DESCRIPTION
DES
TOMBEAUX DE POMPEI
DESCRIPTION
DES TOMBEAUX
QUI ONT ETE DECOUVERTS A POMPEÏ
DANS l'année i8i2.
PAR LE CHEVALIER
A. L. M I L L I N
JIEMBRE DE LA LEGION d' HONNEUR ET DE l' INSTITUT
IMPERIAL DE FRANCE , MEMBRE HONORAIRE DE
l'académie royale de naples etc.
DEDIEE
A SA MAJESTÉ
LA REINE DES DEUX SICILES.
NAPLES
DE L'IMPRIMERIE ROYALE
i8i3.
Naples 23. Mars i8i3,
A SA MAJESTÉ
LA REIXE DES DEUX SICILES.
TTSaS
aille
lorsque Sa Majesté le ROI ^ repondant
à rappel de S.M. l'Empereur^ Son Auguste
Frère y est allé cueillir de nouveaux lau-
riers. Pendant que Sa valeur brillante
excitoit r admiration des braves ^ que sa
bonté lui assuroit l'amour de Varmée ,
que sa loiauté le faisoit respecter des
ennemis , et que son humanité lui atti-
voit Vestlmc du monde ^ vous suppor-
tiez les fatigues de V administration , et
vous avez montre quelle est la puissan^
ce de la grâce et de la raison. Les
fouilles de Ponipeï ont offert à Votre
Majesté un agréable et noble délasse-
ment. Docile aux désirs de son aima-
hle Souveraine , cette terre classique a
produit des monumens importuns , f ai
essayé de les faire connoitre ^ et Votre
Majesté a daigné agréer Vhommage de
ma description. C'est une ancienne cou-
tume , particulière à Vltalie ^ et qui re-
monte aux premiers tems de sa gloire lit-
téraire ^ de célébrer les époques mémora-
bles , par tous les genres de littérature . On
doit à cet usage la publication de mo-
numens curieux , et de pièces intéres-
santes qui seroient restés ignorés . Quel
moment plus heureux pouvois je choisir^
Madame^ pour faire paroitre la descri-
ption des monumens qui ont été découverts^
pendant la régence de Votre Majesté î
Tout le royaume semble réuni pour célé-
brer le jour de la naissance de ses Souve-
rains hien aimés. La jeunesse Napolitaine^
à la voix du Monarque qui la gouverne
en sage et qui la commande en héros ^
est animée du feu qui a produit , dans
ces contrées fameuses , des guerriers si
vantés. Elle suivra bientôt les pas dhm
jeune Achille , pourquoi des Ajax et des
Diomedes ne sortiroient ils pas de ses rangs.
Tout retentit de cris d^allegresse ! Per-
mettez-moi , Madame , dhinir aussi mes
voeux à ceux de vos sujets fidèles . Ils
sont liés par le serment et le devoir 5
comme ils sont attachés par l^amour 5 à
votre personne sacrée ^ je suis guidé par
la reconnoissance . Je dois aux hontes
du Roi 5 Vaccueil distingué que fai reçu
dans ses états et le succès de mes re-
cherches . Les témoignages d^ estime , dont
il mUa honoré , les encourra gemens flat-
teurs que votre Majesté a daigné me don-
ner , en sont déjà la recompense .
J'ai rhonneur d'être membre de Villu^
stre Académie royale qui succède à celle
d^ Herculanum ^ et j^ai cherché à m^ associer
plus intimement à ses travaux , en trai-
tant un des sujets qui sont soumis à ses
doctes discussiojis : fai voulu laisser , dans
un royaume^ d'oïl f emporte tant de sou-
venirs 5 un tribut de mes foihles talens .
Si mon hommage est agreahle à votre
Majesté je retourne en France 5 avec plus
de désir de terminer les ouvrages que j^ai
préparés : puissent ils m^assurer toujours
son Auguste protection.
Je suis avec respect
1 1 6aaaivi6
De Votre Majesté
Le très humble et très obéissant serviteur ,
Le Chevalier A. L. Millin.
î
DESCRIPTION
DES TOMBEAUX
QUI ONT ÉTÉ DECOUVERTS A POMPEI
DANS l' année 1812.
xL n'y a point d'événement plus re-
marquable dans r histoire des grandes
révolutions du globe et des phénomè-
nes physiques , dont les hommes ont
pu conserver la mémoire que la destru-
ction d'Herculanum et de Ponipeï ; il
n'y a pas non plus d'époque plus im-
portante 5 pour Tetude de l'antiquité ,
que celle de la résurrection de ces deux
villes. Après avoir été ensevelies 5 pen-
dant dix sept siècles , elles reparoissent;
comme si elles avoient été enveloppées
dans la lave ou conservées sous la cen-
dre 5 pour nous apprendre un jour à
mieux connoitre l'architecture des an-
ciens , à nous former une idée plus
exacte de leurs progrés dans lapeintu-
I
2
re et nous révéler enfin des particu-
larités relatives à leurs usages publics
et à leurs habitudes privées. L'amélio-
ration du goût, pour la décoration des
maisons et la fabrication des meubles ,
a été un des heureux résultats de cette
découverte et on ne peut meconnoitre
Tinfluence qu'elle a exercée , dans tout
ce qui tient à Tart du dessin, (i) On
doit donc la plus vive reconnoissance
aux Souverains qui ont entrepris et
continué ces fouilles , et à l'ilîustre
Académie qui a donné de savantes ex-
plications des précieux monumens qu'el»
les ont produits.
(i) Si Ton veut comparer la forme des meubles,
les bordures des tentures et des tapis , les broderies
des vetemens et des dentelles , les peintures des por-
celaines , les gi-avures des cristaux , les ciselures des
vases de bronze ou d'argent , avec les ouvrages du
même genre qui ont été faits avant la dernière moi*
tié du siècle qui vient de s'écouler , on suit aisément
les progrès de la révolution que la publication des
monumens d' Herculanum et de Pompcï , et celle des
peintures des vases , appelles étrusques , ont opérée
daas le goût et le style du dessin .
5
Les troubles civils avoient fait inter^
rompre les fouilles de Pompeï, elles ont
été reprises avec une nouvelle activité.
On veut aujourdhui connoitre reten-
due de la ville 5 avant d'entreprendre de
la découvrir entièrement, et on a com-
mencé à creuser autour de ses murail-
les. Quand son enceinte sera dégagée
on suivra ses différentes rues , et on
pénétrera dans les maisons dont elles
sont bordées ; il restera encore à ouvrir
les chemins qui conduisoient aux por-
tes ^ pour offrir à la curiosité les mai-
sons de campagne qui etoient hors de
la ville 5 et reproduire les tombeaux
que les anciens placoient ordinairement
sur le bord des routes (2). Cette der-
(-2) Ceux que Ton rencontre sur la via Appîa
depuis Rome jusqu'à Naples attestent encore au voya-
geur Tantiquité de cet usage . M. LaLruzzi a de&siné
plusieurs de ces tomteaux , et en a publié an recueil»
La coutume de placer ainsi les tombeaux avoit uno
origine morale , celle de rappeller Tidëe de la fi-agilité de
la vie , et le souvenir de la mort . Sic Monumenta quae
în Sepulchreis : et ideo secunduni viam j quo praçtç-^
nîere opération avoit été commencée
sous Tancien gouvernement ^ et on lui
devoit la découverte de la grande por-
te de Pompeï et d'une partie de la vo-
ie consulaire par la quelle on y arri-
voit de Naples et de Rome. Ces fouilles
avoient déjà fait paroi tre la belle mai-
son de Campagne de M. Arrius Diome-
des 5 et les gracieux hémicycles (3) qui
ont été imités si heureusement dans nos
jardins (4) . Les fragmens précieux de
chapiteaux , de frises , de corniches qui
ont été découverts annoncent qu'il y
avoit sur cette route des aedicules (5)
et des tombeaux richement décorés : on
y remarque en effet celui de la famille
Arria et celui de la prêtresse Mammia
dans le lieu qu'un décret des Decurions
reunteis adnoneant , et se fuisse et illos esse morta^
leis . Varro de Ling. Latin. V. 6.
(3) Bancs demi-circulaires.
(4) Tels sont ceux des gazons du jardin dans le
palais de Tuileries.
(5) Des petits temples.
5
lui avoit assigné pour sa sépulture (6),
Ces découvertes en promettoient de nou-
yelles , et celle des tombeaux dont je
donne la description est le résultat des
fouilles, qui se poursuivent avec autant
d'intelligence que de zèle, et d'activité.
Les premiers ouvriers continuent un tra-
vail nécessaire à leur existence , mais
on vient de leur adjoindre deux cent
sapeurs dont la vigueur reçoit une nou-
velle application: après avoir percé tant
de mines, et ouvert tant de tranchées
pour forcer des villes à se rendre , ces
braves soldats s'étonnent d'en voir sortir
une des cendres dont ils la dégagent.
Les deux premiers tombeaux que je
décris , se touchent , et n'ont d'autre
séparation qu'un mur mitojen :^ la plan-
che première en représente le plan, la
coupe et l'ensemble. M. Catel (y) les
(6) Voyez les Descriptions de Pompeï par MM.
Gaelano d'Ancora , et Rouianelli.
(7) M. François Catel , peintre liaLile , né à
Berlin , m' a accompagné dans mes voyages en Cala-
6
a dessines de rdevation que les cen-
dres 5 qu'on rejette sur l'autre cote de la
route on produite; on peut prendre ainsi
une idée de la profondeur de la fouille^*
On distingue pi. I. les sinuosités du sen-
tier par lequel les travailleurs portent les
cendres. Les regards de celui qui est
place sur cette hauteur parcourent la
voie consulaire ^ que le char de Ciceron
a du fouler tant de fois 5 quand il etoit
à son Pompe ianum ; ils embrassent les
curieux inonumens que je viens d'indi-
quer; ils s'arrêtent avec tristesse sur les
torrens de cendre dont une ville en-
tière a été couverte. L'imagination se re-
trace tous les desastres qui eurent lieu
dans cette fatale journée et ce souvenir
porte l'ame à la mélancolie y mais elle
bre 5 sur les côtes , dans les golplies , et les isles de-
puis le cap Misene jusqu'à Reggio j et dans une par-
tie des Abruzzes , et au lac Fucin . Pai un riche por-
tefeuille composé des dessins qu' il a faits , et que je
me propose de publier. Cet estimable artiste est à pré-
sent à Rome, où il s'oceupe à terminer des ouvrages
qui le mettront au rang des plus célèbres paysagistes-
7
en est agréablement distraite par la vue
des pampres suspendus à de sveltes et
elei2;ants peupliers , et qui forment d'a-
greables guirlandes . Les ceps vigoureux^
doiit Factivité des sels volcaniques fa-
vorise le développement , mettent à
l'abri des rayons du soleil et on jouit
des charmes toujours nouveaux que pré-
sente Taspect du golphe de Naples , de-
puis le délicieux promontoire des Si-
rènes jusqu'au cap auquel le trompette
d'AEne'e a laissé son nom.
Le premier de ces tombeaux pi. L n. i
est carré il est entouré d'un mur et déco-
ré de bas reliefs pi. IIL n. i. et 2., la porte
de l'enceinte est élevée par le trottoir et
par un haut gradin au dessus de la voi^
publique; elle est ornée d'un bas relief
pi. IIL n. 5. Le mur est couvert d'un stuc
semblable à celui dont la plupart dc^
monumens de Pompeï sont si agréable-
ment crépis ^ la Plinthe est peinte en
rouge, le stuc, sur le reste de la Surface
est moulé en compartimens qui donnent
au mur l'apparence d'avoir été bâti avec
8
des pierres de tailles. Les lignes qui
marquent les séparations sont triples et
Fornement qui règne à la partie supé-
rieure forme une frise.
L'entrée n*est pas derrière comme
celle du tombeau voisin pi L n. 2. 4- ^t
selon l'usage ordinaire; elle est sur le
cote pi. L n. 3. On y monte par deux
marches et on pénètre dans une petite
pièce carrée. On remarque dans les trois
murs qui sont en face et sur les cotes
quatre niches destinées a recevoir des
urnes ; il n'j a que deux niches du cote
de l'entrée , parce que la porte, quoi-
qu'elle soit très petite j occupe la place
de celles du milieu. Au centre de la pièce
n. I. 3. est un pilier carré qui soutient le
toit de l'édifice , ce pilier est percé en
arcades sur chaque face et on vojoit ,
par ces ouvertures, l'urne principale qui
etoit au milieu. Toutes les urnes ont éiè
enlevées ^ on a seulement trouvé dans
les niches , où elles dévoient être pla-
cées, des fragmens d'os brûlés, et une
petite lampe de terre cuite. Il j a plu-
9
sieurs preuves, d'une pareille spoliation
clans quelques tombeaux 5 et quelques
maisons de Pompeï.
Le toit est comjiose' de pierres pla-
tes , posées Tune sur l'autre , et gra-
duellement plus étroites. Leur ensem-
ble forme un escalier de trois mar-
ches, sur chaque face^ la troisième mar-
che porte une base carrée un peu éle-
vée , sur la quelle il y avoit probable-
ment une statue. On découvre encore,
sur cette base , quelques vestiges des
fîiîures de stuc dont elle étoit ornée.
Les traits de jambes d'hommes et d'a-
nimaux qui subsitent annoncent qu'on
y avoit représenté une chasse, à peu-près
du même genre que celle dont je don-
ne le dessin pi. III. n. 2.
Les bas reliefs qui décorent ces monu-
ments pi. II. et m. doivent a présent
nous occuper. Celui qui est sur la face
même du tombeau carré est partagé en
deux plans ^ le premier pi. III. n. i. ré-
présente des combats de gladiateurs ; le
second, n. 2. un autre combat aussi bar-
10
bare , auquel on donnoit le nom de
chasse (S^., par ce qu'il avoit lieu entre
des hommes et des animaux.
Le premier bas relief n. i. est compo-
se de douze figures distribue'es en six
paires (9). Celui qui avoit la direction
des jeux devoit appareiller les combat-
tans, d'après la considération de leur âge,
de leurs forces 5 et de leur habileté 5
chaque gladiateur a en effet ici son ad-
versaire . Au dessus de chaque paire
on lit des inscriptions qui ont été tra-
ce'es avec un pinceau , selon l'usage
dont on rémarque beaucoup d'autres
exemples à Pompeï (10)5 et qui subsiste
(g) Vcnatio .
(9) Varia. Les Auteurs ont toujoui's employé ce
mot pour désigner deux adversaires . Cladiatoruin
par nohilissimurn inducitur. Cicero de optcni. gêner,
orat. c. 6.
(10) Monseigneur Rosini Evêque de Pouzzoles,
et président de la classe d' histoire et d'Antiquités de
FAcadeniie Roj'ale a fait figurer les plus importantes
avec une extrême fidélité et les a savament expliquées,
dans la première partie de la belle dissertation qui
sert d' introduction à rédition des manuscrits d'Hex-
II
encore à Napîes (ii). Les inscriptions
de Pompeï sont quelquefois tracées
avec du noir 5 souvent aussi avec du
rouge : ici les lettres sont noires.
Tous les gladiateurs sont à pied , à
l'exception de la première paire qui est
à cheval. Ciceron (12) fait mention de
ces gladiateurs 5 et Isidore leur assigne
le premier rang (i5). Juste Lipse (i4)
culanum . Dissertatlo Isagogica ad Herculanenslam
voluminiim cxplanationem ^ lygj.fol. Ouvrage qui fait
tant admirer Té tendue de son ei'udition , et la solidité
de sa critique: on éprouve de justes regi-ets qu'il n'en
ait pas encore donné la seconde partie.
(11) Les prohibitions, les permissions , les avis
de toute espèce étoient , sous l'ancien gouvei'nement ,
traces sur les murs, en lettres cursives, avec un pinceau
et en couleur rouge . On en trouA'e encore plusieurs
qui sont absolument dans le genre des inscriptions de
Pompeï .
(l'i) Qui tamen qiio tcmpore conspeclus crat , non
modo gUidiatores ^ sed equi ipsL gladlatoniin repentinis
sibilis extimescebant . Ciger. pro Sextio c. 5g.
(i3) Gênera gladiatorum plura^ quorum primum
ludus equcstrium . Isidor. Etyniol. XVIII , 53.
(i4) Suturnal Sermon. II , ii.
12
et Ferrarius (i5) prétendent qu'on les
appelîoit Aîidahatae (i6). Cependant ^
malgré la torture que ces auteurs ont
donnée aux passages des anciens dont
ils s'appuient, ils n'en citent aucun qui
confirme ce qu'ils avancent. Il y avoit
en effet des gladiateurs nommés Anda-
hatae : ils portoient des casques sans
ouvertures dont leur tête étoit complè-
tement couverte (17) et ils combat-^
( 1 5) De Gladiatorihus in Polen Supplem. ad GrjET
Thesaur. p. 826.
(16) Ils dérivent ce mot du grec àtci^ilhui monter.
Il est vrai que le mot Andabata , ou Anahata étoit
en usage chez les Grecs \ mais il designoit un guerrier
qui étoit à cheval ou dans un char, ce dernier se nom-
moit aussi Parabata. Les Athéniens élevèrent un autel
à Demetrius Poliorcetes , sous le nom de Zeus Cata-
hâtes , c'est à dire Jupiter descensor dans le lieu ou ce
prince descendit de son char après avoir vaincu les»
ennemis ; mais tout cela ne prouve pas que les Ro-^
mains donnassent le nom ^ Andabatœ aux gladiateurs
qui comhattoient à cheval.
(17) Varron avoit composé une Satyre sur la
folie des hommes , et leur aveuglement * Elle étoit
intitulée Andabatae . NoNirs in Luscios II. n. 5i3.
en rapporte quelques fragraens .
i5
toient les uns contre les antres sans se
voir réciproquement. Ces gladiateurs dé-
voient être desespècci» de grotesques d'un
ordre inférieur aux autres (i8). Leurs
vaines tentatives pour se rencontrer, leurs
coups perdus dans l'air amusoient les
spectateurs (19) ; aucun auteur ancien ne
dit qu'ils combatissent a clicval. Si cet
usage a jamais existé, le bas relief que je
décris prouve au moins qu'il n'a pas été
constant dans tous les tems et dans tous
les lieux, car la visière du casque des gla-
diateurs, qui sont sous nos jeux, ne paroit
(18) Facciolati dans son excellent Dictionnaire
IraJuit seulement le mot Andabata par ces expressions
combattente alla cîeca , c'est à dire dans le language
\iilgaire français combattant à V avevglete ^ et il cite
les passages des auteurs Latins , ou il pn est question;
puis , mais en s'appuyant sur l'autoriU; seule de Juste
Lipse , il ajoute cette explication gladiateur qui com-
bat à clicUal a\>ec le front et les yeux couverts. Fer-
rarius n\i fait que copier Juste Lipse.
(19) Il existe dans nos villages de France un jeu
rruel , dans lequel des hommes, qui ont les yeux Lan-
des et la main arm^'c d'un fort Laton , cherchent à
frapper un malheureux oiseau , ou un pauvre lièvre
Suspendus a un poteau.
pas même fermée : la manière dont l'un
d'eux est tourné pourroit laisser quelque
doute sur ce point 5 mais le visage de
l'autre est absolument découvert.
Nous n'avons pas besoin de réproduire
le mot Andahatae y sur lequel nous n'a-
vons 5 dans le sens qu'on lui a donné ,
aucun témoignage 5 pour savoir comment
on nommoit les gladiateurs a cheval .
Isidore (20) et la belle inscription qui est
sur le mur extérieur de l'église de la Tri-
nité a Vcnouse (21) nous apprennent po-
sitivement qu'on les appelloit Equités.
(20) Dans le passage cité plus haut note i3 il
appelle les combats de gladiateurs à cheval Ludus
E<fuestnuni , et non pas Ludus Andabataruni .
(21) C est une pierre tumulaire, qui contient la
liste des gladiateiu-s qui composoient la troupe ( Fami-
lial de Salvius Capiton. Ils y sont distribués en plusieurs
classes , parmi lesquelles est celle des Equités. Voyez
pag. 19 note 35 ce monument a été publié par Fabret-
Ti Inscript, domest. cap. L n. 202 , et réproduit der-
nièrement par Monseigneur Lupoli dans son Iter
\enus. p. 33o. Il n'existe plus que la première partie
de cette inscription , car j'ai vainement cherché la
seconde à la place que Monseigneur Lupoli a indiquée*
i5
Le bas relief de Pompeï est le seul
monument que je connoisse sur lequel
on voye des gladiateurs a cheval.
Ces combattans ont des lances ^ ils por-
tent un petit bouclier rond Ç'j.2^^qui con-
\enoit particulièrement aux gens achevai^
parcequ'il ètoit plus léger que le scu-
tum: au milieu de ce bouclier ^ qui de-
Yoit être de cuir ou tissu avec du bois
flexible 5 et recouvert de peau y est un
rond de métal , et le bord en est égale-
ment garni. Le vêtement de ces gla-
diateurs est léger 5 il se compose seu-
lement d'une courte tunique et d'une
petite Chlamjde , les bras de Tun d'eux
paroissent couverts de bandes de métal ,
qui sont placées de manière à ne point
oter à rétoffe , sur laquelle elles sont
fixées 5 la possibilité de suivre les mou-
vemens que le désir de l'attaque et le
besoin de la défense rendent nécessai-
res. On rémarque les mêmes bandes à
d'autres figures de gladiateurs ^ sur ces
(22) Par ma.
iG
bas reliefs et sur d'autres monumôils
que j'aurai occasion de citer.
La victoire n'est point encore décidée^
cependant la vivacité impétueuse de ce-
lui qui a le bras droit levé semble la
lui assurer: il va poursuivre son adver-
saire dont l'attitude paroit indiquer qu'il
veut se dérober par la fuite au coup
dont il est menace.
Au dessus de chacun des combatlans
est une inscription (23) ^ celle qui est à
gauche, à cote du gladiateur qui paroit
près de sa défaite pi. ÏII. n. i. est ainsi
conçue BEBRYX lYL. XY. Y. je l'in-
tcrprete BEBRYX IVUensis XY. YlclL
Bebrjx Frejulien ( ou Frioulien ) a
vaincu quinze fois.
Bebrjx est un nom de pays; il indi-
que' la Bebrjcie contrée célèbre dans
l'antique histoire de l'Asie. Amjcus qui
périt sous le ceste de Pollux, après
l'avoir osé defîer 5 étoit 5 selon les poètes
(23) J"ai pris moi même des calques de ces in-«^
scriptions , et ces calques ont tté réduits ayec soiu et
avec exactitude siu- le dessin.
^^7
qui ont chante rexpo'dition des xVrgo-
iiaules (2^) 5 roi des Bebrjciens. Les
liûbitans de cette contrée étoient renom-
mes pour la force de leur corps et pour
leur adresse dan:* les exercices s^ymnas-
tiques. Le gladiateur , appelle Lebrjx ^
n'étoit pourtant pas né dans la Bel^rjxie,
puisque la même inscription lui assigne
une autre patrie. Peut être prenoit il ce
nom du pajs d*où il tiroit son origine ,
comme font encore aujourd'liui les Jiom-
mes d'une basse condition (sS) et les
saltimbanques (26). Tous les gladiateurs
appelles Tliraccs n'étoient pas, pour cela^
nés dans laThrace, on les nommoit ainsi
parce qu'ils portoient un petit bouclier
rond (27) et une epée récourbée (28)
à l'usage des Tliraces : il en étoit de
même des Mjrmillons qu' on appelloit
(^4) Apollon. Rhod. Argonaut. II , 3. \ALEn.
Flàcc. Arg. IV, 261 , 9.90.
(^5) Lrs laquais s'a])p'llent Champagne, Berri, ce.
(^.G) Le Saxon , le Provençal , le CalaLrois etc.
(9.^) Par ma.
(a 8) Ilurpé.
i8
raulois (29)5 non parce qu'ils venoient
tous des gaules , mais parce qu'ils por-
toient une armure gauloise. On pourroit
croire que les gladiateurs à chew al ^ équi-
tés^ avoient aussi le nom de Bebrjciens,
à cause de leurs armure , dont ce monu-
ment conserve la représentation 3 mais le
nom denobills^ qui est celui de l'adver-
saire de Bebrjx s'oppose à celte expli-
cation. Sans aller cliercher si loin , nous
avons des preuves que ce nom de pajs
étoit devenu, comme tant d'autres (So),
tin nom propre 3 l'Epitaphe d'un esclave,
qui se lit dans un nombreux colombai-
re (3i) de la voie de Praeneste nous
en offre un exemple (32).
Les lettres IVL qui viennent après
me paroissent être les initiales du mot
(29) Mazocchi in Inscript, mut il. Amphitheatr.
Capuan. IV , ly.
(30) Il y a en France des gens qui s'appellent
Bourguignon , Lyonnois , etc.
(3i) Tombeau appelle ainsi a cause de la forme
des niches ou on placoit les urnes.
(32) MuRATORi MDGCLXXXIV. 4o.
^9
lYhiensis . Ce mot semble ne pouvoir
designer qu'un habitant cfun lieu qui
reconuoissoit Jules Caesar pour fonda-
teur et il devoit toujours être joint au
premier nom de ce lieu , car sa,ns cela,
il ne peut recevoir d'application. Aucun
auteur ne produit le mot JuUensis em-
ployé isolement; je crois cependant en
avoir trouvé des exemples dans les in-
scriptions. IMuratori a publié (33) des ta-
bles très curieuses , à cause de la nomen-
clature des pays d'où venoient les soldats
dont les noms y sont inscrits: on y lit
le mot IVAN peut être est ce le même
que celui lYLIA, qui est sur un autre
fragment, que le savant abbé Marini a
donne depuis (34). Il pense que IVLIA
peut designer le JuUacum des Yibiens^
mais puisque nous trouvons dans nos in-
scriptions les mots IVL et FOR IVLI,
mis à coté l'un de l'autre , ne pouvons
(33) Id. MDL, 5. et MCDLXXXIII , i3.
(34) Jtti de i frutelU Ar\^ali p. 32 4- il a aussi
reproduit avec jdus d'exactitude ks tables qui avoicnt
été publiées par Muratori.
nonspas conclure que la ville tte Frejus^
ou celle de Fiioul, ont été quelques fois
désigne'es }3ar le mot lYLlA , et ses ha-
bitans appelle.? IVLicnses ^ sans qu'on fît
précéder ce mot de celui FORVIVI . La
manière , dont le nom du pays de l'ad-
versaire de Eebrjx est écrit me paroit
favorable à cette explication .
Les lettres XY. Y. doivent désigner
le nombre des victoires remportées par
Bebrjx. Cette formule est répétée dans
chaque inscription ^ et j'y ai cherché
vainement une autre explicatioïi . Si on
adopte celle ci on lèvera, peut être, une
grande obscurité dans la belle inscri-
ption de Ycnouse (35).
(35) Elle est partagée en plusieurs divisions
par les mots Equités , Traces , Myrmillones , Veilles ,
Oplomachi , Samnites , Retuirii , Scissores , GalU ,
qui désignent les différentes classes de gladiateurs de
cette trouppe. Le nom des gladiateurs est souvent ac-
compagné des initiales cVun autre mot, dont Fabretti
et Monseigneur Lupoli ne donnent point l'explication:
peut être indique-til le pays du gladiateur. Le nom-
tre qui suit est celui de ses victoires ; le mot viciû
est designé par la lettre > renversée ] enfin , dans k
21
Au dessus de l'autre combaltaut on
lit distinctement NOBIL FOR IV XIL
Cette inscription donne Texplication de
quelques mots de la précédente , et el-
le en reçoit aussi quelques clairtés. La
lettre V. ( Vieil ) manque , mais le mot
FOR IVL fait voir que, dans les autres,
les lettres lYL doivent s'expliquer par
lYUensis pour FOROlVLIEiNSIS, Fre-
julien ou Frioulien. On ne peut décider
aisément cette question , cependant ,
comme on sait que la Gaule fournissoit
beaucoup de gladiateurs , je croirois plus-
tôt que ceux qui sont ici fîgure's ëtoient
Frejuliens que Friouliens. Quoi qu'il en
soit Frejus ou le Frioul procuroient
Uovnîere colonne on voit un T ou un nombre: la let-
tre T doit signifier, comme chacun l'explique, Tiro ap-
prentif , et le nombre celui des années que le gladia-
teur a passé dans la Iroiippe. D'a])rès ma conjecture, on
peut donc expliquer ainsi les passages suivans SECVN-
DVS POMP II >■ II. Secundus de Pompei a i'aincu deux
fois, et sert depuis deux ans. DORYS PIS VI > IIII
Dorjs de Vesaro a vaincu six fois , et a servi quatre
ans. HILARIO ARR XII > VIII Hilario d'Arian»
a vaincu sept fois , et a iervi huit uns etc.
22
alofs d'abondantes recrues aux trouppes
{Familiae^ de Gladiateurs ^ car a la re'-
serve d'un seul, dont la patrie n'est pas
clairement indiquée tous sont du même
pays, Forum Juin . Nous devons lire ici
NOBILÏS FORO IVUensis Xïl Vicit .
Nohills F rejulien ou FriouUen a vaincu doU'
ze fois. Le nombre des victoires de Nobilis
n'est pas assez éloigné de celui que Bebrjx
a 1 emportées 5 pour qu'il ne puisse se
mesurer avec lui, et en obtenir encore
une nouTclle. Il n'est point étrange que
ce gladiateur ait été nommé Nohilis. Le
retiairc que Fon voit, dans une célèbre
mosaïque de la villa Albani, tomber sous
les coups d'un myrmillon appelle Ma-
ternus a le nom à'ÎIahilis (36) , qui n'est
pas plus extraordinnaire que celui de
Nohilis,
Les combattans de la paire suivante
ont les jambes couvertes de lames de
métal , et leur corps est ceint d'autres
lames de la même matière. Ils s'ap-
(36) WI^KELM:AN^ Monument, ined, mma. 197*
2^
pli i ont sur un bouclier cambre qui a la
forme du scutum des Romains. Sa gran-
deur le rendoit capable de couvrir le
combattant, quand il s'agenouilloit der-
rière, attitude que prenuoient quelques
fois les soldats , et aussi les gladiateurs.
On sait qu'en joignant ces boucliers
les uns contre les autres, on formoit une
espèce de toit articulé ^ impénétrable
à la cavalerie, et propre à l'attaque des
places ; parceque les pierres et les tor-
ches enflammées rouloient dessus. Les
Romains donnoient à cette reunion de
boucliers le nom de tortue , parceque
les soldats y etoient a couvert, comme
cet ampliibie l'est sous sa carapace .
Ces deux gladiateurs se préparent à
combatre , et ils regardent avec un ge-
ste qui annonce la surprise et l'admira-
tion les deux gladiateurs à cheval.
Les inscriptions qu'on lit au dessus
de cette paire sont moins bien con-
servées que les précédentes. 11 ne reste
de la première que l' indication de la
patrie du gladiateur , et du nombre de
ses vîetoîres. IVL. XY. Ce frejulien ou
frioulien a vaincu quinze fois , car la
position des lettres ne permet pas de
les séparer 5 et de lire X. Yicit 5 a vaincu
dix fois-
Le nom de l'autre gladiateur est
aussi perdu . Gomme les deux lettres qui
subsistent occupent la place où sont les
mots qui indiquent la patrie ^ on peut
présumer qu'elle ont la même signiiîca-
tion . Peut être ce gladiateur etoit il
espagnol , et ces deux leltres IB sont
elles les initiales du mot IBerus . Dans
r inscription de la villa Albani un des
gladiateurs est appelle Hispanus (^7) 5
et Iberus pouyoit être également devenu
un nom propre^ ainsi l'Espagne fournis-
soit aussi des hommes qui se vouoient
à cette profession. L'autre gladiateur,
déjà vainqueur dans quinze combats^doit
attaquer un dangereux adversaire , puis-
que 5 d'après l'inscription XXX. V.5 celui
ci a vaincu trente fois.
(37) Vitale Inscrizioni Alhan.
25
Les paires qui suivent sont pins rap-
prochées et les inscriptions n'ont pas été
placées comme les précédentes , faute
d'espace. Elles sont absolument cifacées
et nous pouvons juger , d'après celles
ci , que les lettres , au lieu d'être
sur une même ligiie en ovxupoient une
seconde. Ctlles-ci appartiennent à une
paire de gladiateurs, dont l'un est griè-
vement blessé, puisque son sang coule
sur l'arène. L'autre a fléchi le genouil
et élève la main gauche. Ce gladiateur
demande- t'il la vie , ou attend il au
contraire ^ avec fermeté , le coup que
son adversaire va lui porter? Ce n'étoit
point en fléchissant les genoux , c'étoit
en déposant les armes (38) que le
vaincu avouoit sa défaite ; c'étoit par
des prières , des larmes et des suppli-
(3B) CcUe manière de s'avouer vaincu s'appclloit
submittcre arma . Çuid ego istum ad\>er5anum mihi
ussumam ? Statini arma submillcl : non opus est in
illum tota potentia mea , lac^i coniniinationc pelletur,
Sekec. de provid. III.
26
cations (^59) qu'il clierchoit à atten-
drir le peuple (4o) 5 pour obtenir la
vie , en se tournant vers lui ^ souvent
même de l'extrémité de Tarêne (^^i^^et^
comme ce malheureux ne pouvoit pas tou^
jours être entendu, il levoit un doit en
l'air (4^) 5 pour montrer qu'il demandoit
grâce (45). C'est ce que semble faire ce
(39) Quas ego illius preces , quas pertinaccs Iti-
ciynias , qnam tniserahileni obùestationeiiL vidi ! nemo
unquam sic roga\it missionem . Quintil. Declam. X,
m g lad. 9.
(40) Cela s'appelloit provocifre q,d populum, ap-r
peller au peuple. No7^ faciam quod victi soient , ut
provocoîu ad populum . Sejseca Epist. CVIII.
(4i) Nec populum exti'emâ toties exorct arenâ.
HoRAT. Epist. I , 6.
(4^) C'est à Toccaslop de cet Hémistiche
Vigituin exere peccas .
î) Sortez le doit vous êtes vaincu. )> Le Scholiaste expli-
que ainsi ce passage : Dlgito sublato , ostende te vi-
ctum esse a vitiis. Tractuni a gladiatoribus qui victi.
ostensione digiti et veniam populo postulabant .
(43) Cette grâce s'appelloit miWo ,( renvoi ) et
l'action de la demander , rogave missionem , Supra
note 3g.
2?
gladiateur en élevant la main gauche ^ et
ce Las lelief confirme un usage que nous
ne connoissioris cjue par une remarque
d'un schoîiasle des Satyres de Perse.
Les arts qui dépendent du dessin ne
peuvent exprimer qu'un seul moment dans
une action^ nous ignorons quel sera le
succès de la soumission de ce gladiateur.
Si le combat n'est point sans renvoi (44)?
ce qui arrivoit quelque fois, et ne peut être
ici, car ce gladiateur n'auroit rien à de-
mander, sa grâce dejicnd du caprice du
peuple , puisque l' Empereur ne peut être
présent (4^) , ou de la volonté de son
(If) Sine missione , ce qu'on rend en franco îs
par rexpression populaire sans rémission . C'est à la
coutume de donner des jeux sans renvoi, que Florus
fait allusion d'une manière si noble en parlant de
Sparlacus : » El comme i-1 convenoit , sous un gladla-
» teur devenu général , on combattit sans reni>oi « . Et
(jiiod snh gladiatore duce oportidt , sine niissione pU"
gnatum est. Flor, III, 20. Auguste avoit défendu les
combats de gladiateurs sans renvoi . Suet. in Octav»
XLV.
(p) D'api-ès l'edit dont je viens de parler , il
n'est pas étonnant que la présence d'Auguste ait sullS
maître (4^) * mais il ne doit rien attendre
de la pitié de son adversaire (47)5 ain-
si ce ne peut être lui qu'il sollicite .
L'amour qu'il témoigne pour la vie ëtoit
regardé comme une lâcheté , et produi-
soit souvent un effet contraire à celui
que les vaincus esperoient (48). Le peu-
ple prenoit lui même parti contre les
pour sauver la vie au glacUaleur vaincu . C'est à ce
genre de grâce qu'Ovide fait une heureuse allusion ;
Caesaris ad^^entu iutd gladiator arènà.
£xit , et auxiUuni non lua^e vultus habet.
De Ponto II , VIII, 4^'
(46) Mittunt etiain vulneribus confecti ad do-
tnlnos , qui quaerant quid velint : si satis his facturn
sit y se velLe decumbere . Cicer. Tusc. II, ij.
(47) Un, gladiateur vaincu daiK les jeux qu on
celebi'oit à Nicomedie , pour le jour de la naissance
de Caracalla , vint impl&rer de lui son renvoi. „ Sors
„ lui repondit il , et va demander grâce à ton adver-
„ saire. » Dion, in Caracall. LXXVII , 11. C'étoit
renvoyer à la mort ])ar une atroce plaisanterie , puis-
que cet adversaire cetoit jws le maître de lui accor-
der la vie.
(4B) Etenim si in gladiatoriis pugnis, timidos et
supplices , et ut wiverc liceat obsecrantes , etiam odisse
sole/nus : fortes et animosos et se acriter ipsos morti
afférentes scrvarL cupimus. Cicero pro Milon. à\.
29
timides (49) î aussi les exemples de cet-
te foiblesse étoient ils très rares (5o) .
Les gladiateurs valeureux s'opposoient
il la pitié des spectateurs ^ ils sem-
bloient regarder comme légères ^ les
blessures graves dont ils étoient couverts
et refusoient le renvoi (5i). C etoit
même par un courageux desespoir qu'ils
vouloient exciter Tinteret (52) ^ sans
s'inquiéter si le peuple cachoit le pou-
ce (53), pour indiquer qu'il desiroit les
(^9) Çiiid gîadiatoribus , quare populus irascitur,
ft tam inique ^ nt injuriam putet quocl non Ubenter pe-
reunt. Contemni se judicat et vultu , gestu , ardore de
spcctatore in adversacium vertitur. Skneca de ira I.
(5o) Quis mcdiocris gladiator non modo stetit y
verwn ctiarn decubuit tuipitcr ? quis cum decubuisset
fcrrum jussus recipcre colLuin contraxit. Gicer. Tuscul,
II, 17.
(5i) Quaeris quid inter duos intersit ? quod in-
ter gladiatores foriisùmos, quorum alter premit vulnuSy
et stat in gradu : attcr rcspiciens ad clamantem po-
pulum ^ signifient nihil esse, et intercedi non patitur^
SiiNEC. de constant, sapient. 16.
(Sa) Siipra noie 49 1 ^i'
(53) Pour sauver le gladiateur vaincu il falloit
tourner la main de mauicrg quç le pouce U\ caché »
5d
sauver ^ ils se jettoient en furieux sur
celui qui les avoit blessés 5 et si cette
audace ne leur conservoit pas toujours
la vie^ elle leur faisoit^ au moins^ quel»
rdevation clti pouce c\o'tl au contraire \c signe de sa
mort.
Mimera mine ediint , et verso pollice vulgi
Çuem. Ubet occidunt populariter.
Juve:v. Satjf. III , 36.
Ce signe meritoit Lien le nom à'iufestus que les-
anciens donnoient au pouce dans cette occasio7i. Apul*
Met. II. p. 16. edit. deîphin. on disoit aussi infaiistuSy
comme on le voit par ce vers d'uu ancien poète anonyme.
SU licet , infausto pollice , turha minax .
S'il avoit fallu compter les pouces levés , comme on
compte les mains dans une assemblée délibérante ,
l'opération eut été difficile \ ruais chez un peuple aussi
avide de spectacles et aussi passioné que Tetoient les
Romains les cris de la multitude , ses applaudissemens
ou ses menaces dévoient suffisament annoncer sa faveur
ou sa colei-e. Chacun prenoit parti dans ces jeux , et ,
si Ton eu croit Prudence , les vestales elles mêmes
ne craignoieut pas de donner ce signe affreux.
Pectusque jacentis
Vlrgo modcsta jiihet converso pollice rumpi.
PnuD. contra Sjtnniach. W ^ *097*
il y avoit cependant des cas ou le peuple devoit se
partagei" d'opinion , et dans les quels le signe deve--
3i
ques fois ressaisir la victoire (54). Lors
mémo que le triomphe étoit impossible,
quand le renvoi n' étoit pas spontané-
ment prononcé, ils aimoient mieux tom-
ber sur l'arène que de paroilre timides.
Pourque leur chute fut honorable , ils
.dévoient être étendus sur le dos (v55)
et 5 alîn de terminer leurs soufrances,
ils présentoicnt , sans détourner le vi-
sage, la place ou le vainqueur avoit in-
diqué qu'ils dévoient recevoir le fer (56).
C'est ainsi que quelques lampes anti-
ques réprésentent des gladiateurs mou-
rants (57) que les curieuses mosaïques
de la villa Albani nous font voir Kalen-
nolt douteux nous ignorons si ccUe inccrlitude doit
favorable au vaincu.
(54) Quinque retiarli , quî tôt idem sccutoribus
succubuerunt^ cumque occidi jubcrentur , unus , resum-
pta fascina , otiincs victores interernit. Suet. in Cali-
gul. 3o.
(55) Cela s'appelloit decunihere . Voyez p. 2f).
note 5o. et infra net. 56.
(d6) ÇluLs cum docu})uIsset , Jnssus reciperc /en-
runi colluin contraxit suprà not. 54-
(5-) Luccrn. dErcolano pi. VIII.
52
dio qui tombe sous les coups d'Astjana-
ax (58) . Maternus reçoit moins no-
blement le fer d'Habilis (^9) . Sur les
anciens monumens de l'art les guerriers
mourants sont ordinairement figuras ap-
puyés sur un seul (60) genouil^ ou ayant
fleclîi les deux (61) ensemble : les morts
sont représentes couchés (62), ou étendus
sur le dos , dans la poussière (63). L'au-
(58) WinkelmAkn. Monument, inédit, n. 197.
("»9) Jbid. n. 198.
(60) Voyez les nombreuses pierres gravées qui
réprésentent des guerriers blessés. Galerie mythologique
CLX , 601 , CXXXIX ,610.
(61) TjJée est figuré ainsi plusie?.irs fois sur les
pierres gravées. Lanzi Saggio de Lirig. Etrusc. II.
VIII. , 9. WiNKELMAHN Monuiueut. luedit. 107. Gale-
rie rnythol. CXLjSog ainsi que Capanée, Lanzi IX, 7.
et plus autres guerriers- Galerie niythol.lï ^ VIII, 10.
(62) Telles sont les pierres gravées qui repré-
sentent la mort généreuse d'Othryades.
(63) Voyez les bas reliefs ou on a sculpté la
jnort des fils de Niobé. Mluseo Pio-Clein. IV, 17.
Galerie mythologique CXLI , 5 16. Les femmes et les
amazones font exception, et la décence vouloit qu'on
les représentât , ayant le visage contre la terre. Voyez;
le même bas reliefs ou sont les filles de Niobé , et
35
tenr de ces sculptures aura lîgurc' ces
deux gladiateurs vaincus comme il a voit
vu représenter des guerriers mourants •
mais leur coutume particulier , et le su-
jet du bas relief , sont bien suilisans
pour les faire distinguer .
La position des inscriptions ne peut
servir pour rcconnoitre à qui elles ap-
partiennent ; mais le signe qui termi-
ne la plus élevée nous l'apprendra. On j
lit SYS IVL XV M. 0. Les lettres S VS
sont les dernières du nom du gladiateur^
il seroit absurde de vouloir choisir entre
les noms auxquels elles peuvent conve-
nir (C4). i^es lettres IVL XY annoncent
ceux ou sont figurés des combats de grecs et d'Ama-
zones. Museo Pio-Clement. V , i\. Galerie mjthol,
CLIX , 5c)j. Il y eu a une fort Lelle répétition dans
le jardin d'Alripalda près d'Avelliuo. On voit au
Musée Royal beaucoup de statues qui représentent
des hommes armés , étendus sur Tarêne , ce ne sont
pas des gladiateurs mourants , mais des guerriers ,
parmi lesquels il y a aussi des amazones . J'ai les
^ dessins de quelques unes de ces statues qui sont iné-
dites.
(6f) Un des gladiateurs cités dans riuscriplion
5
54
qu'il eloit de FrejuSj comme les autres,
et qu'il m>oit vaincu quinze fois. Mais que
signifient les lettres M. 0. que nous n'a*
vons pas encore rencontrées ? La pre-
mière ne peut se suppléer en lisant Mis-
sus (renvoyé) 5 puisque nous allons voir
que ce gladiateur a perdu la vie dans
ce combat. Ce doit être l'initiale du
mot Myrmillo , que Ton trouve ainsi dans
les listes de gladiateurs (65), et la let-
tre qui a la forme du theia grec annonce
que celui-ci ^ après avoir vaincu dans
quinze autres combats j a trouvé la
mort dans ce dernier. Cette lettre funè-
bre 5 initiale du mot ^xyxTSuaïjç mort (66)
se remarque dan^ plusieurs inscriptions
^iepulchrales, quoiqu'elles ajent été com-
posées en latin : on la trouve surtout
dans celles de la Pannonie (6^) . Ga-i-
lien dit que 5 dans les denombremenSj el-
de la villa AlLani &it uomrac Barosus ■. Supra p.- 24
note 37.
(65) Supra p. 20 note 35.
(66) CoRsiîji de sigUs .
(67) Sroy. MiscclLin. p. 215.
35
le ctoit ajoulee aux noms des morts pour
les distinguer des vivans {6S^ . Probus
Jious apprend la meine chose (Cj)) , et
Paul Diacre dit expressément que, dans
les revues militaires , on mcltoit cette
lettre auprès des noms des soldats morts^
ce qui a encore été remarqué par Rufiii
(70) . La forme de cette lettre étoit quel-
ques fois différente, elle etoit couchée, et
partagée ainsi 0^ dans sa longueur, com-
me un phi (71)5 on la trouve sur la mo-
saïque de la villa Albani , ou elle indique
que Kalendio et Maternus ont perdu la
vie. Ce n'est pas le seul usage qui ait ét<^
commun aux soldats et aux gladiateurs.
Cet emploi du ihcla a enfin passé dans
les ouvrages de Biographie et d'histoire
littéraire , pour indiquer que celui dont
on écrit la vie , ou dont on rapporte
les écrits , n'existe plus ^ et pour faire
distinguer la date de sa mort de celle
(68) Cité par Spon,
(69) Jd.
(70) Id.
(71) CoLETi notae et si^lue p. 433.
36
de sa naissance (72). Il est étonnant que
Winckclmann (7^) ait pu n'y voir qu'un
signe d'orlhographe 5 un point pour se-
(ja) Saxii onomasticon.
(j3) Non seulement WinckelmAn:!» navoit point
distingué cette Sigle , à laquelle le savant ALLé Ma-
RiNi a le premier fait attention, en reproduisant ces
mosaïques clans ses /itti de i fratelli Arvali p. i65
mais on n'a point encore expliqué les singulières in-
scriptions qui les accompagnent et Winckelmann
n'en dit pas un mot. L'une d'elles a. 197. n'of-
fre aucime difficulté , l'action est partagée en deux
scènes , la première représente le comLat à' Astjanax
et de K.alendio , dont on lit seulement les noms avec
le funeste 0 auprès du dernier. Dans l'autre scène on
voit le malheureux Kalendio qui meurt généreusement:
on lit au dessus ASTIANAX VICIT KALENDIO 0,
jistjranaT a vaincu , Ys^alendio est mort . L'emploi du
mot \IC1T autorise mon explication de la lettre V
dans les inscriptions de Pompeï et de Venousc . Les
inscri citions de l'autre mosaïque n. 198 sont Lien plus
longues. Elle est aussi partagée en deux scènes , dans la
première on lit au dessus des deux combattans MA-
TERNVS Hx\BILIS : comme ces mots sont intervertis
dans la seconde scène , il est évident qu'ils désignent
les deux gladiateurs ; mais que veulent dire ceux-ci ,
écrits au dessus dans la première scène , quibus pu-
GNANTiBus SimmAchius ferrum MisiT : il est proba*
ble que ce Symmachiu* etoit le chef de la troup-
37
parer les mois ^ comme la feuille de lier-
re (jui (»st souvent employée à cet usa-
ge (74)- D'après ce que nous venons d'ex-
pe , cl qu'il cnvoja le fer c%;sl à dire rcpce , dont
Tiiii (les deux gladiateurs devoit fiaj)j>er Taulre , dans
ce combats à outrance , et ce sont ces epées coui'-
tes , à la romaine , que ces gladiateurs tiennent à
la main. Dans la seconde scène on voit Malcrnus , ren-
versé sur \c. ventre au milieu de Tan'-ne par Ilabilis ,
et probaldement le Lanista Svnimaclilus qui tient sa.
Laguete à la main , et qui semble iuir j)our éviter
ce spectacle sanglant. Il y a au dessus iSE CO IIAËG
VIDEMVS , je remplis les deux premiers mots par
JN E CO/Y/w , et aloi's cela veut dire ne voyons pas cela,
de près . On lit dans le coin c(;tte acclamation Sim-
jMAciii Homo Félix Symmuchius homme heureux .
Cette formule annonce que ce monument a été fait
dans \in bas tems , Tartiste a probablement voulu
joindre au nom de Symmacliius , une de ces accla-
mations de bon augure, dont les monumens nous of-
frent un grand nombre d'exemples. Au-bas d'une af-
li(.li(; de jeux de gladiateurs on lit à Pompcï le mot
Félicitas . Peut être ces deux mosaïques eloient elles
du nombre des tableaux que Symmacliius e\]>osoit com-
me font encore les saltimbanques pour faire juger du
mérite de leur trouppe.
{j-\) Celle feuille se voit sur la même mosaïque
après le mot felix , et elle est bien diÛcrçute du $ •
38
poser il n'y a pas de doute que cette lettre
funèbre ne désigne le gladiateur blessé
et qu'il est mort dans ce combat. Le nom
du vainqueur subsiste en entier^ les let-
tres suivantes me paroissent avoir ap-
partenu a ces mots FO lYL Y, elles
nous apprennent que cetHippoljtus(75)
avoit vaincu cinq fois (76).
(^5) II ne faut pas s'ëtonner do trouver ici Hip-*
politus au lieu d'Hippolytiis. Les inscriptions relatives
aux gladiateurs présentent toutes des fautes grossières
d'ortlio graphe. Sur les mosaïques de la villa Albani ,
que j'ai déjà citées , on lit Astianax pour Astjanax j
et Simmachius pour Sjmmachius. Sur les pierres de
Venosa supra p. 20. note 35. TRax pour THRax, OPLo-
machi pour HOPLomac/ii , Eleuter pour Eleutiiek*
Il n'est pas suprenant que les noms , portés par
ces hommes qui étoient de la condition la plus vile ,
aient été dénaturés au point de devenir meconnoissahles;
nous observons encore aujoui'd'hui des altérations sem-
blables d'orthographe dans les noms des familles , qui
sont depuis long tems sans cultui'c et sans éducation.
(76) On parle toujours avec horreur de l'usage
des combats de gladiateurs 5 mais nos jeux sont ils
moins cruels ? Dans le midi de la France le peuple
court en foule voir des hommes lutter contre les
taureaux ( Dissertation sur les taiirocatapsies de la
Thessalie et les ferrudes d'Arles. Magax. Enc^'cL
39 ,
Le ^rouppc suivant présente moins de
dillicultes. Les deux combattans ont jette
leurs boucliers 5 le vainqueur a perdu
aun- 1809. et /-^oyage dans le midi de la francs
Tome IV. En Espagne, clans les Taurcodurcs^\vs\\oviX'
mes combattent contre ces animaux comme dos be-
stiaires et c'est toujoiu's au taureau que le peuple
prend intérêt. A Paris le combat du Taureau est une
boucherie i il a cependant un grand nombre de spec-
talcars (jui ne sont pas tous d'une basse condllion. Les
exécutions populaires attirent par tout une foule immense.
J'ai vu des hommes et des femmes même , aller dans des
calèches élégantes, assister h un duel à mort, qui
eut plus de deux mille personnes pour témoins, duel dans
lequel un homme estimé perdit la vie. C'est le pei'il
imminent d'une mort funest(! qui fait regarder , avec
avidité , la danse des batteleurs sur la coi'de et la
voltige : plus les sauts sont périlleux , plus ils plaisent.
C'est la certitude que la mort suivroit de près la
chute qui attire la foule ebaie à Tivoli pour Fascensiou
de Forioso ou de Madame Saqui , et a la terrible
expérience du parachute de Garnerin. Otez le dan-
ger jiersonne ne voudra voir les funambules et les
saltimbanques. Si ces hommes sont justement de-
gradés par leur profession , ce ne sont pas au moins
des malfaitç'urs et des criminels déjà condamnés à
mort , comme l'etoient d'abord les gladiateurs . On
est forcé de convenir que rhomme est né avec un pen-
chant naturel pour ks spectacles barbares , si demain
4o
son casque ^ il met une main sur son
adversaire comme pour lui ordonner de
recevoir le fer (77)5 dont il va le frapper,
je ne puis décider si Y inscription qui
subsiste appartient au vainqueur ou au
vaincu. On y lit. Q VS IVL YI.
Quîntus Frcjulicn a vaincu six fois.
La composition du grouppe qui vient
après est différente , et les armes dont
les gladiateurs font usage ne sont pas
les mêmes. 11 représente un combat en-
tre deux mjrmillons , chacun est armé
à!i;^\\ trident. Cela est contraire à ce qui
nous a été transmis sur les gladiateurs,
car on sait que le mjrmillon étoit armé
d'une fourche ou d'un trident , (J'usai^
nà) qu'il attaquoit le retiaire qui tenoit
nn filet (78) ou le Thrace qui a-
voit un bouclier rond et une epée re-
çu ouvrolt les arènes , les bancs et les voniitoires
scroienl pleins. Ne soyons Jonc point des censeurs si
sévères tlu goût que les Romains avoicnt pour les jeux
de rAmpliilheatre.
(jy) Supra. Noie 5o.
{78) JusïE LirsE Saturn. Ser/n, II, 10.
4'
courbée : mais les coutumes ont va-
rié chez les Romains, selon les tems et
selon les lieux; et c'est pourquoi la de-
couverte des monumens nous apprend
toujours quelques particularités que no-
us ignorions . Ils enseignent à ne pas
regarder comme généraux des usages ^
qui ont été modifiés par mille circon-
stances (79). On ne peut rien oppo-
ser à un fait, les deux adversaires sont
ici armé$ de tridents.
(79) C'est précisément TeiTeur dans laquelle tom-
tcut Ions ceux qui donnent des tiailés sur les moeurs
et les usages des Homains : ils devroient toujours
distinguer 1' époque à la quelle les auteurs qu'ils ci-
tent ont eci-it , et le pays auquel ils appartenoient .
Pour nous borner aux gladiateurs , les monumens qui
existûient aux tems de Juste Lipse , et dont il n'a
fait aucun usage , nous ont appris des particularités
qui contredisent beaucoup d'assertions que ce grand
philologue a pi-esentées comme des thèses générales. Il y
auroit une beau mémoire à faire en reprenant le ca-
dre de son traité. Pour lui donner plus de méthode,
il faudroit soumetre les passages qu' il rapporte à une
nouvelle critique en faisant usage des connoissances
que la découverte des insci'iptions et des monumens
Cgui-és nous ont procui'ées.
6
A qui des deux appartient Fiiiscription
NITIMO F IVL V. Les premières lettres
terminoient u ri nom propre, il n'est pas aisé
de le remplir. Les mjrmillons, comme Ta
très bien observé le cejebre INIazocchi (80)
etoient aussi appelles gaulois , plutôt à
cause de leur armure que d'après leur
pajs natal. La terminaison de ce nom
doit faire penser que celui ci ^ qui a-
voit vaincu cinq fois , etoit Frcjuîien ,
elle confirme la conjecture qui me porte
à croire que ces gladiateurs étoient
frejuliens plustôt qu'à penser qu'ils ve-
noient du frioul . Les médailles (81)
çt les inscriptions de l'arc d'orange nous
(Bo) De Àmphitheatr. IV, in. p. 124.
(81) Tels que Bucato ^ Aupo ^ C arma no ^ Nin-
no ^ Crlciro ^ Fadnaio ^ eic. INIiokket. Cat. 1. 85. Ou
pourvoit croire que ces noms ne sout pas compiets ,
et que V s nianque , parceque on lit sur. les mé-
dailles Ciamila et GiamiLos , Ninno et Ninnos ,
mais les inscriptions de \ arc d' orange ne laissent
aucun doute sur la terminaison en o de plusieurs
noms gaulois : elle etoit d'ailleurs également en usa-
ge chez les Romains , ou nous trouvons Copito , Ca-
to , Cicero , etc.
45
ont conservé beaucoup de hôms gaulois
qui iinissent par un o (82), et s'ils ont
une auLré terminaison , clans les com-
mentaires de Caesar 5 c'est qu'on les a
latinises.
Un des gladiateurs du dernier grouppè
a laissé tomber son bouclier, action in-
famante , dans tous les genres de com-
bats (85). Il semble fuir, pendant que son
adversaire , armé d'un bouclier qui dimi-
nue vers son extrémité inférieure (84%
le suit d'un air menaçant. On lit , au
dessus , la fin du nom du combattant
qui se termine en A, ce qui n'est point
insolite chez les romains (^85). Les let-
(8î) Ces nortis soiit gî-avc's Sur les bouclrers
des vaincus , je les ai tous rapportés et figurés clans
V^tlas de mon uuyage au midi de la France , on y
lit ïfurno , Tàutobocià , Mario \ c'est ce dernier noJtx
qui a fait croii-e , contre toutes les règles de lu
critique et Ce que nous apprend Thistoire de Tart ,
que cet arc avoit été bati en flionnenr de Marius.
(S3) Rflicta non bene Parmula.
HoRAT. Od. II , VII , 1 o.
(84) Infra Note lo'3.
(83) Mcssala , Sylla , Popma , e Ghba çc.
44
très IVL XV nous font voir qne ce fre"
julien avoit vaincu quinze fois . La let-
tre M qui se retrouve ici doit s'expli-
quer comme dans les autres inscriptions
par le mot Mirmyllo,
Ces inscriptions sont particulières à
chaque grouppe , il j en avoit une au-
tre quij peut être, occupoit toute la lon-
gueur du bas relief et qui contenoit j
sans doute 5 des particularités sur le per-
sonnage à qui appartenoit ce tombeau
et sur les jeux qui avoient été celebre's,
pour rendre ses funérailles plus magni-
fiques; il n*en reste aujourd'hui que quel-
ques mots 5 dont une partie est effa-
cée. Je les lis ainsi MVNERE QVINTI
AMPLIATI P.F.SVMMO. Munere Quin-
tl Ampliatl Puhlil Filii summo , c'est à
dire dans les derniers devoirs rendus à
Quintus Ampliatus fils de Publius.
Le mot munus ^ qui a tant de sens
différents dans la langue latine (86) y
(86) RoBFRT Etienne , Thésaurus Lin^. Lat> Fao«
ciouïi Dictionnar, l,at*
45
a désigné d^abord les présents ( mu-»
nera ) qui étoient déposés sur le bûcher
des morts parleurs amis (87), et ensuite
tous les genres de fêtes et de spectacles
qui étoient donnés au peuple par les
aediles ; mais quand il s'appliquoit aux
funérailles il signiiîoit, en général, les
devoirs rendus aux morts et s'appliquoit
sur tout aux jeux qui contribuoient à
la magnificence et à la solemnité des
obsèques. Ce mot vouloit donc dire à la
fois jeux funèbres et funérailles.
Les combats de gladiateurs dévoient
leur origine à une coutume très ancien-
ne et commune à presque tous les peu-
ples qui ne sont qu'au premier degré
de la civilisation. Les sacrifices huma-
ins ont précédé , par tout , ceux des ani-
maux et les offrandes des productions
de la terre. Achille fît couler le sang
de douze jeunes Trojens (88) sur le
(^7) ^^^ débita caesis
Munera , quce nostro vilsLsset Cj-zicus igni.
Valer. Flacc. Argon. III. 3i3.
(38) HoMER. u, xxm. 175.
46
bûcher de Patrocle , et l'innocente Po*
Ivxcne fut immole'e sur le tombeau du
fils de Pelée (89). On vouloit appaiser
les morts en égorgeant des prisoniers
et des esclaves ^ parce qu' On croyoit
que les mânes se nourrissoient de leur
sang (90) . Les combats ont succédé
à l'usage de sacrifier des hommes sur la
tombe des Princes. Les Romains em-
pruntèrent des Etrusques (91) et des
Campaniens (92) l'idée de faire servir
cet usage barbare h l'amusement du peu-
ple. On crut même adoucir l'atrocité
de ces sacrifices^ en substituant à de mal-
heureuses victimesjdes gladiateurs qui fu-
rent appelles Bustuarli (9^)5 parce qu*
ils combattoient sur le Bustum^ nom qui
(89) EuRYP. lîecuba.
(90) On lira avec plaisir sur Ice Sujet Tinteres-
sante dissertation de M. Gîuseppe di Cesare deirori^
gine vera de' sacrifïzj ■, Napoli iSii. 8.^
(91) Servius ad ViRG.
(92) Ma.zocciii ^mphiteatr.Napol.y, 1, 126^ 12 y,
dit que par le mot etrusqucf il faut entendre les Cam-
paniens.
(93) CiCEjio ad Miici YIL i/\. in P/50/j. IX.
47
etoit donne à la place où s'elevoit le Bu-
clier. Gomme les gladiateurs étoient d'ab-
ord choisis parmi les esclaves méchants
et dangereux , et les hommes condamnes
par les tribunaux, on les regardoit comme
des offrandes dignes des Dieux infernaux.
Leur courage et leur adresse pouvoient
encore 5 par une suite de victoires, prolon-
ger leur vie, et il leur restoit enfin Tespoir
du renvoi (^missio^ dans la défaite, et du
congé (^ruclit^ après un long service.
M. et D. Bru tus furent les premiers
qui donnèrent ce spectacle aux funé-
railles de leur père , sous le consulat
d'Appiuô Claudius, et de ]M.rulvius(f)/j).
Cet usage fut conlinuë aux obsèques
des hommes d'état, des Patriciens, et
des Empereurs.
Nous ne connoissons point les charges
que celui à qui appartenoit ce tombeau
a exercées dans Pompeï ^ nous ne pou-
vons donc savoir si ces magnifiques ob-
sèques lui furent faites aux frais de la
(9f) Vju.er. Max. II. iv. 7.
48
ville ^d'après un décret de ses Decurions,
ou aux siens propres (95). A' l'époque à la
quelle il a vécu , les hommes d'une con-
dition privée pouvoient augmenter par
des jeux la pompe de leurs funérailles,
s'ils éLoient assez riches pour en pajer
la dépense (96).
C^estla première fois que je lis le mot
munus accompagné de l'adjectif sum^
mum» Cette epithete fait voir qu'il doit
être pris dans le double sens de Jeux
et de funérailles. Le mot munus indique
que les funérailles sont un devoir sacré,
puisque c'est le dernier service que les
parens et les héritiers peuvent rendre
à celui dont ils honorent la mémoire.
Summum munus se traduit donc très-1 ien
par les mots derniers devoir (97)5 que
(95) Infra p. 5i.
(96) Çuidnurn uero disponunt etlam illa , quae
ultra vitarn sunt , moles magnas sepulchrorum et ope-
rum publicorum. dedicationes et ad rogvin munera
et ambitiosas exeqvias. Senec. de brevit. vit. ad jinem.
(9^) Summus signifie le plus eleve , et par con-
séquent dernier ; ce mot a donc à peu-près la même
49
les François emploient en parlant des
oLséques.
Quintus Ampliatus dont le nom est
au génitif, régi par le substantif munus^
est il celui en l'honneur de qui ces jeux
ont été célébrés , ou celui qui a été
chargé de leur direction ? Ceux qui
presidoient aux combats de gladiateurs
étoient des Magistrats , ou des oliiciers,
à qui cette fonction fiiisoit donner le
nom de munerarii. Si Ampliatus avoit été
seulement chargé de la direction des
jeux , il seroit désigné^ selon l'usage ado-
pté dans le stjle lapidaire , par ces ex-
pressions munerarii (98), curatoris mu-
neris gladiatorii (99). L'association de
ces mots munere summo Quinti Ampliati
semble autoriser à croire qu'il ne peut
acciplion que celui ultimus ; mais celui ci ne désigne
le tlcniicr que dans un ordre numérique . Summiis a
une siguificalion plus noble et entièrement convenable
aux devoirs en\ers les morls , qui sont en effet les
derniers , mrxis aussi les plus sacres .
(98) McRÀT. Thcs. passini.
5o
être question que des derniers devoirs
qui ont été rendus à Q. Ampliatus.
On pourra objecter qu'Ampli atus n'a
ici que deux noms , ce qui est contrai'
re à l'usage ordinaire des Romains .
Si summus etoit un surnom, on pour-
roit lire Qia'ntiis Ampliatus Summus'^ mais
il fau droit qu'il fût au génitif ^St/mw/. Le
mot summo a été calqué avec le plus
grand soin : le teins l'a entièrement con*
serve , il ne peut s'accorder qu'avec
le substantif miinere qui est aussi à l'ab-
latif, et ne peut être le surnom d' Am-
pliatus . La lettre initiale du prénom
pourroit avoir été effacée par le tems ,
mais si les Romains avoient ordinaire-
ment trois noms , les exemples (loo)
de ceux qui n'en ont eu que deux sont
communs dans les inscriptions.
Si on juge d'après celle qu' on lit
à présent sur la face principale de
(loo) J'en pourroîs citer vin grand nombre, je me
conlenlerai de celui-ci tiré d'Hercidanam
THEATRVM ET ORCHESTRAM DE SVO
L RVFVS L. F.
5i
ce lomboau, oïl ne pourra se persuader
que ce soit celui crAmpliatus , surtout
quanti les pluies auront entièrement
emporté les lettres du Las relief. Yoici
celte inscription.
RICIO AF MEN
SGAYRO
II VIR ID
.ECVRIONES LOCVM MONVM
(X) (X) IN FVXERE ET STATVAM EQVESTR
FORO • PONENDAM CENSYERYNT
SCAYRYS PATER FILIO
A Ricins ÇiQ 1^ Scaurus Jils cVA... de la
tribu Menenia , duumvir pour rendre la ju-
stice \les Decurions ont donné le lieu du
monument^ et deux milles sesterces^ pour
les funérailles ^ et ont décidé d'ériger une
statue équestre dans le forum. Scaurus
père à son fils.
Si il étoit évidement prouvé , que
cette inscription a toujours été à la
(loi) Le nom de Ricins se i-elrouve encore dans
dautres inscriptions. jMlratoiu Thés. DCCCLXXXI, 6.
DCiCCLXXXI, 1. il est aussi écrit avec un double c
liiccius. Id. DCCCXLXII , et Gruter. r/ze.. LIX, 8.
52
place qu'elle occupe aujourduî, la que-
stion seroit décidée. Ceux qui Vj ont
fait mettre ^ ne se sont déterminés que
par des motifs qui leur ont paru sans
réplique: je respecte leur savoir, j'ai-
me leur personne , ce n* est qu' avec
une extrême défiance que je hasarde
de combalre leur décision , mais enfin
je crois devoir proposer mes doutes. Cet-
te inscription a été trouvée, à peu de di-
stance du tombeau; la pierre s'ajuste as-
sez bien , dit-on , à la place où on l'a
mise , et sans elle le nom de celui à
qui il appartient paroissoit inconnu. Tel-
les sont les raisons qui les ont convain-
cus. J'ajouterai que la somme de deux
milles sesterces, qui a été donnée par les
Decurions , pour les funérailles , devroit
avoir servi à pajer le grand spectacle de
gladiateurs et la superbe chasse qui en
augmentereïit la pompe. Je puis il est vrai
me faire illusion, parceque mon jugement
etoit déjà formé , non après la découverte,
mais avant l'emploi de cette inscription
que j'avois copiée et c'est un préjuge
55
dont je dois me défendre : cependant,
après avoir tout examiné je me crois fon-
dé à soutenir mon opinion.
La première fois que j'ai vu ce tom-
beau 5 la face de la base carrée qui
le termine etoit couverte d'un beau
stuc , parfaitement lisse , comme on le
voit dans la gravure pi. IL il auroit été
impossible d'y appliquer une inscri-
ption : pour faire tenir celle ci il a
fallu piquer toute la surface, la dépouil-
ler de son stuc antique , mettre à nud
les briques qui en etoient couvertes et
enfoncer, sur les côtés, des crampons de
fer tandisqu'on ne decouvroit la trace
d'aucune attache, d'aucun lien de fer
ou de bronze , ni sur le tombeau ni
sur la pierre qui porte l'inscription . La
pierre n'auroit cependant pu tenir sans
ciment et sans liens. J'ajouterai qu'au^
jourd'hui la pierre couvre toute la sur-
face du massif et que si elle s'ajuste, pour
la hauteur, c'est qu'on a rebâti le mas-
sif ou elle s'applique jusqu'à son som-
met 5 de sorte qu'il est devenu un car-
54
Jre long an lieu d'un véritable cane*
Quant à la largeur on n'en peut pas
bien juger 5 puisque la pierre est frag-
mentée 5 et qu'elle est sans encadre-
ment^ cependant tous les autres tom-
beaux de Pompeï ont un encadrement^
creuse ou saillant ^ à la place ^ à la
quelle on lit l'inscription ^ ou qui lui
etoit destinée 5 et celui ci ne manquoit
pas plus que les autres de cet orne-
ment 5 dont il reste encore des vestiges
sur les deux faces latérales* Cet enca-
drement etoit de stuc et du même genre
que celui du tombeau de NaevoleiaTjche
pi. VI 5 et YII . Les lettres de cette in-
scription sont presque cubitales et un peu
grandes relativement à la mesure du
tombeau , qui se distingue par l'ele-
gance de sa forme et de ses propor-
tions. Les caractères sont profondement
creusés et annoncent ^ par leur beauté,
une époque voisine du règne d'Auguste,
tandis que les bas reliefs et les inscri-
ptions peintes , sont certainement d'un
tems bien moins anciens.
55
Je ne vois donc aucun molif pour at-
tribuer ce tombeau à Ilicius Scaurus,
puis qu' une inscription place'e sur le
monument lui même, atteste qu'il renfer-
moit la cendre de Quintus Ampliatus; je
ne pense cependant pas que cette inscrip-
tion,tracée grossièrement avec un pinceau
et dans la quelle Ampliatus n'est nom-
mé que par occasion, soit celle qui lui
ctoit spécialement consacrée ; elle rap-
pelle seulement son nom , à l'occasion
des jeux qui ont été célébrés à ses fu-
nérailles . 11 y en avoit probablement
«ne autre, qui exprimoit les honneurs
municipaux dont Quintus Ampliatus jo-
ui ssoit et les titres qu'il avoit à la re-
r.onnoissance do ses concitoyens . Où
étoit elle? qu'est elle devenue? c'est
ce que je ne saurois déterminer, mais
ce n' est pas le seul tombeau de Pom-
peï qui manque d'inscription : on n'en
a trouvé que la place sur ceux qui sont
gravés pi. ï. ii. /^,y., et pl.ll. Si ces in-
scriptions ont été perdues, celle du tom-
beau d' Ampliatus peut avoir éprouvé la
66
même disgrâce. Je n'ai ni prévention pour
Ampliatus, ni haine contre Ricins Seau-
rus^ qu'ils reposent en paix! mon inten-
tion n'est pas de chasser aucun des
deux de sa sépulture et de troubler
ses mânes ^ mais lorsqu'on traite une
question , quelle qu'elle soit ^ il faut
chercher la vérité . Je ne propose ce-
pendant mon opinion que comme un
doute . Si elle n'est point admise on
regardera seulement Ampliatus comme
le Magistrat qui a fait célébrer les fu-
nérailles de Ricius Scaurus , à qui ce
tombeau appartenoit , et on expliquera
ainsi l'inscription peinte: dans les grands
jeux 5 qui ont été donnés sous la dire^
ction de Quintus Ampliatus . Je dois
pourtant avertir que l'emploi du mot
summus pour signiiîer grand ^ magnifi-
que n'est pas conforme aux règles de
la bonne latinité.
On ne se contentoit pas d'honorer les
morts 5 par des combats de gladiateurs,
on cherchoit encore à rendre les funé-
railles plus somptueuses et plus magnifî-
57
qtics 5 en y joignant des spectacles , ap-
pelles Venationes (102). C'etoieut des
chasses dans les quelles on faisoit pour-
suivre des animaux timides^par ceux qui en
font ordinairement leur proie, et comba-
Ire des hommes contre des Létes féroces,
qu'on avoit rendues furieuses.Nous voyons
dans le second bas-relief pi. III. n.25 uu
lièvre , un lapin et un cerf, poursuivis par
des chiens ; deux Bestiaires combattent
\\n taureau, et deux sangliers. Un chien
a déjà atteint un de ces animaux, et
le bestiaire a enfoncé sa lance (io3)
dans le corps de Tautre . Le sang d'un
sanglier coule sur l'arène. L'autre be-
stiaire a traversé avec sa lance le corps
du taureau , et regarde avec une sur-
prise melèe d'effroi le coup qu'il a por-
té . L'animal furieux emporte le trait qui
(102) CiCER. Epist. fam. VIII, 1. Suet. in Claud.
(io3) Venabuliirn . C'est Tarme que les anciens
cliassciu'S nommoieiit en francois epieu , mot dérivé
de spiculum petite-lance. Les rois et princes se don-
nent encore aujourd'hui le plaisir de chasser le san-
glier avec des lances.
8
58
fait couler son sang; il se retourne fie-
^ renient contre son ennemi , à présent dé-
sarme 5 et va venger sa mort en lui otant
la vie.
Le troisième bas relief pi. lil. n. 5.
' décore le dessus de la porte d'entrée du
tombeau pl.l.n. i.et 3. e j l.II. Les pilastres
de cette porte sont cannelés , et ont
des chapitaux corjnthiens. On y re-
marque cinq hommes ^ quatre sont ar-
més . Ils ont les membres et le corps
couverts de lames de métal ^ des casques^
des boucliers de différentes formes ^ des
jambières plus ou moins ornées.
Les auteurs qui, coinme Juste Lipse,
ont voulu déterminer, d'une manière pré-
cise, tous les noms des gladiateurs, d'après
la forme de leurs armes , sont tombés
dans l'erreur. D'après les doctes recher-
ches de cesecrivains,lerètiaire devoittou-
jour porter un filet, et le casque du Mjr-
millo devoit être surmonté d'un poisson^
mais combien de différences ont fait nai-
tre les tems et les lieux ^ c'est pourquoi
les monumens sur lesquels on a figuré
^9
des gladiateurs, représentent tontes les
armes dont ils faisoient usage , mais
elles ne sont jamais associées , comme
Juste Lipse Fa dit, en reunisant des pas-
sages des auteurs anciens. Nous voyons
ici des gladiateurs , couverts de bandes
de métal ^ d'autres ont seulement une
ceinture ^ ils sont armés de lances , d'é-
pées,de tridents. Quelques uns ne sont
vêtus que d'une simple chl mjde : ils ont
un casque orné d'un aigrete, un bouclier
plus large à la partie supérieure que par
le bas, pour mettre la poitrine à cou-
vert, sans gêner le mouvement des jam-
,bes,et ils portent des jambières (ocreae^.
Telle étoit , selon Tite Live , l'armure
des Samnites (lo/j). Les Campaniens j
(lOf) Vorma crat scutl j summum lutins^ qiia
pcctns utquc humeri tcguntur , fastigio acquali , ad
imum cuncat'or , mohilitatis causa . Spongiu pcctovl
tegumentum et sinlstrum crus ocrea tectum : galeae
crLstatae. Liv. W , 4o- Toile est rarmure de Balon
qu'Autonin Caracalla obligea de coinbatre , en un seul
jour,eoulrc trois adversaires ; il fut tué parle dernier
et Caracalla lui ('lova un tombeau , dont on a retrouvé
le Cippe, qui est à la villa Paniphili . Fabhetti Co-
6o
par une suite de leur haine pour ce
peuple 5 donnèrent son nom a leurs gla-
diateurs, quelle que fut leur patrie, et
ils les faisoient paroitre armés, à la ma-
nière des Samnites.
Trois des gladiateurs figuré dans le
bas relief pi. III. n. 3. sont debout , un
quatrième est blessé-, le dernier, qui pa-
roit avoir eu le principal honneur dans
ces jeux, est conduit par un homme, qui
est velu d'une simple chlamjde. Quoi-
que celui ci n'ait point la baguette qui
etoit le signe de sa profession , la confor-
lonna Trajana 255. en avoit donné une figure iucor-"
recte. Winckelma>n Fa fait graver plus fidèlement Mo-
nuni. ined. n. 198 5 mais comme il ne paroit pas avoir
connu ie passage de Tite Live , que je cite , il ne donne
point la véritable raison poiu* laquelle la jambe gauche
seule de Bâton a une jambière. Les Samnites des tom-
beaux de Pompeï ne différent de Bâton qu en ce qu ils
ont deux jambières. Parmi les griffonages que les soldats
ont laissés sur les murs de leur camp a Pompei on re-
marque une grossière esquisse d'un gladiateur Samnlte.
M. le Chevalier de Clarac, qu'on peut regarder com-
me un des hommes qui connoissent le plus et le
mieux Pompeï , en a pris le dessin.
(31
mîté de son vêtement avec celui des La-
nistae ^ sur la mosaïque de la villa Albaiii,
paroi t prouver , que c'est aussi le Lanl-
sta ou chef de la Trouj^pe. Ce bas relief
a certainement rapport, comme le pre-
mier pi. I. et pi. III. n. 1. 5 aux jeux dont
un a honoré les funérailles d'Ampîiatus.
Ces gladiateurs sont probablement les
vainqueurs : on n'en a figure que qua-
tre parce que deux autres sont morts
ou que leur victoire a été contestée ^
ou peut être seulement, parceque le ca-
dre n'a permis à' y placer que les qua^
tre principaux.
Nous ne devons pas être étonnés de
la découverte de ces précieux monu-
mens^qui apprennent des détails curieux
sur les combats de Gladiateurs. Les Gam-
paniens étoient si passionés pour ce genre
de spectacle, qu'outre les funérailles aux
quelles il etoit spécialement consacré, il
n'y a voit point de grand banquet, dont
ces jeux sanglants ne fissent le principal
amusement . Le nombre des paires de
combattants dependoit de la qualité des
62
convives (io5). Celui des gladiateurs
devint si prodigieux , qu'au tems de
Caesar , Capoue seule en avoit plus de
quarante mille (io6) qui etoient distri-
bués en un grand nombre de trouppes
(^familiae'). Il etoit impossible d'exercer
une surveillance suffisante , pour conte-
nir tant d'hommes audacieux et dépra-
vés. Ceux qui 5 sous la conduite de Spar-
tacus^ causèrent tant de maux dans l'Ita-
lie 5 s'etoient échappés de Capoue (107).
Les habitans de Pompeï avoient la
même passion que ceux de Capoue
pour ce genre de spectacle . On j a
trouvé plusieurs inscriptions qui sont
relatives aux jeux sceniques et aux
gladiateurs . Ce sont des espèces d'af-
fiches 5 comme celles de nos batte-
leurs ^ mais les caractères sont tracés,
comme ceux du premier basrelief de
ces tombeaux, avec un pinceau 5 et ont
(io5) Strab. V.
(106) CicER. ad Attlc. VIL 14.
(107) VeLLEIUS I. 00.
G5
beaucoup souffert (io8) . Il j est toujours
question du nombre des paires de gla-
diateurs , de combats , de chasses. Le
jour où ce^ plaisirs doivent avoir lieu
est indiqué. Une de ces inscriptions (109)
annonce un combat qui doit durer qua-
tre jours de suite, les 5, /{, 5, et la veil-
le des Kalendes de Décembre. Chaque
journée sera terminée par une chas-
se. Une autre apprend que la Troup-
pe (110) de N. Papidius Rufus donnera^
le 4 ^^*^^ Kalendes de Novembre , une
chasse et que ^ depuis le douze des Kalen-
des de Mai 5 il j aura des voiles pour
mettre les spectateurs à couvert , et
des mats pour porter ces voiles (m).
Cet avis est signé par ONESIMUS O-
CTAVIUS PROCUR VTOR , c'est à di-
re directeur de la trouppe ^ il finit par
(108) SrL. iTAL. hell. punie. XI, 5i.
(109) Dissert. Isjgog. pi. IX. u. 2.
( 1 1 o ) Fa ni ilia gladia t( tria .
(111) Dissert. Isago^. pi. IX. n. 4' H Y ^'^ ^
onrorc imc à ptu-pics semblable u. G.
64
cette exclamation de bon Augure FE-
LICITAS (112).
La passion des habitans dePonipeïpour
les chasses etoit donc aussi vive que leui*
amour pour les jeux de gladiateurs .
Tous les habitans de la Canij^aiiie ai-
moient également les chasses de TAm-
phitheatre . Ils offroient un culte parti-
culier a Diana Tifatina (ii3)* Les ima-
ges de Diane dccoroient, comme celles
de Mars 5 les Amphithéâtres (1 14)5 et le
buste (ii5) de Diana Tifatina orne
encore laporte de celui deCapoue (116).
(112) Celte acclamation est à peu-prcs du genre
de celle Slmmachi Homo Félix qu'on lit sur une des
mosaïques de la villa AlLani 5 Winckelmann inonuin.
ined. n.198. elle me pai'oit confirmer que ce Symma-
cîiius étoit le procurator ou le Lanlsta de la Irouppe.
Slipru p. 36-
(11?) jMazocchi de Àinphith. C«;?.V, viii, p. i33.
(11 4) Martem et Dianam iitriusque ludl (c'est
à dire liidi gladiatorii et venationis ) praesidcs novi"
mus. Tertvll. de Spect. 10.
(ii5) Ce buste a pour pendant celui de Junon.
(116) Ces beaux bustes colossaux et vraiment gran-
dioses sont appliqués , contre le mur d'une maison y
65
Les iiîiures des bas rc'liefs des tom-
beaux que je décris sont courtes et
grossières , cependant l'architecture est
d'un stjle assez pur et les moulures sont
de bon goût. On ne peut croire qu'on
ait abandonné , sans motif, à un homme
sans talent, l'exécution des ornemens de
cette sépulture qui devoit appartenir à
une des principales et des plus riches
qu'on appclloit autre fois le prétoire , avec ceux xle
Jupiter , de Mercure , de Pan etc. Ce mur est sur la
grande ru(; , ou la route de Rome j il ny a pas de fa-
quin et de cliarclier qui n'insulte en passant ces di-
vinités. La chasteté de Diane et l'adresse de IMercure
ne peuvent les soustraire à d'indignes outrages : Ju-
piter fronce ses épais sourcils , comme un lion en-
chainé que la canaille attaque , et son fier regai-d scm-
Llt; encore menacer ses vils assaillants. Un marchand
ile châtaignes , qui s'est étahli sous la tête de Pan l'a
Lurlesquemenl barbouillée de blanc , de rouge et de
noir . On devroit placer ces bustes convenablement ,
et les magistrats des provinces feroîent bien de s'op-
poser à ce goût de peinture qui s'est répandu dans
tout le ropume. On y trouve par tout des Dieux
blanchis à la craie , des D<îcurions et des Augustaux
qui seroient bien étonnés , s'Us pouvoieut voir les bi-
zarres couleurs que leui' loge a reçue.
G6
familles de la ville. Tous les houeliers^
sont peints en ronge, en dedans, et le$
traces du sang que versent quelques
gladiateurs et les animaux , percés par
les lances des chasseurs , sont aussi
peintes de la même manière. Cet em*
ploi des couleurs appartient à l'enfance
de l'art , ou à son entière décaden-
ce (117); ce tombeau n'est pas d'une
haute antiquité ; il ne peut non plus
être postérieur à l'an 79, époque de la
destruction de Pompeï . Tous les mo-
numens relatifs aux gladiateurs sont^
à peu-près, d'un aussi mauvais stjle.
Il paroi t que les artistes qui ont pris
tant de modèles dans les gjmnases ^
les paîaestres , les hippodromes et les
jeux athlétiques , auroîent cru desho-
norer leur ciseau en réprésentant des
(117) Monsieur Quatremere de Quinci mon con-
frère à Tinstilut a composé une trés-Lelle dissertation
«ur ce qu'on appelle la toreutique et sur Vemploi que
les anciens sculpteurs faisaient des couleurs^ des me-
taux et des pierres colorées. Il est à désirer qu' çlh
soit bientôt publiée.
67
gladiateurs. Les sculpteurs d'un talent
médiocre qui se chargoieiit de ces tra-
vaux figuroient encore les gladiateurs
d'une manière grossière , et souvent mê-
me burlesque (ii8) afin que les images
de ces liommes, dont la profession etoitsi
justement méprisée, ne pussent être con-
iondu< s avec celles des héros et même
des simples guerriers . On auroit cru
prostituer l'idéal en l'employant j)0ur ces
viles images.
La partie technique de ces bas reliefs
mérite encore notre attention. Le stu-
cateur après avoir rendu lisse la surfa-
ce, sur la quelle il vouloit opérer, a en-
foncé des broclies de fer dans les en-
droits ou il devoit placer les ligures, à
Un de procurer l'adhésion de la matiè-
re qu'il emplojoit , adhésion que la ro-
uille du fer devoit rendre plus tenace.
La clialçur des cendres volcaniques a
(118) Il suffit pour se convaincre de ce que j'a-
vance de voir les monunions qui représentent des gla-
diateurs -, ceux qui sont figurés sur les lampes d'Hei^
culanuni confirment mon observation.
G8
été si violente qu'elle a fondu ces bro-
ches 5 qui sont devenues comme des
scories mamellonées. On les prendroit
pour une matière jaunâtre, comme le
pain de maïs , qui auroit été mâchée
et dont on auroit sali ces sculptures .
La fusion des broches a fait éclater et
tomber les figures qu'elles rétenoient et
a causé la dégradation de ces bas re-
liefs (119).
La forme générale de ce tombeau est
élégante et même remarquable à cause
de ses rapports avec celle du tombeau
de Mausole roi de Carie . Le toit de
ce célèbre édifice formoit le soubas-
sement d' une construction pjramida*
le ^ composée de vingt quatre gradins ,
qui conduisoicnt au sommet où étoit
une base sur la quelle on avoit posé
(119) M. Mazoi qui fi si Lien décrit dans les
ruines de Pompei p. 22. la manière dont on appli-
quoit les ornemens de stuc, ne pai'le pas de celle la,
parce que ce tombeau netoit pas encore découvert
quand il a rédigé cette partie de son ouvrage .
une qnadrigo de marbre (isio). Le tom-
beau lV Ampiiatus ne peut elrc compa-
ré à celui de Mausole^pour le luxe et
la beauté des ornemens , mais il lui res-
semble eu petit par sa forme. Le som-
met ne paroit pas avoir été une table d'au-
tel, on peut croire que sa statue y ctoit pla-
cée et si elle n'éloit pas de bronze, elle
n'a point été fondue , ni enlevée depuis
avec l'urne, et on la trouvera peut être à
quelque dislance du tombeau. Quant
au motif qui a fait adopter cette forme
i'aimcrois à croire que ce monument
a été élevé à Ampiiatus par sa femme,
et que pour témoigner sa douleur elle
a voulu qu'il ressemblât à celui qu*Ar-
t émise , dont V histoire a immortalisé
la tendresse conjugale , avoit consacré
aux mânes du roi son époux ^ mais la
ressemblance de ce monument avec deux
autres que je vais décrire, fait voir que
(120) Le comte (le Caylus a Jonné dans les
mémoires de l'Académie Tom. XXVI. «ne description
de co tombeau. Ou peut encore consulter Alxisius Je
niuusolei urchitectiim dans le /rt'so/- de Salkvgre T.III.
y3
celte forme etoit alors en usage , et de-
îiientiroit mon explication.
Quel étoit cet Ampliatus à qui on a
fait des funérailles si magnifiques et dont
Turne, après avoir été ainsi honorée ,
a été déposée au centre de ce tombeau
bâti sur la voie publique. Ce nom se
trouve frequement dans les inscriptions;
il y est donné à des hommes de condi-
tion libre 5 mais plus souvent encore à
des esclaves j et à des affranchis: 1* in-
scription nous apprend seulement que
son prénom etoit Quintus et qu'il étoit
fils de Publius; l'absence du surnom jne
fait croire qu'il n'etoit pas d'une nais-
sance distinguée et qu'il descendoit de
quelqu' affranchi.
Le second tombeau pi. I. et pi. IL
n. 2. et 4- n'est séparé du premier que
par le mur qui leur est commun. Celui
qui l'entoure est orné de pilastres , les an-
gles portent des cubes ^ terminés par de
petites pjramides, et ces cubes sont dé-
corés, du coté de la voie consulaire, de
bas reliefs en stuc qui ont rapport aux
7^
funérailles el à Telat des anies après
la mort . Sur l' un pi. 111. n. 5. on
voit une femme qui tient une bandelc-
te et une patère , au dessus d'un au-»
tel ou elle a offert des fruits. Les vases
peints sont les monumens qui nous ont
conservé les exemples les plus frappans
de la doctrine mystique des anciens^redui-
le en allégorie. On y remarque souvent
des initiés qui offrent des patères ou des
bandeletes à Tame d'un mort , figurée
par une stèle ou colonne funéraire ,
un vase, ou un balustre (121). Quoique
le tems où les peintures de ces tombe-
aux ont été faites, soit très éloigné de
celui où on a fabriqué les vases peints,
on avoit dû conserver, dans la Gampa-
nie, beaucoup d'anciens dogmes relatifs
aux morts et un grand nombre de rites qui
leurs etoient relatifs: nous venons de voir
que les jeux sanglants sur le bûcher, avo-
ient pour objet d'honorer les mânes, et
(•■îi) Cette doctrine est souvent rappellce dan*
mon ouYja^ç sur les peintures iL-s vaser ?.. vol. i;] fol.
Allas,
72
de se lés rendre favorables. Le premier
des ces bas relief ii.5. représente donc
une femme, peut être celle du défunt ^
qui sacrifie à ses mânes en offrant sur
l'autel charge des productions de la na-
ture une patère et une bandeîete: Tune
indique la pieté , et Y autre la pureté
des initiés. Cette femme pare avec la
bandeîete le squelete du défunt jîl.III.
n, 5. et semble le relever , pour indi-
quer que, purifié par les mystères sacrés^
il entrera dans les isîcs fortunées, des-
tinées à recevoir les âmes des hommes
vertueux. D'autres symboles qui ornent
cette sépulture vont encore ajouter quel-
ques probabilités à mon explication.
La chaleur des cendres et leur frot-
tement ont fait totalement éclater et di-
sparoitre la plaque de marbre qui etoit
enchâssée dans le cadre , orné de mou-
lures, qu'on remarque au milieu du mur,
pi. I. et nous ignorons le nom de la per-
sonne que ce tombeau renfermoit. Cela
confirme les observations que j' ai déjà
faites relativement à celui d'Ampliatus
75
que ces tombeaux n'ont pas tous une
inscription.
Eu entrant dans l'enceinte pi. I. ou
voit une base carrée, sur la quelle est une
tour ronde , le stuc dont elle est reve-
lue, est moulé en compartimens qui figu-
rent des pierres de taille, la forme du
monument est pareille ù celle des au-
tres tombeaux ronds.
Derrière sont trois marches grossières
pi. T. n. 4' ^ui conduisent dans l'in-
térieur par une petite ouverture carrée
n. 2. 4- <^ct intérieur est circulaire ^ on
a pratiqué dans le mur cinq niches, pour
y recevoir des urnes. Celle du milieu
qui est la plus grande etoit destinnée au
chef de la famille, elle est demi circu-
laire et cintrée, les quatres autres sont
carrées. Ceux qui ont violé le premier
tombeau, ont aussi pénétré dans celui
ci, on n'y a trouvé que quelques os. Le
trou, dont la voûte est percé, atteste la
profanation que cette sépulture a éprou-
vée.
Les murs sont intérieurement couvert*
10
^74
de sine et ornés cl'mie peinture à fresque,
qui est en grande partie effacée. On y
remarque , dans des encadremens , des
dauphins et d'autres animaux marins. Ces
symboles sont encore des signes de la feli.
cité, dont les hommes vertueux et purifiés
par l'initiation, doivent jouir dans les isles
fortunnées,où leurs âmes sont portées par
les nymphes , assises sur des animaux
marins (123) . Ces figures allégoriques
confirment l'explication que j'ai donnée
des petits bas reliefs qui décorent les an-
gles des murs.
Je n'avois point revu Pompeï depuis
le mois d' aoust 18 13.; mes voyages dans
les Abruzzes, et dans la Fouille m'avo-
ient empêché d'y retourner. Quelle a été
ma surprise d y trouver encore , au mois
de mars 18 13., cinq monuments du mê-
me genre, nouvellement découverts aus-
si beaux , et aussi intéressants que les
premiers!
(122) Voyez le iîeau sarcopliagë qui est aujourdhui
dans le musée Napoléon. Galerie mythol. pl.LXXIII.
n. 298.
L'entrée du tombeau pi. IV. etoit mu-
rée quand je r examinai; on reservoit à
sa majesté la reine le plaisir d'j entrer
la première et je n' en ai pu faire gra-
ver le plan. Sa forme générale est très
élégante , il est entourré d'un mur, abso-
lument sembable à ceux des tombeaux
que j' ai fait figurer pi. I. et de celui
qui est gravé pi. VL, on n'j avoit par-
liqué aucune ouverture. Le monument
qui s'eleve au milieu de cette gracieuse
enceinte, a la forme de celui qui a été
élevé à Ampliatus, si l'on adopte mon o-
pinion , ou à Ricius Scaurus si elle
n'est point atbnise. La matière n'est pas
la même et les ornemens différent: ce-
lui ci est d'un marbre blanc et très lin.
Sur la face principale du massif que
portent les trois marches, est une inscri-
ption, en beaux caractères proportionés
à la grandeur du monument ^ et plus
petits que ceux de l'inscription de Ri-
cius Scaurus. On j lit
7^
C. CALVENTIO QYIETO
AYGVSTALI
HVIC OB MViMFlCKNT DECVRIOXVM
DECRETO ET POPVLI CONSESV BISELLII
HO?sOR DATUS EST
à Cahentlus Quietus^Augustalisi Vhonncur
du BiselUum lui a été décerné ^par un dé-
cret des decurions ^ et du consentement du
peuple^ à cause de sa munificence.
C. Calventius Quietus etoit Augustalisj
c'est à dire qu'il appartenoit au collège
des Augustaux (i23) ou prêtres d'Augu-
ste. Nous ne connoissons pas l'espèce de
munificence qui lui a fait décerner l'hon-
neur du Biselliunij mais ce n'est pas le
seul exemple qu'il ait été accordé pour
des libéralités j une inscription qui a
été trouvée à Suessa dans la Campa-
nie 5 fait mention de C Titius Chresimus
à qui le peuple a accordé l'honneur du
Bisellium, pour lui avoir donné mille se-
sterces (124) . On voit que cette distin-
(i23) Les Sexvirl Augustales sont si souvent nom-
més dans les inscriptions , qu' il est inutile don rien
dire ici .
(124) Gkuter. Thesaur. CCCGLXXV, 3.
77
ctlon municipale pouvoit, comme beau-
coup d'autres, s'obtenir pour de l'argent,
et elle n'exigoit pas même de grands
sacrijices.
On ne sait pas encore bien ce que
c'etoit que le hlseirLum et quelle devoit
être sa iorme. Varron est le seul auteur
ancien qui en fasse mention (i25) et il
n'en donne pas une idée précise^ quant
à l'espèce d'iionneur dont il étoit la mar-
q\ie distinctive, aucun écrivain n' en a
parlé. Chimentelli, à l'occasion d'un mar-
bre qui fut trouvé à Pise et où il est
parlé de l'honneur du Bisellium, qui
a été accordé à Largentius, a composé
un savant et volumineux traité (126) ^
mais son érudition n'eclaircit point la
question. Il ne peut déterminer si le bi-
sellium etoit un grand siège ou une re-
union de deux petits, il rapporte j dans
(i25) Sic cfuod non plane erat sella subselUum
dictum^ uln in ejiistnodi </«o bisclliuni dictum. Varro
Uf Lin g. Latin. IV , 28.
(i?.G) CKl.\IE^^ELLl Marmor pisanunt de honore
biscllii , Bonon. iGGO. 4» -
78
cinq planches, les figures de toutes les
chaises curules et de tous les sièges que
les monumens lui ont fait connoitre , et
il ne produit pas une image authentique
du bisellium. Noris et Mazocchi n' ont
pas été plus heureux. Le premier pense
que r honneur du bisellium désigne le
Duumvirat (127). Mazocchi croit que le
bisellium etoit nommé ainsi, par ce que
c'etoit une espèce de pliant (128) com-
me les sièges de bronze qui ont été
trouvés au théâtre d'Herculanum . Les
tombeaux de Pompeï représentent le
bisellium d'une manière indubitable . On
voit evidement que c' etoit une espèce
de banc allongé qui pouvoit contenir deux
personnes, quoique il ne servit que pour
une et qu' il etoit plus ou moins orné,
ainsi que 'le coussin qu'on posoit dessus
V. pi. ly. pi. V. n. 2. et pi. VIL n. 2.
Chimentelli donne sept opinions sur
ce qu'on appelle V honneur du Dlsel^
(15 y) Cenotçpli. pisan. I. 3.
(128) Tabul. Jleracleens, p. i55.
79
liiun (129) et chacune est appnyec d'un
grand nombre de passages classiques, qui
ne prouvent que son érudition (i3o) , et
la cliose reste encore indécise ; ce-
pendant une belle inscription que Fa-
bretli possedoit et qu'il a publiée, sert
beaucoup à l'eclaircir: elle nous apprend
que „ les centumviri de Veia, reunis à
,5 Rome , dans le temple de Tenus, sont
5, convenus d'accorder à C Julius Gelo-
55 tus , affranchi du divin Augubte, l'hon-
55 neur d'être admis entre les Augustaux
(icip) Honor. btselUi.
(i?)o) Selon ChimentellI leJ^isellium devoit être
î."^ une clifiisse particulière dans les jeux et les cérémo-
nies publiques. 2.*^ ces mots honor Biscllii servent à de-
signer un personnage qui a obtenu deux fois , dans la
\ille quil liaLitoit, la première magistrature . 3.° ou
qui y exercoit à la fois deux magistratures. 4-'^ peut
être designoit-on ainsi le Duumvirat. 5.^ ces termes
indiquent l'admission dans le Decurionat , ou simple-
ment le droit de siéger parmi les Decurions. 6.^ les
Auguslaux recevoient des honneurs pareils à ceux
qu'on accordoit aux magistrats. ^.*^ Ce n'etoit pas un
siège , mais une bige , ou cbar , dans lequel il y avoit
place pour deux. Le lecteur peut choisir, car la que-,
stion nest pas décidée.
8o
5, et de s'asseoir, parmi eux^dans tous les
55 spectacles, sur un bisellium particulier.
Il est donc évident que le Bisellium
avoit la forme de ceux que nous vojons
sur les tombeaux de Pompeï pl.IV. Y. YI.
et YII. L'usage en étoit accordé aux per-
sonnes considérables , elles avoient le
droit de s'asseoir dessus (i3i) au specta-
cle (iSa) 5 au forum, et enfin dans les
jeux et les fêtes publiques. Cet honneur
etoit décerné au nom du peuple (i33),
par un décret des decurions (i34) ; il
s'obtenoit par des services (i 35), ou des
libéralités (i 36). Celui qui l'avoit reçu,
avoit le titre de Blsellarius (137).
(i3i) Honorent ei justissimum decerni ut Augu-
stalîum numéro habeatur , aeque ac si eo honore usus
sit \ lîceatque e/, omnibus spectaculis , municipio nostrOy
bisellio projirio, /n^er Augustales consedere. Fabretxi
Iscript. III , 324»
(13?.) Omnibus spectaculis. Supra note l3i.
(i33) Consensu populi. Supi*a p. y 5.
(i34) Decreto Decurionum. ibid.
(i35) Ob mérita, Infra.
(i36) O^ munificentiam. Supra p. j6.
(137) Gruter et JMuRATORi pasiim.
8î
Tons ceux dont les inscriptions fon£
mention 5 pour avoir obtenu l'honneur du
Bisellium 5 etoicnt des Augustaux. Fa-
Lretti conjecture j avec beaucoup de pro-
babilité ^ qu'il leur ctoit particulier^ il
n'etoit pourtant pas accordé à tous, mais
aux plus distingués . Ce genre de di-
stinction etoit absolument municipal, il
ne doîinoit aucun rang , aucune préro-
gative, et même aucun éclat ^ hors de la
ville, où il avoit été décerné^ c'est pour-
quoi aucun auteur n'en Tait mention j
pendant qu'il est rappelle par un assez
grand nombre d'inscriptions (i 38).
Les moulures qui décorent ce tom-
beau et qui en encadrent l'inscription
(i3B) Cet honneur municipal avoit beaucoup de
•rapport au Lanc que les raarguilliers oLtienncut dans
cette espèce d'enceinte qu'on appelle Toeupre, dans nos
eglisiRS •, aux loges ou aux places qu'on accorde, dans les
spectacles et dans les fètcs publiques, aux officiers mu-
nicipaux et aux principaux administrateurs. Ces places
sont fixes , et le biscUiuni etoit portatif -, c' est toute
la différence : cependant on doit croire que celui à
qui on avoit décerné Thonneur de ce siège avoit en-
core uue place marquée où il le faisoit poser.
II
82
sont très agréables, vojcz pl.IY. et pï.
V. n. I., 2., 4-^ ^'5 ^^^ enrolilemens qui
terminent le couvercle sont noblement
formés de belles feuilles de palmier pL
IV. et pi. V. n. 1.5 qui sont encore des
marques honorifiques (139), l'extrémité
de ces enroulemens est décorée de tètes
de béliers pi. IV. et pl.V. n.2.
Les deux faces latérales sont ornées
de couronnes de cliéne, attachées avec
des bandelettes pi. V. n. i., c'est le plus
bel hommage qu'une ville reconnoissan-
te puisse offrir à un de ses citoj ens dont
(139) Les statues logées qu''on trouve en si grand
nombre et qui ont d'un coté une scrinium rempli de
volumes , et de V autre , pour appui , un tronc de
palmier représentent des magistrats à qui les villes
les ont élevées , ou par crainte , ou par reconnois-
sance. Mnxure, dieu de Tcloquence et de la palaestre,
est ordinairement appuyé sr.r un tronc de palmier,
symbole des succès que le talent de la parole , et Ta-
tb'esse dans les exercices font obtenir . Enfin le pal-
mier est devenu le signe du martyre, triomphe du Chri-
stianisme. J'ai rapporté plusieurs exemples des signifi-
cations allrgoriques du palmier, dans mon Dictionnai-
re des beaux arts aux mots palme et palmier*
83
elle a reçu des services ou des bienfaits.
hes petites pyramides qui s'elevent
autour du mur d'enceinte sont ornées
de cpelques figures en stuc. J*ai fait
graver les plus intéressantes ^ on j
remarque la victoire sur un globe ^ te-
nant une guirlande pi. V. n. 8. ou une
bandelette n. 9 , Ocdipe qui devine l'E-
nigme du Sphinx pi. Y. n.6. et probable-
ment le même héros qui se repose après
ravoir explique n.y. Il j a une sphère
sur la colonne qui est derrière lui et à
la quelle son epée est suspendue par un
baudrier. Je ne puis déterminer ce qu'il
tient à la main ; peut être est ce une
bandelette. Ces signes 5 de l'énigme du
Sphinx qui annonce des mj stères à dé-
couvrir et de la Sphère à laquelle prési-
de Lachesis , qui j lit la destinée des
hommes (140), sont des emblèmes qui
conviennent à l'emploi de la vie , à l'in-
certitude de l'avenir, à la mort et enfin
à la doctrine mystique dont j'ai parle ;
(i.îo) Galerie m^thol. XCHI , 383.
^4
ces bas reliefs ont beanconp souffert «
mais plus encore des outrages des hom-
mes que de ceux du tems (i4i)«
(iji) Les dégradations qui se commettent tons
les jours à Pompei sont véritablement affligeantes. Il
semble que la manie de la destruction se réunisse aux
effets d'une admiration mal raisonnée , pour n'y rien
laisser. Des méchants , sans autre but que Todieu-X
plaisir de mal faire , brisent des autels et des colon-
nes , et dégradent des ornemens . Des prétendus ama-^
leurs , ridiculement passionnés , profitent de Fabsence
ou do rinnattention des gardiens , et même quelques
fois tentent leur foiblesse , pour enlever des lettres de
bronze , et détacher des portions de mosaïque. On ga-»
le ces mosaïques à force de gi-ater la poussière dont
on les couvre pendant Tliyver, pour les montrer aux
curieux. Ou efface les plus belles peintures , en les la-
vant , et comment les lave-t'on , pour faire paroitre
dans tout son éclat la vivacité de leurs riches cou-»
leurs . Que dirai je de Todieuse manie qu'ont les vo-»
yageurs d'écrire leur nom avec un instrument pointu,
sans faire grâce du lieu de leur naissance et du jour
de leur fâcheuse visite à Pompeï . C'est un bonheur
encore quand , par un transport de sentiment , ils u'a--
joutent pas celui de leur amie. En regardant ce maus-
sade mélange de noms de toutes les nations , on croit
lire le registre de présence de la grande assend)lée du
Pandcmonium , ou de la reunion générale qui aura lieu
dans la vallée de Josaplutt . Il est remarquable que
85
Ce tombeau pi. VI. a une enceinte
semblable à celle des précédents , pL
les noiiiS qui clcgratlcnl les Lcaiix sUics colorés, d'agrca-
blc'S peintures , (rdegruts Arabesques n appartiennent
pas tous à la classe olscure , que le deliiut de culture
et d'éducation doit fai*e excuser. On y lit ceux d'un
grand nombre de personnes tres-countics dans le mon-
de , Lien élevées , et qii y tiennent un rang distingue.
J'en ai recueilli nue laigue liste 5 si je la publioi»
on regarderoit ce proedé comme un manque de con-
venance , une incivile indiscrétion , une sorte de ru-
sticité. Ce ne seroit purtant autre cliose que contri-
buer à ùi'iYc plus projiptement aquerir à ces amans
de la gloire , Tcspec' de célébrité à la quelle ils
Aspirent. Ne seroit il tas possible d' interdire l'entrée
des editlces de Pompï à tous ceux qui ne sont pas
accompagnés d'un gailieu , en ne laissant libres que
"les rues . Ne poiuToiton pas établir des peines sévè-
res contre ceux qui prtent sur ces monumens respe-
ctables une main prome. Une forte amende seroit
celle du graveur eu htres sur le stuc ou siir la pier-
re ^ je voudrois de pis , que quand son nom seroit
mi peu connu , on li le lendemain dans le moniteur
napolitain M. N. a vajè hier une amende de tant
pour avoir écrit son noi sur tel monument ^]e vondrois
surtout qu'à la fin de .'article on répétât chaque fois
ce vers de Martial
Nomina stulbrun. semper in moenîa Icguntur.
Les noms des >ots ouiours so lisent sur les murs.
f
86
II, IV 5 on y entre par une porte car-
rée 5 large et peu élevée . Le mur est
aussi décoré de pierres cubiques , ter-
minées par des pyramides mais sans
sculptures. La forme de Tedifice est , à
peu près, la même que celle des tom-
beaux d'Ampliatus pi. IL et de Galven-
tius pi. lY. , mais la i)ase ne pose que
sur deux marches . Uie partie du mas-
sif supérieur est degralée . L'encadre-
ment des bas reliefs e: de l'inscription
est très riche , pi. YI et pi. YII n. i .
Le Buste de Naevolei; Tyrhe , qui l'a
fait consti'uire , est au milieu de cet en-
cadrement, pi. Y'I et jl. YII n. 3, elle
a des pendants d'oreiîe . Au dessous
est un bas relief, pi. ^I et pi. YII n. 2,
qui représente le sacrilce solemnel, qui
eut lieu, sans doute, lans les funérail-
les. Un prêtre dépose sur un autel une
offrande qu'on ne peu distinguer , au
près est une masae onique destinée ^
sans doute, à être coisacrée et à coté
est un jeune servant {Ccmillus^ . Der-
rière l'autel un des asistms eleve re-
87 .
îigieusement un pannier de fruits : a
droite sont les officiers municipaux ,
les Decurions , et les Scxvirl Augustalcs
Têtus de la Toge, qui rendent à Muria-
tius Faustus les derniers devoirs. L'au-
tre grouppe est composé d' hommes ,
de femmes et d* enfans , qui probable-
ment formoient la famille de Munalius:
ils expriment leur douleur, et apportent
à l'autel des offrandes , dans des corbeil-
les. La femme qui eleve les mains au
Ciel 5 avec Tattitiidc de la douleur ,
doit (^tre Naevoleia Tyche , elle même.
Au milieu de la face principale du tom-
beau on lit
jNAEVOLEIA LIB TYCHE SIBl ET
C MVNATIO FAVSTO AVG ET PAGANO
CVI DECVRIONES CONSENSV POPVLI
BISELLIVM OB MERITA EIVS DECREVERVNt
HOC MONVMEKTVM NAETOLElA TYCHÈ LIBERTIS SVIS
LIBERTABVS Q ET C 3tVj\'VT. P FAVST F VIVA FECIT
Naevoleia (i^^) Tyche affranchie à
elle même et à C Munatius Faustus Au-
(i4^) Ce nom se trouve ainsi que celui de JNae-
voleius dans une autrç iascription . Gruïer thei.
88
gustalis et Va garnis (i36) à qui les decU-»
rions , d'après le consentement du peuple^
ont décerné le Blsclliuni (i3y) , à cause
de ses mérites . ISaevoleia Tyche a fait
faire ce monument , de son vivant , pour
ses affranchis , ses affranchies et pour
C Munatius fils de Faust us.
J' ai fait graver sur la planche VIL
les divers détails de ce tombeau 5 sur
(i36) On ajjpelloit pagani les liatitahs d' imei
espèce de quartier ou de district nomméj pagiis. Cha*
que pagus dans la Campanic etoit administré par dou-
ze magistrats mùgistri pcgi-, et ils avoient quelques
fois Tadminlstration de denr. pagi reunis. Tels etoicnt
le pagus Herculaneus et le pagus Joveius \ ces magistrats
etoient chargés alterna tivemeat de diriger les Terminalia
elles ^mbarvalia , fêtes qaoa celebroit pour la pilrifî-
cation et la conservation des cliamps. Voyez ce que
le savant IMazocchi dit des pagi dans son Leau traité
de Amphit. Capuan^ VII ï , i. en commentant la cu-
rieuse inscription connue sois le nom de Lex pagana,
M. BoNAFEDE. ViTAii a pidoiié à Venise en 1^85 une
dissertation italienne sur Ttpoque à lac[uelle on a com-
mencé a employer le mot paganus.
(iBy) Ou ne trouve pas ici la formule ordinaire
Jlonor bisellii , mais une aitie un peu différente Bl'»
selUwn decre^^erunt.
^9
la face latérale du coté de la porte de
Pompeï , pi. VII 11.5, on voit le Biscl-
llum de Muiiat'.us ^ il est moins orné
qne celui de Calventius , pi. IV ^ et
pl.V. n. 3. il est placé dans un encadre-
ment semblable à celui de l'autre face,
du coté de Naples. Cette face a été fi-
gurée entière, pi. VII. n. i. T encadre-
ment est agréablement composé de fleurs
en roue, et de feuilles d'acanthe. Au mi-
lieu est un joli has relief de marbre qui
représente une barque n. 4 '•) elle a pour
équipage quatre génies funèbres , qui
font l'office de matelots ^ au mat sont
plusieurs cordes , on remarque , au bas,
une pièce de bois dans laquelle passe
le cable qui sert à hisser la voile: sa for-
me est celle d'une poulie mouflée, quoi-
qu'on regarde ce genre de poulie com-
me une invention moderne . Un des
matelots monte à la corde principale,
pour peser dessus , et hisse la voile que
deux autres sont occupés u rouler au-
teur de la vergue , manoeuvre qui est
encore usitée aujourdhni , et dont j'ai été
12
9=^
tant de fois témoin dans mes voyages
aiiiom- des golphes , et aux isles de Ca-
pri et d'Ischia. \Jn matelot qui est de-
bout ordonne cette manoeuvre et en
surveille l'exécution. Une seconde voile
triangulaire est étendue devant la gran-
de voile el fixée au col de Gjgne, qu'on
appelloit Chenisque et qui ornoit ordin-
nai rement la pouppe des barques et des
galères 5 chez les anciens. On voit encore
sous la chenisque un corps arrondi que
je crois être une autre petite voile en-
flée par le vent: une petite flamme car-
rée flotte au haut du mat. La proue
est accompagnée d'une galerie et le co-
té est orné d'une tête de Minerve, sym-
bole du courage et de la prudence qui
sont si nécessaires dans les grandes na-
vigations. L'absence des rames et la
conformité du grement , avec celui des
nos barques modernes, qui n'ont qu'un
mat et une voile latine, sont très re-
marquables, et ces détails attireront cer-
tainement l'atte ntion de quelque marin
qui sauva mieux que moi les expliquer.
91
La manoeuvre de serrer la voile est
nne ingénieuse allégorie du vojage pé-
nible que l'ame fait dans la vie ^ après
tant de bourasques et de tourmentes ,
la mort lui oiTre un port assuré , et e'est
dans ce port que Naevoleïa, qui est à la
pouppe, couverte comme les ombres d'une
grand voile va entrer (i/}5).
Ce tombeau a été ouvert depuis peu:
rinterieur est carré , il y a en face
de la porte une niche carrée et cintrée
plus grande que les autres, et de cha-
que côté des niches carrées plus peti-
tes ; autour règne u!ie espèce de con-
sole , sous laquelle il y a des niches
extrêmement petites et qui ont véri-
tablement l'apparence de nids à pigeon
(146). On n'a trouvé dans ce tombeau
que quelques vases d'une terre rou-
ge, avec des ligures en relief: ont peut
juger par la nature de la terre, le tra-
(145) Sur \e bel autel de la tranquillité ^ Ara
TRAKQviLLiTATis , du Musce CupitoUn pi. XXX p. 160
on voit une galei-e qui arrive au port.
(1/^6) On appf'lloit ces tombeaux colombaires.
92
vail du relief et le stiîe du dessin , que
ces vases sont gaulois, il ressemblent ab-
solument à ceux qui se trouvent si abon-
dament en France (1^7) dans la Belgi-
que (148) et en Angleterre (149). Cette
circonstance paroit singulière , mais on
voit aujourd'hui à Naples beaucoup de
Porcelaine de Saxe , de Sevrés, de la
Chine et du Japon 5 pourquoi un habi-
tant de Pompeï n'auroit-il pas possédé
quelques vases gaulois (i5o) ?
On a aussi trouvé des phioles de ver-
res remplies d'une eau rousseiitre , qui
avoit probablement contenu des matiè-
res animales , ces phioles etoicnt si
(147) Voyez îcs sept volumes du T\.ccueil du comte
de Cajlus au chapitre rnonurnens gaulois 5 la description
des monuments qui ont été trouves dans le jardin dit
Sénat pai* M. Grivaud etc.
(148) Voyez les recherches sur lu Belgique de
M. de Bast.
(149) On en a gravé un grand nombre dans le
second, volume de Y archœologia britannica , nom donné
au recueil de la Société des Antiquaires de Londres.
(i5o) Ces vases sont dans le musée de Sa Maje-
sté la Heine.
93
bien fermées que la liqueur ne s' doit
point évaporée 5 elle avoit une saveur fa-
de (i5i).
La porte d'entrée etoit tenue par des
crochets de fer, qui sont réduits au mê-
me état que les broches du bas relief
qui décore le tombeau d'Ampliatus.
M. Mazoi a très bien remarqué , que
les habilans de Pompeï ont plus sou-
vent employé dans leurs constructions
le fer que le bronze , ce qui est con-
traire à r usage ordinaire des anciens:
la serrurerie est comme il le dit en gê-
nerai très grossière .
Auprès de l'entrée de ce tombeau est
un des ces pilastres de marbre surmon-
tés d'une boule 5 qui sont assez communs
à Pompeï . Ces marbres sont ordinaire-
ment sciés dans leur longueur et por-
tent une inscription comme celui qui est
figuré pi. I. n. 8. c' etoient de simples
(i5i) 11 y a dans le musée de Turin uli glo-
])e de verre qui contient un cerveau liumain iloUaiit
dans une liqueur ^ ce globe a ete trouvé dans une
boete de plgnib et le tout étoit dans un tombeau
antique.
94
comme moral ion s , la forme de ces pier-
res est allégorique , nous la trouvons sur
la petite pyramide du tombeau de Cal-
ventius pi. V. n. 8: c'est un sjmbole de
la fatalité , exprimée par la sphère, dont
Lacliesis se sert pour tirer l'horoscope
des hommes (iSs).
(iSa) Voici les inscriptious que j'ai remarquées
sur ces pierres,
1.
NISTÂCIDIO HELINO
PAG • PAGI • A\ G
NISTACIDIO lANVARIO
MESONIAE SATVLLIAE IN AGRO
sic
PEDES XV IN FRONT UDF XV
2.
5.
ARRIAE ÎM L
IVNONI
VTILI
TYCHES IVLIAE
\'
AVGVSTAE VENER
NISTACIDIVS
6.
PAGANVS
C MVNATIVS
4.
ATiMETVS • VIX
NISTACIDIVS
ANNIS LVIL
HELENVS PAG
7-
NISTACiDlAE 5CAPIDI
95
Auprès du monument de Naevolela est
encore une enceinte dans la quelle on
pénètre par une petite porte carrée. Au
lieu d'un tombeau on voit un trlcllnium^
hati en briques et recouvert de stuc^ il est
on pente vers les murs et relevé vers la
lable carrée qui est au milieu pi. 1. n. j.
11 etoit destiné à ces repas funèbres dont
il est si souvent question dans les inscri-
ptions antiques, où on trouve l'indication
du jour du festin, le nombre des con-
vives réglé, la dépense fixée (i53). De-
vant ce triclinium est un trou rond dont
j'ignore l'usage. On mettoit probablement
des coussins sur ce dur massif, pour le
jour de la cérémonie.
Il n'j a dans cette enceinte aucune
inscription, et comme il nj a point de
communication avec le tombeau de Nae-
voleia Tjche, on ne peut dire si ce tri-
clinium en etoit une dépendance , on
]îeut cependant le presujner. Il y a sur
le mur d' enceinte derrière le tombeau
(i53) V<.innçs de Pornpei p. o-^.
96
de Naevoleia un fronton au milieu du
quel est l'encadrement d'une tablette ,
supportée par des génies ailés , rijiscri*
plion a disparu , peut être contenoit
elle les dispositions relatives au repas
funèbre que Naevoleia avoit fondé.
Le dernier tombeau pi. I. n. 5. 6. a la
forme d'un autel: il est bâti en pierres
quadrangulaires soigneusement taillées ^
mais il n' a d' autre ornement que ses
belles proportions ^ et un enroulement
d'ecailles de palmier, qui le recouvre.
L'inscription qui se lit, en beaux cara-
ctères, sur une pierre carrée et qui est
répétée sur trois faces est ainsi conçue
M. ALLEIO LVCCÏO LIBELLAE PATRI
AEDILI II VIR PRAEFECTO QVINQ ET
M ALLEIO LIBELLAE F DECYRIOxM VIXIT
ASKIS XVII LOCVS MONVMEBÏTI PVBI.TCE DÂTVS EST ALLElA M F
DECIMILLA SACERDOS PVBLICA
CERERIS FACIVNDVM CVRAVIT YIRO
ET FlLtO
A Mardis Alleius hucclus LiheUa Pcre^
aedllc IL vir ^praefet quinquennalls et à
M, Alleius Libella son fils Deciirion , qui
a vécu XV IL ans. L'emplacement dumo-
97
nument a été donne par le Peuple. Aile-
ia Dec imilla fille de M. prêtresse publi-
que de Ceres a pris soin de le faire exé-
cuter pour son mari et pour son fils.
Il est difficile de se faire une idée
de la beauté de la route que décorent
ces monumens et du noble effet qu'ils
produisent. Quel spectacle devoit donc
offrir la voie Appie^ bordée de sembla-
bles édifices d'une plus grande propor-
tion 5 et dont il nous reste encore des
modèles (i54)î quel champ ouvert à la
méditation ! quelles vives leçons sur la
fragilité de la vie ^ sur l'emploi qu' on
en doit faire et sur les honneurs que
les services rendus à son pajs peuvent
faire obtenir!
Les tombeaux de Pompe i seront gravés
en grand dans l'intéressant ouvrage que
M. Mazoi fait paroitre (i55) et on pour-
ra mieux juger de leur élégance. J' au-
(i54) Supra.
(ij5) Les ruines de Pompei^ la première li\Tar-
SOn vient <le pavollre et fait vivement désirer q^iie les
»»utres se succedcut rapidcmeul.
i5
98
rois pu m'etendre sur diverses particula-
rités qu'ils présentent , mais ils seront
aussi l'objet du beau travail que l'aca-
démie royale publiera avec maturité ^ et
qui ne laissera rien à désirer.
Cette explication n'est donc que pro-
visoire 5 j' ai voulu seulement repondre
à l'impatience de ceux qui aiment ce
genre de recherches , laisser un tribut
dans un pajs où j' ai reçu tant de té-
moignages d'estime et une si grande
hospitalité 5 et déposer aux pieds des
souverains, à qui on doit ces précieu-
ses découvertes , un hommage de re-
spect et de reconnoissance.
F I N.
99
EXPLICATION DES PLANCHES.
L Plans des deux prcmicis tombeaux etc.
1. Coupe du londjcau d'Ampliatus , pag. 7.
2. Coupe du tomiLcau rond , p. 70.
3. Plan du tombeau d'Ampliatus , p. 71^
4- Plan du tombeau rond , p. 73.
5. Autel sepulchral d'Allejus Libella , p. 96.
6. Table du même tombeau .
7 . TiicUnium funéraire , p. gS .
8. Pierre tumulairc , en forme de pilastre , qui
porte une Spbere , p. 94*
II. Vue des deux premiers tombeaux , p. G.
III. Bas reliefs des deux premiers tombeaux.
1. Bas relief qui est sur la base du tombeau
d'Ampliatus : combats de gladiateurs , et in-
scriptions peintes , p. 9.
2. Chasse , Venatio , qui est au dessous du pré-
cèdent bas relief, p. 56.
3. Bas relief qui est sur la porte du même tom-
beau , p. 58.
4- Bas relief qui décore uiie des petites pyrami-
des de Tenceintc du tombeau rond, p. 71.
5. Autre , p. 72.
IV. Face principale du tombeau de Calventius , où
Ton voit le hiselUum , p. 'jo.
Y. Détails du même tombeau.
1. Face latérale décorée d'une couronne de chê-
ne , ;). 82.
2. Enroulement orné d'une tête de bélier , id.
100
3. Bisellium , p. 83.
4- Ornemcns de la base , p. 8i.
5. Arabesque de rencadrement , îd.
6. Bas relief d'une des petilcs pyramides, p. 83.
7. Autre, id.
8. Auli-e, id.
9. Autre , id.
VI. Face principale du tombeau de Munatius Fau-
stus , et de Nacvoleïa Tyche , p. 87.
VII. Détails du même tombeau .
1. Face Latérale , p. 8g.
2. Bas relief de la face principale , id.
3. Buste de Naevoleïa , p. 86.
4. Bas relief de la face latérale , p. 8g.
5. Bisellium qui décore l'autre face latérale , id.
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