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Full text of "Dictionnaire de musique théorique et historique"

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10 


.  E73  COLLECTION  MWiHEïL    LeVy 

1858  —  i  Ira  ,c  (Vvolumc  — 

1   franc   25  <•  ••  'iiites  à  l'étranger 


L  ET  M.  ESCUDIER 


DICTI    NNAIRE 


DE 


MUSIQUE 

THÉORIQUE   ET  HISTORIQUE 


Vvec  uni;  préface 

l»i:    11.     F.     HALE^t 

Membre      le.    l'Institut 


NOUVELLE      ÉDITION. 


TOME  DEUXIÈME 


PARIS 

MICHEL   LEVY   FRÈRES,    LIBRAIRES-ÉDITEURS 

HUE     VI  VIENNE,     2     DIS 

1858 


ÎÎAROLD  B.  LEELÏBRAR* 

B  WGHAM  YOUNO  UNIVERSITE 

PROVO.UTAH 


* 


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V 


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DICTIONNAIRE 

DE  MUSIQUE. 


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i.U'.iS. — îv.p.  \h\:imst.  u  i.omneh.  ii   j.  CAHOB  ROEl     M     i:   iv  COVRM,  4 


DICTIONNAIRE 


DE 


MUSIQUE 


THÉORIQUE  ET  HISTORIQUE 


l'A  H 


LES    FRÈRES    ESCUDIER 

AVEC  UNE  PRÉFACE 

DE    M.    F.    HALÉVT 

Membre  de  l'Institut. 


TOME  II 


PARIS 

MICHEL  LÉVY,  FRÈRES,  LIBRAIRES-ÉDITEURS. 
%  bis,  rue  vi  vienne. 

4854 


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±iAKGlD  B.  LLbLibiUvKï 

BRIGHAM  YOUNG  UNI  VERSITV 

PROVO,  UTAH 


DICTIONNAIRE 


!       DE  MUSIQUE. 


I 


Iacuntiiies.  Fêtes  annuelles  célébrées  à  Amyclès, 
sur  le  territoire  lacédémonien,  en  l'honneur  d'A- 
pollon, dans  lesquelles  on  faisait  entendre  le  son  des 
flûtes  et  de  certains  instruments  à  cordes. 

Iambique.  Nom  d'un  acte  ou  d'une  partie  princi- 
pale d'un  morceau  de  musique  vocale,  exécuté  dans 
les  luttes  musicales  des  jeux  publics. 

Idée.  L'idée  musicale  est  ordinairement  un  trait  de 
chant  qui  se  présente  à  l'esprit  du  compositeur  avec 
tous  les  accessoires  qu'il  comporte.  On  voit  par  là 
qu'il  y  a  plusieurs  espèces  d'idées  différentes  selon  le 
genre  d'effets,  soit  simples,  soit  composés,  qu'on  se 
propose.  On  doit  aussi  distinguer  les  idées  en  idées 
principales  et  en  idées  secondaires  :  les  premières 
sont  propres  à  faire  la  base  ou  la  fond  d'une  compo* 
sition,  les  autres  destinées  au  d  Aèloppement  de  l'idée 
principale. 

Illusion.  Quelques  écrivains  ont  essayé  de  rendre 
l'opéra  ridicule  à  cause  de  ses  invraisemblances,  en 
disant  qu'on  ne  chante  pas  au  moment  de  se  donner 

T.    II.  I 


ï  IMA 

la  mort  ou  de  se  quereller.  Il  faut  distinguer  à  ce  su- 
jet la  vérité  d'art  et  la  vérité  de  nature.  On  ne  trouve 
dans  la  nature  ni  des  airs  cadencés,  ni  des  chants 
avec  accompagnement;  on  n'y  trouve  pas  non  plus 
les  vers  de  Virgile  ou  l'Apollon  du  Belvédère.  Un  tra- 
vail parfait  d'art  est  une  œuvre  de  l'esprit  humain 
élevant  les  objets  les  plus  ordinaires  à  une  plus  haute 
signification,  à  une  dignité  plus  sublime. 

Il  est  certain  que  le  plus  grand  effet  de  l'art  dé- 
pend de  l'illusion.  Le  compositeur  qui  veut  faire  agir 
l'illusion  sur  les  autres,  doit  d'abord  en  sentir  lui- 
môme  toute  la  puissance,  c'est-à-dire  que  l'illusion 
doit  subjuguer  son  esprit  et  son  cœur  par  de  vives 
images. 

Imagination.  L'imagination,  considérée  en  géné- 
ral, est  la  faculté  de  retenir  l'impression  des  objets, 
d'en  arranger  les  images  et  de  les  combiner  en  mille 
manières.  Tous  les  sens  fournissent  des  secours  à 
l'imagination;  mais  ceux  de  la  vue  et  de  l'ouïe  l'en- 
richissent plus  que  tous  les  autres,  parce  que,  rap- 
prochant les  distances  ou  franchissaUt  les  intervalles, 
multipliant  nos  rapports  avec  l'extérieur,  embrassant 
presque  dans  le  même  moment  le  ciel  et  la  terre,  ils 
nous  font  toucher  à  un  plus  grand  nombre  de  choses 
qui  se  gravent  dans  notre  esprit  et  y  déposent  leurs 
images. 

L'imagination  joint  la  réflexion  et  la  combinaison 
à  la  mémoire.  Loin  de  se  borner  à  subir  l'influence 
de  la  première  impression  des  objets  ou  des  sons,  elle 
s'excite  à  en  recevoir  de  nouvelles;  elle  recueille  et 
raisonne  ses  propres  sensations,  les  rejette  ou  les  ad- 
met dans  les  cadres  /  l'elle  leur  a  tracés.  Autour  d'une 
idée  qui  la  domine,  elle  cherche  à  éveiller  une  foule 
d'idées  accessoires.  Son  coup  d'œil  rapide  et  sûr  dé- 
couvre à  de  grandes  distances  les  rapports  jusqu'alors 
inaperçu*  entre  deux  objets,  file  les  rapproche  rt  les 


M  V  3 

unit,  et  leur  imprime  dans  ses  imitations  le  cachet  de 
la  nature. 

L'imagination  du  musicien  et  du  poète,  réglée  par 
le  goût,  fait  en  petit  ce  que  le  créateur  a  fait  en  grand  ; 
elle  applique  à  ses  œuvres  la  même  économie  que 
Dieu  à  l'ordonnance  du  monde  :  c'est  surtout  cette 
faculté  qui  paraissait  aux  anciens  un  don  des  dieux, 
ingenium  quasi  ingenitum,  une  inspiration  divine. 
L'imagination  qui  invente  avec  grandeur,  médite 
avec  profondeur,  féconde  avec  patience,  dispose  avec 
sagesse  et  enchaîne  avec  habileté,  est  du  génie.  Dans 
les  sciences,  elle  donne  des  Newton  ;  dans  les  lettres, 
des  Homère  ;  dans  les  arts,  des  Beethoven,  des  Ros- 
sini.  Et  qu'on  ne  soit  point  choqué  de  ce  rapproche- 
ment :  on  dira  peut-être  qu'il  y  a  plus  de  grandeur  à 
découvrir  les  lois  de  l'univers  qu'à  composer  la  sym- 
phonie héroïque  ou  Guillaume  Tell;  et  cependant  le 
musicien  vivra  aussi  longtemps  que  le  philosophe, 
et  restera  comme  lui  au  rang  de  ces  organisations 
supérieures  dont  la  nature  se  montre  avare. 

Que  le  jeune  musicien  ne  cherche  point  ce  que 
c'est  que  l'imagination.  En  a-t-il?  la  sent-il  en  lui- 
même?  Le  génie  du  grand  compositeur  soumet  le 
monde  entier  à  son  art;  il  peint  tous  les  tableaux  par 
des  sons,  il  fait  parler  le  silence  même,  il  rend  les 
idées  par  des  sentiments,  les  sentiments  par  des  ac- 
cents; et  les  passions  qu'il  exprime,  il  les  excite  au 
fond  des  cœurs.  La  volupté  par  lui  prend  de  nouveaux 
charmes;  la  douleur  qu'il  fait  gémir  arrache  des  cris. 

Mais  pour  que  î'imngination  produise  ces  grands 
effets,  il  faut  qu'elle  soit  réglée  par  le  goût.  L'imagi- 
nation crée,  mais  le  goût  chcysit,  et  un  génie  trop 
abondant  a  besoin  de  son  secours  pour  ne  point  abu- 
ser de  ses  richesses.  Sans  goût,  on  peut  faire  de 
grandes  choses  en  musique;  mais  c'est  lui  qui  les 
rend  intéressantes.  C'est  le  goût  qui  fait  saisir  au  com- 


positeur  les  idées  du  poète,  c'est  le  goût  qui  met 
chaque  chose  à  la  place  qui  lui  convient  et  fait  des 
diverses  parties  d'une  composition  musicale  un  tout 
homogène ,  un  ensemble  harmonieux.  Sans  le  goût, 
il  n'y  a  point  de  chef-d'œuvre  complet. 

Quelques  compositeurs  ont  possédé  à  un  degré 
éminent  cette  alliance  de  l'imagination  et  du  goût. 
Gluck,  dans  son  Iphiaénie  en  Tauride  ;  Sacchini,  dans 
Œdipe;  Spontini,  dans  la  Vestale  et  Fernand  Cortez; 
Meyerbeer,  dans  Robert  le  Diable  ;  Rossini,  dans  Guil- 
laume Tell;  Auber,  dans  la  Muette  de  Portici;  Ha- 
lévy,  dans  la  Juive,  ont  laissé  des  pages  qui  sont  à 
l'abri  des  variations  de  la  mode  et  des  épreuves  du 
temps.  Mais  il  est  surtout  un  compositeur  chez  qui 
les  deux  qualités  dont  nous  parlons  ont  acquis  le  plus 
beau  développement  :  c'est  Rossini.  Quelle  puissance 
d'imagination  !  quelle  abondance  de  sève!  mais  aussi 
quel  goût  exquis  !  —  Dans  Luoia  di  Lammermoor,  la 
Favorite,  Don  Sébastien,  Donizetti  a  prouvé  aussi 
qu'il  était  un  de  ces  compositeurs  hors  ligne  chez 
qui  le  jugement  et  l'inspiration  se  prêtent  un  mutuel 
appui. 

Indépendamment  delà  grande  imagination  qui  in- 
vente, dispose,  dessine  et  colore  sous  les  yeux  de  la 
raison,  il  existe  une  imagination  de  second  ordre  qui 
est  celle  des  détails.  Cette  imagination  jette  beaucoup 
d'agrément  dans  un  ouvrage;  elle  sait  parfois  mettre 
en  œuvre  avec  beaucoup  d'habileté  les  idées  les  plus 
vieillies  et  leur  faire  subir  une  heureuse  métamor- 
phose; mais  seule,  elle  ne  saurait  constituer  des  ou- 
vrages vraiment  supérieurs. 

Imitation.  Si  tous  les  sentiments  ont  des  tons  qui 
leur  sont  propres,  et  si  le  compositeur  peut  se  servir 
de  ces  tons  pour  exprimer  les  sentiments,  la  musique, 
quoique  bornée  dans  ses  imitations,  n'est  pas  moins 


1ND  5 

un  art  imilatif,  attendu  que  la  nature  lui  présente  ses 
modèles  avec  les  moyens  pour  les  reproduire. 

Outre  l'imitation  de  la  nature,  il  y  en  a  encore  une 
autre  qui  consiste  à  suivre  l'exemple  d'autres  compo- 
siteurs en  les  prenant  pour  modèles.  À  cet  égard,  on 
distingue  l'imitation  libre  et  l'imitation  servile.  L'imi- 
tateur servile  peut  être  un  homme  de  talent,  tandis 
que  l'imitateur  libre  peut  suivre  les  inspirations  et 
les  élans  du  génie. 

Vimilation  est  un  artifice  musical  qui  fait  que  plu- 
sieurs parties  reproduisent  le  même  chant  à  des  dis- 
tances et  à  des  intervalles  différents. 

Imperfection.  C'était,  dans  l'ancienne  musique,  la 
soustraction  de  la  troisième  partie  de  la  valeur  d'une 
note. 

Improvisateur  mécanique.  Machine  à  notation  pour 
les  improvisateurs.  Cette  machine  s'adapte  au  piano, 
et  tout  ce  que  l'on  joue  sur  cet  instrument  s'imprime 
en  même  temps. 

Improviser.  C'est  composer  et  exécuter  impromptu 
un  morceau  de  musique.  Pour  improviser  avec  suc- 
cès en  musique,  il  convient  d'être  profondément 
initié  aux  ressources  de  l'art;  il  faut,  en  outre,  être 
maître  absolu  de  l'instrument  sur  lequel  on  impro- 
vise, posséder  une  âme  qui  s'exalte  aisément  et  une 
grande  présence  d'esprit,  afin  qu'il  y  ait  de  l'unité 
dans  un  morceau  créé  de  cette  manière. 

Incomposé.  Un  intervalle  incomposé  est  celui,  qui 
ne  peut  se  résoudre  en  intervalles  plus  petits,  et  n'a 
pas  d'autre  élément  que  lui-même.  Nous  n'avons 
dans  notre  système  qu'un  seul  intervalle  incomposé, 
le  demi-ton. 

Incorrect.  On  appelle  composition  musicale  incor- 
recte, celle  qui  pèche  contre  les  règles  de  l'art. 

Inde  (Musique  de  1').  Les  Hindous  croient  que  la 
musique  a  été  inventée  par  Brahma  lui-même,  ou 


IM) 


par  son  pouvoir  actif  Fereswati,  la  déesse  de  la  pa- 
role, et  que  leur  fils  Nnred  fut  l'inventeur  du  vina,  le 
plus  ancien  des  instruments  en  usage  dans  l'Hindous- 
tan.  Parmi  les  mortels  inspirés,  le  premier  musicien, 
disent-ils,  fut  le  sage  Bhérat,  inventeur  des  natacs  ou 
drames  mêlés  de  chants  et  de  danses,  et  auteur  d'un 
système  qui  porte  son  nom.  Il  y  avait,  à  ce  qu'il  pa- 
rait, dans  l'ancienne  musique  des  Hindous,  quatre 
principaux  matas  ou  systèmes,  et  chaque  royaume  ou 
province  avait  presque  un  genre  de  mélodie  particu- 
lier, des  noms  différents  pour  les  modes,  et  une  ma- 
nière différente  de  les  classer. 

Indiens  (De  la  musique  chez  les).  Il  existe  une  si 
grande  analogie  entre  le  système  astronomique  et 
musical  des  Indiens  et  celui  des  Égyptiens  et  des  Chi- 
nois, qu'on  peut  logiquement  leur  attribuer  une  com- 
mune origine.  La  forme  du  gouvernement  étant  la 
théocratie,  la  connaissance  de  la  musique,  comme 
celle  de  toutes  les  sciences  et  de  tous  les  arts,  n'est 
réservée  qu'aux  prêtres;  c'est  pourquoi  la  musique 
est  liée  étroitement  à  la  religion,  et  soumise  à  des  lois 
fixes  et  invariables. 

La  gamme  des  Indiens  ne  procède  pas,  comme 
celle  des  anciens  Grecs,  par  tétracordes,  mais  par  oc- 
taves comme  la  nôtre.  La  plus  grande  partie  de  leurs 
gammes  ne  contient  que  cinq  ou  six  sons  stables,  et 
ressemble  par  là  à  l'ancienne  gamme  chinoise.  Ces 
gammes,  si  simples,  peuvent  être  considérées  comme 
les  premiers  essais  d'un  peuple  qui  aime  le  chant, 
mais  qui  n'a  pas  un  système  d'acoustique  complet. 

Les  Indiens  ne  connaissent  pas  notre  harmonie. 
Leurs  diverses  espèces  de  musique  pratique  sont  les 
rectahs,  teranas,  tuppas  et  raagnies.  Les  deux  premiers 
portent  le  cachet  d'un  chant  facile  et  régulier.  Les 
Hindous  ont  trente-six  mélodies  d'un  genre  particu- 
lier, appelées  rangs  ou  ragas>  et  raugines  ou  raginas. 


Des  trois  genres  grecs,  celui  auquel  elles  ressemblaient 
le  plus  était  le  genre  enharmonique.  Il  est  extrême- 
ment difficile  de  noter  la  musique  des  raugs  ou  rau- 
gïnes,  parce  que  notre  système  ne  fournit  point  de 
signes  qui  puissent  exprimer  la  petitesse  de  leurs  in- 
intervalles. La  mesure  en  est  rompue  et  irrégulière, 
et  les  modulations  fréquentes  et  pour  ainsi  dire  sau- 
vages. On  dit  que  ces  chants  avaient  encore  plus  de 
puissance  que  la  musique  d'Orphée. 

Les  instruments  de  musique  en  usage  chez  les  In- 
diens sont  destinés  ou  à  la  religion,  ou  à  des  divertis- 
sements. Les  plus  simples  instruments  dont  les  bra- 
mines  font  usage  clans  leurs  temples  sont  le  song  et  le 
gantha.  Le  premier  est  un  buccin  dans  lequel  ils 
soufflent  de  toutes  leurs  forces  pour  appeler  le  peuple  ; 
le  second,  qui  sert  au  même  objet,  est  une  petite 
clochette  en  bronze,  ornée  d'une  tête  et  de  deux  ailes, 
que  les  bramines  font  résonner  soir  et  matin  dans  les 
vestibules  du  temple,  avant  de  commencer  les  sacri- 
fices. Quelquefois  on  entend  aussi  le  buccin  dans  les 
bazars  et  les  marchés  ;  mais  alors  ce  sont  les  fakirs 
qui  annoncent  ainsi  leur  arrivée. 

Le  kortal  est  un  des  plus  anciens  instruments  des  In- 
diens :  il  est  présumable  qu'ils  en  font  usage  dans 
leurs  cérémonies  religieuses,  car  beaucoup  de  leurs 
anciennes  idoles  sont  représentées  avec  cet  instru- 
ment. Les  Indiens  ont  aussi  connu  la  lyre,  la  flûte  et 
le  tambour.  Il  paraît  que  le  violon  fut  aussi  en  usage 
au  commencement  du  dix-septième  siècle  dans  quel- 
ques parties  de  celte  contrée. 

Il  y  a  dans  l'Inde  des  chanteurs  qui  parcourent  les 
rues,  et  s'arrêtent  aux  portes  des  maisons  en  chan- 
tant les  amours  et  les  hauts  faits  de  leurs  aïeux;  ils 
accompagnent  souvent  leurs  chants  du  son  de  quel- 
que instrument.  Ils  sont  vêtus  à  peu  près  comme  les 
musulmans,  et  ont  ordinairement  une  besace  dans 


8  LNF 

laquelle  ils  mettent  le  riz,  les  fruits  et  tout  ce  qu'ils 
reçoivent  de  leurs  auditeurs. 

La  musique  en  usage  aujourd'hui  dans  toutes  les 
parties  de  l'Inde  soumises  à  la  domination  de  l'Angle- 
terre, ne  diffère  point  de  celle  qu'on  cultive  en  Europe. 
Calcutta,  particulièrement,  a  été  visité  par  des  artis- 
tes distingués,  chanteurs  et  instrumentistes.  On  joue 
dans  cette  ville  beaucoup  de  quatuors,  et  surtout  ceux 
de  Haydn. 

Indigitamenta.  Quelques  auteurs  prétendent  que 
ce  mot  désignait,  chez  les  anciens  Romains,  les  chan- 
sons où  l'on  trouvait  plusieurs  noms  de  divinités; 
d'autres  affirment  que  ces  chansons  étaient  chantées 
en  l'honneur  des  demi-dieux. 

Influence  de  la  musique.  L'histoire  de  tous  les 
temps  nous  offre  une  foule  d'exemples  de  la  prodi- 
gieuse influence  de  la  musique  sur  la  civilisation,  les 
mœurs,  les  passions,  les  maladies  et  l'héroïsme  guer- 
rier. Elle  est  un  des  principaux  moyens  employés 
pour  adoucir  le  caractère  de  l'homme  ;  elle  s'associe 
à  son  éducation  physique  et  gymnastique,  et  déve- 
loppe en  lui  les  organes  de  la  voix,  en  augmentant  la 
force  de  ses  poumons  et  de  sa  poitrine;  elle  s'associe 
également  à  son  éducation  morale  et  intellectuelle, 
en  réveillant  dans  son  cœur  des  sentiments  de  bien- 
veillance et  d'amour,  et  en  donnant  à  son  intelligence 
plus  de  mouvement  et  de  vivacité. 

La  musique  est  aujourd'hui  employée  dans  l'édu- 
cation, particulièrement  en  Allemagne,  en  Suisse,  en 
Belgique  et  en  France,  comme  un  puissant  moyen 
d'adoucir  les  mœurs. 

L'enseignement  de  la  musique  fait  partie  main- 
tenant en  France  de  l'enseignement  universitaire. 

L'homme  n'est  pas  le  seul  être  animé  qui  soit  sen- 
sible aux  accents  de  la  musique,  beaucoup  d'animaux 
manifestent  le  plaisir  qu'ils  éprouvent  en  l'écoutant, 


INS  9 

La  musique  anime  le  cheval  pendant  le  combat;  le 
chasseur  se  sert  du  chant  et  du  cor  pour  charmer  les 
cerfs,  de  la  flûte  pour  les  rennes,  et  apprivoise  la  fé- 
rocité de  l'ours  même  au  moyen  du  chalumeau.  Le 
chien  apprend  en  très-peu  de  jours  les  airs  de  chasse 
qui  ont  presque  tous  une  signification  particulière,  et 
ne  les  confond  jamais. 

Inhambam  (Musique  des  naturels d').  Dans  le  voyage 
du  capitaine  Oiven,  on  lit  qu'à  Inhambane,  ville  si- 
tuée aux  bords  de  la  rivière  du  même  nom,  et  qui 
forme,  sous  le  rapport  de  la  salubrité,  un  des  meil- 
leurs établissements  portugais  sur  cette  partie  des 
côtes  orientales  de  l'Afrique,  les  naturels  du  pays  ont 
une  danse  très-sauvage,  et  c'est  ordinairement  au  son 
du  tambour  qu'ils  se  livrent  à  ce  plaisir.  Leur  princi- 
pal instrument  est  la  marimbah.  Il  consiste  en  dix 
morceaux  ou  baguettes  d'un  bois  très-dur,  qui  sont 
fixés  dans  un  cadre.  Une  petite  calebasse  creusée  sert 
à  chaque  baguette  de  moyen  de  résonnance  :  le  tout 
ressemble  à  peu  près  à  un  harmonica.  Un  autre  ins- 
trument, qui  s'appelle  cassanga,  est  encore  plus  ré- 
pandu chez  ce  peuple.  Il  consiste  dans  une  caisse  vide, 
dont  le  dessus  est  garni  d'un  certain  nombre  de 
baguettes  en  fer  de  diverses  longueurs,  et  que  l'on 
frappe  des  doigts. 

Innocentemente,  Innocemment.  Cet  adverbe  ita- 
lien, placé  au  commencement  d'un  morceau  de 
musique,  indique  un  mouvement  modéré  et  un  ca- 
ractère simple  et  sans  ornements. 

Institut.  Voici  son  origine.  L'Académie  française 
fut  fondée  en  1635,  par  Richelieu,  pour  fixer  et  polir 
le  langage.  Elle  se  composait  de  quarante  membres. 

—  L'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres,  fut 
fondée  en  1663  par  Colbert  ; 

—  L'Académie  des  sciences,  en  1666,  par  Golbert 
encore  ; 

r 


10  INS 

—  L'Académie  de  peinture  et  de  sculpture  en  1648; 

—  Celle  d'architecture  en  1671  ; 

Ces  diverses  Académies  avaient  été  supprimées 
en  1793  ;  elles  ont  été  réorganisées  en  Tan  IV  (25  octo- 
bre 1795),  et  réunies  en  un  seul  corps  sous  le  nom 
d'Institut  de  France.  L'Institut  comprend  aujourd'hui 
cinq  académies,  Académie  française,  Académie  des 
inscriptions  et  belles-lettres,  Académie  des  sciences, 
Académie  des  beaux-arts,  qui  réunit  la  peinture,  la 
sculpture,  l'architecture,  la  gravure  et  la  musique,  et 
enfin  l'Académie  des  sciences  morales  et  politiques. 

Tous  les  ans,  les  cinq  académies  de  l'Institut  se  ras- 
semblent pour  donner  une  séance  solennelle  qui  attire 
l'élite  de  la  société  parisienne. 

Outre  cette  séance,  chacune  des  académies  a  sa 
séance  publique.  Dans  la  séance  publique  de  l'Aca- 
démie des  Beaux-Arts,  on  exécute  à  grand  orchestre 
la  cantate  composée  par  l'élève  ayant  obtenu  le 
grand  prix  de  Rome. 

C'est  encore  dans  cette  imposante  séance,  qu'on 
distribue  les  couronnes  à  tous  les  lauréats.  (Voyez  le 
mot  Académie.) 

Instruments  de  musique.  La  famille  des  instruments 
de  musique  est  nombreuse;  elle  se  compose  de  trois 
branches  principales,  bien  distinctes  l'une  de  l'autre, 
quoique  chacune  d'elles  ait  été  créée  dans  le  même 
but,  celui  de  rendre  des  sons  musicaux,  c'est-à-dire 
appréciables  par  leur  fixité. 

Pour  les  désigner  particulièrement,  on  emploie  ces 
différentes  dénominations  :  instrument  à  vent,  à 
cordes,  de  percussion. 

Pour  les  construire,  on  fait  usage  de  matières  de 
différentes  natures,  animales,  végétales  ou  minérales, 
telles  que  l'os,  l'ivoire,  l'écaillé,  la  corne,  la  peau,  etc.; 
le  bois  de  sapin,  d'érable,  de  buis,  d'ébèno;  l'or,  l'ar- 
gent, le  platiné  le  cuivre,  le  bronze,  l'étant,  l'acier, 


irss  u 

le  fer,  le  cristal,  le  verre,  etc.;  enfin,  on  emploie 
toute  espèce  de  matière  ayant  par  sa  nature  de  la  so- 
norité, et  possédant  la  faculté  de  rendre  un  son  fixe 
et  appréciable. 

Des  instruments  à  vent.  Tous  les  instruments  à  vent 
se  composent  d'un  ou  plusieurs  tubes  agencés  les  uns 
au  bout  des  autres.  Les  tubes  sont,  dans  la  majeure 
partie  de  ces  instruments,  perces  de  distance  en  dis- 
tance de  petits  trous  que  l'exécutant  ouvre  ou  bouche 
à  volonté  avec  le  bout  des  doigts,  selon  la  nature  du 
son  qu'il  veut  produire.  Dans  plusieurs  d'entre  eux, 
de  petites  soupapes  en  métal,  et  se  mouvant  sur  un 
ressort,  sont  placées  sur  les  tubes  à  des  distances  vou- 
lues, et  servent  au  même  usage  que  les  doigts,  qui  les 
font  mouvoir  alors  pour  ouvrir  ou  boucher  les  trous 
selon  le  besoin.  On  les  nomme  clefs.  A  l'une  des 
extrémités  de  l'instrument,  celle  du  haut,  se  trouve 
placée  l'ouverture  par  laquelle  on  introduit  l'air; 
cette  ouverture  se  nomme  embouchure. 

Les  instruments  à  vent  les  plus  connus  sont  ;  la 
flûte  de  Pan,  la  petite  flûte,  la  flûte  ordinaire, 
le  flageolet,  le  fifre,  le  galoubet,  le  hautbois,  la 
clarinette,  le  cor  anglais,  le  clairon,  la  trompette 
droite,  la  trompette  recourbée,  le  cor  de  chasse  ou 
trompe,  le  cor  à  pistons,  le  basson,  le  serpent,  le 
trombone,  l'ophicléide,  etc.  Adolphe  Sax  vient  de 
rendre  un  immense  service  à  l'art  musical,  en  complé 
tant  la  famille  des  instruments  à  vent.  Ainsi  on  aura 
désormais  des  clarinettes,  des  cornets,  des  trom- 
pettes, etc.,  sopranos,  contraltos,  basses  et  contre- 
basses. C'est  un  monde  nouveau  pour  l'instrumenta- 
tion. 

Des  instruments  à  cordes.  Les  instruments  à  cordes 
sont  presque  toujours  construits  en  bois.  Les  cordes 
avec  lesquelles  on  les  monte  sont  ou  de  boyaux,  ou  do 
métal,  ou  quelquefois  de  soie,  recouvertes  et  en- 


12  1ÎSS 

tourées  par  un  fil  d'argent.  Ces  dernières  portent  le 
nom  de  cordes  filées.  Toujours  elles  sont  retenues 
d'une  manière  fixe  à  une  des  extrémités  de  l'instru- 
ment, et  de  l'autre  bout  tournées  sur  une  cheville 
mobile  qui  sert  à  les  hausser  ou  à  les  baisser  à  vo- 
lonté. Dans  l'une  des  parties  de  leur  longueur,  ex- 
cepté dans  la  lyre  antique  et  dans  toutes  les  harpes, 
elles  reposent  sur  une  petite  pièce,  soit  de  bois,  soit 
d'autre  matière,  placée  sur  la  table  d'harmonie  de 
dessus.  Cette  petite  pièce  porte  le  nom  de  chevalet. 
Presque  tous  les  instruments  à  cordes  sont  composés 
de  deux  tables  dites  d'harmonie  :  celle  du  dessus  est 
presque  toujours  en  bois  sonore,  tel  que  celui  de  sa- 
pin, et  celle  du  dessous  en  bois  plus  compacte,  tel 
que  celui  de  l'érable.  Ces  tables,  placées  au-dessus 
l'une  de  l'autre,  et  éloignées  selon  le  besoin,  sont 
soutenues  par  des  tasseaux  et  des  bordures  auxquelles 
on  donne  le  nom  d'éclisses.  Dans  quelques-unes,  au- 
dessous  du  chevalet,  et  dans  l'intention  d'opposer 
une  résistance  au  poids  que  la  tension  des  cordes  fait 
supporter  à  la  table  de  dessus,  on  place  aussi  comme 
soutien  une  petite  colonne  en  bois,  à  laquelle  on 
donne  le  nom  d'âme.  L'on  pratique  dans  presque  tous 
les  instruments  à  cordes  des  ouvertures  à  la  table  du 
dessus  pour  donner  une  issue  au  son ,  qui ,  sans  ce 
moyen,  ne  pourrait  sortir  de  l'instrument. 

Pour  faire  vibrer  les  cordes ,  trois  moyens  sont  en 
usage  :  1°  l'archet;  2°  les  marteaux  ou  sautereaux, 
que  les  touches  du  clavier  font  mouvoir;  3°  l'attaque 
des  cordes  opérée  par  le  pincé. 

Les  instruments  à  cordes  les  plus  connus  sont, 
pour  ceux  à  archet,  le  violon,  l'alto,  la  viole  d'a- 
mour,  la  basse  ou  violoncelle,  la  contre-basse;  pour 
ceux  à  touches  et  à  clavier,  l'orgue,  le  clavecin,  l'épi- 
nette,  le  piano,  le  clavicorde,  la  vielle;  pour  ceux  de 
pizzicato,  la  lyre,  la  harpe,  la  guilaro,  la  mandoline. 


Des  instruments  de  'percussion.  On  entend  par  cette 
dénomination  toute  espèce  d'instruments  de  mu- 
sique aptes  seulement  à  rendre  un  seul  son,  à 
quelques  exceptions  près,  et  chez  lesquels  on  n'em- 
ploie d'autre  moyen  que  celui  du  battement  ou  du 
frottement,  comme  pour  le  tambour  et  pour  les  cym- 
bales. 

Les  instruments  de  percussion  se  font  avec  toutes 
les  matières  sonores,  les  métaux,  le  bois,  etc. 

Les  instruments  de  percussion  les  plus  connus  sont, 
pour  ceux  à  baguettes  frappantes,  le  tympanum,  le 
triangle,  le  tambour,  le  tambourin,  la  grosse  caisse, 
le  tambour  chinois;  pour  ceux  à  baguettes  frap- 
pantes ou  roulantes,  la  caisse  roulante  ou  tambour; 
pour  ceux  à  battants,  les  sonnettes ,  les  cloches,  les 
pavillons  chinois:  pour  ceux  à  marteaux,  les  timbres, 
les  carillons;  pour  ceux  à  frottement,  les  cymbales, 
les  cloches  ;  les  timbres  et  les  timbales  s'accordent  et 
font  entendre  tous  les  sons  de  gamme. 

Instruments  des  grecs  anciens.  1°  La  cithare, 
Kithara,  d'où  dérive  notre  terme  français  guitare  ; 
2<>  la  ]yre, Lura,  autrement  appelée  Xelus,  et  en  latin, 
testudo,  parce  que  sa  base  ressemblait  à  l'écaillé 
d'une  tortue,  animal  dont  la  ligure,  dit-on,  avait 
donné  la  première  idée  de  cet  instrument  ;  3°  le  Tri- 
nôlon,  ou  l'instrument  triangulaire,  qui  seul  a  passé 
jusqu'à  nous  sous  le  nom  de  harpe. 

La  lyre  d'Olympe  et  de  Terpandre  n'avait  que  trois 
cordes  :  une  quatrième  vint  rendre  le  tétracorde  com- 
plet. L'addition  d'une  cinquième  corde  produisit  le 
pentacorde.  Plus  tard,  il  y  eut  la  lyre  à  sept  cordes, 
ou  Yheptacorde.  Thimothée,  Milésien  qui  vivait  sous 
Philippe,  roi  de  Macédoine,  vers  la  108e  olympiade, 
multiplia  les  cordes  de  la  lyre  jusqu'au  nombre  de 
onze. 

Instrumentation.  C'est  l'arl  de  distribuer  dans  une 


iï  Et  S 

partition  les  différents  instruments  qui  entrent  dans  la 
composition  d'un  orchestre,  de  manière  à  produire 
toute  sorte  d'effets,  soit  par  la  douceur  des  timbres  et 
la  variété  des  détails,  soit  par  la  force  et  l'énergie  des 
masses.  Dans  ce  sens,  le  mot  instrumentation  est  de 
création  moderne. 

Avant  Haendel,  Mozart  et  Haydn,  les  compositeurs 
se  bornaient  dans  leurs  accompagnements  à  soutenir 
les  voix;  d'ailleurs,  le  nombre  des  intruments  était 
très-limité.  La  musique  instrumentale  sommeillait 
dans  l'enfance.  Haydn,  le  père  de  la  musique  ins- 
trumentale, et  Mozart,  le  créateur  de  l'accompagne- 
ment dramatique,  furent  les  premiers  qui  surent 
tirer  parti  de  l'instrumentation ,  celui-là  dans  ses 
belles  symphonies,  celui-ci  dans  ses  opéras. 

Une  bonne  instrumentation  exige  bien  des  condi- 
tions du  compositeur,  qui  prévoit,  par  la  seule  puis- 
sance de  ses  facultés  intellectuelles,  l'effet  de  son  or- 
chestre, comme  si  cet  orchestre  se  faisait  réellement 
entendre  dans  l'instant  où  l'artiste  se  livre  cà  ses  ins- 
pirations; il  doit  posséder  indépendamment  de  ces 
connaissances  approfondies  en  harmonie,  la  connais- 
sance non  moins  indispensable  de  tous  les  instru- 
ments qui  composent  un  orchestre,  savoir  leur  éten- 
due respective,  leurs  timbres  et  leurs  différentes  qua- 
lités de  son,  connaître  les  bonnes  et  les  mauvaises 
notes  de  chacun,  et  l'effet  qui  peut  résulter  de  leurs 
diverses  combinaisons. 

Le  système  ordinaire  des  instruments  d'orchestre 
se  divise  en  deux  masses,  celle  des  instruments  à  cor- 
des et  celle  dos  instruments  à  vent.  La  première  se 
compose  de  deux  parties  de  violon,  une  ou  deux 
d'alto,  et  deux  de  violoncelle  et  contre-basse;  la  se- 
conde, de  deux  parties  de  flûte,  deux  de  hautbois, 
deux  de  clarinettes,  deux  de  bassons,  deux  ou  quatre 
décors,  deux  de  trompettes  et  trois  de  trombones  : 


INT  15 

on  y  ajoute  quelquefois  une  partie  de  timbales  et  d'o- 
phycléides. 

Instrumentiste.  Musicien  qui  se  livre  à  la  culture 
d'un  ou  de  plusieurs  instruments. 

Intendant  de  musique.  C'est  presque  toujours  un 
emploi  de  cour.  L'intendant  remplit  quelquefois  les 
fonctions  de  directeur  de  musique. 

Intense.  Les  sons  intenses  sont  ceux  qui  ont  le 
plus  de  force,  qui  s'entendent  de  plus  loin;  ou  bien 
ce  sont  ceux  qui,  étant  rendus  par  des  cordes  fort 
tendues  ou  par  des  tubes  puissants  et  sonores,  vibrent 
par  cela  même  plus  fortement. 

Intermède.  C'est  le  nom  générique  de  tout  ce  qui 
se  trouve  intercalé  entre  les  actes  d'un  ouvrage  dra- 
matique, danses,  couplets,  etc.  Les  chœurs  des  tra- 
giques grecs  rentraient  aussi  dans  ce  genre.  L'inter- 
mède était  fort  à  la  mode  dans  le  siècle  de  Louis  XIV. 
Molière  dut  en  placer  dans  toutes  celles  de  ses  pièces 
qui  furent  jouées  d'abord  à  la  cour.  Dans  le  siècle 
dernier,  on  donnait  aussi  le  nom  d'intermède  aux  pe- 
tits opéras  en  un  acte,  tels  que  la  Servante  maîtresse, 
le  Devin  de  village,  etc.  C'est  l'Académie  royale  de 
Musique  qui,  tout  en  dérogeant  jusqu'à  l'opéra  villa- 
geois ou  comique,  avait  voulu  sauver  sa  dignité  en 
leur  donnant  ce  titre  inusité.  Il  n'y  a  plus  aujourd'hui 
d'intermèdes  dans  ce  sens,  et  le  Philtre  est  qualifié 
d'opéra  sur  l'affiche,  comme  la  Muette  ou  Robert  le 
Diable.  *!■*• 

Intervalle.  Rapport  de  deux  sons  inégaux ,  eu 
égard  à  leur  degré  d'élévation,  par  opposition  à  Fu- 
n'sson  qui  est  celui  de  deux  sons  égaux.  Ces  rapports 
sont  appréciables  par  l'oreille,  de  môme  que  celui  de 
deux  points  confondus  ou  séparés  dans  l'espace  est 
appréciable  par  les  yeux.  L'intervalle  est  donc  la  dis- 
tance qui  existe  entre  un  son  et  un  autre  son  plus 
grave  ou  plus  aigu,  distance  exprimée  en  musique 


16  UNS 

par  le  nom  que  porte  chacun  de  ces  intervalles.  Ainsi, 
l'on  appelle  seconde  l'intervalle  formée  des  deux  sons 
les  plus  rapprochés,  tierce  celui  qui  se  trouve  compris 
entre  deux  sons  séparés  par  un  troisième,  quarte  ce- 
lui qui  renferme  quatre  sons,  quinte  celui  qui  en  com- 
prend cinq,  et  ainsi,  à  mesure  que  la  distance  s'ac- 
croît d'un  son,  sixte,  septième,  octave,  neuvième, 
dixième,  etc. 

Les  intervalles  peuvent  être  modifiés  de  différentes 
manières,  selon  que  les  sons  dont  ils  se  composent 
sont  eux-mêmes  modifiés  par  un  bémol,  un  bécarre 
ou  un  dièse.  Delà  leur  classification  en  diminués,  mi- 
neurs,  majeurs  et  augmentés,  termes  qui  expriment 
leurs  différents  degrés  d'extension  par  rapport  au 
mode  ou  à  la  tonalité. 

Intonation.  Action  d'entonner.  L'intonation  peut 
être  juste  ou  fausse,  trop  haute  ou  trop  basse,  trop 
forte  ou  trop  faible,  et  alors  le  mot  intonation,  ac- 
compagné d'une  épithète,  s'entend  de  la  manière 
d'entonner. 

Introduction.  Morceau  de  musique  d'un  mouve- 
ment grave,  composé  d'un  petit  nombre  de  phrases, 
souvent  même  de  quelques  mesures  ou  de  quelques 
accords  solennels  destinés  à  annoncer  le  premier  al- 
legro d'une  symphonie,  d'une  ouverture,  d'une  so- 
nate ou  de  toute  autre  pièce  instrumentale.  L'ouver- 
ture d'Iphigénie  en  Aulidc,  celle  de  la  Flûte  enchantée, 
commencent  par  une  introduction.  Quelques  compo- 
siteurs dramatiques,  donnant  plus  d'extension  et  un 
mouvement  plus  animé  à  l'introduction,  lui  ont  fait 
tenir  la  place  de  l'ouverture,  dont  elle  n'a  pourtant 
ni  la  forme,  ni  les  développements.  Aîiodant de Méhul, 
Robert  le  Diable  de  Meyerbeer,  Dom  Sébastien  de  Doni- 
zetti,  s'ouvrent  par  une  belle  introduction. 

Lorsque  la  pièce  étale  en  commençant  un  grand 
spectacle,   lorsqu'elle  débute    par  quelque  pompe 


IÎSV  17 

triomphale,  par  l'arrivée  d'une  foule  innombrable, 
une  entrée  magnifique,  quelque  sacrifice  solennel, 
quelque  cérémonie  auguste,  quelque  phénomène  ter- 
rible de  la  nature,  comme  un  naufrage,  une  tempête, 
tous  ces  objets  sont  si  beaux,  que  le  musicien  peut 
les  montrer  d'abord  sans  les  annoncer;  ils  n'en  frap- 
peront pas  davantage.  C'est  ainsi  que  Gluck  a  sup- 
primé, dans  Iphigénie  en  Tauride,  l'ouverture  propre- 
ment dite,  pour  y  substituer  la  représentation  du  pre- 
mier  événement  de  la  pièce.  Son  drame  débute  par 
le  grand  tableau  du  calme,  d'une  tempête  qui  lui  suc- 
cède, de  la  foudre  qui  éclate,  de  la  mer  soulevée,  de 
la  désolation  d'Iphigénie.  Cette  manière  de  commen- 
cer un  opéra  est  très-brillante. 

Il  y  a  deux  sortes  d'introductions  :  la  première  est 
purement  symphonique,  nous  en  avons  déjà  parlé  ; 
c'est  l'ébauche  d'une  ouverture.  L'introduction  de  la 
seconde  espèce  est  faite,  au  contraire,  pour  captiver 
l'attention  du  spectateur  au  lever  du  rideau  en  lui 
présentant  de  magnifiques  images,  une  action  déjà 
liée  et  l'expression  des  sentiments,  quand  il  nr»  s'at- 
tend qu'aux  récits  de  l'exposition;  ces  récils  vien- 
dront ensuite,  et  on  leur  donnera  tous  les  développe- 
ments nécessaires  pour  l'instruire  de  ce  qui  s'est  passé 
et  de  ce  que  l'on  va  faire. 

Invention.  On  nomme  invention  l'art,  ou  pour 
mieux  dire,  la  faculté  de  trouver  des  idées.  Ce  terme 
indique  suffisamment  que  nous  la  regardons  entière- 
ment comme  un  don  de  la  nature.  On  ne  peut  point 
prescrire  de  règles  à  ce  sujet,  mais  seulement  tracer 
quelques  observations. 

On  distingue  l'invention  dans  le  plan,  dans  la  con- 
duite, dans  l'allure  d'un  morceau,  et  cette  invention 
qui  consiste  seulement  à  imaginer  des  détails  frais, 
ingénieux,  et  par  cela  même  neufs  et  originaux.  La 
première  est  plus  puissante  et  a  plus  de  grandeur;  la 


18  I>\ 

seconde,  qui  néglige  quelquefois  la  nouveauté  dans 
la  forme  pour  ne  s'attacher  qu'à  une  sorie  de  nou- 
veauté dans  le  mouvement  de  la  phrase,  dans  l'origi- 
nalité du  rhythme,  dans  la  marche  de  l'harmonie, 
produit  une  impression  moins  forte  et  n'est  quelque- 
fois appréciée  que  par  ceux  qui  ont  étudié  les  res- 
sources et  nous  dirions  presque  les  mystères  de  l'art. 

Pour  que  l'invention  soit  complète,  il  faut  qu'elle 
réside  à  la  fois  dans  la  forme  et  dans  les  détails.  II  ne 
faut  pas  que  le  désir  de  Y  invention  fasse  tember  dans 
Y  excentricité,  c'est-à-dire  dans  des  bizarreries  que  le 
goût  réprouve. 

Inversion.  L'inversion  consiste  à  prendre  un  sujet 
ou  trait  quelconque  de  mélodie,  dans  un  ordre  diffé- 
rent de  celui  où  il  est  proposé.  Cette  opération  se 
nomme  autrement  imitation  inverse. 

Il  y  a  quatre  sorte  d'inversions  :  la  première  se 
nomme  inversion  simple;  elle  consiste  à  renverser 
tous  les  intervalles  d'un  trait  de  mélodie,  de  manière 
que  ceux  qui  sont  ascendants  dans  le  sujet  soient  des- 
cendants dans  la  réponse,  et  réciproquement.  Cette 
inversion  peut  se  faire  à  l'octave ,  à  la  quinte,  à  la 
seconde  ou  à  l'unisson. 

La  seconde  est  appelée  inversion  stricte;  elle  se  fait 
comme  la  précédente,  mais  sans  prendre  aucune  li- 
cence, et  de  manière  que  les  tons  répondent  aux  tons, 
et  les  demi-tons  aux  demi-tons.  Pour  cela,  il  faut 
commencer  l'inversion  à  la  septième,  à  la  sixte  ou  à 
la  tierce  majeure  en  dessus,  et  laisser  les  demi-tons 
sans  altération  dans  la  partie  répondante. 

La  troisième  espèce  d'inversion  se  fait  en  copiant 
toutes  les  notes,  à  commencer  par  la  dernière,  en  ré- 
trogradant jusqu'à  la  première  inclusivement ,  soit 
sur  le  même  degré,  soit  sur  un  degré  plus  haut  ou 
plus  bas,  selon  que  l'exige  la  modulation.  Cette  in- 
version se  nomme  rétrograde. 


IKL  49 

Enfin,  la  quatrième  espèce  d'inversion  est  celle  où 
l'on  renverse  cette  troisième  sorte  par  mouvement 
contraire,  depuis  la  première  jusqu'à  la  dernière  note. 
On  la  nomme  inversion  rétrograde  et  contraire. 

Invitatorium.  Nom  de  l'antienne  avec  laquelle  on 
répond,  dans  l'église  romaine,  au  psaume  Venite 
exultemus. 

Io  Ba.cchus.  Chanson  en  l'honneur  de  Bacchus, 
que  les  anciens  chantaient  dans  les  fêtes  et  les  sacri- 
fices. On  répétait  souvent  dans  ces  chansons  les  mots 
Io  et  Bacchus. 

Irlande  (De  la  musique  en).  Les  compositions 
orientales  sont  d'une  grâce,  d'une  mollesse,  d'un  raf- 
finement d'expression  et  de  sentiment  dont  n'appro- 
che aucun  autre  peuple  ancien  ni  moderne.  La  langue 
que  les  Arabes  parlent  dans  ce  monde  à  leurs  mai- 
tresses,  semble  être  celle  qu'ils  parleront  dans  l'autre 
à  leurs  houris.  C'est  une  espèce  de  musique  si  tou- 
chante et  si  fine,  c'est  un  murmure  si  doux,  ce  sont 
des  comparaisons  si  riantes  et  si  fraîches!  Je  dirais 
presque  que  leur  poésie  est  parfumée  comme  leur 
contrée. 

Cette  peinture  fidèle  et  brillante  de  la  poésie 
arabe  parRaynal,  dans  son  Histoire  philosophique  des 
Indes,  définit  aussi  merveilleusement  la  musique  ir- 
landaise, qui  n'a  rien  de  ce  feu  barbare  et  sauvage 
inhérent  au\  chants  et  aux  ballades  du  Nord.  La  res- 
semblance qui  existe  entre  la  langue  et  les  airs  d'Ir- 
lande et  la  langue  et  la  musique  d'Orient,  se  retrouve 
également  dans  Ihs  poésies  et  les  images  qui  l'embel- 
lissent, en  sorte  qu'elles  sont  une  preuve  nouvelle  de 
l'origine  orientale  du  peuple  de  cette  ile. 

Spencer  appelle  les  chansons  irlandaises  un  poème 
parsemé  de  petites  fleurs  qui  se  donnent  de  la  grâce  et  de 
la  beauté  les  unes  aux  autres.  Le  langage  en  est 
chaste,  élégant  et  pur;  les  nuances  qu'elles  retracent 


20  IRR 

sont  d'une  rare  fraîcheur,  et  on  y  retrouve  plus  d'un 
trait  séduisant  du  caractère  national,  et  surtout  l'ins- 
piration delà  belle  et  riche  nature d'Érin.  L'éblouis- 
sante neige  dont  au  printemps  la  végétation  couvre  les 
arbres,  le  murmure  des  cascades,  le  plumage  des  oi- 
seaux, la  gracieuse  et  mélancolique  verdure  de  l'île 
d'émeraude,  sont  les  éternels  objets  de  descriptions 
riches  et  vraies. 

Au  milieu  de  tous  les  malheurs  de  cette  belle  et 
poétique  contrée,  la  main  de  fer  des  oppresseurs  n'a 
pu,  à  travers  les  siècles,  y  étouffer  les  plus  tendres, 
les  plus  nobles  sympathies  du  cœur;  le  despotisme 
n'y  a  point  alourdi  les  ailes  de  la  pensée.  Cependant 
quelques  portions  de  l'Irlande  peuvent  seules  préten- 
dre à  être  encore  aujourd'hui  appelées  la  terre  de 
la  chanson.  La  musique  et  la  poésie  ont  suivi  les  des- 
tinées de  la  langue,  et  se  sont  comme  elle  repliées 
devant  la  conquête  politique  et  religieuse  de  l'Angle- 
terre, pour  se  retirer  dans  les  comtés  où  la  langue 
ancienne  et  la  foi  catholique  ont  survécu  aux  persé- 
cutions. La  poésie  énergique  et  plaintive,  celle  qui 
chante  le  courage,  le  patriotisme,  celle  qui  se  lamente 
sur  les  tombeaux  et  les  ruines,  l'ode  et  l'élégie  sont 
restées  au  Munster,  dans  le  Waterford,  dans  le  Kerri, 
dans  les  pays  de  Clare  et  de  Limerick.  La  chanson, 
celle  qui  décrit  la  fleur  des  champs,  la  fraîcheur  des 
bocages,  l'azur  des  lacs,  la  grâce  et  la  beauté  des 
femmes,  est  restée  dans  le  Golway,  le  Mayo,  le  Con- 
naugth.  Le  Gonnaugth  est  véritablement  la  terre  de  la 
chanson  :  c'est  là  que  de  génération  en  génération  se 
perpétuent  quelques  chants  dont  l'air  et  les  paroles 
sont  antérieurs  au  quatorzième  siècle,  et  quelques 
autres  dont  la  tradition  a  perdu  l'origine,  mais  qui 
par  le  sujet  semblent  appartenir  à  l'ère  du  paga- 
nisme. 

Irrégulier.  On  appelle  dans  le  plain-chant  tons 


ITA  J\ 

irréguliers,  ou  plutôt  pièces  irrégulières,  certains 
chants  dont  il  est  difficile  de  déterminer  le  ton,  parce 
qu'ils  paraissent  appartenir  en  même  temps  à  plu- 
sieurs tons  de  plain-chant.  De  ce  nombre  sont  :  1<>  le 
chant  du  psaume  In  exitu  Israël  et  son  antienne; 
2°  l'antienne  Hcec  dies  des  jours  de  Pâques. 

Italie  (De  la  musique  en).  Quand  la  musique  re- 
parut dans  le  moyen  âge,  sa  nouvelle  existence  fut 
due  à  la  religion.  Exilée  de  Rome  païenne,  la  musique 
se  réfugie  dans  le  sein  de  Rome  chrétienne,  d'où,  à 
l'aide  des  Augustin,  des  Ambroise  et  des  Grégoire, 
elle  remonte  au  rang  qu'elle  est  appelée  à  occuper 
dans  les  temples.  Elle  n'eut  alors  ni  moins  de  puis- 
sance, ni  moins  de  popularité  que  chez  les  Grecs,  et 
ce  fut  encore  le  mode  diatonique  qu'elle  employa 
pour  exercer  son  empire.  Ce  mode,  elle  l'avait  reçu 
des  Grecs.  Mais  le  genre  chromatique,  consacré  par  ce 
peuple  éclairé  et  sensible  aux  arts,  au  théâtre,  aux 
plaisirs  de  la  vie,  fut  longtemps  ignoré  à  la  renais- 
sance de  la  musique;  car  dans  les  temps  d'affliction 
et  de  douleur  où  l'Europe,  et  surtout  l'Italie,  se  trou- 
vèrent quand  les  barbares  parurent,  le  sentiment  qui 
dominait  l'âme  accablée  n'était  ni  celui  de  la  joie,  ni 
celui  du  plaisir. 

Cependant  les  invasions  des  barbares  cessent.  La 
musique,  introduite  dans  les  églises,  est  un  des  plus 
puissants  auxiliaires  de  la  religion.  Des  cathédrales 
sont  fondées,  des  chapitres  dotés,  et  le  clergé  s'efforce 
de  faire  fleurir  celui  de  tous  les  arts  qui  lui  est  le  plus 
efficacement  utile.  Bientôt  il  ne  se  borne  point  au 
chant  grégorien  et  à  l'orgue  dont  il  le  fait  accompa- 
gner dans  les  Te  Deum,  les  motets,  les  vêpres  et  les 
messes;  mais  il  imagine  d'honorer  plus  solennelle- 
ment encore  le  Seigneur  en  faisant  représenter  en 
musique  la  Passion  du  Christ,  les  adorations  de  la 
Vierge,  celles  des  anges.  De  là  le  retour  de  la  musique 


1*  fTA 

dramatique  et  du  genre  chromatique  des  Grecs,  éga- 
lement  dus  à  l'Église. 

Villani,  historien  du  quatorzième  siècle,  et  l'Ami- 
rato,  rapportent  que  le  cardinal  Riario  fit  représenter 
à  Rome  la  Conversion  de  saint  Paul,  pièce  dont  la  mu- 
sique fut  représentée  par  Francesco  Baverini. 

Au  rapport  de  Quadrio,  dès  l'an  1480,  on  com- 
mença dans  celte  ville  à  représenter  sur  la  scène  des 
sujets  profanes;  mais  on  y  jouait  depuis  deux  siècles 
des  sujets  sacrés. 

Dès  cette  époque,  la  noblesse  ne  brigua  pas  moins 
que  le  clergé  l'honneur  d'instituer,  de  fonder  la  mu- 
sique dramatique.  Albertino  Muffato  de  Padoue  dit 
qu'en  1300  on  récitait  déjà  en  musique  sur  les  théâ- 
tres les  fails  et  gestes  (Ses  grands  capitaines,  écrits  en 
langue  vulgaire,  mais  versifiée.  Ange  Politien,  cet 
écrivain  si  élégant  dans  une  langue  qui  déjà  n'était 
plus  parlée  en  Europe  que  par  les  savants,  compose, 
en  1475,  son  drame  int  tulé  :  Orfeo.  En  1480,  on  re- 
présente à  Rome  une  tragédie  en  musique,  et  neuf 
ans  plus  tard  le  célèbre  Bergonzio  Botta,  de  Tortone, 
s'immortalise  par  la  plus  éclatante  des  fêtes  qu'il 
donne  dans  son  Palais  à  Milan,  à  l'occasion  du  ma- 
riage de  Jean  Galéas  Visconti,  souverain  de  ce  duché, 
et  d'Isabelle  d'Aragon,  fille  d'Alphonse,  duc  de  Ca- 
labre. 

En  1555,  Alfonso  Viola  met  en  musique,  pour  la 
cour  de  Ferrare,  il  Sacrificio,  drame  pastoral,  dont 
Agostino  Beccari  avait  fait  les  paroles.  Mais  il  convient 
d'observer  que  le  drame  lyrique  n'avait  encore  pour 
musique  qui  lui  fût  propre  que  celle  de  l'église, 
qu'on  lui  appliquait  tant  bien  que  mal. 

L'époque  historique  de  la  naissance  de  la  musique 
dramatique  fut  celle  de  l'invention  du  récitatif,  ou 
musique  parlée,  la  seule  qui  devait  donner  à  la  tra- 
gédie lyrique  son  véritable  langage  et  sa  constitution 


(TA  4N 

spéciale  et  positive.  Cet  événement  est  très-impor- 
tant dans  l'histoire  de  l'art  dramatique  et  de  l'art 
musical. 

Dans  le  seizième  siècle,  trois  gentilshommes  floren- 
tins, aimant  les  arts  avec  enthousiasme  et  le  théâtre 
avec  passion,  peu  satisfaits  des  efforts  tentés  jusque- 
là  pour  perfectionner  le  drame  lyrique,  se  proposè- 
rent de  faire  composer  un  ouvrage  par  le  meilleur 
poète  et  le  plus  habile  compositeur  de  musique  qu'on 
pût  trouver  dans  ce  temps.  Octave  Rinnuccini  et  Jac- 
ques Péri  furent  choisis  pour  exécuter  ce  travail.  Le 
premier  fit  le  poème  de  Daphné,  auquel  le  second 
appliqua  une  déclamation  notée  qui  n'avait  pas  tout 
le  soutien  et  la  mesure  de  la  musique,  mais  qui  en 
avait  ce  qu'on  appelle  la  tonalité.  Cette  pièce  fut  re- 
présentée en  1597. 

Tandis  que  Florence  préludait  si  heureusement  à 
l'invention  du  grand  opéra,  Rome  suivait  son  essor; 
elle  faisait  exécuter,  en  forme  d'oratorio,  un  opéra 
composé  par  un  de  ses  citoyens,  nommé  Emilio  del 
Cavalliere,  et  qui  portait  pour  titre  le  nom  singulier 
de  l'Anima  e'I  Corpo. 

Mais  nous  touchons  à  l'époque  où  la  musique  dra- 
matique va  briller  d'un  vif  éclat. 

A  partir  du  seizième  siècle,  la  musique  italienne 
entra  vraiment  dans  une  voie  de  progrès  et  de  régé- 
nération. Rome,  Naples,  Florence,  Milan,  Turin,  Ve- 
nise, toutes  les  villes  de  l'Italie,  s'associèrent  pour 
rendre  un  culte  fervent  à  l'harmonie  renaissante,  et 
quelques-unes  d'entre  elles  portèrent  le  drame  lyri- 
que à  son  plus  haut  degré  de  perfection. 

L'école  napolitaine  mérite  la  première  de  fixer  no- 
tre attention. 

Jusqu'au  commencement  du  dix-septième  siècle, 
ia  musique  dramatique  n'avait  subi  à  Naples  que  très- 
peu  de  perfectionnements.   Tl  fallait  qu'un  homme 


m  ri  s, 

de  génie  vînt  lui  frayer  une  route  originale.  Ce  com- 
positeur parut  :  c'était  Alexandre  Scarlatti.  Fécond 
autant  qu'il  fut  ingénieux  et  neuf  dans  ses  composi- 
tions, il  ne  brilla  pas  moins  dans  la  musique  d'église 
que  dans  celle  de  la  scène.  Il  a  composé  plus  de 
deux  cents  messes  pour  l'une,  et  pour  l'autre  un 
grand  nombre  d'opéras,  dont  les  plus  beaux  sont 
Mithridate,  Cyrus,  Régulas  et  celui  de  la  Princesse 
fidèle. 

Dans  le  même  siècle  que  ce  grand  homme,  vé- 
curent d'autres  génies  célèbres  :  tels  furent  Léo  Du- 
rante, Gaetano-Graco  ,  Feo,  Léonard  Léo,  etc. 

Au  dix  -  huitième  siècle ,  l'école  napolitaine  fut 
également  fertile  en  compositeurs  éminents.  Le  pre- 
mier de  tous,  dans  l'ordre  chronologique,  est  Nicolas 
Porpora,  un  des  plus  brillants  élèves  d'Alexandre 
Scarlatti.  Ses  principaux  ouvrages  sont  ":  Ariana  e 
Teseoy  Semiramis,  Tamerlano,  il  Trïonfo  di  Camillo. 

Mais  de  tous  les  compositeurs  que  l'école  de  Na- 
ples  vit  s'élever  pendant  la  première  moitié  du  dix- 
huitième  siècle,  Pergolèse  est  sans  contredit  celui 
qui  a  le  plus  contribué  au  progrès  de  l'art  musical. 
Au  nom  de  Pergolèse,  les  images  les  plus  pures,  les 
plus  suaves  de  la  mélodie  se  présentent  en  foule  à  la 
pensée. 

Pendant  la  seconde  moitié  du  dix-huitième  siècle, 
on  vit  naître  encore  un  grand  nombre  d'artistes  plus 
ou  moins  distingués,  tels  que  Jomelli,  Caffaro,  Far- 
jetta,  Majo,  Fiorello,  et  surtout  Piccinni,  dont  le 
génie  souple  et  fécond  a  exercé  tant  d'influence,  non- 
seulement  sur  son  pays  natal ,  mais  encore  sur  la 
musique  française. 

A  partir  de  Piccinni,  l'école  napolitaine  ne  cesse  de 
marcher  dans  une  voie  de  progrès  :  les  chefs-d'œuvre 
abondent,  les  grands  maîtres  se  succèdent.  Parmi  ces 
derniers,  il  faut  signaler  Gasparo  Saochini,  Paisiello» 


fTA  23 

Cimarosa,  Spontini,  l'illustre  auteur  de  ta  Veslate 
et  de  Fernand  Cortez,  Carafa,  Délia  Maria  et  Fiora- 
vanti,  qui  a  laissé  à  la  scène  française  une  preuve  de 
son  gracieux  talent  en  écrivant  /  virtiwsi  ambulanti. 

Après  Naples,  Venise  est  une  des  villes  de  la  pénin- 
sule qui  prirent  le  plus  de  part  au  mouvement  de 
régénération  musicale.  Au  dix-septième  siècle  ,  la 
musique  dramatique  acquiert  à  Venise  de  grands  dé- 
veloppements. Francesco  Cavalli  introduit  le  goût  de 
l'opéra  dans  cette  partie  de  l'Italie ,  Stradella  le  se- 
conde avec  ardeur  dans  cette  tâche  importante  et  dif- 
ficile. 

L'opéra  continue  pendant  tout  le  cours  du  dix- 
septième  siècle  à  subir  d'heureux  perfectionnements. 
Benedetto  Marcello  débute,  à  Venise,  par  l'opéra  de 
Dorienda,  qui  obtient  un  magnifique  succès.  Antonio 
Caldara,  Vivaldi ,  Pietro  Porfiri,  illustrent  aussi  à  la 
même  époque  l'école  de  Venise;  on  distingue  encore 
le  célèbre  violoniste  Giuseppe  Tartini,  si  connu  par 
sa  découverte  du  troisième  son. 

Corelli,  Bacranello,  Angelo  Via,  Salieri,  complètent 
la  brillante  série  des  compositeurs  de  l'école  véni- 
tienne. 

Après  cet  aperçu  sommaire  des  progrès  de  la  musi- 
que à  Venise,  jetons  un  coup  d'œil  sur  l'école  de  Flo- 
rence. L'école  de  Florence,  quoique  beaucoup  moins 
considérable  que  les  précédentes  par  le  nombre  des 
ouvrages  qu'elle  a  produits,  est  manifestement  leur 
aînée.  En  effet,  c'est  à  Arezzo,  une  des  villes  de  la 
Toscane,  qu'est  né  Guido,  auquel  l'Europe  doit  les 
premiers  éléments  de  la  musique  moderne. 

Comme  nous  l'avons  déjà  dit,  Giacomo  Péri  fut  le 
premier  compositeur  qui  jeta  quelque  éclat  sur  l'école 
florentine;  il  introduisit  le  premier  les  airs  dans  l'o- 
péra. Gorsi  brilla  conjointement  avec  Péri. 

Au   dix-huitième  siècle,    l'écolo  dp  Florence  vit 

F* 


cclore  de  brillants  compositeurs.  Signalons  parmi 
eux  Antonio  Pistorini ,  qui,  dans  les  intermèdes  et 
l'opéra  bouffe ,  fit  preuve  d'un  talent  plein  de  grâce 
et  de  flexibilité;  Bernardo  Mengozzi,  qui  a  donné 
à  la  scène  française  de  charmantes  compositions,  la 
Dame  voilée.  Une  faute  par  amour;  enfin,  l'illustre 
Cherubini,  un  des  plus  profonds  musiciens  de  ce 
siècle. 

Les  premiers  compositeurs  de  l'école  romaine,  et  le 
plus  grand  de  tous,  Palestrina,  se  vouèrent  exclusi- 
vement à  la  musique  d'église. 

Pendant  le  seizième  siècle,  Rome  vit  fleurir  Délia 
Viola ,  célèbre  dans  la  musique  de  théâtre,  et  sans 
contredit  le  premier  compositeur  dramatique  de  l'é- 
cole romaine.  Carissimi,  Allegri,  Benevoli,  Nicoletti , 
illustrèrent  par  leurs  travaux  cette  école  au  dix-sep- 
tième siècle. 

Au  dix-huitième  paraît  Sarti,  auteur  de  plusieurs 
opéras,  dont  la  mélodie  est  agréable,  dont  les  airs 
sont  faciles  et  doux.  A  la  même  époque,  Antonio 
Buroni  composa  également  plusieurs  opéras,  dans 
lesquels  il  joignit  à  la  solidité  de  son  école  l'éclat, 
la  facilité  et  la  grâce  de  celle  de  Naples.  Citons  encore 
Bernardo  Porta,  qui  a  fait  pour  la  scène  française  les 
Horaces  et  le  Connétable  de  Bourbon ,  ouvrages  bien 
accueillis  à  l'Académie  royale  de  Musique,  et  le  Diable 
à  quatre,  qui  obtint  un  très-grand  succès  à  lOpéra- 
Comique. 

Complétons  cette  brillante  galerie  par  les  noms 
des  compositeurs  de  l'Italie  moderne  :  Paër,  Mer- 
cadante,  Pacini,  Donizetti,  Bellini,  ce  grand  ar- 
tiste qui  s'est  éteint,  comme  Léopold  Robert,  dans 
toute  l'effervescence  du  génie;  Rossini,  le  puissant 
promoteur  de  la  révolution  musicale  qu'a  vue  s'ac- 
complir le  dix-neuvième;  enfin  Verdi,  qui  a  trouvé 
des  formes  nouvelles  pour  le  chant ,  donné  plus  de 


JÀV  27 

vérité  aux  récits  et  répandu  dans  l'orchestre  un  intérêt 
particulier. 

Iulos.  Chansons  des  moissonneurs  grecs,  chantées 
en  l'honneur  des  Gérés. 


Javanais  (Musique  des.)  Les  Javanais  ont  porté  la 
musique  à  un  haut  degré  de  perfection  ;  on  le  voit 
évidemment  par  la  construction  de  leurs  instruments 
de  musique.  Ces  instruments  sont  de  trois  espèces  :  à 
vent,  à  archet  et  de  percussion.  La  fabrication  des 
deux  premières  e.-pôces  est  encore  dans  l'enfance,  et 
c'est  uniquement  dans  la  dernière  qu'il  faut  chercher 
la  perfection  de  la  musique  des  Javanais. 

Le  tambour  est  l'instrument  national  ;  mais  il  a 
différents  noms,  suivant  les  divers  dialectes.  Outre  les 
différentes  espèces  de  tambours  qui  leur  sont  propres, 
les  Javanais  en  ont  encore  emprunté  aux  Arabes  et 
aux  Européens.  Ceux  du  pays  se  battent  avec  les 
mains,  et  paraissent  avoir  un  son  faible  et  peu  har- 
monieux. 

J^e  tambour  le  plus  connu  est  celui  qu'on  appelle 
gongs  ou  goung.  La  matière  dont  il  est  fait  est  une 
composition  de  zinc,  de  cuivre  et  d'étain.  Beaucoup 
de  goungs  ont  l'énorme  diamètre  de  quatre  à  cinq 
pieds,  et  au  milieu  un  bouton  qu'on  frappe  avec  des 
fuseaux  dont  la  tête  est  garnie  de  gomme  élastique 
ou  d'un  tampon  de  laine.  Le  son  de  cet  instrument 


2$  JEU 

est  d'une  force  et  d'un  effet  extraordinaires;  c'est  à 
peu  près  l'instrument  que  nous  nommons  tamtam. 

Le  kromo  ou  bonang  est  un  autre  instrument  qui 
consiste  en  plusieurs  bassins  dont  le  diamètre  est 
égal  à  celui  du  goung,  et  dont  le  son  est  fort,  mais 
doux  en  même  temps. 

La  dernière  classe  des  instruments  à  percussion 
s'appelle  stuccatos.  Le  staccato  de  bois  se  compose 
d'un  certain  nombre  de  bâtons  de  bois  durs  et  sono- 
res, disposés  par  ordre  de  grandeur  au-dessus  d'une 
écuelle  de  bois,  et  qu'on  frappe  avec  un  petit  marteau. 
Une  seconde  espèce  de  staccato  ne  diffère  de  la  pre- 
mière qu'en  ce  que  les  bâtons  ou  baguettes,  au  lieu 
d'être  de  bois,  sont  de  métal.  Le  son  du  staccato  de 
bois  est  doux ,  mais  sans  force  et  sans  intensité , 
tandis  que  le  staccato  de  métal  a  le  son  plus  fort  et 
plus  dur. 

Quant  au  caractère  de  la  musique  javanaise ,  on 
remarque  que  les  instruments  ont  tous  le  mode  dans 
lequel  sont  les  plus  vieilles  mélodies  écossaises ,  ir- 
landaises, celles  de  la  Chine,  et  quelques-unes  des 
Indes  orientales  et  de  l'Amérique  septentrionale.  Il 
paraît  donc  que  toute  la  musique  véritablement  in- 
digène de  Java  est  composée  dans  le  genre  ordinaire 
enharmonique. 

Les  mélodies  ont  presque  toutes  une  mesure  simple. 
Plusieurs  des  cadences  rappellent  la  musique  écos- 
saise pour  la  musette;  d'autres,  en  mineur,  offrent 
cette  singularité,  que  l'intervalle  entre  les  septième  et 
huitième  degrés  est  d'un  ton  entier,  ce  qui  montre 
évidemment  leur  antiquité.  Il  est  presque  inutile 
d'ajouter  que  chez  les  Javanais,  comme  chez  tous  les 
insulaires  indiens,  l'art  d'écrire  les  notes  est  inconnu  : 
tous  leurs  airs,  qui  sont  en  grand  nombre,  se  jouent 
de  mémoire. 

Jérémies.  On  donne  ce  nom  aux  parties  ou  leçons 


JEl  29 

de  l'office  de  la  semaine  sainte,  composées  avec  des 
fragments  du  prophète  Jéremié.  On  emploie,  pour 
chanter  ces  leçons,  une  espèce  de  récitation  mélodi- 
que plus  variée  que  la  psalmodie,  et  soutenue  ordi- 
nairement par  un  instrument  grave,  tel  que  le  basson 
ou  le  violoncelle. 

Les  jérémies  sont  notés  dans  les  livres  du  plain- 
chanl.  Quelques  compositeurs  ont  écrit  des  jérémies 
en  musique. 

Jet.  Les  morceaux  de  musique  d'un  seul  jet  sont  ces 
rares  coups  de  génie  dont  toutes  les  idées  sont  si 
étroitement  liées,  qu'elles  n'en  forment  pour  ainsi 
dire  qu'une  seule,  et  ne  pouvaient  pas  se  présenter  à 
l'esprit  du  compositeur  l'une  sans  l'autre.  Tels  sont, 
par  exemple,  le  chœur  du  premier  acte  dans  la  Clé- 
mence de  Titus  de  Mozart,  et  la  magnifique  ouverture 
de  la  Flûte  enchantée. 

Jeu.  Nom  que  l'on  donne  à  un  groupe  de  tuyaux 
d'orgues  rangés  sur  un  même  registre. 

Tous  les  tuyaux  du  même  jeu  rendent  des  sons  qui 
ne  diffèrent  que  du  grave  à  l'aigu,  tandis  que  les 
tuyaux  d'un  autre  jeu  rendent  des  sons  d'un  autre 
timbre. 

Les  jeux,  outre  les  noms  qui  les  distinguent  les  uns 
des  autres,  comme  jeu  de  flûte,  jeu  de  trompette, 
prennent  encore  une  dénomination  de  la  longueur 
en  pieds  de  leur  plus  grand  tuyau. 

On  les  divise  en  deux  classes,  savoir  :  les  jeux  à 
bouche,  qui  forment  le  fond  de  l'orgue,  et  les  jeux 
d'anche,  ainsi  nommés  parce  que  l'embouchure  de 
chacun  de  leurs  tuyaux  est  armée  d'une  anche  en 
métal. 

On  appelle  encore  jeu  l'association  de  certains  jeux 
disposés  pour  être  entendus  ensemble  :  le  grand  jeu, 
le  plein  jeu.  On  dit  d'un  instrumentiste  en  parlant  de 
son  exécution  qu'il  a  un  joli  jeu. 


#r 


m  joîs 

Jeu  céleste.  Qualité  de  son  très-agréable  et  d'une 
grande  douceur  que  Ton  obtient  sur  le  piano,  au 
moyen  de  la  pédale  qui  fait  avancer  des  languettes  de 
buffle  entre  les  cordes  et  les  marteaux.  Le  jeu  céleste 
est  d'un  effet  encore  plus  flatteur,  si,  pour  prolonger 
les  sons,  on  joint  à  cette  pédale  celle  qui  lève  les 
étouffoirs,  et  que  l'on  nomme  vulgairement  grande 
pédale. 

Jeux  ciirysantiniques.  C'étaient  des  fôtes  grecques 
célébrées  à  Sardes,  capitale  de  la  Lydie,  conjointe- 
ment à  des  concours  de  musique. 

Jeux  isthmiques.  Ces  jeux  étaient  célébrés  tous  les 
trois  ans,  pendant  la  nuit,  à  Corinlhe. 

Jeux  némêèns.  A  Argos,  on  célébrait  tous  les  deux 
ans  les  jeux  néméens  en  l'honneur  d'Hercule,  vain- 
queur du  lion  de  Némée. 

Jeux  olympiques.  Les  Grecs  célébraient  tous  les 
quatre  ans  les  jeux  olympiques  près  de  l'ancienne 
ville  de  Pisa  et  du  fleuve  Alphée,  dans  la  vaste  plaine 
û'Ùiyntpte,  aussi  délicieuse  par  sa  position  que  parles 
chefs-d'œuvre  de  l'art  qu'elle  renfermait.  Dans  ces 
fôtes  populaires,  on  décernait  des  prix  aux  concur- 
rents de  musique. 

Jeux  pythiques.  Pour  ce  qui  avait  rapport  à  la 
musique,  lès  jeux  pythiques  étaient  les  plus  impor- 
tants. Consacrés  dès  le  commencement  au  chant,  ils 
étaient  le  vrai  siège  des  concours  de  musique,  quoi- 
que les  courses  de  chevaux,  de  char,  l'escrime  et  les 
autres  exercices  gymnastiques  fissent  aussi  partie  de 
ces  jeux. 

Jongleurs.  Joueurs  d'instruments  qui,  au  début 
de  notre  poésie,  se  joignaient  aux  troubadours  ou 
poètes  provençaux,  et  couraient  avec  eux  la  pro- 
vince. 

L'histoire  du  théâtre  français  nous  apprend  qu'on 
nommait  ainsi  des  espèces  de  bateleurs  qui  accom- 


JOO  M 

pagnaient  les  trouvères,  fameux  dès  le  onzième  siècle. 
Comme  ils  jouaient  de  divers  instruments,  ils  s'asso- 
cièrent avec  les  poètes  et  les  chanteurs  pour  exécuter 
les  ouvrages  des  premiers;  et,  ainsi  de  compagnie, 
ils  s'introduisirent  dans  les  palais  des  rois  et  des 
princes,  et  en  tirèrent  de  magnifiques  présents.  Leurs 
jeux  consistaient  principalement  en  gesticulations, 
tours  de  passe-passe,  etc.,  ou  en  quelques  mauvais 
récits  du  burlesque  le  plus  trivial.  Leurs  excès  ridi- 
cules et  extravagants  les  firent  tomber  dans  une  telle 
déconsidération,  que,  pour  désigner  alors  une  chose 
mauvaise,  folle,  vaine  et  fausse,  on  Y  appelait  jongle- 
rie. Philippe-Auguste  les  chassa;  ses  successeurs 
souffrirent  qu'ils  revinssent  en  France.  On  en  trouve 
la  preuve  dans  le  tarif  fait  par  saint  Louis,  pour  ré- 
gler les  droits  de  péage  dus  à  l'entrée  de  Paris,  sous 
le  Petit-Châtelet.  Ce  tarif,  dans  un  de  ses  articles, 
porte  que  les  jongleurs  seront  quittes  de  tout  péage  en 
récitant  un  couplet  de  chanson,  ou  en  faisant  gamba- 
der leur  singe  devant  le  péager. 

Vers  1400,  les  trouvères  et  les  jongleurs  se  séparè- 
rent. On  ne  parla  plus  de  ceux-ci,  que  l'on  appela 
ensuite  bateleurs,  à  cause  des  tours  surprenants  qu'ils 
s'étaient  adonnés  à  faire  avec  des  épées  ou  d'autres 
armes. 

Jouer  des  instruments.  C'est  exécuter  sur  ces  ins- 
truments des  airs  de  musique,  surtout  ceux  qui  leur 
sont  propres,  ou  les  chants  notés  pour  eux.  Le  mot 
jouer  étant  devenu  générique,  s'applique  maintenant 
à  tous  les  instruments. 

On  disait  autrefois  -.jouer  du  violon,  pincer  la  harpe, 
toucher  Cornue,  donner  du  cor,  sonner  de  la  trompette, 
blouser  les  timbales,  battre  le  tambour,  etc.  Le  mot 
jouer  a  remplacé  tous  ces  termes,  et  il  en  résulte  un 
double  avantage  :  1°  de  simplifier  le  langage  et  de 
prévenir  toute  fausse  application;  2°  de  pouvoir  con- 


32  JOl 

sacrer  ces  mêmes  termes  à  des  actions  tout  à  fait 
étrangères  à  l'art  musical,  quoiqu'elles  s'opèrent  par 
les  moyens  qu'il  fournit.  Ainsi,  nous  disons  sonner  de 
la  trompette,  donner  du  cor,  battre  du  tambour, 
lorsqu'il  s'agit  d'une  charge  de  cavalerie,  d'une 
chasse  au  cerf,  ou  de  l'appel  d'un  régiment. 

Journaux  de  musique.  Les  premiers  journaux  de 
musique  qui  parurent  en  France  n'offraient  qu'un 
médiocre  intérêt.  Le  Journal  hebdomadaire,  le  Journal 
des  Troubadours,  le  Journal  d'Euterpe,  le  Chantre  du 
Midi,  et  quelques  autres  productions  du  même  genre, 
n'ont  eu  chez  nous  qu'une  durée  éphémère. 

Il  faut  le  dire,  la  plupart  de  nos  journalistes 
littérateurs  se  sont  longtemps  efforcés  de  nous  faire 
passer  pour  des  ignorants  en  musique.  Analyses  ridi- 
cules, grossières  méprises,  absurdités,  faux  raisonne- 
ments dérivant  d'un  système  faux  sur  tous  les  points, 
voilà  ce  qu'on  trouvait  jadis  dans  certains  feuilletons, 
quand  leurs  rédacteurs  ne  se  bornaient  pas  au  proto- 
cole dès  longtemps  adopté,  lequel  consiste  à  dire  que 
la  musique  d'un  opéra  est  belle,  délicieuse,  admira- 
ble, ou  qu'elle  est  mauvaise,  pitoyable,  etc. 

Pendant  que  la  France  était  encore  si  arriérée, 
l'Allemagne  faisait  un  pas  immense  dans  la  carrière 
du  journalisme  musical.  Nous  devons  mentionner 
particulièrement  la  Gazette  musicale  de  Berlin,  la 
Gazette  musicale  de  Vienne,  la  Gazette  musicale  des  états 
d'Autriche,  et  surtout  X excellente  Gazette  de  Leipsig, 
recueil  d'un  mérite  très-remarquable,  entrepris  en 
1798,  et  dont  la  rédaction  a  été  confiée  pendant  vingt 
ans  au  savant  écrivain  Frédéric  Rochlitz. 

En  France,  quelques  écrivains  se  sont  efforcés  de 
suivre  cet  illustre  modèle.  En  1827,  M.  Fétis  publia 
la  Revue  musicale,  dont  il  a  été  le  directeur  et  le  prin- 
cipal rédacteur  jusqu'à  la  fin  de  1833.  Ce  recueil  a 
rendu  de  grands  services  à  la  musique.   11  parait 


RAS  33 

encore  maintenant  sous  le  titre  de  Revue  et  Gazette 
musicale  de  Paris.  En  1838  a  paru  la  France  musicale, 
sous  la  direction  des  frères  Escudier.  Ce  recueil  a  mar- 
qué, dès  son  début,  une  phase  nouvelle  dans  la  criti- 
que, et  sa  rédaclion  l'a  classé  parmi  les  bons  jour- 
naux de  cette  spécialité.  Le  Ménestrel  occupe  aussi 
un  rang  honorable  dans  la  presse  musicale  française. 

La  presse  musicale  a  pris  depuis  quelques  années 
une  certaine  extension  en  Italie,  en  Angleterre,  en 
Belgique,  en  Espagne,  et  dans  quelques  autres  pays 
de  l'Europe. 

Juste.  Cette  épithète  se  donne  généralement  aux 
intervalles  dont  les  sons  se  trouvent  exactement  dans 
le  rapport  qu'ils  doivent  avoir,  et  aux  voix  qui  enton- 
nent toujours  ces  intervalles  dans  leur  justesse. 

Justi,  Chanter  juste,  jouer  juste. 


K 


Karabo.  Petit  tambour  des  Egyptiens  et  des  Abys- 
sins. 

Kalamaïca.  Danse  favorite  des  Hongrois,  d'un 
mouvement  animé  et  en  mesure  à  3(4.  Elle  est  com- 
posée de  deux  parties,  chacune  de  quatre  mesures 
avec  des  reprises. 

Karaklansithyron.  Chanson  que  les  anciens  Grecs 
chantaient  devant  la  maison  de  leur  maîtresse. 

Kas.  Espèce  de  tambour  des  peuples  d'Angola 
(Afrique),  qui,  au  rapport  de  quelques  voyageurs, 


il  ki»  A 

est  le  seul  instrument  de  musique  qu'ils  possèdent. 

Katakeleusinos.  Nom  d'une  des  parties  principa- 
les d'un  morceau  de  musique  exécuté  dans  les  con- 
cours musicaux  des  jeux  isthmiques. 

Kehraus.  Ancienne  danse  d'invention  allemande, 
avec  laquelle  on  termine  quelquefois  les  bals. 

Keman.  Nom  d'un  violon  turc  à  trois  cordes. 

Kerrena.  Trompette  indienne  qui,  selon  Bonnet, 
a  un  tube  de  quinze  pieds  de  longueur  ;  d'autres  as- 
surent qu'elle  n'a  que  quatre  pieds  de  longueur,  et 
un  son  très-fort. 

Kooranko  (Musique  des  habitants  de).  Quelques 
voyageurs  ont  assuré  que  la  musique  occupe  une 
place  importante  dans  les  cérémonies  publiques  de  ce 
pays.  Ces  peuples  ont  des  chants  et  des  danses  parti- 
culières, et  un  grand  nombre  de  musiciens  ambu- 
lants, qui  paraissent  doués  à  un  degré  remarquable 
du  talent  de  l'improvisation. 

La  musique  de  cette  nation,  ainsi  que  ses  instru- 
ments, dont  le  meilleur  est  une  espèce  de  guitare  ou 
violon  fait  d'une  calebasse  avec  des  cordes  de  crins, 
sont  encore  peu  perfectionnés  ;  mais  néanmoins  on 
trouve  dans  quelques-uns  de  leurs  chants  naïfs,  une 
douceur  qui  n'est  pas  surpassée  par  les  modulations 
de  peuples  plus  civilisés.  Cependant,  en  général,  le 
bruit  surpasse  chez  eux  l'harmonie,  et  l'effet  de  tant 
de  voix  et  d'instruments  qui  se  réunissent  souvent, 
est  étourdissant. 

Kussier/ Instrument  turc,  composé  de  cinq  cordes 
tendues  sur  une  peau  qui  couvre  une  espèce  d'as- 
siette. 

Kyrie.  Mot  grec  qui  signifie  seigneur  au  vocatif,  et 
par  lequel  commencent  les  messes  en  musique.  On 
s'en  sert  souvent  comme  d'un  substantif,  ou  comme 
si  c'était  le  nom  d'une  pièce  de  musique.  Voilà  un 
beau  Kyrie,  un  Kyrie  bien  travaillé. 


l'Ai 


La.  Note  de  musique  appelée  simplement  a  par  les 
Allemands  et  les  Italiens.  C'est  le  sixième  degré  de 
notre  échelle  musicale.  Il  porte  accord  parfait  mineur, 
et  s'emploie  en  harmonie,  ou  comme  sixième  degré 
de  la  gamme  majeure  d'ut,  ou  comme  premier  degré 
du  relatif  mineur  de  cette  môme  gamme.  La  est  aussi 
le  nom  de  la  seconde  corde  du  violon  et  de  la  chan- 
terelle, ou  première  corde  de  la  viole,  du  violoncelle 
et  de  la  contre- basse.  C'est  sur  cette  note,  prise  dans 
l'octave  du  médium  de  notre  système  sonore,  que 
s'accordent  tous  les  instruments  sans  exception,  et 
que  sont  réglés  les  diapasons.  Il  ne  s'ensuit  pourtant 
pas  que  tous  les  diapasons  donnent  exactement  le 
même  son,  quoiqu'ils  soient  tous  accordés  sur  cette 
même  note  la.  Au  contraire,  ils  varient  selon  les 
lieux,  et  quelquefois  selon  les  orchestres;  mais  la 
différence  est  fort  légère,  et  excède  rarement  un  quart 
de  ton  au  plus.  On  dit  donner  le  /a,  prendre  le  /a, 
pour  donner  et  prendre  l'accord. 

Lai.  Petit  poëme  gaulois.  Quoique  nos  vieux  poètes 
français  variassent  en  une  infinité  de  formes  les  pièces 
de  poésie  qu'ils  livraient  à  leurs  lecteurs,  ils  adop- 
taient presque  exclusivement  la  narration,  soit  qu'ils 
eussent  à  reproduire  une  anecdote,  un  bon  mot,  ou 
même  à  exprimer  un  sentiment.  Ges  formes,  souvent 
bizarres,  mais  oonstanfps  pour  chaque  espèce,  parai- 


3$  JLAM 

traient  indiquer  que  chacune  de  ces  pièces  de  poésie 
se  conformait  dans  l'origne  à  un  rhythme  musical, 
à  un  air  consacré,  l'un  au  rondeau,  l'autre  au  lai, 
celui-ci  au  chant  royal,  etc.  On  sait,  en  effet,  que  les 
poëmes  des  trouvères  étaient  chantés  par  des  jon- 
gleurs, et  accompagnés  sur  des  instruments,  le  rebec 
ou  violon,  la  rote  ou  vielle,  par  des  ménétriers.  L'u- 
sage du  chant  était  perdu;  les  pièces  de  poésie,  quoi- 
que ayant  cessé  d'être  chantées  ou  accompagnées  des 
instruments,  auront  conservé  leurs  formes  encore 
longtemps,  jusqu'à  ce  que  l'imitation  classique  ayant 
prévalu,  elle  les  ait  fait  tomber  en  désuétude.  Parmi 
ces  poésies,  la  plus  ancienne  paraît  être  le  lai, 
emprunté  aux  bardes  de  l'Armorique.  Marie  de 
France,  femme  poète  du  treizième  siècle,  a  composé, 
ou  plutôt  traduit  plusieurs  de  ces  anciens  lais  bre- 
tons. Les  lais  que  nous  a  laissés  Marie  de  France 
ne  sont  que  des  fabliaux  ou  contes  en  vers  de  huit 
syllabes.  Plus  tard,  les  poètes  donnèrent  au  lai  une 
forme  nouvelle,  qui  consistait  à  intercaler,  à  des  dis- 
tances régulières,  de  petits  vers  entre  d'autres  vers 
d'une  mesure  plus  longue.  Quand  l'ordre  adopté  par 
le  premier  couplet  changeait,  c'est-à-dire  quand  on 
faisait  tourner  ou  virer,  selon  l'expression  d'alors,  les 
grand  vers  en  petits  vers  et  les  petits  en  longs,  la  pièce 
devenait  un  virelai. 

Lamentabilb,  Lamentable.  Ce  mot,  que  Ton  fait 
précéder  quelquefois  par  adagio  ou  largo,  indique, 
même  quand  il  est  seul,  un  mouvement  grave  et  une 
expression  triste  et  pour  ainsi  dire  désespérée. 

Lamentations  de  Jérémie.  Élégies  que  l'on  chante 
dans  la  semaine  sainte  :  trois  le  mercredi,  trois  le 
jeudi,  et  trois  autres  le  vendredi.  Ordinairement,  en 
Italie  surtout,  on  les  exécute  en  plain-chant  avec  ac- 
compagnement de  viole,  de  violoncelle  et  de  piano, 
ou  bi^n  pn  musique  figurée  à  une  seulp  voix,  ou  avec 


LAN  37 

chœur,  ou  à  plusieurs  voix.  Le  même  nom  sert  à  in- 
diquer les  différentes  compositions. 

Landler.  Espèce  de  valses  en  usage  dans  l'Au- 
triche et  dans  quelques  autres  contrées  de  l'Alle- 
magne. Leur  mélodie,  dont  le  caractère  est  d'une 
gaieté  sautillante,  s'exécute  dans  un  mouvement  mo- 
déré, en  mesure  à  2/4. 

Langoureux.  Ce  mot  indique  un  mouvement  un 
peu  lent  et  une  exécution  sans  vibration  et  sans  re- 
cherche dans  les  agréments. 

Langue  musicale.  Comme  tous  les  arts  libéraux, 
la  musique  peut  être  considérée  sous  un  double 
point  de  vue  :  comme  instrument  de  plaisir  et  comme 
moyen  d'expression.  Considérée  sous  ce  dernier  rap- 
port, elle  est  un  langage  véritable  qui,  au  moyen  c\es 
sons  et  des  silences,  peint  à  l'oreille  et  traduit  à  l'in- 
telligence la  plupart  des  peines,  des  sentiments  et  des 
images  que  la  parole  exprime  avec  des  mots  :  sou- 
vent même  elle  les  traduit  avec  une  profondeur  et 
uno  énergie  que  cette  dernière  est  incapable  d'at- 
teindre. 

La  langue  musicale  possède  tous  les  éléments  et 
toutes  les  parties  des  autres  langues;  elle  a  ses  mots, 
sa  grammaire  élémentaire,  sa  syntaxe,  sa  poésie  et  sa 
théorie,  sa  philosophie  et  son  histoire. 

L'étude  des  sons  ou  mots  de  la  musique  et  des 
autres  signes  qu'elle  emploie,  constitue  l'enseigne' 
ment  élémentaire  de  cet  art.  Il  est  assez  connu;  nous 
n'en  parlerons  pas. 

La  syntaxe  musicale  correspond  à  la  syntaxe  des 
langues  proprement  dites  :  c'est  l'art  de  réunir  conve- 
nablement les  signes  du  langage  musical  pour  en  for- 
mer des  phrases  correctos.  Elle  se  divise  en  deux  par- 
ties, dont  l'une  enseigne  à  écrire  la  mélodie,  et  l'autre 
Y  harmonie. 

La  littérature  musicale  correspond  à  la  littérature 

T.   H.  i 


o\s  LAN 

proprement  dite  et  se  divise,  comme  elle,  en  deux 
parties  essentiellement  distinctes  :  la  littérature  géné- 
rale qui  traite,  au  point  de  vue  musical,  du  bon  goût, 
des  styles,  des  écoles,  du  but  et  de  la  valeur  réelle 
des  règles,  du  classique,  du  romantique  et  de  cent 
autres  questions  musicales  dont  l'énumération  est 
inutile;  et  la  littérature  particulière  qui  enseigne  à 
écrire  convenablement  chaque  genre  de  musique. 
Celte  dernière  partie  s'appelle  aussi  composition  :  on 
y  attache  ordinairement  les  règles  de  la  mélodie. 

La  philosophie  de  la  musique  consiste  à  rechercher 
les  rapports  secrets  des  sons  avec  nos  sentiments  et 
nos  pensées.  L'existence  de  ces  rapports  ne  peut  pas 
être  contestée,  puisque  la  musique  exprime  réellement 
des  sentiments  et  des  pensées  au  moyen  des  sons. 
C'est  une  science  à  peine  ébauchée. 

Enfin,  la  musique  et  l'harmonie  ont  leur  histoire, 
où  les  théories  et  les  œuvres  pratiques,  les  théoriciens 
et  les  compositeurs,  les  tâtonnements  de  l'inexpé- 
rience, les  bévues  de  l'erreur,  les  succès  du  talent  et 
les  progrès  de  la  science  musicale  apparaissent  tour 
à  tour  aux  regards. 

Madame  Laync  a  publié,  il  y  a  quelques  années,  à 
Paris,  un  ouvrage  intitulé  :  Grammaire  musicale, 
basée  sur  les  principes  de  la  grammaire  française. 
Dans  son  livre,  l'auteur  donne  aux  lettres  le  nom  de 
sons;  à  l'alphabet,  celui  de  gamme;  les  articles  sont 
comme  les  trois  clefs  /a,  do,  sol.  Elle  appelle  substan- 
tifs les  notes;  adjectifs  superlatifs  les  dièses;  adjec- 
tifs diminutifs  les  bémols;  adjectifs  comparatifs  les 
bécarres.  Les  mesures  sont  les  verbes  :  celles  à  quatre 
temps  sont  les  verbes  actifs;  celles  à  trois  temps  les 
verbes  passifs;  celles  à  deux  temps  les  verbes  neutres, 
et  ainsi  de  suite. 

Dans  ces  dernières  années,  M.  Sudre  a  inventé  la 
langue  musicale,  formée  au  moyen  des  sept  notes  de 


LAR  39 

musique,  do,  ré,  mi,  fa,  sol,  la,  si,  par  le  secours  des- 
quelles il  paraît  que  M.  Sudre  peut  transmettre  toute 
espèce  de  phrase  et  dans  quelque  langue  que  ce  soit, 
c'est-à-dire  qu'un  Arabe  comprendra  un  Chinois,  un 
Russe,  un  anglais,  etc.  Ces  résultats  n'ont  rien  de 
surprenant,  car  la  langue  musicale  a  le  privilège  de 
rencontrer  partout  des  oreilles  et  des  cœurs  sensibles 
à  ses  charmes.  Unis  par  de  semblables  liens,  les  mu- 
siciens de  [toutes  les  nations  forment  une  seule  fa- 
mille dont  les  goûts  sont  identiques. 

La  Grammaire  musicale  de  M.  Martin  d'Angers  est 
un  des  meilleurs  ouvrages  didactiques  que  l'on  ait 
publiés  en  France  dans  ces  dernières  années. 

Languette.  Nom  du  petit  morceau  de  bois  des 
sautereaux  d'un  clavecin  ou  d'une  épinette,  où  se 
trouve  introduit  un  morceau  de  plume  de  corbeau. 
C'est  aussi  le  nom  d'un  petit  morceau  de  métal  mo- 
bile qui  vibre  dans  les  anches  de  certains  jeux  d'orgue. 

Lapa.  Nom  turc  des  tubes  en  cuivre,  longs  d'envi- 
ron huit  ou  neuf  pieds,  se  terminant  comme  nos 
trompettes  et  servant  dans  la  musique. 

La  ré.  Ces  syllabes  désignaient  dans  l'ancien  sol- 
fège cette  mutation  d'après  laquelle  on  se  servait,  en 
chantant,  de  la  syllabe  ré  pour  les  sons  la  ré,  et  non 
de  la  syllabe  la. 

Largo.  Ce  mot,  écrit  à  la  tête  d'un  air,  indique  un 
mouvement  plus  lent  que  Y  adagio,  et  le  dernier  de 
tous  en  lenteur. 

Le  diminutif  larghetto  annonce  un  mouvement 
moins  lent  que  largo  et  plus  lent  que  Yandante. 

Le  largo  n'a  souvent  pas  plus  de  lenteur  que  l'ada- 
gio; mais  il  a  quelque  chose  de  plus  décidé  dans  le 
caractère.  L'adagio  semble  devoir  être  plus  onctueux, 
plus  sensible,  plus  affectueux;  il  a  autant  de  noblesse 
que  le  largo,  mais  celui-ci  a  plus  de  fierté. 


40  LÉG 

Le  largo  convient  à  ce  qui  est  religieux,  l'adagio  à 
ce  qui  est  tendre  et  d'une  tristesse  passionnée. 

Larigot.  Jeu  d'orgue,  l'un  des  plus  aigus  :  il  sonne 
la  quinte  au-dessus  de  la  doublette.  Ce  jeu,  qui  est 
compris  parmi  les  jeux  à  bouche,  est  d'étain  et  a 
quatre  octaves  et  demie  d'étendue,  ce  qui  forme  tout 
le  clavier. 

la  sol.  Mutation  des  deux  syllabes  la  et  sol  sur  le 
son  ré. 

Lauda  sion  salvatorem.  Suite  de  versets  ou  prose 
que  l'on  chante  dans  l'Église  romaine,  le  jour  de  la 
Fêle-Dieu. 

Laudi,  (Laudes).  On  entend  par  le  mot  italien 
Laudi,  les  cantiques  que  l'on  chantait  en  Italie  au 
temps  de  Laurent  de  Médicis,  qui  en  composa  plu- 
sieurs, et  de  saint  Philippe  de  Néri.  Ce  genre  de  poésie 
était  très-estimé  en  Italie  au  quinzième  siècle.  La  mu- 
sique en  était  toujours  simple;  on  adapta  quelquefois 
à  ces  compositions  poétiques  les  ariettes  profanes  les 
plus  goûtées. 

Leçon.  On  désigne  par  ce  mot  tous  les  exercices 
qu'un  maître  prescrit  à  son  élève,  en  lui  enseignant 
un  instrument  de  musique.  Les  morceaux  de  mu- 
sique imprimés  sous  le  titre  de  leçons  ne  sont  autre 
chose  qu'un  moyen  de  rappeler  à  l'élève  les  instruc- 
tions du  maître. 

Leçons  des  nocturnes  de  l'office  des  morts. 
Leçons  de  la  semaine  sainte  que  l'on  a  coutume  de 
chanter  en  musique  figurée  à  voix  seule,  ou  môme 
à  plusieurs  voix  avec  chœurs. 

Legato.  Quand  ce  mot  se  trouve  en  tète  ou  dans  le 
courant  d'un  morceau  de  musique,  il  faut  en  lier  les 
notes  avec  soin. 

S'il  y  a  sempre  legato,  il  faut  conserver  jusqu'à  la 
fin  le  même  genre  d'exécution. 

Légende,  Ce  mot,  qui  signifiait  d'abord  les  ver- 


LIA  41 

sets  que  l'on  récitait  dans  les  leçons  des  matines,  fut 
donné  plus  tard  aux  vies  des  saints  et  des  martyrs, 
parce  qu'on  devait  les  lire  dans  les  réfectoires  et  les 
chanter  dans  les  chapelles  des  communautés.  Des 
monastères,  elles  se  répandirent  parmi  les  fidèles, 
enthousiasmèrent  leur  zèle  et  le  portèrent  jusqu'au 
fanatisme.  Tout  ce  que  le  peuple  avait  recueilli  dans 
ses  souvenirs  ou  poétisé  dans  son  imagination  trouva 
place  dans  ces  histoires,  qui  sont  la  véritable  mytho- 
logie du  christianisme.  Les  traits  d'héroïsme  chré- 
tien qu'on  y  trouve  racontés  avec  une  simple  naïveté, 
parés  du  prestige  de  la  poésie  et  de  la  musique,  ré- 
chauffèrent la  foi  et  la  charité.  Si  l'histoire  en  a  rejeté 
la  plupart  comme  monuments  apocryphes,  elle  leur 
doit  à  toutes  profond  respect  et  vive  reconnais- 
sance. 

Légèrement.  Cet  adverbe  indique  qu'on  doit  tou- 
cher l'instrument  doucement. 

Lento.  Ce  mot  signifie  lentement,  et  marque  un 
mouvement  lent  comme  le  largo.  Les  Allemands  in- 
diquent ce  mouvement  par  langsacn,  et  les  Anglais 
par  slow. 

Levé.  C'est  le  temps  de  la  mesure  où  on  lève  la 
main  ou  le  pied.  C'est  toujours  le  dernier  temps  de 
la  mesure  ;  par  conséquent  les  temps  levés  sont  :  à 
deux  temps,  le  second  ;  à  trois,  le  troisième;  à  quatre, 
le  quatrième. 

Liaison.  Il  y  a  liaison  d'harmonie  et  liaison  de 
chant.  La  liaison  a  lieu  dans  l'harmonie,  lorsque  cette 
harmonie  procède  par  un  tel  progrès  de  sons  fonda- 
mentaux, que  quelques-uns  des  sons  qui  accompa- 
gnent celui  qu'on  quitte,  demeurent  et  accompagnent 
celui  où  l'on  passe.  Il  y  a  liaison  dans  les  accords  de 
la  tonique  et  de  la  dominante ,  attendu  que  le 
même  son  sert  de  quinte  à  l'une,  et  d'octave  à  l'autre. 
Enfin,  il  y  a  liaison  dissonante  toutes  les  fois  que  la 


42  LIÉ 

dissonance  est  préparée,  puisque  cette  préparation 
elle-même  n'est  autre  chose  que  la  liaison. 

La  liaison  dans  l'exécution  instrumentale  ou  dans 
le  chant  a  lieu  toutes  les  fois  qu'on  passe  deux  ou 
plusieurs  notes  d'un  seul  coup  d'archet,  de  langue  ou 
de  gosier,  et  se  marque  par  un  trait  recourbé  dont 
on  couvre  les  notes  qui  doivent  être  liées  en- 
semble. 

Licences.  Liberté  que  prend  le  compositeur  et  qui 
semble  contraire  aux  règles,  quoiqu'elle  soit  dans  le 
principe  des  règles  ;  car  voilà  ce  qui  distingue  les  li- 
cences des  fautes.  Par  exemple ,  c'est  une  règle  géné- 
rale de  ne  pas  faire  marcher  deux  quintes  justes  de 
suite  entre  les  même  parties  et  par  un  mouvement 
semblable.  Berton  a  enfreint  cette  règle  dans  l'ouver- 
ture du  Délire.  C'est  une  licence  qu'il  a  prise  pour 
produire  plus  d'effet. 

Comme  les  règles  de  l'harmonie  ont  subi  des  mo- 
difications à  mesure  que  l'art  s'est  perfectionné,  ce 
qui  était  licence  autrefois  est  permis  aujourd'hui. 
Nous  nous  servons  avec  succès  de  la  quinte  augmen- 
tée, qui  aurait  offensé  l'oreille  de  nos  timides  devan- 
ciers. 

Lichara.  Instrument  unique  d'une  tribu  de  Cafres. 

C'est  une  espèce  de  flûte  formée  d'un  roseau,  ac- 
cordée au  moyen  d'un  petit  tampon  mobile  placé  à  la 
partie  inférieure,,  et  ayant  au  bout  supérieur  une  ou- 
verture coupée  transversalement.  On  ne  peut  rendre 
qu'un  son  sur  cet  instrument  ;  il  y  en  a  un  pour  cha- 
quenote,  et  lorsque  plusieurs  sons  se  trouvent  réunis, 
une  partie  joue  à  l'unisson,  pendant  que  les  autres 
font  entendre  différents  sons  de  l'échelle  musicale. 
L'intervalle  compris  entre  les  plus  hautes  et  les  plus 
graves  de  ces  flûtes  est  d'environ  douze  notes. 

Liées.  On  appelle  notes  liées  celles  qu'on  passe 
d'un  seul  coup  d'archet  sur  le  violon,  ou  d'un  seul 


LIT  43 

coup  de  langue  sur  les  instruments  à  vent,  en  un 
mot,  toutes  les  notes  qui  sont  sous  une  môme  liai- 
son. 

Ligne*  Les  lignes  de  musique  sont  ces  traits  hori- 
zontaux et  parallèles  qui  composent  la  portée,  et  sur 
lesquels,  ou  dans  les  espaces  qui  les  séparent,  on 
place  les  notes  selon  leurs  degrés.  La  portée  du  plain- 
chant  n'est  que  de  quatre  lignes,  celle  de  la  musique 
a  cinq  lignes  stables  et  continues,  outre  les  lignes  ad- 
ditionnelles qu'on  ajoute  au-dessus  ou  au-dessous  de 
la  portée,  pour  les  notes  qui  passent  son  étendue. 

Les  lignes,  soit  dans  le  plain-chant,  soit  dans  la 
musique,  se  comptent  en  commençant  par  la  plus 
basse.  La  plus  basse  est  la  première,  la  plus  haute  est 
la  quatrième  dans  le  plain-chant,  la  cinquième  dans 
la  musique. 

Linon  asma.  Chanson  funèbre  des  Egyptiens  sur 
Mamèros,  appelé  Linos  par  les  Grecs.  On  croit  qu'il 
était  le  fils  du  premier  roi  des  anciens  Egyptiens,  et 
qu'il  mourut  à  la  fleur  de  l'âge. 

Lire.  Lorsqu'on  veut  exécuter  une  partie  que  Ton 
n'a  jamais  vue,  il  faut  d'abord  s'être  exercé  à  trois 
espèces  de  travaux  intellectuels  nécessaires  pour 
lire  facilement  à  première  vue ,  presque  sans  s'en 
apercevoir.  On  doit,  en  déchiffrant  les  notes,  1°  em- 
brasser d'un  coup  d'œil  l'alternation  continuelle  des 
sons  aigus  et  des  sons  graves  ;  2°  les  comparer  et  les 
classer  selon  leur  valeur  respective  ;  et  3°  rendre  cette 
valeur  relativement  à  la  mesure  indiquée.  On  appelle 
cette  science  :  déchiffrer,  lire  la  musique. 

Litanies.  On  désignait  autrefois  par  ce  mot  le  Ky- 
rie eleison y  aujourd'hui  encore  les  litanies  commen- 
cent par  le  lùjrie  eleison,  mais  comme  on  fait  suivre 
les  invocations  en  l'honneur  de  la  Vierge,  des 
saints,  etc.,  on  les  appelle  litanies  de  la  Vierge,  des 
saints,  etc. 


44  LOU 

Lithographie.  Depuis  quelques  années,  la  lithogra- 
phie a  été  appliquée  à  la  musique.  Des  partitions,  des 
sonates,  des  fantaisies,  des  romances  même  parais- 
sent maintenant  avec  de  beaux  frontispices  en  litho- 
graphie. Ce  sont  des  paysages  charmants  où  l'on  voit 
de  vieux  châteaux  gothiques,  des  paladins,  des  trou- 
badours courant  les  aventures,  etc.  ;  ce  sont  des  allé- 
gories ingénieuses  et  des  sujets  qui  se  rapportent  à  la 
sonate,  au  nocturne  que  l'on  publie.  On  doit  se  défier 
quelquefois  des  compositions  musicales  que  l'on  a 
pris  soin  de  parer  de  tant  d'ornements;  ces  accessoi- 
res valent  trop  souvent  mieux  que  le  principal,  et  Ton 
peut  dire  de  beaucoup  de  ces  productions  :  Tout  en 
est  beau,  papier,  images,  caractères,  hormis  la  mu- 
sique. 

Livre  ouvert,  a  livre  ouvert.  Chanter  ou  jouer  à 
livre  ouvert,  c'est  exécuter  toute  musique  qu'on  vous 
présente  en  jetant  les  yeux  dessus,  et  par  conséquent 
sans  préparation. 

Loco.  Lorsqu'après  un  passage  marqué  pour  être 
exécuté  à  l'octave  aiguë  ou  basse,  on  trouve  ce  mot 
latin  ou  italien  loco,  il  signifie  que  l'on  doit  exécu- 
ter ce  qui  suit,  au  lieu  même  où  les  notes  sont 
écrites,  sans  transpositions  d'octaves. 

Lolichmium.  Édifice  pubifc,  situé  près  de  la  ville 
d'Olympie,  qui  était  ouvert  en  tout  temps  à  ceux  qui 
voulaient  prendre  part  au  concours  de  musique. 

Longue.  C'était  une  note  qui,  dans  la  musique  an- 
cienne, valait  quatre  mesures  ;  dans  le  mode  mineur 
parfait,  elle  avait  la  valeur  de  trois  brèves,  et  dans  le 
mode  mineur  imparfait,  de  deux. 

Lqure.  Sorte  de  danse  dont  l'air  était  assez  lent,  et 
qui  se  marquait  ordinairement  par  la  mesure  à  six- 
quatre.  Quand  chaque  temps  porte  trois  notes,  on 
pointe  la  première,  et  l'on  fait  brève  celle  du  milieu; 


LUT  45 

ce  qui  est  exactement  le  rhythme  de  la  sicilienne,  qui 
semble  avoir  succédé  à  la  loure. 

Lourer.  C'est  nourrir  les  sons  avec  douceur,  et  mar- 
quer la  première  note  de  chaque  temps  plus  sensible- 
ment que  la  seconde,  quoique  de  môme  valeur,  et  en 
liant. 

Cette  manière  d'exécuter  est  encore  en  usage  pour 
les  pastorales  et  toutes  les  compositions  qui  ont  le  ca- 
ractère rustique  et  montagnard. 

Lucornario.  Nom  de  l'antienne  que  l'on  chante  à 
vêpres,  selon  le  rite  ambrosien,  avant  le  Dixit. 

Luth.  Instrument  très-cultivé  autrefois,  et  dont  on 
ne  joue  plus  depuis  un  siècle.  La  guitare  et  la  harpe 
l'ont  fait  délaisser.  Il  était  monté  de  vingt-quatre  cor- 
des sur  un  corps  arrondi  en  dessous,  en  forme  de  tor- 
tue, et  ressemblant  à  celui  de  la  mandoline,  qui  en 
était  le  diminutif.  Ces  vingt-quatre  cordes  composaient 
treize  groupes;  son  manche  était  large  et  renversé  dans 
son  extrémité.  Huit  de  ces  cordes,  placées  en  dehors 
du  manche,  ne  se  touchaient  qu'à  vide. 

Comçne  la  lyre  antique,  le  luth,  en  cessant  de  ser- 
vir aux  musiciens,  a  laissé  son  nom  aux  poètes,  qui 
le  font  figurer  souvent  dans  leurs  stances,  et  môme 
dans  l'épopée. 

Luthier.  Artiste  qui  fait  des  violons,  des  violes,  des 
violoncelles,  des  contre-basses,  des  guitares.  Ce  nom, 
qui  signifie  facteur  de  luths,  est  resté  par  synecdoche 
à  ces  sortes  d'artistes,  parce  qu'autrefois  le  luth  était 
l'instrument  le  plus  commun  et  le  plus  répandu. 

Lutrin.  Pupitre  du  chœur  sur  lequel  on  met  les  li- 
vres de  chant  dans  les  églises.  Ce  mot  vient  de  Lee- 
trumf  dont  on  a  fait  lectrinwr,  de  là  lettrin,  et  puis  lu- 
trin par  corruption  : 

Sur  ce  rang  d'ais  serrés  qui  forment  sa  clôture, 
Fut  jadis  un  lutrin  d'inégale  structure, 
t.  h.  .  2* 


46  LYR 

Dont  les  flancs  élargis  de  leur  vaste  contour 
Ombrageaient  pleinement  tous  les  lieux  d'alentour. 
Derrière  ce  lutrin,  ainsi  qu'au  fond  d'un  antre, 
A  peine  sur  son  banc  on  discernait  le  chantre, 
Tandis  qu'à  l'autre  bout,  le  prélat  radieux, 
Découvert  au  grand  jour,  attirait  tous  les  yeux. 

Boileau.  —  Le  Lutrin. 

Luttes  musicales.  Les  anciens  peuples  professèrent 
une  grande  estime  pour  la  musique.  Les  Grecs,  par- 
ticulièrement, la  regardaient  comme  un  des  moyens 
nécessaires  pour  former  l'éducation,  et  adoptaient, 
avec  empressement,  tout  ce  qui  pouvait  contribuer  à 
ses  progrès;  ils  croyaient  que  les  concours  de  musi- 
que, qui  avaient  lieu  devant  des  assemblées  nom- 
breuses, étaient  un  des  moyens  les  plus  favorables  pour 
arriver  à  ces  résultats.  On  célébrait  donc,  à  certaines 
époques,  des  fêtes  populaires ,  où  l'on  délivrait  des 
prix  aux  concurrents  en  musique.  Les  jeux  olympi- 
ques, pythiques,  néméens  et  isthmiques  étaient  les  prin- 
cipales de  ces  fêtes.  (Voir  ces  mots.) 

Les  juges  appelés  à  porter  un  jugement  sur  le  mé- 
rite des  chanteurs  qui  se  distinguaient  dans  le  con- 
cours, leur  décernaient  pour  prix  une  couronne  de 
laurier  ou  de  feuilles  de  chêne,  et  toute  la  Grèce  les 
comblait  d'honneurs  et  de  gloire.  On  érigea  même  à 
quelques-uns  des  monuments  aux  frais  de  l'État.  Plus 
tard,  on  introduisit  aussi  dans  ces  fêtes  des  concours 
pour  la  musique  instrumentale. 

Plusieurs  fêtes  solennelles,  fondées  par  les  anciens 
Romains,  étaient  également  célébrées  par  des  luttes 
musicales.  Néron,  surtout,  constitua  à  Rome  des  con- 
cours de  musique  qui  jetèrent  un  grand  éclat. 

Lyre.  Instrument  de  musique,  de  forme  triangu- 
laire, dont  la  mythologie  attribua  l'invention  à  Mer- 
cure. Quelques  auteurs  ont  accordé  tour  à  tour  l'hon- 
neur de  sa  découverte  à  Orphée ,  à  Amphion,  à 


LYI\  47 

Apollon ,  à  Polymnice.  D'autres  ont  dit  que  c'était 
une  écaille  de  tortue,  qu'Hercule  vida,  perça,  et  monta 
de  cordes  de  boyaux,  au  son  desquels  il  accordait  sa 
voix. 

La  lyre  a  beaucoup  varié  par  le  nombre  de  ses 
cordes  ;  celle  d'Olympe  et  de  Therpandre  n'en  avait 
que  trois.  L'addition  d'une  quatrième  rendit  le  tétra- 
corde  complet.  Pollux  attribue  aux  Scythes  l'inven- 
tion du  pentacorde.  L'heptacorde  fut  la  lyre  le  plus 
en  usage  et  la  plus  célèbre.  Simonide  ajouta  une  hui- 
tième corde,  pour  produire  l'octave;  et,  plus  tard, 
Timothée  de  Milet,  contemporain  de  Philippe  et  d'A- 
lexandre, multiplia  les  cordes  jusqu'à  douze.  On  les 
touchait  de  trois  manières,  ou  en  les  pinçant  avec  les 
doigts,  ou  en  les  frappant  avec  le  plectmm,  espèce  de 
baguette  d'ivoire  ou  de  bois  poli,  ou  en  pinçant  les 
cordes  de  la  main  gauche,  tandis  qu'on  les  frappait 
de  la  droite  armée  du  plectrum.  Les  anciens  monu- 
ments représentent  des  lyres  de  différentes  formes, 
montées  depuis  trois  cordes  jusqu'à  vingt.  Cetle  der- 
nière ne  servait ,  dit-on,  que  pour  célébrer  les  dieux 
et  les  héros. 

On  a  essayé  de  faire  revivre  cet  instrument,  en  lui 
donnant  le  manche  de  la  guitare  à  six  cordes.  Sa  for- 
me élégante  et  pittoresque  avait  d'abord  tenté  nos 
belles  musiciennes;  mais  on  est  revenu  à  la  guitare, 
qui  est  plus  commode  à  tenir,  et  dont  l'harmonie  est 
plus  pleine  et  plus  agréable. 

La  lyre  et  le  luth  retentiront  encore  longtemps  dans 
œuvres  des  poètes,  quoique  les  progrès  de  l'art  mu- 
sical les  aient  condamnés  à  un  éternel  silence.  Le 
violon  a  fait  disparaître  tous  ces  instruments  impar- 
faits, qui  n'étaient,  en  quelque  sorte ,  que  les  essais 
des  facteurs  et  des  musiciens,  les  uns  préludant  à 
l'art  de  la  lutherie,  et  les  autres  à  celui  de  charmer 
l'oreille. 


4*  LYR 

Lyre  allemande.  Cet  instrument,  dont  on  ne  se 
sert  plus,  consiste  en  une  caisse  de  forme  oblongue, 
ressemblant  à  la  partie  inférieure  d'une  viole  d'amour. 
Aux  parois  latérales  de  cette  lyre,  il  y  a  dix  à  douze 
touches  qui  servent  à  raccourcir  les  quatre  cordes  at- 
tachées dans  l'intérieur  de  l'instrument,  et  forment 
une  étendue  de  sons  diatoniques  qui  égalent  le  nom- 
bre des  touches.  On  fait  résonner  les  cordes  au  moyen 
d'une  roue  frottée  de  colophane,  que  la  main  droite 
fait  tourner  avec  un  levier,  tandis  que  les  doigts  de  la 
gauche  font  mouvoir  les  touches. 

Lyre  a  bras.  Instrument  à  archet,  de  la  dimension 
de  l'ancienne  viole  de  ténor  à  sept  cordes,  et  qui  au- 
jourd'hui n'est  plus  en  usage. 

Lyre  barberina.  Instrument  inventé  au  dix- 
septième  siècle ,  par  un  praticien  florentin ,  nommé 
Donis,  et  dont  on  ne  se  sert  plus  depuis  longtemps. 

Lyrique.  Cette  épithôte  se  donnait  autrefois  à  la 
poésie  faite  pour  être  chantée  et  accompagnée  par  le 
chanteur  de  la  lyre  ou  de  la  cithare,  comme  les  odes 
et  autres  chansons.  Sous  ce  rapport,  la  poésie  lyrique 
différait  essentiellement  de  la  poésie  dramatique  ou 
théâtrale,  qui  était  accompagnée  avec  des  flûtes  par 
d'autres  que  par  le  chanteur.  Aujourd'hui  l'épithète 
lyrique  s'applique  toujours  aux  odes,  dithyrambes, 
chansons,  couplets.  Mais  comme  nous  avons  des 
pièces  de  théâtre  qui  se  chantent,  on  appelle  drame 
lyrique  ou  opéra,  le  drame  expressément  composé 
pour  être  mis  en  musique. 

Lyro-guitare.  Instrument  inventé  à  Paris,  au  com- 
mencement de  ce  siècle,  et  qui  a  le  manche  de  la 
guitare  à  six  cordes.  Sa  forme  élégante  et  pittoresque 
avait  d'abord  fait  sa  fortune  ;  mais  ensuite  on  en  re- 
vint à  la  guitare,  plus  commode  à  tenir,  et  dont  l'har- 
monie est  plus  pleine  et  plus  agréable. 


MAD  49 


M 


Machicotage.  C'est  ainsi  qu'on  appelle,  dans  le 
plain-chant,  certaines  additions  et  compositions  de 
notes  qui  remplissent,  par  une  marche  diatonique, 
les  intervalles  de  tierces  et  autres.  Le  nom  de  celte 
manière  de  chant  vient  des  ecclésiastiques  appelés 
machicots ,  qui  l'exécutaient  autrefois  après  les  enfants 
de  chœur. 

Madrigal.  Sorte  de  pièce  de  musique  travaillée  et 
savante,  qui  était  fort  à  la  mode  en  Italie  au  seizième 
siècle.  Les  madrigaux  se  composaient  pour  les  voix, 
à  trois,  quatre,  cinq,  six  et  même  sept  parties,  toutes 
obligées,  à  cause  des  imitations  et  dessins  dont  ces 
pièces  étaient  remplies. 

Le  style  madrigalesque  tient  de  la  fugue,  sans 
lui  ressembler  entièrement.  La  différence  la  plus 
essentielle  consiste  en  ce  que,  même  dans  les  madri- 
gaux à  voix  seule,  qui  sont  les  plus  sévères  de  tous, 
on  prend  des  licences  que  la  fugue  proprement  dite 
ne  comporte  pas.  On  donne  au  chant  des  tournures 
légères  et  animées ,  et  l'on  suit  le  sentiment  et  l'ex- 
pression des  paroles,  ce  qui  ne  s'observe  pas  dans  la 
fugue. 

La  composition  des  madrigaux  remonte  à  la  plus 
haute  antiquité.  Les  maîtres  de  l'école  flamande  s'y 
sont  distingués;  mais  les  auteurs  qui  ont  atteint  la 
perfection  de  ce  genre  sont  :  Adrien  Willaërt,  Pales- 


50  MAI 

trina,  Luca  Marenzio,  Monteverde,  le  prince  de  Ve- 
nouse,  enfin  A.  Scarlatti. 

Lotti ,  B.  Marcello ,  Durante ,  Steffani  ont  excellé 
dans  le  madrigal  accompagné,  qui  comporte  plus  de 
liberté  que  l'autre,  à  cause  de  la  basse  continue  qu'on 
y  ajoutait,  mais  qui  exige,  à  raison  de  cela,  beaucoup 
plus  d'expression. 

Maestoso,  Majestueux.  Un  morceau  de  musique 
de  ce  caractère  demande  un  mouvement  plus  lent  et 
une  exécution  semblable  au  grave. 

Magad.  Instrument  grec  antique,  à  vingt  cordes. 
Athénée  prétend  qu'il  en  avait  vingt  et  une. 

Magasin  de  musique.  Boutique  où  l'on  vend  des  li- 
vres, des  compositions  manuscrites  et  imprimées, 
des  instruments  do  musique  et  tous  les  accessoires 
qui  y  ont  rapport,  tels  que  cordes,  papier  réglé,  etc. 

Magnificat.  Nom  d'un  morceau  de  chant,  dont  les 
paroles  ont  été  tirées  du  premier  chapitre  de  saint 
Luc  ,  et  qui ,  dans  la  traduction  latine,  commence 
ainsi  :  Magnificat  anima  mea  Dominum. 

Main  harmonique.  C'est  le  nom  que  donna  Guido  à 
la  gamme  qu'il  inventa,  pour  montrer  le  rapport  de 
ses  hexacordes,  de  ses  six  lettres  et  de  ses  six  syllabes 
avec  les  cinq  tétracordes  des  Grecs.  Il  représente  cette 
gamme  sous  la  figure  d'une  main  gauche,  sur  les 
doigts  de  laquelle  étaient  marqués  tous  les  sons  de  la 
gamme,  tant  par  lettres  correspondantes,  que  par  les 
syllabes  qu'il  y  avait  jointes,  en  passant,  par  la  règle 
des  nuances,  d'un  tétracorde  ou  d'un  doigt  à  l'autre, 
selon  le  lieu  ou  se  trouvaient  les  deux  demi-tons  de 
l'octave  par  le  bécarre  ou  par  le  bémol,  c'est-à-dire 
selon  que  les  tétracordes  étaient  conjoints  ou  dis- 
joints. 

Maître  de  musique.  Musicien  gagé  pour  composer 
de  la  musique  ou  la  faire  exécuter.  C'est  le  maître  de 
musique  qui  bat  la  mesure  et  dirige  les  musiciens.  II 


MAR  51 

doit  savoir  la  composition,  quoiqu'il  ne  compose  pas 
toujours  la  musique  qu'il  fait  exécuter. 

On  donne  encore  le  nom  de  maître  de  musique  au 
chef  de  la  musique  d'un  régiment.  Il  fait  partie  de 
l'état-major,  et  a  le  grade  de  sergent-major. 

Maîtrise.  Logement  réservé  au  maître  de  musique 
d'une  cathédrale,  et  dans  lequel  un  certain  nombre 
de  jeunes  gens  sont  entretenus  aux  frais  du  chapitre, 
pour  y  recevoir  une  bonne  éducation  musicale,  et  être 
employés  en  même  temps  au  service  religieux  comme 
enfants  de  chœur. 

Quand  on  songe  à  l'état  de  décadence  dans  lequel 
les  maîtrises  sont  progressivement  tombées  dans  notre 
pays,  on  n'est  plus  surpris  que  le  goût  et  l'intelligence 
de  l'art  musical  se  perdent  peu  à  peu  dans  nos  pro- 
vinces. Les  bienfaits  du  Conservatoire  ne  s'étendent 
pas  au-delà  de  l'enceinte  de  Paris  ;  tandis  que,  placées 
sur  tous  les  points  du  royaume,  les  maîtrises  offraient 
le  moyen  de  recueillir  et  de  cultiver  les  grands  talents 
et  les  belles  voix  dans  les  lieux  mêmes  où  la  nature 
se  plaisait  à  les  produire.  Depuis  leur  suppression 
presque  totale,  la  pépinière  des  bons  musiciens 
n'existe  plus;  l'art  dégénère  et  languit  dans  nos  dépar- 
tements. 

L'école  de  musique  religieuse  classique  fondée  en 
1853  par  M.  Niedermeyer,  quelque  utile  qu'elle  soit, 
ne  remplacera  pas  les  maîtrises  qui  s'étendaient  sur 
toute  la  surface  de  notre  pays  catholique. 

Marche  de  Basse.  (Voyez  le  mot  Progression.) 

Marche  des  parties  harmoniques.  En  général, 
lorsque  l'on  compose  à  trois  parties  ou  davantage, 
elles  ne  doivent  pas  monter  ni  descendre  toutes  à  la 
fois,  à  moins  qu'il  n'y  ait  unisson  ou  que  la  pensée  ne 
l'exige  ainsi.  Il  suffit  toutefois  que  l'une  d'elles  soit 
immobile  pendant  que  les  autres  montent  ou  descen- 
dent, 


52  MAJ 

Il  est  bien  que  le  dessus  et  la  basse  procèdent  par 
mouvements  contraires,  ou  du  moins  par  mouve- 
ments obliques. 

En  tous  cas,  les  parties  harmoniques  doivent  mar- 
cher d'une  manière  simple,  naturelle  et  sans  contor- 
sion. Il  est  ridicule  et  périlleux  à  la  fois  de  leur 
donner  des  intonations  difficiles  et  hasardées. 

Majeur.  Les  intervalles  susceptibles  de  variations 
sont  appelés  majeurs,  quands  ils  sont  aussi  grands 
qu'ils  doivent  l'être,  d'après  la  juste  appréciation  du 
système  général  des  intervalles. 

L'octave,  la  quinte  et  la  quarte  ne  varient  pas  sans 
devenir  dissonances.  Les  autres  intervalles  peuvent, 
sans  changer  de  nom  et  sans  cesser  d'être  justes,  varier 
de  quatre  manière  différentes,  auxquelles  on  donne  le 
le  nom  de  genres,  dont  deux  sont  selon  la  nature  du 
mode  où  on  les  pratique,  et  deux  sont  artificiels, 
attendu  qu'ils  participent  de  deux  modes  à  la  fois. 
Ces  quatre  genres  sont  :  diminué,  mineur,  majeur  et 
augmenté.  Les  deux  genres  naturels  sont  le  majeur  et 
le  mineur.  Le  diminué  et  l'augmenté  forment  les 
deux  genres  artificiels. 

Les  intervalles  variables  sont  au  nombre  de  quatre, 
savoir  :  la  seconde,  la  tierce,  la  sixte  et  la  septième. 

Un  intervalle  majeur  est  toujours  plus  grand  d'un 
demi-ton  que  le  mineur.  Un  intervalle  augmenté  est 
plus  grand  d'un  demi-ton  que  le  majeur  ;  plus  grand 
d'un  ton  que  le  mineur,  et  plus  grand  d'un  ton  et 
demi  que  le  diminué  ;  de  même  que  l'intervalle  dimi- 
nué est  moindre  d'un  demi-ton  que  le  mineur,  moin- 
dre d'un  ton  que  le  majeur,  et  moindre  d'un  ton  et 
demi  que  l'intervalle  augmenté. 

Majeur  se  dit  aussi  du  mode,  lorsque  la  tierce  de  la 
tonique  est  majeure,  et  alors  seulement  le  mot  mode 
ne  fait  que  se  sous-entendre. 

On  désigne  encore  par  le  mot  de  majeur  pris  subs- 


MAN  53 

tantivement,  la  partie  d'un  air,  d'un  duo,  d'une 
sonate,  d'une  symphonie  qui  se  trouve  traitée  en 
mode  majeur. 

Malgaches  (Musique  chez  les).  Les  Malgaches  ai- 
ment beaucoup  la  musiffue  et  la  danse.  Celle-ci,  grave 
chez  les  hommes,  parait  souvent  exprimer  quelque 
action  dramatique  ;  elle  est  mesurée,  et  les  pas,  rare- 
ment précipités,  sont  diversifiés  suivant  le  caractère 
de  l'air,  comme  les  contredanses  françaises. 

La  danse  des  femmes,  quelquefois  gaie  et  lascive, 
ne  consiste  d'ordinaire  qu'en  un  balancement  du 
corps,  avec  de  continuels  mouvements  des  bras  et 
des  mains  accompagnés  d'un  léger  trépignement  de 
pieds. 

Leur  musique  a  un  caractère  de  mélancolie  tenant 
peut-être  au  sujet  de  leurs  chansons  qui  roulent  tou- 
jours sur  l'amour.  Les  femmes  ont  la  voix  douce  et 
mélodieuse,  chantent  en  parties  et  font  des  accords 
suivis  que  l'on  n'entend  pas  sans  plaisir. 

Manche.  Pièce  de  bois  collée  à  l'extrémité  du  corps 
de  certains  instruments  à  cordes,  tels  que  le  violon,  le 
violoncelle,  la  guitare.  Le  manche  sert  à  tenir  l'ins- 
trument, porte  les  cordes  et  les  chevilles,  et  c'est  en 
posant  les  doigts  sur  ces  cordes  et  en  les  pressant  contre 
le  manche,  que  l'on  forme  les  différents  tons. 

Mandoline.  Instrument  de  musique  plus  petit  que 
le  luth  et  de  la  même  forme.  Il  s'accorde  comme  le 
violon,  avec  cette  différence,  que  ses  cordes  sont  de 
laiton  et  doubles.  On  en  joue  avec  un  petit  morceau 
d'écorce  de  cerisier  ou  un  bout  de  plume  taillé  comme 
un  cure-dent  plat.  Le  timbre  de  la  mandoline  est  d'une 
finesse  mordante  qui  la  rend  très-propre  à  accompa- 
gner les  chants  d'amour. 

Mandore.  Espèce  de  petit  luth.  Il  se  joue  comme 
cet  instrument,  mais  s  accorde  différemment.  La  mair 


5*  MAI 

dore  n'a  que  huit  groupes  de  cordes  à  boyau  ;  ce  qui 
fait  en  tout  seize  cordes. 

La  mandore  n'est  plus  en  usage  depuis  longtemps. 

Marche.  Morceau  de  musique,  composé  pour  être 
exécuté  par  un  grand  nombre  d'instruments,  pendant 
la  marche  d'une  troupe  militaire  ou  d'un  cortège 
nombreux,  et  servant  à  régler  le  pas  de  ceux  qui  le 
composent. 

La  marche  est  plus  particulièrement  du  domaine 
de  la  musique  militaire  que  de  l'orchestre  complet. 
Cependant  on  introduit  souvent  des  marches  dans  les 
compositions  dramatiques. 

Brillante  et  légère  dans  le  style  martial,  majestueuse 
et  solennelle  dans  le  style  religieux,  triste  et  gémis- 
sante pour  les  pompes  funèbres,  la  marche  prend  di- 
vers caractères,  selon  que  sa  destination  change. 

La  mesure  de  la  marche  est  ordinairement  à  deux 
temps,  et  son  mouvement  est  allegro  maesloso.  Quel- 
ques marches  religieuses  d'un  mouvement  très-lent 
sont  à  trois  temps. 

Dans  le  style  militaire  on  distingue  deux  sortes  de 
marches,  savoir  :  la  marche  dont  la  mesure  et  le  temps 
marquent  le  pas  ordinaire,  et  la  marche  double^  dont 
la  mesure  et  les  temps  sont  doublés  ;  son  mouvement 
est  du  double  plus  rapide  que  celui  de  la  marche. 

Une  belle  marche,  exécutée  par  d'excellents  musi- 
ciens, annonce  d'une  manière  brillante  la  troupe 
qui  va  défder  sous  les  armes.  Ces  accents  belliqueux, 
cette  harmonie  éclatante  s'unissent  admirablement 
aux  idées  qu'inspire  l'appareil  militaire.  On  croit 
assister  aux  anciens  tournois.  L'imagination  nous 
transporte  aux  fêtes  triomphales  de  la  Grèce  et  de 
Rome. 

Mais  laissons  la  musique  guerrière  pour  nous  oc- 
cuper de  la  scène  dramatique,  où  la  marche  paraît 
avec  les  plus  grands  avantages.  Elle  y  prend  une 


MAR  55 

couleur  différente,  selon  le  temps  et  le  lieu  où  se 
passe  l'action  scénique.  Au  théâtre,  la  marche  se 
réunit  souvent  au  chœur,  et  beaucoup  de  chœurs 
dramatiques,  tels  que  ceux  de  la  Vestale  :  De  lauriers 
couvrons  les  chemins  ;  Périsse  la  vestale  impie  !  sont 
dessinés  en  marches.  Une  des  plus  belles  marches 
qu'il  y  ait  au  théâtre  est  la  marche  funèbre  du  troi- 
sième acte  de  Dom  Sébastien,  opéra  de  Donizetti.  Il  y 
a  aussi  une  fort  belle  marche  par  les  instruments  de 
Sax  dans  la  Reine  de  Chypre  d'Halévy.  On  appelle 
aussi  marche  un  mouvement  symétrique  et  régulier 
des  diverses  parties  de  l'harmonie. 

Marcher.  Ce  terme  s'emploie  figurément  en  musi- 
que, et  se  dit  de  la  succession  des  sons  ou  des  accords 
qui  se  suivent  dans  un  certain  ordre. 

Marcheuses.  Ce  sont,  dans  les  ballets,  les  femmes 
qu'on  appelait  autrefois  comparses  et  qui  ne  figurent 
sur  la  scène  que  pour  marcher.  Elles  ne  font  autre 
chose  que  parader  avec  des  costumes  de  pages  ou 
d'icoglans. 

Martaban.  (Musique  du).  Les  habitants  du  Marta- 
ban,  province  de  l'empire  Birman,  paraissent  aimer 
beaucoup  notre  musique,  dont  la  leur  se  rapproche 
plus  que  celle  d'aucun  autre  peuple  de  l'Inde.  Les 
instruments  dont  ils  se  servent  méritent  d'être  ob- 
servés. Ils  ont  un  luth  avec  deux  cordes  de  laiton, 
qu'ils  jouent  tantôt  avec  un  archet,  tantôt  avec  les 
doigts.  Ils  possèdent  encore  un  instrument  qu'on  peut 
appeler  chat,  parce  qu'il  représente  ce  quadrupède 
avec  les  jambes  ployées  sous  lui  et  la  queue  ramenée 
en  demi-cercle  au-dessus  de  son  dos.  C'est  sur  cette 
queue  que  les  cordes  sont  attachées.  Ils  ont  aussi  des 
espèces  de  flûtes,  des  flageolets,  des  tam-lams  et  des 
cloches  qu'ils  appellent  gongs. 

Marteau.  Instrument  qui  a  le  manche  percé  com- 
me une  clef,  avec  lequel  on  tend  ou  on  lâche  les  cor- 


56  MAI 

des  des  instruments  à  chevilles,  pour  les  accorder. 
C'est  aussi  le  nom  de  certaines  pièces  de  la  mécanique 
du  piano  qui  attaquent  les  cordes. 

Masques.  Par  ce  nom  on  entendait,  chez  les  an- 
ciens Grecs  et  Romains,  certaines  figures  postiches 
qui  représentaient,  dans  les  théâtres,  les  traits  des 
personnages  figurant  dans  l'action  dramatique.  Ces 
masques  étaient  en  métal,  et  l'on  s'en  servait  pour 
donner  plus  d'éclat  et  plus  de  force  à  la  voix. 

Masses.  Masses,  dans  la  musique  vocale  et  instru- 
mentale ,  se  dit  de  plusieurs  parties  considérées 
comme  ne  formant  qu'un  seul  tout.  Les  arpèges  des 
violons  et  des  violes,  liés  par  les  tenues  des  instru- 
ments à  vent,  forment  de  belles  masses  harmoni- 
ques. Un  solo  de  hautbois  plane  et  se  dessine  avec 
grâce  sur  les  masses  de  l'orchestre. 

Matra.ca.  Enorme  crécelle,  en  usage  en  Espagne, 
et  surtout  au  Mexique,  pendant  la  semaine-sainte. 
Elle  remplace  les  cloches.  C'est  une  roue  de  plusieurs 
palmes  de  diamètre,  dont  la  circonférence  est  armée 
de  marteaux  de  bois  mobile,  de  sorte  qu'en  tournant 
la  roue,  ces  petits  marteaux  frappent  quelques  petits 
morceaux  de  bois  plantés  comme  des  dents  dans  la 
circonférence  de  la  roue. 

Maxime.  Nom  de  tout  intervalle  plus  grand  que  le 
majeur,  pour  ceux  qui  n'admettent  pas  le  degré  de 
augmenté,  et  plus  grand  d'un  demi-ton  que  l'aug- 
menté, pour  ceux  qui  admettent  ce  degré  de  plus. 

Maxime.  C'est  une  note  faite  en  carré  long  horizon- 
tal avec  une  queue  au  côté  droit,  laquelle  valait  huit 
mesures  à  deux  temps,  c'est-à-dire  deux  longues,  et 
quelquefois  trois,  selon  le  mode.  —  Cette  sorte  de 
note  n'est  plus  en  usage,  depuis  qu'on  sépare  les  me- 
sures par  des  barres,  et  qu'on  marque  avec  des  liai- 
sons les  tenues  ou  continuités  des  sons. 

Mazurka.  La  mazurka  possède  un  rhylhme  par- 


MEL  57 

ticulier  qui  consiste  à  marquer  souvent  le  deuxième 
temps  de  la  mesure;  la  période  se  termine  sur  le 
deuxième  temps.  Elle  est  plus  lente  que  la  valse. 

Mèdes.  (Voyez  le  mot  Assyriens.) 

Médiànte.  C'est  la  corde  ou  la  note  qui  partage  en 
deux  tierces  l'intervalle  de  quinte  qui  se  trouve  entre 
la  tonique  et  la  dominante.  L'une  de  ces  tierces  est 
majeure,  l'autre  mineure,  et  c'est  leur  position  rela- 
tive qui  détermine  le  mode.  Pour  simplifier  cette  dé- 
finition, nous  dirons  que  la  médiànte  est  la  troisième 
note  d'une  gamme. 

Médiation.  Partage  de  chaque  verset  d'un  psaume 
en  deux  parties,  l'une  psalmodiée  ou  chantée  par  un 
côté  du  chœur,  et  l'autre  par  le  côté  opposé. 

Médium.  Milieu  de  la  voix,  également  distant  de  ses 
deux  extrémités  au  grave  et  à  l'aigu.  Le  haut  de  la 
voix  est  plus  éclatant,  mais  il  est  quelquefois  forcé. 
Le  bas  est  grave  et  majestueux,  mais  il  est  plus  sourd. 
Un  beau  médium  donne  les  sons  les  mieux  nourris, 
les  plus  mélodieux. 

Mélodie.  La  mélodie  est  la  succession  de  plusieurs 
sons  différents  qui,  dans  leurs  rapports  de  tonalité, 
concourent  à  former  un  ensemble  agréable  et  flat- 
teur pour  l'oreille,  ravissant  pour  le  cœur  et  l'ima- 
gination. 

D'où  vient-elle,  cette  reine  de  l'art  lyrique,  avec 
son  cortège  d'émotions,  son  sourire  fleuri,  ses  arabes- 
ques de  tous  les  temps  que  l'œil  embrasse  et  admire? 
à  quelle  source  de  poésie  l'enchanteresse  a-t-eîle 
puisé  ses  charmes?  La  mélodie  est  fille  du  mystère; 
c'est  une  brise  échappée  à  un  monde  inconnu  ;  elle 
porte  avec  elle  la  fraîcheur  de  l'aurore,  le  feu  du  so- 
leil et  la  sérénité  de  la  nuit.  Tous  les  arts  ont  leur 
poésie,  mais  aussi  tous  les  arts  ont  leur  langage  et 
leur  modèle  :  langage  matériel,  modèles  vivants  ou 
morts;  la  parole  d'un  côté,  la  nature  de  l'autre.  Pé- 


58  MÉL 

trarque,  l'Arioste,  le  Tasse,  Chiabrera,  Goethe,  Byron, 
Chateaubriand,  Hugo  et  Lamartine,  tous  enfants  de 
de  la  renommée,  ont  fleuri  leurs  vers  des  plus  belles 
images,  ont  revêtu  la  pensée  humaine  des  plus  riehes 
vêtements;  mais  au  service  de  leurs  inspirations,  ils 
avaient  ou  ils  ont  encore  des  mots,  un  langage,  un 
vocabulaire  tout  entier;  Michel-Ange,  Léonard  de 
Vinci,  Raphaël,  le  Corrége,  Rubens,  Léopold  Robert, 
Ingres,  Yernet,  tous  illustres  parmi  les  plus  illustres, 
vous  n'avez  fait  que  copier  la  nature,  et  votre  gloire 
est  d'avoir  été  aussi  vrais  que  la  nature  elle-même; 
vous  aviez  des  couleurs,  vous  aviez  des  pinceaux  !  En- 
core une  fois,  la  mélodie  n'a  ni  vocabulaire,  ni  pin- 
ceaux, ni  modèles;  elle  est  tendre  et  amoureuse, 
comme  le  poëte  le  plus  tendre  et  le  plus  amoureux  ; 
elle  est  rêveuse,  emportée,  déchirante  comme  les  son- 
ges qui  bercent  la  tête,  ou  les  tempêtes  qui  agitent  le 
cœur;  elle  a  des  larmes  pour  la  douleur,  des  sourires 
pour  l'amour;  elle  est  légère,  coquette,  douce,  capri- 
cieuse, folâtre,  insouciante,  enthousiaste,  ardente; 
elle  est  dans  le  passé;  elle  est  dans  le  présent;  elle 
vivra  aussi  longtemps  que  vivront  les  étoiles,  aussi 
longtemps  que  les  roses  garderont  leurs  couleurs,  les 
arbres  leur  verdure,  le  printemps  son  soleil.  Elle  re- 
viendra d'où  elle  est  venue,  et  ceux  qui  assisteront  à 
sa  fin,  seuls  connaîtront  son  origine. 

La  mélodie  se  divise  en  trois  catégories  ;  la  mélodie 
fugitive,  la  mélodie  religieuse  et  la  mélodie  dramati- 
que, c'est-à-dire  appliquée  au  drame  lyrique.  Il  y  a  la 
mélodie  légère,  la  mélodie  gracieuse,  la  mélodie  pas- 
sionnée, et,  au  milieu  de  tout  cela,  nous  avons  la  mé- 
lodie banale  qui  veut  tout  exprimer,  qui  n'exprime 
rien  et  qui  revient  de  droit  aux  musiciens  sans  valeur 
poétique.  Des  mélodies  fugitives,  Schubert  en  est  un 
modèle  merveilleux.  Lisez,  relisez  ces  petits  poèmes 
où  l'âme  pure  et  calme  a  répandu  son  parfum;  là, 


MÉL  50 

point  de  futilités,  point  de  notes  à  contresens,  point 
d'exagération,  toujours  la  vérité;  là,  c'est  le  cœur  qui 
chante,  c'est  du  cœur  que  part  l'inspiration.  Schu- 
bert se  fait  un  petit  cadre  et  il  le  remplit  toujours  des 
plus  délicieuses  peintures;  ne  lui  demandez  pas  des 
développements,  de  la  grandeur,  de  l'espace  :  son 
haleine  est  courte  et  ne  peut  pas  affronter  un  long 
voyage;  laissez-lui  sa  douce  rêverie,  son  amour  mé- 
lancolique. Il  vous  dira  le  songe  d'un  enfant,  la 
prière  d'une  chaste  fille,  la  promenade  à  deux,  sous 
le  ciel  étoile,  la  douleur  d'une  mère,  et  nul  mieux 
que  lui  ne  rendra  tous  les  sentiments  de  l'enfant 
joyeux,  de  la  jeune  fille  regardant  le  ciel,  des  amou- 
reux isolés,  de  la  mère  en  pleurs.  Schubert  ne  dé- 
passe jamais  le  but,  et  il  l'atteint  toujours;  ses  ta- 
bleaux sont  des  miniatures,  mais  des  miniatures  qui, 
quelquefois  par  leurs  beautés,  s'élèvent  aux  propor- 
tions des  grands  tableaux  ;  celui-là  possède  la  vraie 
mélodie,  que  ne  donnent  ni  la  science,  ni  l'étude, 
et  qui  ne  reçoit  ses  règles  que  du  génie  et  du  goût. 

A  l'Italie  la  mélodie  religieuse  et  la  mélodie  dra- 
matique. La  mélodie  religieuse  vous  la  trouvez  dans 
les  vieilles  basiliques,  au  milieu  de  la  foi  des  croyants, 
s'élevant  comme  une  glorification  céleste  au-dessus 
de  la  tête  du  Christ.  Dans  la  mélodie  religieuse,  point 
de  luxe,  point  de  formés  sensualistes,  point  de  co- 
quetterie, point  de  fantaisie.  La  mélodie  religieuse 
respire  le  recueillement,  la  méditation,  un  amour 
sacré,  celui  de  Dieu,  une  aspiration  brûlante  vers 
l'infini  :  allez  dans  la  ville  éternelle;  écoutez  le  Mise- 
rere d'Allegri,  les  psaumes  de  Marcello,  les  prières  ' 
sublimes  de  Pergolèse,  les  cantiques,  les  louanges, 
les  hymnes  au  Seigneur  de  Palestrina,  les  chants  ins- 
pirés de  Mozart  et  de  Cherubini;  les  caprices  du 
monde  sceptique  n'ont  pas  souillé  de  leurs  aîles  va- 
gabondes le  génie  de  ces  compositeurs  dévoués  à  la 


60  MÉL 

musique  la  plus  imposante,  la  plus  grandiose,  la 
plus  noble,  la  musique  qui  puise  son  inspiration  dans 
la  croyance  du  bonheur  éternel,  dans  le  respect  et 
l'amour  de  la  divinité.  Là  est  la  foi  chrétienne,  là  est 
la  vérité. 

La  mélodie  dramatique  est  un  mélange  de  toutes 
les  passions  terrestres;  ses  effets  sont  plus  variés,  ses 
formes  plus  saisissables,  et  plus  accessibles  à  l'intel- 
ligence humaine.  La  mélodie  dramatique,  soumise 
dès  sa  naissance  à  une  marche  progressive,  a  com- 
mencé pour  ainsi  dire  à  Scarlatti,  car  jusque  là  la 
musique  dramatique  n'existait  pas  ou  à  peu  près.  Le 
compositeur,  mettant  de  côté  la  routine  et  se  frayant 
une  route  nouvelle  à  travers  l'ignorance,  fonda  pour 
ainsi  dire  en  Italie  une  école  nouvelle;  tour  à  tour 
vinrent  rayonner  Antonio  Cavalli,  Slradella,  le  comte 
Angelo,  Antonio  Lotti,  GiacomoPeri,  Corsi,  Porpora, 
Dominico  Sarri,  Leonardo  di  Vinci,  Pcrgolèse,  Egilio 
Duli,  Fiorillo,  Piccinni,  Sacchini,  Paisiello,  Cimarosa, 
Fioravanti,  Spontini,  Gara  fa,  Rossini,  Bellini,  Do- 
nizetti  et  Verdi.  Nous  en  passons  certainement  ;  mais 
il  y  a  eu  une  abondance  telle  de  compositeurs  à  Na- 
ples,  à  Florence,  à  Venise  et  dans  presque  toutes  les 
villes  italiennes,  que  c'est  la  plus  curieuse  histoire 
de  l'art  contemporain. 

C'est  dans  la  musique  de  théâtre  que  le  génie  peut 
ouvrir  ses  ailes.  Exprimer  des  sensations,  des  senti- 
ments, des  passions  ;  charmer  par  la  suavité,  émou- 
voir par  l'expression,  voilà  en  deux  mots  le  drame 
lyrique.  On  peut  avoir  le  génie  de  la  composition 
sans  être  un  musicien  dramatique.  Que  de  ressources 
a  le  compositeur  pour  déployer  son  génie,  quand  il  a 
du  génie  !  Le  mouvement,  le  geste,  l'action  doublent 
l'effet  de  la  musique.  Il  a  fallu  deux  siècles  pour  éle- 
ver l'art  lyrique  au  point  où  il  est  arrivé  de  nos  jours  ; 
certes,  aucun  art  n'a  subi  plus  de  transformations 


MÉL  61 

que  l'art  musical  appliqué  au  théâtre  ;  le  progrès  s'est 
opéré  peu  à  peu,  lentement;  chaque  compositeur  a 
eu  son  genre.  Qu'elle  est  belle,  simple,  intéressante, 
toute  cette  école  italienne,  inspirée  par  une  mélodie 
élégante,  vive,  caressante  et  toujours  pleine  de  séduc- 
tions. Elle  a  toujours  marché  vers  le  progrès  :  Bellini, 
Donizetti,  Rossini,  Rossini  surtout,  l'ont  élevée  à  un 
degré  de  splendeur  inouï  ;  et  lorsqu'on  croyait  que  le 
feu  s'était  éteint  dans  cette  braisière  musicale,  Verdi 
apparaît;  Verdi,  l'homme  de  la  scène,  l'homme  qui 
donne  la  vie  aux  personnages,  qui  anime  les  situa- 
tions; Verdi  qui  fait  de  la  mélodie  l'application  la 
plus  noble,  et  dont  le  génie  s'applique  surtout  à  ex- 
primer la  vérité  du  drame  :  c'est  toute  une  transfor- 
mation. 

L'harmonie  et  le  rhythme  constituent  la  partie 
scientifique  de  l'art  musical;  la  mélodie  en  est  la 
partie  animée,  vivante  et  poétique.  L'harmonie  et  le 
rhythme  ont  été  soumis  à  des  calculs  positifs,  à  des 
principes  fixes,  à  des  règles  immuables.  La  mélodie 
ne  peut  recevoir  de  règles  que  du  génie  et  du  goût.  Ici 
le  caprice,  la  fantaisie,  la  spontanéité  de  l'inspiration 
jouent  un  rôle  immense.  Ici  se  déploie  toute  l'origi- 
nalité du  compositeur. 

La  mélodie  est  à  la  musique  ce  que  l'expression  et 
le  coloris  sont  à  la  peinture  ;  elle  l'anime  et  la  vivifie, 
la  pare  et  l'embellit.  Elle  assure  son  empire  sur  les 
sens  et  sur  l'imagination.  Elle  communique,  en  un 
mot,  aux  productions  de  fart  cette  étincelle  de  vie, 
cette  flamme  divine,  ce  don  d'immortalité,  qui  leur 
font  traverser  les  générations  et  les  siècles,  sans  qu'elles 
perdent  rien  de  leur  jeunesse,  de  leur  fraîcheur  et  de 
leur  éclat. 

Pour  qu'un  tableau  excite  un  grand  intérêt  ou  une 
vive  admiration,  il  ne  suffît  pas  qu'il  soit  remarqua- 
ble par  la  pureté  des  lignes,  la  perfection  du  dessin 

2** 


# 


<>2  MÉL 

et  une  disposition  savante  des  effets,  de  l'ombre  et  de 
la  lumière,  il  faut,  de  plus,  qu'il  se  distingue  par 
l'expression  des  physionomies,  par  le  sentiment  de 
l'idéal  ou  des  beautés  de  la  nature,  et  qu'on  voie  cir- 
culer partout  le  mouvement  et  la  vie. 

Ce  que  nous  disons  des  arts  du  dessin  s'applique 
parfaitement  à  la  musique  ;  de  même  qu'on  reconnaît 
aux  qualités  que  nous  venons  d'énumérer  les  pein- 
tres éminents,  de  même  on  reconnaît  à  l'abondance, 
à  la  richesse,  à  l'originalité  des  mélodies,  les  musi- 
ciens vraiment  supérieurs. 

Malgré  l'insuffisance  des  documents  qui  nous  sont 
parvenus  sur  la  musique  des  anciens,  on  ne  saurait 
douter  qu'ils  n'aient  connu  la  puissance  delà  mélolie. 
A  cet  égard,  la  fable,  malgré  ses  exagérations  et  ses 
mensonges  ingénieux,  peut  servir  de  supplément  à 
l'histoire.  Qu'est-ce  qu'Orphée  adoucissant  les  mons- 
tres et  attirant  les  forêts  par  ses  accents  divins,  si  ce 
n'est  une  personnification  de  cette  douce  mélodie  qui 
avait  tant  de  charme  pour  les  Grecs?  Et  les  sirènes, 
ces  séduisantes  femmes  qui,  au  milieu  des  mers,  fas- 
cinaient les  voyageurs  par  la  magie  de  leurs  chants, 
et  les  attiraient  sur  les  écueils  les  plus  dangereux  de 
l'Afrique,  ne  rappellent-elles  pas  le  souvenir  des 
femmes  d'Athènes,  de  ces  courtisanes  enchanteresses 
qui,  par  leurs  voluptueuses  chansons,  amollissaient 
les  cœurs,  troublaient  la  raison  des  sages  et  des  phi- 
losophes, et  charmèrent  souvent  les  loisirs  de  So- 
crate  et  de  Périclôs?  Oui,  on  trouve  dans  les  mythes 
et  les  fictions  de  l'antiquité  le  plus  éclatant  hommage 
qui  ait  été  rendu  «à  la  mélodie. 

Après  avoir  brillé  d'un  vif  éclat  chez  les  anciens, 
elle  disparut  tout  à  coup  dans  les  premiers  siècles  du 
christianisme.  Les  essaims  de  Barbares  qui  se  préci- 
pitèrent alors  sur  l'Europe  en  bannirent  la  douce 
mélodie.  Et  qui  donc  aurait  entendu  sa  voix  au  mi- 


MÉL  63 

lieu  de  ces  hommes  de  1er,  dans  ce  choc  d'ar- 
mures?... 

Quand  la  paix  eut  succédé  au  bruit  des  armes,  la 
mélodie  renaissante  ne  trouva  d'abord  d'asile  que 
dans  les  temples  chrétiens.  Mais  austère  comme  la 
religion  nouvelle,  dédaignant  tout  ce  qui  peut  émou- 
voir l'imagination  et  les  sens,  elle  s'exhala  en  froides 
psalmodies,  en  plain-chant  monotone;  elle  n'eut 
rien  en  un  mot  de  cette  coquetterie,  de  cette  grâce, 
de  ce  charme  entraînant  qu'elle  avait  possédé  chez 
les  Grecs.  Pendant  la  longue  période  du  moyen-âge, 
les  chants  tour  à  tour  naïfs,  passionnés,  mélancoli- 
ques des  ménestrels,  des  troubadours,  des  bardes, 
des  minnesingers,  offrent  seuls  quelques  réminiscen- 
ces de  l'antique  mélodie. 

Tandis  que  l'art  végétait  en  Europe  dans  un  état 
d'immobilité  et  de  langueur,  l'Italie  s'ouvrit  la  pre- 
mière une  route  nouvelle  sur  les  ailes  de  la  mélodie  ; 
un  essaim  de  compositeurs  éminents  s'élança  tout  à 
coup  dans  des  sphères  inconnues  ;  et,  pendant  trois 
siècles,  le  génie  italien  prit  un  essor  qu'aucun  peuple 
n'a  atteint  depuis,  si  on  en  excepte  l'Allemagne. 

La  mélodie  est  restée  longtemps  chez  nous  dans  un 
état  de  faiblesse  et  d'infériorité  qui  a  fait  dire  à  quel- 
ques étrangers,  prévenus  ou  irréfléchis,  que  nous 
étions  le  peuple  le  plus  anti-musical  de  l'Europe  : 
malgré  les  efforts  de  Lulli,  notre  grand  Opéra  n'était 
encore ,  au  dix-septième  siècle ,  qu'une  machine 
lourde  et  compliquée;  et  au  dix-huitième,  toute  la 
science  de  Rameau  ne  put  donner  un  peu  d'anima- 
tion et  de  vie  à  l'Académie  royale  de  musique.  C'est 
qu'il  manquait  à  ce  grand  harmoniste  ce  qui  séduit, 
ce  qui  charme  dans  toute  composition  musicale,  une 
abondante  et  riche  mélodie. 

Sous  ce  rapport,  Gluck  et  Piccinni,  et  de  nos  jours 
Rossini,  ont  tracé  au  génie  national  une  route  nou- 


64  MÉL 

velle,  et  plusieurs  compositeurs  français  sont  entrés 
avec  succès  dans  cette  voie.  Méhul,  Grétry,  Hérold, 
Monsigny,  Dalayrac,  Boiëldieu,  Auber,  Halévy,  Ad. 
Adam,  A.  Thomas,  Reber,  Clapisson,  Grisar,  ont 
produit  des  œuvres  qui  unissent  aux  séductions  de  la 
mélodie  les  calculs  de  la  science,  et  auxquelles  cette 
heureuse  réunion  assure  une  longue  popularité. 
C'est  grâce  à  cette  alliance  de  l'harmonie  et  de  la 
mélodie,  que  quelques-unes  des  compositions  de 
Grétry  ont  résisté  depuis  un  demi-siècle  à  toutes  les 
variations  du  goût,  à  tous  les  caprices  de  la  mode, 
et  qu'elles  sont  toujours  admirées  comme  à  l'époque 
de  leur  apparition. 

Mélodiste.  On  désigne  ainsi  le  compositeur  dont 
les  œuvres  se  distinguent  par  des  mélodies  heureu- 
ses. Mais  le  musicien  qui  est  tout  simplement  mélo- 
diste ne  possède  qu'une  des  parties  essentielles  de 
l'art,  et  ses  œuvres  n'obtiendront  jamais  un  véritable 
succès,  s'il  ne  joint  l'harmonie  à  la  mélodie,  la  science 
des  accords  à  l'inspiration. 

Mélodium  (orgues).  C'est  dans  l'acception  la  plus 
large  et  la  plus  vraie  du  mot,  l'instrument  de  la  mé- 
lodie. Moduler  les  sons  divers,  leur  donner  avec  grâce 
toutes  les  inflexions  de  l'âme  et  de  la  voix,  surpren- 
dre l'imagination  par  des  accords  vibrants  dont  le  jeu 
imite,  par  une  création  admirable,  les  instruments 
les  plus  mélodieux,  tel  est  le  but  que  s'est  proposé 
l'ingénieux  inventeur  de  cet  instrument,  M.  Alexan- 
dre, en  offrant  au  monde  musical  cette  œuvre  de 
savant  mécanisme  et  d'ingénieuse  nouveauté.  L'orgue 
mélodium,  dont  l'extérieur  frappe  la  vue  au  premier 
coup-d'œil  par  sa  ressemblance  avec  l'orgue  harmo- 
nium, diffère  essentiellement  de  celui-ci  par  son  mé- 
canisme intérieur  et  sa  sonorité  plus  grave,  plus  vi- 
brante et  plus  mélodieuse.  Plus  doux,  plus  louchants, 
les  accords  de  l'orgue  mélodium,  par  leurs  effets  am- 


MEL  65 

pies  et  variés  d'harmonie,  parlent  mieux  à  l'âme  en 
la  transportant.  Quelques  jours  d'étude  suffisent  pour 
apprendre  à  jouer  de  cet  instrument,  dont  le  clavier 
est  semblable  à  celui  du  piano ,  il  est  composé  de 
cinq  octaves;  mais,  en  employant  les  registres  (pis- 
tons) qui  transposent  en  se  correspondant,  on  obtient 
une  étendue  de  sept  octaves  chromatiques.  Cet  orgue 
a  ordinairement  quatre  jeux.  Les  nos  l  et  4  sont  ceux 
du  diapason  ordinaire  et  équivalent  à  tous  les  tuyaux 
d'orgues  de  huit  pieds  ;  le  n°  2  est  celui  de  l'octave 
grave,  et  équivaut  aux  deux  tons  des  quatre  pieds  ; 
les  0  ne  servent  qu'à  augmenter  et  à  diminuer  la 
force  des  jeux  3  et  4.  La  moitié  des  registres  de  gau- 
che influe  sur  les  notes  graves,  depuis  Yul  de  la  basse 
jusqu'au  mi  de  la  troisième  octave,  et  l'autre  moitié, 
depuis  le  fa  suivant  jusqu'au  dernier  ui  de  dessus. 
Par  cette  ingénieuse  symétrie,  on  peut  exécuter  le 
chant  avec  de  certains  jeux  ^et  reproduire  l'accompa- 
gnement avec  d'autres.  Le  registre  G  signifie  grand 
jeu  et  les  fait  parler  tous  à  la  fois  ;  si  l'on  veut  un  jeu 
dans  toute  l'étendue  du  clavier,  il  suffit  de  tirer  les 
numéros  correspondants.  Le  registre  E  veut  dire  ex- 
pression. L'orgue  à  deux  jeux  diffère  de  l'orgue  à 
quatre,  en  ce  qu'il  a  deux  registres  de  moins.  L'or- 
gue à  un  seul  jeu  ne  possède  que  le  registre  aux  for- 
tes expressions.  L'orgue  mélodium  n'exige  pas  de 
musique  spéciale  et  rend  avec  un  certain  charme 
celle  du  piano,  dont  le  chant  et  l'accompagnement 
gagnent  beaucoup  à  être  exécutés  sur  cet  instrument. 

A  travers  une  foule  de  recherches  et  de  perfection- 
nements,^!. Alexandre  a  été  conduit  à  inventer  un  in- 
strument qui  ne  porte  pas  encore  de  nom,  mais  qui 
a,  par  quelques  points,  assez  d'analogie  avec  le  mélo- 
dium, pour  que  nous  en  disions  ici  quelques  mots. 

Cet  instrument  qui  renferme  un  piano,  a  trois  cla- 
viers superposés  l'un  à  l'autre,  qui  donnent  à  l'artiste 


66  MEL 

le  moyen  de  lutter  avec  tous  les  effets  de  l'orchestre. 
Le  clavier  du  piano  règne  sur  les  deux  autres.  La 
flûte,  la  clarinette,  le  hautbois,  le  violon,  le  violon- 
celle, marient  leurs  sons  à  ceux  du  piano  de  la  façon 
la  plus  agréable,  la  plus  puissante  et  la  plus  variée. 
Tout  y  est,  l'orgue,  la  voix  humaine,  les  instruments 
à  vent,  les  instruments  à  cordes.  M.  Alexandre  a  fa- 
briqué le  premier  instrument  de  ce  genre  pour  le  cé- 
lèbre pianiste  Franz  Liszt. 

Mélomanie.  Manie  de  la  musique. — Le  mélomane 
n'est  pas  toujours  un  musicien  habile  ;  il  n'a  le  plus 
souvent  que  des  prétentions  à  l'habileté  et  au  savoir. 
Toujours  à  son  poste  dans  les  concerts,  aux  premiè- 
res représentations  des  opéras  nouveaux,  il  excite,  en- 
courage, blâme,  critique  tour  à  tour  des  yeux,  du 
geste,  de  la  voix.  Il  se  pose  en  aristarque,  en  juge  sou- 
verain, infaillible ,  et  ses  décisions  ont  cassé  plus 
d'une  fois  les  arrêts  de  la  critique  et  du  public.  — 
personne  ne  possède  comme  lui  ce  sens  exquis,  ce 
tact  parfait,  ce  sentiment  du  beau  qui  sait  distinguer 
le  véritable  talent  de  la  médiocrité.  A  l'en  croire,  il 
est  le  conseiller  intime  de  tous  nos  grands  artistes; 
Rossini  lui  doit  ses  plus  délicieuses  mélodies  ;  Meyer- 
beer,  ses  pi  us  belles  inspirations  ;  Auber,  ses  rhythmes 
les  plus  coquets;  Halévy,  ses  chants  les  plus  passion- 
nés; Donizetti,  ses  cantilènes  les  plus  suaves. 

Nous  avons  seulement  parlé  jusqu'ici  du  mélo- 
mane qui  se  pose  en  connaisseur.  C'est ,  comme 
vous  voyez,  un  personnage  très-original ,  et  même 
quelque  peu  assommant  pour  ceux  qui  l'écoutent. 
Mais  c'est  ma  foi  bien  pis  encore,  quand  le  mélo- 
mane aspire  au  titre  de  chanteur,  de  virtuose,  de 
compositeur.  Si  vous  êtes  avec  lui  dans  un  salon,  et 
que  vous  le  voyiez  aller  au  piano,  ou  sur  le  point  de 
fredonner  un  de  ses  airs,  de  roucouler  une  de  ses  ro- 
mances, alors  sauvez-vous  vite,  pour  peu  que  vous 


MÉL  67 

ayez  les  oreilles  sensibles  et  les  organes  délicats  ;  ou 
plutôt  restez,  si  vous  êtes  curieux  d'assister  au  tohu- 
bohu  le  plus  étrange,  le  plus  divertissant... 

Toutefois,  la  critique  que  nous  faisons  ne  s'adresse 
point  indistinctement  à  tous  les  mélomanes;  il  en  est 
quelques-uns  qui,  malgré  leurs  singularités  et  leurs 
ridicules,  sont  des  hommes  de  goût  et  de  talent. 
Mais,  à  part  ces  rares  et  honorables  exceptions,  la 
musique  n'est  le  plus  souvent  chez  le  mélomane 
qu'une  passion  malheureuse. 

Mélopée.  C'était,  chez  les  anciens,  l'art  ou  les  rè- 
gles de  la  composition  du  chant,  dont  la  pratique 
et  l'effet  s'appellent  mélodie.  —  Mélopée  signifiait 
donc  la  composition  des  chants ,  et  mélodies  les 
chants  composés. 

Ménestrels.  Poètes  et  musiciens  qui  fïorissaient 
en  France  dès  le  huitième  siècle. — Le  maître  de  cha- 
pelle du  roi  Pépin,  père  de  Charlemagne,  était  un 
ménestrel.— Chanteurs  et  virtuoses  à  la  fois,  les  mé- 
nestrels obtinrent  pendant  longtemps  de  grands  suc- 
cès. A  la  suite  des  preux  chevaliers  dans  les  batailles, 
les  tournois,  les  carrousels,  ils  célébraient  leurs  ex- 
ploits, et  se  rendaient  les  interprètes  des  sentiments 
exaltés,  patriotiques  qui  faisaient  alors  battre  les 
coeurs.  —  Ils  jouaient  aussi  un  rôle  dans  les  cours 
d'amour,  les  combats  poétiques  et  tous  les  jeux  bril- 
lants du  moyen  âge.  —  Admis  dans  les  salons  de 
l'aristocratie,  ils  faisaient  l'admiration  et  les  délices 
des  sentimentales  châtelaines. 

Cette  vogue  des  ménestrels  dura  tant  que  leur  nom- 
bre n'excéda  pas  certaines  limites;  mais  à  mesure 
qu'ils  se  multiplièrent,  ils  perdirent  peu  à  peu  de 
leur  crédit  et  de  leur  empire  sur  les  imaginations.  Il 
faut  dire  que  plusieurs  d'entre  eux  s'attirèrent  le  mé- 
pris public  par  des  excès  et  des  désordres  qui  provo- 
quèrent souvent  la  rigueur  des  lois. 


6S  MES 

Déchus  de  leur  ancien  prestige,  exclus  des  châteaux 
et  des  palais,  les  ménestrels  formèrent  une  corpora- 
tion dont  les  membres,  disséminés  sur  les  divers 
points  de  la  France,  se  mirent  à  utiliser  leurs  talents 
le  plus  fructueusement  possible.  Réunis  en  groupes 
de  quinze  ou  vingt,  ils  parcouraient  les  bourgs  les 
villages,  chantant  et  jouant  de  la  viole  et  de  la  lyre; 
puis,  quand  le  soir  était  venu,  ils  partageaient  en 
bons  camarades  leur  recette  de  la  journée. 

Les  ménestrels  survécurent  aux  troubadours.  Mais 
à  mesure  que  la  musique  fit  des  progrès  en  France, 
ils  perdirent  peu  à  peu  toute  considération.  Connus 
encore  aujourd'hui  sous  le  nom  de  ménétriers,  ils 
sont  relégués  au  dernier  rang  de  la  hiérarchie  musi- 
cale, et  leur  archet  ne  sert  plus  qu'à  défrayer  les  fêtes 
rustiques. 

Menuet.  Air  de  danse  d'un  mouvement  modéré  et 
à  trois  temps.  —  Le  menuet  est  d'origine  française; 
il  se  dansait  à  deux,  et  avait  autant  de  grâce  que  de 
noblesse.  Le  menuet  à'Exaudet  a  été  longtemps  cé- 
lèbre. 

On  nomme  aussi  menuet  un  morceau  ordinaire- 
ment le  troisième  d'une  symphonie  ou  d'un  quatuor; 
il  est  aussi  à  trois  temps,  mais  d'un  mouvement  très- 
rapide. 

Les  menuets  de  Mozart,  de  Haydn,  de  Beethoven, 
sont  presque  tous  des  chefs-d'œuvre.  Celui  que  Mo- 
zart a  placé  dans  le  premier  finale  de  don  Juan  est 
d'un  goût  exquis. 

Merljne.  Orgue  à  cylindre,  qui  sert  à  siffler  les 
merles  et  les  bouvreuils.  Il  est  plus  fort  que  celui 
qu'on  emploie  pour  le  serin,  parce  que  la  voix  des 
bouvreuils  et  des  merles  est  plus  grave. 

Messe.  Composition  musicale,  en  plusieurs  mor- 
ceaux détachés,  que  l'on  chante  dans  les  églises  catho- 
liques pendant  le  saint  sacrifice  de  la  Messe. 


MET  69 

Les  paroles  de  la  Messe  sont  fort  belles  et  favora- 
bles au  langage  varié  de  la  musique  ;  elles  fournissent 
des  contrastes  dont  un  compositeur  habile  sait  tirer 
parti.  Le  Kyrie  est  une  prière  affectueuse,  le  Gloria 
s'ouvre  par  un  chant  éclatant,  le  Credo,  majestueux 
d'abord,  passe  de  l'expression  d'un  sentiment  tendre 
à  celle  d'une  profonde  tristesse.  Les  effets  bruyants 
du  Resurrexit  contrastent  avec  l'abattement  de  la  dou- 
leur; la  trompette  du  Jugement  fait  entendre  ensuite 
ses  accents  terribles  et  solennels,  et  le  discours  mu- 
sical a  pour  péroraison  un  finale  brillant  et  rapide 
dans  l'Et  Yilam,  ordinairement  traité  en  fugue  ;  le 
Sanctus  et  YAgnus  Dei,  sont  deux  prières  ;  l'un  a  le 
caractère  imposant,  l'autre  est  d'une  expression  suave 
et  tendre. 

Parmi  nos  compositeurs  modernes,  les  messes  de 
Lesueur  et  de  Cherubini  sont  justement  admirées. 

Mesure.  (Voyez  Temps.) 

Méthode.  Spécialement  appliqué  à  la  musique,  ce 
mot  désigne  une  série  de  règles  et  de  préceptes  qui 
enseignent  à  tirer  tout  le  parti  possible  des  aptitudes 
naturelles. 

Dans  la  musique  vocale,  on  dit  qu'un  chanteur  a  une 
belle,  une  excellente  méthode,  pour  indiquer  que  des 
études  fortes,  habilement  dirigées  et  fondées  sur  une 
science  profonde,  ont  développé,  assoupli  son  organe, 
et  l'ont  rendu  propre  à  l'exécution  des  plus  grandes 
difficultés.  L'on  pourrait  citer  beaucoup  d'artistes, 
qui,  sans  posséder  des  facultés  supérieures,  sont  ar- 
rivés à  de  beaux  résultats,  grâce  à  une  méthode  par- 
faite. Ce  n'est  pas  à  dire  pourtant  que  la  méthode 
puisse  suppléer  à  d'heureuses  dispositions,  mais  elle 
double  l'effet  et  la  puissance  des  belles  voix,  et  cor- 
rige, transforme,  modifie  les  voix  défectueuses. 

Dans  l'enseignement  de  la  musique,  on  appelle 
aussi  méthode  les  préceptes  qui  serrent  de  base  à  l'é- 


70  MIN 

ducation  musicale,  et  qui  ont  pour  objet  de  faire  par- 
courir progressivement  à  l'élève  toutes  les  difficultés 
de  l'art.  Tout  le  monde  sait  quels  merveilleux  résul- 
tats a  produits  la  méthode  de  M.  Wilhem.  MM.  Jue 
et  Pastou  ont  marché  avec  éclat  clans  la  même  car- 
rière. Les  ouvrages  élémentaires  de  M.  Panseron,  de 
M.  de  Garaudé,  ont  aussi  exercé  une  heureuse  in- 
fluence sur  les  progrès  de  l'enseignement  musical. 

Dans  l'exécution  instrumentale,  les  méthodes  sont 
nombreuses  et  variées.  L'on  peut  dire  que  chaque  ar- 
tiste éminent  a  la  sienne.  Parmi  nos  pianistes,  Bertini, 
Henri  Herz,  Kalkbrenner,  Zimmerman,  ont  adopté 
chacun  une  méthode  particulière,  d'après  laquelle  ils 
ont  formé  de  nombreux  disciples.  Il  en  est  de  même 
dans  notre  école  de  violon,  illustrée  par  les  métho- 
des de  Yiotti,  Baillot  etHabeneck. 

Minime.  On  employait  autrefois  ce  mot  pour  indi- 
quer une  note  valant  deux  noires  ou  la  moitié  d'une 
ronde.  On  appelle  intervalle  minime  celui  qui  est 
moindre  que  l'intervalle  mineur  ou  diminué  pour 
ceux  qui  sont  susceptibles  d'admettre  ce  degré. 

minnesinger  (c'est-à-dire  chantre  d'amour).  Nom 
usité  en  Allemagne  pendant  le  moyen-âge  pour  dési- 
gner celte  sorte  de  poètes  nommés  en  France  trouba- 
dours ou  trouvères.  Les  minnesingers  étaient,  pour  la 
plupart,  des  chevaliers,  ou  tout  au  moins  des  hommes 
nobles,  et  vivaient  à  la  cour  des  princes.  L'empereur 
Frédéric  II,  l'archiduc  d'Autriche  Léopold  IV,  le  roi 
de  Bohême  Wenceslas,  etc.,  se  rendirent  célèbres 
par  la  protection  qu'ils  accordèrent  aux  minnesin- 
gers. Parmi  les  plus  anciens  de  ces  poètes,  on  cite 
Henri  de  Veldek,  qui  florissait  vers  1180.  Les  plus 
distingués  vécurent  à  la  fin  du  douzième  siècle  et  au 
commencement  du  treizième.  A  la  fin  de  ce  dernier 
on  admirait  Conrad  de  Wurtzbourg  et  Jean  Had- 
loufe. 


MOI)  71 

Mode.  Ce  mot  veut  dire  manière  d'être  et  désigne 
la  manière  d'être  du  ton. 

Un  ton  donné  peut  exister  de  deux  manières,  qui 
sont  toutes  deux  caractérisées  par  la  première  tierce 
de  sa  gamme.  Ainsi  l'on  dit  qu'il  est  du  mode  ma- 
jeur si  la  première  tierce  de  sa  gamme  est  majeure,, 
et  qu'il  est  du  mode  mineur  si  la  première  tierce  de  sa 
gamme  est  mineure. 

Changement  de  mode.  — C'est  un  artifice  harmoni- 
que très  usité,  et,  quoique  fort  simple,  souvent  du 
meilleur  effet. 

On  peut,  à  son  gré,  employer  successivement  les 
deux  modes  du  ton  dans  lequel  on  est,  c'est-à-dire 
rendre  à  son  gré  majeurs  ou  mineurs  les  deux  ac- 
cords du  ton  dans  lequel  on  se  trouve. 

L'expression  de  l'accord  parfait  est  très-différente 
dans  les  deux  modes  :  le  mode  mineur  lui  donne  une 
teinte  marquée  de  mélancolie  et  de  tristesse. 

L'accord  de  dominante  est  composé  des  mêmes 
notes  dans  les  deux  modes;  mais  son  expression  est 
également  différente,  parce  qu'il  prend  la  teinte  du 
mode  et  de  l'accord  parfait. 

Modification  des  accords.  Voyez  Accords  (Modi- 
fication des). 

modulation.  Moduler,  c'est  changer  de  ton. 

La  modulation  est  peut-être  la  partie  la  plus  im- 
portante de  l'harmonie  et  la  source  la  plus  féconde 
de  ses  richesses  et  de  ses  beautés. 

Pour  moduler,  on  prend  l'accord  de  dominante  du 
ton  où  l'on  veut  aller,  et  on  le  résout  dans  l'accord 
parfait  de  ce  ton.  Cette  règle  est  la  seule  qui  existe  : 
ce  qu'on  peut  y  ajouter  n'en  est  que  le  développe- 
ment et  l'application. 

Les  altérations  accidentelles  introduisent  dans  un 
ton  donné  des  attractions  qui  lui  sont  étrangères  et 
qui  fournissent  un  moyen  facile  de  moduler  dans  les 


72  MON 

tons  auxquels  elles  appartiennent.  (Voyez  Altéra- 
tion.) 

En  pratique,  on  prend  l'une  pour  l'autre,  deux 
notes  séparées  par  l'intervalle  enharmonique  d'un 
comma,  telles  que  ut  dièse  et  ré  bémol,  si  naturel  et 
ut  bémol,  etc.  Toutefois,  leurs  tendances  sont  com- 
plètement différentes  et  mettent  en  rapport  les  tons 
les  plus  éloignés.  Ainsi,  ut  dièse  a  une  tendance  as- 
cendante vers  ré,  et  peut  être  considéré  comme  la 
sensible  du  tonde  ré;  ré  bémol,  au  contraire,  bien 
que  synonyme  pratique  de  ut  dièse,  a  une  tendance 
descendante  vers  ut  naturel,  et  peut  être  considéré 
comme  le  quatrième  degré  du  ton  de  la  bémol.  L'i- 
dentité pratique  de  ces  notes  et  de  celles  qui  leur  sont 
analogues  réunie  à  la  divergence  de  leurs  attractions 
tonales,  est,  pour  les  compositeurs  habiles,  un  des 
plus  riches  et  des  plus  puissants  moyens  d'effets  que 
l'harmonie  puisse  fournir. 

Moduler.  C'est  parcourir  les  cordes  d'un  ton  ou  de 
plusieurs,  l'un  après  l'autre,  en  les  employant  mélo- 
diquement  ou  harmoniquement,  ainsi  qu'il  arrive 
dans  les  préludes,  ou  d'une  manière  plus  régulière, 
comme  dans  les  morceaux  de  différents  carac- 
tères. 

Moduler,  c'est,  dans  la  véritable  acception  du  mot, 
faire  usage  d'une  modulation  ou  de  plusieurs  succes- 
sivement. 

Moldavie  (Musique  de  la).  La  musique  de  ce  peu- 
ple est  peu  importante.  Elle  consiste  en  quelques  mé- 
lodies d'une  extension  très-bornée  et  d'un  caractère 
mélancolique:  Il  y  a  parmi  le  peuple  de  ce  pays  quel- 
ques troupes  de  Bohémiens  qui  font  usage  du  violon, 
du  fifre,  de  la  flûte,  de  la  clarinette  et  d'une  espèce 
de  guitare.  Les  classes  riches  ont  adopté  l'usage  gé- 
néral du  piano. 

Monocorde.  Instrument  à  une  seule  corde,  que 


MOI  73 

Ton  peut  diviser  à  volonté  au  moyen  de  petits  cheva- 
lets mobiles. 

Monologue.  C'est  une  scène  chantée  par  un  seul 
acteur  qui,  s'étant  identifié  avec  le  personnage  qu'il 
représente,  en  exprime  les  divers  sentiments  avec 
vérité.  Cette  scène  se  compose  ordinairement  d'un 
récitatif  instrumenté  avec  soin,  suivi  presque  toujours 
d'une  cavatine  ou  d'un  air  de  plusieurs  mouvements. 

Montre.  Jeu  d'orgue  dont  les  tuyaux  paraissent  à 
la  façade  de  l'instrument.  La  montre  appartient  à 
l'espèce  des  jeux  de  flûte. 

Mordant.  Agrément  très-souvent  employé,  qui 
consiste  en  deux  ou  plusieurs  petites  notes,  placées 
immédiatement  avant  une  note  quelconque.  Le  mor- 
dant s'exécute  de  plusieurs  manières,  et  l'on  se  sert 
de  différents  signes  pour  l'indiquer. 

Motet.  Morceau  de  musique  dont  le  chant,  adapté 
à  des  paroles  tirées  de  l'Écriture  et  des  Psaumes,  était 
autrefois  destiné  à  être  exécuté  par  deux,  trois,  quatre, 
cinq,  six  voix  seules  ou  accompagnées  uniquement 
de  l'orgue.  On  imagina  seulement,  dans  le  dernier 
siècle,  d'accompagner  ces  morceaux  de  chant  avec 
d'autres  instruments. 

Après  les  messes  et  les  oratorios,  les  motets  sont 
la  partie  la  plus  importante  de  la  musique  religieuse  : 
ils  en  ont  même  toujours  été  et  en  seront  toujours  la 
partie  la  plus  usuelle  et  la  plus  cultivée. 

Presque  tous  les  compositeurs  célèbres  ont  com- 
posé des  motels.  On  distingue,  entre  tous,  ceux  de 
Scarlatti,  Léo,  Durante,  Pergolèse,  Haydn,  Mozart, 
Lesueur,  Chérubini,   etc. 

Motif.  Idée  primitive  et  principale  par  laquelle 
commence  ordinairement  un  morceau  de  musique. 
On  emploie  le  mot  thème  dans  la  même  acception. 

Mouvement.  On  désigne  ainsi  le  degré  de  vitesse 
ou  de  lenteur  dans  lequel  on  exécute  un  morceau 
t.  ii,  3 


74  AILS 

de  musique.  Les  différents  degrés  de  mouvement  se 
divisent  en  cinq  espèces  principales  1°  largo  ou  lento; 
2°  adagio  ;  3°  mutante  ;  4°  allegro;  5°  presto.  Tous  les 
autres  mouvements,  comme  par  exemple  le  grave,  le 
larghetto,  Yandantino,  Yallegretto9  ne  sont  que  les 
modifications  des  cinq  espèces  que  nous  venons 
d'indiquer. 

Mouvement  harmonique.  On  entend  par  ce  mot  la 
marche  de  deux  ou  d'un  plus  grand  nombre  de  sons 
dans  leur  progression  d'un  son  à  un  autre  son.  11  y  a 
trois  espèces  de  mouvements,  savoir  :  le  mouvement 
direct,  quand  les  parties  montent  et  descendent  en 
même  temps;  le  mouvement  contraire,  lorsqu'une 
partie  monte  pendant  que  l'autre  descend  ;  enfin,  le 
mouvement  oblique,  quand  une  partie  étant  immobile, 
l'autre  monte  ou  descend. 

Muances.  Changement  du  nom  des  notes  dans 
l'ancienne  solmisation,  lorsque  le  chant  sortait  des 
bornes  de  Yhexacorde. 

Mue  de  la  voix.  La  nature  opère  un  changement 
dans  la  voix  à  l'époque  où  les  individus  des  deux 
sexes  passent  de  l'enfance  à  la  puberté.  L'époque  de 
ce  changement  n'est  point  fixe,  ni  chez  les  uns,  ni 
chez  les  autres.  Ce  qui  est  constant  toutefois,  c'est  que 
la  voix  des  hommes,  après  la  mue,  change  tout  à  fait 
de  nature  et  prend  un  caractère  opposé  à  celui  qu'elle 
avait,  tandis  que  la  voix  des  femmes  n'éprouve  point 
une  mutation  pareille.  Le  seul  changement  qui  s'o- 
père en  elles  consiste  à  donner  à  cette  voix  plus  de 
force  et  d'étendue,  sans  qu'elle  change  ordinaire- 
ment de  nature. 

Musette.  Instrument  de  musique  à  vent  et  à  anche, 
composé  d'une  peau  de  mouton  de  la  forme  d'une 
vessie,  de  chalumeaux,  d'un  bourdon,  de  plusieurs 
anches  et  d'un  soufflet.  Cet  instrument  a  été  fort  en 
usage  en  France,  vers  le  milieu  du  \viue  siècle. 


fttôS  75 

On  appelle  aussi  musette  un  air  convenable  à  l'ins- 
trument de  ce  nom,  dont  la  mesure  est  ordinaire- 
ment à  6/8,  le  caractère  naïf  et  doux,  le  mouvement 
un  peu  lent,  et  soutenu  par  une  basse  en  pédale. 

Musicien.  Ce  nom  se  donne  également  à  celui  qui 
compose  la  musique  et  à  celui  qui  l'exécute. 

Musique.  Musique  dérive  du  mot  musa,  muse;  l'art 
enseigné  par  la  muse  par  excellence,  celle  qui  présida 
à  la  civilisation  dans  l'enfance  des  sociétés. 

Le  son  est,  si  l'on  peut  s'exprimer  ainsi,  la  matière 
musicale.  Les  diverses  combinaisons  d'agencement 
qui  peuvent  concourir  à  établir  l'ordre  dans  lequel 
on  veut  faire  succéder  un  son  à  un  autre  son,  soit 
dans  leurs  rapports  du  grave  à  l'aigu,  ou  de  l'aigu  au 
grave,  ou  du  grave  au  médium,  ainsi  que  la  durée  de 
temps  que  l'on  veut  assigner  à  chacun  d'eux  en  par- 
ticulier, constituent  la  partie  spéculative  de  l'art. 

La  musique  se  compose  de  trois  parties  bien  dis- 
tinctes. 

1°  Delà  mélodie,  ou  succession  de  plusieurs  sons 
différents  qui,  dans  leurs  rapports  de  tonalité,  con- 
courent à  former  un  ensemble  agréable  et  flatteur 
pour  l'oreille  ; 

2°  Du  rliythme,  ou  de  l'ordre  choisi  dans  lequel  on 
établit  la  succession  des  sons,  leurs  durées  et  leur 
placement  aux  temps  forts  et  aux  temps  faibles  des 
mesures  ; 

3°  De  Yharmonie,  ou  audition  simultanée  de  plu- 
sieurs sons  différents  qui,  d'accord  entre  eux,  vien- 
nent former  un  harmonieux  ensemble. 

La  musique  est,  de  tous  les  beaux-arts,  celui  sur 
lequel  on  a  le  plus  disserté  sans  s'entendre.  C'est 
aussi  celui  qui  a  donné  lieu  au  plus  grand  nombre  de 
théories  et  de  systèmes.  L'incertitude  que  ces  di- 
verses opinions  et  ces  jugements  contradictoires  ont 
etée  dans  les  esprits  est,  sans  contredit,  une  des  prin- 


Yo  .  MUS 

cipales  causes  des  obstacles  qui  ont  longtemps  arrêté 
les  progrès  de  l'art  musical. 

La  musique  a  plus  besoin  d'être  sentie  que  raison- 
née.  Pour  nous  émouvoir,  elle  s'empare  toujours  de 
nos  sens,  avant  de  parler  à  notre  esprit.  Elle  est,  par 
son  essence,  purement  idéale.  Le  vague  qu'elle  sem- 
ble porter  en  elle  est  une  volupté  pour  l'auditeur,  et 
les  sentiments  de  piété,  d'amour,  de  fierté,  de  joie,  de 
fureur  ou  de  gloire  qu'elle  sait  si  bien  exprimer,  ont 
déjà  pénétré  notre  âme  bien  avant  que  notre  raison 
en  vienne  sanctionner  les  effets.  Les  fables  mêmes 
dont  s'enveloppe  la  mémoire  des  premiers  musiciens, 
attestent  les  prodiges  enfantés  par  cet  art,  avant  que 
les  hommes  eussent  appris  à  transmettre  leurs  expé- 
riences et  leurs  idées  autrement  que  par  la  tradition. 
Orphée  passa  pour  le  fils  d'un  dieu,  bien  avant 
qu'Homère  eût  obtenu  des  autels;  et  sans  doute  plus 
d'un  berger  amoureux  avait  chanté  les  plaisirs  et  les 
charmes  de  sa  maîtresse,  quand  Dibutade  imagina  de 
fixer  sur  la  pierre  l'ombre  incertaine  des  traits  de  son 
amant.  Si,  dès  l'enfance  du  genre  humain,  la  sculp- 
ture sortit  grossière  des  mains  de  l'idolâtrie,  ce  fut 
par  suite  du  besoin  qu'éprouvait  l'homme  d'adresser 
aux  images  des  dieux  des  hymnes  composés  en  leur 
honneur;  et  les  lambris  du  premier  temple  qu'éleva 
l'architecture  retentirent  des  mêmes  concerts  que  la 
Divinité  agréait  depuis  longtemps  sous  la  voûte  reli- 
gieuse des  forêts.  Il  est  donc  hors  de  doute  que  si  l'on 
peut  contester  à  la  musique  un  rang  de  prédominance 
parmi  les  beaux-arts,  on  ne  saurait  du  moins  lui  refu- 
ser celui  de  l'antériorité.  Emané  de  la  reconnaissance 
des  hommes,  ce  bel  art  prit  naissance  avec  le  monde  : 
il  fallait  une  langue  universelle  pour  exprimer  un 
sentiment  universel  ;  Dieu  créa  la  musique. 

S'il  est  bien  reconnu  que  la  musique,  par  son  ma- 
gique pouvoir,  agit  sur  nos  sens  avant  de  parler  à 


MUS  77 

notre  intelligence,  l'on  doit  aisément  concevoir  qu'il 
a  été  plus  difficile  de  fixer  ses  règles  que  celles  des 
autres  arts.  Cependant  il  est  des  parties  qui  ont  pu 
être  analysées;  la  succession  des  accords  ou  la  science 
de  l'harmonie,  et  la  puissance  du  rhythme  ont  été 
soumises  à  des  calculs  positifs  et  à  des  règles  immua- 
bles. 

Quant  à  la  mélodie,  elle  ne  peut  recevoir  de  règles 
que  du  génie  et  du  goût.  Le  génie  ne  peut  s'acquérir  ; 
le  goût  peut  se  former  par  l'expérience  et  la  compa- 
raison. 

La  musique  étant  considérée  comme  un  langage 
particulier,  a  eu  besoin  d'un  alphabet  particulier  qui 
pût  lui  servir  à  transmettre  ses  pensées,  et  lui  offrir  le 
moyen  de  représenter  et  de  peindre  à  nos  yeux  la  va- 
riété des  sons  dont  elle  sait  faire  choix  pour  charmer 
nos  oreilles.  Dans  le  langage  parlé,  plusieurs  signes 
différents,  tels  que  les  lettres,  les  points,  les  virgules, 
les  accents,  servent  à  représenter  toutes  les  variétés 
de  l'organe  de  la  parole;  dans  le  langage  musical, 
plusieurs  signes  différents,  tels  que  les  portées,  les 
notes,  les  clefs,  les  dièses,  les  bémols,  les  bécarres,  les 
pauses,  les  soupirs,  servent  à  représenter  toutes  les 
variétés  de  l'organe  chantant. 

Longtemps  la  voix  humaine  a  sans  doute  été  seule 
en  possession  de  faire  entendre  des  sons  musicaux  ; 
mais  le  génie  inventif  de  l'homme,  activé  par  ce 
besoin  de  tout  connaître  qui  le  porte  incessamment 
à  tenter  de  pénétrer  les  mystères  de  la  création,  lui  a 
dévoilé  les  premières. lois  de  l'acoustique,  et  d'efforts 
en  efforts,  de  siècle  en  siècle,  il  est  parvenu  par  imita- 
tion à  créer  des  voix  factices  auxquelles  il  a  donné  le 
nom  d'instruments  de  musique. 

Les  différents  natures  des  voix  humaines  dépendent 
surtout  de  celles  des  sexes.  Chez  les  hommes  particu- 
lièrement, ces  différences  dépendent  de  celles  de  l'âge. 


78  MUS 

L'importance  de  ce  dernier  sujet  nous  forçant  à  le 
traiter  d'une  manière  spéciale  et  approfondie,  nous 
renvoyons  le  lecteur  à  l'article  Voix. 

Musique  a  coups  de  canon.  L'emploi  du  canon 
canonnant  en  musique,  date  de  1788.  Ce  fut  un  Ita- 
lien qui,  le  premier,  tenta  cette  innovation.  C'est  le 
célèbre  Sarti  qui  réclame  l'honneur  des  concerts  py- 
rotechniques. Appelé  en  1781  à  Saint-Pétersbourg, 
en  qualité  de  maître  de  chapelle,  il  y  organisa  un  or- 
chestre formidable  pour  donner  à  son  bénéfice  per- 
sonnel, un  grand  concert  spirituel.  Mais  ce  fut  surtout 
en  1788,  à  l'occasion  de  la  fête  célébrée  pour  la  prise 
d'Okrakow,  qu'il  dépassa  tout  ce  qu'on  avait  entendu 
dans  la  capitale  du  Nord.  Il  composa  un  grand  Te 
Deum  qui  fut  exécuté  dans  le  château  impérial  par 
une  nombreuse  réunion  de  chanteurs  et  d'instrumen- 
tistes, auxquels  se  joignit  un  orchestre  de  cors  russes. 
Pour  augmenter  l'effet  de  cette  musique  grandiose, 
Sarti  fit  placer  dans  la  cour  du  château  des  canons  de 
différents  calibres,  dont  les  coups  tirés  en  mesure  à 
des  intervalles  donnés,  formaient  la  basse  de  certains 
morceaux. 

Cette  musique  étrange,  comme  on  peut  se  l'ima- 
giner, fit  du  bruit  et  trouva  de  l'écho  en  Allemagne, 
où  Charles  Stamitz,  célèbre  par  son  talent  sur  l'alto 
et  la  viole  d'amour,  exécuta  à  Nuremberg  une  grande 
musique  vocale  et  instrumentale  de  sa  composition, 
dont  la  pompe  était  relevée  par  l'accompagnement 
obligé  de  coups  de  canons. 

En  1836,  au  camp  de  Plaisance  de  Krasnoje-Selo, 
en  Russie,  il  y  eut  une  grande  solennité  musicale 
dont  cent  vingt  coups  de  canon  formèrent  l'introduc- 
tion. Puis,  pendant  les  morceaux  de  chants  exécutés 
par  les  masses  chorales,  des  coups  de  canon  tirés  ré- 
gulièrement, battaient  la  mesure. 

Musique  avant  le  déluge.  A  l'article  Oriyine  de  la 


MUS  79 

musique,  nous  dirons  que  cet  art,  comme  celui  de 
la  parole,  ou  du  langage  parlé,  venait  du  créateur  de 
toutes  choses.  Si  nous  ne  connaissons  point  de  maî- 
tres humains  qui  enseignassent  la  musique  dans  les 
premiers  siècles  du  monde,  c'est  que  Dieu  lui-même 
voulut  bien  enseigner  lui-même  ce  langage  à  ses  créa- 
tures bien  aimées.  D'après  Moïse,  il  créa  l'homme 
pour  l'aimer  et  le  servir  :  il  lui  apprit  à  célébrer  sa 
toute  puissance  et  les  merveilles  de  la  création  par 
des  chants  primitifs,  mais  pleins  de  vie,  d'expression, 
d'enthousiasme.  Plus  tard,  il  permit  que  Jubal  in- 
ventât des  instruments  de  musique  et  enseignât  cet 
art  sublime  au  peuple  de  son  choix.  Bientôt  Jabel, 
Tubalcain,  la  jeune  Noéma  firent  cercle  autour  du 
fils  de  Lamech,  et  l'art  musical  devint  une  science, 
chez  les  Hébreux,  qui  fit  probablement  des  progrès, 
considérables  pendant  les  seize  cents  années  et  au- 
delà  qui  s'écoulèrent  entre  la  création  et  la  grande 
catastrophe  du  déluge. 

Le  kinnor,  mentionné  dans  le  cinquième  chapitre 
de  la  Genèse,  est  sans  doute  la  lyre  ou  la  harpe  ;  et  le 
hagub,  l'ancien  orgue,  n'était  pas  autre  chose  que  ce 
qu'on  appelle  aujourd'hui  flûte  de  Pan,  puisqu'il  était 
composé  de  roseaux  d'inégales  longueurs  attachés 
ensemble.  On  sait  que  cet  instrument  champêtre  a 
donné  l'idée  de  l'orgue  moderne,  dont  chaque  registre 
présente  assez  bien  à  l'œil  la  forme  de  cette  flûte  à 
tant  de  tuyaux.  Il  y  avait  donc,  dans  ces  temps  recu- 
lés, des  instruments  à  vent  et  à  cordes,  et  certaine- 
ment ceux  à  percussion  existaient  aussi.  Quant  à  la 
musique  vocale,  il  est  hors  de  doute  qu'elle  était  en 
usage  alors,  puisqu'il  est  dit  que  dans  le  temps  de 
Seth,  vers  l'époque  de  la  naissance  d'Énos,  les  hommes 
commencèrent  à  célébrer  le  nom  du  Seigneur.  Nous 
croyons  même,  comme  nous  l'avons  dit  plus  haut, 
que  cet  acte  de  reconnaissance  avait  été  accompli  dès 


80  NAS 

les  premières  années  de  l'ère  Judaïque.  En  offrant  ses 
sacrifices  à  l'Éternel,  Abel,  comme  son  père  et  sa 
mère,  dut  chanter  les  louanges  de  celui  qui  bénissait 
ses  troupeaux.  La  chronique  d'Alexandrie  dit  que 
«  les  fils  de  Seth  invoquèrent  le  Seigneur  avec  l'hymne 
des  anges.  »  D'après  Calmet,  le  sens  de  ces  paroles 
est  qu'ils  commencèrent  à  réciter  l'hymne  du  Sei- 
gneur :  Saint,  saint y  saint  ;  et,  comme  le  dit  le  P.  Mar- 
tini, hymne  signifiant  la  réunion  de  la  poésie  et  de  la 
musique,  il  est  clairement  prouvé  qu'il  est  ici  ques- 
tion de  ce  dernier  art. 

Mutation  (Jeux  de).  On  appelle  ainsi  les  registres 
de  l'orgue  dont  les  tuyaux  ne  sont  point  accordés  au 
diapason  des  jeux  de  fonds,  et  qui  sonnent  ou  la 
tierce,  ou  la  quarte,  ou  la  quinte  de  ceux-ci,  et  quel- 
quefois plusieurs  de  ces  intervalles  à  la  fois.  Le  cornet, 
la  cymbale,  la  fourniture,  sont  des  jeux  de  mutation. 


N 


Nabla  ou  Nebel.  Ancien  instrument  des  Hébreux, 
que  Luther  a  traduit  par  psaltérion,.  On  croit  généra- 
lement que  c'était  la  lyre  des  anciens. 

Nafiri.  Nom  d'une  trompette  indienne. 

Nagaret.  Espèce  de  timbales  en  usage  dans  l'A- 
byssinie.  On  les  frappe  avec  un  bâton  courbé ,  long 
de  trois  pieds,  et  on  les  attache  sur  des  mulets  de 
selle. 

Nasard.  Jeu  d'orgue  qui  tire  son  nom  de  sa  qualité 
de  son  nasillard.  Il  sonne  la  quinte  du  prestant  ;  c'est 


NSti  8i 

pourquoi  on  lui  donne  quelquefois  le  nom  de  quinte. 
Le  nasard  est  de  l'espèce  des  jeux  d'orgue  qu'on  ap- 
pelle jeux  de  mutation. 

Naturel.  Voy.  les  mots  accident,  chant,  intervalle. 

Naturel.  La  beauté  de  l'art  consiste  dans  l'imita- 
tion de  la  nature.  Cependant,  comme  l'art  ne  rejette 
pas  le  beau  idéal  et  ne  repousse  pas  les  inspirations 
de  la  fantaisie,  il  arrive  que  l'artiste,  en  imitant  la  na- 
ture, l'embellit,  et  l'élève  pour  ainsi  dire  à  l'idéal. 

Neciiiloth.  Nom  générique  des  instruments  à  vent 
en  hébreu,  comme  le  mot  neginoth  est  le  nom  géné- 
rique des  instruments  à  cordes. 

Nel.  Espèce  de  flûte  traversière  faite  de  roseau,  en 
usage  chez  les  Turcs. 

Néronéennes.  Fêtes  romaines  instituées  par  Néron, 
dans  lesquelles  avaient  lieu  des  luttes  musicales. 

Neume.  C'est  un  terme  employé  dans  le  plain- 
chant.  Le  neume  élait  une  figure  mélodique  que  l'on 
plaçait  sur  une  voyelle  et  le  plus  souvent  sur  la  der- 
nière voyelle  du  mot  Alléluia.  C'est  un  chant  sans 
paroles,  autorisé  par  le  catholicisme  d'après  un  pas- 
sage de  saint  Augustin,  qui  dit  que  «  ne  pouvant 
«  trouver  des  paroles  dignes  de  Dieu,  l'on  fait  bien 
«  de  lui  adresser  des  chants  confus  de  jubilation.  » 

Le  neume  s'entend  aussi  d'une  pause,  d'uncomma, 
d'un  signe  final. 

C'est  aussi  un  terme  de  l'une  des  six  anciennes 
écritures  musicales  qui  ont  précédé  la  notation  de 
Gui  d'Arezzo.  Les  neumes  étaient  de  petits  signes 
placés  au-dessus  des  paroles,  dont  chacun  exprimait 
une  formule  de  chant. 

Neuvième.  Intervalle  dissonant  de  neuf  degrés,  ou 
l'octave  de  la  seconde;  il  est  de  trois  espèces  :  1°  la 
neuvième  mineure,  comme  mi,  clef  de  basse,  troisième 
espace,  et  fa,  clef  de  violon,  premier  espace;  2°  la 
neuvième  majeure,  comme  do,  clef  de  basse,  et  ré,  nu» 

3' 


82  NOG 

dessus  de  la  portée;  3<>  la  neuvième  augmentée,  comme 
fa,  clef  de  basse,,  quatrième  ligne,  et  sol,  clef  de  vio- 
lon, seconde  ligne. 

Nexus.  Nom  antique  de  la  mélodie,  consistant  en 
une  succession  alternée  de  sons  qui  procédaient  ou 
par  degrés  ou  par  sauts.  Lorsqu'ils  montaient,  ils  se 
nommaient  nexus  reetus;  lorsqu'ils  descendaient,  on 
les  nommait  nexus  anacamptus,  et  lorsqu'ils  mon- 
taient et  descendaient  nexus  circumstans. 

Nicolo.  Nom  que  l'on  donnait  anciennement  à 
une  sorte  de  hautbois,  qui  était  le  contralto  de  cet 
instrument  et  qui  a  cessé  d'être  en  usage. 

Noble.  Le  style  musical  est  noble  lorsqu'il  s'élève 
au-dessus  de  l'expression  commune  et  que  les  formes 
vulgaires  et  insignifiantes  en  sont  exclues.  —  Dans 
l'exécution,  la  noblesse  consiste  à  éviter  l'emploi 
des  agréments  inutiles,  à  marquer  sans  affectation 
l'accent  oratoire,  à  exposer  avec  aisance  et  dignité 
toutes  les  périodes  d'un  morceau  de  musique. 

La  noblesse  doit  être  exprimée  naturellement,  sans 
vulgarité,  mais  aussi  sans  emphase  ni  affectation, 
autrement  on  tombe  dans  le  style  maniéré,  qui  con- 
siste à  exécuter  un  chant  simple  de  sa  nature  en  le 
chargeant  d'ornements  affectés,  et  par  conséquent 
de  mauvais  goût. 

Nocturne.  Morceau  de  musique  destiné  à  être 
exécuté  de  nuit  en  sérénade  ou  dans  les  salons.  Le 
nocturne  vocal  s'écrit  à  deux,  trois  et  quatre  voix;  on 
le  dispose  quelquefois  de  manière  à  ce  qu'il  puisse 
être  chanté  sans  accompagnement.  —  Le  nocturne 
étant  fait  pour  ajouter  aux  charmes  d'une  belle 
nuit  ou  des  réunions  intimes,  son  caractère  s'éloigne 
autant  de  la  gaieté  vive  et  bruyante  que  de  la  tris- 
tesse et  du  mouvement  impétueux  des  grandes  pas- 
sions. Une  mélodie  gracieuse  et  suave,  tendre  e 
mystérieuse,  des  phrases  simples,  une  harmonie  peu 


non  sa 

travaillée,  mais  pleine,  onctueuse,  telles  sont  les  qua- 
lités que  l'on  doit  rencontrer  dans  le  nocturne,  et  s'il 
est  exécuté  par  de  bons  chanteurs,  son  effet  sera  déli- 
cieux. 

Le  nocturne  est  encore  une  pièce  instrumentale 
écrite  pour  harpe  et  cor,  hautbois  et  piano,  flûte  et 
piano.  Ces  nocturnes  ne  sont,  à  proprement  parler, 
que  des  fantaisies  dialoguées. 

Nocturne.  Partie  de  l'office  des  matines  qui  se  di- 
vise en  trois  nocturnes,  ainsi  appelés  parce  que  les 
premiers  chrétiens  les  chantaient  pendant  la  nuit  en 
trois  temps  différents. 

Noels.  Airs  destinés  à  certains  cantiques  chantés 
aux  fêtes  de  Noël.  Les  airs  des  noëls  doivent  avoir  un 
caractère  champêtre  et  pastoral,  en  harmonie  avec  la 
simplicité  des  paroles  et  avec  celle  des  bergers,  qu'on 
suppose  les  avoir  chantés  en  allant  rendre  hommage 
à  l'enfant  Jésus  dans  la  crèche. 

Noeud.  On  appelle  nœuds  les  points  déterminés 
par  lesquels  une  corde  sonore,  mise  en  vibration,  est 
divisée  en  partie  aliquotes  vibrantes,  qui  rendent  des 
sons  différents  de  ceux  produits  par  la  corde  entière. 

Noire.  Note  de  musique  qui  vaut  deux  croches  ou 
la  moitié  d'une  blanche.  Dans  l'ancienne  musique,  on 
se  servait  de  plusieurs  sortes  de  noires  :  noire  à  queue, 
noire  carrée,  noire  en  losange.  Ces  deux  dernières 
espèces  sont  demeurées  dans  le  plain-chant;  mais 
dans  la  musique  moderne,  on  ne  se  sert  plus  que  de 
la  noire  à  queue. 

Nome.  Espèce  d'air  des  anciens  Grecs,  dont  on  ne 
pouvait  changer  en  rien  la  mélodie.  Les  nomes  conte- 
naient les  principales  lois  de  la  vie  civile,  ou  des 
louanges  en  l'honneur  de  quelque  divinité  imagi- 
naire. 

Non  troppo,  Pas  trop.  Expression  italienne  qui 
se  joint  aux  indications  de  mouvement  de  vitesse  ou 


84  NOT 

de  lenteur,  ou  aux  modifications  de  force  et  de  dou- 
ceur. Ainsi  non  troppo  allegro  signifie  pas  trop  vite  ;  non 
troppo  adagio,  pas  trop  lent,  etc. 

None.  Partie  de  l'office  divin,  une  des  heures  ca- 
noniales. 

Note  sensible.  Est  celle  qui  est  une  tierce  ma- 
jeure au-dessus  de  la  dominante,  ou  un  demi-ton  au- 
dessous  de  la  tonique.  On  l'appelle  note  sensible  parce 
qu'elle  fait  sentir  le  ton  et  la  tonique  sur  laquelle, 
après  l'accord  dominant,  la  note  sensible,  prenant  le 
chemin  le  plus  court,  est  obligée  de  monter. 

Notes  accidentées.  C'est-à-dire  accompagnées 
d'un  des  signes  que  l'on  nomme  accidents. 

Notes  a  double  queue.  Ces  notes  se  trouvent  habi- 
tuellement dans  les  parties  de  violons,  de  violes,  de 
guitares.  On  les  exécute  sur  la  corde  à  vide.  La  double 
queue  indique  qu'à  la  corde  à  vide  on  doit  unir  son 
unisson  correspondant,  et  l'effet  désiré  s'obtient  en 
pressant  avec  le  doigt  la  corcle  voisine. 

Noter.  C'est  écrire  de  la  musique  avec  les  carac- 
tères destinés  à  cet  usage  et  appelés  notes.  Il  faut  dis- 
tinguer noter  de  copier.  Le  musicien  note  ce  qu'il 
compose  ou  ce  qu'il  a  retenu  de  mémoire  :  celui  qui 
écrit  la  musique  déjà  notée,  et  d'après  un  exemplaire 
qu'il  a  sous  les  yeux,  est  tout  simplement  un  copiste. 

Notes.  Signes  ou  caractères  dont  on  se  sert  pour 
écrire  la  musique.  Les  Grecs  se  servaient  des  lettres 
de  leur  alphabet  pour  noter  la  musique.  Les  Latins 
les  imitèrent  dans  cette  pratique.  Ce  ne  fut  que  dans 
le  onzième  siècle  qu'un  bénédictin  d'Arezzo,  nommé 
Guido,  substitua  à  ces  lettres  des  points  posés  sur 
différentes  lignes  parallèles,  à  chacune  desquelles  une 
lettre  servait  de  clef;  dans  la  suite,  on  grossit  ces 
points;  on  s'avisa  d'en  poser  aussi  dans  les  espaces 
compris  entre  les  lignes,  et  l'on  multiplia,  selon  le 
besoin,  ces  lignes  et  ces  espaces- 


-\0T  85 

Les  notes  n'eurent,  pendant  un  certain  temps, 
d'autre  usage  que  de  marquer  les  degrés  et  les  diffé- 
rences de  l'intonation;  elles  étaient  toutes,  quant  à 
la  durée,  d'égale  valeur,  et  ne  recevaient  à  cet  égard 
d'autres  différences  que  celles  des  syllabes  longues  et 
brèves  sur  lesquelles  on  les  chantait. 

Cet  état  de  choses  dura  jusqu'en  1338,  époque  où 
Jean  de  Murris,  docteur  et  chanoine  de  Paris,  donna 
différentes  figures  aux  notes  pour  marquer  les  rap- 
ports de  durée  qu'elles  devaient  avoir  entre  elles.  Il 
inventa  aussi  certains  signes  de  mesure,  appelés 
modes  ou  prolations,  pour  déterminer,  dans  le  cours 
d'un  chant,  si  le  rapport  des  longues  ou  brèves  serait 
double  ou  triple.  Plusieurs  de  ces  figures  ne  sub- 
sistent plus,  on  leur  en  a  substitué  d'autres  en  diffé- 
rents temps,  jusqu'à  ce  que  la  division  en  mesures 
de  valeur  égale  soit  venue  donner  une  marche  fixe  et 
régulière  au  chant  noté. 

On  ne  donne  le  nom  de  notes  qu'aux  caractères 
qui  représentent  les  sept  notes  do,  ré,  mi,  fa,  sol, 
la,  si. 

Notes  de  passage.  Les  notes  de  passage  sont  ainsi 
appelées,  parce  qu'en  remplissant  les  intervalles  qui 
se  trouvent  entre  des  notes  qui  procèdent  par  degrés 
disjoints,  elles  servent  de  liaison  pour  passer  plus 
aisément  de  l'une  à  l'autre  ;  elles  donnent  les  moyens 
de  varier  la  mélodie  par  des  suites  de  notes,  de  rou- 
lades composées  alternativement  des  notes  de  l'ac- 
cord et  de  celles  qui  les  séparent.  De  là  vient  que 
cette  roulade  ou  tout  autre  trait  de  chant  est  désigné 
par  le  nom  de  passage. 

Notes  surabondantes.  Quelques  auteurs  donnent 
ce  nom  aux  triolets  et  aux  sextolets,  et  dans  quel- 
ques cas  aux  notes  marquées  5  pour  4,  7  pour  4, 
9  pour  8,  etc. 

Noteurs.  Autrefois  on  appelait  ainsi  les  musiciens 


86  OGH 

qui  étaient  employés  dans  les  chapelles  à  éerire  la 
musique  qu'on  distribuait  aux  exécutants.  Ce  nom 
n'est  plus  en  usage;  on  Ta  remplacé  par  celui  de 
copiste. 

Numerus  sectionalis.  Ces  mots  latins  signifient  le 
nombre  des  mesures  qui  appartiennent  à  chaque 
membre  parfait  du  rhythme  de  la  mélodie. 

Nunnie.  Chez  les  Grecs  on  appelait  nunnie  la 
chanson  particulière  aux  nourrices. 


o 


0.  Cette  lettre  est  dans  la  musique  ancienne  le 
signe  de  ce  qu'on  appelait  temps  parfait  (tempus  per- 
fection), ou  du  temps  composé  de  trois  semi-brèves 
(rondes.) 

Le  signe  o  désigne  la  corde  à  vide  sur  le  violon; 
mais,  dans  ce  cas,  il  est  employé  comme  zéro. 

Quelques  auteurs,  en  parlant  de  la  position  de  la 
main,  se  servent  de  la  lettre  o  pour  indiquer  le 
pouce. 

Dans  l'art  de  lire  l'harmonie  représentée  par  des 
chiffres,  on  marque  par  ce  signe  o  la  note  qui  ne  doit 
pas  être  accompagnée;  mais,  dans  ce  cas  encore,  il 
est  employé  comme  zéro,  pour  indiquer  néant,  c'est- 
à-dire  pas  d'accord. 

Obligée.  On  appelle  partie  obligée  celle  qu'on  ne 
saurait  retrancher  sans  gâter  l'harmonie  ou  le  chant; 
elle  se  distingue  des  parties  de  remplissage,  en  ce 
que  celles-ci  ne  sont  ajoutées  que  pour  donner  plus 
de  perfection  à  l'harmonie. 

Ochetus.  C'était  autrefois  une  espèce  de  chant  tron- 
qué ou  interrompu  par  des  pauses,  dont  le  mot  cor- 


ODE  87 

respondant  en  français  pourrait  être  hoquet,  d'où  il 
dérive. 

Octacorde.  Division  par  octaves  réunies,  c'est- 
à-dire  division  où  le  dernier  son  de  la  première  oc- 
tave constitue  le  premier  son  de  l'octave  suivante. 

Octave.  La  première  des  consonnances  dans  l'ordre 
de  leur  génération.  L'octave  est  la  plus  parfaite  des 
consonnances.  Elle  est,  après  l'unisson,  celui  de  tous 
les  accords  dont  le  rapport  est  le  plus  simple.  —  Il 
y  a  trois  espèces  d'octaves  comme  d'unissons  :  1°  Y  oc- 
tave juste  ;  2°  Y  octave  augmentée  ;  3°  Y  octave  diminuée. 
(Voyez  Quinte.) 

Octave  est  aussi  le  nom  de  la  petite  flûte,  attendu 
qu'elle  sonne  l'octave  de  la  flûte  ordinaire. 

Octave  (règle  de  1'),  c'est  le  nom  que  l'on  donne  à  la 
règle  qui  enseigne  la  manière  de  chiffrer  la  gamme,  et 
qui  dicte,  par  conséquent,  les  accords  que  peuvent  ou 
que  doivent  recevoir  les  notes  qui  la  composent. 

Octaves  (règle  des  deux).  On  ne  doit  pas  faire 
succéder  deux  octaves  de  suite  dans  l'harmonie,  sur- 
tout par  mouvement  direct,  quand  les  parties  har- 
moniques ne  sont  point  à  l'unisson  ou  à  l'octave  par 
la  volonté  expresse  du  compositeur.  Ces  deux  octaves 
seraient  d'un  effet  trop  nul  et  trop  plat. 

Octoecus.  Nom  d'un  livre  d'église  chez  les  Grecs, 
qui  renferme  tout  ce  que  l'on  chante  pendant  les  of- 
fices, selon  les  huit  tons  du  chant. 

OCTOCORDUMPYTHAGORALE,  OuLYRE  PYTIIAGORIQUE. 

Les  anciens  Grecs  comprenaient  sous  ce  nom  un  sys- 
tème d'instrument  très-ancien  et  très-borné,  inventé 
par  Pythagore. 

Ode.  Mot  grec  qui  signifie  chant  ou  chanson.  Il  y 
a  l'ode-symphonie,  qui  est  un  poème  musical  mêlé 
de  chant,  de  récitatif  noté  et  parlé,  et  dans  lequel 
l'orchestre  joue  un  rôle  très-important.  Le  Désert,  de 


88  OMN 

Félicien  David,  est  un  modèle  d'ode-symphonie. 
(Voyez  Chanson.) 

Odéon.  Édifice  public  à  Athènes  et  dans  d'autres 
villes  de  la  Grèce,  où  les  musiciens  essayaient  leurs 
morceaux  avant  de  les  exécuter  en  public. 

Odéofone.  Instrument  inventé  à  Londres  par  un 
Viennois  nommé  Vanderburg.  C'était  une  modifica- 
tion assez  bien  imaginée  du  clavi-cylindre  de  Gladni. 
Le  son  se  tirait  de  petits  morceaux  de  métal,  au 
moyen  d'un  clavier  ou  d'un  cylindre. 

Offertoire.  C'est  cette  partie  de  la  messe  qui  se 
trouve  entre  le  Credo  et  le  Sanctns,  pendant  laquelle 
le  chœur  garde  le  silence.  L'orgue  remplit  cet  inter- 
valle ;  ou  bien  on  exécute  une  pièce  composée  exprès 
pour  y  être  placée,  et  cette  pièce,  pour  ce  motif, 
prend  le  nom  d'offertoire. 

Office  divin.  On  désigne  par  ce  mot  tout  ce  qui 
a  rapport  aux  rites  religieux,  au  chant,  etc.  Il  y  a 
l'office  ambrosien,  grégorien,  mosarabique.  Ce  der- 
nier a  été  introduit  au  commencement  du  seizième 
siècle  par  François  Ximenès,  archevêque  de  Tolède- 

Olophyrmos.  Chanson  funèbre  des  anciens  Grecs. 

Œuvre.  Par  ce  mot  on  désigne  les  compositions 
musicales  d'un  auteur. 

Œuvre  est  du  genre  féminin,  quand  il  s'agit  d'une 
seule  composition  d'un  auteur.  Il  est  du  genre  mas- 
culin, quand  il  s'applique  à  tous  les  ouvrages  pro- 
duits par  un  artiste.  Ainsi  l'on  dit  l'œuvre  entier  de 
Beethoven,  de  Mozart,  de  Rossini,  etc.,  etci, 

Ombre,  nuance  de  là  voix.  C'est  ainsi  qu'on  ap- 
pelle en  italien  les  différentes  gradations  des  fortes  et 
des  pianos,  dont  on  doit  alternativement  faire  usage 
dans  les  cantilônes  pour  leur  donner  un  peu  de  re- 
lief, comme  les  ombres  et  les  demi-teintes  servent  en 
peinture  à  faire  ressortir  les  couleurs. 

Omises.  Mot  latin  qui  signifie  tutti,  et  que  l'on 


OPE  89 

trouve  quelquefois  au  lieu  de  celui-ci  dans  l'ancienne 
musique  sacrée. 

Ondulation.  Ce  mot  signifie  à  peu  près  la  même 
chose  que  trémolo,  avec  cette  différence  que  le  mou- 
vement en  est  plus  grave,  et  que  Ton  émet  les  sons  et 
la  voix  avec  plus  de  latitude.      - 

Onzième.  Réplique  ou  octave  de  la  quarte.  Cette 
intervalle  s'appelle  onzième,  parce  qu'il  faut  passer 
onze  sons  diatoniques  pour  aller  de  l'un  de  ces  termes 
à  l'autre. 

Opéra.  C'est,  dans  le  sens  le  plus  étendu,  un  drame 
musical.  Il  se  distingue  de  la  comédie  et  des  autres 
ouvrages  dramatiques ,  en  ce  qu'il  ne  peut  se  passer 
du  concours  de  la  musique,  qui,  dans  la  comédie 
et  le  drame,  n'est  qu'accidentelle  et  soumise  aux  exi- 
gences passagères  du  sujet.  Dans  l'opéra,  au  contraire, 
la  musique  est  la  partie  essentielle,  non  toutefois  de 
manière  à  dominer  la  poésie,  mais  seulement  pour 
les  mettre  toutes  deux  en  relation  intime  et  les  faire 
marcher  d'accord. 

Les  principales  qualités  d'un  poëme  d'opéra  sont  : 
une  esquisse  exacte  et  facile  des  caractères,  un  grand 
fonds  de  situations  lyriques  habilement  variées,  et 
surtout  un  choix  d'expressions  musicales  appropriées 
au  caractère  des  différents  personnages.  Nous  ne  par- 
lons pas  du  laisser-aller  de  la  pensée,  de  l'élégance  du 
rhythme  :  ce  sont  là  des  qualités  que  doit  posséder 
toute  poésie  lyrique. 

La  musique  de  l'opéra  doit  s'élever  à  la  hauteur 
de  la  poésie,  et  même  à  celle  du  drame  ;  c'est  ce  qui 
lui  impose  la  nécessité  d'être  plus  caractéristique  et 
plus  sévère  que  toute  autre  espèce  de  musique.  Sou- 
mise à  la  nature  du  poème,  la  musique  doit  revêtir 
son  caractère  dominant.  Par  exemple,  la  Flûte  en- 
chantée, de  Mozart,  se  distingue  par  un  style  solennel 


90  OPE 

et  sévère,  auquel  ne  portent  pas  atteinte  quelques 
airs  simples  et  naïfs. 

Outre  les  qualités  générales  que  tout  poëme  dra- 
matique doit  posséder,  l'opéra  en  exige  quelques  au- 
tres qui  lui  sont  spéciales  :  les  plus  importantes  sont 
une  action  et  une  division  favorables  aux  dévelop- 
pements de  la  partie  musicale.  Nous  empruntons  à 
un  travail  de  M.  Halévy,  destiné  à  l'Académie  des 
beaux-arts,  quelques  réflexions  excellentes  sur  ce 
double  sujet. 

«  Il  ne  faut  pas  que,  dans  un  drame  destiné  à  la  mu- 
sique, Y  action  soit  trop  compliquée.  11  faut  que  le 
sujet  soit  simple,  et  plus  passionné  qu'accidenté.  S'il 
y  a  beaucoup  d'action  dans  un  opéra  ;  s'il  est  chargé 
d'événements;  si  les  situations  se  succèdent  rapide- 
ment et  sans  laisser,  pour  ainsi  dire,  respirer  le  spec- 
tateur, la  musique  ne  trouve  plus  sa  place;  elle  est 
étouffée  entre  les  incidents  ;  et  quelque  vifs  et  concis 
que  puissent  être  les  morceaux  de  musique,  ils  ralen- 
tissent ou  du  moins  semblent  ralentir  l'action.  La 
musique  est  le  développement  d'une  situation  don- 
née et  un  repos  dans  Y  action.  Il  faut  donc  que  l'audi- 
teur ne  soit  pas  trop  pressé,  par  Y  action  elle-même, 
d'arriver  aux  scènes  suivantes;  il  faut  donc  que  l'in- 
térêt de  la  situation  elle-même  lui  permette  d'écou- 
ter sans  impatience  ce  développement  musical.  C'est 
au  compositeur,  de  son  côté,  à  apprécier  la  situation, 
et  à  ne  pas  lui  donner  plus  de  musique  qu'elle  n'en 
comporte. 

«  Le  public  français  est  sévère  à  cet  égard;  un  pu- 
blic italien  donne  plus  de  place  à  la  musique  et  plus 
de  latitude  au  compositeur. 

«  Il  y  a  dans  un  drame  de  quelque  importance  des 
situations  capitales  après  lequelles  l'action  doit  s'ar- 
srèter,  se  reposer,  pour  ainsi  dire,  pour  continuer  en- 
uitc  avec  dlus  de  force  et  avec  le    surcroît  d'intérêt 


OPÉ  91 

que  la  situation  nouvelle  a  dû  apporter  au  drame. 
Ces  points  de  suspension  qui  ménagent  l'attention  de 
l'auditoire  et  excitent  sa  curiosité,  introduisent  dans 
l'action  dramatique  des  divisions  naturelles. 

«  Chacune  de  ces  divisions  a  reçu  le  nom  d'acte. 
C'est  au  point  de  vue  du  drame  lyrique  seulement 
que  nous  envisageons  Y  acte. 

«  Après  les  conditions  essentielles  du  drame  lui- 
même,  c'est-à-dire  l'intérêt  des  situations  et  leur 
aptitude  à  inspirer  le  musicien,  la  condition  la  plus 
désirable  pour  le  compositeur,  c'est  la  variété.  Non 
seulement  chaque  acte  devra  lui  fournir  une  couleur 
bien  tranchée,  et  tout  à  fait  différente  de  celle  de 

Y  acte  qui  a  précédé  ou  de  celui  qui  doit  suivre,  mais 
il  faut  encore  que  dans  Y  acte  considéré  isolément, 
l'auteur  sauve  au  musicien  le  danger  de  l'uniformité. 
Ainsi  donc,  dans  un  opéra,  chaque  acte,  quoique  ne 
formant  qu'une  partie  d'un  tout,  doit  offrir  un  en- 
semble satisfaisant,  aussi  complet  que  possible,  et 
une  distribution  intelligente  et  bien  entendue  des  ef- 
fets dont  peuvent  disposer  et  le  musicien  et  le  théâtre 
sur  lequel  son  œuvre  devra  se  produire. 

«  Un  bon  acte  d'opéra  renfermera  donc  au  moins 
une  situation  importante,  qui  sera  comme  le  pivot  de 

Y  acte,  et  sur  laquelle  le  musicien  devra  concentrer 
tous  ses  efforts  et  toute  la  puissance  de  son  art.  Les 
autres  scènes  devront,  sans  être  sacrifiées,  concourir 
à  faire  ressortir  1  éclat  de  ce  point  lumineux  ;  ainsi, 
le  beau  trio  de  Guillaume  Tell  est  habilement  amené 
et  ménagé.  Il  est  inutile  d'ajouter  que  la  scène  capi- 
tale dont  nous  parlons  devra  arriver  à  la  fin  ou  vers 
la  fin  de  Y  acte.  L'auditoire,  encore  sous  le  coup  de 
Fimpression  qu'il  aura  éprouvée,  sera,  dès  le  début 
de  Y  acte  suivant,  plus  accessible  aux  émotions  nou- 
velles, et  s'associera  avec  plus  de  chaleur  et  de  sym- 


92  OPÉ 

pathie  au  développement  du  drame  et  aux  inspira- 
lions  du  musicien. 

«  Après  ces  considérations  générales,  nous  entre- 
rons dans  quelques  détails  sur  la  contexture  pure- 
ment musicale  d'un  acte  d'opéra. 

«  L'auteur  et  le  compositeur  doivent  s'y  étudier  à 
varier  les  combinaisons  offertes  par  les  voix  diffé- 
rentes des  personnages  qui  prennent  part  à  l'action. 
Il  faut  éviter,  autant  que  possible,  qu'un  air  succède 
à  un  air,  un  duo  à  un  duo  ;  il  faut  donc  faire  enten- 
dre alternativement  les  voix  isolées,  combinées,  et 
les  masses  chorales. 

«  Le  morceau  de  musique  qui  commence  un  acte 
reçoit  le  nom  à' introduction  ;  il  doit  avoir  un  certain 
développement,  une  certaine  importance  musicale. 
Ceci  s'applique  surtout  au  morceau  qui  commence 
le  premier  acte  et  succède  à  l'ouverture.  11  doit  être 
traité  avec  soin.  Ordinairement,  une  introduction  se 
compose  de  plusieurs  scènes  variées  et  se  termine 
par  un  ensemble  vocal. 

«  Comme  nous  l'avons  dit  plus  haut,  l'auteur  aussi 
bien  que  le  compositeur,  doivent,  en  établissant  le 
plan  général  de  l'ouvrage,  se  préoccuper  beaucoup 
de  la  fin  de  chaque  acte.  Il  faut,  autant  que  possible, 
laisser  l'auditoire  sous  l'impression  d'une  vive  émo- 
tion. Chaque  fois  que  le  rideau  se  baisse,  il  importe 
qu'aucun  des  actes  ne  se  termine  froidement.  Dans 
un  opéra  en  cinq  actes,  il  faudra  donc  cinq  fois 
agir  puissamment  sur  le  public  et  par  des  moyens 
variés  :  c'est  une  tâche  difficile. 

«  Quand  un  acte  se  termine  par  un  morceau  de 
musique  développé,  composé  de  plusieurs  scènes  et 
auquel  prennent  part  les  personnages  et  le  chœur, 
ce  morceau  reçoit  le  nom  de  final, 

«  Les  opéras  de  Quinault,  créateur  du  drame  lyrique 
en  France,  étaient  divisés  en  cinq  actes.  Ils  sont  ha- 


OPK  93 

bilement  coupés.  Secondé  par  l'instinct  de  Lulli, 
Quinault  avait  deviné  que  dans  un  ouvrage  de  lon- 
gue haleine,  le  compositeur,  comme  nous  l'avons 
dit,  a  surtout  besoin  de  variété.  En  effet,  la  diversité 
du  spectacle,  le  changement  fréquent  du  lieti  où  la 
scène  se  passe ,  les  caractères  différents  des  person- 
nages introduits  dans  le  drame,  tout  cela  est  néces- 
saire au  musicien  ;  ce  sont  des  éléments  dont  il  pro- 
fite aussi  bien  que  le  spectateur  lui-même,  et  l'oppo- 
sition qui  en  résulte,  en  même  temps  qu'elle  plaît  à 
l'auditeur,  vient  en  aide  au  compositeur  et  fertilise 
son  imagination,  en  lui  fournissant  des  inspirations 
nouvelles. 

«  On  se  tromperait  beaucoup ,  cependant,  si  l'on 
croyait  qu'alors  la  tâche  du  compositeur  fut  ce  qu'elle 
est  aujourd'hui,  dans  la  production  d'un  opéra  en 
cinq  actes.  Outre  que  l'action  était  plus  simple,  et, 
par  conséquent,  comptait  moins  de  situations  musi- 
cales, les  situations  elles-mêmes  étaient  moins  déve- 
loppées par  le  poëte;  puis  la  musique  ne  nécessitait 
pas  le  développement  que  l'art  moderne  exige.  Si 
l'on  abuse  quelquefois  aujourd'hui  de  ce  développe- 
ment, que  les  progrès  de  la  science,  l'art  du  chant,  la 
déclamation  lyrique  ont  rendu  en  quelque  sorte  né- 
cessaire, il  est  juste  de  dire  qu'alors  les  situations, 
aussi  bien  que  les  mélodies,  n'étaient,  pour  ainsi  dire, 
qu'indiquées  ;  les  compositeurs  n'avaient  pas  encore 
trouvé  ces  belles  phrases  musicales,  complètes  pour 
l'oreille  comme  pour  l'esprit  et  l'intelligence,  qu'on 
admire  dans  Mozart,  dans  Cimarosa,  dans  Rossini.  Il 
en  résulte  qu'un  seul  acte  d'un  opéra  moderne  ren- 
ferme beaucoup  plus  de  musique  que  les  cinq  actes 
d'un  opéra  tout  entier  de  Lulli. 

«  Rameau,  et  après  lui,  Gluck,  donnèrent  une  plus 
haute  importance  à  la  phrase  musicale.  Les  actes, 


9*  01»K 

par  conséquent,  prirent  plus  d'importance,  et  les 
opéras  eurent  plus  de  durée. 

«  Depuis  Gluck  jusqu'à  nos  jours,  on  a  joue  à  l'O- 
péra des  tragédies  lyriques  en  trois ,  en  quatre  et  en 
cinq  actes.  On  y  représente  aussi  de  petits  ouvrages 
en  un  ou  deux  actes,  que  l'on  désigne  quelquefois 
sous  le  nom  d'opéra  de  genre,  et  que  l'on  représente 
avant  les  ballets. 

«  On  joue  sur  le  théâtre  de  l'Opéra-Comique  des 
opéras  en  un,  deux  ou  trois  actes,  et  quelquefois,  ex- 
ceptionnellement, en  quatre  et  même  en  cinq  actes. 
Les  Italiens  écrivent  généralement  leurs  opéras,  aussi 
bien  sérieux  que  bouffes,  en  deux  actes,  assez  déve- 
loppés pour  contenir  un  grand  nombre  de  morceaux  ; 
il  y  a  cependant  des  exceptions,  et  l'on  compte  aussi 
parmi  les  beaux  ouvrages  dont  nous  a  dotés  l'Italie, 
des  opéras  en  trois  et  quatre  actes. 

«  On  représente  ordinairement  en  Italie,  entre  les 
deux  actes  d'un  opéra,  un  ballet  tout  à  fait  étranger 
à  l'action  de  ces  opéras.  En  France,  le  ballet  fait  par- 
tie de  l'opéra  et  de  l'action.  C'est  au  poëte  et  au 
compositeur  à  s'entendre  pour  que  chaque  acte  ait 
des  éléments  suffisants  de  curiosité,  en  donnant  une 
place  importante  à  la  danse  dans  un  acte,  quelque- 
fois dans  deux,  et  en  réservant  pour  les  autres  parties 
de  l'ouvrage  tout  l'intérêt  des  situations,  toute  la 
puissance  de  la  musique.  » 

On  distingue  le  grand  opéra  de  l'opéra  comique 
par  la  nature  du  sujet.  Quoiqu'on  général  le  premier 
se  rapproche  de  la  tragédie,  et  le  second  de  la  comé- 
die, cependant  jamais  un  grand  opéra  ne  sera  aussi 
grave,  aussi  simple  qu'une  tragédie  ;  et  jamais  un 
opéra  comique  ne  comportera  une  action  aussi  com- 
pliquée que  celle  d'une  comédie.  La  musique  parle 
plus  au  sentiment  qu'à  la  raison.  Le  comique  pur  qui 
a  son  origine  dans  la  réflexion,  ne  peut,  sans  un  mé- 


OPE  95 

lange  lyrique,  remplir  un  opéra.  Mais  le  burlesque, le 
grotesque  même,  lui  conviennent  parfaitement.  II  y 
a  en  outre  un  style  intermédiaire  qu'il  n'est  pas  facile 
de  limiter.  La  Vestale,  de  Spontini,  doit  être  classée 
parmi  les  grands  opéras;  il  Matrimonio  segretto,  parmi 
les  opéras  comiques  ou  bouffes,  et  Y  Enlèvement  du 
sérail,  de  Mozart,  parmi  les  opéras  du  genre  inter- 
médiaire, ou  semi-seria. 

Les  arts,  comme  les  institutions  sociales,  sont  assu- 
jettis à  des  transformations  périodiques.  Tout  ce  qui 
est  de  ce  monde  naît,  s'accroît,  arrive,  point  brillant, 
à  son  zénith,  puis  pâlit  et  décroît  sur  une  pente  ra- 
pide. La  musique  est,  de  tous  les  arts,  celui  qui  pa- 
rait affecté  des  mutations  les  plus  fréquentes.  Comme- 
le  Protée  de  la  Fable,  elle  marche  de  métamorphoses 
en  métamorphoses.  Tous  les  vingt-cinq  ou  trente  ans, 
des  révolutions,  sinon  radicales,  du  moins  très-pro- 
noncées, s'introduisent  dans  cette  merveilleuse  ex- 
pression de  ce  que  l'âme  humaine  renferme  en  ses 
profondeurs  de  sentiments  les  plus  intimes.  Presque 
aussitôt  usées  qu'adoptées,  les  formes  mélodiques, 
comme  la  fleur  qui  se  fane  dès  qu'elle  est  épanouie, 
vieillissent  et  veulent  être  remplacées.  Et  qu'on  ne 
croie  pas  que  nous  venions  faire  ici  une  satire  du  plus 
fugitif  et  cependant  du  plus  pénétrant  de  tous  les  arts. 
C'est  justement  parce  que  ses  formes  sont  inépuisa- 
bles, qu'elles  apparaissent  et  passent  comme  des 
fantaisies  ailées.  De  même  que  la  vie  radicale,  tou- 
jours une,  toujours  absolue,  rayonne  dans  le  multi- 
ple infini  des  êtres  qui  naissent  en  son  sein  créateur, 
la  musique  toujours  immuable  dans  ses  lois,  la  mu- 
sique, véritable  géométrie  phonétique,  si  on  la  consi- 
dère dans  ses  règles,  livre  incessamment  aux  caprices 
du  changeant  et  du  variable  ses  combinaisons  har- 
moniques et  les  tournures  inépuisables  de  ses  mélo- 
dies passagères.  Rameau  succède  à  Lulli  ;  Gluck, 


96  OPE 

Sacchini,  Piccinni  s'assoient  bientôt  à  sa  place;  puis 
voici  venir  Rossini  qui  les  détrône  et  égale  Mozart 
même. 

Touchons-nous  là  le  terme  de  toutes  ces  péripéties? 
Gardons-nous  de  le  croire.  Une  révolution  nouvelle, 
une  révolution  qui  n'a  pas  encore,  il  est  vrai,  gagné 
la  France,  promène  depuis  quelque  temps  son  dra- 
peau novateur  sur  toute  l'Italie.  Prenant  Verdi  pour 
solennel  et  vigoureux  interprète,  la  musique  drama- 
tique, la  musique  précisée  par  la  scène,  motivée  par 
la  situation,  a  chassé  complètement  la  mélodie  in- 
déterminée, les  chants  vagues,  et  qui  ne  tirent  leur 
effet  que  de  leur  valeur  abstraite  et  intrinsèque. 

La  marche  que,  dans  cette  rénovation,  la  musique 
a  suivie  en  France,  nous  semble  bizarre.  Partisans 
arriérés  d'un  vain  luxe  musical,  nous  voulons  main- 
tenir aujourd'hui  la  culture  de  la  plante  exotique  que 
nous  avons  longtemps  repoussée  ;  nous  prétendons, 
du  moins  quant  à  l'opéra  italien,  renvoyer  en  terre 
étrangère  celle  que  nous  devons  presque  regarder 
comme  indigène;  nous  disons  presque,  car  avant  que 
Gluck,  dans  la  tragédie  lyrique,  et  Grétry,  dans 
l'opéra  comique,  eussent  popularisé  la  musique  dra- 
matique en  France,  Pergolèse  en  avait  donné  le  mo- 
dèle dans  la  Serva  Padrona. 

Mais  l'Italie,  cette  terre  où  tout  chante,  où  des  voix 
passionnées  sortent  de  tous  les  points  de  l'espace  et 
vibrent  dans  tous  les  échos,  l'Italie  ne  put  rester  long- 
temps emprisonnée  dans  les  liens  précis  et  tradition- 
nels d'un  système  musical  immuable.  Semblable  à 
son  napolitain  Vésuve,  à  son  gigantesque  volcan  de 
Sicile,  la  spontanéité  mélodique  y  lit  éruption,  étoile 
put  s'écrier,  comme  notre  poète  : 

Et  la  lave  de  mon  génie 
Déborde  en  torrents  d'harmonie 
Et  me  consume  en  s'échappant. 


OPE  97 

De  là  ce  luxe  immodéré  de  fioritures  dictées  par  la 
fantaisie  du  chanteur,  accueillies  par  l'enthousiasme 
du  public,  entretenues  par  quelques  talents  hors 
ligne,  cet  amas  de  traits,  de  roulades,  de  points  d'or- 
gue, abus  de  richesse  sous  lequel  le  dessin  mélodique 
disparaît,  semblable  à  ces  monuments  dont  les  li- 
gnes brisées  par  une  ornementation  sans  goût  et  sans 
retenue,  ne  laissent  plus  apercevoir  que  formes  in- 
saisissables et  confuses.  Cette  espèce  d'enivrement 
de  la  musique,  de  la  musique  sans  rapport  avec  la 
parole  qu'elle  devait  exprimer,  prise  à  part,  pour 
elle-même,  et  séparée  de  la  situation  qu'elle  avait  à 
rendre,  quelquefois  même  en  contradiction  avec  la 
scène  à  laquelle  elle  devait  s'adapter,  excepté  dans 
les  chefs-d'œuvre  devenus  classiques  des  Paisillo, 
des  Cimarosa,  des  Mozart,  etc.;  cet  enivrement, 
disons-nous,  ne  pouvait  manquer  d'amener  une 
réaction  salutaire.  Le  grand  maître  Rossini  parut; 
mais,  avec  la  finesse  de  tact  qui  le  distingue,  il  com- 
prit que  les  réactions  ne  se  font  pas  tout  à  coup  et 
sans  transitions  préalables.  Ménageant  donc  le  goût 
du  public,  et  voulant  garantir  ses  œuvres  des  écarts 
de  quelques  interprètes  parfois  ignorants  et  malhabi- 
les, lui-même  se  mit  à  jeter  à  pleine  main  les  fleurs, 
les  perles,  les  diamans  sur  le  canevas  si  ingénieuse- 
ment tissu  de  sa  brillante  musique,  et,  tout  en  le  ra- 
menant par  moments  à  la  vérité  de  la  scène,  trouva 
le  secret  de  changer  en  moyen  d'expression  ce  qui 
jusque-là  l'avait  presque  étouffée;  je  veux  parler  de 
ces  vocalises  sans  fin,  de  ces  fioritures  entassées,  de 
ces  agilités  vocales,  avant  lui  prodiguées  au  hasard. 
C'est  ainsi  qu'après  avoir  préparé  sa  révolution,  au- 
jourd'hui accomplie  par  delà  les  monts  et  que  la 
routine  repousse  en  France,  lui-même  en  donna  le 
signal  dans  l'immortel  chef-d'œuvre  de  Guillaume 
Tell.  De  là  à  Norma  il  n'y  avait  plus  qu'un  pas  ;  et 


98  OPE 

une  fois  l'art  rentre  dans  la  voie  de  la  vérité  dra- 
matique, devait  nécessairement  arriver  le  maître 
ayant  mission  de  l'y  maintenir,  sans  s'accorder  la 
moindre  excursion  au  dehors,  même  peu  lointaine, 
sans  se  permettre  une  note  dont  la  valeur  ne  soit  en 
rapport  avec  le  mot  qui  la  soutient. 

Opéra  comique.  C'est  un  drame  d'un  genre  mixte, 
qui  tient  à  la  comédie  par  l'intrigue  et  les  personna- 
ges, et  à  l'opéra  par  le  chant  dont  il  est  mêlé.  —  L'o- 
rigine de  ce  spectacle  remonte  aux  premiers  théâtres  de 
la  foire,  dont  l'apparition  date  de  1617.  Honoré, 
maître  chandelier  de  Paris,  après  avoir  fourni  pen- 
dant plusieurs  années  des  lumières  de  sa  fabrique  au 
théâtre,  voulut  en  entreprendre  un  à  son  tour  ;  et,  en 
1624,  il  obtint  le  privilège  d'un  nouvel  Opéra-Comi- 
que. Il  ne  joua  jamais  lui-même,  mais  il  eut  dans  sa 
troupe  des  acteurs  remarquables.  En  1627,  il  céda 
son  privilège  à  Ponton,  qui  porta  l'Opéra-Comique  à 
sa  perfection,  grâce  au  bonheur  qu'il  eut  de  trouver 
de  bons  auteurs,  des  acteurs  excellents  et  des  musi- 
ciens d'une  rare  habileté. 

L'Opéra-Comique  fut  supprimé  en  1745  ;  mais  en 
1752,  le  privilège  en  fut  rendu  à  Jean  Monnet.  Le 
plan  qu'il  avait  formé  a  été  fidèlement  suivi  par  les 
directeurs  qui  lui  ont  succédé.  Ils  ont  fait  subir  des 
améliorations  considérables  à  certaines  parties  de  dé- 
tails que  Monnet  ne  pouvait  pas  voir  seul,  et  ont  ra- 
mené à  ce  genre  de  spectacle  les  femmes,  effarouchées 
par  le  style  quelquefois  graveleux  des  anciens  opéras 
comiques.  C'est  sur  ces  objets  principalement  que 
s'est  portée  la  sollicitude  des  directeurs. 

Leur  ardeur  à  prévenir  les  désirs  du  public  leur  a 
attiré  pendant  plusieurs  années  un  si  grand  concours 
de  monde,  que  les  autres  spectacles  de  Paris  se  trou- 
vaient à  peu  près  déserts.  La  Comédie-Italienne  sur- 
tout, qui  se  voyait  sans  spectateurs,  obtint  enfin,  en 


ORA  99 

176*2,  que  l'Opéra-Comique  fût  réuni  à  son  théâtre. 

—  Depuis  cette  époque,  l'Opéra-Comique  n'a  cessé  de 
marcher  dans  une  voie  de  prospérité.  Il  s'est  enrichi 
tour  à  tour  d'une  foule  de  chanteurs  éminents,  tels 
que  Martin,  Elleviou,  Ponchard,  Chollet,  Roger,  Cou- 
derc ,  Mocker,  Bussine,  Masset,  Puget,  Bataille, 
Mmes  Dugazon  ,  Cinti-Damoreau ,  Rossi,  Ugalde  , 
Miollan,  Lefèvre,  Mlles  Lavoye,  Darcier,  et  a  vu  éclore 
quelques  compositeurs  d'un  grand  talent  et  dont 
plusieurs  sont  la  gloire  de  l'école  française.  Il  suffit 
de  citer  Monsigny,  Daîayrac,  Grétry,  Cherubini, 
Méhul,  Berton,Boieldieu,  Hérold,  Auber,  Halévy,Ad. 
Adam,  A.  Thomas,  L.  Clapisson,  Grisard,  F.  Bazin, 
Y.  Massé,  Reber,  etc. 

Opérette.  Mot  qui,  dit-on,  a  été  forgé  par  Mozart, 
pour  désigner  les  compositions  en  miniature,  dans 
lesquelles  on  ne  trouve  que  des  chansons  ou  des  cou- 
plets de  vaudeville.  Mozart  disait  qu'un  musicien  bien 
constitué  pouvait  composer  deux  ou  trois  ouvrages  de 
cette  force  entre  son  déjeuner  et  son  dîner. 

Ophicléide.  Instrument  en  cuivre  qui,  depuis  1820, 
fait  partie  des  musiques  de  l'armée  française.  Adopté 
d'abord  dans  les  régiments  de  la  garde  royale,  il  fut 
admis  ensuite  dans  ceux  de  l'infanterie  de  ligne  et  de 
cavalerie.  Il  en  devint  la  contre-basse  et  remplaça 
les  anciens  serpents  d'église.  C'est,  à  proprement  par- 
ler, un  serpent  à  clefs,  comme  l'indique  la  racine 
grecque  de  son  nom.  Les  clefs  sont  au  nombre  de  neuf. 

—  L'ophicléide  est  d'origine  hanovrienne,  comme  les 
autres  instruments  à  vent  et  en  cuivre,  auxquels  l'in- 
dustrie des  fabricants  allemands  est  parvenue,  depuis 
le  milieu  du  siècle  dernier,  à  ajouter  des  clefs. 

Oratorio.  C'est  une  espèce  de  drame  dont  le 
sujet  est  religieux  et  qui  est  destiné  à  être  exécuté  par 
des  chanteurs,  avec  accompagnement  d'orchestre. 
Les  anciens  compositeurs  n'avaient  qu'un  seul  ob- 


100  ORA 

jet  auquel  ils  pussent  consacrer  les  inspirations  de 
leur  génie  :  la  religion.  Aussi  cette  époque  est-elle 
féconde  en  productions  de  musique  sacrée  de  tout 
genre;  et,  depuis  Palestrina  jusqu'à  Haendel,  Haydn 
et  Mozart,  on  trouve  tout  ce  qui  a  été  composé  de 
plus  beau  et  de  plus  parfait.  On  ne  se  bornait  pas 
alors  à  mettre  en  musique  les  paroles  de  la  messe  : 
outre  les  cantiques,  les  hymnes,  les  psaumes,  on  avait 
imaginé  ces  espèces  de  drames  religieux  appelés  ora- 
torios, dont  le  sujet  était  tiré  de  l'Histoire  Sainte,  et 
qu'on  exécutait  dans  les  églises.  Voici  ce  qui  donna 
lieu  à  l'invention  de  ces  sortes  de  pièces  :  saint  Phi- 
lippe de  Néri,  qui  fonda,  en  1510,  la  congrégation  de 
l'Oratoire  à  Rome,  voyait  avec  douleur  les  fidèles  dé- 
serter l'église  pour  courir  aux  spectacles.  Connaissant 
le  goût  des  Romains  pour  la  musique,  il  eut  l'idée 
de  faire  composer  par  un  bon  poëte  des  intermèdes, 
dont  le  sujet  était  puisé  dans  l'Écriture  sainte,  et  les 
ayant  fait  mettre  en  musique,  il  les  fit  exécuter  dans 
l'église.  La  foule  y  courut;  le  succès  fut  prodigieux  ; 
et  ce  genre  de  drame  s'appela  oratorio,  du  nom  de 
l'église  de  l'Oratoire,  où  il  fut  joué  pour  la  première 
fois. 

Les  oratorios  n'étaient  d'abord  qu'une  simple  allé- 
gorie, une  cantate  à  plusieurs  personnages,  qu'on 
n'exécutait,  soit  à  l'église, soit  au  théâtre,  que  comme 
une  pièce  de  concert.  Dans  la  suite  ils  prirent  plus  de 
développement  et  acquirent  toutes  les  proportions 
d'un  vrai  drame,  sauf  le  clinquant  des  costumes  et  la 
pompe  théâtrale.  —  Quant  à  la  musique,  qui  parti- 
cipe à  la  fois  du  genre  libre  et  du  genre  sévère,  elle 
se  compose  de  récitatifs  simples  et  obligés,  de  solos, 
duos,  trios,  morceaux  d'ensemble  et  chœurs. 

Les  plus  célèbres  compositeurs  qui  ont  illustré  le 
genre  de  l'oratorio,  sont  Emilio  del  Cavalière,  Alexan- 
dre Scaiiatti,  Léo,  Iomelli,  Cimarosa,  Haendel,  Bach, 


ORG  101 

Haydn,  Beethoven  et  Mendelsohn.  On  cite,  parmi 
les  oratorios  les  plus  remarquables,  le  sacrifice  d'Abra- 
ham, de  Scarlatti,  celui  de  Cimarosa,  sainte  Hélène  au 
calvaire,  de  Léo,  le  Messie,  de  Haendel,  la  Passion  selon 
saint  Mathieu,  de  Bach,  conception  musicale  de  la 
plus  haute  portée,  la  Création,  de  Haydn,  le  Christ 
au  jardin  des  Olives,  de  Beethoven,  lePaulus  et  l' Elias, 
de  Mendelssohn. 

Orchestre.  L'orchestre  dans  les  théâtre  modernes 
est  un  retranchement  plus  ou  moins  grand  qui  règne 
autour  de  qu'on  appelle  la  rampe  de  la  scène  ;  c'est 
la  place  des  symphonistes.  Cette  enceinte  est  cons- 
truite d'un  bois  sonore,  de  sapin  ordinairement, 
afin  de  faire  vibrer  le  son  des  instruments.  C'est 
absolument  la  table  d'harmonie  d'un  clavecin,  car 
cette  espèce  de  grand  coffre  sans  couvercle  est  éta- 
bli sur  un  vide  avec  des  arcs-boutants. 

L'orchestre  français  ne  date  véritablement  que  du 
siècle  de  Louis  XIV;  ce  fut  Lulli  qui  l'organisa.  On 
doit  à  Lulli  l'introduction  des  timbales  et  des  trom- 
pettes dans  l'orchestre,  et  plus  tard  à  Gluck  celle  de 
la  clarinette,  dont  on  usait  si  sobrement  qu'elle  ne  se 
faisait  guère  entendre  que  dans  les  ballets.  —  Que  les 
temps  sont  changés  !  quelle  admirable  instrumenta- 
tion nous  avons  de  nos  jours  !  elle  compte  au  moins 
80  instruments;  elle  a  réuni  dans  nos  orchestres, 
comme  par  enchantement,  tous  les  bruits,  tous  les 
sons,  toutes  les  voix  de  la  nature,  dont  la  musique 
n'est  qu'une  imitation.  —  Le  violon  possède  d'im- 
menses ressources  :  il  simule  la  voix  humaine  ;  c'est 
lui  qui,  avec  la  viole,  le  violoncelle  et  la  contre-basse, 
règne  exclusivement  dans  un  orchestre.  La  viole  re- 
pose, par  la  gravité  de  ses  sons,  des  brillants  éclats 
du  violon  ;  le  violoncelle,  quand  il  chante,  exprime 
la  prière  et  le  recueillement  des  marches  religieuses; 
la  flûte,  pleine  de  tendresse,  rend  les  amoureux  dé- 


102  ORG 

sirs;  le  hautbois  est  pastoral,  propre  à  la  danse  des 
villageois  et  des  nymphes;  la  clarinette  accompagne 
ordinairement  les  danses  gracieuses  et  les  ballets 
enjoués,  le  cor  chevaleresque  et  romantique,  appelle 
à  la  chasse  Henri  IV  ou  Robin  des  Bois  ;  l'ophicléide 
gémit;  le  trombone,  aux  poumons  de  cuivre,  an- 
nonce de  grandes  catastrophes. 

Parce  nombre  d'instruments  si  variés,  nos  orches- 
tres aujourd'hui  sont  un  monde,  où  les  passions,  les 
sentiments  déploient  toutes  leurs  expressions,  et  où 
la  nature  fait  ouïr  toutes  les  voix. 

Orchestrino.  Nom  donné  par  M.  Poulleau,  en 
1808,  à  un  piano  à  archet  de  son  invention,  lequel 
.imitait  le  violon,  la  viole  d'amour  et  le  violoncelle. 
Orchestrion.  Nom  de  deux  instruments  à  claviers 
qui  ont  été  inventés  vers  la  fin  du  dix-huitième  siècle. 
Le  premier  est  un  orgue  portatif  composé  de  quatre 
claviers,  chacun  de  soixante-trois  touches,  et  d'un 
clavier  de  pédales  de  trente-neuf  touches.  Le  second 
est  un  piano  uni  à  quelques  registres  d'orgue. 

Oreille.  Cemot  s'emploie  figurémenten  musique. 
Avoir  de  l'oreille  c'est  avoir  l'ouïe  sensible,  fine  et 
juste,  en  sorte  que  tant  pour  l'intonation  que  pour  la 
mesure,  on  soit  choqué  du  moindre  défaut,  et  qu'aus- 
si l'on  soit  frappé  des  beautés  de  l'art  quand  on  les 
entend.  On  a  l'oreille  fausse,  lorsqu'on  chanie  cons- 
tamment faux,  lorsqu'on  ne  distingue  pas  les  intona- 
tions fausses  des  intonations  justes,  ou  lorsqu'on  n'est 
point  sensible  à  la  précision  de  la  mesure,  qu'on  la 
bat  inégale  ou  à  contre -temps. 

Organino.  Petit  orgue  que  l'on  peut  transporter 
d'un  lieu  dans  un  autre,  et  dont  les  plus  grands  ont 
deux  pieds  de  haut  et  un  seul  souflet.  On  appelle 
encore  de  ce  nom  un  petit  orgue  à  cylindre  avec  une 
manivelle,  qui,  armé  de  dents,  remplace  le  mouve- 
ment des  doigts. 


OHG  108 

Organistjë.  Celui  ou  celle  qui  joue  de  l'orgue.  Un 
grand  organiste  n'a  pas  seulement  le  talent  d'exécu- 
ter avec  perfection  toute  la  musique  qui  est  propre  à 
cet  instrument,  mais  celui  bien  plus  rare  d'improvi- 
ser tout  ce  qu'il  joue. 

Rameau,  D'Aquin,  Couperin,  Balbatre,  Séjean, 
Mozart,  Keller,  Bach,  Haendel,  sont  des  noms  fameux 
dans  les  fastes  de  l'orgue. 

Autrefois  on  comptait  en  France  un  assez  grand 
nombre  de  bons  organistes;  ils  deviennent  de  jour  en 
jour  plus  rares,  parce  qu'on  néglige  de  faire  des  étu- 
des que  demande  ce  grand  art. 

Organo  lyricon.  Instrument  inventé  à  Paris  en 
1810.  Sa  forme  était  celle  d'un  secrétaire  à  cylindre; 
il  contenait  un  piano  ordinaire,  autour  duquel  se 
groupaient  quelques  instruments  à  vent. 

Orgue.  Instrument  à  vent,  le  plus  parfait  de  tous 
pour  diriger  et  soutenir  le  chant  religieux,  et  celui  dont 
les  sons  se  marient  le  mieux  avec  les  voix.  Dans  un 
espace  restreint,  sous  les  doigts  d'un  seul  homme,  on 
peut  avec  l'orgue  obtenir  la  puissance,  la  diversité, 
la  justesse,  que  ne  pourraient  produire  trente  ou  qua- 
rante instruments  réunis.  Ses  accents  sont  graves  et 
dévotieux,  comme  dit  Montaigne.  Il  embrasse  toute 
l'échelle  des  sons,  et  peut  s'unir  à  tous  les  genres  de 
voix  ;  il  a  des  jeux  variés,  tour  à  tour  doux  ou  écla- 
tants, suaves  ou  terribles.  Ses  trompettes  sonores  sem- 
blent annoncer  le  jugement  de  Dieu;  ses  flûtes  loin- 
taines paraissent  l'écho  des  concerts  des  anges.  L'or- 
gue est  l'orchestre  que  demande  le  plain-chant. 

La  musique  instrumentale  fut  peu  goûtée  dans  les 
premiers  siècles  du  christianisme  ;  les  fidèles  se  bor- 
naient alors  à  former  des  chœurs  de  voix.  C'est  seu- 
lement sous  le  pape  Yitalien  l6?  que  l'orgue  fut  connu 
en  Italie  :  il  fut  introduit  en  France  sous  le  règne  de 
Pépin,  père  de  Charlemagne;  mais  cet  instrument 


104  OHG 

resta  longtemps  imparfait.  Bédos  de  Celles,  dans  le 
siècle  dernier,  et,  de  nos  jours,  MM.  Cavaillé-Coll,  l'ont 
enrichi  d'améliorations  importantes. 

L'orgue  est  un  instrument  à  vent  et  à  clavier  ;  il  a 
plusieurs  jeux  ou  registres,  et  un  très-grand  nombre 
de  tuyaux  :  il  a  un,  deux,  trois,  et  même  quatre  cla- 
viers composés  de  quatre  octaves  et  demie;  il  y  a,  de 
plus,  un  clavier  de  pédales  qui  contient  une  ou  deux 
octaves.  Le  jeu  principal,  que  nous  nommons  vulgai- 
rement bourdon,  est  en  huit  pieds,  en  seize  pieds,  et 
même  en  trente-deux  pieds.  L'orgue  a  encore  des 
soufflets,  des  ventilles. 

Pendant  le  moyen-age  on  soutenait  le  chant  reli- 
gieux avec  l'orgue  seul  ;  plus  tard  on  y  ajouta  d'autres 
instruments.  Sous  Louis  XIV,  un  chanoine  de  Sens 
ou  d'Auxerre  inventa  le  serpent,  et  cet  instiument 
rauque,  âpre,  inégal,  variable  dans  ses  intonations, 
vint  s'établir  dans  nos  chœurs,  y  rendre  le  chant  lourd 
et  traînant,  et  y  faire  régner  la  plus  fatigante  monoto- 
nie. Quel  spectacle,  en  effet,  que  celui  d'un  homme 
qui,  les  joues  gonflées,  le  visage  déformé,  roulant  ses 
yeux  dans  leur  orbite,  étouffe  entre  ses  bras  la  figure 
d'un  animal  immonde,  et  semble  lui  arracher  de  lu- 
gubres hurlements!  L'ophicléide  a,  dans  beaucoup 
d'endroits,  détrôné  le  serpent.  Cet  instrument  n'est 
pas  plus  agréable  à  entendre;  enfin,  plusieurs  parois- 
ses adoptent  maintenant  la  contre-basse.  Tous  ces 
instruments  présentent  le  même  inconvénient  qui 
doit  en  faire  abandonner  l'emploi,  c'est  de  résonner 
à  l'unisson  des  voix  graves,  par  conséquent  de  ne  pas 
convenir  à  la  voix  du  peuple.  L'orgue  est  resté  seul  en 
possession  de  la  faveur  des  masses  dans  nos  temples 
catholiques,  seul  il  a  le  privilège  d'exciter  la  ferveur, 
le  recueillement,  l'enthousiasme  religieux. 

L'emploi  naturel  de  l'orgue,  c'est  l'accompagne- 
ment des  voix;  en  Allemagne,  en  Italie,  en  Belgique, 


ORG  105 

il  remplit  toujours  cette  fonction,  et  le  choeur  y  est 
partout  inséparable  de  l'instrument.  Dans  les  vastes 
basiliques  de  l'Italie,  on  a  des  orgues  que  l'on  roule, 
et  qui  suivent  le  chœur  dans  les  diverses  chapelles  où 
il  se  transporte  pour  chanter  l'office.  Dans  ces  églises 
tout  s'exécute  avec  accompagnement  :  non-seulement 
les  hymnes  sacrées,  mais  encore  le  chant  de  l'offi- 
ciant, les  réponses  du  peuple,  la  préface,  etc. 

Il  faut  le  dire,  les  pays  dont  nous  parlons  sont 
bien  supérieurs  à  la  France  sous  le  rapport  de  l'exé- 
cution de  la  musique  sacrée.  Chez  nous,  à  part  quel- 
ques grandes  villes  qui  font  une  honorable  exception, 
quelques  voix  isolées  chantent  le  kyrie,  l'orgue  répond 
par  une  fantaisie  de  la  façon  de  l'artiste,  Dieu  sait 
quelle  fantaisie  ! ....  Le  prêtre  entonne  l'hymne  de  saint 
Ambroise,  Te  Deum,  laudamus  ;  l'organiste  continue 
par  une  réminiscence  de  quelque  air  à  la  mode.  Voilà 
le  rôle  que  joue  souvent  l'orgue  en  France.  Cependant 
le  tableau  n'est  pas  partout  le  même,  nous  l'avons 
dit,  il  y  a  des  exceptions;  des  organistes  au  style  grave, 
austère,  ont  conservé  les  belles  traditions  de  l'art  reli- 
gieux. 

Les  orgues  sont  extrêmement  multipliées  en  France 
depuis  quelques  années.  On  en  a  construit  ou  réparé 
plus  de  quatre  cents,  de  1834  à  1844,  tandis  que 
dans  les  dix  années  précédentes  il  ne  s'en  était  pas 
établi  cinquante.  De  simples  bourgades,  des  villages 
même  en  ont  enrichi  leur  église,  et  le  nombre  s'en 
accroîtrait  bien  plus  encore,  si  l'on  n'était  arrêté  par 
une  difficulté  qui  parait  insoluble,  celle  de  se  procurer 
un  artiste  pour  toucher  l'instrument.  La  charité  des 
fidèles  peut,  par  un  effort  une  fois  fait,  réunir  la 
somme  nécessaire  pour  l'acquisition  de  l'orgue;  mais 
on  ne  peut  chaque  année  s'imposer  les  sacrifices  in- 
dispensables pour  entretenir  un  organiste.  C'est  là 
une  difficulté  sérieuse,  et  dont  la  solution  devrait  être 


106  ORG 

cherchée  avec  ardeur  par  les  évoques,  les  membres 
du  clergé,  et  tous  les  hommes  qui  s'intéressent  à  l'a- 
venir de  la  musique  religieuse.  —  On  trouve  à  Paris 
beaucoup  d'organistes  habiles  et  instruits,  qui  ont 
fait  de  bonnes  et  sérieuses  études  au  Conservatoire, 
sous  la  direction  de  M.  Benoist  ;  on  devrait  tâcher  de 
les  attirer  dans  les  provinces,  où  ils  pourraient  à  leur 
tour  fonder  un  enseignement  utile. 

Orgue  a  cylindre.  C'est  celui  qui  va  par  le  moyen 
d'un  cylindre,  sur  lequel  on  a  noté  un  certain  nom- 
bre de  morceaux  de  musique  avec  des  pointes.  Ces 
pointes  font  mouvoir  les  touches  d'un  clavier  qui 
leur  est  approprié.  C'est  au  moyen  d'une  manivelle 
tournante  que  le  cylindre  se  meut  et  présente  suc- 
cessivement, ou  simultanément ,  ses  pointes  aux 
touches  qui  répondent  aux  tuyaux.  Les  orgues  d'Al- 
lemagne, les  orgues  de  Barbarie ,  dont  les  chanteurs 
des  rues  s'accompagnent,  les  serinettes,  les  merlines, 
sont  des  orgues  à  cylindre. 

Orgue  jexpressif.  L'effet  de  ces  orgues  est  de  la 
plus  grande  beauté.  M.  Erard  a  mis  le  comble  à  la 
perfection  de  l'orgue,  en  réunissant,  dans  un  instru- 
ment qu'il  avait  construit  sous  la  Restauration,  pour 
la  chapelle  du  roi,  le  genre  de  l'expression  de  la  pé- 
dale sur  les  deux  claviers  du  grand  orgue  à  l'expres- 
sion par  la  pression  des  doigts  sur  un  troisième  cla- 
vier. Dans  cet  état,  l'orgue  est  vraiment  l'instrument 
le  plus  beau,  le  plus  majestueux,  le  plus  puissant  qui 
existe. 

Orgue  hydraulique.  Celui  dont  les  soufflets  ou  les 
cylindres  sont  mis  enjeu  par  le  moyen  de  l'eau.  Comme 
l'humidité  est  extrêmement  nuisible  aux  orgues,  ce 
moyen  n'est  plus  employé.  Au  reste,  on  manque  de 
renseignements  certains  sur  cet  instrument  dont  par- 
lent seulement  quelques  anciens  auteurs. 


ORP  107 

Orgue  pneumatique.  C'est  l'orgue  ordinaire,  celui 
où  le  son  est  produit  par  le  vent. 

Orgia.  Fêtes  en  l'honneur  de  Bacchus.  Le  chant, 
accompagné  de  la  lyre  et  de  la  flûte,  y  figurait  comme 
une  des  parties  essentielles  de  la  fête. 

Originalité.  L'originalité  dans  les  arts,  et  dans  la 
musique  en  particulier,  c'est  la  nouveauté  dans  les 
idées  et  dans  la  façon  de  les  exprimer,  de  les  agencer, 
de  les  combiner;  c'est,  en  un  mot,  la  force  créatrice 
et  l'individualité  du  génie.  (Voyez  Imagination,  Génie 
musical). 

Origine  de  la  musique.  La  musique  est  une  langue 
universelle,  qui  fut  donnée  à  l'homme  parle  Créateur, 
dès  le  commencement  du  monde,  pour  exprimer  des 
idées  et  des  sensations  qu'aucune  autre  langue  ne 
peut  traduire.  On  ne  peut  douter  qu'Adam  et  Eve, 
qui  avaient  tant  d'actions  de  grâces  à  rendre  à  Dieu, 
aient  chanté  ses  louanges  dans  le  Paradis  terrestre. 
Noé  et  sa  famille,  à  la  sortie  de  l'Arche,  firent  de 
même;  et  plus  tard,  Moïse  et  les  Hébreux,  après  le 
passage  de  la  mer  Rouge.  Avant  qu'on  eût  bâti  des 
temples  à  la  divinité,  la  nature  entière,  et  son  Roi  en 
tête,  unissaient  ici  bas  leurs  concerts  à  ceux  des 
anges.  (Voyez  le  mot  Musique). 

Orphéon.  Instrument  de  musique  monté  avec  des 
cordes  de  boyau,  que  l'on  fait  parler  au  moyen  d'un 
clavier  et  d'une  roue  qui  porte  un  archet;  il  a  la 
forme  d'un  très- petit  piano. 

Orphéon.  C'est  le  nom  donné  à  une  institution 
municipale  de  la  ville  de  Paris,  dont  le  but  est  d'en- 
seigner la  musique  vocale  aux  enfants  des  deux  sexes 
qui  fréquentent  les  écoles  communales,  et  aux  ou- 
vriers adultes.  L'orphéon  a  été  fondé  en  1820,  et  la 
direction  en  fut  confiée  à  Wilhem,  qui  avait  conçu  l'i- 
dée première  de  cet  enseignement,  et  en  avait  ap- 
précié l'utilité.  Il  avait  été  secondé  par  son  ami,  l'il- 


108  OLjV 

lustre  chansonnier  Béranger,  dont  le  patronage  et  l'ap- 
pui constant  lui  fut  d'un  grand  secours.  Wilhem  com- 
posa pour  l'orphéon  une  méthode  en  tableaux  qui 
est  encore  employée.  C'est  un  enseignement  simul- 
tané, et  les  tableaux  sont  combinés  de  telle  sorte,  que 
des  élèves  de  force  inégale  peuvent  chanter  ensemble. 
Wilhem  est  mort  en  18i2.  La  direction  de  Yorpkéon 
passa,  après  sa  mort,  entre  les  mains  de  M.  Hubert, 
élève  lui-même  de  l'orphéon.  M.  Gounod  est  aujour- 
d'hui directeur  de  l'orphéon,  et  M.  Hubert  est  resté 
attaché  à  l'enseignement  comme  inspecteur  général. 

Il  y  a  tous  les  ans  une  séance  publique  de  l'or- 
phéon; on  réunit  tous  les  élèves,  enfants  ou  adultes, 
dans  une  des  grandes  salles  de  Paris;  ils  exécutent 
des  chœurs  sans  accompagnement.  Les  dernières 
commotions  politiques  ont  nécessairement  nui  aux 
progrès  de  l'orphéon,  mais  la  sollicitude  de  la  ville  de 
Paris  ne  l'a  pas  abandonné,  et  les  études  vont  re- 
prendre une  activité  nouvelle. 

Orpiiéoréon.  Instrument  de  la  famille  des  luths, 
armé  de  huit  cordes  de  métal.  Il  n'est  plus  en  usage. 

Ouverture.  Composition  instrumentale  qui  sert  de 
début  aux  opéras  et  aux  ballets. 

L'ouverture  doit  se  conformer  au  drame  d'une  ma- 
nière générale,  et  peut  se  lier  quelquefois  aux  pre- 
mières scènes  qui  la  suivent  immédiatement.  L'ou- 
verture fera  connaître  d'abord  le  caractère  de  l'opéra 
qu'elle  précède,  et  donnera  ensuite  des  pressenti  ment  s 
sur  la  nature  des  événements,  le  caractère  des  passions 
qui  doivent  occuper  la  scène,  et  quelquefois  même  sur 
les  personnages,  le  lieu  et  le  temps  où  se  passe  l'ac- 
tion. Ainsi,  l'ouverture  d'iphigénie  en  Aulide  nous  dis- 
pose à  une  action  vive,  intéressante  et  d'une  grande 
noblesse  ;  celle  de  Guillaume  Tell  peint  le  calme  de  la 
vie  champêtre  troublé  par  une  fanfare  de  trompettes 
qui  appelle  Jes  paysans  à  Ja  conquête  de  la  liberté; 


PAN  10& 

celle  de  la  Pie  voleuse  commence  par  une  marche 
militaire,  qui  annonce  le  retour  du  soldat  dans  ses 
foyers. 

Un  allégro  de  symphonie,  brillant  et  passionné, 
succédant  à  une  introduction  d'un  mouvement  grave, 
telle  est  la  coupe  généralement  adoptée  pour  les  ou- 
vertures. Gluck  en  a  donné  le  premier  modèle  dans 
son  merveilleux  chef-d'œuvre,  et  les  compositeurs 
de  toutes  les  nations  l'ont  suivi. 

Ceux  qui  réduisent  l'ouverture  à  une  espèce  d'in- 
troduction, s'éloignent  de  l'idée  qu'on  doit  concevoir 
d'un  morceau  de  ce  genre.  Le  compositeur  doit  y  dé- 
ployer toute  sa  science  :  facture  savante,  dessin  pur 
et  vigoureux,  harmonie  pleine,  variée  et  riche  d'ef- 
fets, telles  doivent  être  les  qualités  principales  d'une 
ouverture. 

Oxiphonos.  C'est  ainsi  qu'on  appelait  chez  les  an- 
ciens  Grecs  celui  qui  possédait  une  voix  aiguë. 


p 


P.  Par  abréviation,  signifie  piano,  c'est-à-dire  doux. 

PP.  Signifie  pianissimo,  c'est-à-dire  très-doux. 

Palalaika.  Guitare  montée  de  doux  cordes,  très-ré- 
pandue parmi  la  basse  classe  du  peuple  en  Russie. 

Pandore.  Instrument  de  musique  à  cordes,  de  la 
famille  du  lulh,  mais  dont  le  chevalet  était  oblique, 
ce  qui  rendait  les  cordes  inégales  dans  leur  longueur. 
Le  dos  de  cet  instrument  éîail  niai  mmmo  celui  de  la 

T.   Il,  | 


HO  PAft 

guitare.  La  pandore  a  été  délaissée  depuis  longtemps, 
comme  le  luth  et  le  théorbe. 

Pan-Harmonicon.  Cet  instrument,  au  moyen  d'un 
double  soufflet  et  d'un  cylindre  mis  en  mouvement 
par  un  poids,  imite  assez  naturellement  une  musique 
d'instruments  à  vent  et  de  percussion. 

Pantalon.  Instrument  de  musique  de  l'espèce  du 
tympanon,  mais  beaucoup  plus  grand,  puisqu'il  a 
près  de  quatre  pieds  de  large.  Le  pantalon  est  garni 
d'un  grand  nombre  de  cordes  d'acier  que  l'on  touche 
avec  deux  petites  baguettes  de  bois. 

Le  mot  pantalon  est  aussi  employé  pour  désigner 
une  figure  de  contredanse.  (Voyez  Quadrille.) 

Pantomimes.  Comédiens,  ainsi  nommés  parce 
qu'ils  imitaient  et  exprimaient  tout  ce  qu'ils  voulaient 
dire  avec  les  gestes  qu'enseignait  l'art  de  la  Sallation, 
sans  employer  le  secours  de  la  parole.  L'art  des  pan- 
tomimes naquit  à  Rome,  sous  l'empire  d'Auguste. 
Les  deux  premiers  instituteurs  du  nouvel  arl  furent 
Pylade  et  Bathyle,  dont  le  nom  devint  fort  célèbre 
parmi  les  Romains.  Le  premier  réussit  mieux  dans 
les  sujets  tragiques,  et  l'autre  dans  les  comiques. 

Cassiodore  appelle  les  pantomimes  des  hommes 
dont  les  mains  disertes,  avaient,  pour  ainsi  dire,  une 
langue  au  bout  de  chaque  doigt,  des  hommes  qui  par- 
laient en  gardant  le  silence  et  qui  savaient  faire  un 
récit  entier  sans  ouvrir  la  bouche. 

Papier  réglé.  On  appelle  ainsi  le  papier  préparé 
avec  les  portées  toutes  tracées  pour  y  noter  la 
musique. 

Parfait.  Ce  mot,  dans  la  musique,  a  plusieurs 
sens.  Joint  au  mot  accord,  il  désigne  l'accord  formé 
par  la  tonique,  le  troisième  degré  et  le  cinquième 
degré  d'une  gamme,  dans  les  deux  modes;  par  exem- 
ple, ut,  mi,  sol  ou  la,  ut,  mi.  Joint  au  mot  cadence,  il 
exprime  ('elle  qui  porte  In  note  sensible,  et  do  la  do- 


PAR  111 

minante  tombe  sur  la  finale.  Joint  au  mot  conson- 
nance,  il  désigne  un  intervalle  juste  et  déterminé, 
qui  ne  peut  être  altéré  sans  cesser  d'être  consonnant. 
Joint  au  mot  mode,  il  marquait,  dans  l'ancienne  mu- 
sique, la  mesure  à  trois  temps. 

Parodie,  Parodier.  C'est  ajuster  à  un  air  de  chant 
de  nouvelles  paroles,  dont  le  sens  n'a  souvent  pas  le 
moindre  rapport  avec  celles  qu'il  y  avait  d'abord.  11 
suffit  que  le  parodiste  se  conforme  au  caractère  des 
morceaux  de  musique,  et  s'applique  surtout  à  calquer 
son  dessin  sur  celui  du  musicien,  pour  qu'il  y  ait  une 
parfaite  concordance  entre  les  images.  Le  mot  parodie 
en  musique  n'a  aucun  rapport  avec  la  parodie  qu'on 
représente  au  théâtre,  et  qui  est  l'imitation  grotesque, 
bouffonne  et  critique  d'un  drame  sérieux. 

Parolier.  Ce  mot,  de  l'invention  de  notre  spiri- 
tuel Castil-Blaze,  exprime  parfaitement  un  auteur  de 
paroles,  de  livret,  un  librettiste  enfin,  c'est-à-dire  celui 
qui  compose  le  poëme  d'un  ouvrage  lyrique  :  opéra, 
opéra  comique,  oratorio,  ode-symphonie,  etc. 

Il  serait  à  désirer  que  des  littérateurs-music'ens 
voulussent  bien  s'ingénier  à  composer  des  néologïs- 
mes,  dans  le  but  d'enrichir  notre  dictionnaire  de  la 
langue  musicale,  qui  est  si  pauvre  et  si  baroque. 

Partie.  La  musique  étant  une  langue  où  plusieurs 
discours  peuvent  se  faire  entendre  à  la  fois,  non-seu- 
lement sans  se  nuire,  mais  en  se  servant  naturelle- 
ment, s'ils  ont  été  disposés  d'après  les  règles  de  l'art, 
il  s'en  suit  que  chacun  de  ses  discours  est  comme  la 
portion  d'un  grand  tout  qui  se  forme  de  leur  réunion. 
De  là  vient  le  nom  de  partie  donné  à  chacune  des 
portions  de  ce  tout,  et  qui  est  elle-même  un  tout  plus 
ou  moins  complet,  selon  l'importance  de  la  partie  et 
selon  la  manière  dont  elle  est  conçue.  On  dit  :  mor- 
ceau à  deux  parties,  à  trois  parties,  etc.  La  partie  est 
donc,  à  la  lettre,  ce  que  choque  artiste  chante  ou 


lia  PAR 

joue  sur  son  instrument  dans  l'exécution  d'un  mor- 
ceau de  musique.  Le  copiste  extrait  chaque  partie  de 
la  partition,  qui  est  la  réunion  de  toutes  les  parties. 
(Voyez  Partition.) 

Partition.  C'est,  chez  les  facteurs  d'orgues  et  de 
pianos,  une  règle  pour  accorder  l'instrument,  en 
commençant  par  une  corde  ou  tuyau  de  chaque  tou- 
che, dans  l'étendue  d'une  onzième  prise  vers  le  milieu 
du  clavier,  et  sur  celte  onzième  ou  partition  l'on  ac- 
corde, après,  tout  le  monde. 

Partition.  Collection  de  toutes  les  parties  d'une 
pièce  de  musique,  où  l'on  voit,  par  la  réunion  des 
portées  correspondantes,  l'harmonie  qu'elles  forment 
entre  elles.  On  écrit  pour  cela  toutes  les  parties,  por- 
tée à  portée,  l'une  au-dessous  de  l'autre,  avec  leurs 
clefs,  de  manière  que  chaque  mesure  d'une  portée 
soit  placée  perpendiculairement  au-dessus  ou  au- 
dessous  de  la  mesure  correspondante  des  autres  par- 
ties, et  enfermée  dans  les  mêmes  barres  prolongées  de 
l'une  à  l'autre,  afin  qu'on  puisse  voir  d'un  coup  d'œil 
tout  ce  qui  doit  s'entendre  à  la  fois. 

Quelque  ordre  que  l'on  donne  aux  parties  dans  une 
partition,  celle  de  la  basse  doit  être  au-dessous  de 
tout,  et  celle  du  chant  vocal  immédiatement  au- 
dessus  de  celle  de  la  basse  et  de  celle  de  violoncelle, 
s'il  y  en  a  une  pour  l'instrument.  Plusieurs  compo- 
siteurs placent  les  parties  de  violon  en  tète  d'une 
partition.  Les  Italiens  y  mettent  quelquefois  les  cors 
et  les  trompettes. 

La  diversité  des  clefs  est  un  moyen  excellent  pour 
donner  de  la  clarté  à  une  partition.  Les  clefs  (Vut 
signalent  le  basson  et  la  viole;  les  clefs  de  sol,  sans 
dièses  ni  bémols,  indiquent  sur-le-champ  les  parties 
des  cors  et  des  trompettes.  Les  voix  se  trouvent  clas- 
sées selon  leur  diapason,  et  l'œil  peut  les  distin- 


PAS  113 

guer  assez  facilement,  grâce  à  la  physionomie  parti- 
culière de  chaque  clef. 

La  partition  réunit  en  faisceau  les  forces  vocales  et 
instrumentales.  Tout  est  classé  avec  ordre,  et  chaque 
partie  suit  parallèlement  celles  qui  concertent  avec 
elle.  Le  chef  d'orchestre  embrasse  tout  d'un  coup 
d'œil,  il  s'attache  particulièrement  aux  voix  et  aux 
instruments  qui  récitent.  Sans  ce  précieux  secours, 
on  ne  peut  exécuter  la  musique  de  théâtre,  les  sym- 
phonies, les  messes,  les  cantates,  les  oratorios. 

Pas  de  deux.  Danse  exécutée  par  deux  danseurs. 
C'est  le  duo  de  la  danse.  Le  pas  russe  est  un  pas  de 
deux. 

Pas  de  trois.  Danse  exécutée  par  trois  danseurs. 
C'est  le  trio  de  la  danse. 
Pas  seul.  Danse  exécutée  par  un  seul  danseur. 

Passacaille.  Espèce  de  chaconne  dont  le  chant 
était  plus  tendre  et  le  mouvement  plus  lent  que  celui 
des  chaconnes  ordinaires.  Cet  air  de  danse,  que  l'on 
retrouve  encore  dans  les  opéras  de  Gluck,  n'est  plus 
en  usage.  Ce  mot  vient  de  l'espagnol  Pasa  Calle. 

Passage.  Ornement  que  l'on  ajoute  à  un  trait  de 
chant.  On  appelle  encore  ainsi  chaque  portion  d'un 
morceau  qui  présente  un  sens.  Les  notes  de  passage, 
comme  les  appogiaturcs,  sont  des  notes  qui  se  trou- 
vent dans  les  parties  harmoniques  sans  appartenir  à 
l'harmonie.  Ce  qui  les  distingue,  c'est  que  les  pre- 
mières se  trouvent  aux  temps  faibles  de  la  mesure  ou 
aux  parties  faibles  des  temps,  au  lieu  que  les  secondes 
se  trouvent  aux  temps  forts  de  la  mesure  ou  aux  par- 
ties fortes  des  temps. 

Les  notes  de  passage  servent  à  lier  entre  elles  les 
notes  harmoniques  et  à  orner  la  mélodie.  Leur  em- 
ploi et  leur  nombre  dépendent  du  bon  goût  du  com- 
positeur. 


111  PÀl' 

Passage  d'un  ton  dans  un  autre.  (  Voyez  le  mot 
Modulation.) 

Passe-Pied.  Air  d'une  danse  du  même  nom  dont 
la  mesure  était  à  trois  temps.  Cet  air  n'est  plus  en 
usage. 

Pastiche.  On  appelle  ainsi  une  composition  mu- 
sicale dans  laquelle  le  musicien  fait  entrer  plusieurs 
phrases  ou  morceaux  d'autres  compositions,  ou  dans 
laquelle  il  a  imité,  soit  à  dessein,  soit  sans  le  vouloir, 
le  style  d'un  ou  de  plusieurs  maîtres.  Il  se  prend 
presque  toujours  en  mauvaise  part. 

Pastorale.  Opéra  champêtre,  dont  les  personnages 
sont  des  bergers,  et  dont  la  musique  doit  être  en  har- 
monie avec  la  simplicité  de  goût  et  de  mœurs  qu'on 
leur  suppose.  La  pastorale  ne  sera  pas  indigne  de  nos 
premiers  théâtres  lyriques,  si  l'on  sait  l'écrire  avec 
une  élégante  simplicité.  Composer  une  pastorale  dans 
le  style  des  airs  champêtres  que  l'on  admire  dans 
Don  Juan,  n'est  pas  chose  facile. 

Une  pastorale  est  aussi  un  morceau  de  musique 
instrumentale,  dont  le  chant  imite  celui  des  bergers, 
en  a  la  douceur,  la  tendresse,  et  nous  rappelle  les 
effets  de  leurs  instruments  rustiques.  Le  troisième 
concerto  de  piano  de  Steibelt  est  terminé  par  une 
pastorale  dont  le  sujet  est  une  danse  villageoise  inter- 
rompue par  un  orage. 

Pathétique.  Genre  de  musique  dramatique  et  théâ- 
trale qui  tend  à  peindre  les  grandes  passions,  et  par- 
ticulièrement la  douleur  et  la  tristesse. 

Pause.  Intervalle  de  temps  qui,  dans  l'exécution, 
doit  se  passer  en  silence  pour  la  partie  où  la  pause 
est  marquée.  La  pause  est  le  silence  d'une  ronde, 
mais  elle  indique  aussi  le  silence  d'une  mesure  en- 
tière quelle  que  soit  la  valeur  de  cette  mesure.  La 
pause  se  marque  par  un  trait  très-court,  mais  forte- 
ment marqué,  appliqué  sous  la  troisième  ou  qua- 


PJÉD  115 

trième  ligne  de  la  portée,  et  dont  l'épaisseur  prend  la 
moitié  de  l'espace  compris  entre  celte  ligne  et  celle 
qui  est  immédiatement  au-dessous. 

Pavane.  Air  d'une  danse  ancienne,  qui  depuis  long- 
temps n'est  plus  en  usage.  Le  nom  de  pavane  lui  fut 
donné  parce  que  les  danseurs  faisaient,  en  se  servant 
de  leur  cape  et  de  leur  épée,  une  espèce  de  roue,  à  de 
la  manière  des  paons. 

Pavillon.  C'est  la  partie  évasée,  en  forme  d'enton- 
noir, qui  termine  certains  instruments  à  vent,  tels  que 
le  cor,  la  trompette,  le  trombone,  le  hautbois,  la  cla- 
rinette. 

Pavillon  chinois.  Instrument  de  musique  à  per- 
cussion. C'est  dans  sa  forme  une  espèce  de  chapeau 
de  laiton  terminé  en  pointe  et  garni  de  plusieurs  rangs 
de  clochettes.  Le  pavillon  chinois  est  fixé  sur  une  tige 
de  fer  au  moyen  d'une  coulisse.  Celui  qui  veut  en 
jouer  le  tient  d'une  main  par  cette  tige,  et  lui  donne 
avec  l'autre  un  mouvement  de  rotation  sur  lui-même; 
ou  bien  il  le  secoue  fortement  en  cadence,  de  manière 
que  toutes  les  clochettes  frappent  ensemble  sur  le 
temps  fort  de  la  mesure. 

Le  pavillon  chinois,  comme  son  nom  l'indique, 
nous  vient  de  la  Chine.  On  l'emploie  avec  succès 
dans  la  musique  militaire. 

Pédale.  On  appelle  ainsi  chaque  louche  du  clavier 
des  pieds  que  l'orgue  contient.  On  nomme  aussi  pé- 
dales les  jeux  qui  répondent  à  ce  clavier.  Pédale  se  dit 
également  des  petits  leviers  qui  font  mouvoir  la  mé- 
canique de  la  harpe  et  de  ceux  qui  servent  à  modifier 
le  son  du  piano.  Ces  divers  leviers  ont  été  nommés 
pédales,  parce  que  ce  sont  les  pieds  qui  les  font  agir. 

Pédale.  C'est  un  son  prolongé  à  la  basse,  sur  le- 
quel on  fait  passer  des  accords  qui  lui  sont  étrangers, 
mais  qui  de  temps  en  temps  doivent  contenir  la  note 
prolongée,  sans  quoi  l'effet  de  la  pédale  serait  désa- 


116  PEN 

gréable.  La  pédale  se  fait  sur  la  tonique  et  sur  la  doi 
minante.  Elle  doit  commencer  par  un  accord  conson- 
nant  appartenant  au  son  qui  fait  la  pédale. 

Pension.  Revenu  annuel  donné  à  quelqu'un.  Pour 
récompenser  les  compositeurs,  les  auteurs,  les  chan- 
teurs et  les  instrumentistes  de  leurs  succès  ou  de  leurs 
services,  les  gouvernements  leur  accordent  des  pen- 
sions. Les  compositeurs  célèbres  étaient  pensionnés 
autrefois  par  le  roi  sur  sa  cassette  particulière.  Plus 
tard  il  fut  établi  que  les  compositeurs  et  les  auteurs 
dramatiques  qui  auraient  donné  à  l'Opéra  trois  ou- 
vrages, faisant  chacun  spectacle  complet  et  repré- 
sentés quarante  fois,  obtiendraient  une  pension  an- 
nuelle de  1,000  fr.  En  1830,  les  pensions  des 
compositeurs  et  des  auteurs  furent  supprimées  ainsi 
que  celles  des  choristes,  des  danseurs  et  des  artistes  de 
l'orchestre  de  l'opéra.  Le  droit  à  une  pension  exis- 
tait après  vingt-cinq  ans  de  service  pour  les  artistes 
jouant  des  instruments  à  cordes,  et  après  vingt  ans 
pour  ceux  qui  jouaient  des  instruments  à  vent. 

Lorsque  les  acteurs  de  l'Opéra-Comique  cessèrent 
d'exploiter  le  théâtre  en  société,  des  pensions  furent 
données  à  ceux  qui  avaient  été  sociétaires.  Les  pro- 
fesseurs du  Conservatoire  impérial  de  musique  ont 
une  pension  après  trente  ans  de  service.  3,000  fr.  de 
pension  sont  faits  pendant  cinq  années  aux  jeunes 
compositeurs  auxquels  l'Académie  des  Beaux-Arts  a 
décerné  le  grand  prix  de  composition. 

Au  Conservatoire  musical  de  Paris  il  y  a  deux  sor- 
tes de  pensionnaires  :  les  pensionnaires  du  sexe  fémi- 
minin,  qui,  sans  être  logés  dans  l'école,  reçoivent  une 
pension  du  gouvernement;  et  les  pensionnaires  du 
sexe  masculin  qui  sont  complètement  entretenus  dans 
le  sein  même  de  l'établissement  pendant  tout  le  temps 
de  leurs  études  aux  frais  de  l'Etat. 

Pensionnaire.  On  appelle  pensionnaire  le  com- 


PEU  117 

positeur,  l'auteur,  le  chanteur,  l'instrumentiste  ou 
l'élève  qui  reçoit  une  pension  d'un  prince,  d'un 
Etat,  etc.,  etc.  (Voyez  le  mot  Pension.) 

Percussion.  Choc  de  la  dissonance  frappant  sur  le 
premier  temps  de  la  mesure.  On  distingue  dans  l'em- 
ploi de  la  dissonance  au  temps  fort,  trois  circonstan- 
ces remarquables,  savoir:  la  préparation,  la  percus- 
sion et  la  résolution.  On  nomme  instruments  de  per- 
cussion ceux  dont  on  joue  en  les  frappant,  comme  le 
tambour,  les  timbales,  la  grosse  caisse,  etc. 

Perdendo  si,  En  se  perdant.  Quand  ce  mot  est 
écrit  sous  un  passage  de  musique,  on  doit  l'exécuter 
en  faisant  succéder  le  pianissimo  au  piano  avec  une 
gradation  insensible,  et  laisser  éteindre  le  son  peu  à 
peu,  de  manière  à  n'être  plus  entendu  ;  car  c'est  là  le 
véritable  sens  du  mot:  Perdendo  si. 

Perfidia,  Perfidie.  Signifie  en  musique  une  obsti- 
nation à  faire  toujours  la  même  chose  et  à  suivre  le 
même  dessein.  Contrapunto  perfidiato,  fugà  perfidiata, 
sont  des  contrepoints  et  des  fugues  où  l'on  s'obstine 
à  suivre  le  môme  dessein.  Gela  s'appelle  aussi  pertina- 
cia,  opiniâtreté. 

Périélèse.  Terme  de  plain-chant.  C'est  l'interpo- 
sition d'une  ou  de  plusieurs  notes  dans  l'intonation 
de  certaines  pièces  de  chant,  pour  en  assurer  la  finale 
et  avertir  le  chœur  que  c'est  à  lui  de  reprendre  et 
poursuivre  ce  qui  suit. 

Période.  Phrase  musicale  composée  de  plusieurs 
membres  dont  la  réunion  forme  un  sens  complet.  La 
période  carrée  est  proprement  celle  qui  est  composée 
de  quatre  membres.  Mais  on  ne  laisse  pas  d'appeler 
période  carrée  toute  période  nombreuse  et  formée 
avec  de  bons  éléments  bien  ajustés  ensemble. 

Perses.  (Voyez  le  mot  Assyriens). 

Péroraison.  Ce  mot,  emprunté  à  la  rhétorique,  si- 
gnifie la  conclusion  d'un  discours  d'éloquence;  on 
t.  h.  r 


il*  PUÉ 

l'emploie  dans  le  même  sens  à  l'égard  du  discours 
musical.  Les  péroraisons  de  Mozart  sont  d'un  effet 
ravissant.  Celles  de  la  Flûte  enchantée,  de  l'ouverture 
des  Noces  de  Figaro,  du  premier  finale  de  Don  Juan, 
doivent  être  rangées  parmi  les  productions  les  plus 
sublimes  en  ce  genre.  Le  mot  péroraison  est  quelque 
fois  synonime  de  strette,  et  dans  ce  Sens  il  s'applique 
à  l'allégro  final  des  morceaux  les  plus  importants  de 
l'opéra,  tels  que  le  finale,  l'introduction,  le  sextuor,  etc. 
Phéniciens  (musique  des).  La  musique  des  Phé- 
niciens ,  d'après  Fabre  d'Olivet ,  qui  est  notre 
guide  dans  ce  travail  historique,  se  divisa  en  au- 
tant de  branches  et  forma  autant  de  systèmes  par- 
ticuliers qu'il  y  eut  de  sectes.  Ces  diverses  sectes 
qui  donnèrent  leurs  noms  aux  peuples  chez  lesquels 
elles  dominèrent,  servirent  aussi  à  désigner  l'es- 
pèce de  musique  qu'elles  adoptèrent  de  préfé- 
rence. De  là  le  mode  lydien,  le  phrygien,  le  do- 
rien,  l'ionien,  etc.,  etc.  C'est-à-dire  le  mode  de 
Yénus  ou  de  la  faculté  génératrice  universelle;  celui 
du  chef  ou  du  roi-pasteur;  celui  de  la  liberté  ou  de 
la  force  maie;  celui  de  la  colombe  ou  de  la  nature 
féminine.  Les  divers  modes  que  l'on  retrouve  chez  les 
Grecs  eurent  chacun  leur  caractère  propre.  Celui  de 
tous  qui  paraît  avoir  été  le  plus  généralement  adopté 
en  Phénicie,  était  le  mode  appelé  vulgairement  com- 
mun, et  que  les  Grecs  ont  connu  sous  le  nom  du  mode 
locrien,  ce  qui  signifie  mode  caractéristique  de  l'al- 
liance. La  corde  fondamentale  de  ce  mode  était  le  la, 
celle  qui  dominait  sur  le  système  musical  phénicien, 
la  première  à  l'aigu,  et  môme  au  grave  quand  elle  y 
eut  été  ajoutée.  Comme  cette  corde  était  assimilée  à 
la  lune,  qui  tenait  le  premier  rang  parmi  les  divinités 
de  ces  peuples  amazones,  c'est-à-dire  dévoués  à  la 
nature  féminine,  on  donna  au  mode  qu'elle  consti- 
tuait le  surnom  de  lyn  qui  veut  dire  astre  nocturne. 


VMÏ  119 

et  suivant  l'usage  de  ces  temps,  on  en  lit  un  person- 
nage mythologique,  qui  passant  par  la  suite  pour  un 
fameux  musicien,  fut  cité  comme  le  maître  à  chanter 
d'Hercule.  Cependant  Hérodote  dit  formellement  que 
c'était  une  sorte  de  chant  usité  en  Egypte,  qui,  du 
sein  de  la  Phénicie  avait  passé  en  Europe.  Cette  sorte 
de  chant  qu'il  appelle  limos,  était  selon  lui  d'un  ca- 
ractère triste  et  mélancolique.  Ceci  revient  précisé- 
ment à  l'idée  que  les  Chinois  modernes  conservent 
encore  de  ce  mode  phénicien,  dont  ils  désignent  la 
tonique  la  par  l'épithète  expressive  de  kou-si,  lamen- 
tation occidentale 

Au  moment  où  les  pasteurs  démembrèrent  l'em- 
pire indien,  et  formèrent  la  fameuse  secte  qui  donna 
naissance  à  la  nation  phénicienne,  il  parait  qu'ils 
choisirent  pour  désigner  les  sept  sons  diatoniques  de 
leur  système  musical  les  sept  voyelles  de  leur  alpha- 
bet, de  manière  que  la  première  de  ces  voyelles  alpha 
ou  A,  était  apppliquée  au  principe  cyprien  fa  qu'ils 
regardaient  comme  le  premier,  et  que  la  dernière,  âin, 
que  les  Grecs  rendent  par  oméga  et  que  nous  rem- 
plaçons par  ou,  était  appliquée  au  principe  saturnien 
si  qu'ils  considéraient  comme  le  dernier.  On  peut 
croire  que  ce  fut  par  une  suite  naturelle  de  cette  ma- 
nière de  noter  les  deux  cordes  musicales  assimilées 
aux  deux  principes  de  l'univers,  que  naquit  le  fa- 
meux proverbe  mis  dans  la  bouche  de  l'être  suprême 
pour  désigner  sa  toute  puissance  et  son  immensité  : 

Je  suis  l'Alpha  et  l'Oméga. 

Cependant,  soit  que  les  Phéniciens  eussent  deux  ma- 
nières de  noter  les  sons,  soit  qu'ils  les  considérassent 
comme  procédant  par  intervalles  harmoniques,  si-mi- 
la-ré-sol-ut-fa,  ou  diatoniques,  si-ut-ré-mi-fa-sol-la,  ou 
bien  que  Je  temps  ou  les  révolutions  politiques  et  re- 
ligieuses eussent  apporté  quelques  changements  à 


120  PUR 

leur  notation,  on  voit  clairement,  par  plusieurs  pas- 
sages des  anciens,  que  la  corde  /a,  assimilée  à  la  lune  et 
tonique  du  mode  commun  ou  locrien,  était  notée  par 
la  voyelle  A;  en  sorte  que  la  gamme  entière  chantée 
de  l'aigu  au  grave  se  solfiait  sur  le  son  des  sept  voyel- 
les phéniciennes,  inconnues  aujourd'hui,  et  en  allant 
de  l'aigu  au  grave,  par  conséquent  de  droite  à  gau- 
che, au  lieu  dû  grave  à  l'aigu  et  de  gauche  à  droite. 
Les  pasteurs,  en  se  séparant  de  l'empire  indien,  pri- 
rent cette  méthode,  qu'ils  communiquèrent  à  tous 
ceux  qui  dépendirent  d'eux,  soit  directement,  soit 
indirectement.  Les  Egyptiens,  les  Arabes,  les  Assy- 
riens, les  Grecs,  les  Etrusques,  la  reçurent  et  la  con- 
servèrent plus  ou  moins  longtemps,  suivant  les  cir- 
constances. Les  Arabes  et  tous  ceux  qui  ont  reçu  le 
joug  de  l'islamisme,  la  suivent  encore  aujourd'hui. 

Phrase.  Suite  de  chant  ou  d'harmonie  qui  forme 
sans  interruption  un  sens  plus  ou  moins  achevé,  et 
qui  se  termine  sur  un  repos  par  une  cadence  plus  ou 
moins  parfaite. 

Piiraser.  C'est,  dans  l'exécution  de  la  musique,  pré- 
senter la  période  musicale  avec  élégance  et  noblesse, 
l'orner  de  tous  les  agréments  inspirés  par  le  goût,  et 
la  conduire  avec  art  depuis  son  début  jusqu'à  sa  con- 
clusion. 

Piirénologie  (la)  appliquée  à  la  musique.  La  phy- 
sionomie et  les  crânes  humains  offrent-ils  des  signes 
certains,  infaillibles,  pour  préciser  les  dispositions,  les 
facultés,  le  degré  d'intelligence  des  individus,  et  spé- 
cialement des  hommes  qui  se  livrent  aux  arts  de  l'ima- 
gination? Les  observations  recueillies  par  Gall  et  par 
Lavater  constituent-elles  une  science  positive?  A  cet 
égard,  il  y  a  contradiction,  doute,  incertitude  parmi 
les  savants  modernes,  et  sans  doute  ce  problème  ne 
sera  pasrésolu  de  longtemps.  Quoi  qu'il  en  soit,  l'anec- 
dote suivante,  qui  nous  a  été  donnée  comme  authenti- 


PUE  121 

que,  et  qui  se  rattache  à  un  homme  éminent  dans  l'art 
musical,  est  un  argument  de  plus  en  faveur  des  asser- 
tions de  la  science  phrénologique. 

On  sait  que  Gall,  l'illustre  fondateur  de  cette  école, 
ne  sortait  jamais  d'un  salon  sans  avoir  interrogé  mi- 
nutieusement le  crâne  et  les  protubérances  caracté- 
ristiques de  toutes  les  personnes  qui  s'y  trouvaient 
réunies.  Chacun  se  prêtait  de  bonne  grâce  à  cette 
opération,  et  pour  en  fixer  les  résultats,  le  célèbre 
phrénologue  avait  constamment  sur  lui  un  porte- 
feuille, sur  lequel  il  inscrivait  le  nom  de  tous  les 
sujets  soumis  à  ses  expériences  et  les  remarques  qu'il 
avait  faites  sur  chacun  d'eux.  Or,  pendant  un  séjour 
de  quelques  mois  qu'il  fit  à  Milan,  il  y  a  trente  ou 
trente-cinq  ans,  Gall  avait  particulièrement  remar- 
qué dans  un  des  salons  de  cette  ville  un  très- jeune 
musicien  qui  faisait  les  délices  de  la  société  par  son 
esprit,  ses  saillies  et  son  talent.  Voici  ce  qu'il  écrivit 
sur  ses  tablettes  à  propos  de  ce  jeune  homme  : 

Œil  rayonnant.  Sourire  intelligent  et  fin.  Front 
bombé.  Proéminente  inspiration.  Génie  créateur. 
Énergie.  Grâce.  Fécondité.  Souplesse. 

Rossini  était  le  nom  du  jeune  musicien  en  question, 
nom  parfaitement  inconnu  à  cette  époque  ;  et  pour- 
tant, était-il  possible  de  faire  une  énumération  plus 
complète  des  qualités  diverses  qui  ont  brillé  depuis 
dans  les  productions  du  grand  maestro  ? 

Le  fait  que  nous  venons  de  raconter  trouvera  peut- 
être  des  incrédules;  cependant,  qui  pourrait  soutenir 
que  la  science  a  dit  son  dernier  mot  sur  l'étude  et 
l'observation  des  facultés  de  l'homme?  Pour  nous, 
sans  prétendre  nous  poser  en  défenseur  de  la  doctrine 
de  Gall  et  du  système  de  Lavater,  nous  désirons  que 
des  expériences  soient  poursuivies  à  ce  sujet  avec  ar- 
deur et  persévérance;  nous  le  désirons  dans  l'intérêt 
de  l'art  musical  et  de  ceux  qui  s'y  consacrent.  Grâce 


122  PIA 

aux  révélations  de  la  science  phrénologique,  chacun 
serait  averti.  Les  organisations  d'élite,  les  vocations 
véritables  seraient  vivement  lancées  dans  la  direction 
qui  leur  convient,  et  les  esprits  médiocres  seraient 
promptement  détournés  d'une  carrière  où  ils  ne  peu- 
vent que  végéter. 

Philosophie  de  la  musique.  Elle  consiste  à  recher- 
cher les  rapports  secrets  des  sons  avec  nos  senti- 
ments et  nos  pensées.  (Voy.  Langue  musicale.) 

Pianiste.  Celui  qui  joue  du  piano.  Si  l'on  don- 
nait ce  nom  à  tous  ceux  qui  mettent  les  mains  sur 
cet  instrument,  on  pourrait  compter  plus  de  cin- 
quante mille  pianistes  à  Paris  seulement. 

Il  y  a  le  pianijle-professeur,  le  pianiste  de  concert, 
le  pianiste-accompagnateur ,  le  pianiste-improvisateur. 
La  première  classe  est  très-nombreuse,  mais  il  y  a 
peu  d'excellents  professeurs  de  piano.  La  seconde 
classe  s'augmente  tous  les  jours,  et  c'est  un  malheur; 
car,  comme  instrument  de  solo,  dans  un  vaste  local, 
le  piano,  presque  toujours  est  insuffisant  et  ennuyeux  : 
sa  place  est  au  salon,  dans  les  concerts  intimes  ;  la 
musique  de  chambre  lui  va  bien.  La  troisième  classe, 
qui  devrait  être  la  plus  importante,  est  trop  peu  re- 
cherchée par  les  pianistes.  Les  bons  accompagnateurs 
sont  très-rares  et  il  y  en  a  beaucoup  trop  encore  de 
mauvais.  Il  est  vrai  que  ce  rôle  est  ingrat  et  peu  bril- 
lant. Or,  la  plupart  des  pianistes  aiment  à  briller. 
Pour  être  excellent  accompagnateur,  il  faut  d'abord 
être  musicien  profond,  lire  la  partition  d'orchestre 
et  la  réduire  à  livre  ouvert  ;  transposer  à  la  volonté 
du  chanteur;  se  faire  le  très-humble  serviteur  de  la 
voix;  jamais  ne  la  couvrir,  toujours  lui  servir  de  cor- 
tège; être  bon  harmoniste  et  capable,  au  besoin,  d'im- 
proviser ou  de  suppléer  un  accompagnement.  Voilà  ce 
que  font  MM.  Yauthrot,  Frelon  et  Garaudé.  Quelques 
autres  marchent  sur  leurs  traces,  mais  un  très-petit 


PI  A  1^3 

nombre  peuvent  atteindre  à  ce  haut  degré  de  perfec- 
tion. La  quatrième  classe  est  encore  plus  faible  que  la 
troisième.  Il  semble  qu'on  ait  perdu  le  secret  des  Bee- 
thoven ,  des  Mozart,  des  Hummel,  des  Boïeldieu. 
C'est  qu'ici  encore  il  faut  une  étude  longue  et  persé- 
vérante, secondée  par  une  nature  exceptionnelle. 
L'homme  de  génie,  lui-même,  a  besoin  de  longs  tâ- 
tonnements avant  d'arriver  à  improviser  en  maître. 
Il  faut  s'y  exercer  de  très-bonne  heure  et  tous  les 
jours,  sans  se  rebuter  des  difficultés  qui  naissent  à 
chaque  nouveau  pas  dans  cette  épineuse  carrière. 
Du  reste,  l'improvisation ,  lorsqu'on  a  franchi  tous 
les  obstacles,  procure  tant  de  jouissances,  que  les'**, 
jeunes  gens  bien  organisés  devraient  s'y  livrer  avec 
plus  d'ardeur. 

Piano.  Instrument  de  musique  à  cordes  et  à  cla- 
vier, qui  a  succédé  au  clavecin.  Dans  le  clavecin  et 
l'épinette,  les  cordes  étaient  pincées  par  un  bec  de 
plume  ou  de  cuir;  dans  le  piano  ,  ce  sont  des  mar- 
teaux mis  en  jeu  par  la  touche  et  divers  échappe- 
ments qui  viennent  les  attaquer.  La  corde  pincée 
donnait  des  sons  trop  uniformes ,  tandis  que  le 
marteau  est  aux  ordres  de  celui  qui  sait  le  maîtriser, 
et  que  le  son  acquiert  plus  ou  moins  d'intensité  selon 
que  la  corde  est  frappée  avec  plus  ou  moins  de  vi- 
gueur. Le  piano  donnant  des  moyens  d'expression 
jusqu'alors  inconnus  dans  les  instruments  à  clavier, 
et  modifiant  les  sons  du  piano  ou  forte  par  degrés  im- 
perceptibles, reçut  d'abord  le  nom  de  piano  forte  ou 
forte  piano,  comme  exprimant  les  deux  qualités  qui 
le  distinguaient.  Dès  le  moment  de  son  invention,  le 
nouvel  instrument  remporta  une  victoire  complète 
sur  le  clavecin,  qui  disparut  tout  à  fait. 

Si  le  piano  ne  peut  se  montrer  avec  avantage  dans 
une  vaste  enceinte  et  au  milieu  d'une  foule  d'instru- 
ments, il  prend  bien  sa  revanche  dans  les  salons,  où 


\±k  PI  A 

il  forme  à  lui  seul  une  harmonie  complète.  Si  le  vio- 
lon est  le  roi  des  orchestres ,  le  piano  est  le  trésor  de 
l'harmonie  et  du  chanteur  à  la  ville,  à  la  campagne 
surtout.  Que  de  soirées  dérobées  à  l'ennui  et  embel- 
lies des  charmes  de  la  musique  !  On  chercherait  en 
vain  à  former  un  quatuor  ;  le  piano  est  là,  c'est  le 
point  de  ralliement. 

Les  jeux  brillants  et  variés  de  cet  instrument ,  les 
licences  que  la  main  droite  a  pu  se  permettre  à  la  fa- 
veur des  groupes  harmonieux  exécutés  par  la  main 
gauche,  se  sont  introduits  peu  à  peu  dans  l'orchestre 
dont  ils  ont  augmenté  la  puissance. 

Le  piano  commença  à  se  répandre  en  France  vers 
1780.  Mais  il  y  avait  loin  des  premiers  essais  encore 
informes  qui  furent  alors  tentés  aux  instruments  su- 
perbes, excellents,  qui  sortent  aujourd'hui,  des  ate- 
liers de  nos  habiles  facteurs. 

Le  piano  à  forme  de  clavecin,  vulgairement  ap- 
pelé piano  à  queue,  est  celui  que  l'on  doit  préférer. 
Les  cordes  étant  frappées  dans  le  sens  de  leur  lon- 
gueur, on  obtient  des  vibrations  plus  fortes  et  plus 
prolongées.  La  forme  de  ce  piano  est  élégante  et  pit- 
toresque, elle  représente  une  harpe  couchée  horizon- 
talement. 

Le  grand  piano  donnant  un  volume  de  sons  plus 
considérable  et  prolongeant  les  vibrations,  on  peut 
réellement  exécuter  des  mélodies  larges  sur  cet  ins- 
trument. Ses  moyens  sonores  et  la  moindre  facilité 
que  présentent  les  touches  de  son  clavier  donnent 
plus  de  solidité  au  talent  de  l'exécutant,  et  le  forcent 
en  quelque  manière  à  acquérir  un  beau  style. 

Les  facteurs  de  pianos  dont  les  produits  sont  le 
plus  estimés  en  France,  sont  :  les  frères  Erard, 
Pleyel,  Pape,  Dietz,  Roller  et  Blanchet,  Souffleto, 
Henri  Ilerz.  On  n'attend  pas  sans  doute  de  nous  que 
nous  signalions  ici  les  qualités  qui  distinguent  les 


HA  125 

instruments  sortis  des  ateliers  de  ces  divers  facteurs, 
ou  celles  qui  leur  manquent;  nous  nous  bornerons  à 
trois  ou  quatre  noms  que  le  public  a  mis  depuis  long- 
temps hors  de  ligne. 

Les  pianos  de  Pleyel  se  font  remarquer  par  le  moel- 
leux et  la  rondeur  des  sons,  par  la  précision  du  méca- 
nisme et  l'égalité  des  marteaux.  C'est  en  cela  qu'ex- 
celle ce  facteur,  habile  pianiste  lui-môme,  et  qui  fait 
tourner  au  profit  de  son  industrie  les  connaissances 
qu'il  a  acquises  par  ses  études  d'artiste.  Les  pianos 
d'Érard  sont  justement  célèbres  par  leur  vibration  et 
leur  intensité.  Les  pianos  de  Pape  ont  une  sonorité 
profonde  et  agréable;  le  clavier  en  est  parfaitement 
réglé,  et  les  marteaux  bien  égalisés.  Les  pianos  droits 
de  Roi  1er  ont  de  la  vibration  et  de  la  force,  surtout 
relativement  à  leur  grandeur. 

Piano  a  queue  vertical.  En  1850,  M.  Dietz,  fils 
du  célèbre  mécanicien  de  ce  nom,  tant  apprécié  de 
Napoléon  Ier,  et  oncle  de  Mme  Anna  de  Lagrange,  la 
célèbre  cantatrice,  inventa  le  piano  à  queue  vertical. 
Ce  piano  est  d'une  forme  mignonne,  élégante.  Sem- 
blable à  ces  chanteurs  qui  ont  de  grandes  voix  dans 
de  petits  corps,  il  produit  des  sons  aussi  puissants 
que  ceux  d'un  piano  d'Érard  à  grande  queue.  Sa 
construction  modèle,  soumise  à  toutes  les  lois  de  l'a- 
coustique, l'empêche  de  se  discorder,  comme  les  au- 
tres pianos  droits,  sous  l'influence  de  la  température 
atmosphérique.  Le  côté  droit  n'a  que  85  centimètres 
de  hauteur,  et  le  côté  gauche,  1  mètre  75  centimètres. 
Il  rappelle  un  peu  la  gracieuse  forme  de  la  harpe. 
Le  pianiste  ne  se  trouve  pas  du  tout  caché  par  la  dis- 
position nouvelle  de  l'instrument. 

Le  clavier  est  très-léger  et  les  marteaux  frappent 
les  cordes  avec  une  vigueur  extrême,  sans  porter  au- 
cune perturbation  dans  l'âme  de  l'instrument.  Le  mé- 
canisme du  marteau  se  compose  seulement  de  deux 


1^<)  PI  À 

pièces,  et  dans  les  autres  pianos  au  moins  de  cinq. 
Ce  mécanisme  a  très-peu  de  frottement  et  par  consé- 
quent doit  durer  plus  longtemps  que  les  autres.  La 
table  d'hamonie  ne  peut  jamais  se  comprimer  par  le 
tirage  des  cordes,  parce  qu'elle  se  trouve  isolée  du 
sommier. 

Il  est  facile  de  se  convaincre,  d'après  cette  analyse, 
que  le  mécanisme  et  la  construction  de  ce  piano  dif- 
fèrent essentiellement  des  autres.  Son  élégance,  sa 
simplicité,  son  petit  volume  et  sa  grande  puissance 
lui  assurent  un  avenir  de  succès. 

, M.  Dietz  e§t  encore  auteur  du  poly-  plectron,  du  tri- 
sophone,  du  piano  ovale,  de  Yaérophone,  du  piano 
colien,  ou  piano  trapèze,  du.  ventilateur  acoustique,  du 
piano  ogive  à  quatre  cordes  et  du  clavi-harpe. 

Piano,  Docx.  C'est  l'opposé  du  forte,  fort.  Ce  mot  a 
été  adopté  dans  notre  langue,  ainsi  que  son  dimi- 
nutif pianissimo,  très-doux. 

Piano  éouque.  Instrument  inventé  par  Kieselstein 
et  Schwarlz,  de  Nuremberg.  D'après  la  description 
qu'on  en  donne,  il  paraîtrait  que  le  mécanisme  de  cet 
instrument  est  à  peu  près  le  même  que  celui  du 
physharmonica,  puisque  le  son  est  produit  par  la  vi- 
bration de  lames  d'acier  de  différentes  grandeurs  pla- 
cées à  l'orifice  de  trous  ou  tuyaux  d'où  sort  le  vent 
des  soufflets  mis  en  mouvement  par  deux  pédales. 
Indifférence,  qui  paraîtrait  être  à  l'avantage  du  nou- 
veau piano  éolique,  consiste  en  ce  que  les  sons  ont 
plus  de  force,  et  en  ce  qu'il  a  six  octaves. 

Piano  mélographe.  Au  mois  d'août  1837,  M.  Car- 
reyre  a  fait,  devant  l'Académie  des  Beaux-Arts  de 
l'Institut  de  Paris,  l'essai  d'un  piano  mélographe  qui 
consistait  en  un  mouvement  d'horloge,  lequel  faisait 
dérouler  d'un  cylindre  sur  un  autre  une  lame  mince 
de  plomb,  où  s'exprimaient,  par  l'action  des  touches 
du  piano,  certains  signes  particuliers  qui  pouvaient 


MA  1*27 

se  traduire  en  notation  ordinaire  au  moyen  d'une  table 
explicative.  Après  l'expérience,  la  bande  fut  enlevée 
pour  en  opérer  la  traduction,  et  une  commission  fut 
nommée  pour  en  faire  le  rapport;  mais  ce  rapport 
n'ayant  pas  été  fait,  il  est  vraisemblable  que  la  tra- 
duction ne  s'en  est  point  trouvée  exacte. 

Pièce.  Ouvrage  de  musique  instrumentale  d'une 
certaine  étendue,  composé  de  plusieurs  morceaux 
formant  un  ensemble  et  un  tout  pour  être  exécuté  de 
suite.  Une  symphonie  est  une  pièce,  une  sonate  est 
une  pièce.  Ce  mot  ne  s'applique  guère  qu'à  des  com- 
positions destinées  à  l'orchestre  ou  à  l'orgue,  au 
piano,  à  la  harpe. 

Pincer.  C'est  employer  les  doigts,  au  lieu  de  l'ar- 
chet, pour  faire  sonner  les  instruments  qui  n'ont  ni 
touche  ni  archet,  et  dont  on  ne  joue  qu'en  les  pin- 
çant; tels  sont  la  harpe  et  la  guitare.  On  pince  aussi 
quelquefois  les  instruments  à  archet,  et  on  l'indique 
dans  la  partition  et  dans  la  partie  en  écrivant  pincé, 
ou  pizzicato.  (Voyez  ce  mot.) 

Piqué,  piquée.  Les  notes  piquées  sont  des  suites 
de  notes  montant  ou  descendant,  ou  rebattues  sur  le 
même  degré,  sur  chacune  desquelles  on  met  un  point 
allongé  pour  indiquer  qu'elles  doivent  être  marquées 
égales  par  des  coups  de  langue  ou  d'archet  secs  et 
détachés. 

Piu,  plus.  Piu  presto,  plus  vite  ;  piu  lento,  plus 
lent;  piu  stretto,  plus  serré. 

Pizzicato.  Ce  mot,  qui  signifie  pincé,  avertit  qu'il 
faut  pincer  les  cordes  du  violon  ou  du  violoncelle,  de 
la  viole  ou  de  la  contre-basse,  au  lieu  de  les  faire  ré- 
sonner avec  l'archet.  Ces  mots  co//'  arco,  ou  simple- 
ment arco,  marquent  le  lieu  où  l'on  doit  reprendre  de 
l'archet. 

Plagal  (ton).  C'est  une  règle  fondamentale  que 
toute  pièce  de  plain-chant  doit  être  renfermée  dans 


m  pla 

l'étendue  d'une  octave,  ou  tout  au  plus  d'une  neu- 
vième. Cela  observé,  il  peut  arriver  deux  cas,  savoir, 
que  la  finale  occupe  le  plus  bas  degré  de  cette  octave, 
ou  qu'elle  en  occupe  le  milieu.  Dans  le  premier  cas, 
le  ton  est  authentique,  et  lorsque  la  finale  occupe  le 
milieu,  le  ton  est  appelé  plagal  ou  collatéral. 

Plagale  (cadence).  C'est,  à  la  basse,  le  mouve- 
ment du  quatrième  degré  sur  la  tonique,  ces  deux 
notes  portant  l'accord  parfait.  La  cadence  plagale  est 
une  réminiscence  du  plain-chant  et  peut  s'accorder 
cependant  avec  les  exigences  de  la  tonalité  moderne. 

Plagiat.  C'est  le  nom  qu'on  donne  à  un  larcin  d'i- 
dées musicales.  En  musique  comme  en  littérature,  il 
faut  distinguer  les  idées  créées,  les  phrases  filles  de 
l'imagination,  d'avec  les  lieux  communs  de  l'école. 
On  ne  saurait  s'approprier  les  premières  sous  aucun 
prétexte;  les  phrases  toutes  faites  appartiennent  à 
tout  le  monde. 

Plein  jeu.  C'est  dans  l'orgue  la  réunion  des  jeux 
de  cymbale  et  de  fourniture.  Pour  que  le  plein  jeu 
produise  un  effet  satisfaisant,  il  faut  qu'il  soit  sou- 
tenu par  de  bons  fonds,  c'est-à-dire  par  le  bourdon 
de  seize  pieds,  la  montre  et  les  prestants. 

Plique.  Sorte  de  ligature  dans  notre  ancienne  mu- 
sique. La  plique  était  un  signe  de  retardement  ou  de 
lenteur;  elle  se  faisait  en  passant  d'un  son  à  un 
autre,  depuis  le  demi-ton  jusqu'à  la  quinte,  soit  en 
montant,  soit  en  descendant.  Telle  est  la  définition 
donnée  par  J.-J.  Rousseau;  mais  on  croit  plus  gé- 
néralement que  la  plique  des  anciens  était  une  espèce 
d'ornement  semblable,  à  peu  près,  à  notre  trille. 
C'est  ainsi,  du  moins,  que  l'a  défini  Marchetto  de 
Padoue. 

Plain-Chant.  (Voyez  Chant  ecclésiastique.) 

Planche.  Se  dit  d'une  plaque  de  cuivre  ou  d'étain, 
sur  laquelle  on  grave  la  musique. 


POL  1 29 

Pochette.  Petit  violon  de  poche,  qui  a  le  même 
manche  que  le  violon,  et  dont  les  maîtres  de  danse  se 
servent  comme  étant  plus  commode  à  porter.  11 
sonne  l'octave  du  violon  ordinaire. 

Poco,  Peu.  Poco  à  poco,  peu  à  peu. 

Poème.  Ouvrage  écrit  en  vers  et  destiné  à  être  mis 
en  musique.  On  ne  donne  le  nom  de  poëme  qu'à  des 
ouvrages  d'une  certaine  étendue,  tels  qu'un  opéra, 
un  oratorio,  une  cantate;  tandis  que  le  mot  paroles, 
qui  a  la  même  signification,  s'applique  également  à 
un  opéra  et  à  une  chanson. 

Point.  Le  point  augmente  Ta  note  qui  le  précède 
de  la  moitié  de  sa  valeur  ou  de  sa  durée.  Quand  il  y  a 
plusieurs  points  de  suite,  le  second  ne  vaut  que  la 
moitié  du  premier,  le  troisième  la  moitié  du  second. 

Point  d'orgue.  Passage  brillant  qui  fait  la  partie 
principale  dans  un  solo.  Le  point  d'orgue  se  place 
sur  un  repos,  ou  vers  la  fin  d'un  morceau  de  mu- 
sique. Les  airs  de  bravoure  de  l'école  italienne  se 
terminaient  autrefois  par  un  point  d'orgue,  ou  ca- 
dence. Cet  usage  s'est  perdu  peu  à  peu. 

Pointu,  Pointue.  On  se  sert  de  ce  mot  figurément 
et  dans  la  conversation  familière,  pour  désigner  une 
voix  qui  ne  donne  que  des  sons  grêles,  et  n'a  de  dé- 
veloppement que  dans  la  partie  aiguë. 

Politique  (musique).  C'est  surtout  à  l'époque  de 
notre  première  révolution  que  la  musique  politique  a 
joué  un  grand  rôle.  C'était  en  juillet  1789.  On  venait 
de  prendre  la  Bastille.  Le  peuple  célébrait  sa  victoire 
par  des  chants  joyeux,  par  des  cris  d'enthousiasme  ; 
mais  depuis  quelque  temps,  à  l'Hôtel-de-Ville,  les 
électeurs  s'étaient  rassemblés  et  exerçaient  une  ma- 
gistrature provisoire.  Les  premiers  ils  commandèrent 
un  ouvrage  lyrique  destiné  à  immortaliser  cette  vic- 
toire populaire:  ils  chargèrent  un  nommé  Désaugïer- 
Janson  de  composer  un  hiérodrame,  ou  drame  sacré, 


1 M  POL 

retraçant  autant  que  possible  les  épisodes  les  plus  re- 
marquables de  la  prise  de  la  Bastille.  Cet  ouvrage  fut 
exécuté  en  grande  pompe  dans  l'église  Noire-Dame,  et 
jouit  pendant  quelque  temps  d'une  certaine  popula- 
rité. 

Une  innovation  est  à  remarquer  à  propos  de  l'œuvre 
dont  nous  parlons;  une  grosse  cloche  d'un  timbre  so- 
nore comptait  parmi  les  instruments  de  l'orchestre, 
et  rendait  au  naturel  les  sons  lugubres  du  tocsin. 

Traçons  maintenant  l'histoire  des  deux  airs  fameux 
au  début  de  la  révolution  française,  le  premier  chanté 
par  tous  les  amis  du  roi,  le  second  par  tous  les  amis 
de  la  nation;  nous  voulons  parler  du  bel  air  : 
0  Richard,  ô  mon  roi,  l'univers  i abandonne!  et  du  ca- 
rillon national  Ça  ira. 

Le  mélodique  Grétry  était  alors  dans  toute  la  ma- 
turité de  son  talent;  son  triomphe  avait  été  Richard 
Cœur -de-Lion,  dont  les  paroles  toutes  monarchiques 
contrastaient  singulièrement  avec  l'esprit  démocra- 
tique qui  se  faisait  jour  chez  le  peuple.  Les  nobles, 
ou  pour  parler  le  langage  du  temps,  les  aristo- 
crates en  consolidèrent  le  succès,  et,  à  peine  les 
états-généraux  étaient  assemblés,  que  dans  tous  les 
salons  on  chantait  l'air  du  fidèle  Blondel  au  pied  de 
la  tour  qui  renferme  son  royal  maître.  Quelques  cour- 
tisans affectèrent  de  le  faire  entendre  dans  les  mo- 
destes soirées  que  Louis  XVI  donnait  à  Versailles.  Il 
devint  bientôt  une  sorte  de  ralliement  sous  la  ban- 
nière monarchique.  Mais  cette  allusion  ne  se  faisait 
d'abord  que  secrètement;  une  occasion  se  présenta 
de  la  rendre  publique. 

En  1790,  les  gardes-du-corps  donnèrent  un  ban- 
quet aristocratique  dans  l'Orangerie  de  Versailles. 
Après  le  toast,  on  chanta  l'air:  O  Richard,  et  on  lit 
serment  de  délivrer  Louis  XVI.  Dès  ce  moment,  il 
de\int  une  Marseillaise  rovaliste. 


pol  m 

Quand  Louis  XVI  eut  été  enfermé  au  Temple,  des 
joueurs  d'orgue  vinrent  chanter  sous  les  fenêtres  du 
monarque  l'air  du  troubadour,  tant  et  si  bien  que, 
sous  la  Terreur,  les  musiciens  ambulants  durent  l'en- 
lever de  leur  répertoire,  sinon  passer  pour  suspects 
et  aller  en  prison. 

Tel  a  été  le  sort  de  cet  air,  qui  dut  beaucoup  de  son 
succès  à  la  politique.  Occupons-nous  maintenant  de 
son  rival,  le  Ça  ira. 

Depuis  la  prise  de  la  Bastille,  le  peuple  manifes- 
tait hautement  sa  haine  contre  les  nobles.  L'expres- 
sion Ça  ira  était  ordinairement  employée  toutes  les 
fois  qu'il  lanternait,  c'est-à-dire  accrochait  au  réver- 
bère un  ennemi  de  la  constitution.  Pendant  les  pré- 
paratifs qui  précédèrent  la  fédération  du  14  juillet 
1790,  Ça  ira  fut  mis  en  chanson  avec  un  grand  nom- 
bre de  variantes  quant  aux  paroles.  Le  Ça  ira  officiel 
est  celui  qu'on  attribue  à  Dupuis,  l'auteur  de  COrinine 
des  Cultes. 

Bientôt  cet  air  s'entendit  dans  toutes  les  rues.  Si  l'on 
assassinait  un  aristocrate,  si  l'on  plantait  un  maiâe 
la  liberté,  le  Ça  ira  était  chanté.  Ouvrez  le  Journal  de 
Paris  du  temps,  aux  annonces,  voici  ce  que  vous  y 
trouverez  :  Nouvelles  variations  pour  le  clavecin,  sur 
l'air  Ça  ira  ;  rondeau  sur  l'air  Ça  ira.  Le  Ça  ira  vécut 
jusque  sous  le  Directoire. 

Aux  clubs,  on  faisait  souvent  de  la  musique;  elle 
se  composait  le  plus  souvent  de  symphonies  ayant 
pour  basses  continues  des  roulements  de  tambours, 
des  vociférations  et  des  décharges  de  mousqueterie. 

De  la  déchéance  de  Louis  XYI  à  la  Terreur,  il  n'y 
eut  qu'un  pas.  Cependant  au  point  de  vue  de  l'art 
musical,  la  Terreur  fut  une  époque  à  part.  Les  qua- 
torze armées  bordent  et  défendent  nos  frontières  me- 
nacées par  la  coalition  des  rois  étrangers;  la  France 
fait  un  offort  sur  ello-mème  :  et  quel  stimulant  plus 


132  POL 

efficace  que  la  musique  peut  inspirer  les  manifesta- 
tions du  courage?  Nous  ne  suivrons  pas  ces  nouveaux 
soldats  sur  les  champs  de  bataille  :  la  Marseillaise 
leur  suffisait,  et  dans  toutes  les  occasions  périlleuses, 
l'hymne  fameux  redoubla  leur  courage  et  les  mena  à 
la  victoire. 

Et  maintenant  qu'on  nous  suive  à  l'Opéra  sous  la 
Terreur,  voici  les  pièces  qu'on  entendra:  le  Siège  de 
Thionville,  musique  de  Jadin,  Y  Offrande  à  la  Liberté, 
scène  religieuse  de  Gossec,  et  Fabius,  tragédie  mise 
en  musique,  par  Méreaux.  A  cette  époque,  la  musique 
politique  a  plus  que  jamais  envahi  le  théâtre. 

Sous  la  Terreur,  le  catholicisme  avait  été  remplacé, 
d'abord  parle  culte  de  la  Raison,  ensuite  par  celui 
de  l'Ètre-Suprême,  tous  deux  inaugurés  par  des 
fêtes  solennelles. 

La  fête  de  la  Raison  fut  célébrée  dans  l'église 
Notre-Dame  ;  plusieurs  compositeurs  concoururent  à 
la  partie  musicale.  Un  témoin  oculaire  nous  a  assuVé 
que  les  airs  qu'on  chantait  dans  ces  solennités  étaient 
vraiment  imposants,  et  que  les  motifs  en  étaient 
d'une  admirable  simplicité. 

La  Fête  de  l'Être-Suprême,  qui  suivit  d'assez  près 
celle  de  la  Raison,  fut  plus  remarquable  sous  le  point 
de  vue  musical  ;  on  y  entendit  des  strophes  en  ma- 
nière de  cantiques,  dans  lesquelles  Gossec  se  sur- 
passa. Sous  le  Directoire,  le  Consulat,  l'Empire,  la 
Restauration  et  le  Règne  de  Louis  Philippe,  la  mu- 
sique politique  n'a  pas  joué  un  grand  rôle.  Elle  a 
cédé  le  pas  à  la  musique  sérieuse  qui  a  été  féconde 
en  chefs-d'œuvre.  La  Parisienne  et  les  Girondins , 
voilà  tout  ce  qui  mérite  d'être  signalé  pendant  cette 
période,  dans  l'histoire  de  la  musique  politique. 

Polka  (la).  C'est  une  danse  originaire  de  Bohême, 
une  danse  de  paysans.  Elle  a  tous  les  signes  du  type 
original,  des  allures  vives,  brusqups,  tumultueuses. 


POL  133 

rudes,  mais  gaies  et  souvent  voluptueuses.  La  cadence 
de  ses  mouvements  suit  la  mesure  deux  quatre.  Elle 
se  ralentit  et  mêle  à  sa  vivacité  une  délicieuse  mol- 
lesse. La  polka,  comme  la  valse,  est  à  deux,  se  sépare 
du  bruit  et  s'isole  de  la  foule.  Elle  tourne  sur  elle- 
même,  lance  au  loin  ses  jambes  Tune  après  l'autre, 
de  côté,  et  du  pied  sur  lequel  elle  se  repose  elle  saute 
deux  fois  par  saccades  précipitées  et  en  frappant  le  sol 
avec  le  talon,  le  plus  coquettement  du  monde.  Elle 
procède  de  la  Cracovlenne  et  de  la  Mazurka. 

Pologne  (de  la  musique  en).  Une  grande  nation 
présida  longtemps  aux  destinées  des  peuples  du  Nord  ; 
elle  possédait  de  riches  provinces,  cultivait  avec  éclat 
les  lettres  et  les  arts.  Aujourd'hui  elle  a  tout  perdu, 
elle  gémit  soiis  ses  ruines. 

Dans  cet  état  de  choses,  la  musique  a  dû  faire  peu 
de  progrès  en  Pologne.  Avant  la  chute  de  Varsovie, 
il  y  avait  un  Conservatoire  bien  organisé,  qui  avait 
produit  d'excellents  élèves.  Il  était  dirigé  par  Soliva, 
Italien,  homme  de  talent,  et  Joseph  Elsner,  excellent 
compositeur,  était  au  nombre  des  professeurs.  Lui 
aussi  a  rendu  de  très-grands  services  à  l'école  de  mu- 
sique polonaise  ;  aimé  et  adoré  de  ses  élèves,  il  compte 
parmi  les  meilleurs,  Ch.  Turpinski,  Chopin,  Or- 
lowki,  Wycocki,  etc.  Outre  ces  noms  déjà  connus,  on 
cite  à  Varsovie  une  foule  de  jeunes  talents  et  de  com- 
positeurs distingués  ;  mais  n'ayant  ni  unité  ni  but,  ils 
ne  peuvent  agir  sur  l'avenir  de  l'art  en  Pologne. 

Juger  l'opéra  polonais  par  ce  qui  se  fait  maintenant, 
ce  serait  donner  une  bien  fausse  idée  de  la  scène  et  sur- 
tout de  l'opéra  national.  Quand  on  songe  avec  quelle 
sévérité  le  gouvernement  russe  proscrit  tout  ce  qui 
porte  l'ombre  de  nationalité,  on  s'étonne  même  qu'il 
permette  déjouer  des  opéras  traduits  en  polonais;  car 
c'est  déjà  avouer  qu'il  existe  des  Polonais  et  une  langue 
polonaise.  Avant  la  dernière  révolution,  Elsner,  Tur- 


m  pon 

pinski,  Stephani,  Danze,  alimentaient  la  scène  natio- 
nale; aujourd'hui  on  ne  joue  que  des  traductions. 
Les  opéras  d'Elsner  et  de  Turpinski  sont  à  Yindex. 

Avant  1830,  il  y  avait  quatre  théâtres  qui  jouaient 
à  la  fois,  le  Grand-Opéra  le  Théâtre-Français,  les  Va- 
riétés-Polonaises et  l'Opéra-Allemand.  Aujourd'hui, 
deux  à  peine  peuvent  exister. 

Le  théâtre  de  l'Opéra  est  un  des  plus  grands  de 
l'Europe.  Il  est  à  regretter  que  l'orchestre  ne  soit  pas 
plus  nombreux  dans  une  salle  immense  comme  celle 
de  Varsovie.  Cet  orchestre,  en  général,  est  bon  ;  il  est 
composé  des  premiers  professeurs;  avec  plus  de  pro- 
portions dans  les  pupitres,  il  produirait  plus  d'effet. 
Les  efforts  individuels  sont  souvent  paralysés  par  le 
manque  d'une  bonne  distribution. 

Polonaise.  Air  de  chant  et  de  danse  mesuré  à  trois 
temps  et  d'un  mouvement  modéré.  La  Polonaise  nous 
vient  de  la  Pologne,  ainsi  que  l'indique  son  nom; 
elle  se  distingue  par  un  rhylhme  boiteux,  que  l'on  ob- 
tient en  syncopant  les  premières  notes  de  la  mesure. 

Pompe.  C'est  dans  le  cor  et  la  trompette  un  frag- 
ment de  tuyau  en  forme  de  fer  à  cheval,  qui  par  ses 
deux  extrémités  vient  s'emboîter  avec  une  grande  pré- 
cision sur  les  deux  bouts  formés  par  une  section  faite 
vers  le  milieu  du  corps  de  l'instrument,  et  les  re- 
couvre entièrement.  En  enfonçant  plus  ou  moins 
cette  pompe,  on  allonge  ou  on  raccourcit  le  grand 
tuyau,  ce  qui  élève  ou  abaisse  le  ton. 

Dans  la  flûte,  la  clarinette,  le  basson,  la  pompe  est 
une  emboiture  en  métal,  placée  entre  les  principales 
pièces  pour  les  réunir,  et  qui  sert  aussi  à  donner  plus 
d'extension  à  l'instrument,  et  à  baisser  par  conséquent 
son  intonation. 

Ponctuation,  Ponctuer.  C'est,  en  terme  de  com- 
position, marquer  les  repos  plus  ou  moins  parfaits, 
et  diviser  tellement  les  phrases,  qu'on  sente  par  la 


POU  135 

modulation  et  par  les  cadences  leurs  commence- 
ments, leurs  chutes  et  leurs  liaisons  plus  ou  moins 
grandes,  comme  on  sent  tout  cela  dans  le  discours  à 
l'aide  de  la  ponctuation. 

Pojnt-Neuf.  On  appelle  ainsi  de  petits  airs  et  même 
de  simples  refrains  gothiques,  sans  mesure,  sans 
rhythme,  d'une  modulation  triviale  et  vulgaire.  Les 
ponts-neufs  ont  été  quelquefois  admis  à  l'Opéra-Co- 
mique,  et  l'on  a  applaudi  avec  transport  Tolo  Carabo, 
Au  clair  de  la  lune,  Malboroug,  Ah!  vous  dirai-je,  maman, 
que  quelques  compositeurs  ont  daigné  mêler  à  leurs 
périodes  harmonieuses.  Le  peuple  parisien  cria  au 
miracle.  Mais  les  connaisseurs  ne  tolèrent  ces  sortes 
d'emprunts  que  quand  un  travail  harmonique ,  élé- 
gant et  pur,  un  dessin  hardi  vient  leur  servir  d'excuse. 

Ponticello.  C'est  le  nom  italien  du  Chevalet 
(voyez  ce  mot).  On  trouve  quelquefois  dans  les  par- 
titions :  sut  ponticello,  sur  le  chevalet. 

Port  de  voix.  C'est  ce  que  les  Italiens  appellent 
portamento.  Il  y  a  deux  manières  de  porter  la  voix  ou 
les  sons;  la  première,  lorsqu'on  lie  plusieurs  sons 
d'égale  valeur,  qui  procèdent  par  degrés  conjoints  ou 
disjoints;  la  seconde  se  pratique  entre  deux  sons  qui 
formant  un  intervalle  plus  ou  moins  grand,  et  qui 
procèdent  par  degrés  disjoints  seulement.  Elle  con- 
siste à  faire  glisser  la  voix  promptement  par  une  liai- 
son fort  légère,  qui  part  de  l'extrémité  de  la  première 
des  deux  notes,  pour  passer  à  celle  qui  la  suit,  en 
l'anticipant. 

Portée.  La  portée  ou  ligne  de  musique  est  compo- 
sée de  cinq  lignes  parallèles,  sur  lesquelles  ou  entre 
lesquelles  les  diverses  positions  des  notes  en  mar- 
quent les  degrés.  Ce  nom  de  portée  a  été  donné  à  la 
ligne  de  musique,  parce  qu'elle  renferme  exactement 
la  portée  ou  l'étendue  d'une  voix  ordinaire. 

Portugal  (de  la  musique  en),   La  musique  des 


136  ppÉ 

Portugais,  dérivant  de  la  même  source  que  la  musi- 
que espagnole,  participe  de  ses  qualités  et  de  ses  dé- 
fauts. Ce  peuple  possède  un  grand  nombre  d'airs 
assez  beaux  et  fort  anciens  ;  ses  airs  nationaux  sont 
les  Tadunes  et  les  Madinhas  ;  ceux-ci  se  séparent 
complètement  des  airs  des  autres  nations.  La  modu- 
lation en  est  tout  à  fait  originale.  Les  mélodies  portu- 
gaises sont  simples,  nobles  et  très-expressives. 

De  Costa,  Fronchis  etSchiopelta,  sont  les  meilleurs 
compositeurs  portugais  de  l'époque  actuelle.  Il  y  a  à 
Lisbonne  un  Opéra-Italien  originairement  établi  par 
Jomelli,  où  ont  été  représentés  les  meilleurs  ouvrages 
de  notre  répertoire  lyrique. 

Positif.  Petit  orgue  que  l'on  place  devant  le  grand 
orgue  quand  il  est  assez  considérable  pour  être  di- 
visé en  deux. 

Position.  Lieu  de  la  portée  où  est  placée  une  note, 
pour  fixer  le  degré  d'élévation  du  son  qu'elle  repré- 
sente. C'est  aussi  l'ordre  dans  lequel  les  sons  d'un 
accord  sont  disposés  au-dessus  de  la  basse. 

Pot-Pourri.  Suite  d'airs  pris  en  totalité  ou  en  par- 
tie çà  et  là  dans  les  compositions  de  divers  maitres, 
et  même  parmi  les  refrains  que  l'on  chante  dans  les 
rues,  et  cousus  les  uns  aux  autres  par  quelques 
phrases  conjonctionnelles.    . 

Prélude,  Préluder.  C'est  en  général  chanter  ou 
jouer  quelque  trait  de  fantaisie  irrégulier  et  assez 
court,  mais  passant  par  les  cordes  essentielles  du  ton, 
soit  pour  l'établir,  soit  pour  disposer  sa  voix;  ou  bien 
poser  sa  main  sur  un  instrument,  avant  de  commen- 
cer un  morceau  de  musique.  Mais  sur  l'orgue  et  le 
piano,  l'art  de  préluder  est  plus  considérable;  c'est 
composer  et  jouer  impromptu  des  morceaux  chargés 
de  tout  ce  que  la  composition  a  de  plus  savant  en 
dessin,  en  fugue,  en  imitation,  en  modulation  et  en 
harmonie. 


PRÏ  137 

Préparation.  On  appelle  ainsi,  dans  les  méthodes 
harmoniques  fondées  sur  l'expérience,  l'obligation  de 
faire  entendre  d'abord  certaines  notes  des  accords  dis- 
sonants, avant  de  les  attaquer. 

Préparation  au  chant.  On  donne  ce  nom  aux 
études  du  solfège  et  de  la  vocalisation.  Ces  études 
servent  à  former  l'élève  à  la  lecture  de  la  musique,  à 
façonner  sa  voix,  à  la  rendre  égale  sur  tous  les 
points,  à  lui  donner  du  corps  et  de  l'agilité,  à  affer- 
mir son  intonation,  avant  de  lui  confier  l'exécution 
des  compositions  vocales. 

Préparer.  C'est  l'action  que  forme  harmonique- 
ment  une  consonnance  avant  une  dissonance,  dans 
une  ou  plusieurs  parties  aiguës  ou  moyennes  sur  une 
note  de  basse. 

Prestant.  Jeu  d'orgue;  il  est  d'étain  et  ouvert.  Son 
plus  grand  tuyau  a  quatre  pieds  de  longueur.  Il  sonne 
Ynt  à  l'octave  au-dessus  du  bourdon  de  huit.  Le  près- 
tant  entre  dans  presque  toutes  les  associations  de  jeux 
de  l'orgue. 

Presto.  Ce  mot,  écrit  à  la  tête  d'un  morceau  de 
musique,  indique  le  plus  prompt  et  le  plus  animé 
des  cinq  principaux  mouvements  de  la  musique. 
Presto  signifie  vite  ;  son  superlatif  prestissimo,  très- 
vite,  marque  un  mouvement  encore  plus  pressé  et  le 
plus  rapide  de  tous. 

Prima  donna.  Titre  de  la  première  et  principale 
cantatrice  d'un  opéra. 

Principal,  Principale.  On  donne  cette  épithète  à 
la  partie  récitante  d'un  concerto  et  à  la  partie  con- 
certante, pour  les  distinguer  des  parties  des  instru- 
ments de  même  nature  qui  ne  doivent  figurer  que 
dans  les  accompagnements.  Violon  principal,  clari- 
nette principale,  cor  principal. 

Prise  du  sujet.  C'est  l'instant  où  une  partie  s'em- 
pare du  sujet  de  la  fugue  pour  faire  son  entrée. 


138  PlVO 

Professeur.  Celui  qui  enseigne  ou  exerce  la  musi- 
que prend  le  titre  de  professeur,  du  mot  profession 
ou  de  l'art  qu'il  professe. 

Progrès  de  la  fugue.  C'est  ainsi  que  l'on  appelle 
la  suite  de  la  fugue,  à  partir  du  point  où  toutes  les 
parties  ont  fait  chacune  leur  entrée,  et  où  tous  les 
fils  du  discours  musical  sont  liés  ensemble. 

Progression  (ou  marche)  de  Basse.  C'est  un  mor- 
ceau d'harmonie  dans  lequel  toutes  les  parties  mar- 
chent avec  une  telle  symétrie,  que  l'intelligence,  exclu- 
sivement attentive  à  cette  symétrie  parfaite,  oublie  de 
penser  à  la  nature  et  à  l'enchaînement  des  accords 
employés,  et  les  souffre  tous. 

On  écrit  sous  la  forme  que  l'on  veut  deux  ou  trois 
accords  parfaitement  réguliers  qui  forment  le  thème 
de  la  progression  et  qu'on  reproduit  plusieurs  fois,  en 
montant  ou  en  descendant. 

Prolation.  C'était  dans  l'ancienne  musique  une 
manière  de  déterminer  la  valeur  des  notes  demi- 
brèves  sur  celle  de  la  brève,  ou  des  minimes  sur  celle 
de  la  demi-brève.  Cette  prolation  se  marquait  après  la 
clef,  par  un  cercle  ou  un  demi-cercle ,  ponctué  ou 
non  ponctué. 

Prologue.  Sorte  de  petit  opéra  qui  précède  le 
grand,  l'annonce  et  lui  sert  d'introduction. 

Prolongation.  La  prolongation  en  général  consiste 
à  continuer  une  ou  plusieurs  notes  d'un  accord  sur 
un  ou  plusieurs  accords  suivants.  (  Voyez  le  mot 
Retard). 

Proposition.  Terme  que  l'on  emploie  pour  désigner 
la  première  phrase  d'une  fugue,  contenant  le  sujet  et 
tous  les  a&nlre-sujets,  quel  qu'en  soit  le  nombre. 

Propriété.  Disposition  de  la  mélodie  dans  l'an- 
cienne musique,  selon  qu'elle  procédait  naturelle- 
ment par  bémol  ou  par  bécarre. 
Prose.  L'usage  des  proses  était  très-fréquent  dans 


PSA  139 

les  premiers  temps  de  l'Église.  L'office  romain  n'en 
a  conservé  que  trois  :  Yictimœ  paschali  laudes,  pour 
le  jour  de  Pâques,  Veni  sancte  Spiritus,  pour  la  Pen- 
côte,  Lauda,  Sion,  Salvatorem,  pour  la  fête  du  Saint- 
Sacrement.  On  les  chante  souvent  en  musique.  Le 
Stabat  Mater  est  plus  célèbre  encore.  Tous  les  amis  de 
la  grande  musique  connaissent  ceux  de  Palestrina,  de 
Pergolèse,  de  Haydn,  de  Rossini,  etc.,  etc. 

Proslambanomenos.  Nom  du  la  ajouté  parles  Grecs 
au-dessous  du  si,  par  lequel  commençait  leur  sys- 
tème. Guido  ayant  placé  un  sol  au-dessous  de  ce  /a, 
ce  50/  fut  appelé  hypo~proslambanomenosy  c'est-à-dire 
sous-proslambanomène. 

Prosodie.  La  voix  de  l'homme  est  naturellement 
une  succession  de  notes  ou  degrés  musicaux,  lors 
même  qu'il  parle  ou  émet  sa  pensée.  C'est  la  plus 
grande  preuve  de  la  présence  d'une  âme  qui  donne 
ses  passions  à  la  matière.  Il  est  impossible,  si  la  pre- 
mière langue  parlée  par  l'homme  fut  l'hébraïque, 
qu'Adam,  dans  cet  idiome,  ait  manifesté  son  admi- 
ration pour  les  merveilles  de  la  création,  et  son  amour 
pour  Eve,  sans  accentuer  vivement  sa  parole,  sans 
l'animer  de  longues  et  de  brèves,  tantôt  plus  lentes, 
tantôt  plus  rapides,  enfin  sans  la  chanter  en  quelque 
sorte.  La  musique  fut  depuis  une  extension  de  cette 
prosodie  naturelle.  Elle  se  sert  même  quelquefois  du 
verbe  prosodier  pour  exprimer  les  diverses  mesures 
et  rhythmes  de  son  chant.  Toutefois  la  musique,  par 
son  art,  perfectionna  et  fixa,  depuis,  la  prosodie  innée 
dans  chaque  idiome.  Les  vers  et  la  musique  sont  le 
dépôt  conservateur  de  la  prosodie  générale  chez  tous 
ïeb  peuples. 

Psalmodier.  C'est  chanter  ou  réciter  les  psaumes  et 
l'office  d'une  manière  particulière;  la  psalmodie  tient 
le  milieu  entre  léchant  et  la  parole.  C'est  du  chant, 
parce  que  la  voix  est  soutenue  ;  c'est  de  la  parole, 


HO  PSA 

parce  qu'on  garde  presque  toujours  le  même  ton, 
et  que  l'on  observe  exactement  le  débit  oratoire. 

Psaltérion.  Instrument  à  cordes  fixes,  qui  a  la 
forme  d'un  triangle  tronqué  par  en  haut,  et  dont 
chaque  note  a  deux  cordes  de  laiton  ou  d'acier.  Il  se 
joue  des  deux  mains,  en  mettant  aux  doigts  des  an- 
neaux plats,  d'où  sort  un  fort  tuyau  de  plume  pointu. 

Psaumes.  Hymnes  ou  cantiques  écrits  en  hébreu, 
et  dont  le  roi  David  passe  généralement  pour  être 
l'auteur.  David  dansant  devant  l'arche,  ou  retiré  dans 
son  palais,  ou  môme  assis  à  la  table  des  festins, 
chantait  ses  poésies  nationales  et  sacrées  au  son  du 
kinnor  (la  grande  harpe),  et  dans  le  temple  les  écla- 
tants buccins,  les  doux  psaltérions,  les  vibrantes 
cymbales,  les  chœurs  mélodieux  de  4,000  lévites  les 
accompagnaient  de  leur  puissante  harmonie. 

Durant  la  captivité  de  Babylone,  des  Juifs  mouru- 
rent de  tristesse  de  ne  pas  entendre  les  belles  louanges 
du  Dieu  de  leurs  pères.  Leurs  regards  se  levaient  in- 
cessamment vers  les  saintes  montagnes.  Le  Super 
flumina  Babylonis  faisait  ruisseler  sur  leurs  joues  un 
torrent  de  larmes.  Aujourd'hui  encore,  indifférents 
que  nous  sommes,  nous  ne  lisons  pas  ces  plaintes 
harmonieuses  sans  avoir  l'âme  navrée  de  tristesse. 
C'est  la  plus  touchante  élégie  qu'aient  enfantée  la  dou- 
leur, la  captivité  et  l'exil. 

Beaucoup  de  compositeurs  célèbres  ont  mis  des 
psaumes  en  musique.  A  leur  tète,  brille  Marcello, 
un  des  plus  beaux  génies  qui  aient  illustré  l'Italie. 
Une  admirable  expression  poétique,  beaucoup  d'ori- 
ginalité et  de  hardiesse  dans  les  idées;  entin,  une 
grande  richesse  et  une  grande  variété  de  moyens,  ont 
fait  considérer  les  cinquante  psaumes  qu'il  a  publiés, 
non-seulement  comme  son  chef-d'œuvre,  mais 
comme  une  des  plus  belles  productions  de  l'art. 

Les  Miserere  d'Allegri,  de  Bai,  de  Jomelli,  qui  en  a 


QUA  141 

fait  quatre  ou  cinq,  parmi  lesquels  on  remarque  sur- 
tout celui  à  deuxvoix,  dePaisiello,  de  Donizetti,  etc., 
sont  célèbres. 

Pupitre.  Meuble  dont  on  se  sert  pour  poser  les 
livres  de  musique,  les  partitions,  les  parties  séparées, 
dans  une  situation  commode  pour  être  lus. 


Q 


Quadrille.  Danse  d'un  caractère  très-gai,  d'un 
mouvement  vif,  dont  la  mélodie  est  de  2/4,  et  qui  a 
deux  reprises  de  huit  mesures  chacune.  On  appelle 
aussi  quadrille  un  groupe  de  quatre  danseurs  et  de 
quatre  danseuses  qui  figure  dans  les  ballets  et  les 
grands  bals,  et  qui  se  distingue  des  autres  groupes 
par  un  costume  particulier.  Le  quadrille  se  compose 
de  cinq  figures  ayant  chacune  son  caractère  spécial. 
On  les  nomme  1°  Pantalon,  2°  Été,  3°  Poule,  4°  Pas- 
tourelle  ou  Trénis,  5°  Final.  Le  Pantalon  s'écrit  à 
6/8,  rarement  à  2/4.  VÉté  s'écrit  à  2/4  souvent  et  se 
joue  plus  lentement  que  le  pantalon.  La  Poule  s'écrit 
à  6/8  ;  elle  a  un  caractère  sérieux  et  sa  phrase  est  on- 
dulée. La  Pastourelle  est  d'un  mouvement  plus  vif 
que  celui  de  la  Poule.  Le  Final  doit  avoir  de  l'entrain; 
il  est  permis  d'en  presser  la  mesure,  sans  cependant 
faire  courir  les  danseurs. 

Quadricinium.  Composition  à  quatre  parties. 

Quadruple  croche.  Note  de  musique  valant  le 
huitième  d'une  croche.  Les  quadruples  croches  sont 
crochées  à  quatre  crochets,  ou  à  quatre  barres  qui  eh 


142  QUA 

tiennent  lieu,  quand  elles  sont  plusieurs  de  suite. 

Qualité  du  son.  La  qualité  du  son  ne  saurait  être 
déterminée,  car  les  diverses  matières  qu'on  peut  em- 
ployer pour  la  confection  des  instruments,  la  ma- 
nière de  les  jouer,  ou  d'autres  inventions  peuvent 
rendre  le  son  tout  à  fait  différent  de  celui  qu'ont  tous 
les  instruments  on  usage  de  nos  jours. 

Quantité  des  sons  musicaux.  Si  l'on  entend  par  là 
l'extension  des  sons  musicaux,  cette  extension  n'étant 
pas  bornée,  il  n'est  pas  possible  de  la  déterminer,  car 
on  peut  inventer  des  instruments  qui  rendent  des 
sons  plus  aigus  ou  plus  graves  (  toujours  appréciables 
cependant)  que  ceux  que  l'on  connaît  aujourd'hui. 

Quart  de  soupir.  Chaque  note,  suivant  sa  valeur, 
a  un  silence  correspondant.  Les  silences  des  diverses 
valeurs  ont  des  noms  qui  leur  sont  particuliers.  Ainsi, 
par  exemple,  on  appelle  pause  celui  de  la  ronde, 
demi-pause  celui  de  la  blanche,  soupir  celui  de  la 
noire,  demi-soupir  celui  de  la  croche,  quart  de  soupir 
celui  de  la  double  croche,  etc. 

Quart  de  ton.  Quatrième  partie  de  l'intervalle  d'un 
ton,  qui  n'est  employée  ni  dans  la  mélodie  ni  dans 
l'harmonie,  attendu  que  notre  oreille  n'est  point  ha- 
bituée à  mesurer  ces  petits  intervalles.  On  dit, 
en  parlant  d'une  intonation  défectueuse,  que  le 
musicien  monte  ou  baisse  d'un  quart  de  ton. 

Quarte  de  nasard.  Jeu  d'orgue  qui  sonne  la  quarte 
au-dessus  du  nasard,  et  l'octave  au-dessus  du  près- 
tant.  Ce  jeu  fait  partie  de  ceux  qu'on  appelle  jeux 
de  mutation. 

Quarte.  Intervalle  de  quatre  degrés.  La  quarte 
peut  être  de  trois  espèces  :  la  naturelle,  la  diminuée, 
Y  augmentée. 

Tant  que  la  quarte  ne  forme  pas  un  retardement 
de  la  tierce  de  l'accord  suivant,  elle  est  toujours  con- 
sonnance  et  doit  êlre  considérée  comme  telle  après  la 


QUA  143 

quinte  naturelle  dans  son  usage  harmonique;  elle  est 
cependant  sujette,  ainsi  que  la  dissonance,  à  une  pro- 
gression limitée.  Ceci  donna  lieu,  dans  le  siècle  der- 
nier, à  beaucoup  de  controverses  sur  la  question  de 
savoir  si  la  quarte  est  ou  n'est  pas  une  consonnance  ; 
mais  il  est  évident  qn'elle  est  consonnance  quand  elle 
fait  partie  d'un  accord  parfait;  elle  est  dissonance 
quand  elle  est  introduite,  comme  retard,  dans  un  ac- 
cord, dont,  naturellement,  elle  ne  ferait  pas  partie. 
La  quarte  doublée  ou  transposée  à  l'octave  s'appelle 
onzième. 

Quarter.  C'était  chez  les  anciens  musiciens  une 
manière  de  procéder  dans  le  déchant  ou  contre  point, 
plutôt  par  quartes  que  par  quintes. 

Quasi,  Presque.  Ce  mot  sert  à  indiquer  le  mouve- 
ment; par  exemple,  andante  quasi  allegretto. 

Quasi-Syncope.  Ancien  nom  de  la  figure  dans  la- 
quelle on  répétait  la  môme  note  divisée  par  la  barre 
de  mesure,  sans  être  unie  par  la  liaison. 

Quaternaire.  Ce  qu'on  appelle  le  quaternaire  sa- 
cré de  Pythagore  comprend  les  nombres  1,  2,  3,  4, 
qui  indiquent  les  proportions  relatives  de  l'octave, 
de  la  quinte  et  de  la  quarte.  Ces  nombres  correspon- 
dent aux  notes  do,  do,  sol,  do,  et  on  trouve  en  eux,  de 
1  à  2,  la  proportion  de  l'octave,  de  2  à  3  celle  de  la 
quinte,  et  de  3  à  4  celle  de  la  quarte. 

Quatorzième.  Septième,  augmentée  d'une  octave. 

Quatre  mains.  On  appelle  sonate  à  quatre  mains 
une  pièce  composée  pour  être  exécutée  par  deux 
personnes  sur  un  même  piano  ;  elles  se  placent  l'une 
à  côté  de  l'autre,  et  se  divisent  le  clavier  par  moitié. 
L'octave  ajoutée  à  cet  instrument  ouvre  un  champ 
plus  vaste  à  la  sonate  à  quatre  mains,  et  donne  à 
chaque  exécutant  une  étendue  de  trois  octaves.  Mal- 
gré ces  avantages,  cette  espèce  de  composition  pro- 
duit peu  d'effet,  et  doit  plutôt  être  considérée  comme 


144  OUA 

pièce  d'étude  que  comme  morceau  de  concert.  11 
existe  de  très-belles  sonates  à  quatre  mains  de  Mo- 
zart; on  a  arrangé  des  symphonies  de  Haydn,  et  des 
ouvertures  d'opéra  à  quatre  mains  pour  le  piano. 

Quatricinia.  Nom  de  petits  morceaux  de  musique 
pour  quatre  cors  ou  trompettes. 

Quatuor.  Morceau  de  musique  vocale  ou  instrumen- 
tale composé  pour  quatre  parties.  Dans  son  acception 
la  plus  étendue,  ce  mot  s'applique  à  toute  espèce  de 
musique  écrite  pour  quatre  voix  ou  pour  quatre  ins- 
truments, quelle  que  soit  d'ailleurs  l'importance  re- 
lative de  chacune  des  parties.  Mais,  dans  un  sens  plus 
restreint  et  plus  particulièrement  usité,  il  ne  s'ap- 
plique qu'aux  compositions  dont  toutes  les  parties 
sont  concertantes  ou  obligées.  C'est  dans  ce  sens  que 
J.-J.  Rousseau,  dont  au  reste  les  connaissances  mu- 
sicales étaient  incomplètes  et  fort  erronées,  dit  qu'il 
n'existe  point  de  vrais  quatuors,  ou  qu'ils  ne  valent 
rien.  Cette  assertion,  trop  absolue  pour  être  juste, 
prouve  tout  au  plus  que  le  célèbre  philosophe  a  voulu 
jouer  sur  le  mot,  ou  que  la  portée  de  ses  vues  en  mu- 
sique ne  s'étendait  pas  au  delà  du  cercle  rétréci  qui 
servait  alors  de  limite  à  l'art  musical. 

Le  quatuor  concertant,  lorsqu'il  est  écrit  pour  des 
voix,  peut  être  accompagné  par  l'orchestre.  Quant  au 
quatuor  instrumental,  il  est  ordinairement  exécuté 
par  les  seuls  instruments  pour  lesquels  il  a  été  écrit. 
Cependant  il  peut  être  également  accompagné  par 
l'orchestre,  et  s'il  est  conçu  dans  des  proportions  ins- 
trumentales brillantes,  le  morceau  prend  le  nom  de 
symphonie  concertante. 

Il  n'y  a  pas  longtemps  que  les  quatuors  et  autres 
morceaux  d'ensemble  sont  usités  en  France.  Les  opé- 
ras de  Gluck  ne  présentent  même,  à  l'exception  des 
chœurs,  que  du  récitatif,  des  airs,  quelques  duos,  et 
presque  jamais  des  trios  et  des  morceaux  d'ensemble. 


QUE  143 

C'est  encore  à  l'Italie  que  nous  devons  l'introduction 
de  cette  partie  si  intéressante  de  l'art. 

Le  premier  trio  qui  parut  fut  entendu  dans  un 
opéra  bouffon,  composé  par  Logroscino  et  exécuté  en 
1750.  Le  succès  n'eut  rien  de  bien  remarquable,  mais 
la  route  était  indiquée;  une  nouvelle  carrière  s'ou- 
vrait au  génie,  et  depuis  Piccinni  jusqu'à  Paisiello  et 
Mozart,  les  progrès  furent  immenses.  On  se  souvient 
encore  de  l'enthousiasme  qu'excita  le  fameux  septuor 
du  Roi  Théodore  de  Paisiello,  et  les  quatuors,  sextuors 
et  finales  des  différents  opéras  de  Mozart,  Spontini  et 
Weber  montrent  à  quel  point  il  est  possible  de  ré- 
pandre du  charme  et  de  Fintérêt  sur  les  scènes  lyri- 
ques à  plusieurs  personnages. 

L'illustre  Haydn,  qu'on  a  si  justement  surnommé 
le  père  de  la  symphonie,  peut  à  aussi  juste  titre  être 
regardé  comme  le  créateur  du  quatuor  instrumental. 
Après  lui,  Mozart  et  Beethoven,  deux  des  plus  grands 
génies  dont  l'art  musical  puisse  se  glorifier,  ont  digne- 
ment continué  l'œuvre  qu'il  avait  commencée,  et 
porté  ce  genre  de  musique  à  un  point  de  perfection 
qui  ne  laisse  rien  à  désirer. 

Querelles  musicales.  Les  querelles  musicales  les 
plus  célèbres  sont  celles  qui  eurent  lieu  dans  le  siècle 
dernier  entre  les  Lullisles  et  les  Ramistes,  et  plus  tard 
entre  les  Gluckistes  et  les  Piccinnistes.  Nos  lecteurs 
nous  sauront  gré  sans  doute  d'entrer  dans  quelques 
détails  sur  ce  dernier  sujet. 

Gluck,  en  venant  en  France  avec  son  Iphigénie  en 
Aulide  d'abord,  ensuite  avec  Orphée  arrangé  pour 
notre  théâtre,  tout  en  nous  apportant  de  nouvelles 
jouissances,  flattait  aussi  notre  orgueil  national;  il 
rendait  son  éclat  à  un  titre  presque  effacé  de  notre 
gloire. 

Iphigénie  en  Aulide  fut  représentée  en  1774.  Le  suc- 
cès croissait  de  représentation   en  représentation, 
T.  n.  k 


146  QLE 

et  les  critiques  croissaient  aussi  tous  les  jours.  Ces 
critiques  n'étaient  pas  seulement  celles  de  l'envie, 
c'étaient  celles  de  dix  à  douze  hommes  de  lettres,  dont 
les  jugements  avaient  beaucoup  d'autorité,  et  qui  en- 
traînèrent à  leur  suite  une  foule  d'amateurs  et  de 
dilettanti.  Ces  hommes  ne  pouvaient  plus  concevoir 
une  autre  musique  que  celle  dont  ils  avaient  goûté  le 
charme  dans  leur  jeunesse  ;  d'autres  affirmaient  que 
Piccinni  avait  atteint  les  dernières  limites  de  l'art, 
et  criaient  :  Italiam,  Italiam,  comme  si  Gluck  était  un 
barbare,  parce  qu'il  était  Allemand,  parce  qu'il  sa- 
crifiait de  vains  ornements  à  l'expression  vraie  des 
paroles  et  de  la  situation. 

C'était  un  avantage  et  non  un  inconvénient  pour 
Gluck  d'être  né  dans  cette  Allemagne,  organisée  et 
passionnée  pour  tous  les  genres  de  musique,  et  qui  a 
donné  à  l'Europe  de  savantes  leçons  et  d'éclatants 
modèles  de  l'harmonie  la  plus  belle  et  la  plus  variée. 
C'en  fut  un  autre  pour  lui  de  s'être  transporté  tout 
jeune  en  Italie,  cette  vraie  patrie  de  la  musique  et  où 
florissaient  alors  de  célèbres  écoles  et  d'excellents 
maîtres.  Il  étudia  à  Milan,  sous  la  direction  deJ.-B. 
San-Martini,  compositeur  habile  et  fécond.  C'est  à 
Milan  qu'en  1741,  Gluck  fit  représenter  Artaserse, 
son  premier  opéra. 

La  naissance,  la  formation  et  l'entier  développe- 
ment des  vues  musicales  de  Gluck  furent  précisément 
les  résultats  de  ces  croisements  de  tous  les  pays.  Il 
était  naturel  à  ceux  qui  avaient  concouru  à  créer  ou 
à  rapprocher  du  moins  les  éléments  du  génie  de 
Gluck,  placés  à  une  grande  distance,  de  prendre  un 
intérêt  plus  particulier  et  plus  vif  à  ses  créations;  et 
lorsqu'ils  eurent  entendu  sa  musique  avec  des  trans- 
ports de  plaisir,  il  leur  était  naturel  d'en  parler  avec 
des  transports  d'enthousiasme.  D'anciennes  habi- 
tudes, les  préventions  qu'elles  donnent;  les  préjugés 


QUE  147 

qu'elles  établissent,  pouvaient  seuls  faire  penser 
que  des  compositeurs  nés  en  Italie  avaient  le  pri- 
vilège exclusif  de  nous  donner  une  musique  qui 
convînt  à  notre  langue,  à  nos  oreilles  et  à  notre  scène 
lyrique. 

Les  premiers  s'appuyaient  sur  l'autorité  des  faits, 
si  puissants  sur  nos  jugements,  et  sur  celle  des  im- 
pressions, si  puissantes  sur  notre  âme.  Les  seconds 
n'avaient  pour  appui  que  des  doctrines  et  des  ouvra- 
ges que  les  Piccinni  et  les  Sacchini  pouvaient  faire  un 
jour,  mais  qu'ils  n'avaient  pas  faits  encore.  Ces  der- 
niers, tous  écrivains  renommés,  étaient  en  grand 
nombre.  Parmi  les  premiers,  l'abbé  Arnauld  et  Suard 
parurent  longtemps  seuls  dans  la  lice.  Mais  le  plus 
habile  défenseur  de  la  musique  de  Gluck  fut,  sans 
aucun  doute,  l'auteur  anonyme  d'une  série  d'articles 
qui  parurent  dans  la  Gazette  de  Paris,  sous  ce  titre  : 
Petites  Lettres,  par  un  habitant  de  Vaugirard.  Rien 
de  plus  solide  et  de  plus  piquant  que  cette  cor- 
respondance, qu'on  attribue  généralement  à  Dide- 
rot. Depuis  les  dix-huit  petites  lettres  de  Pascal, 
qui  firent  une  si  glorieuse  révolution  dans  la  langue, 
dans  la  plaisanterie  et  dans  l'éloquence  françaises, 
jamais  petites  lettres  n'ont  été,  depuis  la  première, 
attendues  avec  plus  d'impatience;  on  courait  de  toutes 
parts  aux  cafés  de  Foy  et  du  Caveau,  et  l'on  en  faisait 
des  lectures  publiques;  on  s'étouffait  pour  mieux 
entendre  ;  on  battait  des  mains  avec  des  transports  et 
avec  des  bravos. 

Pendant  que  tout  ceci  se  passait,  des  scènes  d'un 
caractère  plus  grave  et  plus  sérieux  avaient  lieu  dans 
la  salle  de  l'Académie  royale  de  Musique  ;  on  applau- 
dissait avec  fureur,  on  sifflait  avec  acharnement,  et  les 
jeunes  gens,  les  vieillards  même  en  venaient  quel- 
quefois aux  mains. 

Qujeue.  On  distingue  dans  les  notes  la  tête  et  la 


14$  on 

queue  :  la  tête  est  le  corps  même  de  la  note  ;  la  queue 
est  le  trait  perpendiculaire  qui  tient  à  la  tête,  et  qui 
monte  ou  descend  indifféremment  à  travers  la  portée. 
Dans  le  plain-chant,  la  plupart  des  notes  n'ont  pas 
de  queue  ;  mais  dans  la  musique  figurée  moderne,  il 
n'y  a  que  la  ronde  qui  n'en  ait  point.  Dans  la  compo- 
sition de  la  fugue  on  appelle  queue  les  notes  ajoutées 
à  un  sujet  pour  amener  sa  réponse.  On  appelle  aussi 
queue,  ce  que  les  Italiens  nomment  coda,  pour  dési- 
gner la  fin,  la  péroraison  d'un  morceau. 

Queue  de  violon,  de  violoncelle.  C'est  la  partie 
de  ces  instruments  à  laquelle  les  cordes  sont  attachées, 
tandis  qu'elles  sont  roulées  de  l'autre  côté  des  che- 
villes. 

Quinque.  Nom  qu'on  donnait  autrefois  en  France 
à  un  morceau  de  chant  à  cinq  voix;  aujourd'hui  on 
dit  quintetto  ou  quintette. 

Quinte.  La  seconde  des  consonnances  dans  l'ordre 
de  leur  génération.  La  quinte  est  une  consonnance 
parfaite  ;  son  rapport  est  de  2  à  3  ;  elle  est  composée 
de  quatre  degrés  diatoniques,  arrivant  au  cinquième 
son,  d'où  lui  vient  son  nom  de  quinte.  Son  intervalle 
est  de  trois  tons  et  demi. 

On  compte  trois  espèces  de  quintes,  lô  la  quinte 
juste  ou  inaltérée,  ou  simplement  quinte;  2°  la 
quinte  diminuée,  que  l'on  appelait  autrefois  fausse 
'quinte;  cet  intervalle  est  composé  de  deux  tons  et 
deux  demi-tons;  3o  la  quinte  augmentée;  cet  inter- 
valle est  composé  de  trois  tons  et  deux  demi-tons. 

Quintes  (leur  influence  sur  la  voix).  Une  des  études 
les  plus  essentielles  pour  assouplir  la  voix  est  celle  des 
quintes.  Lorsque  l'élève  peut  l'exécuter  d'une  manière 
correcte  avec  toute  l'énergie  et  la  netteté  convenables, 
il  faut  doubler  la  vitesse  du  mouvement,  et  faire  dire 
trois  quintes  avec  la  même  respiration. 

Outre  les  résultats  que  cet  exercice  doit  faire  obte- 


QUI  149 

nir,  quand  il  est  bien  dirigé,  il  en  est  un  qui  concourt 
d'une  manière  bien  essentielle  au  mécanisme  vocal, 
c'est  la  puissance  de  l'inspiration.  Comme  toutes  les 
autres  parties  de  l'organisation  humaine,  les  poumons 
sont  susceptibles  d'habitudes,  et,  par  conséquent, 
soumis  à  une  sorte  d'éducation.  Les  plongeurs  qui 
se  tiennent  sous  l'eau  pendant  plusieurs  minutes  sont, 
on  le  conçoit,  des  hommes  dont  l'appareil  respira- 
toire est  doué  d'une  grande  vigueur;  mais,  quelle 
que  soit  l'excellence  de  leurs  organes,  il  ne  faut  pas 
croire  que  ces  hommes  arrivent  tout  naturellement  à 
suspendre  les  mouvements  de  leurs  poumons  pendant 
un  intervalle  de  temps  qui  paraîtrait  fabuleux  à  ceux 
qui  n'en  ont  pas  été  témoins  ;  ils  ne  parviennent  au 
dernier  degré  de  leur  art  qu'au  moyen  d'exercices 
gradués,  par  lesquels  ils  obtiennent  peu  à  peu  de 
leurs  poumons  toute  la  puissance  inspiratrice  dont 
ils  sont  susceptibles. 

Il  est  juste  de  dire  que  les  vigoureux  poumons  d'un 
individu  arrivé  à  tout  son  développement  organique, 
n'ont  besoin  d'aucune  extension  pour  suffire  à  la  lon- 
gueur d'expiration  que  nécessite  l'exécution  des  trois 
quintes  dont  nous  venons  de  parler.  Mais  chez  les 
sujets  moins  développés  ou  moins  favorisés  par  la 
nature,  l'appareil  respiratoire  peut  paraître  au  pre- 
mier abord  défectueux,  sans  qu'il  le  soit  en  effet.  II 
faut  les  habituer  peu  à  peu  à  donner  à  leurs  poumons 
l'extension  normale  de  toutes  leurs  facultés.  Pour 
arriver  à  ce  but,  la  tenue  d'une  note  serait  insuffi- 
sante; il  faut  une  succession* de  sons,  telle  que  les 
quintes  ascendantes  ou  descendantes. 

Mais  cet  exercice  exige  de  la  part  du  maître  une  pru- 
dence qui  est  en  quelque  sorte  du  domaine  de  la  mé- 
decine; car  il  y  a  dans  la  nature  humaine  des  limites 
qu'on  ne  peut  franchir  sous  peine  de  mort,  et  qu'il 
faut  cependant  atteindre  pour  obtenir  d'indispensa- 


150  OU 

bîes  résultats.  Le  moindre  abus,  provenant  de  l'inex» 
périence  du  maître  et  des  efforts  exagérés  de  l'élève, 
peut  entraîner,  même  dans  de  bonnes  organisations, 
des  désordres  dont  le  moindre  effet  est  l'affaiblisse- 
ment et  la  perte  de  la  voix. 

On  voit,  au  résumé,  combien  l'étude  des  quintes 
est  essentielle,  puisque  ses  résultats  sont  d'assouplir 
la  voix  avec  une  merveilleuse  promptitude,  de  don- 
ner au  trait  son  véritable  caractère  de  netteté  et  d'éner- 
gie, d'égaliser  toutes  les  notes  de  la  voix,  et  d'habituer 
les  poumons  à  fournir  de  longues  expirations. 

En  harmonie,  la  grammaire  musicale  défend  la 
succession  immédiate  de  deux  octaves  et  de  deux 
quintes  par  mouvement  direct.  Cependant  dans  une 
composition  à  quatre  parties,  elle  peut  tolérer  quel- 
quefois deux  quintes  successives  par  mouvement 
contraire;  mais  elle  ne  permet  deux  octaves  par 
mouvement  contraire  que  dans  les  morceaux  à  cinq 
parties  ou  à  plus  de  cinq  ;  il  faut,  en  outre,  que  ces 
octaves  se  trouvent  entre  les  voix  intermédiaires,  ou 
tout  au  plus  entre  une  voix  extérieure  et  une  voix 
intermédiaire. 

On  défend  les  deux  octaves  par  mouvement  direct, 
parce  que  c'est  une  pauvreté  qui  n'ajoute  rien  à 
l'harmonie.  On  défend  les  quintes,  parce  qu'elles 
produisent  une  dureté. 

Quintette.  Morceau  de  musique  composé  pour 
cinq  instruments  ou  cinq  voix,  et  dont  chaque  partie 
est  concertante  ou  obligée.  Les  quintettes  sont  ordi- 
nairement composés  d'un  allegro  ou  moderato  ;  d'un 
andante,  d'un  menuet  ou  scherzo,  et  d'un  finale. 

Sans  parler  dans  un  sens  absolu,  on  peut  dire  que 
le  mérite  de  ce  genre  de  composition  consiste  autant 
dans  le  charme  et  la  variété  de  la  mélodie  que  dans 
l'exposition,  l'arrangement  et  le  développement  des 
idées,  la  conception  d'un  plan  déroulé  avec  art,  et 


OUO  131 

enfin  dans  l'intérêt  d'une  instrumentation  nuancée 
avec  goût. 

Boccherini  a  composé  un  grand  nombre  de  quin- 
tettes très-remarquables  par  la  naïveté,  la  grâce  et 
l'originalité  du  style.  Georges  Onslow  a  su  se  créer, 
dans  le  même  genre,  un  style  et  une  manière.  Reicha 
a  aussi  composé  plusieurs  quintettes  pour  flûte,  haut» 
bois,  clarinette,  cor  et  basson,  qui  jouissent  d'une 
réputation  bien  méritée. 

Il  est  fort  difficile  de  composer  un  bon  quatuor  ou 
un  bon  quintette,  et  tel  musicien  qui  compte  au 
théâtre  des  succès  brillants  et  mérités,  serait  fort  em- 
barrassé d'en  produire  un  passable.  Ce  genre  de 
musique  exige  des  études  toutes  particulières  ;  il  a  des 
mélodies  et  des  tours  de  phrases  qui  lui  sont  propres, 
des  rhythmes  d'accompagnement  qui  ne  conviennent 
qu'à  lui,  et  enfin  des  moyens  d'expression  qui  partout 
ailleurs  seraient  dépourvus  d'énergie. 

QuiNQUATRIÀ  MINORA,  OU  QuiNQUARTUS  MINUSCULE. 

Nom  que  Ton  donnait,  à  Rome,  à  la  fête  des  joueurs 
de  flûte,  pendant  laquelle  on  se  promenait  dans  les 
rues  de  la  ville,  vêtu  d'un  costume  particulier  à  ce 
jour,  pour  aller  ensuite  se  réunir  au  temple  de  Mi- 
nerve. 

Quinzième.  Double  octave.  On  donne  aussi  ce  nom 
à  un  registre  de  l'orgue. 

Quolibet.  On  entendait  autrefois  par  ce  mot  des 
morceaux  de  musique  d'un  caractère  comique  et  tri- 
vial. Ainsi,  par  exemple,  on  unissait  deux  voix,  dont 
l'une  chantait  des  paroles  tout  à  fait  différentes  de 
celles  que  chantait  l'autre.  Un  tel  ensemble  produi- 
sait des  jeux  de  mots  ridicules.  Aujourd'hui  on  donne 
aussi  ce  nom  à  un  centon  musical. 


152  RAN 


R 


Ràbàna.  Espèce  de  timbale  dont  se  servent  les 
femmes  indiennes  pour  accompagner  leur  chant. 

Racler.  Terme  de  mépris,  par  lequel  on  désigne 
la  mauvaise  manière  de  jouer  d'un  instrument,  tel 
que  le  violon  ou  la  basse,  en  faisant  crier  les  cordes 
sous  l'archet. 

Racleur.  Musicien  qui  joue  avec  dureté  du  violon 
ou  de  la  basse. 

Rallentando.  Ce  mot  signifie  qu'on  doit  aller  en 
retardant  peu  à  peu  la  mesure,  comme  on  diminue 
peu  à  peu  la  force  des  sons  dans  le  diminuendo. 

On  sait  que  Duprez,  avec  toutes  ses  admirables 
qualités  de  chanteur,  n'était  pas  exempt  de  défauts; 
il  y  en  a  un  surtout  que  quelques  critiques  ne  lui 
ont  jamais  pardonné,  celui  de  ralentir  tous  les  mou- 
vements, mais  il  tirait  souvent  de  puissants  effets  de 
cette  licence.  Les  ténors  qui  sont  arrivés  après  lui, 
ont  exagéré  encore  ce  défaut,  et  ils  en  sont  venus  à 
dénaturer  complètement  les  œuvres  des  maîtres. 

Ramage.  On  désigne  par  ce  nom  le  chant  modulé 
des  oiseaux  chanteurs,  tels  que  le  rossignol,  la  fau- 
vette, le  serin,  etc. 

Ramage  se  prend  en  mauvaise  part,  lorsqu'il  s'agit 
d'un  chanteur  qui  ne  plaît  pas.  C'est  en  ce  sens 
qu'on  dit  :  L'ennuyeux  ramage  de  cet  homme  me 
fatigue. 

Ranz  des  vaches.  C'est  un  air  bucolique,  sans  art, 
grossier  quelquefois,  que  les  bouviers  de  la  Suisse 
j  ouent  avec  délices  sur  la  cornemuse,  en  menant  paître 


RAP  153 

Jeurs  vaches  sur  les  rochers,  où  ils  sont  nés  ainsi 
qu'elles.  Cet  air  est  devenu  fameux,  européen  même, 
par  les  effets  sympathiques  qu'il  exerçait  sur  les  mon- 
tagnards helvétiens,  au  temps  de  Page  d'or  de  l'Hel- 
vétie,  il  y  a  un  peu  plus  d'un  demi-siècle.  Dans  les 
régiments  suisses  à  la  solde  de  la  France,  sitôt  que  la 
cornemuse  s'enflait  pour  jouer  cet  air,  une  douce  joie 
brillait  dans  les  yeux  de  ces  fiers  soldats  ;  mais  ils  n'en- 
tendaient pas  plutôt  ces  sons  rustiques  et  si  connus 
que  répétèrent  si  souvent  les  échos  de  leurs  monta- 
gnes, que  la  patrie,  leurs  chalets,  leurs  rochers,  leur 
enfance,  leurs  sœurs,  leurs  vieux  pères,  leurs  fiancées, 
se  reflétaient  dans  leur  âme  avec  tant  de  vivacité, 
qu'une  mélancolie  profonde  succédait  à  cette  pre- 
mière joie.  Laplupart  d'entre  eux  n'y  pouvaient  résis- 
ter. Les  uns  désertaient,  d'autres  tombaient  dans  une 
langueur  incurable,  et  beaucoup  mouraient.  Dès  lors 
le  code  militaire  défendit  de  jouer  cet  air,  sous  peine 
de  mort. 

Rapport  des  intervalles.  C'est  le  calcul  exact  du 
degré  de  distance  entre  deux  sons  différents,  exprimé 
par  des  chiffres. 

Rapsodes,  Rapsodies,  Rapsodistes.  Quand  les 
poëmes  d'Homère  furent  répandus  dans  la  Grèce, 
les  rapsodes,  renonçant  à  composer  eux-mêmes,  se 
bornèrent  à  chanter  les  divers  épisodes  de  l'Iliade  et 
de  l'Odyssée.  Ils  cousaient  ces  chants  l'un  à  la  suite 
de  l'autre,  suivant  les  désirs  de  leurs  auditeurs.  Par 
exemple,  ils  faisaient  suivre  la  colère  d'Achille,  de- 
venue le  premier  chant  de  l'Iliade,  par  le  combat  de 
Paris  et  de  Ménélas,  qui  en  forme  le  troisième.  Cha- 
cun de  ces  chants  pris  à  part,  s'appelait  une  rap- 
sodie. 

Les  rapsodes  étaient  fort  recherchés  par  les  Grecs, 
si  passionnés  pour  les  arts  et  pour  les  jouissances 
qu'ils  procurent.  On  les  invitait  aux  fêtes  et  aux  sa- 


154  REB 

crifices  publics,  où  ils  chantaient  les  poèmes  d'Or- 
phée, de  Musée,  d'Hésiode,  et  surtout  d'Homère.  Les 
rois  et  les  princes  en  avaient  à  leurs  gages  pour  chan- 
ter durant  les  repas.  Ils  étaient  fort  soigneux  de  leur 
parure,  et  ne  se  montraient  jamais  qu'avec  de  riches 
habits,  quelquefois  même,  à  l'imitation  des  poètes, 
avec  une  couronne  d'or  sur  leur  tête. 

Rasgado.  Prélude  que  les  Espagnols  exécutent  en 
attaquant  successivement  toutes  les  cordes  de  la  gui- 
tare avec  le  pouce,  et  en  suivant  la  mesure  et  le 
rhythme  des  boléros  et  des  seguidillas»  Le  rasgado  est 
la  ritournelle  ordinaire  de  ces  sortes  d'airs. 

Rats  de  ballet.  Ce  sont  de  petites  femmes  qui 
agitent  les  jambes,  qui  élèvent  les  bras  et  font  à  peu 
près  quelque  chose  qui  ressemble  à  de  la  danse.  Lerat 
est  élève  de  l'école  de  danse,  et  si  on  l'a  ainsi  nom- 
mé, c'est  probablement  parce  qu'il  est  l'enfant  de  la 
maison,  qu'il  y  vit,  qu'il  y  grignote;  parce  qu'il 
ronge  et  égratigne  les  décorations,  éraille  et  troue  les 
costumes  et  commet  une  foule  de  dommages  in- 
connus. 

Ré.  C'est  le  second  degré  de  notre  échelle  musicale. 
Il  porte  accord  parfait  mineur,  et  s'emploie  en  har- 
monie comme  second  degré  de  la  gamme  majeure 
naturelle  d'ut,  ou  comme  quatrième  degré  du  relatif 
mineur  de  cette  même  gamme.  Dans  ce  dernier  cas, 
on  lui  fait  quelquefois  porter  l'accord  parfait  majeur, 
pour  éviter  la  seconde  augmentée  que  ferait  sa  tierce 
mineure,  fa  naturel,  avec  le  sol  dièse  sensible  du  ton. 

Ré  est  aussi  le  nom  qu'on  donne  à  la  troisième 
corde  du  violon  et  à  la  seconde  de  l'alto,  du  violon- 
celle et  de  la  contre-basse,  parce  que  dans  l'accord 
ordinaire,  ces  cordes  sonnent  l'unisson  ou  l'octave 
de  cette  même  note. 

Rebec.  Instrument  d'une  forme  à  peu  près  sem- 
blable à  celle  du  violon,  dont  on  faisait  usage  en 


RÉC  155 

France  dans  le  moyen  âge,  et  qui  ne  fut  abandonné 
par  les  ménétriers  qu'à  la  fin  du  dix-septième  siècle. 
Le  rebec  était  monté  de  trois  cordes;  il  y  avait  des 
dessus,  des  tailles  et  des  basses  de  rebec. 

Récitatif.  Un  opéra  entièrement  composé  d'airs 
chantés  sans  interruption,  nous  ennuierait  et  nous 
fatiguerait  à  la  seconde  scène,  malgré  le  charme,  la 
beauté,  l'expression  qui  pourraient  se  trouver  réunis 
dans  ces  airs  ;  pour  remédier  à  ce  grave  inconvénient, 
il  faut  avoir  recours  au  dialogue  parlé,  ou  imaginer 
un  langage  de  convention  qui  tienne  le  milieu  entre 
la  parole  ordinaire  et  la  parole  musicale,  un  moyen 
d'union,  enfin,  qui  fasse  disparaître  ce  qui  nous  cho- 
que dans  la  transition  immédiate  de  la  parole  au 
chant.  Le  récitatif  semble  remplir  toutes  ces  condi- 
tions. C'est  une  sorte  de  déclamation  notée,  soute- 
nue par  une  basse  ou  qu'accompagne  l'orchestre,  et 
contre  laquelle  il  n'y  aurait  rien  à  dire  si  elle  n'était 
quelquefois,  trop  souvent  même,  monotone  dans  son 
accentuation,  et  pauvre  dans  ses  formes  musicales, 
dont  les  combinaisons  son»  extrêmement  restreintes. 
Tel  qu'il  est  encore  aujourd'hui,  le  récitatif  offre  ce- 
pendant quelquefois  des  passages  remarquables,  sur- 
tout lorsqu'il  est  entremêlé  de  traits  de  symphonie 
qui  lui  donnent  de  l'expression  et  lui  impriment  ce 
caractère  énergique  et  vrai  qui,  seul,  le  rend  sup- 
portable. Le  récitatif,  cependant,  n'exclut  pas  l'in- 
spiration ,  tant  s'en  faut,  et  il  y  a  de  magnifiques 
récitatifs  dans  les  chefs-d'œuvre  des  grands  maîtres. 
Ceux  de  Gluck  seront  toujours  cités,  ceux  (ÏOtello, 
de  Guillaume  Tell  sont  admirables. 

Il  y  a  deux  espèces  de  récitatifs,  celui  qui  n'est  ac- 
compagné que  par  la  basse  ou  le  piano,  quelquefois 
par  tous  les  deux  ensemble,  et  qu'on  appelle  récitatif 
libre  ou  simple,  et  celui  qui  est  accompagné  par  l'or- 
chestre, et  dont  les  intervalles  de  repos  sont  remplis 


loti  RED 

par  des  traits  de  symphonie.  11  prend  alors  le  nom 
de  récitatif  obligé.  Les  Italiens  faisaient  autrefois 
usage  du  premier,  ils  ne  l'emploient  plus  aujour- 
d'hui que  dans  leurs  opéras  bouffes  ;  le  second  est 
plus  particulièrement  usité  dans  les  tragédies  lyri- 
ques, les  drames  et  les  opéras  d'un  caractère  mixte, 
tels  que  nos  opéras  comiques  français.  Tout  le  mérite 
du  récitatif  réside  dans  l'expression  et  l'énergie  de 
l'accentuation. 

Récit.  Cette  expression  a  vieilli  et  n'est  plus 
en  usage  aujourd'hui  ;  elle  est  remplacée  par  le  mot 
italien  solo  (seul)  qui  paraît  plus  convenable,  puisque 
réciter  dans  l'ancien  langage  signifiait  chanter  ou 
jouer  seul,  par  opposition  au  chœur  ou  à  la  sympho- 
nie, qui,  comme  on  sait,  sont  exécutés  par  un  nom- 
bre plus  ou  moins  considérable  de  concertants. 

Réciter.  Chanter  un  récit. 

Récitant.  Celui  qui  chante  un  récit.  Ces  deux 
mots  se  prennent  dans  l'ancienne  acception  du  mot 
récit. 

Redoublement.  C'est  dans  l'harmonie  l'emploi  si- 
multané du  même  son  fait  par  deux  parties  diffé- 
rentes. (Voyez  le  mot  Doublement). 

Redowa.  C'est  une  danse  à  trois  temps;  elle  a 
beaucoup  d'analogie  avec  la  Mazurka,  et  elle  en  a  les 
mêmes  proportions.  C'est  sur  le  troisième  temps  que 
doit  porter  la  mélodie. 

Reductio  modi.  Autrefois,  lorsqu'on  composait  un 
morceau  de  musique  dans  un  ton  transposé,  et  qu'on 
voulait  examiner  s'il  était  traité  conformément  à  son 
ton  originaire,  on  le  transposait  de  nouveau  dans  son 
ton  primitif.  Ce  procédé  s'appelait  reductio  modi. 

Réduire.  C'est  arranger  une  composition  à  un  ou 
plusieurs  instruments  pour  un  ou  plusieurs  instru- 
ments d'une  nature  différente,  comme  réduire  un 
concerto  pour  violon  en  un  concerto  pour  piano.  11 


KÉG  157 

se  dit  principalement  de  la  réduction  d'une  partition 
pour  le  piano,  ou  d'un  morceau  à  plusieurs  voix, 
pour  une  seule  voix. 

Réel.  Quelques  maîtres  de  chant  donnent  le  nom 
de  sons  réels  à  ceux  qui  sont  produits  par  le  registre  de 
la  voix  de  poitrine,  et  sont  directement  lancés  par  toute 
la  force  du  souffle;  ils  appellent,  par  opposition,  sons 
de  fausset  ceux  de  la  voix  de  tête,  attendu  qu'étant 
formés  par  la  partie  supérieure  de  la  trachée  et  ne 
pouvant  recevoir  le  même  volume  d'air,  ils  sont  mai- 
gres et  sans  force. 

Dans  une  mélodie,  on  appelle  notes  réelles,  les  no- 
tes de  cette  mélodie  faisant  partie  des  accords  qui 
l'accompagnent. 

On  appelle  dans  une  composition  à  plusieurs  voix, 
parties  réelles,  les  parties  qui  marchent  sans  former 
entre  elles  plusieurs  unissons  ou  octaves  de  suite, 
c'est-à-dire  qui  ont  chacune  leur  allure  bien  dis- 
tincte et  aussi  élégante  que  possible  :  on  dit  d'une 
fugue  qu'elle  est,  par  exemple,  à  six,  à  huit  parties 
réelles,  pour  dire  qu'il  n'y  a  pas  de  partie  oiseuse,  et 
purement  de  remplissage. 

Refrain.  Terminaison  d'un  couplet  ou  d'un  air  de 
vaudeville,  qu'on  répète  ordinairement  deux  fois,  et 
qu'on  chante  quelquefois  en  chœur. 

Régale.  Jeu  d'anche,  le  plus  ancien  de  tous  les 
jeux  d'orgue.  Il  n'est  plus  employé  dans  les  orgues 
modernes. 

Régiment  (Musique  de).  La  musique  a  été  regardée 
dans  tous  les  temps  comme  un  puissant  moyen  d'ac- 
tion sur  les  sentiments  belliqueux.  Quoi  de  plus  pro- 
pre, en  effet,  à  seconder  l'élan,  à  échauffer  l'enthou- 
siasme du  guerrier?  Non-seulement  elle  Télectrise, 
l'enflamme  et  fui  fait  affronter  les  périls,  mais  elle  le 
délasse  des  fatigues  de  la  guerre,  ou  l'aide  à  supporter 


15«  RÉG 

patiemment  et  avec  courage  les  longues  marches,  les 
travaux  les  plus  pénibles. 

On  sait  combien  est  grande,  sous  ce  rapport,  l'in- 
fluence du  rhythme.  Le  maréchal  de  Saxe  voulait  que 
Ton  fît  travailler  les  soldats  au  son  du  tambour  et  des 
instruments  en  cadence.  C'est  ainsi  que  les  Lacédé- 
moniens,  sous  Lisander,  avec  un  détachement  de  trois 
mille  hommes  détruisirent  le  Pirée  au  son  de  la  flûte, 
en  six  heures  de  temps. 

Depuis  longtemps,  en  Europe,  la  musique  de  ré- 
giment a  pris  une  grande  extension.  C'est  en  Italie  et 
en  Allemagne  qu'elle  reçut  d'abord  un  accroissement 
remarquable.  Pierre  le  Grand ,  s'occupant  de  l'orga- 
nisation de  ses  armées  déterre  et  de  mer,  fit  venir  en 
Russie  des  trompettes  et  des  timbales ,  des  hautbois 
et  des  bassons.  A  chaque  régiment  il  affecta  un  corps 
de  musique  dirigé  par  un  chef,  qui,  en  dehors  de  ses 
fonctions,  était  tenu  de  choisir  parmi  les  enfants  de 
troupe  un  certain  nombre  de  sujets,  auxquels  il  devait 
enseigner  un  des  instruments  dont  se  composait  alors 
la  musique  militaire.  Au  moyen  de  cette  disposition, 
tous  les  régiments  russes  furent  en  peu  d'années 
pourvus  de  musiciens  recrutés  dans  l'armée  elle- 
même. 

Les  anciennes  musiques  des  régiments  français  se 
sont  accrues  successivement  d'emprunts  faits  aux  mi- 
lices étrangères.  On  devait  l'arigot  ou  fifre  aux  Suis- 
ses, le  tambour  et  le  basson  aux  Italiens,  la  trompette 
aux  Maures  de  la  péninsule,  les  cymbales  et  la  grosse 
caisse  aux  Orientaux  ;  la  cornemuse  vient  des  Anglais, 
la  clarinette  et  le  hautbois  sont  une  importation  de 
l'Allemagne.  Toutefois  il  ne  paraît  pas  qu'en  emprun- 
tant aux  Allemands  quelques-uns  de  leurs  instru- 
ments, les  Français  leur  aient  pris  en  même  temps 
leur  manière  d'en  jouer;  car  Jean-Jacques  Rousseau 
nous  apprend  que,  dans  la  guerre  de  17  >G,  les  paysans 


REG  t5« 

autrichiens  et  bavarois ,  ne  pouvant  croire  que  des 
troupes  réglées  eussent  des  instruments  si  faux  et  si 
détestables,  prirent  tous  les  vieux  corps  pour  de  nou- 
velles levées  qu'ils  commencèrent  à  mépriser. 

De  nos  jours,  où  l'art  musical  est  parvenu  en  France 
à  un  degré  si  éminent,  les  musiques  militaires  des  ré- 
giments d'infanterie  sont  restées  dans  un  état  d'in- 
fériorité en  présence  de  celles  d'Allemagne,  de  Russie, 
d'Angleterre  et  de  Naples.  Cependant  de  notables 
améliorations  ont  été  introduites  dans  l'organisation 
de  la  musique  de  ces  régiments;  car  à  la  suite  des 
nouvelles  adjonctions  d'instruments  qui  eurent  lieu 
sous  l'Empire  et  la  Restauration,  le  nombre  des  mu- 
siciens, qui  en  1807  était  de  huit  seulement,  fut  porté 
successivement  à  douze  et  à  vingt-sept.  Ce  chiffre, 
augmenté  aujourd'hui  d^  vingt  élèves  environ,  semble 
suffisant  pour  maintenir  le  corps  de  musique  sur  un 
pied  respectable.  C'est  sous  le  rapport  de  la  combi- 
naison et  du  jeu  des  différentes  espèces  d'instruments 
que  l'organisation  des  musiques  militaires  laisse  en- 
core à  désirer. 

Nous  devons  dire  que  grâce  à  l'éducation  donnée 
par  !e  Gymnase  musical  militaire  de  Paris,  de  grands 
progrès  se  sont  accomplis  dans  cette  branche  de  l'art; 
et  tout  fait  espérer  que  dans  peu  de  temps  la  régéné- 
ration de  nos  musiques  militaires  sera  complète. 
C'est  M.  Carafa  qui  dirige  le  Gymnase  musical  mili- 
taire, et  les  principaux  professeurs  sont  :  MM.  F.  Ba- 
zin, Le  Borne,  Forestier,  Klosé,  Dieppo,Verroust,  etc. 

Registre  d'orgue.  Les  registres  sont  des  règles  de 
bois  que  l'organiste  tire  ou  pousse,  et  qui  font  agir  cer- 
tains mouvements  pour  ouvrir  et  fermer  les  jeux  de 
l'orgue,  selon  qu'il  éprouve  le  besoin  de  les  faire  chan- 
ter ou  de  les  réduire  au  silence.  La  poignée  par  la- 
quelle l'organiste  ouvre  ou  ferme  un  registre  s'ap- 
pelle tirant » 


160  RE\ 

Règle.  Prescription  ou  précepte  auquel  on  doit 
conformer  la  composition  et  l'exécution. 

Règle  d'octave.  Formule  d'harmonie  établie  pour 
l'accompagnement  des  gammes  majeure  et  mineure, 
tant  en  montant  qu'en  descendant,  pour  faciliter 
l'exécution  de  la  basse  non  chiffrée  à  celui  qui  joue 
de  la  basse  continue,  et  pour  simplifier  l'art  ordinaire 
de  chiffrer  l'harmonie.  (Voyez  Octave.) 

Régleur.  Ouvrier  qui  trace  les  portées  sur  le  pa- 
pier pour  écrire  la  musique. 

Régulier.  Tout  ce  qui  est  renfermé  dans  les  règles 
et  dans  de  justes  limites,  ou  qui  suit  une  progression 
uniforme.  C'est  pourquoi  on  appelle  cadence  régulière 
celle  qui  s'accomplit  selon  les  formules  usitées  ;  mar- 
che régulière,  une  progression  de  basse  portant  des  ac- 
cords se  succédant  par  une  marche  identique;  imita- 
tion  régulière,  celle  dont  les  parties  s'imitent  bien,  etc. 

Ré  la.  Désigne  dans  l'ancien  solfège  la  nuance  de 
ces  syllabes  sur  le  son  ré  ou  la. 

Relation.  Rapport  entre  un  son  qui  vient  d'être 
entendu~dans  une  partie  vocale  et  instrumentale,  et 
un  autre  son  qu'on  entend  actuellement  dans  une 
autre.  Lorsque  ces  deux  sons  concourent  à  laisser 
dans  l'oreille  la  sensation  d'une  consonnance  exacte, 
la  relation  est  bonne.  Quand  il  résulte  de  leur  rapport 
une  consonnance  altérée,  la  relation  est  fausse;  les 
fausses  relations  sont  proscrites  dans  la  composition 
scolastique. 

Relation  non  harmonique.  Les  anciens  appelaient 
de  ce  nom  une  mauvaise  succession  de  sons. 

Renversement.  Un  accord  est  renversé  quand  sa 
note  fondamentale  n'est  pas  à  la  basse.  L'accord  par- 
fait a  deux  renversements,  et  l'accord  de  dominante, 
trois. 

Les  renversements  et  leurs  positions  ont  tous  une 
expression  particulière;  leur  choix  est  déterminé  par 


KEP  161 

les  exigences  de  la  pensée,  par  celles  du  mouvement 
naturel  et  facile  des  parties,  et  par  la  pensée  du  com- 
positeur. 

Réplique.  Signifie  octave,  quand  il  s'agit  d'un  son 
redoublé,  et  reprise  du  sujet,  quand  on  parle  d'une 
fugue. 

Répons.  Espèce  d'antienne  redoublée  qu'on  chante 
à  l'église  après  les  leçons  de  matines,  et  qui  finit  en 
manière  de  rondeau,  par  une  reprise  appelée 
réclame. 

Réponse.  C'est,  dans  une  fugue,  la  rentrée  du  su- 
jet par  une  autre  partie.  Si  le  sujet  est  dans  le  ton  de 
la  tonique,  la  réponse  doit  être  dans  le  ton  de  la  domi- 
nante, et  vice  versa;  dans  une  contre-fugue,  c'est  la 
rentrée  du  sujet  qu'on  vient  d'entendre,  après  l'avoir 
renversé.  (Voyez  le  mot  Fugue.) 

Repos.  C'est  la  terminaison  de  la  phrase,  termi- 
naison sur  laquelle  le  chant  se  repose  plus  ou  moins 
parfaitement.  Le  repos  ne  peut  s'établir  que  par  une 
cadence  sur  la  tonique  ou  sur  la  dominante.  Si  la  ca- 
dence est  évitée,  il  ne  peut  y  avoir  de  vrai  repos,  car 
il  est  impossible  à  l'oreille  de  se  reposer  sur  une  dis- 
sonance. On  voit  par  là  qu'il  y  a  précisément  autant 
d'espèces  de  repos  que  de  sortes  de  cadences  pleines. 
Ces  différents  repos  produisent  dans  la  musique  l'effet 
de  la  ponctuation  dans  le  discours. 

Reprise  d'un  opéra.  Représentation  d'un  opéra 
qu'on  donne  après  être  resté  plus  ou  moins  long- 
temps sans  être  joué* 

Reprise.  Au  sens  propre,  c'est  toute  partie  d'un 
morceau  de  musique  qui  doit  être  jouée  ou  chantée 
deux  fois.  Mais  généralement  on  applique  cette  déno- 
mination à  la  première  ainsi  qu'à  la  seconde  division 
d'un  morceau,  quoique  cette  dernière  ne  s'exécute 
presque  jamais  qu'une  fois.  Dans  un  sens  plus  res- 
treint, on  entend  quelquefois  par  reprise  la  seconde 


162  RfcLÏ 

partie  seulement.  C'est  dans  ce  sens  qu'on  dit  :  La  re- 
prise de  cette  ouverture  e^t  mieux  faite  que  la  pre- 
mière partie. 

Requiem.  Prière  que  l'Eglise  fait  pour  les  morts,  et 
dont  l'introït  commence  par  ce  mot.  Il  y  a  de  su- 
blimes musiques  composées  sur  ce  thème,  par  Jo- 
melli,  Mozart,  Cherubini. 

Ré  sol.  Désignait  dans  l'ancien  solfège  le  change- 
ment de  ces  deux  syllabes  sur  le  son  ré  ou  sol. 

Résolution.  La  résolution  consiste  en  ce  que  la 
dissonance  frappée  descend  quelquefois,  mais  rare- 
ment, et  monte  d'un  degré  conjoint  sur  la  consonnance 
voisine.  On  dit  aussi  qu'un  accord  se  résout  sur  un 
autre,  la  septième  dominante  se  résout  sur  la  tonique 
ou  sur  la  su-dominante,  ou  sur  une  autre  septième,  etc. 
(Voyez  Dissonances  et  Accords  (des). 

Résonnance.  Prolongement  ou  réflexion  du  son, 
soit  par  les  vibrations  continuées  des  cordes  d'un 
instrument,  soit  par  les  parois  d'un  corps  sonore,  soit 
par  la  collision  de  l'air  renfermé  dans  un  instrument 
à  vent. 

Respiration.  C'est  l'action  que  font  les  poumons 
pour  attirer  ou  repousser  l'air.  Cette  action  se  divise 
en  deux  mouvements  alternatifs,  Y  aspiration  et  Y  expi- 
ration. Dans  l'aspiration,  les  poumons  se  dilatent 
pour  introduire  l'air  extérieur  dans  la  poitrine,  et  dans 
l'expiration,  ils  s'affaissent  pour  le  faire  sortir. 

On  ne  saurait  trop  recommander  aux  élèves  de 
s'occuper  de  la  respiration.  Elle  est  tout  pour  le 
chant.  Sans  un  grand  volume  d'air,  qu'on  doit  savoir 
comprimer  et  ménager  longtemps  avec  adresse,  il 
n'est  point  de  force  ni  de  timbre  dans  la  voix  ;  de 
plus,  sans  cette  faculté,  il  n'est  guère  possible  de 
bien  ph raser  un  chant. 

Retard.  On  retarde,  dans  un  accord ,  une  note 
consonnante  par  une  note  prise  dans  l'accord  précé- 


nu*  it>a 

dent.  Le  retard  peut  être  aussi  purement  mélodique, 
et  ne  pas  figurer  dans  l'harmonie  sur  laquelle  se 
déroule  le  chant.  L'art  des  retards  est  celui  de  la 
coquetterie  en  musique,  ils  ont  pour  objet  de  faire 
désirer  un  son  dont  l'apparition  satisfait  l'oreille. 

Le  retard  est  l'empiétement  du  levé  sur  une  partie 
du  frappé;  presque  tous  les  retards  sont  produits  par 
l'effet  des  prolongations. 

Retranchement  de  notes  dans  les  accords.  Aucune 
loi  n'oblige  d'écrire  toutes  les  notes  d'un  accord  :  on 
peut  donc  en  retrancher  quelques-unes  ;  grâce  à  l'en- 
chaînement des  accords  et  au  sentiment  de  la  tona- 
lité, un  accord  incomplet  possède,  aux  yeux  des  ha- 
biles, la  physionomie  et  la  signification  de  l'accord 
complet.  Il  les  possède  tout  entières,  malgré  leur 
réalité  physique  moins  accusée  et  moins  saillante. 

Lorsqu'on  retranche  une  note  de  l'accord  parfait, 
on  conserve  ordinairement  la  tierce  de  la  tonique, 
parce  qu'elle  indique  le  mode  et  caractérise  l'accord. 
Dans  un  duo,  on  conserve  habituellement  les  noies 
qui  sont  à  la  tierce  ou  à  la  suite  l'une  de  l'autre, 
comme  ut  mi,  mi  sol,  mi  ut,  sol  mi.  Les  notes  de  l'ac- 
cord de  dominante  peuvent  toutes  se  retrancher  suc- 
cessivement, et  toutes  s'associer  les  unes  avec  les 
autres  :  chacun  de  ces  groupes  possède  une  nuance 
particulière  d'expression.  Les  anciens  compositeurs 
supprimaient  souvent  la  tierce  dans  l'accord  final. 

Rhythme.  Le  rhythme  n'est  autre  chose  que  la 
symétrie  appliquée  au  mouvement,  la  différence  de 
vitesse  ou  de  lenteur  modifiée  d'une  manière  symé- 
trique, et  dont  les  formes  se  reproduisent  à  certains 
intervalles  disposés  dans  un  ordre  assez  régulier  pour 
former  une  sorte  de  mesure  cadencée.  Tout  mouve- 
ment qui  se  succède  ainsi  nous  affecte  déjà  agréable- 
ment, même  sans  le  secours  d'aucune  espèce  de  sono- 
rité musicale.  Quel  charme  n'aura  pas  ce  même 


104  Kl  G 

mouvement,  si  nous  appliquons  à  chacun  des  temps 
qui  le  composent  des  sons  choisis,  et  dont  la  succes- 
sion soit  telle  qu'elle  flatte  l'oreille!  nous  jouirons 
alors  d'une  véritable  mélodie,  au  lieu  de  la  psalmodie 
vague  et  monotone  que  nous  laisserait  l'absence  du 
mouvement  rhythmique. 

On  donne  aussi  le  nom  de  rhythme  en  musique,  à 
certaines  formules  ou  dessins  d'accompagnement  qui 
se  reproduisent  symétriquement  pendant  un  certain 
espace  de  temps. 

Rhythmique.  Une  musique  rhythmique  est  celle 
qui  est  ordonnée  avec  une  parfaite  symétrie  dans  les 
membres  dont  se  composent  ses  périodes.  Un  accom- 
pagnement rhythmique  est  celui  dans  lequel  le  com- 
positeur fait  entendre  constamment  le  groupe  uni- 
forme, l'arpège  adopté,  tandis  que  l'harmonie  varie 
ses  accords.  Gluck,  qu'on  doit  souvent  citer  pour  le 
dessin  des  accompagnements,  nous  a  donné  les  pre- 
miers modèles  dans  le  genre  rhythmique. 

Rhythmopée.  Partie  scientifique  de  la  mélodie  qui 
apprend  l'arrangement  des  parties  mélodiques  relati- 
vement à  leur  extension,  afin  qu'elles  puissent  avoir 
entre  elles  un  rapport  agréable. 

Ricercata.  Est  une  espèce  de  fugue  dans  laquelle 
on  propose  la  première  moitié  du  sujet,  comme  dans 
la  fugue  ordinaire,  mais  où  la  seconde  moitié  se  tra- 
vaille en  inversion  simple  ou  stricte. 

Ricercato.  En  italien  signifie  recherché.  On  donne 
ce  nom  à  tout  genre  de  composition  où  sont  em- 
ployées les  recherches  du  dessin  musical.  Mais  on  l'ap- 
plique plus  particulièrement  aux  compositions  ma- 
drigalesques,  qui,  outre  les  recherches  du  dessin, 
offrent  encore  celles  du  goût  et  de  l'expression.  L'école 
italienne  possède  une  grande  quantité  d'ouvrages  en 
ce  genre. 

Rigaudon.  Sorte  de  danse  dont  l'air  est  à  deux 


RIT  165 

temps,  d'un  mouvement  gai,  et  se  divise  ordinaire- 
ment en  deux  reprises  phrasées  de  quatre  en  quatre 
mesures,  et  commençant  par  la  dernière  note  du  se- 
cond temps. 

Rinforzando,  en  renforçant.  C'est  passer  du 
piano  au  fort,  et  du  fort  au  très-fort,  non  tout  d'un 
coup,  mais  par  une  gradation  continue,  en  enflant  et 
augmentant  les  sons,  soit  sur  une  tenue,  soit  sur  une 
suite  de  notes,  jusqu'à  ce  qu'ayant  atteint  le  point  qui 
sert  de  terme  au  renforcé,  l'on  reprenne  ensuite  le 
jeu  ordinaire. 

Le  rinforzando  produit  le  même  effet  que  le  cres- 
cendo ;  mais  son  emploi  est  différent.  On  se  sert  plus 
particulièrement  de  celui-ci  dans  les  grandes  pério- 
des, tandis  que  le  rinforzando  ne  s'emploie  que  pour 
de  petits  groupes  de  notes,  et  même  pour  une  note 
seule. 

RlTARDANDO,  EN  RETARDANT.  (Voyez  R\LLENTANDO). 

Ritournelle.  De  l'italien  ritornello,  petit  retour, 
parce  que  autrefois  l'accompagnement  se  bornait  à 
répéter  la  dernière  phrase  du  chanteur.  La  ritournelle 
a  acquis  avec  le  temps  un  plus  haut  degré  d'impor- 
tance; c'est  aujourd'hui  une  sorte  de  prélude  instru- 
mental, un  trait  de  symphonie  plus  ou  moins  déve- 
loppé, qui  annonce  le  début  d'un  chant  vocal,  ou 
remplit  les  repos  et  les  silences  que  dans  toute  musi- 
que bien  sentie  le  compositeur  a  su  ménager  à  la  voix; 
ou  bien  encore  elle  complète  d'une  manière  brillante, 
expressive  ou  piquante  le  morceau,  après  que  la  voix 
a  cessé  de  se  faire  entendre.  Les  ritournelles  sont  d'un 
effet  admirable  dans  la  musique  dramatique;  elles 
expriment  souvent  les  affections  de  l'âme  avec  bien 
plus  de  force  et  d'énergie  que  la  parole.  Mais  c'est 
surtout  dans  les  airs  déclamés  et  le  récitatif  qu'elles 
montrent  jusqu'à  quel  degré  de  puissance  elles  peu- 
vent atteindre,  en  traduisant  merveilleusement  la. 


1*6  ROM 

pantomime,  le  jeu  de  physionomie,  et  même  jus- 
qu'aux regards  de  l'acteur,  à  ces  moments  suprêmes 
d'une  scène  pathétique  où  la  parole  devient  impuis- 
sante à  exprimer  les  émotions  de  l'âme. 

Rôle.  Le  papier  séparé  qui  contient  la  musique 
que  doit  exécuter  un  concertant,  et  qui  s'appelle  par- 
tie dans  un  concert,  s'appelle  rôle  à  l'Opéra.  Ainsi, 
on  doit  distribuer  une  partie  à  chaque  musicien,  et  un 
rôle  à  chaque  acteur. 

Rôle  signifie  tout  ce  que  doit  chanter  ou  réciter  un 
acteur  dans  une  pièce  de  théâtre. 

Romains  (de  la  Musique  chez  les).  Rome,  quelque 
austères  que  fussent  ses  lois,  reconnut,  même  dès  son 
berceau,  le  pouvoir  de  la  musique;  mais  elle  consa- 
cra ses  naissantes  institutions  dans  cet  art  à  son  dieu 
favori,  à  Mars.  Le  plus  pacifique  de  ses  rois,  celui 
qu'on  doit  regarder  comme  son  législateur  religieux, 
Numa,  ordonna  que  les  prêtres  de  ce  dieu  chante- 
raient, en  portant  en  procession  Yancile,  ou  le  bou- 
clier sacré  tombé  du  ciel  pour  servir  d'égide  à  la  ville 
éternelle.  Plus  tard,  on  voit  le  Napolitain  Androni- 
cus,  affranchi  de  Livius  Salinator,  composer,  pour 
apaiser  les  dieux  irrités  contre  les  Romains,  un 
hymne  qui  fut  solennellement  chanté  par  un  chœur 
de  jeunes  vierges,  dont  la  beauté,  dit  un  historien, 
ajoutait  au  charme  de  la  poésie  et  de  la  musique. 

Les  jeux  scéniques  furent  institués  à  Rome  à  l'ins- 
tar de  ceux  de  la  Grèce,  et  ils  eurent  pour  cause  la  re- 
ligion. La  population  romaine,  dévorée  par  une  peste 
sous  le  consulat  de  Sulpicius  Pelicus  et  de  Licinius 
Stolon,  eut  recours  à  des  prières,  des  sacrifices  et  des 
cérémonies  extraordinaires  pour  fléchir  l'inclémence 
des  dieux.  Elle  n'avait  point  de  chanteurs;  elle  en  fit 
venir  de  l'Étrurie  pour  établir  des  fêtes  funèbres.  L'his- 
toire ne  nous  dit  point  si  ces  fêtes  apaisèrent  le  cour- 
roux des  dieux,  et  si  on  leur  dut  la  cessation  du  ter* 


ROM  167 

rible  fléau  ;  mais  ce  qu'elle  ne  nous  laisse  pas  ignorer, 
c'est  que  In  jeunesse  romaine  goûta  beaucoup  ces  jeux, 
qui  étaient  scéniques ,  puisque  ceux  qui  y  figuraient 
se  montraient  en  public  sur  un  théâtre,  et  qu'ils  repré- 
sentaient des  pièces  qui  furent  considérées  comme 
satiriques,  à  cause  des  vérités  souvent  amères  que  ren- 
fermaient les  vers  qu'on  y  débitait,  et  dont  l'harmo- 
nie était  soutenue  par  les  sons  des  flûtes  et  des  lyres. 

Quelques  années  après,  sous  le  consulat  d'un  des 
descendants  de  Paul  Emile ,  on  voit  la  musique , 
admise  jusque-là  dans  Rome  comme  une  simple 
étrangère  à  laquelle,  en  récompense  de  ses  talents, 
on  accorde  l'hospitalité,  acquérir  enfin  les  nobles 
droits  de  cité  dans  la  ville  éternelle.  Ce  fut,  en  effet, 
dès  ce  moment,  qu'on  l'appela  à  l'honneur  de  célé- 
brer la  naissance,  le  mariage  et  même  la  mort  des 
maîtres  du  monde  ;  elle  vint  mêler  sa  joie  à  la  gaieté 
de  leurs  festins,  donner  plus  d'éclat  à  leurs  triomphes, 
et  prêter  le  charme  de  la  mélodie  à  leurs  funérailles. 

Enfin  parurent  les  jours  si  beaux  pour  les  arts,  où 
commença  le  règne  d'Auguste.  Avant  ce  grand  événe- 
ment, il  venait  de  s'en  passer  un  non  moins  impor- 
tant, l'assassinat  de  Jules  César,  suivi  de  ses  funé- 
railles si  remarquables  par  la  douleur  du  peuple  et 
l'artificieux  et  éloquent  discours  d'Antoine.  Ce  fut 
dans  cette  circonstance  qu'un  nombre  considérable 
de  musiciens,  attachés  au  dictateur  par  leur  emploi  et 
par  l'admiration  qu'inspiraient  ses  talents  et  son  génie, 
jetèrent,  après  s'en  être  servis  pendant  les  funérailles, 
leurs  instruments  dans  le  bûcher  dont  les  flammes 
venaient  de  consumer  les  restes  d'un  grand  homme, 
comme  si,  après  avoir  célébré  sa  gloire  et  ses  triom- 
phes, ces  organes  de  la  mélodie  ne  devaient  plus 
avoir  aucun  autre  emploi. 

Sous  le  règne  d'Auguste,  Rome  ordonna  que  le 
poëme  qu'Horace  avait  composé  en  l'honneur  de 


if>8  ROM 

Diane  serait  chanté  par  deux  chœurs,  l'un  de  jeunes 
filles,  l'autre  déjeunes  garçons,  tous  fils  de  patriciens. 
Les  beaux  vers  de  l'héritier  de  la  lyre  de  Pindare 
furent  embellis  par  une  musique  dont  on  ignore  les 
auteurs.  Mais  cette  circonstance  montre  que  cet  art, 
étendant  son  empire  sur  le  peuple  romain,  et  suivant 
les  progrès  de  la  civilisation  et  du  luxe,  allait  jouir 
encore  de  plus  d'honneur  sous  les  empereurs  que  pen- 
dant la  république. 

Sous  le  règne  de  Tibère,  la  musique  dut  nécessai- 
rement être  atteinte  de  ce  marasme  qui  paralyse  tous 
les  arts  sous  un  tyran;  et  cependant,  sous  Caligula, 
digne  héritier  de  cet  empereur,  elle  semble  s'éveiller 
de  sa  longue  léthargie.  C'est  que  ce  prince  avait  pour 
cet  art  un  goût  très- prononcé,  et  presque  une  pas-' 
sion.  Caligula  aimait  la  musique  autant  qu'il  aimait 
le  sang,  et  cette  réunion  dans  un  môme  homme  d'un 
goût  aimable  et  d'une  fureur  sanguinaire  n'est  pas, 
de  tous  les  mystères  de  l'esprit  humain,  le  moins  dif- 
ficile à  expliquer. 

Néron  cultiva  lui-même  la  musique  en  artiste  con- 
sommé; il  consacrait  une  partie  de  son  temps  à  l'exer- 
cice de  son  art  favori.  Tous  les  jours,  s'enfermant 
avec  Terpanum,  le  joueur  de  flûte  et  de  cythare  le 
plus  renommé  qu'il  y  eût  alors,  il  prenait  des  leçons 
de  chant  qui  se  prolongeaient  jusque  dans  la  nuit. 
Quoique  sa  voix  fut  grêle  et  voilée,  il  fit  de  tels  pro- 
grès, que  dans  la  troisième  année  de  son  règne  il  ne 
balança  point  à  chanter  en  public.  Il  débuta  sur  le 
théâtre  de  Naples,  et  y  acquit  tant  de  réputation,  que 
des  musiciens  accoururent  de  toutes  les  contrées 
pour  l'entendre  et  admirer  son  talent.  Il  en  retint 
cinq  mille,  qui,  dès  ce  moment,  restèrent  attachés  à 
son  service.  Il  leur  donna  un  costume  uniforme,  et 
leur  apprit  même,  chose  incroyable,  si  Suétone  ne 
l'attestait,  de  quelle  manière  il  entendait  être  ap- 


ROM  169 

piaudi.  Le  peuple  romain  le  pria  un  jour  de  chanter 
dans  une  des  rues  de  Rome  où  il  passait,  et  Néron, 
qui  lui  aurait  refusé  la  vie  de  Trasias,  s'il  la  lui  avait 
demandée,  ne  refusa  point  de  lui  faire  entendre  sa 
voix  divine.  Des  applaudissements  vifs  et  prolongés 
furent  le  prix  de  cette  complaisance  inouïe.  Dès  ce 
moment,  le  maître  du  monde  se  mit  lui-même  au 
rang  des  comédiens,  et  accepta  sa  part  des  rétributions 
publiques  destinées  à  payer  leur  talent.  Non  content 
des  applaudissements  donnés  à  sa  voix  comme  chan- 
teur, il  brigua  les  suffrages  du  public  comme  compo- 
siteur; il  voulut  traiter  le  sujet  de  la  prise  de  Troie, 
et  l'on  prétend  même  qu'il  lit  mettre  le  feu  à  Rome, 
afin  de  pouvoir  imiter  avec  plus  de  vérité  les  voix  et 
les  cris  déchirants  des  victimes  de  l'incendie.  C'est  à 
l'aspect  du  plus  affreux  tableau  que  puissent  contem- 
pler les  yeux  de  l'homme,  et  qui,  pour  lui,  n'était 
qu'un  brillant  modèle,  qu'il  eut,  dit-on,  le  plaisir  en 
jouant  sur  sa  flûte,  de  composer  ce  qu'on  appelle 
d'après  nature. 

A  la  mort  de  Néron,  le  peuple  romain,  dont  l'irri- 
tation était  extrême,  prétendit  mettre  au  rang  des 
complices  de  cet  empereur  la  musique,  et,  comme 
telle,  la  bannit  de  Rome  avec  tous  les  musiciens. 
Ainsi  proscrit,  l'art  musical  se  réfugia  au  sein  de  l'É- 
glise naissante,  qui  l'épura  en  lui  donnant  un  asile  et 
en  simplifiant  sa  notation. 

Romance.  Depuis  une  dizaine  d'années,  des  mil- 
liers, des  myriades  de  pièces  de  ce  genre  ont  été  fa- 
briquées et  livrées  à  l'appétit  glouton  des  amateurs. 
Une  centaine  au  plus  méritent  d'être  distinguées  parmi 
la  foule  immense  de  ces  productions  éphémères.  Le 
défaut  le  plus  saillant  des  romances  contemporaines, 
c'est  la  monotonie.  A  quelques  rares  exceptions  près, 
lorsqu'on  a  pu  se  dérober  à  l'ennui  d'entendre  une 


170  no* 

romance,  il  faut  se  dispenser  d'en  écouter  d'autres; 
on  les  connaît,  on  les  sait  presque  toutes. 

Une  romance,  que  la  mode  porta  sur  son  aile  lé- 
gère, a  commencé  la  réputation  de  Boïeldieu  ;  et  qui 
n'a  senti  son  cœur  palpiter  en  écoutant,  en  chantant 
les  jolies  romances  :  S'il  est  vrai  que  d'être  deux  ;  Bouton 
de  rose,  de  Pradber;  Je  t'aime  tant,  de  Garât;  Te  bien 
aimer,  ô  ma  chère Zélie,  de  Plantade;  Un  jeune  Trouba. 
dour,  de  Dalvimare  ;  Charmant  ruisseau,  de  Domnich; 
Partant  pour  la  Syrie-,  de  la  reine  Hortense  ;  La  Suis» 
sesse  au  bord  du  lac,  de  Goulé  ;  Fleuve  du  Tage,  de 
Pollet,  et  de  nos  jours,  les  délicieuses  romances  de 
Labarre,  de  MHe  Loïsa  Puget,  de  Masini,  de  Grisar, 
d'Arnaud,  d'Henrion,  etc.,  etc.  ? 

Le  nom  de  romance  est  bien  ancien  en  France  ;  on 
l'avait  abandonné  pendant  un  siècle.  On  appelait 
brimettes  les  chansons  rimées  sur  un  sujet  plein  de 
tendresse  et  de  sentiment.  Dans  les  anciens  recueils 
de  Ballard,  du  temps  de  Louis  XIII  et  de  Louis  XIV, 
toutes  les  romances  portent  le  nom  de  brunettes. 

Les  romances,  les  brunettes  destinées  aux  amateurs 
de  haut  parage,  étaient  désignées  sous  le  titre  airs  de 
cour;  les  chansons  prenaient  celui  de  voix  de  ville, 
dont  on  a  fait  plus  lard  vaudeville. 

Ronde.  Sorte  de  chanson  ordinairement  mêlée  de 
galanterie,  composée  de  divers  couplets  qu'on  chante 
dans  une  réunion  nombreuse,  debout,  formant  le 
rond,  en  se  tenant  tous  par  la  main.  Chacun  chante 
son  couplet,  et  l'on  fait  chorus  en  reprenant  le  re- 
frain sur  lequel  on  danse  en  même  temps.  La  ronde  a 
été  introduite  dans  nos  opéras  comiques,  où  elle  fait 
beaucoup  d'effet.  On  cite  les  rondes  de  Cendrillon,  du 
Chaperon  rouge,  de  la  Neige,  du  Postillon  de  Lonju- 
meau,  des  Porcherons,  etc. 

Ronde.  Note  blanche  et  ronde,  sans  queue,  la- 
quelle vaut  une  mesure  entière  à  quatre  temps,  c'est- 


ï\OP<  171 

à-dire  deux  blanches  ou  quatre  noires.  La  ronde  est 
de  toutes  les  notes  d'un  usage  habituel  celle  qui  a  le 
plus  de  valeur.  Autrefois  elle  était  celle  qui  en  avait 
le  moins,  et  s'appelait  semi-brève. 

Rondeau.  C'est  un  très-petit  poëme,  né  gaulois,  se» 
Ion  l'expression  de  Despréaux. 

La  naïveté  et  le  badinage  de  ces  pièces  si  exiguës  ne 
convenaient  pas  à  un  siècle  de  plaisirs  emportés 
comme  celui  qui  nous  précéda  et  conviennent  encore 
moins  au  nôtre.  Aussi,  ce  léger  poëme  est-il  tombé 
en  désuétude.  Au  dix-septième  siècle,  il  se  ranima 
sous  la  plume  ingénue  de  La  Fontaine,  puis  il  mou- 
rut sans  doute  à  jamais,  satisfait  de  ses  honneurs  et 
des  pensions  considérables  qu'il  avait  values  à  ses 
auteurs. 

On  compte  trois  espèces  de  rondeaux  :  le  plus  en 
vogue  et  le  premier  fut  celui  qui  est  composé  de  treize 
vers  sur  deux  rimes;  après  le  cinquième,  il  doit  y 
avoir  un  repos,  ainsi  qu'à  la  fin  de  chaque  stance, 
et  après  le  huitième,  doivent  revenir  les  deux  ou  trois 
premiers  mots  du  premier  vers,  mots  obligés  de  se 
retrouver  encore  après  le  treizième  ;  c'est  ce  qu'on 
appelle  le  refrain.  Le  second  est  le  rondeau  redoublé  ; 
il  est  composé  de  six  quatrains  également  sur  deux 
mêmes  rimes.  Dans  les  quatre  quatrains  qui  suivent 
le  premier,  un  vers  complet  de  ce  dernier  doit  s'y 
retrouver  et  s'enchaîner  à  l'idée  générale.  Quant  au 
sixième  quatrain,  il  suffit  qu'après  le  quatrième  vers, 
les  premiers  mots  du  premier  vers  de  la  première 
stance  viennent  se  placer  naturellement.  La  troisième 
espèce  de  rondeau  est  le  rondeau  simple.  Il  consistait 
en  deux  quatrains  sur  mêmes  rimes,  et  séparés  par 
un  distique  auquel  le  refrain  était  attaché  ainsi  qu'à 
la  fin  du  dernier  quatrain. 

Rondo.  Sorte  d'air  vocal  né  en  Italie,  qui  de  là  passa 
#n  Allemagne  et  en  France.  Il  était  autrefois  un  des 


1/2  nui 

ornements  de  la  scène  lyrique,  la  volupté  des  dilet- 
tanti.  Le  rondo  est  composé  ordinairement  d'une 
première,  d'une  seconde  et  d'une  troisième  parties 
ou  reprises,  dont  la  première  se  répète  après  la 
seconde  et  la  troisième.  Il  est  aujourd'hui  passé  de 
mode,  et  les  compositeurs  modernes  l'ont  employé 
rarement. 

Les  grands  coryphées  du  rondo  scénique  sont 
les  Gluck,  les  Piccinni,  les  Sacchini,  les  Paisiello, 
les  Cimarosa,  les  Mozart,  les  Rossini.  Quant  au 
rondo  instrumental,  dont  les  maîtres  sont  Haydn, 
Mozart,  Beethoven,  Onslow,  il  suit  les  règles  du 
rondo  vocal.  Beethoven  seulement,  que  débordait 
sa  fécondité,  multiplia  souvent  les  reprises  de  ses 
rondos. 

Roulade.  C'est  le  nom  vulgaire  donné  en  musique 
à  ces  traits  rapides  imités  de  la  musique  instrumen- 
tale, et  qu'on  place  ordinairement  dans  les  points 
d'orgue  pour  faire  briller  le  talent  du  chanteur,  ou 
dans  toute  autre  circonstance,  pour  donner  plus  de 
grâce  à  la  mélodie  ou  plus  de  force  à  l'expression.  Les 
Italiens  sont  prodigues  de  cet  ornement  de  la  musique 
vocale.  Il  est  vrai  que  la  langue  italienne  est  remplie 
de  syllabes  sonores  sur  lesquelles  on  peut  prolonger 
la  voix;  mais  les  chanteurs  ultramonlains  mettent 
trop  souvent  à  profit  les  occasions  qui  leur  sont  of- 
fertes, pour  qu'une  oreille  délicate  ne  se  fatigue  pas 
de  leurs  éternelles  vocalisations. 

En  français  nous  n'avons  que  les  o,  les  é  et  les  a  sur 
lesquels  on  puisse  convenablement  placer  un  trait  de 
chant,  et  comme  ces  voyelles  ne  se  présentent  pas 
assez  fréquemment  dans  notre  versification  lyrique , 
on  est  souvent  obligé  de  passer  plusieurs  notes  sur 
des  i,  des  m,  et  même  des  c  muets,  ce  qui  est  fort  dis- 
gracieux. 

La  roulade  n'est  pas  toujours  déplacée  dans  une 


KOL  173 

situation  triste  et  pathétique,  surtout  lorsque  la  chan- 
teuse réunit  la  force  à  l'agilité.  Il  y  a  telles  scènes 
dans  lesquelles  elle  donne  à  certains  passages  une 
expression  d'énergie  qu'on  n'aurait  certainement  pas 
obtenue  avec  une  mélodie  plus  simple.  Et  cela  se 
conçoit;  lorsqu'une  âme  est  trop  affectée,  elle  ne 
trouve  plus  de  paroles  et  ne  peut  s'exprimer  que 
par  des  interjections. 

Roulement.  Le  roulement  s'exécute  sur  le  tambour 
et  la  timbale  par  le  mouvement  alternatif  de  deux 
baguettes,  et  en  frappant  deux  coups  avec  chacune. 
Le  roulement  de  timbale  produit  un  effet  surprenant 
dans  le  crescendo  et  le  forte  d'un  orchestre  nombreux  ; 
il  a  quelque  chose  de  mystérieux  et  de  sinistre,  s'il 
est  fait  pianissimo,  ou  si  les  timbales  sont  voilées. 
On  l'emploie  avec  succès  de  cette  manière  dans  un 
morceau  lent,  surtout  dans  une  marche  funèbre. 

Plusieurs  symphonies  de  Haydn  commencent  par 
un  roulement  de  timbales. 

Roue-Archet.  On  appelle  ainsi  une  roue  pleine, 
frottée  de  colophane,  qui  dans  la  vielle  tient  lieu 
d'archet. 

Rosalie.  On  donne  ce  nom  à  la  répétition  d'une 
même  phrase  de  chant,  sur  les  cordes  qui  sont  un 
degré  plus  bas  ou  plus  haut.  On  a  banni  de  toutes 
les  compositions  de  bon  goût  les  répétitions  fas- 
tidieuses et  banales ,  trop  faciles  à  deviner  ou  à  pré- 
voir. 

Rose.  Nom  que  l'on  donne  à  l'ouverture  circulaire 
pratiquée  sur  la  table  des  clavecins,  des  théorbes,  des 
luths,  des  guitares. 

Routinier.  On  donne  ce  nom  aux  ménétriers  de 
village  et  aux  acteurs  d'opéra  qui,  sans  avoir  appris 
la  musique  et  guidés  seulement  par  un  instinct 
plus  ou  moins  heureux,  parviennent  à  jouer  ou 
chanter  de  routine  un  certain  nombre  de  contredanses 


17*  nts 

et  de  valses,  ou  des  airs  de  chant,  et  môme  des  rôles 
d'opéra. 

Runa.  C'est  le  nom  d'une  mélodie  qui,  depuis  les 
temps  les  plus  reculés,  est  en  usage  en  Finlande. 

Russie  (de  la  Musique  en).  Parmi  les  peuples  qui 
s'occupent  de  musique  et  qui  possèdent  des  chants 
nationaux,  on  doit  sans  aucun  doute  placer  la  Russie. 
Là,  l'artisan,  le  marinier,  le  soldat  dans  la  mar- 
che, l'agriculteur,  le  postillon,  le  voiturier,  enfin 
toute  la  population  chante  en  se  livrant  à  ses  divers 
travaux. 

Pendant  que  Pierre  le  Grand  fut  sur  le  trône,  ses 
réformes  s'étendirent  jusque  sur  la  musique.  Il  fit  ve- 
nir d'Allemagne  toute  sorte  d'instruments,  institua 
une  compagnie  de  jeunes  Russes  destinés  à  apprendre 
la  musique,  encourageant  principalement  la  musique 
militaire. 

L'impératrice  Anne  porta  sur  le  trône  le  goût  de 
l'art  musical.  Dans  les  premières  années  de  son  règne, 
en  1737,  Araja,  compositeur  napolitain,  mit  en  scène 
le  premier  opéra  italien  qui  ait  été  exécuté  en  Russie, 
intitulé  :  Abijazare,  et  l'année  suivante,  Sémiramide. 

Sous  Catherine  II,  la  musique  acquit  une  nouvelle 
splendeur.  On  représenta,  en  1702,  Y  Olympiade,  de 
Manfredini,  et  la  salle  était  toujours  remplie  par  plus 
de  trois  mille  spectateurs.  Des  intermèdes  italiens  et 
des  comédies  russes  et  françaises  alternaient  avec 
l'opéra. 

Sarti  fut  maître  de  chapelle  de  la  cour  depuis  1785 
jusqu'en  1801.  L'impératrice  le  combla  d'honneurs 
et  de  biens,  et  le  nomma  directeur  d'un  nouveau  Con- 
servatoire de  musique,  avec  une  augmentation  d'ap- 
pointements assez  considérable. 

En  1843,  l'empereur  de  Russie  a  institué  un  Opéra- 
Italien  à  Saint-Péterebourg.  La  troupe  composée  de 
Rubini,  Tamburini,  Pauline  Garcia-Viardot  et  quel- 


SAB  175 

ques  autres  artistes  moins  importants,  a  été  accueillie 
par  les  Russes  avec  enthousiasme.  Depuis,  le  théâtre 
italien  de  Saint-Pétersbourg  n'a  pas  cessé  d'être 
compté  au  nombre  des  plus  importants  qu'il  y  ait  en 
Europe.  Lablache,  Ronconi,  DeRassini,  Mario,  Tam- 
berlick,  Rossi;  Mmes  Grisi,  Frezzolini,  Medori,  de 
Lagrange,  Persiani,  ont  paru  successivement  sur 
cette  grande  scène.  L'empereur  a  pris  ces  grands  ar- 
tistes sous  sa  protection  particulière. 

Parmi  les  célèbres  virtuoses  qui  ont,  à  des  époques 
récentes ,  visité  la  Russie ,  on  remarque  Clémenti , 
Field,  Rode,  qui  entra,  en  1804,  au  service  de  l'em- 
pereur de  Russie,  Raillot,  Klengel,  Hummel,  Boïel- 
dieu,  Ad.  Adam,  Liszt,  Thalberg,  Sivori,  Artôt,  Hau- 
man,  M^es  Cinti-Damoreau,  Falcon,  etc.,  etc. 


S.  Cette  lettre,  écrite  alternativement  avec  le  T,  si- 
gnifie solo,  tandis  que  l'autre  signifie  tutti. 

On  donne  aussi  le  nom  de  s  au  tuyau  d'anche  du 
basson,  parce  que  sa  forme  ressemble  à  celle  de  cette 
lettre,  et  aux  ouvertures  pratiquées  dans  le  corps  du 
violon  et  du  violoncelle. 

S,  traversé  obliquement  par  une  barre,  est  em- 
ployé quelquefois  comme  signe  de  renvoi. 

Sabot.  C'est  dans  la  harpe  une  espèce  de  crochet  de 
laiton  qui  a  la  forme  d'un  bec  de  canne,  et  dont  l'of- 
tice  est  d'accrocher  la  corde  pour  la  raccourcir  d'une 


176  SÀL 

longueur  relative  à  l'augmentation  d'un  demi-ton.  Il 
y  a  dans  la  harpe  autant  de  sabots  qu'il  y  a  de  cordes. 

Salle  de  spectacle.  C'est  le  lieu  où  l'on  repré- 
sente les  opéras,  les  drames,  les  comédies,  etc.,  etc. 
La  plus  belle  en  France  est  celle  de  l'Opéra  qui  a  été 
bâtie  dans  les  rues  Grange-Batelière  et  Lepelletier, 
pour  servir  de  théâtre  provisoire.  Mais  on  l'a  réparée 
en  1853  avec  un  luxe  tel  qu'il  est  permis  de  la  consi- 
dérer désormais  comme  définitive.  C'est  M.  Fould , 
ministre  d'État ,  qui  a  ordonné  ces  réparations  im- 
portantes et  qui  les  a  fait  exécuter  aux  frais  de  l'État. 
Les  dépenses  se  sont  élevées  à  350,000  francs.  Le  style 
architectural  qui  domine  maintenant  dans  la  salle  de 
l'Opéra  est  le  style  de  la  fin  de  Louis  XYI  marié  à  ce- 
lui de  l'Empire.  L'ensemble  est  un  peu  lourd  ,  mais 
les  détails  en  sont  extrêmement  soignés  et  surtout  très- 
brillants. 

La  salle  de  l'Opéra-Comique  est  établie  sur  la  place 
Favart,  entre  la  rue  Favart  et  la  rue  Grétry  ;  elle  peut 
contenir  environ  dix-sept  cents  personne.  Celle  du 
Théâtre-Italien  a  été  élevée  sur  la  place  Ventadour  et 
c'est  certainement  une  des  plus  élégantes  de  Paris. 
Elle  a  la  même  forme  et  la  même  dimension  que 
celle  de  l'Opéra-Comique. 

Les  salles  de  spectacle  en  Italie  sont  plus  grandes, 
plus  belles  et  surtout  beaucoup  mieux  construites  que 
les  nôtres.  Leur  forme  est,  en  général,  celle  d'un 
cercle  parfait,  coupé  par  son  diamètre  régulier,  dont 
une  moitié  appartient  aux  spectateurs,  l'autre  à  la 
scène.  On  n'a  pas  en  Italie,  comme  en  France,  la  dé- 
testable manie  d'étrangler  l'avant-scène  entre  deux 
énormes  massifs  de  constructions  à  colonnes  énormes, 
ou  à  pilastres  pleins,  pi  us  lourds  encore,  qui  masquent 
la  scène  aux  personnes  placées  dans  les  quatre  ou  cinq 
premières  loges  des  deux  côtés  du  haut  en  bas.  Les 
Italiens  ont   une  excellente  manière  de  construire 


SAL  177 

Jeurs  salles  de  spectacles;  ainsi  dans  la  salle  Saint- 
Charles,  à  Naples,  la  plus  grande  de  toutes,  on  compte 
six  rangs  de  loges,  quarante-deux  loges  à  chaque  rang, 
pouvant  contenir  douze  personnes  chacune,  et  mal- 
gré celte  prodigieuse  dimension ,  on  entend  parfaite- 
ment partout. 

La  salle  du  théâtre  royal  de  Turin  est  vaste,  mais 
elle  déroge  par  la  forme,  qui  est  un  peu  ovale.  Dans 
sa  construction  il  n'est  entré  que  de  la  pierre  et  du 
fer,  et  elle  se  trouve  ainsi  à  l'abri  des  dangers  de  l'in- 
cendie. 

La  plus  vaste  salle,  après  San-Carlo,  est  celle  de  la 
Scala  à  Milan.  A  Florence,  on  admire  celle  de  la  Per- 
gola; à  Rome,  celle  d'Argrntina;  à  Venise,  cellesdeSa?*- 
Benedettoel  delà  Fenice;  à  Gênes,  celle  du  Carlo  Alberto. 

Il  n'est  pas  d'usage  en  Italie  d'éclairer  les  salles  de 
spectacle  pendant  les  représentations.  Lorsque  le  pu- 
blic commence  à  entrer,  on  descend  une  espèce  de 
lustre  garni  de  quelques  torches  de  cire  que  l'on  fait 
disparaître  sitôt  que  l'ouverture  commence.  Il  n'y  a 
point  de  contrôle  à  la  porte,  point  d'ouvreuses  pour 
les  loges.  Chaque  loge  est  assez  ordinairement  la  pro- 
priété d'une  famille,  soit  par  location,  soit  par  acqui- 
sition définitive.  Les  spectacles  sont  bien  moins  chers 
en  Italie  qu'en  France;  on  entre  au  parterre  de  tous 
les  grands  théâtres  pour  un  franc,  celui  de  San-Carlo 
à  Naples,  excepté,  où  l'on  paie  2  fr.  50  c.  On  va  au 
spectacle  le  plus  souvent  sans  toilette,  et,  pour  ainsi 
dire,  en  robe  de  chambre.  On  reçoit  ses  visites  dans 
sa  loge,  on  joue,  on  soupe,  alors  on  ferme  les  rideaux, 
et  l'on  allume  des  bougies  dans  l'intérieur,  ou  bien 
on  cause  d'affaires  tout  haut,  d'amour  tout  bas,  et 
l'on  rentre  chez  soi  souvent  sans  avoir  entendu  un  mot 
de  ce  qui  s'est  chanté  sur  le  théâtre. 

Salpicta.  Mot  grec  qui  signifie  trompettiste,  c'est- 
à-dire,  qui  joue  de  la  trompette. 


17*  S  AH 

Salpinx.  Ancienne  trompette  grecque,  qui  avait  la 
forme  d'un  cube  conique,  long  d'environ  deux  pieds, 
avec  un  pavillon  qui  transmettait  le  son. 

Saltarelle.  Mot  dérivé  de  l'italien  salto,  qui  signi- 
fie saut,  et  qui  s'emploie  pour  indiquer  un  mouvement 
à  trois  temps  vite,  ou  à  six-huit,  ou  une  musique 
pointée,  et  surtout  celle  où  la  brève  est  en  frappant. 
On  trouve  des  saltarelles  dans  les  forlanes  de  Venise, 
dans  les  siciliennes  et  dans  quelques  gigues  anglaises  ; 
un  modèle  de  saltarelle  pour  piano,  est  celle  compo- 
sée par  C.-V.  Alkan. 

Salve  regina.  Antienne  ou  hymne  qu'on  chante 
dans  l'Église  catholique,  à  la  fin  des  vêpres  du  samedi 
de  la  Pentecôte  jusqu'à  l'A  vent. 

Le  salve  regina  de  Pergolèse  est  célèbre  ,  bien 
qu'il  ne  le  soit  pas  autant  qu'il  le  mérite.  Moins  con- 
nu que  le  Stabat  du  même  auteur,  il  est  regardé,  par 
les  connaisseurs,  comme  une  composition  plus  par- 
faite et  d'un  mérite  supérieur. 

Saubuque.  Instrumenta  cordes  des  anciens  Grecs. 
Quelques  auteurs  croient  que  c'est  le  barbiton. 

San  crus.  Ce  mot  latin ,  répété  trois  fois,  se  chante 
pendant  la  messe  après  la  préface. 

Sandale.  Espèce  de  chaussure  en  bois  ou  en  fer, 
dont  les  directeurs  de  musique  ou  les  batteurs  de  me- 
sure garnissaient  leurs  pieds  chez  les  anciens,  et  qui 
était  destinée  à  rendre  la  percussion  rhythmique  plus 
éclatante. 

Santiîr.  Instrument  à  cordes  turc,  qui  ressemble  au 
psaltérion  allemand. 

Sarabande.  En  espagnol  zarabanda ,  air  d'une 
danse  grave,  portant  le  même  nom,  et  qui  paraît  nous 
être  venue  d'Espagne  ;  elle  se  dansait  autrefois  avec 
des  castagnettes.  L'air  de  la  sarabande  était  à  trois 
temps. 


SÀB 

Saut,  en  italien  Salto.  Tout  passage  d'un  son  à  un 
autre  par  degrés  disjoints  est  un  saut. 

Tous  les  sauts  sont  permis  dans  la  mélodie,  pourvu 
que  chaque  note  trouve  sa  conséquence  et  sa  résolu- 
tion dans  celle  qui  la  suit.  Les  airs  de  bravoure,  les 
concertos  de  violon,  de  flûte,  de  basson,  de  clarinette, 
renferment  souvent  des  sauts  de  dixième,  et  de  plus 
grands  encore. 

Dans  l'harmonie  les  sauts  doivent  être  bien  amenés, 
pour  qu'il  n'y  ait  pas  d'incohérence  dans  les  parties. 

Sauteuse.  Espèce  de  valse  à  deux  temps  et  d'un 
mouvement  très-rapide.  On  faisait  succéder  la  sau- 
teuse à  la  valse  ordinaire.  Ce  nom  lui  vient  de  ce 
qu'on  la  dansait  en  sautant.  La  valse  russe,  qui  sa 
danse  à  peu  près  de  la  môme  manière,  a  fait  délaisser 
la  sauteuse. 

Sauter.  On  fait  sauter  le  ton,  lorsqu'en  donnant 
trop  de  vent  dans  une  flûte  ou  dans  un  tuyau  d'un 
instrument  à  vent,  on  force  l'air  à  se  diviser  et  à  faire 
résonner,  au  lieu  du  ton  plein  de  la  flûte  ou  du 
tuyau,  quelques-uns  seulement  de  ses  harmoniques. 
Quand  le  saut  est  d'une  octave  entière,  cela  s'appelle 
octavier.  Il  est  clair  que  pour  varier  les  sons  du  cor 
et  de  la  trompette  il  faut  nécessairement  sauter,  et  ce 
n'est  encore  qu'en  sautant  qu'on  obtient  certaines  oo» 
taves  sur  le  basson,  la  flûte,  etc. 

Sautereau.  Lame  de  bois  mince,  armée  d'un  petit 
morceau  de  plume  ou  de  peau  de  buffle  qui,  dans  les 
clavecins,  était  poussée  contre  les  cordes,  les  frappait 
et  produisait  le  son  en  s'échappant. 

Sauvages  (musique  des).  On  sait  bien  que  les  peu- 
plades sauvages  n'ont  pas  de  véritable  musique;  elles- 
ne  se  servent  guère  que  d'instruments  à  percussion. 

Les  Esquimaux,  qui  étaient  aussi  près  de  l'état  de 
barbarie  que  possible  lorsque  le  capitaine  Parry  les 
visita,  étaient  cependant  passionnés  pour  la  musique, 


180  SAIT 

Ils  n'avaient  pour  tout  instrument ,  qu'une  espèce 
de  tambour  ou  de  tambourin.  Ils  chantaient  des  airs  ; 
mais  on  n'y  trouvait  ni  variété,  ni  étendue,  ni  mélo- 
die caractérisée. 

Les  Mexicains,  lors  de  la  conquête  de  leur  pays  par 
les  Espagnols,  n'étaient  guère  plus  avancés  sous  le 
rapport  musical.  Leurs  principaux  instruments  étaient 
deux  tambours,  l'un  nommé  le  huehaetl,  l'autre  le 
tcponaztli.  Ils  avaient  aussi  des  trompes,  des  coquilles 
marines,  des  petites  flûtes  qui  rendaient  un  son  aigu, 
et  un  instrument  dont  se  servaient  leurs  danseurs, 
appelé  ajacaztli.  C'était  une  sorte  de  vase  rond  ou 
ovale,  percé  de  petits  trous  et  contenant  un  certain 
nombre  de  petites  pierres,  instrument  à  peu  près  du 
môme  genre  que  le  hochet  des  enfants. 

M.  Weld,  dans  sa  notice  sur  les  Indiens  du  nord- 
ouest  de  l'Amérique,  donne  la  description  suivante 
d?une  danse  dont  il  fut  le  témoin  un  soir  dans  l'île 
des  Bois-Blancs  : 

«  Trois  vieillards,  assis  sous  un  arbre,  étaient  les 
principaux  musiciens;  l'un  d'eux  battait  un  petit 
tambour  formé  d'un  morceau  de  bois  creux  couvert 
d'une  peau,  et  les  deux  autres  frappaient  la  mesure 
de  concert  avec  le  tambour,  au  moyen  d'une  sorte  de 
crécelle  faite  d'une  courge  sèche  remplie  de  pois.  En 
même  temps,  ces  trois  hommes  chantaient  un  air,  et 
tous  les  danseurs  se  joignaient  à  eux.  » 

Ce  que  nous  savons  des  naturels  des  îles  de  la  mer 
du  Sud,  quand  elles  furent  découvertes  par  le  capi- 
taine Cook,  prouve  également  la  grossièreté  et  la  sim- 
plicité de  la  musique  des  tribus  sauvages  qu'elfes 
renfermaient.  Quatre  personnes  jouaient  sur  deux 
flûtes  faites  de  bambous  creux,  d'environ  un  pied  de 
long,  n'ayant  que  deux  trous,  et  ne  pouvant  donner 
par  conséquent  que  quatre  notes  divisées  par  demi- 
tons»  On  s'en  servait  comme  nous  nous  servons  de  la 


SAU  181 

H  Ci  te  allemande,  avec  cette  différence  que  l'exécutant, 
au  lieu  de  l'appliquer  à  ses  lèvres  soufflait  dedans 
avec  une  de  ses  narines  pendant  qu'il  bouchait  l'autre 
avec  le  pouce.  A  ces  instruments  se  joignaient  quatre 
chanteurs  qui  observaient  fort  bien  la  mesure.  Dans 
un  concert  on  n'exécutait  souvent  qu'un  seul  air. 
Aujourd'hui  nos  programmes  sont  un  peu  plus  char- 
gés. 

Dans  les  îles  des  Amis  il  y  avait  des  femmes  qui 
chantaient  et  s'accompagnaient  en  faisant  claquer 
leurs  doigts.  La  musique  de  ces  peuples  est  encore 
maintenant  aussi  barbare  que  lorsqu'ils  furent  visités 
par  le  capitaine  Cook. 

Les  Indiens  du  Chili  se  servent  de  flûtes  faites  avec 
les  os  des  ennemis  qu'ils  ont  tués  dans  les  combats  ; 
ils  en  font  aussi  avec  des  os  d'animaux;  mais  les 
guerriers  indiens  ne  dansent  qu'au  son  des  premières. 
Ils  chantent  tous  à  l'unisson,  et  à  la  fin  de  chaque 
air  ils  jouent  delà  flûte  et  d'une  espèce  de  trompette  : 
nos  ritournelles  ont  le  même  but. 

Les  habitants  de  l'île  de  Tougo  chantent  souvent 
une  chanson,  espèce  de  récitatif,  dont  les  idées  sont 
assez  poétiques,  et  qui  est  dite  par  les  hommes  et  les 
femmes  tout  à  la  fois.  Ils  ont  aussi  un  air  mélancoli- 
que, sorte  de  complainte  qu'ils  chantent  près  des 
morts,  comme  le  Dies  iras. 

Une  tribu  de  Cafres,  les  Bachapins,  n'ont  qu'un 
seul  instrument  appelé  lichaka,  fait  de  roseau,  et  ne 
rendant  qu'un  seul  son.  Il  y  en  a  un  pour  chaque 
note,  et  lorsque  plusieurs  exécutants  sont  réunis, 
une  partie  joue  à  l'unisson  pendant  que  les  autres 
font  entendre  différents  tons  de  l'échelle  musicale. 

Cet  usage  rappelle  assez  l'emploi  de  la  pédale  dans 
les  orgues  modernes. 

Ce  qui  frappe  le  plus  les  sauvages,  c'est  le  rhy  thme  : 
on  a  pu  s'en  convaincre  en  assistant  aux  danses  de 
T.  h-  « 


182  SA\ 

ceux  qui  sont  venus,  il  y  a  quelques  années,  amuser 
les  Parisiens. 

Sauver    les    dissonances.    Voyez  le   mot  Djsso- 
n  an  ce  (  résolution  des  ). 

Savvardin.  Chanson  des  Kalmouks,  qu'on  chante 
en  dansant. 

Sax.  C'est  le  nom  d'un  facteur  belge  qui  est  venu 
s'établir  à  Paris,  et  a  doté  la  France  d'une  série  d'ins- 
truments à  vent,  dont  la  famille  s'appelle  :  les  sax. 
On  va  juger  de  l'importance  de  ses  inventions  et  de 
ses  perfectionnements,  par  l'exposé  suivant  qui  est 
un  abrégé  par  ordre  alphabétique  des  travaux  consi- 
dérables accomplis  en  peu  d'années  par  ce  célèbre 
facteur. 

Basson.  —  Ce  nouveau  basson  inventé  par  M.  A. 
Sax,  en  18'<9,  est  entièrement  construit  en  cuivre.  Sa 
forme  est  d'ailleurs  à  peu  près  la  môme  que  celle  de 
l'ancien  basson.  Les  trous  à  boucher  par  l'extrémité 
des  doigts  y  sont  su  pprimés,  et  tous  les  trous  se  bou- 
chent au  moyen  de  clefs,  d'après  le  système  de  la 
clarinette-basse,  autre  instrument  également  inventé 
par  M.  Sax,  en  1838.  Grâce  à  ce  procédé,  l'inventeur 
est  parvenu  à  obtenir  une  irréprochable  justesse, 
qualité  que  l'on  n'avait  jamais  pu  atteindre  jus- 
qu'alors. L'égalité  des  sons,  la  sonorité  et  la  facilité 
d'exécution  découlèrent  pareillement  du  môme  prin- 
cipe, sans  que,  pour  cela,  la  qualité  du  timbre  de 
l'instrument  subît  la  plus  légère  altération;  on  peut, 
au  contraire,  lui  faire  acquérir  à  volonté  plus  d'éclat 
et  d'intensité. 

Caisse  de  résonnance.  —  Cette  caisse  a  été  inventée 
par  M.  A.  Sax,  en  1840.  Celle  qui  a  été  mise  en  pra- 
tique est  pour  violoncelliste.  Les  violoncellistes  jouant 
assis,  ont  pour  habitude  lorsqu'ils  jouent  un  solo,  ou 
en  public,  de  se  mettre  sur  une  espèce  de  boite,  afin 
d'être  un  peu  plus  élevés  j  c'est  cette  boite  que  M,  Sax 


SAV  183 

a  remplacée  par  une  caisse  sonore;  il  faut  à  cet  effet 
que  l'artiste  (comme  cela  se  faisait  généralement  et 
se  fait  encore  quelquefois  aujourd'hui),  mette  une 
queue  à  son  instrument,  qui  vient  s'appuyer  sur  la 
table  sonore. 

Cette  caisse  est  à  peu  près  carrée  et  à  peu  près 
moitié  moins  haute  que  large;  l'artiste  est  isolé  de  la 
table  par  des  traverses  qui  sont  elles-mêmes  isolées 
et  portent  sur  les  quatre  montants  qui  servent  de 
pieds  à  la  table  ;  la  chaise  porte  donc  sur  les  traverses 
disposées  pour  cela,  en  môme  temps  que  pour  mettre 
les  pieds  de  l'artiste,  qui  se  trouve  ainsi  dans  la  posi- 
tion habituelle  du  corps  et  peut  donner  une  sonorité 
bien  plus  grande  à  l'instrument. 

Le  môme  effet  peut  se  produire  en  grand  pour 
l'ensemble  d'un  orchestre. 

Clairon.  —  On  sait  que  certaines  armes  de  l'infan- 
terie, les  chasseurs  à  pied  notamment,  ne  possédaient 
jadis  que  des  clairons  ordinaires;  ces  instruments  du 
même  diapason,  et  ne  pouvant  donner  que  quelques 
notes,  n'étaient  susceptibles  de  former  aucun  ensem- 
ble tant  soit  peu  musical  ;  si  on  voulait  faire  musi- 
que, il  fallait  se  résoudre  à  mettre  entre  les  mains  du 
soldat  un  second  instrument  et  ce  n'était  pas  une 
mince  charge,  surtout  pour  les  musiciens  à  qui  le 
trombone  ou  l'ophicléide  venait  à  échoir  ;  ces  graves 
inconvénients  équivalaient  à  la  suppression  presque 
absolue  de  musique  dans  certains  corps.  C'est  pour  y 
remédier  que  M.  Sax  inventa  vers  1847  son  nouveau 
système  de  clairon.  Yoici  en  quoi  consiste  son  inven- 
tion. Le  clairon  ordinaire,  indispensable  pour  le  ser- 
vice des  signaux,  est  maintenu,  mais  lorsqu'on  veut 
faire  musique,  on  enlève  la  petite  branche  d'embou- 
chure et  on  adapte  à  sa  place  un  appareil  armé  de 
Cylindres,  qui  a  des  développements  variés,  suivant 
le  ton  et  le  diapason  à  obtenir,  mais  qui,  en  tout  cas, 


184  SAX 

n'en  reste  pas  moins  une  pièce  aussi  légère  que  por- 
tative dont  le  soldat  demeure  toujours  muni,  sans, 
pour  ainsi  dire,  s'en  apercevoir.  Ces  appareils  une 
fois  adaptés  au  corps  du  clairon  ordinaire,  qui  est  en 
si  bémol,  ont  pour  résultat  de  le  transformer  en  clai- 
ron chromatique  soprano  en  mi  bémol,  contralto  en 
si  bémol,  alto-ténor  en  mi  bémol,  baryton-basse  en 
si  bémol  et  enfin  contrebasse  en  mi  bémol.  Ainsi,  au 
lieu  de  la  monotonie  et  de  la  pauvreté  des  anciens 
clairons,  voilà  les  régiments  dotés  d'un  véritable  or- 
chestre de  fanfares,  parcourant  toute  l'échelle  de 
l'aigu  au  grave  et  susceptible  de  former  une  harmo- 
nie aussi  pleine  que  complète.  S'ils  sont  deux  seule- 
ment, les  exécutants  peuvent  jouer  un  duo  ;  trois, 
un  trio,  et  ainsi  de  suite  ;  enfin,  veut-on  les  utiliser 
dans  une  exécution  qui  demande  le  plus  de  forces 
possible,  rien  n'empêche  de  les  adjoindre,  comme 
partie  concertante,  à  un  corps  de  musique  militaire 
de  quelque  nature  qu'il  soit. 

L'expérience  des  clairons-sax  vient  d'être  faite  au 
8e  bataillon  de  chasseurs,  avec  le  plus  grand  succès. 
Tous  les  avantages  annoncés  par  l'inventeur,  ont  été 
reconnus  et  constatés  ;  et  l'on  a  remarqué,  en  outre, 
que  l'application  de  ce  système  créait  un  genre  de 
fanfares  d'un  caractère  tout  particulier  et  de  l'effet  le 
plus  agréable. 

Il  n'est  pas  superflu  d'ajouter  que  le  doigter  des 
clairons-sax  est  le  même  que  celui  du  saxotromba,  du 
saxhorn,  etc. 

Clarinette.  —  Les  premiers  perfectionnements  de 
M.  Sax  ont  été  apportés  aux  clarinettes,  de  1835  à 
1838;  pendant  plusieurs  années  il  s'est  occupé  de 
faire  disparaître  les  défauts  de  cet  instrument,  sous 
les  rapports  de  la  justesse,  de  la  sonorité,  de  l'égalité 
et  de  la  facilité  d'exécution.  Le  succès  a  couronné 
ses  études.  La  nouvelle  clarinette  de  M.  Sax  est  un 


SAX  185 

instrument  parfait  ;  les  trilles,  les  arpèges  eu  octave, 
autrefois  presque  inexécutables,  sont  devenus  faciles  ; 
les  notes  suraiguës,  grâce  à  une  petite  clef,  sont  de- 
venues douces  et  pures.  Sans  aucun  effort,  on  peut 
attaquer  pianissimo  le  contre-si  bémol  haut. 

Enfin  la  clarinette  a  gagné  de  l'étendue,  au  grave 
et  à  l'aigu. 

Clarinette  basse.  —  M.  Sax  ne  s'est  pas  borné 
à  améliorer  la  clarinette  soprano,  il  a  cherché  à 
perfectionner  tout  le  système  et  entre  autres  la  cla- 
rinette basse,  sur  laquelle  il  est  devenu  un  virtuose 
très-habile;  avant  lui,  cet  instrument  était  très-défec- 
tueux; en  1838,  il  l'a  changé  en  donnant  un  diamètre 
beaucoup  plus  grand  à  son  tube;  en  bouchant  les 
trous  par  des  clefs,  M.  Sax  a  pu  les  espacer  sur  son 
tube  d'après  les  lois  de  vibration,  et  il  est  arrivé  ainsi 
à  une  justesse  parfaite  au  moyen  d'une  petite  clef 
qui  ouvre  tout  près  du  bec  un  trou  presque  capillaire; 
les  sons  aigus  sortent  avec  autant  de  facilité  que  les 
graves,  le  son  est  d'un  beau  volume,  d'une  grande 
égalité  et  d'un  timbre  magnifique. 

La  clarinette  basse  de  M.  Sax  n'embrasse  pas 
moins  de  trois  octaves  et  une  sixte  dans  son  étendue 
ordinaire;  mais  on  comprend  que  ce  sont  principa- 
lement les  notes  graves  et  du  médium  qui  la  rendent 
précieuse  aux  compositeurs. 

Clarinette  contrebasse.  —  M.  A.  Sax  a  inventé  une 
clarinette  contrebasse,  en  mi  bémol,  une  quinte  au- 
dessous  de  la  clarinette  basse.  Cet  instrument  très- 
portatif  et  remplissant  son  but  avec  les  mêmes  avan- 
tages que  sa  clarinette  basse,  est  fait  d'après  le  même 
principe  que  cette  dernière,  et  descend  jusqu'au  der- 
nier sol  de  la  contrebasse;  il  possède  des  sons  magni- 
fiques. 

Compensateur.  —  Le  compensateur-sax  consiste  en 
un  petit  mécanisme  qui  s'applique  aux  instruments 


186  SAX 

de  cuivre  de  son  système.  Mû  par  le  pouce  de  la 
main  gauche  qui  cède  ou  résiste  à  la  sollicitation 
d'un  ressort,  ce  mécanisme  a  pour  résultat  de  modi- 
fier le  son  par  la  longueur  du  tube.  De  cette  manière, 
on  peut  arriver  à  la  justesse  la  plus  parfaite,  l'aire  sen- 
tir la  différence  du  dièse  au  bémol,  appuyer  sur  une 
note  sensible,  comme  aussi  modifier  un  doigter.  Ce 
n'est  là  qu'une  partie  des  avantages  du  compensa- 
teur ;  en  effet,  si  on  le  fait  mouvoir  pendant  l'émis- 
sion du  son,  on  obtient  le  glissé  ou  partamenlo,  exac- 
tement comme  on  pourrait  le  faire  avec  le  trombone 
à  coulisses,,  avec  le  violon,  ou  encore  avec  la  voix. 
Cette  disposition  aussi  simple  qu'ingénieuse  met  donc 
les  cuivres  au  niveau  des  instruments  les  plus  déli- 
cats et  les  plus  parfaits.  Un  grand  nombre  d'artistes 
ont  adopté  le  compensateur  et  s'en  servent  avec  au- 
tant d'avantage  que  de  succès,  notamment  sur  le 
cornet,  le  saxhorn  et  le  saxotromba. 

Fanfare  Sax.  —  H  y  a  quatre  organisations  de 
M.  Sax  dans  ce  genre  de  musique  (tous  instruments 
en  cuivre).  Celle  qui  est  composée  de  la  famille  des 
sax-tubas,  introduite  par  M.  Halévy  dans  le  Juif  Errant, 
celle  des  clairons  Sax  en  usage  au  8e  chasseur*  à 
pied  ;  maintenant  les  deux  autres  :  l'une,  composée  de 
14  instruments,  l'autre,  de  36;  cette  dernière  em- 
ployée dans  tous  les  régiments  delà  cavalerie  française 
depuis  1845,  se  compose  de  6  trompettes  à  cylindres 
(système  Sax),  2  saxhorns  sopranos  en  mi  bémol, 
7  saxhorns  contraltos  en  si  bémol,  2  saxhorns  en  la 
pour  remplacer  les  cors,  2  saxotrombas  en  mi  bémol 
altos  pour  remplacer  les  cors,  2  saxhorns  ténors  mi 
bémol,  2  cornets  à  piston,  1  trombone  à  cylindre 
(système  Sax),  3  trombones  à  coulisses,  3  saxhorns  en 
si  bémol  barytons,  3  saxhorns  en  si  bémol  basses  à 
quatre  cylindres,  3  saxhorns  contrebasses  en  mi  bé- 
mol. Celle  de  M  instruments  est  composée  d'un  petit 


SAX  187 

saxhorn  soprano  mi  bémol,  2  saxhorns  en  si  bémol  con- 
traltos, 3  saxotrombas  en  mi  bémol,  2  saxhorns  bary- 
tons en  si  bémol,  2  saxhorns  basses,  1  saxhorn  contre- 
basse mi  bémol,  1  saxhorn  contrebasse  si  bémol  et  2 
cornets  à  cylindres. 

Flûte  de  Pan  Sax.  —  Cet  instrument,  qui  se  distin- 
gue par  un  caractère  particulier,  et  qui  était  si  in- 
complet jusqu'à  ce  jour,  que  les  compositeurs  ont  dû 
se  priver  d'en  faire  usage,  M.  A.  Sax  y  a  apporté  de  tels 
perfectionnements,  qu'il  l'a  rendu  digne  d'occuper 
un  rang  dans  les  musiques  instrumentales.  M.  A. 
Sax  a  adapté  aux  tuyaux  des  coulisses  qui  permet- 
tent, en  raccourcissant  le  tube,  de  donner  sur  cha- 
cun d'eux  une  tierce,  une  quinte  ou  une  octave  d'é- 
tendue par  demi-tons  :  par  ce  moyen,  et  en  soufflant 
à  la  fois  dans  les  deux  tuyaux,  il  sera  toujours  pos- 
sible de  faire  entendre,  non-seulement  un  chant 
quelconque ,  mais  encore  un  accompagnement  à  ce 
chant,  ou  même  des  variations  doublées. 

Flûte  Sax.  — Inventée  par  A.  Sax,  en  1843,  admise 
et  entendue  par  le  jury  de  l'Exposition  de  l'Industrie 
française  de  1847  :  tous  les  trous  sont  fermés  avec 
des  clefs  qui  suppriment  les  cavités  à  l'intérieur  du 
tube,  avantage  énorme  pour  la  sonorité  et  la  facilité 
de  l'instrument. 

Orchestre  Sax.  —  Cette  nouvelle  organisation  de 
M.  Sax  diffère  des  autres  par  suite  des  progrès  qu'il  a 
fait  faire  aux  instruments  de  musique;  elle  diffère 
aussi  de  celle  qu'il  a  fait  adopter  pour  l'armée  en 
1845. 

L'orchestre  Sax  est  bien  certainement  ce  qu'il  y  a  de 
plus  beau  comme  ensemble,  comme  justesse,  comme 
variété  et  comme  exécution.  Cet  orchestre  se  compose 
de  2  flûtes,  2  ou  4  petites  clarinettes,  6  grandes  cla- 
rinettes, 1  clarinette  basse,  2  hautbois,  une  famille 
de  saxophones  composée  de  cinq  instruments,  2  pe- 


188  SAX 

tits  saxhorns  sopranos  mi  bémol,  2  saxhorns  con- 
traltos en  si  bémol,  3  saxotrombas  en  mi  bémol  altos,  2 
saxhorns  barytons  en  si  bémol,  2  saxhorns  basses  à 
quatre  cylindres,  1  saxhorn  contrebasse  en  mi  bémol, 
1  saxhorn  contrebasse  en  si  bémol,  2  cornets  à  cylin- 
dres, 2  cors,  4  trompettes,  3  trombones  ténors,  1 
trombone  basse,  timbales,  cymbales,  castagnet- 
tes, etc. 

Porte-voix. — Petit  instrument  ne  produisant  qu'un 
seul  son,  mais  d'une  grande  puissance.  M.  A.  Sax  l'a 
inventé  principalement  pour  la  marine  et  les  che- 
mins de  fer;  il  a  environ  30  centimètres  de  longueur, 
le  cône  de  son  tube  est  parabolique.  La  condition 
particulière  de  son  tube  et  de  son  embouchure  est  la 
seule  cause,  par  les  proportions,  de  cette  grande  puis- 
sance qui  se  produit  sans  anche  ni  sans  sifflet,  et  seu- 
lement par  les  conditions  particulières  de  l'air;  ce 
moyen  est  en  partie  employé  par  M.  Sax,  pour  porter 
sur  un  point  donné  le  son  du  sifflet,  en  faisant  pi- 
voter un  grand  porte-voix  sur  le  sifflet  de  la  loco- 
motive. 

Réflecteur.  —  M.  A.  Sax  a  inventé  en  1839,  un  réflec- 
teur acoustique,  qui  consiste  en  une  plaque  de  métal 
concave  qu'on  adapte  au  pavillon  de  l'instrument  et 
dont  la  mobilité  permet  de  lui  faire  prendre  toutes 
les  directions  voulues  ;  au  moyen  de  ce  réflecteur  on 
peut  diriger  les  sons  vers  tel  ou  tel  point;  il  peut  s'ap- 
pliquer à  tous  les  instruments  à  vent. 

M.  Sax  a  adapté  ce  réflecteur  à  un  orchestre  en 
plein  vent,  ce  qui  a  donné  les  meilleurs  résultats. 

Saxhorns  doubles. —  Inventés,  en  1851,  par  A.  Sax, 
ces  instruments  ont  deux  pavillons  et  sont  armés  de 
cinq  cylindres  :  celui  en  mi  bémol,  par  exemple,  a  l'é- 
tendue à  lui  seul  du  soprano  en  mi  bémol,  du  con- 
tralto en  si  bémol  cl  de  l'alto  ténor  en  mi  bémol.  Ces 


SAX  189 

instruments  sont  livrés  à  l'étude  des  artistes,  et  feront 
probablement  une  nouvelle  révolution  instrumentale. 

Saxhorn. — Instrument  en  cuivre  à  bocal,  armé  d'un 
mécanisme  de  cylindres.  M.  Sax  en  a  institué  une  fa- 
mille entière  qui  parcourt  une  immense  étendue  de 
l'aigu  au  grave .  Le  plus  élevé  est  en  si  bémol ,  à  l'oc- 
tave supérieure  de  l'ancien  bugle  en  si  bémol  ou  de  la 
clarinette  en  si  bémol,  ou  encore  une  quinte  au-des- 
sus du  petit  bugle  en  mi  bémol.  Le  plus  grave  est  le 
saxhorn  contre-bourdon  en  si  bémol,  deux  octaves 
au-dessous  de  l'ophicléide  ;  ce  gigantesque  instrument 
avec  ses  tubes  additionnels  des  cylindres  n'offre  pas 
moins  qu'un  développement  de  48  pieds  ;  il  se  joue 
néanmoins  avec  facilité  et  sans  fatigue  pour  l'artiste. 
Les  autres  membres  intermédiaires  de  la  famille  sont, 
en  allant  de  l'aigu  au  grave  :  le  petit  saxhorn,  en  mi 
bémol  aigu,  le  saxhorn  contralto  en  si  bémol,  le 
saxhorn  alto-ténor  en  mi  bémol,  le  saxhorn  baryton- 
basse  en  si  bémol,  le  saxhorn  contrebasse  en  mi  bémol, 
le  saxhorn  contrebasse  grave  en  si  bémol  et  le  sax- 
horn bourdon  en  mi  bémol.  Chacun  de  ces  instru- 
ments peut  être  exécuté  un  ton  au-dessus,  c'est-à- 
dire  en  ut  pour  ceux  en  si  bémol ,  et  en  fa  pour  ceux 
en  mi  bémol. 

Les  saxhorns  se  construisent  ou  droits  en  avant,  ou 
avec  le  pavillon  en  l'air  ;  cette  dernière  disposition  de 
forme  empruntée  au  saxotromba  est  surtout  favora- 
ble pour  la  cavalerie. 

Le  cône  de  l'instrument  est  un  peu  plus  large  que 
celui  du  saxotromba,  et  un  peu  moins  que  celui  de 
l'ancien  bugle  et  de  l'ancien  ophicléide;  aussi  sa  voix 
participe-t-elle  de  ces  deux  différents  timbres,  mais 
naturellement  avec  beaucoup  plus  de  force,  d'éclat, 
de  pureté  et  de  justesse  que  n'en  ont  jamais  offert  le 
bugle  ou  l'ophicléide.  Quant  à  remplacer  ces  instru- 
ments dans  1  échelle  générale,  on  a  pu  voir  par  la  no- 


190  SAX 

menclature  ci-dessus,  que  non-seulement  chacun  des 
individus  de  l'ancien  système  y  est  surabondamment 
représenté  par  le  nouveau,  mais  encore  que  les  nom- 
breuses lacunes  qui  existaient  précédemment  se  trou- 
vent aujourd'hui  comblées. 

Les  saxhorns  forment  Lle  fonds  de  l'orchestre  de 
fanfares-sax. 

Saxopfione.  —  Le  saxophone  est  un  instrument  en 
cuivre  armé  de  dix-neuf  à  vingt- deux  clefs  et  qui  se 
joue  au  moyen  d'un  bec  à  anche  dans  le  genre  de  ce- 
lui d'une  clarinette.  Son  étendue  est  de  deux  octaves 
et  une  sixte.  Le  cône  de  l'instrument  est  parabolique, 
ce  qui  donne  une  grande  homogénéité  aux  sons;  le 
doigter  procède  par  octave  comme  celui  de  la  flûte. 
Il  existe  des  saxophones  à  peu  près  dans  tous  les 
tons,  depuis  celui  en  si  bémol  contrebasse,  une  neu- 
vième au-dessous  du  basson,  jusqu'à  celui  en  fa,  à 
l'unisson  de  la  petite  clarinette.  Les  saxophones  se  di- 
visent généralement  pour  le  ton  et  le  diapason  en 
saxophone  basse  si  bémol  ou  Ht,  en  saxophone  bary- 
ton mi  bémol  ou  fa,  en  saxophone  ténor  si  bémol  ou 
ut,  en  saxophone  alto  mi  bémol  ou  fa,  en  saxophone 
soprano  si  bémol  ou  ut,  et  enfin  en  saxophone  suraigu 
mi  bémol  ou  fa. 

Le  saxophone  est  un  instrument  d'invention  encore 
récente,  et  déjà  sa  réputation  est  faite;  il  est  vrai 
qu'indépendamment  de  ses  qualités  particulières  qui 
en  font  un  instrument  solo  si  remarquable,  le  saxo- 
phone est  appelé  à  jouer  un  rôle  des  plus  importants 
dans  nos  orchestres  de  symphonie  et  dans  nos  musi- 
ques militaires  ;  l'épreuve  en  a  été  faite  de  la  façon  la 
plus  triomphante,  dans  plusieurs  musiques  régimen- 
taires  et  notamment  dans  l'orchestre  de  la  grande 
harmonie  de  Paris  où  sa  beauté,  sa  distinction,  et  sa 
suavité  merveilleuse  ont  produit  un  effet  véritable- 
ment magique.  Le  volume  aussi  bien  que  la  portée 


SAX  191 

de  sa  voix,  assigne,  pour  ainsi  dire,  au  saxophone 
le  rôle  d'intermédiaire  ou  de  concordant  entre  les 
instruments  faibles  et  les  instruments  forts,  si  bien 
qu'il  n'écrase  point  les  premiers,  et  ne  se  laisse  point 
écraser  par  les  seconds.  Cet  inestimable  avantage  au- 
quel viennent  se  joindre  un  timbre  entièrement  ori- 
ginal, d'un  éclat  et  d'un  charme  extrêmes,  une  jus- 
tesse et  une  égalité  parfaites  dans  toute  son  échelle, 
une  grande  facilité  d'exécution,  une  agilité  prodi- 
gieuse, enfin  une  étendue  considérable,  par  rapporta 
chaque  espèce  de  saxophone,  et  qui  embrasse  en 
entier  le  clavier  général  des  sons,  tout  cela  ex- 
plique suffisamment  l'intérêt  qui  s'attache  à  une 
découverte  si  brillante  et  si  parfaite  dès  son  ori- 
gine. Le  sentiment  des  compositeurs,  des  artistes, 
bref  de  tous  les  hommes  compétents  a  été  unanime 
sur  ce  point  que  le  saxophone  est  un  des  plus  beaux 
et  des  plus  utiles  instruments  qui  existent. 

Saxolromba.  —  Instrument  en  cuivre  à  bocal,  armé 
d'un  mécanisme  de  cylindres.  Cet  instrument  a  été 
inventé  par  M.  A.  Sax,  vers  1843.  Il  comporte  une 
famille  de  sept  membres,  allant  de  l'aigu  au  grave, 
divisés  par  quinte  et  quarte;  ainsi  :  le  saxotromba 
suraigu  en  si  bémol,  une  octave  au-dessus  de  l'ancien 
bugle  en  si  bémol  ;  le  saxotromba  en  mi  bémol  so- 
prano à  l'unisson  du  petit  bugle  en  mi  bémol;  le  saxo- 
tromba contralto  en  si  bémol,  à  l'unisson  du  bugle 
ordinaire;  le  saxotromba  alto-ténor  en  mi  bémol,  à 
l'unisson  de  l'ophicléide  alto;  le  saxotromba  bary- 
ton-basse en  si  bémol,  à  l'unisson  de  l'ophicléide 
basse  en  si  bémol;  le  saxotromba  contrebasse  en  mi 
bémol,  une  octave  au-dessous  de  l'ophicléide  alto,  et 
le  saxotromba  contrebasse  grave  en  si  bémol,  une 
octave  au-dessous  de  l'ophicléide  basse.  Chacun  de 
ces  instruments  peut  être  exécuté  un  ton  au-dessus, 
c'est-à-dire  en  ut  pour  ceux  en  si  bémol,  et  en  fa  pour 


192  SAX 

ceux  en  mi  bémol.  Les  proportions  du  saxotromba 
sont  entièrement  nouvelles,  et  sa  voix  tient,  en  quel- 
que sorte,  le  milieu  entre  le  timbre  des  trompettes, 
des  trombones,  d'une  part,  et  de  l'autre,  des  bugles 
et  des  ophicléides;  moins  strident  que  les  premiers, 
le  saxotromba  n'a  ni  la  lourdeur,  ni  le  son  empâté 
des  seconds.  Par  sa  forme  nouvelle,  comme  par  le 
contour  de  ses  tubes,  il  est  infiniment  mieux  disposé 
pour  l'émission  du  son,  ainsi  que  pour  la  facilité  du 
placement  et  du  maniement.  Les  pavillons  se  trou- 
vant tous  dans  la  même  direction,  le  son  se  propage 
et  arrive  à  l'oreille  de  l'auditeur  avec  bien  plus  de 
puissance.  Enfin,  l'instrument  est  particulièrement 
avantageux  pour  les  musiques  de  cavalerie. 

Les  saxotrombas  sont  presque  toujours  à  trois  cy- 
lindres; on  en  fait  cependant  aussi  à  quatre  et  même 
à  cinq  cylindres. 

L'alto  de  la  famille  est  presque  partout  en  usage 
soit  dans  les  orchestres  de  symphonie,  soit  dans  la 
musique  d'harmonie,  soit  dans  les  musiques  pour  bals. 
Il  remplace  le  cor  avec  un  immense  avantage,  ayant 
une  bien  meilleure  sonorité,  et  n'exigeant  pas,  à  beau- 
coup près,  autant  de  talent  de  la  part  de  l'artiste. 

Le  doigter  est  le  même  pour  tous  les  membres  de 
la  famille. 

M.  A.  Sax  a  transporté  la  forme  et  les  principales 
dispositions  du  saxotromba,  non-seulement  à  ses 
saxhorns,  mais  encore  à  plusieurs  instruments  an- 
ciens, tels  que  le  cornet,  le  cor,  la  trompette  et  le  trom- 
bone, et  il  les  a  ainsi  dotés  des  avantages  qui  y  sont 
attachés.  L'un  des  plus  considérables,  sans  contredit, 
c'est  l'unité  de  doigter  qui  fait  que  lorsqu'on  sait  jouer 
de  l'un,  on  sait  jouer  également  de  tous  les  autres. 

Saxtuba. — Instrument  de  cuivre  à  bocal  armé  d'un 
mécanisme  de  cylindres.  Cet  instrument  fut  inventé 
par  M,  Ad.  Sax,  vers  1850,  à  l'occasion  de  l'opéra  de 


SAX  193 

M.  Halévy  :  le  Juif  errant.  Sa  famille  comporte  sept 
membres  de  l'aigu  au  grave,  comme  celle  du  saxo- 
tromba.  La  forme  des  sax  tubas  a  de  l'analogie  pour 
la  forme  avec  celle  des  tubas  romains.  Au  moyen  de 
ses  cylindres,  leur  échelle  est  chromatique.  Leurs 
proportions  diffèrent  légèrement  de  celles  des  sax- 
horns ;  quant  à  la  puissance  de  sons  elle  est  incompa- 
rablement plus  grande  que  celle  de  tous  les  instru- 
ments en  cuivre  connus,  ce  qui  est  principalement  dû 
à  la  simplicité  des  contours  ne  formant  qu'une  ou 
deux  courbes  sans  aucun  angle.  Pour  se  faire  une 
idée  de  cet  éclat  formidable,  îl  faut  avoir  entendu, 
comme  cela  nous  est  arrivé,  un  petit  orchestre  de  qua- 
torze saxtubas  dominer  et  couvrir  facilement  une 
masse  de  quinze  cents  instruments  à  vent  (  cérémonie 
de  la  bénédiction  des  aigles,  au  Champ  de  Mars). 
Yoici  ce  que  disait  à  ce  sujet  M.  Adam,  dans  un  feuil- 
leton de  Y  Assemblée  nationale  du  19  décembre  1852: 
«  Leur  son  n'est  jamais  un  bruit,  c'est  toujours  une 
»  note  sonore  et  accentuée  ;  l'expérience  de  leur  in- 
»  tensité  et  de  la  facilité  de  propagation  de  sonorité  a, 
»  du  reste,  été  faite,  il  y  a  dix-huit  mois,  à  la  fête  des 
»  aigles,  au  Champ  de  Mars,  où  étaient  réunis  quinze 
»  cents  musiciens  militaires.  Quatorze  instruments  de 
»  M.  Sax  suffisaient  pour  dominer  cette  énorme 
»  masse  d'instrumentistes.» 

On  se  rappelle  la  surprise  causée  par  l'apparition 
des  saxtubas  sur  la  scène  de  l'Opéra,  surprise  qui  se 
changea  bien  vite  en  satisfaction  et  se  traduisit  en 
applaudissements.  Leur  extrême  puissance  donna 
lieu,  à  la  même  époque,  à  une  polémique  des  plus 
vives  et  des  plus  animées  dans  plusieurs  journaux, 
notamment  entre  M.  Jules  Janin,  le  critique  des 
Débats ■,  et  le  directeur  de  l'Opéra,  M.  Roqueplan. 

La  forme  des  saxtubas  est  aussi  pompeuse  qu'élé- 
gante et  concourt  merveilleusement  a  l'éclat  d'une 


194  SC A 

cérémonie  publique,  ou  d'une  représentation  théâ- 
trale. 

Timbales  Sax.  —  Inventé  par  A.  Sax ,  en  1852, 
cet  instrument  est  un  progrès  énorme  pour  les  or- 
chestres; sans  occuper  une  place  considérable,  il 
comporte  simultanément  tous  les  tons  de  la  gamme 
et  n'exige  pas  un  long  accordage;  il  est  composé 
d'une  série  de  cercles  de  hauteurs  à  peu  près  égales, 
et  dont  la  capacité  intérieure  est  en  rapport  avec  le 
son  que  chacun  d'eux  doit  produire  dans  une  gamme 
chromatique;  ces  cercles  sont  superposés  de  manière 
qu'une  caisse  supérieure  soit  en  retraite  sur  la  caisse 
immédiatement  inférieure  d'une  quantité  suffisante 
pour  que  les  baguettes  de  l'artiste  fassent  franche- 
ment résonner  la  peau  de  chacune  d'elles. 

Trombone  (ténor  Iteêso).  — Ce  nouveau  trombone  de 
l'invention  de  M.  Sax,  se  joue  absolument  comme 
l'ancien  et  avec  les  mêmes  positions  ;  seulement,  il  est 
muni  d'un  cylindre  qui  lui  donne  sur  son  devancier 
une  supériorité  incontestable.  Ainsi,  au  moyen  du 
cylindre  en  question,  les  notes  graves  mi  bémol,  ré,  ré 
bémol,  ut  et  si  qui  font  lacune  sur  l'ancien  trombone, 
deviennent  sur  le  trombone-sax  d'une  exécution  aussi 
nette  que  facile.  Le  même  cylindre  permet  d'y  rendre 
avec  la  plus  grande  aisance,  des  traits  et  passages 
d'une  difficulté  extrême  ou  même  presque  inexécuta- 
bles sur  l'ancien. 

Saynette.  Petite  comédie  mêlée  de  chansons  que 
l'on  représente  en  Espagne.  Les  saynettes  sont  des  es- 
pèces d'intermèdes  comiques,  joués  par  trois  ou 
quatre  acteurs,  et  quelquefois  même  par  un  seul. 

Scaia  (Théâtre  de  la).  Le  théâtre  de  la  Scala,  à  Mi- 
lan, est,  sans  contredit,  une  des  scènes  lyriques  les 
plus  importantes  de  l'Europe.  Malgré  son  immense 
développement,  cette  salle  est  fort  sonore;  ce  qui  est 
dû,  sans  doute,  à  l'absence  de  ces  rangs  de  galeries  cl 


SCA  195 

de  loges  ouvertes,  qui  absorbent  une  grande  partie  du 
son  dans  nos  théâtres.  Lorsque  le  public  veut  bien 
écouter,  ce  qu'il  ne  fait  guère  que  par  fraction,  hor- 
mis à  certains  moments  convenus,  la  plus  faible 
émission  de  son  arrive  jusqu'aux  dernières  limites  de 
la  salle.  A  la  Scala,  des  artistes  doués  de  peu  de  voix 
sont  parfaitement  entendus. 

Les  voyageurs  qui  ne  font  que  traverser  les  villes 
d'Italie,  en  emportent  le  plus  souvent  des  idées  super- 
ficielles et  fausses,  qu'un  peu  de  conscience  leur  dé- 
fendrait d'émettre  légèrement.  On  a  prétendu  qu'on 
joue  toujours  le  môme  opéra,  pendant  plusieurs  mois 
de  suite,  dans  les  grands  théâtres  d'Italie  ;  rien  n'est 
plus  faux.  A  la  Scala,  par  exemple,  nous  avons  vu 
défiler,  dans  un  espace  de  trois  mois  à  peine,  sept  opé- 
ras, dont  quatre  entièrement  nouveaux  pour  le  public 
et  trois  reprises  d'ouvrages  oubliés.  Sur  les  quatre 
nouveautés  trois  étaient  spécialement  écrites  pour  le 
carnaval  de  la  Scala  ;  ce  qui  forme  un  ensemble  de 
travaux  qui  réduit  à  bien  peu  de  chose  ce  que  fait  notre 
Académie  impériale  de  musique.  Mais  aussi,  quel 
métier  que  celui  des  chanteurs  d'Italie  !  chanter  tous 
les  soirs  l'opéra  monté,  répéter  tous  les  matins  celui 
qui  va  suivre,  apprendre  toutes  les  nouveautés  écrites 
expressément  pour  le  théâtre,  voilà  leurs  obligations. 
Il  faut  avoir  une  poitrine  de  bronze  et  un  courage  de 
fer  pour  y  résister. 

La  plus  grande  partie  des  opéras  représentés  au 
théâtre  de  la  Scala  sont  en  trois  actes,  divisés  cha- 
cun en  plusieurs  tableaux.  Après  chaque  acte,  on 
joue  un  ballet  qui  dure  au  moins  une  heure,  ce  qui 
laisse  au  chanteur  le  temps  de  se  reposer  pour  enta- 
mer l'acte  suivant.  Dans  la  saison  d'hiver,  dite  sai- 
son du  carnaval,  l'opéra  est  suivi  d'un  second  ballet 
de  genre  comique,  qui  prolonge  la  durée  du  spec- 
tacle jusqu'à  minuit  au  moins,  de  sorte  que  les  spec- 


196  SCA 

tateurs  intrépides  n'en  sortent  que  le  lendemain  du 
jour  où  ils  y  sont  entrés.  Le  luxe  des  décorations  est 
un  peu  au-dessous  de  sa  réputation  à  Milan,  et  notre 
Grand-Opéra  est  bien  supérieur  à  la  Scala  sous  ce 
rapport;  mais  les  costumes  des  ballets  sont  fort 
riches.  Un  acteur  représentant  un  personnage  de  qua- 
lité n'oserait  se  présenter  en  scène  sans  toute  sorte  de 
broderies  et  de  plumes,  souvent  peu  appropriées  à  la 
sévérité  de  la  tradition  historique.  Les  prime  donne 
ont  toutes  l'air  d'avoir  trempé  leurs  robes  de  velours 
dans  le  Pactole,  ce  fleuve  aux  paillettes  d'or,  et  la 
moindre  confidente  d'opéra  scintille  comme  le  ciel 
d'une  nuit  d'Italie. 

L'orchestre  de  la  Scala  se  distingue  avant  tout  par 
uno  merveilleuse  science  d'accompagnement;  et  c'est 
un  immense  mérite.  Là,  les  individualités  ne  cher- 
chent pas  isolément  à  briller,  et  tout  l'amour-propre 
consiste  dans  le  bon  ensemble  de  la  masse.  Vous  en- 
tendriez souvent  chanter  tout  un  air,  un  duo,  sans 
songer  qu'il  existe  un  orchestre,  tant  il  se  mesure  su- 
périeurement sur  les  nuances  du  chant.  Cette  supério- 
rité discrète  dans  les  accompagnements  ne  l'empêche 
pas  d'être  nerveux,  puissant,  chaleureux  dans  les 
moments  voulus. 

Excellent  dans  son  ensemble ,  l'orchestre  de  la 
Scala  possède  plusieurs  artistes  hors  ligne.  Nous 
citerons  notamment  les  deux  frères  Cavallini,  dont 
l'un  est  premier  violon  et  chef  d'orchestre,  tandis 
que  le  second  possède  le  plus  admirable  talent  sur  la 
clarinette.  Quoique  ce  dernier  ait,  depuis  deux  ans, 
entrepris  une  tournée  en  Europe  pour  se  faire  enten- 
dre dans  des  concerts,  il  n'a  pas  cessé  de  figurer  sur 
les  cadres  de  l'orchestre  de  la  Scala. 

Scander.  Exécuter  un  trait  de  manière  à  en  distin- 
guer les  temps  de  chaque  mesure,  les  diverses  articu- 
lations, tant  en  marquant  les  coulés,  les  piqués,  que 


SCH  197 

les  divers  rhythmes  provenant  de  la  progression  li- 
néaire ou  ternaire  des  notes. 

Scène.  Division  du  poëme  dramatique,  déterminée 
par  l'entrée  d'un  nouvel  acteur.  On  divise  une  pièce 
en  actes,  et  les  actes  en  scènes.  Aux  concours  de 
composition  musicale  de  l'Académie  des  Beaux-Arts, 
on  donne  souvent  le  nom  de  scène  à  la  poésie  que  les 
concurrents  mettent  en  musique. 

Dans  les  scènes  à  plusieurs  personnages,  le  chant 
doit  avoir  autant  de  caractères  différents  qu'il  y  a  d'in- 
terlocuteurs. Il  faut  rendre  dans  les  scènes,  non-seule- 
ment le  caractère  de  la  passion  qu'on  veut  peindre, 
mais  celui  de  la  personne  qu'on  fait  parler.  Ce  carac- 
tère s'indique,  en  partie,  par  le  genre  de  voix  qu'on 
approprie  à  chaque  rôle  ;  car  le  tour  de  chant  d'un 
ténor  est  différent  de  celui  d'une  basse.  On  met  plus 
de  gravité  dans  les  chants  de  bas  dessus,  et  plus  de 
légèreté  dans  ceux  des  voix  aiguës.  Mais  outre  ces  dif- 
férences, le  compositeur  vraiment  habile  en  trouve 
d'individuelles  qui  caractérisent  ses  personnages. 

Seconde.  Intervalle  d'un  degré  conjoint  ;  ainsi,  les 
marches  diatoniques  se  font  toutes  sur  les  intervalles 
de  seconde. 

On  distingue  quatre  sortes  de  seconde  :  1°  la  se- 
conde majeure  formée  d'un  ton  entier  ;  2°  la  seconde 
mineure,  formée  d'un  demi-ton;  3o  la  seconde  aug- 
mentée, formée  d'un  ton  et  demi  ;  4°  Enfin,  la  se- 
conde minime  qui  appartient  au  genre  enharmoni- 
que, et  ne  peut  pas  être  employée  dans  la  musique. 

Sciierzando,  En  badinant.  Ce  mot  italien  désigne 
une  exécution  légère  et  badine. 

SCIIERZI  MUSICALI,   PLAISANTERIES    MUSICALES.    L'art 

de  plaisanter  savamment  en  musique  a  toujours  été 
un  des  privilèges  des  hommes  de  génie.  Parmi  les 
charmants  badinagcs  enfantés  par  la  verve  des  compo- 
siteurs, il  faut  citer  particulièrement  le  caprice  de 


198  SCL 

Marcello,  les  canons  burlesques  du  P.  Martini,  les 
fugues  trillées  de  Porpora,  etc. 

Scherzo,  Badinage.  On  donne  ce  nom  à  un  mor- 
ceau de  musique  de  peu  d'étendue  et  d'un  style  lé- 
ger et  badin.  Le  scherzo  est  assez  souvent  un  menuet 
d'un  caractère  plus  bizarre  que  celui  des  menuets 
ordinaires. 

Sciiisma.  C'est  le  nom  d'un  petit  intervalle  qui  n'est 
pas  usité  dans  la  musique  pratique,  mais  qu'on  em- 
ploie dans  la  science  canonique. 

Scilenion.  Morceau  de  musique  des  anciens  Grecs, 
d'un  caractère  doux. 

Schofar.  Instrument  des  Hébreux  fait  avec  la 
corne  d'un  bélier  ou  d'un  bœuf,  et  dont  le  son  très- 
éclatant  servait  à  annoncer  les  cérémonies  du  culte 
divin. 

Schotisch.  C'est  une  sœur  de  la  polka  ;  mais  on  la 
danse  plus  lentement.  Son  caractère  rhylhmiquc  est 
binaire,  c'est-à-dire  que  le  pas  change  de  nature  cha- 
que deux  mesures.  On  écrit  la  schotisch  à  2/4  ou  à 
quatre  temps. 

Schyari.  Sorte  d'instrument  à  vent  en  usage  il  y  a 
quelques  siècles,  dont  la  structure  ressemblait  à  celle 
de  la  cornemuse,  si  ce  n'est  qu'il  était  ouvert  dans  la 
partie  inférieure. 

Sciolto,  Délié,  Affranchi,  Lirre.  Ce  mot,  placé 
sous  un  trait  de  musique,  indique  que  les  notes  doi- 
vent en  être  détachées. 

Sciolto  contrapunto,  Canone  sciolto.  Contre- 
point, canon  affranchi  des  règles  strictes  que  l'on  a 
imposées  à  ces  sortes  de  compositions. 

Sclaii.  C'est  une  opinion  à  peu  près  générale,  que 
ce  mot  hébraïque,  qui  se  trouve  si  souvent  dans  les 
psaumes,  a  une  signification  musicale,  sans  cepen- 
dant qu'on  puisse  déterminer  quel  est  son  véritable 
sens.  Les  uns  croient  que  c'est  notre  du  capo  ou  le 


SEG  199 

signe  de  la  reprise,  d'autres  prétendent  que  cette  ex- 
pression indique  un  changement  de  ton  ou  de  temps, 
un  silence,  etc. 

Scolies.  Chez  les  anciens  Grecs  on  appelait  ainsi 
les  chansons  dithyrambiques.  Dans  la  suite  on  donna 
ce  nom  aux  chansons  morales. 

Scordatura.  Ce  mot  italien  ne  peut  se  traduire  en 
français  que  par  désaccor dément,  qui  n'est  pas  reçu 
dans  notre  langue  ;  il  signifie  l'action  de  désaccorder 
un  instrument  à  cordes.  Comme  rien  de  faux  n'est 
admis  en  musique,  ce  désaccordement  consiste  à  don- 
ner à  l'instrument  un  accord  qui,  sans  être  faux,  n'est 
cependant  pas  celui  qui  lui  convient  et  qu'on  lui 
donne  de  coutume.  La  scordatura  se  pratique  pour 
étendre  les  limites  de  l'instrument,  ou  faciliter  cer- 
taines positions  que  l'accord  ordinaire  ne  permet 
pas  de  prendre,  et  produire  par  ce  moyen  des  effets 
nouveaux  et  extraordinaires.  Paganini  en  faisait  un 
grand  usage. 

Sdrucciolo,  Enharmonique.  Cette  expression  ita- 
lienne indique  la  manière  de  glisser  enharmonique- 
ment  avec  la  voix  sur  quelques  sons.  Cet  agrément, 
qui  n'est  pas  toujours  de  bon  goût,  est  particulière- 
ment employé  dans  le  cantabile.  Mais  on  doit,  pour 
qu'il  produise  un  effet  attrayant,  n'en  faire  usage  que 
de  la  tonique  à  la  quarte,  et,  ce  qui  est  encore  plus 
convenable,  de  la  quarte  à  la  tonique.  On  peut  en- 
core s'en  servir  en  passant  d'un  son  à  celui  qui  le  pré- 
cède immédiatement  dans  l'échelle  musicale  ascen- 
dante, par  exemple,  de  l'octave  à  la  septième 
mineure,  et  de  la  quinte  à  la  quarte  mineure. 

Second.  Epithète  qui,  entre  deux  parties  ou  voix 
égales,  indique  la  plus  basse,  comme  second  violon, 
seconde  viole. 

Segue,  Suit.  Cette  expression  italienne,  placée  au 
bas  d'une  page  ou  entre  deux  morceaux  de  musique, 


200  SEP 

indique  qu'on  doit  continuer  à  exécuter  ce  qui  suit 
sans  aucune  interruption. 

Seguidille,  en  espagnol  Seguidillâ.  Air  de  chant 
et  de  danse  fort  en  usage  en  Espagne.  La  mesure  en 
est  à  trois  temps,  et  le  mouvement  animé.  Cet  air  est 
moins  étendu  que  le  boléro  et  le  fandango,  dont  il  a 
le  caractère.  C'est,  à  proprement  parler,  une  chanson. 
La  ritournelle  se  fait  entendre  au  commencement  et 
même  au  milieu  de  chaque  couplet,  ou  estrivillo. 

Segno,  Al  segno,  Au  Signe.  Ces  mots  signifient  que 
l'on  doit  reprendre  le  morceau  à  partir  du  signe 
indiqué. 

Séméiograpiiie.  La  séméiographie  musicale,  ou 
d'  scription  des  signes,  comprend  :  la  portée,  les  clefs, 
les  notes,  les  silences,  les  accidents,  les  points  d'orgue, 
les  points  d'arrêt,  les  signes  d'agrément,  les  barres  et 
l'orthographe  musicale. 

Sementerion.  Instrument  de  percussion  des  Grecs, 
qui  consistait  en  une  planche  sur  laquelle  on  frappait 
avec  un  marteau. 

Semi.  Cette  expression  latine,  qui  signifie  demi, 
s'ajoute  à  plusieurs  mots,  comme  semi-brève,  semi- 
minime,  etc. 

Sensibilité.  Disposition  de  l'âme  qui  inspire  au 
compositeur  les  idées  vives  dont  il  a  besoin,  à  l'exé- 
cutant la  vive  expression  des  beautés  et  des  défauts  de 
la  musique  qu'on  lui  fait  entendre. 

Septième.  Intervalle  dissonant  de  sept  degrés.  Il  y 
a  trois  sortes  de  septièmes,  la  septième  mineure,  la 
septième  majeure  et  la  septième  diminuée. 

Septuor.  Composition  à  sept  parties  obligées. 

Le  septuor  vocal  est  toujours  accompagné  par  l'or- 
chestre ou  le  piano.  Le  septuor  instrumental  se  borne 
aux  sept  instruments  pour  lesquels  il  est  composé. 

Nous  possédons  d'excellents  septuors  de  Beetho- 
ven, de  Kalkbrenncr,  deBcrtini,  etc. 


SER  201 

Sérénade.  Les  sérénades  sont  des  concerts  donnés 
la  nuit  en  plein  air.  Aussi  l'étymologie  de  ce  mot 
semble-t-elle  venir  du  mot  italien  sereno.  Il  y  a  peu 
de  conditions  essentielles  pour  la  composition  des 
morceaux  exécutés  en  sérénade.  On  peut  cependant 
dire  que  l'on  a  généralement  choisi  des  mélodies 
tristes  et  langoureuses,  de  nature  à  laisser  la  personne 
à  qui  on  offrait  cet  hommage  dans  un  vague  demi- 
sommeil  qui  lui  permettait  à  peine  dans  cette  occa- 
sion de  distinguer  la  réalité  du  rêve.  Les  tons  bémoli- 
sés,  surtout  ceux  de  mi  et  de  la,  dont  la  douce 
harmonie  s'accorde  bien  avec  le  mystère  dont  les 
exécutants  cherchent  d'ordinaire  à  s'environner,  se- 
raient heureusement  employés. 

La  véritable  patrie  de  ces  concerts  nocturnes,  c'est 
l'Espagne  et  l'Italie.  Voilà  où  il  faut  chercher  l'ori- 
gine de  la  sérénade.  Elle  se  plaisait  surtout  dans  les 
chaudes  contrées,  où  la  nuit  est  l'instant  de  toutes  les 
intrigues  d'amour.  A  Venise,  les  gondoliers  ont  con- 
servé les  traditions  de  la  sérénade  dans  les  barcarolles 
que  la  nuit  ils  font  entendre  sur  les  lagunes.  Un  mo- 
dèle de  ce  genre  de  morceau  est  la  sérénade  de  Doni- 
zetti  dans  l'opéra  intitulé  :  Don  Pasquale. 

Serinette.  Très-petit  orgue  à  cylindre,  qui  joue 
des  airs  sans  accompagnement,  et  qui  sert  à  l'éduca- 
tion musicale  des  serins. 

Serpent.  Instrument  à  vent  que  l'on  embouche 
par  le  moyen  d'un  bocal.  Le  serpent  est  un  cornet 
replié  pour  le  rendre  moins  long,  et  pour  que  les 
doigts  puissent  atteindre  les  trous  qui  en  règlent  l'in- 
tonation. Ses  replis  et  sa  forme  lui  ont  fait  donner 
le  nom  de  serpent. 

On  se  sert  de  cet  instrument  dans  les  églises  pour 
soutenir  le  chœur,  et  il  était  en  usage  autrefois  dans 
les  musiques  militaires  pour  exécuter  avec  le  trom- 
bone la  partie  de  contrebasse. 


202  SIC 

Sextuor.  Composition  à  six  parties  obligées. 

Le  sextuor  vocal  est  accompagné  par  l'orchestre 
ou  le  piano.  Le  sextuor  instrumental  se  borne  tou- 
jours aux  six  instruments  pour  lesquels  il  est  com- 
posé. 

Boccherini  a  écrit  des  sextuors  pour  flûte,  deux 
violons,  viole  et  deux  violoncelles.  Les  sextuors  pour 
deux  clarinettes,  deux  cors  et  deux  bassons,  sont 
d'un  bon  effet.  Les  sextuors  de  IL  Bertini  sont  les 
plus  beaux  de  la  nouvelle  école. 

Si.  Note  de  musique  que  les  Allemands  désignent 
par  la  lettre  h,  lorsqu'elle  est  sans  altération,  et  par 
la  lettre  b,  lorsqu'elle  est  altérée  d'un  bémol.  C'est  le 
septième  degré  de  notre  échelle  musicale  dans  le 
mode  majeur,  et  le  second  dans  le  mode  mineur.  Il 
porte  accord  parfait  diminué,  et  s'emploie  en  har- 
monie dans  les  deux  modes,  en  suivant  toujours 
une  marche  différente. 

Si.  Septième  syllabe  du  solfège  moderne. 

Siamois  (Musique  chez  les).  Les  Siamois  parais- 
sent avoir  fait  plus  de  progrès  dans  la  musique  que 
les  autres  nations  de  l'Asie.  Leurs  mélodies  généra- 
lement vives  et  brillantes,  ne  sont  pas  dépourvues  de 
charme,  même  pour  l'oreille  exercée  d'un  Européen. 
11  y  a  beaucoup  de  douceur,  d'agrément  et  de  sim- 
plicité dans  la  musique  des  Siamois.  Elle  diffère  de 
celle  des  autres  nations  orientales  barbares,  en  ce 
qu'elle  est  en  général  dans  le  mode  mineur.  Le  but 
des  musiciens  siamois  est  de  toucher  le  cœur,  d'in- 
téresser l'esprit  et  d'exciter  les  passions.  Pour  y  par- 
venir, ils  ont  plusieurs  espèces  d'airs,  qu'ils  em- 
ploient selon  l'effet  qu'ils  cherchent  à  produire.  Leurs 
morceaux  de  musique  sont  en  très-grand  nombre. 

Sicilienne.  C'est  une  danse  napolitaine  à  6/8  qui 
doit  s'exécuter  allegro.  Le  dessin  mélodique  est  bi- 
naire, c'est-à-dire  semblable  de  deux  en  deux  mesu- 


SOC  '203 

res.  Elle  a  les  mômes  proportions  que  ses  soeurs,  la 
polka  et  la  mazurka ,  c'est-à-dire  trois  périodes  ot 
huit  ou  seize  mesures  terminatives  après  le  rappel  du 
premier  motif,  quelquefois  des  deux  premiers. 

Signes.  Ce  sont  en  général  les  divers  caractères 
dont  on  se  sert  pour  noter  la  musique. 

Silence.  Nom  générique  des  signes  qui  correspon- 
dent aux  différentes  valeurs  des  notes,  et  marquent 
l'interruption  des  sons  pendant  toute  la  durée  de  ces 
mêmes  valeurs.  Le  silence  d'une  ronde  se  nomme 
pause,  et  se  marque  par  une  petite  barre  horizontale  ; 
celui  d'une  blanche,  demi-pause,  et  se  figure  de 
môme,  à  cela  près  de  la  différence  de  position  sur 
la  portée.  Le  silence  d'une  noire  s'appelle  soupir, 
celui  d'une  croche  demi-soupir,  ainsi  de  suite. 

Simple.  Dans  la  musique,  tout  double  ou  composé 
a  son  simple,  et  tout  simple  a  son  double  ou  composé, 
comme  contrepoint  simple  ou  double,  figure  simple 
ou  double,  etc. 

Sirvente.  Sorte  de  poésie  ancienne  des  trouba- 
dours et  des  trouvères,  ordinairement  satirique,  et 
qui  est  presque  toujours  divisée  en  strophes  ou  cou- 
plets destinés  à  être  chantés.  (Voyez  Troubadour.) 

Sistre.  Instrument  de  percussion.  Il  est  ovale  et 
fait  d'une  lame  de  métal  sonore,  dont  la  circonfé- 
rence est  percée  de  divers  trous  opposés,  par  lesquels 
passent  plusieurs  baguettes  de  métal.  On  agite  le 
sistre  en  cadence  pour  lui  faire  rendre  un  son.  Cet 
instrument  est  employé  dans  la  musique  militaire. 

Sociétés  de  musique.  C'est  surtout  en  Allemagne 
que  les  sociétés  de  musique  ont  pris  un  grand  déve- 
loppement. La  musique  n'est  cependant  pas  innée 
chez  le  peuple  allemand,  comme  on  le  croit  généra- 
lement en  France.  Elle  est  plutôt  le  résultat  de  l'édu- 
cation primaire  et  du  protestantisme.  Les  enfants  des 
deux  sexes  prennent  chaque  jour  deux  leçons  de 


204  SOC 

chant  dans  l'école  publique,  qu'ils  aient  de  la  voix 
ou  non. 

Jl  n'est  pas  une  ville  en  Allemagne,  si  petite  qu'elle 
soit,  qui  n'ait  au  moins  sa  société  dirigée  par  un 
amateur  distingué,  ou  par  un  maître  de  l'école  pri- 
maire. Ces  sociétés  se  composent  de  jeunes  gens  et 
de  jeunes  personnes  dans  la  fleur  de  l'âge.  Comme 
on  se  cotise  pour  couvrir  les  frais  de  l'établissement, 
chaque  membre,  homme  ou  femme,  paye  un  nom- 
bre égal  de  florins  par  an.  Ce  fonds  sert  à  acheter  de 
la  musique,  à  payer  les  copies,  le  salon  où  l'on  s'as- 
semble, et  mille  autres  choses  qui  sont  à  la  disposi- 
tion du  directeur. 

On  se  réunit  une  ou  deux  fois  par  semaine,  et  Ton 
s'exerce  à  chanter  des  chœurs  et  des  oratorios.  Les 
sociétés  composées  seulement  d'hommes  chantent  les 
quatuors  sans  accompagnement.  Souvent  la  société  est 
forte  de  trois  ou  quatre  cents  membres.  Alors  les  fonds 
sont  considérables;  les  soirées  et  les  bals  plus  nom- 
breux. Chaque  nouveau  membre  y  entre  par  ballotage 
et  après  avoir  subi  un  examen;  car  s'il  n'a  pas  une  voix 
excellente,  il  faut  au  moins  qu'il  soit  bon  musicien  et 
qu'il  sache  lire  a  prima  vista.  Pour  ceux  qui  ont  de  la 
voix,  on  est  plus  indulgent,  mais  on  leur  enseigne  à 
part  des  soli. 

De  temps  en  temps  les  différentes  sociétés  se  réu- 
nissent, soit  pour  exécuter  un  grand  oratorio  au  théâ- 
tre, soit  pour  chanter  au  bénéfice  des  maheureux.  A 
Francfort,  par  exemple,  le  maître  de  chapelle  n'a  qu'à 
donner  un  ordre ,  et  toutes  les  sociétés  de  chant  se 
réunissent  au  théâtre  avec  les  chœurs,  et  composent 
un  ensemble  d'environ  six  à  sept  cents  personnes.  On 
voit  alors  de  jeunes  bourgeoises  rivaliser  de  voix  et  de 
beauté  avec  les  premières  artistes  ;  car  celles-ci  ont  tou- 
jours soin  de  s'habiller  en  simples  bourgeoises.  Il  en  est 
de  même  des  sociétés  instrumentales,  où  les  amateurs 


SOC  205 

viennent  une  fois  par  semaine  pour  exécuter  les  sym- 
phonies de  Beethoven  et  de  Mozart.  Il  faut  avoir  en- 
tendu la  marche  triomphale  de  Titus  de  Mozart,  exé- 
cutée à  Francfort,  sous  la  direction  de  M.  Guhr, 
maître  de  chapelle,  par  trois  cents  amateurs,  cin- 
quante musiciens  de  l'orchestre  du  théâtre,  cent  de 
la  ligne,  et  cinquante  de  la  garnison  autrichienne, 
tout  cela  après  une  seule  répétition  :  on  ne  se  figure 
pas  l'effet  produit  par  ces  masses  vocales  et  instru- 
mentales. Qu'on  se  représente  M.  Guhr  faisant  exé- 
cuter la  création  de  Haydn  par  sept  cents  voix  et 
trois  cents  musiciens.  Il  ordonnait,  et  le  lendemain 
une  répétition  avait  lieu  dans  l'église  Sainte-Ca- 
therine, le  surlendemain  on  assistait  à  la  représen- 
tation. 

Tous  les  printemps  on  donne  des  fêtes  musicales  à 
Heidelberg,  Dusseldorf,  Trêves,  Mayence,  Cologne, 
Bonn,  Carlsruhe  et  autres  villes  au  bord  du  Rhin,  où 
six  à  sept  cents  chanteurs  et  cantatrices  se  réunissent 
pour  exécuter  de  la  musique  sévère  et  religieuse.  Un 
grand  compositeur  dirige  ordinairement  les  chœurs 
et  l'orchestre,  et  les  premiers  artistes  se  chargent  des 
soli.  Les  chanteurs  font  souvent  des  voyages  de  trente 
à  quarante  lieues,  et  les  habitants  de  la  ville  s'enga- 
gent à  leur  donner  l'hospitalité. 

Les  sociétés  de  musique  se  multiplient  aussi  en 
France  depuis  quelques  années,  grâce  au  mouvement 
musical  imprimé  par  l'Orphéon  de  Paris  aux  institu- 
tions orphéonistes  de  la  province.  Jusqu'à  présent, 
c'est  dans  le  nord  de  la  France,  bien  plus  que  dans 
les  contrées  méridionales,  que  ces  sociétés  ont  donné 
signe  de  vie.  Quelques-unes  mêmes,  telles  que  celles 
d'Arras,  Lille  et  Douai,  sont  allées  disputer  les  prix 
aux  sociétés  chorales  en  Belgique  et  en  Allemagne. 
Dans  le  courant  de  l'année  1853,  il  y  a  eu  à  Melun,  à 
Fontainebleau  et  dans  quelques  autres  villes,  de  belles 


206  SOL 

fêles  musicales  organisées  avec  le  concours  des  sociétés 
chorales  de  diverses  localités.  Nous  ne  doutons  pas 
que  ce  genre  d'institution  ne  s'étende  peu  à  peu  sur 
toute  la  surface  de  la  France,  et  n'acquière,  dans 
notre  pays,  la  même  importance  qu'en  Allemagne  et 
en  Belgique. 

Solfège,  Solfier.  On  nomme  solfège,  ou  plutôt 
solfèges,  tout  recueil  d'exercices,  d'études  ou  d'airs 
disposés  le  plus  ordinairement  dans  un  ordre  progres- 
sif, et  destinés  à  être  solfiés,  c'est-à-dire  chantés,  en 
prononçant  les  syllabes  qui  servent  de  dénomination 
aux  notes.  Le  nom  de  solfège  s'applique  également 
aux  livres  élémentaires  qui  enseignent  les  principes 
de  la  musique  en  général ,  et  qui  contiennent  des 
leçons  pour  exercer  les  élèves  à  solfier.  Toute  bonne 
éducation  musicale  doit  commencer  par  une  longue 
pratique  des  solfèges ,  même  quand  on  doit  se  borner 
à  apprendre  à  jouer  d'un  instrument  quelconque;  car 
il  n'y  a  rien  de  comparable  aux  exercices  de  solmisa- 
tion  pour  acquérir  le  sentiment  de  la  mesure  et  la  jus- 
tesse de  l'intonation.  Presque  tous  les  peuples  de  l'Eu- 
rope, hors  les  Allemands,  emploient  pour  solfier  les 
syllabes  correspondantes  aux  sept  notes  de  la  gamme 
de  Guido  d'Arezzo,si  ce  n'est  qu'ils  remplacent  la  pre- 
mière syllabe  du  premier  degré  ut  par  cette  autre 
do,  comme  moins  sourde  et  plus  douce  à  prononcer. 
M.  A.  Panseron,  professeur  au  Conservatoire  de  musi- 
que de  Paris,  a  composé  des  solfèges  qui  sont  généra- 
lement adoptés  dans  l'enseignement.  Ceux  du  Conser- 
vatoire, d'Italie,  de  Rodolphe,  de  Cherubini,  de  Che- 
lard,  deGaraudé,  de  Catrufo,  etc.,  sont  également 
très-estimés. 

Solmisation.  —  C'est  l'action  de  solfier  ou  solmiser. 
Dans  l'école  française,  comme  dans  celle  d'Italie,  on 
solfie  les  notes  en  les  nommant  par  leur  nom  :  ut,  ré, 
mi,  fa,  sol,  la,  si.  Il  est  à  remarquer  que  ces  sept 


SON  207 

lettres  correspondent  aux  sept  syllabes  de  l'hymne  de 
Saint-Jean  : 

Ut  queant  Iaxis  Solve  polluti 

Resonare  flbris,  Labii  reatum, 

Mira  gestorum  Sancta  Joannis 

Tamuli  tuorum ,  Etc. ,  etc. 

Le  mot  solmisation,  comme  le  mot  solfège,  vient  de 
ce  que  l'échelle  diatonique  sur  lequel  était  basé  ce 
genre  d'étude  commençait  par  sol.  Il  en  est  de  cette 
étymologie  comme  de  celle  du  mot  alphabet,  qui  vient 
du  nom  des  deux  premières  lettres  grecques  alpha  et 
bêta,  dont  on  a  composé  le  terme  qui  est  en  usage 
dans  notre  langue.  Les  Allemands  et  les  Anglais  se 
se  servent  pour  solfier  des  lettres  romaines  A,  B,  G,  D, 
E,  F,  G,  substituées  par  saint  Grégoire,  au  VIe  siècle, 
aux  lettres  grecques. 

Son.  Le  son  n'est  point  un  corps  ou  un  être  maté- 
riel, mais  seulement  une  propriété  d'autres  corps, 
notamment  de  l'air  qui  le  produit  sous  l'influence  des 
agents  qui  le  font  entrer  en  vibration;  car  on  sait 
qu'il  n'y  a  pas  de  son  possible  dans  le  vide.  L'on  sait 
de  même  que  toute  espèce  de  son  est  incontestable- 
ment déterminée  par  la  vibration  des  corps  élastiques, 
et  que  son  plus  ou  moins  grand  caractère  d'unité  dé- 
pend du  nombre  plus  ou  moins  grand  de  ces  vibra- 
tions. L'air  n'est  pas  le  seul  véhicule  du  son,  quoiqu'il 
en  soit  le  plus  ordinaire,  et  l'on  sait  même,  depuis 
Descartes,  qu'il  se  transmet  plus  rapidement  par  le 
moyen  des  liquides  que  par  celui  des  gaz  et  des 
fluides.  La  transmission  par  ces  derniers,  notamment 
par  l'air,  est  surtout  bien  moins  rapide  que  par  les 
solides,  tels  que  le  bois,  le  fer,  par  exemple. 

Les  nuances  des  sons  varient  à  l'infini,  comme  le 
nombre  des  vibrations  qui  les  produisent.  On  nomme 
intervalle  le  rapport  d'un  son  à  un  autre,  ou  plutôt 


208  SON 

le  rapport  entre  les  nombres  de  vibrations  qui  pro- 
duisent ces  sons.  Les  intervalles  prennent  différents 
noms,  relativement  au  nombre  de  sons  qui  se  trou- 
vent entre  ceux  que  Ton  compare.  On  les  nomme 
seconde,  tierce,  quarte,  quinte,  sixième,  septième,  octave, 
quand  les  sons  composés  se  suivent  immédiatement, 
ou  quand  l'oreille  peut  intercaler  1,  2,  3,  4,  5,  6  sons 
intermédiaires. 

Le  mot  bruit,  pris  quelquefois  pour  synonyme  de 
son,  est  spécialement  consacré  à  caractériser,  en  fait 
de  sons,  tous  ceux  qui  ne  sont  pas  ce  qu'on  nomme 
musicaux  proprement  dits. 

Son  de  voix,  Ton  de  voix.  Ces  deux  expressions, 
synonymes  en  ce  qu'elles  expriment  les  affections 
caractéristiques  de  la  voix,  ont  cependant  entre  elles 
des  différences  considérables.  Le  son  de  voix  est  dé- 
terminé par  la  construction  physique  de  l'organe;  il 
est  doux  ou  rude,  agréable  ou  désagréable,  etc.  Le 
ton  de  voix  est  une  inflexion  déterminée  par  les 
affections  intérieures  que  l'on  veut  peindre.  Il  est, 
selon  l'occurrence,  impérieux  ou  soumis,  fier  ou 
humble,  vif  ou  froid,  sérieux  ou  ironique,  triste 
ou  gai. 

Sonate.  La  sonate,  du  mot  italien  suonare,  sonner, 
s'applique  au  jeu  de  tous  les  instruments;  c'est  une 
pièce  de  musique  instrumentale,  quelquefois  avec 
accompagnement.  Elle  prend  le  nom  de  trio,  quand 
elle  est  accompagnée  par  un  troisième  instrument. 
La  sonate  se  compose  ordinairement  de  deux  ou  trois 
morceaux  :  1°  allegro  ;  2o  adagio  ;  3°  rondo  ou  presto. 
Toutefois,  Sébastien  Bach  a  composé  des  sonates  à 
quatre  et  même  cinq  morceaux,  qui  ont  obtenu  long- 
temps un  grand  succès,  ce  que  notre  génération  a  le 
tort  de  ne  pas  connaître. 

La  sonate  se  rapproche  du  concerto  et  de  la  fantai- 
sie, en  ce  sens  qu'elle  est  un  morceau  d'exécution 


SON  209 

composé  pour  faire  briller  l'artiste  ;  mais  le  style  en 
est  plus  sévère;  de  sorte  qu'elle  est  en  même  temps 
une  véritable  étude,  un  exercice,  et  quelquefois  une 
pièce  fort  difficile  pour  un  seul  instrument.  Quelque 
resserré  que  soit  le  cadre  dans  lequel  se  renferme  cette 
composition  musicale,  un  harmoniste  habile  peut 
y  jeter  des  effets  d'une  certaine  puissance;  il  doit 
môme  s'attacher  à  tempérer  la  sévérité  un  peu  péda- 
gogique du  genre  par  de  gracieuses  mélodies,  des 
thèmes  originaux  et  des  accompagnements  variés. 

La  sonate  demande  à  être  jouée  avec  une  irrépro- 
chable précision  ;  elle  ne  souffre  ni  broderies,  ni  péri- 
phrases, ni  aucun  de  ces  traits  brillants,  mais  para- 
sites, désignés  dans  l'école  sous  le  nom  de  fioritures, 
MM.  Baillot  et  Liszt  ont  donné  des  modèles  d'exécu- 
tion, le  premier  dans  les  sonates  de  Tartini  et  de 
Yiotti,  le  second  dans  celles  de  Beethoven,  admi- 
rables chefs-d'oeuvre  où  se  retrouve  tout  entier,  avec 
autant  d'éclat  que  d'élévation  et  de  profondeur,  le 
génie  du  créateur  des  symphonies. 

Presque  tout  le  dix-huitième  siècle  fut  l'esclave  de 
la  sonate,  et  chacun  connaît  la  boutade  que  ce  culte 
exclusif  pour  une  idole  maintenant  tombée,  inspira  à 
Fontenelle.  De  notre  temps,  M.  Fétis,  parodiant  l'ex- 
clamation comique  de  l'ingénieux  auteur  de  la  Plu- 
ralité des  mondes y  a  pu  dire  :  Sonate,  où  es-tu?  Et  de 
fait,  la  sonate  est  morte,  morte  à  petit  bruit,  sans  fu- 
nérailles, sans  oraison  funèbre. 

Les  meilleures  sonates  pour  le  piano  sont  de  Ch.- 
Emmanuel  Bach,  Haydn,  Mozart,  Beethoven,  dé- 
menti, Dusseck  et  Hummel.  Tous  les  artistes  connais- 
sent les  sonates  de  Sébastien  Bach  pour  clavecin  et 
violon.  Krumpholtz  a  fait  pour  la  harpe  ce  que  dé- 
menti avait  fait  pour  le  piano.  Gorelli,  Tartini,  Loca- 
telli,  Leclair,  Yiotti,  Baillot,  Pleyel  et  Kreutzer  ont 
écrit  d'excellentes  sonates  de  violon.  Fruncischello  et 


210  SUB 

Duport  ont  également  laissé  sous  le  même  titre  des 
études  fort  utiles  pour  le  violoncelle.  Les  sonates  à 
instruments  à  vent  sont  rares  et  peu  estimées.  Il  faut 
cependant  en  excepter  celles  de  Krommer  et  du  savant 
et  regrettable  Reicha. 

Sons  antiphones.  Ce  sont  ceux  qui,  à  la  distance 
d'une  ou  plusieurs  octaves,  font  consonnance  entre 
eux. 

Sourdine.  Petit  instrument  de  bois,  que  l'on  en- 
châsse sur  le  chevalet  du  violon,  de  la  viole  ou  du 
violoncelle,  pour  en  intercepter  les  vibrations  et 
en  diminuer  par  conséquent  le  son.  La  sourdine, 
en  affaiblissant  les  sons,  change  leur  timbre  et  leur 
donne  un  caractère  sombre  et  mélancolique. 

Strette.  Mot  qui  vient  de  l'italien  et  qui  signifie 
étroit,  serré.  Il  se  rapporte  au  mouvement  d'un  mor- 
ceau de  musique,  et  indique  une  marche  plus  serrée, 
plus  rapide  que  celle  que  l'on  suivait  déjà. 

Strophe.  Couplet  ou  stance  d'une  ode  ou  d'une 
pièce  de  vers  lyriques,  dont  le  sujet  est  noble. 

Subvention.  C'est  la  part  d'argent  que  donne  le  Gou- 
vernement à  des  scènes  privilégiées  pour  les  aider  à 
marcher  glorieusement  dans  la  voie  du  progrès  mu- 
sical et  dramatique.  Les  théâtres  subventionnés  à  Pa- 
ris sont  :  l'Académie  impériale  de  musique,  le  théâtre 
de  l'Opéra-Comique,  le  Théâtre-Italien,  le  Théâtre- 
Français  et  l'Odéon.  Ce  mot  s'applique  aussi  aux  Con- 
servatoires de  musique  placés  sous  la  surveillance  du 
Gouvernement.  Celui  de  Paris  est  entièrement  sub- 
ventionné par  l'État;  ceux  des  départements  le  sont 
en  partie  par  l'Etat  et  en  partie  par  les  administra- 
tions locales. 

En  Italie,  la  subvention  (dote)  est  plus  ou  moins 
forte  selon  le  rang  qu'occupent  les  cités  dans  l'ordre 
géographique,  ou  bien  selon  les  circonstances  qui 
président  à  l'ouverture  des  salles  de  théâtre.  C'est  la 


SUB  211 

commune  qui  donne  la  dote  et  le  Gouvernement  qui 
fixe  la  somme.  Comme  nos  centimes  additionnels 
dans  nos  budgets  des  départements  ou  d'arrondisse- 
ments, les  subventions  théâtrales  sont  proportion- 
nelles aux  produits  du  pays,  à  son  commerce,  à  sa 
population.  Le  gouvernement  ne  refuse  jamais  son 
approbation  aux  demandes  qu'on  lui  adresse  à  l'occa- 
sion des  foires,  qui  sont  les  saisons  les  plus  favorables 
aux  entreprises  de  théâtre.  Par  l'attrait  du  plaisir,  on 
fait  naître  la  concurrence  dans  les  affaires,  et  souvent 
la  fortune  publique  se  trouve  liée  à  la  renommée  des 
artistes  choisis  par  les  entrepreneurs. 

Substitution.  Dans  l'accord  de  dominante  sol,  si, 
ré,  fa,  sol,  et  dans  tous  les  autres  semblables,  au  lieu 
de  répéter  la  dominante  sol  à  l'octave  supérieure,  on 
peut  lui  substituer  le  sixième  degré  la. 

Quand  la  dominante  fondamentale  est  écrite,  la 
note  substituée  doit  en  être  à  une  neuvième  réelle  ; 
quand  elle  n'est  pas  écrite,  on  a  l'accord  de  septième 
de  sensible  si,  ré,  fa,  la,  dont  l'emploi  est  soumis  aux 
règles  suivantes  : 

Si  le  mode  est  majeur  et  si  la  note  substituée  n'est 
pas  abaissée  d'un  demi-ton  par  une  altération,  elle 
doit  se  trouver  toujours  à  une  distance  de  septième 
de  la  sensible. 

Si  ce  mode  est  mineur  ou  si  la  note  substituée  est 
abaissée  d'un  demi-ton  par  une  altération  quelcon- 
que, on  peut  très-bien  récrire  à  une  distance  de 
seconde  de  la  sensible. 

On  appelle  aussi  substitution  dans  quelques  an- 
ciens traités,  toute  espèce  de  prolongation  ou  de  re- 
tard, c'est-à-dire  toute  introduction  dans  un  accord 
quelconque  d'une  note  étrangère  à  cet  accord,  pourvu 
que  les  règles  de  la  préparation  et  de  la  résolution 
soient  bien  observées. 


212  SYM 

La  substitution  peut  avoir  lieu  dans  tous  les  tons 
et  dans  tous  les  modes. 

Suède  (de  la  musique  en).  L'art  musical  est  consi- 
déré par  les  Suédois  comme  une  partie  importante 
de  l'éducation,  surtout  parmi  les  femmes.  Les  pro- 
fesseurs de  musique  jouissent  de  beaucoup  de  consi- 
dération, et  sont  accueillis  avec  honneur  dans  les 
classes  les  plus  élevées  de  la  société.  Dans  les  mon- 
tagnes, les  bergers  suédois  se  servent  d'une  espèce  de 
longue  trompette  faite  d'écorce  de  bouleau  qu'ils  ap- 
pellent mir.  Cet  instrument  qui  a  quelquefois  quatre 
pieds  de  long,  rend  un  son  très-perçant,  et  dans  un 
temps  calme  il  peut  être  entendu  à  une  grande  dis- 
tance. Quoique  le  son  de  cette  trompette  soit  très- 
fort  et  destiné  à  éloigner  les  bêtes  sauvages,  il  n'est 
pas  désagréable. 

Malgré  leur  goût  pour  la  musique,  les  Suédois 
n'ont  point,  jusqu'aujourd'hui,  manifesté  de  génie 
pour  cet  art.  Il  y  a  un  théâtre  à  Stockholm,  mais 
on  n'y  représente  que  des  opéras  italiens  ou  français. 
Cette  capitale  possède  une  académie  de  musique 
fondée  en  1772  par  Gustave  III.  Jenny  Lind,  qui  est 
née  en  Suède,  donne  à  l'histoire  musicale  de  ce  pays 
un  grand  relief.  Mme  Nissen-Saloman,  cantatrice 
très-distinguée,  qui  a  chanté  sur  les  principaux  théâ- 
tres italiens  de  la  France,  de  la  Russie,  de  l'Allema- 
gne et  de  l'Italie,  est  aussi  d'origine  suédoise. 

Suite.  Nom  que  l'on  donnait  autrefois  à  une  col- 
lection de  morceaux  de  musique  pour  clavecin  et 
qui  différait  de  la  sonate  proprement  dite.  La  plupart 
de  ces  suites  contenaient  des  airs  de  danse  précédés 
par  l'allemande.  Les  suites  de  Hsendel  traverseront 
les  siècles,  à  cause  des  belles  fugues  dont  elles  sont 
enrichies  et  qui  sont  des  modèles  dans  ce  genre. 

Sympiioniaste.  Compositeur  de  plain-chant.  Ce 
terme,  employé  par  l'abbé  Lcbœuf,  était  autrefois 


SYM  213 

technique,  on  ne  l'emploie  guère  aujourd'hui  dans 
ce  sens. 

Symphonie.  Pièce  divisée  en  trois  ou  quatre  mor- 
ceaux et  composée  pour  l'orchestre. 

La  symphonie  commence  le  plus  souvent  par  une 
courte  introduction  d'un  mouvement  lent,  qui  con- 
traste avec  la  vivacité,  l'éclat,  la  véhémence,  l'en- 
traînante rapidité  du  premier  allegro  qu'elle  prépare. 
Vient  ensuite  un  andante  varié,  un  cantabile  ou  un 
adagio  suivi  d'un  menuet  ;  un  rondo  vif  et  brillant, 
un  finale  plein  de  mouvement  et  de  vigueur,  termi- 
nent cette  œuvre,  une  des  plus  importantes  en  musi- 
que. Rien  qui  émeuve,  qui  entraîne  comme  une  belle 
symphonie,  traduisant  avec  des  gradations  habile- 
ment ménagées  toutes  les  nuances  du  sentiment. 

Au  dix-huitième  siècle,  Corelli,  Geminiani,  Vi- 
valdi, en  composant  leurs  concerti  grossi,  avaient  ou- 
vert la  carrière  de  la  symphonie.  Mais,  malgré  l'in- 
contestable talent  de  ces  virtuoses  célèbres ,  ce  genre 
de  composition  présentait  encore  toutes  les  imper- 
fections d'un  premier  essai.  Il  lui  restait  à  acquérir 
une  forme  plus  originale,  à  prendre  un  essor  plus 
vigoureux,  plus  hardi.  Haydn  lui  donna  une  vie 
nouvelle,  l'anima  du  souffle  ardent  de  son  génie, 
l'éleva,  en  un  mot,  à  un  haut  degré  de  perfection.  Ses 
symphonies  sont  d'admirables  chefs-d'oeuvre,  qui  ont 
toujours  d'irrésistibles  séductions,  même  pour  les 
oreilles  les  moins  familiarisées  avec  les  délicatesses  de 
l'art. 

Mozart  et  Beethoven  ont  fait  aussi  des  symphonies 
qui  sont  des  créations  sublimes,  et  où  l'on  xetrouve 
celte  verve,  cette  abondance  d'idées,  cette  fécondité 
inépuisable,  cette  variété  de  style  et  de  coloris  qui  dis- 
tinguent ces  grands  compositeurs.  Mendelsohn  doit 
être  encore  cité  de  nos  jours  comme  un  des  meilleurs 
compositeurs  dans  ce  genre  de  composition,  qui  exige 


214  SYN 

à  la  fois  de  l'habileté,  de  l'inspiration  et  une  science 
profonde. 

Bien  qu'elle  n'ait  abordé  le  genre  de  la  symphonie 
que  longtemps  après  l'Italie  et  l'Allemagne,  la  France 
a  déjà  obtenu  de  brillants  succès  sous  ce  rapport.  Une 
des  illustrations  de  l'école  française,  un  de  nos  pre- 
miers compositeurs  dramatiques,  Méhul,  a  fait  des 
symphonies  qui  ne  sont  pas  un  de  ses  moindres 
titres  de  gloire.  Et  de  nos  jours,  celles  de  M.  Berlioz 
brillent  par  des  effets  nouveaux,  par  la  hardiesse  de 
la  conception,  par  une  instrumentation  habile  et  sa- 
vante. MM.  Félicien  David,  Th.  Gouvy,  Louis  La- 
combe,  Henry  Reber,  Onslow,  ont  fait  aussi  des  sym- 
phonies qui  méritent  d'être  signalées. 

Depuis  quelques  années,  le  Conservatoire  a  tra- 
vaillé avec  succès  à  populariser  chez  nous  les  sympho- 
nies des  grands  maîtres.  Ces  œuvres  remarquables  ne 
pouvaient  avoir  de  meilleurs  interprètes  que  les  mem- 
bres de  la  Société  des  concerts. 

Symphonie  caractéristique.  Cette  composition  se 
propose  pour  but  la  peinture  de  quelque  caractère 
moral,  comme  le  Distratto  de  Haydn ,  ou  de  quelque 
phénomène  physique,  par  exemple,  la  tempête,  l'in- 
cendie; ou  bien  elle  a  une  couleur  bien  tranchée,  un 
coloris  qui  lui  est  propre,  comme  la  symphonie  turque 
de  Haydn,  les  magnifiques  symphonies  pastorales  ou 
héroïques  et  les  Ruines  d'Athènes,  de  Beethoven. 

Symphonie  concertante.  Morceau  concerté  pour 
plusieurs  instruments  obligés  avec  accompagnement 
d'orchestre. 

Symphoniste.  Celui  qui  compose  des  symphonies. 
Ce  mot  s'applique  aussi  au  musicien  qui  joue  des 
instruments  de  musique,  qui  est  plutôt  un  bon  mu- 
sicien d'ensemble  qu'un  soliste,  ou  bien  encore  qui 
compose  des  œuvres  qu'on  joue  sur  ces  instruments. 

Syinaphe.  C'était,  dans  l'uncicnne  musique,  lacon- 


TAC  9tf 

jonction  do  doux  tétracordes,  au  moyen  de  laquelle 
la  quatrième  corde  d'un  tétracorde  devenait  en  même 
temps  la  première  du  tétracorde  suivant. 

Syncope.  Prolongement  sur  le  temps  fort  d'un  son 
commencé  sur  le  temps  faible.  Ainsi,  toute  note 
syncopée  est  à  contre- temps,  et  toute  suite  de  notes 
syncopées  est  une  marche  à  contre-temps. 

Synnemenon.  Nom  du  troisième  tétracorde  de  l'an- 
cien système  grec,  lorsqu'il  était  conjoint  au  second. 

Synnemenon  diatonos.  C'était,  dans  le  genre  dia- 
tonique, le  nom  qu'on  donnait  à  la  troisième  corde 
de  ce  même  tétracorde,  et  qu'on  nommait  aussi 
paranète  synnemenon. 

Syringes.  Ancien  nom  de  la  flûte  de  Pan. 

Système.  (Voyez  Théorie.) 

Syzygia.  C'était,  dans  l'ancienne  musique,  une 
union  consonnante  de  sons. 


T.  Celte  lettre,  écrite  alternativement  avec  s,  si- 
gniGe  tutti,  et  alors  s  signifie  solo.  Quand  t  est  réuni 
à  s,  comme  ts,  cela  veut  dire  tasto  solo  (à  touche 
seule). 

Table  d'harmonie.  C'est  dans  les  clavecins,  les 
pianos,  les  harpes,  une  planche  de  sapin  assez  mince 
qui  sert  de  couverture  à  l'espèce  de  caisse  destinée  à 
recevoir  l'air  agité  par  les  vibrations  des  cordes,  et  à 
augmenter  ainsi  la  sonorité  de  l'instrument.  Le  dessus 
du  violon,  de  la  viole,  du  violoncelle,  de  la  contre- 
basse, de  la  guitare,  est  une  table  d'harmonie, 

Tacet,  Ce  mot  latin  s'écrit  dans  la  musique  pour 


216  TAM 

indiquer  le  silence  d'une  partie  pendant  l'exécution 
d'un  morceau. 

Taille.  Nom  que  l'on  donnait  autrefois  en  France 
à  la  voix  de  ténor.  On  dit  encore  basse-taille,  qui  si- 
gnifie ténor  grave. 

Tambour.  C'est  un  des  instruments  militaires  les 
plus  anciens.  Il  était  en  usage  chez  tous  les  peuples 
de  l'antiquité,  excepté  chez  les  Grecs  et  les  Romains, 
qui  le  remplaçaient  par  les  timbales  et  par  la  buccine. 
Les  premiers  Francs  ne  connurent  que  l'usage  du 
clairon. 

Le  tambour  a  été  importé  en  Europe  par  les  Sar- 
rasins et  parles  Maures.  Les  Allemands,  les  Anglais,  les 
Italiens  et  les  Espagnols  s'en  servirent  ensuite  les  pre- 
miers; il  n'apparaît  en  France  qu'en  1347,  lors  de 
l'entrée  d'Edouard  III,  roi  d'Angleterre,  à  Calais.  C'est 
à  partir  de  cette  époque  qu'on  a  créé  des  tambours 
dans  l'infanterie,  et  que  l'usage  de  la  caisse  s'y  est 
introduit  avec  rapidité. 

Avec  cet  instrument,  on  bat  le  rappel  ou  la  géné- 
rale, pour  réunir  les  corps  ;  la  retraite,  pour  annon- 
cer, le  soir,  l'heure  de  rentrer  à  la  caserne,  et,  sur  le 
champ  de  bataille,  la  fin  d'un  combat;  la  charge, 
pour  marcher  en  avant  et  contre  l'ennemi,  attaquer 
une  position,  un  fort,  une  redoute,  un  village.  Les 
autres  batteries  de  caisse  sont  la  diane,  la  breloque, 
autrefois  appelée  fascine,  parce  qu'elle  servait  à  aver- 
tir les  travailleurs;  le  roulement,  aux  champs,  au  dra- 
peau, Yassemblée,  le  ban,  qui  se  bat  à  l'entrée  des 
troupes  dans  les  places  où  elles  vont  tenir  garnison, 
ou  pour  recevoir  un  officier  à  la  tète  des  troupes. 

Tambour  (gros),  vulgairement  appelé  grosse  Caisse 
ou  simplement  Caisse.  C'est  un  tambour  d'une  grande 
dimension  que  l'on  emploie  dans  la  musique  mili- 
taire, et  dont  les  frappements  réguliers  marquent  la 
mesure  et  le  rhythme.  Rossiniet  les  musiciens  de  son 


T4M  217 

école  ont  introduit  le  gros  tambour  dans  les  finales  et 
autres  morceaux  d'opéra. 

La  grosse  caisse  est  d'un  admirable  effet  quand  on 
l'emploie  habilement,  dans  un  vaste  orchestre;  et 
lorsque  le  rhythme  s'est  fortifié  peu  à  peu  par  l'intro- 
duction successive  des  instruments  les  plus  sonores, 
l'entrée  crescendo  de  la  grosse  caisse  peut  lui  donner 
une  physionomie  grandiose  et  formidable.  Les  notes 
pianissimo  de  la  grosse  caisse,  frappées  à  de  longs  in- 
tervalles au  milieu  d'un  andante  de  l'orchestre ,  ont 
quelque  chose  de  solennel  et  de  mystérieux  qui  saisit 
l'imagination.  Frappée  seule  au  contraire,  et  pianis- 
simo, la  grosse  caisse  prend  une  expression  mena- 
çante et  ressemble  à  un  coup  de  canon  lointain. 

De  tous  les  instruments  à  percussion,  la  grosse 
caisse  est  celui  dont  on  a  le  plus  abusé  depuis  une 
vingtaine  d'années.  On  l'emploie  maintenant  dans 
tous  les  morceaux  d'ensemble,  dans  tous  les  finales, 
dans  tous  les  chœurs  et  même  dans  les  airs  de  danse. 
Frapper  platement  les  temps  forts  de  la  mesure,  dit 
un  critique  célèbre,  à  la  façon  des  joueurs  de  gobelets, 
des  saltimbanques,  des  avaleurs  de  sabres  et  de  ser- 
pents, écraser  l'orchestre,  exterminer  les  voix,  étouf- 
fer la  mélodie,  l'harmonie,  c'est  le  comble  delà  dé- 
raison et  de  la  brutalité.    , 

Tambour  roulant,  ou  Caisse  roulante.  Tambour 
du  diamètre  des  tambours  ordinaires,  mais  plus  haut 
de  la  moitié  environ.  Ce  tambour  s'emploie  dans  la 
musique  militaire.  Le  son  qu'il  rend  est  fort  doux. 

Tambourin.  Espèce  de  tambour  moins  large  et  plus 
long  que  le  tambour  ordinaire,  sur  lequel  on  bat 
avec  une  seule  baguette,  et  qu'on  accompagne  ordi- 
nairement avec  une  petite  flûte  pour  faire  danser  les 
villageois. 

Tambour  de  basque.  On  désigne  ainsi  une  sorte  de 
petit  tambour  qui  n'a  qu'un  fond  de  peau  tendue  sur 

T.  II.  7 


218  TAK 

un  cercle  de  bois,  autour  duquel  il  y  a  des  plaques  de 
cuivre  et  des  grelots,  et  dont  on  joue  avec  le  bout  des 
doigts  ou  en  l'agitant.  Les  Bohémiens  s'en  servent  en 
dansant  leurs  sarabandes.  Quelques  commentateurs 
prétendent  que  Marie,  sœur  de  Moïse,  frappait  un 
semblable  tambour  en  chantant  le  cantique  de  joie  du 
15e  chapitre  de  l'Exode. 

Tamtam.  Instrument  de  musique  à  percussion,  ori- 
ginaire des  Indes  orientales  ou  de  la  Chine.  11  se  com- 
pose d'un  large  plateau  de  métal,  sur  lequel  on 
frappe  avec  un  marteau  ou  avec  une  forte  baguette 
garnie  d'un  tampon  de  peau.  Le  son  qui  en  résulte 
est  d'un  caractère  lugubre.  Il  a  d'abord  une  très- 
grande  force,  qu'il  perd  ensuite  dans  des  vibrations 
prolongées.  Ce  son  étrange,  qui  réveille  un  senti- 
ment de  terreur,  ces  vibrations  lentes  et  continues 
sont  dues  à  la  combinaison  des  métaux  dont  l'instru- 
ment est  forgé,  et  plus  encore  à  la  manière  dont  il  est 
trempé.  L'analyse  de  plusieurs  tamtams  venus  d'O- 
rient a  fait  reconnaître  qu'il  entre  dans  la  composi- 
tion de  cet  instrument  quatre  parties  de  cuivre  jaune 
et  une  partie  d'étain  mêlée  d'un  peu  de  zinc,  selon  les 
uns,  et  sans  autre  mélange,  suivant  d'autres.  Quant 
à  la  trempe,  elle  se  pratique  en  sens  inverse  de  la  ma- 
nière dont  on  s'en  sert  ordinairement  avec  les  autres 
métaux,  c'est-à-dire  que  le  refroidissement,  au  lieu 
d'être  subit,  s'opère  par  gradation  et  très  lentement. 
Le  tamtam,  fort  en  usage  chez  les  Orientaux,  ne  s'em- 
ploie chez  nous  que  bien  rarement,  avec  beaucoup  de 
réserve,  et  seulement  dans  la  musique  funèbre,  ou 
dans  certaines  scènes  de  musique  dramatique  desti- 
nées à  produire  des  effets  d'un  caractère  sombre  et 
terrible. 

Tapon.  Gros  tambour  en  usage  dans  les  Indes 
Orientales,  qu'on  frappe  avec  le  dos  de  la  main. 

Tarantelle.  Air  de  danse  napolitain,  d'un  carac- 


TAU  219 

1ère  gai,  en  mesure  à  6/8,  et  d'un  mouvement  vif.  La 
tarantelle  est  ordinairement  accompagnée  de  tam- 
bour de  basque. 

Tarentisme.  Le  tarentisme  est  le  nom  de  la  mala- 
die singulière  attribuée  à  la  piqûre  de  cet  insecte,  es- 
pèce d'araignée  qui  se  trouve  en  Italie,  et  particuliè- 
rement dans  la  Pouille.  Le  charlatanisme,  qui  pé- 
nètre partout,  a  voulu  faire  de  la  musique  un  remède 
universel.  C'est  à  ce  charlatanisme  qu'il  faut  attri- 
buer la  fable  de  l'efficacité  de  la  musique  contre  la 
morsure  de  la  tarentule. 

Baglivi,  célèbre  docteur  italien,  parle  d'une  femme 
mordue  par  la  tarentule.  Elle  fut  mordue  dans  une 
cave,  mais  elle  ne  sentit  pas  cette  morsure  à  l'instant, 
et  elle  revint  chez  elle  sans  s'en  être  aperçue.  L'après- 
midi,  il  lui  vint  à  la  jambe  une  petite  tumeur,  grosse 
comme  une  lentille,  accompagnée  de  défaillance. 
Elle  se  jeta  sur  un  lit  et  commença  à  trembler  si  fort, 
que  deux  hommes  vigoureux  pouvaient  à  peine  la 
tenir.  Elle  sentit  ensuite  des  douleurs  aux  mains  et 
aux  pieds.  On  alla  chercher  un  médecin  qui  fit  ouvrir 
la  tumeur  et  employa  quelques  emplâtres  ;  ce  re- 
mède ne  produisit  aucun  effet.  Les  parents,  soup- 
çonnant d'abord  que  leur  fille  avait  été  mordue  de  la 
tarentule,  envoyèrent  chercher  des  musiciens.  Ceux- 
ci  essayèrent  d'abord  deux  ou  trois  airs  sans  le 
moindre  résultat;  mais  au  quatrième,  la  malade 
parut  attentive.  Ensuite  elle  commença  à  danser 
d'une  manière  si  extravagante  et  avec  tant  de  vi- 
gueur et  de  rapidité,  qu'elle  fut  bientôt  délivrée  de 
tout  mal.  Depuis  cette  guérison,  ajoute  Baglivi,  elle 
jouissait  de  la  meilleure  santé. 

Malgré  l'opinion  de  Bagîivi  et  d'un  grand  nombre 
d'auteurs  anciens  qui  ont  écrit  sur  le  tarentisme,  on 
ne  croit  plus  maintenant  à  l'origine  de  cette  maladie. 


220  TEL 

L'opinion  actuelle  des  médecins  est  tout  en  faveur 
de  l'innocuité  de  la  piqûre  de  la  tarentule. 

Tasto  solo  (à  touche  seule).  Mots  italiens  qu'on 
écrit  dans  la  partie  de  l'organiste,  pour  lui  faire 
connaître  qu'il  ne  doit  pas  accompagner  la  basse  par 
les  accords  de  la  main  droite. 

Taun.  Instrument  en  usage  sur  les  côtes  de  la 
Barbarie. 

Téléphonie,  de  télé, —  loin,  et  phonê, — voix.  C'est 
une  télégraphie  vocale  ou  moyen  de  correspondre  à 
de  longues  distances  par  la  puissance  du  son.  Tout 
le  monde  sait  que  M.  Sudre  est  l'inventeur  de  cette 
admirable  découverte ,  et  la  presse  a  souvent  parlé 
de  ses  trompettes  adoptées  par  M.   le   ministre  de 
la  marine,  et  servant  à  la  transmission  du  son  té- 
léphonique sur  les  vaisseaux  de    guerre.    Ce  sys- 
tème de  correspondance  est  tellement  simple,  tel- 
lement facile  et  à  la  portée  des  intelligences  les  plus 
bornées,  que  deux  ou  trois  minutes  d'explications 
suffisent  pour  apprendre  à  le  faire  fonctionner.  On 
peut  en  faire  l'expérience  au  moyen  d'un  seul  signe 
clair  ou  lumineux.  A  l'aide  de  toute  chose  apparente 
ou  sonore,  M.  Sudre  peut  transmettre  des  phrases, 
des  ordres  et  donner  des  avis.  Ainsi  donc,  que  ce 
soit  un  pavillon,  une  lumière,  le  bruit  du  canon,  ce- 
lui du  tambour,  ou  bien  un  corps  opaque  de  quel- 
que nature  qu'il  soit,  fût-ce  même  un  soldat  ou  un 
cavalier,  en  un  mot,  tout  ce  qui  se  voit  la  nuit  ou  le 
jour,   peuvent   lui   servir   d'appareil  télégraphique 
pour  correspondre  au  loin. 

Comme  on  le  voit,  il  y  a  le  double  emploi  de  la 
lumière  et  du  son  dans  la  téléphonie.  En  créant  une 
langue  universelle,  M.  Sudre  a  voulu  réunir  plusieurs 
avantages;  il  a  voulu  former  un  mode  de  communi- 
cation capable  d'exprimer  toutes  nos  idées;  il  a 
voulu  que  la  nouvelle  langue  fût  susceptible  d'être 


TEM  221 

rendue  par  des  sons,  par  des  caractères,  par  des 
gestes  ;  qu'elle  pût  servir,  soit  à  communiquer  de 
près,  soit  à  transmettre  les  idées  rapidement  au  loin; 
qu'elle  pût  à  volonté  être  employée,  ou  pour  com- 
muniquer sans  mystère,  ou  pour  établir  des  commu- 
nications secrètes  ;  enfin  que  le  système  des  sons  ne 
fût  pas  susceptible,  comme  la  prononciation  des 
langues  parlées,  de  changer  successivement  avec  le 
temps,  mais  qu'il  fût  de  sa  nature  inaltérable. 

Yoilà  le  résultat.  Quant  au  moyen,  il  consiste  à 
donner  aux  sept  notes  de  la  musique  une  valeur  équi- 
valente à  peu  près  à  celle  des  signaux  configurés  par 
les  branches  du  télégraphe.  De  plus,  l'invention  de 
M.  Sudre  a  sur  celle  des  frères  Chappe  l'avantage 
d'être  perceptible  par  trois  sens  au  lieu  d'un  seul,  à 
savoir  par  l'ouïe  au  moyen  des  sons,  par  la  vue  au 
moyen  des  signaux  fournis  par  les  doigts  et  corres- 
pondant aux  notes,  enfin  par  le  toucher,  au  moyen 
de  ces  mêmes  signaux  rendus  sensibles  par  le  con- 
tact. 

M.  Sudre  a  aussi  inventé  un  nouvel  instrument 
monstre  à  air  comprimé,  ayant  la  faculté  de  porter 
le  son  à  deux  lieues  de  distance.  Cet  instrument,  à 
l'usage  des  armées  de  terre  et  de  mer,  présente  les 
ressources  les  plus  importantes  pour  transmettre, 
pendant  la  nuit  ou  en  temps  brumeux,  et  toujours 
au  moyen  de  la  téléphonie,  des  ordres  d'un  corps 
d'armée  à  un  autre,  d'un  vaisseau  à  un  autre  vais- 
seau. 

Tempérament.  On  appelle  tempérament  une  alté- 
ration presque  insensible  de  la  valeur  du  dièse  et  du 
bémol,  pour  les  faire  coïncider  au  même  point  dans 
les  instruments  à  sons  fixes,  tels  que  les  pianos,  les 
orgues,  les  harpes,  etc.  Dans  leur  état  naturel,  ut  dièse 
et  ré  bémol  ne  coïncident  pas  :  ut  dièse  est  plus 
élevé  que  ré  bémol.  Il  fallait  donc  altérer  un  peu  cet 


222  TEM 

état  naturel  pour  ne  pas  multiplier  à  l'infini  les 
touches  du  clavier,  et  pour  le  rendre  accessible  aux 
mains  des  pianistes. 

Tempérament.  Dans  le  système  moderne,  appelé 
tempéré,  on  trouve  que  tous  les  intervalles  ne  peuvent 
pas  être  pratiqués  dans  leur  justesse  parfaite,  mais 
qu'ils  perdent  tantôt  sur  un  point,  tantôt  sur  un 
autre,  quelque  chose  de  leur  acuité  ou  gravité.  En 
effet,  l'expérience  nous  montre  qu'une  suite  de  tierces 
majeures  et  mineures,  de  quintes  et  de  quartes,  ac- 
cordées avec  un  justesse  rigoureuse,  lorsqu'elles  ar- 
rivent à  un  terme  donné,  produisent  un  son  ou  trop 
haut  ou  trop  bas,  relativement  aux  premiers.  C'est 
pour  obvier  à  cei  inconvénient  que  l'on  est  dans  la 
nécessité  d'altérer  l'un  ou  l'autre  son,  afin  de  combi- 
ner les  intervalles  d'un  mode  avec  ceux  de  l'autre  ;  et 
c'est  le  résultat  de  cette  opération  qu'on  appelle  tern* 
pérament. 

Tempo  di  marcia,  Mouvement  de  marche.  Ordinai- 
rement allegro  maestoso. 

Tempo  di  minuetto,  Mouvement  de  menuet.  Autre- 
fois c'était  un  mouvement  modéré,  propre  à  l'air  de 
danse  du  môme  nom.  Peu  à  peu  ce  mouvement  s'est 
accéléré,  et  maintenant  il  est  en  général  très-rapide. 

Temporiser.  Ceux  qui  accompagnent  et  ceux  qui 
dirigent  sont  souvent  obligés,  pour  seconder  le  chan- 
teur ou  le  concertiste,  de  s'écarter  de  l'exacte  obser- 
vation de  la  mesure  et  d'allonger  ou  abréger  la  justesse 
du  temps.  Cette  manière  de  procéder  s'appelle  en 
italien  temporiser. 

Temps  fort.  C'est  le  nom  que  l'on  donne  à  la  par- 
tie la  plus  sensible  de  la  mesure,  par  opposition  à 
celle  qui  est  la  moins  sensible,  et  qu'on  appelle  temps 
faible.  Dans  la  mesure  à  deux  temps,  c'est  le  premier 
qui  est  fort  ;  dans  la  mesure  à  trois  et  à  quatre  temps, 
le  premier  et  le  troisième  sont  forts. 


TER  223 

Temps,  Mesure.  La  mesure  est  la  division  des  sons 
en  espace  de  temps  égaux,  et  on  l'indique  au  moyen 
d'une  ligne  appelée  barre,  qui  traverse  la  portée.  Le 
signe  qui  se  trouve  marqué  immédiatement  après  la 
clef,  qualifie  la  mesure,  en  indiquant  :  1°  en  combien 
de  parties  elle  est  divisée;  2°  de  quelle  valeur  de  notes 
chacune  de  ces  parties  est  formée. 

On  distingue  deux  sortes  de  temps  ou  mesures,  les 
mesures  paires  et  les  mesures  impaires.  Les  mesures 
paires  sont  celles  qui  se  divisent  en  deux  ou  en  quatre 
parties,  comme  la  mesure  de  deux  noires,  etc.  Les 
mesures  impaires  sont  celles  qui  se  divisent  en  trois 
parties,  comme  la  mesure  de  trois  croches,  la  mesure 
de  neuf  noires,  etc. 

Tempus  imperfectum.  Nom  ancien  de  la  mesure  à 
temps  pairs,  où  une  brève  avait  la  valeur  de  deux  se-   4*^ ... 
mi-brèves. 

Tempus  perfectum.  C'est  ainsi  qu'on  appelait  au- 
fois  la  mesure  à  temps  impairs,  où  la  brève  valait 
deux  semi-brèves. 

Tempus  vacuum.  C'était,  dans  l'ancienne  musique, 
le  silence  que  l'on  pratiquait  dans  certaines  mélodies, 
lorsque  le  vers  final  manquait  d'une  syllabe,  afin  de 
conserver  un  mouvement  égal  dans  la  mesure. 

Teneidos.  C'est  le  nom  grec  d'un  morceau  de  mu- 
sique pour  la  flûte. 

Tenue.  Note  soutenue  pendant  un  certain  nombre 
de  mesures  ou  de  temps. 

Terpodium.  Instrument  appartenant  à  l'espèce  de 
clavi-cylindre,  inventé  en  1817  par  David  Buschmann, 
de  Gotha. 

Tertia  conjunctarum.  Nom  latin  de  la  seconde 
corde  du  tétracorde  synnemenon. 
Tertia  dïvisarum.  Seconde  corde  du  tétracorde 

dieuzeugmenon. 


§ 


224  THÉ 

Tertia  excellentium.  Nom  latin  de  la  seconde 
corde  du  tétracorde  hyperbolacon. 

Ter  unca.  Nom  ancien  de  la  double  croche. 

Testudo.  Nom  latin  du  luth. 

Tète.  La  tête  ou  le  corps  d'une  note  est  cette  par- 
tie qui  en  détermine  la  position,  et  à  laquelle  tient  la 
queue,  quand  elle  en  a  une. 

Tétracorde.  Ce  mot  grec  vient  de  tétra,  quatre,  et 
cordé,  corde. 

Tétradiapanos.  Nom  grec  de  la  triple  octave. 

Tétraoedios.  Les  Grecs  appelaient  de  ce  nom  un 
morceau  de  musique  composé  de  quatre  strophes, 
chacune  desquelles  se  chantait  dans  un  ton  différent 
des  autres. 

Tétratonon.  Nom  grec  de  la  quinte  augmentée, 
ou  sixte  mineure. 

Théâtre  italien.  La  première  troupe  d'opéra  ita- 
lien fut  appelée  en  France  par  le  cardinal  Mazarin, 
qui  ne  laissait  échapper  aucune  occasion  de  faire  sa 
cour  à  la  reine  Anne  d'Autriche.  Elle  débuta  à  Paris, 
en  1645,  sur  le  théâtre  du  Petit-Bourbon,  par  la  Festa 
teatrale  et  la  Finta  Pazza.  La  reine  Anne  d'Autriche 
avait  un  tel  goût  pour  le  spectacle,  qu'elle  y  allait  in- 
cognito, même  pendant  le  deuil,  après  la  mort  de 
Louis  XIII,  son  époux.  Depuis  cette  époque,  les  Ita- 
liens ne  négligèrent  jamais  les  occasions  de  venir  faire 
fortune  en  France,  où  on  était  heureux  de  les  possé- 
der et  de  les  enrichir.  L'École  musicale  française  est 
en  grande  partie  redevable  de  ses  progrès  à  l'école  mu- 
sicale italienne,  implantée  en  France  par  les  œuvres 
des  meilleurs  compositeurs  et  les  exemples  des  plus 
célèbres  chanteurs  ultramontains.  C'est  au  Théâtre- 
Italien  de  Paris  qu'on  a  entendu  les  chefs-d'œuvre 
de  Cimarosa,  Paër,  Paisiello,  Rossini,  Donizetti,  Bel- 
lini,  Mercadante,  Verdi,  interprétés  par  les  Crescen- 
tini,  les  Davide,  les  Garcia,  les  Rubini,  les  Galli,  les 


THÉ  225 

Tamburini,  les  Lablache,  les  Mario,  les  Grassini,  les 
Pasta,  les  Malibran,  les  Sontag,  les  Persiani,  les  Grisi, 
les  Cruvelli,  les  Delagrange.  N'oublions  pas  non  plus 
que  c'est  un  Italien,  Servandoni,  habile  machiniste 
attaché  au  service  de  Louis  XY,  qui  introduisit  sur  nos 
théâtres  les  pantomimes  à  décorations  et  à  tableaux. 

La  période  la  plus  prospère  du  Théâtre-Italien  de 
Paris  a  été  celle  de  la  direction  de  MM.  Robert  et  Se- 
verini.  L'incendie  qui,  en  1837,  dévora  la  Salle  Fey- 
deau  où  la  troupe  italienne  donnait  ses  représenta- 
tions, et  dans  lequel  M.  Severini  perdit  si  fatalement 
la  vie,  mit  fin  à  l'association  de  ces  deux  hommes  in- 
telligents, et  dès  lors  commença  la  décadence  de 
cette  scène  parmi  nous.  Les  directeurs  qui  se  sont 
succédé  depuis  à  la  tête  du  Théâtre-Italien,  sont  : 
MM.  Louis  Viardot,  Dormoy,  Yatel,  Dupin,  Ronconi, 
Lumley,  Corti  et  Ragani.  Le  plus  heureux  de  tous  a  été 
M.  Yatel,  qui,  en  suivant  les  traditions  laissées  par 
MM.  Robert  et  Severini,  a  su  gagner  une  fortune  con- 
sidérable sans  rien  faire  cependant  pour  le  progrès 
de  l'art. 

Thème.  Sujet  ou  partie  mélodique  déterminant  le 
caractère  de  la  composition  musicale,  ou  contenant 
le  motif  de  l'idée  principale  qui  y  est  exprimée,  et  à 
laquelle  se  joignent  ensuite  les  autres  idées  acces- 
soires du  morceau. 

Théorie  musicale.  Le  mot  théorie  vient  du  grec 
tkéôria  (contemplation),  et  ainsi  comprend  la  partie 
contemplative,  spéculative  d'une  science  ou  d'un  art. 
Ce  terme  est  ordinairement  pris  dans  le  sens  opposé 
du  mot  pratique. 

En  musique,  il  y  a  deux  manières  bien  tranchées 
d'envisager  la  théorie  :  la  première  consiste  à  recher- 
cher comment  le  son  se  produit  et  se  propage,  et 
quels  sont  les  rapports  des  sons  entre  eux,  c'est  la 
science  de  l'acoustique  ;  la  seconde  s'occupe  de  com- 

T.  II.  7* 

éÊk 


226  THÉ 

biner  les  sons  pour  faire  éprouver  à  l'âme  une  im- 
pression de  plaisir  ou  de  peine,  en  d'autres  termes 
pour  émouvoir,  c'est  Y  art  musical  proprement  dit. 

Sans  prétendre  nier  les  avantages  de  l'acoustique 
et  tout  en  reconnaissant,  au  contraire,  les  impor- 
tantes découvertes  réalisées  par  les  travaux  des  Pytha- 
gore,  des  Euler,  des  Lagrange,  des  Chladni,  des  Sa- 
vart,  des  Sauveur,  etc.,  nous  pensons  que  celte  bran- 
che des  connaissances  physico-mathématiques  doit 
demeurer  le  domaine  exclusif  des  savants,  et  qu'elle 
n'est  rien  moins  qu'utile  au  compositeur.  C'est  donc 
à  tort,  suivant  nous,  que  certains  maîtres  prétendent 
baser  uniquement  sur  l'acoustique  la  théorie  de  l'art 
musical,  et  croient  devoir  entrer  en  matière  par  un 
déluge  de  démonstrations  arithmétiques  et  algébri- 
ques, où  il  n'est  question  que  de  puissances,  déracines 
et  d'équations  ;  autant  vaudrait,  pour  un  peintre,  com- 
mencer l'étude  de  son  art  par  la  théorie  de  la  lumière, 
des  couleurs,  des  droites  et  des  courbes,  etc.  Encore 
une  fois,  tout  cela  n'est,  dans  ce  cas,  qu'un  vain  et 
stérile  étalage  de  science  :  on  peut  être  un  habile 
théoricien,  un  excellent  contrepointiste ,  un  grand 
compositeur,  on  peut  être  Mozart  ou  Haydn,  Bach  ou 
Palestrina,  Gluck  ou  Beethoven,  Meyerbeer  ou  Bos- 
sini,  Halévy  ou  Donizetti,  sans  connaître  les  rapports 
mathématiques  des  sons,  sans  savoir,  par  exemple, 
que  la  quinte  est  dans  la  proportion  de  3  :  2. 

Mais  en  rejetant  l'acoustique  de  l'enseignement 
purement  musical,  cet  enseignement  présente  encore 
deux  objets  bien  distincts  et  d'un  intérêt  égal,  ou  pour 
mieux  dire,  dont  l'un  n'est  que  le  moyen  d'arriver  à 
Ja  réalisation  de  l'autre  :  nous  entendons  parler  ici 
de  la  partie  technique  ou  matérielle,  et  de  la  partie 
esthétique  ou  idéale. 

La  première  étudie  les  diverses  modifications  dont 
le  son  est  susceptible  quant  à  la  hauteur,  à  la  durée, 


THE  227 

à  l'intensité  et  au  timbre;  les  diverses  combinaisons 
qu'il  offre  relativement  à  la  succession  ou  à  la  simul- 
tanéité, c'est-à-dire  la  mélodie  et  l'harmonie.  La  se- 
conde, qui  est  l'expression  la  plus  élevée  de  la  théorie, 
qui  en  est  le  résultat,  le  but,  en  un  mot  la  mise  en 
œuvre,  apprend  à  faire  des  préceptes  une  juste  appli- 
cation et  des  éléments  un  emploi  convenable  sous  le 
rapport  poétique  et  philosophique  de  l'art;  c'est  elle 
qui  exprime  les  sensations,  qui  peint  les  mouvements 
de  l'âme,  aussi  bien  que  les  scènes  de  la  nature,  c'est 
elle  qui  parle  ce  langage  si  souple,  si  varié,  si  riche  et 
si  puissant,  dont  tous  les  hommes  ont  instinctivement 
l'intelligence. 

Enfin  la  théorie  musicale  embrasse  encore  dans  sa 
généralité  l'art  d'exécuter  une  oeuvre  et  les  procédés 
d'exécution.  La  musique  a  pour  interprètes  la  voix  et 
les  instruments;  la  fabrication  de  ces  derniers  consti- 
tue donc,  à  ce  titre,  l'une  des  branches  les  plus  inté- 
ressantes de  la  science  musicale;  mais  en  général,  les 
individus  qui  s'y  consacrent  en  font  leur  spécialité 
presque  exclusive,  et  se  bornent  à  fournir  aux  exécu- 
tants les  instruments  dont  ceux-ci  ont  besoin;  voilà 
pourquoi  on  ne  peut  guère  admettre  l'art  du  facteur 
que  dans  la  partie  mathématique  de  la  théorie;  nous 
ne  laisserons  pas  d'observer  toutefois  qu'un  bon  fac- 
teur doit  être  autant  que  possible  acousticien,  musi- 
cien et  même  praticien,  afin  de  découvrir  les  défec- 
tuosités des  instruments ,  et  de  pouvoir  y  remédier, 
ainsi  que  pour  être  à  même  d'inventer  des  instruments 
nouveaux. 

Quant  à  l'exécution,  son  rôle  par  rapport  à  la  musi- 
que est  bien  plus  important  encore  que  ne  l'est  la  dé- 
clamation pour  la  poésie,  la  littérature  et  le  théâtre. 
En  effet,  un  livre  n'a  aucunement  besoin  d'être  récité, 
ni  une  pièce  d'être  représentée  :  la  simple  lecture 
suffit  pour  mettre  le  public  en  communication  avec 


228  THE 

la  pensée  de  l'auteur.  Une  partition  musicale,  au  con- 
traire, n'est  qu'une  lettre  morte  pour  la  plupart  des 
lecteurs  :  l'exécution  seule  peut  vivifier  l'œuvre  en- 
dormie et  faire  subir  à  l'inerte  chrysalide  une  bril- 
lante transformation.  Ce  n'est  donc  pas  sans  motif 
que  l'étude  du  chant  et  le  jeu  des  instruments  tien- 
nent une  si  grande  place  dans  la  théorie  musicale;  ils 
ne  viennent  toutefois  qu'à  la  suite  des  démonstrations 
qui  ont  pour  objet  Y  art  de  composer.  Ainsi  que  nous 
l'avons  dit  en  commençant,  cet  art  est  des  plus  diffi- 
ciles et  des  plus  complexes  :  il  comprend  les  prin- 
cipes élémentaires,  la  mélodie,  le  rhythme,  Y  harmonie, 
la  haute  composition  (le  contrepoint  et  la  fugue), 
Y  instrumentation,  la  coupe  et  la  forme  des  morceaux, 
enfin  les  différentes  espèces  de  style  dont  on  peut 
faire  usage  en  tel  ou  tel  cas.  A  la  connaissance  de 
tout  ce  qui  précède  se  rattachent  encore  les  écrits  re- 
latifs à  l'art  musical  sous  le  point  de  vue  esthétique, 
historique  ou  critique.  Ainsi,  à  la  considérer  dans 
son  ensemble,  il  n'y  a  pas  de  science  plus  vaste  ni  plus 
élevée  que  celle  qui  se  rattache  à  la  théorie  musicale. 
Vouloir  indiquer  ici  tous  les  théoriciens  célèbres 
et  les  œuvres  qui  les  ont  illustrés,  ce  serait  nous 
engager  à  donner  une  histoire  complète  de  la  mu- 
sique. Le  très-petit  nombre  d'ouvrages  que  l'anti- 
quité nous  a  transmis  sur  cette  matière  prouve  qu'à 
cette  époque  les  considérations  spéculatives  l'empor- 
taient généralement  sur  la  démonstration  pratique. 
Au  moyen  âge  on  commença  à  tenir  quelque  compte 
des  définitions,  à  présenter  des  règles  sur  quelques 
faits  isolés  et  à  donner  des  exemples  de  leur  applica- 
tion. Mais  ce  n'étaient  encore,  à  vrai  dire,  que  des  ébau- 
ches imparfaites.  Déjà  l'école  néerlandaise  avait  ré- 
pandu son  système,  déjà  Monteverde  avait  accompli 
une  révolution  par  l'emploi  de  la  septième,  et  posé 


THÉ  229 

les  bases  d'une  tonalité  nouvelle,  sans  que  la  théorie 
écrite  eût  fait  de  bien  grands  progrès. 

Les  maîtres  servaient  de  modèles,  et  l'enseigne- 
ment oral  complétait  le  plus  souvent  l'éducation  des 
musiciens.  Cependant  aux  seizième  el  dix-septième 
siècles,  et  déjà  même  vers  la  fin  du  quinzième,  on  vit 
paraître  quelques  ouvrages  qui  favorisèrent  puissam- 
ment les  études  musicales  et  que  l'on  peut  considérer 
comme  des  monuments  précieux  pour  l'histoire  de 
l'art;  tels  sont  les  traités  de  Gaforio,  de  Zarlino,  de 
Prœtorius  et  autres.  Enfin,  au  dix-huitième  siècle, 
Rameau  fit  faire  un  pas  immense  à  la  didactique;  un 
grand  nombre  de  savants  subirent  l'influence  de  ses 
idées,  et  de  toutes  parts  on  s'occupa  d'approfondir  et 
de  perfectionner  la  théorie  musicale.  On  doit  à  ce 
noble  élan  les  travaux  de  Mattheson,  de  Marpurg,  de 
Knecht,  de  Kirnberger,  de  Sabbatini,  de  Sorge,  de 
Daube,  de  Vogler,  de  d'Alembert,  de  J.-J.  Rous- 
seau, etc.  En  1802,  Catel  publia  à  Paris  un  Traité 
d'Harmonie,  qui  eut  un  grand  succès  de  vogue  et 
d'estime.  Cet  ouvrage  est  bien  rédigé,  mais  il  est  ap- 
puyé sur  une  théorie  qu'on  peut  trouver  incomplète. 
Parmi  les  écrivains  distingués  qui  marchèrent  sur  ses 
traces,  il  faut  citer  Rerton,  auteur  d'un  Traité  d'Har- 
monie suivi  d'un  Dictionnaire  des  accords.  Un  peu 
plus  tard,  Reicha  importa  en  France  l'empirisme  de 
Gottfried  Weber,  et  jouit  longtemps  d'une  réputation 
de  science  aujourd'hui  très-contestée.  Chérubini  pu- 
blia ensuite  un  traité  de  contrepoint  et  de  fugue>  fruit 
d'une  longue  expérience  et  d'un  savoir  épuré. 

Les  théoriciens  dont  les  œuvres  sont  aujourd'hui  le 
plus  estimés,  sont  M.  Fétis  dont  tout  le  monde  con- 
naît les  savants  et  importants  travaux,  M.  Kastner, 
écrivain  instruit  et  consciencieux,  MM.  Rerlioz, 
Zimmerman,  Rarbereau,  Savart,  Elwart  et  quel- 
ques autres.  Le  lecteur  sera  sans  doute  curieux  de 


230  THÉ 

connaître  les  titres  de  chacun  d'eux  à  l'estime  des 
savants  et  des  artistes;  voici  la  liste  de  leurs  princi- 
paux ouvrages  : 

Les  principaux  ouvrages  de  M.  Fétis,  sont  : 

Ie  Un  Traité  de  contrepoint  et  de  fugue. 

2°  Un  Traité  théorique  et  pratique  de  l'harmonie. 

3°  La  Biographie  des  musiciens. 

4°  Un  Traité  de  plain-chant. 

Georges  Kastner  : 

lo  Un  Traité  général  d'instrumentation,  comprenant 
les  propriétés  et  l'usage  de  chaque  instrument,  pré- 
cédé d'un  résumé  sur  les  voix. 

2°  Un  Cours  d'instrumentation  considérée  sous  les 
rapports  poétiques  et  philosophiques  de  l'art. 

3°  Une  Grammaire  musicale  comprenant  tous  les 
principes  élémentaires  de  la  musique,  la  mélodie,  le 
rhythme,  l'harmonie  moderne  et  un  aperçu  succinct 
des  voix  et  des  instruments. 

4°  Une  Théorie  abrégée  du  contrepoint  et  de  la  fugue. 

5°  Une  Méthode  élémentaire  d'harmonie  appliquée  au 
piano,  suivie  d'un  aperçu  de  l'accompagnement  et  de 
la  transposition. 

6°  Un  Traité  de  composition  vocale  et  instrumentale , 
ou  description  détaillée  des  règles,  des  formes,  de  la 
coupe  et  du  caractère  de  toute  espèce  de  composi- 
tions musicales,  accompagnée  de  notes  historiques  et 
critiques. 

7°  Manuel  du  professeur  d'harmonie,  ouvrage  indis- 
pensable pour  les  professeurs  et  les  élèves. 

8°  Une  Histoire  de  la  musique  militaire. 

Zimmerman  : 

Une  Encyclopédie  du  pianiste  compositeur,  qui  con- 
siste en  trois  parties,  savoir  : 

1°  Une  Méthode  de  piano. 

2e  Des  Exercices  propres  à  faire  aborder  toutes  les 
difficultés  de  l'école  moderne. 


THE  23i 

3o  Un  Traité  d'harmonie,  de  basse  chiffrée,  de  contre- 
point et  de  fugue. 

Barber  eau  : 

Un  Traité  théorique  et  pratique  de  composition  musi- 
cale. 

Elivart  : 

1°  Etudes  élémentaires  de  la  musique ,  depuis  ses 
premières  notions  jusqu'à  celles  de  la  composition. 

2°  Le  contrepoint  et  la  fugue  appliqués  à  la  composi- 
tion idéale. 

Savard  : 

Un  Traité  d'harmonie. 

Berlioz  : 

Un  Grand  Traité  d'instrumentation  et  d'orchestration, 
où  l'on  trouve  des  choses  excellentes  sur  la  partie 
philosophique  et  poétique  de  cette  science. 

Sous  le  rapport  purement  théorique,  l'Allemagne, 
au  dix-neuvième  siècle,  n'a  rien  à  envier  à  la  France, 
avec  Gottfried  Weber,  Logier,  André,  Marx,  Fink, 
Schneider,  etc.,  et  elle  possède  en  outre  une  foule 
d'écrivains  distingués  qui  ont  fort  ingénieusement  ap- 
profondi les  mystères  de  l'esthétique  musicale. 

Pour  ce  qui  est  des  méthodes  particulières  de 
chant  ou  d'instruments,  le  nombre  en  est  si  considé- 
rable, que  nous  devons  renoncer  à  toute  citation  de 
cette  nature.  Nous  nous  bornerons  à  observer  que  des 
hommes  spéciaux  et  tout  à  fait  compétents  n'ayant 
pas  dédaigné  d'y  appliquer  les  ressources  de  leur 
talent  et  de  leur  expérience,  tous  les  enseignements 
les  plus  infimes  comme  les  plus  importants  et  les 
plus  élevés  y  tiennent  leur  place,  et  offrent  à  l'élève 
des  sujets  d'étude  aussi  variés  que  complets. 

Tel  est  le  résumé  succinct  des  matières  qui  com- 
posent la  théorie  musicale.  Nous  n'en  avons  indiqué 
que  les  principales  divisions  et  subdivisions  pour 


232  TIE 

éviter  des  développements  que  ne  comporte  point  la 
nature  de  cet  ouvrage. 

Théorbe.  Instrument  à  cordes  de  la  famille  des 
luths,  employé  autrefois  pour  l'exécution  de  la  basse 
continue.  Le  théorbe  est  plus  grand  que  le  luth  et  a 
deux  manches,  l'un  pour  les  cordes  qui  se  doigtent 
sur  le  manche,  l'autre  pour  les  grosses  cordes  qui 
servent  pour  les  basses  et  qui  se  pincent  à  vide. 

Le  théorbe,  instrument  favori  des  dames  de  la  cour 
de  Louis  XIV,  est  maintenant  abandonné. 

Thésis  (en  frappant).  Un  des  deux  temps  de  la 
musique  des  Grecs.  Per  tliesin  indique  surtout  un 
chant  ou  contrepoint  où  les  notes  montent  du  grave 
à  l'aigu. 

Tibia.  Ancien  nom  latin  des  instruments  à  vent 
avec  des  trous,  tel  que  la  flûte. 

Tibia  multisonans.  Flûte  d'un  ton  fort,  en  usage 
chez  les  anciens  Égyptiens. 

Tibia  sisticinum.  Flûte  employée  par  les  anciens 
dans  les  funérailles. 

Tibi^  bifores  et  tibi^e  conjunct,e.  Doubles  flûtes. 

Tible  pares.  Espèce  de  flûte  double  des  anciens, 
formée  de  deux  flûtes  d'une  égale  grandeur,  jointes 
ensemble. 

Tibilustrium.  C'est  le  nom  de  la  fête  des  joueurs 
de  flûte  des  anciens  Romains,  qui  se  célébrait  tous  les 
ans,  le  15  juin. 

Tierce.  C'est  une  des  heures  canoniales,  ou  partie 
de  l'office  divin,  dont  les  psaumes  se  mettent  en  mu- 
sique et  s'appellent  psaumes  de  tierce. 

Tierce.  Intervalle  de  trois  degrés.  On  distingue 
trois  espèces  de  tierce,  savoir,  la  tierce  majeure,  la 
tierce  mineure,  et  la  tierce  diminuée. 

Tierce  de  Picardie.  On  appelle  ainsi  la  tierce  ma- 
jeure frappée  au  lieu  de  la  mineure,  à  la  finale  d'un 
morceau  composé  en  mode  mineur. 


T1M  233 

Timbales.  Deux  bassins  sphériques  en  cuivre,  sur 
lesquels  on  adapte  des  peaux  fortement  tendues  au 
moyen  d'un  cercle  de  fer  et  de  plusieurs  écrous,  for- 
ment l'instrument  que  nous  nommons  timbale.  En 
frappant  successivement  sur  l'une  et  l'autre  de  ces 
peaux  avec  des  baguettes,  on  obtient  deux  sons  très- 
distincts.  Leur  différence  provient  de  l'inégalité  des 
bassins.  En  serrant  plus  ou  moins  les  écrous  du  cercle 
de  fer,  on  parvient  à  changer  le  ton  des  timbales,  et 
dans  certains  tons  on  les  accorde  de  manière  à  ce 
que  la  tonique  soit  à  la  quarte  au-dessous ,  ou  la  do- 
minante à  la  quinte  supérieure,  ce  qui  revient  au 
même. 

Le  roulement  de  timbale  s'exécute  par  le  mouve- 
ment alternatif  des  deux  baguettes,  en  frappant  deux 
coups  avec  chacune  d'elles.  Le  roulement  de  timbale 
produit  un  effet  surprenant  dans  le  crescendo  et  le 
forte  d'un  orchestre.  Il  y  a  quelque  chose  de  mysté- 
rieux et  de  sinistre,  s'il  est  fait  pianissimo,  ou  si  les 
timbales  sont  voilées. 

Timbales.  Jeu  d'orgue  dont  les  tuyaux  sont  en  bois. 
Il  sonne  l'unisson  du  bourdon  de  seize  pieds.  En  ac- 
cordant le  jeu  des  timbales  un  peu  plus  haut  que 
ceux  des  bourdons,  on  obtient  une  espèce  de  trem- 
blement qui  ressemble  assez  au  roulement  des  tim- 
bales. 

Timbre.  Son  d'une  cloche,  d'une  lame  métallique 
ou  d'un  ressort  dont  l'intonation  peut  être  appréciée. 

Timbre  est  aussi  la  qualité  sonore  d'un  instrument 
ou  d'une  voix.  On  dit  :  ce  violon  a  du  timbre  ;  cette 
voix  est  bien  timbrée.  On  dit  aussi  d'une  voix  péné- 
trante, qu'elle  a  un  timbre  métallique. 

On  donne  encore  le  nom  de  timbre  à  la  double 
corde  à  boyau  placée  contre  la  peau  inférieure  du 
tambour  et  qui  vibre  avec  elle. 

Timbres.  Nom  que  les  vaudevillistes  donnent  aux 


234  TON 

airs  connus  sur  lesquels  ils  composent  leurs  cou- 
plets. 

Puisque  nous  avons  parlé  du  timbre  des  cloches, 
les  fondeurs  devraient  bien  étudier  l'acoustique  et 
harmoniser  leurs  sonneries,  de  manière  à  ce  qu'elles 
produisissent  les  sons  justes  de  la  gamme,  au  lieu 
de  cette  cacophonie  qui  écorche  les  oreilles  musi- 
cales. 

Tintinnabulum.  Instrument  des  anciens,  composé 
d'un  certain  nombre  de  cloches. 

Tipo,  Type.  Nom  de  la  corde  génératrice  du  sys- 
tème musical. 

Tirade.  Nom  que  l'on  donnait  autrefois  à  une 
suite  de  plusieurs  notes  de  même  valeur,  se  suivant 
par  degrés  conjoints  en  montant  ou  en  descendant. 

Tirana,  Tonadilla.  Chansons  espagnoles  qui  se 
chantent  et  ne  se  dansent  pas.  La  mesure  de  ces  airs 
est  à  trois  temps,  d'un  mouvement  un  peu  lent  et 
d'un  rhythme  syncopé. 

Tira  tutto.  Registre  qui  ouvre  tous  les  jeux  de 
l'orgue  à  la  fois. 

Toccate.  Ancienne  pièce  de  musique  écrite  pour 
le  clavecin,  l'orgue  ou  le  piano.  Elle  ne  diffère  de  la 
sonate  qu'en  ce  qu'elle  n'est  composée  le  plus  souvent 
que  d'un  seul  morceau. 

Toccato.  Mot  italien  dont  on  fait  en  français  lo- 
quet ou  doquet,  qui  est  le  nom  de  la  quatrième  partie 
de  trompette  d'une  fanfare. 

To  no  to.  Espèce  d'intonation  militaire  de  la 
trompette,  qui  produit  un  effet  semblable  au  son  de 
ces  syllabes. 

Ton.  Ce  mot  a  plusieurs  acceptions  en  musique. 
Il  signifie  d'abord  un  intervalle  formé  par  deux  notes 
diatoniques,  comme  do,  ré,  etc.  Dans  la  seconde  ac- 
ception, il  désigne  le  mode  ou  la  constitution  d'une 


TON  235 

gamme  quelconque,  avec  les  signes  qui  la  caractéri- 
sent. Enfin,  le  ton  est  le  degré  d'élévation  ou  d'abais- 
sement d'un  instrument,  résultant  de  sa  construction 
et  de  son  accord. 

Chaque  ton  a  un  caractère  particulier.  De  là  naît 
une  source  de  variétés  et  de  beautés  dans  la  modula- 
tion. Faut-il  du  gai,  du  brillant,  du  martial,  prenez 
les  tons  de  do,  ré>  mi.  Faut-il  du  touchant,  du  ten- 
dre, prenez  les  tons  de  la  bémol,  mi  bémol,  si  bémol. 

Tonalité.  La  tonalité  est  l'ensemble  des  rapports 
mutuels  qui  existent  entre  les  notes  d'une  gamme. 
Cette  définition  a  besoin  d'être  un  peu  développée. 

La  nature  produit  des  sons  en  nombre  immense, 
par  des  moyens  également  nombreux  et  avec  une 
variété  infinie  d'acuité  et  de  gravité,  d'intensité,  de 
timbre  et  d'expression. 

Les  sons  produits  dans  la  nature  ne  peuvent  pas 
tous  appartenir  à  la  musique.  Les  sons  musicaux  doi- 
vent être  nettement  appréciables  à  l'oreille,  confor- 
mes au  goût,  à  la  raison,  à  l'organisation  intellec- 
tuelle et  artistique  de  l'homme. 

Les  sons  musicaux  peuvent  être  combinés  entre 
eux  de  plusieurs  manières.  Les  systèmes  de  musique 
qui  ont  régné  et  qui  régnent  encore  dans  le  monde 
musical,  celui  des  Grecs,  celui  du  plain-chant,  le 
nôtre,  sont  quelques-unes  de  ces  combinaisons  pos- 
sibles. 

Toute  manière  de  combiner  les  sons  musicaux  et 
d'en  former  un  système  de  musique,  se  nomme  une 
tonalité. 

En  combinant  les  sons  musicaux  d'une  manière 
qui  lui  est  propre,  en  les  groupant  les  uns  à  côté  des 
autres  d'une  certaine  façon  particulière,  la  tonalité 
moderne  crée  naturellement  entre  eux  certaines  rela- 
tions mutuelles  qui  lui  appartiennent  en  propre,  qui 
la  caractérisent,  qui  la  distinguent  des  autres  tona- 


236  TRA 

lités  et  qui  forment  les  éléments  constitutifs  les  plus 
intimes.  Elle  est  donc  Y  ensemble  des  rapports  qui  exis- 
tent entre  les  notes  de  la  gamme  moderne  ;  car  la 
gamme  est  la  formule  qui  représente  et  résume  une 
tonalité.  (Yoy.  le  mot  Harmonie.) 

Tone.  Espèce  de  composition  musicale  des  an- 
ciens Grecs,  dans  laquelle  on  exécutait  plusieurs  syl- 
labes successives  sur  le  môme  ton. 

Tonique.  Base  ou  première  note  de  la  gamme  du 
ton.  Tous  les  airs  finissent  communément  par  cette 
note,  surtout  à  la  basse. 

Topii  ou  Tof.  Ancien  instrument  des  Hébreux, 
qui,  selon  quelques  auteurs,  ressemblait  au  tam- 
bourin. 

Torropit.  Nom  de  la  guimbarde  dans  l'Estonie. 

Touche.  La  touche  des  instruments  à  archet  est  la 
partie  supérieure  de  leur  manche ,  recouverte  en 
ébène,  et  sur  laquelle  les  doigts  appuient  les  cordes 
pour  varier  leurs  intonations.  Les  touches  de  la  gui- 
tare sont  les  petits  filets  d'ivoire  ou  de  cuivre,  in- 
crustés dans  le  manche,  et  qui  marquent  les  posi- 
tions où  il  faut  mettre  les  doigts  pour  former  les 
intonations.  Les  touches  du  clavier,  du  piano  ou  de 
l'orgue,  sont  les  leviers  sur  lesquels  les  doigts  agis- 
sent pour  faire  parler  les  notes. 

Tractus.  Nom  ancien  d'un  certain  air  triste  qu'on 
chantait  autrefois  dans  l'Eglise  catholique  après  l'épî- 
tre,  à  la  place  de  l'alleluia,  en  prolongeant  la  voix 
en  signe  de  plainte. 

Traité.  On  donne  ce  nom  en  musique  aux  divers 
ouvrages  classiques  qui  traitent  avec  méthode  de  la 
théorie  et  de  la  pratique  de  la  musique  en  général  ou 
de  quelques-unes  de  ses  parties,  telles  que  l'harmo- 
nie, le  contrepoint  ou  la  fugue. 

Transition.  Passage  d'un  ton  à  un  autre.  L'art  de 


TRE  237 

faire  succéder  agréablement  une  modulation  à  celle 
qui  la  précède  est  une  des  parties  essentielles  de  l'é- 
tude de  la  composition. 

Transition  enharmonique.  C'est  celle  où  une  ou 
plusieurs  des  parties  font  un  intervalle  enharmoni- 
que, comme  ut  dièse  et  re  bémol.  Les  transitions  en- 
harmoniques produisent  beaucoup  d'effet  à  la  scène, 
surtout  lorsque  les  personnages  éprouvent  une  grande 
surprise,  ou  qu'un  événement  imprévu  change  tout 
à  coup  leur  situation. 

Transitus.  Sons  et  accords  qui  tombent  sur  le 
temps  faible. 

Transitus  irregularis.  Mauvaise  succession  de 
sons  ou  d'accord. 

Transitus  regularis.  Notes  d'agrément. 

Transposer.  C'est  noter  ou  exécuter  un  morceau 
de  musique  dans  un  autre  ton  que  celui  où  il  a  été 
écrit  par  le  compositeur. 

Transpositeurs  (Instruments).  On  appelle  ainsi 
les  instruments  de  musique  dont  le  son  est  différent 
de  la  note  écrite.  Les  principaux  sont  :  la  contre- 
basse, toutes  les  flûtes  autres  que  la  flûte  ordinaire, 
le  cor  anglais,  toutes  les  clarinettes  autres  que  la  cla- 
rinette en  ut,  le  basson  quinte,  le  contre-basson,  tous 
les  cors  autres  que  le  cor  en  ut  aigu,  certains  cornets 
à  piston,  toutes  les  trompettes  autres  que  la  trompette 
en  ut,  en  si,  et  en  la,  les  cornets  simples,  tous  les 
ophicléides  autres  que  l'ophicléide  en  ut,  le  serpent, 
la  guitare,  les  ténors  et  les  basses  quand  on  les 
écrit  sur  la  clef  de  sol. 

Treizième.  Intervalle  de  treize  degrés,  ou  Foctave 
de  la  sixte. 

Trémolo.  Le  trémolo  est  un  effet  que  l'on  produit 
sur  les  instruments  à  archet ,  en  faisant  aller  et 
venir  sur  les  cordes  l'archet  avec  tant  de  rapidité 


238  TRI 

que  les  sons  se  succèdent  Jes  uns  aux  autres,  sans 
laisser  remarquer  aucune  solution  de  continuité. 

Les  effets  du  trémolo  se  rendent  parfaitement  sur 
le  piano,  en  frappant  au  moins  deux  touches  alterna- 
tivement et  avec  un  mode  d'exécution  très-rapide. 

Triangle.  Instrument  de  percussion  qui  consiste 
en  une  petite  tringle  de  fer  pliée  en  forme  de  triangle, 
sur  laquelle  on  frappe  avec  une  baguette  du  môme 
métal  pour  en  tirer  du  son  ;  —  pour  que  les  vibra- 
tions du  triangle  ne  soient  pas  interrompues,  on  a 
soin  de  le  tenir  suspendu  à  un  cordon. 

On  fait  aujourd'hui  un  grand  abus  de  cet  instru- 
ments, comme  de  tout  ce  qui  perce,  mugit,  éclate, 
tonne,  grince  et  siffle.  Son  timbre  métallique  ne 
convient  qu'aux  morceaux  très-brillants  dans  le  forte, 
et  d'une  bizarrerie  sauvage  dans  le  piano.  Weber  en 
a  fait  un  usage  heureux  dans  ses  chœurs  de  Bohé- 
miens de  Préciosa,  et  Gluck,  bien  mieux  encore,  dans 
le  majeur  de  son  effrayant  ballet  des  Scythes. 

Cependant,  on  entend  avec  plaisir  le  timbre  cristal- 
lin et  un  peu  mordant  du  triangle  au  milieu  des  airs 
de  danses.  Il  s'allie  on  ne  peut  mieux,  ce  me  semble, 
avec  les  allures  piquantes,  les  poses  voluptueuses  et 
les  cambrures  hardies  des  prêtresses  deTerpsychore. 

Tricinium.  Nom  de  petits  morceaux  de  musique 
pour  trois  cors  ou  pour  trois  trompettes. 

Trigonon.  Instrument  à  cordes  en  forme  triangu- 
laire, dont  se  servaient  les  Grecs. 

Trille.  Mouvement  alternatif  et  accéléré  sur  deux 
notes  voisines,  qu'on  indique  par  les  deux  lettres  tr. 
Les  plus  belles  qualités  du  trille  sont  la  rapidité,  la 
souplesse  et  la  parfaite  égalité.  Le  trille  vocal  est 
très-difficile;  il  demande  une  étude  longue  et  persé- 
vérante; un  trille  prolongé  et  bien  nuancé  manque 
rarement  son  effet  sur  le  public.  Les  instrumentistes 
aussi  cultivent  le  trille,  qui  donne  beaucoup  de  briU 


TIU  239 

îant  à  l'exécution.  On  peut,  sur  îe  piano  et  sur  le 
violon,  faire  des  trilles  doubles,  en  tierces  ou  en 
sixtes.  Le  trille  se  nomme  aussi  quelquefois  cadence, 
parce  que  le  trille  arrive  naturellement  sur  l'accord 
de  dominante  qui  fait  chute,  cadence,  sur  le  tonique. 

Trimeles.  Les  anciens  Grecs  entendaient  par  ce 
mot  un  morceau  de  musique  vocale  accompagné  de 
la  flûte  et  formé  de  trois  strophes,  dont  la  première 
était  écrite  dans  le  mode  dorien,  la  seconde  dans  le 
mode  phrygien,  et  la  troisième  dans  le  mode  lydien. 

Trio.  Composition  musicale  à  trois  parties,  dont 
chacune  revêt  le  caractère  de  voix  principale,  ou  com- 
position à  deux  voix  concertantes  accompagnées 
d'une  troisième  qui  leur  sert  de  voix  fondamentale. 
Le  trio  vocal  est  presque  toujours  accompagné  par 
l'orchestre,  ou  par  un  instrument,  tel  que  le  piano, 
la  guitare,  etc.  Le  trio  instrumental  n'est  composé 
que  de  trois  parties  récitantes. 

Le  trio  est  regardé  comme  la  plus  parfaite  de 
toutes  les  compositions,  parce  que  c'est  celle  qui  pro- 
duit le  plus  d'effet  proportionnellement  aux  moyens 
employés.  —  On  cite  parmi  les  trios  célèbres,  le 
charmant  trio  du  Matrimonio  Segreto,  de  Gimarosa, 
pour  trois  voix  de  femmes  ;  le  magnifique  trio  de  Guil- 
laume Tell,  pour  trois  voix  d'hommes;  le  trio  bouffe 
de  V Hôtellerie  portugaise,  de  Chérubini;  le  trio  des 
Papatacci,  de  Yltaliana  in  Algeri.  Ces  exemples  suffi- 
sent pour  montrer  quel  effet  peuvent  produire  trois 
voix  entre  les  mains  d'hommes  de  génie,  à  qui  toutes 
les  ressources  de  l'art  sont  familières,  et  qui  trou- 
vent facilement,  ou  pour  mieux  dire  sans  les  chercher, 
et  par  une  sorte  d'intuition,  des  idées  qui  se  prêtent 
à  toutes  les  combinaisons  vocales;  mais  il  faut  en 
outre  beaucoup  d'études  et  une  grande  expérience. 

On  nomme  aussi  trio,  une  partie  du  menuet  sym- 
phonique  ou  instrumental  qui  occupe  lo  milieu  du 


240  TRO 

morceau,  et  après  laquelle  on  reprend  le  premier 
motif. 

Triolet.  Groupe  composé  de  trois  notes  pour  deux, 
et  sur  lequel  on  place  souvent  un  3.  Ainsi ,  par 
exemple,  dans  la  mesure  de  deux  noires,  marqué  2/4, 
une  mesure  peut  être  composée  de  cinq  et  même  de 
six  croches,  si  l'on  y  introduit  un  ou  deux  triolets. 
Les  trois  croches  n'ont  pas  plus  de  durée  que  les 
deux  croches  qu'elles  remplacent,  et  il  faut  par  con- 
séquent les  passer  plus  vite. 

Triphon.  Instrument  de  musique  qui  a  la  forme 
d'un  clavecin  droit.  Le  son  que  cet  instrument  pro- 
duit est  agréable  et  ressemble  à  celui  de  la  flûte. 

Tromrone.  Cet  instrument  à  vent  en  cuivre,  non 
percé  de  trous,  avec  une  large  embouchure,  a  au- 
jourd'hui encore  presque  la  même  forme  qu'il  avait 
il  y  a  trois  siècles.  Ses  tuyaux ,  introduits  dans  une 
pompe  à  deux  branches  qui  se  recouvre  sur  une  lon- 
gueur de  vingt-cinq  pouces  environ,  s'allongent  et  se 
raccourcissent  à  volonté,  et  donnent  le  moyen  d'atta- 
quer les  tons  aigus  et  les  tons  graves  de  son  diapason. 
Il  y  a  quatre  espèces  de  trombones,  qui  portent  le 
nom  de  quatre  voix  humaines  :  le  trombone  soprano, 
le  trombone  alto,  le  trombone  ténor  et  le  trombone 
basse.  Le  trombone  soprano  et  le  vrai  trombone 
basse  sont  à  peu  près  inconnus  en  France,  et  le 
trombone  alto  y  est  peu  employé  ;  cependant  on  em- 
ploie toujours  dans  nos  orchestres  trois  trombones, 
dont  deux  trombones  ténors  et  un  trombone  dit 
basse.  On  peut  compléter  ce  qui  manque  dans  le 
grave  du  dernier  trombone,  par  l'emploi  de  l'ophi- 
cléide,  que  dans  les  partitions  modernes  on  unit  sou- 
vent aux  trombones. 

Les  trombones  sont  propres  à  l'expression  la  plus 
solennelle,  et  produisent  un  très-bel  effet  dans  les 
chœurs  guerriers  et  religieux,    dans  les  marches 


TRO  241 

triomphales,  etc.  On  trouve  dans  les  œuvres  des 
maîtres,  de  magnifiques  exemples  de  l'emploi  des 
trombones.  Telle  est  la  foudroyante  gamme  en  ré  mi- 
neur sur  laquelle  Gluck  a  dessiné  le  chœur  des  furies 
au  second  acte  d' Iphigénie  en  Tauride.  Tel  est,  plus 
sublime  encore,  le  cri  immense  des  trois  trombo- 
nes unis,  répondant  comme  la  voix  courroucée  et 
formidable  des  dieux  infernaux  à  l'invocation  d'Or- 
phée :  Spectres!  Larves!  Ombres  terribles! 

Trompe.  Instrument  employé  dans  la  musique  de 
chasse.  La  trompe  est  aujourd'hui  un  instrument 
très-perfectionné.  Il  n'est  pas  étonnant  que  des  sons, 
habilement  dirigés,  produisent  une  agréable  har- 
monie. Cependant  nos  aïeux,  qui  se  servaient  du  ho- 
chet, voire  même  de  la  corne  de  bœuf  ou  de  bélier, 
avaient  tout  autant  de  plaisir  que  nous.  Les  anciens 
livres  de  chasse  sont  remplis  d'exclamations  sur  le 
bonheur  d'entendre  la  musique  en  pleine  forêt. 

Sous  Louis  XIII,  on  ne  savait  pas  tirer  un  grand 
parti  de  la  trompe.  Salnove,  dans  sa  Vénerie  royale, 
fait  un  grand  éloge  de  ce  roi,  parce  qu'il  inventa  une 
méthode  nouvelle  de  sonner  pour  le  renard.  Elle  con- 
sistait en  trois  tons  grêles  terminés  par  un  gros  ton. 

La  trompe,  trop  petite  sous  Charles  IX,  devint  trop 
grande  au  temps  de  Louis  XIV,  on  passa  d'un  excès 
à  un  autre.  Ces  grandes  trompes  étaient  fort  incom- 
modes, surtout  pour  les  valets  à  pied  obligés  de  tra- 
verser des  fourrés  garnis  d'épines.  Ils  les  bosselaient, 
et  quelquefois  cet  instrument  monstre  les  empêchait 
de  suivre  en  droite  ligne  les  chiens  et  la  bête.  L'expé- 
rience fit  arriver  à  un  juste  milieu  ;  on  revint  un  peu 
sur  ses  pas,  et  l'on  trouva  la  trompe  dont  nous  nous 
servons  aujourd'hui. 

La  tablature  de  la  trompe  se  compose  des  harmo- 
niques du  ton  dans  lequel  on  joue.  Ce  ton  est  celui 
de  ré  pour  la  trompe  \  il  est  invariable,  puisque  l'in- 


212  TRO 

strument  n'a  pas  de  corps  de  rechange.  On  a  choisi 
celui  de  ré,  parce  qu'il  est  assez  éclatant  sans  être 
aigu.  Les  harmoniques  sont  tê-  celui  que  l'on  prend 
sur  le  violoncelle,  en  mettant  le  premier  doigt  sur  la 
quatrième  corde,  la  qui  suit  ce  ré  à  l'aigu,  ré,  fa,  la, 
ré,  mi,  fa,  sol,  la,  et  le  si  par  extension.  La  musique 
est  notée  toujours  en  ut,  et  par  conséquent  le  fa  que 
l'œil  voit  sur  le  papier,  représente  le  sol  que  l'oreille 
entend.  A.  cette  tablature,  il  faut  ajouter  le  si  bémol, 
qui  représente  à  l'oreille  un  ut  naturel. 

C'est  une  fort  belle  chose  à  entendre  que  vingt 
trompes  se  répondant  au  milieu  des  bois,  et  signalant 
toutes  les  péripéties  du  drame  dont  un  pauvre  cerf  est 
le  héros.  Sa  mort  étant  nécessaire  au  dénouement  du 
cinquième  acte,  tous  les  chasseurs  qui  ne  veulent  pas 
faire  fiasco  ou  revenir  bredouille,  concourent  au  suc- 
cès de  la  pièce  à  grand  renfort  de  poumons.  Ces  trom- 
pes, disséminées  tant  que  le  drame  se  joue,  font  con- 
naître chaque  circonstance  aux  chasseurs  et  aux 
chiens  éloignés.  On  sonne  la  vue,  le  retour,  le  volcelet, 
le  débuché,  etc.  Tout  le  monde  comprend  ce  que  cha- 
cun veut  dire,  et  les  chasseurs,  galopant  à  travers 
les  bois,  manœuvrent,  quoique  séparés,  aussi  bien 
qu'un  régiment  sous  les  yeux  de  son  colonel. 

Ces  trompes,  dont  les  sons  vous  charment  en  dé- 
tail, produiront  un  plus  bel  effet  encore,  lorsque 
réunies  pour  le  hallali,  pour  la  curée,  elles  feront  en- 
tendre leur  chant  de  victoire. 

Trompette.  Instrument  à  vent  sans  trous,  com- 
posé d'un  tube  en  cuivre  d'une  égale  grosseur  à  par- 
tir de  l'embouchure  jusqu'au  pavillon,  et  deux  fois 
replié,  afin  de  pouvoir,  en  jouant,  le  tenir  plus  com- 
modément. La  trompette  a  les  mêmes  sons  harmo- 
niques que  le  cor,  mais  une  octave  plus  haut  dans  la 
plupart  des  trous. 

La  trompette  a  un  son  héroïque,  guerrier  et  joyeux. 


TRO  243 

Elle  donne  plus  d'éclat  aux  magnificences  d'une  fête. 
Elle  ajoute  à  la  vivacité  de  la  musique  et  se  joint  as- 
sez bien  au  jeu  solennel  des  timbales.  La  trompette 
est  employée  dans  l'opéra,  surtout  dans  les  passages 
brillants,  dans  les  morceaux  à  fortes  passions,  dans 
les  chœurs,  dans  les  finales,  etc.  —  On  emploie  au- 
jourd'hui aussi  la  trompette  à  pistons  ou  à  cylindres, 
qui  fait  toutes  les  notes  de  la  gamme  chromatique, 
ce  qu'on  nomme  pour  cette  raison,  trompettes  chro- 
matiques, en  Allemagne  et  en  Italie.  (Voyez  Trom- 
pette a  PISTON.) 

Trompette.  Jeu  d'orgue  de  la  classe  des  jeux  d'an- 
che, qui  sert  d'unisson  au  principal. 

Trompette  chinoise.  François  Gemelli,  dans  le  troi- 
sième volume  de  ses  voyages,  dit  que  les  Chinois  ont 
un  instrument  en  bois  qu'ils  estiment  beaucoup, 
dont  la  forme  est  celle  d'une  cloche  de  trois  pieds  de 
longueur  et  entourée  de  cercles  en  or. 

Trompette  marine.  Instrument  monté  d'une  seule 
corde  très-grosse,  qu'on  joue  avec  un  archet,  en  ap- 
puyant sur  cette  corde  avec  le  pouce  de  la  main  gau- 
che. La  forme  de  cet  instrument  est  fort  allongée,  et 
son  dos  est  terminé  en  poire.  La  trompette  marine 
est  surtout  célèbre  par  la  prédilection  du  Bourgeois 
gentilhomme. 

Trompette  a  pistons.  Le  mécanisme  de  la  trom- 
pette à  pistons  ressemble  à  celui  des  instruments  à 
vent  qui  forment  leurs  sons  par  le  secours  de  trous 
ou  de  clefs,  puisque  les  pistons  sont  disposés  de  ma- 
nière qu'en  les  faisant  agir  on  modifie  à  volonté  le 
degré  d'élévation  du  son.  Par  ce  mécanisme  la  trom- 
pette se  trouve  enrichie  d'une  grande  quantité  de  no- 
tes qu'il  lui  était  impossible  de  produire  auparavant. 

Trompette  romaine.  Cet  ancien  instrument  des 
Romains,  d'une  forme  droite,  se  terminait  en  une 
ouverture  évasée  et  un  peu  recourbée,  ainsi  qu'on  le 


244  TRO 

voit  sur  la  gravure  de  plusieurs  médailles  et  sur 
quelques  sculptures  de  marbres  anciens. 

Trompette  papiilagonique.  Ancien  instrument 
grec  d'un  son  grave  et  dont  le  pavillon  ressemblait  à 
une  tête  de  bœuf. 

Troubadours.  Poètes  provençaux  des  XIe,  XIIe  et 
XIIIe  siècles,  ainsi  appelés  du  mot  troubar,  trouver, 
inventer  :  ils  nommaient  leur  art  la  gaie  science.  Les 
plus  célèbres  d'entre  eux  furent  P.  Yidal,  Arnaud 
Daniel,  Janfred  Rudel,  Bertrand  de  Born,  Anselme 
Fayditt,  Raimond  Bérenger,  comte  de  Provence, 
Richard  Cceur-de-Lion,  Thibaut,  comte  de  Champa- 
gne et  Guillaume  IX,  comte  de  Poitiers.  Leurs  poésies, 
qui,  pour  la  plupart,  appartiennent  au  genre  lyrique 
et  sont  très-courtes,  se  composaient  de  sirventes, 
plaints,  tensons,  ballades,  novas  (ou  nouvelles).  Ils 
chantaient  surtout  la  chevalerie  et  l'amour. 

Le  troubadour  de  profession  allait  de  château  en 
château  réciter  ou  chanter  ses  vers  en  s'accompagnant 
d'un  instrument,  ordinairement  d'une  espèce  de  gui- 
tare :  souvent  aussi  il  se  faisait  accompagner  d'un 
jongleur  (Comir),  par  lequel  il  faisait  chanter  ses  vers. 
Les  troubadours  étaient  répandus  dans  le  Midi  de  la 
France  :  Ils  florissaient  surtout  à  Toulouse,  à  Nar- 
bonne,  à  Aix  en  Provence.  Ils  parlaient  la  langue  d'Oc, 
ou  le  languedocien. 

Trouvères.  Poètes  du  nord  de  la  France,  qui  du 
XIe  au  XVe  siècle  ont  composé  en  roman-wallon  ou 
langue  d'Oïl  (le  vieux  français);  ils  existaient  en 
même  temps  que  les  troubadours,  et  leur  nom  a  le 
même  sens  (trouver,  troubar).  Mais,  tandis  que  les 
troubadours  ont  surtout  brillé  dans  le  genre  lyrique, 
c'est  à  la  poésie  épique  que  les  trouvères  se  sont 
livrés  de  préférence.  Ils  ont  admirablement  réussi 
dans  la  grande  épopée,  qui  a  pris  par  excellence  le 
nom  de  roman,  et  dans  les  fabliaux,  qui  sont  souvent 


TUR  245 

chez  eux  des  chefs-d'œuvre  d'originalité,  de  naïveté, 
de  gaieté.  Les  trouvères  ont  aussi  fait  quelques  poé- 
sies lyriques,  tels  que  lais,  virelais  et  ballades;  enfin 
on  leur  doit  les  romans  de  chevalerie  en  prose.  Les 
plus  célèbres  trouvères  sont  Wistace  ou  Wace,  Lam- 
bert, Alexandre  de  Bernay,  Renaud,  Gauder,  Gilbert 
de  Montreuil,  Jehan  de  Flagy,  Guillaume  de  Lorris 
et  Jean  de  Meung,  dit  Clopinel. 

Turquie  (De  la  musique  en).  Il  est  certain  que  les 
Turcs  aiment  beaucoup  la  musique,  sans  lui  donner 
cependant  une  valeur  d'art  comme  en  France,  en  Al- 
lemagne, en  Italie,  etc.,  etc.  Aujourd'hui,  il  est  de 
bon  ton  à  Gonstantinople  de  trouver  un  plaisir  à  la 
musique,  et  de  savoir  jouer  de  quelque  instrument. 
Les  Turcs  bien  élevés  chantent  peu,  et  les  hommes  du 
peuple  beaucoup.  Mais  si  aux  yeux  des  premiers  c'est 
chose  déshonorante  que  de  chanter  en  public  pour  de 
l'argent,  ils  aiment  néanmoins  à  se  faire  entendre 
clans  les  cercles  intimes  et  dans  leur  harem.  C'est  à 
tort  que  quelques  écrivains  ont  prétendu  que  les  Turcs 
n'ont  aucune  théorie  musicale.  Il  est  vrai  que  la  plu- 
part apprennent  à  chanter  et  à  jouer  par  le  seul  se- 
cours de  l'oreille.  Mais  ils  n'en  ont  pas  moins  des  si- 
gnes réguliers  pour  noter  les  sons,  un  rhythme  parti- 
culier dans  leur  mélodie.  Leur  chant  a  une  juste  into- 
nation et  leur  exécution  une  mesure  convenable. 
Pour  noter  leurs  sons,  ils  se  servent  de  nombres, 
comme  les  anciens,  et  leurs  chansons  populaires  les 
plus  répandues  sont  notées  de  cette  façon. 

La  musique  turque,  comme  celle  de  toutes  les  na- 
tions qui  ignorent  l'art  véritable,  ne  sort  pas  des 
deux  extrêmes.  Elle  est  très-douce  ou  bien  excessive- 
ment heurtée  et  bruyante.  L'amour  et  la  guerre, 
voilà  les  éternels  textes  des  chansons  turques,  et  leurs 
harmonies  dépassent  rarement  l'accord  de  la- domi- 
nante, ou  celui  du  mode  relatif  en  mineur,  et  vice 


246  UKR 

versa.  Les  chants  d'amour  et  les  chants  militaires 
sont  toujours  dans  le  mineur,  caractère  propre  des 
nations  qui  ne  connaissent  pas  l'art  musical. 

Typotone.  Nouveau  diapason  inventé  par  M.  Pin- 
sonnat,  à  Amiens.  Ce  diapason  est  formé  d'une  petite 
plaque  en  nacre,  percée  d'une  ouverture  en  biseau, 
sur  laquelle  est  appliquée  une  petite  lame  métalli- 
que. Cette  plaque  se  met  entre  les  dents,  en  tournant 
le  côté  de  la  lame  vers  l'intérieur  de  la  bouche  ;  et  le 
moindre  souffle  suffit  pour  en  tirer  un  la  assez  sem- 
blable à  celui  que  produirait  un  hautbois. 

Tyrolienne.  Espèce  de  valse  ou  mélodie  notée  en 
triolets,  en  mesure  à  trois  temps  et  d'un  mouvement 
modéré.  Les  chansons  tyroliennes  ont  à  peu  près 
toutes  la  même  allure  et  s'exécutent  ordinairement 
avec  une  voix  de  tête  assez  particulière,  et  que  les 
nationaux  appellent  dudeln.  La  tyrolienne  de  Guil- 
laume Tell  est  célèbre. 


u 


Ugab.  C'était,  chez  les  Hébreux,  le  nom  général 
des  instruments  à  vent. 

Ukraine  (Chants  populaires  de  Y).  Les  airs  de  l'U- 
kraine respirent  la  douceur,  le  calme  et  la  tristesse. 
Le  peuple  vaincu  et  persécuté  pleure  dans  ses  chants 
la  perte  de  sa  liberté.  Ses  dumki  sont  comme  les  der- 
niers rayons  de  son  bonheur  passé  que  la  tyrannie 
n'a  pu  briser.  On  n'y  retrouve  point,  comme  dans  les 
chants  kosaks  ou  serbes,  cette  soif  de  la  vie  active  et 
aventureuse  qui  leur  est  commune  avec  les  Klephtes 
et  les  Monténégrins;  chez  les  paysans  d'Ukraine,  la 


UKR  247 

passion  des  armes  cède  au  goût  paisible  de  la  vie 
agricole  :  le  foyer  domestique  est  préféré  à  tous  les 
prestiges  de  la  gloire  ;  les  femmes  et  les  hommes  du 
peuple  sont  poètes  et  musiciens.  Partout  le  travail 
du  jour  finit  par  une  chanson,  et  souvent  les  senti- 
ments de  la  vie  simple,  sans  accidents  ni  périls,  se 
transforment  en  affections  pures,  qui  s'exhalent  en 
élégies  plaintives,  remplies  de  tendresse  et  d'amour. 

Ce  qui  ajoute  encore  à  la  douce  tristesse  de  ses  airs 
nationaux,  c'est  que  l'Ukraine  est  couverte  de  nom- 
breux tertres  tumulaires  (mogily)  sous  lesquels  re- 
posent les  guerriers  morts  pour  la  patrie. 

La  langue  du  peuple  d'Ukraine  est  favorable  à  la 
musique;  elle  tient  le  milieu  entre  la  langue  polo- 
naise et  la  langue  russe.  Quant  aux  airs  avec  lesquels 
on  berce  les  enfants,  ils  se  sont  perpétués  de  généra- 
tion en  génération,  sans  avoir  été  notés. 

Les  femmes  de  l'Ukraine  ont  un  goût  prononcé 
pour  leurs  dumki.  Elles  bercent  leurs  enfants  avec  ces 
mélodies  douces  et  mélancoliques,  et  c'est  ainsi  qu'el- 
les restent  à  jamais  gravées  dans  la  mémoire  et  dans 
le  cœur.  Les  Adieux  du  Kosack,  la  dumka  si  touchante 
de  Hyrcio,  les  Plaintes  du  Voisin,  les  Regrets  d'une  jeune 
Mariée,  etc.,  tous  ces  chants,  souvenirs  précieux  de 
l'enfance,  ne  s'oublient  jamais. 

Plusieurs  autres  chants  sont  cités  également  comme 
venant  de  la  patrie  des  Kosacks  :  Le  Bal  et  l'Orage, 
le  Kosack  et  la  Dziuba,  que  l'on  chante  en  s'accom- 
pagnant  sur  la  bandura,  espèce  de  théorbe  russe.  Ces 
chants  sont  plus  gais  et  ont,  par  cela  même,  moins  de 
caractère  que  les  dumki. 

L'instrument  favori  du  peuple  d'Ukraine  est  la 
sensla,  qui  est  d'origine  slave.  Cet  instrument  n'avait 
d'abord  que  trois  cordes  métalliques  sur  lesquelles 
on  jouait  avec  des  bâtons.  Le  nom  de  guslarz,  qui 
veut  dire  devin,  ou  diseur  de  bonne  aventure,  dérive 


* 


248  UNI 

de  cet  instrument,  qui  s'appelait,  en  langue  slave, 
guzle,  ou  huszle. 

Ultime  conjunctarum.  Quatrième  corde  du  tétra- 
corde  synnemenon. 

Ultima  divisarum.  Quatrième  corde  du  tétracorde 
diézeugmenon. 

Ultima  excellentium.  Nom  latin  de  la  quatrième 
corde  du  tétracorde  hyper boléon  du  système  des  an- 
ciens Grecs. 

Unca.  Nom  ancien  de  la  croche. 

Unda  maris.  C'est  le  nom  d'un  jeu  d'orgue  de 
tuyaux  à  anches  de  huit  pieds,  accordé  un  peu  plus 
haut  que  les  autres  jeux,  et,  à  cause  de  cela,  formant 
avec  eux  une  sorte  de  battement  qui  a  quelque  ana- 
logie avec  le  mouvement  des  flots. 

Uniciiordum.  Nom  de  la  tompette  marine. 

Union  des  registres.  L'union  des  registres  de  la 
voix  humaine  doit  être  en  général  le  résultat  de  l'é- 
tude et  de  l'art.  Elle  consiste  à  s'exercer  continuelle- 
ment à  retenir  la  voix  de  poitrine  et  à  forcer  peu  à 
peu  la  voix  de  tête,  pour  établir  entre  la  première  et 
la  seconde  l'égalité  la  plus  parfaite  possible.  Cepen- 
dant, dans  le  cas  où  la  voix  de  poitrine  serait  plus 
faible  que  celle  de  tête,  il  faut  renforcer  l'intonation 
des  dernières  cordes  de  poitrine,  et  dans  une  juste 
proportion  leur  joindre  les  premières  de  fausset. 
Cette  réunion  des  registres  est  une  qualité  rare  chez 
les  chanteurs,  et  lorsqu'elle  n'est  pas  un  don  naturel, 
il  faut  beaucoup  de  temps  ou  d'études  persévérantes 
pour  l'acquérir. 

Unisson.  Rapport  de  deux  sons  sur  le  même  degré, 
c'est-à-dire  d'égale  élévation  ou  gravité.  L'unisson  est 
produit  par  un  égal  nombre  d'oscillations  de  deux 
corps  égaux  vibrant  dans  un  égal  espace  de  temps.  Si 
donc  une  corde  faisant  cent  vibrations  dans  une  se- 
conde, rend  un  do,  un  autre  corde  de  la  même  Ion- 


UNI  249 

gueur  et  grosseur,  ayant  la  même  tension,  fera  dans 
Je  même  temps  le  même  nombre  d'oscillations  et 
rendra  le  même  do.  Ainsi,  deux  ou  plusieurs  voix  ou 
instruments  faisant  entendre  le  même  son,  font  des 
unissons. 

Le  mot  unisson,  et  son  abréviation  unis,  s'écrivent 
dans  la  partie  d'orgue  pour  indiquer  que  les  notes 
doivent  être  jouées  sans  accompagnement,  et  que  les 
octaves  seulement  doivent  être  redoublées.  Le  même 
mot,  écrit  dans  une  partition,  indique  que  l'on  doit 
jouer  les  mêmes  notes  qui  sont  écrites  dans  la  ligne 
supérieure,  ou  inférieure,  ou  dans  une  partie  que 
l'on  indique. 

Unité.  L'unité  est  le  premier  des  deux  grands  prin- 
cipes sur  lesquels  repose  l'harmonie,  non-seulement 
dans  la  musique,  mais  encore  dans  tous  les  arts. 
Sans  unité,  tout  est  pour  ainsi  dire  décousu;  l'en- 
chaînement heureux  des  phrases,  dont  l'une  semble 
découler  de  l'autre,  produit  chez  l'auditeur  le  senti- 
ment de  l'unité.  Avec  l'unité  et  la  variété,  tout 
marche  dans  les  arts  et  dans  chacune  de  leurs  par- 
ties. Ce  sont  les  deux  balances  dont  l'homme  de 
génie  doit  faire  un  continuel  usage. 

Cette  règle,  qui  prescrit  que  l'action  doit  être  une, 
et  que  l'intérêt  se  porte  toujours  sur  le  même  objet, 
est  parfaitement  applicable  aux  compositions  musi- 
cales. Un  thème  musical  peut  servir  à  produire  une 
symphonie  entière,  et  si  les  modulations  sont  prépa- 
rées avec  art,  si  d'heureux  changements  dans  l'har- 
monie lui  donnent  de  la  variété  dans  les  retours,  si  la 
gradation  des  demi-teintes  amène  de  grands  effets,  il 
n'y  a  point  à  craindre  que  les  répétitions  du  thème 
fatiguent  les  auditeurs.  On  les  entendra  toujours,  au 
contraire,  avec  un  nouveau  plaisir.  Dans  les  œuvres 
des  grands  maîtres,  on  trouve  une  infinité  de  mor- 
ceaux composés  sur  un  seul  motif.  Quelle  unité  dans 


250  VAL 

la  marche  de  ces  compositions!  Tout  se  rattache  au 
sujet;  c'est  une  chaîne  dont  on  ne  pourrait  enlever  un 
anneau  sans  la  détruire.  Il  n'y  a  que  l'homme  de 
génie,  le  grand  compositeur,  qui  puisse  accomplir 
une  semblable  tâche,  aussi  admirable  que  difficile. 

Uomo  (primo).  Nom  par  lequel  on  désigne  parfois 
un  sopraniste  castrat. 

Urajvion.  Instrument  inventé,  en  1810,  par 
M.  Buschmann,  en  Saxe,  long  de  quatre  pieds,  large 
de  deux,  et  haut  d'un  pied  et  demi.  Il  a  une  étendue 
de  cinq  octaves  et  demie,  en  commençant  par  le  fa, 
clef  de  basse,  au-dessous  de  la  portée.  —  Il  a  un  cy- 
lindre couvert  de  drap  et  mis  en  mouvement  par  une 
roue  et  une  pédale.  Les  sons  de  l'uranion  sont  fort 
doux  et  s'obtiennent  par  le  frottement  du  bois. 

Ut.  Première  note  de  la  gamme  de  ce  nom.  On  a 
adopté  aujourd'hui  généralement  pour  solfier,  la 
syllabe  do  plus  favorable  à  l'émission  de  la  voix  que 
la  syllabe  ut. 


V.  Cette  lettre  est  une  abréviation  des  mots  violino, 
volti  ;  W  indique  violini  ;  Y  uni  à  S  (vs)  indique  volti 
subito. 

Valeur  des  notes.  Durée  du  son  déterminée  parla 
figure  différente  des  notes.  Les  silences  ont  aussi  leurs 
valeurs,  et  chaque  figure  de  note  a  un  silence  qui 
lui  correspond.   La  pause  a  la  valeur  d'une  ronde, 


VAR  l>51 

la  demi-pause  a  la  valeur  d'une  blanche,  le  soupir 
de  la  noire,  etc. 

Variation.  C'est  une  composition  musicale  dans 
laquelle  une  cantilène  appelée  thème  est  successive- 
ment ornée  de  différentes  manières. 

Rien  de  plus  facile  que  de  composer  des  variations 
d'une  façon  commune  et  vulgaire.  Il  suffit  de  s'em- 
parer d'un  thème  inventé  par  un  autre,  et  de  lui 
faire  subir  toutes  les  transformations  d'usage,  tantôt 
sous  la  figure  de  croches,  doubles  croches,  tantôt 
sous  la  figure  de  triolets,  de  sextolets,  tantôt  avec 
quelque  basse  figurée,  des  arpèges,  des  octaves,  sans 
oublier  l'adagio  dans  le  mode  relatif  et  le  temps  à  la 
polonaise.  On  pourrait  dire  qu'il  n'y  a  rien  de  moins 
varié  que  de  semblables  variations.  Mais,  quelque 
stérile  qu'il  soit  de  sa  nature,  un  thème  cesse  de 
l'être  entre  les  mains  d'un  habile  compositeur,  d'un 
savant  contrepointiste.  Les  trente  variations  de  Jean 
Sébastien  Bach  seraient  des  titres  suffisants  pour 
faire  inscrire  son  nom  au  Panthéon  musical.  C'est 
ainsi  que  Haydn,  Yogler,  Beethoven,  Mozart,  et  après 
eux,  Cramer,  H.  Herz,  Kalkbrenner,  Moschélès, 
S.  Thalberg,  Doehler,  Gottschalk,  Paganini,  de  Bé- 
riot,  Vieuxtemps,  etc.,  etc.,  ont  donné  des  variations 
qui  sont  autant  de  chefs-d'œuvre.  On  voit,  d'après 
cela,  et  en  lisant  ces  noms,  qu'il  faut  pour  composer 
de  bonnes  variations,  posséder  parfaitement  l'ins- 
trument auquel  on  les  destine,  y  être  de  première 
force  et  connaître  toutes  les  ressources  de  l'harmo- 
nie, car  il  faut  que  des  variations  soient  à  la  fois 
brillantes  et  ingénieuses. 

Varier.  Ajouter  à  un  chant  simple  des  ornements, 
soit  en  divisant  les  notes  d'une  plus  grande  valeur  en 
notes  d'une  valeur  moindre,  soit  en  changeant  quel- 
que chose  dans  l'accent,  dans  la  force,  etc.  On  em- 
ploie particulièrement  cette  méthode,  quand  une  can- 


252  VAU 

lilène  revient  plus  d'une  fois,  ou  qu'on  répète  un 
morceau  de  musique.  Ce  sont  surtout  les  points 
d'orgue  qu'il  faut  savoir  varier.  Il  faut  pour  cela 
beaucoup  de  goût  et  une  grande  exécution.  Les  com- 
positeurs aussi  doivent  savoir  varier  l'harmonie,  les 
rentrées,  le  système  d'accompagnement,  quand  le 
même  motif  se  reproduit  plusieurs  fois. 

Vaudeville.  Il  existe  une  foule  de  dictons  popu- 
laires, qui  en  France  ont  presque  force  de  loi,  et  dont 
l'autorité  repose  sur  de  lourdes  erreurs.  Combien  de 
gens  ont  répété  depuis  Boileau  que  le  Français  né 
malin  avait  créé  le  vaudeville,  et  ne  savent  pas  que 
ce  vaudeville  dont  parlait  le  poëte  n'a  aucun  rapport 
avec  le  genre  de  composition  dramatique  auquel  ce 
nom  a  été  donné  par  induction. 

La  rhétorique  définit  le  mot  vaudeville  ou  val  de 
vire  :  couplet  qui  court  les  rues.  Le  mot  lui-même, 
pour  ceux  qui  connaissent  un  peu  l'ancien  langage, 
indique  suffisamment  sa  signification  par  ses  racines. 
Il  est  dérivé  du  vieux  terme  vau  ou  val,  dont  on  a 
fait  le  terme  nautique  aval,  courant.  Ainsi  le  vau- 
deville fut  tout  simplement  un  couplet,  et  non  une 
réunion  de  couplets  reliés  par  une  action  scénique. 
Entre  les  ponts-neufs  dont  parle  Boileau  et  les  pièces 
désignées  de  nos  jours  sous  le  nom  de  vaudeville,  il 
y  a  tout  un  abîme. 

Le  vaudeville  donc  que  les  Français  croient  avoir 
inventé,  le  vaudeville  tel  que  nous  le  comprenons  en- 
fin, est  d'origine  italienne.  Il  est  le  frère  aîné  de 
l'opéra  comique. 

Considéré  sous  le  rapport  musical,  le  vaudeville  est 
un  petit  poëme,  le  plus  souvent  d'un  caractère  plai- 
sant et  satirique,  auquel  on  adapte  des  mélodies  con- 
nues, soit  analogues  à  la  situation,  soit  en  opposition 
avec  elle.  Le  sujet  du  vaudeville  est  la  parodie  d'une 
pièce  jouée  avec  succès  ou  tombée,  un  événement  re* 


VEL  253 

marquabledu  temps,  qui  donne  prise  à  la  satire.  Pou 
de  jours  après  l'exécution  de  la  Création,  d'Haydn,  il 
parut  un  vaudeville  intitulé  la  Récréation.  La  première 
représentation  de  la  Vestale  de  Spontini  fut  suivie 
d'une  parodie,  la  Marchande  de  modes.  Le  nom  de 
l'auteur  demeura  inconnu  quelque  temps,  et  ce  ne 
fut  pas  sans  une  grande  surprise  qu'on  apprit  que 
M.  de  Jouy,  l'auteur  des  paroles  de  la  Vestale,  était 
aussi  l'auteur  de  la  parodie. 

Yelches  (Musique  des).  Les  Velches,  ou  habitants 
du  pays  de  Galles,  passent  pour  être  les  descendants 
de  ces  Celtes  qui  ont  tant  occupé  les  savants  des  dix- 
septième  et  dix-huitième  siècles,  et  dont  on  a  cru  re- 
trouver les  traces  chez  les  Bas-Bretons  de  France.  On 
ne  peut  nier  un  fait  fort  singulier,  c'est  que  le  langage 
des  Bas-Bretons  et  celui  du  pays  de  Galles  ont  de  tels 
rapports,  que  les  habitants  des  deux  pays  s'entendent 
sans  aucune  difficulté,  tandis  qu'il  n'y  a  pas  la  plus 
légère  analogie  entre  le  langage  des  habitants  du  pays 
de  Galles  et  celui  des  autres  provinces  anglaises.  Un 
autre  fait  non  moins  digne  de  remarque,  c'est  que  la 
langue  velche  ou  galloise  s'est  conservée  jusqu'à  ce 
jour  dans  sa  pureté,-  et  que  le  pays  de  Galles  possède 
encore  des  poètes  qui  écrivent  avec  facilité  dans  cette 
langue. 

La  musique  du  pays  de  Galles  a  la  même  origina- 
lité que  la  poésie,  soit  sous  le  rapport  des  formes  de 
son  chant,  soit  sous  celui  du  rhythme  et  du  mode 
d'exécution ,  soit  enfin  sous  celui  de  la  forme  des 
instruments  et  des  modulations.  La  plupart  des 
pièces  de  chant  des  Gallois  sont  des  stances  qu'ils 
appellent  pennillons.  On  ne  connaît  rien  dans  la  mu- 
sique d'aucun  peuple  moderne  qui  puisse  donner 
l'idée  du  chant  de  ces  pennillons.  Il  faut  l'avoir  en- 
tendu pour  s'en  faire  une  idée;  car  il  dépend  autant 
de  la  manière  dont  il  est  exécuté  que  de  la  composition. 
*.  il  s 


•25\  \FÀ{ 

Deux  instruments  sont  particuliers  au  pays  de 
Galles.  L'un  est  la  harpe  à  triple  rang  de  cordes, 
l'autre  est  une  espèce  de  viole  d'une  forme  très-bi- 
zarre qu'on  appelle  cruth.  Le  crutli  est  un  instrument 
à  archet,  qu'on  croit  avoir  donné  naissance  aux  dif- 
férentes violes  et  aux  violons.  11  a  la  forme  d'un 
carré  long,  dont  la  partie  inférieure  forme  le  corps  de 
l'instrument;  deux  montants  placés  aux  côtés  de  la 
partie  supérieure  se  rattachent  dans  le  haut  avec  un 
manche  isolé  dans  le  milieu.  Cet  instrument  est 
monté  de  quatre  cordes  et  se  joue  comme  le  violon, 
mais  avec  plus  de  difficulté,  parce  qu'il  n'a  point  d'é- 
chancrure  pour  laisser  passer  l'archet. 

Ventilabro.  Nom  italien  de  soupapes  au  moyen 
desquelles  s'ouvrent  et  se  ferment  les  canaux  du 
sommier,  dans  l'orgue,  pour  donner  passage  à  l'air. 

Vêpres.  Une  des  sept  heures  canoniales.  Ce  nom 
vient  de  l'étoile  vesper,  parce  que  c'est  vers  le  cou- 
cher du  soleil  qu'on  est  dans  l'usage  de  chanter  ces 
prières. 

Vermillon.  Ancien  instrument  composé  de  huit  à 
dix  verres  choisis  d'après  l'échelle  diatonique,  ou  bien 
accordés  d'après  cette  même  échelle,  en  les  remplis- 
sant d'eau.  On  pose  cet  instrument  sur  une  planche 
recouverte  de  drap,  et  on  en  joue  avec  un  petit  bâton 
également  enveloppé  de  drap.  C'est  ce  qu'on  nomme 
aussi  harmonica.  On  a  fait  plusieurs  combinaisons 
d'instruments  dans  lesquels  le  son  est  produit  par  le 
verre  mis  en  vibration.  Le  son  ainsi  produit,  ne 
manque  pas  de  charme,  et  on  pourrait  employer 
plus  fréquemment ,  quoique  avec  modération ,  ces 
sortes  d'instruments,  qui  donnent  quelquefois  un 
cachet  particulier  à  la  mélodie. 

Vérité  d'art.  Ce  n'est  pas  la  vérité  absolue,  mais 
une  ressemblance  embellie  que  nous  demandons  aux 
arts.  C'est  à  nous  donner  mieux  que  la  nature  que 


VÎE  255 

l'art  s'engage  en  l'imitant.  La  poésie  affectionne  le 
langage  des  vers,  elle  répand  les  images  et  se  sou- 
tient à  un  ton  plus  élevé  que  la  nature.  La  peinture 
élève  également  le  ton  de  la  couleur  et  corrige  ses 
modèles.  La  musique,  elle  aussi ,  se  permet  de  pa- 
reilles licences.  Elle  soutient  la  voix  par  des  accom- 
pagnements, fait  des  cadences,  toutes  choses  (qui  ne 
sont  pas  dans  la  nature.  Assurément  la  vérité  de  l'i- 
mitation en  est  altérée,  mais  sa  beauté  y  gagne,  et  de 
là  résulte  dans  la  copie  un  charme  que  la  nature  re- 
fuse à  l'original.  Au  reste,  le  but  que  se  propose  la 
musique,  n'est  pas  l'imitation  de  la  nature,  mais 
l'expression  vraie  des  sentiments. 

Verset.  Ordinairement  on  divise  le  Gloria,  les 
psaumes,  etc.,  en  divers  morceaux  d'ensemble,  et  en 
solos,  duos,  etc.  Ce  sont  ces  derniers  que  l'on  ap- 
pelle versets. 

A  la  messe,  aux  vêpres  et  dans  les  autres  cérémo- 
nies, on  morcelle  le  Kyrie,  le  Dixit,  etc.,  de  manière 
qu'alternativement  une  partie  est  chantée  par  le 
chœur,  et  que  pour  l'autre  c'est  l'orgue  qui  répond. 
Ces  réponses  se  nomment  versets  ;  et  ce  ne  sont  que 
de  petites  cadences,  de  petites  périodes  musicales,  de 
petites  fugues  improvisées  ou  composées  et  impri- 
mées sous  ce  nom. 

Vibration.  (Voyez  Son.) 

Vide,  Corde  à  vide.  C'est,  sur  les  instruments  à 
manche,  tels  que  le  violon,  la  viole,  la  guitare,  le  son 
qu'on  tire  de  la  corde  dans  toute  sa  longueur,  de- 
puis le  sillet  jusqu'au  chevalet  sans  y  placer  aucun 
doigt. 

Vielle  (La)  est  un  instrument  fort  ancien  ;  cepen- 
dant nous  ne  croyons  pas  que  ce  fut  aux  sons  de  la 
vielle  que  tombèrent  les  murs  de  Jéricho  ;  nous  Jou- 
tons également  que  la  vielle  fut  l'instrument  dont  se 
servait  Amphion  ;  nous  nous  permettons  de  chicaner 


256  VIE 

Jean  de  Meung,  quand  il  dit  dans  son  Roman  de  la 
Rose,  en  parlant  d'Orphée,  qu'il  faisait  après  soi  al- 
ler les  bois  par  son  beau  vieller.  Nous  suspectons 
même  Alexandre  de  Bernai,  dit  de  Paris,  qui  vivait 
sous  Philippe-Auguste,  et  qui,  dans  son  roman  d'A- 
lexandre le  Grand,  faisant  la  description  d'un  palais 
occupé  par  son  héros,  parle  de  deux  statues,  dont 
une  représentait  un  joueur  de  vielle  : 

«  L'un  tient  une  vielle,  l'arcon  fu  de  saphir; 
»  Li  autre  une  harpe  ;  moult  fut  bonne  à  oir.» 

Pour  constater  l'antiquité  d'un  instrument,  il  faut 
le  débarrasser  de  tous  les  accessoires  qui  ont  pu  ser- 
vir à  le  perfectionner,  lui  rendre  sa  simplicité  primi- 
tive, et  chercher  alors  si  sa  forme  ne  rappelle  pas  un 
instrument  connu  anciennement.  Ainsi,  si  vous  dé- 
pouillez le  piano  de  ses  marteaux  en  peau,  vous  ar- 
rivez au  clavecin  et  aux  sautereaux  armés  de  plume 
et  de  drap.  Enlevez  ces  sautereaux  et  les  touches,  que 
reste-t-il?  le  tympanon,  que  l'on  frappait  avec  des 
bâtons  comme  ceux  employés  par  les  cymbaliers  ; 
privez  encore  cet  instrument  et  des  bâtons  et  de  la 
caisse,  que  trouvez-vous  ?  la  harpe,  connue  de  toute 
antiquité.  La  vielle  est  un  instrument  trop  compliqué 
pour  qu'il  n'ait  pas  subi  bien  des  perfectionnements; 
enlevons-lui  ses  différentes  parties,  et  nous  la  rédui- 
sons à  un  corps  concave  armé  d'un  manche,  sur  le- 
quel des  cordes  sont  tendues.  Retrouvons-nous  dans 
l'antiquité  quelque  chose  de  semblable?  Oui,  le  ca- 
non ou  le  chelys,  monocorde  que  l'on  voit  figurer  sur 
une  foule  de  monuments  de  la  plus  haute  antiquité; 
le  chelys  antique  est  donc  la  souche  de  la  cythare  ou 
la  guitare,  de  la  rubeblée,  de  la  vielle,  et  l'on  voit 
que  le  chelys  est  le  père  de  tous  les  instruments  de 
musique  à  corps  concave  et  à  manche,  soit  qu'on 


VIE  257 

mette  leurs  cordes  en  vibration  en  les  frappant,  en 
les  pinçant  ou  en  les  frottant. 

Les  monuments  anciens,  surtout  ceux  de  Tordre 
gothique,  présentent  dans  les  sculptures  dont  ils  sont 
ornés  une  foule  de  faits  intéressants  pour  l'histoire 
de  la  vielle.  Mais  ce  qui  donne  à  ces  faits  un  carac- 
tère de  véracité  de  plus,  c'est  qu'ils  se  trouvent  con- 
firmés par  les  récits  des  historiens,  par  les  poésies, 
par  les  fabliaux,  par  les  chansons  des  troubadours, 
des  trouvères,  des  ménestrels,  des  jongleurs,  etc. 
Tous  ces  monuments  de  l'art  musical  et  littéraire, 
conservés  dans  les  principales  bibliothèques,  font 
connaître  et  expliquent  toutes  les  phases  de  la  vielle. 

De  quelque  manière  que  la  vielle  se  soit  formée 
par  degrés,  il  paraîtrait,  selon  M.  Burette,  membre 
de  l'Académie  des  belles-lettres,  dans  le  tome  8  du 
recueil  des  Mémoires,  que  les  anciens  ont  connu  la 
vielle;  car  il  dit  que  «  les  anciens  avoient  sur  quel- 
ques instruments  une  espèce  de  bourdon  qui  soute- 
noit  le  chant  en  faisant  sonner  X octave  quinte,  bour- 
don;  où  se  trouvoit  aussi  la  quarte,  par  la  situation 
delà  corde  du  milieu.  »  Puis  il  ajoute  :  «  Les  anciens, 
à  la  vérité,  ne  nous  ont  rien  laissé  par  écrit,  tou- 
chant ces  sortes  de  bourdons  ;  mais  nos  vielles  et  nos 
musettes,  qui   vraisemblablement    nous   viennent 
d'eux,  suffisent  pour  appuyer  une  telle  conjecture.  » 
Si  nous  consultons  le  Dictionnaire  de  Furetière,  à 
l'article  Vielle,  il  est  dit  que  les  anciens  la  nommaient 
par  excellence  symphonie.  La  vielle  était  encore  nom- 
mée, au  treizième  siècle,  syphonie,  cifonie  et  cyfoine, 
par  corruption  du  nom  primitif.  Cet  instrument  s'ap- 
pelait aussi  sambuque.  On  croyait  qu'elle  venait  de  la 
Grèce,  comme  l'indique  son  nom,  sarbuckê,  dont  les 
Latins  ont  fait  sambuca  ;  et  le  père  Joubert,  dans  son 
Dictionnaire,  définit  la  vielle  par  le  nom  de  sambuca 
rotala,  ce  qui  nous  prouve  qu'il  y  avait  des  vielles 


258  VIE 

avec  et  sans  roues.  En  voilà  assez,  ce  nous  semble, 
pour  établir  l'existence  de  la  vielle  dans  le  moyen- 
âge. 

Nous  allons  chercher  maintenant  vers  quel  temps 
les  Français  ont  commencé  à  faire  revivre  cet  instru- 
ment, que  les  guerres  qui  agitèrent  le  monde  après 
la  destruction  des  anciens  empires,  avaient  fait  sans 
doute  tomber  dans  l'oubli,  ainsi  qu'une  foule  d'au- 
tres instruments  qui  ne  sont  pas  parvenus  jusqu'à 
nous.  Nous  ne  dépasserons  pas  la  révolution  musi- 
cale opérée  par  Gui  d'Arezzo,  car,  avant  cette  époque, 
la  musique  était  trop  hérissée  de  difficultés  pour 
avoir  pu  être  cultivée  par  un  grand  nombre  d'indi- 
vidus. Mais  grâce  à  la  méthode  nouvelle  du  savant 
bénédictin,  l'étude  de  cet  art  devint  plus  facile  et 
prit  un  peu  de  faveur  dans  l'esprit  des  Français.  La 
France  alors  (1028)  avait  changé  de  forme  politique  ; 
la  plupart  des  seigneurs  tenaient  chacun  une  petite 
cour  particulière  dans  leurs  duchés,  comtés  ou  ba- 
ronies;  c'est  à  cette  époque  que  l'on  vit  paraître  en 
France  plusieurs  troupes  de  chanteurs  qui  allèrent 
mettre  à  profit  leurs  talents  dans  ces  diverses  cours 
princières.  Fauchet,  dans  son  livre  sur  la  langue  et  la 
poésie  française,  explique  ainsi  l'entrée  de  ces  musi- 
ciens :  «  Or,  est-il  certain,  dit-il,  que  bientôt  après 
»  la  division  de  ce  grand  empire  français  en  tant  de 
»  petits  royaumes,  duchez  et  contez,  au  lieu  de 
»  poètes  commencèrent  à  se  faire  connaître  les  trou- 
»  verres  et  chanterres,  conteours  et  jugleours  qui 
»  trouveurs,  chantres,  conteurs,  jongleurs,  c'est-à- 
»  dire  ménestriers,  chantans  avec  la  viele;  les  uns 
»  desquels  composoient,  comme  les  trouvers  ou  con- 
»  teurs,  les  autres  chantoient  les  Inventions  d'autrui 
»  comme  les  chanterres  et  les  jugleours...  Les  trou- 
»  veurs  donc  et  chantres  ayant  affaire  l'un  de  l'autre, 
»  s'accompagnoienl    volontiers,   et    afin   de  rendre 


VIE  259 

»  leurs  Inventions  et  Mélodies  plus  plaisantes  et 
»  agréables,  venoient  aux  grandes  assemblées  et  fes- 
»  tins  donner  plaisir  aux  princes...  rapportants  de 
»  grandes  récompenses  des  seigneurs,  qui  bien  sou- 
»  vent  leur  donnoient  jusqu'aux  robes  qu'ils  avoient 
»  vêtues,  et  lesquelles  ces  jougleurs  ne  failloient  de 
»  porter  aux  autres  cours,  afin  d'inviter  les  seigneurs 
»  à  pareille  libéralité.  »  (  Recueil  sur  l'origine  de  la 
Poésie  française y  chap.  8.)  Le  goût  de  la  vielle  nous 
fut  sans  doute  importé  d'Italie,  car  un  auteur  qui 
brillait  dans  le  royaume  deNaples,  en  1806,  parle  de 
cet  instrument  en  des  termes  très-favorables;  c'est 
Constantinus  Africanus,  moine  du  mont  Cassin  ;  dans 
un  traité  de  médecine,  il  conseille  de  faire  entendre 
aux  malades  le  son  de  divers  instruments  parmi  les- 
quels il  cite  la  vielle.  Ante  infirmum,  diilcis  sonitus  fiât 
de  musicorum  gêner  ibus,  sicut  campanula,  vidula  rota 
et  similibus.  (De  Morbor.  curât,  chap.  16.)  La  vielle 
se  nommait  alors  vitula  ou  vidula,  comme  l'atteste 
Pucange  dans  son  Glossaire.  Joannes  de  Janua,  reli- 
gieux dominicain,  lui  donne  le  nom  de  Yitula,  et 
Galfridus  de  Yino  Salvo,  poëte  normand  qui  brillait 
sous  Richard,  en  1190,  parle  de  la  vielle  comme 
d'un  instrument  qui  excite  la  joie  :  Vitulœjocosœ. 

La  vielle  n'eut  pas  toujours  la  forme  que  nous  lui 
voyons  aujourd'hui;  elle  ne  fut  d'abord  qu'une  sorte 
de  guitare,  assez  semblable  à  la  mandoline,  et  ses 
cordes  étaient  mises  en  vibration  au  moyen  d'un 
morceau  de  plume,  espèce  de  plectrum;  plus  tard 
on  lui  substitua  une  sorte  d'archet,  composé  d'un 
morceau  de  bois  denté,  dont  les  dentelures  étaient 
recouvertes  en  peau.  Mais,  jusqu'à  ce  moment,  les 
doigts  seuls  appuyaient  sur  les  cordes,  le  long  du 
manche,  pour  marquer  les  différentes  notes  ;  le  cla- 
vier ne  fut  adapté  que  postérieurement;  car,  dans 
les  temps  primitifs,  la  vielle  avait  la  forme  d'un  vio- 


2G0  VIE 

Ion,  et  c'est  ainsi  qu'elle  est  représentée  sur  les  ma- 
nuscrits anciens.  Comme  l'archet  employé  alors  ne 
permettait  pas  de  filer  des  sons,  de  leur  donner  plus 
ou  moins  d'ampleur,  on  lui  substitua  une  roue,  sur 
laquelle  les  cordes  viennent  s'appuyer  plus  ou  moins 
fortement;  et  une  petite  manivelle  servit  à  faire  mou- 
voir cette  roue.  Cet  instrument  était  fort  en  faveur  en 
France,  vers  l'an  1085.  Dans  ce  siècle,  elle  animait 
les  meilleurs  concerts.  Nicolas  de  Bray,  dans  sa  Yie 
de  Louis  VIII,  en  parlant  d'une  fête  qui  se  donna 
sous  le  règne  de  ce  roi,  dit  que  les  comédiens  firent 
leur  entrée  sur  le  théâtre  au  doux  son  de  la  vielle  et 
de  plusieurs  autres  instruments. 

Occurrunt  mimi,  dulci résonante  viella 
Instrumenta  sonant,  non  sistrum  defuit  illic. 

Sous  saint  Louis,  la  vielle  faisait  le  charme  de 
toutes  les  réunions;  la  reine  Blanche  s'en  servait 
pour  amuser  le  monarque,  et  dans  les  Tournoyements 
de  l'Ante-Ckrist,  roman  composé  au  commencement 
du  règne  de  saint  Louis,  l'auteur  place  la  vielle  dans 
un  concert,  comme  l'instrument  dont  se  servaient  les 
jongleurs  pour  accompagner  leurs  chansons  et  ani- 
mer la  danse. 

Quand  les  tables  ôtées  furent 
Cil  Jugleurs  in  Pies  esturent  : 
Sont  vielles  et  harpes  prises 
Chansons,  sons  lais,  vers  et  reprises 
Et  de  geste  chante  nos  ont. 

La  vielle  était  l'instrument  dont  se  servait  Thibaut, 
comte  de  Champagne,  pour  accompagner  les  vers 
qu'il  adressait  à  la  reine  Blanche.  Ce  prince  ne  fut 
point  heureux  dans  son  amour,  nous  dit  l'histoire  ; 
et  tout  le  fruit  qu'il  retira  de  sa  passion  pour  sa 
blonde  couronnée  fut  une  mélancolie  qu'il  ne  pouvait 


SAX  261 

calmer  qu'en  jouant  de  la  vielle,  et  en  mêlant  au  son 
de  cet  instrument  les  chansons  plaintives  que  son 
constant  amour  lui  inspirait.  La  Chronique  de  Saint- 
Denis  dit  :  «  Et  pour  ce  que  profondes  pensées  engen- 
»  drent  mélancolie,  li  (Thibaut)  fû  il  loé  d'aucuns 
»  sages  homes,  qu'il  s'estudiast  en  biaux  sons  de  vielle 
»  et  en  doux  chants  de  vielle  délitable  :  si  fist  entre  li 
»  et  Gaces  Brûles,  les  plus  belles  chansons  et  les 
»  plus  delitables  et  mélodieuses  qui  fussent  oncques 
»  oyes.  »  La  vielle  continua  d'être  très-cultivée  sous 
les  règnes  suivants  ;  car,  sous  Philippe  le  Hardi,  nous 
voyons  apparaître  le  poëte  Adenez,  ménestrel  de 
Henri,  duc  de  Brabant,  père  de  la  reine  Marie,  se- 
conde femme  du  roi  de  France.  Ce  ménestrel  em- 
ployait la  vielle  pour  accompagner  ses  chants,  et 
dans  le  Roman  d'Ogier,  dont  il  est  l'auteur,  il  cite  cet 
instrument  comme  celui  dont  on  se  servait  alors  pour 
soutenir  la  voix.  En  parlant  de  Guillaume  le  Bert 
d'Orange  et  d'Ogier  : 

Ils  violèrent  tout  doi  d'une  chanson 
Dont  les  vieles  êrent  Targe  ou  Blazon 
Et  brant  d'acier  estaient  li  arçon. 

Ce  qui  prouve  qu'alors  la  vielle  était  un  instrument 
tant  à  la  mode,  qu'on  l'embellissait  par  des  armoi- 
ries que  l'on  faisait  peindre  ou  incruster  dessus.  Dans 
le  même  temps  vivait  également  Jonglet,  poëte,  mé- 
nétrier fort  renommé,  et  principal  en  ce  métier,  dit 
Fauchet  :  il  était  fort  bien  vu  à  la  cour  de  l'empereur 
Conrad  IV.  Ce  prince  sut  le  distinguer  dans  la  foule 
des  musiciens  célèbres  qui  s'étaient,  pour  ainsi  dire, 
donné  rendez-vous  à  Mayence,  autour  de  sa  personne. 
Il  paraît  que  Jonglet  ne  chantait  pas  seulement  les 
chansons  courantes,  mais  encore  des  espèces  d'his- 
toires mises  en  vers  et  qu'il  accompagnait  des  sons 

8* 


262  VIE 

de  sa  vielle.  Nous  lisons  dans  un  ancien  roman, 
connu  sous  le  nom  de  Guillaume  de  Dole,  où  il  est 
parlé  du  prince  : 

Un  sien  Vielor  qu'il  a 

Qu'on  appelle  accort  Jonglet 

Fit  appeller  par  un  Varlet  : 

Il  est  sage  est  grant  apris 

Mainte  chanson  et  maint  biau  conte. 

Colin  Muset  vivait  également  dans  ce  siècle  ;  il  était 
poëte  et  ménestrel  ;  il  composa  diverses  chansons 
dont  il  nous  reste  quelques  fragments.  Par  les  uns, 
il  nous  apprend  lui-môme  qu'il  fréquentait  les  cours 
des  princes;  par  les  autres,  on  voit  que  la  vielle  était 
son  instrument. 

Ja'ay  ali  (dit-il)  el  Praelet 
0  tôt  la  vielle  et  l'archet 
Si  li  ai  chante  le  Muset. 

Ce  poëte  musicien  était  aveugle  ;  les  badinages  aux- 
quels cette  cécité  donnait  lieu,  et  les  tours  qu'on  lui 
faisait,  ont  sans  doute  donné  naissance  au  jeu  de 
clémuselte,  abréviation  de  Colin-Muset.  C'est  l'opinion 
de  Dreux  de  Radier.  Nous  terminerons  ce  préam- 
bule en  faisant  observer  qu'il  est  prouvé  par  un 
compte  de  l'hôtel  de  Jean,  duc  de  Normandie,  depuis 
roi,  de  l'année  1349,  que  l'on  désignait  sous  le  titre 
de  menestreux  tous  ceux  qui  jouaient  de  la  vielle, 
sans  indiquer  leur  genre  d'instrument  ;  mais  quand 
c'étaient  d'autres  instruments  dont  ils  faisaient  usage, 
on  ajoutait  à  la  suite  l'instrument:  ainsi  menestreux 
tout  seul  indique  un  joueur  de  vielle;  les  autres  sont 
dits  ménestrel  du  cor  sarrasinois,  ménestrel  de  naquai- 
resy  ménestrel  de  trompette.  (Ducange,  Mémoire  de 
Joinville.)  On  trouve  dans  les  rôles  de  la  taille  de 


VIE  263 

Paris  pour  1292,  1296,  1297  et  1298,  dans  \arue  aux 
Jugleeurs,  un  fabricant  de  vielles,  c'est  Henri  aux 
vieles  ou  Henri  qui  fait  des  vielles;  il  impose  au 
chiffre  de  6  à  12  sous  de  cette  époque.  Nous  allons 
voir  maintenant  ce  qu'on  fit  de  la  vielle  sous  les  rè- 
gnes qui  suivirent  celui  de  Philippe  le  Hardi. 

Nous  voici  arrivés  au  quatorzième  siècle,  qui  s'il 
n'offre  pas  de  nombreux  faits  concernant  la  vielle, 
est  du  moins  une  époque  remarquable  pour  les  pro- 
grès de  la  musique.  Il  manquait  encore  beaucoup  de 
choses  pour  que  le  système  de  Gui  d'Arrezo  fût  par- 
fait. On  ne  reconnaissait,  par  exemple,  ni  noires,  ni 
blanches,  ni  croches;  toutes  les  notes  avaient  une 
môme  valeur,  de  même  qu'une  figure  uniforme;  ce 
fut  vers  le  milieu  du  quatorzième  siècle,  environ  l'an 
1350,  sous  le  règne  du  roi  Jean,  qu'un  nommé  Jean  de 
Meurs  imagina  le  moyen  de  distinguer  les  valeurs  iné- 
gales des  notes.  Cette  invention  rendit  plus  populaire 
l'usage  de  la  musique  que  Gui  d'Arrezo  avait  déjà 
rendu  plus  facile. 

Nous  ne  nous  apercevons  pas  encore  que  les  pro- 
grès de  la  musique  aient  beaucoup  influé  pendant 
tout  ce  siècle  sur  l'usage  de  la  vielle.  Nous  découvrons 
seulement  que  dès  cette  époque  on  l'appelait  parfois 
chifonie.  En  effet,  on  lit  dans  la  Chronique  manuscrite 
de  Bertrand  du  Guesclin  :  Que  deux  ménétriers  d'un 
roi  de  Portugal  jouaient  d'un  instrument  nommé  chi 
fouie,  instrument  qui  était  pendu  au  col  avec  une 
sangle;  instrument  dont,  suivant  ce  manuscrit,  on 
jouait  alors  en  France  et  en  Normandie;  le  poëte 
en  parlant  des  deux  ménétriers,  dit  : 


Et  savait  chacun  d'eux  après  luy  un  sergent 
Qui  une  chifonie  va  à  son  col  portant, 
Et  li  deux  Menectrers  se  vont  appareillant, 
Tous  deux  devant  le  roi  se  vont  chiflonniant... 


264  \IE 

Ensuite  le  poëte  nous  apprend  que  Mathieu  de 
Gournay,  qui  était  alors  avec  le  roi  et  qui  l'entrete- 
nait sans  doute  de  quelque  affaire  importante,  écou- 
tait cette  musique  avec  impatience  : 

Et  Mathieu  de  Gournay  les  va  aperchevant. 

Et  les  chiffonnieux  à  loy  priser  tant. 

Et  en  son  cœur  alloit  moult  durement  grabant. 

Cependant  le  roi,  plus  occupé  de  ses  musiciens  que 
des  affaires  de  Mathieu  de  Gournay,  lui  demanda, 
quand  ils  eurent  fini  de  jouer,  son  avis  sur  ses  deux 
ménétriers. 


Et  le  Roy  lui  a  dit,  après  le  jeu  laissant  : 
Et  que  vous  semble,  dit-il,  sont-ils  bien  si 


en  suffisant? 

Mathieu  de  Gournay,  impatienté  et  maudissant  les 
symphonistes  qui  détournent  le  roi  du  sujet  de  la 
conversation,  fait  une  déclamation  contre  la  vielle  : 

Dist  Mathieu  de  Gournay,  ne  vous  irai  celant, 
Ens  ou  pays  de  France  et  ou  pays  normant, 
Ne  vont  tels  instrumens,  fors  aveugles  portant, 
Ainsi  vont  li  aveugles  et  li  Poores  truant, 
De  si  fais  instrumens  li  bourgeois  esbattant, 
Et  l'appella  depuis  un  instrumeut  truant  : 
Car  ils  vont  d'huis  en  huis  leur  instrument  portant 
Et  demandent  leur  pain 

C'est  donc  vers  le  quatorzième  siècle  que  les  aveu- 
gles et  les  pauvres  s'emparèrent  de  cet  instrument 
pour  gagner  leur  vie.  Les  aveugles  se  sont  appropriés 
la  vielle  en  France,  comme  en  Espagne  ils  ont  adopté 
la  guitare  ;  et  chose  assez  remarquable,  c'est  que  dans 
ce  dernier  pays  ils  ont  donné  leur  nom  d'aveugle 
(ciegos)  à  tous  les  musiciens  ambulants,  qu'ils  y  voient 
ou  qu'ils  n'y  voient  pas,  ainsi  qu'à  leurs  romances  ;  et 
à  la  fin  du  dix-huitième  siècle,  on  envoyait  les  ciegos 


VIE  205 

(ménétriers  très-voyants)  pour  jouer  dans  tous  les  bals 
de  société. 

Etant  devenu  l'in&trument  de  l'indigence,  il  arriva 
à  la  vielle  ce  qui  arrive  à  la  plupart  des  choses  dont 
l'usage  est  arbitraire  et  qui  dépend  du  goût.  Il  y  a 
cent  ans,  une  personne  d'un  certain  rang  n'aurait  pas 
osé  jouer  du  violon;  depuis,  cet  instrument  a  recon- 
quis ses  parchemins,  et  l'espèce  de  mépris  où  il  était 
tombé  n'a  jamais  pu  porter  la  moindre  atteinte  à  son 
mérite.  Il  eût  dû  en  être  de  même  de  la  vielle.  Elle 
fut  négligée  par  la  cour,  et  on  ne  trouve  plus  mention 
de  cet  instrument  avec  éloge  par  les  écrivains  du  quin- 
zième siècle.  Mais  il  paraît  que  l'on  en  jouait  beau- 
coup, car  Philippe  de  Commine  dit  proverbialement 
qu'il  faut  avant  toute  chose  accorder  toutes  ses  vielles, 
comme  on  a  dit  plus  tard  accorder  ses  flûtes.  L'usage  de 
la  vielle,  quoique  relégué,  en  France,  dans  la  classe 
infime  de  la  société,  s'étendit  en  pays  étranger;  nous 
voyons  la  vielle  s'introduire,  à  cette  époque,  en  Espa- 
gne :  dans  le  roman  de  Tirant  le  blanc,  écrit  en  langue 
catalane  et  imprimé  vers  la  fin  du  quinzième  siècle, 
l'auteur  emploie  ces  termes  mija  vivela  pour  signifier 
ma  vielle. 

Mais,  au  seizième  siècle,  nous  retrouvons  la  vielle 
ayant  repris  ses  anciens  droits  et  occupant  place  à  la 
cour.  En  1515,  les  vielleux  font  partie  du  corps  de 
musique  qui  assiste  au  cortège  de  François  Ier  à  son 
entrée  dans  Paris  ;  ils  étaient  vêtus  de  damas  blanc  et 
marchaient  après  le  chancelier.  Durant  ce  siècle,  les 
ménétriers  chantaient  les  chansons  de  geste  en  s'ac- 
compagnant  de  la  vielle  que  l'on  nommait  alors  sym- 
phonie, ainsi  que  nous  l'apprend  le  Propriétaire  en 
françoysy  cité  par  Francisque  Michel  dans  la  préface 
de  la  chanson  de  Roland  ou  de  Roncevaux. 

Le  commencement  du  dix-septième  siècle  ne  fut 
pas  favorable  au  progrès  de  l'instrument  dont  nous 


266  VIE 

parlons.  La  musique  ne  fleurit  pas  beaucoup  en  France 
sous  le  règne  de  Louis  XIII.  Les  premières  années  du 
règne  de  Louis  XIV  ne  fournissent  rien  de  remarqua- 
ble sur  la  vielle,  et  cet  instrument  demeura  pendant 
plusieurs  années  dans  le  même  état  où  il  avait  été 
sous  le  règne  précédent.  Cependant  la  musique  avait 
fait  de  grands  progrès  depuis  que  Jean-de-Meurs  avait 
inventé  les  rondes,  les  blanches,  les  noires,  etc.,  vers 
l'année  1350,  pour  distinguer  la  valeur  des  notes.  Il 
n'était  resté,  depuis  cette  époque,  que  deux  correc- 
tions à  faire  au  système  de  Gui  d'Arezzo,  pour  rendre 
l'usage  de  la  musique  plus  sûr  et  plus  facile  :  la  pre- 
mière consistait  dans  la  distinction  des  mesures  par 
de  petites  barres,  la  seconde  était  de  lever  la  difficulté 
des  nuances  que  l'on  était  obligé  d'employer,  faute 
d'avoir  un  septième  ton  au-dessus  du  la,  pour  attein- 
dre l'octave.  La  division  des  mesures  arriva  presque 
en  même  temps  que  l'invention  des  notes  en  rondes, 
blanches,,  noires,  etc.,  etc.,  par  Jean-de-Meurs,  niais 
lui  fut  postérieure,  quoi  qu'en  dise  Sébastien  Bros- 
sard,  dans  son  Dictionnaire  de  musique;  car  il  est 
absurde  de  vouloir  faire  inventer  les  séparations  des 
mesures  avant  la  distinction  de  la  valeur  des  notes 
qui  doivent  la  composer.  Quant  à  l'addition  de  la 
note  la,  faite  au  système  d'Arezzo,  elle  date,  selon  ce 
même  Brossard,  de  l'année  1650,  sous  Louis  XIV. 
Voici  comment  s'explique  cet  auteur  :  «  Comme  les 
»  sons  se  trouvent  naturellement  de  sept  en  sept  de- 
»  grés,  précisément  dans  les  mêmes  intervalles,  et 
»  peuvent  se  répéter  d'octave  en  octave,  pour  ainsi 
»  dire  à  l'infini,  on  a  ajouté  vers  le  milieu  du  siècle 
»  passé,  une  septième  syllabe,  savoir  si,  aux  six  sylla- 
»  bes  de  Gui  Aretin,  qui  donne  la  facilité  d'exprimer 
»  tous  les  degrés  de  l'octave,  d'en  remplir  tous  les  in- 
»  tervalles,  et  par  conséquent  de  faire  cette  répétition 
»  indéfinie,  sans  changer,  que  fort  rarement,  le  nom 


VIE  267 

»  à  pas  une  des  notes.  »  Brossard  ne  nous  indique  pas 
le  nom  de  l'inventeur  du  si  ;  mais  Furetière,  qui  pa- 
raît aussi  regarder  cette  intercalation  comme  très- 
moderne,  en  attribue  l'invention  à  un  nommé  Le- 
maire  :  «  Le  si,  dit-il,  estime  septième  note  demusi- 
»  que,  ajoutée  depuis  peu  par  un  nommé  Lemaire  aux 
»  six  anciennes  inventées  par  Gui  Aretin ,  par  le 
»  moyen  de  laquelle  on  évite  l'embarras  de  l'ancienne 
»  gamme  qui  se  faisait  de  B  mol  en  nature,  et  de  B 
»  quarre.  »  Furetière  ajoute  encore  :  «  La  jalousie  des 
»  hommes  est  si  grande,  que  trente  ans  durant,  Le- 
»  maire  a  prêché  vainement  la  méthode  aux  musiciens, 
»  et  pas  un  ne  l'a  voulu  adopter,  mais  que  sitôt  qu'il 
»  a  été  mort,  ils  l'ont  tous  suivie.  »  Dès  l'année  1671, 
on  rencontre  le  si  dans  les  partitions  des  différents 
opéras  représentés  sous  le  règne  de  Louis  XIY.  La 
musique  devenant,  par  suite  de  ces  améliorations 
dans  la  notation,  plus  facile  pour  la  lecture,  nous 
voyons  la  vielle  reprendre  sa  première  popularité.  La 
voici  qui  figure  dans  les  chansons  de  Gautier  Gar- 
guille,  en  1640. 

Une  jeune  demoiselle 
Demandait  a  un  vielleux  : 
«  As-tu  perdu  les  deux  yeux 
»  En  jouant  de  ta  vielle? 
»  —  Non,  mais  ce  fut  l'autre  jour, 
»  Payant  les  dettes  d'amour.  » 

Cette  même  année,  on  voit  paraître  une  satire,  in- 
titulée :  le  Paranymphe  de  la  vielle.  Elle  nous  apprend 
que  dans  ce  siècle  comme  dans  ceux  qui  ont  précédé, 
les  mendiants  et  les  aveugles  se  servaient  de  cet  ins- 
trument pour  exciter  la  commisération  publique. 

Les  aveugles,  dessus  leur  vielle, 
Ne  chanteront  autre  nouvelle 
En  mendiant  dans  nos  maisons. 


268  VIE 

Dans  la  Rome  ridicule  de  Saint- Amand,  on  lit  : 

Ici,  pour  instrument  de  danse, 
L'on  vit  la  cimbale  tinter, 
Les  ossets,  drus  à  cliqueter, 
En  accompagnant  la  cadence; 
Un  aveugle^  expert  vielleur , 
Joint  sa  symphonie  à  la  leur, 
Sous  l'orme  droit  comme  une  gaule, 
Il  grimace  en  mille  façons; 
Il  tort  son  minois  sur  l'espaule 
Et  fait  peur  aux  petits  garçons. 

Le  même  poëte  avait  dit  dans  le  To'ète  sacré  : 

Remembre-toy  des  sérénades. 
Qu'en  mes  nocturnes  promenades, 
Accompagné  d'un  vielleur 
Aveugle,  afin  que  déceleur 
De  nos  amours  il  ne  pust  être... 

Je  t'ai  si  souvent 

Donnez  à  la  pluye  et  au  vent. 

Dans  la  Vraye  Histoire  comique  de  Francion,  qui  date 
du  commencement  du  dix-huitième  siècle,  Ch.  So- 
rel  introduit  au  quatrième  livre  un  joueur  de  vielle, 
qui  fait  danser  le  pédant  Hortensius  et  ses  convives; 
surpris  par  le  principal  du  collège  où  se  passait  la  soi- 
rée :  «  Hélas!  monsieur...,  pardonnez-moi,  dit  le  viel- 
leux, je  ne  vais  que  là  où  l'on  me  mène  ;  mon  pauvre 
luminaire  est  éteint.  Un  homme  que  je  ne  connais 
point,  m'a  fait  venir  ici,  et  a  renvoyé  mes  yeux  à  la 
maison...,  j'appelle  ainsi  un  petit  garçon  qui  me  con- 
duit. »  Il  parait  que  ces  pauvres  aveugles  ne  se  con- 
tentaient pas  de  jouer  de  leur  instrument;  ils  y  ajou- 
taient leurs  chants.  Le  poëte  Léonard  écrit,  en  parlant 
de  ceux  qui  ne  pouvaient  rien  obtenir,  pas  même  un 
jiard  que  l'on  nommait  alors  pistole  de  vielleur  : 

Ils  avaient  beau  supplier, 
Entonner  des  Noëls  antiques 


VIE  269 

Et  faire  génlir  le  clavier 

De  leurs  vielles  mélancoliques. 

L'exécution  de  la  vielle  était  lente,  d'où  est  venu  le 
proverbe,  long  comme  une  vielle,  long  dans  tout  ce 
que  l'on  fait.  On  disait  également  pour  désigner  un 
homme  dont  l'humeur  est  aisée,  accommodante, 
faisant  tout  ce  que  l'on  désire  :  Il  est  du  bois  dont  on 
fait  des  vielles,  comme  aujourd'hui,  on  dit  :  Il  est  du 
bois  dont  on  fait  des  flûtes. 

Si  la  vielle  était  l'instrument  des  pauvres,  nous 
allons  la  voir  devenir  bientôt  aussi  celui  de  la  cour. 
Car  voici  venir  successivement  deux  personnages  qui 
vont  réveiller  le  goût  du  public  pour  la  vielle.  L'un  se 
nomme  La  Roze.  Il  n'était  pas  grand  musicien,  et  son 
talent  consistait  toujours  à  jouer  les  menuets,  les  en- 
trées, contredanses  et  vaudevilles  de  ce  temps-là; 
mais  il  les  exécutait  délicieusement;  c'était  à  qui 
pourrait  le  posséder.  Il  joignait  à  son  talent  d'exécu- 
tion une  jolie  voix  qu'il  conduisait  avec  goût.  Toute 
la  cour  voulut  entendre  La  Roze,  et  la  manière  déli- 
cieuse dont  il  jouait  de  la  vielle  ne  contribuait  pas 
peu  à  faire  revivre  cet  instrument  dans  la  haute  classe 
de  la  société.  Peu  de  temps  après,  on  vit  paraître  un 
autre  joueur  de  vielle,,  qui  acquit  encore  plus  de  ré- 
putation. Son  nom  était  Janot.  Il  jouait  avec  perfec- 
tion les  contredanses  et  autres  airs  de  l'époque  où  il 
vivait;  il  chantait  aussi  fort  bien  les  vaudevilles,  en 
s'accompagnant  avec  sa  vielle.  Il  exécutait  également 
les  principaux  morceaux  des  opéras  de  Lully,  tels  que 
la  Descente  de  Mars.  On  doit  à  La  Roze  et  à  Janot  deux 
chansons  qui  nous  sont  parvenues  ;  l'une  commence 
par  ces  mots  :  Je  vis  content  avec  ma  vielle  ;  et  l'autre, 
Dieu  qui  fait  tout  pour  le  mieux.  La  Roze  et  Janot  réta- 
blirent donc  la  vielle  dans  son  ancien  honneur  par 
les  applaudissements  qu'ils  reçurent  à  la  cour  de 
Louis  XIV,  et  formèrent  de  nombreux  élèves. 


270  VIO 

Vielleur,  vielleuse.  Celui  ou  celle  qui  joue  de  la 
vielle. 

Vilanelle.  Ancienne  danse  champêtre  accompa- 
gnée de  chant. 

Villancico.  Espèce  d'ode  sacrée  que  les  Espagnols 
chantent  dans  les  églises  pour  les  fêtes  de  Noël. 

Viola  di  spalla.  On  faisait  usage  de  cet  instru- 
ment dans  les  premières  années  du  siècle  dernier 
avec  les  instruments  à  vent  les  plus  grands.  Il  servait 
dans  la  musique  instrumentale  à  l'exécution  de  la 
partie  principale.  Il  tient  le  milieu  entre  la  viole  et  le 
violoncelle.  Ceux  qui  en  jouaient  se  l'attachaient  avec 
une  lanière  passant  sur  la  poitrine,  et  la  rejetaient 
sur  l'épaule. 

Viola  pomposa.  Instrument  à  archet  en  usage  vers 
le  milieu  du  siècle  dernier,  inventé  par  Jean-Sébas- 
tien Bach.  Elle  était  plus  grande  que  la  viole  ordi- 
naire, et  avait  des  cordes  plus  élevées,  et  cinq  cordes 
accordées  en  do,  clef  de  basse  au-dessous  des  lignes, 
et  sol  ré,  la,  mi. 

Viola  tenore.  Anciennement  on  employait  dans 
la  musique  vocale  deux  espèces  de  violes,  celle  en 
clef  d'alto  qui  marchait  à  l'unisson  avec  la  voix  d'alto 
et  celle  écrite  en  clef  de  ténor  à  l'unisson  avec  la  voix 
de  ténor. 

Viole.  Cet  instrument,  dont  l'usage  est  si  étendu, 
et  qui  dans  la  musique  à  grand  orchestre  forme  une 
des  quatre  parties  principales,  ne  diffère  pas  du  vio- 
lon quant  à  son  doigté.  Il  en  diffère  cependant  par  sa 
dimension,  qui  est  plus  grande,  et  par  l'accord  de  ses 
quatre  cordes,  dont  les  deux  dernières  sont  recouver- 
tes de  fil  de  métal.  Ces  cordes  sont  accordées  en  do, 
clef  de  basse  second  espace,  puis  par  quinte  sol  ré  la. 
Mais  c'est  surtout  la  qualité  du  son  qui  est  différente, 
précisément  à  cause  de  sa  grandeur  et  de  ses  cordes 
moins  tendues.  Cette  manière  d'accorder  fait  que  l'on 


VIO  271 

écrit  la  partie  de  la  viole  en  clef  d'alto,  et  de  là  lui 
vient  encore  le  nom  d'alto,  d'alto  viola. 

La  viole  fut  longtemps  négligée  par  les  composi- 
teurs de  l'ancienne  école.  Haydn  et  Mozart  lui  don- 
nèrent enfin  le  rang  qui  lui  appartenait  et  qu'elle 
occupe  aujourd'hui  dans  les  ouvrages  des  composi- 
teurs distingués.  Ses  sons  tendres  et  mélancoliques 
produisent  un  excellent  effet  dans  la  marche  des  par- 
ties intermédiaires,  et  s'accordent  bien  avec  la  clari- 
nette, le  cor,  le  basson. 

Viole.  Jeu  d'orgue  de  tuyau  à  bouche,  ouvert  de 
quatre  pieds,  qui  sert  d'unisson  à  l'octave. 

Viole  (Basse  de).  Cet  instrument  extrêmement  rare 
diffère  du  violoncelle  par  son  accord  de  six  et  quel- 
quefois sept  cordes  en  ré  clef  de  basse  au-dessous  des 
lignes  sol  mi  la  ré,  et  par  ses  sons  criards  et  nasillards. 

Viole  bâtarde.  Très-ancienne  espèce  de  viole.  Elle 
avait  six  cordes  accordées  en  do,  clef  de  basse  au-des- 
sous des  lignes  fa  do  mi  la  ré.  Elle  avait  le  corps  plus 
long  et  plus  étroit  que  la  viole. 

Viole  d'amour.  Cet  instrument  est  plus  grand  que 
la  viole  ordinaire,  et  a  un  manche  plus  long.  Il  en  dif- 
fère encore  dans  l'accord  de  ses  sept  cordes  en  sol, 
clef  de  basse  première  ligne;  do  sol  do  mi  sol  do,  ou 
sol  do  mi  la  ré  sol  do. 

Violicembalo.  Instrument  inventé  en  1609  par 
Jean  Haydn,  à  Nuremberg.  Il  voulut  faire  participer 
le  piano  à  l'avantage  qu'ont  les  instruments  à  archet 
ou  à  vent  de  soutenir  plus  longtemps  le  son  et  de  le 
modifier  dans  sa  faiblesse  ou  dans  sa  force.  Il  inventa 
donc  le  violicembalo,  qui  a  la  forme  du  piano.  L'abbé 
Tréntin,  à  Venise,  attira  de  nouveau  l'attention  sur 
cet  instrument  par  les  réformes  qu'il  y  fit  il  y  a  quel- 
ques années. 

Violon.  De  tous  les  instruments,  le  plus  beau,  le 
plus  harmonieux,  le  plus  flexible,  le  plus  riche  en 


272  VIO 

modulations  tour  à  tour  énergiques,  tendres  et  pas- 
sionnées, c'est  sans  contredit  la  voix  humaine.  Parmi 
lesorganes  de  la  mélodie,  même  les  plus  perfectionnés, 
en  est-il  un  seul  qui,  pour  la  puissance,  la  vigueur, 
l'éclat,  le  charme,  la  grâce,  la  variété,  le  prestige  des 
ornements,  puisse  rivaliser  avec  la  voix  d'un  chan- 
teur éminent,  quand  cette  voix  a  été  exercée,  assou- 
plie, fortifiée  par  un  travail  persévérant,  quand  ce 
chanteur  s'appelle  Rubini  ou  Lablache,  Damoreau  ou 
Persiani?  Toutefois,  si  parmi  nos  instruments  il  en 
est  un  qui,  pour  l'abondance  et  la  variété  des  ri- 
chesses mélodiques,  puisse  être  jusqu'à  un  certain 
point  comparé  à  la  voix  humaine,  c'est  assurément 
le  violon.  Le  violon  est  de  tous  les  instruments  le 
plus  harmonieux,  le  plus  richement  doté,  et  telles 
sont  la  supériorité  de  son  organisation  et  la  fécondité 
de  ses  ressources,  qu'il  peut  remplir  d'une  manière 
brillante  le  rôle  assigné  à  chacun  des  autres  organes 
de  la  mélodie.  Passant  par  une  série  d'étonnantes 
métamorphoses,  il  peut,  comme  la  trompette,  écla- 
ter en  accents  belliqueux,  jeter  comme  la  harpe  des 
myriades  de  notes  tendres  et  passionnées,  ou  soupi- 
rer comme  la  flûte  les  naïves  amours  des  villageois. 
Et  non-seulement  le  violon  est  le  plus  varié  de  tous 
les  instruments,  sous  le  rapport  de  l'expression,  il  est 
encore  le  plus  répandu,  le  plus  populaire.  Il  brille 
dans  les  concerts,  fait  le  charme  de  toutes  les  réunions 
particulières;  mais  c'est  surtout  dans  les  grandes  so- 
lennités musicales,  c'est  sur  nos  scènes  lyriques  que 
sa  puissance  se  déploie,  au  milieu  de  l'orchestration 
la  plus  riche  et  la  plus  colossale. 

Le  violon  est  monté  sur  quatre  cordes  de  boyau, 
dont  la  plus  grave  sonne  le  sol.  Les  trois  autres  por- 
tent ré,  la,  mi.  par  quinte  du  grave  à  l'aigu.  La  corde 
50/  est  filée  en  laiton.  Le  diapason  du  violon  est  de 
trois  octaves  et  une  sixte.  Il  commence  au  troisième 


VÎO  273 

50/  du  piano.  Ses  quatre  cordes  suffisent  pour  donner 
plus  de  quatre  octaves,  plus  de  trente-deux  notes  du 
grave  à  l'aigu.  Elles  se  prêtent  à  toutes  les  exigences 
du  chant,  à  toutes  les  variétés  de  la  modulation.  Au 
moyen  de  l'archet  qui  met  les  cordes  en  vibration,  et 
peut  en  faire  parler  plusieurs  à  la  fois,  il  unit  aux  sé- 
ductions delà  mélodie  le  charme  des  accords,  et  l'a- 
vantage si  grand  de  prolonger  le  son,  d'en  doubler 
la  puissance  et  l'énergie,  la  grâce  et  la  suavité. 

Quelques  artistes  célèbres  n'ont  pas  accordé  le  violon 
par  quinte,  ainsi  qu'on  le  fait  ordinairement.  Pour  en 
obtenir  une  sonorité  plus  éclatante,  Paganini  haussait 
toutes  les  cordes  d'un  demi-ton  et  jouait  en  ré  naturel, 
par  exemple,  quand  l'orchestre  était  en  mi  bémol,  en  la 
naturel  quand  l'orchestre  était  en  si  bémol.  Par  ce  fa- 
cile artifice,  il  conservait  la  plupart  de  ses  cordes  à 
vide  ;  et  l'on  sait  que  la  sonorité  de  ces  cordes  est  bien 
plus  éclatante  que  celle  des  cordes  où  les  doigts  sont 
appuyés.  De  Beriot  hausse  souvent  le  sol  d'un  ton, 
dans  ses  concertos.  Baillot,  au  contraire,  baissait  quel- 
quefois le  sol  d'un  demi-ton,  quand  il  voulait  obte- 
nir des  effets  doux  et  graves.  Winter  à  même  em- 
ployé, dans  le  même  but,  le  fa  naturel  au  lieu  du 
sol. 

Les  trilles  sont  praticables  sur  tous  les  degrés  de  la 
vaste  échelle  du  violon.  Mais  ils  deviennent  très-dif- 
ficiles sur  les  notes  les  plus  aiguës  :  on  les  redoute,  et 
il  est  prudent  de  ne  jamais  les  employer  à  l'or- 
chestre. 

Les  accords  de  deux,  trois  ou  plusieurs  notes  qu'on 
peut  frapper  ou  arpéger  sur  le  violon  sont  très-nom- 
breux et  produisent  des  effets  très- différents.  Les  ac- 
cords de  deux  notes,  qui  résultent  de  ce  qu'on  ap- 
pelle la  double- cor  de,  conviennent  aux  dessins  mé- 
lodiques, aux  phrases  soutenues,  aux  accompagne- 
ments et  au  trémolo,  désaccords  de  trois  ou  plusieurs 


274  YIO 

notes  produisent  un  assez  mauvais  effet  dans  \o  piano, 
mais  ils  ont  de  la  richesse  dans  le  forte  :  l'archet  peut 
les  faire  vibrer  alors  d'une  manière  simultanée.  Les 
accords  que  l'on  désirerait  obtenir  entre  le  50/  et  le  ré 
graves,  sont  impossibles  à  chaque  instrument  isolé, 
puisqu'il  n'y  a  qu'une  corde:  en  ce  cas,  on  divise  les 
violons.  A  partir  du  ré  grave,  tous  les  intervalles  de 
seconde,  de  tierce,  de  quarte,  de  quinte,  de  sixte,  de 
septième  et  d'octave  sout  praticables  :  ils  deviennent 
seulement  plus  difficiles  à  mesure  qu'on  s'élève  dans 
l'échelle  des  sons. 

L'unisson  n'est  vraiment  facile  et  vraiment  très-so- 
nore que  sur  les  trois  notes  ré,  la,  mi,  parce  qu'alors 
une  des  deux  cordes  au  moins  est  à  vide.  Les  autres 
unissons  n'ayant  pas  de  cordes  à  vide,  sont  difficiles 
et  rarement  très-justes. 

Le  trémolo  des  violons  produit  plusieurs  excellents 
effets,  dans  l'orchestre  surtout.  Il  exprime  le  trouble, 
l'agitation,  l'épouvante,  quand  on  l'écrit  sur  une  ou 
deux  des  trois  cordes  sol,  ré,  la,  qu'on  ne  s'élève  pas 
au-dessus  du  si  bémol  du  médium,  et  qu'on  l'exécute 
piano,  mezo-forte  ou  fortissimo.  Il  a  quelque  chose 
de  violent,  d'orageux,  dans  le  fortissimo,  sur  le  mé- 
dium de  la  chanterelle  et  de  la  2e  corde.  Il  devient 
aérien,  au  contraire,  si  on  l'emploie  à  plusieurs  par- 
ties et  pianissimo  sur  les  notes  aiguës  de  la  chan- 
terelle. 

Le  trémolo  du  bas  et  du  médium  de  la  troisième  et 
la  quatrième  cordes,  dit  un  critique  célèbre,  est  bien 
plus  caractérisé  dans  le  fortissimo,  si  l'archet  attaque 
les  cordes  près  du  chevalet.  Dans  les  grands  orches- 
tres et  lorsque  les  exécutants  veulent  se  donner  la 
peine  de  le  bien  rendre,  il  produit  un  bruit  assez 
semblable  à  celui  d'une  rapide  et  puissante  cascade. 
Il  faut  indiquer  le  mode  d'exécution  par  ces  mots  : 
près  du  chevalet :, 


VIO  275 

Une  magnifique  application  de  cette  espèce  de  tré- 
molo a  été  faite  dans  la  scène  de  l'oracle,  au  premier 
acte  de  YAlceste  de  Gluck.  L'effet  du  tremblement  des 
seconds  violons  et  des  altos  est  encore  redoublé,  dans 
ce  passage,  par  la  progression  grandiose  et  menaçante 
des  basses,  le  coup  frappé  de  temps  en  temps  par  les 
premiers  violons,  les  encrées  successives  des  instru- 
ments à  vent,  et  enfin  par  le  sublime  récitatif  que  ce 
bouillonnement  d'orchestre  accompagne.  Nous  ne 
connaissons  rien  en  ce  genre  de  plus  dramatique  ni 
de  plus  terrible.  Seulement  l'idée  du  trémolo  près  du 
chevalet  n'ayant  pas  été  exprimée  par  Gluck  dans  sa 
partition,  l'honneur  en  revient  à  M.  Habeneck,  qui, 
en  dirigeant  au  Conservatoire  l'étude  de  cette  scène 
magnifique,  exigea  des  violons  ce  mode  énergique 
d'exécution. 

On  fait  quelquefois  usage  du  trémolo  brisé,  sur  une 
ou  sur  deux  cordes,  dans  certains  accompagnements 
dramatiques  d'un  caractère  très-agité. 

Enfin  il  existe  une  dernière  espèce  de  trémolo  dont 
Gluck  a  tiré  un  parti  admirable  dans  ses  récitatifs  et 
qui  est  aujourd'hui  tombée  en  désuétude.  Elle  con- 
siste dans  l'émission  peu  rapide  de  notes  liées  entre 
elles  sur  le  même  son  et  sans  que  l'archet  abandonne 
la  corde.  Les  exécutants  ne  peuvent  pas  se  rencon- 
trer dans  le  nombre  des  notes  qu'ils  font  entendre  à 
chaque  mesure,  puisque  l'accompagnement  est  un 
vrai  trémolo  non-mesuré,  et  il  résulte  de  ces  diffé- 
rences une  espèce  de  fluctuation  et  d'indécision,  par- 
faitement propres  à  peindre  l'inquiétude  et  l'anxiété. 

Les  coups  d'archet  sont  d'une  grande  importance 
dans  la  musique  de  violon.  Ils  influent  énormément 
sur  la  sonorité  et  l'expression  des  traits  et  des  mélo- 
dies: il  faut  donc  les  indiquer  avec  le  plus  grand 
soin.  Les  principaux  sont  :  le  détaché,  le  lié  de  deux 
en  deux  notes,  le  grand  lié  qui  réunit  un  certain 


276  YIO 

nombre  de  notes  ;  le  staccato  ou  détaché  léger  qui  s'exé- 
cute pendant  la  durée  d'une  seule  longueur  d'archet, 
au  moyen  de  petits  coups  successifs;  le  grand  détaché 
porté  qui  donne  à  la  corde  la  plus  grande  sonorité 
possible,  en  lui  permettant  de  vibrer  après  que  l'ar- 
chet Ta  fortement  attaqué  ;  les  mêmes  notes  répercu- 
tées deux,  trois  ou  plusieurs  fois,  et  quelques  autres 
moyens  d'exécution  qu'il  serait  trop  long  d'expliquer, 
tels  que  à  la  pointe  de  l'archet,  avec  le  talon  de  l'ar- 
chet, avec  toute  la  longueur  de  l'archet,  sur  la  tou- 
che, etc. 

On  a  quelquefois  employé  le  bois  des  archets  pour 
frapper  les  cordes  et  en  obtenir  une  sonorité  moitié 
horrible  et  moitié  grotesque.  Ce  moyen  bizarre  est 
employé  très-rarement. 

On  appelle  sons  harmoniques  ceux  que  l'on  fait  naî- 
tre en  effleurant  les  cordes  avec  les  doigts  de  la  main 
gauche,  sans  les  mettre  en  contact  avec  la  touche. 

Les  sons  harmoniques  ont  presque  tous  un  carac- 
tère singulier  de  sonorité  aérienne  et  de  mystérieuse 
douceur.  Nous  renvoyons  leur  étude,  qui  est  intéres- 
sante mais  assez  longue,  aux  traités  spéciaux  sur  le 
violon. 

Les  sourdines  sont  de  petites  machines  en  bois  que 
l'on  place  sur  le  chevalet  des  instruments  à  corde 
pour  affaiblir  leur  sonorité.  Elle  leur  donne  un  ac- 
cent triste  et  doux  qui  est  d'une  application  fréquente 
et  souvent  heureuse  dans  tous  les  genres  de  musique. 
Le  pizzicato,  dont  le  nom  indique  la  nature,  est 
également  d'un  usage  fréquent.  Les  chanteurs  aiment 
beaucoup  cette  espèce  d'accompagnement:  elle  ne 
couvre  point  leur  voix  et  l'environne  d'une  sonorité 
agaçante,  cristalline  et  presque  toujours  gracieuse.  Il 
faut  cependant  éviter  le  pizzicato  à  l'extrême  aigu  et 
à  l'extrême  grave:  ici,  l'effet  en  est  sourd  ;  là,  grêle, 
sec  et  cassant. 


YIO  277 

Les  violonistes  célèbres,  qui  ont  fait  école,  sont 
assez  nombreux.  Avant  de  les  faire  connaître,  citons 
pour  mémoire  les  noms  plus  anciens  de  Giovan-Bap- 
tista,  surnommé  dei  violino-;  de  Constantin,  le  roi 
des  violonistes  français  ;  du  P.  Castrovillari,  religieux 
de  Padoue;  de  Walther,  que  ses  oiwrages  font  mettre 
au  rang  des  artistes  les  plus  habiles  du  xvne  siècle; 
et  enfin  de  Jean-Baptiste  Bassani,  qui  se  distingua  par 
le  beau  style  de  sa  musique  instrumentale  et  qui  eut 
la  gloire  d'initier  Corelli  aux  secrets  de  son  art. 

«  Archangelo  Corelli,  dit  M.  Fétis,  grand  artiste, 
qui,  par  l'élévation  de  ses  idées  et  la  perfection  de  son 
jeu,  s'est  placé  à  la  tête  de  l'école  du  violon,  et  a 
marqué  le  temps  de  ses  plus  rapides  progrès.  Arcan- 
gelo  Corelli  !  nom  justement  célèbre  dans  les  fastes 
de  la  musique,  et  qui  traversera  les  siècles  sans  rien 
perdre  de  son  illustration,  quelles  que  soient  les  ré- 
volutions auxquelles  cet  art  sera  soumis  !  le  grand  ar- 
tiste qui  le  porta,  non  moins  admirable  compositeur 
que  violoniste  prodigieux  pour  son  temps,  naquit  au 
mois  de  février  1653,  à  Fusignano,  petite  ville  des 
États  de  l'Eglise,  et  mourut  à  Borne  le  18  janvier  1713. 
Ses  contemporains  ne  furent  pas  ingrats  pour  sa 
gloire,  car  l'Europe  entière  salua  son  talent  par  d'u- 
nanimes acclamations,  et  ses  compatriotes  placèrent 
ses  restes  au  Panthéon,  et  lui  élevèrent  un  tombeau 
près  de  celui  de  Baphaël.  Après  un  siècle  et  demi, 
Corelli  est  encore  considéré  comme  le  type  primitif 
des  bonnes  écoles  de  violon;  aujourd'hui  même,  bien 
que  l'art  se  soit  enrichi  de  beaucoup  d'effets  inconnus 
de  son  temps  et  que  le  mécanisme  se  soit  perfectionné, 
l'étude  de  ses  ouvrages  est  encore  une  des  meilleures 
qu'on  puisse  faire  pour  acquérir  un  style  large  et  ma- 
jestueux. Son  œuvre  cinquième,  composé  de  douze 
sonates  pour  violon  seul,  avec  accompagnement  de 

T,  II.  2* 


278  VIO 

basse  continue  pour  le  clavecin,  qui  parut  à  Rome  en 
1700,  est  un  chef-d'œuvre  en  son  genre* 

«  L'art  déjouer  du  violon,  et  la  composition  de  la 
musique  pour  cet  instrument,  continuèrent,  pendant 
toute  la  durée  du  xvme  siècle,  d'être  dans  une  pro- 
gression ascendante.  Au  commencement  de  ce  siècle, 
il  y  avait  en  Italie  peu  de  villes  où  l'on  ne  trouvât 
quelque  violoniste  distingué.  Le  génie  de  Corelli  avait 
animé  celui  de  tous  ces  artistes  :  à  Pise,  c'était  Cons- 
tantin Glari,  non  moins  remarquable  comme  compo- 
siteur que  comme  exécutant;  à  Florence,  François 
Veracini  ;  à  Bologne,  Jérôme  Laurenti  ;  à  Modène, 
Antoine  Yitali;  à  Massa  di  Garrara,  Gosme  Perelli  et 
François  Ciampi;  à  Lucques,  Lombardi;  à  Crémone, 
Visconti,  dont  les  conseils  furent,  dit-on,  fort  utiles 
au  célèbre  luthier  Stradivari  pour  la  fabrication  de 
ses  instruments;  à  Pistoie,  Giacopino;  à  Naples,  Mi- 
chel Mascitti.  D'autres,  tels  que  Mathieu  Alberti,  Tho- 
mas Albinoni,  Charles  Tessarini  et  Antoine  Vivaldi, 
tous  élèves  de  Corelli,  furent  à  la  fois  des  virtuoses 
de  premier  ordre  pour  leur  temps  et  de  grands  com- 
positeurs de  musique  instrumentale.  Vivaldi,  dont 
on  vient  de  lire  le  nom,  fut  un  de  ces  artistes  prédes- 
tinés qui  impriment  à  l'art  de  leur  époque  une  direc- 
tion nouvelle.  Le  concerto  lui  dut  ses  premiers  per- 
fectionnements; car  le  concerto  grosso  de  Corelli  est 
une  œuvre  où  toutes  les  parties  concertent  entre  elles 
et  s'emparent  tour  à  tour  de  l'intérêt.  h'Estro  armo- 
nico  de  Vivaldi,  composé  de  douze  concertos  pour 
quatre  violons,  deux  violes,  violoncelle  et  basse  con- 
tinue pour  l'orgue,  et  dans  les  mêmes  conditions; 
mais  dans  ses  œuvres  6e,  7©,  8e,  9e,  10e,  11e  et  12e, 
le  génie  de  l'auteur  prend  un  autre  essor  et  trouve  des 
formes  nouvelles.  La  partie  principale  attire  à  elle 
l'intérêt  du  morceau,  et  bien  qu'il  n'y  ait  point  encore 
de  division  en  solos  et  tutti,  le  rôle  de  cette  partie  prin- 


VIO  279 

cipale  domine  tous  les  autres.  Les  mélodies  de  Vivaldi 
ont  aussi  un  caractère  modernisé  que  Somis  et  Gemi- 
niani  imitèrent. 

«  Au  milieu  de  tous  les  artistes  distingués  qui  vien- 
nent d'être  nommés,  le  violoniste  modèle  de  la  pre- 
mière moitié  du  xvme  siècle  fut  Joseph  Tartini.  Né  à 
Pirano  en  Istrie,  le  12  avril  1692,  il  eut  une  jeunesse 
agitée;  mais  ayant  eu  l'occasion  d'entendre  le  célèbre 
violoniste  Varacini,  qui  se  trouvait  à  Venise  en  môme 
temps  que  lui,  sa  vocation  se  révéla;  il  se  retira  à 
Ancône  pour  y  travailler  en  liberté,  et  dans  sa  soli- 
tude il  fit  de  constantes  observations  qui  le  conduisi- 
rent aux  principes  fondamentaux  du  maniement  de 
l'archet  ;  principes  qui,  depuis  lors,  ont  servi  de  base 
à  toutes  les  écoles  de  violonistes  d'Italie  et  de  France. 
Fixé  à  Padoue,  en  1721,  comme  violon  solo  et  chef 
d'orchestre  de  la  chapelle  de  la  célèbre  église  du  Saint, 
il  y  passa  paisiblement  quarante-neuf  années,  uni- 
quement accupé  des  travaux  de  son  art,  et  y  mourut 
le  16  février  1770.  En  1728  il  avait  établi  dans  cette 
ville  une  école  de  violon  qui  devint  célèbre  dans  toute 
l'Europe,  et  d'où  sortirent  une  multitude  de  violo- 
nistes distingués,  parmi  lesquels  on  cite  Nardini, 
Pasqualino  Bini,  Alberghi,  Dominique  Ferrari,  qui 
passe  pour  avoir  été  l'inventeur  des  sons  harmoniques, 
Carminati,  Capuzzi,  Mme  deSirmen,  et  les  violonistes 
français  Pagin  et  La  Houssaye.  Tartini  n'a  pas  moins 
contribué  au  perfectionnement  de  l'art  de  jouer  du 
violon  par  ses  compositions  pour  cet  instrument,  que 
par  les  élèves  qu'il  a  formés.  Son  style  est  en  général 
élevé,  ses  idées  ont  de  la  variété,  et  son  harmonie  a 
de  la  pureté  sans  sécheresse.  Le  nombre  de  ses  con- 
certos publiés  ou  manuscrits  s'élève  à  près  de  cent 
cinquante.  Il  y  a  aussi  de  lui  environ  cinquante  so- 
nates au  nombre  desquelles  est  la  fameuse  Sonate  du 
Diable,  dont  l'anecdote  n'est  peut-être  pas  étrangère 


280  VIO 

à  certains  bruits  ridicules  qui  ont  couru  sur  Paganini; 
il  la  racontait  lui-même  en  ces  termes  :  «  Une  nuit, 
»  en  1713,  je  rêvais  que  j'avais  fait  un  pacte,  et  que 
»  le  diable  était  à  mon  service.  Tout  me  réussissait  à 
»  souhait;  mes  volontés  étaient  toujours  prévenues, 
»  et  mes  désirs  étaient  surpassés  par  les  services  de 
»  mon  nouveau  domestique.  J'imaginai  de  lui  don- 
»  ner  mon  violon  pour  voir  s'il  parviendrait  à  me 
»  jouer  de  belles  choses  ;  mais  quel  fut  mon  étonne- 
»  ment  lorsque  j'entendis  une  sonate  si  singulière  et 
»  si  belle,  exécutée  avec  tant  de  supériorité  et  d'in- 
»  telligence,  que  je  n'avais  même  rien  conçu  qui  put 
»  entrer  en  parallèle  !  J'éprouvais  tant  de  surprise,  de 
»  ravissement,  de  plaisir,  que  j'en  perdais  la  respira- 
»  tion  :  je  fus  réveillé  par  cette  violente  sensation  ;  je 
»  pris  à  l'instant  mon  violon,  espérant  de  retrouver 
»  une  partie  de  ce  que  je  venais  d'entendre  ;  mais  ce 
»  fut  en  vain.  La  pièce  que  je  composai  alors  est,  à 
»  à  la  vérité,  la  meilleure  que  j'aie  jamais  faite,  et  je 
»  l'appelle  encore  la  Sonate  du  Diable  ;  mais  elle  est 
»  si  fort  au-dessous  de  ce  qui  m'avait  frappé,  que 
»  j'eusse  brisé  mon  violon  et  abandonné  la  musique, 
»  si  j'eusse  été  en  état  de  m'en  passer.  » 

«  Parmi  les  élèves  de  Gorelli,  un  des  plus  habiles 
fut  Geminiani,  né  à  Lucques,  vers  1680.  Après  avoir 
terminé  ses  études  de  violon,  sous  le  célèbre  maître, 
il  passa  en  Angleterre  en  1714,  y  forma  quelques 
bons  élèves,  et  mourut  à  Dublin,  le  17  septembre 
1762,  à  l'âge  de  quatre-vingt-trois  ans.  Son  talent 
d'exécution  était  à  la  fois  brillant  et  solide;  mais  il 
manquait  d'imagination  dans  ses  ouvrages,  qui  ne 
sont  qu'une  imitation  assez  faible  du  style  de  Vivaldi. 
Somis,  autre  élève  de  Gorelli,  était  né  dans  le  Pié- 
mont vers  la  lin  du  xvne  siècle,  et  avait  visité  dans 
sa  jeunesse  Rome  et  Venise,  pour  entendre  les  vir- 
tuoses de  cette  époque.-  Gorelli  lui  fit  étudier  ses  so- 


VIO  281 

nates,  et  d'abord  Somis  s'attacha  à  son  style  ;  mais 
lorsqu'il  entendit  Vivaldi,  il  se  modifia  d'après  sa 
manière  et  l'imita  dans  ses  compositions.  Somis  fut 
le  fondateur  de  l'école  piémontaise  du  violon  qui, 
après  la  mort  de  Tartini,  exerça  une  très-grande  in- 
fluence sur  l'art  de  jouer  de  cet  instrument.  Baptiste 
Anet,  plus  connu  simplement  sous  le  nom  de  Bap- 
tiste, qui  avait  aussi  reçu  des  leçons  de  Gorelli,  ar- 
riva à  Paris  vers  1700,  et  y  passa  pour  un  prodige, 
ce  qui  n'était  pas  étonnant  à  une  époque  où,  suivant 
l'opinion  de  Lully,  les  meilleurs  violons  de  l'Opéra  et 
de  la  musique  du  roi  n'étaient  pas  capables  de  jouer 
leur  partie  sans  l'avoir  étudiée.  Assez  médiocre  musi- 
cien, Baptiste  ne  forma  pas  d'autre  élève  que  Senaillé, 
en  sorte  qu'il  ne  fit  que  peu  de  chose  pour  la  forma- 
tion d'une  école  française  de  violonistes.  D'ailleurs, 
il  ne  vécut  pas  à  Paris  plus  de  cinq  ans.  Une  posi- 
tion qui  lui  fut  offerte  en  Pologne,  le  décida  à  se  fixer 
dans  ce  pays. 

«  La  gloire  de  poser  les  bases  d'une  école  de  violon 
en  France  était  réservée  à  Jean-Marie  Lecler,  élève 
de  Somis,  et  violoniste  de  grand  talent,  qui  naquit  à 
Lyon,  en  1697.  Le  violon  ne  lui  avait  servi  d'abord 
que  pour  la  danse;  car  dans  sa  jeunesse  il  avait  dé- 
buté comme  danseur  au  théâtre  de  Rouen;  mais 
ayant  été  appelé  à  Turin,  en  qualité  de  maître  de 
ballets,  Somis  le  prit  en  affection  après  avoir  en- 
tendu quelques  airs  de  danse  de  sa  façon,  et  lui 
donna  des  leçons  de  violon  qui  lui  firent  faire  de  ra- 
pides progrès.  Après  deux  années  d'études,  le  maître 
déclara  à  l'élève  qu'il  n'avait  plus  rien  à  lui  appren- 
dre ;  mais  Lecler  continua  son  travail  de  mécanisme 
avec  persévérance,  et  parvint  à  la  possession  d'un 
beau  talent.  Arrivé  à  Paris  en  1729,  Lecler  fut  atta- 
ché à  l'orchestre  de  l'Opéra,  puis  à  la  musique  du 
roi.  Les  élèves  qu'il  forma,  et  la  publication  de  ses 


282  YIO 

sonates,  de  ses  duos  et  de  ses  trios,  sont  le  point  de 
départ  de  l'école  des  violonistes  français.  Jean- Bap- 
tiste Senaillé  eut  aussi  de  l'influence  sur  les  premiers 
développements  de  cette  école.  Né  à  Paris,  le  23  no- 
vembre 1687,  il  eut  d'abord  des  leçons  de  Queversin, 
un  des  vingt-quatre  violons  de  la  grande  bande  du 
roi,  puis  devint  élève  de  Baptiste  Anet.  Le  grand  re- 
nom des  violonistes  italiens  de  cette  époque  le  décida 
ensuite  à  se  rendre  à  Modène  pour  y  prendre  des  le- 
çons d'Antoine  Vitali.  Son  talent  fit  une  vive  sensa- 
tion dans  cette  ville,  et  la  grande-duchesse  l'attacha 
au  service  de  la  cour.  De  retour  à  Paris  en  1719,  il  y 
fit  quelques  bons  élèves  au  nombre  desquels  fut  Gui- 
gnon,  et  peut-être  Guillemain,  qui  eut  de  la  célébrité 
par  d'excellentes  sonates  pour  son  instrument. 

«  De  tous  les  élèves  de  Corelli,  celui  qui  s'éloigna  le 
plus  de  sa  manière,  et  qui,  par  son  audace,  arriva 
aux  résultats  les  plus  extraordinaires,  fut  Pierre  Lo- 
cateîli,  violoniste  justement  célèbre,  né  à  Bergame, 
en  1693.  Au  surplus,  il  n'a  pu  recevoir  qu'un  petit 
nombre  de  leçons  de  son  illustre  maître,  car  il  n'était 
âgé  que  de  seize  ans  lorsque  Corelli  descendit  au 
tombeau.  Plein  de  hardiesse  et  d'originalité,  il  in- 
venta de  nouvelles  combinaisons  pour  l'accord  du 
violon,  la  double  corde,  les  arpèges  et  les  sons  har- 
moniques. L'ouvrage  le  plus  important  où  il  dé- 
posa le  résultat  de  ses  découvertes  dans  ces  choses 
diverses  a  pour  titre  :  Arte  di  nuova  modulazione.  Les 
éditions  françaises  qu'on  a  faites  de  cet  ouvrage 
ont  pour  titre  :  Caprices  énigmatiques.  Si  Locatelli, 
mort  en  Hollande  en  1764,  ne  forma  pas  beaucoup 
d'élèves,  à  cause  des  grandes  difficultés  de  sa  musi- 
que, il  eut  pour  imitateurs,  en  quelques  parties, 
Lolli,  Fiorillo,  et  surtout  Paganini,  dont  le  talent  a 
été  le  développement  le  plus  complet  des  tendances 
du  modèle, 


VIO  283 

«  L'école  piémontaise,  fondée  par  Somis,  était  des- 
tinée à  devenir  la  plus  productive  en  talents  de  pre- 
mier ordre.  Outre  Lecler,  ce  professeur  avait  formé 
son  neveu  Schabran,  ou  Chabran,  qui  brilla  à  Paris 
en  1751,  Giardini,  modèle  de  grâce,  et  surtout  Pu- 
gnani, doué  d'une  organisation  grande  et  forte  qui 
n'eut  pas  moins  d'influence  dans  l'art,  par  la  gran- 
deur de  son  style  d'exécution  et  par  la  variété  de  son 
archet,  que  par  les  perfectionnements  qu'il  intro- 
duisit dans  la  forme  du  concerto  sous  le  rapport  de 
l'effet  des  solos.  Devenu  chef  de  cette  école  du  Pié- 
mont, Pugnani  porta  sa  gloire  à  son  apogée  en  for- 
mant le  talent  si  beau,  si  pur,  si  tendre  et  si  brillant 
à  la  fois  de  ce  Yiotti  qui  devint  ensuite  le  modèle  et 
le  désespoir  des  violonistes  de  tous  les  pays. 

«  Contemporain  de  Pugnani,  Gaviniès  faisait  pour 
l'école  française  à  Paris  ce  que  le  violoniste  piémon- 
tais  faisait  à  Turin  pour  l'école  italienne.  Mécanisme 
d'archet  qui  lui  permettait  de  se  jouer  des  plus 
grandes  difficultés;  justesse  parfaite,  style  imposant, 
enfin  expression  pleine  de  charme  et  de  sensibilité, 
telles  furent  les  qualités  qui  frappèrent  Yiotti  lors- 
qu'il eut  entendu  Gaviniès,  et  qui  le  lui  firent  appe- 
ler te  Tartini  français.  Le  talent  de  cet  artiste  se  fit 
particulièrement  apprécier  à  sa  juste  valeur  dans  di- 
verses occasions  où  il  se  fit  entendre  au  concert  spiri- 
tuel, après  d'autres  violonistes  d'un  mérite  incontes- 
table. C'est  ainsi  que  la  palme  lui  fut  donnée  après 
ses  luttes  avec  Pugnani,  Dominique  Ferrari  et  Jean 
Stamitz. 

«  L'arrivée  de  Viotti  à  Paris  y  produisit  une  impres- 
sion difficile  à  décrire.  Jamais  on  n'avait  entendu  de 
talent  qui  approchât  de  cette  perfection  ;  jamais  ar- 
tiste n'avait  possédé  un  son  plus  beau,  une  élégance 
aussi  soutenue,  une  verve,  une  variété  semblable. 
L'imagination  qui  brillait  dans  ses  concertos  ajoutait 


284  VIO 

encore  au  plaisir  qu'il  procurait  à  son  auditoire  ;  car 
ses  compositions  pour  son  instrument  étaient  aussi 
supérieures  à  ce  qu'on  connaissait  auparavant,  que 
son  exécution  était  au-dessus  de  celle  de  ses  rivaux. 
Dès  qu'on  connut  cette  belle  musique,  la  vogue  des 
concertos  de  Jarnowick  disparut,  et  l'école  française 
de  violon  s'engagea  dans  une  voie  plus  large.  Les 
élèves  de  cet  artiste  illustre  sont  en  petit  nombre; 
mais  il  en  est  un  qui  seul  valut  toute  une  école  :  je 
veux  parler  de  Rode,  talent  fin,  délicat,  brillant,  qui 
rappelait  souvent  celui  du  maître  sous  lequel  il 
s'était  formé.  Il  existe  aujourd'hui  bien  peu  de  per- 
sonnes qui  aient  entendu  cet  admirable  talent  dans 
toute  sa  beauté,  lorsqu'il  se  produisit  dans  les  con- 
certs de  la  rue  Feydeau  et  de  l'Opéra  ;  mais  les  artis- 
tes qui  ont  joui  de  ce  plaisir  n'oublieront  jamais  le 
modèle  de  perfection  dont  ils  furent  alors  émerveillés. 
Il  y  a  une  remarque  intéressante  qui  me  paraît  devoir 
être  faite,  c'est  que  depuis  Corelli  jusqu'à  Rode  il  n'y 
a  pas  de  lacune  dans  l'école  ;  car  Corelli  fut  le  maître 
de  Somis,  Somis  de  Pugnani,  Pugnani  de  Yiotti,  et 
Yiotti  de  Rode. 

«A  l'époque  où  brillait  Rode,  deux  autres  violonistes 
de  la  plus  haute  valeur  illustraient  l'école  française. 
Le  premier  en  date  était  Rodolphe  Kreutzer,  fils  d'un 
musicien  de  la  chapelle  du  roi,  et  qui  était  né  à  Ver- 
sailles en  1766.  Élève  d'Antoine  Stamitz,  violoniste 
allemand  qui  a  fondé  une  école,  Kreutzer  prit  d'abord 
le  style  un  peu  étroit  de  son  maître  ;  mais  lorsqu'il 
eut  reçu  des  conseils  de  Gaviniès  et  entendu  Yiotti,  il 
élargit  sa  manière,  devint  brillant,  hardi  et  presque 
chevaleresque.  Sa  qualité  de  son  était  nourrie  plutôt 
que  moelleuse,  et  sa  manière  de  chanter  était  moins 
remarquable  que  sa  hardiesse  dans  les  difficultés.  Ses 
grandes  qualités  étaient  d'être  original,  de  n'avoir 
suivi  aucune  école  et  de  n'obéir  qu'à  l'impulsion  de 


VIO  285 

son  sentiment  énergique.  Kreutzer  a  fait  école  et  a 
produit  beaucoup  de  bons  élèves  qui  se  sont  assimilé 
ses  qualités,  et  qui,  en  général,  ont  du  brillant  dans 
l'exécution. 

«  Baillot,  dont  il  me  reste  à  parler,  ne  fut  pas  seule- 
ment un  grand  violoniste  par  le  mécanisme  le  plus 
riche  et  le  plus  varié  qu'on  puisse  imaginer,  mais  en 
même  temps  il  fut  poëte  par  le  sentiment  le  plus 
exquis  des  beautés  de  la  musique,  et  par  la  concep- 
tion prompte  du  style  d'exécution  le  mieux  en  rap- 
port avec  le  caractère  de  chaque  composition.  Pollani, 
élève  de  Nardini,  fut  un  de  ses  maîtres  de  violon; 
mais  il  est  vrai  de  dire  que  les  grandes  qualités  du  ta- 
lent de  Baillot  furent  celles  qu'il  puisa  en  lui-même. 
Grand  violoniste  solo,  il  ne  put  jamais  s'élever  à  toute 
sa  hauteur  lorsque  la  valeur  de  l'œuvre  qu'il  exécu- 
tait ne  l'émouvait  pas.  A  l'Opéra,  par  exemple,  où  il 
devait  jouer  des  solos  pour  la  danse,  il  perdait  une 
grande  partie  de  son  talent  et  n'était  que  l'ombre  de 
lui-même;  mais  dans  ses  séances  annuelles  de  qua- 
tuors et  de  quintetti,  lorsque  le  génie  de  Boccherini, 
de  Haydn,  de  Mozart  et  de  Beethoven  faisait  battre 
son  cœur,  il  devenait  sublime  et  sans  égal  par  la  va- 
riété d'accents,  les  nuances  de  sentiment  et  la  poésie 
des  idées.  Son  archet  était  magique,  et  les  sons  deve- 
naient sous  ses  doigts  d'éloquentes  inspirations.  Bail- 
lot  ne  fut  pas  seulement  un  grand  artiste  :  ce  fut  un 
grand  professeur.  Le  nombre  d'excellents  violonistes 
qu'il  a  formés  est  très-considérable.  De  sa  première 
école  sortirent  Habeneck  et  Mazas,  qui  furent  aussi  de 
grands  artistes.  Devenu  lui-même  professeur  au  Con- 
servatoire de  Paris,  et  successeur  de  son  maître,  Ha- 
beneck a  formé  de  bons  élèves,  à  la  tête  desquels  se 
place  M.  Alard,  aujourd'hui  chef  de  l'école  française. 

«  Et  vous  aussi,  Lafont,  vous  fûtes  une  des  plus  bel- 
les gloires  de  l'école  des  violonistes  français  !  D'abord 


286  VIO 

élève  de  Kreutzer,  Lafont  ne  trouva  pas  dans  le  sen- 
timent de  ce  maître  les  qualités  qui  pouvaient  sym- 
pathiser avec  le  sien;  il  ne  tarda  pas  à  passer  de  cette 
école  dans  celle  de  Rode,  qui  semblait  faite  pour  dé- 
velopper ses  qualités  naturelles  de  grâce,  de  pureté, 
d'élégance  et  de  charme;  qualités  qui  parvinrent,  par 
la  suite  de  ses  études,  au  développement  le  plus  com- 
plet, et  conduisirent  l'artiste  à  un  rare  ensemble  de 
perfections.  La  justesse  de  ses  intonations  était  si 
sûre;  la  douceur  de  son  archet  avait  tant  de  séduc- 
tion ;  il  y  avait  tant  de  goût  dans  les  ornements  de 
son  jeu,  que  si  le  sentiment  de  la  grandeur  laissait 
quelque  chose  à  désirer,  on  s'en  apercevait  à  peine, 
ravi  qu'on  était  par  la  grâce  et  par  la  délicatesse. 

«  Une  école  nouvelle  s'est  formée  :  nous  voulons 
parler  de  l'école  belge  du  violon,  qui  compte  un  peu- 
ple de  héros  à  la  tête  duquel  se  placent  De  Beriot  et 
Yieuxtemps,  l'honneur  de  leur  patrie. 

«  L'Allemagne  a  produit  plusieurs  écoles  de  violo- 
nistes, dont  les  qualités  principales  ont  été  la  justesse 
et  la  netteté  du  jeu,  mais  qui,  dans  le  xvme  siècle 
surtout,  ont  laissé  à  désirer  un  son  plus  puissant,  et 
plus  d'ampleur  dans  le  style  d'exécution.  Les  prodi- 
ges inventés  par  Wagner  au  xvne  siècle  ne  paraissent 
pas  avoir  laissé  de  traces  chez  ses  successeurs.  L'Italie 
et  la  Bohême  furent  les  berceaux  des  deux  écoles  do 
violonistes  allemands  d'où  sont  sortis  les  autres. 

<*  Gorelli,  quia  laissé  partout  des  preuves  de  sa  grande 
influence,  élait  premier  violon  de  la  chapelle  du  mar- 
grave d'Anspach  en  1699,  lorsque  Pisendel,  qui  y  était 
enfant  de  cœur,  devint  son  élève,  et  fit  de  si  rapides 
progrès  sous  sa  direction,  qu'il  put  être  engagé  en 
1702  comme  premier  violon  de  la  chapelle.  Ce  même 
Pisendel,  devenu  très-habile  violoniste,  fut  attaché 
au  service  de  la  cour  de  Saxe  en  qualité  de  maître  de 
concerts,  et  ouvrit  à  Dresde  une  école  de  violon.  II  y 


VIO  287 

transmit  la  tradition  de  son  maître,  mais  en  la  modi- 
fiant par  ie  style  un  peu  maniéré  qui  avait  alors  beau- 
coup de  vogue  à  la  cour  de  Dresde.  C'est  dans  cette 
école  que  se  forma  le  talent  de  Jean-Théophile  Graun, 
frère  du  célèbre  compositeur  de  ce  nom,  et  maître 
de  concerts  de  Frédéric-le-Grand,  roi  de  Prusse.  Graun 
avait  un  talent  solide,  dont  il  a  donné  des  preuves,  et 
par  les  élèves  qu'il  a  formés,  et  par  vingt-neuf  con- 
certos de  violon  restés  en  manuscrit,  mais  dont  j'ai 
vu  quelques-uns  qui  donnent  une  haute  opinion  de 
son  habileté.  Dans  sa  jeunesse,  au  sortir  de  l'école  de 
Pisèndel,  il  était  allé  en  Italie,  et  y  avait  reçu  des 
leçons  de  Tartini,  dont  il  avait  adopté  la  manière. 

«  L'école  de  violon  sortie  de  la  Bohême  commence 
par  Konieseck,  de  Prague,  qui  n'est  connu  que  parce 
qu'il  a  été  le  maître  de  François  Benda,  grand  artiste, 
né  à  Althenatka,  dans  la  Bohême,  le  23  novembre 
1709.  Son  premier  maître  fut  un  juif  aveugle  nommé 
Lœbel,  violoniste  fort  habile.  Plus  tard  il  devint  élève 
de  Konieseck,  et  prit  de  lui  le  style  brillant,  mais  un 
peu  petit  sous  le  rapport  du  son,  qu'il  a  transmis  à 
tous  ses  élèves.  L'école  de  Benda,  d'où  sont  sortis  ses 
deux  fils,  Bamnitz,  Bust,  Matthes,  et  beaucoup  d'au- 
très,  a  été  longtemps  célèbre  en  Allemagne.  C'est  de 
cette  école  que  sont  sortis  la  plupart  des  violonistes 
de  la  Prusse  et  de  la  Saxe.  Benda,  après  la  mort  de 
Graun,  lui  succéda  comme  maître  des  concerts  de  la 
cour  de  Prusse,  en  1772,  et  mourut  à  Potsdam,  en 
1786. 

«  De  la  Bohême  sortit  aussi  Jean-Charles  Stamitz, 
violoniste  remarquable  et  compositeur  distingué,  né 
en  1719,  qui  avait  eu  pour  maître  de  son  instrument 
un  moine  de  l'abbaye  de  Beichnau,  nommé  le  P. 
Czernohorsky.  Entré  au  service  de  l'électeur  palatin, 
en  1745,  Stamitz  y  devint  le  fondateur  de  la  célèbre 
école  de  Manheim,  qui  a  produit  la  plupart  des  violo- 


288  VIO 

lonistes  allemands  des  derniers  temps.  Les  concertos 
de  Stamitz  et  un  duo  pour  un  seul  violon,  plusieurs 
fois  publié,  prouveraient  seuls  la  grande  habileté  de 
cet  artiste,  lors  même  que  ses  élèves  n'en  rendraient 
pas  témoignage.  Au  nombre  de  ces  élèves  sont  ses 
deux  fils  Charles  et  Antoine,  Cannabeih,  Foester  et 
plusieurs  autres.  Chrétien  Cannabeih  continua  l'en- 
seignement de  son  maître,  et  de  son  école  sortirent 
Guillaume  Cramer,  Danner,  Ignace  Fraenzel,  qui 
tous  furent  des  artistes  distingués,  mais  dans  des 
genres  différents.  Ainsi  Cramer  et  Danner  eurent  de 
la  largeur  dans  le  maniement  de  l'archet;  mais 
Fraenzel  eut  le  jeu  élégant,  gracieux,  et  le  son  un 
peu  mince.  Elève  de  Danner,  Jean-Frédéric  Eck,  né 
à  Manheim  en  1766,  devint  aussi  un  brillant  violo- 
niste de  cette  école.  Ce  même  artiste,  directeur  des 
concerts  de  la  cour  de  Munich,  a  été  le  maître  sous 
qui  le  talent  de  M.  Spohr  s'est  formé,  autant  toutefois 
que  se  forme  le  talent  d'un  artiste  sous  un  maître 
jusqu'à  ce  que  son  organisation  individuelle  et  ses 
méditations  y  aient  mis  le  cachet  de  sa  personnalité. 
M.  Spohr  a  fondé  en  Allemagne  une  école  de  violon 
plus  large,  plus  vigoureuse  que  celle  de  ses  prédéces- 
seurs. Lorsque  Paganini  l'entendit  à  Venise,  il  en 
parla  avec  la  plus  grande  estime.  Ce  digne  artiste  a 
formé  beaucoup  de  bons  élèves  qui  occupent  aujour- 
d'hui des  positions  honorables  dans  la  plupart  des 
grandes  villes,  et  a  exposé  les  principes  de  son  école 
dans  sa  grande  méthode  publiée  à  Vienne  chez  Has- 
linger,  et  plus  tard  traduite  en  français  (1).  » 

Après  les  noms  admirés  de  ces  grands  artistes,  il 
est  d'autres  noms  encore  qui,  dans  une  sphère  plus 
modeste,  ont  mérité  de  parvenir  à  la  gloire  :  je  veux 
parler  des  facteurs  de  violons. 

(1)  F.  J.  Fétis, 


VIO  289 

On  a  émis,  au  sujet  de  l'origine  et  de  l'invention  de 
cet  instrument,  une  foule  d'assertions  dont  il  est 
inutile  de  discuter  ici  la  valeur.  Une  opinion  qui  nous 
paraît  désormais  peu  contestable,  c'est  que  l'inven- 
tion du  violon,  tel  qu'il  est  actuellement  constitué, 
ne  remonte  pas  au-delà  du  quinzième  siècle. 

C'est  au  talent  du  plus  habile  facteur  de  la  renais- 
sance, Stradivarius,  et  aux  efforts  réunis  des  Amati, 
des  Guarneri,  des  Bergunzi,  des  Steiner,  des  Cappa, 
de  Saluées,  que  cet  instrument  doit  sa  constitution 
définitive.  Sous  les  mains  intelligentes  de  ces  artistes 
fameux,  le  violon  s'anima  d'un  souffle  puissant,  et 
son  invention,  son  mécanisme  ingénieux  ne  sont  pas 
une  des  conquêtes  les  moins  précieuses  du  seizième 
siècle,  cette  époque  brillante  de  mouvement  intellec- 
tuel et  de  rénovation  artistique. 

De  nos  jours  en  France,  M,  Yuillaume  ajoutant  la 
science  de  l'acoustique  aux  grandes  traditions  des 
facteurs  célèbres  qui  l'ont  précédé,  a  fait  entrer  la 
facture  du  violon  dans  une  voie  nouvelle  où  il  s'est 
signalé  par  des  résultats  dont  l'avenir,  nous  n'en 
doutons  pas,  consacrera  le  véritable  mérite  ! 

Violon.  Jeu  d'orgue  de  tuyaux  à  bouche,  ouvert 
de  deux  pieds,  qui  sert  d'unisson  au  principal. 

Violon  piccolo.  Accordé  en  do,  au-dessous  des 
lignes  sol,  ré,  la.  Il  n'est  plus  en  usage. 

Violoncelle.  Cet  instrument  doit  son  origine  à 
quelques  changements  faits  à  la  basse  de  viole.  Il  fut 
inventé  par  le  P.  Tardieu,  de  Tarascon,  au  commen- 
cement du  dernier  siècle.  Il  avait  alors  cinq  cordes 
do,  sol,  ré,  la,  ré.  Aujourd'hui,  il  n'en  a  plus  que 
quatre,  dont  les  deux  dernières  sont  revêtues  de  fil  de 
métal.  Elles  sont  accordées  en  do,  clef  de  basse  au- 
dessous  de  la  portée  :  sol,  ré,  la. 

Le  violoncelle  a  un  caractère  grave  et  sensible.  Son 
Chant,  touchant  et  majestueux,  charme  et  élève  l'âme. 

T.  IU 


290  |VOI 

Il  se  prête  à  tous  les  jeux  de  l'harmonie,  de  la  double 
corde  et  de  l'arpège.  Dans  les  accompagnements,  il 
sert  de  base  pour  déterminer  l'effet  de  l'harmonie  où 
il  occupe  une  place  particulière.  Le  violoncelle  figure 
encore  tour  à  tour  dans  le  solo,  la  sonate,  le  concerto, 
l'air  varié,  le  quatuor  et  le  quintette. 

Violone.  Instrument  de  grande  dimension,  qui 
servait  autrefois  de  contre-basse  aux  différentes  espè- 
ces de  violes. 

Virtuose.  Ce  nom  s'applique  en  musique  à  ceux 
qui  possèdent  un  talent  remarquable  d'exécution 
dans  le  chant  comme  dans  le  jeu  des  instruments. 

Virtuose  de  chambre.  C'est  ainsi  qu'on  désigne 
ordinairement,  dans  les  cours  ultramontaines,  les 
chanteurs  ot  les  exécutants  de  concerts  attachés  à  leur 
service. 

Vitaliens.  Nom  du  chœur  de  musiciens  romains, 
institué  par  Vitalien  pour  l'usage  de  la  musique 
sacrée. 

Vivace,  Vivement.  Épithète  souvent  jointe  au  mot 
allegro,  et  qui  indique  une  exécution  pleine  d'entraî- 
nement, analogue  au  sentiment  dominant  du  mor- 
ceau de  musique. 

Vocalisation.  Espèce  de  solfège  qui  ne  se  chante 
que  sur  la  voyelle  a. 

Vocaliser.  Chanter  sur  une  voyelle  en  ne  se  ser- 
vant que  de  l'a.  Cet  exercice  est  nécessaire  au  perfec- 
tionnement du  chant  après  l'étude  du  solfège.  Pour 
cela,  il  faut,  1°  savoir  bien  attaquer  le  son;  2°  passer 
d'un  registre  à  l'autre  d'une  manière  insensible  \ 
B°  porter  la  voix  ;  4°  exécuter  tous  les  agréments  avec 
grâce,  légèreté  et  précision  ;  5°  phraser  le  chant  mu- 
sical. 

Voix.  La  voix  humaine  prend  naissance  dans  la 
glotte  moyennant  une  expiration  un  peu  forcée.  L'air, 
chassé  des  poumons,  s'achemine  d'abord  par  un  ca- 


VOI  291 

nal  assez  large,  mais  qui  bientôt  se  resserre  et  doit 
enfin  traverser  une  étroite  fente.  Les  bords  de  cette 
ouverture  sont  deux  lames  vibrantes  qui,  semblables 
à  celles  des  anches,  permettent  ou  interceptent  de 
temps  en  temps  le  passage  de  l'air;  et  ainsi,  par  ces 
alternatives,  elles  doivent  déterminer  des  ondulations 
sonores  dans  le  courant  d'air  qui  les  frappe.  Outre  le 
palais,  la  langue,  les  dents,  les  lèvres,  tous  organes 
utiles  au  mécanisme  de  la  voix,  la  trachée-artère,  les 
poumons,  le  larynx,  les  sinus  frontaux  et  maxillai- 
res, les  fosses  nasales,  concourent  aussi  à  sa  forma- 
tion. 

L'acuité,  la  force,  l'agrément  et  le  caractère  indivi- 
duel de  la  voix  dépendent  de  l'organisation  et  de  l'al- 
tération de  l'organe  principal  de  la  voix,  qui  est  le 
larynx. 

Le  voix  se  divise,  1°  relativement  aux  quatre  prin- 
cipales voix  de  l'homme,  en  voix  de  soprano,  d'alto, 
de  ténor  et  de  basse  ;  2°  relativement  au  registre,  en 
voix  de  poitrine,  de  tête,  et  même  de  médium  ;  3°  re- 
lativement à  sa  qualité,  en  voix  bonne,  c'est-à-dire, 
claire,  sonore  ou  argentine,  pleine,  juste,  agile, 
flexible,  vigoureuse,  forte,  agréable,  douce,  riche, 
étendue,  etc.  ;  et  en  voix  mauvaise,  c'est-à-dire,  faible, 
mince,  criarde,  trop  forte,  nasillarde,  gutturale, 
lourde,  voilée,  etc.  ;  4°  relativement  à  son  acuité  et  à 
sa  gravité,  en  voix  grave,  moyenne,  aiguë. 

La  voix  humaine  est  le  plus  beau  moyen  d'exécu- 
tion que  possède  la  musique.  Les  instruments  ne  ser- 
vent qu'à  l'imiter  ou  à  l'accompagner.  Semblables, 
pour  ainsi  dire,  aux  esclaves  qui  précèdent  ou  suivent 
leurs  maîtres,  les  instruments  ne  font  entendre  leurs 
accents  sur  le  théâtre  que  pour  annoncer  le  chanteur 
et  lui  servir  de  cortège. 

Chaque  espèce  de  voix  ayant  une  qualité  propre, 
elles  fournissent  au  compositeur  les  moyens  de  varier 


$n  voi 

les  effets.  La  chose  essentielle  est  de  ne  pas  les  forcer 
en  les  jetant  hors  de  leur  étendue  naturelle.  A  la  ri- 
chesse des  moyens,  aux  ressources  de  la  science  et  du 
travail  se  joint  encore,  chez  certains  individus,  la  ma- 
gie d'une  remarquable  sonorité  dans  la  voix.  Ceux  qui 
ont  entendu  les  grands  chanteurs  italiens  ne  perdront 
jamais  le  souvenir  des  vives  jouissances  que  leur  ont 
fait  éprouver  leurs  suaves  accents. 

On  a  beaucoup  disserté  sur  les  moyens  les  plus 
propres  à  assurer  la  conservation  de  la  voix. 

C'est  là  une  question  d'hygiène  trop  importante 
pour  que  nous  ne  la  traitions  pas  au  moins  sommaire- 
ment dans  ce  livre  à  la  fois  historique,  théorique  et 
didactique. 

Le  docteur  Second,  qui  a  fait  des  études  spéciales 
sur  la  constitution  de  la  voix  humaine,  nous  fournit 
des  renseignements  dont  nous  profitons  d'autant  plus 
volontiers,  qu'ils  ont  été  élaborés  sous  les  yeux  d'un 
maître  justement  estimé,  M.  Manuel  Garcia;  les 
chanteurs  y  puiseront  d'utiles  préceptes. 

La  vie  de  l'homme  se  maintient  par  deux  fonctions 
principales  qui  mettent  incessamment  son  organisme 
en  rapport  avec  le  monde  extérieur.  Le  poumon, 
d'une  part,  donne  accès  à  une  matière  gazeuse,  l'oxi- 
gène  de  l'air  qui. passe,  par  endosmose,  des  vésicules 
pulmonaires  dans  le  torrent  de  la  circulation  ;  l'esto- 
mac, d'autre  part,  reçoit  les  matières  solides  et  liqui- 
des qui  doivent  servir  à  la  nutrition. 

Puisque,  chez  le  chanteur,  l'une  de  ces  deux  fonc- 
tions s'exécute  avec  exagération,  il  est  très-important 
d'examiner  quelles  seront  les  modifications  que  cette 
suraction  fera  subir  à  l'organisme. 

Pendant  bien  des  siècles,  une  grande  incertitude  a 
régné  dans  l'explication  physiologique  de  ces  phéno- 
mènes ;  aujourd'hui,  plus  de  vague,  plus  de  vains 
raisonnements;  la  lumière  nous  est  venue,  et  c'est  aux 


VOI  293 

chimistes  modernes  que  nous  la  devons  en  grande 
partie. 

Il  résulte  des  expériences  de  Lavoisier  et  de  Séguin, 
qu'un  homme  adulte  absorbe  neuf  cent  quatre-vingt- 
quatorze  grammes  d'oxygène  par  jour.  Malgré  l'ab- 
sorption de  cette  énorme  quantité  de  gaz,  on  peut 
s'assurer  qu'au  bout  de  vingt-quatre  heures,  le  même 
homme  n'a  pas  sensiblement  augmenté  de  poids,  et 
cependant  il  a,  en  outre,  introduit  dans  son  estomac 
une  certaine  quantité  d'aliments. 

—  Qu'est  devenu  l'oxygène? 

—  Que  sont  devenues  les  matières  nutritives  intro- 
duites dans  l'estomac? 

L'oxygène,  transporté  dans  tous  les  organes,  se  fixe 
sur  le  carbone  et  l'hydrogène,  et  le  poumon  le  restitue 
à  l'air  sous  forme  d'une  combinaison  carbonée  ou 
hydrogénée,  acide  carbonique  et  eau. 

Comment  l'homme  pourvoit-il  à  la  consommation 
continuelle  de  ces  deux  éléments  constitutifs?  Par 
l'alimentation.  Manger,  c'est  faire  provision  de  car- 
bone et  d'hydrogène;  respirer,  c'est  consommer  ce 
même  carbone  et  ce  même  hydrogène. 

Si  vous  respirez  beaucoup,  il  faudra  que  vous  man- 
giez en  proportion  ;  car,  si  vous  ne  restituez  pas  à 
l'organisme  tout  le  carbone  et  l'hydrogène  que  l'oxy- 
gène aura  dévoré,  celui-ci,  ne  devant  sortir  du  corps 
que  combiné  avec  ces  deux  éléments,  attaquera  votre 
propre  substance. 

Ces  principes  une  fois  établis,  nous  avons  l'expli- 
cation d'un  grand  nombre  de  faits  que  tout  le  monde 
a  bien  souvent  constatés,  mais  que  personne  n'avait 
convenablement  étudiés  avant  les  savantes  recher- 
ches des  chimistes  de  notre  siècle  et  du  siècle  dernier. 

L'enfant,  dont  les  organes  respiratoires  sont  si  ac- 
tifs, mange  proportionnellement  beaucoup  plus  qu'un 
adulte.   L'oiseau,   dont   le   poumon   fonctionne  si 


29*  VOI 

bien,  ne  peut  souffrir  longtemps  la  faim;  privé  de 
nourriture,  il  meurt  le  troisième  jour.  Le  reptile,  au 
contraire,  avec  sa  respiration  lente  et  paresseuse,  sup- 
porte impunément  la  faim  pendant  un  temps  très- 
long. 

L'on  peut  concevoir,  dès  à  présent,  l'importance  de 
ces  faits  dans  l'hygiène  du  chanteur;  car  il  nous  sera 
facile  de  prouver  qu'il  respire,  au  point  de  vue  de 
l'absorption  de  l'oxygène,  d'une  manière  vraiment 
exceptionnelle. 

L'étude  des  phénomènes  chimiques  de  la  respira- 
tion amène  invinciblement  à  reconnaître  une  relation 
parfaite  entre  cette  fonction  et  l'alimentation;  et, 
d'après  ce  que  nous  avons  exposé,  l'on  comprend  que 
tout  désaccord  entre  ces  deux  fonctions  doit  invaria- 
blement produire  une  perturbation  de  la  santé.  Un 
homme,  par  exemple,  qui  respirerait  de  manière  à 
consommer  quatre  cent  cinquante  grammes  de  car- 
bone par  jour,  et  qui  n'en  remplacerait  que  quatre 
cent  quarante  par  l'alimentation,  mourrait  lentement 
de  faim. 

La  quantité  d'oxygène  absorbée  dépend  surtout  du 
nombre  et  de  l'amplitude  des  inspirations.  Celui  dont 
le  poumon  fonctionnera  de  manière  à  introduire  dans 
la  circulation  deux  kilogrammes  d'oxygène,  devra 
restituer  au  corps  deux  fois  plus  de  carbone  que  ce- 
lui qui  n'en  aura  absorbé  qu'un  kilogramme. 

Si  nous  étudions  la  respiration  du  chanteur,  nous 
voyons  que  son  poumon,  pendant  qu'il  exerce  mé- 
thodiquement sa  voix,  est  traversé  par  des  masses 
d'air  considérables. 

La  quantité  du  mouvement  respiratoire  ne  peut  être 
évaluée  qu'approximativement,  attendu  qu'elle  varie 
pour  chaque  individu,  suivant  les  particularités  de 
son  organisation.  Aussi,  les  physiologistes  qui  ont 
étudié  cette  question  ne  sont-ils  pas  arrivés  à  des  ré- 


VOI  295 

sultats  semblables.  Séguin  évalue  le  nombre  des  ins- 
pirations de  quinze  à  vingt  par  minute,  Laënnec  de 
onze  à  quinze,  Menziers  à  quatorze,  Magendie  à 
quinze;  Allen  et  Papys  à  dix-neuf,  Dalton  à  vingt, 
Davy  à  vingt-six.  En  nous  arrêtant  à  dix-huit,  nous 
avons  le  terme  moyen  du  nombre  des  inspirations. 

Si  nous  examinons  la  question  au  point  de  vue  de  la 
quantité  d'air  qui  pénètre  le  poumon,  nous  voyons, 
d'après  les  expériences  d'Abilgaard,  de  Wurzer,  de 
Herbst,  de  Bostock,  etc.,  qu'elle  s'élève,  terme  moyen, 
à  18  pouces  cubes  par  respiration. 

Le  poumon,  dans  les  conditions  les  plus  générales, 
est  donc  traversé  en  une  minute  par  plus  de  300  pou- 
ces cubes  d'air,  c'est-à-dire  plus  de  466,000  pouces 
cubes  en  vingt-quatre  heures.  Ces  chiffres,  déjà  énor- 
mes, sont  bien  inférieurs  à  ceux  que  fournit  la  respi- 
ration du  chanteur.  Celui-ci,  ne  pouvant  bien  dire  de 
longues  phrases  de  chant  qu'à  la  condition  d'avoir 
une  grande  étendue  de  respiration,  habitue  ses  pou- 
mons à  contenir  la  plus  grande  quantité  d'air  possible. 
Cet  exercice,  augmentant  l'activité  des  organes  de  la 
respiration,  détermine  bientôt  leur  accroissement,  et 
la  plupart  des  chanteurs  présentent  un  grand  déve- 
loppement de  la  cavité  thoracique.  Mais,  sans  même 
tenir  compte  de  cette  différence  de  capacité,  si  nous 
recherchons  quelle  est  la  quantité  d'air  que  le  poumon 
peut  contenir,  nous  apprenons  qu'elle  dépasse  de  beau- 
coup la  moyenne  que  nous  avons  posée  plus  haut  en 
étudiant  la  respiration  normale.  Ainsi,  nous  savons 
que  Herbst,  ayant  fait  expirer  six  jeunes  gens  avec 
toute  la  force  possible,  après  une  inspiration  des  plus 
profondes,  trouva  que  le  minimum  de  l'air  expiré 
était  de  120  pouces  cubes,  et  le  maximum  de  244, 
ce  qui  donne  167  pour  terme  moyen. 

Un  bon  chanteur,  qui  fait  des  exercices  ou  qui 
phrase  une  cavatine,  ne  respire  pas  autrement.  11  in- 


296  VOI 

troduit  à  chaque  respiration,  dans  son  poumon, 
167  pouces  cubes  d'air;  mais  admettons  qu'il  n'en 
prend  que  100,  et  qu'il  ne  fait  que  dix  inspirations  de 
ce  genre  par  minute;  malgré  cette  déduction,  on  trouve 
qu'il  a  respiré  plus  d'air  en  vingt  minutes,  qu'une 
personne  qui  ne  chante  pas  et  qui  respire  normale- 
ment n'en  peut  respirer  en  une  heure. 

Qui  pourra  nier,  devant  ces  chiffres,  les  conditions 
spéciales  dans  lesquelles  se  trouve  placé  le  chanteur  ? 
Evidemment,  il  n'est  peut-être  pas  d'état  physiolo- 
gique dans  lequel  la  respiration  soit  aussi  exagérée  ; 
dès-lors,  on  comprend  tout  le  soin  que  le  chanteur 
devra  apportera  son  alimentation;  car,  que  résulte- 
t-il  de  l'ignorance  de  ces  principes  ?  c'est  que  beaucoup 
de  jeunes  artistes  et  de  dilettantes,  se  livrant  avec 
ardeur  à  l'étude  du  chant,  pensent  ménager  leur  la- 
rynx en  ménageant  leur  estomac.  Au  bout  de  quelque 
temps  l'épuisement  arrive,  la  voix  s'éteint;  ils  s'ima- 
ginent que  le  travail  ou  une  méthode  vicieuse  la  leur 
a  brisée,  tandis  que  la  véritable  cause  de  cet  affaiblis- 
sement est  une  alimentation  insuffisante. 

Il  n'y  aurait  que  demi-mal  s'ils  en  étaient  quittes 
pour  une  extinction  de  voix;  mais  ne  sait-on  pas  que 
les  maladies  les  plus  graves  peuvent  résulter  de  ce 
défaut  d'harmonie  entre  les  fonctions  les  plus  essen- 
tielles au  maintien  de  la  vie?  Nous  ne  voulons  pas  ef- 
frayer le  chanteur  par  la  triste  énumération  des  affec- 
tions qui  se  développent,  avec  une  déplorable  promp- 
titude, au  milieu  de  l'épuisement  général  de  l'orga- 
nisme; mais  nous  devons  le  prémunir  contre  elles  et 
lui  donner  les  moyens  de  conserver  l'intégrité  à  son 
corps,  et,  par  suite,  la  vigueur  aux  organes  de  la  voix. 

Si  l'on  a  bien  saisi  la  liaison  intime  que  nous  avons 
essayé  d'établir  entre  la  respiration  et  la  nutrition,  on 
sera  naturellement  conduit  à  penser  que  le  chanteur 
doit  consommer  une  quantité  d'aliments  considéra- 


VOÎ  29? 

ble,  et  nous  entendons  beaucoup  de  personnes  se  ré- 
crier et  nous  accuser  de  vouloir  faire  des  Apicius  ou 
des  Héliogabales  de  tous  nos  poétiques  chanteurs. 
Loin  de  nous  la  pensée  de  transformer  ainsi  ces  belles 
organisations,  qui  semblent  n'exister  que  pour  ressen- 
tir les  plus  douces  sensations  et  pour  les  exprimer  de 
la  manière  la  plus  suave  !  Ils  voudraient  ne  manger 
que  pour  vivre,  mais  ils  doivent  aussi  manger  pour 
chanter. 

Voici  quelles  sont  les  substances  dans  lesquelles  le 
chanteur  trouvera  les  éléments  d'une  complète  répa- 
ration. Les  chimistes  les  ont  divisées  en  deux  classes  : 
les  aliments  azotés  et  les  aliments  non  azotés.  Les  pre- 
miers, appelés  aussi  plastiques,  constituent  l'aliment 
proprement  dit;  introduits  dans  l'organisme,  ils  ont 
seuls  la  propriété  de  se  convertir  en  sang  et  de  don- 
ner naissance  aux  principes  des  organes.  Les  aliments 
de  la  seconde  classe  ont  été  appelés  respiratoires,  à 
cause  de  la  grande  proportion  de  carbone  qu'ils  con- 
tiennent. 

Les  aliments  proprement  dits  sont  : 

La  fibrine  (chair  et  sang  des  animaux), 

L'albumine  (blanc  d'œuf), 

Le  gluten  (céréales), 

La  matière  caséeuse  (lait). 

Les  substances  alimentaires  de  second  ordre  sont  : 

La  graisse, 

La  gomme, 

Les  sucres, 

La  bière, 

Le  vin,  etc. 

Avec  cette  seconde  classe  d'aliments,  le  chanteur 
fera  facilement  provision  de  carbone  et  d'hydrogène. 

Beaucoup  de  personnes  racontent  avec  étonnement 
que  tel  chanteur  ou  telle  cantatrice  prend  du  vin  de 
Bordeaux  et  du  vin  de  Madère  en  grande  proportion; 


298  VOI 

qu'on  fasse  chanter  ces  mêmes  personnes  pendant 
trois  heures,  et  nous  verrons  si  elles  ne  trouvent  pas 
que  le  bon  vin  est  un  excellent  réparateur  des  forces 
dépensées  pendant  la  suraction  de  l'appareil  respira- 
toire. Hippocrate,  ce  grand  médecin  de  toutes  les  épo- 
ques, écrivait,  il  y  a  plus  de  vingt  siècles,  que  le  vin 
apaise  la  faim.  Famem  thorexis  solvit.  (Secte  II,  aph. 
21.) 

Les  vins,  en  effet,  ceux  du  Midi  surtout,  offrent  à 
l'organisme,  sous  une  forme  extrêmement  favorable, 
une  quantité  notable  de  carbone. 

Est-il  besoin  d'observer  que  les  liqueurs  qui  con- 
tiennent une  trop  grande  proportion  d'alcool,  agissent 
d'une  manière  funeste  sur  les  cordes  vocales?  Chacun 
connaît  l'expression  triviale  par  laquelle  on  désigne 
une  voix  cassée  par  les  spiritueux. 

La  gomme  et  les  sucres  seront  également  très-pro- 
pres à  la  réparation.  Mais,  c'est  dans  la  chair  des  ani- 
maux que  le  chanteur  trouvera  son  véritable  aliment. 
Il  la  préférera  toujours  aux  substances  végétales,  et  il 
choisira  surtout  les  viandes  noires,  parce  qu'elles  por- 
tent avec  elles  un  principe  d'excitation  très-favorable 
au  développement  des  forces.  Celles-ci,  comme  l'a 
parfaitement  démontré  M.  Edwards,  sont  en  rapport 
avec  la  quantité  des  aliments.  Ce  savant  a  constaté 
avec  le  dynamomètre,  qu'après  une  forte  nourriture, 
un  bon  consommé,  par  exemple,  la  force  est  plus  con- 
sidérable, les  mouvements  plus  sûrs,  plus  faciles,  plus 
énergiques  qu'après  l'ingestion  d'aliments  légers. 

Ce  que  nous  venons  d'exposer  pour  le  chanteur, 
s'adresse,  jusqu'à  un  certain  point,  à  l'artiste  drama- 
tique qui,  cherchant  à  exprimer  un  passage  de  Racine, 
par  exemple,  fouille  dans  les  trésors  de  son  cœur  pour 
en  tirer  l'expression  la  plus  vraie,  l'accent  le  plus 
sympathique,  et  répète  ce  passage  de  mille  manières. 
Il  respire  alors  beaucoup  plus  que  dans  les  conditions 


VOI  299 

ordinaires.  Les  avocats,  les  orateurs  de  tribune,  les 
professeurs,  les  prédicateurs  pourront  également  pro- 
filer de  ces  considérations. 

Nous  pourrions  donner  un  grand  développement  à 
toutes  ces  questions  ;  mais  ce  que  nous  en  avons  dit 
suffira  pour  persuader  le  chanteur  que  c'est  par  une 
nourriture  suffisante  qu'il  conservera  sa  santé  et  sa 
voix.  L'alimentation  imparfaite  a  pour  premier  effet 
d'amoindrir  les  muscles,  de  les  priver  de  leur  contrac- 
tilité  et  de  les  rendre  rigides  et  impropres  à  tout  acte 
de  vigueur  et  de  souplesse.  Quand  le  corps  est  affai- 
bli, la  voix  devient  pauvre  et  languissante,  l'expres- 
sion dramatique  pâle  et  uniforme;  l'âme  de  l'artiste, 
secouant  vainement  les  organes,  ne  peut  se  traduire 
que  par  des  vibrations  flasques  et  chancelantes,  et 
l'auditeur,  impassible,  frappé  seulement  par  l'im- 
puissance, ne  subit  aucun  charme,  aucun  entraîne- 
ment. 

Ces  réflexions,  bien  graves  pour  un  chanteur,  sont 
moins  sérieuses  que  celles  qu'on  peut  faire  sur  l'épui- 
sement général.  Il  s'agit  surtout  ici  de  la  santé  du 
chanteur.  Veiller  à  l'équilibre  de  ses  fonctions,  c'est 
aussi  veiller  à  la  conservation  et  au  développement 
de  sa  voix. 

Voix  Angélique.  Jeu  d'orgue  qui  sonne  l'octave  du 
jeu  de  voix  humaine. 

Voix  blanche.  Expression  métaphorique  qui  indi- 
que l'intensité  et  le  caractère  de  certaines  voix  et  de 
certains  instruments.  Les  voix  de  soprano  et  d'alto 
sont  des  voix  blanches.  L'octavin,  la  flûte,  le  haut- 
bois, la  clarinette,  la  trompette,  le  violon,  sont  des 
instruments  à  voix  blanches. 

Voix  de  poitrine.  C'est  dans  la  voix  humaine  l'é- 
tendue des  sons  produits  par  la  situation  naturelle 
des  organes  de  la  voix,  avec  la  poitrine  pleine  et  la 
bouche  ouverte,  à  la  différence  de  ces  sons  plus  aigus 


300  VOL 

formés  par  un  effort  de  ces  mêmes  organes,  et  que  l'on 
appelle  voix  de  tête  ou  fausset. 

Voix  extérieures.  C'est  le  nom  des  voix  principa- 
les les  plus  aiguës  ou  les  plus  graves  d'une  composi- 
tion musicale,  comme  dans  les  chœurs,  le  soprano  et 
la  basse. 

Voix  humaine.  Jeu  d'orgue,  ainsi  nommé  parce  qu'il 
imite  assez  bien  la  voix  de  l'homme.  Dans  les  siècles 
passés,  on  donnait  également  ce  nom,  en  Italie,  au 
violon  de  concerto,  pour  le  distinguer  du  violon  d'or- 
chestre, qu'on  appelait  voix  argentine.  En  Italie,  on 
donne  aussi  le  nom  de  voce  umana  au  cor  anglais. 

Voix  intermédiaires.  Ce  sont  celles  qui  se  trouvent 
entre  la  voix  la  plus  aiguë  et  la  plus  grave,  comme 
dans  les  chœurs,  la  voix  d'alto  et  de  ténor. 

Voix  principale.  Ce  mot  indique  1°  la  partie  d'une 
composition  musicale  qui  exprime  plus  particulière- 
ment son  caractère  propre  ;  toutes  les  autres  lui  ser- 
vent d'appui,  d'expression  et  d'accompagnement  har- 
monique; 2°  toute  voix  qui,  dans  un  morceau  de  mu- 
sique, se  distingue  des  autres  par  une  mélodie  qui  lui 
est  propre. 

Voix  solo.  Voix  principale  d'un  morceau  de  mu- 
sique, exécuté  par  une  seule  personne. 

Volate,  Volatine.  Exécution  rapide  de  plusieurs 
sons  successifs  sur  une  même  syllabe,  au  moyen  de 
la  simple  vocalisation. 

Volte.  Ancienne  danse  hors  d'usage,  du  genre  de 
la  gaillarde,  et  dont  l'air  était  écrit  en  mesure  à 
trois  quatre. 

Voltipresto.  Le  volti  presto  est  un  pupitre  pro- 
pre à  soutenir  le  cahier  de  musique  auquel  le  méca- 
nisme moteur  est  attaché  dans  la  partie  inférieure. 
Ce  pupitre  porte  un  nombre  quelconque  de  tringles 
mobiles.  Chaque  tringle,  portée  à  droite,  se  recouvre 
d'un  feuillet  jusqu'au  commencement  du  morceau 


WAL  301 

Lorsque  cette  disposition  première  est  faite,  il  ne  s'a* 
git  plus  que  de  presser  le  le\ier  avec  le  pied,  le  ge- 
nou ou  la  main  à  volonté  pendant  l'exécution,  et  le 
mouvement  des  feuillets  de  droite  à  gauche  s'opère  à 
l'instant.  Lorsqu'il  s'agit  de  recommencer  le  mor- 
ceau, un  autre  levier  produit  l'effet  contraire. 

Volume.  C'est  la  masse  de  son  que  donne  une  voix 
ou  un  instrument  sur  chacun  des  degrés  de  son  dia- 
pason. 

Voyelles  prohibée*.  Dans  le  solfège  italien  les 
voyelles  défendues  sont  i,  u. 


w 


W.  Double  majuscule,  qui  sert  quelquefois  à  indi- 
quer les  parties  des  violons  dans  une  partition. 

Walnica.  Chalumeau  en  usage  parmi  les  paysans 
de  la  Russie,  qui  consiste  en  une  vessie  de  bœuf,  où 
l'on  place  deux  ou  trois  roseaux. 

Webeb.  C'est  un  violon  monté  de  deux  cordes,  dont 
on  joue  sur  les  côtes  de  Barbarie,  comme  de  notre 
violoncelle. 

Walzer  valse.  Air  de  danse  à  trois  temps,  d'un 
caractère  gai,  avec  deux  reprises  de  huit  mesures 
chacune,  et  d'un  mouvement  modéré.  La  valse  est 
originaire  d'Allemagne.  Il  paraît  qu'elle  n'a  été  in- 
troduite en  France  que  vers  1790.  —  Parmi  les  valses 
qui  ont  été  inventées,  celles  de  Strauss  sont  sans  con- 
tredit les  plus  populaires.  Il  y  a  aussi  la  valse  à  deux 
temps,  c'est  la  moins  gracieuse,  et  dans  le  sens  de 
la  mesure  c'est  une  monstruosité,  par  la  raison  fort 
simple  qu'elle  est  un  défi  jeté  à  la  musique.  —  La 


302  VAL 

coda  d'une  valse  est  le  rappel  de  ses  diverses  fractions 
mélodiques.  —  La  valse  est  à  deux.  La  polka  doit  être 
rangée  parmi  les  valses.  (Voyez  Polka). 


Xacara.  C'est  le  nom  d'un  air  espagnol  qu'on 
chante  et  danse  en  même  temps. 

Xenorphica.  Nom  d'un  clavecin  à  archet,  inventé 
par  M.  Rœllig,  à  Vienne,  vers  la  fin  du  siècle  der- 
nier. 

Xylharmomcon.  Instrument  inventé  par  M.  Uthe, 
il  y  a  quelques  années,  et  qui  ressemble  à  l'euphone 
du  docteur  Chladni. 

Xylorganon.  Espèce  de  claquebois  avec  une  tou- 
che. Il  est  aussi  appelé  xitarganon. 


Za.  Syllabe  dont  on  se  servait  autrefois  pour  dési- 
gner le  si  bémol. 

Zurna.  Instrument  turc,  qui  par  sa  forme,  et  la 
qualité  de  ses  sons,  ressemble  à  notre  hautbois. 


FIN. 


|  rAMt ,  —  BtriuHBiuE  ;.  non  «akoh,  place  di  i\  bobme,  4. 


ERRATUM. 


Au  premier  volume ,  page  52 ,  ligne  30 ,  au  lieu  de  : 
Férabosca,  lisez  :  Férabosco. 


LLECTION    MICHEL   LtVY 


volumes  paru    et  h  paraître.  —  Format  grand  lu-lft,  h  fl  futur 

vol. 
CÉL.  deCHABRILLAN 
Les  Voleurs  d'Or. .  .  1 
EDMOND  TEXIER 


Toi. 

.AMARTINE. 
Irlpnces.  .  .  1 
infldenos.  .  1 
o-        .ure.  .  1 

I.  GAUTIER 
tsen  Europe  2 
inople.    .    .  1 

iilcrne.  .  .  1 
es.ques.  .    .  1 

HESAND 

ma  Vie.  .  10 
.    .    .    .  1 

e 1 

.     .    .    .  1 

1 

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3 


au  Diable. . 
Fadette.  . 
le  Chanipi. 


e  Rudolstadt  2 

.    .    .    .     .1 

....  1 

.     ...  1 

d'un  voyag.  1 

2 

i  Floriani.  .  1 
e  M. Antoine  2 
nino.  ...  2 
d'Angibault.  1 

1 

.  Aldini  .  .  1 
rc  intime.  .  1 
I  DE  NERVAL 

ïme  galante.  1 
.  de  Fayolle.  1 
>s  du  Feu 

NE  SCRIBE 

(ouv.comp.)  20 
lie».  .  .  3 
s. .  .  .  ,2 
s  comiques..  S 
iies-Vaudv..  10 

îs 1 

ttes  et  Prov.  1 
Alliaga.  .     .  S 

RY  MURGER 
lendez-Vous.  1 
i  Latin.  .  .  1 
de  Campagne  1 
veurs  d'Eau.  1 
oureuses  .  .  1 
de  ville  et 
s  de  théâtre.  1 
is  de  Camille.  1 
de  la  Bohême  1 
iVie  de  Jeun.  1 

LIER-FLEURY 
etNoyageurs.  1 

ONSE  KARR 

mues.  ...  1 
les  Femmes.  1 
cl  Cécile.  .  1 
■  de  mon  Jard.  1 
s  Tilleuls.  .  1 
)  Orangers.  .  1 

HITS.      .       .      . 

.de  mon  jard. 
:  de  Vérités.. 
*pes.  .  .  . 
ie  normande, 
mis  pages  . 
deS#  Adresse  1 


vol. 
M™  B.  STOWE 

Traduct.  E.  Furcade. 
Souvenirs  heureux.  .  3 

CH.  NODIER  (Trad.)^ATi"'u7»-rnn:û.ce 
Vicaire  de  Vakeficld.  1 

LOUIS  REYBAUD 
Jérôme  Paiurol    .    •  1 
l'.iturol- République.  î 
Dern.   des  Commis- 

Vovageiirs.  ...  1 
L"  Coq  du  Clocher.  1 
L'Indust.  en  Europe  1 
Ce  qu'on    voit  dans 

une  rue 1 

LaComt.  de  Mauléon.  1 
La  Vie  à  rebours.    .  1 

FRÉDÉRIC  SOULIÉ. 

Mémoires  du  Diable.  2 
Les  Deux  Cadavres.  1 
Confession  Générale.  2 
Les  Quatre  Sœurs    .  1 

HV-É.  DE  GIRAROIN 
Marguerite.  .  .  .  1 
Nouvelles.  .  .  •  .1 
Vicomte  de  Launay.  4 
Marq.  de  Pontanges.  1 
Poésies  complètes.  .  1 
Cont.  d'une  v.  Fille.  1 

EMILE  AUGIER 


i 
ACHIM  O'ARNIM 

Trad.  T.  Oan  ier  fils. 
Contes  bizarres.  .     .  t 

ARSÈNE  HOUSSAYE 
Femmes  comme  elles 
sont tA 

GÉNÉRAL  DAUMAS 

Le  grand    Désert.        1 
Chevaux   du  Sahara.  1 

H.  BLAZE  DE  BURY 
Musiciens  cunlcmp..  1 

OCTAVE  DIDIER 
Madame  Georges.     .1 

FELIX  MORNAND 

La   vie   Arabe.     .    .  1 

ADOLPHE  ADAM 

Souv.  d"un  Musicien.  1 
Dern.  Souvenirs  d'un 
Musicien.      ...  1 

J.  DE  LA  MADELÈNE 

Les  Ames  en  peine.  1 

MARC  FOURNIER 
LeMondeellxComed.  1 

|  EMILE SOUVESTRE 
Philos,  sous  les  laits  1 
iConf.  d'un   Ouvrier.  I 
JAu  coin  du   Feu.    .  1 
.   Sien,  de  la  Vieintitn.  I 
Les'Iyraus de  Village  1  rhroniq.  de  la  Mer.  1 
CH.  DE  BERNARD       "ans  la  Prairie.   .     .1 
Le  Nœud  gordien .    .1   Les  Clairières.    .    .1 

(jerlaut 1  Sc.de  la  Chouannerie  1 

lin  homme  sérieux.  .  1  Les  derniers  Paysans  1 

1  Souv.  d'un  Vieillard.  1 
8  Sur  la  Pelouse.    .    .  1 

2  Soirées  de  Meudon..  1 
1  Se  et  réc.  des  Alpes.  1 


vol. 
r* .  VACQUERIE 
Prolils  et   Grimace*.  1 
A.  DE'PDNTJQiARTIN 


Cuites  et  N"iivelli'^/1-  -Huit  jours  sous  IF. 


Poisies  complètes.  . 
F.  PONSARO 

Etudes   Antiques.     . 

PAULMEURICE 

Scènes  du  Foye 


Les  Ailes  d'Icare 
tient  ilhom.cainpagti 
l'n  Beau- Père.  .  . 
Le  paravent    «    • 

HOFFMANN 
Trad.     Champ  lleury. 

Contes  posthumes.  ■  1 
ALEX.  DUMAS  FILS 
Avenu  de  4  femmes.  1 
La  Vie  à  vingt  ans.  1 

Anlonine 1 

Dame  aux  Camélias.  1 
La  Boite  d'Argent.     .  1 

LOUIS  BOUILHET 
Mclœuis 1 

JULES  LEC6MTE 
Poignard  de  Cristal..  1 

X.  MARMIER 
Au  bord  de  la  Newa  1 
Les  Drames  intimes.  1 

J.  AUTRAN 
La  Vie  rurale.    .    .  1 
Milianah 1 

FRANCIS  Wf Y 
Les  Anglais  chez  eux  1 

PAUL  DE  MUSSET 
La  Bavolelle.  .    .    .  1 


.es  Anges  du  Foyer.  1 
L'Echelle  de  Feinm.  1 
La  Goutte  d'eau.  .  1 
Sous  les  Filets  .  .  1 
Le  Foyer  Breton.  .  2 
Contes  et  Nouvelles.  1 

LÉON  GOZLAN 
Châteaux  de  France.  2 
Notaire  de  Chantilly  1 
Polydore  Marasquin  1 
Nuits  du  P.-Lachaise  1 
Le  Dragon  rouge.  .  1 
Le  Médecin  du  l'ecq  1 
Hist.  de  130  îeinnics.  1 
La  famille  Lambert.  1 

THÉOPH.   LAVALLÉE 

Histoire  de  l'iris.    .  2 

EDGAR  POE 

Trad.  Ch.  Baudelaire. 
Histoires  extraonlin.  1 
Nuuv.  Hisl.  exlraord.  1 
Aventures     d'Artiijr 
Gordon  Pyin.    .    .  1 

CHARLES  DICKENS 

Traduction  A-  l'irUoi. 
Neveu  de  m  liante.  .  2 

i'i-imIps  Al    Nouvelles.   1 


Hit. n.  d'un  Notaire.  .'1 
La  fin  du  Procès.  .  1 
contes  d'un  Planteur 

du  choux.  ...  1 
Pourquoi  je  reste  à 

1 1  Campagne.    .     •  1 

HENRI  CONSCIENCE 
Trad.  Lénn  W-cquier. 
Si-en.  de  la  Vie  flam.  2 
Le  Fléau  du  Village.  1 
Les  Heures  du  soir.  1 
Les  Veillées  flamand.  1 
Le  Démon  del'Argent  1 
L  i  Mère  Job.  ...  1 
L'Orpheline.  ...  1 
Guerre  des  Paysans.  1 

DE  STENDHAL 

(H.  Beyle.) 
De  l'Amour.    ...  1 
L<-  Rouge  et  le  Noir.  î 
La  Chartr.  de  Parme,  t 

MAX.  RAOIGUET 
Souv.  de  l'Amer,  esp.  1 

PAULFÉVAL 

Le  Tueur  de  Tigres.  1 

Les  dernières  Fées.  1 

KÉRY 
Les  Nuits  anglaises.  1 
Une  llist.ite  Famille.  1 
André  Chénier.  .  .  1 
Salons  elSout.de  P  iris  1 
Les  Nuits  italiennes,  t 

EDOUARD  PLOUVIER 
Les    Dern.   Amours.  1 

GUST. FLAUBERT 

Madame  Bovary.  •    .  2 

GHAMPFLEURY 

Les  Excentriques.  .  1 
Avenl.de  M"«Maricttel 
Le  Réalisme.  ...  1 
Prem.  Beaux  Jours.  1 
Les   Souffrances  du 

profess.  Delleil.  .  1 
Les  Bourgeois  de  Mo- 

linchart 1 

Chien- Caillou..    .    «  1 

XAVIER  AUBRYET 
La  Femme  de  25  ans.  1 

VICTOR  CE  LAPRADE 
Psyché 1 

H.B,RÉVOIL(Trad.) 

Harems  duN.-Mondc.l 

ROGER  DE  BEAUVOIR 
Chev.  de  Sl-'Jourges.  1 
Avent.etCoiini-i.ines  t 
Histoires  cavalières,  t 

GUSTAVE  O'ALA'JX 

Soulouq.  et  son  Kmp.  t 

F.  VICTOR  HUGO 

(TraiiuMeur.) 

Sonn.  de  Shaksneare.  1 


»ol. 
AMÉOÉE  PICH?T 
Les  Poêles  am  mrvui  1 
ÉMUE  CARREY 


iiinleiirj  .  ...  1 
Métis  ilgSrV  Sivane  1 
Les  Révoltés  du  Pari   t 

CHARLES  BARBARA 
U'istoir.  émouvantes.  1 

E.  FROMENTiN 

Un  Eté  dans  le  Sahara  1 

XAVIER  EYMA 
Les  Peaux-Noires.    .  1 

LA  COMTESSE  DASH 
Les  Bals  masqués.  .  1 
Le  Jeu  de  la  Reine.  1 
L'Ecran 1 

MAX  BUCHON 
En  Province.   ...  1 

HILDEBRANO 
Trad.  l.éon  W-cquitr 
Sce.de  la  Vie  holUnd.  1 

AMÉOÉE  ACHARO, 
Parisiennes  et    pro- 
vinciales.    .     .    .  1 
Brimes    et    Rlondes.  1 
Les  dern.  Marquises.  1 
Le-*  Femmes  honnêtes  1 

A    DE  BERNARD 

LePoriraildela  Mar- 
quise  

CH.  OL  LA  ROUNAT 
Comédie  de  l'Amour.  1 

MAX  V'LREY 
Marthe  de  Mouthrun.  t 

A-  3E  MUSSET 
GEORGE    SANO 
DE  BALZAC  etc. 
Le  Tiroir  du  Diable.  1 
Paris  elles  Parisiens  1 
Parisiennes   à  Paris.  I 

ALBÉRIC  SECOND 
A  quoi  tient  l'Amour.  1 

M'"c  BERTON 

(yW«  Saitisim.) 

Le  Bonheur  impossib.  1 

NATJAR 
Quand  j'ét.  Etudiant.  I 
Miroir  aux  Aiouettes.  I 

EMILIE  CARLEN 

Trad.  M.  SouvKyriiE. 

Deux  Jeunes  Femmes  1 

LOUIS  ULBACH 
Les  Secrets  du  Diable  1 

F.  HUGONNET 
Souvenirs  d'un  Chef 
i!e  bureau  Arabe.  1 

JULES  SANOEAU- 
Sacs  cl    Parchemins.  1 

LOUIS  OE  CARNÉ 
Drame  s.  la  Terreur,  t