I. Il, effae«KMifif. 

133, i. 5, écrirei B«yiiar(it'. 

188, n. 1, ajoutei : « J. J. Canis est auteur de plusieurs autres outrais ; U 
ne mourut qu'en 1490. •• 

199. L'ouvrage décrit foi est peut-être celui dont il est parlé p. 187. On a pu 
lire dans la souscription lxi, en supprimant quatre jambages, dans Tin- 
tention de corroborer la date erronée du Décor puêUamm. 

900 et 901, Usez /afnea CanU, et non de Cuniê. 

949, 1. 11: — • Le libraire Tross (dans son xti* catalogue) mentionne un petit 
traité d'astronomie (in-4^) en allemand renfermant deux ou trois planches 
en taille-douce d'une exécution grossière, et commençant par un ca* 
lendrier perpétuel qui part de l'an 1475. On pourrait en conclure que ce 
livret est antérieur aux travaux de Sweinheim, si l'on ne savait pas. que 
ce dernier avait mis trois ans k graver les magnifiques planches du Ptoléinée 
de 1478. (Y. p. 169.) 

939, n. 9 : b'vrM>tti/«, lisez livre$ hébreux, 

976, dernière Ugne .* umivereitaireê^ lises éjn$copale$, 

977, 1. 95 : umiterntëê^ lisez métropoleê, 

991, 1. 9 et 3, lises : « Rappelant la réforme qui eut lieu en France vers 1466, 
à l'occasion des troubles politiques de cette époque (la guerre dite du (t'en 
p%iblic), elle est, » etc. 

301, 1. 1 : itueription, lisez souscription, 

310, 1. 19 : Ifexentplmire unique, (Je me trompais, il y en a un antre oom|rfet. 
Voyez une lettre de H. Brunet dans le Bulletin du Bibliophile, mars 181^ et 
une réponse de moi dans le numéro du mois d'avril de la même année.) 

391, n. 1 et 9, transportez d'une note à l'autre les chiffres des pages. 

399, avant-dernière ligne, lisez RubeuB, 

398, 1. 94 : bihUographe^ lisez collectionneur, 

336, dernière ligne : 963, lisez 968. 

417, n. 1, ajoutez : « on aurait oublié un F dans la date. • 



Paris, Imp. de Paul Dupont. 45, nif d« Grenelle-St-Honori.