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DICTIONNAIRE
DE
PHYSIOLOGIE
TOME IX
DICTIONNAIRE
DE
PHYSIOLOGIE
PAR
CHARLES RICHET
PROKESSKUR DE PHYSIOI.OGIR A LA FACULTÉ DE MÉDECINB DE PARIS
AVEC LA COLLABORATION
MM. E. ABELOUS (Toulouse) — ANDRÉ (Paris) — S. ARLOING (Lyon) — ATHANASIU (Bukarost)
BARDIER Toulouse) — BATTELLI (Genève) — R. DU BOIS-REYMOND (Berlin) — G. BONNIER (Paris
F. BOTTAZZI (Florence) — E. BOURQUELOT (Paris) — A. BRANCA (Paris) — ANDRÉ BROCA (Paris)
J. CARVALLO (Paris) — A. CHASSEVANT (Paris) — CORIN (Liège) — CYON (Paris) — A. DASTRE (Paris)
R. DUBOIS (Lyon) — W. ENGELMANN (Berlin) — G. FANO (Florence) — X. FRANCOTTE (Liège)
L. FREDERICQ (Liège) — J. GAD (Leipzig) — J. GAUTRELET (Paris) - GELLÉ (Paris) — E. GLEY (Paris)
GOMEZ OCANA Madrid) — L. GUINARD (Lyon) — J.-F. GUYON (Paris) — H. J. HAMBURGER (Groningen)
M. HANRIOT (Paris) — HÉDON (Montpellier) — P. HÉGER (Bruxelles) — F. HEIM 'Paris)
P. HENRIJEAN (Liège) — J. HÉRICOURT (Paris) — F. HEYMANS (Gand) — J. lOTEYKÔ Bruxelles)
P. JANET (Paris) — H. KRONECKER (Berne) — LAHOUSSE (Gand) - LAMBERT (Nancy) — E. LAMBLING (Lille)
P. LANGLOIS (Paris) — L. LAPICQUE (Paris) — LAUNOIS (Paris) - R. LÉPINE (Lyon) — CH. LIVON (Marseille)
E. MACÉ (Nancy) — GR. MANCA (Padoue) — MANOUVRIER (Paris) — MARCHAI (Paris)
M. MENDELSSOHN (Paris) — E. MEYER (Nancy) — MISLAWSKI (Kazan) — J.-P. MORAT (Lyon)
A. MOSSO i^Turin) — NEVEU-LEMAIRE (Lyon) — M. NICLOUX (Paris) — P. NOLF (Liège)
J.-P. NUEL iLiège) — AUG. PERRET (Paris) — E. PFLUGER (Bonn) — A. PINARD (Parisi — F. PLATEAU (Gand)
M. POMPILIAN (Paris) — G. POUCHET (Paris) — E. RETTERER (Paris) — J. ROUX (Paris)
C. SCHÉPILOFF (Genève) — P. SÉBILEAU (Paris) — J. SOURY (Paris) — W. STIRLING (Manchester)
J. TARCHANOFF (Pétersbourg) — TIGERSTEDT (Helsingfors) — TRIBOULET (Paris) — E. TROUESSART (Paris)
H. DE VARIGNY (Paris) — M. VERWORN (Bonn) — E. VIDAL (Paris)
G. WEISS (Paris) — E. WERTHEIMER (Lille)
TOME IX
I-L
AVEC 136 GRAVURES DANS LE TEXTE
PARIS
LIBRAIRIE FÉLIX ALCAN
108, BOOLEVAttD SAINT-GBRMAIN, 108
1913
Tous droits réservés.
DICTIONNAIRE
DK
PHYSIOLOGIE
IBOGAINE. — Alcaloïde cristallisé que Dybowski et Landrin ont extrait en
1001 de la racine du Tabenianthe iboga (Bâillon). Cette racine, broyée avec do la chaux,
abandonne à l'éther un alcaloïde qui, traité par les acides, donne des sels bien cristal-
lisables. Sa formule est C'-H^'^N'^O-. Il est probable que l'ibogaïne est identique à l'ibo-
gine que Lambert et Heckel ont extraite aussi de la même plante.
Les effets physiologiques de cette substance se (rapprochent, à certains égards, de
ceux de la cocaïne.
Chez le chien, à 0,0007S par kilogramme, il y a déjà une légère excitation psychique,
comparable à celle de l'alcool. A la dose de 0,0013, on observe de l'incoordination
motrice, des tremblements et de véritables hallucinations (Phisalix). Chez le lapin et le
cobaye, les effets sont plus marqués encore que sur le chien. L'ibogaïne est donc un
poison du système nerveux central, agissant d'abord sur le cerveau, puis sur le bulbe
et la moelle épinière. Elle a la propriété d'élever la température de 1° à 2" au-dessus de
la normale, sans qu'on puisse expliquer cette hyperthermie par des contractions mus-
culaires plus intenses. Quelle que soit la dose injectée, il n'y a. pas d'action sur le cœur.
C'est par la paralysie des centres respiratoires, chez la grenouille comme chez les homéo-
thermes, que la mort se produit (Phisalixi. D'après Lambert, le cœur se ralentit, même
chez l'animal atropine, et il y a de l'arythmie cardiaque. En injection sous-cutanée,
elle provoque de l'anesthésie localisée, et on peut, avec l'ibogaïne, comme avec la
cocaïne, rendre la cornée insensible. La dose mortelle par kilogramme serait de 0,o chez
la grenouille; 0,075 pour le cobaye et le lapin; 0,06 chez le chien. La pression artérielle
augmente avec les doses faibles; avec les doses fortes elle diminue. L'injection intra-
veineuse est bien plus toxique que l'injection sous-cutanée.
Bibliographies — Dybowski et Landrin. Sur l' iboga, ses propriétés excitantes, sacom-
posilion, et sur Valcaloide nouveau qu'il renferme iC. H., 1901 , cxxxiii, 748-750). — Lambert
{B. B., 1901, 1906). — Lambert et Heckel [C. R., 1901, cxxxiii, 1236-1238). — Phisalix
(B. B., 1901, 1077-1081). — Kuborn {Centr. fiir Bacter., 1902, 562). ■
IBOGINE. — V. Ibogaïne.
ICHTALBINE. — Combinaison d'ichtyol et d'albumine. V. Ichtyol.
ICHTILEBIDINE. — Substance organique contenue dans l'écaillé des
poissons (Morner, Z. p. C, 1895, xxiv, 12o"i.
DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME IX. 1
2 ILLICIUM.
ICHTYOL. — Substance bitumineuse qu'on retire par distillation de l'huile de
schiste de Seefeld (Tyrol). C'est un produit assez mal défini, bouillant entre 100" et255''.
En pharmacie et en thérapeutique, on prescrit généralement le produit sulfuré (acide
ichlyolsulfurique) tantôt sous forme d'acide, tantôt sous forme de sel (sel ammoniacal
surtout) [C^-8H36S30«(NH^)-2].
On l'a employé sous la forme de combinaisons diverses : avec l'aldéhyde forniique,
c'est l'ichtyoforme : avec l'argent, c'est l'ichtargane : avec l'albumine, c'est Tichtalbine.
Ingéré à l'intérieur, il n"est pas toxique, encore qu'il provoque, quoique rarement,
des exanthèmes. Il est éliminé par l'urine. Appliqué sur la peau, il agit comme analgé-
sique, mais surtout comme modificateur de la nutrition cutanée (Unna), non seulement
par son action vaso-consLrictive, mais par une sorte d'influence spécifique sur la kérati-
nisation de l'épiderme. Aussi l'ichtyol a-t-il été recommandé dans un grand nombre
d'affections cutanées.
Une autre action remarquable de l'ichtyol, c'est son action antiseptique. De là
son emploi dans les affections intestinales, même dans la tuberculose.
Dans les suppurations externes et les inflammations des muqueuses, il agit favora-
blement. Expérimentalement on a vu que l'ichtyol ralentissait le développement des
streptocoques à la dose de i pour 4 000 (Fessler), et de 1 pour 2 000 (Abel). Les germes
sont tués en vingt-quatre heui'es par des solutions à 0,o p. 100. Les staphylocoques sont
beaucoup plus résistants, comme aussi le bacille typique qui se cultive encore dans un
bouillon ;i 2 p. 100 d'ichtyol.
Bibliog^raphie. — Abel. Ueber die antiseptische Kraft des Ichtyols [Centr. f. Bact.,
1893, xiv, 413-422). — Ziilcer. Ueber dcn Einflussder Ichtyolpruparate auf den Stoffivechsel
{Monatsh. f. pract. DermatoL, 1886, v, 547-554).
ICHTULINE. — Nucléo-albumine de l'œuf des poissons. V. Vitelline.
ICHTYOTOXIQUE. — Nom donné par A. Mosso à la substance toxique
contenue dans le sang de certains poissons. {Un venin du sanij des Murénides. A. i. B.,
X, 1888, 141-169). V. Sang, Venins.
ICTÈRE. - Y. Bile.
ICTROGENE. — Substance dérivée de la lupinose. V. Lupinose.
IGASURINE. - V. strychnine.
IGASURIQUE (Acide). — V. Strychnine.
IGAZOL. -V. FormoL
I LIGI NE. — Substance amère, précipitant parle sous-acétate de plomb, extraite
des feuilles du houx.
ILICIQUE (Alcool). — C^2H380. Extrait par Personne de la glu de houx {Ilex
agidfolium).
ILICIQUE (Acide). — Corps mal déterminé, extrait de la décoction aqueuse
des feuilles de houx.
ILIXANTHINE. — Substance colorante jaune, extraite de la décoction des
feuilles de houx.
ILLICIUM. — La badiane ou anis étoile {lUicium nnnisatum), contient ime
essence qui ressemble à l'essence d'anis (Voy. Essence, v, o76). On a signalé divers cas
d'empoisonnement par l'anis étoile du Japon {Illicium rcligiosum) qui contiendrait une
IMMUNITE. 3
substance convulsivante(AuMArrRE.Jo/o'u. de uiciLde l'Ouest, 1885, xix, 19. — Grim.vlu. ibid.^
14-19). — Skihatkcki. Kron. Ici;., 1893, xiv, l-yi-ioO. — X..., Netc-York ined. Journ., 1901,
LXXIII, 042. — VoGi.. Mltlh. d. Wicii. med. Doct. Coll., 1881, vu, 107-173).
I M M U N ITE ' . — On peut appeler immunité la propriété que possèdent certains
orijanismcs et certains tissua de réi^istcr plus ou moins à l'action des poisons et des virus.
On voit alors tout de suite que l'immunité doit se manifester à tous les degrés : car
la résislanco des espèces animales diverses, et môme des divers individus, sera néces-
sairement 1res variable. **
L'historique des découvertes relatives à l'immunité contre les parasites et les
maladies parasitaires a été bien exposé par Kollk {Handb. der pathof/enen Mikroonja-
nismcn, etc., iv, 408, 1904), et nous ne pouvons mieux faire que de le reproduire, en
traduction libre. « Le nom de Jenner restera éternellement attaché à l'immunisation
contre la variole, à la vaccine. Pasteur fut le premier qui intentionnellement atténua
des cultures bactériennes, les transforma en vaccins et les employa à immuniser des
animaux. Ces observations, ainsi que cette donnée médicale, établie par l'expérience
d'innombrables médecins, qu'une maladie immunise seulement contre elle-même et
non contre d'autres maladies, concordent absolument avec la brillante découverte de
RoBKRT KocH, que la spécificité des bactéries pathogènes est absolue, tant au point
de vue de la culture de ces bactéries qu'au point de vue de la maladie qu'elles pro-
voquent dans les organismes. Les autres grands progrès dans la connaissance de l'im-
munité sont dus à lloBERT KocH, Behring et Ehhlich. Ils montrèrent que l'action des
bactt'ries de chaque <'spèce est spéciiique (production de tuberculine, action de la tuber-
culine sur les localisations tuberculeuses, production d'anticorps spécifiques dans le
corps). liEiiRixG, en découvrant les antitoxines, a donné des méthodes générales pour
étudier plus profondément la nature de l'immunité. Ehrligh a introduit des méthodes
de dosage positives pour la valeur antitoxique des sérums. La découverte des bacté-
riolysines par Pfeffer, des agglutinines 'par GrOber, nous ont donné des moyens précis
de connaître quelques-uns des processus extraordinairement compliqués, par lesquels
1. Il est impossible dans un dictionnaire de physiologie de traiter cette question avec tous
les développements qu'elle comporterait dans un traité de pathologie générale, môme élémentaire.
D'autre part il faut bien qu'un résumé, fût-ce extrêmement bref, soit donné ici, des faits qui
intéressent plus spécialement la physiologie générale, considérés au point de vue de la iihysio-
logie générale.
La limite est impossible à tracer entre la physiologie et la pathologie. Les phénomènes ne se
préoccupent pas de savoir, Jquand ils apparaissent, "s'ils rentrent dans telle ou telle de nos factices
classifications. Toute délimitation est terriblement arbitraire. Quoi ! l'immunité naturelle serait
phénomène normal; rinnnunité acquise, phénomène pathologique. La physiologie étudierait le
pouvoir antitoxique du sang à l'état normal, et non le pouvoir antitoxique du sang di's animaux
infectés. Les toxines normales (venins des serpents) seraient un chapitre de la physiologie ; et les
toxines bactériennes, un chapitre de pathologie. Tout ce qu'un peut ici tenter — et c'est là le but
de cet article très sonmiaire — c'est une synthèse des processus biologiques qui constituent l'im-
munité. Mais le sujet est devenu tellement vaste, les travaux si nombreux, l'interpréiaiion si diffi-
cile, que nous avons dû par avance nous résigner à être absolument incomplet.
Il ne sera pas donné 'de bibliographie spéci.de : chacun des sujets divers traités dans cet article
exigerait une longue et détaillée bibliographie. J'ai simplement indiqué les travaux qu'il m'a ))aru
utile de signaler.
Comme travail d'ensemble sur l'immunité, signalons avant tout l'admirable livre de Metcu.nikokk
[V immuni te dans les malndies infectieuses. Paris, Masson, 1901). J'y ai largement puisé. Les
traités (le pathologie seront utiles à consulter, et notamment le Précis de patholot/le générale
de P. CuuRMONT (Doin, 1908) qui est d'une précision rare. Pour des études plus complètes,
il faudra consulter surtout : pour les mémoires, les Annales de l'instiiul Pasteur, depuis l'ori-
gine, et les liulletins de la Société de Biologie de Paris; pour les analyses, le Bulletin de l'Inti-
litut Pasteur; le Centralblatl fii.r Bactériologie und Infections-Krunkheiten; et Zeitschrift fier
Irnmuii,it<it.tfor.schung und expérimentale Thérapie; pour les ouvrages didactiques, Uandljuch der
pathogenen Mi/croorganismen, de Koli.k et \VASSEu.^rA^•^• (Fischer, léna, 1902-1901, n Handbuch
der Techni/c und Melhodik der Immunitntsforsckung de Kraus et Li;v.vditi (Fischei-, léna, 1907-
1008,.
Ou devra aussi cuusulir^r ilivers articles de ce dictionnaire, Actinomycose. Ferments,
Hémolyse, Sang, Sérothérapie, Toxines, Venins, où Iden des questions, ici obaucliées seule-
ment, sont traitées avec les développements nécessaires.
4. IMMUNITE.
les organismes arrivent à l'immunité. Metchnikoff a eu le grand mérite d'établir le rôle
prépondérant que jouent les cellules, fixes ou migratrices, dans l'immunisation. Enfin
nous devons à Ehrlich des théories remarquables sur l'immunité, théories qui per-
mettent de faire provisoirement la synthèse des phénomènes. »
. 11 faut diviser l'iiistoire de l'immunité en deux chapitres bien distincts; l'immunité
naturelle et l'immunité acquise. De plus cette immunité peut s'exercer tantôt contre
les poisons, tantôt contre les infections parasitaires.
Ce serait, semble-t-il, étendre le mol immunité au delà des limites légitimes que
de lui rapporter la résistance de certains animaux contre les actions vulnérantes
extérieures; par exemple la protection contre l'électricité ou contre la chaleur. On sait
que les poissons électriques présentent une véritable immunité contre leur propre
décharge et contre toute excitation électrique. De même la résistance au froid ou à la
chaleur est très variable. Mais on n'emploie pas le mot d'immunité pour ces sortes de
protections de l'organisme. Le sens du mot immunité, consacré par l'usage, implique
une résistance d'ordre chimique.
S I. — IMMUNITÉ NATURELLE.
A. Immunité naturelle contre les poisons.
Définitions. — Si nous prenons un poison quelconque, et si nous étudions la dose
toxique nécessaire pour tuer un kilogramme d'animal, nous trouverons des différences
considérables, selon l'animal. Par exemple, la morphine, la cocaïne, l'atropine, sont
toxiques très différemment chez les invertébrés, les vertébrés, les mammifères et
l'homme. Alors qu'un déci-milligramme d'atropine par kilogramme entraîne la mort
d'un homme, un milligramme par kilogramme est à peu près inoffensif pour le chien,
comme à une chèvre uu centigramme par kilogramme, voire même un décigramme;
de sorte qu'on aurait le droit de parler de la grande immunité des chèvres, et de la
relative immunité des chiens à l'atropine. Le chloraiose est dix fois plus toxique pour
le chat que pour le chien. Donc le chira est doté d'une certaine immunité contre le
chloraiose.
La dose de cocaïne qui détermine les convulsions est très variable suivant l'espèce
animale. J'ai trouvé que cette dose, voisine d'ailleurs de la dose mortelle, est par kilo-
gramme d'animal :
Lapin 0,18
Cobaye. . . . 0,07
Pigeon. . . . 0,06
Chien 0,02
Singe 0,012
Il m'a pai'u qu'on pouvait chercher une relation entre ces variations de toxicité et
les variations du poids cérébral, par rapport à la masse du corps :
Poids du cerveau
pour 1 kil. de poids vif.
Lapin 4
Cobaye 7
Pigeon 8
Chien 9
Singe. ,,. . . 18
Tout se passe donc comme si l'animal était d'autant plus sensible à la cocaïne que
son poids cérébral (relatif) est plus élevé.
L'immunité, étant un phénomène tout relatif, signifie donc uniquement une moindre
vulnérabilité aux poisons. Or, dans certains cas nous pouvons parfaitement expliquer la
différence de vulnérabihté des animaux différents, et cela est intéressant; car on peut
espérer trouver ainsi une explication adéquate de l'immunité.
IMMUNITE. 0
Ainsi l'oxyde de carbone, qui esl toxitiue à la dose de i p. :{ 000 pour l'oiseau et les
vertébrés, est absolument inolTensif pour les invertébrés. On a vu des limaçons et des
écrevisses vivre dans l'oxyde de carbone. Pour les plantes, l'oxyde de rarbone n'est
nullement toxique. On peut donc dire que les invertébrés et les végétaux ont une immu-
nité presque absolue contre l'oxyde de earbone. Or nous connaissons suffisamment les
propriétés de l'oxyde de carbone pour <|ue le fait s'explique tout de suitn. L'oxyde de
carbone tue par son action sur les globules du sang, et spécialement sur rhémoglol)ine
des globules. Donc les animaux qui ne possèdent ni globules rouges ni hémoglobine
ne seront pas intoxiqués par l'oxyde de carbone. Ilien n'est plus rationnel ni plus
simple.
De même nous savons que la strychnine est olVensive par son action sur les cellules
nerveuses. Il s'ensuit que chez les plantes, dépourvues de système nerveux, la strych-
nine sera inactive. De fait les cellules végétales ont uiir immunité presque absolue
contre la strychnine.
Les alcaloïdes, les sels de potassium, qui agissent spécialement sur la cellule ner-
veuse, sont par cela même offensifs sur les animaux et inoffensifs pour les végétaux.
L'immunité des végétaux contre les alcaloïdes est un phénomène lié à l'absence de
système nerveux '.
De même qu'il y a immunité des organismes, il y a immunité des tissus. Les divers
tissus d'un même organisme n'ont pas à l'action des poisons la même sensibilité. La
dose de pilocarpine qui va exciter les glandes salivaires n'aura aucun eifet sur la cellule
musculaire ; on peut donc presque dire qu'il y a immunité des cellules musculaires vis-
à-vis de la pilocarpine. Au contraire la vératrine agit sur le muscle à des doses qui sont
inefficaces pour provociucr quelque action sur les glandes salivaires. Il y a donc immu-
nité des épithéliums salivaires contre la vératrine.
Il me paraît utile d'envisager la question ainsi, et sous cette forme élémentaire;
car on pourra ensuite aborder avec fruit létude de phénomènes beaucoup plus complexes.
En définitive nous comprendrons de la manière suivante le mot immunité. Quand on
soumet un organisme, un organe, ou un tissu, à Vaction d'une substance toxique, la sensi-
bilité à cette action peut être moindre que pour d'autres organismes, d'autres organes et
d'autres tissus. Cette sensibilité moindre, à des degrés divers, c'est l'immunité.
Nous voyons par là que l'immunité est un phénomène pour ainsi dire nécessaire. En
eflet, du moment que la constitution morphologico-chimique des diverses cellules n'est
pas la même, elles ne peuvent être également atteintes par les poisons.
Poisons universels. — Cependant, comme il y a dans toutes les cellules, même
les plus différenciées, une certaine composition chimique analogue (en albuminoïdes
et sels métalliques) avec une trame plus ou moins semblable, il s'ensuit que certains
poisons, agissant sur les parties communes à toute cellule, doivent les trouvei- à peu
près également sensibles. Ainsi l'éther, le chloroforme, l'iode, les sels de mercure,
d'argent, de plomb, de platine, le phénol, le sulfure de carbone, sont toxiques pour
toutes les cellules et tous les êtres, et il n'y a que de faibles difiérences dans la sensi-
bilité des êtres à ces poisons universels.
On remarquera que ces substances sont essentiellement dvîs antiseptiques. Et ce
n'est pas là une coïncidence fortuite. En effet, antiseptique veut dire toxique pour les
microbes, c'est-à-dire pour des végétaux unicellulaires à organisation très simple,
réduits au minimum de complexité organique compatible avec la vie. Ils ont les pro-
priétés générales communes à toutes les cellules, et n'ont guère que celles-là, de sorte
que les poisons qui tuent les microbes (antiseptiques) sont aussi des poisons qui doivent
tuer les autres cellules. Mais la réciproque n'est pas vraie. Des poisons qui tuent la
cellule nerveuse, comme la strychnine, comme certains virus, n'ont aucune raison pour
être toxiques aux cellules microbiennes, car il y a dans la cellule nerveuse des éléments
complexes, fragiles, labiles, qui font défaut dans les cellules microbiennes, tandis que
L .]'ai proposé jadis d'établir une dillérenciatioa eatre les végétaux et les animaux, selon que
les sels de potassium étaient plus ou moins toxiques que les sels de sodium. Pour les plantes,
les "sels de sodium sont plus toxiques que les sels de potassium. C'est l'inverse chez les animaux.
Je ne crois pas qu'on ail encore trouvé d'exception à cette loi.
f) IMMUNITE.
les éléments protoplasmiques des cellules microbiennes se retrouvent sans doute dans
toute cellule, nerveuse ou autre, quelle qu'elle soit.
Ce que nous disons des cellules peut s'appliquer aux organismes. Les organismes
simples, qui ne connaissent qu'une seule forme de cellules, sont beaucoup plus résis-
tants que les organismes complexes, dotés de plusieurs sortes de cellules, et par consé-
quent beaucoup plus exposés aux actions toxiques diverses. Les animaux qui n'ont pas
de cœur ne peuvent être intoxiqués par les substances qui sont toxiques des cellules
nerveuses du cœur. Pareillement les invertébrés, dépourvus de globules rouges, sont
immunes contre l'oxyde de carbone, poison des globules rouges. Alors, dans les orga-
nismes, des différences de vulnérabilité s'établissent, suivant qu'ils sont plus ou moins
compliqués, constitués par des cellules de plus en plus vulnérables. La muscarine ne
peut, à faible dose, être toxique que pour les animaux possédant un système nerveux
cardiaque. Les êtres dépourvus de cœur seront donc immunes contre la muscarine.
Un exemple remarquable et très simple de cette variation de résistance nous est
donné par la pbysiologie comparée de l'asphyxie.
Les différences de résistance peuvent porter soit sur les diverses cellules d'un même
être, soit sur les diverses espèces.
i° C'est une véritable immunité que la résistance de certaines cellules à la priva-
tion d'oxygène. Que l'on asphyxie un animal quelconque, on verra que, toutes con-
ditions de température étant égales, il y aura mort par anoxhémie des cellules
nerveuses, alors que les autres cellules, musculaires, glandulaires, osseuses, vont
continuer à vivre (Voir Asphyxie). On peut donc dire* que ces cellules résistantes sont
immunes. Cela est fort instructif au point de vue de la conception même de l'im-
munité, puisqu'on pressent la cause de celte résistance plus grande; une moindre
consommation (et par suite un moindre besoin) d'oxygène, itne vie chimique intérieure
moins active.
2» Entre les animaux on observe de grandes différences dans la résistance à l'asphyxie,
même à égalité de température interne. Un des plus curieux exemples qu'on puisse
donner, c'est celui des vers intestinaux, qui ne meurent pas par privation d'oxygène,
et qui cependant, lorsqu'ils vivent dans l'intestin des homéothermes, ont même tempé-
rature que l'hôte dont ils sont parasites. Le système nerveux d'un helminthe ne meurt
pas par l'absence d'oxygène. C'est donc une immunité complète, absolue, qui contraste
avec la sensibilité extrême de certaines cellules nerveuses de l'homéotherme, cellules
qui ne supportent pas sans périr une minute d'asphyxie.
Il y a donc une hiérarchie de vulnérabilité pour les organismes. Tous sont tués par
les poisons universels : mais, outre ces poisons universels, il y a des poisons spécifiques,
pour ainsi dire, qui ne sont offensifs que pour certains organes différenciés, et qui seront
par conséquent innocents pour les animaux dépourvus de ces organes différenciés.
De l'immunité individuelle. — Dans les organismes très différenciés, les divers
individus d'une même espèce, voire d'une même race, n'ont pas tous exactement la
même conformation chimico-morphologique; car les dkers individus d'une espèce
unique ne sont jamais identiques. On appelle idiosyncrasie cette variabilité d'un indi-
vidu à un autre pour la sensibilité aux poisons, l'espèce et la race restant les mêmes.
C'est encore de l'immunité; mais, au lieu d'être de l'immunité spécifique, c'est de
l'immunité individuelle.
Or il ne peut en être autrement. Dans une forêt aucune feuille n'est identique aux
autres. Chaque grain de sable d'un gravier est différent d'un autre grain de sable. A plus
forte raison s'il s'agit d'êtres aussi complexes qu'un chien, un cobaye et un homme. Or
cette idiosyncrasie, quand elle se traduit par une vulnérabilité moindre, c'est une cer-
taine dose d'immunité.
Cependant, jusqu'à présent, les physiologistes et les expérimentateurs ont étudié
fort peu cette immunité individuelle. Je citerai seulement quelques exemples empruntés
à mes recherches sur ce point. Si l'on proportionne exactement au poids de l'animal la
quantité de bichlorure de mercure injecté dans ses veines, on voit que certains chiens
meurent à la dose de 0'^''",002, tandis que d'autres ne meurent pas à la dose de 0,0035.
En mesurant la dose d'apomorphine nécessaire pour provoquer le vomissement, j'ai
vu que certains chiens étaient plus réfractaires que d'autres. La sensibilité indivi-
IMMUNITE. 7
duelle a varié plus que du simple au double. Tel cliieii vomissait toujours à la dose de
Off^OOGlQ par kil., tandis qu'un autre ne vomissait qu'à 0,UU0!J7. {B. B., 1905, 955.
Anapfii/laxie par injections (ï apnmorphine .)
Même pour les poisons minéraux il y a encore des difTérences individuelles appré-
ciables. En injectant des sels métalliques à des tanches, des tortues, des pigeons, des
t;renouilles, des cobayes, des chiens, j'ai vu que l'écart individuel allait de 100 à 140:
autrement dit, si la tlose qui n'est jamais mortelle est égale à 100, il faut arriver à la
dose de 140 pour avoir une dose t|ui soit toujours mortelle, chez tous les individus
expérimenlés.
Avec les zyraases ou poisons animaux, les divergences individuelles sont plus consi-
dérables encore. J'ai extrait de Siibcritcs domuncula une albumose (subérito-conges-
tine) dont les elïets sont très dillérenls chez les individus divers. La "dose qui sur le
chien nesi jamais mortelh^ étant de 100, il faut la dose 206 |»our qu'il y ait toujours
mort. (De la variabilité de la dose toxique de subéritine. B. B., 29 déc. 1906, 686.)
Ces divergences individuelles ont été aussi observées par Ehrlich, avec la ricine
{Untersuchungen ùber Immunitdt. D. med. Woch., 1891, n" 32). Si l'on prend une
même préparation de ricine que l'on injecte à des souris blanches, on voit que la dose
toujours toxique {certe efficax) est de 1/250.000, tandis que la dose quelquefois mortelle
[lethalis miniina) peut être de 1/750.000; soit dans le rapport de 1 à .3; 1 étant la dose
quelquefois mortelle, 3 la dose toujours mortelle.
H me paraît qu'il y aurait grand intérêt à établir cette zone d'incertitude pour les
divers poisons, zone due àdes difTérences intimes, inconnues encore, entre les individus
d'une même espèce, et qui permettrait d'établir pour les divers poisons et les diverses
espèces animales les limites extrêmes de l'immunité individuelle.
Nous appellerons donc immunité individuelle cette différence dans la vulnéra-
bilité des individus d'une même espèce et d'une même race. Nous verrons tout à l'heure
qu'elle peut être modiliée par des réactions diverses. Ici il n'est question que des êtres
normaux.
De rimmunité spécifique. — Ainsi l'immunité naturelle individuelle est un phé-
nomène général, conséquence nécessaire de la différenciation des divers individus. De
même, et à plus forte raison, l'immunité naturelle spécifique est la conséquence néces-
saire de la différenciation des diverses espèces.
Assurément, plus les espèces sont élevées dans l'organisation biologique, plus les
diversités de résistance sont marquées. Mais, même chez les protistes, les monocellu-
laires, les microbes, il y a des diversités de résistance extraordinaires.
En étudiant l'action des antiseptiques, on voit que tel poison minéral tue un microbe
à la dose de 1, alors qu'il suffit d'un centième de cette dose pour tuer un microbe d'une
autre espèce. Si les microbes pathogènes étaient aussi résistants à l'action de la chaleur,
de la lumière et des poisons que sont résistants certains bacilles (jB.sw6<i/Js, par exemple),
il y aurait partout des infections et des maladies.
Il serait très désirable que la raison de ces différences spécifiques pût être méthodi-
quement donnée. Nous avons vu que pour l'oxyde de carbone, inoffensif aux inver-
tébrés, l'explication est très simple. Mais cette explication logique et évidente est vrai-
ment exceptionnelle. Dans la plupart des cas on ne voit pas pourquoi cette variété de
résistance. Comment comprendre pourquoi le chloralose tue un chat à la dose de Os^,iQ
par kilogramme en ingestion alimentaire, tandis qu'à la dose de 0"'",50 par kilogratnme,
il ne tue jamais les chiens"? Pourquoi la pilocarpine se fixe-t-elle sur les glandes sali-
vaires, la muscarine sur les cellules nerveuses du cœur, et la phlorizine sur l'épithé-
lium rénal?
Notre chimie physiologique est impuissante à expliquer ces affinités des poisons pour
telles ou telles cellules, et pourtant ce sera là, à n'en pas douter, la seule explication
rationnelle de l'immunité.
Il va de soi que nous supposons les conditions biologiques extérieures identiques;
caron ne peut comparer des animaux que si le milieu extérieur esta peu près le même.
P. Bert a montré que le protoxyde d'azote n'agit que lorsque sa pression est de 0^',760.
Par conséquent, à la pression barométrique normale, si l'on ne respire pas du protoxyde
d'azote pur, on ne ressentira aucun effet anesthésique ; on sera immune contre le pro-
« IMMUNITE.
loxyde d'azote, tandis que le même individu, mis sous une cloche à pression de deux
atmosphères, sera anesthésié par une même proportion de protoxyde d'azote. Son
îmmunité aura disparu. Tous les physiologistes savent que, chez les grenouilles refroidies
aux environs de 0", les poisons n'agissent presque plus. Spallanzanm avait déjà vu que
chez les hibernants refroidis les poisons sont peu actifs. Sur des chiens échauffés ou
refroidis, la dose convulsivante de cocaïne peut aller du simple au double (Ch. Richet
et P. Laxglois). La durée de l'asphyxie est variable avec la température. L'absence
d'oxygène arrête le cœur au bout de 2 minutes chez un chien à 40°, au bout de 12 minutes
chez un chien à 28° (Ch. Richet). Ce sont là des immunités passagères liées aux
variables conditions du milieu.
Or, même en éliminant toutes les causes connues de différenciation, on trouve encore
des vulnérabilités très différentes, et il faut se résigner à les mentionner ; car elles sont
peu explicables. Pourquoi, par exemple, aux nouveau-nés, cette effrayante susceptibilité
vis-à-vis du laudanum et de la morphine?
Les zymases, venins, poisons animaux ou végétaux, sont plus variables encore, dans
leurs doses toxiques, que les poisons minéraux. Je n'en prendrai qu'un exemple récent.
M. Phisalix Iimminilè naturelle des serpenta contre le venin des Batraciens et en particulier
contre la salunuindarine. C. II.. 29 mars 1909, cxlviii, 8n7-8o9) a donné le tableau sui-
vant des doses toxiques de salamandarine par kilogramme d'animal.
Salamandre .
mgr.
Couleuvre. .
. m
Crapaud. , . .
Grenouille. . ,
'M)
H'M-isson. . . ,
Cohaye. . . .
7
2.6
Chien
l.S
Chai
1,1)7
On pourrait multi|ilier les cas analogues, et établir que les poisons animaux, ou
virus, sont très dilTéremment loxitiues pour les diverses espèces animales (Bonnamour
et Thévenot. Variations de résistance des lapins à l'adrénaline. B. B., 509-511, 1909). La
tétanotoxine, quoique étant une substance chimiquement définie, tue à des doses encore
plus variables. D'après Knorr (cité par Eisler et Pribram, Uandb. der Technik und
Methodik der Immunitdtsforschung, 1907, i, 134), la dose mortelle pour 1 gramme de
cheval étant 1, elle est de 2 pour le cobaye, de 4 pour la chèvre, de 13 pour la souris,
de 2000 pour le lapin et de 200,000 pour la poule.
Il faut faire rentrer dans ces cas d'immunité naturelle les exemples nombreux, si
intéressants, de venins qui sont inoffensifs pour certaines espèces, et offensifs pour
d'autres. Le hérisson n'est pas sensible au venin de la vipère. On prétend que l'ours
n'est pas sensible à la piqûre des abeilles (?). La vipère n'est pas intoxiquée par son
propre poison quand on le lui injecte (Voir Venins). Les crustacés sont, énormément plus
que les poissons et les vertébrés, sensibles aux poisons salivaires des céphalopodes
(Briot, B. B., 1905, 384). Le mangouste [Herpetes ichneumon) est très peu sensible au
venin des serpents. La couleuvre (comme naturellement aussi la vipère) résiste à l'injec-
tion de fortes doses de venin de vipère.
" Le hérisson est au point de vue de l'immunité un être extrêmement remarquable.
Quel que soit le poison qu'on lui injecte, il résiste plus que tout autre animai. Oken
jadis avait déjà observé le fait. Harisacr a vu que le hérisson supporte une dose de
CAzK six fois plus forte qu'un chat. D'après Lewin, il résiste à l'alcool beaucoup plus
que le lapin et le chien. Horvath et Lewi.n ont constaté qu'il résiste à des doses de
cantharidine sept fois plus fortes que celles qui tuent sûrement un chien. (Toute cette
bibliographie d'après Metchnikoi-f, loc. cit., 354.) 11 est difficile en présence de pareils
faits de ne pas supposer chez le hérisson une vulnérabilité moindre du système nerveux
central que chez le lapin et les autres mammifères. De même, si le canard résiste
mieux à la privation d'oxygène que la plupart des autres oiseaux, c'est par suite d'une
moindre sensibilité de son système nerveux à l'asphyxie. (Ch. Richet.)
IMMUNITE. 9
Il est cependant probable que contre certains venins (venin de la vipère) auxquels le
hérisson est 40 fois plus résistant (jue les autres animaux, le hr-risson possède uu sang
doué de propriétés immunisantes (antitoxines). Cela a été mis en évidence par Phisalix
et Bertua.nd, immunisant des cobayes en leur injectant du sang de hérisson cliauffé à 55°;
l'antitoxine n'étant pas détruite par ce chauffage. Mais rien ne nous autorise à dire que
la nature, pour assurer l'immunité d'un animal, n'a pas recours à des moyens divers,
aussi bien la moindre fragilité du système nerveux que l'existence d'une antitoxine
dans le sang. Loin de là. Tout nous fait penser que « les chemins sont divers, mais le but
est le même ». Autrement dit encore, pour assurer l'immunité d'un animal, la nature a
employé plusieurs variétés d'immunisation qui concourent au même ell'et. 11 ne faut
jamais être exclusif dans l'explication qu'on donne d'un phénomène.
La variation de toxicité des divers sérums injectés à des animaux divers est un fait
bien connu, et de nombreuses recherches, trop nombreuses pour pouvoir être mention-
nées ici, ont été faites. De même les extraits des tissus animaux, l'urine, la bile, ont un
pouvoir toxique très variable suivant qu'on les injecte à tel ou tel animal. Il ^st inutile
d'insister sur ces données, qui sont aujourd'hui classiques. (Voir Sang, Urine.)
Nous avons supposé, dans tous ces cas d'immunité naturelle contre les poisons, que
les organismes étaient normaux : car il est évident que, sur des organismes anormaux,
alîaiblis par la fatigue, par le jeune, par une circulation imparfaite, par une débilitation
du système nerveux, la résistance sera variable. En thèse générale, et presque sans
exception, la résistance aux poisons diminue dès qu'il y a une perversion quelconque
de l'état normal. Nous sommes, quand la santé est parfaite, dans un état optimum, où
l'immunité est maximale. Tout changement dans cet état diminue sa résistance. 11 n'y
a peut-être d'exception que pour l'état de gestation; car dans certains cas les femelles
en gestation sont plus résistantes aux poisons. Encore pourrait-on dire qui' la gesta-
tion n'est pas une anormalité; et d'ailleurs en lui-même le fait est contestable, néces-
sitant de nouvelles recheixhes.
En comparant la résistance aux toxines des animaux normaux d'une part, d'autre
part des animaux vaccinés et antitoxinisés, on verra que les animaux normaux, quels
qu'ils soient, ont toujours un pouvoir antitoxique très faible. Les sérums antitoxiques
sont très rares chez les animaux normaux (Metchinikoi-f, loc. cit., 215). Vaillant a cons-
taté que le sérum de poulet n'a aucune action antitoxique contre la toxine diftérique,
alors que cependant le poulet est immune contre elle (1891). D'après Kouprl\,\oi-f (1894)
le rat gris n'a aucune antitoxine dans ses tissus, encore qu'il soit réfractaire à la dif-
téi'ie. La résistance des animaux aux poisons ne peut donc en général être attribuée à
la présence d'antitoxines. Il vaut mieux supposer que les cellules vivantes ont, selon
l'espèce animale, des sensibilités différentes aux toxines, de même qu'à la privation
d'oxygène. Mais ne nous faisons pas d'illusions. Ce n'est pas là une explication : c'est
simplement la constatation d'un fait.
Si l'on pousse plus loin l'étude de cette immunité naturelle, on voit que la voie de
pénétration du poison n'est pas indifférente. D'après Roux et Borrel, la toxine difté-
rique, à laquelle le rat est éminemment réfractaire quand le poison est injecté dans le
péritoine, peut tuer rapidement ces mêmes rats quand on l'injecte dans la substance
cérébrale, de sorte qu'on ne saurait conclure ni que "les cellules nerveuses sont réfrac-
taires à la diftérotoxine, ni qu'il y a un pouvoir anti toxique dans le sang des rats,
puisque aussi bien l'expérience a prouvé que cette antitoxine n'existe pas.
Metch.nikoff et d'autres auteurs ont pu établir par des preuves très fortes que ce
sont sans doute les leucocytes, qui, fixant la toxine, empêchent alors le poison de par-
venir jusqu'au système nerveux. Une belle expérience de Calmette (cité parMETCHNiKOFF,
415) tend à prouver que les leucocytes ont une forte affinité pour les poisons. Chez des
lapins qui ont reçu beaucoup de sulfate d'atropine, et dont on prend immédiatement le
sang, on ne retrouve presque plus d'atropine dans le plasma, tandis que les leucocytes
ont fixé presque toute l'atropine. Besredka a vu le même phénomène avec le trisull'ure
d'arsenic. 11 est vrai que là le phénomène n'est pas tout à fait comparable, puisque le
trisulfure d'arsenic est pulvérulent, presque insoluble, tandis que le sulfate d'atropine
est parfaitement soluble. Mais, même avec des arsénites solubles (AsO^K), l'arsenic est
encore fixé parles globules blancs. Aussi, quand on injecte le sel dans le péritoine, la
10 IMMUNITE.
dose mortelle doit elle être cent fois plus forte que quand on l'injecte directement dans
le cerveau.
Il ne faut donc pas admettre sans réserve l'hypothèse exclusive d'une résistance plus
grande des cellules nerveuses pour expliquer l'immunité de certains animaux à cer-
tains poisons. Celte i-ésistance variable existe : cela nest pas douteux, mais l'activité
lixatrice des leucocytes sur les poisons, toxines, alcaloïdes, sels métalliques, n'est pas
douteuse non plus, et, comme, chez les différentes espèces animales, cette activité fixa-
trice est probablement d'assez longue durée, permettant une graduelle élimination,
elle peut expliquer, au moins partiellement, les variations de l'immunité.
Finalement nous arrivons à une conception de l'immunité qui est assez simple, à
savoir que les diverses cellules d'un même individu, ou les divers individus d'une
même espèce, ou les diverses espèces, ont une résistance variable aux intoxications,
Quand la résistance est considérable, on dit qu'ils sont Immuues. Si dans certains
cas, comme dans l'empoisonnement par l'oxyde de carbone, une explication adéquate
en peut ^tre donnée, dans d'autres cas, les plus nombreux, toute tentative d'expli-
cation est impossible. On ne voit même pas bien comment pourrait être résolu le
problème, dans l'état actuel de nos connaissances sur la structure chimique des
cellules.
Outre cette variation de la réceptivité du système nerveux aux poisons, il y a
des variations dans lu constitution chimique du sang, qiïi contient ou ne contient pas
d'antitoxines, et aussi dans les propriétés fixatrices du sang, qui, par ses leucocytes,
peut fixer une plus ou moins grande quantité de poison.
Nous arrivons alors à une sorte de théorie mixte, éclectique, d'après laquelle, sui-
vant les poisons d'abord, suivant les animaux intoxiqués ensuite, il faudra attribuer
plus ou moins d'importance a) ei la résistance variable des cellules et spécialement des
cellules nerveuses, [3) à la neutralisation des toxines par les antitoxines, y) à la fixation
des poisons par les leucocytes plus ou moins abondants, plus ou moins actifs.
B. Immunité naturelle contre les infections.
Nous retrouverons les mêmes iniluences en étudiant l'immunité acquise contre
les parasites et contre les toxines.
L'immunité naturelle contre les maladies parasitaires existe chez les végétaux comme
chez les animaux. L'orobanche du lierre ne peut vivre sur le genêt. Le gui ne se déve-
loppe pas sur tous les arbres, etc. L'exemple le plus remarquable esl celui du Phyl-
loxeravaiitatrix, qui ne tue pas les vignes américaines, et l'ait disparaître les vignes fran-
çaises. On a pu préciser le mécanisme de cette immunité, qui est toute spéciale. Les
radicelles sont attaquées par le phylloxéra, qu'il s'agisse de plants français ou de plants
américains; mais la vigne américaine a la propriété de pouvoir pousser de nouvelles
petites radicelles qui suppléent aux radicelles détruites par le phylloxéra.
L'exemple est intéressant, puisqu'il nous montre une immunité naturelle qui résulte
de propriétés tout à fait particulières. Il est probable que l'immunité naturelle des
divers êtres est due à des causes très diverses, et qu'on aurait le plus grand tort de trop
généraliser quelques-uns des mécanismes observés.
Chez les animaux l'immunité naturelle contre les infections a été étudiée par tant
d'auteurs que la bibliographie seule de la question prendrait plusieurs pages. Il nous
suffira d'indiquer quelques faits élémentaires, ainsi que les hypothèses principales
émises pour les expliquer.
Dans la plupart des livres de pathologie on distingue les microbes en "pathogènes et
noji pa<Ao</É'?;es. Cette distinction, encore qu'elle soit classique, ne signifie rien d'essentiel
en biologie générale, ou du moins elle indique simplement ceci : que les animaux (et
l'homme) sont immunes contre certains microbes, et ne sont pas immunes contre les
autres.
Autrement dit, il est des microbes qui végètent dans le sang et dans les tissus : ce
sont les pathogènes, et d'autres qui ne peuvent pas s'y développer : ce sont les non
pathogènes. De même que certains parasites, helminthes^ ascarides, ténias, ne peuvent
évoluer chez telle espèce animale (qu'on dit alors immune) et se développent facilement
chez d'autres.
Il n'est pas besoin de s'adresser aux organismes vivants comme milieux de culture,
IMMUNITÉ. H
pour constater cette différence dans le cioît des microbes. Si l'on ensemence tel micro-
organisme dans un bouillon de culture mal préparé, il poussera mal, ou ne poussera
pas du tout. L'addition de diverses substances va modifier énormément sa croissance,
qu'il s'agisse de sels métalliques, de chaux, de peptone, de glycérine, de gélatine, etc.
En milieu, ou acide, ou neutre, ou alcalin, le croît n'est pas identique. Donc, pour
qu'un microbe ne soit pas pathogène, autrement dit pour que l'animal soit immune
vis-à-vis du parasite, il suffit que le parasite ne trouve pas des conditions favorables à
son développement.
De nombreuses recherches à cet égard ont été faites sur le Bacillus anthracis (hacté-
ridie charbonneuse). Le mouton, le cobaye, le lapin, la souris sont extrêmement sen-
sibles à l'infection, tandis que l'homme est assez résistant. Les carnivores sont rebelles,
ainsi que les gallinacés et les reptiles. Les espèces, même voisines, ont une résistance
différente. Chauveau a bien montré que les moutons algériens sont réfractaires au
charbon, tandis que les moulons français sont très sensibles. Le rat blanc résiste, tandis
que la souris succombe à l'injection de doses extrêmement faibles. Mais cette immunité
n'est pas absolue; car, en variant les conditions, et notamment en injectant des doses
très fortes, on finit par triompher de l'immunité naturelle. D'après Chauveau, des doses
fortes de bactéridie charbonneuse tuent les moutons indigènes, et, d'après Toussaint, le
chien et le chat, qui résistent à l'inoculation sous-cutanée, ne résistent pas à l'injec-
tion intra-veineuse.
Ce que nous disons de la bactéridie charbonneuse peut se répéter pour presque
toutes les infections. Mais surtout il faut bien se rendre compte de cette loi biolo-
gique essentielle, que les êtres vivants sont presque toujours rebelles à l'invasion par
des parasites. Vimmunité est la règle. Qu'on songe à l'invraisemblable quantité de bac-
téries qui par l'air et les aliments pénètrent dans notre organisme, et on sera forcé
d'admirer notre résistance à leur action. Presque toutes les espèces qu'on trouve dans
la bouche, l'estomac, l'intestin, sont inoffensives; car elles ne trouvent pas dans notre
sang ou nos tissus un miHeu de culture favorable.
Peut-être après tout est-ce une question de doses. Si l'on injecte quelques bactéri-
dies charbonneuses à une souris, elle meurt rapidement par infection générale, et le
nombre des bactéridies injectées n'a pas grande importance. Au contraire, si l'on
injecte du Bacillus subtilis, ou du Bacillus lacticus, elle survit. Mais qu'adviendrait-il, si
on lui injectait des doses énormes, cent fois, cent mille fois plus fortes, de B. subtilis ou
de B. lacticus? Il n'est pas certain qu'elle en sortirait indemne, et qu'on ne pourrait
pas déterminer l'infection générale et la mort par l'inoculation d'un nombre énorme
de parasites. La distinction entre les microbes pathogènes et les microbes non patho-
gènes n'est peut-être pas aussi tranchée qu'on affecte de le croire.
Mais on s'est peu attaché à cette étude, et, quand on parle de l'immunité, on entend
par là le plus souvent : résistance de certaines espèces animales à des microbes qui enra^
hissent victorieusement d'autres espèces.
Il en résulte qu'il y a des microbes pathogènes pour une espèce animale, qui ne
sont pas pathogènes pour une autre espèce.
La tuberculose est très inégalement offensive. La chèvre, le cheval, l'âne la prennent
difficilement; le chien, avec une facilité plus grande; le cobaye, le lapin, avec une faci-
lité extrême.
La syphilis ne se communique pas aux animaux, qui sont à peu près immunes contre
elle, sauf peut-être les singes anthropoïdes.
Les oiseaux sont réfractaires à la morve, ainsi que les bovidés, tandis que les soli-
pèdes la prennent facilement. La rougeole et la scarlatine n'atteignent que l'homme et
non les animaux.
Dans l'espèce humaine les nègres sont réfractaires à la fièvre jaune et à la malaria;
ils semblent au contraire spécialement sensibles à la tuberculose.
Enfin, il existe des différences individuelles. Si, en temps d'épidémie, certains indi-
vidus ne sont pas atteints, ce n'est vraisemblablement pas parce qu'ils n'ont pas été
infectés, c'est parce qu'ils sont, grâce à un mécanisme quelconque, inconnu encore, en
état d'immunité.
La cause de ces différentes immunités contre les microbes est beaucoup plus obscure
;i2 IMMUNITE.
que lu cause des inimuiiités contre les poisons. On peut pour les expliquer faire diverses
hypothèses. Aucune n'est complètement satisfaisante, ou plutôt, selon toute vraisem-
blance, les causes de l'immunité ne sont pas identiques selon les diverses infections et
les diverses espèces réceptrices.
1. — Les humeurs, et notamment le sang, constituent, par leur composition
•chimique, un milieu défavorable au croît des agents infectieux.
Metciinikokk a cherché à démontrer par maints exemples que, dans la plupart des
cas, cette explication n'était pas recevable {De l'immunUc, 156 et siiiv.\ En effet le sang
de chien est un bon milieu de culture pour la bactéridie charbonneuse (Ann. de
l'instftut Pasteur, 1887, i, 43) et cependant le chien est à peu près immune contre l'ino-
culation de cette bactéridie. Inversement le sang de rat est très bactéricide pour la
bactéridie charbonneuse, mais les rats sont facilement infectés. Le sang de pigeon favo-
rise le développement du bacille de l'influenza (Pkeifi-er), mais le pigeon est réfractaire
à Tinlluenza. Le microbe de la péripneumonie bovine se cultive dans les humeurs du
lapin, qui est réfractaire (Nocard et Houx). Le spirille d'OBEiiMKVEit meurt très vite en
dehors des organismes vivants, et on ne peut le cultiver. Malgré cela il végète admira-
blement sur les organismes vivants.
Metchnikoff conclut de ces faits à une loi générale, à savoir que l'imnmnité natu-
relle n'est pas due à la composition chimique bactéricide des humeurs, mais le plus
souvent à la résistance phagocytaire.
Que la phagocytose joue un grand rôle dans l'immunité naturelle, ce n'est pas dou-
teux. Mais il est diflicile de ne pas considérer comme d'importance fort grande aussi la
fonction bactéricide des tissus et des humeurs, et peut-être, plus encore i|ue la fonction
bactéricide, la composition chimique normale de ces tissus et de ces humeurs, peu
favorable ou très favorable, suivant les cas, au développement de tel ou tel microrga-
nisme. Si l'on fait in vitro des cultures d'un même microbe dans divers sérums, on voit
qu'il ne végète pas également hien dans tous. De même, si l'on fait des extraits aqueux
de divers tissus, ou si l'on prend diverses humeurs, on constate de très grandes diffé-
rences dans le développement des microbes cultivés en ces milieux divers : la bile de
poisson, l'urine de chien, le lait de jument, le sang de poulet, le plasma musculaire
de grenouille, ne sont évidemment pas des milieux com[)arahles, et il serait absurde
de supposer que tous les microbes poussent également hien dans tous les milieux
organiques. L'expérience et la théorie sont d'accord pour établir que l'intensité et
la rapidité du développement varient énormément suivant la nature des milieux de
culture.
Le développement des microbes dans les organismes ne peut pas être indépendant
de la composition chimique de ces organismes, non pas seulement parce qu'il y a des
substances bactéricides, mais encore parce tju'il y manque certains éléments nécessaires
au développement de ces microbes.
Si donc il y a des différences de réceptivité pour une infection chez les diverses
espèces, c'est que la composition chimique des humeurs, et spécialement du sang de ces
diverses espèces, n'est pas la même. Cette conception de l'immunité a été le point de
départ de la sérothérapie. Quoique mes recherches à ce sujet n'aient plus maintenant
qu'un intérêt historique (1888), il me paraît nécessaire de les rappeler ici (Héricourt et
Ch. RiCHET. De la transfusion péritonéale et de l'immunité qu'elle confère. C. R., 5 nov.
•1888.)
Guidé par les expériences de Chauveau sur la résistance différente au charbon des
moutons indigènes et des moutons français, j'avais pensé à injecter du sang de mouton
algérien à un mouton français. Mais, ne pouvant réaliser ainsi cette expérience, je la
fis en injectant du sang de chien à des lapins. Avec Héricourt, nous avons observé un
staphylocoque {St. pyosepticus) qui développe chez le lapin un œdème énorme et le tue
en trois jours : chez le chien l'inoculation ne provoque qu'un abcès insignifiant. Eh
bien! chez les lapins injectés avec du sang de chien, l'évolution du St. pyosepticus est
très ralentie.
A vrai dire cette immunité — transmise par le sang d'un animal sain doué d'une
immunité naturelle à un animal d'une autre espèce, et non doué d'une immunité
naturelle, — n'est jamais bien intense. Toutefois elle a été trop négligée par les
IMMUNITE. 13
divers expérimentateurs, qu'ont éblouis les admirables résultats que donne l'injection
d'anticorps pour développer l'immunité. Il est des milliers de travaux entrepris sur
l'iminiuiité des animaux vaccinés; il en est relativement peu sur l'immunité naturelle
transmise par bématothérapie. En faisant des greffes d'organes (rate, thyroïde, pan-
créas) empruntés à des animaux iinmunes, on arriverait peut-être à communiquer aux
animaux non immunes, sinon l'immunité totale, au moins une résistance plus grande;
peut-être aussi, en injectant méthodiquement et fréquemment de grandes quantités de
sang complet.
Le oonfert de l'immunité naturelle par le sang ou les organes d'animaux naturelle-
ment immunes a été tenté pour la tuberculose, sans grand succès d'ailleurs. Mais
l'insuccès s'explique; car il n'est pas d'animal complètement réfractaire à la tuber-
culose. Et quant au charbon (B. anthracU) môme le chien n'est pas absolument réfrac-
taire; il n'est que partiellement immune, et cette immunité semble être siutout un fait
de phagocytose (Hess, Malon, Martel, cités par Metchnikoit, loc. cit., 158-159). Il fau-
drait trouver un animal qui fût pourvu d'une forte immunité naturelle, et dont en
outre les tissus et les humeurs fussent impropres au développement du microbe. L'in-
jection de ce sang ou la greffe de ces tissus exercerait peut-être quelque influence, et
conférerait quelque immunité. Mais quel est le microrganisme, pathogène pour une
espèce animale, qui est complètement inoffensif pour toute autre espèce?
IL — La seconde hypothèse pour expliquer l'immunité naturelle n'est pas essentiel-
lement différente de la première, malgré les apparences. C'est l'explication par la pha-
gocytose, dont Metch.mkofk, par de mémorables expériences, a établi presque toutes
les conditions (V. Phagocytose).
Mais, si l'on approfondit la nature essentielle du phénomène de la phagocytose, on
voit que le rôle des phagocytes ou des leucocytes ne peut guère être qu'un r(Me chi-
mique : l'action des cellules sur les microrganismes ne se comprend que si l'on
admet la sécrétion, par ces cellules mêmes, de certains ferments détruisant chimique-
ment le protoplasma microbien.
La différence entre la théorie d'une action bactéricide des humeurs et la théorie
phagocytaire, c'est que, dans la première hypothèse, les humeurs possèdent, toutes
préformées, les substances bactéricides, tandis que, dans l'hypothèse de la phagocy-
tose, ces substances bactéricides ne sont pas préformées ; elles sont sécrétées par les
leucocytes que stimule la présence d'un corps étranger. Mais nous renvoyons pour tous
les détails au beau livre de Metchnikoff où la question est traitée magistralement {De
Vimmunité, chap. VI et Vil, 130-217). V. Phagocytose.
Des diverses conditions physiologiques qui font varier l'immunité. — Même
chez les espèces pourvues d'une immunité naturelle contre les microbes, cette immunité
n'est ni absolue, ni perpétuelle. On peut la modifier (c'est-à-dire presque toujours la
diminuer) par des iniluences qui modifient l'état normal. La poule qui, à sa tempéra-
ture normale, est réfractaire au charbon, perd cette immunité naturelle si elle est
refroidie (Pasteur). Une élégante expérience de Bordet [Ann. de VInstUut Pasteur, 1897,
XI, 177) prouve que dans certains cas l'immunité contre un microrganisme diminue avec
l'injection d'un autre microrganisme, parce que les phagocytes se portent sur ce
dernier, et oublient pour ainsi dire de phagocyter l'autre.
De fait toutes les substances qui diminuent l'activité des leucocytes diminuent aussi
l'immunité : la morphine notamment.
Mais le rôle du système nerveux est au moins aussi important que celui des leuco-
cytes. Chez les animaux surmenés il n'y a plus de résistance aux infections. Ch\rrin et
Roger (cités par Marfan, Tr. de path. génér., i, 477) ont fatigué des rats et des cobayes
en les faisant tourner dans un cylindre rotatif. Chez ces individus surmenés, les infec-
tions, même légères, auxquelles des individus normaux résistaient, déterminaient la
mort. Le pouvoir bactéricide diminue par l'effet de la fatigue (Cenf). L'injection d'acide
lactique dans le sang diminue la résistance aux ferments figurés. Le morphinisme,
l'alcoolisme, toutes les déchéances toxiques rendent les êtres de plus en plus sensibles
aux infections. L'alcoolisme fait le lit de la tuberculose, a dit Landouzy. Avec 0,1 par
kilog. d'alcool, Laitinen (Zeitsch. fur Hygiène, vin, 1907, 139) a vu diminuer la résistance
globulaire, et augmenter la sensibilité de l'organisme à la toxine diftérique.
14 IMMUNITÉ.
L'état optimum de résistance aux microbes, (ju'il soit dû à une active phagocytose
ou à une forte tonicité nerveuse, s'observe cliez les «Hres sains, non surmenés.
L'état moral joue aussi un rôle important. Les armées vaincues sont décimées par
les maladies, alors que les armées victorieuses sont beaucoup moins atteintes. Il est inU'
tile de multiplier ces exemples, qui sont classiques, et qu'on trouvera dans tous les
ouvraj^es de médecine.
La température organique exerce évidemment une très grande intluence. La lièvre,
qui élève de i, 2 ou 3 degrés la température normale, modifie la réceptivité aux infec-
tions. A priori, on pouvait supposer que la lièvre, phénomène naturel, est favorable ù
la défense organique, mais les expériences nombreuses entreprises à cet égard sont
absolument contradictoires (Y. Fièvre).
Dans l'hibernation, les phénomènes sont complexes : car il y a, en mémo temps
qu'abaissement thermique qui ralentit l'évolution infectieuse, une tonicité nerveuse
diminuée, ce qui favorise cette évolution.
D'ailleurs, il faudra toujours distinguer l'/mmu/aYt' de fait et Vimnmnità expérimentale.
L'immunité de fait, c'est par exemple la résistance à la tuberculose de ces individus
qui, sans devenir tuberculeux, ont cependant de nombreux bacilles de Kocii dans la
bouche, ou de ceux qui, sans avoir de pneumonie, ont des pneumocoques virulents sur
leurs muqueuses. Il est probable que, par suite de la résistance des épithéliums, ces
microbes infectieux ne pénètrent pas dans le sang. Pourtant, quoiqu'ils ne soient
peut être pas immunes en réalité, ils se comportent comme s'ils l'étaient vraiment, et
résistent.
L'immunité individuelle e.rperimcntale est au contraire lieaucoup plus rare : car
elle ne dépend pas des contingences de la pénétration. Si l'on inocule des cobayes
avec la tuberculose, quand le microbe est virulent, et que l't'xpérience est bien faite,
tous les animaux meurent sans exception, et il est probable que même les individus
ayant dans la bouche et les voies digestives de nombreux bacilles de Koch ne pour-
raient pas résister à l'inoculalion sous-cutanée, el, à plus forte raison, intra-veineuse,
des bacilles tuberculeux.
Conclusions. — En dé'linitive, des deux théories de l'immunité nalurellr, théorie
humorale et théorie cellulaire 'phagocytose), aucune n'est probablement exclusive de
l'autre, et il faut les considérer comme partiellement vraies l'une et l'autre.
A. L'immunité contre les poisons dépend essentiellement de la dillérence de vulné-
rabilité des divers organismes, aux divers poisons, et spécialement des cellules ner-
veuses lesquelles sont toujours, dans les organismes complexes, les éléments les plus
vulnérables.
On peut encore distinguer une immunité primitive, qui est une différence de sensibi-
lité aux poisons et une immunité secondaire, due à la destruction des poisons introduits,
soit par les humeurs (théorie humorale), soit par les phagocytes (théorie cellulaire).
B. La résistance aux microbes est corrélative de la résistance aux toxines.
Aussi bien pourrait-on introduire dans l'immunité trois phases successives :
1") Immunité par non-pénétration des microbes. C'est le cas des organismes qui
opposent des barrières infranchissables à l'envahissement des tissus par des microbes.
Les épithéliums de la peau, des muqueuses digestive et pulmonaire ne laissent guère
les microbes offensifs pénétrer dans le sang et les tissus.
2°) Immunité par défaut de développement des microbes dans les humeurs: a, parce
que les humeurs ont un pouvoir bactéricide ou empêchant; h, parce qu'elles sont
impropres à la nutrition des microbes, soit par l'absence de telle ou telle substance
nécessaire, soit surtout parce que les phagocytes détruisent les microbes ayant pénétré.
3") Immunité par résistance des cellules aux toxines microbiennes : et alors évolu-
tion du microbe qui produit des substances empêchantes, ou détruit les substances
nécessaires, de sorte qu'au bout d'un certain temps il disparaît de lui-même, et l'orga-
nisme infecté n'a pas été atteint dans ses œuvres vives. En effet les microbes tuent par
les toxines qu'ils fabriquent, mais, en même temps qu'ils font des toxines, ils produisent
des substances dites empêchantes, qui s'opposent à leur propre développement, de sorte
que, si les organismes résistent quelque temps, alors les microbes se chargent eux-
mêmes de se faire disparaître. Un organisme pouvant résister dix jours à une toxine
IMMUNITE. 15
sécrétée par les microbes qui pullulent, au bout de dix jours par exemple, n'aura
plus rien à craindre; car les microbes auront produit des substances empêchantes qui
paralysent leur développement et leur croissance.
Il est probable que l'immunité naturelle (contre les microbes) dépend, suivant les cas,
de ces trois conditions fondamentales, quelquefois même de ces trois conditions réunies.
Quelle que soit la théorie adoptée, il faudra toujours reconnaître au système ner-
veux une grande influence; car c'est lui qui dirige la nutrition des tissus et leur
composition chimique.
IMMUNITÉ ACQUISE.
A. Immunité contre les poisons. — Accoutumance et immunité ne sont pas
synonymes. L'accoutumance est un des mécanismes par lesquels s'acquiert Fimmunité.
On peut donc dire qu'il y a immunité par le moyen de l'accoutumance.
De tout temps on a observé qu'il y avait pour certains poisons, par un long usage,
une sorte d'accoutumance. Le type de ces poisons auxquels l'organisme s'habitue, de
manière à acquérir une véritable inuiiunité, c'est la morphine (V. Morphine;. On peut
citer à oet égard des faits extraordinaires; par exemple l'histoire des iniiividus qui
boivent par jour un litre de laudanum, alors que quelques gouttes suffisent pour tuer
un enfant. La cocaïne, l'arsenic produisent aussi, quoique à un moindre de^vé, pareille
accoutumance. Les montagnards du Tyrol sont arsenicophages; ils peuvent, sans être
incommodés, en ingérer des quantités doubles ou triples de celles qui tueraient un indi-
vidu non habitué (V. Arsenic).
Le fait est incontestable, mais il est impossible d'en donner une explication tant soit
peu satisfaisante. En se basant sur d'autres faits, que nous résumerons tout à l'heure,
relatifs à l'action antitoxique des humeurs, on a essayé de trouver des propriétés anti-
morphiniques dans le sérum des morphinomanes, ou anti-alcooliques dans le sérum
des alcooliques. Mais on n'a obtenu que des résultats contradictoires. Même, si quelque
chose se dégage de ces expériences confuses, c'est qu'il n'y a pas de )>ouvoir anti-
toxique dans le sérum des morphinomanes et des alcooliques.
Immunité peptonique. — Avec lapeptone, on a pu observer des effets remarquables
d'immunité. Il est vrai que c'est une immunité passagère; mais elle n'en est pas moins
importante à étudier ; car elle donne des notions utiles sur l'immunité contre les poisons
en général.
L'étude de l'immunité contre la peptone ne porte que sur un point spécial, une
fonction toxique tout à fait particulière de la peptone, à savoir l'action sur la coagula-
bilité du sang. Albertoni et Schmidt-Mulheim avaient montré que les injections intravei-
neuses de peptone rendent le sang incoagulable(18S0). G. F.vxo, reprenant métiiodique-
ment cette belle expérience, a montré en outre qu'une injection faible de peptone
(ou mieux de tryptone) confère une immunité passagère contre une injection ultérieure
de peptone (1882). (On trouvera la bibliographie complète dans le travail de Grosjeax,
Rec/i. sur Vact. physiolog. de la propeptone et de la peptone. Mém. de VAc. roy. de Bel-
gique, avril 1892, xlvi, et Trai». du lab. de Vhysioloç/ie de Liège, 1892, iv, .^4;j-83). Plus
tard G. Lebas (Rech. sur l'immunité contre l'action anticoagulante des injections intravas-
culaires de peptone. Thèse de Paris, 1897) et surtout Gontejean [Rech. sur Va.ction phy-
siologique des injections de peptone. Th. de Paris, 1897) ont apporté quelques données
intéressantes, mais qui laissent cependant subsister encore de nombreuses incertitudes
sur la cause même de cette immunité (V. Peptone).
" Une forte injection de peptone, dit Fano, si elle est faite après une injection faible
et insuffisante, n'empêche pas la coagulation... ce n'est que vingt-quatre heures après
la première injection que l'animal est en état de sentir l'effet d'une seconde injection
de peptone (non coagulabiiité du sang). »
Ainsi l'animal qui a reçu de la peptone a été placé dans un certain état d'immunité
contre le principal efTet de la peptone.
Cette immunité n'est probablement pas directe. Coxtejea.n a bien prouvé que, si
l'on injecte dans le péintoine de notables quantités de peptone, on confère encore l'im-
munité. D'autre part, si l'animal a reçu, même en petite quantité, du sang de peptone,
16 IMMUNITE.
l'immuiiilt- Un est conférée. (On appelle sant; de peplone le sant; d'un animal i|iii a leçu
une injeclion intraveineuse de peplune.) l.a tjuanlité ellicace de saiip de peplone peut,
dans certains cas, Ctre extrêmement faible, même de 1 centimètre cube (Gontejf.an, loc.
rit., p. 15).
CoNTEJEAN conclut (]ue l'immunité temporaire conférée par la peptone contre la pep-
tone est le re'sultat de la réaction de l'organisme vis-à-vis d'une substance organique
étrangère, autrement dit, et en adoptant la terminologie contemporaine, la formation
d'un antivorpsK
Nous sommes donc amenés à ceci — ce qui n'est nullement une explication —
que l'organisme réagit aux poisons en produisant des anti-poiaons qui neutralisent les
effets des dits poisons, et par conséquent amènent un certain état d'immunité.
La durée de cette immunité peptonique est très courte. Exceptioniieilement elle
peut durer vingt-quatre beures; le plus souvent elle est de quelques beures à peine.
Mais avec d'autres substances la durée est beaucoup plus longue.
Autres poisons. — Avec des poisons à noyau albuminoïdique. plus complexes
encore que les peptones, on peut provoquer un certain état <rimmiuiité en modifiant
l'état chimique du sang et des humeurs, en donnant, comme on disait auliefois, des
antidotes. Mais évidemment ce mot d'antidotes s'applique à des effets tiop divers pour
comporter quelque valeur scicnfitique.
Si, après ingestion d'un poison, on administre une substance qui le neutralise chi-
miquement, ou bien qui en provoque l'élimination (comme l'émètique dans le cas de
champignons toxiques, ou les sels de chaux dans l'empoisonnement par le mercure et
le cuivre il ne peut être question d'immunité. Les antidotes et les substances immu-
nisantes ne sont aucunement comparables. On peut appeler substance <inti<loti(pic la
substance qui agit après (jue le poison a été administré, et substance immuiiisunle celle
qui atténue l'effet du poison donné ultérieurement.
Il peut y avoir antagonisme entre deux substances chimiques, comme par exemple
entre l'hyposulfite de soude et les composés cyanés (Lang, 1895; Hev.mans, i897 , de telle
sorte que le cyanogène (toxique), se combinant au soufre, forme un composé sulfocya-
nique relativement innocent. Il s'ensuit (jue l'injection préalable d'un thiosulfate
alcalin va neutraliser l'efTet toxique d'un nilrile ultérieurement injecté, et va par consé-
quent conférer une sorte d'immunité contre le nitrile. (Voir le travail récent d'un
élève de Hkymans, J. Melrice. Hccit. exp. sur le pouvoir antitoxique du srirnosulfale de soude
vis-à-vis des poisons cijanonénés. Arch. intern. de pharmacodi/namie et de thérapie, xvi,
190G, 469-:-.fG.)
Soit le cyanure de sodium et le thiosulfale de soude, lorsqu'on les met en présence,
il se produit la réaction suivante :
NaCAz + x-^S'^SOs = NaCAzS + NaiSG-'.
c'est-à-dire que le cyanure, très toxique, est aussitôt décomposé et qu'il se forme deux
corps inoffensifs, ou à peu près, le sulfocyanure et le sulfite de sodium. .Vussi l'adminis-
tration préalable du thiosulfate de soude crée-t-elle un véritable état d'immunité contre
les composés cyanés.
Ce qui prouve qu'il en est ainsi, c'est que, chez les animaux à sang froid, pour les-
quels le sulfocyanure est aussi (oxique que le cyanure, il n'y a pas d'immunité contre
les composés cyanés par injection préalable de thiosulfale. Au contraire, chez les ani-
maux à sang chaud, on peut injecter des doses considérables de poison cyanique, si leur
sang est saturé de thiosulfate sodique.
Soit par exemple le nilrile malonique (CAz — CAzH- — CÂz) toxique sur le lapin à la
dose de 0S',096o par kil. On peut injecter presque 0,055 de cette même substance sans
déterminer la mort, si l'animal a ébé au préalable saturé, c'est-à-dire immunisé,
par une dose suffisante d'hyposulfite. Sur le rat blanc immunisé par l'hyposulfite de
soude, on a pu donner, sans déterminer la mort, une dose quatorze fois mortelle de
nitrile malonique (Heymans et Masoi.n. Etude physiologique sur les dinitriles normaux.
Arch. intern. de pharmacodynamie et de thérapie, 1897, m, 150).
l. Le mol de antipeptone (Kutscher, Z. p. C, 1898, xxv, 19o-201) a un sens tout différent.
IMMUNITE. 17
Ces faits sont très iDtéressanls; car ils établissent bien à, quel point l'iinniunilé est
dans certains cas un phénomène d'ordre purement chimique. Et pourquoi en edet les
réactions qui se passent m vitro ne se produiraient-elles pas i/j uùo;^ La seule différence,
c'est que, peut-être par la rapidité de son action, le composé toxique cyané va se fixer
sur les cellules nerveuses pour lesquelles il a une puissante affinité, et les détruire,
avant que le corps chimique qui le décomposera ait pu agir. De là des divergences
notables entre les divers nitriles, quant au pouvoir de neutralisation dont est doué contre
eux l'hyposulfite de soude. Il a été d'ailleurs démontré par Heymaxs : \° que, pour pro-
duire un effet antitoxique, il faut une dose d'Iiyposullite égale à la dose moléculaire
de nitrite malonique; 2" que cette dose sullit; :i° que pour une dose massive de
nitrite malonique (plus grande que dix fois la dose mortelle") la mort est fatale, quelles
que soient les quantités d'hyposulfite préalablement injecté; ce qui ne laisse pas que
d'être assez difficile à expliquer.
Quoiqu'il s'agisse d'un effet absolument opposé, on peut comparer à l'immunité
que confèrent certains poisons contre les corps cyanés, la sensibilité plus grande que
provoquent d'autres poisons contre ces mêmes corps cyanés. Il y a longtemps Claude
Bernard a établi que, si l'on injecte de l'émulsine à des animaux ayant reçu de
l'amygdaline, le ferment émulsine détermine la formation de CA.z aux dépens de l'amyg-
daline, et qu'il se produit des phénomènes d'intoxication cyanhydrique suraiguë. Ni
l'émulsine, ni l'amygdaline, séparément injectées, ne sont des poisons; mais, lors-
qu'elles se trouvent simultanément dans le sang, il se dégage de l'acide cyanhydrique,
qui est toxique. Claude Bernard comparait ce phénomène à l'action du lactale de fer
sur le ferrocyanure de potassium : ces deux corps ne réagissent pas dans un milieu
alcalin, mais ils donnent une coloration bleue intense (en formant du bleu de Prusse),
en milieu acide, dans les cellules périphériques de la muqueuse stomacale.
Pour le dire en passant, l'état d'acidité ou d'alcalinité des humeurs— et notamment
du sang — exerce une telle influence sur les réactions chimiques des substances toxiques
vis-à-vis des cellules qu'on trouverait sans doute des phénomènes de sensibilisation ou
d'immunité très remarquables, si l'on pouvait diminuer notablement l'état d'alcalinité
du sang. Il semble que sur ce point des recherches méthodiques, probablement fruc-
tueuses, pourraient être faites.
La teneur du sang en sels exerce une influence manifeste sur l'action des poisons. 11
a été prouvé que, si l'on diminue l'ingestion des chlorures, en instituant un régime ali-
mentaire spécial, la sensibilité à l'action thérapeutique du bromure de potassium est tel-
lement augmentée, que les doses thérapeutiques qui, pour supprimer les attaques épi-
leptiques, étaient de 10 grammes par jour, pouvaient être abaissées à 2 grammes quand
on supprime ou même quand on diminue le sel de l'alimentation (Ch. Richkt et Toulouse,
{Influence des sels alcalins de Valimentation dans le traitement de l'épilepsie, C. II., déc.
1899). On peut donc dire que l'excès, presque physiologique, des chlorures de l'aliinén-
talion, et par conséquent des chlorures du sang, met dans un certain état d'immunité
vis-à-vis des bromures. Tout se passe comme si l'affinité de la cellule nerveuse pour le
bromure ne s'exerce complètement qu'en l'absence des chlorures; il semble que le
proloplasma, ayant à choisir entre les deux sels, ne prenne le bromure que lorsque la
tension moléculaire, c'est-à-dire la dose, de ce sel, en est très forte, ou bien, ce qui
revient à peu près au même, lorsque la dose du chlorure est insuffisante. Les observa-
tions de Ch. Richet et Toulouse constituent les premières tentatives de régime de
déchloruration, et, dans le traitement de l'épilepsie, les effets sont si éclatants que c'est
maintenant la méthode classique du traitement de l'épilepsie.
Les expériences de E. Lesniî et Ch. Ricuet fils ont confirmé ces données {Modification de
la toxicité de certains poisons par addition de substance!< solubles non toxiques. Arch. intern.
de pharm. et de thér., 1903, xii, 327-335). En déterminant la dose toxique d'iodure de K,.
ils ont trouvé 0.33 par kil. Mais, si, en même temps que Kl, on injecte NaCI, la dose
mortelle minimale est alors, pour KL de 1,15, soit trois fois plus forte. Donc, contre
l'iodure, comme contre le bromure de sodium, un excès de chlorure de sodium entraîne
une relative immunité.
Il me parait encore ici que des recherches pourraient être tentées, alin de savoir si
un grand excès de NaCl, ou de substances inoffensives (sucre et urée), n'entraînerait
DICT. DE PHYSIOLOGIK. — T. IX. 2
18 IMMUNITÉ.
pas une relative immunilé contre les toxines liaclériennes. Tunao et Pi Y. SvsEf\(Mccha'
nisvnis der naturtichen Intmunitdl. Centr. f. Bactcr., xxxix, 1000, liO-159) ont il'uilleurs
constaté que les injections de NaCI très concentrées diminuent la toxicité des infec-
tions miirobiennes, ce qu'ils expliquent, non en supposant une moindre sensibilité
aux (oxiu'^s, mais par une tout autre hypothèse, la libération dune plus grande quan-
tité d'alexine dans le sang.
Enfin il est un autre phénomène qui n'est pas tout à fait de l'immunité, mais qui
cependant à certains égards s'en rapproche : c'est la relative insensibilité des ani-
maux aneslhésiés à l'action de certains poisons, notamment des convulsivanls. Un chien
ou un lapin, profondément anestliésiés par le chloral ou le chlorofoi me, résistent, sans
donner trace de convulsion, à rmjection de iloscs énormes de sirychnine ou d'acétate
d'ammonia(iue.((ji. Hicijet.) J'ai pu lonstater aussi que, chez les chiens chloralosés, la vul-
nérabilité du cœur aux toxiques, notamment à l'action du chloroforme, est très amoindrie.
Alors que, sur un chien normal, une dose massive de chloroforme, brusquement inhalé,
détermine la mort immédiate par arrêt cardiaque, chez les chiens chloralosés, cet
arrêt ne se produit plus si facilement, comme si les ganglions cardiaques, saturés de
chloralose, ne pouvaient plus fixer d'autre substance toxique.
De même encore les animaux anaphylactisés, lorsqu'ils sont endormis par l'éther et
le chloroforme, ne présentent plus, lorsqu'on les éprouve, d'actidenls anaphylactiques
(Roux el Beshedka^ : en effet, comme essentiellement lanaphylaxie est une intoxication
suraiguë du système nerveux central, si le système nerveux central, paralysé par l'anes-
thésiijue, ne peut plus réagir, il ne peut plus donner le choc ana|diylactique.
D'autre part les animaux narcotisés par la morphine sont devenus, par suite de la
paralysie des phagocytes, plus vulnérables aux virus que neutralisent les phagocytes
(Metch.mkoi f). Un pourrait j)eut-être par ce moyen distinguer les virus qu3 les phago-
cytes détruisent 'sensibilité plus grande dans la narcotisation et l'anestlK'-sie) et les virus
qui agissent primitivement sur la cellule nerveuse, sans pouvoir être déti'uits par les
phacocytes (sensibilité moindre dans la narcotisation et l'aneslliésie).
A vrai dire ce ne sont là que des immunités relatives, partielles et passagères. En effet,
quand Tanesthésique disparait, au fur et à mesure qu'il disparait, les phénomènes con-
vulsifs, qui étaient masqués, reviennent, et finalement l'aneslliésie ne conjure pas la
mort. Mais ces faits ne sont pas moins importants à mentionner, puisqu'ils nous
montrent que la plus ou moins grande résistance aux toxines dépend des conditions chi-
miques, tant du milieu intérieur que du protoplasma vivant.
Formation des antitoxines. — On a pu déterminer quebpies-unes des causes
et des modalités de l'immunité acquise.
Ce sont les admirables rechexxhes de Behring qui, introduisant dans la science la
notion des antitoxines, ont donné une première base scientifique à la théorie de l'immu-
nité acquise (1890 .
Mais il ne faut par oublier que la découverte des antitoxines par Behuixo n'eût pas
été possible sans les belles expériences de lloix et Yersin (1888 et 1889), (]ui purent
extraire la toxine diftérique des bouillons de culture on avait poussé le bacille de la
diftérie. L'injection de celte toxine produit les mêmes phénomènes à '[leu près que la
maladie diftérique, avec prolifération du microbe virulent. L'année suivante, Brieger
et Frânkel purent préparer la toxine tétanique, qui produit tous les sym[)tômes du
tétanos d'origine microbienne.
Tout de suite après que ces toxines eurent été découvertes, on chercha le moyen
d'immuniser contre elles. Frankel, d'une part, dautre part, et indépendamment de lui,
Behring et Kiïasato, ayant modifié par le chauffage ou des réactifs chimiques les
toxines diftériques, les injectèrent à des animaux qui, ayant résisté à l'injection
de toxine diftérique faible, devinrent immunes contre l'injection de toxine diftérique
forte. Puis Behring démontra que le sérum de ces animaux ainsi vaccinés et immunisés
devient, lui aussi, vaccinateur et inimunisateur. Tout se passe comme s'il contenait
une substance antitoxique protégeant contre la toxine de la diftérie (1890-1892).
A la vérité, j'étais arrivé, avec Héricolrt, avant Behring, à une conception analogue,
encore que je n'eusse pas formulé de théorie, ni même imaginé l'existence des anti-
toxines. Mais, ayant démontré l'influence (faible d'ailleurs) des injections de sang et de
IMMUNITÉ. 19
sérum des animaux normalement réfractaires, ou rendus ri^fraclaires par vaccinafion,
pour protéger' contre des infections, j'avais tenté les injections de sérum contre une
maladie infectieuse, la tuberculose; et on me permettra de dire ici que la première
injection sérothérapique tentée sur l'homme a été faite par moi, dans le service de
A. Vï:rneuil, à l'Hôtel-Dieu, le 0 décembre 1890.
Il s'est trouvé d'ailleurs que la sérothérapie anti-tuberculeuse est de médiocre
efficacité, et qu'on n'a pas encore pu en retirer de bons effets, alors que d'autres séro-
thérapies, trouvées ensuite par Behring et d'autres savants, se sont montrées d'une
efficacité merveilleuse. Mais personne ne peut me contester la priorité de la méthode
sérothérapique, et sa première application (G décembre 1890).
Les applications de la sérothérapie aux intoxications se sont multipliées depuis 1890
jusqu'à aujourd'hui, mais je ne puis même les mentionner ici. Elles seront étudiées
(Sérothérapie). Il me suffira de dire que, pour les poisons microbiens, pour les poisons
végétaux, et poui' les poisons animaux, la sérothérapie constitue un traitement efficace,
et qu'elle peut préventivement conférer Timmunité.
i Ehrlich a pu démontrer que les poisons végétaux, ricine, abrine et robine, étant
injectés à des animaux, développent dans le sang de ces animaux des antitoxines pro-
tectrices. J'ai constaté la même protection pour la crépitine.
Le venin des serpents, injecté dans le sang, provoque aussi la formation d'anti-
toxines, de sorte qu'on peut préparer des sérums anlivenimeux. (Phisalix, Calmette.)
Quoique nous ne sachions pas exactement en quoi consiste l'action d'une antitoxine,
nous en savons assez cependant pour affirmer que c'est une action chimique.
C'est d'abord, et avant tout l'expérience fondamentale de Behring, répétée des mil-
liers de fois par les divers observateurs. En mélangeant la toxine avec du sérum d'un
animal injecté, on atténue in vilro la toxicité de la toxine, absolument comme par
l'acide sulfurique on diminue l'alcalinité de la potasse. C'est donc une action chimiciue.
Une expérience de Donitz, à laquelle, non sans raison, Ehrlich ajoute grande impor-
tance, eu est aussi la preuve [On immunity ivith spécial référence to cell life. Proc. Roy.
Soc, Lxvi, 1900). Si un lapin reçoit une dose mortelle de toxine diftérique dans les
veines, pendant plusieurs heures il ne semble pas incommodé. Or, si, en même temps
qu'on lui a injecté la toxine, ou tout au plus cinq à six minutes plus tard, on lui injecte
une quantité d'antitoxine suffisante, il ne meurt pas. Mais, si l'on a attendu plus long-
temps, alors il est devenu impossible par l'antitoxine de neutraliser la toxine injectée,
et la mort survient exactement comme si l'animal n'avait pas reçu d'antitoxine. Par
conséquent il faut admettre qu'à ce moment la toxine a disparu du sang, et qu'elle
s'est fixée dans les tissus (probablement dans les tissus nerveux) pour ne plus pouvoir
alors y être neutralisée par l'antitoxine. Nulle substance chimique, antitoxine, narco-
tique, anesthésiques, ne peut plus empêcher l'évolution de la maladie devenue fatale,
parce qu'il s'est fait une combinaison chimique de la toxine avec les tissus, encore qu'à
ce moment aucun] symptôme morbide ne se soit manifesté.
L'affinité des toxines pour le système nerveux est démontrée enfin par l'expérience
deRoux,qui,injeclantde la tétanotoxinedansle cerveau des lapins, provoque la mort avec
des doses vingt fois plus faibles que si l'injection est faite sous la peau, quoique
l'absorption se fasse également bien. Au contraire, chez les cobayes, dont le système
nerveux possède pour la toxine une affinité plus forte que le système nerveux des lapins,
la dose mortelle est à peu près la même, que l'injection soit faite dans le cerveau ou
sous la peau.
Celte fixation des toxines par le système nerveux est bien démontrée aussi par l'expé-
rience de Wassermanx, qui mélange avec la matière cérébrale du cobaye une certaine
quantité de toxine, et constate que ce mélange n'a plus aucun effet toxique.
Il est assez vraisemblable que les nucléines et lécithides de la substance nerveuse
jouent un rôle essentiel dans cette neutralisation de la toxine. Nous y reviendrons {dus
loin.
Quoi qu'il en soit de toutes ces expériences, dans le détail desquelles nous ne pou-
vons entrer davantage, elles établissent ce fait fondamental, sur lequel Ehrlich a édifié
sa théorie, que l'action des antitoxines est un phénomène d'ordre chimique. Quant à la
formation des antitoxines, elle est sans doute aussi, quant à son essence intime, d'ordre
20 IMMUNITE.
chimique. Mais la vie des tissus exeixe une influence si prépondérante sur celte forma-
tion des antitoxines que nous pouvons ranger ce phénomène dans le groupe des phé-
nomènes biologiques, quoiqu'on dernière analyse il s'agisse toujours d'un fait de
chimie.
Quel que soit le rôle du proloplasma cellulaire dans la formation de rantitoxine qui
assure l'immunité, il semble bien que la neutralisation de l'action toxique par l'anti-
toxine soit un phénomène d'ordre chimique et non plus d'ordre biologique, comme la
sécrétion de l'antitoxine.
Une belle expérience d'EHRLicH [Zur Kenntniss der Antitoxinirirkang. Fortschr. der
Medizin, xv , janv. 1897) nous en donne la preuve. Il s'agit en effet d'une action
chimique, relativement simple : l'agglutination des hématies. Si l'on mélange des
hématies avec de la ricine, on constate le pouvoir agglutinant remarquable de cette
toxine végétale. D'autre part on peut immuniser des animaux en leur injectant de la
ricine; ce qui développe dans leur sang une antitoxine. Dans l'expérience d'EHRLicu on
a ajouté à des hématies mélangées avec de la toxine ricinique, le sérum anlitoxique
d'une chèvre immunisée en quantités favorables, et on a vu que, suivant la quantité de
sérum antitoxique ajoutée, ilj' avait' agglutination complète ou incomplète des globules,
comme si l'antitoxine du sérum de la chèvre avait plus ou moins neutralisé (selon la
quantité injectée) l'effet agglutinant de la ricine. De môme des souris, injectées avec un
mélange d'antitoxine et de toxine, meurent si la dose d'antitoxine est faible; sont
malades, si la dose est moyenne; et survivent sans maladie, si la dose est forte. Tout se
passe comme s'il s'agissait d'une combinaison chimique.
Il ne faut pas se dissimuler que cette conception simpliste ne répond pas en toute
rigueur à la complexité des faits.
Dans certains cas la sensibilité de l'animal, quoique son sang contienne des propor-
tions considérables d'antitoxine, est très accrue. Il va anaphylaxie, et il est très vraisem-
blable que l'anaphylaxie et l'immunité suiveiît des voies parallèles, sans se confondre,
par des processus synergiques, mais absolument distincts. Des animaux anaphylactisés
peuvent être, en même temps, immunisés.
D'autre part des animaux très bien immunisés ont un sérum antitoxique très faible.
Cela a été vu nettement chez les chevaux qu'on prépare pour leur faire produire le
sérum antidiftérique. Tel animal, parfaitement résistant à la toxine diftérique, a un
faible rendement en antitoxine, alors que sur d'autres animaux on observe tout le
contraire, c'est-à-dire une presque nulle immunité, et un pouvoir antitoxique considé-
rable (Metchmkoff, loc. cit., 392.)
En tout cas, la combinaison entre la toxine et l'antitoxine est d'ordre chimique; il
n'est pas possible de le contester. .Mais cette combinaison, plus ou moins comparable à
l'éthériflcation des alcools, n'est pas stable. Une expérience de Calmette a prouvé que
la toxine neurolytique du cohra, mélangée à l'antitoxine, et chauffée à 68°, n'est pas
détruite, de sorte que le mélange toxine et antitoxine, qui est inactif, redevient actif
quand on le chauffe à 68», température qui détruit un des deux composants (antitoxine)
et qui ne détruit pas l'autre (toxine). De même Morgenroth, expérimentant avec la
toxine hémolytique du cobra combinée à l'antitoxine, a pu dissocier cette combi-
naison par l'acide chlorhydrique, et régénérer à la fois la toxine et l'antitoxine {Wie-
dergetuinnung von Toxin ans seiner Antitoxinverbindung. Berl. klin. Woch., 1905, 1550-
1554).
D'innombrables travauxont été de toutes parts publiés sur laformation des antitoxines :
je me contenterai de résumer ici quelques-unes des principales et plus certaines
conclusions qu'on en peut déduire.
i" Les antitoxines sont thermolabiles; elles sont détruites parle chauffage à 60°.
2° Les diverses antitoxines sont à peu près spécifiques; mais non complètement.
3° La formation des antitoxines est soumise à de grandes variations individuelles,
qu'il est impossible d'expliquer.
4° L'immunité des animaux et la quantité d'antitoxine que contient leur sang ne
sont pas absolument parallèles. Certains individus, très résistants aux toxines, ont un
pouvoir antitoxique faible.
IMMUNITÉ. 21
'6° Des saignées n'^pétées n'épuisent pas le pouvoir anlitoxique, de sorte qu'il faut
admettre une régénération, sinon perpétuelle, au moins prolongée, de l'antitoxine
(Roux et Vaillard).
6° l/immunité contre les loxines est diiïérente de l'immunité contre les infections
microbiennes. Des animaux vaccinés contre la toxine cholérique peuvent être infectés
par le vaccin cholérique, et vice i'(?/'S« (Metghnikofi', Uoux et Sammbeni, 1896).
Les relations entre l'antitoxine et la toxine sont assez nettement délerminables pour
qu'on ait pu proposer une sorte (Vunitc antitoxique. Unification exclusivement adaptée
jusqu'à présent au sérum anlidiftérique.
Il faut distinguer, comme BEHRiNr. l'avait déjà fait dans son premier mémoire, dans
la valeur d'un sérum antitoxiquo, quatre propriétés différentes :
a. Préventive contre l'intoxication;
|3. Gurative contre l'intoxication;
y. Préventive contre l'infection;
0. Gurative contre l'infeclion,
A ces diverses propriétés rt'pondent des quantités d'antitoxine difTéronlos.
A rinslituL Pasteuk, depuis les recherches de Uoux, on a adopté une unité en rapport
avec le poids de cobaye que protège 1 ce. de sérum contre la dose mortelle (minimale)
de diftérotoxine. Behring et Ehrlich ont adopté des mesures un peu différentes. A
rinstilut de Francfort, on conserve des sérums antitoxiques desséchés dans le vide,
qui, par conséquent, ne peuvent pas subir d'altération sensible. Il suffit de leur rendre
de l'eau pour qu'ils redeviennent actif;;, servant à tous les contrôles nécessaires, et
gardant ainsi l'échantillon type de l'unité antitoxique. Dans l'admirable Institut de
RosENAU, à Washington, on a une pratique semblable. De même aussi, par Madsen à
Copenhague (Voy. Th. Madsen, Diphterie-antito-rin. Handb. der Technik, etc, ii, 91).
(Pour cette étude, v. Toxine et consulter les grands ouvrages didactiques de Kraus
et Levaditi et de Kolle et Wassermann.)
Les théories de l'immunité contre les toxines sont multiples. Mais, avant de les
résumer ici, il faut généraliser cette étonnante propriété de la matière vivante; qui
est de fabriquer contre tout poison une substance spécialement adaptée à ce poison;
une aiiticytase, ou antitoxine, ou anticorps, ou antizymase, tous mots étant à peu près
synonymes, et indiquant un des plus étranges phénomènes de la nature, qui consiste
en ceci : que les organismes réagissent à l'introduction d'une substance offensive par la
production d'une substance défensive. Autrement dit ils répondent à un antigène
(substance offensive) par un anticorps (substance défensive).
Nous pouvons formuler ainsi celte loi biologique, qui est une des conquêtes les plus
remarquables de notre époque :
(' Les organismes répondent à l'introduction de certains poisons par la production
de contrepoisons, qui neutralisent plus ou moins l'effet de ces poisons, et qui ont une
spécificité parallèle à la spécificité de ces poisons mêmes. Non seulement c'est contre
les toxines qu'il se forme des antitoxines, mais encore contre toute substance chimique
étrangère à l'organisme. Ces corps étrangers à l'organisme, ou antigènes, provoquent la
formation de substances spéciales, ou anticorps, qui neutralisent les antigènes. Les
antitoxines ne sont qu'un cas particulier de celte loi générale. »
Le point de départ de cette doctrine a été d'abord le travail fondamental de Behring
(1890), puis les recherches d»^ Bordet (1895) sur la fixation de l'alexine (v. Hémolyse),
enfin les recherches admirables <le Ehrlich.
On savait depuis longtemps que le sérum du sang d'une espèce animale a un pouvoir
dissolvant, hémolytique, sur les globules du sang d'une autre espèce. Daremberg (1891)
avait montré que cette propriété disparaît par le chauffage à S5°, et BiicHNER, étudiant
cette action avec plus de détails, avait trouvé qu'il s'agissait là d'une substance particu-
lière, probablement albuminoïde, qu'il appela alexine.
En 1895, Bordet démontra que le sérum frais d'animal immunisé contre les vibrions
cholériques, mélangé à ces vibrions, les transforme en granulations, mais que ce
pouvoir disparaît quand le sérum est chauffé à 55°. Toutefois, si l'on mélange à ce
sérum chauffé, et rendu par là inactif, du sérum d'animal normal, par conséquent
22 IMMUNITE.
inactif aussi, le niélanf?e de ces deux séiuiiis iiiactifs devient actif. C'est ce que Bordf.t
appela la réactivation (Bordet. llevue liistorique et critique sur la fixation de l'alevine cl
sa signification pour l'immunité. Zcitschr.f. Immiinitdtsforschun(f und e.vp. Thérapie, 1, 1,
1-38, 1909). Il en déduisit que le pouvoir bactéricide de l'iiumunsérum est di'iau con-
cours de deux substances; l'une, spécifique, propre aux animaux immunisés, et résistant
à la chaleur, therniostable ; l'autre, générale, et commune à tous les animau.x, vaccinés
ou non, et Ihermolabile.
11 appela la première substance spécifique, la sensibilisatrice, et à l'autre substance il
conserva le nom d'alexine donné par Bïchner.
Il s'ensuit que, chez les animaux immunisés, le sang contient, comme chez les animaux
normaux, une alexine, mais qu'il contient, en outre, une substance spécifique ou sen-
sibilisatrice, qui n'existe pas chez l'animal sain.
Or BoRDET put découvrir en 1898 un autre fait d'une importance fondamentale; car
il ne s'agissait plus seulement de l'immunité contre les microbes, mais bien de l'im-
munité contre des corps étrangers.
En effet, si l'on injecte à des cobayes du sang de lapin, le sérum de cobaye, qui
normalement n'est pas hémolylique pour le sang de lapin, devient héniolytique. Ce
sérum de cobaye, immunisé contre le sang de lapin, contient une alexino et une sensi-
bilisatrice. I/aloxine n'est pas spécifique; la sensibilisatrice est spécifique, thermo-
stable; aussi rimmunsérumchaufTé est-il inactif, pour redevenir actif quand on leniélange
avec du sérum non immunisé. De là ce fait physiologique, vraiment paradoxal, que
deux liquides isolément inactifs deviennent actifs quand on les mélange.
Beaucoup d'observations importantes sur ce phénomène furent bientôt après publiées.
Ehrlich et MoRGENROTn 'J899) prouvèrent que la sensibilisatrice, anticorps spécifique,
s'unit aux globules avec lesquels elle se combine assez fortement pour que le lavage dos
globules ne puisse plus la leur enlever. D'autre part, l'alexine a aussi de l'affinité pour
les globules et se combine avec eux. Ces deux combinaisons, d'une part, de l'alexine
avec les globules : d'autre part, de la sensil)ilisatrice avec les globules, permettent
sans doute à l'alexine de s'unir à la sensibilisatrice pour dissoudre les globules.
Ehrlich avec ses élèves a fait sur le même sujet une série de travaux remar(|uables.
La théorie qu'il propose doit être mentionnée ici, autant pour son ingéniosité, i|ue pour
la diffusion rapide à laquelle elle est arrivée. Assurément elle risque bientôt de dispa-
raître devant les nouveaux faits qu'on découvrira et qui ouvriront la voie peut-être à
une explication plus simple. Mais c'est là le tort commun de toutes les théories : en
fait de doctrine, il n'y a jamais que du provisoire.
Ehulich appelle complément l'alexine de IUch.ner, et substance intermédiaire, ou
ambocepteur la sensibilisatrice de Bordet. Il généralise les faits observés par Bordet sur
la bactériolyse et l'hémolyse d'animaux par le sérum immunisés, et il admet que dans
tout sérum hémolytique il y a deux substances : l'intermédiaire et le complément; l'in-
termédiaire étant thermostable et le complément étant thermolabile (v. Hémolyse).
Il s'ensuit que, d'après Ehrlich, la dissolution des globules est un phénomène chi-
mique nécessitant le concours de deux substances qui se rencontrent dans le globule;
isolées, elles ne peuvent rien; réunies, elles sont actives. On a comparé avec raison ce
phénomène aux curieux effets de la digestion pancréati(iue. On sait, depuis B.wliss et
Starli.ng, que la trypsine pancréatique n'agit sur la fibrine et les albuminoïdes que
s'il y a eu au préalable inhibition de ces corps par l'enlérokinase. Ni l'entérokinase
seule, ni la trypsine seule ne sont efficaces pour digérer la fibrine. Mais, réunies, elles
opérer t la digestion.
« En s'appuyant sur ces faits, dit Metchmkoff [loc. cit., 105), on a le droit de consi-
dérer que la substance hémolytique des sérums renferme deux ferments solubles, dont
l'un, l'alexine, correspond à la trypsine, tandis que l'autre, le fixateur (ou sensibilisa-
trice), ressemble à l'entérokinase. »
Quel que soit d'ailleurs le mode de résistance, il est bien établi par tous ces faits
que l'organisme résiste aux toxines par des antitoxines, aux corps étrangers à l'orga-
nisme par la formation de substances dissolvant ces corps étrangers. L'antigène,
substance étrangère, provoque la formation d'un anticorps.
De nombreuses et variées expériences allaient prouver que c'est là une loi générale.
IMMUNITE. 23
Landsteiner et Metciinikoki' (1899) oui montré que les humeurs normales, spéciale-
ment le sérum, n'ont aucun pouvoir sperinotoxi(iue, mais que, si un animal a reçu
antérieurement une injection intra-veineuse de liquide spermatique, son sérum devient
spermotoxique. D'après Mgtciinikoff, il y aurait là encore concours de deux substances,
une alexine et une sensibilisatrice. La sensibilisatrice n'apparaît dans le sang qu'après
injection de l'antiçène sperme; elle est probablement produite par les phagocytes.
L'alexine est produite aussi par les phagocytes, de sorte que l'une et l'autre substance
qui détruisent, parleur action énergique, les cellules spermatiques injectées, sont des
produits de la sécrétion leucocytaire.
Non seulement contre les éléments figurés, tels que microbes, hématies, sperma-
tozoïdes, mais encore contre les diastases môme normales, l'organisme produit des
anticorps. Autrement dit les diastases sont aussi des antigènes provoquant la formation
d'anticorps.
Frentzkl (1891) avait admis que les cellules épithéliales de la muqueuse digestive
sécrètent des anti-enzymes, ou anticorps, ou anlidiastases, empêchant l'action des sucs
digestifs sur ces cellules. Il avait même supposé que les parasites intestinaux résistent
à l'action des sucs digestifs (sucs gastrique, pancréatique et intestinal) par une sub-
stance empêchante analogue, {Die Verdaminçf khenden Gewebes und die Darmparasiten,
A. P., 1891, 293). Comment expliquer, en effet, que, dans l'estomac des poissons, qui
sécrète un suc digestif si actif, se puissent trouver parfaitement vivants tant de para-
sites? Comment comprendre (jue certains cestodes vivent pendant plusieurs années dans
l'intestin, alors que le même intestin digère toutes lesmatièresalimentaires qui y pénètrent
et digère aussi ces mêmes cestodes, lorsqu'ils sont morts ? C'est là un exemple d'immu-
nité qui ne se peut expliquer que par la présence d'une antizymase présente dans le corps
des parasites. Weinlamd a repris la question d'une manière méthodique {Ueber ausge-
presste Extrakte von Ascaris lumbricoïdes undihre Wirkiing. Z.B., 1902, xLin, 86. — Ueber
Antifer mente. Ibid., 1902, xliv, 1-4o). En soumettant le corps des ascarides, parfaitement
broyés, à une forte pression (méthode de Bûchner), on obtient un liquide qui a la pro-
priété d'entraver les digestions peptique et tryptique. Peut-être est-ce grâce à un anti-
corps analogue que les cellules de l'estomac ne sont pas digérées par le suc gastrique,
ni les cellules de l'intestin par les sucs pancréatique et intestinal?
En tout cas, on a démontré que le sang normal et le sérum ralentissent ou arrêtent
la digestion peptique et la digestion tryptique (Mesnil, Ann. de l'Institut Pasteur, 1901,
XV, 332).
Mais on ne saurait affirmer qu'il s'agit là d'anticorps plus ou moins analogues aux
antitoxines; car on peut expliquer cette action d'une manière plus simple. Il suffit de
supposer que les lécithides contenus dans le sérum se combinent à la zymase pour la
transformer en un produit inactif. Ce qui tend à confirmer cette supposition, c'est que,
d'après Pick et Pribram, le sérum traité par l'éther (lequel lui enlève les lécithides) n'a
plus d'action antizymasique.
Le ferment lab injecté à des lapins provoque la formation d'une antiprésure (Boriot).
La gélatine injectée provoque la formation d'une substance gélatinolytique. Le sérum
empêche, d'ailleurs, l'action protéolytique du suc pancréatique sur la gélatine. Ainsi,
en ajoutant 0^'=,7 de sérum de chien à 2 centimètres cubes de gélatine à 10 p. 100, on
ne peut plus observer la digestion de la gélatine par le suc du pancréas.
Il faut donc admettre qu'il y a à l'état normal une sorte de résistance naturelle, ou,
si l'on veut, de relative immunité; mais il est évident que cette immunité naturelle,
normale, est notablement renforcée par l'injection intra-veineuse de l'antigène. Tout
semble prouver, d'ailleurs, quand on étudie l'histoire de l'immunité, que l'immunité
acquise n'est que l'exagération, le développement d'une immunité naturelle qui n'est
jamais négligeable.
Delezexne a beaucoup insisté sur cette fonction générale des organismes produisant
des anticorps spécifiques suivant la nature de l'antigène injecté, cet antigène étant
tantôt du tissu hépatique, tantôt du tissu rénal. On peut ainsi, par des injections intra-
veineuses préalables, avoir des animaux possédant des sérums névrotoxique, hépato-
toxique, néphrotoxique (V. Sang).
L'inj«ction de bile amène un certain degré d'hémolyse. Cette action héiuolylique est
2.; IMMUNITE.
retartléopar le sérum Jesaniniaux normaux ; maisla piopritUt' t'mpt'cliante osltrèsaccrue
lorsque los animaux oui reçu, au pn'alablo, une injection liiliairt- inira-voineuse (Hhdon.)
On a pu obtenir aussi des sérums anlipeplique et anlitryplique.
r.e qui est remanjuable, c'est la spécincité étroite de ces anticorps que fabrique
l'organisme. Morgenroth a montré que les antiprésures qui apparaissent dans le sérum,
après injection soit do présure animale, soit de présure végétale, ne sont pas iden-
tiques, et ne se confondent pas {('cntmlhl. fur liaktrrioL, 1000. xxvn, 721). C. Gessard
a très bien démontré aussi cette même spécilicité pour l'antilyrosinase animale et l'an-
tityrosiiia^e véuélale. {Tyroainasc et Anlili/iosiiKist', B. li., 1902, .'liil; et Aulilj/rosinaxe
animale, ibid., 1398.)
Cette rigoureuse spécificité rend la formation des anticorps par l'injeclion d'un
antigène un des phénomènes les plus extraordinaires de la biologie.
La spécificité de la réaction de l'organisme parla production d'un anticorps est facile
à étai»lir par des preuves nniltiples. Si l'on injecte soit simultanément, soit successive-
ment plusieurs antigènes, l'organisme va réagir par production d'anticorps spéciaux
contre les uns et les autres antigènes, de sorte qu'agissant isolément on pourra pré-
parer des sérums anliloxiques pohii alcnls, c'est-à-dire possédant des propriétés anti-
toxiques multiples, répondant aux divers antigènes injectés. Très exceptionnellement, on
observe une même anti-toxine spécifique agissant sur divers antigènes, le sérum du
choléra des poules contre le liacilltts anthracis, le sérum anlidiftérique contre le
B. ant/imcis. On sait, d'ailleurs, que pour l'anaphylaxie la spécificité est absolue aussi
HosENAU et Andf.rson, !.. Urf.yiis et I.e-^m';). .\insi les oiganismes vivants peuvent
sécréter, après stimulation par un jjoison déterminé, une substance spécialement
adaptée à la destruction de ce poison déterminé limmunité), ou à la sensibilisation
contre ce poison (anaphylaxie).
Celte fonction de l'organisme, production des anticorps ou antitoxines, a un rapport
étroit avec l'immunité acquise. En clVet elle nous montre (sans d'ailleurs que nous
puissions en pénétrer le processus intime) que la nature se défend contre les inocu-
lations de certains poisons par un mécanisme chimique, (/antigène provoijue la créa-
tion d'un anticorps; la toxine provoque la formation d'une antitoxine ; et par cela même
l'immunité apparaît.
La théorie célèbre (Ju'Eiirlicii a instituée pour expliquer la formatiDU des antitoxines
sera mentionnée brièvement.
Ehrlich suppose que chaque cellule peut s'unir par des chaînes latérales, (comme le
carbone dans les composés organiques), à des substances chimiques; soit alimentaires
(assimilation), soit toxiques (intoxication).
Sans entrer dans l'histoire de l'assimilation, rigoureusement soumise aux lois de
l'osmose et des forces électriques qui gouvernent les actions chimiques, voyons com-
ment se peut faire l'intoxication; et pour cela supposons que la toxine est composée
d'un élément haptophore, non toxique, qui lui permet de pénétrer dans la cellule, et
d'un élément toxophore, toxique, n'agissant sur le protoplasma cellulaire que si l'élé-
ment haptophore a d'abord pénétré dans la cellule, en s'unissant à une des chaînes
latérales de cette même cellule. Si une toxine est injectée à forte dose, elle se com-
bine à la cellule par l'élément haptophore qui permet à l'élément toxophore de
pénétrer, et alors les cellules sont empoisonnées. Au contraire, si la toxine est injectée
en quantité faible, alors il y a stimulation cellulaire, production abondante de
chaînes latérales ou récepteurs : ces récepteurs, devenus libres dans le sang, se fixent
aux haptophores, les rendent inotTensifs, et, par conséquent, jouent le rôle d'anti-
toxines. De sorte que les antitoxines (c'est-à-dire les anticorps) ne sont que les chaînes
latérales des cellules qui se combinent aux toxines (antigènes).
Le rôle de la toxine serait donc, à faible dose, de provoquer la formation d'anti-
toxines.
Pour Ehrlich, toute cellule est capable de produire une antitoxine, c'est-à-dire
qu'elle a des chaînes latérales qui peuvent se libérer; tandis que, pour Metchnikoff, ce
sont les leucocytes seuls ou presque seuls qui seraient capables d'agir ainsi. Il est,
d'ailleurs, assez vraisemblable, étant donnés les faits ci-dessus énoncés sur la sperma-
tolyse, l'hémolyse, la néphrolyse, etc., que les cellules leucocytaires n'ont pas une fonc-
IMMUNITE. 25
tion de résistance universelle, mais qu'au contraire chaque organe soit doué de ce
pouvoir, chaque cellule possédant des groupements chimiques (récepteurs) qui peuvent
s'adapter à telle ou telle toxine : ces groupements jouent le rôle d'une antitoxine quand
ils se sont libérés de la cellule. (Voyez tig. 1 et 2, page 32).
Ehrlich a pu aussi montrer qu'il y avait dans certaines toxines (comme par exemple
la toxine dil'térique) des substances non toxiques [toxoides), provoquant la formation
d'antitoxines, mais n'étant pas toxiques par elles-mêmes, et il a alors supposé que ces
toxoides ne sont, en réalité, que les éléments haptophores de la toxine, capables de pro-
voquer la formation des antitoxines, mais non d'intoxiquer; car ils n'ont pas de groupe
toxophore. (V. Toxines.)
Cette théorie est relativement simple ; elle peut sans grandes modifications s'adapter
aux phénomènes décrits plus haut, relatifs à l'hémolyse et à la bactériolyse par les
alexines du sérum. En effet, il est bien prouvé par les expériences de Bordet qu'il y a
nécessité de supposer deux substances ; l'alexine et la sensibilisatrice. Ehrlich suppose
que l'alexine (qu'il appelle complément) est douée, comme toute toxine, d'un élément
haptophore et d'un élément toxophore. L'élément haptophore ne peut se mettre en
relation avec le microbe et, par conséquent, l'empoisonner que s'il y a sensibilisatrice
(qu'EHRLiCH appelle ambocepteur) . (V. Hémolyse.)
Rôle des lécithides et des lipoïdes dans l'immunité. — A côté de ces fonctions
cellulaires spéciales, qui consistent essentiellement en la formation d'une antitoxine
qui neutralise la toxine, il existe d'autres processus de défense de l'organisme qui
peuvent provoquer l'immunité. (Voir Porges, Ûber Colloïde und Lipoïde in ihren Bezie-
hungen zur Immunitàtslehrc. Handb. der Melhodik und Tcchnik der Immunitàlsforschung,
1909, 1162.)
Il s'agit du rôle que les corps gras, de la famille' de la cholestérine et des lécithines
(substances qu'OvERioN appelle lipoïdes), exercent sur la digestion et la neutralisation
des toxines.
Fraser avait vu que l'extrait alcoolique de la bile confère une immunité notable
contre le venin des serpents. Phisalix, dans une série d'intéressantes recherches,
a montré le rôle spécial de la cholestérine. Le venin de vipère, injecté à des cobayes
à une dose qui est mortelle en quelques heures, n'a plus d'effet si le cobaye a reçu, au
préalable, 2 à 5 centigrammes de cholestérine. «Ainsi, dit Phisalix, malgré son peu de
solubilité et ses affinités chimiques faibles, la cholestérine pure immunise contre le
venin de vipère... C'est le premier exemple connu d'un composé chimique défini qui
agisse comme un vaccin ». (La cholcst/^rine et les sels biliaires vaccins chimiques du venin
de vipère. B. B., 1897, H déc. 1057.)
Ranson a montré que l'action hémolysante de la saponine est annihilée par de petites
quantités de cholestérine, et il a comparé cet effet à l'action antitoxique. Il admet
que Taction du sérum normal contre la saponine dépend de la quantité de cholestérine
qu'il contient. D'autres auteurs ensuite ont montré que la cholestérine agissait comme
antitoxique sur l'agaricine fNoGUCHi), la tétanolysine (iNqguchi), le venin de cobra (Kyes),
la vitriolysine (Pibram), l'arachnolysine (Belorowski), le venin des abeilles (Morgemroth
et Carpi), alors que sur la ricine, l'abrine, les hémolysines, les staphylolysines, il n'a
pas d'action. La lécithine semble être décidément moins protectrice que la cholestérine.
Ce pouvoir antitoxique de la cholestérine est tel que, d'après beaucoup d'auteurs, le
soi-disant pouvoir antitoxique des organes est dû probablement à la cholestérine qu'ils
contiennent. Les globules rouges, dont le stroma est riche en cholestérine, agissent dans
ce sens. Quand le tissu cérébral a été épuisé par l'élher, son pouvoir fixateur de la
tétanotoxine a presque disparu (Landsteiner).
La lécithine semble avoir une action analogue à celle du complément d'EHRLicH.
D'après des travaux récents, notamment ceux de Kyrs, elle peut activer des sérums peu
actifs (Kyes, Lecithin und Schlàngengift. l. p. C, 1904, xli, 273-277). Le venin de cobra
traité par la lécithine se combine avec elle : il se forme une combinaison chimique ana-
logue aux combinaisons connues de lécithine et d'albumine. Eu outre cette combinaison
a des propriétés hémolytiques très nettes. Ni la lécithine seule, ni le venin de cobra
seul n'agissent sur les globules; mais, lorsque les deux corps sont mélangés, ils
acquièrent la propriété de dissoudre les globules. Si donc, dit-on, le 'sérum joue le rôle
26 IMMUNITE.
d'ambocepteur vis-à-vis du venin de cobra et des ylobules, ("est à cause de la lécilbine
et des lipoïdes qu'il contient. Cependant, quoique la lécithine semble, à certain point de
vue, jouer le rôle de complément (ou d'alexine), il ne faudrait pas trop se hciter de con-
clure; car d'abord les lécithides ne sont pas détruites par la cbaleur à 100*', tandis que le
complément est détruit; ensuite parce que, dans les sèrums, les lipoïdes se trouvent en
un état inconnu encore, très dill'érent d'une dissolution simple, état qui leur enlève tout
pouvoir d'agir comme complément. Rappelons une ancienne observation de Calmette,
que le sérum cbaufl'é à 62'' est plus actif que le sérum fiais. (Y a t-il eu destruction
d'une antihémolysine naturelle, ou mise en liberté des lipoïdes du sérum?).
En définitive, le rôle des lipoïdes, si l'on excepte leur pouvoir lixatour des toxines,
n'est pas déterminé avec précision encore. Mais il est vraisemblable qu'ils jouent' un
grand rôle. Leur dillusion dans l'organisme, et surtout leur prépondérance dans les
organes essentiels (cellules nerveuses, sperme, œuf, globules du sang), indiquent claire-
ment que leur rôle est considérable dans les pbénomènes de la vie, et, par conséquent,
dans les fonctions de défense. 11 y a quelques années encore, on considérait la cholesté-
rine comme un produit d'excrétion, un résidu dont l'organisme avait h;\le de se débar-
rasseï ; les études récentes faites sur l'immunité semblent prouver, au contraire, que
son action est très puissante, encore que sa fonction soit, dans l'état actuel de la
science, assez mal précisée.
Certains auteurs ont voulu expliquer la fonction antitoxique du foie, et surtout du
cerveau en supposant que c'est tout simplement une action des b'-cilliides sur les toxines.
Mais, en l'état actuel, il faut se garder de toute aflirmalion prématurée et de toute
généralisation hâtive. Dans le foie, les phénomènes chimiques sont si compliqués
qu'une transformation par d'autres substances que les lipoïdes est fort possible. Dans
le cerveau, encore que la matièie cérébrale fixe certaines toxines (la tétanotoxine, par
exemple), elle ne parait pas les transformer. De récentes expériences de Marie et Tu-fe-
î)EAU {Étude de quelques modes de neutralisation des toxines bactériennes. Ann. Inst. Pas-
teur, 1908, xxn', 289 et 644), il semble résulter que le cerveau ne détruit pas le virus
tétanique, mais qu'il le fixe seulement; car, par la digestion protéolylique, la toxine
se libère, et reparait avec toute son activité toxique. Eu outre, la chaleur (56°-60'') fait
perdre au cerveau sa propriétc' fixatrice; de sorte que c'est probablement une protéine,
et non un lipoïde qui intervient dans le rôle protecteur du cerveau; car la chaleur
(SC-ôO") n'altère pas les lipoïdes (?), et altère certaines protéines.
Déviation du complément. — D'après Bordet l'alexine est unique, et la sensibili-
satrice est variable selon chaque microbe (ou chaque cellule). « C'est toujours, dit-il
en un récent travail sur la question, la même arme dans tous les cas; c'est une
alexine uniipie, qui réagit avec les microbes les plus variés, et qui, sans (jue sa nature
change, est simplement dirigée contre un microbe ou contre un autre, grâce à la spé-
cificité des sensibilisations. »
Bordet a comparé le rôle des sensibilisatrices (ou ambocepteurs) au rôle chimique
des mordants dans la teinture des étoffes, qui sont nécessaires pour que sur une étoffe
se fixe telle ou telle couleur, même très diluée.
L'affinité de l'alexine (ou complément) pour les antigènes lorsque les antigènes ont
fixé la sensibilisatrice (ou ambocepleur) est si grande, que, lorsque l'on met en présence
un antigène sensibilisé, par exemple des globules de sang, avec un sérum chargé
d'alexine, en peu de temps ces globules se sont emparés de l'alexine, si bien qu'on ne
la retrouve plus dans le sérum. (Bordet et Gengou.) Quand, au lieu de globules, on met
en présence d'un sérum chargé d'alexine, c'est-à-dire non chauffé, des bactéries sensi-
bilisées, ces bactéries se comportent comme les globules et fixent l'alexine ou complé-
ment. Pour employer la terminologie d'EHRLicH, à peu près unanimement adoptée, ces
bactéries sensibilisées dévient le complément.
Nous indiquerons brièvement cette méthode ingénieuse, clairement exposée par
A. Delille {Anticorps, antigènes et déviation du complément. Monographies cliniques,
n» b5, 1909).
Les vibrions cholériques sont rapidement détruits par le sérum des cobayes immu-
nisés; mais deux substances sont nécessaires à cette bactériolyse; une substance
thermolabile, l'alexine ou complément, qui existe dans tous les sérums; et une sub-
IMMUNITE. 27
slance thermoslable, la sensibilisatrice ou aml)ocepteur. Si le sérum est chauffé, le
coiuplément a été détruit, les bactéries qu'où place dans ce sérum sont sensibilisées,
mais elles ne se désagrègent plus; car le complément fait défaut, et le complément est
nécessaire à celle désagrégation. On mélange ces microbes sensibilisés avec une petite
quantité de sérum frais; et le mélange alors cesse d'être hémolytique pour des globules
d'un sang étranger. Donc ce sérum a perdu une partie de ses propriétés normales : son
complément aura disparu. La seule explication, qu'on en puisse donner, c'est que les
bactéries sensibilisées ont fixé et dévié le complément. Phénomène qui indique qu'il y
avait un anticorps (ou ambocepteur, ou sensibilisatrice) qui s'était fixé sur les bactéries.
Par conséquent en employant la méthode de déviation du complément, on peut
indiquer la présence ou l'absence d'anticorps dans tel ou tel sérum.
« Pour déceler la présence d'un anticorps présumé dans un sérum donné, il suffit de
mettre en contact avec l'antigène correspondant un échantillon chauffé à 55° du sérum
en question, puis d'ajouter un sérum neuf. La déviation du complément (décelée par
l'absence d'hémolyse des globules sensibilisés ultérieurement ajoutés) manifestera
l'existence de ces anticorps. » (A. Delille, lac. cit., 22.)
La discussion détaillée du phénomène nous entraînerait trop loin. D'ailleurs on
trouvera à l'article Hémolyse (viii, 470) la question très amplement traitée.
Disons seulement que la méthode de déviation du complément (autrement dit
absorption de l'alexine du sérum par des microbes sensibilisés) a été appliquée à la
mesure du pouvoir antitoxique des sérums, et en clinique au sérodiagnostic de la
syphilis (Wassermann). Le liquide céphalo-rachidien des sujets syphilitiques contien-
drait un anticorps syphilitique. On a, paraît-il, des résultats positifs dans 40 p. 100 des
cas. Mais nous devons ajouter que d'autres hypothèses que celle d'un anticorps spéci-
fique peuvent être adoptées (action des lécithides).
En tout cas tous ces phénomènes établissent ces deux grandes lois, que nous avons
déjà mentionnées, mais qu'il faut mentionner encore : car elles dominent l'histoire de
l'immunité.
1" Chaque élément étranger à l'organisme, figuré ou non figuré, provoque la forma-
tion d'une substance qui lui esl antagoniste. L'antigène provoque un anticorps : et les
anticorps sont aussi spécifiques que les antigènes.
2° Ces anticorps sont inefficaces contre l'antigène, s'ils ne trouvent une substance
contenue normalement dans les humeurs, substance qui permet à l'anticorps de s'unir
avec l'antigène et de le détruire.
NicoLLE {Une conception générale des anticorps. Ann. de l'Institut Pasteur, 1908) a pro-
posé de tous ces phénomènes de réaction organique une généralisation hypothétique.
Il y aurait deux sortes d'anticorps, les coagulines (ou agglulinines), et les lysines, qui
ne peuvent agir qu'avec le concours de l'alexine (ou cytase, ou complément). Les coa-
gulines produiraient l'immunité, lès lysines produiraient l'anaphylaxie. On sait en
effet que l'immunité et l'anaphylaxie peuvent très bien coïncider (Ch. Richet, 1902).
Évidemment ce ne sont là que des pierres d'attente dans la théorie générale de l'im-
munité.
Quant aux relations de l'immunité avec la formation des précipitines et des agglu-
tinines, elles sont encore assez incertaines (voy. Sang).
B, Immunité acquise contre les parasites. — Au point de vue historique l'étude de
l'immunité et de l'immunisation contre les parasites (microbes, mycoses, sporozoaires)
a devancé de beaucoup l'immunisation contre les toxines; car on a connu les microbes
avant desavoir que la maladie et la mort étaient produites par les toxines qu'ils
sécrètent. Même l'immunisation contre les maladies a précédé l'immunisation contre
les microbes, puisque jusqu'à Pasteur on n'avait pas considéré la maladie comme un
phénomène dû exclusivement au parasitisme.
Aussi bien pour les maladies a-t-on presque de tout temps constaté qu'une première
atteinte immunise. Cela a été appliqué non pas à toutes les maladies, mais à beaucoup
d'entre elles. Pour la variole notamment, on avait remarqué qu'un individu qui avait
jadis contracté la variole était, par cela même, protégé contre une nouvelle atteinte. De
là la pratique de l'inoculation au xviu^ siècle.
L'inoculation était d'ailleurs un procédé assez barbare. Le génie de Jenner l'a rem-
28 IMMUNITE.
placée par la vaccination, qui confère rimmunité par rinoculation d'une maladie
légère, la vaccine, laquelle protège l'organisme contre une maladie grave, la variole,
voisine de la vaccine, mais difTérente d'elle.
Quoique la vaccination jennérienne soit le plus grand bienfait que la science médi-
cale aitapportt' à l'iiuniaïuti', la doctrine même en était resiée ignorée jusqu'à l'époque,
presque contemporaine, des travaux de Pasteur.
Avant les admirables travaux de Pasteur, Toussaint avait fait une expérience remar-
quable; injectant du sang ciiarbonneux, cliauHé à jj", il avait pu immuniser des ani-
maux contre le cbarbon. Pasteur, avec Chamiierland et Uoux, a pu généraliser et déve-
lopper cette belle expérience, si bien que la vaccination par le charbon atténué est
devenue une pratique agricole commune. 'D'ailleurs, au point de vue de la théorie,
l'expérience de Toussaint n'était pas tout à fait probante, car le sang, dans l'expérience
de Pasteur, était chauflé à 42" seulement, tandis que dans l'expérienoe de Toussaint
on ne pouvait décider si la chaleur avait agi en détruisant une toxine soluble ou en
atténuant un microbe.
Lue autre expérience de Pasteur, d'une précision irréprochable, allait ouvrir la voie
à de nouvelles découvertes et de nouvelles théorir-s.
Si l'on examine le microbe du choléra des poules cultivé méthridiquiMucnt dans du
bouillon, on constate :
1°) Que b's microbes, au fur et à mesure qu'ils végètent dans le licjuide, deviennent
de moins en moins nocifs, et que linalement ils doimeiit une maladie légère, au lieu de
la maladie grave, toujours mortelle, (juils pioduisaient d'abord; 2°) Que cette maladie
légère confère l'immunité, c'est-à-dire que les poules, (jui ont été rendues malades par
le microbe vieilli, deviennent réfractaires au microbe virulent ; .3»! Que le bouillon
où ont poussé les microbes est devenu impropre à la nutrition de ces mêmes microbes
(1880).
De là deux théories. Pasteur avait d'abord conçu la théorie de la soustraction,
d'après laquelle le milieu nutritif du microbe sang de l'animal, ou bouillon de culturel
aurait perdu quelques substances nécessaires au dt'veloppement de ce même microbe.
Or Cuauveau soutint avec raison (et Pasteur se rangea bien vile à son opiiiionj que,
rimmunité n'étant pas absolue, mais relative, il était impossible d'admettre la soustrac-
tion d'une substance nécessaire, qu'il était iloni; plus rationnel de supposer l'addition
de certaines substances nuisibles, produites par le microbe pendant sa prolifération,
et entravant, gênant l'évolution ultérieure.
Jusqu'alors il était impossible de savoir si la vaccination, c'est-à-dire le confert de
rimmunité, était due aux microbes évoluant dans un organisme ou aux produits
soiubles sécrétés par eux. Il fut bientôt établi que les produits soluldes ont une action
vaccinante. (Pour l'hisloriijue voir Ciiarrin, Traité de patholo(jie r/cnérale de Bouchard,
i89G, M, 280). WooDHiDGK d'abord avait supposé, sans prendre nettement position, que la
toxine du charbon immunise contre la bactéridie charbonneuse. Salmon et Smith, chauf-
fant des cultures de chob'-ra-hog à i>9°, G0°, ce qui est insuflîsant pour détruire les
spores, immunisèrent des pigeons contre le microbe du choléra-hog. Mais c'est surtout
Charrin qui a rendu indiscutable la vaccination par produits soiubles (1887). En chauf-
fant à iiij° des cultures du bacille pyocyanique, il a rendu la résistance du lapin (à
l'inoculation du microbe) complète et durable : par conséquent il a produit l'immunité
en injectant préalablement les cultures de ce microbe.
En peu de temps ce procédé de vaccination est devenu général, et la démonstration
en a été surabondante; par Roux et Chamberland contre l'œdème malin; par Mastbaum
contre le rouget du porc; par Roger, Mironoff, Marmorek, contre le streptocoque; par
divers auteurs contre la dolhiénenterie, le pneumocoque, le choléra indien, la
diftérie, etc.
Nous allons examiner brièvement quelques-unes des conditions de cette immunisa-
tion.
Elle est en grande partie spécifique, c'est-à-dire que l'immunité conférée contre un
microbe n'entraîne pas l'immunité contre un autre microbe. On pouvait le pré-
voir, en se rappelant qu'un individu qui a eu des pustules vaccinales peut être sujet à
diverses maladies infectieuses, autres que la variole. Cependant on n'a pas le droit
IMMUNITÉ. 29
d'admettre une spécificité absolue, puisque aussi bien la vaccine et la variole ne sont
pas identiques, et que, malgré cela, la vaccine protège contre la variole. Le sang des
animaux qu'on a immunisés contre le charbon protège contre le vibrion 'septique
(Dunschmann). L'infection par le Proteus vidgaris augmente la résistance contre le
choléra indien, et réciproquement (Sobernheim). On a donc pu penser à des méthodes
bactério-thérapeutiques pour guérir certaines infections par d'autres infections. Toute-
fois, d'une manière générale, c'est la spécificité qui est la règle, pour les immunités
contre microbes, aussi bien que pour les immunités contre toxines.
L'immunité contre microbes ne s'observe guère chez les invertébrés, ou du moins
les expériences sont insuffisantes. Kowalesky [Arch. de zool. exp., 189S, m, 591) n'a pu
en toute certitude protéger les myriapodes contre la bactéridie charbonneuse.
Gheorghiewskv, dans le laboratoire de Meïchnikoff, n'a pu produire qu'une faible
immunisation des grenouilles contre le charbon {Ann. de l'inst. Pasteur, 1899, xiii, 314).
Aussi presque toutes les recherches relatives àl'immunité portent-elles sur les animaux
à sang chaud : et ces recherches sont actuellement (fév. 1910) innombrables. La multi-
plicité des faits, parfois incomplètement observés, toujours trop hâtivement généra-
lisés, donne, à cette histoire de l'immunité acquise contre les microbes, une apparenc»
chaotique qui est celle de toutes les sciences en voie d'évolution.
Deux théories principales sont en présence, et il paraît tout à fait vain de les
opposer l'une à. l'autre ; car selon toute vraisemblance elles sont vraies l'une et l'autre,
mais plus ou moins complètement applicables dans tel ou tel cas spécial, selon la
nature, et de l'organisme infecté, et du parasite infectant. Nous distinguerons donc ;
1° une théorie humorale, chimique, d'après laquelle les microbes sont détruits par une
substance chimique (ou empêchés dans leur évolution); 2" une théorie cellulaire, biolo-
gique, d'après laquelle les microbes sont digérés par les phagocytes, ou par les cellules
de l'organisme, douées d'un actif pouvoir cytolytique. A vrai dire, comme il a été
exposé plus haut, ces deux théories, en dernière analyse, arrivent à se confondre:
car l'action des phagocytes ne se comprend que si l'on admet un phénomène chimique
de digestion par les sucs cytoly tiques sécrétés par les phagocytes.
L'action bactéricide des humeurs est un phénomène découvert par Fodor, Ncjttall,
BiJCHNER. Elle est absolument démontrée pour l'immunité normale. Si l'on ensemence
un nombre déterminé de microbes dans du sérum, on les verra d'abord dimitmer,
puis en quelques heures complètement disparaître. Chez les animaux rendus réfrac-
taires par la vaccination, quel que soit d'ailleurs le procédé de vaccination, l'action
bactéricide du sérum est énormément accrue. Behring et Nissen d'abord, mais surtout
Pfeiffer ont très bien établi ce phénomène fondamental de la bactériologie (1894-1896).
Pfeiffuu, en injectant le vibrion cholérique dans le péritoine des cobayes, a vu que, si
des cobayes sont immunisés contre le vibrion cholérique, leur liquide péritonéal a
acquis la propriété de dissoudre ces vibrions, de les désagréger en granulations,
tandis que chez les animaux normaux le liquide péritonéal n'a pas ce pouvoir bacté-
riolytique, et que, malgré la phagocytose active qui se produit alors, pour peu que la
quantité des vibrions injectés soit suffisante, le cobaye meurt infecté. On appelle ajuste
titre phénomène de Pfeiffer cette dissolution granuleuse des bactéries par les humeurs
organiques.
BoRDET a ajouté à cette donnée essentielle une autre notion très importante. Il a vu
que, pour que les microbes fussent détruits par les humeurs des animaux immunisés,
il fallait deux substances analogues à celles qu'il avait découvertes en étudiant l'hémo-
lyse normale ; une substance thermolabile, que détruit une température de 55°, véri
table alexine ou cytase; et une autre substance résistant à la chaleur de 5.j°, substance
qui n'existe que chez les animaux immunisés. De sorte que, si l'on chauffe au-dessus
de 55° la lymphe péritonéale d'un cobaye immunisé, cette lymphe ne pourra plus dis-
soudre les bactéries, mais elle reprendra son pouvoir bactérioly tique dès qu'on lui
aura ajouté quelques traces de la lymphe d'un cobaye normal. Le concours de deux
substances est nécessaire aussi bien pour la dissolution des microbes, que pour celles
des hématies.
La sensibilisatrice des animaux immunisés est spécifique; c'est-à-dire agissant sur
une seule variété de microbes. Si l'on injecte simultanément des microbes d'espèce
30 IMMUNITE.
(Ufférente, ou a des sérums poh/ralent^: cliaqne sensibilisatrice agissant comme si oUe
était seule.
E. METCHNiKori-, le savant propagateur de la tlu'orie oeliulaiiv, pliagocylaire, n'ac-
cepte pas sous cette forme le rôle cytolytique des humeurs; et il donne, pour appuyer
sou opinion, d'intéressantes expériences. D'après lui, il faut attribuer à la phagocytose
un rôle beaucoup plus important dans l'immunili' acijuise qu'au phônomt-ne de I'if.ifker
[loc. cit., 238). En efTet les animaux parfaileint'nt immunisés contre le viliriou cholé-
rique, et chez qui la transformation gianuleuse est active, n'ont i)as dans toutes leurs
humeurs de substance bactériolytique. injectés sous la peau ou dans l'humeui" aqueuse
des animaux immunisés, les vibrions cholériques continuent à vivre, ef ne sont pas
détruits. Ils ne sont attaqués que là où il y a des leucocytes.
L'expérience suivante parait surtout décisive. Elle est due à Cantacuzè.nk, un élève
de Metcumkoit {Ann. de l'Iust. Pusleur, t89s, xii, 288> .Si l'on injecte à des cobayes
immunisés une forte dose d'opium, non mortelle, mais suffisante jiour paralyser l'acti-
vité des leucocytes, ces animaux, quoique immunisés, succombent à l'iuleclioii par le
vibrion cholérique. S'ils n'ont pas résisté, c'est (jue leurs leucocytes avaient été paralysés
par la morphine. Oi'hel a répété ces expériences (1901) avec le bacille typhique. Des
cobayes, bien immunisés cependant, meurent, quand ils sont morphines, à la suite d'une
infection typhique. De même aussi (Ihkorgiewsky (i-ln/i. de rinst. Pasteur, 1899, xiii, 308)
a pu par la morphine paralyser les leucocytes de cobayes immunisés contre le bacille
pyocyanique, et empêcher ainsi leur immunité de se nianil'oster.
Dans diverses infections encore on voit nettement (jue le pouvoir bactériolytique du
sang et l'immunité ne sont pas deux phénomènes lie» l'un h l'autre. Le sérum des lapins
vaccinés contre le roufiel des porcs est un milieu de culture pour le microbe (Mesml).
Chez les rats vaccinés contre la l»actéridie et chez les rats normaux, le sérum est éga-
lement bactéricide; tandis que la lymphe des exsudats cutanés, chez les immunisés
comme chez les normaux, est également dépourvue de pouvoir bactéricide (Switciie.nko).
Le sérum des rats blancs immunisés contre le trypanosome n'a aucum' action bactéri-
cide (Laveuan et Mesnil).
On trouvera dans Iîôhme [Bacteriolytif^che Sera. Handb. dcr Tcchnik imd Mcthodik
der Immunildtsforschwig. de Kracs et Levauitf, ii, 1909, 378-4G2i l'histoire détaillée de
tous les sérums bactériolytiques des animaux immunisés: contre le typhus (Pi-eiffer), le
paratyphus, le choléra, la dysenterie, le bacille pyocyanique, avec les procédés do pré-
paration et d'immunisation que la pratique a montrés utiles.
L'expérience a établi que pour tous ces sérums bactériolytiques deux substances
sont nécessaires; l'alexine du sérum normal, et la fixatrice, spécifique, dérivant de
l'immunisation.
Pour Metcun'ikoi-k, l'analogie est complète entre ce processus bactéiiolylique et la
digestion pancréatique des matières albuminoïdes. Rappelons que l'albumine et la
fibrine sont digérées par le concours de deux ferments : la trypsine et l'entérokinase.
La trypsine, ferment du pancréas, mise en présence de fibrine, est inactive quand elle
est pure; mais, dès que la fibrine a subi le contact de l'entérokinase sécrétée par
l'intestin, alors elle est attaquée par la trypsine, quoique l'entérokinase, à elle seule,
n'ait pas d'action digestive. Nous pouvons donc considérer la destruction des microbes
par un sérum comme un phénomène de digestion (par des leucocytes) analogue à la
digestion pancréatique. Alors, dans cette digestion, deux ferments interviennent : le
ferment digestif proprement dit (trypsine ou alexine du sérum) et le ferment sensibilisa-
teur (entérokinase de l'intestin, ou sensibilisatrice du sérum des animaux immunisés;.
Poussant plus loin la théorie du phénomène, Metchmkoff considère que- ces deux
ferments bactériolytiques sont sécrétés par les leucocytes du sang. Si dans le sang nor-
mal on trouve des substances bactéricides, c'est que les leucocytes du sang, après la
mort, se sont dissous et ont abandonné leur ferment {ci/tase d'après Metchnikoff, plus
ou moins analogue à l'alexine de BCchner . Au laboratoire de Metchnikoff, Gengou
et BoRDET ont recueilli du sang dans des tubes paraffinés, de manière à empêcher le
contact des leucocytes avec une paroi étrangère, paroi qui stinmie leur activité, et ils
ont constaté que ce liquide, qui a les propriétés du sang véritable, circulant, et non pas
du sang mort, n'a pas de puissance bactéricide, in vitro. De même qu'il n'y a pas de
IMMUNITE. 31
fibrin-feinient dans le sang normal, lequel circule sans se coaguler, de mêreie il n'y a
pas de ferineiiL bactéricide dans le sang normal qui circule. Il faut la stimulation (ou la
destruction) des leucocytes pour que ce ferment se libère dans le sang. {Ann. de l'Inst.
Pasteur, 1901, xv, 232.)
Chez les animaux immunisés, comme chez les normaux, la cytase n'est libérée que
par la stimulation des leucocytes. Or ce sont précisément les microbes ou leurs toxines
qui mettent'on jeu le chiniiotropisme des leucocytes, lequel provoque cette formation
de ferments bactériolyliques, et par conséquent le phénomène de Pfeiffer. Il s'ensui-
vrait que le phénomène de Pfeiffer, c'est la destruction granuleuse des microbes par
les ferments que ces mêmes microbes ou leurs toxines ont stimulé les leucocytes à
dégager et à verser dans le sérum.
Cette substance stimulatrice, qui apparaît dans le sérum des animaux immunisés,
c'est Vopsonine. Metchnikoff l'avait à un moment dénommée stîmuline. Son existence avait
été mise hors de doute par les expériences de Denys et Leclef, montrant que l'arrêt
du développement des microbes est plus marqué, quand on ajoute aux leucocytes de
i'immun-sérum. Marciia.nd avait établi que des steptrocoques virulents, qui poussent
parfaitement bien dans le sérum de lapin normal, cessent de pousser quand on les
met en contact avec les leucocytes d'un lapin immunisé.
En 1903, Wright et Douglas firent l'étude méthodique de cette substance favorisante
ou stimulante, et ils l'appelèrent l'opsonine. Ils constatèrent d'abord que le Staphylococcus
aitreim n'est phagocyté par les leucocytes humains que si l'on ajoute un peu de sérum;
donc qu'il y a dans ce sérum une substance préparant la phagocytose, substance qu'ils
appelèrent Vopsonine. (Voir Levaditi et Injia.nn. Handb. der Technik und Meth. dey Immii-
nitàtsforsclmny, de Kraus et Levaditi, 1909, ii, 342-366). Cette opsonine est détruite
par la chaleur de 60°. Elle est probablement identique à l'ambocepteur d'EHRUcH, et elle
a la propriété de permettre aux leucocytes de phagocyter les microbes.
Cependant il est prouvé que, même sans opsonine, il y a encore possibilité de phago-
cytose. LoKLiiiN, après avoir centrifugé soigneusement des leucocytes, a constaté que
leur pouvoir phagocytaire était encore très fort. (V. Leucocyte, Phagocytose.)
Le rôle des opsonines n'en est pas moins très important; car, soit dans le sérum nor-
mal, soit, plus manifestement encore, dans le sérum des animaux immunisés, les opso-
nines accélèrent et favorisent notablement la phagocytose. L'opsonine a la propriété de
se fixer sur les bactéries, à la manière des teintures qui se fixent sur un tissu, et d'y
rester adhérente malgré des lavages répétés. C'est seulement après cette imprégnation
du microbe par l'opsonine, que le leucocyte peut, en règle générale, le phagocyter et le
dissoudre. Le sang normal contient peu d'opsonine. Le sang des immunisés en contient
beaucoup: ce serait là la principale raison pour laquelle le sang des immunisés est nocif
aux microbes qui y sont injectés.
Wright a appelé indice opsonique le rapport entre le nombre des bactéries phagocytées
par un sérum normal, et le nombre des mêmes bactéries phagocytées en des conditions
identiques par un immun-sérum. Nous n'avons pas à indiquer ici la technique de cette
méthode, mais seulement le principe, qui est simple. On fait réagir des leucocytes sur
une émuliion bactérienne, et on compte la proportion des bactéries qui ont été incluses
par 100 leucocytes après l'action de tel ou tel sérum. Soit A la proportion trouvée après
addition de sérum normal, B la proportion trouvée après addition de tel ou tel sérum,
A
l'indice opsonique sera, pour ce sérum, de -. La méthode est assez précise pour être
applicable à la clinique.
Agglutinines et précipitines. — De même que pour l'immunité contre toxines
rimmunité contre microbes paraît être sans rapport causal avec la formation des agglu-
tinines ou des précipitines. Quoiqu'il soit assez peu satisfaisant de multiplier outre
mesure h > espèces chimiques iou, si l'on veut, les fonctions) des humeurs organiques,
on est bien forcé de constater que la fonction agglutinante diffère de la fonction bacté-
riolytique. de la fonction antitoxique, de la fonction précipitante, de la fonction sensi-
bilisante; et que ces diverses fonctions sont, dans les multiples expériences invoquées,
tantôt indépendantes, tantôt dépendantes l'une de l'autre. Widal, dans ses belles
études sur le séro-diagnostic et l'agglutination de la fièvre typhoïde, a bien montré que
3S
IMMUNITE.
la réaction de l'agglutination inii^iuait ItHat d'infection plutôt que l'état d'immunité
Toutefois le seul fait mécanique de l'agglutination des microbes, par conséquent
d'une aptitude moindre à la mobilité et à la pullulation, semble en soi une condition qui
doit contribuer à l'immunité des organismes contre un microbe. Les observations de
P. CouRMONT sur ce point sont tout à fait probantes. Sans que l'agglutination et l'immu-
nité soient absolument synergiques, il n'en est pas moins vrai que, dans les infections
graves, le pouvoir d'agglutination disparait: qu'elle est très nette dans ces mêmes
infections légères, de sorte qu'on peut par l'agglutination établir une sorte de séro-
pronostic {Précis de path. ycnér., 1908, 905;.
La théorie d'EiiuLiCH sur la formation des antitoxines peut s'appliquer aussi à la
lutte de l'organisme contre les microbes et à la formation d'un immun-sérum.
Il suffit d'appliquer au microbe le schéma, indiqué plus haut, de la cellule vivante.
Alors on accordera au microbe un récepteur (homologue de la chaîne latérale , capable
R.V
FiG. 2.
PiQ. 1. Schéma Je l'aclion sur un microbe d'un sérum Lactéricide (alexine et sensibilisatrice) d'après ta théorie
rf'EHBLICH.
M. Microbe. R. Récepteur (chaîne latérale) de ce microbe. S. Sensibilisatrice (ou ambocoptour) composée ilo
doux parties; c. groupe complémentophile : h. groupe haptopliore. A. Alexine (ou complcmeut) composée
de Jeux parties; z, groupe zvmolique; A, groupe haptophorc.
FiG. 2. Schéma de l'action de la toxine sur une cellule, et de la production de l'antitoxine (mise en librrté des
récepteurs ou cliaines latérales) d'après la théorie (rEllRLKH.
C Cellule. Ri. Récepteur (chaîne latérale). T. Toxine avec son groupe toxophore (/) et son groupe haptopliore
(h) qui s'unit à la chaîne latérale R'.
A la droite de la figure on a figuré une toxine libre T unie à un récepteur devenu libre (R/). L'union Je la
toxine et du récepteur représente l'antitoxine.
de s'unir aux antito.xines : cette combinaison détruit la cellule microbienne. Mais,
pour que cette combinaison s'effectue, deux éléments sont nécessaires, l'alexine (ou
complément) et la sensibilisatrice (ou ambocepteur . L'ambocepteur est le lien qui
permet à l'alexine de s'unir au microbe et de le détruire. Il est spécifique, c'est-à-
dire il constitue la substance spécifique qui caractérise tels ou tels immun-sérums,
tandis que le complément est plus ou moins banal, existant dans le sérum de tout
animal, normal ou immunisé. Ainsi la notion de la bactériolyse se rattache à celle de
l'action antitoxique.
Les deux schémas ci-joints, d'après Courmont, permettent de comprendre cette ingé-
nieuse théorie.
DE QUELQUES-UNES DES CONDITIONS DE L'IMMUNITÉ.
Immunité passive et immunité active. — On appelle depuis [Ehrlich immunité
passive celle qui est conférée par la sérothérapie, c'est-à-dire par le sérum injecté dans
les veines ou inoculé sous la peau. En fait, immunité passive suppose qu'il n'y a pas
d'organismes vivants microbiens injectés en même temps que le sang.
L'expérience de Maurice Raynaud (1877), qu'on a parfois regardée comme étant la
première en date pour établir l'efficacité des transfusions de sang ou de sérum dans le
IMMUNITE. 33
conTert de l'immunité, n'est pas du tout une expérience d'immunité passive; car
M. Ray.x.vud injectait le sang d'une génisse en éruption vaccinale, par conséquent dont
le sang contenait des germes vivants, et la transfusion de ce sang était équivalente à
une injection microbienne. Donc on ne peut parler d'immunité passive, puisque le sang
injecté contenait des germes vivants.
L'immunité passive est déterminée par l'injecliou des antitoxines contenues dans
le san" des animaux : A, normalement réfractaires; lî, immutiisés par un procédé quel-
conque.
A. l-e sang des animaux normalement réfractaires ne confère qu'une immunité très
imparfaite, si tant est même qu'on puisse parlei- d'immunité. En elTet, dans le sang
normal il n'y a que des quantités très faibles d'antitoxine, et elles sont tout à fait
impuissantes à neutraliser les toxines du microbe. Donc, si un animal est réfractaire
à telle ou telle infection, c'est surtout, et presque exclusivement, comme Metchnikoff
l'a si bien établi, parce que les leucocytes de cet animal ont un pouvoir phagocytaire
considérable. Or les leucocytes d'un animal, transportés dans le sang d'un autre ani-
mal ne vivent pas, ou tout au moins ne se reproduisent pas, de sorte que leur action est
très limitée et s'éteint vite. Ajoutons qu'on fait presque toujours des injections de
sérum, et non de sang complet : or, dans ce cas, bien évidemment, on n'injecte pas de
leucocytes. On comprend donc que l'injection du sérum des normalement réfractaires
est presque sans effet.
B. Le sang des animaux immunisés, — quel que soit le procédé employé pour cette
immunisation — est plus efficace que le sang des normalement réfractaires; car alors
il agit par les substances antitoxiques qu'il contient. L'étude de ce pouvoir antitoxique
du sérum (spécialement dans la diftérie et le tétanos) a été faite d'une manière adtni-
rable par de nombreux investigateurs, et nous n'avons pas à entrer dans tous les
détails, si intéressants qu'ils soient, de cette immunisation. (V. Sérothérapie.)
Pourtant nous devons examiner les diverses bypothèses proposées. Elles sont toutes
appuyées sur quelques faits, toutes contredites par d'autres; ce qui fait penser naturel-
lement qu'il n'y a pas de loi générale, et absolue, et universelle, pour le mode d'action
des sérums.
1° Le sang des immunisés (ou l'antitoxine de leur sang) ralentit le développement,
la puUulalion des germes, par ses propriétés bactériolytiques. Par là s'explique
l'action préventive des sérums, incontestable dans certains cas, par exemple pour le
sérum antipesteux.
On emploie maintenant le sérum diftéritique comme préventif et prophylactique
de la diftérie. Le sérum antitétanique, injecté à des chevaux, les préserve du tétanos.
NoGARD (cité par P.Courmont, loc.cit., p. 966) donne une statistique d'après laquelle sur
2 527 chevaux opérés et injectés préventivement avec du sérum, pas un n'a pris le
tétanos, tandis -que sur les chevaux non traités (quel nombre?) il y avait 191 cas. Charrin
et Roger ont observé que le sérum des cobayes vaccinés contre le charbon est encore
apte à la culture de la bactéridie, mais que la végétation y est lente, incomplète. Dans
le sérum des animaux vaccinés contre le bacille pyocyanique, le bacille perd bientôt sa
fonction chromogéne.
En somme dans le sérum des animaux immunisés la virulence diminue, absolu-
ment comme elle diminue dans les milieux nutritifs défavorables, ou en présence de
certaines substances faiblement antiseptiques, encore que l'action paralysante d'un
sérum sur le croit des microbes ne puisse guère être comparée à l'action d'un véritable
antiseptique.
Ainsi, dans ces cas, qui sont assez restreints d'ailleurs, le sang des immunisés agit
comme un antiseptiiiue faible.
i° Le sang des immunisés stimule la phagocytose de l'animal à qui on l'injecte et
par conséquent accroît sa force de résistance, en stimulant aussi bien la réaction des
leucocytes que celle des autres cellules de l'organisme et spécialement des cellules ner-
veuses.
3° Le sang des immunisés neutralise les toxines produites par les microbes, et par
conséquent aimule l'elïet nocif que ces toxines exercent sur l'organisme. Cette neutra-
lisation des poisons produits par le microbe empêche l'animal infecté de mourir. Elle
DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME IX. 3
34 IMMUNITE.
permet donc au microbe de poursuivre toute son évolution et de produire les sub-
stances empêchantes qui vont limiter sa multiplication. On peut supposer que c'est là
l'action la plus efficace du sérum des immunisés : son principal effet est la neutralisa-
tion des toxines dans le sens chimique du mot icomme un alcool neutralise un acide,
en faisant un étherV Les limites de réaction entre l'antitoxine et la toxine se rappro-
chent en effet beaucoup des limites de rétht'-rification.
Des degrés de l'immunité. — Le sang d'un animal immune A injecté à un autre
animal H, confère une immunité plus passagère et moins intense que si l'animal B est
directement immunisé. Autrement dit l'immunité active est plus efficace et plus pro-
longée que l'immunité passive.
D'autre part, un animal immunisé contre une infection par une toxine est beaucoup
moins solidement et durablement immunisé que s'il l'a été par une infection micro-
bienne. Il s'ensuit (jtie l'immunité est à son maximum d'intensité quand elle est conférée
par une infection microbienne.
A vrai dire cette longue et prolongée immunité, due à une infection qui a évolué,
— comme l'immunité des individus vaccinés, qui restent parfois pour trente ans et
davantage protégés contre la variole — est assez déconcertante pour toutes les théories
jusqu'à présent proposées. On comprend tant bien que mal, par la théorie d'EHRLicH,
ou par celle de Bobdet, ou par celle de Mktchnikofi-, qu'il y ait pendant quelques jours,
quelques semaines, ou même quelques mois, immunité conservée. .Mais déjà il est dif-
ficile de se rendre compte du mécanisme qui prolonge et continue la sécrétion anti-
toxique; et il est plus difficile encore de concevoir cette fonction antitoxique comme
devenue stable, définitive, faisant partie intégrante de l'organisme, si bien qu'un indi-
vidu vacciné il y a quarante ans n'est pas encore revenu à l'état normal, puisque, par
le fait de la vaccination, ses humeurs ou ses cellules ont acquis des propriétés spéciales
par lesquelles il diffère des autres individus.
Ce qu'on appelle l'état normal est impossible à préciser. L'n individu de quarante
ans a été sujet, pendant ces quarante ans, à des infections multiples. Celles-ci ont
parfois passé inaperçues^, d'autres fois elles ont été très accentut'-es. Toutes ont cepen-
dant modifié d'une manière permanente l'étal de ses humeurs. Par suite des diverses
antitoxines que son sang contient, et doit contenir, fût-ce on très petite quantité, son
sang est différent du sang d'un autre individu qui a subi d'autres injections. De là la
personnalité biologique des individus d'une même espèce et d'une même race;
c'est-à-dire l'idiosyncrasie. Si à cette idiosyncrasie acquise, résultant d'événements indi-
viduels propres à chacun, accidentels, fortuits et complexes, nous ajoutons l'idiosyn-
crasie naturelle, due à des transmissions héréditaires, nous pouvons comprendre com-
ment le même poison, la même mfection n'ont jamais des effets rigoureusement
identiques chez les divers individus.
L'expérience pourrait être tentée en comparant les variations de la vulnérabilité (aux
toxines et aux infections) chez les adultes et chez les nouveau-nés. Il est probable que
les variations seraient grandes chez les adultes, tandis qu'elles seraient faibles, presque
nulles, chez les nouveau-nés et les très jeunes sujets. On aurait ainsi prouvé que, par le
fait des infections antécédentes, la réceptivité de chaque individu a notablement
changé.
En tout cas il est établi par cjuantité de preuves que l'imnmnisation par une infection
est beaucoup plus profonde, et plus durable, et plus stable, que par la toxine de cette
infection. Est-ce parce qu'une toxine, préparée par des moyens chimiques nécessaire-
ment offensifs, est moins puissante pour l'immunisation que les produits bactériens non
altérés? Est-ce parce que l'intoxication a été lente, progressive, prolongée? Nous
sommes réduits à des hypothèses. Nous devons seulement constater ce fait essentiel
que parfois l'immunité persiste indéfiniment, et que la cause de celte immunité ne
réside pas dans une sécrétion prolongée des antitoxines; car dans ces cas il n'y a pas
d'antitoxines. Il faut donc nécessairement admettre que les cellules organiques (système
nerveux ou leucocytes) ont été, par une maladie qui semblait passagère, modifiées
d'une manière durable, voire même définitive, dans leur constitution chimique.
Voies diverses dUntroduction des toxines et des parasites au point de vue
de l'immunité. — D'une manière générale on peut dire qu'à l'élat normal, quand il
IMMUNITE. 35
n'y a pas de traumatisme, la résistance des organismes supérieurs aux toxines et aux
parasites est à peu près parfaite. La peau, avec son, épaisse couche épidermiqiie, n'absorbe
pas les poisons liquides ou solubles, encore moins les particules solides. Tout au plus
est-elle (très faiblement) perméable aux gaz, ot encore cette pénétration des gaz dans le
système circulatoire par la peau intacte n'a-t-elle presque jamais grande importance.
Les bactéries les plus virulentes, si la peau est intacte, ne pénètrent pas et sont inofTen-
sives.
A l'état naturel, c'est-à-dire quand il n'y a pas de traumatisme, il ne peut y
avoir pénétration des toxines ou des microbes que par les muqueuses aérienne et
digestive.
Pour les toxines il n'est pas douteux qu'elles puissent être absorbées quand elles
sont introduites dans le poumon, car l'absorption pulmonaire des liquides se fait très
rapidement et sans obstacle; mais il n'y a introduction de toxines dans les voies pulmo-
naires que par une sorte de traumatisme avec effraction, et dans les expériences de
laboratoire.
Il n'en est pas de même des microbes qui, à l'état de spores ou à l'état adulte, sont
inhalés avec l'air atmosphérique. Il n'est pas douteux que l'infection puisse se faire
par cette voie. Mais la défense de l'organisme est tellement active que ce procédé d'in-
fection, pour être efficace, exige de grandes quantités de germes pathogènes. Nous inha-
lons dans les conditions ordinaires à peu près 60000 germes par jour, et ces germes,
dont la [dupart à la vérité ne sont pas pathogènes, ne causent aucun dommage à la
santé. Remarquons de nouveau que dire d'un germe qu'il n'est pas pathogène, cela
veut dire qu'il est immédiatement détruit par les humeurs ou les phagocytes; car .sur
un animal mort ce germe non pathogène croît, pullule et se répand dans toutes les
parties du corps. Donc les tissus épithéliaux du poumon et les leucocytes de la circu-
lation pulmonaire doivent être destructeurs des germes non pathogènes avec une
extrême activité. Le mucus nasal est bactéricide (R. Wurtz et Lermoyez, B. B., 189.3,
756). Les cils vibratiles de la paroi nasale, de la trachée et des bronches chassent les
particules solides qui y pénètrent. En introduisant des B. anfhracis dans le poumon des
animaux normaux. Morse, Wyssokovitch et Hildebrand n'ont jamais pu reproduire la
maladie charbonneuse. 11 est vrai que Bûghner est arrivé à un résultat opposé (cités
par Metchnikoff, loc. cit., 432]. Cela prouve seulement que l'immunisation par les
voies aériennes n'est pas d'une efficacité absolue, et qu'on finit par la vaincre en injec-
tant de grandes quantités de germes.
La question a un intérêt tout spécial pour l'infection tuberculeuse. D'une part en
effet il est évident que nous avons tous, plus ou moins, à un moment de notre existence,
respiré des bacilles tuberculeux, sans contracter la tuberculose. D'autre part en faisant
respirera des animaux des poussières de crachats tuberculeux desséchés, onleurconfère
une tuberculose aiguë. Mais, d'après Calmette, dans ce cas il y aurait infection digestive
plutôt qu'infection par les voies aériennes. En tout cas, quand les germes pathogènes
sont en prodigieux excès, il ne peut y avoir d'immunisation assez puissante pour une
protection efficace.
D'ailleurs la nature a ajouté aux défenses d'ordre chimique des défenses d'ordre
névro-musculaire, mécaniques pour ainsi dire. Les réflexes expulsifs de l'éternuement et
de la toux protègent contre toute altération de la muqueuse respiratoire par des para-
sites. La toux des tuberculeux est un phénomène de défense, et détermine l'expulsion
de quantité de germes.
Quant ù la conjonctive oculaire, qu'on peut considérer à certains points de vue
comme relevant de la muqueuse respiratoire, elle n'est pas très facilement attaquée par
les microbes. Il semble que les larmes aient quelque pouvoir bactéricide (Ber.\heim,
Bach, cités par Metghmkoff, loc. cit., 428). En outre la sensibilité de la conjonctive est
tellement délicate que la moindre atteinte, chimique ou mécanique, provoque aussitôt
un tlux abondant de larmes qui entraîne l'expulsion du corps étranger.
Dans le tube digestif, bien plus exposé aux intoxications et aux infections, les
défenses sont multiples (V. Défense (Fonctions de), iv, 699).
Les toxines et les liqueurs putrides sont le plus souvent accompagnées de produits
volatils nauséabonds, (jui exhalent une odeur suffisante pour produire un dégoût, qui va
36 IMMUNITE.
jusqu'au vomissement. Mais, même dans le cas où celte défense primitive ne suffirait
pas, apparaissent des réactions chimiques dans le tube digestif, qui neutralisent ou
désagrègent les toxines et les microbes. Il y a des épilliéliiims protecteurs qui oITrent,
comme l'épiderme, une barrière aux agents d'infection. Il y a enfin des cellules phago-
cytaires très actives qui contribuent à l'annihilation des parasites olïensifs.
La bouche, si exposée aux infections de toutes sortes, puisque elle est en même
temps la première voie digeslive et la première voie aérienne, est munie d'un épithé-
lium de revêtement qui assure l'immunité. Cela est nécessaire, car d'une part les
microbes de la bouche sont extrêmement abondants, d'autre part la salive n'est que
très peu bactéricide. Quoique Sanahelli ait cherché à prouver tiue la salive est anti-
septique, cela est difficile à admettre, puisque la salive peut être regardée comme un
bouillon de culture assez favorable pour la plupart des microbes. IIugensciimiut iAnn.
de rinstitut Patiteur, 1896, x, ;i4o) ne l'a pas trouvée bactéricide, ou à peine. Il admet,
avec Metchnikofk, que son rôle est surtout de stimuler la réaction phagocytaire des
leucocytes. Quant aux toxines, il paraît que la ptyaline neutralise le venin des serpents
Wehrmann, cité par Metchnikofk, loc.cit., p. 437).
Le suc gastrique est antiseptique et antitoxique. Sur les toxines son action est mani-
feste; il les digère et les décompose. Son action est faible sur le venin des ser()eiits,
mais sur les toxines diftérique, tétanique, et les antres toxines microbiennes sa puis-
sance de destruction est considérable. Aussi ne peut-on guère avec des toxines micro-
biennes intoxiijuer les animaux par la voie digestive.
Déjà avec les poisons ordinaires par la voie gastrique il faut des doses beaucoup plus
fortes que par la voie veineuse. J'ai vu que le chlorure de potassium tue à dose au
moins dix fois plus faible, quand il est injecté par les veines que quand il est ingéré
(Trac, du lab. de phyuiol., ii, 1803, 4i6).' Maurel a fait une bonne étude comparative de
ces différences de toxicité suivant la voie {Comparaison nu point de vue f/<?s doftcs ininima
77iortelles entre la voie sous-cutanée et la voie veineuse. B. B., 1909, 782) et il a dr- ■^isé le
tableau suivant, très instructif. La dose mortelle par voie veineuse étant do I, li dose
mortelle par voie gastrique a été chez le lapin :
BLchloriire de mercure 8
Salfocyanurc de K 7
Chlorhydrate d'cmétinc 5
Bronihydrate de raféine 4
Broinliydrate de quiuiae .... 21
Sulfate de strychnine 6
. Sulfate de spartéinc 17
Convallamarine 80
Strophantiue 133
Ouatiaine 6G
Digitaline 7
Ainsi, pour des raisons multiples (lenteur de l'absorption, digestion peptique, fixa-
tion dans le foie, etc.), il y a une remarquable immunité (de fait) contre tous le- poi-
sons, quels qu'ils soient, introduits par ingestion. .Miis, si ces poisons sont des toxines
ou des albumotoxines, alors presque toujours ils sont digérés par le suc i-'asirique, et
l'immunité est absolue.
Notons seulement quelques exceptions. Ehrlich a prouvé que l'abrine n'élait pas
détruite par les sucs de l'estomac. Il a pu vacciner des animaux contre l'abrine. eu leur
faisant ingéier de petits gâteaux de farine, dans lesquels il avait incorporé <le l'ab' ine.
D'après van Ermengen (cité par Metchnikoff, 440) la toxine du bacille botulinique n'est
pas détruite dans l'estomac.
En règle générale on ne peut ni intoxiquer, ni immuniser par la voie digestive.
Mais il est permis de penser qu'on trouvera quelque jour des substances qui. comme
l'abrine, passeront dans le sang sans être tran-foimées par les sucs dig ^tifs, ni
altérées par le passage à travers le foie. La non-immu!ii>ation par les voies diges-
tives dépend seulement de l'actiori chimiqU'i de^ sucs digestifs sur la rdu.Mit des
toxines.
IMMUNITÉ. 37
Contre les microbes le suc gastrique agit à la manière d'un antiseptique faible. J'ai
montré, en même temps qu'ALiiKinoM (1878), que cette action a'.itisepti(iue du suc gas-
lrii|ue était due à l'acide clilorliydritiue ; car le suc gastri(jue bouilli est tout aussi
antiseptique que le suc gastrique frais, et le suc gastrique frais neutralisé n'a presque
pas d'action bactéricide ou empécliante. Chez les carnivores, dont l'acidité gastricpie est
parfois de 4 ou même 5 p. 1|000, cette antisepsie est donc plus marquée que chez les ber-
bivores dont l'acidité est de 1 à 1,5 p. 1 000. Dans les affections morbides où la sécrétion
gastri(|ue de HCl est tarie, il y a puUulation de microbes. .Mais, même chez des indi-
vidus normaux, la flore cryptogamifpie de l'estomac est extrêmement 'riche. Les fer-
mentations, lactique surtout, mais aussi butyriiiue, acétique, et peut-être alcoolique,
sont très actives. Peut-être les mic;'obes pathogènes, beaucoup plus sensibles que les
levures et les microbes non pathogènes, sont-ils altérés davantage. En tout cas on sait
que le coccobacille de la lièvre typhoïde n'est pas détruit par le suc gastrique, et que
le vibrion 3u choléra se retrouve dans les fèces (Metchnikokf, loc. cit., 439).
Le microbe de la tuberculose n'est certainement pas détruit par les sucs digestifs.
Les admirables travaux de Chauveau avaient il y a longtemps prouvé qu'il peut y avoir
infection tuberculeuse par ingestion de viandes tuberculeuses. Et depuis lors la démons-
tration de ce fait fondamental a été surabondante, si bien ijue Calmktte, dont l'autorité
est considérable, regarde l'ingestion digestive comme la voie principale, sinon unique, de
l'infection tuberculeuse. Nous n'avons pas à entrer ici dans les détails de cette question
si importante à tous points de vue. Il nous suflira d'établir qu'il n'y a pas, pour le bacille
de la tuberculose, d'immunité digestive.
Carvallo et Paciion ont étudié, dans mon laboratoire, iin chat auquel ils avaient
complètement enlevé l'estomac. Cet animal, nourri quelque temps avec des viandes
pourries, n'a été incommodé en aucune matière.
Aussi pourrons-nous conclure que la muqueuse stomacale, si efficace contre les
toxines, ne produit pas de liquides franchement bactéricides, encore que lesuc gastrique
acide soit un milieu peu favorable au développement des microbes pathogènes.
Dans l'intestin nous retrouvons la même différence d'action vis-à-vis des toxines et
des microbes. Les toxines sont altérables; les microbes sont à peine attaqués chimique-
ment. La trypsine du suc pancréatique détruit la toxine diftérique (Nexcki, Sieber,
ScHOLMOFF, SiMONOwsKi). La bile (par sa cbolestérine ?) neutralise plus ou moins
le venin des serpents (Fraser, Phisalix, CALMETTE),et le virus rabique (Franzius, Vallée).
Pourtant les microbes sont rendus à peu près inofîensifs, sans qu'on comprenne
bien par quel mécanisme. Au niveau de l'ampoule de Vater, dans l'intestin grêle, les
microbes sont en prodigieuse quantité, microbes banaux, non pathogènes. Mais, pour
abondants qu'ils soient, peu à peu ils disparaissent, si bien que dans les fèces, quand il
n'y a pas de diarrhée, et dans le gros intestin, ils ont en grande partie disparu. On ne
saurait guère attribuer cette disparition à l'action des sucs digestifs; car in vitro ni le
suc intestinal, ni le suc pancréatique, ni même la bile, ne sont bactéricides. C'est plutôt
le contraire qui serait vrai. Dans les liquides diarrbéiques, il y a prolifération extra-
ordinaire des microbes, et cependant ils ne pénètrent pas dans le sang, et ne franchissent
pas l'épithéliura de la muqueuse.
Une expérience, qui acte faite non intentionnellement dans mon laboratoire, prouve
cette innocuité des microbes ingérés, même quand ils sont en quantités formidables.
Étudiant l'influence alimentaire de la viande chauffée à 62°, 64°, j'avais mis trois chiens
à ce régime : or, pendant une absence de quelques semaines que je lis, on laissa se
dérégler l'étuve où était chauffée la viande, si bien que la température tomba à 58°.
Dans ces conditions la putréfaction est rapide et complète. On crut alors que c'était
une des données de l'expérience, et on continua pendant quinze jours à alimenter les
trois chiens avec 1 200 grammes de viande alfreusement pourrie : ils ne s'en portèrent
pas plus mal.
De fait les microbes abondent dans l'intestin grêle, mais dans la circulation ils ne
pénètrent pas, de même que les microbes qui contaminent la peau ne pénètrent pas
dans le sang. L'analogie est complète, puisque la bactéridie charbonneuse n'infecte
pas quand l'intestin <'st intact, mais produit une infection mortelle si l'on mélange, aux
aliments imprégnés de ce microbe, des herbes piquantes, traumatisantes (Pasteur, 1880).
88 IMMUNITE.
Dans le gros intestin, soit par destruction (épithéliale et pllagocytaire), soit par aiito-
lyse, soit pour toute autre cause, les microbes diminuent énormément, sauf bien entendu
dans les cas de diarrhée, ou d'infection spéciale.
En définitive contre les microbes la barrière épithéliale de la muqueuse digeslive est
presque aussi efficace que la barrière épithéliale de notre revêtement dermique, et contre
les toxines les sucs digestifs agissent à la manière de zymases destructives.
Le foie joue un rôle défensif important contre les toxines (v. Foie). Mais contre les
microbes on ne voit pas bien quelle peut être son action, sinon par la sécrétion biliaire.
Or la bile, peu active contre les toxines (excepté toutefois contre le venin des serpents),
n'a aucune action bactéricide bien nette.
C'est surtout contre les substances toxiques produites par l'organisme même que le
foie a une action puissante. Il détruit l'ammoniaque, qui est un poison redoutable, et,
en déshydratant le carbonate d'ammoniaque, il fait de l'urée, qui est inofîensive. Les
belles expériences des physiologistes russes ont montré que les animaux* qui n'ont
plus de veine porte perméable, sont empoisonnés par les produits de la digestion riches
en ammoniaque, tajidis que l'animal, à circulation portale intacte, transforme cette
ammoniaque en urée.
Accessoirement le foie retient pendant quelque temps les substances toxiques venant
de l'appareil gastro-intestinal, soit que ces toxines aient été indûment ingérées, soit
qu'elles résultent d'une fermentation plus ou moins putride ayant lieu dans les pre-
mières portions de l'intestin. La toxicité de diverses substances est très atténué, si
elles sont injectées par la veine porte, au lieu de l'être par une veine quelconque de
la circulation générale. Donc le foie contribue pour une large part à l'immunité relative
de l'organisme pour les poisons ingérés (par comparaison avec les poisons injectés).
Cependant, d'après Teissier et Guixard (cités par P. Courmont), loc. cit., 83), la toxine
diftérique, la malléine, la pneumo-bacilline sont plus actives quand elles sont injectées
par la veine porte que quand elles sont injectées par les veines périphériques (?). Le
foie, d'après Guixard et Artaud, supprimerait les accidents primitifs et renforcerait les
accidents toxiques éloignés. D'ailleurs, dans l'ordre naturel des choses, les infections par
toxines microbiennes, telles que celles de la liiftérie, de la pneumonie et de la morve,
ne viennent pas du tube digestif. Le foie, au point de vue des phénomènes primitifs
de la protection, ne doit protéger que contre les intoxications habituellement di^estives.
Le rôle antitoxique des autres glandes n'est pas moins manifeste que celui du foie.
Pour les capsules surrénales Abelous et Langlois ont montré qu'elles détruisent les
poisons formés par la contraction musculaire : quant à la glande thyroïde, il est pro-
bable qu'elle détruit des poisons qui agissent sur le système nerveux central. Les organes
lymphoïdes (moelle osseuse, ganglions lymphatiques, rate) ont peut-être une action
analogue, bien que les expériences soient encore assez incertaines. En tout cas on peut
conclure que, contre les poisons que l'organisme fabrique lui-même (antitoxines) la
destruction est assurée par ces appareils glandulaires sans conduit excréteur, en
même temps que l'élimination est assurée par les autres glandes à conduit excréteur
(glandes sudoripares et rein).
Le rôle de la rate dans l'immunité antitoxique ou antiparasitaire est encore très
incertain. D'après J. Nicolas et Beau (cités par Courmont), la splénectomie protège contre
certains alcaloïdes, tandis qu'elle diminue la résistance envers d'autres. Les lapins
splénectomisés résistent mal à l'infection charbonneuse (T. Mazzei, in Bull, de l'Institut
Pasteur, vi, 1908, 87). Mais d'autres auteurs n'ont pas pu constater de différence
appréciable. Il est vraisemblable que la rate, riche en leucocytes, agit dans le même
sens que les organes à phagocytes, et que sa fonction est liée à la phagocytose (V. Rate,
Phagocytose et Leucocytes).
Nous pouvons donc considérer l'individu normal comme protégé contre les poisons
et les parasites, tant que ces poisons, par leur quantité, et ces parasites, par leur rapide
prolifération, ne triompheront pas de sa résistance. De fait les poisons arrivent sur
nous, nombreux ; et les parasites, innombrables. Pourtant il y a résistance à ces poisons et
à ces parasites. C'est par l'ensemble des appareils organiques que se fait la résistance,
et le plus souvent, puisque l'être continue à vivre, cette résistance est efficace.
La protection et l'immunité sont la règle : la maladie est l'exception.
IMMUNITE. 39
III.— DE L'HEREDITE DE L'IMMUNITE.
Evidemment il ne peut s'agir do l'iiérédité spiîciliijuo, mais de l'iiérédité indivi-
duelle. Si les reptiles ont une immunité contre la toxine tùtaniijue, et les chiens contre
la bactéridie cliarbonneuse, c'est par liéréditr' (ju'ils ont cett(! immunité, comme par
hérédité leurs caractères de reptiles ou de chiens.
Mais l'immunité individuelle (acquise) est-elle transmissible des parents aux enfants !
Il faut distinf.;uer l'hérédité paternelle et l'hérédité maternelle.
On admet en général que le père ne peut transmettre son immunité à ses descen-
dants (EiiRLicii, avec les toxines végétales, i89t^. Divers auteurs (cités par Metchnikoff,
loc. cit., 4G8) ont*contirmé cette donnée fondamentale.
Au contraire la mère peut donner quelque immunité. Mais comme, pendant la vie
embryonnaire, l'antitoxine de la mère passe dans le sang du fœtus, il s'ensuit que
l'immunité (contre la ricine, notamment) des nouveau-nés issus d'une mère immune est
analogue à une immunité passive. Cette immunité héréditaire peut persister assez long-
temps, un peu plus longtemps peut-être que la simple immunité passive, ce que
Metchmkokk exjdique en rappelant que le sérum d'une môme espèce confère'une immu-
nité passive plus prolongée que le sérum d'une espèce difTérente. Wernicke a vu
persister celte immunité héréditaire (contre la diftérie) jusqu'au troisième mois chez
des cobayes. Même contre le tétanos Vaillard a vu une persistance plus grande encore,
presque à une deuxième génération. Une cobaye femelle, née d'une mère immunisée
contre le tétanos, a rais bas un petit, qui, éprouvé un mois après la naissance avec une
dose six fois mortelle de la toxine, n'a pris qu'un tétanos léger.
DziERGOwsKY a VU quc l'immunité pouvait aussi se transmettre par l'œuf. Il a trouvé
immunes(contre la diftérie) des poussins nés d'une poule immunisée, et il a pu constater
que le vitellus de ces poules contenait l'antitoxine diftérique. Mais cette expérience ne
peut pas prouver que chez les mammifères l'immunité se transmet par l'ovule; car
l'œuf vitellin des oiseaux n'est pas comparable à la cellule ovulaire des mammifères.
« Il est donc très probable, dit Metchî^ikoff, que cette immunité des petits issus de
mères vaccinées, se réduit simplement, comme l'avait admis Ehrlich, au passage d'an-
ticorps tout préparés de la mère au fœtus. Dans les cas d'immunité contre la diftérie
et le tétanos, il s'agit du passage direct des antitoxines; dans les exemples d'immunité
transmise contre l'infection par les vibrions de Koch et de Gamaleia, exemples bien
étudiés par Vaillard, il s'agit très probablement du passage de la mère au fœtus
de fixateurs correspondants. »
Le passage des antitoxines et des alexines à travers le placenta fait qu'il y aurait
sans doute, même chez les nouveau-nés, des dilférences individuelles, des idiosyncra-
sies, assez notables, et qu'on ne pourrait pas trouver une identité parfaite entre la
vulnérabilité des divers individus nouveau-nés contre telle ou telle toxine. Il est vrai-
semblable pourtant que l'écart entre les vulnérabilités individuelles, pour les nouveau-
nés, serait plus faible que pour les adultes.
L'immunité peut aussi se transmettre par l'allaitement. Cela a été prouvé par les
curieuses expériences d'IiHRLicH avec les toxines végétales chez des souris. Les petites
souris que la mère, immune, allaitait, devenaient immunes aussi, et même d'autres
souris nées d'autres mères, non immunes, devenaient immunes lorsqu'elles étaient
allaitées par une mère immunisée. Seulement il ne faudrait pas trop généraliser ; car
ce confert de l'immunité par l'allaitement iqui suppose une absorption par l'intestin)
ne se retrouve pas pour la toxine tétanique, chez les lapins (Vaillard). Uemlinger a pu
constater le passage par le lait de la propriété agglutinante donnée par le bacille
typhique aux petites souris, mais chez les petits lapins et les petits chats nouveau-nés
le résultat a été négatif. Chez l'homme il y a des observations contradictoires dont on
ne peut déduire de conclusions formelles, car il est difficile de séparer ce qui est le fait
de l'allaitement même, ou de la transmission héréditaire, soit par les humeurs du sang,
soit par l'infection microbienne elle-même de la mère au fœtus.
40 IMMUNITÉ.
IV. — COMPARAISON DES DIVERS PROCÉDÉS D'IMMUNISATION.
L'immunisation peut être conférée soit par la vaccination, soit par l'injection d'an-
tigènes (toxines), soit par la transfusion de sang anlitoxique, soit par des agents
chimiques, autres que des antigènes. Dans les quatre cas les méthodes et les résultats
sont essentiellement différents.
A. Immunisation par vaccination. — La vaccination, c'est l'infection par un microbe
dont l'évolution préserve l'organisme contre une infection semblable ultérieure.
Le principe de la vaccination, c'est que certaines maladies infectieuses ne sur-
viennent pas deux fois chez le même individu. Les maladies infectieuses à ce point
de vue se divisent en deux groupes; celles qui peuvent récidiver (diflérie, tétanos,
tuberculose, choléra); celles qui ne peuvent pas récidiver (ou du moins rarement,
et après un assez long temps) (variole typhoïde, syphilis, etc.). La vaccination ne peut
évidemment agir que contre celles-là.
Cette vaccination est naturelle, quand c'est la maladie elle-même qui survient, ou
provoquée, quand on inocule intentionnellement le virus plus ou moins atténué. La
vaccination'naturelle est celle qui apporte l'immunité la plus puissante et la plus
durable. Encore peut-on citer d'assez nombreuses exceptions à cette immunilé. La vac-
cination provoquée consiste en l'inoculation d'un virus vivant qui préserve de la maladie,
a. Vaccination par des virus vivants, non microbiens, ou à microbes non décrits
encore.
Le type de ces immunisations, c'est la vaccination avec la vaccine contre la variole.
Dans ce cas, il s'agit sans doute d'un organisme microbien, mais cet organisme n'a
pas pu être décelé encore, de sorte que c'est par analogie, par vraisemblance, qu'on
parle du microbe de la vaccine. L'efficacité de cette immunisation est un des faits les
plus rigoureusement établis par la science. Mais la théorie en est encore singulièrement
incertaine ; car ce microbe de la vaccine n'a pas pu être isolé et démontré, et d'autre
part le cow-pox (vaccine) et la variole ne sont pas dus au même microrganisme,
A la vaccination contre la variole, il faut joindre la vaccination contre la clavelée,
maladie des moutons, très analogue à la variole. On appelle clavelisation la vaccination
préventive, avec la lymphe des pustules.
BoRREL a établi (Études sur la clavelée. Ann. de l'Institut Pasteur, xvii, 1903, 123-
138 et 738-763) que la lymphe virulente du claveau donne souvent la maladie grave :
et qu'il faut combiner la sérothérapie à la clavelisation; ce qu'il appelle la séro-clave-
lisation. Comme le sérum contient une antitoxine, l'injection de sérum rend la maladie
moins grave, et alors, en inoculant simultanément le claveau (virus) et le sérum anti-
toxique, on provoque une maladie très atténuée, mais qui, malgré l'atténuation, pro-
tège contre une atteinte ultérieure de la maladie.
La vaccination antirabique est tout aussi incertaine quant à son mécanisme. Elle
n'est d'ailleurs pas préventive seulement, mais aussi thérapeutique. L'inoculation des
moelles rabiques est une opération complexe dans laquelle non seulement le virus est
injecté (sous quelle forme?-, mais encore des toxines (et peut-être des antitoxines) et
des cellules nerveuses.
La vaccination contre la peste bovine a été réalisée par Kocu (1897). Là encore il
s'agit d'un virus dont le microbe n'a pas été décelé; là encore il s'agit d'une méthode
empirique. La vaccination se faisait d'abord par l'injection de bile des animaux morts
de la maladie (Koch). Puis on a employé le sérum des animaux infectés (Kolle et Tur-
>'er). Le procédé auquel on a recours dans la pratique est un procédé mixte de séro-
thérapie et de vaccination (vaccination simultanée) ; on injecte en même temps du
sérum préventif et du sang virulent. Et cela est assez analogue au procédé de la séro-
clavelisation.
p. Vaccination par des virus vivants, à microbes atténués. — Dans les quatre
exemples que nous venons de donner (cow-pox, clavelée, rage, peste bovine) l'immu-
nité n'est pas conférée par l'inoculation du microbe lui-même, puisqu'il s'agit de ma-
ladies à microbes inconnus encore. Mais, pour les infections dont le microbe a été
décelé, des méthodes moins empiriques peuvent être adoptées. C'est le microbe qui est
IMMUNITE. 41
inoculé. Or il ne l'aiU pas que la maladie inocult'-e soit de ^nivilé éfjîale à la maladie
contre la(|uelle la vaccination est diiif^ée, de sorte que la iiremit''re opération consiste à
atténuer les microbes iju'on inocule.
Le principe de cette admirable expérience (atténuation d'un microbe parla cbaleur,
le vieillissement, l'o.xygène, etc.) est dû à Pa.stelh, Ciiauuf.hlam) et Roux. Il a été
d'abord appliqué au cbarbon.
i. Vaccinations anticliarbonneuse.s (1881). I.e microbe est atténué par la cbaleur
(42°, 5) et confère une maladie Ié|^ère. I/élat réfraclaire se développe au bout de quinze
jours et se maintient iiondant prés de deux ans.
2. Vaccination contre le cbarbon symptomatique (Arloing, GortNEvix et Tuomas. 1882).
Le chauffage est à 90°-94°. température qui ne détruit pas la vitalité des spores. iJ'après
Leclainche et Vallée, les animaux sont vaccinés avec une culture pure du microbe
{Bacteriuin chaiivaei), cbauffé à 70°.
3. Vaccination contre le rouget des porcs (Pasteur et Thuillier, 188'3). La méthode
primitive a été perfectionnée par divers auteurs. Lohknz (1893), injectant le bacille du
rouget à des lapins, constate que ces lapins ont un sérum qui confère une immunité
relative, de sorte qu'on combine l'inoculation avec le bacille virulent et b; sérum (séro-
vaccination), méthode assez analogue à celle de Horriîl pour la clavelée.
4. Vaccination contre la péripneumonie des bovidés. Depuis longtemps, on vac-
cinait en prenant la sérosité pulmonaire virulente et en l'injectant au niveau de la queue
(Méthode de V^illems). La vaccination ainsi pratiquée provoque une maladie légère qui
confère l'immunité pendant un au ou deux. Roux et Nocard ont perfectionné ce pro-
cédé en remplaçant la sérosité pleurale par une culture pure du microbe de la péri-
pneumonie.
o. Vaccination contre le bacille pyocyanique (Charrin) par des cultures atténuées
du microbe.
6. Vaccination contre le choléra des poules par le virus atténué (Pasteur).
7. Vaccination contre le streptocoque par le virus atténué.
8. Vaccination contre la peste par le virus atténué (Versin, Borrel, Calmette, 1895^.
9. Vaccination contre le vibrion septique (Chauveau et Arloing) par le virus atténué.
10. Vaccination contre le choléra asiatique (Ferran, 1893). Ce savant a eu le grand
mérite d'appliquer le premier la vaccination à la prophylaxie du choléra. 11 a inoculé
plus de 20 000 personnes avec des résultats favorables. Pourtant cette méthode est à
peu près abandonnée dans la pratique ; et, quant à la théorie, i! est assez douteux que
le microbe injecté par Ferra.x soit identique à celui qui provoque le choléra asiatique
chez l'homme. On n'est pas certain en effet que la septicémie cholérique expérimentale
du cobaye soit identique, quant au microbe pathogène, avec le choléra asiatique de
l'homme. Haffkine, modifiant quelque peu la méthode de Ferran, a eu aussi des
résultats remarquables.
On pourrait multiplier les exemples de l'immunité conférée par des virus atténués;
puisqu'il s'agit là d'un phénomène extrêmement général. On peut le représenter sous
la forme d'une loi très simple : pour les maladies qui ne récidivent pas, une immunité
plus ou moins durable est conférée par cette maladie elle-même, atténuée ou non. Or il est
toujours possible d'atténuer un microbe, soit par la chaleur, soit par des agents chi-
miques, soit par le vieillissement, soit par l'oxygène.
-;. Vaccinations par les virus ou microbes morts. — 1° Fièvre typhoïde. Divers auteurs,
en particulier Ciia.ntemesse et Widal, ont montré que les cultures des cocco-bacilles de
la fièvre typhoïde pouvaient, lorsqu'ils étaient stérilisés par la chaleur, produire l'im-
munité (voy. Frieoberger, Handb. der Techn. und Meth. der Immunilutsforschung , 1908,
I, 723-773). Pfeiffer, avec Wassermann, puis avec Kolle, a montré alors qu'on pouvait
injecter à l'homme des cultures stérilisées par la chaleur, et que le sérum de ces per-
sonnes avait les mêmes propriétés préventives que le sérum des individus convalescents
de la fièvre typhoïde. Wrigfit a, par une méthode analogue, pratiqué de nombreuses
vaccinations sur l'homme (2 835 vaccinations). La mortalité a été de 0,95 p. 100, alors
que sur les non-vaccinés la mortalité a été de 2,5 p. 100.
2" Choléra. Kolle, reprenant la méthode de Ferra.n, mais remplaçant les microbes
vivants par les microbes morts, a pratiqué avec succès la vaccination anticholérique.
42 IMMUNITE.
Il est à remarquer que, pour les vaccinations anticholériqne et antityphique, la cause
de l'immunité est différente d'une action antitoxique. En effet, l'injection des cultures
stérilisées fait apparaître dans le sang de l'individu injecté, non pas une antitoxine,
comme dans le cas des toxines tétanique ou diftérique, mais des substances bactéri-
cides qui empêchent le développement ultérieur du microbe pathogène. Le résultat est
à peu près le même. C'est toujours l'immunité; mais le mécanisme est différent.
3° Peste. Haffkine a employé avec succès contre la peste la méthode qu'il avait
employée contre le choléra (injection de cultures microbiennes stérilisées) (1897).
Actuellement on ne se sert de ce procédé que pour préparer du sérum antipesteux : on
injecte des microbes morts à des chevaux, puis, pour les éprouver et pour renforcer
leur immunisation, on injecte des cultures vivantes, à faible dose. C'est le sérum de ces
chevaux ainsi préparé qui est employé comme sérum antipesteux.
B. Immunisation par des antigènes ou des sérums antitoxiques. — Au lieu
d'injecter des virus vivants et des microbes, vivants ou morts, on peut, pour obtenir
l'immunisation, injecter des ferments solubles (antigènes), soit encore, ce qui revient à
peu près au même, les sérums antitoxiques.
En effet l'expérience prouve que les sérums antitoxiques peuvent être employés
comme préventifs. On peut faire plusieurs hypothèses pour expliquer cette double action,
antitoxique et préventive. D'abord il est fort possible que ce sérum antitoxique ne soit
pas seulement antitoxique, mais aussi, comme l'a dit Metchnikoff, qu'il excite la fonction
phagocytaire. Il peut être aussi quelque peu bactéricide; et enfin, par le seul fait qu'il
est antitoxique, il empêche les toxines de désorganiser le système nerveux, dès le
début de l'infection, et par conséquent permet à la défense organique de s'exercer dans
toute son énergie.
- Par le sérum antipesteux, par le sérum antitétanique, par le sérum antidiftérique,
par le sérum antistreptococcique, on obtient non seulement des effets curatifs, mais
encore des effets préventifs incontestables. Nous ne pouvons entrer dans le détail de
ces faits (de si haut intérêt pourtant); on les trouvera exposés dans les plus récents
ouvrages de pathologie. En somme il est probable que les nombreux sérums thérapeu-
tiques (qu'on a employés un peu dans toutes maladies) possèdent quelques propriétés
préventives; mais pratiquement on n'en emploie aucun encore.
Tuberculose. Contre la tuberculose on a tenté de nombreux procédés de vaccination.
A vrai dire a priori les expériences sur l'immunisation tuberculeuse ne semblent pas
bien rationnelles; caria tuberculose est une maladie qui récidive, à moins qu'on ne
prétende, ce qui est presque exact, qu'on ne guérit jamais, malgré les apparences
contraires, de la tuberculose dont on fut une fois réellement atteint. Pourtant de nom-
breux faits prouvent 1" qu'il y a des individus, hommes ou animaux, vivant au milieu
des tuberculeux, exposés à des inoculations multiples, qui ne deviennent jamais tuber-
culeux; 2° que chez des individus atteints de tuberculose chronique, très rarement
cette tuberculose se transforme en maladie aiguë à marche rapide; 3° que la tubercu-
lose primitive est une maladie aiguë du système lymphatique, et que la tuberculose
secondaire n'est que la propagation, par le système lymphatique, dans tous les organes,
de l'infection primitive.
De fait on a d'abord supposé que la vaccination antituberculeuse pouvait être réa-
lisée en injectant des races bacillaires tuberculeuses voisines du bacille de Koch (bacille
ayiaire, bacille bovin, bacille humain) de commencer par les moins virulents, pour per-
mettre à l'organisme de supporter les plus virulents. Or il s'agit là de bacilles presque
identiques, mais modifiés par une série de passages, et ayant, par ces passages mêmes,
acquis des caractères à demi spécifiques. J'ai été le premier, avec Héricourt, à faire
cette étude en injectant à des cobayes, à des lapins, à des chiens, à des singes, des
bacilles d'origine aviaire pour les vacciner contre la tuberculose humaine. Les résultats
n'ont pas été absolument satisfaisants, puisque les chiens vaccinés ont tous fini par
mourir; mais le retard de la tuberculose a été manifeste. Ils ont fait une tuberculose
chronique, osseuse, à marche lente, au lieu de la tuberculose suraiguë des autres. Le
retard de l'évolution tuberculeuse a été considérable; puisque la durée de la vie chez
les témoins a été de 28 jours (en moyenne) et chez les vaccinés de 285 jours {Vaccina-
tion contre la tuberculose. Trav. du laborat., m, 1895, 348).
IMMUNITE. 43
D'autres auteurs, Grancher et Mautin, (iRANCiiEn et Lkdoux-I.ebarij ont aussi obtenu
des résultats analogues, sans pouvoir réussir à réaliser une immunité complète.
MtKLLER, avec la tuberculose des [)()issons, Dieudonnk, avec la tuberculose des gre-
nouilles ne sont [tas arrivés à des résultats plus favorables (cités par Romkh, Tuberculose-
vaccin in Hanclb. dcr Meth. und Technik, etc., i, 1908, 934 1.
Il semble que Behring (1902) ait réalisé une vaccination un peu plus efficace en
injectant à des veaux, d'abord une quantité très faible, puis une quantité un peu plus
forte de virus tuberculeux vivant. L'immunité est assez irrégulière : dans quelques cas
elle se prolonge pendant près d'un an. Le plus souvent elle ne dure que 5 à 6 ou
7 mois. (Weuer et Tiï/k, liull. de l'Institut Pasteur, vi, 1908, 1039). En somme, la bovo-
vaccination de Behri.no confirme les résultats qu'on avait déjà obtenus par des pro-
cédés de vaccination analogues; mais ni lui, ni les auteurs précédents n'ont pu obtenir
mieux qu'un ralentissement notable, un retard dans l'évolution tuberculeuse, de sorte
qu'on ne peut parler de vraie immunité. (Voy. aussi Galmette et Guérin. Vaccination
des bovidés contre la tuberculose. Ann. Instit. Pasteur, xxii, 1908, 689-703). Toutefois la
question reste ouverte, et il est permis de supposer que, par quelque procédé différent
de ce qu'on a imaginé jusqu'ici, une vaccination efficace contre la tuberculose sera
réalisée.
G. Immunisation par des substances chimiques définies non antigènes. — A
côté de ces méthodes d'immunisation qu'on pourrait appeler biologiques, puisque l'on
emploie, soit des virus vivants, soit des virus morts, soit des sérum s, soit des anti-
gènes albuminoïdes, en tout cas, toujours des sub.«tances chimiques non définies, on
peut placer les méthodes d'immunisation chimique. Nous avons le droit d'employer ce
terme, quoique bien évidemment l'immunisation, même celle qu'on dit biologique,
soit, dans sa nature intime, un phénomène chimique.
H. Peyraud a eu le réel mérite d'essayer, sans grand succès d'ailleurs, de trouver
des substances chimiques déterminées capables de conférer l'immunité (V immunité par
les vaccins chimiques, Paris, 1888); et il donnait comme exemple l'essence du Tanacetum
vulgare, qui préserverait de la rage (?). Plus tard il a voulu constater encore l'immunité
contre la strychnine par des injections préalables de strychnine, mais les effets observés
ont été incertains, ainsi que j'ai pu m'en rendre compte de visu.
On pourrait signaler aussi quelques observations isolées, égarées dans les traités de
thérapeutique, et qui n'ont pas été consacrées par l'assentiment des savants (par exemple
l'usage de certaines herbes pour préserver du cancer; l'emploi de la belladone pour
immuniser contre la coqueluche, etc.).
Le seul fait bien positif qu'on puisse citer d'une substance chimique définie produi-
sant une immunité remarquable, c'est la malaria, contre laquelle la quinine, admi-
nistrée préventivement, est très efficace. Sur ce point les observations des médecins
compétents sont absolument concordantes, et il n'est pas permis de douter que des doses
quotidiennes de 0s'",20 de sulfate de quinine ne soient suffisantes presque toujours
pour empêcher l'invasion de l'hématozoaire paludique. Gertainement la quinine agit
alors en retardant le développement du parasite. La biologie générale nous apprend
que des doses insuffisantes à tuer un organisme sont suffisantes pour entraver son
accroissement. La quinine agit alors sans doute en retardant l'évolution et la pullulation
de l'hématozoaire. C'est donc une vraie immunité contre la malaria que donne la qui-
nine, et je ne comprends pas pourquoi certains auteurs se refusent à considérer cette
action prophylactique et préservative comme un phénomène d'immunité.
Un ordre de faits tout à fait nouveau, et d'un grand intérêt, scientifique et pratique
à la fois, a été découvert en 1904 par Ehruch. (Voy. Chemotherapeutische Trypanosomen
Studien. Berl. klin. Woch., 1907, n°^ 9-12.) En étudiant l'action de certaines matières
colorantes sur le trypanosome du mal de Gadéras, il a préparé le rouge de trypan
[trupanrot) (SO'Na)^ (AzH'^ ^ Az^SO'H).
Cette substance, très soluble, injectée à des souris, colore tous leurs tissus, et les
guérit du trypanosome de Gadéras. Or ces souris guéries sont devenues immunes. au
moins pendant quelque temps, contre une nouvelle infection trypanosomique.
D'autres substances, le bleu de trypan (tétra-nitro-toluidine et amidonaphtol)
et l'atoxyl (paramido-phénylarséniate de soude), ont aussi des propriétés plus ou moins
U IMMUNITE.
analogues à celles da rouge de Irypan. Thomas a montré en 1901i l'efTel thérapeutique de
l'atoxyl, dans la maladie trypanosomique (maladie du sommeil).
Ebrlich a constaté ce phénomène bien remarquable, que les trypanosomes eux-
mêmes finissaient par acquérir une certaine immunité, à la suite de générations
successives, contre les couleurs d'aniline, toxiques pour eux. Cette résistance paraît spéci-
fique : sur certaines souris traitées par l'atoxyl, il y a certains trypanosomes qui résis-
tent. Ces parasites, injectés à d'autres souris traitées aussi par l'atoxyl, résistenten plus
grand nombre, et finalement on a une race de trypanosomes résistant à l'atoxyl. De
même on peut avoir une autre race aussi de trypanosomes résistant au bleu de trypan.
Cette variabilité, acquise par l'hérédité, dans la résistance aux actions toxiques,
est un phénomène de la plus haute importance, non seulement pour la thérapeutique,
mais encore pour la biologie générale. C'est la première fois peut-être qu'a été constatée
une immunité acquise, nettement héréditaire; immunité de certaines races de trypano-
somes contre un poison. La spécificité absolue de la résistance est aussi un phénomène
remarquable, puisque à des poisons assez voisins les trypanosomes résistent ou ne
résistent pas, suivant qu'ils ont été ou non, par l'hérédité et l'accoutumance, immunisés
contre ces poisons. On a pu même arriver, par une double sélection, à immuniser des
trypanosomes contre deux poisons à la fois. (Nous renvoyons pour plus de détails aux
mémoires d'EHRLiCH. Voir aussi Mes.ml et Nicolle : Annales de ClnstUut Pasteur, 1907,
946, XXI .
Au point de vue de l'immunité de l'individu récepteur, il est douteux que l'atoxyl,
le rouge et le bleu de trypan, confèrent l'immunité, et l'action semble être plutôt
curative que préventive Plimmer et Thomson, Bull, de l'Institut Pasteur, vi, 1908, 4'i).
De même Laveran et Thiroux n'ont pas vu d'action préventive de l'acide arsénieux contre
la trypanosomiase (C. R., cxlv, 1907, oGl), malgré l'opinion contraire de Lœffler et
RuHS [Die Heilung der experimentellen Nagana. D. med. Woch., 1907).
Le sang des animaux infectés par le trypanosome a des propriétés préventives (La-
veran et Mesnil) contre le T. de Caderas. Aussi peut-on supposer que les apparences
d'immunité, données par l'atoxyl et le rouge de trypan, sont dues à une infection
rendue légère et cependant immunisante, plutôt qu'à une action de la substance
chimique même, laquelle n'agit pas in vitro sur les trypanosomes.
D'autres rerherches plus ou moins analogues ont été faites avec les matières colo-
rantes, en particulier avec l'éosine, contre le tétanos [SoGVcm, Local immunity to tétanos
in inoculated rats treated witk cosin. Journ. of exp. medicine, ix, 1907, 281, 291).
De môme contre la piroplasmase, contre la syphilis, contre la dourine, de nombreux
essais de thérapeutique et d'immunisation ont été entrepris. Nous ne pouvons entrer
ici dans le détail de ces faits intéressants dont on poursuit l'étude partout avec ardeur
(C. Schilling, Ueber linmunisierung gerjen Protozoenkrankheiten. Handb. der Technik und
Methodik der Immunitàtsforschung, 1908, I .
En somme, l'immunisation par des agents chimiques définis permet de concevoir
de très vastes espérances. Et, à n'en pas douter, celte prophylaxie est, plus encore que
la thérapeutique, l'avenir de la médecine.
D. Immunisation contre les néoplasmes. — Il faut, dans l'étude de l'immunité,
réserver une place spéciale à l'immunité (acquise ou naturelle) contre les tumeurs. On
ne saurait en eifet, à l'heure présente, dire si les néoplasmes sont dus ou non à des
microrganismes. L'origine parasitaire des cancers est cependant très probable. (Nous ne
pouvons entrer dans l'étude critique de ce difficile problènie : consultez le Bulletin de
l'Assoc. franc, pour Vctude du cancer, 1908-1909, 2 vol., et l'excellente étude critique
de A. Borrel. Le problème du cancer. Bull, de l'Institut Pasteur, v, 1907, 497-512; b4o-
562 à 592-648; 661-662. Cette élude très complète a fourni les principales données du
résumé que nous présentons ici.)
Un premier fait se dégage, c'est que, si le cancer peut chez certains animaux se
reproduire, ce n'est pas à la manière des injections parasitaires qui permettent aux
parasites de pulluler dans l'organisme, c'est plutôt à la manière des greffes. Que ces
greffes transmissibles constituent ou non un sporozoaire, une bactérie, une mycose,
voilà ce qui est incertain encore. En tout cas la transmissibilité est certaine, qu'elle
soit due à un pa rasite, ou à une cellule cancéreuse, spéciale, apte à se développer et
IMMUNITE. 45
à végéter sur l'organisme sain. Or les diverses espères animales, et môme les diverses
races d'une espèce, ne sont pas également susceptibles d'être des porte-greffes. On a
donc le droit de parler d'immunité et de non-immunité.
Pour rimmuniti' naturelle, en dehors de toute tentative expérimentale, on sait
depuis longtemps (|u'il y a des espèces naturellement immunes. Chez les vertébrés à
sang froid, le cancer n'existe pas. Il est fort rare chez les oiseaux, très cocnniun chez
l'homme. Il s'observe assez fré(iuemment chez le chien, le chat, le cheval, le rat, la
souris, mais il est d'une rareté extrême, si tant est qu'il existe, chez les autres mammi-
fères. On l'a signalé quelquefois cliez le lapin (E. Vidal) et chez le cobaye (?).
Chez l'homme, il n'y a pas d'immunité pour les diverses races humaines. Ni l'âge,
ni le sexe, ni le genre de vie, ni les climats, ni les [)iofessions, ne confèrent d'immu-
nité, et il n'est même guère permis de parler d'immunité individuelle.
Mais, si les observations faites sur l'homme ne conduisent à rien de précis, des
données positives ont été acquises, grâce à des expériences de transplantation faites sur
les animaux, et presque exclusivement sur les souris et les rats. C'est à Mokau (1894)
que sont dues ces premières expériences sérieuses. Il est juste de citer son nom, trop
souvent passé sous silence. C'est à lui qu'on doit en somme la méthode de transplan-
talion des tumeurs cancéreuses. Il a été le véritable instigateur de cette méthode, qui
promet d'être féconde.
Après MoRAU, d'autres savants, Loeb, Je.nsen, Ehklicii, Boruel, etc., ont pu faire des
expériences importantes qui établissent les conditions de l'immunité ou de la non-
inimuiiilé contre le cancer.
1° Les tumeurs cancéreuses humaines ne peuvent se transmettre à l'animal.
2° Les tumeurs cancéreuses de l'homme peuvent se transmettre à l'individu porteur
de la tumeur primitive. (On comprend que l'inoculation d'une tumeur cancéreuse
humaine à un homme sain n'ait pas été tentée.)
3" Les tumeurs cancéreuses d'un animal ne peuvent se transmettre à un animal
d'une autre espèce, même assez voisine. Le cancer de la souris ne peut se 'transmettre,
même au rat: le cancer du chien ne peut guère se transmettre au chien; ni le cancer
du chat au chat, etc. (P. Delbet, art. Néoplasmes, in Traité de Chirurgie, 1896, 1,432).
4° Les plus faibles influences modifient (pour la diminuer) la réceptivité des souris à
l'inoculation du cancer. De la souris grise à la souris blanche la transmission est
pres((ue impossible, et vice versa.
5" Dans tous les cas de transmission de cancer, il a toujours été nécessaire d'ino-
cub-r, en même temps que le cancer, quelques cellules cancéreuses, de sorte que l'ino-
culation a toujours été une greffe, dans le sens strict du mot.
On peut donc dire que tous les animaux, même ceux qui sont susceptibles d'être
cancéieux, ont un.e immunité très forte conti'e le cancer expérimentalement transmis.
Et pourtant ils ne sont pas réellement immunes, puisqu'ils sont sujets à des cancers,
naturellement, sinon spontanément développés.
Pour expliquer cette immunité naturelle contre le cancer, Ehrlich a proposé une
théorie spéciale, celle de l'immunité athrepsique. Il a remarqué en effet qu'un cancer de
souris inoculé à un rat continue pendant quelque temps à grossir, puis s'arrête dans son
développement. Donc il n'y a pas d'anticorps dans l'organisme du rat; mais il manque
la substance x nécessaire au développement de la tumeur, substance qui existe chez la
plupart des souris, qui manque chez quelques autres (ce sont celles qui sont réfractaires
au cancer), et qui manque aussi chez le rat.
Ehrlich a montré aussi que l'on pouvait immuniser les souris contre le cancer,
sinon d'une manière al)solue, au moins relativement, en opérant sur des séries nom-
lirt^u-e, et en prenant les moyennes des succès et des insuccès de l'inoculation cancé-
reuses. En iiijedant îles liquides cancéreux à des souris, on augmente les insuccès de
l'inoculation ultérieure, de 50 à 90 p. 100, et cela indifléremment, quel que soit le type
histologique de la tumeur injectée (chondrome, sarcome, carcinome, etc.). Scuoene a
obtenu l'immunisation en inoculant des organes embryonnaires : les souris témoins
inoculées ont donné 86 p. 100 de succès, tandis que les souris préalablement traitées
ont donné seulement . '54 p. 100 de succès.
J'avais tenté d'injecter du tissu embryonnaire à des chiens et à des chèvres, et, pre-
46 IMMUNITE.
nant le sang de ces animaux, j'espérais trouver à ce sérum anli-embrj'onnaire quelques
propriétés sérolhérapiques contre les néoplasmes; mais le résultat a été nul. {Exp.
inéiiitcs.) Basford, Bridrk, Borrel ont, indépendamment les uns des autres, injecté à
des souris, pour les immuniser, des extraits d'organes, et ils ont pu observer un cer-
tain degré d'immunité (voir pour les détails la revue critique de Borrel, 604-606). Les
essais de sérothérapie anti-caticéreuse chez les souris n'ont donné que des résultats
incertains.
Si la sérothérapie anti-cancéreuse chez l'homme, que j'ai été le premier à indiquer
en 1896, avec Héricolrt, n'a donné que des résultats insuffisants encore, on ne peut
nier que l'injection du sérum d'animaux préparés ne donne pendant les premiers jours,
sinon dans tous les cas, au moins dans la moitié, certains résultats admirables. (Voy.
Beretta, Trav. du lab. de physiologie de Ch. Richet, 1898, iv, 138. Malheureusement, vers
la troisième ou quatrième semaine, la tumeur qui avait rétrogradé reprend sa marche
progressive, et finalement les injections ultérieures de sérum demeurent sans effet.
Toutefois ce rapide et soudain arrêt dans l'évolution du néoplasme indique qu'il y
a quelque action atitinéoplasiqiie (par quel mécanisme'?). Peut-être, en s'appuyant
sur ces faits et sur les partielles immunisations obtenues chez les souris par l'inocula-
tion de suc cancéreux, arriverait-on à créer, chez les individus ayant été opérés d'un
néoplasme, une sorte d'immunité relative contre une récidive, en faisant des injections
espacées de sérum anti-cancéreux. Des observations {inédites] de Ch. Rkmv, de Vidal,
de Delbet, semblent à ce point de vue encourageantes. Staker, Beebe et Ewlxg
(cités par Borrel, 653) ont vu que l'injection intra-veineuse de sarcome vivant immu-
nise les chiens neufs et guérit les chiens sarcomateux.
Pour nous résumer, l'histoire de l'immunité, naturelle ou acquise, contre les néo-
plasmes est à peine ébauchée encore. Mais les faits jusqu'à présent bien établis, pour
rares qu'ils soient, suffisent pour nous faire espérer qu'on arrivera à une solution, plus
intéressante peut-être encore au point de vue pratique qu'au point de vue de la théorie
générale de l'immunité.
V. — DE LA CONTRE-IMMUNITÉ OU ANAPHYLAXIE.
L'injection d'antigène, c'est-à-dire d'une substance étrangère à l'organisme, et de
nature albuminoïdique, provoque la réaction d'immunité, c'est-à-dire la formation
d'une antitoxine ou hi suractivité des leucocytes; mais, dans certains cas, l'elTet est
tout opposé, et l'organisme réagit en devenant plus sensible, au lieu de devenir immune.
Des faits de sensibilité croissante avaient été çà et là observés par divers auteurs.
Mage.n'die, en 1839, avait constaté qu'une première injection d'albumine d'œuf est inof-
fensive, mais qu'une seconde injection faite à quelques jours de distance sur le
même animal est mortelle. On avait aussi noté que certaines toxines sont prédispo-
santes à l'infection (tuberculose bovine, J. Courmont). P. Courmont avait même établi,
en 1897, que le sérum des typhiques favorise le développement du bacille d'EsERTH.
Behring, Knorr et d'autres savants, en préparant des animaux par injections de toxines
diftériques et tétaniques pour l'obtention des séruins antidiftérique et antitétanique
avaient noté que parfois, sans qu'on en puisse connaître la cause, la sensibilité des ani-
maux aux toxines avait énormément augmenté. En réalité, ces faits épars étaient mal
connus, diversement interprétés, voire même attribués à des erreurs de technique. En
1902, en collaboration avec Portier, j'ai pu les rattacher à un phénomène général, que
j'ai appelé anaphylaxie, c'est-à-dire contraire de la protection (Voy. Trav. du lab. de
physiologie de Ch. Richet, vi, 1909, passim.)
L'expérience fondamentale est la suivante. Les actinies ont dans leurs tentacules,
entre autres poisons, une substance albumotoxique précipitable par l'alcool, et se
redissolvant dans l'eau. On peut, après trois ou quatre précipitations et redissolutions
successives, l'obtenir à peu près pure. Injectée dans les veines d'un chien, elle est
inoffensive à la dose de 0,02 par kilogramme. Mais si ce même chien, quatre ou cinq
semaines après, reçoit la même dose de 0,02, il est pris, au bout de quelques secondes,
d'accidents extrêmement graves : abaissement de la pression artérielle, diarrhée,
IMMUNITE. 47
vomissements, dyspnée, paraplégie, coma, insensibilité, cécité psychique, hémorrliagies
intestinales, conp;estion intense de tout l'appareil gasti'O-inlestinal, et parfois, en une
heure ou deux, il succombe. Pourtant, mf'ine à une dose cinq fois plus forte, l'actino-
congestine ne détermine chez un chien normal, n'ayant pas reçu d'injection antérieure,
d'autres accidents immédiats que de la diarrhée et de l'hébétude, et la mort ne sur-
vient qu'au bout de quelques jours.
On ne peut donc expliquer ces phénomènes par l'accumulation; car, en supposant
que la première dose n'ait pas été éliminée, la dose totale immédiatement injectée de
0,04 eût été absolument insuffisante pour produire les accidents foudroyants de l'ana-
phylaxie aiguë. L'animal eût été à peine malade immédiatement, et il aurait certaine-
ment survécu.
D'ailleurs l'anaphylaxie ne se produit qu'après une période plus ou moins longue
d'incubation. 11 faut, pour que la dose seconde soit efficace, un intervalle de temps
de trois ou qualre semaines, et c'est dans la cinquième semaine après l'injection que
les phénomènes d'anaphylaxie se manifestent avec le plus d'intensité.
Calmette, ayant observé sur lui-même, après une seconde injection de sérum, des
effets analogues, conseilla alors à Arthos de tenter sur les sérums l'étude de l'anaphy-
laxie iComm. orale), et en 1903 Akthus publia d'importantes expériences montrant que
le sérum de cheval injecté à un lapin est inoffensif à la première injection, mais que
la seconde injection, même si la dose est faible, détermine des accidents graves et la
mort. En même temps qu'ARXHus sur des lapins, Pirquet et Schick, sur des enfants,
décrivent les accidents de l'injection seconde, accidents qu'ils appelèrent maladie du
sérum. Les accidents observés lors de l'injection seconde sont parfois assez sérieux,
vomissements, urticaire, état syncopal, dyspnée.
Quelque temps après, Theobald Smith, à Washington, observe sur des cobayes un
phénomène extrêmement remarquable, vraiment surprenant. La première injection de
sérum de cheval à des cobayes est presque inoffensive ; mais la seconde injection, faite
deux mois après, est tellement grave, qu'à la dose d'un millième (!!) de centimètre cube
de sérum, la mort survient en quelques minutes. Otto, puis Rosenau et Anderson, dans
de très belles études, ont confirmé le fait. Besredka a étudié avec grand soin les antiana-
phylactiques, c'est-à-dire les substances qui, injectées à un cobaye anaphylactisé,
empêchent la réaction anaphylactique de se manifester. (Pour la bibliographie, qui est
déjà considérable, voir les trois excellentes études critiques et analytiques. R. Dœrr,
Die Anaphylaxie. Handb. der Technik und Methodik der Immunitâtsforschung, Besredka
L'anaphylaxie sérique expérimentale. Bull, de l'Institut Pasteur, vt, 1908, 84I-8o2; 889-901.
P. Otto, Anaphylaxie und Serumkrankheit i Handb. der pathogencsn Miki'orçjanismen, ii,
1909, 231-253.
Nous résumerons les données principales que les travaux de ces savants et nos
recherches personnelles ont permis d'établir sur ce phénomène singulier, d'autant plus
étrange qu'il paraît être en contradiction avec la loi de finalité des organismes. On
comprend l'accoutumance, la vaccination, l'immunité acquise, comme des moyens de
résistance contre les virus et les poisons. Mais comment comprendre cette contre-
immunité, cette exaltation funeste de la vulnérabilité aux poisons qui rend un orga-
nisme mille fois plus fragile qu'il ne l'était d'abord? Peu importe, puisque le fait existe;
il faut, en tout cas, en étudier les modalités, et essayer d'en pénétrer le mécanisme.
1° Beaucoup de substances — et, à dire vrai, tous les corps protéiques — sont capa-
bles, en injection inlra-veineuse ou intra-péritonéale, intra-cérébrale ou sous-cutanée,
de produire l'anaphylaxie. L'anaphylaxie, dans quelques cas exceptionnels, a pu être
déterminée par ingestion alimentaire (l'alimentation avec de la viande de cheval ana-
phylactisé contre le sérum de cheval. Rosenau et A.nderson). D'ailleurs, il est assez
vraisemblable que la sensibilité extraordinaire de certaines personnes à un aliment
déterminé, tel que les crustacés, les fraises, l'œuf peuvent se rattacher à l'anaphylaxie
(voir la note intéressante de Dœrr, lac. cit., p. 86G).
2° J'ai pu provoquer l'anaphylaxie avec les toxines des moules, des subérites {Sube-
rites domuncula), des actinies [Actinia equina, Actinia crassicornis) (mytilo-congestine,
actino-congestine, etc.). Tous ces poisons, en effet, ont comme caractéristique chimique
d'être des matières azotées, coagulables par la chaleur, et ne se dissolvant pas par le
48 IMMUNITE.
refroidissement; précipitées par l'alcool, elles se redissolvent dans l'eau; et comme
caractéristique biologique, de provoquer, à doses voisines de 0,05 par kilogramme, la
mort en quatre à huit jours, avec des hémorrhagies intenses dans tout l'appareil digestif
Aussi leur ai-je donné le nom générique de congeslines. Outre ces congestines toxiques,
d'autres substances sont nettement anaphylactisantes, comme je l'ai vu pour la toxine
(crépitine) de Hura crepitans, comme Arthus l'a vu pour les pefitones et les matières
albuminoïdes du sérum, comme Rosenau et Anderson l'ont vu pour l'albumine d'œuf,
Besredka pour le lait, Battelli pour les globules rouges, Rosenau et Anderson, Krauss
et DoERR pour les toxines bactériennes. Arthus a même supposé que l'anaphylaxie
pouvait s'idenlifler avec l'empoisonnement par la peptone, mais il est difficile d'accepter
cette opinion; caria quantité de peptone contenue dans un millième de centimètre
cube de sérum est assurément négligeable, même pour un cobaye, même pour une
injection intra-cérébrale.
3° La réaction anaphylactique est spécifique; et cette spécificité est tout aussi
extraordinaire que celle des antitoxines. Gay et Southard, Rosenau et Anderson ont vu
que le lait de femme, le lait de chèvre, le lait de vache ne peuvent pas se suppléer
comme substances anaphylactisantes. L. Dreyfus et E. Lesnk ont observé cette même
spécificité pour l'œuf de cane, l'œuf de poule, l'œuf de pigeonne [Coinm. orale.]. Celte spé-
cificité n'est, évidemment, pas absolue; mais elle est assez nette pour qu'on ait songé
à proposer, en médecine légale, la diagnose du sang de telle ou telle espèce animale
par l'absence ou la présence de phénomènes anaphylactiques (Uhlenhuth). La réaction
de l'albumine du cristallin est tout à fait spécifique, quoique l'injection de cette albu-
mine, quelle que soit l'espèce animale dont le cristallin ait été pris, provoque la sensi-
bilité anaphylactique à une injection seconde d'albumine cristallinienne, mais non
à des injections secondes d'autres sortes d'albumines.
4" L'anaphylaxie n'a pas encore été observée sui' les hétérothernies. On l'a vue sur
l'homme, le cheval, le chien, la chèvre, le lapin, le rat, et elle est surtout marquée
sur le cobaye. Ni Dœrr, ni Frey n'ont pu la constater sur les souris. Friedberger et
Hartogh viennent de la constater chez les oiseaux {Zcitsch. fur Immun. forsch., 1909, 581).
5° Une certaine durée de l'incubation est nécessaire ; elle doit être de dix jours au
moins, mais c'est là tout à fait un minimum (Rosenau et Anderson). En général, on
peut admettre, après anaphylactisation par le sérum, une période moyenne de deux
semaines d'incubation. 11 faut noter que la durée de l'incubation varie avec la voie
d'introduction, et qu'elle est moindre pour l'injection intra-cérébrale (9 jours, Besredka).
Elle varie aussi avec la nature de la substance anaphylactisante. Pour la mylilo-conges-
tine, la période d'état est vers le vingt-cinquième jour; vers le quarantième jour pour
l'actino-congestine, et il me parait que, pour la crépito-congestine, elle est plus retardée
encore.
L'explosion immédiate des phénomènes d'anaphylaxie ne peut s'expliquer que si
l'on admet la disparition complète de la substance primitivement injectée; car, si elle
n'avait pas disparu totalement, on ne comprendrait pas pourquoi les phénomènes
se mettraient à apparaître avec cette soudaineté à la suite d'une très faible dose. On
peut donc supposer que la durée de l'incubation est en rapport avec la destruction
totale de la substance primitivement injectée. L'anaphylaxie n'apparaît que quand la
toxine (ou l'albumine non toxique) injectée a totalement disparu, ce qui suppose une
incubation plus ou moins longue.
6" La durée de l'anaphylaxie est très longue. On peut même supposer qu'elle est
à peu près illimitée. Je l'ai constatée au bout d'un an. Rosenau et Anderson l'ont vue au
bout de trois ans. Sur l'homme Currie a vu un cas de séro-anaphylaxie au 1 817'' jour (!).
7° La dose qui provoque le phénomène peut être extrêmement faible; d'un dix-
millionième de centimètre cube de sérum en un cas (Rosenau et Anderson) (?) ; en tout
cas, avec certitude, d'un dix-millième de centimètre cube. Pour l'actino-congestine et
pour la crépito-congestine, en injection intra-veineuse, des doses de 0,0001 sont insuffi-
santes : il faut au moins 0,0003. Mais ces chiffres ne signifient pas autre chose que
l'extrême petitesse de la dose de substance active, puisqu'on ne sait pas exactement
la teneur en substance active de ce qu'on injecte.
8" La période préanaphylactique ou d'incubation ne se traduit par aucun symptôme
IMMUNITE. 49
bien apparont, sinon peut-être un peu d'amaigrissement de l'animal. Encore n'est-ce
pas là un pht'-nomt'ne constant. La durée de cette p(''riode d'aniaigrissonient dépend
nalurellenuMit de la dose injectée. Elle est d'autant plus courte <jue la dose primitive
est plus faible.
9" L'antianapbyla.vie (contre l'injection cérébrale) peut être produite par une injec-
tion massive dans le péritoine (Resredka et SxErNHARDT). On peut encore, d'après les
mêmes auteurs, injecter du sérum dans le péritoine pendant la période d'incubation,
et plutôt à la lin de cette période. Cela suffit pour empêcher l'anaphylaxie de se
produire.
Beshedka a fait aussi, à rinslii^^alion de Ilocx, une ingénieuse expérience. Les phé-
nomènes de l'anaphylaxie étant surtout d'ordre nerveux, il a paralysé le système ner-
veux par un anesthésique (éther éthylique), et il a vu alors les phénomènes anaphylac-
tiques disparaître complètement.
10° L'immunité et l'anaphylaxie peuvent marcher de pair, de sorte que les animaux
anaphylactisés peuvent être des animaux immunisés (Cn. Richet). Ainsi, pour prendre
un exemple typique, on injecte la même dose d'actino-congestine à quatre chiens, dont
deux avaient reçu une dose anaphylactisaute il y a un mois. Aussitôt après, ces deux
chiens sont extrêmement malades, presque mourants ; les deux autres chiens, normaux,
ont des symptômes à peu près nuls. Mais, trois jours après, ces deux chiens sont très
malades, et meurent; les deux autres, qui étaient immunisés, survivent; et pourtant,
ils avaient présenté d'éclatants symptômes d'anaphylaxie. Dœru a observé le môme fait
avec le sérum d'anguille. Dans la préparation des sérums antidiftériques chez les
chevaux, on a vu que parfois il y a un grand pouvoir antitoxique chez des animaux
très sensibles. On doit donc admettre que les processus de l'immunisation et de l'ana-
phylactisation sont deux processus différents, poursuivant parallèlement leur marche
dans le même organisme, sans se confondre l'un avec l'autre. Peut-être même n'ont-ils
aucun rapport causal l'un avec l'autre.
11° Les substances qui produisent l'anaphylaxie sont toujours des matières albumi-
uoïdes. Les essais que j'ai faits avec l'apomorphine, Aducco, avec la cocaïne, Dœrr, avec
la strychnine, n'ont pas réussi à démontrer qu'il y a, par ces corps définis, anaphylaxie
véritable. Pourtant, les albuminoïdes anaphylactisants ne sont pas détruits par la
chaleur (Ch. Richet, 1903). Alors qu'une solution de congesline chauffée à 103° perd les
quatre cinquièmes de son pouvoir toxique, elle n'a pas perdu son pouvoir anaphylacti-
sant. Cela a été plus tard démontré pour le sérum, le lait et les autres substances ana-
phylactisantes.
12° Il existe dans le sang de ranimai anaphylactisé une substance qui est la cause de
l'anaphylaxie. — J'ai montré (De la mytilo-congestine, Ann. de l'Institut Pasteur, octobre
1907) que, si l'on fait à un chien normal la transfusion du sang d'un animal anaphy-
lactisé, le chien qui a reçu le sang est devenu, à l'intensité près, anaphylactisé comme
le chien qui a donné le sang. 11 y a donc, pour employer la terminologie d'EHRLicii,
une anaphylaxie passive, à côté de l'anaphylaxie active. Plus tard la même expérience
a été faite par Otto et par Rosexai: et A.xderson sur les cobayes.
Elle est de très grande importance, car elle nous permet, sinon d'édifier une théorie
complète de l'anaphylaxie, au moins d'en tracer une ébauche rudimentaire. Le sang
des anaphylactisés contient une substance spéciale, provocatrice des phénomènes.
Appelons, pour simplifier, to.vogénine, cette substance hypothétique. Il est évident
que le sang des anaphylactisés contient de la toxogénine; et, d'autre part, que cette
toxogénine, en soi, est inoffensive, puisque l'animal est, en apparence, tout à fait
normal. Mais, si cette toxogénine rencontre la toxine, alors une réaction foudroyante
a lieu; un poison nouveau se dégage, différent de la toxogénine et de la toxine; et les
phénomènes anaphylactiques se déchaînent.
Nous pouvons établir une analogie entre ce phénomène et l'intoxication par l'acide
cyanhydrique. Claude Bernard a montré jadis que l'émulsine, substance inoffensive,
peut être injectée dans les veines sans accident. De même aussi l'amygdaline, égale-
ment inolTensive. Mais, si l'on injecte ces deux substances, l'émulsine, agissant comme
ferment sur l'amygdaline, donne naissance à de l'acide cyanhydrique, lequel immé-
diatement provoque des accidents très graves. De môme dans l'anaphylaxie la toxogénine
DICT. DE PnVSIOI.Of.IK. — T. IX. 4
50 IMMUNITE.
unie à la toxine développera un poison qui entraîne des accidents immédiats. J'ai
appelé apotoxine ce poison, qui est hypothétique, mais dont l'existence est rendue cer-
taine par la manifestation de ses effets.
La seule objection qu'on pomTart faire à cette théorie, c'est qu'il n'est pas toujours
possible, en mélangeant in vitro le sérum anaphylactique et la toxine, d'obtenir les
effets anaphylactiques. Et en effet le plus souvent, probablement par suite de la petite
quantité de toxogénine continue dans le sang, on n'observe pas cette anaphylaxie
passive immédiate. Mais dans quelques cas elle est très nette (Ch. Kichet, B. B., juin
J909) et ces cas sont asbolument suffisants, même s'ils ne sont pas nombreux, pour éta-
blir en toute évidence : 1° qu'il y a une toxogénine dans le sérum; 2° que cette toxogé-
nine peut in vitro se combiner avec la toxine pour produire l'apotoxine.
En tout cas la toxogénine du sérum n'est jamais en grande quantité; et il est vrai-
semblable qu'elle est localisée dans les cellules nerveuses de l'animal anaphylactisé.
13° Les symptômes de l'anaphylaxie sont toujours les mêmes, quelles que soient les
substances qui l'aient provoquée. Chez le chien ils se prêtent mieux à l'analyse que sur
le cobaye, encore que le cobaye, comme l'expérience de Theobald Smith le prouve, y
soit tout particulièrement sensible. Je les mentionnerai brièvement.
A. Abaissement de la pression artérielle. Dès 1902 j'ai appelé l'attention sur ce phé-
nomène fondamental que Biedl et Kraus dans un récent travail ont très bien étudié,
ainsi qu'AniHUs. Mais cet abaissement considérable survenant avec des doses minuscules
n'est pas, comme les savants physiologistes viennois semblent le croire, la cause des autres
phénomènes de dépression qui surviennent alors; c'est la conséquence d'une intoxica-
tion très profonde du système nerveux, et ce n'est pas la cause de la dépression nerveuse.
B. Vomissement. Les chiens sont sensibles à une dose cent fois plus faible lors de
la seconde injection que lors de la première. Et ce vomissement est tellement rapide
que, l'injection étant à peine achevée, il y a déjà des contractions stomacales.
C. A dose faible prurit, érythème. C'est là un phénomène parfois observé sur les
chiens, mais constamment noté chez les enfants auxquels on fait une injection seconde
de sérum. Il n'apparaît pas quand la dépresssion nerveuse est trop forte; de sorte qu'il
est pour ainsi dire symptomatique de l'intoxication légère,
D. Dyspnée. C'est là un phénomène constant. La respiration devient profonde,
presque asphyxique; il y a des contractions maximales du diaphragme; cependant le
sang reste rouge, et le cœur n'accélère pas beaucoup ses battements; ou du moins l'accé-
lération cardiaque n'est pas en rapport avec l'abaissement de la pression et la profon-
deur des inspirations.
E. Dilatation de la pupille. L'œil est hagard, fixe.
F. Impuissance motrice. Le chien ne peut plus se tenir debout : il se couche par terre.
Dans les cas graves, il lui est impossible de se relever. Dans les cas légers il se relève
quand on l'excite, fait quelques pas, et retombe ensuite, comme épuisé de fatigue. On
peut placer les animaux dans des positions bizarres dont ils ne cherchent pas à se
dégager, comme si une fatigue insurmontable les empêchait de réagir.
G. Insensibilité. Dans les cas graves, elle est complète. Il n'y a plus de réflexes. Aux
excitations les plus violentes l'animal ne réagit plus. La cécité psychique est absolue.
L'animal semble être insensible à ce qui se passe autour de lui comme dans les
anesthésies profondes. Il y a une perte de conscience presque complète; il ne retient
plus ses urines ni ses excréments.
H. Contractions intestinales violentes avec ténesme rectal, diarrhée, et souvent
hémorragies intestinales. Si l'animal succombe à l'anaphylaxie aiguë, on trouve les
intestins gorgés de sang. II y a du sang même dans l'estomac. Toute la muqueuse gastro-
intestinale est plus hypérémiée qu'on ne peut le voir dans n'importe quelle intoxica-
tion.
Tous ces phénomènes, très concordants, se comprennent parfaitement si l'on admet
un empoisonnement suraigu du système nerveux central, atteignant l'appareil de la
conscience, du mouvement et de la sensibilité, ainsi que les centres vaso-moteurs. Ce
qui caractérise ce tableau de l'empoisonnement anaphylactique, c'est que tous les phéno-
mènes, s'ils ne se terminent pas en une heure ou deux par la mort (ce qui est relative-
ment rare chez le chien) semblent brusquement cesser. Tout d'un coup l'animal se
à
IMMUNITE. 51
relève, et, quoiqu'il soit encort! un peu affaibli, parait momentanément r»Habli. La res-
piration reprend son rythme normal, et, sauf les vomissements (jui persistent plus
louf^temps, tout semble revenu dans l'ordre. C'est ce que Beshkdka a appelé le choc ana-
phl/hicti({iu', dont on peut dire que la lin survient aussi vite que l'invasion.
Quelquefois les lésions déterminées par le choc anaphylactiijue (surtout les hémor-
rhag-ies intestinales) sont tellement fjraves qu'elles amènent la mort en (juelques heures,
ou plus rarement en quelques jours. Les cobayes qui survivent (juelquos heures, survi-
vent déliiiilivoment.
Il faut nettement distinguer l'anaphylaxie aiguc, qui se produit une ou deux minutes
après l'injection (intra-veineuse), et l'anaphylaxie chroniqui', due peut-être aux lésions
qu'a déterminées l'anaphylaxie aiguë, foudroyante. En tout cas il est évident que
Vapotoxine, produite par le conflit entre la toxogénine préexistante et la toxine injectée
est par excellence poison du système nerveux central.
Nous avons même pu faire cette hypothèse, à notre sens très vraisemblable, que, sous
ses différents aspects, l'anaphylaxie est une. C'est l'empoisonnement du système ner-
veux [)ar une substance unique, l'apotoxine, quelles que soient les substances injectées
en première ou en seconde injection.
14° Quoique des accidents nombreux de la maladie du sérum aient été signalés par
divers médecins, Pirquet et Sghick, Marfan, Lemaire, etc., il n'y a guère eu de cas de mort
chez l'homme (voy. Doerr, Ioc. cit.). J'en citerai un pourtant qui parait bien authen-
tique, c'est celui d'un médecin brésilien, qui, s'étant injecté un an auparavant du
sérum antipestoux, voulut recommencer, et mourut au bout de quelques heures de
celte injection de sérum, faite un an après la première [Comm. orale, 1904).
D'ailletws tous les efforts faits jusqu'à présent, dans les instituts où se préparent
les sérunis, pour obtenir des sérums qui ne provoqueront pas d'anaphylaxic sont restés,
jusqu'à ce jour, à peu près impuissants.
13° La réaction des tuberculeux à la luberculine caractérisée par une réaction locale
(dermo-réaction, ophthalmo-réaction) et une congestion intense autour des foyers tuber-
culeux, c'est sans doute un phénomène d'anaphylaxie; mais on n'a pas pu encore en
donner une preuve rigoureuse. (Yamanouchi, jB. JB., 27 mars 1909; Lesné et Dreyfus, ihid.,
13 mars 1909). 11 me paraît vraisemblable que, si les animaux ayant reçu de la tubercu-
line en injection première ne sont pas anaphylactisés, alors que les animaux tuber-
culeux réagissent violemment à la tuberculine, c'est parce que chez les tuberculeux il
s'est produit une toxogénine que les procédés de préparation de la tuberculine détrui-
sent ou ne gardent pas. Ce que nous disons de la tuberculine s'applique sans doute aussi
à la malléine, qui n'a pas encore été, à ma connaissance, étudiée au point de vue
spécial de l'anaphylaxie.
16° A l'étude de l'anaphylaxie il faut peut-être rattacher celle des rtof^ressines. C'est le
nom que Bail (1905) a donné aux substances qui empêchent la résistance de l'orga-
nisme aux parasites, et facilitent par conséquent le développement de ces parasites. De
même que la formation des toxogénines,la formation des aggressines parait en contra-
diction avec la finalité des êtres, puisqu'elle aboutit à amoindrir la résistance des orga-
nismes contre leurs parasites. C'est, dans un cas comme dans l'autre, une contre-immu-
nité. L'expérience fondamentale de Bail est la suivante. On injecte à des cobayes des
cultures de bacille typhique ou de bacille cholérique dans le péritoine; il se forme un
abondant exsudât. Ou constate alors que cet exsudât a la propriété d'augmenter la viru-
lence des microbes qu'on injecte, de les rendre offensifs et mortels, alors que, sans
cette injection d'aggressine, ils n'auraient déterminé qu'une maladie légère. [Arch. fur
Hygiène, LU, 272; lui, 302 et Wien. klin. Woch., 1905 et 1906, passim).
Or cette action de l'aggressine paraît suitout être une paralysie de la phagocytose.
Puisque, dans beaucoup d'affections microbiennes, et spérialement dans le choléra et
le typhus (des cobayes), la résistance organique est due à la phagocytose, on comprend
bien que toute substance qui en diminue l'énergie va diminuer en même temps la
résistance générale de l'organisme.
Si l'on injecte une aggressine (stérilisée), comme celte substance est antigénique, il
se développe dans l'organisme une anti-ar/gressine, et alors bien évidemment le microbe,
injecté quehjue temps après, ne pourra plus sécréter d'aggressine efficace, puisque
52 IMMUNITÉ.
celle-ci sera aussitôt, au fur et à mesure de sa production, neutralisée parl'anti-aggres-
sine. Dans ces conditions l'injection préalable d'anti-aggressine produit une sorte
d'immunité, puisque les substances favorisantes (Bouchard), les aggressines de Bail, que
produisent les microbes injectés à un individu normal, ne se forment plus ou sont
inefficaces.
On a débattu la question de savoir si les microbes, qui, à n'en pas douter, produisent
in vivo des aggressines, peuvent aussi en produire in vitro ; autrement dit si les aggres-
sines sont productions purement microbiennes, ou si elles résultent d'une réaction de
l'organisme sur le microbe. Or il semble résulter des recherches de Wassermann et de
€iTR0N, que, même in vitro, les microbes (rouget du porc, par exemple) sécrètent des
aggressines. On ne voit donc pas bien en quoi les recherches de Bail, pour ingénieuses
qu'ellessoient, introduisent une donnée franchement nouvelle (voir Levaditi, Aggrcssme,
Handb. der Technik und Methodik fiir Imm. forsch., 1907, 1, 236). Il y a des substances
favorisantes qui ne sont telles que parce qu'elles sont paralysantes des cellules et
amoindrissent la résistance organique. Rien là qui soit en contradiction avec la loi de
finalité, puisque aussi bien la finalité du parasite, c'est d'attaquer; et que toute facilité
plus grande dans l'attaque sera conforme à sa finalité propre.
Conclusions.
L'immunité, considérée à son point de vue le plus général, c'est la vulnérabilité
moindre de telles ou telles espèces (immunité spécifique^, de telles ou telles cellules
(immunité cellulaire), de tels ou tels individus (immunité mrfntV/«e//e), quand ces espèces,
ces cellules, ces individus sont attaqués par des poisons ou des parasites. Il est diffi-
cile de parler d'une immunité absolue; elle ne peut jamais être que relative, compara-
tive si l'on veut. Il ne peut y avoir assurément identité dans la résistance; et alors
on dit de l'espèce, de la cellule, de l'individu, lorsqu'ils sont plus résistants que
d'autres espèces, d'autres cellules, d'autres individus, qu'ils ont une certaine immunité.
L'immunité peut être naturelle ou acquise.
L'immunité naturelle elle-même peut être vraie ou apparente. Elle est apparente
quand il y a, par un mécanisme quelconque, impossibilité pour le poison ou le parasite
de pénétrer. Si l'on fait ingérer de la strychnine à des chevaux, on ne les empoisonne
pas; mais ce n'est là qu'une immunité apparente, due seulement à ce que lastr^xhnine
n'a pas pénétré dans le sang et n'a pu être absorbée. De même, quoiqu'on puisse en-
duire de curare toute la peau d'un chien sans l'empoisonner, nous n'en dirons pas
pour cela que le chien possède quelque immunité contre le curare. La réelle immunité
ne s'exerce que lorsque le poison ou le parasite a pénétré dans l'organisme et est
absorbé. La non-absorplion d'un poison, la non-pénétration d'un virus, ce n'est pas de
l'immunité vraie.
A priori il est impossible de supposer une égale vulnérabilité pour toutes les espèces.
Mais les différences sont plus grandes qu'on n'eût pu le croire tout d'abord; car elles
varient parfois de 1 à 100 000, et même davantage.
I. — Il est des poisons universels pour lesquels il n'y a pas ou presque pas d'immunité.
L'acide sulfurique, par exemple, ou le phénol, ou le chloroforme, ou le bichlorure de
mercure, sont toxiques à peu près pour tous les êtres sans grandes dissemblances, et
pour toutes les cellules; la cellule nerveuse est cependant atteinte la première; elle
est décidément plus fragile que toute autre. Aussi, quoique ce soit déjà un peu autre
chose que l'immunité dans le sens habituel du mot, peut-on dire que les cellules épi-
théliales, osseuses, musculaires, ont un certain degré d'immunité contre les poisons
universels.
Mais il est d'autres poisons qui ne sont pas poisons de tout protoplasma vivant, et,
comme ils respectent les cellules autres que les cellules nerveuses, une grande diffé-
renciation s'établit aussitôt. Les sels de potassium, l'ammoniaque et les alcaloïdes qui
intoxiquent si gravement la cellule nerveuse des animaux, respectent les autres cel-
lules vivantes, de sorte que les plantes, qui sont sans système nerveux, ont une immu-
nité presque absolue contre ces poisons. Dans des solutions concentrées de chlorhydrate
IMMUNITÉ. 5a
de strychnine, les champignons végètent pacifiquement; de môme le ferment de l'urée
dans des solutions ammoniacales foil^'s.
Môme pour les animaux qui ont un système nerveux, tous les alcaloïdes ne sont
pas également toxiques. Ainsi, pour prendre un exemple classique, l'atropine, si nocive
pour l'homme à faible dose, est inoffensive pour la plupart des animaux: il en est de
même, quoique à un moindre degré, pour la nicotine, la morphine et d'autres alcaloïdes
végétaux. On peut dire que, pour les alcaloïdes, poisons des cellules nerveuses céré-
brales, l'homme, avec son puissant système nerveux cérébral, est le plus vulnérable des
êtres.Com[)arésà lui, fous les autres animaux sont dotés d'une véritable immunité, sinon
contre tous les alcaloïdes, au moins contre beaucoup d'entre eux.
Pour les poisons plus complexes, les albumines, les nucléo-toxines, les venins, -les
zymases, d'origine végétale ou animale, les difîérences de vulnérabilité deviennent
énormes. Par exemple la tétanotoxine est cent mille fois plus toxique pour une souris
que pour un oiseau. Si, à propos de chacune de ces toxines, on dressait un tableau des
doses mortelles pour chaque espèce animale, on verrait que l'échelle de l'immunité
naturelle des êtres est variable extrêmement, suivant la nature de chaque poison.
Cela semble nous révéler que dans les diverses espèces animales les cellules (et très
vraisemblablement les cellules nerveuses surtout) sont profondément dissemblables
quant à leur constitution chimique intime. En effet, l'action toxique est, à n'en pas
douter, d'ordre chimique (ou chimico- physique). D'où cette conclusion que, si un
même poison les affecte différemment, c'est que chimiquement elles sont différentes.
Mais nos connaissances sur la structure chimique des êtres vivants sont encore trop-
rudimentaires pour que nous soyons près de trouver une explication chimique adé-
quate. Notons que l'ordre de grandeur pondéral des substances en cause est du mil-
lionième ou du milliardième de milligramme, peut-être moins encore, et qu'arrivés
à ce degré de dilution de la matière nous ne connaissons plus rien.
En essayant de }>énétrer plus profondément encore dans le mécanisme de l'immu-
nité naturelle, qui au fond est toujours d'ordre chimique, et ne peut-être autre, on se
trouve en présence de deux hypothèses :
1° La toxine, par suite de son affinité, se combine avec certains éléments chimiques
de la cellule, nécessaires, de manière a les rendre inactifs, et par conséquent de manière
à tuer la cellule même. Comme ces éléments ne sont pas les mêmes, en importance ou
en proporti'on, dans les différentes espèces animales; s'ils sont peu importants, ou s'ils
manquent, il y aura immunité contre cette toxine. Il y aura vulnérabilité extrême si
ces éléments ont une importance supérieure dans la vie de la cellule.
2° La toxine va rencontrer, soit dans le sang, soit dans la cellule nerveuse même,
une substance antitoxique qui neutralise son action, et par conséquent la rond inoffen-
sive, en admettant [a) que cette substance antitoxique est préformée dans le sang, ou
(6 qu'elle se forme par la stimulation spécifique que provoque la toxine. Suivant les
diirérentes espèces, qui sont de composition chimique dissemblable, les proportions de
cette antitoxine, soit naturelle, c'est-à-dire préformée, soit acquise, c'est-à-dire provo-
quée parla stimulation toxique, sont extrêmement variables.
On ne voit guère, dans l'état actuel de la science, qu'il y ait place pour d'autres
hypothèses; mais il faut réserver l'avenir, car les progrès de la science consistent sur-
tout à nous montrer des phénomènes que nous n'avions pas encore soupçonnés, même
à l'état d'hypothèses. Il est probable, en tout cas, que l'immunité naturelle des êtres ne
se fait pas exclusivement d'après Tune ou l'autre de ces trois modalités. Il nous paraît
donc sage d'adopter une sorte de théorie éclectique. Suivant la nature du poison, c'est
tel ou tel processus d'immunisation que la nature a employé pour conférer l'immunité
naturelle. Peu lui importe, après tout, le chemin suivi, pourvu que le but soit atteint.
II. — L'immunité naturelle des êtres contre les parasites est plus variable encore,
suivant les groupes, les genres, les espèces, que l'immunité contre les poisons. Nous ne
parlons pas ici de l'immunité apparente, ou immunité de fait, due à des causes plus ou
moins extérieures, mais de l'immunité réelle, après que le parasite, végétal ou animal,
bactérie ou sporozoaire, a pénétré dans le sang.
A la plupart des parasites, les organismes résistent. Ils sont faits pour vivre, et
54 IMMUNITE.
ils savent se défendre. Mais il y a des exceptions, et alors les parasites sont pathogènes.
Autrement dit on appelle microbes pathogènes ceux contre lesquels la défense de l'or-
ganisme est plus ou moins imparfaite.
Pourtant même ceux-là ne sont pas également offensifs pour toutes les espèces. La
bactéridie charbonneuse est terrible pour la souris; elle est peu offensive pour le chien;
absolument inoffensive pour les reptiles. La syphilis n'atteint guère que les singes et
l'homme. On pourrait énumérer presque tous les parasites; jamais on n'en trouverait
un également offensif pour toutes les espèces. Même le bacille tuberculeux, qui peut
infecter à peu près tous les animaux (vertébrés tout au moins) est inégalement infec-
tieux, pour le cheval par exemple, très résistant, et le cobaye, extrêmement sensible.
Les animaux immunisés naturellement contre un microbe pathogène, se défendent
probablement de diverses manières, soit par des phagocytes (théorie cellulaire), soit
par les substances bactéricides du sang (théorie cellulaire). Tout ce que nous avons dit
plus haut de la diversité nécessaire, dans la structure chimique des humeurs, dans les
réactions chimico-biologiques des phagocytes, s'applique rigoureusement à l'immunité
naturelle contre les parasites.
Là aussi il faut être éclectique et supposer que les processus de défense sont variables
selon le parasite infectieux, et selon l'espèce envahie par lui.
Quoi qu'il en soit, les différences sont si grandes qu'il y en a de considérables entre
les races diverses d'une même espèce. Les cobayes du Nord et du Sud de l'Amérique
ne réagissent pas de même aux mêmes microbes. Pour le cancer il y a des différences
de réceptivité énormes suivant qu'il s'agit des souris de Berlin, de Copenhague, de Nor-
vège ou de Paris. Les moutons algériens ne réagissent pas à des doses de D. anthracis
qui tuent les moutons français. La fièvre jaune ne frappe que rarement les nègres.
Ainsi les variations dans l'immunité nous montrent à quel point de minuscules, et cer-
tainement inappréciables à nos moyens d'investigation, différences chimiques ou biolo-
giques des cellules peuvent modifier l'immunité ou la réceptivité des organismes. On
observe des différences suivant les races d'une même espèce : on en trouverait certai-
nement suivant les individus d'une même race.
Quoiqu'on oppose d'ordinaire la théorie humorale à la théorie cellulaire, il me
paraît qu'essentiellement elles relèvent de la même cause, une résistance chimique. Si
le phagocyte est plus ou moins vite attiré vers le parasite, s'il le digère plus ou moins
totalement, c'est toujours au fond un phénomène chimique. C'est par des moyens
chimiques qu'il est attiré (chimiotropisme). C'est par des moyens chimiques qu'il
digère (bactériolyse). L'immunité contre les microbes dépend de la réaction chimique,
simple, des humeurs contre les microbes, ou d'une autre réaction chimique, plus
complexe (stimulation des leucocytes et phagocytose).
On peut concevoir aussi d'autres théories pour expliquer l'immunité contre les para-
sites, par exemple le défaut d'une substance nécessaire (théorie de la soustraction pré-
sentée jadis, et abandonnée depuis, par Pasteur); ou la non-production d'une substance
favorisante. Mais, quelle que soit l'hypothèse adoptée, c'est toujours au chimisme cel-
lulaire qu'il faut revenir.
Nous n'avons parlé jusqu'ici que d'une immunité spécifique, mais il y a aussi une
immunité individuelle; elle se meut dans une moins large étendue que l'immunité spé-
cifique, mais cependant elle n'est pas négligeable. Tient-elle à l'hérédité de certaines
immunités acquises par les parents? Tient-elle à des immunisations acquises par l'indi-
vidu lui-même ? Toujours est-il qu'elle existe et qu'il faut en tenir compte. La vulnéra-
bilité de l'individu -=- c'est-à-dire la non-immunité — est d'autant plus variable qu'il
s'agit d'espèces où l'individu est plus fortement différencié. Elle s'observe dans l'infec-
tion des parasites bien plus que dans l'empoisonnement par les zymases, ou ferments
solubles, ou toxines; et surtout bien plus que dans l'intoxication par les poisons uni-
versels. Avec ceux-là les variations individuelles sont très peu étendues. De sorte que
pour chaque microbe, comme pour chaque poison, il y a une dose d'incertitude; une
dose constamment mortelle, et une dose constamment inefficace.
Entre l'immunité naturelle et l'immunité acquise la démarcation est impossible à
tracer d'une manière absolue. En effet un individu d'un certain âge, quoique n'ayant
pas été soumis à une immunisation directe, connue, appréciable, a sans doute été plus
IMMUNITÉ. 5S
ou moins soumis à quantité do partielles immunisations; et, pour peu que ces immuni-
sations accidenlielles soient communes à la grande généralité des individus de cette
même espèce, on ne pourra guère distinguer cette immunité, qui est en réalité acquise,
(le l'immunité vraiment naturelle.il en est sans doute de môme pour l'anaphylaxie, qui
modilio profondément les réactions aux toxines, et qui est le contraire de l'immunité;
et c'est sans doute cette complexité des immunisations et dosanapliylaxios individuelles
qui constitue ce qu'on nomme Vidiosi/ncrasie, c'est-à-dire les spéciales réactions de
chaque individu ;i telle ou telle intoxication, à telle ou telle infection.
Les phénomènes sont d'autant plus complexes que ces immunités et anaphylaxies
individuelles peuvent se transmettre par hérédité, de sorte que, même chez les nouveau-
nés, il existe encore des idiosyncrasies créées par les accidents individuels de la vie
physiologique ou pathologique des parents.
III. — Donc on peut distinguer, dans l'immunité acquise, d'une part celle qui est
spontanée et d'antre part celle qui est expérimentale, que l'on étudie dans les labora-
toires, et dont on peut exactement mesurer et doser la cause provocatrice.
Même avec le secours de l'expérimentation, cette immunité acquise expérimentale
est d'une étude très difficile, plus diflicile encore, si possible, que celle de l'immunité
naturelle.
L'immunité peut être acquise par accoutumance. Accoutumance n'est d'ailleurs
qu'un mot, et non une explication; car on ne comprend vraiment pas pourquoi un
individu non accoutumé à la morphine supporte des doses deux mille fois plus fortes
qu'un individu accoutumé. Pourtant c'est un fait devant lequel il faut s'incliner, sans
qu'on en puisse même soupçonner le mécanisme. L'accoutumance est d'ailleurs assez
rare. A part la morphine tt l'arsenic, on n'en connaît pas d'exemples bien décisifs.
Presque toujours l'immunité est acquise par d'autres processus, processus que le
génie d'innombrables expérimentateurs a en partie pénétrés.
Il faut distinguer, dans les poisons, les poisons universels, poisons cristallisables
et définis contre lesquels l'immunité ne s'acquiert pas; et enfin les zymases, les
toxines, les albumines, contre lesquelles l'immunité s'acquiert par une intoxication
antérieure. En eiïet l'organisme possède cette propriété remarquable de répondre à
rinjection de ces substances offensives par une réaction défensive.
Le point de départ de ces études a été la belle découverte de Behring (1890).
L'injection d'une toxine excite l'organisme à produire une antitoxine. Nous pouvons
appeler ces corps qui produisent des antitoxines des antigènes. Or toute substance
étrangère, de nature albuminoïdique, est antigène. Les venins des végétaux et des ani-
maux, les albumines même alimentaires, les poisons bactériens et mycosiques, les
extraits des organes, toutes ces substances sont antigéniques.
Les anticorps qui se produisent alors sont spécifiques; c'est-à-dire qu'à un antigène
déterminé répond un anticorps déterminé, spécifique. L'injection d'un extrait rénal
provoque la formation d'une antinéphrine, qui n'est ni uévrolytique, ni hémolytique.
L'injection de globules de cheval à un lapin provoque la formation d'un sérum hémoly-
tique pour les globules de cheval. L'injection d'une toxine diftérique provoque la
formation d'un sérum antidiflérique, qui n'est ni antityphique ni anticholérique.
A l'injenlion de catalase, l'organisme répond par la formation d'une anticatalase. A des
injections de cellules spermatique, bactérienne, globulaire, l'organisme répond par
des substances antispermatique, antibactérienne, antiglobulaire, certainement parce
que ces cellules contiennent des substances chimiques spéciales qui jouent le rôle
d'antigènes chimiques.
La sécrétion de cette antitoxine est-elle due aux leucocytes seuls? ou à l'ensemble
des cellules? ou à telles ou telles cellules, variables selon la nature du poison injecté?
Il n'est pas permis d'en décider encore, et il paraît prudent d'accepter une théorie
éclectique, d'après laquelle, selon la nature des intoxications antigéniques, des cellules
différentes exerceraient leur activité antitoxique. En tout cas, ce qui est bien établi,
c'est que les variations dans la production de l'anticorps, variations non seulement spé-
cifiques, mais encore individuelles, sont considérables. Ce qui n'est pas moins diffi-
cile à expliquer, c'est que la production d'antitoxine dure beaucoup plus longtemps que
36 IMMUNITE.
ne dure la tosiue provocatrice. Au bout de quelques mois, voire même de quelques
années, après une injection de toxine, il y a encore sécrétion d'antitoxine, et toutes les
théories sont impuissantes à expliquer rationnellement cette modification permanente,
prolongée, qu'une atteinte unique a portée définitivement à la nature physiologique de
la cellule.
La réaction entre la toxine et l'antitoxine est une réaction de nature chimique : cela
n'est pas douteux. On a vu que cette combinaison était partiellement dissociable, et
qu'elle ne s'opérait pas exactement comme la saturation chimique dun acide par un
alcali, ni même comme l'étliérification d'un alcool par un acide. On pressent même, au
point de vue chimique, que contre les toxines pourront agir des lipoïdes, cholesté-
rines, nucléines, lécithines, capables de fournir avec les toxines une ve'ritable combi-
naison chimique, bien déterminée, et plus ou moins inofîensive.
On a pu, en outre, démontrer que le plus souvent deux substances étaient néces-
saires. En comparant les phénomènes bactériolytiques à ceux de l'hémolyse, on a
découvert qu'il y a, pour déterminer la réaction bactériolytique, concours d'une sub-
stance préexistant dans le sang, non spécifique, thermolabile [alexine de Blchner,
complément de Ehrlich et d'une substance spécifique, produite précisément par
la toxine spécifique, et défensive contre elle {sensibilisatrice de Bordet, amhocepteur
d'EHRLICH).
Ehrlich, qui a fait de mémorables études sur l'immunité, a donné une théorie, ou
plutôt un schéma, de ces phénomènes. Jusqu'à présent ce schéma s'adapte assez bien
aux phénomènes, si diversifiés cependant, de toutes les inloxications.il a supposé que
la cellule vivante est munie de récepteurs (chaînes latérales) par lesquels elle se com-
bine à la toxine, la toxine ne pouvant agir sur la cellule que par l'intermédiaire des
récepteurs. Or la toxine provoijue la formation de nombreiix récepteurs qui, devenant
libres dans le sang, constituent l'antitoxine; car ils neutralisent l'action de la toxine en
se combinant avec elle. Cette même théorie s'applique aussi à l'action des corps bacté-
ricides sur les bactéries.
Le microbe est muni d'un récepteur sur lequel agit la sensibilisatrice (amhocepteur)
trait d'union entre le microbe même et l'alexine normale des humeurs.
L'immunité contre les toxines est donc due uniquement aux humeurs antitoxiques;
mais il n'y a pas lieu, comme on le fait trop souvent, d'opposer la théorie phagocy taire à
la théorie humorale. Ce que Metghmkofk, avec une sagacité admirable, a soutenu, et ce
qui est certainement vrai, sinon totalement, au moins en grande partie, c'est que les
leucocytes sont les principales cellules aptes à sécréter la substance antitoxique.
11 faut distinguer l'immunité active, résultant d'une injection directe d'antigène dans
la circulation, injection qui provoque la formation d'un anticorps; et l'immunité pas-
S(De, dans laquelle il y a seulement injection du sérum contenant la substance anti-
toxique. Cette immunité passive, moins durable et moins protectrice que l'immunité
active, a pris une impoitance considérable en thérapeutique, sous le vocable de séro-
thérapie. La sérothérapie, dont j'avais établi le principe en 1887 (avec Héricourt), a
été deux ans plus tard avec un succès éclatant appliquée à la diftérie par Behring, puis
par Roux; on l'a aussi employée contre le tétanos, [le choléra, la dysenterie, la fièvre
typhoïde, et contre quantité d'autres maladies encore avec des résultats divers. Quoi-
qu'elle soit essentiellement à effet thérapeutique, la sérothérapie a encore un effet
immunisant, dû peut-être à ce qu'elle protège les cellules leucocytaires ou nerveuses
contre les effets délétères de la toxine, et qu'elle conserve aux cellules de l'organisme
leur intégrité pour la résistance, intégrité plus ou moins indispensable. Cependant,
d'une manière générale, l'immunité passive n'est que passagère; tandis que l'immunité
active, provoquée par les toxines, est plus durable.
Mais, si durable que soit l'immunité active due aux antigènes injectés, elle est bien
inférieure en durée et en puissance à l'immunité active créée par les microbes infec-
tieux. Comme si les vraies toxines, celles qui sont capables d'immuniser pour long-
temps, étaient détruites ou altérées par les préparations chimiques que nous leur faisons
subir avant de les injecter! Comme si les cellules, entrant en contact direct avec les
microbes infectieux pouvaient sécréter des substances immunisantes que, lorsqu'elles
sont seules, les toxines ne peuvent éveiller qu'imparfaitement !
IMMUNITE. 57
iV. — Si maintenant nous éludions l'immunité acquise contre les infections, nous
verrons d'abord que, dans cette défense contre les infections, les leucocytes jouent un
rôle prépondérant. C'est à eux surtout qu'est dévolue la défense de l'organisme. Attirés
par une aflinité chimique spéciale qu'on a appelée chiniiotropisiiie, chimiotaxie, — et
on ne peut supposer d'autre attraction ([u'une attraction d'ordre chimique, — ils se pré-
cipitent sur la bactérie, et la digèrent, de sorte que, si l'on paralyse leur activité par la
morphine, il n'y a plus ou presque plus de résistance à l'action des microbes infectieux.
Dans certains cas les microbes sécrètent des aggres^ines, qui paralysent la défense
phagocytaire, et favorisent la puUulation des parasites. Mais, le plus souvent, il y a sti-
mulation du pouvoir antitoxique, et bactériolyse, de sorle que la phagocytose et la bac-
tériolyse concourent à assurer la défense de l'organisme, tant par les sécrétions des
leucocytes, et leur action mécanico-chimique, que par les humeurs organiques, les-
quelles sont faiblement bactéricides à l'état normal, et deviennent énergiquement bac-
téricides quand le parasite a stimulé la phagocytose.
Là encore il faut sans doute le concours de deux substances : le complément et l'ara-
bocepteur, l'alexine et la sensibilisatrice. De même que pour la digestion des albumines
par la trypsine du pancréas, la trypsine ne devient active que lorsqu'il y a eu sensibi-
lisation par lentérokinase.
On remarquera que nous parlons de la défense de l'organisme autant que de l'im-
munisation. C'est qu'en effet pour l'immunisation la défense de l'organisme est néces-
saire. Si les parasites infectieux pouvaient librement exercer leurs ravages, il n'y aurait
pas d'être qui pût être immunisé. On n'aurait que des décès à constater.
Donc, pour que l'être soit immunisé, il y a trois voies parallèles, aboutissant au
même résultat: 1° On peut atténuer le parasite de manière que la maladie provoquée
soit légère, et que cependant elle confère l'immunité: c'est l'immutiité par vaccination;
2° On peut renforcer la résistance organique par l'injection de toxines qui neutralisent,
au fur et à mesure de leur production, les toxines microbiennes : c'est l'immunité par
intoxication; 3° On peut prendre les antitoxines, déjà formées et ayant apparu dans
le sang d'un autre animal, et injecter ce sang protecteur : c'est la sérothérapie.
L'immunité par vaccination est bien plus stable et plus prolongée que l'immunité par
sérothérapie.
A vrai dire toutes les maladies sont loin de conférer l'immunité. Par exemple contre
la tuberculose, en dépit d'innombrables tentatives, on ne peut guère conférer d'immu-
nité stable : de même contre les mycoses, de même contre la plupart des maladies
dues aux sporozoaires. Il faut par conséquent admettre que tous les parasites ne sont
pas également des antigènes. Tous ne peuvent pas, à un égal degré, provoquer les cel-
lules vivantes à sécréter des anticorps. La défense de l'organisme ne peut s'exercer que
pour les substances chimiques sécrétées par certains parasites et non par tous les
parasites.
D'ailleurs, ce qui domine dans cette histoire de l'immunité, c'est la variété presque
infinie des cas particuliers. Assurément il est des lois générales qu'on peut établir,
des théories d'ensemble qu'on peut concevoir. Mais ces lois et ces théories comportent
tant d'exceptions, tant de variations qu'elles sont vraiment insuffisantes, au moins
aujourd'hui. Ce qui est vrai pour le B. anthracis, chez le chien, n'est pas vrai pour le B,
anthracis, chez Ir souris. Les infections des lapins par le streptocoque et le piroplasma
n'ont aucune analogie. Tout est dissemblable, complexe, presque incohérent. Les varia-
tions dans les réactions générales sont profondes. Les exceptions sont plus fréquentes
que la règle. Aussi, pour la connaissance tant soit peu précise de l'immunité, un grand
effort de mémoire est-il nécessaire.
Il en est ainsi sans doute parce que nous n'en sommes encore qu'à la période
d'empirisme. Nous avons quantité de faits disparates à enregistrer, et nous les enre-
gistrons sans les réunir l'un à l'autre par un même lien causal. Ce n'est certes pas un
aveu d'impuissance : c'est simplement la preuve (jue la théorie scientifique de l'immu-
nilé n'est encore qu'à l'état de très imparfaite ébauche.
CHARLES RICHET.
58 INANITION.
INANITION.
Les manifestations vitales ont pour cause essentielle l'apport incessant de matière
aux tissus des êtres organisés. Tel est le principe inéluctable qui répond à la double
nécessité pour tout organisme de renouveler sa propre substance et de produire dé
l'énergie. Les aliments satisfont à ce double besoin, et ainsi l'être vivant emprunte au
milieu extérieur les éléments indispensables à sa vitalité. Non pas qu'il ne possède dans
sa composition chimique les matériaux propres à sa réparation, non pas qu'il ne puisse
à leurs dépens accomplir les diverses réactions libératrices d'énergie. Mais il ne s'adresse
à ses propres ressources et ne les utilise que lorsque des conditions nouvelles, anor-
males, l'y obligent, lorsque, par exemple, l'apport des matières alimentaires fait défaut-
Il met aussitôt à profit les réserves nutritives qu'il puise dans ses propres tissus. Tout
un système de défense, qui règle économiquement la consomption organique, s'organise
contre la privation de nourriture et la mort ne survient que tard, au moment où les
dernières ressources ont été complètement épuisées. Mais pendant tonte cette période
l'organisme a vécu de lui-même sans apport extérieur. La suppression de l'alimentation
crée donc une circonstance nouvelle et constitue le point de départ d'un processus, qui
après une déchéance progressive détermine la mort.
Ces quelques considérations précisent la signification du mot inanition. L'inanition
consiste en réalité dans l'absence complète d'alimentation et comprend l'ensemble des
phénomènes physiologiques survenant chez les animaux privés de nourriture.
Le champ de cette étude est forcément très vaste; car, outre l'analyse des troubles
présentés par chaque fonction en particulier, il y a encore lieu de tenir compte de
l'inanition totale, de l'inanition partielle, do l'inanition volontaire et de l'inanition dans
les maladies.
Nous nous limiterons en laissant systématiquement de côté tout ce qui se rapporte
à l'inanition volontaire, et à l'inanition dans les maladies, pour nous en tenir à l'étude
de l'inanition proprement dite, envisagée sous le point de vue que nous avons défini
plus haut.
L'ère des recherches expérimentales sur cette question n'est pas de date très
ancienne. Il faut arriver à la moitié du xix« siècle pour assister à l'éclosion de travaux
importants, dont le premier en date, et le plus considérable, est celui de Chossat
(1843).
C'est à lui que revient le mérite d'avoir appliqué la méthode scientifique à l'étude
de l'inanition, en enregistrant de très nombreuses observations de jeune expérimental.
Le premier il eut l'idée de soumettre au jeûne complet des animaux d'espèces didé-
rentes et d'étudier méthodiquement leurs perturbations. Son travail si consciencieux,
si complet, représente un document des plus précieux dans l'histoire physiologique
de l'inanition et constitue la base de toutes nos connaissances sur ce sujet.
Depuis, les travaux se sont multipliés, soit en France, soit à l'étranger. Bidder et
ScHMmx (1852), Bischoff, Heide.xhain, Kohler, I'anum et Voit (1866) représentent en
Allemagne les noms des principaux auteurs qui se sont intéressés à cette étude. Dans
la littérature russe qui compte aujourd'hui de très nombreux travaux sur l'inanition,
nous trouvons en première ligne les noms de Ma.\asseï.\ (1869), Paschutun (1881). En
Italie, Manca a publié dans ces derniers temps une série de mémoires importants sur
l'inanition des animaux à sang froid.
Nous diviserons l'étude de l'inanition en deux parties distinctes, en tenant compte
des espèces animales dont l'influence imprime au jeûne des caractères très particuliers.
Dans un premier chapitre, nous nous occuperons de l'inanition chez les animaux à
sang chaud. Nous l'étudierons ensuite chez les animaux à sang froid.
INANITION.
59
I. — INANITION CHEZ LES ANIMAUX A SANG CHAUD.
[" De la perte de poids. — Perte absolue, peute diuhne. — Perte intégrale. — Perte
PROPORTIONNELLE. — PeRTE PROPORTIONNELLE DIURNE.
2» Durée de la vie. — Or('.anes et poids. — Hydratation des tissus. — Influence de la
TAILLE ET DE l'eSPÈCE, DE l'oBÉSITK, DE l'aGE, DE LA CROISSANCE, DE l'i.NGESTION d'eAU, DE
LA LUMIÈRE, DES CHLORURES DE SODIUM ET DE POTASSIUM, DE l'ÉTAT PATHOLOGIQUE, DE LA
FIÈVRE ET DE l'hYSTÉRIE. — ALTERNANCES DE JEÛNE ET d'aLIMENTATION.
i° De la perte de poids. — Une des conséquences les plu.s constantes de l'inaniliou
consiste dans la diminution f^raduelle du poids du corps. Dans de rares cas toutefois,
(Regnault et Reiset, Manassein et autres) on a observé après quelques Jours de jeûne
une augmentation de poids. Cette constatation a été faite en particulier sur la marmotte
pendant le sommeil hibernal (Sacc, Valentin, Voit). Il s'agit là de pures exceptions
dont l'interprétation est établie.
L'étude de la perte de poids a été magistralement traitée par Chossat. Nous ne pou-
vons mieux faire que d'énoncer les résultats très précis auxquels il est arrivé.
Un animal inanitié présente jusqu'à la mort une diminution progressive de son poids
dans laquelle on peut distinguer une perte diurne et une perte intégrale. La première
s'exprime par la différence de poids à 24 heures d'intervalle, la deuxième correspond à
la différence entre le poids initial et final.
Perte absolue. — Perte diurne. — La perte diurne affecte un rapport étroit avec la
taille de l'animal. Elle lui est proportionnelle. Toutefois, la courbe de la perte diurne est
régulièrement décroissante du début à la fin du jeune. Elle présente à considérer trois
phases distinctes pendant lesquelles on constate successivement un maximum, un mini-
mum, et enfin dans la dernière période, un nouveau maximum.
Le tableau suivant rend très bien compte de ces trois phases. Chossat divise ses expé-
riences en trois parties, [de durée aussi égale que possible. Il prend la moyenne diurne
de chacun de ces tiers de série et additionne entre elles les moyennes correspondantes.
PERTE DIURNE
SOMME DES MOYENNES DIUKNES
des tiers de la durée de l'inanition.
l" tiers.
2« tiers.
3° tiers
9 tourterelles
gr-
91,37
301,01
59,. 59
198,72
g'--
76,68
269,95
346.63
15 pigeons
Somme générale
392,38
258,31
En définitive, on voit que la perte diurne du tiers moyen est toujours inférieure à
celle des deux tiers extrêmes avec lesquels, en les supposant égaux, elle est dans le
rapport de 2 : 'i environ.
Perte intégrale. — La notion de la perte intégrale est plus intéressante en raison des
déductions d'ordre général qui en dérivent. A cette étude en effet se rattachent les
relations qui existent entre la perte intégrale absolue et le poids initial de l'animal en
expérience. D'autre part, le poids du corps ne pouvant diminuer d'une façon indéfinie
il est très important de fixer les limites extrêmes de sa déperdition.
La perte intégrale absolue est éminemment variable, suivant le poids des animaux.
D'une façon générale, pour des animaux de même espèce, les plus gros sont ceux dont
la perte intégrale absolue est la plus forte.
Perte proportionnelle. — La perte intégrale absolue représente donc une simple
contingence qui est incapable à elle seule de nous donner un renseignement général
sur le mode de la déperdition organique dans tous les cas d'inanition. Il en est autre-
ment si, au lieu de prendre la valeur absolue de cette perle, on en recherche seulement
60
INANITION.
la valeur relative, autrement dit, si on fait le rapport entre la perte intégrale absolue
et le poids primitif de l'animal inanitié. Ce rapport exprime ainsi la perte proportion-
nelle. C'est cette dernière qu'il importe tout particulièrement de connaître.
Selon que l'on rapporte la perte proportionnelle à la totalité ou à un seul des jours
de l'inanition, il y a lieu de distinguer là perte proportionnelle intégrale etlà perte propor-
tionnelle diurne.
Perte proportionnelle intégrale. — Dans la généralité des cas observés, et en prenant
leur moyenne, Ghossat a parfaitement vu que la perte intégrale proportionnelle s'élève à
0,397, ou, en chiffres ronds, 0.400. Autrement dit, la mort des animaux inanitiés survient
lorsqu'ils ont perdu 0,4 du poids initial. Les quelques écarts numériques que l'on a par-
fois constatés n'entachent nullement la valeur de ce principe qui s'applique à tous les
animaux, quels qu'ils soient. Il s'agit en l'espèce d'une loi générale d'après laquelle une
perte équivalente aux quatre dixièmes du poids du corps est incompatible avec la vie.
Ce résultat est un des premiers et non des moins importants, mis en lumière par Ghossat.
Perte proportionnelle diurne. — En rapportant le poids initial à la perte diurne, on
obtient un rapport qui exprime la valeur de la perte proportionnelle diurne. Cette
perte, d'après Chossat, est de 0,044 pour les oiseaux, de 0,040 pour les mammifères, de
0,042 pour les uns et les autres, en moyenne. Dans ses expériences faites dans le labo-
ratoire de LouKiA.xow, Lazarew a étudié l'inanition sur 60 cobayes.
En ce qui concerne la perte du poids, il trouve : 1° que le maximum de la perte de
poids se produit au premier Jour du jeûne. Elle est alors de 9 p. 100, au deuxième jour
de 7 p. 100, au troisième dt; 5 p. 100, au quatrième de 4 p. 100, au cinquième et au
sixième de 5 p. 100, enlin au dernier de 1,5 p. 100. La perte de poids sur ces herbivores
suivrait d'après lui la même loi que celle trouvée par Falck sur les carnivores.
Il reconnaît à l'inanition quatre périodes principales d'une durée moyenne de 1 à 2
jours qui se succèdent dans l'ordre suivant: 1° période indifférente; 2° période d'exci-
tation ; 3° période d'affaissement; 4° période de paralysie.
Durée de la vie. — L'inanition chez les animaux ne présente pas une durée uniforme.
De nombreuses circonstances interviennent, dont on doit tenir compte, qui modifient
très sensiblement la résistance de l'organisme à la privation complète de nourriture.
On peut cependant établir une moyenne, en opérant sur diverses espèces comme
l'a fait Chossat. Sur 48 expériences faites sur des oiseaux et des mammifères (cochons
d'Inde et lapins) Chossat trouve une durée moyenne de 9 jours 08. Cette moyenne varie
non seulement suivant les espèces, mais aussi suivant d'autres conditions qu'il est utile
de signaler. On verra par la suite la différence à ce point de vue entre les animaux à
sang chaud et les animaux à sang froid. Pour l'instant, ne nous occupant que des pre-
miers, nous croyons devoir tout d'abord insister sur les rapports entre la durée de la vie
et la perte de poids. Chossat est ainsi arrivé à une formule générale expliquant toutes
les autres conditions susceptibles de retentir sur la durée de la vie dans le jeûne.
Lorsqu'on établit sur un grand nombre de cas la valeur de la perte intégrale pro-
portionnelle et celle de la durée de la vie, on observe entre les deux un parallélisme
significatif.
On peut s'en rendre compte par le tableau ci-contre :
PERTE INTÉGRALE
PROPORTIONNELLE
DURÉE MOYE.NNE
DE LA VI H
De 0,2 à 0,3
. — 0,3 à 0,4
— 0,4 à 0,3
— 0,3 à 0,6
jours.
3,07
7,90
11,71
18,52
(Chossat.)
Toutefois la progression de la durée de la vie est beaucoup plus grande que celle de
la perte intégrale proportionnelle.
INANITION.
61
Il s'agit là d'un fait constant. Au contraire, l'influence delà perte diurne proportion-
nelle est l'inverse de la précédente. Plus la perte diurne proportionnelle est considé-
rable plus la vie est courte.
De telle sorte que la durc'-e de la vie correspond assez exactement au rapport de la
perle intégrale proportionnelle moyenne : ce que Cuossat exprime par la formule
suivante :
l'ei'te intép;rale proportionnelle
Durée de la vie
Perle diurne proportionnelle moyenne'
En rappelant ce que nous avons déjà dit sur la perte intégrale proportionnelle, a
savoir qu'elle correspond en moyenne à 0,4, on peut écrire l'équation suivante :
Durée de la vie =
0,4
l'erle diurne proportionnelle moyenne
Comme le fait remarquer très judicieusement Cho?sat, outre l'intérêt scientifique qui se
rattache à des déterminations de cet ordre, il en découle encore une notion pratique
importante. Il est en effet possible, en connaissant la valeur de la perte diurne propor-
tionnelle, de déterminer la durée probable de la vie dans l'inanition. Il va sans dire que
le calcul sera d'autant plus exact que l'on connaîtra le jour du jeûne auquel correspond
le chifTre de la perle diurne proportionnelle, puisque l'on sait que cette déperdition
atteint son maximum au début et à la fin de l'inanition.
Il y a toujours lieu, malgré tout, de se préoccuper de l'âge de l'animal, de l'état de
ses réserve^ adipeuses, pour faire les corrections nécessaires.
Poids des organes. — Étudions maintenant la participation des divers organes dans
la perte de poids.
Chossat a encore parfaitement établi que l'inanition n'entraînait pas une perte de
poids égale pour tous les éléments anatomiques. Certains tissus perdent plus de 40 p. 100,
d'autres au contraire bien moins.
Voici les chiffres extraits de son travail :
Parties perdant plus que la moyenne
de 40 p 100
Perte intégrale
proportionnelle.
Graisse 0,933
Sang 0,150
Rate 0,714
Pancréas 0,641
Foie 0,520
Cœur 0,448
Intestin 0,424
Muscles locomoleurs 0,423
Parties perdant moins que la moyenne
de 40 p. 100
Partie intégrale
proportionnelle.
Estomac 0,397
Pharynx 0,342
Peau 0,333
Rein 0,319
Appareil respiratoire 0,222
Système osseux 0,167
Yeux 0,100
Système nerveux 0,019
En prenant la perte intégrale absolue sur un pigeon inanitié on obtient les chiffres
suivants :
PERTE INTKGRALE
absolue
1° Éléments du sang :
Sang
Système musculaire :
Muscles locomoteurs
Cœur
" Appareil musculaire de la digestion
Organes divers :
Système glandulaire abdominal . .
Appareil pulmonaire
Peau
Autres parties
2» Système osseux
3^ Graisse
Perte intégrale absolue.
7,86
66,32
1,87
6,4 i
7,46
0,86
5,64
1,91
5,34
38,47
142,17
62
INANITION.
Si l'on fail abstraction de la graisse, on voit que c'est le système musculaire qui fait
presque tous les frais de la perte du poids du corps.
Le système nerveux au contraire conserve son poids intégral.
ÉTAT HUMIDE.
ÉTAT SEC.
ÉTAT NORMAL
INANITION.
ÉTAT NORMAL.
INANITION.
Cerveau
Moelle épinière
Somme
fil-
2.23
0,83
3,08
o,n
3,02
0,64
0,64
gr.
0,38
0,58
Ce fait est très important, car il montre bien qu'au milieu de la déchéance orga-
nique le système nerveux résiste seul, maintient sa composition normale et assure
encore la régularité des échanges nutritifs jusqu'au dernier jour du jeûne.
Pour bien apprécier la perte de poids subie par chaque organe, Lazarew (loc. cit.)
divise ses animaux en expérience en cinq groupes de dix chacun. Un premier groupe est
sacrifié pour obtenir le poids normal des organçs. Il servira ainsi de terme de compa-
raison. Les animaux du deuxième lot sont inanitiés jusqu'à une perte de poids de
10 p. 100. Ceux du troisième, jusqu'à une diminution de 20 p. 100, du quatrième
jusqu'à 30 p. 100 et les animaux du cinquième meurent dinanition.
Les principales conclusions de ce travail confirment d'abord cette donnée générale
que la perte de poids des organes ne suit pas une courbe parallèle à la chute du poids
du corps. Chez les uns, la déperdition est plus forte dans le premier tiers de l'inanition
que dans les deux derniers.
Pour d'autres au contraire le phénomène est inverse.
Dans la première période du jeûne, alors que la chute de poids n'atteint pas encore
10 p. 100, le foie a perdu en moyenne 17,98 p. 100, les muscles 7,28, le coeur 4,84, le
pancréas 3, .33, la peau, 1,97, le système nerveu.t central 0.
Hydratation des tissus. — D'autre part, en faisant la comparaison entre les tissus et
organes au point de vue de leur teneur en eau, on constate que l'inanition ne modifie-
rait guère leur composition aqueuse (Lukjanow).
Choss.\t a pris 20 pigeons normaux et 20 pigeons inanitiés. La pesée comparative l'a
conduit aux résultats suivants :
PIGEON PIGEON
normal inaoitié
'-= 100 gr. ^^ 100 gr.
Cerveau 0,66 0,990
Cœur 0,81 1,05
Cerveau 0.64 0,99
Rate 0,032 0,022
Pancréas 0,39 0,270
Os 0,243 0,407
En somme, l'inanition n'inprime guère de changement de poids au cœur, au cerveau
et au système osseux.
Mais dans la participation des tissus à la perte de poids qu'entraîne la suppression
de l'alimentation, il est intéressant d'opposer à la disparition presque totale de la
graisse, le maintien à peu près normal du poids du système nerveux. C'est là un fait
acquis par l'expérimentation et l'observation anatomo-pathologique sur les enfants
morts dathrepsie, ainsi que le signale Ohlmuller.
Influence de la taille. — Revenant maintenant à la question de la durée de la vie
dans le jeûne, on sait déjà depuis longtemps qu'un animal inanitié ne meurt pas
aussitôt. Redi fit l'expérience sur deux chiens. L'un résista 25 jours, l'autre 34.
Depuis, les observations se sont multipliées à cet égard, et en ne tenant pas compte des
cas exceptionnels (comme un chien qui, d'après Falgk, résista pendant 60 jours à la
privation complète d'aliments), il est possible d'arriver à un principe général sur lequel
Ch. Richet a attiré spécialement l'attention et qui met en évidence l'influence de la
INANITION. 63
taille sur la durée de la vie. Soit que l'on compare entre eux des animaux de la même
espèce ou d'espèce différente, on remarque toujours que plus la taille est petite, plus la
durée de la vie est courte.
Le tableau suivant, emprunté à Charles Uighet, établit nettement cette relation.
Influence de la taille sur Tinànltion.
Mammifères.
DURKH
moyonno nombre
ESPÈCES ANIMALES. do l'iuanition. d'observations.
jours.
Chien 33 XVII
Cheval 21 IV
Chat 20 VIII
Lapin 13 XVII
Poule 14 VII
Souris, rat, taupe 1 à 3 IX
Ces chiffres sont particulièrement instructifs, car ils mettent en relief une grande
loi que Ch. Righet énonce en ces termes : <( Toutes les fonctions, dans leur activité et
dans leur intensité, sont déterminées parla taille de l'animal. »
La déperdition calorique étant d'autant plus considérable que la surface est plus
grande par rapport au volume (c'est le cas des petits animaux), l'activité de leurs
échanges nutritifs sera conséquemment plus grande que chez les animaux de grande
taille. Et, de même que vis-à-vis des réactions chimiques intra-organiques il existe une
loi de proportionnalité suivant la taille des animau.x, de même nous retrouvons cette
même loi dans la durée de l'inanition. Telle est la raison des différences que résume le
tableau précédent. Il est évident que cette proportion n'intéresse pas seulement la durée
totale du jeûne, qui n'est qu'une résultante : on la retrouve aussi bien à tous les
instants, par exemple dans la valeur de la perte de poids quotidienne.
Perte de poids.
(Ch. Richet.)
PERTE
par kilogr.
Oiseaux. et par heure.
i oie de 4 800 grammes 0,46
.5 poules de 1700 grammes 1,06
20 pigeons de 350 grammes 1,73
Chats.
Chats de o 800 grammes 0,43
— 2 500 — 0,72
— 2 500 — 1,20
— 2 300 — 1,20
— 2150 — 1,06
— 1900 — 0,85
— 1800 — 1,20
— 1700 — 1,36
Il ne s'agit ici, bien entendu, que des animaux à sang chaud. Les espèces animales à
température variable, en raison de la faible intensité de leurs réactions chimiques, font
exception à celte loi, ainsi que nous le verrons plus loin.
Selon la remarque de Ch. Richet, parmi les homéothermes, les carnivores parais-
sent supporter plus facilement le jeûne que les herbivores. L'explication de cette
différence doit être recherchée dans la dissemblance de leur alimentation. Chez ces der-
niers, l'alimentation n'est pour ainsi dire jamais interrompue, tandis que les carnivores
seraient mieux préparés au jeûne, en raison de l'intermittence de leurs repas, qui, pour
certains d'entre eux (les carnassiers par exemple), sont pour ainsi dire abandonnés au
hasard.
Quanta la durée de la vie dans l'inanition, elle dépend de la plus ou moins grande
activité nerveuse de l'animal. Plus cette activité est considérable, plus la durée de la
vie sera faible et inversement.
64
INANITION.
Influence de la taille et de l'espèce (d'après Cii. Kiciiët).
DURKE DE l'inanition
ESPÈCE
ANIMALE.
OBSEIÎV.VTEURS.
INDICATIONS
bibliographiques.
OBSERVATIONS.
jours.
Chien.
Redi.
^?j/»jfl/.y/re«/., etc., éd. Amster-
dam, nos, in-18, p. 136.. . .
34
—
Gallois.
Id
30
Hist. de l'Ac. des Se, éd. Ams-
terdam, din, p. 6
41
Chienne pleine, aban-
donnée dans uno
chambre, a mis bas
pendant son joùne et
-
Dl- Hamll.
COLl.AliD.
Id
42
a mangé ses petits.
Journal de Phys. de Mogendie,
viii, 1828, p. 154
36
=
De Martigny.
Id
27
21
Avait subi une opéra-
tion sur le lai'vnx.
Id
—
L. LuciAN'i et
Arcli. per le sclenze mediche.
BUKAI.INI.
V, 1882, 338
43
Observation très com-
plote.
—
Hayem.
Leçons sur les modifie, du sang,
p. 381
2:j
Avec numération des
irlobules.
—
POSASCUXY.
Thèse russe de S'-Putersb.
Laborde.
d'après le Jahresh. fur Phy-
siol., 1886, 360
30
Observation incomplète.
Privé de boisson.
B. B., 1886, 33i
20
—
—
Id
39
Assez bien portant le
39' jour, a survécu ;
non privé de boisson.
—
Rauuteau.
Id.. 1S74, p. 318
29
-
Carvii.le et
bochekoxtaine.
Falck.
Id
31
29
27
Id.. p. 313 ....
Id
Cité par Voit, Ilermann's lland-
buclt, vr, l" partie, p. 99. .
61
Chienne vieille et grasse
soumise à l'absti-
nence des boissons.
—
HOFMAN.
Id
24
38
Chien d'un an.
Id., p. 99
Moyenne poir les chiens.
33
Chat.
Colin.
Traite: de Physiologie comparée.
II, 606 (2' éd., 1873
11
Non adulte.
—
—
Id
11
27
14
23
Adulte maigre.
Id
Id
jd
—
—
Id
28
Très gras, tué alors
qu'il était très vigou-
reux le 28» jour.
—
BiDDER et SCHMIDT.
Cité par Voit, lac. cit., p. 89. .
18
Redi.
Cite par Haller, Elem. Phys.,
VI, 170 .
20
Moyenne pour les chat..
20
INANITION.
65
Influence de la taille et de l'espèce (Suite).
l)t;ilKK DE l'iN.XMTION.
KSPi;CK
AMMAl.K.
OU.SEHV.VTKUUS.
INDICATIONS
UIIlI.IO(;RAI'HIyUKS.
as .
v; « o
->< =
OBSERV.VTIONS.
Lapin.
ClIOSSAT.
Rlbnkh.
Wkiskiî.
An ri; p.
DUGKS.
Bernard.
ClI. RlCIIKT.
Itecli. t'xp. sur Vlnanilion. Ac.
des Se, 1843, 12
l(/
jours.
6
!)
Privé d'eau.
Avec eau.
Privé d'eau.
Avec eau.
Il y a sans doute une
erreur d'observation.
Vivant encore, mais très
malade le 10' jour.
M
11
14
16
9
i:;
1
32
27
9
Id
Id
Au. dans Jahrcshcricht /'. l'Iuj-
siol., 1881, 20!)
Cite par Voir, loc. cil., 101.. .
Id
Id
/(/
■1. y. /'., XXI, 69
Id
1
1
12
n
9
10
Id
Cité par Colin, loc. cit
Id
Observ. inédite
Id
Moyenne pour les lapins.
13
Cheval.
-
Colin.
GURTL.
BoiLEY.
Colin.
Magendik.
Loc. cit., p. 563
Cité par Colin (/oc. cit. . . . .
Id
30
27
12
12
■2Ï
Id
Cité par Voit, loc. cit
Moyenne pour les chevaux.
21
Taupe.
Cobaye.
Porc.
Souris.
Rats.
Phoque.
Gazelle.
Ilvène.
Rats.
Flouress.
Colin.
Chossat.
Colin.
Maoendiic.
Colin.
Redi.
Cité par Colin, loc. cit., I,
563
1
1 1/2
6
34
3
2
35
20
10
2à3
/(/ .
Loc. cit
Loc. cit
Cité par Colin, Id
Loc. cit. (Moyenne de o exp.)..
Loc. cit
Loc. cit
Loc. cit
Loc. cit
Buse.
Epervicp.
Vautour.
Aigle.
Vautour.
Effraie.
Grand-Duc.
Dindon.
Redi.
BUFFON.
Sl'ALLANZANI.
Colin.
Loc. cit
Loc. cit,
18
18
21
25
35
14
10
6
4
Loc. cit
f^oc. cit
Cité par Colin, Id
Id
Id
Id..
Id
DICT. DE PHV3I0I.I
6(1
INANITION.
Influence de la taille et de l'espèce (Suite).
DURÉE DE L'lN.\NrriO.N.
ESPÈCE
ANIMALE.
OBSERVATEURS.
INDICATIONS
BIBLIOGRAPHIQUES.
— J
OBSERVATIONS.
Moineaux.
Fauvettes.
Rossignol.
Corbeau.
Corneille.
Canard.
Oie.
Colin.
El< HHORST.
Chossat.
COI.IN.
/,/ '
jours.
1
.13
" 4
15
44
19
Oie à foie gras.
Centralhl. f. mcd. Wiss., 1879,
p. 161
Loc. vit
Loc cil. . .
Loc. cil
Loc. cil
Pigeons.
Toui'lfielles.
Pigeons.
ClIOSSAT.
Rkdi.
Loc. cit. !. Moyenne de 20 exp. .
Loc. cit. Moyenne de 16 exp.).
F^oc. cit. (Moyenne de 2 exp.). .
MOYKNNE POUR LES PICEONS .
11
10
12
11
Poule.
SCHIMAXSKI.
KrCKEIN.
Chossat.
Redi.
Cité par Kuckeix, Zeilsch. f.
Riol., XVIII, 1882,29
Id
9
6
32
8
11
18
12
M
Loc. cil
Id
Id. (Moyenne de 2 exp
Id. (Moyenne de 6 exp. . . . .
Moyenne pour les poules. .
14
Or, si l'on compare l'importance relative du système nerveux chez des animaux de
taille différente, on voit bien que c'est chez les plus petits d'entre eux que le système
nerveux est proportionnellement plus volumineux (Lecret et Gratiolet).
En faisant le poids du corps égal à 100, on trouve :
Oiseaux.
Poids du cerveau
par kilogr.
Autruche 0,9
Oie 3,0
Canard 4,0
Sarcelle 13,0
Mésange 80
Mammifères.
Baleine 0,3
Bœuf 1,21
Mouton 3,0
Lièvre 4,0
Rat 7,0
Souris 25,0
L'activité des échanges nutritifs, et partant l'activité du système nerveux, nous donne
donc la clef des différences dans la déperdition que présentent des animaux inanitiés
INANITION.
67
d'espèces différentes. En outre, nous avons vu ([ue, lorsiiue celte déperdition atteint la
proportion de 40 p. 100, l'animal succombe.
Influence de l'obésité. — D'autres inlluences sont susceptibles de modifier dans cer-
taines limites la perte de poids, en particulier l'obésité et l'âge. Il est un fait surabon-
damment démontré (jue, chez les animaux gras, morts d'inanition, la presque totalité
de la graisse a disparu. Cette substance subit donc une déperdition plus forte que celle
subie par le reste du corps, et la perte intégrale proportionnelle est de ce chef modifiée.
D'après les calculs de Chossat, la perte intégrale proportionnelle peut chez les animaux
très gros s'élever à 0,500 et dépasser ainsi de 0,100 lavaleur moyenne de cette déper-
dition qui correspond à 0,400.
L'influence de la graisse découle tout naturellement du rôle que Jouent les réserves
adipeuses pendant l'autophagie du jeûne. La durée de la vie est d'autant plus longue
(jue ces réserves sont plus considérables. Or nous avons vu (ju'au moment de la mort la
presque totalité de la graisse a disparu. Cette perte équivaut environ à 100 p. 100.
Elle peut être même si importante qu'elle modifie la valeur de la perte intégrale pro-
portionnelle. C'est ce que Chossat a mis en lumière en montrant que la perte propor-
tionnelle, qui est en moyenne de 40 p. 100, arrive parfois chez les animaux très gras à
.^0 p. 100.
Influence de l'âge. — D'autre part, l'âge influe incontestablement sur la résistance au
jeûne. C'est un fait connu dès la plus haute antiquité. Les histoires légendaires de la
famille d'L'GOLi.x, et du naufrage de la. Méduse montrent que les plus jeunes succombent
les premiers. Rien d'étonnant si l'on se rappelle que la quantité d'urée et de CO'^
croît en raison inverse du poids du corps. Chez les personnes âgées, cette quantité est
relativement plus faible que chez les adultes et chez ces derniers plus petite que chez
les enfants (Scherer, Scharling).
Voici, d'après Falck, les pertes de poids que subiraient des animaux d'une même
espèce, mais d'âges différents.
Perte d
e poids p. 100
Espèce animale.
Age.
par
24 heures.
Chien. . . .
. . 18 heures.
8,37
— . . . .
. . 2 semaines.
7,83
— . . . .
. . 7 —
.5,21
— ....
. . 3 mois.
4,13
— . . . .
1 an.
2,96
— ....
. . 3 ans.
2,38
— . . . .
. . Très âgé.
1,099
Les expériences de Chossat sur les tourterelles montrent que les animaux jeunes
succombent plus vite par l'inanition que les animaux adultes.
POIDS DU CORPS.
PKRTK DE POIDS.
DURÉE
de la
POIDS
POIDS
PERTK
PBRTK
PERTE
initial.
final.
intégrale
absolue.
intégrale
pi'0|)or(ionnelli-.
diurne
|iro|)nrlioniifIlc
VIE.
y-
yr-
gr.
yr.
gr.
jours.
Tourterelles jeunes. . . .
110,42
82,84
27,58
0,2.30
0,081
3,07
— d'âge moyen.
143,62
91,60
.32,02
0,362
0,059
6,12
— adultes. . . .
189,66
101,61
87,75
0, 463
0.035
13,36
On voit ainsi que l'àge modifie très sensiblement la perte intégrale proportionnelle.
A l'inverse de l'obésité qui l'augmente de 0,1 environ, le jeune âge la diminue très
sensiblement.
On ne saurait donc assigner à la perte proportionnelle une uniformité absolue.
Influence de la croissance. — J. NoÉ a repris sur le hérisson l'étude de l'influence de
l'âge sur la durée de la vie. Pour lui il y a lieu, dans l'interprétation des résultats, de
68
INANITION.
tenir compte de ce qu'il appelle la vitesse toxique (?) d'inanition. Il désigne ainsi la
perte quotidierine moyenne. Le coefficient toxique d'inanition répond à cette même
perle quotidienne rapportée au kilogramme.
Il arrive aux résultats suivants :
POIDS
MOYEN.
DURÉE
do la
RKSISTANCK.
PERTE
TOTAL K
par kilogr.
VITESSE
TOXIQLE.
COEFFICIENT
TOXIQUE.
De 50 à 100 gr. .
De 100 à 300 —
De 350 à 500 —
pr.
73
192
438
jours.
46
22
12
328
336
295
~l,'o
18,5
33
103
98
76
La croissance influe donc sur la durée de la lésistance au jeûne. Celle-ci est plus
longue chez le Jeune que chez l'adulte. La perle totale est sensiblement la mc^me.
Il a fait des constatations analogues chez le lapin, étudié h partir de 200 gr.
Influence de l'ingestion d'eau. — Il est assez généralement admis que l'ingestion d'eau
permet à un animal privé de nourriture de résister plus longtemps, hien qu'il y ait à cet
égard des expériences assez contradictoires.
Les observations de Chossat failes sûr les oiseaux (pigeons et tourterelles) ne com-
portent guère une conclusion générale, étant donné la si faible quantité d'eau que ces
animaux absorbaient (à peine 1/3" ou 1/G* do la quantité normale). Aussi la durée de la
vie pour les pigeons a-t-elle été sensiblement la même, qu'ils aient été ou non privés de
boisson.
Au contraire Choss.^t a constaté sur cinq lapins l'influence conservatrice de l'eau.
Trois d'entre eux privés d'eau moururent après 6, 11 et 13 jours: les deux autres, les
plus légers, qui eurent de l'eau à leur disposition moururent après 9 et 16 jours.
Toutefois, la diminution du poids du corps dans l'inanition serait peu modifiée
par l'ingestion d'eau, d'après une expérience de Choss.vt consistant à peser comparati-
vement deux tourterelles iuanitiées, dont lune de 179 gr. recevait chaque jour une
injection de 4") ce. d'eau dans le jabot, dont l'autre de 100 gr. était soumise à une
abstinence complète.
Jours.
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
PERTE DE
POIDS
Tourterelle
.\.
Tourterelle B
er.
gr.
13,6
11
21,5
18
28,2
26
3i,3
33
39,5
39
44,3
46
49,7
51
57,2
58
64
64
72
70
83
80
90,5
83,7
L'une et l'autre moururent au douzième jour. Il n'y a eu de différence entre ces
deux animaux qu'au point de vue de la quantité de sécrétion plus abondante chez la
tourterelle soumise à l'ingestion d'eau.
BoussiNG.\irLT confirme aussi ce résultat sur deux tourterelles soumises à l'inanition,,
mais dont l'une recevait tous les jours une certaine q-ianlité d'eau.
BiDDER et ScHMiDT n'out guère observé sur leur chat de particularité relative à l'action
de l'eau sur la courbe des pertes diurnes, de la quantité d'urine, d'urée et de carbone
expiré.
INANITION.
69
Toutefois, si les faits que nous venons de citer laissent planer quelque doute concer-
nant riiillueiice de l'eau sur la durée de la vie de certains animaux inanitiés, il en
est tout autrement pour le chien.
Pette.nkofer et Voit soumettent au jeûne de six jours, et à deux reprises différentes,
un chien de 31 kgr. Pendant la première période d'inanition, il absorbait 63 grammes
d'eau. La perte de poids fut de 2.980 gr. Pendant la deuxième expérience, a» cours de
huiuelle il but 1.478 gr. d'eau, la diminution du poids ne fut que de 2.575 gr, Kn
outre, pendant ce deuxième jeûne, il y eut une moins grande. élimination d'urée. Celte
expérience plaide donc en faveur de la remarque faite par Chossat que les mammifères
succombent moins vite quand ils ont de l'eau à leur disposition.
I. ABORDE a étudié cette action de l'eau et institué l'expérience suivante : « Étant
donnés deux animaux, dit Laborde, deux chiens de même poids, de même âge, de
même race, étant, en un mot, dans des conditions physiologiques absolument identi-
ques, l'un est soumis à la privation absolue de tout aliment et de toute boisson, c'est-à-
dire [au jeûne complet, l/autre a à sa disposition de l'eau potable, uniquement de
l'eau.
« L'un et l'autre sont placés dans une niche respective et fermée à clef, d'où ils
sont extraits toutes les 48 heures pour être pesés.
« Le second, celui qui est au régime exclusif de l'eau, est dans une cage disposée
expressément pour que toutes les déjections puissent être recueillies.
« Toutefois, et toujours dans le but et avec la détermination bien arrêtée de ne pas
compliquer l'expérience, ['urine seule sera recueillie pour mettre sa quantité en regard
de l'eau absorbée; en sorte que l'observation est réduite aux trois termes suivants :
« Enregistrement du poids, de la quantité d'eau absorbée et de l'urine rendue
chaque 48 heures. »
Les résultats sont consignés dans le tableau ci-contre :
CHIEN A.
JEÛNE ABSOLU.
CHIEN B. JEÛNE AVEC EAU.
DATKS.
POIDS.
l'OIUS.
F..\U CÛNSOMMKi;.
URINE RENDUli.
kgr.
kgr.
grammes.
grammes.
1" octobre. .
1 0,500 initial.
15,500
..
4 -
12
13
120
104
8 — . .
11
12
460
575
11 — . .
10
11
320
435
13 - . .
9,500
10,500
300
260
15 —
9
10
200
210
n —
8
9,500
300
230
19 —
8 (mort).
9,500
250
160
21 — . .
»
Très vif, voi.\ forte,
caressant.
23 — . .
»
9,200
250
150
25 — . .
»
9
108
105
27 —
»
8,800
100
110
29 —
»
8,500
200
115
31 — . .
»
8,200
170
110
2 novembre..
»
8
100
100
4 —
.)
8
130
70
6 - . .
»
7,800
110
90
8 —
"
7,800
120
95
Le 8 novembre au soir, on administre un repas au chien B, qui, après quelques jours,
avait repris sa vigueur habituelle.
Cette expérience montre donc l'influence de l'eau, et sur la perte de poids, et sur la
durée de la vie. Le chien A est mort après 20 jours de jeûne avec une perte intégrale
de 7 kgr. 500. Le chien B a survécu même après 3'J jours, avec une perte totale de
7 kg. 900.
70 INANITION.
Laborde conclut que « seule, l'intervention de l'eau potable permet la prolongation
du jeûne avec survie au delà du double, au moins, de la limite mortelle du jeime abaolu ».
En ce qui concerne l'inanition chez l'homme, bien qu'elle ne se présente guère dans
des conditions favorables pour porter un jugement au point de vue qui nous occupe,
nous savons cependant que, soit dans les jeûnes accidentels ou volontaires, soit dans
les observations de jeûne hystérique enregistrées par Debove en particulier, l'inges-
tion d'eau parait avoir aussi exercé une influence favorable.
Il est vrai d'ajouter qu'en dehors de l'action que possède l'eau sur les phénomènes
de la nutrition, il faut aussi tenir compte des sensations de faim et de soif que présen-
.tent les inanitiés (V. Faim et Soif.) Les souffrances du jeûne sont moins grandes quand
on a la possibilité de boire. (( Car ce qu'il y a de caractéristique dans la privation
d'aliment et dans la privation de boisson, dit Ch. Richet, c'est que la soif torture
beaucoup plus que la faim, et ceux qui ont éprouvé ces cruelles souffrances ont dit, en
effet, qu'elles étaient causées bien plus par la soif que par la faim. Il me paraît cepen-
dant que l'heure de la mort n'est pas beaucoup retardée par l'ingestion des boissons. »
Influence de la lumière. — Aducco, reprenant dans ces dernières années une ancienne
observation de MoLESCHOTXsur l'influence de la lumière vis-à-vis des échanges nutritifs,
a étudié cette action sur des pigeons.
Il a observé que les pigeons qui jeûnent dans un lieu exposé à la lumière vivent
moins de 16 jours dans le cas d'inanition complète, avec une perte de poids de .3'j à
à 48 0/0, en moyenne. Au contraire, en plaçant d'autres animaux de même espèce
dans une chambre obscure, sans toutefois les soustraire complètement aux excita-
tions normales, il vit que ceux-ci supportaient bien mieux le jeûne. La durée de la
vie fut au moins de 16 jours, en général de 24. La perte de poids fut également plus
forte, puisque les pigeons inanitiés dans l'obscurité perdirent en moyenne de 50 à
54 0/0. Le résultat devient encore plus net, si l'on examine quotidiennement la perte de
poids. Elle fut de 2,59 0/0 pour les animaux exposés à la lumière, de 3,785 pour ceux
soumis aujeûne dans l'obscurité.
L'absence de lumière favoriserait donc la résistance à l'inanition.
Action des chlorures de sodium et de potassium. — Bien qu'il n'ait pu démontrer
d'une façon absolument claire Taction qu'exercent sur les animaux inanitiés les chlorures ■
de sodium et de potassium, A. Pugliese reconnaît que, d'une façon générale, le premier,
à doses peu élevées (0,25 à 0,27 par kg.) sur les chiens, possède une influence sur le
cours de l'inanition en diminuant la perte de poids et la quantité d'eau sécrétée au
niveau des reins.
Le chlorure de potassium, à la dose de 0,40 par kgr., augmenterait la perte de poids
et la sécrétion urinaire. L'élimination d'urée ne subit aucun changement.
Action de l'état pathologique. — Certains états pathologiques retentissent d'une façon
manifeste sur la durée de la vie, soit en diminuant la résistance au jeûne, soit, au con-
traire, en la renforçant parfois dans des proportions vraiment extraordinaires.
Parmi les causes morbides les plus importantes à ce point de vue, nous signalerons
la fièvre et l'hystérie.
Ch. Richet, dans ses recherches sur l'inanition des lapins, donne le chiffre de 1 gr. 5
par kilogramme et par heure, comme représentant la perle de poids moyenne de cet
animal. Sur des lapins fébricitants, la dénutrition a correspondu à une perte de poids
horaire et par kilogramme de 5 grammes. Quant à'ia durée de la vie, il a trouvé les
résultats suivants :
Durée de la vie.
Lapin bien portant 10 jours.
— malade 4 —
Colin a fait des observations analogues sur le cheval. Alors que la perte de poids
pour un cheval bien portant est de 0 gr. 28 par kilogramme et par heure, elle est six
fois plus forte pour un cheval fébricitant.
En ce qui concerne la durée de la vie, d'après Colin, elle serait de trente jours pour
un cheval bien portant, de cinq jours seulement pour un cheval malade.
Il n'en est pas différemment chez l'homme. D'une façon générale, on admet qu'un
INANITION. 71
homme normal soumis au jeilne perd en moyenne 0 gr. 30 à 0 gr. 50 par kilogramme
et par heure. Les ft-bricitants perdent, au contraire, bien davantage.
Dans ses ol)servations de perte de poids prises sur des typliiques, Colin donne les
chiiïres suivants, prouvant bien que ces malades, malgré une alimentation relative,
subissent une dénutrition considérable.
Porto do poids
par kilogr. ot par houro.
Typhiques en 5 jours 0,61
— 9 — 0,88
— 7 — 0,75
La moyenne de la perte proportionnelle serait donc le double de la même perte sur
l'homme normal en état d'inanition.
Hystérie. — Parmi les influences qui peuvent quelquefois se manifester d'une façon
intense, on trouve surtout l'hystérie que l'on ne saurait passer sous silence en raison
de son action si curieuse et si mystérieuse à la fois sur les phénomènes généraux de la
nutrition. Ce serait sortir du cadre de cette étude que de passer en revue tous les détails
relatifs à cette inlluence. Qu'il nous suffise de rappeler que, de tout temps, on a observé
des cas d'inanition hystérique extrêmement curieux. Il est certain que l'on peut émettre
quelques doutes au sujet de l'authenticité de plusieurs de ces récils qui signalent des
résistances à l'inanition variant de plusieurs jours à des mois, voire ihême à des années.
Toutefois, nous trouvons, en particulier dans les observations de Lasègue, Debove,
Ch. RiCHKT, toutes les garanties d'une observation rigoureuse et scientifique.
Lasègue a, en effet, publié l'histoire d'une jeune hystérique, qui, prenant de temps
en temps du thé coupé avec du lait et un peu de café au lait, vécut une année en ingé-
rant à peine ce qui serait nécessaire à l'alimentation d-'un adulte pendant deux jours.
Debove, dans ses recherches sur l'inanition hystérique, a signalé sur deux hysté-
riques une résistance au jeûne qui se manifestait, en particulier, par une diminution
de poids extrêmement faible. Ces deux malades ont très bien supporté un jeûne de
quinze jours. Leur dénutrition était seulement de Ogr. 13 par kilogramme et par heure.
Ch. Richet et Hanriot se sont, d'autre part, assurés que dans l'inanition hysté-
rique il y avait un ralentissement énorme des échanges respiratoires, une diminution
très forte des réactions intra-organiques, ce qui permettrait ainsi de mieux comprendre
les phénomènes généraux de l'inanition chez ces malades.
Alternance de jeûne et d'alimentation. — Il est possible de maintenir en vie pendant
de longues périodes des chiens que l'on soumet à une inanition d'une durée de cinq
jours alternant avec une période égale d'alimentation à la viande crue. Ch. Richet
a vu ainsi des chiens résister pendant six mois.
Les herbivores, au contraire (lapins), ne peuvent supporter plus d'un mois et demi ce
régime alterné. Ils perdent chaque jour 0 gr. 55 de leur poids : ce qui fait au bout d'un
mois et demi une perte de 25 0/0 de leur poids initial.
« On conclura de cette expérience, dit Ch. Richet, que l'alimentation chez les
herbivores ne peut pas être interrompue par d'aussi longues périodes d'abstinence que
chez les carnivores alimentés à la viande crue, mais que cependant la persistance de
la vie dans ces conditions alimentaires est plus grande qu'on ne l'eût supposé d'abord. »
n. — DES PHÉNOMÈNES GÉNÉRAUX DE LA NUTRITION.
DÉPENSE TOTALE u'ÉNERGIE. — DÉPENSE d'aLBUMINE. — COURBE DE l'ÉLLMINATION AZOTÉE.
— Influence de la graisse. — Grandeur de la désassimilation azotée. — Rôle de
l'exgkétion azotée. — Dépense des graisses. — Leur rôle. — Dépense des hydrates
DE carbone. — Glycogène. — Transforaiations chimiques intra-organiques. —
Échanges respiratoires. — Variations du quotient respiratoire.
Des phénomènes généraux de la nutrition. — La ration alimentaire satisfait
au double besoin organique de la réparation de substances et de dégagement d'énergie,
grâce auquel l'équilibre nutritif est assuré sans usure apparente des matériaux intra-
organiques. Or, pendant toute la période d'inanition, l'animal lutte constamment
72
INANITION.
contre la déficience alimentaire, et, puisque l'apport extérieur lui fait défaut, il puise
dans ses propres substances les éléments propres à sa conservation. Le dégagement de
chaleur d'une part, et, en second lieu, l'excrétion de substances minérales et orga-
niques en représentent le témoignage indubitable. Les phénomènes de nutritition durant
le jeûne constituent à n'en pas douter la question la plus importante à étudier, et comme
sur l'animal normal on doit les envisager à un double point de vue, en déterminant
d'abord la dépense d'énergie et ensuite la destruction organique.
Dépense totale d'énergie.— Il convient tout d'abord de rappeler que, dans les condi-
tions de l'alimentation normale, l'organisme se règle d'après ses propres besoins, qu'une
alimentation suffisante ou surabondante n'imprime guère de modifications à la pro-
duction de calories. Les expériences de Zuntz et V. Mering (1883), de Wolfer, Pothast,
tendraient, en effet, à démontrer que les combustions n'augmentent pas même après
l'introduction directe de substances oxydables dans l'appareil circulatoire. Cependant les
Dépense totale de calories pendant l'inanition.
ESPÈCES
JOURS
POIDS
SOMME
CALOUIHS
do
(lu
TOT.\LK
AUTEURS.
ANIMAI-KS.
Ji;UNK.
( ORPS.
de calories.
l'AK KGR.
Cobaye. . . .
1
0.672
101,1
149,9
RÏBNER.
—
2
0,625
102,6
162,6
—
—
3
0,582
89,9
156,5
—
4
0,5.50
77,1
140,5
—
—
5
0,52i
72,4
137,3
—
—
6
0,498
75,5
150,6
—
7
0,474
74,4
157,4
—
8
0,450
65,1
155,6
—
—
9
0,428
69,1
162,6
—
Chien
2
32,9
1177,0
35,8
Pettenkoffer et Voit.
....
'6
:m,7
1161,0
36.7
—
— . . . .
8
30,5
1 08S,0
35,7
—
Cetti
1 il 4
55,9
1618,0
29,5
LeILMANN et ZUNTZ.
5 à 6
7 i 8
9 à 10
52,5
52,1
50,9
1501,7
i 662,0
1508,5
28,4
31,7
29,3
—
travaux de Lkvy, Voit, Fick (1890), Speck {Arch. f. exp. Path., II, 412, 1874) indiquent
une augmentation de combustions après l'ingestion alimentaire. Pour Fick, l'introduction
de substances nutritives, en augmentant surtout la proportion de l'albumine du sang,
serait suffisante pour expliquer cette suractivité des phénomènes de combustion. Au
surplus, cette question se rattache directement à l'étude de V alimentation de luxe, pour
les détails de laquelle nous renvoyons à l'article : Aliments (i, 294). Des connaissances
que nous possédons à l'heure actuelle sur l'alimenlation, il résulte que son action sur
la dépense de calories n'a pas lieu directement. Si les substances ingérées entraînent
momentanément un surcroît de destruction organique, c'est surtout par le surcroît de
travail mécanique imposé à l'intestin. Telle est l'interprétation actuelle de ce phéno-
mène (LÉVY, Voit, Zuntz et Lehmann). Quant à l'excès de substances alimentaires, il
se localise dans l'économie sous forme de réserves, dont l'utilisation se produira au
fur et à mesure des besoins.
En un mot, il existe un mécanisme régulateur des phénomènes nutritifs qui subor-
donne leur intensité à la grandeur des besoins organiques.
Ces besoins organiques dont dépend la dépense totale sont-ils les mêmes lorsque
toute alimentation est supprimée? Les expériences effectuées à ce sujet montrent que,
s'ils sont en général abaissés, il n'existe pas une grande différence entre l'état normal
et l'état d'inanition. En J'autres termes, la dépense totale reste sensiblement la même.
INANITION.
73
I.es diverses substances alimentaires, ternaires ou (juaternaires contribuent d'une
façon variable, suivant les conditions, à ces dépenses, nnais la somme totale de calories
reste constante.
Si la dépense totale d'énergie est sensiblement la même chez l'animal à jeun, il
s'ensuit naturellement une perte de poids progressive sur laquelle nous avons suffisam-
ment insisté. Mais il reste maintenant à rechercher la part qui revient à chaque groupe
de composés organiijues dans cette production de chaleur. Or pour faire face à celte
dépense, l'organisme ne pourra utiliser de sa propre substance que les trois groupes de
corps suivants : Albumines, (/misses, hi/drales de carbone. Il faut étudier dès lors l'utilisa-
tion de ces éléments.
Dépense d'albumine. — Elle peut se mesurer par l'élimination d'azote dont nous
allons nous occuper. Or, le fait général sur lequel tout le monde est d'accord est le sui-
vant : à l'état d'inanition l'animal continue à éliminer de l'azote et cela jusqu'à la tin,
ce qui revient à dire qu'il use jusqu'à la mort ses albumines.
Courbe de rélimination azotée. — L'étude de la désassimilation des matières albu-
minoïdes qui traduit la part de la matière azotée dans les échanges nutritifs durant
l'inanition a suscité un nombre très considérable de travaux, (^es recherches ont déjà
été entreprises par Bidder et Schmidt eu 18o2 sur un chat. Ils évaluèrent à 204 gr. 13
l'albumine consommée, soit32 gr. 7 d'azote pendant la période déjeune. Falck (1877)
trouve sur un chien de 8kgr., et pendant un jeûne de 24 jours, 220 gr. d'urée ou 102 gr.
d'azote.
Élimination d'azote pendant l'inanition (chez l'homme).
JOURS DE JEÛNE.
CETTI.
JOURS
(le
JEÙ.NE.
SUCCI.
Dernier jour d'aliinenlation
!'■'' jour de jeune
13.5
13,6
12,0
13,1
13.4
10,7
10,1
10,9
8,9
10,8
9,0
BREITH.^UFT.
13,0
10,0
9.9
13,3
12,8
11,0
9,9
sucer.
16.2
13,8
11,0
13,9
12,8
12,8
10,1
9.'t
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
s, 4
7,8
6,8
7,9
7,2
3,5
5,3
5,1
5,5
6,2
5,5
5,0
4,4
3,9
3,2
4,8
5,6
6,0
5,1
;J,4
5,6
4,1
6,6
»
Oo
3' —
4* —
oe —
6' —
7« —
8'= —
9° —
10" —
Dernicf jour d'aliniciital.ion
1"' joui" de jeune
2" —
3' —
4' —
5' —
6« —
Dernier jour d'aliinentaiioii
I"' jour de jeiioe
2-
3' —
4» —
5° —
6' —
Après eux, Rib.ner, Voit, Piiàge», Schondorfk, Botuung, Schclz ont constaté que la
marche de l'élimination azotée ne présentait pas une courbe absolument régulière. Il
y a surtout un maximum relatif d'élimination, qui n'a pas échappé à l'atlention de ces
n INANITION.
expérimentateurs et qui précède de très peu le moment de la mort. Mais, dans la courbe
générale de l'excrétion azotée, on remarque plusieurs phases.
Tout d'abord, et aussitôt après le début du jeûne, l'élimination de l'azote est encore
sous l'iiilluence des jours précédents. Il n'y a, pendant cette première période, nulle
économie d'albumine; et la dépense correspond à l'apport assuré par le régime anté-
rieur. Plus l'alimentation était riche en matière azotée, et plus, dans l'inanition, l'excré-
tion est abondante. Sans entrer dans la cause de cette utilisation d'albumine, rappe-
lons toutefois que, d'après Voit, l'explication de ce phénomène serait basée sur les
deux formes d'albumine que l'organisme retient. Il y aurait à distinguer d'une part
l'albumine des organes et l'albumine circulante d'autre part. Nous nous contentons de
mentionner cette hypothèse que nous retrouverons plus loin, ne voulant, pour l'instant,
que mettre en lumière ce point important, qu'au début de l'inanition l'excrétion azotée
dépend de la nature du régime antérieur.
Ce fait a été constaté à la fois sur l'iiomme et sur l'animal.
Il s'établit ensuite un régime de moindre dépense azotée, variable suivant les indivi-
dus, et se maintenant sensiblement au même niveau pendant la majeure partie de l'ina-
nition. Cette phase correspond véritablement à une utilisation minimum d'azote pour
l'organisme. C'est simplement au moment où l'épuisement des réserves graisseuses est
complète, et vers la fin de l'inanition, que de nouveau l'azote urinaire augmente sensi-
blement. C'est le signe d'une déchéance rapide et de mort prochaine. En prenant, par
exemple, une expérience de Voit sur un chat bien musclé, mais assez pauvre en réserve
de graisses, on voit très nettement ces trois périodes caractéristiques. L'élimination
d'azote est ici calculée sous forme d'urée.
urs.
Uréo.
Jours.
Urée.
Jours.
Urée.
g'--
?>•.
gr-
1
5,7
6
3,7
Il
4,1
2
4,5
7
*,1
12
6,1
3
3,9
8
4,2
13
6,1
4
3,7
9
4,1
»
»
5
3,8
10
4,7
»
>i
D'après Deho.n, la période d'élimination constante de la phase moyenne de l'inani-
tion chez l'adulte ne se produirait pas en raison de la précocité de la mort chez le très
jeune chat inanitié. Pour tous les autres phénomènes du métabolisme azoté, ils seraient
analogues à ceux de l'adulte.
Influence de la graisse. — Le sens général de la courbe de l'azote excrété peut chan-
ger lorsqu'on l'observe sur un animal très riche en pannicule adipeux. On remarque
alors d'une façon bien moins nette les trois phases que nous avons indiquées. L'élimi-
nation azotée suit une courbe régulièrement décroissante, comme nous le prouvent les
expériences de Ridder et Schmidt ou de F.\lck sur un vieux chien très gras et qui ne
mourut qu'après 60 jours de jeune. En se reportant aux moyennes hebdomadaires de
l'élimination d'urée, on obtient les chiffres suivants (Lambling) :
Jours.
Urée.
Jours.
Urée.
1
14,91
31
6,39
2
11.27
38
5,72
3
9,46
45
4,30
10
8,40
52
4,25
14
9,26
59
3,50
16
7,07
»
»
Le rôle de la graisse devient ainsi très important, puisqu'elle permet une utilisation
minimum d'albumine. Voit, Hofmann, Mu.\k en particulier ont mis ce rôle en évidence,
en étudiant la désassimilation azotée sur des chiens plus ou moins riches en tissu
adipeux. Ils ont vu que sur des animaux maigres, la disparition complète de leurs
faibles réserves adipeuses marquait le début d'une augmentation d'excrétion d'azote
se maintenant jusqu'à la mort.
De même sur des chiens bien portants et assez gras, la destruction azotée n'augmente
INANITION. 75
sensiblement qu'au moment où les réserves graisseuses ont été presque complètement
utilisées.
Cette exagération de laifuantilé d'azote excrét<? possède une haute signification pour
le pronostic de la morl dont elle représente un des premiers symptômes.
Voit a donné des variations de la courbe de l'excrétion azotée une explication que
nous avons mentionnée plus haut et dont nous devons parler. D'après lui, il y a lieu de
considérer, dans tout être vivant, une albumine « de réserve », dont la quantité est
proportionnelle à l'albumine ingérée. Plus celle-ci est abondante, plus la quantité de
la première croîtra. En plus, il existe une autre albumine « organisée », qui fait partie
dos éléments analomiques, organes et tissus. Pendant l'inanition, l'instabilité de l'al-
bumine de réserve la désigne tout naturellement pour les échanges nutritifs. Aussi
l'élimination d'urée est-elle forte au début. Mais cette albumine est vite épuisée (3« ou
4"= jour). L'albumine organisée, plus stable, se décompose à partir de cet instant. On
peut admettre, d'après Voit, que l'abaissement de l'élimination initiale de l'azote
représente la fin de la réserve d'albumine et le commencement de l'utilisation de l'al-
bumine organisée.
PpLi GKR et Voit sont en désaccord quand il s'agit de préciser l'influence des injec-
tions sanguines sur l'excrétion azotée. Alors que, pour Voit, l'injection d'une assez
grande quantité de sang frais, d'un animal d'une même espèce, n'augmente pas le
taux de la désassimilation azotée, car cette albumine organisée persiste après l'injection
sans altération; pour Pfllger, au contraire, l'introduction du sang entraîne une augmen-
tation de la décomposition d'albumine directement proportionnelle à la quantité d'azote
contenue dans le plasma sanguin, tout comme si l'albumine du plasma avait augmenté
par l'absorption intestinale.
D'après Pkllger, la destruction d'albumine n'est pas liée à la quantité d'albumine
circulante, mais bien au mode d'état nutritif des éléments anatomiques. L'albumine
absorbée soit par l'intestin, soit par les voies sanguines dans les cas d'injection intra-
vasculaire s'organise d'abord. Elle subit ultérieurement la décomposition.
Quant au phénomène de l'accroissement de l'élimination d'azote pendant les der-
niers jours du jeune, il a reçu plusieurs interprétations. D'après Voit et Munk, la dispa-
rition des réserves graisseuses oblige l'organisme à s'adresser aux substances albumi-
noïdes, de telle sorte que leur consommation devient plus grande qu'au moment de
l'utilisation des graisses. Cette explication parait d'autant mieux justifiée, que, chez les
ani(naux très gras, ce phénomène peut ne pas se produire ou se produit à un moment
beaucoup plus éloigné du début du jeûne. Cependant certains auteurs ont adopté une
manière de voir différente. Schimanski, Schôndorfk et Schulz auraient constaté en effet
une décomposition très énergique des albuminoïdes chez les animaux très riches en
réserves graisseuses. Schimanski a observé ce fait sur des poules qui meurent avec des
provisions considérables de matières grasses. Pour lui, la mort seule de nombreuses
cellules à la fin de l'inanition, peut expliquer cette consommation exagérée de matières
albuminoïdes. La désagrégation anatomique permet aux sucs organiques de s'enrichir
de nouvelles quantités de substances nutritives, qui augmentent la résistance des cel-
lules restées intactes. Cette hypothèse repose sur d'autres faits d'observation, enre-
gistrés par Fra.nkel, Albitzki, Popel, d'après lesquels certains facteurs, exerçant une
action nocive sur l'organisme, ont pour etïet d'augmenter également la décomposition
d'albumine et l'élimination d'azote. Kumagawa et R. Miura, Cramer, soit sur le lapin, .
soit sur le chien, ont encore remarqué que l'abondance plus ou moins grande des
réserves de graisse n'empêchait pas inéluctablement l'augmentation prémortelle de
l'élimination azotée.
D'ailleurs l'interprétation exacte de ce phénomène ne serait pas intimement connue,
puisque l'augmentation de l'excrétion azotée persiste malgré l'administration de graisse
par la peau (Knoll) ou par la bouche (Sciiwarz). D'autre part, l'injection de sucre de raisin
ou d'albumine n'empêche nullement les chiens inanitiés de présenter ce dernier phé-
nomène.
Erwin Voit a cherché récemment à déterminer la relation entre ces deux facteurs,
et,d'a<cord avec la plupart des auteurs, il a noté que la destruction d'albumine est faible,
lorsque les réserves graisseuses de l'animal sont abondantes, et inversement. Quant au
76
INANITION.
moment de l'accroissement de l'excrétion azotée, il coïncide avec celui où la graisse
atteint une valeur relative déterminée. La relation entre la destruction d'albumine et la
teneur en graisse serait tellement évidente, qu'on peut conclure l'une d« l'autre d'après
E. Voit, pour une espèce animale donnée.
Grandeur de la désassimilation azotée. — Quant à la grandeur de la désassimilation
azotée, on sait qu'elle varie suivant plusieurs influences au nombre desquelles on doit
d'abord citer la taille. Si un individu de grande taille détruit plus d'all)uniine qu'un
individu plus jtetit, il est facile de voir, en rapportant le chiffre d'excrétion azotée à
l'unité de poids, que plus la taille est petite, plus l'excrétion azotée est forte.
Les chiffres suivants que nous empruntons à Munk et Ewald mettent ce fait en évi-
dence.
POIDS
DES ANIMAUX.
DÉCOMPOSITION D'ALBUMINE.
PAR JOIR.
PAR K 1 L 0 G R.
Vieux chien gras . . .
Chien
kiloiir.
35
19,6
10,1
8,9
3,2
f-'l'-
29
31
21
21,2
10,4
0,83
1,6
2.13
2,4
3,25
Sur des chiens de taille ditlérenle, Rïb.ner a établi que la désassimilation d'albumine
et de graisse dépend exclusivement de la surface du corps. Plus celle-ci est grande
par rapport au poids, plus le rayonnement est considérable, et conséquemnient plus le
phénomène de désassimilation se pi'oduit avec énergie. C'est là un fait expérimental
que confirme cette donnée aujourd'hui classique, et dont nous retrouvons à l'état
normal l'application chez les animaux normaux, à savoir que les individus de petite
taille ont toujours besoin de réactions chimiques ititenses pour lutter contre le refroi-
dissement beaucoup moins grand chez les animaux de plus grande taille.
Cette raison est de nature à expliquer éj^alement la différence observée à ce point
de vue entre les animaux à sang chaud et les animaux à sang froid.
En comparant l'excrétion azotée sur diverses espèces, et en prenant la moyenne par
kilogramme et par vingt-quatre heures, Athan.\siu dresse If tableau suivant :
Azote de grenouille étant égal à 1
Grenouille 0,250 1
Chien 0,610 2,4
Rat 0,740 3
Cobaye 0,8)80 3,5
Lapin 1,200 4,8
Il corrobore à cet égard la différence essentielle entre les homéotherraes et les
poikilothermes.
LAPINS.
ÉTAT NORMAL.
AZOTE TOTAL
en grammes par 24 heures.
INANITION.
AZOTE TOTAL
en grammes par 24 heures.
N° 3
0,6626
0,7196
0,6877
0,7021
0,8744
0,7735
De Buhtlingk.
N° 4
N° 6
Jusqu'ici, nous n'avons mentionné que les résultats les plus généraux, relatifs au
mode de désassimilation azotée. 11 y a lieu maintenant d'indiquer une particularité
INANITION.
77
intéressante qui a été l'objet de rechercli<;s fjiites par Hrymans et de Bothlingk. Ces au-
teurs ont suivi la désassiiiiihilion azotée chez les herbivores, et constaté (jue des ani-
maux placés préaliibleinenl en écpiilibre pour une ration déterminée présentent, après
le début du jeune, une augmentation notable et croissante de l'élimination d'urée.
Chez quelques animaux, cette augmentation fut très considérable.
Ces animaux présentaient donc une augmentation absolue de la quantité d'azote
urinaire au cours de l'inanition. Cela ne s'est pas produit dans toutes les expériences.
Mais en pieuanl comme base d'appréciation le rapport de la quantité d'azote au poids
de l'animal, l'augiuentation n'a jamais i'aitdéfaut et s'est montrée, danscinq expériences,
supérieure à ce qu'elle est normalement.
Il en a été de même pour l'urée qui s'est accrue proportionnellement plus que l'azote
tolal.
L.\PINS.
ETAT NORMAL.
AZOTE URKIQUE
en «grammes par 24 heures.
INANITION.
AZOTK URKIQUE
en grammes par 24 heures.
N» :i
0,5721
0,6362
0,9051
0,5837
0,6471
0,8054
0,9751
0,7096
N» i - . . . .
N° 0
L'inverse se produit sur les chais ou sur les carnivores en général. Chez ces derniers
et dès le commencement de l'inanition, on observe la baisse de l'azote tolal el de l'urée.
Quelle est la raison de celte différence entre les lapins et les chats? L'augmentation
de l'azote tot.tl pour les premiers, par unité de temps et de poids correspond, à 100 : 133;
chez les seconis, au conh-aire, l'abaissement s'exprime par le rapport 100 : 20.
Les conditions de l'expérience étant les mêmes, on doit en trouver l'explication
dans la différence de régime, car les uns sont herbivores, les autres carnivores.
Voici quelle serait, d'après dk Bothlinok, l'interprétation de ce phénomène. En élimi-
nant les réserve» sous forme d'hydrates de carbone, qui ne sont guère abondantes dans
l'état déjeune, on doit reconnaître tout d'abord que les herbivores aussi bien que les
carnivores exécnlent leurs échanges nutritifs aux dépens des albumines et des graisses.
Les conditions sont les mêmes pour les uns et les autres dès le début du jeune. Toute-
fois, ils n'y sont pas préparés de la même manière et en tenant compte de l'alimenta-
tion antérieure, les uns (lapins) reçoivent des quantités abondantes d'hydrocarbonés
et peu daibnmine, les autres (les chats), normalement, ingèrent plus d'albumine que-
d'hydrate de cari»i»ne. Sous l'influence de l'inanition brusque, les chats passent donc
subitement d'un étal, d'alimentation riche en azote à un autre qui en est plus pauvre et
nversem V poui' les lapins. Celte différence chez les herbivores et les carnivores
expliquerait l'inversion de la courbe d'élimination azotée. Ces résultats sont absolu-
ment comparaltles à ceux qu'a obtenus Heymans, en montrant, en 1896, que sur des
lapins en équilibre azoté, l'inanition est suivie, pendant trois à cinq jours, d'une
augmentation imi'orlante et croissante d'excrétion azotée. L'herbivore se transforme-
en Carnivore. I.'uiée diminue ensuite au-dessous de la normale et subit l'augmentation
prémorlelle sur laquelle nous avons suftisamment insisté.
Rôle de l'excrétion azotée. — Il convient maintenant de rechercher la signification!
de cette consian • d'azote dans le cours de l'inanition, et la valeur de sa contribution à
la dépense d'énergie mise en liberté par l'animal. C'est là une question extrêmement
importante qui se confond avec l'étude des phénomènes généraux de la nutrition.
« Il esl dans la loi du protoplasma de mourir sans cesse, dit L.\UL.\^'l^;, et d'aban-
donner une partie d« lui-même. La matière vivante est entraînée dans un mouvement,
irrésistible d'^ désnigmisation et de ruine qui met en liberté de l'albumine morte. Cette-
déchéance onlimielle est la loi même de la vie. Elle relève d'une propriété immanente
du protoplasma, de cette instabilité déjà étudiée et qui, par sa nécessité, par sa cou-
78 INANITION.
stance, prend le caractère d'un attribut essentiel. On ne voit pas, il est vrai, la raison
de cette fragilité nécessaire, qui se pose provisoirement comme un fait premier et irré-
ductible, mais elle donne toute sa clarté au rôle de l'albumine alimentaire, et on se
trompe quand on dit que ce rôle est inconnu. Il est aussi apparent que possible. L'albu-
mine des aliments est faite pour remplacer l'albumine morte et pour devenir vivante à
son tour. »
De telle sorte que l'inanition représente une circonstance particulière favorable à la
recherche du rôle joué par l'albumine. Or, précisément dans ce cas, on remarque que
sa contribution chimique est très faible. En prenant les exemples empruntés à Lau-
LANiÉ, nous voyons que, dans une expérience de Ranke, un homme à jeun de 09 kilo-
grammes emprunte jO gr. i'6 d'albumine et 206 grammes de graisse. Voici l'expression
en calories de cette dépense.
Chaleur produite par la combustion de l'albumine .^0,13x4 860= 243 cal. 729
— — de la graisse 206 X 9 400 — 1 936 cal. 400
Total :>180 cal. 129
Part de l'albumine dans la production de la chaleur totale : 1,1 1.
Cette part est partout très réduite et oscille dans des limites très faibles, comme
nous pouvons le voir sur le jeûneur Cetti, très pauvre en réserves graisseuses. Au pre-
mier jour de jeûne ses dépenses étaient :
Albumine 88 gr. donnant 427 cal. 680
Graisse 160 gr. — 1 .504 cal.
Total. ... 1931 cal. 680
Part de l'albumine dans la production totale : 22,1 p. 100.
Le chien de Voit et Pettenkofer dépensait au 10« jour d'inanition 28 grammes
d'albumine et 83 grammes de graisse.
Chaleur produite par l'albumine 28 x 4,86 = 136 cal. 08
— la graisse 83 X 9,4 =780 cal.
Total. . 916 cal. 08
Part de l'albumine dans la production totale : 0,148.
Ces chiffres permettent de conclure que la part qui revient h. la destruction de l'albu-
mine dans la production d'énergie est extrêmement faible, puisqu'elle varie de 10 à
20 p. 100 environ. Comme le dit encore Laula.nié, « il est impossible de soutenir que
la destruction d'albumine est commandée par les besoins de la calorilication. Elle reste
trop loin du but, pour qu'il soit légitime de l'y rattacher. »
3° Dépense des graisses. Leur rôle. — D'après les considérations précédentes et les
exemples que nous avons donnés, on comprend le rôle important que joue la graisse
dans la production d'énergie, aussi bien chez l'inanitié que chez l'individu normal. Elle
représente en réalité une réserve que l'organisme utilise immédiatement, avant de
s'adresser ù l'albumine. Sa destruction est liée à la grandeur du besoin de calories, et,
partant, la quantité de graisse détruite par 24 heures est essentiellement variable.
L'expérience de Ranke nous renseigne, sur la part importante qui revient aux
graisses dans la production d'énergie. Il s'agit d'un homme pesant 60 kilogr. et soumis
à un jeûne de 48 heures. Au second jour de l'inanition il élimine: azote total urinaire,
85'',024; carbone total, 184 grammes.
L'albumine représentée par cette quantité d'azote correspond à 8K'",024 x 6,25 soit
îiO^^lS dans lesquels on trouve 268'", 88 de carbone (8,024 X 3,oo). Le carbone dû à la
destruction des graisses est de 184, o — 26,88 soit 175^^,62, correspondant à 206 grammes
de graisse (157,62 x 1,307).
L'apport total de calories se décompose de la manière suivante, comme nous l'avons
déjà vu en citant cette même expérience :
Albumine 50 gr. 15 x 4,8= 240 cal. 7 ou 11 p. 100
Graisse 206 gr. X 9,3 = 1 915 cal. 8 ou 88,9 p. 100
Si nous opposons à cette expérience faite sur un individu gras une observation de
même ordre de Voit et Pettenkoffer sur une personne maigre, nous obtenons des résul-
INANITION.
79
tats parfaitement comparables mais avec cepeiidaiit une différence qui met en lumière
le rôle dévolu aux matières tarasses.
Au premier jour de jeune sur cet individu, Voit et PETiENKOMEn trouvent:
Albumine 78 gi-. X 4,8 i= 312 cal. ou lu p. 100
Graisse 215 gr. x 9,3 = 1999 cal. 5 ou 84 p. 100
La présence des réserves de graisse dans la première de ces expériences a permis
de diminuer la valeur de l'apport tiiermique relatif des albumines.
HiDDKu et ScHMiDT sur leur chat, Voit et PETTKNKori'ER sur deux chiens ont fait la
même constatation.
Au cours de l'inanition, Biddeu et Sciimidt ont trouvr sur le chat les chiffres suivants:
JOURS DE JEINE
1, 6
1, 12
13, 18
.A.LBUMINK PAR 24 HEURES.
RAMMKS. CAI.ORIKS. PlIURCtNTlCK
1:3,6
10,7
,7,8
t)3.96
43,87
31,98
47,-)
38,3
33,:;
GRAISSE PAR 24 HEURES.
GRAMMF.S. CALOUIES. POIRCESUGI!
7.6
7,61
6,8
70,68
70,77
63,24
o2,5
61,7
66,0
Sur deux chiens, Pettenkoffer et Voit trouvent :
ALBUMINE PAR 24 HEURES.
GRAISSE PAR 21 HEURES.
GRAMMES.
CALORIES.
porRCEsnr.E.
GRAMMES.
CALORIES.
P01RCF.NTASF.
72,46
3o,49
29,32
37,19
17,64
297,1
145,3
120,2
132,3
72,3
27,1
13,2
11,5
13,3
8,6
86
103
99
107
83
799,8
957,9
920,9
995,1
771,9
72,9
86,8
88,3
86,7
91,4
— 5 . .
— S . .
Chien n" II : 6 . .
— 10 . .
Somme toute, l'étude de la courbe de la destruction de la graisse pendant la durée
de l'inanition ne présente donc pas les particularités que nous avons relevées à propos
de l'excrétion de l'azote. La destruction se fait au fur et à mesure des besoins chimiques
intra-organiques et croît proportionnellement à leur intensité. C'est seulement lorsque
les graisses ont complètement disparu que l'organisme utiliserait d'autres ressources.
N6us avons vu précédemment l'opinion de certains auteurs sur cette disparition de la
graisse qui entraînerait aussitôt l'élimination prémortelle d'une quantité plus considé-
rable d'azote.
4° Dépense des hydrates de carbone. — Glycogénie. — Transformations chimiques
intra-organiques. — La présence du glycogène dans les tissus, même après quinze jours
de jeûne Ch.vuveau), la quantité du sucre que renferme le sang des inanitiés, propor-
tionnelle h la consommation organique, démontrent la constance et la continuité de la
fonction glycogénique. Le sucre ne disparaît que dans la période ultime du jeûne, et sa
disparition coïncide avec le refroidissement prémortel. Sa présence pendant la majeure
partie du jeûne ne peut se comprendre sans une reconstitution incessante, parallèle à
sa destruction.
Quel est le mode de cette reconstitution ? Aux dépens de quelles substances le sucre
prend-il naissance? Tels sont les faits qu'il y a lieu d'examiner et qui ont donné lieu à
des interprétations différentes.
D'après Kaufman.n, beaucoup de raisons plaideraient en faveur de la transforma-
tion des albuminoïdes et des graisses eu sucre pour assurer ù l'organisme, sous cette
forme, une réserve mobile immédiatement utilisable pour les besoins du travail physio-
logique. Pendant l'abstinence, toute l'énergie résulterait de l'oxydation des matières
albuminoïdes et des graisses qui sont toujours consommées à l'état de sucre.
80 INANITION.
Kaufmann distingue à ce sujet trois périodes principales : une première pendant
laquelle l'organisme utilise sa réserve hydrocarbonée; une deuxième, caractérisée par
la reconstitution de cette réserve ; une troisième, enfin, pendant laquelle le sucre se
détruit dans les mêmes proportions où il se reconstitue, ce qui revient à dire qu'alors
l'animal ne brûle que de l'albumine et de la graisse. En tout cas, chez l'animal à jeun,
comme chez celui qui est alimenté, « la totalité de l'énergie qui apparaît sous forme de
chaleur sensible dérive d'oxydations pures et simples ». (Kaufmann.)
Nous trouvons dans une expérience de Kaufmann l'interprétation de ces phénomènes
de transformation.
1° Échanges i*espiratoires par heure :
C02 produit 4 lit. -49* ^ n Tî n 7"
0 absorbé 5 lit. 992 ) ^" ^^' "'
Chien au l'ô' jour de l'inanition. •/ 2° Excrétion azotée :
Azote total 0,913
Albumine correspondante . . 1 gr. 2683
3° Chaleur dégagée au calorimètre. 27 cal. 9
Les calculs sont faits en supposant Vo.vydation complète et simultanée de l'albumine et
de la graisse.
i' Transformation de l'albumine en urée. — Cette transformation exige :
Acide carbonique 0,872 X 1,2683=1 lit. 1059
Oxygène i,04o X 1.2683=1 lit. 3254
Chaleur 4,857 + 1,2683 = 6 cal. 2
Ces chiffres sont plus faibles que ceux fournis par l'expérience.
Excédent de C02 exhalé 4 lit. 494—1 lit. 1059= 3 lit. 388
— d'oxygène absorbé 5 lit. 992 — 1 lit. 3254= 4 lit. 666
— de chaleur dégagée 27 cal. 9 — 6 cal. 2 =21 cal. 7
Un autre corps a donc brûlé en même temps que l'albumine, et on prévoit qu'il s'agit
de la graisse.
2° Oxj/dation de la graisse. — Dans l'oxydation de la graisse, il y a un dégagement
de 6 cal. 647 pour chaque litre de CO- et de 4 cal. 650 pour un litre d'oxygène.
La chaleur correspondant à l'excédent de CO^, en admettant qu'il provierme de la
combustion de la graisse, sera de
6 cal. 647 x 3,888 = 2 cal. 5
Quant à l'oxygène
4 cal. 666 X 4,650 = 21 cal. 69
En tenant compte des causes d'erreur in'nérenles à l'expérience, l'excédent de chaleur
dégagée au calorimètre est très sensiblement voisin du chiffre théorique 21 cal. 69, et
on doit tirer de cette coïncidence une forte présomption en faveur de ce fait que chez
l'animal inanitié, en plus de l'albumine, il y a aussi oxydation de la graisse.
Quant aux réserves de glycose qui se reconstituent sans cesse au fur et à mesure de
la destruction, elles doivent être considérées comme essentiellement mobiles. Les hydrates
de carbone ne sont qu'une phase dans la transformation des albuminoïdes et des graisses
dans l'ensemble des réactions qui les font aboutir aux deux derniers termes H-0 et CO'^.
ZuNTZ et Lehmann, en se basant sur le faible coefficient respiratoire d'un homme
soumis au jeûne, avaient conclu à la formation d'hydrates de carbone de réserve aux
dépens de la graisse.
D'un autre côté, des raisons d'ordre théorique et expérimental conduisent Chauveau
à cette notion que la graisse, dans l'inanition comme à l'état normal, se transforme en
potentiel hydrate de carbone.
On ne saurait en effet interpréter différemment la fixation d'oxygène qui se produit
pendant le sommeil hibernal, avec disparition graduelle de la graisse et réfection inces-
sante du glycogène et du glucose. Et il ne s'agit de rien de particulier aux hibernants.
Chez tous les animaux inanitiés, la résorption delà graisse coïncide avec la permanence
du glucose dans le sang et la conservation du glycogène musculaire et hépatique.
INANITION. 8t
Ouaml ces réserves disparaissent, c'est que leur ilépciise n'est pins compensée par
une restiUition suflisante que devrait assurer la transformation de la graisse. Les
iiydrales de carbone formés sont consommée en totalité par les travaux intérieurs de
i'orj^'anisme. De plus, le quotient respiratoire présente une tendance très marquée à
l'abaissement.
(liiAUvEAi; a trouvé une conlirmation de ces notions générales dans l'étude du
, , . . C02
quotient respiratoire chez 1 homme à l'état d'abstinence. La marche du rapport — ~
dans ces circonstances suit toujours la môme courbe :
1" Accroissement du quotient des échanges respiratoires.
2° Atténuation marquée de cet accroissement pendant le cours de travail, s'il se
prolonge.
3° Chute du quotient respiratoire h sa valeur primitive, même à une valeur inférieure,
pendant le repos consécutif au travail.
Le premier accroissement du quotient concorde avec un fait que tous les expérimen-
tateurs ont vérifié, à savoir que les hydrates de carbone assurent la dépense éner-
gétique exigée par le travail. Mais la diminution des quotients, dans le cas de prolonga-
tion du travail, ne saurait s'expliquer, d'après Ciiauveau, sans l'adjonction de phéno-
mènes de même sens, mais de moindre intensité que ceux qui se produisent après le
travail et qui entraînent alors une forte chute du quotient. Cette chute est si sensible
qu'on ne saurait l'interpréter sans invoquer une oxydation des graisses, avec le quotient
0,27, pour leur transformation en hydrates de carbone et la reconstitution des réserves
de glycogène.
D'ailleurs tous ces phénomènes s'accordeVit très bien avec la constatation directe de
la dispoi'ition des réserves de glycogène hépatique et musculaire pendant le travail: ce
qui explique l'élévation du quotient au début. D'autre part, la reconstitution des
réserves d'hydrates de carbone par transformation des graisses explique la diminution
consécutive du quotient.
Comme conclusion on voit don(î que : « 1° D'après les renseignements fournis par
1-es échanges respiratoires, la graisse ne constitue jamais le potentiel directement
utilisé par les muscles en travail de l'homme à l'état d'abstinence.
« 2° C'est sous la forme d'hydrates de carbone que ce potentiel énergétique est fourni
à l'activité musculaire.
« 3° Le travail des muscles tend à épuiser les réserves de glycogène et de glycose
où ce potentiel est accumulé. Mais ces réserves, malgré l'abstinence, tendent à se
reconstituer à mesure de leur'consommation. Le quotient des échanges respiratoires
înontre que cette reconstitution a lieu surtout par transformation des graisses, dont
l'utilisation, comme potentiel énergétique consacré à la contraction musculaire, se
trouve être, de celte façon, tout à fait indirecte. » (Voir Laulanik, p. 499.)
Nous trouvons donc encore dans le mode d'utilisation des graisses dans l'inanition
des preuves nouvelles de leur importance au point de vue énergétique, puisqu'elles con-
courent à la reconstitution du glucose que l'organisme utilise directement. C'est en cela
que la constance du sucre dans l'inanition reçoit son interprétation. En effet, si certains
auteurs ont cru constater la disparition rapide des hydrates de carlione dès le début du
jeune, c'est qu'ils n'employaient pas des méthodes suffisamment précises. Pi-Li'oKii a bien
montré par exemple que, tant que la vie persiste, il y a du glycogène. Après trente-huit
jours d'inanition chez un chien, 20 grammes de muscles contiennent encore 18 milligr.
de glycogène. Il en est de même pour le glycogène hépatique: Kulz sur des poulets ina-
nitiés a vu qu'après une diminution primitive la proportion du glycogène augmente
Jusqu'à dépasser de 44 p. 100 la teneur des premiers jours. Mais il convient de dire que
Pi-li;gf,r met en doute ces résultats, qui seraient dus, d'après lui, à des erreurs d'analyse.
')" Échanges respiratoires. — Il est facile de déduire, d'après l'étude que nous venons
de faire delà perte de poids et deséchangcs nutritifs, les modifications imprimées par le
jeûne aux échanges gazeux respiratoires. D'une façon absolue, les quantités d'oxygène
absorbé et d'acide carbonique dégagé subissent une diminution importante qui n'avait
même pas échappé à Lavoisier, puisqu'il avait remarqué que du jeune à la digestion, la
consommation d'oxygène passe de 20 litres et demi à 30 litres et demi par heure.
DICT. nu PHYSIOLOGIE. — TOME IX. <i
82
INANITION.
De même, Bidder et Schmidt observèrent sur leur chat, et au premier jour de jeûne,
une absorption de 48^'",20 d'oxygène, accompagnée d'une élimination de 50»''%96 d'acide
carbonique. Au dernier jour, l'absorption d'oxygène tomba à 22e'', 12, et la production de
GO-
C02 à 226',26. Le rapport -^ fut en moyenne de 0,765.
Cette diminution a été diversement appréciée par les différents auteurs. D'après
BoussiNGAULT, BiDDKR et ScHMiDT, elle Serait de 50 p. 100 pour la tourterelle et le chat.
Pour l'homme, la diminution serait bien plus faible et d'après Vieuordt, Valentin et
ScHARLiNG elle correspondraità 0,142. D'après les chiffres de Speck, Voit et Pettexkoffer,
JoLYET, Bergonié et SiGALAs, Hanriot et Ch. RiGHET, elle serait pour Thomme de 14 p. 100.
Comme le fait observer Laulanié, le jeûne a plus d'influence à ce point de vue sur les
animaux de petite taille que sur les grandes espèces. D'après ses propres recherches, sur
des animaux de 5 à 4 kilogr., l'absorption d'oxygène tombe de 1/4 ou 1/3, 24 heures
après le repas.
D'ailleurs, tous les auteurs qui se sont occupés du chimisme respiratoire, spéciale-
ment FiNKLER, RiJBXER, OcHOTiN, Regnault et Reiset, Pettenkoffer et Voit, Ranke,
Hanriot et Ch. RiCHET sont d'accord sur ce point. En général, la diminulion du chi-
misme respiratoire suit une courbe parallèle à celle de l'excrétion d'urée, sulfates, etc.
Voici quelle serait, d'après Reg.naclt et Reiset, la valeur de cette diminution des
échanges pour une série d'animaux appartenant à des espèces différentes.
Ei^PÈCE ANIMALE.
ÉTAT
de
l'alimentation.
QUOTIENT
RKSPIKATOIRE.
OXYGÈNE ABSORBÉ
PAU KIL. ET PAR HEURE
en grammes.
Lapin \
}
Chien '
{
Poules ^
/
Canard
1
Ktat normal
Inanition
État normal
Inanition
État normal
Inanition
État normal
Inanition
u.;ii
0,67
0,10
0,74
0.72
0,92
0.70
0.63
0,6 1
0,77
0.69
0,918
0,735
0,763
1,183
0.902
1,164
0.846
1,100
1,177
1,474
1,38
Chez l'homme, les échanges diminuent également, comme l'ont très bien montré
Voit et Pette.xkoffer, Zcntz et Leuma.xn, Llxia.ni, Ha.xriot et Ch. Richet. L. Voit et
Pettenkoffer donnent les chiffres suivants sur les échanges de Thomme au repos avec
alimentation mixte et en inanition.
Alimentation mixte au repos.
Inanition.
\ J.
( N.
\ J-
f N.
p.
f N.
I-J.
I N.
co«
DÉGAciÉ.
533
379
539 /
404 \
427 }
312 \
379
316
912
943
738
67 c
OXYGENE
ABSORBÉ.
235
474
469
450
450
330
420
323
709
919
780
743
QUOTIENT
RESPIRATOIRE
1.75
0,58
0,8 i
0,65
0,69
0.69
0.66
0,71
0,94
0,74
0,69
0,68
Cette diminution porte sur tous les éléments à la fois, aussi bien sur l'absorption
d'O et le dégagement de CO^ que sur le quotient respiratoire.
INANITION. 83
En ce qui concerne la diminution d'acide carbonique, on peut avec Gh. Richet, à
qui nous empruntons ce tableau, comparer les chiffres des divers auteurs et noter
une constance remarquable.
CO* produit (par kilogr. et par lioure) en poids.
Poids
de l'individu.
Jeûno.
Digestion.
kilogr.
60
0,518
0,628
Sl''ECK.
71
0,433
0,542
Petïenkofker et Voit.
52
0,545
0,580
JOLYET, BeRGONUO et SiGALAS.
65
0,514
»
—
50
0,4'»2
0,569
0,580
Hanriot et Ch. Richet.
Moyenne. 60
O.oOO
Cetti, Zu.ntz et Lehmann en 1887 ont signalé une diminution rapide de la produc-
tion d'acide carbonique, qui se maintint à ce minimum pendant la plus grande partie
du jeune. L'absorption d'oxygène diminua aussi, et le qu^otient respiratoire, qui était
de 0,74 avant l'expérience, tomba à 0,68 dès le 2" jour et oscilla dans la suite entre
0,66 et 0,68.
LuciANi observa encore le même ordre de phénomènes surSucci.
Voici les moyennes de ces déterminations sur les 18 jours de jeûne :
C0« produit
Oxygène absorbé
par kil.
par kil.
CO*
Jours.
et par heure.
et par lieure.
02 ■
12
0,433
0,407
0,77
14
0,282
0,251
0,80
16
0,171
0,246
0,50
18
0,109
0,135
0,58
20
0,313
0,413
0,68
22
»
»
»
24
0,417
0,398
0,762
26
0,3.j3
0,319
0,804
28
0,362
0,409
0,643
30
0,491
0,581
0,613
[oyenne. .
. . . 0,325
0,351
0,68
Variations du quotient respiratoire, — Sous l'influence de l'inanition le quotient
respiratoire tend assez rapidement à décroître. Dans une expérience de Hanriot et
Ch. Richet, nous voyons une différence importante s'établir déjà au bout de 48 heures.
Cette expérience a été faite sur un homme soumis préalablement aune alimentation
copieuse, et pesant 'Ô2 kilogr.
1" avril (à jeun Q. R. = 0,88
— (après repas) — =0,93
2 avril (à jeun). — ^0,92
4 — (à jeun depuis 26 h.). ... — =0,84
5 — ;à jeun depuis 48 h.). ... — =0,81
Du 5 au 21 avril le régime du sujet est modifié. Il est bien moins riche et la chute
du quotient respiratoire est bien plus rapide dans une deuxième expérience.
22 avril ^à jeun Q. R, = 0,76
23 — (à jeun depuis 48 h.). ... — ^0,68
Le même jour à jeun — = 0,79
— — — =0,64
Le même jour deux heures après le
repas qui rompt son jeûne ... — = 0,81
Nous avons eu roccasion nous-même d'étudier les échanges respiratoires sur deux
animaux gras en inanition. Nous choisîmes à cet effet des oies bien engraissées qui
furent soumises pendant 17 jours à l'inanition complète.
u
INANITION.
Elles n'avaient que de l'eau à leur disposition, Nous résumerons ces recherches
dans les tableaux suivants :
Élimination d*aclde carbonique.
OIE N» 1.
CQî PAR KILOG.
KT P.\R HEURK.
OIK N» 2.
COi PAR KILOG.
KT PAR HEURE.
Volunios.
Poids.
Volumes.
Poids.
État normal. . .
Inanition :
1" jour
3- —
4« —
Ifi» —
; 7 '■ —
0.615
0,666
0.445
0,711
0,418*
0,415
0.403
0.356
0.300
0.251
1,14
1 22
olsi
1,27
0,75
0,74
0,73
0,65
0,51
0,46
État normal..
Inaniiion :
1" ioiir. . . .
2- ■ - . . . .
3" — .. . .
4' — .. . .
16' — .. . .
17" — .. . .
0.5Gi
0,476
0,637
0,500
0,451
0,461
0.309
0,333
0,348
0,365
1,05
0,87
1,14
0,90
0.81
0,82
0,67
0,61
0.64
0,67
Elimination de CO- et Quotient respiratoire (Moyennes).
OIE N» I.
COî PAR KILOG.
ET PAR HKIRE.
y. R.
OIE N» 2.
CO' PAR KILOG.
ET P.\R HEURE.
Q. R.
Poiils en trr.
Poi'ls en gr.
Etat normal.
1,11
0,75
Etat normal.
0,99
0,89
Inanition :
Inanilii)n :
0.68
0
0,72
0,59
0,71
0,53
0.71
0,52
V
0,.57
0,57
0,63
0,60
L'inanition entraîne donc chez les animaux gras (oies'i une diminution de CO- dès
le début du jeûne. Cette diminution reste à peu près constante dans la période
moyenne. Elle s'exagère dans les derniers jours. Parallèlement on observe un abaisse-
ment de la valeur du Q. R.
Mais il ne s'agit que des quantités absolues. En tenant compte de l'abaissement
progressif du poids dans l'inanition, on comprend aisément que les échanges gazeux
soient considérablement réduits.
Ces faits prennent une tout autre signification en regard de la loi générale qui
règle les combustions respiratoires sur les besoins de l'organisme. On voit alors qu'en
prenant les quantités d'oxygène consommé et eu les ramenant à la valeur horaire par
unité de poids, la consommation reste à peu près invariable.
III. — DE LA TEMPÉRATURE DANS L'INANITION.
Courbe thermique. — Chute de la température dans le dernier jour de la vie.
Courbe thermique. — La cons,tarice thermique n'est guère troublée. Toutefois la
température présente certaines variations qu'il faut indiquer. D'une façongénérale l'ina-
nition fait baisser la température, sans que cet abaissement soit uniforme. Les expé-
riences de Ghossat, comprenant 12 séries de déterminations, prouvent cetta diminution
thermique.
INANITION. 85
Chai
leur
animale
à midi.
Sonimo.
^^
Moyoïine,
Defiri's.
Degrés.
505,3
42,11
:i02,4
41,87
406. 4
41,37
!"■ tici"S des douze séries..
Or
3' — — .
Moyenne 41,78
A chacun de ces tiers correspond un abaissement diurne de la température,
(|ui tend progressivement à s'exagérer à mesure que la vie se prolonge, mais toutefois
dans de faibles proportions.
En répétant les mêmes expériences sur la température nocturne, on trouve des
résultats dans le même sens, mais beaucoup plus accentués. C'est ainsi ({ue la chaleur
animale pendant l'inanition est de 3°, 06 plus basse à minuit qu'au même moment à
l'état normal, et qu'ainsi le refroidissement inanitial, selon l'expression de Chossat, est
en moyenne six fois plus fort pendant la nuit que pendant le jour.
Quant à l'oscillation diurne de la température, c'est-à-dire la différence entre la
température prise pendant la nuit et pendant le jour, oscillation à peu près égale à
0,74, elle arrive à 3°, 28 pendant l'inanition, mais ne se maintient pas d'une façon
constante pendant toute la durée du jeûne. Elle augmente avec la durée de l'expérience
et arrive à être près de G fois plus grande qu'à l'état normal.
La diminution de la température ne suit pas une courbe absolument régulière.
Pendant les premiers jours d'inanition la chute est relativement importante. Elle est
bien moins accusée pendant la durée moyenne du jeûne pour s'abaisser fortement aux
derniers moments.
Il s'agit de variations relativement faibles. Plusieurs observations prises sur
l'homme démontrent qu'il en est ainsi. Luciani a enregistré sur Succi à la fin du jeûne
les mêmes variations nyctémérales qu'à l'état normal et une température sensiblement
égale. Au 43' jour de son jeûne, Meblatti avait une température de 36°, 8. Nous-méme
avons pu constater sur deux oies grasses une température de 39°, 75 et de 39",! au
12' jour d'inanition et de 39°, 1 et 39°, 2 au 17« jour, alors qu'elles avaient déjà perdu
35 p. 100 de leur poids primitif. Dans la courbe thermique de deux canards en inani-
tion, Martins constate l'abaissement suivant :
Degrés.
État normal 42,25
24 h. d'abstinence .... 41,84
48 — .... 41,80
72 — .... 41,91
90 — ; . . . 41,94
120 — .... 41,62
Y a-t-il, à ce point de vue, des différences entre les espèces animales? D'après
Ch. RiCHET (Art. Chaleuri, (c chez les animaux, la chute de la température du l" jour
est suivie les jours suivants d'une chute très lente, mais régulière; tandis que, chez
l'homme, après une chute notable le premier jour, (0,S7) d'après Jurgensen, le niveau
ne se déplace plus, comme on le voit, d'après les mensurations prises chez Merl-^tti
Tanner, Succi, Cetti. Peut-être les animaux, avec, leur température de 39° ou de
42°, peuvent-ils perdre plus que l'homme, qui, ayant normalement 37°, ne dépasserait
que de 1° à 1°,5 les limites thermiques compatibles avec la vie. »
Il y aurait donc, au point de vue de l'abaissement thermique initial du jeûne, des
différences en rapportavec les diverses espèces animales. De même, l'intensité de la chute
de la température, pendant la période moyenne de l'inanition, n'est pas la même dans
tous les cas. Ch. Righet a observé une chute de 1°,2 sur un chien à jeun depuis cinq
jours. Au lD«jour d'inanition, Bidder et Sghmidt ont observé 38°, 6, au 16'' 38°, 3, au
i7<^ 37°, 6, au 18'= 35°, 8 et au 19>' 33°. Autrement dit, si le sens général de la courbe de la
diminution de la chaleur reste la même, il n'en est pas ainsi en ce qui concerne la
valeur de cette diminution.
Chute de la température dans le dernier jour de la vie. — La chute brusque de la
86
INANITION.
température qui marque l'instant précis où l'animal ne tardera pas à succomber, cons-
titue une des particularités les plus curieuses des dernières phases de l'inanition.
C'est encore Chossat qui a bien mis en relief ce phénomène important.
Si l'on compare le refroidissement journalier des animaux en inanition, évalué
par Chossat à 0°,3 par jour, au refroidissement durant le dernier jour de la vie, on
constate une différence très considérable. Dans le dernier jour, la température a
baissé 47 fois plus vite qu'auparavant. Et encore faut-il ajouter que le dernier jour
n'ayant pas toujours été un jour plein, ce chiffre est un peu faible. En tenant compte
de ce fait, on arrive, d'après les tableaux de Chossat, à un refroidissement de 1»,29 par
heure pendantcedernierjour. Quantàl'abaissemeut totalquiadéterminé la mort, il a été
de 16», 3 en moyenne, et le degré de chaleur auquel la mort est survenue a été de 240,9.
Il est certain que cette chute brusque de la température est en rapport direct avec
les phénomènes de nutrition. L'organisme dispose pendant le jour de tous les maté-
riaux de réserve accumulés dans ses tissus; mais, aussitôt que ces substances sont
épuisées, dès que, par ce fait, il ne trouve plus en eux les éléments de réparation et
l'énergie nécessaires au maintien de sa vie, la température baisse, et très rapidement.
C'est un des signes certains de la mort.
Quant à la valeur absolue de cet abaissement, nous la trouvons exprimée par les
chiffres suivants :
T !•; M 1 ' É K A T U R K M O Y E N N E .
MIDI.
MINUIT.
DIFFÉRENCE.
Premier jour
Degrés.
42,3
42,0
41,8
41,6
41,4
41,0
»
Degrés.
40,4
39,6
38,7
37.9
37,5
36,7
26.0
Degrés.
1,9
2,4
3,1
3,7
3,9
4,3
10,7 Chossat.)
Jours entre le \
1" et Tante- / 1" tiers des 7 jours. .
pénultième ,\ 2' — —
en moyenne V 3' — —
7 jours. . . }
Pénultième jour
Dernier jour : chaleur au moment de
la mort
En définitive, si nous résunâons d'après Chossat l'action du jeûne sur la température,
on voit que :
L'abaissement thermique est progressif avec un maximum au premier et au dernier
jour de l'inanition.
IV. — MODIFICATIONS CHIMIQUES DE L'ORGANISME.
LES VARIATIONS DE l'eAU DANS l'ORGANISME DES INANITIÉS. — POTASSIUM ET SODIUM.
Modifications de la composition chimique intra-organique. — Nos connaissances sur
ce point sont peu nombreuses.
Les observations de Bidder et Sghmidt sont incomplètes en raison du nombre
restreint de leurs expériences et des conditions mêmes de leurs recherches. Ils ont
déterminé la quantité totale d'eau dans l'organisme inanitié, ainsi que la proportion
d'eau et de résidu solide dans les^divers organes d'un chat mort d'inanition, par compa-
raison avec ceux d'un animal normal. Ils prirent comme témoin un animal, de même
espèce il est vrai, mais pesant beaucoup moins et bien plus jeune : ce qui devait for-
cément diminuer la valeur de leurs résultats. Les travaux de Lurjanow et de de Bothlingk
sont plus complets. Lukjanow, sur des pigeons inanitiés et normaux, a recherché, dans
les différentes parties de l'organisme, la proportion centésimale du contenu aqueux et
du résidu solide. Nous n'entrerons pas dans le détail de ses expériences. Il suffira de
comparer les deux tableaux suivants pour en dégager les principaux résultats.
INANITION.
87
D'une manière gt'nérale, la quantitc'î d'eau et de résidu solide des organes et des
tissus est indépendante du sexe, du poids du corps et de l'âge.
Quant aux niodilicalions dues à l'inanition, elles ne sont pas très considérables,
et varient suivant les tissus et les organes. Ainsi le cœur, les reins, les muscles pecto-
raux, l'intestin, le sang- et les poumons possèdent à peu près la même quantité d'eau
que normalement. La proportion est plus forte pour les muscles de la cuisse et le
fémur, plus petite pour la rate et les glandes salivaires.
Le rapport de la (juantité d'eau au résidu fixe s'accroît chez les animaux inanitiés.
En moyenne les dilférences observées entre les organes sont plus sensibles dans l'ina-
nition, bien que pour le foie et l'intestin il y ait une exception.
Ces chifîres, comme le fait observer de Iîothlinok, ne permettent pas de juger de la
quantité totale d'eau contenue dans l'organisme entier, « car les poids absolus, ne tou-
chant pas directement le but des recherches mentionnées, ne s'y trouvent indiquées que
pour quelques parties du corps seulement. Ainsi donc, même pour la proportion d'eau,
nous ne savons rien de bien précis; et, quant à celle des autres substances, notre igno-
rance en est absolue. »
Aussi DE BoTHLiNG a-t-il voulu établir la proportion d'eau, de substances extraites
avec l'éther, d'azote et de sels minéraux dans l'organisme inanitié. Il a choisi comme
sujets d'expériences des souris blanches.
Voici les chiffres moyens qu'il a obtenus :
MOYENNES
POUR UNE SODRIS INANITIÉK.
MOYENNES
POUR UNE .SOURIS T É.MO IN.
En
grammes.
P. 100 du
résidu sec.
P. 100 du
[loids total.
En
grammes.
P. 100 du
résidu sec.
P. 100 du
poids total.
Poids du corps
Eau
14.4770
10,3382
0,;i057
0,3527
0,6249
12,227
8,492
15,134
100
71,467
3,486
2,426
4,316
22,0930
14,8616
0,6666
2,3921
0,6705
9.246
32,884
9,294
100
67,190
3,017
10,904
3,036
Azote
Graisses
Cendres
Ou voil d'abord dans ce tableau que la graisse diminue considérablement dans
l'inanition, conformément aux renseignements exposés plus haut. Quant à la quantité
totale d'eau contenue dans l'organisme, elle serait diminuée, d'après Bidder et Sgh.\iidt.
Ils donnent les chiffres suivanls en pourcentage :
CluUle en inanition 58,32 p. 100 d'eau
Chat témoin 07,96 —
Mais cette conclusion ne concorde pas entièrement avec celles de Lukjanow. Si
l'on se rapporte aux deux avant-derniers tableaux, on constate que, pour le sang, le
muscle crural et le fémur, chez les pigeons inanitiés, la proportion d'eau est plus élevée
qu'à l'étal normal : inversement pour le cerveau, le foie, le pancréas, la paroi intesti-
nale, la rate et les poumons. Datis le muscle pectoral, les reins et le cœur, elle est
augmentée chez les mâles, diminuée chez les femelles.
V. NooRDEN admet que, par l'inanition, les tissus de l'homme s'appauvrissent en eau,
et C. Von a observé sur un chien que la proportion d'eau des organes subissait au
contraire une augmentation. R.de Buthllngk a vu le même fait sur les souris inanitiées.
Il l'interprète de la manière suivante : « Alors que toutes les autres substances
(l'albumine par exemple) ne se trouvent dans l'organisme qu'en combinaison avec une
quantité considérable d'eau, la graisse, par contre, entre dans la constitution de l'orga-
nisme, en majeure partie du moins, sous forme de gouttelettes graisseuses, presque
pures, ne renfermant pas d'eau appréciable. Il est donc facile de prévoir a priori que,
plus l'organisme serait gros, moins il renfermerait d'eau. » L'expérience semble
confirmer cette hypothèse, puisque, sur deux lots de souris témoins; l'un, ayant 8,bo6
88
INANITION.
Pigeons normaux.
Moyenne de
10 màlcs
Moyenne île
10 femelles
Moyenne de
20 mâles et femelles.
292.6
2:i('..6
274,0
SANG.
IG'»
7,3;;
77,07
2:5,21
,65
22,93
CKRVE.VU.
79,94
80,37
80,16
20.0ti
19,03
19,84
MU."<CLK
l'ECTORAI,.
72.62
73,28
72,9.1
27,38
26,72
27,0."J
FOIK.
PANCRÉAS.
7Î,16
7 4,. 38
(4.27
25,81
2."., 62
25,73
74,67
75,91
/5,29
25,;;3
24,09
24,72
Pigeons inanitiés.
Moyenne de
10 mâles.. . .
Moyenne de
10 femelles. . . .
Moyenne de
20 mâles et femelles.
POIDS
DU CORPS.
299,3
274,0
286,7
188,8
190,3
189,6
PERTE
110,5
83,7
97,1
36.9
30,6
33,8
151,2
151.1
152,7
S.VNG.
T.
a
3
<
0
EC
W
H
Z
u
f.
77,36
22,64
77,51
22,49
77,44
22,56
CERVEAU.
79,73
79,82
79,7S
20,27
20,18
20,22
MUSCLE
PIXTORAI..
73,90
72,60
73,
FOIE.
26,10
27.40
26,75
72.66
71.71
72,19
27,34
28,29
27,81
INANITION.
89
Pigeons normaux.
MUSCLK
1 INTESTIN.
ItATIv
KKINS.
C(KUU.
POUMONS.
FK.MTK. Il
IRIJKAI..
v^^-^
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77,31
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76,96
23,04
77.98
22,02
71,22
2.-;, 7 8
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52,26
76,69
23,31
78,84
71, IC.
77.01
22,49
77,31
22,69
78,17
21,8.')
7:i,.ÔO
24,o0
46,21
53,79
16,53
23,47
78. 9U
21,10
77, i7
22, .j9
77,11
22,86
78,08
21,92
74,86
2:j,14
46,48
;i3,.';2
Pigeons inanitiés.
PANCREAS.
74,13
74,02
74,08
25,98
25,92
INTESTIN.
76,11
76,31
76,21
23,89
23,69
23,79
RATE.
78,75
77,68
78,22
21,25
22,32
21,78
REINS.
77,7 i
77,36
77,55
22,26
22,6 't
22,45
CŒUR.
77,13
76,96
77,05
22,87
23,04
22,95
POUMONS.
77,87
77,47
Î7,67
22,13
22,. 53
22,33
MUSCLE
( RDR.\I..
76,94
76,20
76,57
23,06
23,80
23,13
FEMUR
DROIT.
53,60
50,03
;i,.52
47,00
49,97
48,40
90
INANITION.
p. 100 lie graisse, renferme 69,59 p. 100 d'eau, le deuxième, ayant 13,21)1 p. 100 de graisse,
contient seulement 04,782 p. 100 d'eau.
Dans les deux groupes de souris inanitiées, de Buthling a encore enregistré une
augmentation relative d'azote, ce qui « démontre que la perte relative des substances
azotées dans l'inanition par rapport à leur quantité primitive, est moindre que les
pertes relatives de l'organisme entier ».
On voit enfin dans l'examen du dernier tableau que raccroissement de la proportion
relative des cendres dans l'inanition plaide en faveur d'une destruction minime du
tissu osseux que Chossat, Voit, Manasski.x, Vierordt, Hermann, Miescher et d'autres
ont observée.
En définitive, et pour résumer ses recherches, de Bôthlingk tire du dernier tableau
les chiffres suivants concernant la dépense de matériaux dans l'inanition par compa-
raison avec leur quantité initiale.
Sur 14s',861G d'eau, sont dépensés 4b%5234, soit 30,44 p. 100
— 2fc-%3921 de graisse — 2k',0394, — 85,26 —
— 0k%6666 d'azote — 0»%1623, — 24,35 —
— 0''-,6705 de cendre — 0?%0456, — 6.80 —
Les variations de l'eau dans l'organisme des inanitiés. — Cette question a été abordée
en France par H. Ro(;er, qui, se basant sur l'importance relative de l'élimination
aqueuse dans l'inanition, s'est demandé si l'organisme se déshydrate réellement ou
bien s'il fabrique la quantité de liquide qui s'échappe.
Pour apprécier la valeur de la déshydratation organique, il a pratiqué des dosages de
la proportion d'eau dans le sang du cœur et dans le sang veineux, sur des lapins inani-
tiés et ensuite réalimentés. Voici les deux courbes que nous extrayons de son travail.
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du
Sang
Vo
68
66
S".
62
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1
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de
Jeune
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1
1
1
1
FiG. 3. Proportions d'eau du sang.
FiG. 4. Proportions deau du sang
Ces chiffres signifient qu'au début de l'inanition la teneur en eau augmente pour
s'abaisser après deux ou trois jours au-dessous du taux initial.
Avec la réalimentation la quantité d'eau dépasse la normale. Il se produit ce que
H. Roger appelle la crise hydrcmique. Telle est la courbe de la proportion d'eau que
renferme le sang du cœur.
Celle du sang veineux est sensiblement différente. En général le sang veineux durant
l'inanition est plus déshydraté. Par contre la forme hydrémique de la réalimentation est
moins importante.
INANITION.
9i
Les tissus subissent donc une perte d'eau importante pe-idant le jeûne. Mais, pour
faire face à cette déshydratation,'ils en produisent des quantités considérables.
RAT
1-; N DIGESTION.
RAT A JEUN
(10 IIEIRKS.
DIFFÉRENCE.
Poids de l'animal
Teneur en eau :
Poumons
148 gv.
77,65
77,83
75,66
72,15
70,1
70,43
54,59
154-128 gr.
73,1
78,29
76,26
73,34
74,2
75,64
61,77
— 4,55
+ 0,46
+ 0,6
+ 1,39
+ 4,1
+ 5,21
+ 7,28
Cerveau. . . . . . .
Rate
Reins
Foie
Muscles
Peau et tissu sous-cutané. . . .
« En résumé, conclut H. Roger, contrairement à ce qu'on aurait pu supposer, l'ina-
nition n'a pas pour conséquence une déshydratation de l'organisme. Dans le jeune absolu,
de l'eau se produit en abondance, mais elle n'arrive pas à répondre aux besoins des cel-
lules. Dans l'inanition, comme dans la plupart des étais morbides, il faut que l'eau se
trouve en grand excès. C'est ce qui se produit quand on reprend l'alimentation. »
L'auteur a également observé que ce sont surtout les tissus riches en graisse qui
contiennent le plus de liquide. Il admet donc que la production d'eau doit être attribuée
au dédoublement des hydrates de carbone et des graisses.
Potassium et sodium. — Il convient encore de signaler certaines recherches de de
BôTHLixGK, sur la quantité de potassium et de sodium que renferment les souris inani-
tiées. Voici les moyennes :
Moyenne pour les souris inaniliées.
Moyenne pour les souris témoins.
CHIFFRES
ABSOLU .s.
Potasse.
0,0138
0,0151
Soude.
0,0147
0,0260
POUR 100
DE CENDRES.
Potasse.
2.208
2,252
Soude.
2,352
3,878
POUR 100
DD POIDS TOTAL.
Potasse.
0,094
0,068
Soude.
0.102
0.117
Les souris inanitiées renferment donc proportionnellement plus de potassium et
moins de soude que les témoins. Cela laisse supposer que ces deux éléments possèdent
un rôle différent dans l'organisme. Ce résultat est en contradiction avec des expériences
de MuNK. Toutefois il concorde mieux avec l'opinion courante que le potassium, consti-
tuant un élément organique plus fixe que le sodium, n'abandonnerait les tissus
qu'au fur et à mesure de leur destruction.
V. — PROCESSUS ATROPHIQUES DANS L'INANITION.
Atrophie cellulaire. — Altérations du système osseux. — Modifications des testicules et
DES ovaires. — Modifications des capsules surrénales et des glandes thyroïdes. —
Modifications du système nerveux.
Du processus atrophique dans l'inanition. — Nous avons déjà vu, dans l'étude que nous
avons faite de la perte de poids, que tous les organes ne participaient pas également aux
phénomènes de dénutrition engendrés par la suppression de ralimentation. Mais
ce fait n'infirme en aucune façon la possibilité d'un processus atrophique intéressant
tous les éléments anatomiques, même des tissus dont la perte de poids est réduite au
92 INANITION.
minimum comme le système nerveux, le système osseux. En réalité, les nombreuses
observations anatonio-pathologiques que nous possédons permettent de généraliser à
tous les éléfnents cellulaires de l'organisme cette action destructive, comme il est facile
de s'en rendre compte, si l'on passe en revue les faits d'observation macro- et micro-
scopiques.
A ne considérer que les troubles les plus généraux, ou constate tout d'abord que la
perte de poids du sang suit une marche parallèle à celle du corps, que toutefois la quan-
tité de matières albuminoïdes est très peu niodiliée (Heide.nhain, Valentis et Pancm).
Le nombre des globules blancs augmente et les hématies prennent une forme plus al-
longée (en aiguille). Dans l'urine on trouve de l'albumine, des pigments biliaires, surtout
dans les derniers moments du jeune (Fberichs, Bischoff, Schultzen, Rose.ntiiai,, Manas-
sEix, etc.).
A l'autopsie on trouve des animaux très amaigris et une atrophie musculaire consi-
dérable. Le cerveau est très hypérémié, le cœur mou, le foie rapetissé, hypérémique.
La vésicule biliaire est remplie de bile. La rate est très petite. Dans le caîcum et l'in-
testin il y a des matières fécales, liquides dans le premier, solides dans le second. Les
parois du gros intestin sont très congestionnées. La longueur du tube intestinal est
diminuée, plus considérablement chez les animaux jeunes que chez les animaux âgés.
Les reins sont très anémiés, parenchymaleux ; les canaux urinifères, élargis. De même
pour les canaux séminifères. Quant aux spermatozoïdes, ils exécutent des mouvements
30 heures encore après la mort. Le sang est lluide, très coagulable et noir. On y trouve
des bulles de gaz, constataiion faite par Manasseïn sur 108 cadavres. L'auteur russe
pense qu'il s'agit là d'un phénomène encore inconnu ou bien explicable par la destruc-
tion ou la décomposition de certains •■léments cunslituanls du sang.
Telles sont dans leur ensemble les principales observations d'ordre anatomo-palho-
logique que l'on peut faire sur les cadavres d'animaux inanitiés. Il nous reste mainte-
nant à mentionner le résultat des recherches histologiques susceptibles de nous rensei-
gner sur la nature du processus atrophique.
Ces moililicationsstructurales produites au sein de l'élément cellulaire par l'inanition
n'ont pas échappé à l'attention des observateurs, et à l'heure actuelle tout le domaine du
vaste champ cellulaire a été exploré.
Atrophie cellulaire. — Comme nous venons de le voir, on peut admettre la générali-
sation de celle atrophie.
Dans ses recherches histologiques sur des animaux inanitiés, Lazakew a suivi l'évo-
lution atrophique cellulaire, son début, ses rapports avec la perle de poids, en choisis-
sant les éléments cellulaires du foie, du pancréas et du cœur. Ses déterminations por-
tent sur une série très considérable qui donne aux chiffres suivants une valeur impor-
tante.
Les expériences ont été faites sur des cobayes. Le tableau (p. 0.3) monlro que, chez
un même animal, il existe un rapport entre le volume des cellules et le poids du
corps, aussi bien à l'état normal que pendant l'inanition. Les modifications du corps
cellulaire, comme celles du noyau, ne sont guère apparentes qu'au moment où la
perle de poids atteint 20 p. 100. Et la diminution de volume est surtout considérable
dans la dernière période de l'inanition, au moment de la mort.
D'autres auteurs, Mankowski, Rosenbach, Ochotin, ont également observé des modifi-
cations manifestes du corps cellulaire.
Ochotin a ainsi constaté que les altérations cellulaires commencent à un degré assez
avancé de l'inanition. Les expériences portent siu" une série de lapins, qu'il a divisés
en cinq groupes, distincts suivant le degré de la perte de poids.
Dans le premier lot (perte de .30 à 36 p. 100), on constate les modifications habi-
tuelles : atrophie générale des organes. Dans le foie, on trouve des îlots anémiés. Les
cellules hépatiques sont te siège d'une dégénérescence graisseuse. Quelques noyaux
présentent des figures karyokinétiques. I>es cellules ont deux noyaux. Le tissu
conjonctif est proliféré. L'épithélium rénal, le muscle cardiaque et les muscles du corps
montrent des lésions dégénérées qui entraînent finalement la disparition des stries.
Dans le deuxième lot (perte de poids de 26 p. 100*, les altérations sont de même
nature, mais moins accentuées.
INANITION.
^3
Chez les animaux des troisième; et ([uatii("'me {j;i'(m|)t\s (perte de poids de 18-20 p, 100
et 10-13 p. 100), il n'y a guère de modidcations. Entîn, une perte de poids de 4 p. 100
n'imprime aucune altération organique des tissus.
Ldk.ia.\ow a publié, sur cette question, des travaux très remarquables.
NUMÉROS
GRANDI
^:UR NO
R M A L E
FOIE.
!• ANCUKAS.
DKS
animaux.
POIDS
inifal.
Corps cpllulaire.
Noyau.
Corps cellulaire.
Noyau.
A
a
A
"'
A
a
A'
a'
18
670
21.5
18,6
7,6
7,0
31
r)4G
21 2
18.8
7.8
6,8
15.3
14,5
6,1
5,4
51
580
19,2
19,6
7,8
6,9
15,5
14,2
4,9
5,4
Moyenne.
21,1
19,0
7.7
6,9
15,4
14,4
6
5,4
Pour une perte de poids de 20
p. 100.
42
.jjfi
17,0
16,2
■?,!
6,4
■JS
525
17.9
17,0
7.6
6,9
14,9
14.2
6,0
5,5
G6
610
18,7
17.'.)
17,8
7,7
6,8
14,9
13,3
6,1
5,6
Moyenne
17
7 ■;
fi_7
14,9
1 i 1
6 0
5 5
J)ans l'inanition complets
29
563
17,6
15,6
7,0
6,2
_
34
600
16,9
15,8
6,8
5,9
13,7
11,6
5,9
5,2
54
670
16,9
16,1
7,0
0,2
13.4
11,9
5,6
6,2
Moyenne
17,1
15,8
6,9
6,1
13,5
11,7
5,8
5,2
A = diamèti
e lonf/itudinal cellulaire.
A' = —
— ilïi »oi/a>i.
a = rliamèti
e transuersal cellulaire.
(i =
— du noyau.
Il a, d'ailleurs, moins voulu suivre pas à pas les altérations structurales de la
cellule dans leurs rapports avec l'inanition, que dégager de ce processus atrophique la
signification fonctionnelle du noyau et du corps cellulaire.
Déjà, en 1889, Morpurgo avait signalé l'atrophie simple des éléments spécifiques du
foie, du rein, du pancréas du pigeon, au point de pouvoir expliquer entièrement la
-perte de poids de l'organe. D'après Ijni, les noyaux ne prendraient qu'une très légère
part à cette alrophie. Ce sont justement les modifications présentées par le noyau qui
ont fixé l'attention de Lukj.anow et de ses élèves.
L'assimilation établie entre le noyau cellulaire et les bactéries entraîna tout d'abord
un élève de Lukj.vnow, E. S. London, à étudier sur celles-ci les phénomènes d'inanition,
qu'il appréciait à l'aide d'un instrument désigné par lui sous le nom de microhio-
mètre. Il a constaté d'abord que, par l'iiuuiiLion, les bactéries perdent de leur poids.
Elles arrivent à leur minimum de volume après une inanition de 4 à 16 jours. Leur
perte de poids est corrélative de cette diminution de volume, et peut arriver à 51 p. 100.
Chose curieuse à signaler : après cette période, les bactéries peuvent se maintenir
longtemps — 42 à 80 jours — au même niveau, et les ensemencements réalisés
témoignent du maintien de leur vitalité. On peut admettre que, durant cette phase de
leur inanition, elles passent à l'état de vie latente.
Ces premiers résultats, (jui permettaient d'attiibuer au noyau cellulaire un rôle
94 INANITION.
différent de celui de la cellule elle-même, trouvent encore un point d'appui dans les
travaux de G. G. BrOnner et E. A. Downahowitsch.
(i. G. Brinner remarque, en effet, que les cellules pancréatiques du lapin, dont l'ina-
nition peut entraîner une perte de poids de 35 p. 100, subissent une diminution de
10,11 p. 100 pour le diamètre maximum longitudinal, et 13,25 p. 100 pour le diamètre
maximum transversal. Les diamètres correspondants du noyau diminuent parallèlement
de 3,09 p. 100, et de 6,90 p. 100. En se basant sur ces différences, il apparaît que les
noyaux réagissent à l'inanition d'une façon autre que le protoplasma.
De même, E. A. Dow.xarowitsch a noté des résultats analogues sur des cellules
de la moelle épinière de lapins privés de toute nourriture et de boisson. Lorsque
l'inanition provoque une perte de 40 p. 100 du poids total, le volume des noyaux cel-
lulaires diminue, en moyenne, de 25,4 p. 100. et celui des nucléoles de 43,5 p. 100, et
on note l'absence à peu près complète de modifications structurales du noyau et des
nucléoles.
Bien que le système nerveux soit, de tous les tissus, le plus résistant à l'inanition,
il présente néanmoins quelques altérations histologiques. De même qu'il y a, à ce
point de vue. une hiérarchie des tissus déjà établie, ainsi les éléments anatomicjues
réagissent différemment à ce processus atrophique, qui ne les atteint pas tous au même
degré.
N. S. Lazarkw, comparant les cellules du foie et du pancréas, ainsi que les dimen-
sions de leurs noyaux, établit celte inégalité. Il soumet au jeune absolu des cobayes
qu'il répartit en trois séries. L'une comprend des cobayes normaux; la deuxième, ceux
qui ont perdu 21 p. 100 du corps; et -la troisième, ceux qui ont perdu 25 p. 100
environ. Or, en faisant les mensurations du corps et du noyau cellulaire sur les élé-
ments anatomiques du foie et du pancréas, il en ressort une iuégalité indi(|uant que
les noyaux des cellules hépatiqut^s dans le jeûne absolu diminuent de volume avant les
noyaux des cellules pancréatiques. Finalement, la perte subie par les cellules hépatiques
est beaucoup plus forte que celle des cellules du pancréas.
LuKJANOw, pour mieux pénétrer les phénomènes de l'individualité distincte du
noyau et du corps cellulaire, a procédé à de nombreuses déterminations karyométriques
dans l'inanition absolue et dans l'inanition incomplète, avec prédominanci; île telle ou
telle substance alimentaire. Ses expériences ont été faites sur la souris blanche.
En comparant sur les cellules hépati(]ues de ces animaux les moyennes de diamètres
longitudinaux et transversaux chez les animaux normaux et inanitiés, on voit que l'ina-
nition absolue, qui aboutit à une perte de poids moyenne de 30 p. 100, provoque une
diminution de 19,2 p. 100 pour le diamètre longitudinal, et de 16,4 p. 100 pour le dia-
mètre transversal. Prenant ces mesures pour point de repère, et déterminant de cette
manière les dimensions volumétriques, il a trouvé que le noyau cellulaire de la cellule
hépatique perd 44,6 p. 100 de son volume initial, par conséquent, plus que le corps
entier en poids. Dans l'inanition incomplète, avec prédominance soit de lait, soit d'albu-
mine, soit de peptone, soit de sucre, ces dimensions ne subissent pas toujours la même
diminution.
LuKJANOw s'appuie sur tous ces résultats pour conclure qu'il y a une inanition cellu-
laire et une inanition du noyau. L'une et l'autre présentent des caractères différents.
Cette différence répond sans doute à des différences histologiques qui impliqueraient
l'indépendance vitale du noyau par rapport à la cellule, comme celle de la cellule par
rapport à l'organe. En dehors des raisons d'ordre morphologique, l'inanition constitue-
rait ainsi un procédé de plus, capable de nous déceler la complexité de l'élément cellu-
laire, et l'autonomie de ses parties constituantes : le protoplasma ou corps cellulaire
et le noyau.
A côté de ces phénomènes de destruction cellulaire, il est intéressant d'opposer la
question de la régénération cellulaire. Que devient celle-ci pendant l'inanition?
Cette question abordée par Flemmixg IZellsubstanz, Kern und Zelltheilung , 1882,
p. 270). BizzozERO et Vassale [Archivio per le science mediche., xi, n° xii), Hofmeister
[Arch. fur exp. Path. und Pharm., xxii, 320), a permis de se rendre compte que, même
chez un animal mort de faim, on trouvait encore dans les diverses cellules de ses
organes des figures karyokinétiques. A la suite de ces auteurs, Morpurgo voulut pré-
INANITION. ^5
ciser le rapport qui existe entre l'activité productrice et régénératrice des éléments
cellulaires des divers organes, et la suppression totale de ralimentation. 11 opéra sur
des lapins d'âge différent, et arriva à cette conclusion que, même pendant l'inanition
ai"uë, le processus de néoformation cellulaire par scission indirecte existe. Les figures
karyokinétiques se montrent aussi bien dans les organes en voie de développement
que dans les organes d'animaux morts de faim. Toutefois ce processus de néoformation
cellulaire devient moins actif par le fait de l'inanition. II est plus faible dans les
cellules glandulaires peu différenciées, et dans les épithéliums de revêtement. Parmi
les organes différenciés, les organes génitaux sont les seuls qui présentent un processus
caryokinétique extrêmement intense, ce qui prouve leur haute individualisation.
Cette observation liistologique s'accorde parfaitement avec les résultats fournis par
MiESCHER dans ses belles expériences sur les saumons du Rhin. On sait qu'à la suite de
leur longue migration, Miescher trouva qu'en dehors de toute alimentation, ces poissons
présentent une émaciation générale de leur système musculaire et de leurs divers sys-
tèmes glandulaires, à l'exception, toutefois, de leurs glandes génitales, dont le dévelop-
pement devient énorme, et paraît ainsi s'être produit aux dépens des autres substances
des tissus.
Des observations de Morpurgo découlerait cette constatation importante que l'ina-
nition n'entrave nullement la néoformation des cellules du testicule, et que les glandes
génitales continuent à foi'nier des cellules spécifiques. Grandis rechercha plus tard si
les cellules génitales fournissent de nouveaux éléments destinés à se transformer en
spermatozoïdes. Ses expériences furent faites sur les pigeons qu'il maintenait en inani-
tion suivant un temps variable pour échelonner une série complète d'observations his-
tologiques. Il remarqua, dans ces conditions, qu'uiTjeûne de quelques jours altère la
production des spermatozoïdes; que la formation néocellulaire n'est plus destinée à
la production d'éléments spécifiques ; bien plus, que les spermatozoïdes meurent dans
l'intérieur des tubes séminifères. En outre, tous les éléments du canalicule spermatique
ne ressentent pas également les effets du jeûne. Les spermatozoïdes meurent d'abord,
puis les éléments de la couche centrale, enfin ceux de la couche moyenne.
Ces considérations nous démontrent donc que le processus atrophique intéresse
presque toutes les cellules en généi-al, mais que la néoformation dans certains organes,
comme le testicule, peut rester encore assurée.
Altérations du système osseux. — Bizzozero, Torre, Goyer, Neuuann ont suivi les
modifications osseuses dans le jeûne, et les ont réduites à une atrophie et une dispari-
tion des graisses. Soltz a repris cette étude sur des chiens inanitiés, ayant perdu de
14,2 à 52,1 p. 100 de leur poids. Il arrive aux résultats suivants :
L'hypérémie de la moelle osseuse est la cause de sa rougeur dans les premières
périodes de l'inanition. Dans la dernière phase, elle est la conséquence de la dispa-
rition des graisses. La dégénérescence muqueuse survient dans ta période moyenne.
En même temps les cellules osseuses se modifient. Elles se rapetissent et preiment
la forme étoilée. Certaines se détruisent, d'autres perdent seulement la matière grasse,
lovit en conservant leur forme et leurs dimensions primitives, et se remplissent d'une
substance qui, contrairement à l'opinion de Bizzozero, ne donne pas la réaction de
la mucine et n'est sans doute pas de nature albuminoïde comme le soutient Flemuing.
Les grandes cellules de la moelle perdent leur pouvoir de coloration et sont le siège
d'altérations nécrobiotiques. Le protoplasma est réticulé, les cellules perdent d'abord
leur noyau, et se transforment finalement en une masse informe. Leur nombre se réduit
de plus en plus, au fur et à mesure des progrès du jeûne. Les vaisseaux sont dilatés. On
observe souvent des thromboses au niveau des capillaires. Les globules rouges se décom-
posent et abandonnent leur pigment qui reste libre dans le slroma, ou passe dans les
cellules de la moelle.
Non seulement ces modifications s'observent dans la moelle osseuse des animaux
inanitiés, mais aussi chez les embryons, comme l'a observé Diatschenko sur des lapins
nouveau-nés, dont les mères avaient été inanitiées. C'est ainsi que, comparativement
aux lapins adultes, le nombre des ostéoblastes du périoste est sensiblement augmenté
Alors que la partie libre des cartilages embryonnaires ne présente aucune modification,
la zone hyperplastique subit une augmentation d'un tiers de sa largeur normale. Les
96 INANITION.
cellules cartilagineuses se ratatinent, leur capsule s'allonge, le septum intermédiaire
se condense. A la suite d'une forte n'-sorption les capsules se sclérosent.
Ces observations ont encore été confirmées par Gusmita Mario, qui, sur un chien
inanitié, a constaté que le système osseux subit une perte de '.KoO p. 100. Le volume et
le poids spécifique de ce tissu ont également diminué. La quanlit»' d'eau diminue, mais
non proportionnellement à la diminution des autres substances constituantes. La dimi-
nution des composants organiques et inorganiques est uniforme. A l'examen histolo-
g:ique, on observe une dilatation des canau.v de Havers et un léger grossissement des
corpuscules osseux. Dans la substance médullaire, on note une diminution évidente des
cellules adipeuses.
Cette inlluence de l'inanition sur le tissu osseux se manifeste aussi à l'état patho-
logique dans les cas de consolidation de fracture. Sur deux séries de lapins, les uns
alimentés, les autres soumis à l'inanition incomplète, Tbifiliev provoque des fractures
du radius et du cubitus. La consolidation des fractures se trouve ralentie chez les ina-
nitiés et présente des modifications partielles, bien que se faisant suivant le type ordi-
naire. C'est ainsi, par exemple, que le tissu osseux ne commence à se développer que
le 0^ Jour chez ceux-ci, et le 4'' chez les animaux de contrôle. L'ossification du cartilage
■ne commence que le 13''jour au lieu du il''. La soudure osseuse ne se produit qu'au
48'' jour au lieu du 42". Le canal médullaire no se reforme qu'au 09* jour, au lieudu48^
Le développement du cal osseux est terminé le 00* jour, et non le 48'', comme chez les
animaux sains. Enfin le cal est moins volumineux chez les premiers que chez les seconds.
Modifications des testicules et ovaires. — lui dehors des travaux de Moupcrco, Mies-
<;iiER, Grandis, etc., sur les processus de néoformation dont certaines glandes, comme
le testicule, les ovaires, peuvent êtft le siège, au cours de l'inanition, il reste encore à
citer les recherches microscopiques de Simonowitsch sur les glandes séminifères d'ani-
maux soumis à l'inanition totale ou incomplète (avec ou sans eau).
Dans l'inanition complète cobayes et lapins), les tubes séminifères sont le siège d'une
dégénérescence parenchymateuse, avec vacuolisafion cellulaire et chromatolyse. Cer-
taines cellules se nécrobiosent. Le tissu interstitiel est œdématié. Ces altérations sont
inégales et par place. Les tubes séminifères qui sont resté-s normaux renferment des
spermatozoïdes que l'on trouve aussi dans les vésicules séminales. Par la réaiimenta-
tion, la régénération se produit au bout de cinq à sept jours.
Il est remarquable que, sous l'influence du jeûne incomplet, les lésions dégénératives
.sont plus accentuées.
MoTROCHi.N, et plus tard Petrow, ont étudié les lésions dégénératives de l'ovaire sous
l'influence du jeûne. Le processus atrophique ne l'envahirait pas entièrement. On con-
state une dégénérescence graisseuse du slroma, des éléments épithéliaux de la substance
<:orticale, de la membrane granuleuse, et aussi de l'œuf. On note également une
dégénérescence colloïdale de l'ovule et de la membrane granuleuse. Dans une autre
phase de la dégénéralion. la graisse disparaît des cellules, et il se forme des vacuoles.
Les noyaux des ovules dégénérés se ratatinent, et la chromatine s'accumule en de petits
grains qui, finalement, disparaissent.
Petrow arrive aux résultats suivants sur des lapins inanitiés : L'épithélium germi-
natif est partiellement conservé. Dans la substance corticale, le nombre des follicules
[)rimitifs est normal. L'ovule et la membrane granuleuse sont bien conservés, et on
constate les figures karyokinétiques normales. Les altérations dues à l'inanition inté-
ressent la substance médullaire, dont les cellules épilhéliales subissent progressivement
la dégénérescence muqueuse, puis graisseuse, et finalement disparaissent par nécrobiose.
Modifications des capsules surrénales et des glandes thyroïdes.— D'après Barbera, la
substance corticale des capsules surrénales présente des modifications plus sensibles
que la médullaire. Ces modifications consistent en ce fait que le noyau et le proto-
plasma des cellules subissent une réduction de volume, mais d'une façon inégale. Le
proloplasma se réduit proportionnellement bien plus que le noyau.
Quant à la glande thyroïde, elle continue pendant toute la période du jeûne à sécréter
ses substances spécifiques. Comme dans la glande surrénale, les cellules présentent une
régression protoplasmique et nucléaire. Toutefois, le noyau cellulaire est ici bien moins
atteint.
INANITION. 97
Modifications histologiques du système nerveux. — Malgré la résislance mani-
feste que préseiile le syslètno nerveux vis-à-vis de l'itianition, ce dont témoigne surtout
le maintien du poids normal de l'axe enioplialo-méduUaire, il n'en est pas moins vrai
que les cellules nerveustîS présentent de fines altérations que de nombreux auteurs ont
décelées au microscope.
Popow, en 1885, publia une observation d'inanition survenue à la suite d'une hyper-
trophie musculaire de l'œsophage. Un rétrécissement du conduit se produisit, et l'ali-
mentation devint impossible. A l'examen hisLologique du cerveau, il trouva des modifi-
cations susceptibles d'expliquer peut-être les troubles psychiques présentés par le
malade. Au niveau du lobii occipital, el en d'autres régions, il trouva des foyers hémor-
ragiques, des extravasations sanguines. Les cellules ganglionnaires étaient atrophiées
et présentaient des troubles du protoplasma. En môme temps, ou observait une prolifé-
ration du tissu interstitiel et de la névroglie.
M.\NKOwsKi a suivi de près, sur des lapins et des chiens, les lésions du cerveau et de
la moelle sous l'influeiice du jeûne. En général, le cerveau et ses membranes étaient
pâles et œdématiés. Les cellules ganglioimaires cérébrales et médullaires étaient en
voie de dégénération atrophique : vacuolisation, pigmentation et dégénérescence grais-
seuse. Beaucoup de cellules ganglionnaires dans les cerveaux de chiens étaient remplies
de vacuoles. On pouvait aussi voir des cellules à noyau ratatiné et grenu. Tantôt ces
altérations intéressaient la totalité du système nerveux central, tantôt une partie seule-
ment. Dans ce dernier cas, les endroits atteints étaient mous; les cellules nerveuses
grises, la substance blanche et la névroglie ne présentaient pas de modification.
Les vaisseaux de la moelle étaient également altérés, et l'endothélium avait proliféré.
Sur deux chiens soumis à un long jeûne, puis réalimentés jusqu'à leur retour au poids
primitif, le système nerveux chez l'un était anémié, chez l'autre hypérémié. Dans les
cellules ganglionnaires, on constatait de la dégénérescence graisseuse; seulement on ne
distinguait pas les cellules atrophiées que l'on trouve chez les animaux morts d'inani-
tion. Chez les inanitiés aussi bien que chez les réalimentés toute modification de la
névroglie fait défaut. Les parois des vaisseaux cérébraux sont normales. Mankowski
signale seulement une tuméfaction du noyau des cellules endothéliales, sans trouble
protoplasmique.
Contrairement à Cuossat et Manassein, qui soutiennent que le cerveau et la moelle ne
perdent pas de poids sous l'intluence du jeune et restent normaux, Maxkowski et Popow
constatent donc l'atrophie et la dégénérescence.
Les observations de Rosenbach ont été faites sur douze chiens morts d'inanition, et
sur les organes desquels o;i a pu constater toutes les modifications ordinaires.
En ce qui concerne la moelle, sur des préparations fraîches, les cellules des cornes
antérieures sont granuleuses et possèdent leurs noyaux. Durcies au liquide de MCller
et colorées au carmin, les préparations permettent de voir tuméfaction et dégénéres-
cence avec atrophie des cellules ganglionnaires. Dans la cellule atrophiée, le noyau est
granuleux avec de nombreuses vacuoles. Les cornes antérieures renferment moins de
cellules que normalement. Dans les cornes postérieures, les cellules nerveuses sont
moins altérées, bien qu'elles soient gonflées. Le stroma de la moelle qui renferme
les éléments spécifiques et les vaisseaux, contrairement aux observations de Popow, ne
présenterait pas de lésions particulières. Les vaisseaux sont remplis d'hématies et de
leucocytes, et les altérations mentionnées acquièrent leur maximum d'intensité au
niveau des territoires où les vaisseaux sous-jacents sont le plus remplis. 11 n'y a rien
de parliculier dans les parois vasculaires, en dehors d'un renflement endothélial.
Dans la substance blanche en dégénérescence, au point de vue des altérations
médullaires, on ne constate aucune différence entre les lapins et les chiens.
Cerveau. — Il est beaucoup plus difficile de trouver dans le cerveau les modifications
pathologiques caractéristiques que l'on observe dans la moelle. Cependant une inani-
tion faible entraîne un gonflement cellulaire, et, à un degré plus avancé du jeûne, ce
sont des vacuoles qui apparaissent, des signes de dégénérescence qui s'accentuent
jusqu'à la disparition complète de la cellule. Gela s'observe surtout dans les cellules de la
couche profonde de l'écorce, cellules pyramidales, polygonales, mais non dans les cel-
lules rondes. La dégénérescence peut atteindre, mais non en même temps, les cellules
DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME IX. 7
98 INANITION.
ganglionnaires des divers centres psycho-moteurs de l'écorce cérébrale. Au niveau de
ces cellules ainsi altérées, on remarque, comme dans la moelle, des amas importants
de globules sanguins. On ne trouve pas d'augmentation du nombre des leucocytes dans
les lymphatiques périvasculaires quelquefois élargis. Les hémorragies sont très rares.
On ne rencontre guère d'exsudals plasmatiques que dans le cerveau du lapin, qui parait
avoir moins do résistance que celui du chien.
Les cellules de Purkinje dans le cervelet subissent les mêmes modifications que
celles du cerveau : gonllement protoplasmique avec formation de vacuoles et destruction
du noyau. Les éléments des ganglions cérébro-spinaux sont modifiés de la même
manière. La capsule est exempte cependant de toute altération. Rosenbach rapproche
ces observations de celles qui ont été publiées en clinique, en particulier de celles de
V. Danillo, Poi'ow, V. ïsciiiGE à la suite d'intoxication par phospiiore, morphine,
atropine, azotate d'argent. Les modifications anatomo-pathologiques du système ner-
veux central étaient à peu près analogues à celles que provoque l'inanition.
Rosenbach a ensuite examiné l'excitabilité cérébrale pendant le jeune aussi bien sur
les lapins que sur les chiens. La conclusion générale de ces expériences est que l'excita-
bilité cérébrale est toujours diminuée par l'inanition.
II est encore bon de rappeler que, si les animaux ne présentent pas de troubles
psychiques, il n'en est pas de même chez l'homme. Une forme spéciale de ces troubles
est l'î délire de la faim. {\. Art. Faim.) Des observations d*» ce genre ont été maintes
fois enregistrées, en particulier par Sciilltze sur une jeune fille atteinte d'un rétrécisse-
ment de l'œsophage, par Wieiiermeistei» sur un soldat pendant l'altaqut' de Metz. La série
de ces troubles comprend du délire, des hallucinations de la vue et de l'ouïe, des idées
de persécution, etc.
JsAEw, sur des chiens inaniliés, a également vu que les cellules ganglionnaires de
l'appareil digestif étaient rarement troublées, tunu'fiées, mais plus souvent granuleuses.
Elles se vacuolisaient tout en renfermant leur noyau. Les fibres nerveuses étaient
sitérées, et le tissu interstitiel infiltré de cellules rondes. Les vaisseaux sanguins avaient
aubi une dilatation.
DowNAROwiTSCH uicsurc directement les dimensions du noyau et des cellules des
cornes antérieures sur des lapins soumis au jeune absolu en prenant des animaux
témoins. Sans donner ici les chiffres obtenus par l'auteur, nous rappellerons simplement
qu'il a noté la diminution des deux diamètres des noyaux cellulaires. Cette élude se
rattache, d'ailleurs, aux travaux de Lukianow sur la part différente que prennent le
noyau et le corps cellulaire aux phénomènes de destruction dans le jeûne, et nous avons
suftisamment insistr» [)lus haut sur ce point.
D'autres recherches, en dehors de celles de Jsaew, ont porté sur les altérations des
ganjïlions périphériques, par exemple celles de Usi-enski.
Sous l'action du jeune, les cellules nerveuses des ganglions périphériques subissen
une métamorphose régressive. Elle est surtout manifeste au niveau du ganglion
cœliaque, et, à un moindre degré, au ganglion cervical supérieur et aux centres du
pneumogastrique. Il existe un certain rapport entre la dégénérescence du noyau et
de la cellule. TantôL celle-ci reste intacte et le noyau dégénère, tantôt l'inverse a lieu]
La déiiénérescence du corps rellulaire consiste en ce fait que le protoplasma se vacuo-
lise aussi bien au centie qu'à la périphérie, qu'il se transforme en une masse brillante
se colorant mal avec les procédés ordinaires de coloration. Ces modifications n'intéres-
sent pas toutes les cellules ganglionnaires à un égal degré. Certaines sont assez peu
atteinles, d'autres à peu près normales.
MoNTi, en 1895, a également suivi les altérations du système nerveux dans l'inanition,
pour en déterminer d'une façon exacte la nature et reconnaître les éléments qui
subissant davantage les effets du jeûne. Toutes ses expériences furent faites sur des
lapins, en utilisant la méthode de Golgi. Ses observations ne font que confirmer les
résultats déjà exposés de l'École russe : « Durant l'inanition, il se produit peu à peu de
profondes altérations nutritives du système nerveux central. Ces altérations sont loca-
lisées aux prolongements protoplasmiques des cellules nerveuses et procèdent graduel-
lement des subdivisions des troncs principaux^ les plus éloignés, jusqu'à atteindre le
corps cellulaire. Il s'agit d'un long processus involutif qui se manifeste par les carac-
INANITION. 99
tères d'une atrophie variqueuse. Les cellules, en dégénérant, perdent leurs signes
caractéristiques d'éléments adultes, et prennent peu à peu l'aspect d'éléments fœtaux.
Cette régression des cellules nerveuses a une parfaite analogie avec ce que Grandis
a observé dans le testicule, où, dans le dernier stade de l'inanition, disparaît toute
différenciation morphologique, et où les coupes des canalicules ont l'aspect des coupes
faites dans les testicules des animaux jeunes. »
Marchand et Vurpas ont également décrit, en 1901, les lésions analogues des centres
nerveux de lapins inanitiés.
VI. — ALTÉRATIONS DU MILIEU SANGUIN.
Altérations globulaires [nombre). — Modifications des ganglions lymphatiques.
Variations de l'hémoglobine. — Modifications physiques [densité, extrait éthéré).
Les altérations du liquide sanguin. — Les premières recherches sur les altéra-
tions globulaires du sang sous l'induence de l'inanition remontent au travail de Schulz
(1843). L'atrophie des globules du sang de ses animaux était telle qu'il expliquait la
mort par l'impossibilité dans laquelle se trouvaient les hématies de fixer l'oxygène.
Manassein, Andral et Gavarhet, Laptschinski, Tarner ont fait des constatations sem-
blables. Kahan observa que dans les premiers jours du jeûne les globules rouges ne sont
guère modifiés. Dans la dernière période, au contraire, ils prennent une forme étoilée.
Aussi bien, le sang ne présente pas seulement à considérer des modifications mor-
phologiques de ses éléments figui'és, mais il y a lieu de tenir compte des altérations
dans sa composition chimique et physique. Ainsi Arnold et Gollard de Martigny virent
que le caillot sanguin augmentait comparativement au sérum. Collard de Martigny
signala également une augmentation des matières albuminoïdes et une diminution de
la fibrine. Andral et Gavarret, Simon, Ghossat, Nasse, Bidder et Schmidt, Magendie ne
s'accordent pas au sujet de la proportion des parties solides du sang dans l'inanition.
Joseph Jones trouve que l'eau et la fibrine diminuent plus fortement dans l'inanition
que les autres éléments. D'autres recherches de Panum, Voit, Subbotin, Donders,
Moleschott n'aboutissent pas aux mêmes conclusions.
Mais, si la question n'est pas définitivement résolue en ce qui concerne les variations
de la composition chimique, l'accord est bien plus grand relativement aux modifications
que subissent les globules.
Altérations globulaires [nombre). — J. MOller, Malassez, Lépine, Buntzen,
Andreesen observent qu'au commencement de l'inanition le nombre des globules rouges
s'accroit, et que dans la suite il diminue.
Kahan (1883) constate sur six chiens inanitiés que le nombre des hématies est consi-
dérablement modifié, et que le résultat de la numération globulaire donne des résultats
contradictoires avec d'autres recherches faites sur la mesure du poids spécifique du
contenu en matière colorante et en éléments fixes. Sur les six chiens soumis à Texpé-
rience, le poids spécifique, l'hémoglobine et les éléments fixes augmentent dans la
première période du jeune. A partir du moment où la perte de poids est de 11 p. 100.
la quantité des éléments fixes peut être aussi forte qu'avant l'expérience. Pour une perte
de 20 à 30 p. 100, cette quantité augmente jusqu'à la fin.
Sur l'homme, un jeûne de 24 heures détermine une sensible augmentation des glo-
bules rouges, une diminution des hématoblastes et des globules blancs.
Hayem et Cadet ont trouvé des résultats différents, suivant qu'ils soumettaient au
jeûne complet des petits animaux (mammifères) ou des animaux de grande taille.
Sur le cochon d'Inde soumis à l'inanition jusqu'à la mort, Hayem note une augmen-
tation progressive du nombre des hématies et une diminution parallèle des hémato-
blastes et des globules blancs, sans que la valeur globulaire soit sensiblement modifiée.
Sur le chien une expérience faite très soigneusement avec Reyne lui fournit les
résultats résumés dans le tableau suivant :
Chienne de 5'*e,400, soumise à l'inanition à partir du 22 septembre. Morte le
2o« jour.
100
INANITION.
DATES.
N.
H.
R.
R.
G
P.
22 Septembre. .
5 318 000
395 000
7 750
4 094 800
0.77
5 400
23 — . .
0 369 000
378 000
6 750
4 1 87 900
0,7 S
5 200
24 —
5 452 000
342 000
5 550
4 252 500
0,78
5 000
25 —
5 480 000
302 000
6 750
4219600
0,77
4 850
26 —
5 589 000
281000
6 842
4 191700
0,75
4 700
27 —
5 697 800
273 000
6 950
4 387 000
0,75
>>
28 —
5 712 000
235 000
4 850
4 455 000
0,78
4 600
30 —
6 012 000
539 000
7 750
4 629 000
0,77
4 500
1" Octobre .
6 240 000
241000
6 400
4 930 000
0,79
4 300
2 -
6 248 000
250 300
5 550
4 936 000
0.79
4 150
3 —
6 634 000
215 000
5 425
4 942 000
0.76
4 000
4 —
6 642 000
221000
6 322
5 048 000
0.76
3 900
0 —
6 791 400
231 300
4 600
5 297 000
0.78
3 800
6 —
6 692 000
233 800
6 800
5 153 000
0,77
»
7 —
6 944 000
235 000
6 200
5 550 000
0,80
3 700
8 —
6 848 000
230 200
7 750
5 321400
0,78
3 600
9 —
6 952 000
233 320
4 850
5 452 000
0,78
3 500
10 —
7 061 000
235 600
6 975
5 084 000
0,72
3 375
11 —
7 086 000
207 000
6 200
5 031800
0,71
3 300
12 —
7 272 600
21 000
8 625
4 872 000
0,67
3 200
14 —
7 384 200
2,13 000
7 750
4 799 700
0,65
3 000
Il —
7 498 900
186 850
6 440
4 799 700
0,64
2 900
16 —
7 767 200
177 200
6 200
4 815 700
0.62
2 750
17 —
"
"
"
"
"
2 000
N : Nombre do globules; II : Nonilire Mes liéraatoblastes :
h : Nombre des globules blancs; G : Valeur individuelle d'un "j-lobulc;
R : Richesse globulaire exprimée en glolmlos humains sains :
P : Poids du corps.
Cette expérience prouve donc une augmentation progre.ssive du nombre des hématies
jusqu'à la mort, et une diminution des héniatoblastes. Les globules blancs, au contraire,,
ne semblent guère influencés par l'inanition. La valeur individuelle des globules ((î ne
baisse sensiblement que dans la dernière période. La richesse globulaire varie peu
O
V.
O
ç
il
r^ ci
S
CONTENU DU S.\NG EN
H
o
ta
a
s
o
Y.
liROS LEUCOCYTES
à noyaux arrondis.
■y,
o a
5
H =
"■ a.
•a
J
2 051.7
0
12,1
21,6
32,7
37,2
25,9
24.5
16,6
16,1
9
51,0
49,6
56,7
60,1
66,3
11,6
12,7
16,3
18,8
21,6
11,5
13,0
10,4
2,6
Fin de la 1'" période du jeûne. .
— 2' — — . .
— 3« — — . .
1 882,5
1 607,1
1 379,5
1 216,5
durant la première phase. Elle augmente ensuite jusque vers le IG'^ jour et diminue de
nouveau, tout en restant plus élevée au moment de la mort qu'avant l'expérience.
Dans le laboratoire de Lukja.>'Ow, Okentschitz a recherché la proportion des globules
INANITION.
\0\
blancs sur six lapins soumis à l'inanition, et ses observations ont porté sur quatre
groupes de globules, dont voici la proportion normale.
«
1° Lymi^hocytcs (Eiirlich) 2o,9
2° Gros leucocytes ;'i noyau arrondi ll,:j
3" Leucocytes à noyaux polymorphes et polynucléaires. 11,5
4° Cellules éosinophiles ■11,0
Les résultats peuvent être résumés dans les tableaux ci-joints (p. 100 et 101) :
CONTENU
DU SANG EN
r/j
eu
P
~
o
0. .
A .'£,
o
<
a 2
'/)
u
f- d
t" ù
P
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O
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O
2 .^
a
X
x;
S a
0,
c
>-
^
■S
O o
t; a
■a
•M
Fin de
la 3° période du jeune . .
1 410,3
32,3
13,6
60,3
20,6
5,3
—
l''" — d'alimentation.
1681,8
19,5
23,9
53,7
12,4
9,9
—
Oe
1 875,6
10,2
25,6
48,5
11,2
14,5
—
3» — —
2008,1
3,9
24,0
49,3
9,9
16,7
Lapins
normaux
2 089,0
0,0
26,0
52,2
10,5
11,3
Autrement dit, la quantité relative des lymphocytes et des éléments à noyaux
polymorphes baisse pendant l'inanition. Au contraire, le nombre des éosinophiles et des
éléments arrondis augmente.
Le phénomène inverse se produit lorsqu'on interrompt l'expérience par la réali-
mentation. L'augmentation porte sur les éosinophiles et les éléments à noyau arrondi.
Nous trouvons encore dans la littérature russe d'autres travaux importants relatifs
aux modifications du nombre des éléments figurés du sang.
LuiBoiiuDRow s'est préoccupé de cette question dans son travail d'ensemble sur les
diverses altérations sanguines au cours du jeûne. Ses recherches ont été poursuivies
sur une série de 17 chiens, qu'il avait soumis préalablement, pendant une période
variant de deux à trois semaines, à la ration d'entretien, jusqu'à ce que le poids du
corps fût absolument constant. Il a fait la numération des globules rouges et blancs,
en se servant de l'appareil de Malassez. Quant à leurs altérations morphologiques, il
constate les mêmes que celles des autres auteurs. Dans la dernière période de l'ina-
nition, le non»bre des macrocytes s'élève de 20 à 30 p. 100. Le nombre des hématies
n'est guère modifié avant que la perte du poids ait atteint 10 à 15 p. 100. Même il
augmente quelquefois, pour diminuer ensuite jusqu'à la mort. Le maximum de la
diminution survient au 28'= jour du jeûne. Elle correspond à 32 p. 100 du chiffre
initial. Mais il convient, selon Luibomudrow, de tenir compte à cet égard des différences
individuelles, qui ont une très grande importance.
Sur 15 de ses animaux, le nombre des leucocytes diminue du commencement de
l'inanition jusqu'à une perte de 20 p. 100 de poids. Dans la première période, il baisse
par rapport au nombre des hématies, et dans la deuxième moitié il s'élève parfois au-
dessus de la normale.
Les lymphocytes diminuent dans l'inanition, aussi bien d'une façon absolue que
relative, excepté dans la première période. Le nombre des leucocytes mononucléaires
s'élève de 10 à 25 p. 100. Celui des leucocytes polynucléaires diminue relativement au
début du jeûne. Les éléments éosinophiles apparaissent dans le sang de certains
chiens chez lesquels on n'en avait pas préalablement observé.
102 INANITION.
PoLETAEw a institué des recherches sur 8 chiens soumis à l'inanition totale, et 2 i\
l'inanition partielle, pour suivre les variations de la composition sanguine.
Il a constaté une augmentation des hématies. Comme base de ce fait général on
peut admettre une condensation du sang, bien que celle-ci ne soit pas absolument
prouvée. Tantôt, en efTet, on a remarqué une diminution de la quantité d'eau du sang,
tantôt une augmentation (Lochschewitz).
Quant aux globules blancs, ils subissent de grandes modifications; à ne considérer
que le nombre, on note au début de l'inanition un abaissement, à la fin au contraire une
augmentation.
Nombre de trlobules blancs avant le jeune. , 13,491
_ " — — après — l\^rle de poids de 10 p. 100. . 11,621
_ _ _ _ _ — 20 — . . 10,729
_- ___ — — 'M — . . 11,461
_ ___ — — 40— .. 13,026
_ _ _ _ _ _ 45-30 — . . 15,189
En s'attachant aux diirérentes formes de leucocytes d'après la nomenclature
d'UsKOw, PoLETAEW remarque que les jeunes éh'-ments (petits et gros lymphocytes et
petits lymphocytes transparents) diminuent par l'inanition totale ou partielle jusqu'à
une perle de poids de 30 p. 100. Dans les dernières phases elle augmente. Au contraire
les éléments adultes (petits éléments à forme transitoire), diminuent du commence-
ment à la fin. Quant aux éléments âgés (polynucléaires, leucocytes polynucléaires,
vacuolisés) leur nombre baisse au début. Depuis le moment où la perte de poids est
de 20 p. 100, jusqu'à la fin, leur nombre augmente. Cela s'applique surtout aux polynu-
cléaires, car les éléments vacuolisés baissent du début à la fin.
Le pourcentage des éléments jeunes- subit cette modification, aussi bien que leur
nombre absolu. 11 en est de même pour les leucocytes adultes, avec cette particularité
que les éléments de transition, et quelquefois aussi les petits leucocytes, augmentent
d'abord, puis diminuent. La proportion des éléments âgés (polynucléaires) s'élève pen-
dant toute la durée du jeûne. Pour les éléments vacuolisés, elle diminue jusqu'à leur
disparition.
Modifications des ganglions lymphatiques. — Le jeune favorise l'accumulation
des hématies dans les voies lymphatiques des ganglions et modifie également la struc-
ture de ces organes (Retterer).
Ces altérations consistent essentiellement en une atrophie du tissu et une transfor-
mation du protoplasma en cellules libres ou leucocytes : « Ces faits, dit Retterer, sont
une conséquence naturelle de l'inanition, puisque l'animal soumis ;iu jeune se nourrit
aux dépens de sa propre substance. Or nous savons que le sang des mammifères tire ses
éléments des organes hémolymphatiqiies, tels que les ganglions lymphatiques. Pendant
l'inanition, le renouvellement protoplasmique fait défaut, tandis que la désassimilation
et l'usure se poursuivent : ce processus entraine nécessairement la raréfaction du
tissu du ganglion; il s'y produit des vides et on aboutit finalement à la formation d'un
tissu plein qui se convertit en restes cellulaires, indépendants les uns des autres
(leucocytes) ».
Variations de rhémoglobine. — D'après Subbotix, la quantité d'hémoglobine
resterait la même chez le chien, malgré un jeûne d'une durée de 38 jours.
LuciANi et BuFALixi ont confirmé ce fait, bien qu'au début du jeûne la proportion de
matière colorante subisse une augmentation par suite de la grande perte d'eau de
l'organisme.
La question a été bien étudiée par S. Groll et Hermann, qui ont parfaitement
démontré que l'inanition n'entraînait pas une disparition de l'hémoglobine.
Les expériences de ces auteurs furent faites sur plusieurs espèces animales (lapins,
chiens, chats). On dosait la proportion centésimale du résidu fixe d'une certaine quan-
tité de sang, et la matière colorante avec l'hémomètre de Fleischl. Le rapport de ces
deux chiffres exprime un quotient de matière colorante. Il est facile de voir que ce
quotient augmente pendant l'inanition.
Nous reproduisons dans le tableau suivant une partie de ces recherches.
INANITION.
103
VAISSEAUX
PROPORTION
GHIFFRK
o
ci
■a
JOURS
où A i>Ti':
POIDS
U KSI DU
CENTKSIMALE
OBTKNU
A.MHUX.
de
du
à rocliellc
QUOTIENT.
3
pratiquée la
Fixi:.
des parties
do
>C
JKÙNK.
saignée.
SAN(i.
solides.
riirmoini'lre.
1
Crurale.
4,. 563
0,81(i
17,882
86
4,809
\ ^
—
2,885
0,499
17,296
88
5,087
G
Lapin. •> 11
Carotide.
3,587
0,620
17,28 4
89
5,149
14
—
3,286
0,531
16,159
89
5,507
( 16
—
3,283
0,533
16,235
90
5,543
( ^
Crurale.
4,783
0,807
16,872
88
5,215
) •'
—
• 6,258
1,130
18,056
82?
(4,541)?
1
Chat. { 10
Carotide.
5,866
1,093
18,632
97
5,207
13
—
5,293
0,977
18,458
97
5,255
[ 18
—
4,519
0,734
16,242
55
3,386
( 1
Crurale.
3,664
0,685
18,695
87
4,653
1 0
—
3,366
0,640
19,013
94
4,943
12
Chat. / 10
Carotide.
4,007
0,786
19,326
97
5,019
/ n
—
2,587
0.528
20,409
105
5,140
(, 22
—
2,906
0,575
19,771
102
5,159
' 1 1
Crurale.
5,331
1,240
23,241
66
2,839
?
V. crurale.
4,790
1,072
22,379
62
2,591
\ ■> '
Crurale.
9,420
2,200
23,338
68
2,913
16
Chien. / '
V. crurale.
3,827
0,905
23,647
65
2,749
] 1 '*
Axillaire.
4,310
1,021
23,689
69
2,954
V. Axillaire.
3,772
0,909
24,366 .
71
2,913
■51 !
Axillaire.
4,168
1,025
24,542
73
2,968
1 -^ /
V. axillaire.
4,092
1,031
25,197
80
3,174
La conclusion qui s'impose, c'est que, proportionnellement aux autres éléments san-
guins, la matière colorante subit une destruction beaucoup plus faible.
D'ailleurs, la résistance des globules rouges à l'inanition témoigne encore d'une véri-
table épargne de la matière colorante. On sait, depuis les travaux de Dittm.\r Fi.\kler,
ESPÈCE ANIMALE.
Lapin. , . .
Moyenne
Chien. . . .
Moyenne
MOYENNE DU POIDS SPÉCIFIQUE
DIFFÉRENCE
DANS LE POIDS
iN U M É R 0 S
DE.S RECHERCHES.
DU f
,ANG.
6) Abstinence
complète.
spécifique du sang
en pourcentage.
Le poids spécifique
du sang dans une
alimentation riche
= 100.
a) Alimentation
copieuse.
1
1042,00
1058,75
+ 1,61
2
1049,00
10f)2,00
+ 1,21
3
1051,60
1055,33
+ 0,35
4
1 010,60
1046,13
+ 0,53
5
1044,00
1049,63
+ 0,54
1045,44
1053,28
+ 0,75
6
1047,40
1039,00
— 0,80
1046,40
1047,11
-T- 0,07
1044,30
1053,00
+ 0,83
1048,28
1064,56
+ 1,35
1051,20
1050,62
— 0,06
9
1013,17
1049,85
-1- 0,64
10
1061,60
1051,86
— 0,92
1047,07
1050,80
+ 0,27
101
INANITION.
Zi'NTZ et Lehmann que la courbe d'absorption d'oxygène et de production d'acide caibo-
nique tombe vite h un minimum auquel elle se maintient pendant la inajeure partie de
l'inanition, co qui démontre d'une façon indirecte, et non moins clairement, lYjiargne
de l'hémoglobine que TiRoll et IlERnMANN ont directement constatée.
Modifications physiques {Poids spécifiiiuc. — Alcalinité). — Popel a recherché la
vabnir du poids spéciliquedu sang sur cinq lapins et cinq chiens inaniliés, en suivant
la méthode d'HAMMERscHLAC. Voici ses résultats :
La densité du sang change dès l'instant où commence l'inanition, et cette niodifi-
cation consiste en une augmentation qui parait indépendante de l'espèce animale. Un
herbivore en inanition a parfois un poids spécifi({ue du sang supérieur à celui d'un Car-
nivore. D'autre part, et conformément aux résultats de Raum, NV. Popel signale que les
variations de la densité du sang obéissent à peu prés aux mêmes lois que celles du pou-
voir colorant.
Extrait èthéré. — Sur le lapin, le pigeon, le poids de l'extrait étliéré du sang est
susceptible d'augmenter du double pendant l'inanition (SciiuLzi.
Daddi a confirmé le fait sur le chiiMi. Il l'explique par une augmentation dans la
consommation de graisse et une diminution des processus d'oxydation.
La courbe des variations du poids de l'extrait éthéré du sang, pendant une longue
inanition, comprend trois périodes.
La première, qui s'élend jusqu'au septième jour, indique une augmentation. Puis
survient une iliminuliou qui ne tarde pas à se lixer à un niveau constant, à partir du
quatorzième jour. Lnlln elle s'exagère au moment di- la moit.
VIL — MODIFICATIONS DU LIQUIDE URINAIRE
RÉACTION. — Azote total et ubée. — Acide liumli:. — Ckéatimne. — Peptonuhie. —
Matières extractives. — Matières minérales. — Chlorures. — Acide phosphorique :
PHOSPHATES. — Acide sulkurique : sulfates. — Bases urinaires : chaux et mac.nésie.
— Potasse et soude. — Acétone. — Acide diaci'tique — Suli-o-éthers urinaires.
La composition de l'urine subit dans l'inanition un ensemble de modifications que
nous devons maintenant passer en revue. Et d'abord, au point de vue i|uantitatif, nous
signalerons la diminution de volume. Chez des personnes (jui ne prennent ni nourriture
solide ni liquide (des cas de ce genre ont été enregistrés par Tuczek) la quantité d'urine
peut même tomber après quelques jours de jertne à 2H0 ou .300 ce. Cetti prenait une
quantité d'eau importante, en moyenne 1 200 ce. L'élimination d'eau urinaire corres-
pondait à environ 940 ce. par 24 heures. Succi en éliminait 44rj ce. pour une ingestion
d'urine de 500 à 700. Sur quatre lapins soumis à l'inanition, H. Roger a observé cette
diminution qui correspond aux chiffres suivants :
ÉTAT DES ANIMAUX.
U K I N E
DES 24 II EL- RE S.
I
II
III
IV
MOVENNIÎ.
En digestion (moyenne de 4 joiu-s).
\ jeun ■ i"' jour
485
' 330
10
120
CO
100
225
270
300
400
480
300
MO
80
35
100
200
220
300
270
2:;o
460
430
140
110
0
110
300
470
400
300
320
470
390
100
50
0
85
130
300
120
330
320
260
424
177
62
39
89
182
304
272
303
322
417
Oe
_ 3' —
Alimentation : ]" jour
2"
— 3' —
— 4« —
— fi» —
Réaction. — L'acidité de l'urine augmente pendant le jeûne et assez rapidement.
Cet accroissement correspond, chez Cetti et Succi : pour le premier, au dixième jour et
INANITION.
105
pour le second, an sixième jour, à 0,91» ^r. et 1,;{4 ;,'r. d'acide oxalique. Dans la suite
cette auf^nientation devint moins sensible et se nhkiisitde moitié et même d'un tiers.
L'augmentation de l'acidité tient sans aucun doute à la formation d'acides, en par-
ticulier d'acide sulfurique et d'acide urique. D'autre part, l'acide phosphorique prove-
nant de la destruction de lécithine et de nucléine passe dans la circulation. Or les bases
nécessaires à leur saturation n'existent pas on quantité suffisante comme dans l'urine
des animaux nourris.
Azote total et urée. — En ce qui concerne l'élimination des corps azotés urinaires,
l'étude que nous avons faite plus haut de l'excrétion de l'azote dans l'inanition simpli-
fiera beaucoup les détails qu'il y a lieu de donner à cet égard.
Comme nous l'avons vu, la suppression de l'alimentation n'entraîne nullement la
disparition des substances azotées urinaires. Leur taux est simplement diminué.
Ainsi voici les chiffres obtenus sui' Ceïti et Si;cci.
Observation de Cetti.
AZOTE DE L'URINE
KT DES MATIÈRES K É C A L E S.
AZOTE
l'AR KILOGRAMMK.
Avant le jcùnc
iZC.
14
12,9
10,36
9,73
0,235
0,202
0,190
4 premiers jours de jeûne ....
Du 5° au 7° jour
Du 8° au 10° jour
Observation de Succi.
AZOTE DE I/URINE
ET DES MATIÈRES FÉCAI. ES.
AZOTE
PAR KILOGRAMME.
Cinq jours avant le jeûne
Du 1°'' au 5° jour
— 6° au 10° —
— 11° au 15° —
— 16° au 20° —
— 21° au 25° —
— 26° au 30° —
16,230
12,865
8,491
5,806
5,:i08
4,687
5,346
0,214
0,150
0,109
0,102
0,094
0,109
Acide urique. — L'alimentation joue un rôle très important, comme on le sait, sur
l'élimination de l'acide urique, qui normalement chez un même individu (homme
adulte) offre des variations oscillant entre 0 gr. 20 et 0 gr. 80. Sous l'inlluence d'une
alimentation exclusivement animale elle peut monter en effet à 2 gr. et même
au delà: 2 gr. II d'après Ranke. Au contraire, le régime végétal réduit cette quantité à
0 gr. 30; et, dans l'inanition, elle monterait à 0 gr. 24.
D'après .Mares, l'acide urique diminue au début de l'inanition. Après 15 à 18 heures
environ il atteint une valeur minimum à laquelle il se maintient, mais en présentant
des différences individuelles (13-30 milligr. par heure). Horbaczewski est d'accord sur
ce point avec Marès.
Cario, sur 4 malades atteints de carcinome de l'œsophage, signale une moyenne de
0,523; 0,488; 0,783 gr. d'acide urique par 24 heures pour une excrétion d'azote de
10,2, 11,1, 7 gr. V. NooRDEN cite encore ses recherches sur l'urine d'une femme
atteinte d'ulcère rond de l'estomac^ La proportion d'acide urique correspondant à
0,683 et 0,398 gr. par 24 heures pour une excrétion de 3,9 eto,2gr. d'azote.
A côté de ces résultats, citons encore une observation contradictoire de 0. Schultzen
qui, sur une fdle atteinte de rétrécissement de l'œsophage ayant abouti à l'occlusion
lUti INANITION.
complète du coiuluil, a constalt'que la quantité d'acide uritjue deuxjours avant la mort
était deux fois supérieure à la normale. Il est vrai qu'il s'agit là d'une seule observation,
qui ne paraît intirmer nuUeratMit les conclusions des auteurs précédents.
En léfinitive, et conformément à ces observations auxquelles s'ajoute celle de Sa-
j)0\vENK, on peut admettre que dans l'inanition l'acide urique décroît en même temps que
rurée.
Rien d'étonnant à cela si l'on se rapporte à la théorie d'HonuACZEWsKi sur la forma-
tion de l'acide urique. On sait que, d'après lui, le foie ne servirait nullement à la fabri-
cation de ce composé azoté ; qu'au contraire l'acide urique chez les mammifères est le
résultat de l'action du sang vivant sur les éléments lymphatiques qu'il renferme cons-
tamment. En effet l'observation démontre le parallélisme entre la richesse du sang en
globules blancs et l'excrétion d'acide urique. L'augmentation de l'acide urique dans
la leucémie, dans l'urine des enfants dont le sangolTre une plus grande richesse en leu-
cocytes que l'adulte, corroborent celte manicre de voir.
Inversement, la diminution du noinbie des leucocytes qui se produit au cours de
certains états, comme dans l'inanition, rendrait compte de la moindre proportion d'acide
urique éliminé. Il s'agirait donc en l'espèce d'une action indirecte exercée sur l'excré-
tion urique, par la diminution du nombre de leucocytes que provoque la suppression de
l'alinientalion.
Créatinine. — A l'état normal et avec un régime mixte, l'honinie sain élimine envi-
ron 1 gr. de cette substance par 2'» heures avec un volume de 1500 à 1 fiOO centimètres
cubes d'urine.
Comme à l'état normal, la créatinine provient au cours du jei'me de la consomption
du tissu musculaire, qui en renferme un moyenne 2à 4 p. 100. De môme qu'elle augmente
dans l'alimentation carnée, de môme elle diminue dans les cas d'insuffisance alimen-
taire ou d'inanition.
l.uciAM l'a observé sur Sucer, qui éliminait au !•" jour 0,8011 gr., au 12' 0,7159 et au
IT-^ 0,4029.
Peptonurie. — Iassana et Auslau, dans cinq cas cliniques d'inanition, ont noté de
la peptonurie pour un jeûne de deux ou trois jours et sa disparition avec la rcalimen-
lation. Ils ont successivement éliminé les causes d'erreur susceptible»; de fausser l'inter-
prétation de cette élimination de peptones dans l'urine, et ont formulé le principe de la
constance de la peptonurie dans l'inanition aiguë et de sa disparition avec une alimen-
tation efficace et suffisante. D'une façon générale, la peptonurie, d'après ces auteurs,
suivrait une courbe absolument inverse de celle de l'urée ; le maximum de la peptonurie
coïncidant avec le minimum d'urée, et inversement. Us ont admi;:. à la suite d'autres
recherches, que cette peptonurie tire son origine du sang et des l -sus et qu'elle cons-
titue dans l'inanition » l'expression de l'involution générale de tous les organes; comme
la peptonurie, chez les accouchées, est l'expression de l'involution spéciale de l'utérus.
La présence des peptones dans le foie et dans les organes digérants des animaux sains,
selon eux, serait un produit de transaction, lié à des fonctions spéciales de ces organes
et qui ne passe pas par le sang dans les urines ; il ne faut pas le confondre avec la pep-
tone qui, pathologiquement, se forme dans le jeune, et est un produit de réijrc^sioJi,
en grande partie éliininable comme tel, infectant d'abord abondamment le sang. »
Matières extractives. — Dans les expériences de Llciam sur Succi, on constate une
élévation de la proportion d'azote uréique par rapport à l'azote total.
De même Sokoloff insiste sur l'augmentation delà quantité des produits d'oxydation
incomplète et conformément à ce résultat, Gorokhoff conclut de ses recherches que la
quantité de substances extractives s'accroît de 3 p. lOOjusqu'à 18 p. 1 00. Les résultats de
Krougekoff seraient contradictoires. D'après ces observateurs, l'inanition augmente
donc le taux des matières extractives, autrement dit abaisse le rapport de l'azote uréi-
que à l'azote total.
Matières minérales. — Les sels de l'urine proviennent de deux sources. D'une
part, ils tirent leur origine des aliments, et, d'autre part, de la désassimilation des
issus. L'influence de l'alimentation se manifeste sur eux au point de vue qualitatif
et quantitatif. Si avec une alimentation moyenne la proportion de sels, par 24 heures,
est de 9 à 25 grammes, la suppression de l'alimentation réduit considérablement celte
INANITION. 107
quantité, sans qu'elle arrive cependant jamais à disparaître complètement. L'excrétion
minérale est alors intimement subordonnée à la destruction organique dont elle
fournit la mesure.
Chlorures. — La plus grande partie du chlore urinaire est combiné au sodium, et
le chlorure de sodium provient presque en totalité du sel de cuisine que nous ajoutons
à notre alimentation. Sa quantité moyenne pour un adulte est d'environ 12 fçrammes
par 24 heures, avec les limites extrêmes de 12 à 16 gi'ammes.
L'usage des aliments très salés augmente fortement cette proportion, et la privation
de sel la fait au contraire tomber jusqu'à 2 ou 3 grammes. Toutefois, les réserves de NaCl
que l'organisme peut trouver dans les tissus, les liquides, et spécialement dans le sang,
lui permettent de résister contre la déficience de ce sel ; et c'est ce qui explique sa
constance dans l'urine, même après une longue inanition. Il est vrai qu'alors sa quan-
tité a singulièrement diminué. Chez le jeûneur Getti, cette excrétion de ;> grammes est
progressivement descendue à 0 gr. 6 au 10" jour de son inanition. Chez un malade,
F. MuLLER a vu au 4« jour de jeûne la quantité de chlore tomber à 1,49 en moyenne.
Cet abaissement progressif de chlorure que l'on remarque dans l'espèce humaine est
en complète opposition avec ce qui se passe chez le chien dont l'excrétion chlorurée
tombe rapidement, après un ou deux jours, à une valeur minimum de 0,2 à 0,3 gr.
de NaCl par 24 heures (Voit). Elle se maintient dans la suite à ce taux. L'explication
de cette différence tiendrait, d'après Voit, à ce que chez l'homme, consécutivement à
son alimentation riche en sels, il possède, contrairement au chien, dans le sang et les
liquides organiques un excès de NaCl qui s'élimine progressivement.
La si faible quantité de chlore que renferme l'urine des inanitiés est de nature à
révéler que les tissus qui sont soumis tout d'abord à la désorganisation sont les tissus
pauvres en NaCl, et en premier lieu les muscles. Pour une élimination de 12 grammes
d'azote par jour, l'inanitié perd 300 grammes de substance musculaire qui met en
liberté dans la circulation 0 gr. 3 de NaCl. Le rapport de ce sel à l'azote excrété peut
baisser dans l'inanition, au point de correspondre à 1/36.
Seule, la quantité de sel mise en liberté par la désorganisation des tissus, est
excrétée. L'organisme en reste ainsi saturé. Aussi la réaliinentation, après plusieurs
jours de jeûne absolu, détermine-t-elle aussitôt l'excrétion d'une proportion normale
de Nacl.
Le rapport du NaCl à l'azote urinaire est extrêmement important pour apprécier le
degré de l'inanition. Tant que l'urine renferme une quantité importante de ce sel (plu-
sieurs grammes), l'organisme ne vit pas encore aux dépens du NaCl de ses tissus. On
trouve même dans ce dosage une méthode propre à déterminer si un individu est réel-
lement en état d'inanition.
L'alimentation insuffisante fait baisser le NaCl au-dessous du chiffre normal; mais
cela dépend du degré de la maladie qui entrave la nutrition, et aussi des dispositions
individuelles très variables à faire usage d'une plus ou moins grande quantité de sel.
V. NooRDEN a vu chez des individus mal nourris que le rapport du NaCl à l'urée était à
peu près normal : 1/2.
La chute de l'élimination des chlorures dans l'inanition explique pourquoi les
diverses maladies aiguës fébriles le font aussitôt diminuer. C'est un fait d'observation
courante que l'abaissement des chlorures est en quelque sorte proportionnelle
au degré de la réaction fébrile dans la fièvre continue. D'autre part, le chlore peut
descendre à la centième partie de sa proportion normale dans la période aiguë de la
pleurésie, la pneumonie, la scarlatine, la variole, la fièvre récurrente, l'atrophie aiguë
du foie. En définitive, il s'agit toujours d'une seule et unique cause : le défaut d'alimen-
tation créé dans ces cas pathologiques parle manque d'appétit.
Acide phosphorique. Phosphates. — L'acide phosphorique urinaire provient
de l'alimentation carnée, ce qui explique la faible quantité qu'en renferme l'urine des
herbivores, et d'autre part l'augmentation que provoque sur un Carnivore un régime
très aninialisé. La quantité moyenne éliminée par l'homme adulte et pendant vingt-
quatre heures, serait de 3 gr. 5 (Vogel et Hûppert) ; 2 gr, 5 (Gautier); 2 gr. 8 (Beau-
nier), sous forme de P-0'. Un tiers environ de l'acide phosphorique est combiné à
la chaux et à la magnésie.
108 INANITION.
l/inanition délennine uno augmentation de rexcrclion pliosplialique. Aussi le rap-
port de l'acide phosphorique à l'azote urinaire, (|ui est normalement 1 7, au?mente-t-il,
ainsi (lue l'ont remarqué différenls auteurs, Uisciioi-k 1/0. 4, Mu.nk sur Cktti, 1;4. .">,
TuzDEK, i/6.0 et 1/4.3, F. Miller, 1/:1.8, Luciam sur Succi, I/o. 6.
On doit ainsi conclure (ju'à cAté des phénomènes de dénutrition des muscles et des
j;landes, l'inanition provoipie l'usure d'un tissu ]tarticuliérement riche en phosphore.
En ell'et la variation proportionnelle de la chaux et de la magnésie, et la perte de poids
que subit le tissu osseux des animaux inaniliés Chossat, Biddeu et Schuidt) démon-
trent bien qu'il s'af,'it là d'une destruction importante du tissu osseux. Cetti, par
exem|)le, éliminait au cours de son jeûne plus de chau.\ qu'à l'état normal, et l'élimina-
tion parallèle de magnésie se faisait dans la même proportion où ces deux éléments se
trouveiil rf'unis dans la substance osseuse.
L'alimeiitalion insulTisante crée des circonstances très défavorables, pour apprécier
d'une manière exacte le sens qu'elle imprime à l'élimination des i»hos|)liales (}ui
tiennent en partie à la nature des aliments plus ou moins riches en acide phosphorique.
Cependant, d'après V. Noorde.n qui a étudié l'élimination phosphorique sur un malade
en état de dénutrition consécutive à une dilatation de l'estomac et anémique, le rapport
moyeu dans l'alinientation iiisullisante serait 1/0.7. Comme dans l'inanition complète,
le ra[)|iorl Af racid.' phospliorique à l'azote au;.'nu'nterait.
Acide sulfurique. Sulfates. — On peut admeltie d'après les chiffies fournis parles
classiques que la quantité d'acide sulfurique excrété pai' l'adulte et par 24 heures est
de 1 gr. 5 à 3 grammes, compté en anhydride S0\ La proportion des acides sulfo-con-
jugués est éminemment variable et soumise à de nombreuses inlluences (alimentation,
putréfactions intestinales, absorption de composés aromatiques pouvant s'unir à l'acide
sulfurique).
Comme l'azote et le soufre urinaire proviennent de même source, il s'ensuit que
l'élimination d'azote et de soufre doit suivre une courbe paiallèle et que leurs propor-
tions doivent rester semblables à celles dans lesipielles ils participent à la constitution
de la molécule albuminoïde. En moyenne ce rapi>ort corrrespond à 16 parties d'azote
pour 1 de soufre.
Sur Succi, et j)endant les premiers 12 jours d'inanition, le rapport resta à peu près
normal : 17/5.
Miller a observé sur Cetti une augmentation de 2 à .'{0 p. 100 dans la proportion
des acides sulfo-conjugués. L'excrétion df phénol aux 0' et 10'' jours avait atteint une
valeur sept à huit fois plus grande que l'excrétion habituelle de l'homme sain. Tuczek
donne des chifTres (jui concordent parfaitement avec ceux de Lucia.ni et MCller.
Il en serait de même dans l'alimentation insuffisante. V. Noorden a noté chez un
malade, pour une élimination d'azote de 13,7-11,1 et 14,9, un rapport Az S de 12,2;
16,2: 15,7.
A côté du soufre acide dont nous venons de nous occuper (sulfate, acide sulfurique A)
et acide sull'o-eonjugué ^acide sulfurique B),il y a à tenir compte du soufre neutre (Sal-
RowsKi) qui comprend des sulfocyauures, des dérivés de l'acide hyposulfureux, de l'acide
sulfurique, de la cystine, de la taurine, des corps à fonction alcaloïdique, soufre qui
dérive certainement de la bile (Kl'nkel, Spiro. Lépine et Guérinj. L'adulte sain élimine-
rait une moyenne de 17 de soufre neutre urinaire sur 100 parties de soufre total.
A l'inverse de son action sur le soufre acide, l'inanition augmente très sensiblement
le soufre neutre. Autrement dit, une quantité de soufre bien inférieure à la normale
échappe à l'oxydation. C'est ce que démontrent les expériences sur Cetti et Breitiiaupt,
ainsi que les travaux de Tit.zek sur les aliénés jeûneurs.
Bases de l'urine. — Chaux et magnésie. — Les faits que nous avons déjà exposés
au sujet de l'élimination de la chaux et de la magnésie prouvent la part importante
que prend le tissu osseux dans les phénomènes de destruction provoqués par l'abs-
tinence. En ce qui concerne l'influence de l'alimentation insuffisante, si la littérature
est riche en dosages relatifs à la quantité de cbaux éliminée par des malade?, elle est
bien plus pauvre en recherches semblables sur l'élimination de la magnésie (Neubauer,
Vogel, g. Hoppe-Sevler). Ces observations se rapportent surtout à des phtisiques en
très mauvais état de nutrition, et les résultats sont assez différents les uns des autres.
INANITION. lOÔ
On peut dire cependant qu'en général elles mettent en évidence l'exagération de l'éli-
mination de potasse.
ScHETHG considère la diminution des sels calcaires et dos autres parties constituantes
de l'urine comme caractéristique de Tinanilion. SAOCWENEau contraire prétend en avoir
constaté l'augmentation, de même que Bkneke. Les résultats de Munk sur Cetti concor-
dent d'ailleurs avec ceux de la plupart des auteurs. Cetti présentait en eiïet une aug-
mentation de la chaux et de la magnésie. Avant le jeûne, le rapport '' était de ——^
Il devint par la privation d'aliments — j-T7r—- D'après Munk, l'augmentation absolue de
la cliauxetde la magnésie serait imputable à la désintégration active du système osseux.
Potasse et soude. — Les quantités de potasse et de soude dépendent de l'alinienta-
. NaOHj „ .
tion. A 1 état normal et avec une alimentation moyenne, le rapport dans i urine
•^ KUH
est égal à ^. Il varie avec le genre d'alimentation, diminuant avec un régime végétal,
augmentant au contraire avec une alimentation carnée.
Dans l'inanition, le rapport précédent est inversé. En effet, les cendres des tissus
contiennent surtout de la potasse (3 parties de potasse pour 1 partie de soude). Il est
tout naturel que sous l'action de l'excès de dénutrition consécutive au jeûne, il appa-
raisse dans l'urine une quantité plus grande de potasse que de soude. De telle sorte
qu'au bout d'un certain temps, le rapport primitif — - — devient — .
NaHO 3
Le rapport ■ était égal à '- chez Cetti avant l'abstinence. Au dixième jour du
1 3,7
jeûne, il devint-^ Bientôt après le jeûne, il se modifia et prit la valeur — ^.
Acétone. — Acide diacétique. — La présence de l'acétone a été signalée dans
l'urine, d'inanitiés. Au premier jour d'inanition, l'urine de Cetti en renfermait une
grande quantité. La réaction de Gerhardt qui la caractérise (coloration en rouge par le
chlorure ferrique) était encore très nette au 3" jour.
II en est de même pour l'acide acélylacétique ou diacétique dont on peut caracté-
riser parfois la présence dans l'urine au cours de certaines affections (diabète sucré,
alimentation carnée exclusive, périodes d'érupt,ion de la rougeole et de la scarlatine,
maladies infectieuses graves et apyrétiques). L'acétylacéturie ou diacéturie a été
signalée au cours' de l'inanition, soit consécutive à des lésions gastriques (Siemens et
KuLz) ou après l'empoisonnement aigu par l'acide sulfurique (Koppe-Seyler) ou bien
chez un individu sain comme Cetii. Kulz a également trouvé de l'acide diacétique
dans l'urine de chiens et de cobayes inanitiés, au 6" jour de leur jeûne.
En dehors de l'acétone et do l'acide diacétique, Kulz et Lohenz ont constaté la pré-
sence d'acide fi-oxybutyri(jue dans l'urine d'animaux soumis à l'inanition.
Sans qu'il y ait lieu de discuter dans cet article l'origine de ces derniers composés,
rappelons toutefois que deux théories différentes ont été exposées. D'après C.^ntaiNi,
Petters et Kauligh, Friedlander, l'acétone se produirait par un processus de fermenta-
tion intestinale anormale, sans savoir aux dépens de quels éléments. Ils attribueraient
cependant une importance à cet égard aux hydrates de carbone. L'expérience paraît
avoir réfuté cette manière de voir, car on n'a observé dans la suite aucune relation
entre l'excrétion d'acétone et celle du sucre. Au contraire, les variations de l'azote total
et de l'acétone ont lieu dans le même sens.
Pour d'autres auteurs (Fr. Muller, V. Jaksh, Ebstein, V. Engel et V. Noorden),
les composés tels que l'acide diacétique et l'acide p-oxybutyrique représenteraient
des produits d'une destruction exagérée des albuminoïdes. Cette théorie s'accorde
avec les faits, puisqu'il y a apparition d'acétone après le régime carné, et chez les
femmes enceintes avec fœtus macéré (l'acétonurie disparait quatre jours après l'expul-
sion fœtale (Vicarelli). Il s'agirait, dans tous ces cas d'acétonurie soit pathologique,
soit par inanition, d'une véritable auto-intoxication.
110 INANITION.
Sulfo-éthers urinaires. — H. Labijk et G. Vitry ont récemment étudié les rela-
tions entre la désassimilatioii azotée et la courl)e d'excrétion des sulfo-éthers. Or, sur
leurs animaux soumis à l'inanition, ils ont trouvé une telle proportionnalité qu'ils
admettent que l'origine de ces composés se rattache à la destruction de l'albumine, à
l'exclusion de toute putréfaction intestinale, invoquée par certains auteurs.
Parmi ces acides sulfo-éthers, ils ont choisi le plus étudié et le seul qu'on puisse
doser : l'acide indoxyl-sulfurique ou indican.
Leurs dosages ont porté sur les urines d'un chien aux diverses périodes du jeûne :
AZOTE
SDLFO-ETHBRS
urinairo.
urinaires.
INDICAN,
3% 7
0,0318
0,00108
2.2o
0,0201
0,00080
4,26
0,0235
0,001018
1" période du 2' au 5° jour du jeune
2« période du 13' au 18* jour
3* période du 31« au 53" jour (veille de l;i mort .
En présence de ces faits, ils se refusent à considérer l'indican comme un indice de
la putréfaction intestinale, l/indican devient, au même titre que les sulfo-éthers dont il
fait partie, un témoignage de l'intensité de la désassimilation azotée.
A. Gautier etCn. Herviecx ne partagent pas cette manière de voir. En se basant sur
la présence de l'indol dans le gros intestin du chien au cours du jeime, ils admettent
que les courbes de l'excrétion indicanique traduisent des phénomènes complets, qu'ils
n'interprètent pas comme correspondant à la dégradation d'albumine sans intervention
des microbes intestinaux.
VIII. — INFLUENCE DU JEÛNE SUR L'APPAREIL DIGESTIF
SÉCUKTION S.\L1VAIRE. — Sec GASTUIQUE.
Acide chloriiyd%I(jue et mucus. — Estomac et pancréas. — Bile.
L'inanition imprime aux organes digestifs des modifications qui ne les intéressent
pas tous à un même degré.
Sécrétion salivaire. — La sécrétion salivaire est diminuée pendant le jeune.
Au septième jour de l^nanition de Succi, si l'on excitait la sécrétion par les mou-
vements de la mâchoire, on ne recueillait pas en trois heures ce qu'à l'état normal il
s'écoule de salive en trois minutes. Quant au pouvoir diastasique on a constaté sa
diminution. Par contre, Léo trouve chez Cetti une quantité de plus en plus grande de
ferment diastasique dans l'urine, provenant sans doute en partie des glandes salivaires
et du pancréas.
GrCtzner pense, d'après cette richesse de l'urine en ferment, que l'inanitié résorbe à
la fois ses glandes salivaires et leur contenu.
Sur des chiens inanitiés, A. G. Barhera a fait l'analyse physiologique des conditions
d'activité de la corde du tympan, du sympathique cervical et de l'activité sécrétoire
des cellules de la glande sous-maxillaire.
Malgré l'état très avancé du jeûne, l'appareil sécrétoire en entier conserve son exci-
tabilité propre et on peut obtenir un débit de salive. Il est toutefois moindre qu'à l'état
normal. D'habitude, l'excitation du sympathique est inefficace. On observe les ell'ets
sécrétoires de la pilocarpine et l'action antagoniste de l'atropine.
Le jeûne ne modifierait donc guère la sécrétion salivaire sur le chien.
Suc gastrique. — On connaît les relations entre l'écoulement du suc gastrique et
l'ingestion de substances alimentaires. Ordinairement la formation du suc est très
réduite dans l'estomac vide, co.iime l'a montré Schreiber dans ses recherches sur le
contenu stomacal à jeun. Le jeûne prolongé porte une atteinte très sérieuse à la sécré-
tion gastrique.
Luciani, en étudiant sur Succi le liquide de lavage de l'estomac, n'y trouva exclusive-
ment que des cellules et du mucus à partir du 7'^ jour. 11 n'y eut jamais d'acide chlo-
rhydrique ou de pepsine. Il en résulte une résorption de pepsine pendant l'inanition.
En général, tout à fait au début, on trouve une assez forte proportion de pepsine dans
l'urine, qui ne se maintient pas au même taux dans le jeûne prolongé.
INANITION. m
Toutefois, môme dans l'inanition, les glandes gastriques ne cessent pas de fournir
les matériaux donnant naissance à la pepsine (Heidknhain, Schifk). Les ylandes gas-
triques sont susceptibles de fabriquer du suc gastrique à diverses périodes du jeûne.
Au i2<' jour de l'inanition, Carvallo et Pachon trouvèrent sur des chiens que l'estomac,
mis à macérer, donnait du ferment pepiique.
Sur un chien à fistule gastrique et œsophagienne, au premier jour de jeûne, un
repas Actif provoqua en une demi-heure un écoulement de 100 ce. de suc. Du 2" au
5c jour la sécrétion allait en diminuant pour disparaître complètement (Pawlow).
Comme pour la salive, Bardera conclut de ses expériences que : « les fibres du vague
excitatrices de la sécrétion gastrique, de même que les ganglions nerveux inlra-stoma-
caux présidant directement à la sécrétion ainsi que les cellules sécrétantes, sinon
quantitativement du moins qualitativement, conservent presque jusqu'au dernier mo-
ment de la vie de l'animal à jeun, les unes leur excitabilité électrique, et les autres leur
capacité sécrétante, et les unes aussi bien que les autres leur réciproque connexion
anatomique...
« Le peu de suc gastrique obtenu par excitation du vague contient très peu d'acide
chlorhydrique libre et spécialement de pepsine, parce que, si ce suc est capable de modi-
fier l'albumen d'oeuf par une formation de peptones, il le fait dans des limites extrême-
ment restreintes. »
Lab Ferment. — D'après Boas et Klemperer il existe toujours une certaine quantité
de lab ferment dans l'estomac à jeun.
Acide chlorhydrique et mucus. — D'après certains auteurs, Johnson, Bœhm, Rosin
et ScHiJLE, l'estomac, à l'état de jeûne, pourrait renfermer des quantités variables de
suc gastrique acide.
Frouin a vu sur des animaux dont l'estomac avait été préalablement séparé du reste
de l'appareil digestif que, vingt-cinq et trente-six heures après le repas, le suc obtenu ne
renfermait guère que 0,08 d'acide chlorhydrique. Il paraîtrait donc légitime de conclure
qu'en dehors des cas pathologiques, la sécrétion acide de l'estomac ne persiste pas pen-
dant le jeune. La muqueuse gastrique, à jeun, ne sécrète qu'une petite ({uantité de
mucus, qui baigne les parois de cet organe. Les auteurs qui ont obtenu des résultats
contraires se sont trouvés en présence de conditions pathologiques; car la sécrétion
acide de l'estomac disparaît pendant le jeûne, en dehors de certains cas anormaux
(maladie de Reichuann).
Estomac et Pancréas. — On a recherché le pouvoir de digestibilité des extraits
d'estomac ou de pancréas pris sur des animaux normaux ou inanitiés. Dans ces dernières
années, les premières observations de SchH'F et Herzen ont été reprises et modifiées
par Carvallo et Pachon, qui infirment l'opinion admise jusqu'alors, à savoir que les
extraits d'estomac ou de pancréas d'animaux en inanition sont inactifs, s'ils n'ont pas
été préalablement exposés longtemps à l'action de l'air ou de l'oxygène (Heidexhain).
Ils ont vu, en etîel, que le pancréas d'animaux à jeun normaux ou dératés, pris sur l'ani-
mal encore vivant, et sans exposition préalable à l'air, est capable de digérer la fibrine
(Carvallo et Pachon). U est vrai que Herzen, bien qu'il ne souscrive pas entièrement à
celte aiiîrmation absolue que ces extraits glandulaires n'ont aucune propriété digestive
quand ils ont été préparés avec les organes d'animaux à jeun, n'admet que la conclu-
sion suivante : c'est que le pancréas d'animaux (chiens) dératés se comporte comme
le pancréas d'animaux à jeun. Dans l'un et l'autre cas, il digère très lentement. Ils
sont relativement inactifs. L'addition k ces extraits d'infusion de rate congestionnée
ou de sang splénique veineux les rend aussi actifs que ceux qui proviennent d'animaux
en pleine digestion.
A. Dastre a trouvé que le produit de macération de pancréas de chien et de porc à
jeun depuis quatre à cinq jours possède une action amylolytique très faible, tandis que
l'action trypsique ne difière pas de celle du suc de pancréas d'animaux normaux. Les
deux activités amylolytique et peptique seraient indépendantes; la première disparais-
sant à peu près complètement, la deuxième persistant dans le jeûne.
Herzen constate encore l'action de l'infusion du suc pancréatique sur la fibrine.
Barrera, enfin, montre (jue l'excitabilité sécrétoire du vague pour le pancréas et
des ganglions nerveux intra-pancréatiques n'est pas abolie, comme pour l'estomac. Le
11-2 INANITION.
suc pancréatique obtenu par excitatiuii des lilels st'crétoires du vaf,'ue, au cours de
l'inanition, possède le pouvoir de transformer l'albumine en peptone, et l'amidon en
glucose.
Bile. — Le jeûne détermine une diminution de la bile, mais, ainsi que le fait
remarquer Rose.nbkrg, cette diminution n'est pas iinnii'diate. On peut obtenir, au di'but,
une augmentation, ou bien un état stationnaire avec les mrmes oscillations qu'à l'état
normal.
Si la sécrétion continue jusqu'à la mort, la quantité absolue diminue ; il y a liypo-
cliolie.
L'écoulement de la bile a été surtout étudié par Nassk, Rujder et Schmidt, Simro,
VossiLs, LuKJA.NOw, Stadelmann. Ce dernier sif,'nale sur un cliien de 12 kilogrammes une
diminution importante de bile sécrétée, qui, de 282 ce. i)ar vini;t-(juatre beures, tombe
à 72, 71,!'), 62,5, "ji ce, après trois jours de jeûne. SriRO, sur un autre cbien, ne recueille
que 38, !j et 20 ce. après cinq jours d'inanition.
Au point de vue qualitatif, M. Miller trouve dans l'urine de quatre individus nor-
maux io,M milligramaies de matières colorantes. D. (iEHHARDi signale une différence
bien faible, puisque, dans les cinq premiers jours de jeilne, le licjuide urinaire renfer-
merait li(H'i2 milligrammes de ces mêmes matières colorantes.
Aldertom, pour l'appri-ciation des modilications des acides biliaiies, étudie rt'dimi-
iialion de l'azote et du soufre sur des cliiens à listule biliaire complète. Les résulUils
coiilirment ceu.v de Stauelman sur les pigments biliaires, et il conclut: ■■ que la quantité
de bile diminue progressivement jusiiuà la mort, ainsi que le résidu solide, l'azote et
le soufre. La diminution est absolue, le rapport centésimal de ces composants subit
une augmentation progressive et notable. »
Beccari, sur deu\- cbiens inanitiés, a observé la persistance de l'élimination du fer
dans l'inanition. Cette élimination présenterait un cours distinct, et complètement
indépendant de celui de la sécrétion totale.
IX. — DE L'INANITION PARTIELLE
Ina.nition azotée. — Inanition aqueuse. — Lnamtio.n mi.nérale.
Inanition partielle. — L'inanition partielle constitue une forme spéciale particu-
lièrement fréquente, de l'inanition. Klle consiste en ce que l'organisme ne reçoit plus
qu'une partie des matériaux alimentaires qui lui sont nécessaires.
Outre qu'il est intéressant de comparer ses l'ffets à ceux de l'inanition totale, l'ina-
nition partielle tire encore de sa fréquence dans le milieu social une importance qui
ne saurait écliapper à personne. Le problème de l'alimentation des classes pauvres se
rattache, en effet, directement à cette question, car il importe de les prémunir contre
les dangers dune alimentation insuftisante.
Nous entendons surtout par inanilinn partielle la suppression totale ou l'insuffisance
de l'un des trois aliments siinfdes dans la ration alimentaire, les deux autres étant
ingérés en quantité suflisanle ou insuflisante pour dégager le nombre de calories cor-
respondant à celui d'une ration d'entretien. Il y aurait donc successivement, dans les
trois cas, à étudier les phénomènes relatifs à celte suppression. Mais ce que nous
savons des transformations des albuminoïdes en graisses ou hydrates de carbone nous
laisse prévoir que, seul, le cas de la suppression des matières azotées est intéressant.
En deuxième lieu, il sera nécessaire d'envisager les phénomènes consécutifs à l'inani-
tion partielle aqueuse et minérale.
Inanition azotée. — Elle n'entraîne nullement la suppression de la dépense d'al-
bumine. Celle-ci est à peine diminuée, comme dans le cas de l'inanition totale.
L'administration exclusive de graisses joue un rôle à un double point de vue. Ainsi
que nous l'avons vu plus haut, elle diminue la destruction des matières albumino'ides,
et peut supprimer presque complètement la dépense de graisse. Avec un excédent de
la graisse ingérée sur la graisse dépensée, celle-ci peut se déposer en réserve dans les
tissus. Mu.NK et Ewald citent l'expérience suivante : " Un chien qui, pendant l'inanition
INANITION. 113
perdait journellement 96 grammes de graisse et 152 grammes de chair ne détruisit plus,
lors de l'administration de 100 grammes de graisse, que 97 grammes de celle-ci ; la
perte de graisse était donc complètement supprimée, mais non la perte en albumine :
celle-ci représentait encore 145 grammes de chair. Ce chien i^eçut ensuite 350 grammes
de graisse; il détruisit alors lOt grammes de graisse (il se produisait donc un dépôt
de 186 grammes de graisse), et, en outre, 227 grammes de chair. »
Mais, malgré les réserves de graisse qui s'accumulent dans les tissus, l'animal meurt
par suite de la désassimilation azotée. Parallèlement à la durée de la vie dans l'inani-
tion complète, il est permis d'observer que celle-ci est plus longue avec une alimenta-
tion exclusivement composée de matières grasses.
11 n'en est pas différemment dans l'inanition azotée, avec une alimentation simple-
ment composée d'hydrates de carbone.
En définitive, dans un cas comme dans l'autre, le taux d'excrétion azotée suit sensi-
blement la même courbe que dans l'inanition totale, et il peut se produire une accu-
mulation de réserves graisseuses pendant la durée de cette destruction azotée.
Inanition aqueuse. — L'eau est un élément indispensable aux 'êtres vivants, dont
elle constitue une partie pondéralement considérable. L'organisme en renferme environ
de 59 à 71 p. 100. Ainsi, d'après les recherches de Lukjanow sur la composition
aqueuse des organes de pigeons, le sang renferme 76-77 p. 100; le cerveau, 78-80 p. 100 ;
les muscles, 72-73 p. 100; le foie, 73-75 p. 100; le cœur, 76-77 p. 100; les os, 41
à 50 p. 100. D'une façon générale, on peut admettre que l'activité d'un organe est pro-
portionnelle à la quantité d'eau qu'il renferme, et nous savons, d'autre part (Raxre),
que les muscles renferment plus d'eau à l'état de travail qu'îi l'état de repos.
La circulation d'eau dans l'organisme est très active, et son élimination se fait par
quatre voies différentes : évaporation pulmonaire, sueur, urine, matières fécales. Pour
remplacer ces pertes, il est donc nécessaire que l'alimentation assure une quantité
d'eau assez forte. Les effets de l'inanition aqueuse ont été étudiés en particulier par
B0WL\, KaRTSCHAGIN et SKORlTSCHENliO.
BowiN a porté son observation sur les altérations du poids du corps consécutives
à une nourriture exclusivement solide, sur l'abaissement thermique, la durée de la
vie des animaux en expérience, les altérations numériques des globules sanguins, et les
modifications pathologiques des organes.
Pendant la durée de l'expérience, les animaux mangeaient une nourriture pure-
ment solide. Les chiens absorbaient du pain noir et, tous les deux jours, de la viande.
Quant aux lapins, on leur donnait du foin, de l'avoine, du pain noir. Ces animaux sup-
portent facilement l'inanition aqueuse au début. Les lapins deviennent apathiques un
jour ou deux avant la mort, et présentent parfois une parésie de l'arrière-train. Les
chiens sont plus tût affaiblis (|ue les lapins, et perdent leur poil. Tous subissent uul-
perte rapide de poids, et meurent quand cette perte atteint 50 p. 100, environ au vingt-
troisième jour. La mort des chiens survient pour une perte de poids plus faible que
chez les lapins. L'ensemble des phénomènes généraux ressemble à ceux que l'on
constate au cours de l'inanition totale. La température baisse seulement dans les der-
niers stades de l'inanition aqueuse.
Le nombre des globules rouges reste normal au premier jour du jeûne; puis s'accroît
au point qu'au 12« ou 14" jour il correspond à 7 millions.
Les organes des animaux morts à la suite de la privation d'eau ne permettent pas
de distinguer d'altérations manifestes. Les variations de poids des organes se font
dans le même sens que dans le jeune absolu.
Il était particulièrement intéressant de rechercher la quantité d'eau qu'ils renfer-
ment. Ainsi le cœur, les poumons, le foie et le cerveau gardent leur contenu normal,
«t le cerveau est peut-être plus riche que normalement. Ce fait est susceptible d'expli-
quer le défaut d'altérations histologiques au cours de cette forme d'inanition partielle.
De son côté, SkoritschEiNko confirme les observations de Bowm sur les modifications
progressives de la courbe thermiijue qui diffèrent très sensiblement de celles qu'on
constate sur des animaux de même espèce soumis à l'influence de l'inanition complète.
La perte de poids journalière serait très irrégulière, de même que celle de la plupart
des organes. A ce sujet les résultats de Bouin et Skoritsche.nko seraient en coiUradic-
DICT. DE PHYSIOLOGIE. — ' TOME IX. 8
H4 INANITION.
lion. D'après ce dernier auteur, le contenu aqueux des organes est plus faible que noi"-
malenient.mais proportionnellement plus grand que chez les lapins soumis a l'inanition
complète et chez ceux qui boivent de l'eau pendant le jeune. Les organes qui se
déshydratent le plus, sont le cœur, la rate et le foie. Par contre, la quantité d'eau
augmente dans les reins, les poumons et l'estomac.
Quant aux effets de l'ingestion aqueuse excessive ou insuffisante, ils seraient très
variables d'après les auteurs. Hockkr, Mosler, Hartels, Ji rge.nsen et J. Maver signalent
une diminution de l'excrétion d'urée et de désassimilation azotée, lorsque la quantité
d'eau alimentaire est diminuée. Nous avons déjà vu au contraire qu'ALnETSKi a noté,
dans le cas d'inanition acjueuse, une diminution des phénomènes généraux de la nutri-
tion. Hayem, Fraenkel, Dl'beli.n et Debove admettent qu'une alimentation aqueuse con-
sidérable est sans inlluence sur la nutrition. Bidder et Schmidt, J. Mayer et H. Oppenheim
signalent une forte élimination d'urée avec une riche ingestion d'eau. Us ne consi-
dèieiil pas ce fait comme signe d'une destruction plus grande d'azote dans l'organisme.
BlSCHOlK, BiJCKEB, MOZLEH, (iENTU, VoiT, FORSTER, HkNNEUERG, StOHMAXN, TeU-GrEGORIANZ
et J. Mu.\K se prononcent en faveur d'une forte destruction azotée dans l'organisme
lorsqu'il y a une grande ingestion d'eau.
KARTSCHAiiiN a fait des recherches sur 7 étudiants bien portants, de 20 à •2") ans.
Chaque expérience durait quinze jours. Elle était divisée en trois périodes semblables.
Deux ou trois jours auparavant, chaque étudiant était soumis à un fort régime alimen-
taire, voisin de la ration alirnentaiio normale de Voit; et on diminuait considérable-
ment la quantité d'eau pendant la deuxième période. Les aliments solides et liquides
ingérés consistaient en pain blanc, ( rème, beurre, lait, bouillon, sucre et thé.
On donnait très peu d'eau. Les viandes étaient rùties et très soigneusement di'bar-
rassées de la graisse et de leur tissu conjonclif. Chaque sujet se promenait quelques
heures par jour et travaillait modérément. La sensation de soif atteignait son maxi-
mum d'intensité à la fin de la deuxième période. La quantité d'eau ingérée pour cha-
cun d'entre eux était de 2,300 à 3,900 pendant les première et troisième périodes. Au
contraire, pendant la deuxième cette quantité était réduite à 50 p. 100 de sa valeur.
Voici les résultats au point de vue urinaire. La quantité d'urine émise diminue, et
le poids spécifique augmente. L'assimilation d'azote devient, en proportion centésimale,
93,17 (l^'- période), 94,92 (2'^) et ;93,t9 (S*-). L'échange azoté correspond à 98,Ii.j : 95, 6G,
101,93. La quantité d'eau introduite par kilogramme de poids du corps correspond à
52,7; 21,7; 51,4. Ainsi donc, à une diminution de l'eau correspondant à moitié ou un
tiers par kilogramme, l'échange azoté est diminué de 2,89 p. 100. Quant aux résultats
qualitatifs, ils correspondent aux chiffres suivants. Pour 100 parties d'azote total urinaire
il y a, dans la deuxième période comparée à la première, 2,05 p. 100 en plus d'azote
incomplètement oxydé et autant en moins d'azote sous forme d'urée. Dans la troisième
période, malgré une plus grande quantité" d'eau, il y a encore plus de substances azotées
inoxydées que dans la deuxième. On voit donc que, dans la troisième période, la quan-
tité d'azote total éliminé est de 3,38 p. 100 plus importante que dans la première. La
diminution d'azote dans la seconde période n'est donc pas la conséquence d'une dimi-
nution de l'échange azoté, mais, par suite de la moindre proportion d'eau qui circule dans
les tissus et les cellules, les produits de destruction azotée sont retenus dans l'organisme
et d'abord dans la troisième période avec la quantité suffisante d'eau. L'analyse quali-
tative montre ainsi qu'avec une diminution d'ingestion aqueuse l'échange azoté subit
un accroissement.
Déshydratation. — La déshydratation des cellules augmente leur sensibilité
vis-à-vis des substances toxiques. Maurel a mis le fait en lumière sur des grenouilles
déshydratées par une ventilation énergique. En plus des accidents provoqués par la
seule perte d'eau, tels que apathie, déséquilibration, etc., il a encore remarqué une
plus grande sensibilité vis-à-vis de la strychnine. Les convulsions apparaissent sur ces
animaux ayant perdu du poids par déshydratation, plus vite que sur des grenouilles
normales, à tel point que l'action du toxique n'était pas en rapport avec le poids de
ranimai; mais avec le titre auquel le mettait la quantité d'eau contenue dans son organisme
(E. Maurel, Traité de l'alimentation et de la nutrition, ii, 228).
Inanition minérale. — Les substances minérales sont nécessaires aux êtres vivants.
INANITION. Ho
Eu dehors de ce fait que les tissus renfermeut environ "i p. 100 do matières minérales,
que toute ration alimentaire comporte une certaine quantité d%''léments minéraux pour
compenser les pertes des excréta, les recherches sur l'inanition minérale démontrent en-
core non moins clairement que la vitalité des éléments anatomiques réclame cet apport
de substances.
Les recherches classiques de Forster sont particulièrement significatives à ce point
de vue. Il nourrit un chien avec des résidas de viande qui avaient servi à la préparation
de l'extrait Liebig. Ces résidus ne renfermaient, après divers traitements, que 0 gr. 8 de
cendres pour 100 grammes de viande sèche. Ils étaient mélangés avec de la graisse, du
sucre, de l'arnidon et le tout servait à l'alimentation de l'animal. Eu plus, Forster ali-
menta 3 pigeons avec de la farine d'amidon et de la caséine, très pauvre en sels. Le
dépérissement de ces animaux fut très rapide. Les 3 pigeons moururent aux 13% 25'' et
290 jour. Quant aux chiens, ils étaient agonisants au 30'^ et 26" jour.
L'élimination azotée se produisit au même degré que l'absorption. Quant à l'excré-
tion minérale, elle dépassa le taux des sels de la ration. Au fur et à mesure de l'appau-
vrissement en sels, des symptômes graves éclatèrent sur les animaux en expérience
(hébétude, indifférence, tremblement, faiblesse musculaire, convulsions, troubles diges-
tifs). Pendant toute la durée de l'alimentation (26 jours) il n'observa qu'une perte de
poids de 880 grammes et une élimination de 30 grammes d'acide phosphorique et
7 grammes de NaCl. Cette perte si minime d'éléments minéraux a donc suffi à engen-
drer ces perturbations qui témoignent d'une sensibilité toute particulière du système
nerveux vis-à-vis d'une insuffisance de matières minérales. Il s'agit en l'espèce de la
soustraction à peu près complète de la totalité des sels que l'on a à juste titre appelés
sels nutritifs, et il n'est pas possible de préciser davantage sur ces données expéri-
mentales le rôle de chacun d'entre eux. Toutefois les observations de Cn. Richet et
Toulouse nous ont démontré tout l'intérêt scientifique et pratique qui se rattache à
ces questions de déminéralisation. Leurs travaux ont montré en particulier l'influence
que la déchloruration peut exercer sur le système nerveux, qui devient d'autant plus
sensible vis-à-vis de certains sels, le bromure de potassium en particulier, qu'il est
privé de chlorure de sodium. Depuis la publication de leur mémoire, cette question
relative à la déchloruration a pris dans le domaine de la pathologie une importance
considérable qu'il nous suffit d'indiquer.
Revenant à l'expérience de Forster, si l'on compare la durée de la vie dans l'ina-
nition totale à celle de l'inanition minérale, on observe une différence. Les animaux
meurent plus rapidement dans l'inanition minérale que dans l'inanition totale.
BuNGE insiste sur cette différence dont la cause, d'après lui, doit être recherchée
dans la formation d'acide sulfurique libre aux dépens du soufre des matières albumi-
noïdes. Il part de ce fait que la désagrégation lissulaire entraîne une production de
substances acides, parmi lesquelles la plus importante est l'acide sulfurique qui pro-
viendrait de la destruction des matières albuminoïdes renfermant suffisamment de
soufre, pour qu'une ration de 100 gr. d'albumine (à 1 0/0 de soufre) donne environ par
oxydation 2 gr. 5 de SO'^H-. Normalement, cet acide et l'acide phosphorique provenant
du dédoublement des nucléines sont saturés par les bases dues à l'alimentation (phos-
phates, carbonates alcalins). Chez les herbivores, la quantité impoitante de ces sels à
réaction alcaline, abondants dans les aliments végétaux, neutralise complètement les
acides résultant des oxydations intra-organiques. Mais la saturation serait incomplète
chez les carnivores, s'il n'existait, comme l'ont vu Sghmiedeberg et Walter, un méca-
nisme régulateur qui consiste dans la production d'une certaine quantité d'ammoniaque.
Chez eux, en effet, l'ingestion d'acides minéraux a pour conséquence d'augmenter la
proportion d'ammoniaque dans les urines et de diminuer la quantité d'urée.
A la faveur de cette compensation, les carnivores sont susceptibles de résister un
certain temps à l'inanition minérale. Mais elle atteint vite sa limite dans cette forme
d'inanition ; car, à l'inverse de ce qui se produit dans le jeune complet, la dépense
d'albumine est normale, nullement réduite à un minimum comme dans l'inanition com-
plète. La quantité d'acide formé se trouve conséquemment augmentée, et les bases néces-
saires à leur saturation manquent complètement à cause de la soustraction des sels mi-
néraux à réaction alcaline. Telle serait l'hypothèse de Bunge, que Lunin a cherché à
H6 INA1MITION.
vérifier sur des souris soumises à une alimenlalion artificielle. Les matières alimen-
taires étaient déminéralisées (mélange de beurre, de caséine et de sucre). Ces animaux
mouraient du 6* au 21» jour, s'ils ne recevaient pas autre chose. Au contraire, l'addi-
tion à la nourriture d'une certaine quantité de carbonate de potasse ou de soude suffi-
sant e.vactement à la neutralisation de l'acide sulfurique produit par l'oxydation du
soufre permettait à des animaux de même espèce de vivre de 10 à 30 jours. L'addition
d'un sel neutre, comme le chlorure de sodium, n'augmentait en aucune façon leur
résistance.
En définitive, un sel alcalin prolonge la vie des animaux soumis à linauition miné-
rale, et l'hypothèse de Bunge paraît ainsi justifiée par l'expérience. Toutefois il est
encore permis de se demander pourquoi le sel alcalin ajouté à une alimentation démi-
néralisée ne permet pas aux animaux de résister indéfiniment au jeune salin. On pou-
vait admettre que la composition des aliments organiques était peut-être insuffisante.
Or, si l'on additionne la même alimentation organique des mêmes aliments minéraux
qui rentrent dans la composition du lait et dans une proportion identique, les souris
meurent dans le même délai, L'expérience a été faite par Luni.n sur six animaux de
cette espèce qui moururent aux 20% 22'^ et M" jour. Au contraire, le lait en nature leur
permettait de vivre en bon étal jiendant plusieurs mois.
La question de la nécessité des sels organiques n'est donc pas encore définitivement
résolue, et les recherches sur l'inanition saline ne permettent pas de préciser davantage
la qualité des éléments minéraux indispensables.
DEUXIÈME PARTIE.
.INANITION CHEZ LES ANIMAUX A SANG FROID.
Résistance av jeûne et i'erte de poids. — Influence de l'âge, de l'eau sur le cours du
JEÛNE. — Influence de la lumière diffuse et de l'obscurité. — Influence du sexe. —
Variations de la composition chimique des animaux inanitiés..
Inanition chez les animaux à sang-froid. L'intensité des réactions chimiques
est beaucoup plus faible chez les poïkiluthermes que chez les homéothermes. Chez
ceux-là, la perte de chaleur est pour ainsi dire nulle; conséquemment la consommation
organique est réduite au minimum. Telle est l'explication générale des dilférences que
l'on peut constater au cours de l'inanition entre ces deux groupes. « Les animaux à
sang chaud, dit Ch. Riciiet, perdent 1 gramme par kilogramme et par heure; les
animaux à sang froid perdent 1 décigramme. Par conséquent, si les animaux à sang
chaud peuvent vivre trente jours, sans manger, les animaux à sang froid pourront
vivre trois cents jours. »
Résistance au jeûne et perte de poids. — Le premier fait qui se dégage de l'étude de
l'inanition chez les poiklothermes et leur très grande résistance. On s'en rendra compte
en examinant le tableau suivant, emprunté à Ch. Richet (p. 117).
Ces observations sont entourées de toutes les garanties scientifiques. Axais on cite
encore d'autres faits beaucoup plus extraordinaires. Certains d'entre eux doivent être
révoqués en doute. D'autres cependant répondent à un déterminisme expérimental aussi
rigoureux que possible.
Pour la plupart, ils se rattachent à la résistance des crapauds et des tortues qui a
depuis longtemps attiré l'attention des observateurs. Redi signalait en 1741 des tortues
terrestres qui auraient vécu 18 mois sans nourriture. Blumenbagh parle de plusieurs
tortues qui auraient vécu 6 ans sans manger. W. Edwards signale une survie de
19 joui's chez des crapauds scellés dans du plâtre. Cl. Bernard enfouit sous le sol un
pot de terre renfermant un crapaud, qui ne mourut qu'au cours de la 3^ année.
Ch. Richet a également constaté que des grenouilles et des sangsues vécurent plus
INANITION.
117
de 8 jours dans du plâtre. Deux tortues, dont l'une avait été partiellement plâtrée et
l'autre complètement, résistèrent, celle-ci plus de 108, jours, celle-là, 8 jours.
Il convient d'ajouter à cette liste l'observation récente de Pellegiun, faite dans le
laboratoire de VaillaiNt.
11 s'agit d'un Pelophile {Pelophihis Madaijascariensis, D. B.). Il vécut durant 40 mois
à la ménagerie des reptiles du Muséum d'histoire naturelle de Paris, et, pendant cette
période de plus de 4 ans, il refusa toute nourriture. Un autre individu de la même
espèce mourut dans les mêmes conditions après trois ans déjeune.
Durée de l'inanition chez les animaux à sang froid.
ESPECE
ANIMALE.
Saumons .
Crotale . .
Python . ,
Gi'enouilles
Caméléon .
Tortue. . .
Crabe. . .
Salamandre
Araignée .
Lézard. . .
Grenouille .
Vipère. . .
Couleuvres
Anguilles .
Tortue. . .
Lézard
Reinettes
(!BSERV.\TErilS.
MlESCHER
COLIX
Vaillant
Bathirsï
P. Belox
Redi
Kallkr
Redi
Chossat
Redi
ClIOSSAT
ClI. RlCIIET
et Rondeau
Chossat
I N D I C AT I O N S
m B r, I o G R A p 11 ni u E s.
Cite par Voit, loc. cit
Loc. cit
Comm. orale
Cité par IIaller, /oc. C27., p. 170,
Observât, éd. in-12 de 15.-i5
p. 222
Cité jjar Haller, loc. rit. . .
Loc. cil
Loc. cit
Loc. cit. (nioycnac de 12 exp.l
IjOC. cit
Loc. cit. (moyenne de 3 exp.;.
Loc. cit. (moj'cnne de 3 exp.).
Loc. cit
Bull, de la Soc. de Biol., 1882
]). 692
Loc. cil. (moyenae de 2 exp,),
Loc. cil
DUREE
DE L'.Mi.STINENCK
iiiortollo.
8 à 9 mois
27 mois
23 mois
1 an
1 an
IS mois
PI
us
d'uu an
8
mois
10
mois
20
mois
2
tj
mois
mois
4
jours
3
mois
4
mois
6 mois
OB.SERVATIONS.
Mises dans du plâtre.
Deuxautres lézards
ont vécu plus de
■i mois et demi.
Pendant la période d'inanition, ces animaux restaient la plus grande partie du
temps enroulés dans leur couverture de laine. Étant maintenus à une température cons-
tante, ils n'hibernaient pas. Ils se mouvaient simplement pour parcourir leur salle et se
baignaient assez fréquemment.
Enfin, nous trouvons dans les remarquables travaux de (Ir. .Maxca, qui s'est particu-
lièrement occupé de cetle question, dans le cours de ces dernières années, des expé-
riences précises et d'un grand intérêt.
Le physiologiste italien a entrepris sur les animaux à sang froid une étude systéma-
tique, analogue à celle de Choss.^t sur les animaux à sang chaud. Nous lui ferons donc
de larges emprunts pour notre description.
Mais il est nécessaire de tenir compte de l'espèce animale, pour énoncer les lois
générales du jeûne.
Manca a pris en effet de nombreuses observations sur divers individus appartenant
à des espèces différentes.
Voici d'abord ceux qui intéressent la tortue :
En faisant les moyennes on obtient :
Poids initial moyen = 182,52
Durée de la moyenne de la vie= J 445 heures
Perte intégrale proportionnelle =27,25
— horaire proccntuelle = 0,02004
11!^
INANITION.
Expériences sur les tortues.
Données principales.
PER
TES PROCENTUELLES.
d'ordbb
DÉBUT
POIDS
DUREE
DU
AVEC hA
CARAPACE
SANS CARAPACE
OBSERVATIONS.
des
DC JBUNE.
INITIAI..
jeune.
-v^ .
■ ^>,-^—
tortues.
intégrale.
horair
iiUrgrale.
lioraire.
gr.
houres.
1
10 II 92
200
2G'.0
10,3
390
2
6 VI 02
T/,80
8IG
Dans les '552 premières
heures de jeûne, perte
intégrale proocutuelle
avec la carapace, 12,275 ;
perte horaire p. 100,
0,02802.
3
22 XI 92
333,00
Dans les 081 premières
houres do jeilno, porto
lioraire p. 100 avec cara-
pace, 0,00-107.
4
Id.
340,70
Dans les 084 premières
heures de jortne, perte
lioraire p. 100 avec cara-
pace, 0,00235.
0
M.
207,20
Dans les 684 premières
houres de jeilne, perte
horaire p. 100 avec cara-
pace, 0,0023.
6
4 IV 94
299,70
124S
23,32
0,1868
29,48
0,02362
1
Id.
133.90
lo8i
27,91
0,01761
40,47
0,02554
8
1(1.
42,70
1 1 55
29.74
0,02.574
9
3 IV 93
418,50
2300
30,08
0,01307
44,82
0,01958
10
Id.
274,00
1392
25,04
0.01798
34.76
0,02497
11
4 IV 95
153,70
1315
22,64
0.01721
34,18
0,02599
12
Id.
105,50
1177
22,74
0,01932
33,56
0.02681
13
Id.
32,20
1195
36,74
0,03074
45.01
0,03766
Quant à l'influence du poids initial sur la durée de la vie, elle se dégage du tableau
que nous dressons à l'aide des moyennes de M.\nc.\.
Perte intégrale
Perte horaire
Durée
procentuelle.
procentuelle.
de la vie
29,28
0,0233
1277
25,27
0,016
1563
Numéros Poids initial,
des groupes. nioven.
N° 1 78,57
N° 2 283,47
La durée de la vie augmente avec le poids initial. L'inverse se produit pour la perle
intégrale et horaire proportionnelle.
Les chiffres obtenus sur les lézards sont parfaitement comparables.
Pour un poids initial moyen de 2 gr. 17, la perte intégrale procentuelle a été de
28,87 p. 100, la durée moyenne de la vie de 310 heures, enfin la perte procentuelle
moyenne par heure de 0,0902.
Comme pour les tortues, le poids initial possède une influence manifeste sur la durée
de la vie qui augmente proportionnellement. L'inverse a lieu pour la perte horaire
centésimale.
Si, comme on le voit, la durée de la vie est proportionnelle à la valeur du poids ini-
tial, le rapport entre la perte horaire centésimale et le moment de la mort n'est pas
moins intéressant à fixer. En général ce rapport est inverse. Chossat avait observé
chez les animaux à sang chaud que la perte intégrale centésimale augmente avec la
durée de la vie. Les recherches deMANCA ne le conduisent pas à un résultat aussi précis,
bien que toutefois elles plaident dans le même sens.
INANITION.
119
Expériences sur les lézards.
Données principalo^.
NOMBUK
d'animaux
POIDS INITIAL
MOYEN
PERTE KN POIDS.
DURKE
MOYENNH
INTKGKALE
PAR HI5URK
do chaque série.
(grammes).
de la vie.
procentuelle.
procentuoUe.
S
0,82
25,67
0,149
172
21
1,42
31,22
0,103
313
4
2,08
34,05
0,070
400
2
3,rjl
25,92
0,071
362
2
4,14
30,15
0,067
456
•i
5,38
29,16
0,076
389
2
6,32
31,38 .
0,070
420
Le fait intéressant à noter, c'est que le moment de la mort, chez les poïkilothermes
comme chez les homéothermes, coïncide avec un taux de perte à peu près semblable.
Cette perte intégrale a été de 30 p. 100 en moyenne dans les expériences de M.\nca.
Pellegrin, sur des ophidiens, l'a vue s'élever à 38 p. 100, chiffre beaucoup plus rapproché
de celui qu'a indiqué Chossat pour les animaux à sang chaud.
Influence de l'âge, de l'eau sur le cours du jeûne. — Dans l'impossibilité de fixer
l'âge des animaux, Ma.nca se borne à rechercher l'influence du poids initial qui appa-
raît très bien dans le tableau ci-contre.
GROUPE
ANIMAUX
de
POIDS
INITIAL
PERTE DE POIDS.
DURÉE
d'animadx.
CHAQUE GROUPE.
moyen.
INTEGRALK
p. 100.
HORAIRE
p. )00.
DE LA VIE.
Ensemble. . .
40
2,72
30
0,156
194
I
16
1,50
32,87
0,187
173
II
18
2,96
29,3
0,139
202
III
4
.5,13
30
0,133
227
IV
2
6,18
29,1 ■
0,101
286
D'une façon générale les animaux jeunes résisteraient donc moins bien que les
adultes ou âgés.
Influence de l'eau. — Comme Chossat, Manca confirme l'heureuse inlluencede l'eau.
En prenant deux groupes de lézards dont le poids initial moyen est de 2 gr. 17 pour
ceu.x soumis au jeûne absolu, et 2 gr. 77 pour les lézards au jeûne relatif, il constate
sur ces derniers une durée de la vie beaucoup plus grande. La durée moyenne pour les
premiers est de 316 heures. Au contraire la durée de la vie des lézards recevant de l'eau
est de 1 957 heures.
Il en serait de même pour les ophidiens, d'après les observations de Pellegrin.
Vingt couleuvres à collier sont divisées en 2 lots. Les animaux du f'' groupe sont
soumis au jeûne absolu. Ceux du second ont de l'eau à leur disposition, pour se baigner
et se désaltérer.
i"' groupe (jeune absolu). Les animaux sont morts aux 21% 24*=, 25«, 2G<', 27'^, 36",
39', 4d«, 84« jour.
2" groupe (jeûne relatif). Les animaux moururent aux 52'^, 63*', 67'', 83% 101', 122*=,
133% 179% 218'^ jour.
Dans le premier cas la durée moyenne de la vie a été de 36 jours avec une perte
intégrale de 38 p. 100. Dans le second la durée moyenne de la vie a été de 116 jours
avec une perte de poids de 43 p. 100.
120
INANITION.
Telles sont les lois de l'inanilion chez les poikilolhermesau pointde vue de la durée de
la vie et de la perte de poids. Elles ne diffèrent pas sensiblement dans leur généralité
de celles que nous avons formulées à propos de l'inanition des animaux à sang chaud.
Infhience de la lumière diffuse et de l'obscurité. — Ainsi que nous l'avons déjà vu à
propos des animaux à sang chaud soumis à l'inanition, Aducco a mis en évidence
l'action de la lumière. Les pigeons soumis au jeûne absolu présentent une durée de la
vie plus grande et une perte horaire centésimale moins grande que des animaux de
même espèce inanitiés en pleine lumière.
Cocco-PisANO, Manca ont étudié cette influence sur des gongyles {Gonyylus ocellatus)
et ont obtenu des résultats différents de ceux publiés par Auduco. Manca rappelle à cet
égard les travaux de Lœb, de Speck, qui l'un et l'autre n'ont pu mettre en évidence
l'action de la lumière sur les réactions chimiques intra-organiques.Et, conformément à
l'opinion de ces deux auteurs, Cocco-Pisano et Manca concluent de leurs recherches que
la durée de la vie des gongyles inanitiés est à peu près constante, quelles que soient
les condilions réalisées de lumière ou d'obscurité. La perte intégrale centésimale et la
perte centésimale horaire sont à peu près directement proportionnelles.
Expériences de comparaison.
DONNÉES PRINCIPALKS
SUR 49 GONCVLES.
VALKL'K.
MIMMIM.
MAXIML'.M.
MOYKNNK.
Poids initial eu grammes
Perte intégrale p. 100
Durée do la vie en heures
Perte p. 100 par heure
3, «5
7.38
129
0,0138
.•;6.5 4
35,02
595
0,1478
23.64
14.90
504
0,029
Expériences faites dans l'obscurité.
DONNÉES PRINCIPALES
SUR 10 GONGYLES.
VALKUK.
MlNI.MtM.
M.VXIMIM.
MOYKNNE.
Poids initial en grammes
Perte intégrale p. 100
Durée de la vie en heures
Perte p. 100 par heure
1, — . . .
9,59
8,89
478
0,018
29,52
32.70
508
0,0720
19,37
18.84
483
0.039
Il y aurait donc une opposition complète à cet égard, entre les animaux à sang
chaud et à sang froid, en se basant tout au moins sur les résultats d'Aoucco d'une part,
de GocGO-PisAxo et Maxca en deuxième lieu.
Influence du sexe dans les expériences de comparaison.
NOMBRE
n'ANiMArx.
SEXE.
POIDS
INITIAL MOYEN.
DURÉE
DE LA VIE
en lieures.
PERTES M
CKNTÉSI
OYENNES
MALES.
Horaires.
Intégrales.
15
Ô
17,t)6
513
19,61
0,038
33
?
26,85
514
14,69
0,0305
Influence du sexe dans les expériences à l'obscurité.
5
5
15,40
48 i 23, 2S
0,0483
0
$
23,08
483 12,41
0.0297
INANITION.
121
Influence du sexe. — Sur les mêmes animaux [Gongijlus ocellatus) Manca et Cauella
ont vu que la perte intégrale centésimale et la perte centésimale horaire chez les
femelles sont notablement inférieures aux pertes correspondantes chez les mâles, tandis
que la durée de la vie t;st la même chez les deux sexes.
Variations de la composition chimique des animaux inanitiés. — Maxga a étudié sur
des lézards les modifications chimiques qu'ils subissent au cours de l'inanition. Voici
les moyennes que nous avons établies d'après l'ensemble de ses chiiïres :
Animaux
Coiniiositioii contosiinale, totale. normaux.
H20 p. 100 72,19
Substance srclie p. IflU 27,50
— azotée p. 100 17,55
Graisses, hydrates de carbone, cendres. . . 9,92
Animaux
inanitic's.
68,24
31,65
21,72
9,92
Recherches chimiques sur les animaux à, sang froid inanitiés. — Toutes
ces recherches ont été faites sur des lézards, en établissant la coniposition centé-
simale en eau, substance sèche, azote, substances a (graisses, hydrates de carbone,
cendres) non déterminées; substances p (graisses, hydrates de carbone) non d^Uermi-
nées.
Ces expériences ont été divisées en plusieurs groupes qui se différencient les uns
des autres par les conditions d'expérience, comme l'indiquent les tableaux suivants où
se trouvent consignés les chiffres comparatifs d'analyse.
TABLEAU I
Composition centésimale totale des animaux soumis au jeune absolu
et des animaux defcomparaison.
INDICATION
des
EXPÉRIENCES.
a z y. ^ .
5 ï^-5-=
B
A
B
A
B
A
C
D
E
M
CONDITIONS ET RESULTATS
DES EXPÉRIMENTATIONS.
Conditions
d'exp(^ri montât ion.
De comparaison
pour le groupe B.
Jeûne absolu.
De comparaison
pour le groupe B.
Jeûne absolu.
De comparaison
pour le groupe B.
Jeûne absolu.
De comparaison
pour C. D. E. et M.
Jeûne absolu.
Jeûne relatif et, à la tin,
jeûne absolu.
240
395
670
575
1032
25, 3o
20,00
19,53
28,11
3. -^,89
22,50
43,98
COMPOSITION PROCENTUELI.E
o
o
c
o
■a
§ 1
c
2 d.
o
^ d
0) o
5 cL
r.
"5
s
J à-
O .
C ô
3
-f.
70,39
29,61
17,23
12,37
64,48
35,52
21,02
14,48
»
70,44
29,56
16,89
12,66
8,38
67,06
32,94
22.46
10,48
5,67
74,14
25,86
18,72
7,14
„
72,28
27,72
20,18
7,58
»
74,80
25,20
17,38
7,82
5,68
68,59
31,41
23.50
7,91
»
08,50
31,50
22.30
9,20
»
69,17
30,83
20,94
9,89
»
67,55
32,45
22,57
0,88
4,28
4,81
2,13
122
INANITION.
TABLEAU II
Composition centésimale totale des animaux soumis au Jeûne absolu
dans un milieu saturé d'humidité.
INDICATION
des
EXPÉRIENCES.
C o O g
;s '^ Ë 5 -5
S ■=
CONDITIONS ET RÉSULTATS
DES EXPERIMENTATIONS.
Conditions
d'expérimentation.
De coinp.iraison
pour F. (}. II. et I.
Jeiiuc al)solu.
334
3o7
309
334
18,66
23,63
7.93
13,25
COMPOSITION PROCENTUELLE
TOTALE.
J3
o
"2
H
o
« d
g 6
O O
o o
C O
—
C
eu ""
rt ^
c
2 d.
rt B.
^ =~
M ^
-
3
T.
s
V3
•12
74,80
25,20
17,38
7,82
73.43
26,57
20.15
6,42
»
73,15
26.85
22,41
4,i4
..
78,05
21,95
14,93
7,02
r.
71,17
28,83
20,08
8,75
"
TABLEAU III
Composition centésimale totale des animaux soumis au jeune sans privation d'eau.
INDICATION
des
EXPÉRIENCES.
CONDITIONS ET RÉSULTATS
DES EXPÉRIMENTATIONS.
COMPOSITION CENTKSI.MALE
TOTALE.
Indication
dos groupes
d'animaux
ou des animaux
distincts.
£ 2
"S S
£ ■=
y. ^
<- 'uditions
d'expérimentation.
1
Durée du jei'ino
on heures.
l'erto intégrale
centésimale.
d
o
D.
O
'x
§1
c
2 o.
■7)
•Z
o
N
= §
5 o.
7.
B
Ul
O
o o
a o
es rH
7.
o o
a o
2 "^
■7.
d
o
à
<a
•a
8
(D
O
A
B
A
L
3
1
De comparaison
pour le groupes.
Jeûne relatif.
De comparaison
pour D et \.
Jeûne relatif.
»
Un 600 h.,
un 720 h..
Iroi» 1 080 h.
593
■170
.\ugniriiUiliiiii.
Perte (le 23,25
22,70
68,31
71,98
74.80
76.13
74,38
31,49
23,01
25,20
23,87
23,62
1S,10
15,09
17,38
18.65
2U.3I
13,31
9,91
7.82
5,22
5,31
0,53
6,80
3,78
3,11
De l'exainea comparatif de ces tableaux, que nous empruntons à l'un des mémoires
de Manca, on peut tirer les conclusions suivantes :
1° La quantité centésimale d'eau est moindre chez les animaux inanitiés;
Il en est de même pour la substance azotée, la substance a, et la substance sèche.
Manca a en outre établi que les quantités de substance azotée et de substance a con-
servent une certaine proportionnalité avec la quantité de substance sèche, malgré la
durée du jeune et la diversité du poids du corps des animaux inanitiés.
L'accroissement centésimal de substances a est moindre que celui de la substance
sèche.
INANITION. 123
En définitive l'inanition imprime aux animaux à sang froid comme aux animaux à
sang chaud des modifications de même sens, mais d'inégale intensité.
E. BARDIER.
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et 1910.]
E. BARDIER.
INDACONITINE. — (C'I'^H^'O'oN) Alcaloïde extrait par Daustan et Andrew.
de VAconithum chesmanthum, semble identique à la pseudo-aconitine : ses propriétés
physiologiques sont voisines de celles de l'aconitine (Voy. Aconitine).
132 INDOL.
INDICAN. — (^ilucoside caractéristique des plantes à indigo, dédoublable en
une molécule de d-glucose et une molécule d'indoxyle dont l'oxydation ultérieure
fournit l'indigotine et l'indirubine. Voir l'article Indol (Groupe de 1'), paragraphe
Indozyle. '
L'indicann'a jamais existé chez l'homme ni chez les animaux : si ce nom est encore
fréquemment employé en physiologie et en médecine humaines, c'est parla perpétuation
très regrettable d'une erreur viei le de plus d'un demi-siècle. L'urine humaine ren-
ferme elTectivement de l'indoxyle, mais à l'état de combinaisons autres que l'indican.
L'expression « indicanurie » doit être remplacée par celle de hyperindoxylurie. Voir
Indol (Groupe del'), paragraphe Indoxyle.
INDIGOTINE. — Matière bleue douée d'un pouvoir colorant considérable,
qui constitue la partie essentielle de l'indigo des teinturiers. L'indigotine résulte de
l'oxydation de l'indoxyle, substance contenue à l'état de combinaisons incolores
(chromogènes), soit dans le protoplasma des plantes à indigo, soit dans l'urine de
l'homme et des animaux. Voir Indol (Groupe de 1'), paragraphes Indoxyle et Indigo-
tine.
INDIRUBINE. — Matière rouge pourpre, douée d'un pouvoir colorant con-
sidérable. L'indirubine est un isomère de l'indigotine, qu'elle accompagne dans tous
les produits d'oxydation ménagée de l'indoxyle, que cet indoxyle soit d'origine animale,
végétale ou synthétique. Voir Indol (Groupe de 1'), paragraphes Indoxyle et Indi-
rubine.
INDOL (groupe de I') — L'indolC'*H''Az possède une molécule cyclique,
à double noyau. On peut se la représenter comme un noyau de benzène portant en posi-
tion ortho un atome d'azote et une chaîne de deux carbones elle-même reliée à l'azote;
ou encore, comme un noyau de pyrrol dont les deux carbones a et (i sont reliés par
une chaîne de 4 carbones. Cette molécule résulte donc de la fusion d'un noyau benzé-
nique avec un noyau pyrrolique, c'est un benzopyrrol ou phénopyrrol (A. Baeyer et
A. Emmerling, 70).
L'indol est la substance-mère d'un très grand nombre de composés, qui en dérivent
par substitution d'atomes ou groupes divers, soit aux hydrogènes du noyau benzénique,
soit aux hydrogènes du noyau pyrrolique. Les dérivés du noyau benzénique sont
désignés par l'indication Bz, ceux du noyau pyrrolique par l'indication Pr, avec le
numéro de la position occupée, dans la nomenclature la plus complète et la plus
récente, celle de E. Fischer [86 b) :
H
H
C
C
^\
^*\
HC C — CH
HC3 ôC — 3CH
1 II II
1 Bz II Pr II
HC C CH
HC\ «C 2CH
^/\/
%i/\i/
C AzH
C AtM
H
H
Noyau de l'indol.
Nomenclature
des substitutions.
La nomenclature de E. Fischer permet de désigner tous les dérivés du groupe indo-
lique, même ceux qui possèdent des groupes fixés aux atomes de carbone communs aux
deux cycles, dans le cas où la rupture des doubles liaisons permet l'existence de com-
posés saturés (indolines). On employait auparavant une nomenclature plus simple, ne
s'appliqmant qu'aux substitutions de l'indol proprement dit (dérivés où les doubles liai-
INDOL. 133
sons sont conservées), et où la numérotation des hydrogènes substituables a lieu do 1 à 7,
sans distinction de cycles :
H
C
^;\
HC^ C — 3CH
I II II
HC6 C 2CH
C AzH
H
Il est nécessaire de connaître cette nomenclature pour pouvoir lire un certain
nombre de travaux.
Enfin, lorsqu'on n'a à s'occuper que des substitutions dans la partie pyrrolique, ce
qui est précisément le cas pour les études physiologiques, on se contente d'écrire les
substitutions sous la forme simplifiée :
CH CH . p
C6H*^^CH C6H4(^^CH . a
AzH AzH . n
Indol. Nomenclature
des substitutions.
L'intérêt biologique du noyau de l'indol provient de sa participation à la structure
d'un grand nombre de matières albuminoïdes et des produits de métabolisme qui en
dérivent.
On sait, en effet, que, sinon la totalité, du moins une partie capitale de la molécule
des albuminoïdes est constituée par l'enchaînement mutuel d'une série de molécules
d'acides aminés d'espèces variées. Or, parmi les acides aminés que fournit la décom-
position, sinon de toutes les espèces albuminoïdes, du moins d'un grand nombre d'entre
elles, et des plus importantes, il s'en trouve un, le tryptophane, qui est un dérivé de
l'indol.
Il est aujourd'hui reconnu que le tryptophane n'est autre chose qu'un acide indol-
Pr-3-amino-2'propanoique, c'est-à-dire une indolalanuie, qui vient ainsi se ranger dans
Je groupe si curieux des alanines complexes, caractéristiques des molécules protéiques :
oxyalanine (serine), thioalanine (cystéine), phénylalanine, paraoxyphénylalanine
(tyrosine), indolalanine (tryptophane), imidazolalanine (histidine).
Fabriqué par les plantes avec les autres parties des matières protéiques végétales, le
tryptophane passe avec celles-ci dans l'organisme des animaux, où il se fixe sous forme
de nouvelles matières albuminoïdes après avoir été temporairement séparé au cours des
phénomènes digestifs. Puis la décomposition des albuminoïdes, soit par le jeu du
métabolisme normal, soit sous l'action des bactéries, libère à nouveau le tryptophane,
qui peut alors subir des dégradations moléculaires successives, d'après le schéma
suivant :
C — CH2_CH2 C — CH2 — CH — COOH
C6H<>CH l^jj, ^ CeH<)cH l^,
AzH AzH
2. — Indoléthylamine. 1. — Tryptophane
(ac. indolaminopropionique).
C — CH2 — CH2 — COOH C — CH2 — CH3
C6Ht<^^CH m^-y C6H*<^^CH
AzH AzH
3. — Ac. indolpropionique. 4. — P Ethylindol.
134
INDOL.
C _ CH2 — COOIl
C6H40C"
AzH
5. — Ac. indolac(^tic(Uc.
C — COOH
C6Hi<^^CH
AzH
— Ac. intlolcarbouique.
C — CH3
C6H*<^^CH
AzH
6. — Skatol
(P môthylindol).
CH
C6H^<^^CH
AzH.
8. — Indol.
Ainsi qu'on le voit, le passage du stade 1 au stade 2 se fait par simple scission de
CO^ aux dépens du carboxyle; le passage de 1 à 3 a lieu par hydrogénation directe avec
départ de AzH^; le passage de 3 à 4 par scission de C0-; de 4 à 5, par oxydation de
l'extrémité de la chaîne latérale; de o à 6, par scission de CO*; de 6 à 7, par oxydation;
de 7 à 8, par scission de C0-.
Ce sont là des processus biologiques au premier chef, dont certains sont réalisés avec
une facilité particulière par les bactéries de la putréfaction. La dégradation progressive
du tryptophane est ainsi exactement semblable à la dégradation pulréfàclive de la
phénylalanine et de la tyrosine, d'où résullent, comme l'ont montré surtout les travaux
de M. Nencki ainsi que de E. Salkowski et H. Salkowski, les acides aromatiques, les
phénols et les oxyacides'aromatiques.
Introduit dans le corps des animaux, soit par des processus naturels, soit par des
manœuvres expérimentales, l'indol peut s'oxyder en un corps voisin par sa fonction
des phénols, l'indoxyle, dont l'oxydation ultérieure donne naissance à deux superbes
matières colorantes isomères, l'indigotine (bleue) et l'indirubine (rouge), puis, à un
stade encore plus avancé, à une substance jaune, de pouvoir colorant beaucoup plus faible,
l'isaline. Au delà, les progrès de l'oxydation amènent la rupture du noyau indolique.
GO
C6H*<^ ^C
AzH
C 0
C-OH
C6Hi<^~^CH
AzH
Indoxyle.
CO
AzH
CO
C6Hi<^ \C — c/ ^C6H*
AzH AzH
Indigotine.
AzH
C«Ht<^ ^C
CO
CO
c6Hi<^ y
AzH
AzH
CO
CO
AzH
C6H*
)C6H*
CO
C6H*<^^C0
AzH
Isatine.
COOH
-^ C6H*('
AzH2
Ac anthranilique.
Indirubine.
Les végétaux, eux aussi, produisent assez souvent de l'indoxyle, en quantité assez
considérable chez certaines espèces pour avoir donné lieu pendant des siècles aux
industries tinctoriales du pastel et de l'indigo.
Parmi les corps énumérés ci-dessus, l'indoléthylamine et le ^-éthylindol ne parais-
sent pas avoir jusqu'à présent attiré l'attention des biologistes; l'acide p indolcarbo-
nique vient de prendre place dans la littérature ; les autres coi'ps ont donné lieu à
dMnnombrables travaux dont nous allons extraire les données les plus intéressantes pour
la physiologie.
CH
A. — INDOL
AzH
C6Hi;^^CH
A. Formation de l'indol à partir des dérivés du noyau indolique :
1° — L'indol doit son nom à ce qu'il est la substance-mère de l'indigo des teinturiers.
INDOL. 135
C'est par la réduction méthodique de Visatine (produit d'oxydation de l'indigo) que
A. Bakyer a découvert l'indol : l'isatine fut d'abord réduite en dioxindol par l'amal-
game de sodium (A. Baeyer et C. A, Knop, 66), puis en oxindol par l'élain et l'acide
chlorhydrique; l'oxindol, chauffé vers 400" avec de la poudre de zinc, donna enfin Vindol,
qui distille dans ces conditions (A. Baeyer, 66 a, 66 b) :
co
CHOH
CH2
CH
CfiH'^^^CO
m-> C0Hi/\CO
♦*-> C6H*<^^C0 m—>-
C6H*^^CH
AzH
AzH
AzH
AzH
Isatine.
Dioxindol.
Oxindol.
Indol.
2° — Il n'est pas nécessaire de passer par l'isaiine : la réduction de Vindigotine elle-
même (bleu d'indigo) fournil de l'indol (A. Baeyer, 68). On soumet à l'ébullition l'indi-
gotine (ou l'indigo végétal débarrassé de se.s impuretés par l'alcool) avec de l'étain et de
l'acide chlorhydrique, jusqu'à ce qu'elle soit transformée en une poudre jaune-brun;
celle-ci est lavée, séchée, et mélangée à un grand excès de poudre de zinc (A. Baeyer,
69). On distille le mélange dans une cornue de cuivre; l'huile e'paisse qui passe est
débarrassée d'aniline par un lavage à l'acide chlorhydrique étendu, et distillée dans un
courant de vapeur surchauffée, puis abandonnée au repos sur l'acide sulfurique. Il se
sépare des cristaux incolores, durs, et réunis sous forme de croûtes, que l'on purifie
par une nouvelle cristallisation dans l'eau. On dissout le produit dans l'eau bouillante :
par refroidissement le liquide se trouble, et en quelques heures l'indol s'est déposé en
feuillets volumineux, incolores et brillants.
3° — Lorsqu'on est en possession de l'oxindol [qui peut être obtenu non seulement
par réduction de l'isaiine au moyen de l'amalgame de sodium (A. Baeyer et C. A. Knop,
66), mais aussi en réduisant l'acide orthonitrophénylacétique par le chlorure stanneux
(A. Baeyer, 78 a), ou encore par réduction de l'acide o-acétylaminophénylglycolique
au moyen de l'acide iodhydrique (W. Suida, 78)], on peut d'ailleurs obtenir l'indol sans
chauffer au rouge, et par voie humide. On transforme l'oxindol, par le penlachlorurede
phosphore, en dichloroindol a p, dont la réduction est difficile, mais se produit néan-
moins lorsqu'on introduit des fragments de sodium dans la solution amylique bouillante
(A. Baeyer, 79 a) :
CH CCI CH
C6H^/^C.0H m—^ C6H4<^^C.C1 «•— ^- C6H*/'^CH
AzH AzH AzH
Oxindol. Dichloroindol a p. Indol.
4° — L'indol se forme encore par la distillation sèche du rétinindol (G*H*AzO)'»,
substance condensée et oxydée qui prend naissance quand on cherche à réduire par
l'acide iodhydrique le dichloroindol a p (A. Baeyer, 79 a, 79 b).
C — OH
5° — L'indoxyle CfiHi<^^CH peut être facilement réduit en indol. D. Vorlander et
AzH
0. Apelt {04} portent à l'ébullilion, à l'abri de l'air, une solution d'acide indoxylcarbo-
C — OH
nique C^H^^^^C — COOH dans la soude, ce qui produit l'indoxyle, puis traitent par
AzH
l'amalgame de sodium la solution refroidie vers 60°-70°. Après saturation par GO^, on
entraîne l'indol par distillation avec la vapeur d'eau dans le coûtant de G0-. On peut
aussi faire la réduction par la poudre de zinc introduite dans la solution alcaline bouil-
lante.
C-COOH
6° — Vacide p indotcarbonique C6H*<^^CH , chaufle fortement, se dédouble en
AzH
CO^ el indol. De même, la simple ébullition de la solution aqueuse dégage une forte
odeur d'indol, et les vapeurs de ce corps sont aisément reconnaissables par les
130 INDOL.
réactifs (copeau de sapin humeclé de HCl) (G. Ciamician et C. Zatti, 88). C'est vraisem-
blablement à cet acide ji indolcarboniqne qu'il faut rapporter tout ou partie des corps
indologènes signalés dans certains liquides biologiques comme l'urine (M, Jaffk, 08;
Ch. Porcher» 09a), la bile (Ch. Porcheh, 09 c), certains bouillons de culture (Ch. Por-
cher et L. Panisset, 09); ces liquides ne contiennent pas eux-mêmes d'indol, mais
leur distillât renferme ce corps, formé sans doute par scission de l'acide indolcarbo-
nique en indol et C0-.
CH
L'acide a. indolcarbonique, C6H*<^^C — COOH, isomère du précédent, mais d'origine
AzH
non biologique, et beaucoup plus stable que lui, ne se décompose qu'à une tempéra-
ture très élevée (220°, en présence d'anhydride acétique) et fournit très difficilement de
l'indol, mais plutôt une masse rèsiniliée (G. Ciamician et C. Zatti, SS). Cependant, si l'on
forme le sel de Ca de cet acide, puis'(|u'on le [distille avec 2-3 fois son poids de chaux
à demi éteinte, on obtient très facilement l'indol pur avec de très bons rendements
(G. Ciamician et C. Zatti, 89).
1° — Lorsqu'on fait passer dans un tube chauffé au rouge des vapeurs de skatol
(^ méthylindol), on constate une transformation partielle en indol (M. Fileti, 83), par
suite du détachement du chaînon latéral.
8° — Le tnjptophane, reconnu par M. Nencki [93) comme la substance-mère de l'indol
qu'il fournit par fusion avec la potasse, a été de nouveau soumis à une étude détaillée
par F. -G. Hopki.ns et S,-W. Cole (03). Ils ont vérifié que l'action des bactéries d»' la
putréfaction, surtout à l'abri de l'air, transforme régulièrement le tryptophane en indol,
en passant par les stades interniédiaiies d'acide indolpropionique, d'acide indolacétique
et de skatol, suivant le schéma d'ensemble indiqué au début de cet article.
9° — L'indol (souvent accompagné de skatol) se produit dans la fusion potassique de
diverses substances du groupe des mcUiuines, qui sont peut-être des dérivés du trypto-
phane (M. Nencki, .96'). Cette production d'indol est d'ailleurs obtenue, aussi bien avec
l'hippomélanine de la tumeur sarcomaleusft du cheval (J. Hekdex et M. Nencki, 86),
qu'avec la mélanine des membranes de l'œil (E. Hirschfeld, 89; H. Landolt, 99) ou
celle des crins de cheval (W. Jones, 99\
10" — Un grand nombre de matirres alburriinoides étant, comme nous l'avons vu, dés
dérivés du tryptophane, on comprend que leur décomposition puisse donner naissance
à de l'indol.
Dès 1849, Bopp avait constaté que, lorsqu'on fond de l'albumine avec des alcalis caus-
tiques, il se dégage une substance volatile, d'odeur fécaloïde, et qui devait être iden-
tique à celle que produit la putréfaction spontanée de la caséine. L'identification de ce
corps n'a pu être faite évidemment qu'après la découverte de l'indol par A. Baever.
L'attaque des matières protéiques par la potasse caustique en fusion fournit de
l'indol (W, IvCiiNE, 73; G. Exgler et Janecke, 76a: M. Nencki, 75a). Cet indol est géné-
ralement accompagné d'une plus ou moins grande quantité de skatol [p méthylindol),
dont on reconnut la présence à côté de l'indol, lorsque L. Brieger 77, 78) eût découvert
l'existence même du skatol. Mais la fusion potassique des protéiques ne fournit jamais
qu'une faible proportion d'indol (et skatol) : l'albumine de l'œuf de poule en donne
environ 2 millièmes et demi, la caséine et le gluten i millième seulement (C. Engler et
Janecke, 76a), L'identité do cet indol avec celui que fournit la réduction de l'indigo est
parfaitement établie par toutes ses propriétés (C. Engler et Janecke, 76b).
Mais l'action des alcalis caustiques n'est pas le seul moyen d'obtenir l'indol en par-
tant des matières protéiques. Dès 1867, W. Kuhne avait observé que les produits dune
digestion pancréatique prolongée d'albumine « dégageaient une odeur presque insup-
portable de naphtylamine (ou d'indol) qui empestait tout dans le laboratoire ». Mais ce
furent M. Nencki et ses collaborateurs qui parvinrent à extraire, à caractériser, à ana-
lyser l'indol produit à la phase ultime de la décomposition pancréatique (M. Nencki et
F. Masson, 74; M. Nencki et Fr. Fra.nkiewicz, 73; M. Nencki, 73 a).
Le rendement est d'ailleurs très variable avec l'espèce protéique attaquée. C'est ainsi
que l'ovalbumine donne jusqu'à 5 millièmes d'indol; la fibrine, la caséine n'en four-
nissent que de petites quantités, la gélatine et la mucine fort peu, l'élastine pas du
INDOL. 137
tout (G. Wâlchli, 78). La décomposition de la gélatine par le Bacilhis liqnefackns mag-
nus ne fournit pas d'indol (L. Selitrenny, 89). La production de l'indol dans ces circon-
stances n'est d'ailleurs pas forcément totale; ce qui le prouve, c'est que précisément
l'élastine fournit de l'indol et du skatol lorsqu'on la soumet à la fusion potassique
(H. ScHWAHz, 93). De même la caséine est très riche en tryptophane, puisqu'elle est
justement le matériel de choix pour la préparation de ce corps, et elle ne fournit que
peu d'indol dans les vieilles digestions pancréatiques, parce qu'elle est assez résistante
aux hactéries de la putréfaction, bactéries auxquelles revient, comme nous allons le
voir, la formation de l'indol dans les produits de digestion prolongée.
La production de l'indol aux dépens des matières protéiques lors de la digestion
pancréatique n'est pas due à l'action des ferments physiologiques de la cellule pancréa-
tique. C'est un phénomène pulréfactif résultant du développement d'innombrables bac-
téries dans le mélange, pendant les dernières phases de la macération, alors que la
trypsine a déjà produit son effet (W. Kvhne, 67). La quantité d'indol dépend d'ailleurs
de la façon dont se poursuit la digestion, de la température, etc. Quand on laisse la
fermentation se prolonger trop longtemps, il arrive un moment où l'indol est détruit
à son tour, tandis qu'il se forme du phénol (W. Odkrmatt, 78; F. Hoppe-Seyler, 84). La
perte par évaporation d'une partie de l'indol, assez volatil, est aussi un inconvénient des
digestions trop prolongées.
Mais, bien conduite, la digestion pancréatique constitue un procédé relativement
pratique pour l'obtention de l'indol. On prend 3006'' d'albumine d'œuf sèche, qu'on ad-
ditionne de4 litres etdemi d'eau et d'un pancréas de bœuf haché. On maintient le mé-
lange à l'éluve à 400-45" pendant 60 ou 70 heures. On filtre, on acidulé le liquide par
l'acide acétique, et on le distille jusqu'à ce que les gouttes qui passent ne donnent plus
de précipité rouge avec le nitrite de potassium. On sature le distillât par la chaux et on
l'épuisé par l'éther : l'éther évaporé abandonne l'indol qui cristallise en grands feuil-
lets brillants. (M. Nencki et Fr. Franiuewicz, 73).
II n'est même pas nécessaire de faire intervenir le tissu pancréatique, dont l'action
se borne à préparer les matériaux pour la putréfaction. Dans une série de recherches
sur la production putréfactive de l'indol, E. Salkowski et H. Salkowski {8i) prennent
400&'' de matière protéique calculée sèche, 8 litres d'eau, 200-230^1" d'une solution saturée
à froid de carbonate de sodium, enfin 2^"^ de phosphate dipotassique et !&■' de sulfate de
magnésium. Le tout est abandonné pendant 5-6 jours à la température de 40-42«, soit
sans addition, soit après ensemencement au moyen d'un peu de boue d'égout. Dans ces
conditions la viande totale adonné aux auteurs 1,7-3,2 millièmes d'indol (et skatol),
une fois même, au froid, 5,8 millièmes. La portion insoluble dans l'eau des albumi-
noides de la viande en a donné 2,8 millièmes, la sérumalbumine 3,6-5 millièmes, les
peptones pancréatiques de fibrine 5,0-6,1 millièmes, la fibrine du sang de porc 7,2-11,5
millièmes.
Ces recherches n'ont malheureusement pas été faites dans des conditions permettant
d'attribuer la putréfaction à telles ou telles espèces bactériennes. D'autre part les bacté-
riologistes ont étudié une série d'espèces formant de l'indol, sur des milieux peptones
de préférence, mais dont la composition chimique est loin d'être définie. Nos connais-
sances sont donc encore incomplètes par défaut de précision chimique ou plutôt de
précision bactériologique.
La présence des corps qui accompagnent dans les cultures les albuminoïdes vient
encore compliquer le problème : les bactériologistes savent, par exemple, que certaines
espèces produisant de l'indol aux dépens des peptones n'en donnent plus si le milieu de
culture contient certains sucres tels que le glucose (A. Péré, 92; Th. Smith, 97), ou de
l'urée (Ch. Achard et J. Renault, 92), ou môme certaines substances inorganiques comme
les nitrates (L. Grimbert, 93).
La réaction qui a servi tout d'abord aux bactériologistes pour la recherche de l'in-
dol dans les cultures, consiste dans la coloration rouge ou même le précipité (nitroso-
indol) que donnent les solutions d'indol traitées par un acide minéral (chlorhydrique,
sulfurique, nitrique) en présence d'un peu de vapeurs nitreuses ou de nitrite alcalin
(réaction de A. Baeyer, 69).
Comme certaines cultures bactériennes renferment des nitriles (provenant de la
138 INDOL.
réduction des nitrates par les microrganismes, ou même des peptones employées
(W. B. Wherry, Oo), il arrive que la simple addition d'un acide donne lieu à la réaction
de l'indol; le corps rouge qui se produit alors (nitrosoindol) a d'abord intrigué les bac-
tériologistes sous le nom de Rouge de choléra (Choleraroth), parce qu'on l'a remarqué
en premier lieu dans les cultures du vibrion cholérique, où la réaction est particuliè-
rement intense. La nature du Rouge de choléra n'a été reconnue qu'à la suite d'une
série de travaux dus à A. Pœhl {S6), 0. Bujwid [87, 88), !.. Brieger [87 a, 87 b, 87 c,
87 d, 87 e), E.-K. Dunham [87), i. Jadassoh.x {87), Ch.-H. Ali-Cohen {87, 88), E. Salkowski'
(87), K. ScHUGHARDT {87), Th. Zàslein {87), S. KiTASATO {89), R.-J. Pétri {90), etc.
Voici, par exemple, d'après un ouvrage de K.-B. Lehmann et R.-O. Neumann {99), les
espèces qui donnent une réaction de l'indol plus ou moins forte :
Réaction intense, sans nitrite : Vibrio choterœ, vibrio berolinensis, vibrio albensis.
Réaction intense : Actinomyces chromogenes.
Réaction très forte : Dacterium vulgare.
Réaction forte : Bacterium septicœmise hemorrhagicœ, Bacterium pestis, Bacterium acidi
lactici, Bacterium coli.
Réaction faible, sans nitrate : Bacterium vulgare ^ mirabilis, Vibrio aquatilis.
Réaction faible : Bacterium pneumonids, Bacterium Zopfii, Bacillus tetani, BacHhts
Chauvœi, Bacillus œdematis maligni, Vibrio proteus, Corynebacterium mallei, Coryne-
bacterium diphteriœ, Corynebacterium pseudodiphteriticum, Mycobacterium lacticola
a. planum.
Réaction très faible : Sarcina lutca, Snrcina aurantiuca, Micrococcus luteus, Micrococcus^
pyogcnes a aureus, Bacterium prodigiosum.
Traces : Micrococcus pyogenes y albus, Bacterium latericium, Bacillus mesentcricus^
Spirillum rubrum, Corynebacterium xerosis, Mycobacterium tubercolusis y piscicola, Myco-
bacterium phlei, Actinomyces bovis, Leptothnx epidermidis.
Il est indispensable de remarquer que cette liste n'a rien de définitif, et que les
indications éparses dans la littérature au sujet de la production d'indol par les bacté-
ries sont souvent contradictoires : la raison doit en être cherchée sans doute dans les
conditions de culture auxquelles nous avons fait allusion plus haut. Un certain,
nombre d'auteurs ont doiuié des listes de bactéries produisant ou non de l'indol; oa
peut citer celles de A. Lewandowski {90), M. Morris {97), 0. V'oges et B. Proskauer
{98), etc.
Remarquons encore que certaines des peptones commerciale^ qui servent à la prépa-
ration des milieux de culture peuvent donner les réactions de i'indol; d'après A. Sicre
{09), la peplone Chaix serait même seule à n'en pas contenir trace, mais cette peptone
ne donne pas des cultures bien riches. Daprès le même auteur, la peptone \Vitte ne
devrait être employée qu'en solution très diluée. 11 faut protéger les cultures contre
l'accès de lair, car les cultures anaérobies donnent une plus grande quantité d'indol.
D'après F. A. Steensma {06 a), la recherche de l'indol directement dans le liquide de
culture par les réactions usuelles (acide nilreux, paradiméthylaminobenzaldéhyde)
peut induire en erreur, car il peut s'y trouver, non seulement de l'indol, mais des subs-
tances voisines qui donnent des réactions toutes semblables. Cependant ces substances,
à la différence de l'indol, ne passent pas à la distillation avec la vapeur d'eau. Suivant
F. A. Steensma, forment de l'indol : B. coli, Spir. Metschnikoff, B. denitrificans agilis,
B. cavicida. Choléra des poules. Diphtérie des pigeons, Proteus rulgaris.
Forment des substances voisines de l'indol : Proteus vulgaris, B. ruber balticus,-
Pseudodiphtérie, B. anthracis symptomatici, M. prodigiosus, Sarcina lutea (?.
D'autre part Ch. Porcher et L. Panisset {09) ont attiré l'attention sur l'existence,
dans certaines cultures, de corps indologènes (probablement l'acide p indolcarbonique)
qui pendant la distillation se décomposent pour fournir l'indol que le microbe n'avait
pas formé lui-même. La distillation ne donne donc pas de garanties suffisantes : il faut
commencer par extraire l'indol en agitant la culture à froid avec de l'étlier, dont l'éva-
poration laissera l'indol.
Enfin nous croyons devoir également mettre en garde les bactériologistes contre
certaines techniques qui consistent (M. Xonotte et R. Démanche, 08) à chauffer direc-
tement la culture avec des acides minéraux et les réactifs de. l'indol (nitrites, aldéhydes) ;.
INDOL. 139
on conçoit avec quelle facilité l'ébullition peut décomposer les corps indologènes éven-
tuels, acide p indolcarbonique ou autres, et faire attribuer faussement au microbe la
dégradation des albuminoïdes jusqu'à l'indol lui-même.
Quoi qu'il en soit des précautions à prendre pour constater la formation d'indol par
une espèce bactérienne, cette propriété est hors de conteste pour certaines espèces
comme le choléra et le colibacille, par exemple. La formation d'indol atteindrait son
maximum chez le Baclerium coli au 14" jour et chez le Choléra au 19" jour (W. Marshall,
07). Lorsqu'on fait à chaud la réaction du nitrosoindol, on peut avoir un résultat positif
après quatre heures déjà dans les cultures du B. coli: avec le bacille d'EsERiH, le para-
typhique, le bacille de Gartner, la réaction est absolument nulle même après huit jours
(M. NoNOTTE et R. Démanche, 08).
On sait en effet que la recherche de l'indol peut rendre de grands services en bacté-
riologie pour la diagnose des espèces, et qu'elle est employée journellement pour
distinguer le B. coli, producteur d'indol, du bacille typhique, qui n'en produit pas
(S. Kitasato, 89).
Au cours de la putréfaction, l'indol se forme aux dépens des albuminoïdes par la
série des dégradations successives que nous avons exposées au début de notre article.
E. Baumann {80 a) a montré en elfet que, si l'on épuise par l'éther une solution d'albumine
déjà putréfiée, mais ne renfermant pas encore d'indol, l'éther s'empare d'une substance
non albuminoïde dont la putréfaction donne à son tour l'indol. Lorsqu'il sera question
du skatol, on verra que E. Salkowski et H. Salkowski {80 a, 80 b) ont fait une remarque
analogue en ce qui concerne ce corps. La formation du skatol est précédée de celle
d'une substance « skatologène » soluble dans l'éther (reconnue aujourd'hui être l'acide
P indolacétique). Bien plus, dans une série de putréfactions, E. Salkowski et H. Salkowski
{8i) obtenant, suivant la marche de l'opération, des proportions de skatol très variables
par rapport à l'indol, alors que la quantité globale des deux corps était sensiblement
constante, ont admis que l'indol et le skatol dérivent d'une seule et même substance-
mère, dontle groupe moléculaire doit préexister dans la molécule albuminoïde. Suivant
la température, la rapidité de la putréfaction, l'accès de l'air, les espèces microbiennes
qui ont servi à l'ensemencement, il se forme de préférence de l'indol ou du skatol.
Celui-ci peut souvent faire entièrement défaut, tandis que l'indol ne manque jamais.
Après la découverte successive, dans les putréfactions, de Vacide p indolacétique.
(E. Salkowski et H. Salkowski, 80 a, 80 b), et de Vacide indolpropionique (M. Nencki, ^9),
il a été établi que l'origine première de cette série descendante de corps est bien le
tryptophane, d'abord libéré par la fragmentation hydrolytique des albuminoïdes, et qui
commence par perdre AzH^ par hydrogénation sous l'inlluence des bactéries (M. Nencki
et V. BovET, 89; F. G. Hopkins et S. W. Cole, 03; A. Ellinger et M. Gentzen, 05).
Il est certain, au contraire, que l'indol ne se forme pas aux dépens de la tyrosine,
ainsi qu'on aurait pu le croire à la suite des recherches de W. Kiibne (67) sur la diges-
tion pancréatique. 0. Schultzen et M. Nencki (72) ont en effet constaté qu'un chien
ingérant des quantités notables de tyrosine ne présentait aucune augmentation de l'in-
doxyle urinaire, ce qui eût été le cas si la tyrosine avait donné de l'indol sous l'action
prolongée du suc pancréatique et des bactéries de l'intestin. F. Massox {74) a injecté de
la tyrosine sous la peau d'un lapin sans constater aucune augmentation de l'indoxyle
dans l'urine. Enfin E. Baumann {80 b) a vérifié ^directement que la tyrosine pure, sou-
mise à la putréfaction ou à la fusion avec les alcalis, ne donne aucune trace d'indol ni
de skatol.
La formation de l'indol par la dégradation bactérienne des albuminoïdes explique
son développement dans l'intestin et sa présence dans les excréments des animaux,
surtout des carnivores, auxquels il communique, ainsi que le skatol, son odeur caracté-
ristique (S. Radziejewsky, 70).
La localisation de la production de l'indol (et du skatol) dans les divers'es régions
du tractus digestif a été étudiée par G. Ernst {91), qui, chez un chien, après un copieux
repas de viande consécutif à un jeûne de plusieurs jours, ne put déceler l'indol ou le
skatol ni dans l'estomac ni dans le jéjunum, mais les trouva en abondance dans le
contenu de l'iléon et du gros intestin, ce dernier renfermant une quantité énorme de
skatol. Les processus putréfactifs aboutissant à la formation de l'indol (et du skatol)
140 INDOL.
sont donr développés dans les portions terminales du tube digestif. Divers auteurs ont
pensé que l'absence de ces processus dans les portions initiales de l'intestin était peut-
être attribuable à une action antiseptique de la bile; mais C. Ernst (9/) a précisément
constaté que la bile était capable elle-même de se putréfier en fournissant une quantité
très appréciable d'indol, provenant sans doiite de la raucine (nucléoprotéide) biliaire.
Peut-être faut-il chercher dans cette nucléoprotéide, partiellement au moins, l'origine
de l'indol que produit encore l'intestin de l'homme même après 30 jours de jeune,
ainsi que l'a constaté L. Luciani {89, 90) chez le jeûneur Succi.
l/indépendance de la digestion pancréatique et de la production d'indol aux dépens
des matières albuminoïdes, a été vérifiée aussi par des recherches très complètes de
M. Jakowsky {92). Chez l'homme la putréfaction des matières albuminoïdes n'a pas lieu
dans l'intestin grêle, mais seulement dans le gros intestin. Elle est entièrement distincte
de la digestion pancréatique. Celle-ci présente en effet, comme produits ultimes de
décomposition, outre les albumoses et les peptones, le tryptophane et les autres acides
aminés, des bases diverses et de l'ammoniaque. Au contraire, la puliéi'action des albu-
minoïdes donne d'abord passagèrement les mêmes produits, mais la décomposition va
plus loin, et l'on voit apparaître, à côté des corps déjà cités, une foule de substances
aromatiques telles que l'indol, le skatol, le paracrésol, le phénol, les acides phénylpro-
pionique et phénylacétique, les acides paraoxy[)hénylacétique et hydroparacoumarique
(résultant avec le paracrésol de la putréfaction de la tyrosiiie), des acides gras volatils,
de l'acide carbonique, de l'hydrogène, du méthane, du méthylmercaptan et de l'hydro-
gène sulfuré. La putréfaction de la gélatine ne fournit ni tyrosine ni indol, mais en
revanche elle donne du glycocoUe.
Avant même que M. Jakowsky (.92) eût localisé dans le gros intestin la production
d"indol chez l'homme, H. Tappeiner {81) avait examiné, chez le bœuf et le cheval, sépa-
rément le contenu de chaque segment isolé du tube digestif. Ce contenu était distillé
avec de l'acide acétique, le distillât neutralisé et agité avec de l'éther : dans l'extrait
éthéré on recherchait les phénols, l'indol et le skatol. Chez le bœuf on trouve partout du
phénol, en quantité pondérable dans la panse et le gros intestin, non pondérable dans
l'intestin grêle. Celui-ci n'a donné qu'une fois des traces d'indol, toujours nettement du
skatol. Il en est de même chez le cheval, oii l'on trouve de plus, dans le gros intestin, de
l'ortho-crésol ; dans le colon, du skatol; dans le caecum, de l'indol.
Il y a quelques années, une série d'expérimentateurs ont appliqué à l'étude des fèces
la paradiméthylaminobenzaldéhyde, réactif d'EiiRLicH {01) qui donne avec l'indol, en
présence de HCI, une coloration rouge intense plus ou moins nuancée de violet sous
l'influence du skatol. A. Schmidï (05), obtenant cette réaction sur la macération alcoolique
des fèces, a essayé d'établir un procédé de dosage basé sur la dilution nécessaire pour
faire disparaître la bande d'absorption caraclérisque de la couleur observée au spec-
Iroscope. A l'aide de cette méthode, R. Baumstauck {03, Oi) a évalué à 17 milligrammes
en moyenne la quantité d'indol contenu dans les fèces de vingt-quatre heures chez les
gens sains. Réunissant, en un chitiVe d' « indol total », à la fois l'indol des fèces et celui
qui correspondrait à l'indoxyle excrété par l'urine après résorption d'une partie de
l'indol, il trouve cet « indol total » augmenté, modérément ou fortement, dans des cas
d'obstipation, péritonite, achylie, hyperchlorhydrie, anémie pernicieuse, chlorose ; il
le trouve fortement diminué dans des cas de diarrhée et un cas d'achylie. Il constate
d'ailleurs qu'on peut trouver, avec une teneur très faible en indol dans l'intestin, des
quantités énormes d'indoxyle dans l'urine, résultant, comme nous le verrons, de la
résorption de l'indol. Les variations de l'indol fécal avec l'état d'achylie ou d'hyper-
chlorhydrie n'ont rien de bien systématique.
A. E. AusTiN {03), par la même méthode, trouve des chiffres beaucoup plus élevés :
08^022, 05'', 260, Os%160, 0'?',244 d'indol dans les vingt-quatre heures; il attribue ces
nombres excessifs au skatol calculé avec l'indol. W. v. Moraczewsri (04 b), faisant des
dosages comparatifs lors d'évacuations fréquentes, aussi bien que dans la rétention spon-
tanée des fèces, ne trouve aucune augmentation de l'indol fécal (pas plus d'ailleurs que
de l'indoxyle de l'urine). L'addition de sucre à la nourriture augmenterait jusqu'au
triple la quantité d'indol des fèces (sans changer d'ailleurs la quantité d'indoxyle uri-
naire); les hydrates de carbone en général agissent dans le même sens. Au contraire,
INDOL. Ut
une alimentation richo en albuminoïdes, ou les h'^gumes, diminueraient l'indol fécal
(W. V. MoRAczEwsKi, OS b, os c).
Mais il a été démontré (11. Bauer, Oo, 06) que l'indol n'est pas seul à donner
l'aldéhydoréaction d'EiiHLicn, et que l'urobilinogèue, en particulier, la fournit de la
même façon. C'est à l'urobilinogène qu'il faut attribuer la réaction d'EHRLicii observée
directement sur l'urine, ainsi que la part principale de la réaction dans l'extrait alcoo-
lique des fèces. H. Ury (Oo, 06) rejette, lui aussi, le procédé à la paradiméthjiamino-
benzaldéliyde; mais, en clierchant la limite de sensibilité de la réaction du nitrosoiiidol,
qu'il estime à 1 : 400 000 environ, il a pu réaliser, par la méthode des dilutions succes-
sives, une évaluation qui lui donne environ i-'6 milligrammes d'indol par Jour dans les
fèces de l'homme sain.
L'indol se rencontre même dans les fèces des animaux à jeun depuis un certain
temps (Fr. MiiLLER, 8o, 86, 87) ; cet auteur admet ici comme origine de l'indol la putré-
faction des sécrétions intestinales, desquamations épilhéliales, mucus, etc., auxquels
il ajoute les albuminoïdes du sang apporté par les petites hémorrhagies intestinales
auxquelles sont sujets les chiens et les chats soumis au jeune.
Cette question de l'indol fécal chez les animaux soumis au jeûne a fait l'objet, en
ces dernières années, de controverses intéressantes au sujet des origines de l'indoxyle
urinaire ; nous y reviendrons à propos de cette substance. Convaincus que l'indoxyle
de l'urine ne proviendrait pas de l'indol putréfactif de l'intestin, mais serait formé
dans le métabolisme lui-même des tissus, F. Blumenthal et F. Bosenfeld {02) s'adres-
sèrent au lapin. Quand cet animal est normalement alimenté, les réactions usuelles ne
décèlent pas d'indoxyle dans son urine; en le soumettant au jeune, les auteurs ont pu
trouver l'indoxyle dans l'urine, sans qu'il y ait trace d'indol dans le contenu intestinal.
Dans une autre série de F. Rosenfeld {04), 31 lapins sur 36, à tous les stades de l'ali-
mentation et du jeune, ne donnèrent pas d'indol; 5 seulement en avaient de petites
quantités dans le contenu intestinal.
Ces insuccès dans la recherche ont été attribués à des insuffisances de technique.
A, ELLiNGER(05 6)a trouvé l'indol 3 fois sur 4 dans le contenu intestinal du lapin à jeun;
1 fois seulement, la réaction du nitrosoindol était douteuse. Cl. Gautier et Gh. Hervieux
(07c, 07 d) ont, de leur côté, trouvé toujours l'indol, même après 30 jours déjeune ; il est
vrai que leurs recherches étaient faites avec la paradiméthylaminobenzaldéhyde, réactif
sujet à caution, comme nous l'avons vu, à cause de l'urobilinogène. Mais la présence
de l'indol au cours du jeûne n'en est pas moins démonti'ée par le nitrosoindol, non
seulement pour le chien et le chat (Fr. Mûller), mais aussi pour le lapin (A. Ellinger).
D'ailleurs, cette question a beaucoup perdu de son intérêt depuis que E. Salkowski
(08) a démontré que, si l'indoxyle est difficile à déceler dans l'urine du lapin nourri
(sans doute à cause de substances gênantes), il n'y existe pas moins réellement, ainsi
qu'on peut s'en assurer en faisant un extrait alcoolique. Nous ajouterons enfin qu'à
notre avis la question n'a jamais eu aucune espèce d'importance, pour d'autres raisons
qu'on verra plus loin.
On peut extraire l'indol des excréments, où il est toujours accompagné par du
skatol, ainsi que nous le verrons plus loin. On délaye les fèces dans 1 fois 1/3 leur
poiiJs d'eau; on ajoute 1/20 d'acide acétique, et on distille. On additionne le distillât
d'un alcali, pour fixer les phénols qui pourraient se trouver présents, et on distille de
nouveau; dans le second distillât, on précipite l'indol et le skatol par l'acide picrique,
après addition d'acide chlorhydrique. Le précipité de picrates est distillé avec de l'am-
moniaque; on extrait l'indol et le skatol du distillât en agitant plusieurs fois avec de
l'éther, et on évapore l'extrait éthéré. Le l'ésidu, renfermant l'indol et le skatol, est dis-
sous dans très peu d'alcool absolu, et additionné de 8 à 10 volumes d'eau ; le skatol est
précipité, et non l'indol. Leur séparation complète et leur purification peuvent être
réalisées par cristallisation fractionnée des picrates (L. Buiegeh, 78).
En outre de sa présence dans l'intestin, l'indol a été signalé dans l'estomac
(H. Strauss, 96). Cet indol était dû, paraît-il, au développement d'un Bactcrium coll. La
tlore microbienne de l'estomac a été étudiée par A. Coyon (00), qui a isolé un grand
nombre de microrganismes; mais aucun ne produisait de l'indol.
Étant donné que l'indol se forme constamment dans le traclus intestinal, étant
142 INDOL.
donné qu'une partie au moins s'élimine par riuiiie sous forme d'indoxyle, on devait
s'attendre à rencontrer l'indol dans le sang, et notamment dans le territoire de la
veine porte. Gu. Hervieux {Oib} l'a en effet trouvé chez l'une et le cheval par la para-
diméthylaminobenzaldéhyde, avec des précautions particulières : avec le sang de la
veine colique on a des réactions immédiates et très nettes; dans les veines mésa-
raïques la réaction est tardive; dans la veine cave postérieure et la carotide, la réac-
tion est beaucoup moins nette et moins rapide que dans le sang avant son arrivée au
foie.
Enfin, la décomposition bactérienne des albuminoïdes ne se fait pas seulement dans
l'intestin, mais aussi en d'autres milieux tels que les foyers purulents. Gu. Porcher {08 b,
08 c) a étudie' le pus eu entraînant par la vapeur d'eau, puis caractérisant l'indol soit
par la p. diraéthylaminobenzaldéhyde, soit par H-0- qui le transforme en indoxyle et
en indigotino. Sur 25 pus provenant d'animaux divers (cheval, vache, porc, chèvre,
chien), la recherche de l'indol a été positive 9 fois, douteuse 3 fois, négative 13 fois. Le
pus ne contient donc pas toujours de l'indol, mais seulement sans doute en présence de
certaines espèces bactériennes; la quantité d'indol est, d'ailleurs, toujours très
faible.
H° — L'indol est un des constituants naturels de l'essence de jasmin, où sa proportion
atteint environ 2 1/2 p. iOO (A. Hesse, 99), sans d'ailleurs nuire en rien à la fraîcheur
du parfum, au contraire. 11 s'agit de l'essence extiaile de la pommade au jasmin pré-
parée par enlleurage; au contraire, le produit de la distillation des lleurs fraîches
A. Hesse {00, 01), ou des fleurs après séjour de vingt-quatre heures dans un espace
clos (A. Hesse, 01), ou encore des fleurs résiduaires retirées de l'enfleurage (A. Hesse,
01), ne contient point d'indol. A. Hesse pense donc (04) que l'indol se produit, au cours
de l'entleurage, par la décomposition, peut-être enzymatique, d'une combinaison gluco-
sidique ou autre contenue dans la Heur : l'indol passe à mesure dans la graisse.
L'essence de fleurs d'oranger contient aussi un peu d'indol (A. Hesse, 99).
12° — Nous verrons que le skatol a été extrait (W. R. Du.nsta.x, 89} du bois du Celtis
reticulosa, qui possède une odeur fécaloïde intense : d'après G. -A. Herter {09), qui a
confirmé cette découverte, ce skatol serait accompagné d'indol.
13° — Signalons enfin, sans vouloir en rechercher le mécanisme, ce fait qu'en dis-
tillant les goudrons de mélasses, J. Boes [92) a obtenu une fraction passant de 200° à 260°,
qui, débarrassée des composés acides et distillée à la vapeur d'eau, donne, à côté de
bases volatiles, de très petites quantités d'indol.
B. Formation de l'i-ndol par création du noyau indolique. — Indépendamment
des circonstances où il s'isole de ses dérivés, l'indol prend naissance dans toute une
série de réactions dont la plupart mettent en jeu un noyau benzénique muni des chaî-
nons latéraux nécessaires à la création du noyau pyrroiifiue greffé sur le benzène.
Par exemple, on constate (A. Baever et H. Garo, 77 a) la formation d'indol en faisant
passer des vapeurs d'éthylanitine dans des tubes chauffés au rouge, où elles subissent
une simple déshydrogé nation :
CH3 CH
CGH5s^^CH2 m— y C6Ht<^~^CH
AzH AzH
Éthylaniline. Indol.
G'est une propriété commune à diverses anilines sul)stituées, ou orthotoluidines
alkylées {diéthylorthotoluidine), tandis que les paratoluidines ne donnent pas d'indol
(Â. Baever et H. Garo, 77 6). G'est par un mécanisme du même genre que l'indol se
forme par cyclisation latérale de l' éthylénephény lamine et de ses polymères (M. Prud-
homme, 77).
Un autre exemple nous est fourni par Vorthoaminochlorostyrolène, qui, chauffé à 160°-
170° avec l'éthylate de sodium, ferme son noyau (A. Lipp, 8i) :
CH^CHCl CH=CH
C6HK +C-2H3.0Na = NaCl-i-C2H-\OHH-C6H'< /
\AzH2 \AzH
O. aminochlorostyrolène. Indol.
INDOL. 143
On a publié un grand nombre de synthèses de ce genre, mais nous n'insisterons pas
«ur ces réactions. A la différence des modes de formation du premier groupe, qui pré-
sentent un grand intérêt biologique, en ce sens qu'ils reposent sur la dégradation de
produits naturels, les synthèses du deuxième groupe n'ont qu'un intérêt éloigné pour la
physiologie. Car jusqu'à présent l'organisme animal, chez l'homme et les animaux
supérieurs au moins, ne paraît pas jouir du pouvoir de créer le noyau indolique, sauf
en un cas particulier, la réduction de l'acide orthonitrophénylpropiolique en indoxyie,
que nous verrons plus loin. D'autre part, si les végétaux possèdent évidemment le
pouvoir de créer le noyau indolique lors de la synthèse des matières albuminoïdes,
qu'ils transmettent aux animaux, nous ignorons encore le mécanisme de cette syn-
thèse.
Aussi nous contenterons-nous d'énumérer simplement, outre les exemples déjà
choisis, la réduction de VorthonitrophcnyIacétaldchijde{A. Baeyer etO. R. Jackson, SO) ou
de l'acide orthonilrocinnamiqiie (A. Raeyer et A. Emmerling, 69), et même de Vacide
métanitrocinnamique (Beilstein et Kuhlberg, 72 a, 72 b), la calcination du phénylglyco-
colle avec le formiate de calcium et un excès de chaux (J. Mauthner et W. Suida, 89 a,
89 b), la condensation de l'aniline avec la monochlor aldéhyde (J. Berlinerblau, 87) ou
l'éther bichloré (J. Berlinerblau et H. Polikiev, 87).
Nous y joindrons la décomposition pyrogénée du chlorhydrate de Vorthodiaminostil-
tène (J. Thiele et 0. Dimroth, 93), la calcination des sels de Zn ou Ba de l'acide ortho-
toluidyloxalique (J. Mauthner et W. Suida, 86), le chauffage de la tartranilide avec ZnCl^
(H. Polikiev, 91), la distillation de l'acide nitropropénylbenzoïqiie avec un grand excès de
•chaux (0. WiDMANN, 82), le chauffage de l'acide orthobenzoylaminocinnamique avec HGl
fumant (G. Walter, 92), la calcination de la ciimidine (M. Fileti, 83).
Une méthode de synthèse tout à fait générale, qui permet de préparer avec d'excel-
lents rendements une série très nombreuse de dérivés de l'indol, biologiques ou non,
•est celle de E. Fischer et 0. Hess {8i), qui consiste à chauffer avec ZnGI- les phényl-
hy<lrazones des aldéhydes ou des cétones : en partant de la phénylhydmzone de Vacétal-
déhydc, on obtient l'indol lui-même (E. Fischer, 86b). De nombreux homologues ou
dérivés ont été préparés, en appliquant le même principe, soit par E. Fischer [86 a,
S6 b, 86 c) lui-même, soit par d'autres auteurs : J. Degen (86), A. Roder [86),
A. Schlieper [86), S. Hegel (86), etc.
L'indol peut encore se former, grâce à des remaniements moléculaires, aux dépens
-d'autres noyaux que le benzène : la réduction de la binitronaphtaline en fournit des
traces (A. Baeyer et A. Emmerling, 70); on en obtient des quantités importantes en
traitant le pyrrol lui-même par H-SO'* et HGl, puis ajoutant un excès d'alcali et distillant
•à la vapeur d'eau (M. Dennstedt, 88) ; la distillation potassique de la strychnine en donne
un peu (H. Goldschmidt, 82).
Une réaction fort intéressante est la formation de l'indol aux dépens de certains
dérivés quinoléiques, qui perdent l'un des chaînons carbonés de leur cycle azoté, par
oi!i Ton retombe d'un cycle hexagonal sur un cycle pentagonal, c'est-à-dire de la qui-
noléine sur l'indol. Ainsi la fusion du Cdrbostyrile avec la potasse (Morgan, 77), la dis-
tillation de l'acide acridique avec la chaux (G. Grœbe et H. Garo, 80), la distillation de
Vacide leucolique en présence de glycérine (J. Dewar, 77), fournissent de l'indol. La
tétrahydroquinoline perd à haute température une molécule de méthane en formant
de l'indol (L. Hofmann et W. Kônigs, 83).
Si nous attirons l'attention sur ce passage de la série quinoléique à la série indolique
par élimination d'un chaînon carboné du noyau, c'est parce qu'il représente précisé-
ment l'inverse d'une curieuse propriété que possède l'organisme animal. L'organisme
du chien, en particulier, peut incorporer un carbone latéral au noyau indolique,
créant ainsi un corps quinoléique : nous le verrons à propos de la transformation du
tryptophane en acide kynurénique.
C. Propriétés de rindol. — L'indol cristallise en larges feuillets incolores, bril-
lants, fondant à ;)2''5 et se prenant en masse par le refroidissement. Bien qu'assez vola-
til, il ne peut être distillé à sec sans décomposition ; la volatilisation partielle a lieu vers
2d3''-2'ô4" corr. ((i. Giamician et G. Zatti, 89). La vapeur d'eau l'entraîne facilement, on
peut l'extraire du distillât par agitation avec de l'éther. L'indol est assez soluble dans
t44 INDOL.
l'eau cluiiule, d'où il se sépare par refroidissement sous forme de gouttelettes, puis de
feuillets très larges. Il est soluble dans l'alcool, l'éther, le chloroforme, et les hydrocar-
bures.
l/indol possède des propriétés faiblement basiques, et forme avec l'acide chlorhy-
drique concentré une combinaison difiicilement soluble dans l'eau, qui se décompose
en régénérant l'indol sous l'action des alcalis ou par simple ébullition dans l'eau. Les
acides résinifient facilement l'indol.
L'eau de chlore donne avec l'indol une coloration roue^e.
Lorsqu'on verse dans une solution aqueuse d'indol (à 1 : 1000) de l'acide nitrique
pur, exempt d'acide nitreux, il ne se produit qu'un trouble blanchâtre, qui se dépose
peu à peu en un préripité blanc bleuâtre (E. Salkowski et H. Salkowski, 84). Mais si
l'acide contient un peu de iiitrite ou de vapeurs nitrouses, il se produit aussitôt une colo-
ration rouge, puis un précipité rouge cristallin de nitrate de nitrosoindol OHV^\zO)\z-.
HAzO^ (A. Baeveu, 69; M. Nent.ki, 75 a). Le précipité recueilli et desséché sur Il-SO*
peut être redissous dans l'alcool absolu et reprécipité par l'éther. Le nitrate de
nitrosoindol constitue des aiguilles rouges microscopiques qui se dissolvent très peu
dans l'eau et dans l'éther, pas du tout dans l'acide nitrique étendu, facilement dans
l'alcool. Le nitrate de nitrosoindol est soluble dans les alcalis; la solution se décompose
à l'ébullition, elle est décolorée par les réducteurs. Si l'on traite le nitrate par la soude
causti(iue et ensuite par HCI, le chlorhydrate de nitrosoindol se précipite d'une manière
fort irrégulière, en llocons amorphes ronges. Le nitrosoindol libre est très instable, il
détone fréquemment par chauflage (M.Nencki, 75 a). Les llocons rouge-cerise de nitroso-
indol sont un peu solubles dans les alcools mélhylique, élhylique, amylique : lu solu-
tion n'est pas franchement pourpre, mais plutôt chamois. Le chloroforme et l'éther en
dissolvent beaucoup moins et deviennent seulement roses ; le sulfure de carbone n'en
dissout pas du lout(KKUKENBEKG, 88). Le nitrosoindol en solution montre au spectroscope
une bande d'absorplion, mal délinie, entre 6 et F. (Krukenberg, Si). Le nitrosoindol,
en solution alcoolique étendue de son volume d'eau, chautïé avec un peu de soude et de
la poudre de zinc, se décolore; le liquide liltré refuend à l'air une coloration bleue
intense (E. Salkowski, 85). La formation du nitrosoindol constitue une réacti(m très
sensible de l'indol; nous y reviendrons plus loin.
L'indol donne, comme les aldéhydes, un composé d'addition avec le bisulfite de
sodium ; c'est ainsi que A. Hesse (99) l'a découvert dans l'essence de jasmin. Il suffit
d'agiter l'indol en solution éthérée avec une solution de bisulfite dans l'eau alcoolisée :
il se forme un précipité qu'on peut obtenir en feuillets blancs par cristallisation dans
l'alcool méthylique. Traitée par les carbonates alcalins ou l'ammoniaque, la combinaison
régénère l'indol.
Vacide chromique donne avec la solution aqueuse d'indol un précipité brun-violet
foncé, complètement insoluble dans l'éther, le chloroforme et le benzène, soluble dans
l'alcool et dans IlCl concentré, avec coloration verte (C. Engler et Janecke, 76 b).
Le chlorure ferrique donne avec l'indol une poudre verte, non volatile, soluble en
brun dans l'aniline (A. Ladenburg, 77).
Lorsqu'on traite une solution aqueuse ou alcoolique d'indol par un excès d'une
solution également aqueuse ou alcoolique de chlorure mercurique, on précipite tout
l'indol sous forme d'une combinaison blanche : cette réaction est signalée parCn. Her-
viEL'x {08) comme la plus sensible des réactions de précipitation de l'indol.
En versant une solution alcoolique d'indol dans une solution alcoolique tiède de
trinitrohenzène symétrique [V . van Romburgh,9o), on obtient en belles aiguilles jaune d'or
la combinaison C*H"Az.C®H^(AzO^)^, fondant à 187°. Cette réaction n'est pas très sensible.
L'indol forme avec l'acide picrique un picrate d'indol G^H'Az, C^H-'(AzO-)^0, cristal-
lisé en longues aiguilles rouges très brillantes, très difficilement solubles dans l'eau,
difficilement solubles dans le benzène froid, facilement solubles à chaud, presque
insolubles dans la ligroïne (A. Bae/er, 79 b). La distillation du picrate en présence
d'ammoniaque étendue libère facilement l'indol; mais, si la distillation se fait en pré-
sence de soude caustique, l'indol est décomposé.
En solution alcaline, l'indol se combine facilement avec le t -2-napJitoquinone-i-
monosulfonate de sodium; la combinaison résulte de 2 molécules d'indol pour 1 de naphto-
INDOL. 145
quinonesulfonate, et doit être un diiudylnaphtocélonemonosulfonate. Ce corps cristallin
bleu, peu soluble dans l'eau, se dissout dans environ 4 000 parties de chloroforme qu'il
colore en rose, et peut être enlevé parce dissolvant à sa solution aqueuse (C. A. Hekteb
et M. L. FosTER, 05, 06 a, 06 b). L'ammoniaque gône la réaction (E. Gorter et W. C. de
Graafi^, 08). Nous reviendrons sur ce composé à piopos des réactions de l'indol.
Si à une solution d'indol dans le nitrobenzène on ajoute un peu de oL-dinitrophénan-
thrènequlnone, qu'on chauffe jusqu'à dissolution et qu'on laisse refroidir peu à peu, on
obtient une combinaison cristallisée (H. Behrens, 00). On peut faire la réaction sur un
porte-objet de microscope; on chasse l'eau-mère fortement colorée, par une goutte de
xylène, puis d'alcool isobutylique ; la combinaison de l'indol apparaît sous forme de
rhombes bruns.
Avec le chloranile, l'indol donne de la même façon des prismes couleur chocolat,
doués d'un dichroïsme allant jusqu'au noir (H. Behrens, 00).
En présence des acides minéraux, HCl par exemple, l'indol se condense facilement
avec une foule de corps à fonction aldéhydique ou cétonique, ou encore d'acides complexes
capables de réagir par un groupement GO. La plupart de ces combinaisons étant douées
d'un pouvoir colorant très intense, nous allons les retrouver en étudiant les réactions
de l'indol.
L'indol, mis en suspension dans l'eau où passe un courant d'air chargé d'ozone,
est oxydé partiellement en indigotine (M. Nencki, 76" a), la majeure partie se transfor-
mant en corps bruns et rouges d'aspect résineux. En présence de l'eau oxygénée à
100 volumes, l'indol est oxydé assez rapidement, surtout à chaud, en indoxyle, puis en
indigotine et indirubine, et même en isatine (Ch. Porcher, 08 a, 09 b). L'action des per-
sulfates alcalins est beaucoup plus brutale, et il se forme surtout des « bruns d'in-
digo » encore mal connus. L'action oxydante de la quinone se rapproche de celle des
persulfates : il y a formation d'indirubine et de substances brunes (Ch. Porcher, 09 b).
Les échantillons d'indol décrits par les auteurs possèdent généralement une odeur
fécaloïde caractéristique, qu'ils soient extraits directement des fèces (L. Brieger, 78),
qu'ils proviennent de l'albumine par fusion potassique (W. Kûhne, 73) ou par putré-
faction bactérienne, (M. Nencki et F. Masson, 74-), ou qu'ils soient même préparés par
réduction de l'indigo végétal (A. Baeyer, 66 a, 66 b). Mais il se pourrait fort bien que cette
odeur sui generis n'appartînt pas à l'indol lui-même, qu'elle dût être attribuée à un
autre corps peut-être voisin de l'indol et l'accompagnant avec une remarquable téna-
cité. Plus récemment, lorsque A. Hesse (99) rencontra 2 1/2 p. 100 d'indol dans l'essence
de jasmin, il en fut d'abord très surpris. Mais il constata que, lorsque l'indol est purifié
aussi parfaitement que possible, quelle que soit son origine, même putréfactive et
fécale, il possède une odeur très fraîche donnant un caractère particulièrement
agréable aux parfums qu'il accompagne à petite dose. Depuis lors, l'industrie des par-
fums synthétiques fait une sérieuse consommation d'indol.
On verra d'autre part que le skatol obtenu dans la réduction de l'indigo végétal ne
possède pas, lui non plus, l'odeur particulière du skatol extrait des matières fécales,
bien qu'aucun autre caractère ne permette de l'en différencier (A. Baeyer, 80 b).
Il faut donc reconnaître que nous ne sommes pas encore en possession de toute la
véi.cé sur ce point. L'odeur des fèces, attribuée autrefois à la naphtylamine, et mise
aujourd'hui couramment sur le compte de l'indol et du skatol, est peut-être due à une
autre substance différente de ces corps, mais qui serait vraisemblablement parente de
l'indol, puisqu'elle l'accompagiiei-ait non seulement dans les fèces, mais encore dans les
produits de fusion alcaline des matières albuminoïdes, et même dans les produits de
réduction de l'indigo (?).
L'indol (comme son homologue le skatol) passe souvent pour être l'un des poisons
intestinaux : selon certains auteurs l'intoxication par l'indol serait fort intéressante à
connaître dans ses détails, à cause de la grande production d'indol dans le tube diges-
tif en certaines circonstances (M. Jaffé, 72 a, 72 b; H. Senator, 77). Cette opinion sur
la toxicité de l'indol est peut-être exagérée. M. Nencki (7ô' a) a administré au chien
1 gramme d'indol sans observer aucun phénomène toxique; il est vrai que le même
chien ne put supporter plus tard une dose de 2 grammes en vingt-quatre heures et
mourut avec diarrhée violente et hématurie (M. Ne.ncki, 76' a). E. Bauma.nn et L. Brieger
DICT. DE PHYSIOLOGIE. — T. IX. 10
146 INDOL.
(7.9 6) firent ingérer à un gros chien 18 grammes d'indol en l'espace de I» jours, et
L. Brieger (77, 7<S) administra à un autre chien 7 grammes de skatol en deux jours,
sans phénomènes toxiques.
D'après A. Christiani {78), l'ingestion de Ogr. 07 d'indol n'incommode en rien une
poule. Les grenouilles (d'été) absorbent l'indol par la peau et présentent, de même
qu'après l'injection sous-culanée, des phéiiomt^nes d'intoxication analogues ;i ceux
que donne le phénol.
A. RoviGHi [96 j a constaté que l'indol et le skatol ont une action analogue : torpeur,
somnolence, parésie générale, faiblesse cardiaque avec abaissement de température,
rétention de l'urine et des fèces. Pour le lapin, la dose mortelle de l'un ou l'autre poi-
son est de 1, 5-2 grammes, injectés sous la peau en l'espace de quarante-huit heures;
pour le cobaye, de 1 gramme environ injecté en un jour par doses de 0,1 gramme. Après
la première injection, l'animal devient plus sensible au poison, comme s'il n'avait plus
le pouvoir de le transformer et de l'éliminer. Le foie des animaux morts d'intoxication
aiguë présente une forte congestion dans les territoires porte et sus-hépatique. Dans
l'intoxication chronique, notamment par l'indol, on trouve une infiltration lympho-
cytaire autour des voies biliaires et dans les espaces intercellulaires; les reins niontrent
un peu de réplétion vasculaire.
De son côté, R. Caporali {9S) trouve que l'indol produit dans le foie des modifica-
tions vasculaires et parenchymateuses importantes; et, dans les infeclions consécutives
qui peuvent survenir, les lésions sont d'autant plus graves que se sont produits d'abord
ces phénomènes d'intoxication (expériences sur le lapin).
E. Wang [99 b) a donné à une chienne de taille moyenne des quantités voisines du
gramme pendant 3 jours consécutifs; avec une dose de 1 gramme apparurent des
symptômes d'intoxication avec albumine et sang dans l'urine. Dans les expériences
de C. A. Herter [98), un lapin mourut après avoir reçu 40 centimètres cubes de solution
à 0,1 p. 100 : faiblesse des battements cardiaques et de la respiration, contraction
pupillaire, convulsions oloniques, exagération des réllexes, mort par paralysie car-
diaque. Des lapins de 1 170 grammes et 1480 grammes recevant quotidiennementOgr. 01
d'indol sous la peau, moururent au bout de 13 et 22 jours après avoir perdu 21 p. iOO
et 37 p. 100 de leur poids : à l'autopsie, congestion et dégénérescence du foie. Un singe
de 1400 grammes reçut pendant 2 mois Xy milligrammes par jour, sans effet. Par voie
intestinale, l'indol est moins toxique. Des hommes reçurent des doses allant de Ogr. 025
à 2 grammes, après le repas : les petites doses produisent une sensation de lourdeur et
une légère céphalée frontale ; 0 gr. a déterminèrent une fois colique et diarrhée; à plus
forte dose, il y a fatigue accentuée, incapacité au travail intellectuel; à la dose maxima,
somnolence.
Ch. Hekvieux (07 a, 08) expérimentant sur le chien, la chèvre, la poule, lecanard»
non seulement l'indol, mais aussi le skatol, le méthylkétol ia mélhylindol), le diméthyl-
indol X ,':;, le triméthylindol, le ) éthylindol, déclare qu'aucun de ces corps ne saurait
être considéré comme vraiment toxique. Ainsi une chienne a supporté, sans aucun phé-
nomène, l'ingestion de 34 grammes d'indol en 9 jours. La susceptibilité peut cependant
varier; car, un mois plus tard, le même animal recevant 9 grammes en 4 jours présenta
de violentes hématuries; un peu plus tard la cliienne a reçu 12 grammes en "> jours bans
troubles généraux, ni albuminuiie, ni hématurie. Ch. Hervieux fait observer que de
telles doses sont infiniment supérieures à la production intestinale de l'indol.
Cependant B. Daxilewsky (08 6 a montré que l'indol agit sur le cœur de la grenouille
et celui des animaux à sang chaud, à faibles doses (jusqu'à 0,01 p. 100), en renforçant
la hauteur des systoles et en accélérant leur succession. A fortes doses (0,1-0,15 p. 100)
il a une action paralysante, tandis que la hauteur des systoles et leur fréquence est
diminuée jusqu'à paralysie finale. L'auteur admet que l'action est exercée directement
sur le muscle cardiaque. Sur lesinfusoires, les vers, les cyclopes, les daphnies, les larves
de mouches, les embryons d'hélix, l'indol a une action paralysante. Sur l'intestin de gre-
nouille il exerce une action excitante à petites doses, paralysante à fortes doses. Chez la
grenouille entière l'indol produit des crampes et une élévation de l'excitabilité réflexe.
Lorsqu'on reporte à temps les objets dans des solutions indifférentes, on peut arrêter les
phénomènes d'intoxication.
INDOL. 147
Il semble que les tissus de l'organisme aient le pouvoir de faire disparaître l'indol
ou de le retenir par combinaison; car, si l'on met en contact une solution d'indol et une
bouillie d'organes, de foie surtout, on ne peut plus retrouver l'indol à la distillation.
L'intoxication préalable de l'organisme par l'éther, le chloroforme, ou les protéines
de staphylocoques diminuent cette propriété ; la morphine l'exalte (C. A. Hehter et
A. J. Wakeman, 99). F. Rosenfeld (0-1) a constaté de même que l'indol, ajouté aux organes
à des doses de l'ordre de celles dont on s'occupe en physiologie, ne peut plus être décelé.
L'indol introduit dans le corps, soit par résorption intestinale, soit par voie sous-
cutanée ou même veineuse, est, en grande partie du moins, transformé par l'organisme
en indoxyle, et éliminé par l'urine sous forme d'indoxyle conjugué. La réalité du phé-
nomène est établie, depuis la découverte de l'indol, par de nombreux expérimentateurs :
nous y reviendrons à propos des Origines de Vindoxyle.
D. Réactions de Tindol. — Les combinaisons que forme l'indol avec l'acide nitreux,
le chlorure mercurique, le trinitrobenzène symétrique, l'acide picrique, le 1-2-naphto-
quinone-4-monosulfonate de sodium, la a-dinitrophénanthrènequinone,etle chloranile,
de même que sa transformation en indigotine par l'eau oxygénée, peuvent servir à
caractériser l'indol dans des circonstances appropriées. On se reportera à ce que nous
en avons dit à la rubrique Propriétés de Vindol.
Nous ne reviendrons, pour donner des détails de technique, que sur la réaction du
nitrosoindol et sur celle au naphtoquinonesulfonate de sodium qui rentre dans le
groupe des corps à fonction CO. Nous avons donc à énumérer les réactions colorées
suivantes :
1° Réaction du nitrosoindol. — E. Salkowski et H. Salkowski [84] recommandent
d'ajouter à la solution, d'abord quelques gouttes d'acide nitrique, puis goutte à goutte
une solution de nitrite de potassium à 2 p. 100 : la réaction est encore nette avec une
solution d'indol à 1 : 10 000. On peut rendre la réaction encore plus sensible en rassem-
blant la couleur par agitation avec an peu d'alcool amylique (L. Feltz, 99; A. Coyon, 00).
Dans certains cas (lorsque la culture fabrique des nitrites), cas du Prnteus vulgaris, par
exemple, on se contente d'ajouter seulement HCl, et on facilite la réaction en chauf-
fant (L. Feltz, 99).
D'après F. Rosenfeld (04), la réaction du nitrosoindol peut se faire encore directement
à la dilution de 1 : 200000, et cà 1 : 1000000 ou 1 : 1200000 si on rassemble la cou-
leur à l'alcool amylique. On arrive (H. Ury, 05) à obtenir une nitrosoréaction encore
faiblement positive pour une teneur en indol de 1 : 400 000. Enfin M. Nonnotte et
R, Démanche [03) ajoutant, à 20 centimètres cubes de culture, 1 centimètre cube d'une
solution de « nitrate de potasse » [nitrite?] à 1 p. 1000, et VIII gouttes d'acide sulfu-
rique concentré, puis portant à l'ébullition, arrivent jusqu'à la dilution 1 : 1000000 en
regardant le tube transversalement, et 1 : 4 000 000 en le i^egardant suivant l'axe,
2° Réaction de Légal. — La solution aqueuse d'indol, additionnée d'un peu d'une
solution fraîche de nitroprussiate de sodium jusqu'à coloration jaunâtre, puis de
quelques gouttes de soude caustique, développe une coloration violette intense, que
l'acidification par HCl, ou mieux par l'acide acétique, fait virer au bleu cobalt (E. Légal,
83). Cette réaction est encore très nette avec des solutions d'indol à 1 : 10 000. Les
détails de la réaction et les spectres des couleurs formées ont été étudiés par R. Hemala
{88). Bêla de BtTTO (92) sensibilise encore la réaction en faisant arriver l'acide acétique
au fond du tube par une pipette effilée : à la zone de séparation apparaît un anneau
bleu-vert foncé.
D'après F. Rosenfeld (04) la réaction de Légal échoue complètement pour une dilution
1 : 100 000. Cependant G. Denigès {08 b) pense qu'en opérant convenablement on peut
déceler l'indol à une teneur de 1 : 1 000 000. Mais la réaction de Légal n'a pas un carac-
tère bien spécifique.
3*^ Réactions avec les aldéhydes. — L'indol donne une coloration rouge-violet avec la
formaldchi/de et H^SO^ concentré, sensible jusqu'à 1 : 600 000 (K. Konto, 06; S. Cuttita,
07 ar, avec Vacide glyoxyliqiic et H-SO^ concentré, une coloration rouge pourpre (F. G.
HoPKiNs et S. W. CoLE, 01 a; V. Blumenthal, 09); avec le glucose et KOH, puis HCl, une
coloration brune (J. Gnezda, 09).
Avec le Curfarol, en présence de IICI, on obtient une belle coloration jaune orangé
148 INDOL.
ou rouge orangé (C. Fleig, 08 a, 08 b; J. Escallon et A. Sicre, 08 ; A. Sicre, 09). A l'in-
tensité près, la même réaction est donnée par les sucres capables de fournir du furl'urol,
comme le xijlose, Varabinose, le rhamtiose, le glucose, le galactose, le fructose, le sorbose,
le maltose, le lactose, le saccharose, le mélézitose, le raffinose ; elle est faible avec le man-
nose. Avec Vinuline, les dextrines, l'amidon, le glycogène, la cellulose, Vacide gUjcuro-
nique, les pectines, Vacide pectique, \es gommes, les glucasides, le résultat est positif; au
contraire il est négatif avec les sucres purement alcooliques, excepté la mannite
(C. Fleig, 08 b).
Avec la benzaldéhyde et H^SO* légèrement ferrique, l'indol donne une coloration
brun-rouge (C. Reicul, 90); avec la p. nitrobenzaldéhyde et IICI, une coloration rouge
s'accentuanl par la chaleur et devenant d'un beau groseille par une trace de nitrite,
sensible jusqu'à 1 : 2000000 ou 1 : 3000 000 (F. Blumentual, 09); avec ï aldéhyde cin~
namique et HCI, une coloration jaune plus ou moins foncée, sensible encore à 1 : 10 000000
(G. Demgès, 08 a, 08 d; F. Bll'menthal, 09). Avec l'aldéhyde anisique et H^SOS on a une
coloration jaune-rouge (C. Reichl, 90). La vanilline donne avec l'indol une l)elle colo-
ration rouge, soit par H^SO* (G. Reichl, 90), soit par HCI, sensible à 1 : 10 000 000 (G. De-
NiGÈs, 08 a, 08 d; G. Buaud, 08; F. Blumenthal, 09). L'héliotropine (pipéronal) en présence
de HCI doiuie une coloration rouge orange, visible jusqu'à 1 : b 000 000 (F. Blumenthal,
09). Arec Valdéhyde protocatéchique, on a une coloration rouge orangé, passant au
jaune par un peu de nitrite, visible jusqu'à 1 : 5 000 000 (F. Blumenthal, 09j. Avec le
safrol, coloration vert-jaune qui devient bientôt rouge-jaune, visible jusqu'à 1 : 500 000
(F. Blumenthal, 09). Avec Veugénol, belle coloration rose passant au rouge-brun par
addition de nitrite, visible jusqu'à 1 : 1 000 000 (F. Blumenthal, 09).
Mais la plus usitée des réactions de l'indol avec les aldéhydes, est la belle coloration
rouge qu'il fournit en se condensant, sous l'influence de HCI, avec la paradiméthytamino-
benzaldéhyde (P. Ehulich, 01). Ce réactif s'emploie originellement en solution alcoolique.
A. Bôhme {Oo) conseille la technique suivante : — 1° Sol. A : p. diméthylaminobonzal-
déhyde, 4 gr. ; alcool à 96°, 380 ce. ; HCI concentré, 80 ce. — 2" Sol. H : persulfate de
K en solution aqueuse saturée. — A environ 10 ce. du liquide à étudier, ajouter
b ce. de la solution A, puis 5 ce. de la solution B ; agiter, rassembler la couleur par
l'alcool ainylique : très net à 1 : 1000 000. F. Rosenfeld (04) reconnaît aussi la réaclion
comme particulièrement sensible. E. Gorter et W. C. de Graaff {08) évaluent sa sensi-
bilité à 1: 10 000 000. On peut aussi, avec avantage, faire passer l'indol en solution
benzénique pour le caractériser (Cl. Gautier et Ch. Hervieux, 07 a, 07 b, 08). En pareil
cas, G. Uenigès {08 b) conseille d'ajouter, à 10 ce. de solution benzénique, 2 ou 3 gouttes
seulement d'une solution alcoolique de p. dimélhylaminobenzaldéhyde à 5 p. 100, puis
1 à 2 ce. de HCI pur : en présence d'indol la couche acide se colore en jaune plus ou
moins foncé ; par addition d'alcool et agitation, la teinte passe au rouge carmin ou vio-
lacé. La couleur rouge présente, dans la région jaune-vert du spectre, deux bandes
d'absorption d'inégale intensité (P. Ehrlich, 01). Sous une épaisseur convenable, on ne
verrait cependant, dans le cas de l'indol bien exempt de skalol, qu'une bande entre
X = 582et X = o43. (Proscher, 01).
L'indol se condense avec Visatine, sous l'action de H-SO^, en développant une couleur
rouge carmin intense (G. Ciamician et C. Zatti, 89); avec Valloxane, sous l'action de
H-SO*, en donnant une coloration vert-émeraude assez peu stable.
Nous avons déjà vu la combinaison de l'indol avec le l-2.-naphtoquinonemonosulf ouate
de sodium (C. A. Herter et M. L. Foster, 03, 06 a, 06 b). La sensibilité de la réaction, par
extraction au chloroforme (rose), peut aller jusqu'à 1 : 8 000 000 quand on a soin de
n'ajouter ni trop de réactif, ni trop de potasse (E. Gorter et W. C. de Graaff, 08). Mais
l'ammoniaque gêne la réaction : il faut d'abord alcaliniser les fèces bien délayées et
distiller à la vapeur d'eau, puis redistiller avec un peu de H^SO^ les eaux de condensa-
tion, ajouter au nouveau distillât une dizaine de gouttes de solution à 2 p. 100 du réactif
et quelques gouttes de potasse à 10 p. 100, attendre une dizaine de minutes, extraire
au chloroforme tant qu'il se colore en rose ; on peut doser par voie colorimélrique
(E. Gorter et W. C. de Graaff, 08).
La présence des corps aldéhydiques dans le bois des conifères explique sans doute
la réaction du copeau de sapin. Lorsqu'on trempe ce copeau dans une solution aqueuse
INDOL. 149
ou alcoolique d'indol, même très étendue, additionnée de IlCl, il prend en peu de ten)p3
une coloration rouge cerise (A. Baeyer, 69; Niggl, 81 ; G. Crisafulli, 95). On sait que
dans les mêmes conditions le pyrrol donne au bois la coloi-ation rouge feu à laquelle il
doit son nom; le skatol et le carbazol (0. Mattirolo, 83) donnent comme l'indol une
coloration rouge cerise. On ne sait pas exactement quelle interprétation donner à ces
réactions, pas plus qu'aux colorations du même genre que donne le bois avec les divers
phénols. E. Nickel (<S'7, 89, 90), puis ïh. Seliwa.now (.99), ont montré que ces réactions
ne reposent pas sur la présence, dans le bois, de coniférine comme le voulaient F. ïie-
MAXN et W. Haaruann (74), E. Tangl (74), F. v. Hôhnel (77).; ni de vanilline, comme
l'affirmait M. Singer [82) ; ni d'aldéhyde cinnamique ou de traces d'eugénol, de safrol ou
d'anéthol, comme le pensait A. Ihl [89 a, 89 6, 91). Elles ne sont pas davantage pro-
duites par le furfurol, comme le voulait L. v. Udransky [88 a, 88 b); ni par la « gomme
de bois », comme le pensaient E. W. Allen et B. Tollens (.90). Aucun pentose ou pon-
tosane ne donne ces réactions à froid (E. W. Allen et B. Tollens, 90) ni en présence
d'un acide chlorhydrique moyennement concentré qui suffit pour les réactions du bois
(Fr. Czapeck, 99).
Enfin des corps qui ne possèdent pas de fonctions aldéhydiques ou cétoniques
peuvent aussi donner des colorations avec l'indol, peut-être parce qu'au cours des
décompositions ils deviennent susceptibles de réagir suivant le même type. Ainsi Valcool
allyliqiie, en présence de MCI, donne avec l'indol une coloration rouge intense (G. Deni-
GÈs, 08 a); le benzile, chaulfé avec H-SO'^ et l'indol, fournit une couleur brun-jaune
(G. Ciamician etc. Zatti, 89).
L'acide oxalique, fondu avec une trace d'indol, fournit un sublimé et une masse
fondue d'un pourpre magnifique. Dans les mêmes conditions, les acides malonique,
succinique et glutarique ne donnent qu'un rouge faible; les acides phtalique, isophta-
lique et téréphtalique, un faible violet (J. Gnezda, 99). La réaction de l'acide oxalique,
très sensible et spécifique, a été appliquée à la recherche de l'indol dans les cultures
bactériennes (E. Morelli, 08, 09) sous la forme d'une bandelette de [papier imbibée
d'acide oxalique, suspendue au-dessus de la culture, et que viennent colorer en rouge
les vapeurs d'indol qui se dégagent. Cette réaction a le précieux avantage de s'exécuter
sur des milieux même solides, et sans toucher en rien à la culture.
Pour l'exécution de toutes ces réactions, on fera bien de se reporter aux précautions
décrites dans les mémoires originaux. Celles qui nous paraissent les plus recomman-
dables, outre la réaction du nitrosoindol qui reste en tête, sinon par l'extrême sensibi-
lité, du moins par la garantie de spécificité, sont les réactions à la p. diméthylamino-
benzaldéhyde, au naphtoquinonesulfonate, et à l'acide oxalique. On n'oubliera jamais
de faire un essai à blanc sur les véhicules d'extraction : G. Denigès (08 c) a signalé dans
les benzènes, toluènes et xylènes commerciaux des substances capables d'agir sur l'indol ;
inversement il pourrait s'en trouver qui soient capables d'agir sur les aldéhydes. Nous
signalerons, comme particulièrement sujet à caution, l'alcool amylique.
E. Dosage de l'indol. — Le dosage de l'indol par pesée, après extraction en nature,
ou après formation des combinaisons peu solubles, picrate ou autres, n'a guère été
étudié jusqu'ici. Il n'aurait guère d'intérêt en physiologie, où on n'a à travailler que
sur des quantités excessivement minimes.
En revanche les réactions colorées, d'une intensité remarquable, peuvent se prêter
à l'évaluation colorimétrique. On a proposé d'utiliser dans ce but le nitrosoindol (W. v.
MoRACzwESKi, 08 a), les réactions à la p. diméthylaminobenzaldéhyde (A. Schmidt, 03;
R. Baumstargk, 03, Oi ; M. Einhorn et R. Huebner, Oi), au naphtoquinonesulfonate
(C. A. Herter et m. L. Foster, 03, 06 a, 06b;E. Gorter et W. C. de Graaff, 08), à l'aldé-
hyde cinnamique et à la vanilline (G. Denigès, 08 a). Pour les détails, voiries mémoires
originaux.
C — OH
B. — INDOXYLE C«Hi<f^CH
AzH
Parmi les dérivés oxygénés de l'indol, Vindoxyle (ou |i-oxyindol) présente pour la
physiologie un intérêt tout particulier, parce qu'il est le générateur de deux matières
150 ^ INDOL.
colorantes remarquables, dont l'apparition dans le domaine biologique et notamment
chez l'homme, a maintes fois intrigué physiologistes et médecins.
A. Formation de Tindoxyle. — Nous examinerons successivement la libération
de Tindoxyle des composés qui le contiennent déjà préformé à l'état d'indol oxygéné,
puis la formation de l'indoxyle, soit par oxydation de l'indol, soit par réduction de
corps plus oxygénés que lui-même.
1° — L'indoxyle prend naissance lors du dédoublement hydrolytique de ses com-
posés naturels de structure analogue à celle des éthers, composés parmi lesquels nous
étudierons tout à l'heure Vacide indoxylsulf'nrique, Vacide indoxyUjhicuroniquc, et Vindl-
can (indoxylglucoside) :
C — 0.S020H C — OH
C6H*<^^CH + H^O = C6H*<['^CH + HO.SO^.OH
AzH AzH
Ac. indoxylsulfuriquo. Indoxyle. Ac. siilfurique.
CHO
C-0(C*H^03)( C-OH --H0
C6H< /CH + H^O = C0H<^CH + (CHOH)<
\/ \/ \(:00H
AzH AzH
Ac. indoxylgiycuronique. Indo^vle. Ac. glycuronique.
C — 0 — CfiH"05 C — OH
C«H*<^^CH +H20 = C6H*<^^CH + C6H>206
AzH AzH
Indican. ladoxylo. Glucose.
Nous verrons que l'acide indoxylsulfurique toujours, et l'acide indoxylgiycuronique
parfois, existent dans l'urine de l'homme et des Mammifères; lindicau est assez
répandu chez les végétaux, notamment chez les Légumineuses du genre Indiçfofera, où
il est le générateur de l'indigo des teinturiers. La décomposition de ces différents corps,
avec mise en liberté de l'indoxyle, est plus ou moins facile. L'acide indoxylsulfurifjue
exige pour son dédoublement l'action des acides étendus et chauds, ou concentrés si
l'on opère à froid; l'acide indoxylgiycuronique est beau'^oup plus fragile et les bactéries
le dédoublent très facilement; lindioan, très sensible à l'action des alcalis, est dédoublé
par certaines enzymes des plantes à indigo, plus ou moins analogues à l'éniulsine.
L'indoxyle a été découvert précisément lors du dédoublement de l'acide indoxylsul-
furique de l'urine (E. Bauman.n et L. Brieuer, 79 6).
2» — L'indoxyle prend encore naissance par scission directe de l'acide indoxyhar-
bonique, qui lorsqu'on le chauffe un peu au-dessus de son point de fusion, ou mieux
encore lorsqu'on le fait bouillir avec de l'eau, se dédouble en CO' et indoxyle
(A. B.\.EVER, 8f):
C-OH C — OH
C6H*<^^C — COOH = C02 + C6H*<^^CH
AzH AzH
Ac. indoxylcarboniquc. Indoxyle.
L'acide indoxylcarboniquc s'obtient d'ailleurs par diverses voies synthétiques.
A. Baeyer {8-I) l'a découvert en partant de l'orthonitrophénylpropiolate d'éthijle, qui en
présence de H^ SO*^ concentré s'isomérise, à froid déjà, en isatogénate d'éthyle; à son
lour ce dernier corps est transformé par les réducteurs en indoxykarbonate d'éthyle :
C CO C — OH
C6H4<^"^C-COO.C2H8 m^-^ C6Hi^^C — COO.C2H3 «_^ C6Ht<^^C — COO.C2H3
Az02 Az — 6 AzH
O. nitrophénylpropiolate d'éthyle. Isatogénate d'éthyle. Indoxylcarbonate d'éthyle.
Pour obtenir l'acide indoxylcarbonique lui-même, on introduit lentement son
éther éthylique dans 4 fois son poids de XaOH additionnée d'un peu d'eau et portée à
INDOL. 151
175°-180° (A. Baeyer, 81). Pendant le refroidissement de la masse fondue, on ajoute
de l'eau jusqu'à consistance de bouillie claire, puis on verse un grand excès de H-SO*
dilué fortement refroidi, d'où l'acide indoxylcarbonique se sépare sous forme d'une
poudre blanche, qu'on recueille et qu'on lave avec une grande quantité d'eau froide.
(C. FORUER, 84).
Celte synthèse de l'acide indoxylcarbonique et de l'indoxyle à partir de l'acide
0. nitrophénylpropiolique avait pour but la fabrication industrielle de l'indigotine,
car nous verrons qu'on obtient celle-ci avec la plus grande facilité par l'oxydation
directe et ménagée de l'indoxyle. Le procédé de A. Baeyer à l'acide o. nitrophénylpro-
piolique est le premier qui ait reçu une application, très limitée d'ailleurs.
Depuis lors a été inventé toute une série de procédés qui passent souvent par
l'intermédiaire de l'acide indoxylcarbonique, puis de l'indoxyle, quo l'oxydation directe
transforme ensuite en indigotine. Dans l'industrie on ne sépare pas les phases, et on
recueille seulement l'indigotine, but de la préparation ; mais il suffit de prendre les
précautions voulues (exclusion de l'air) pour éviter l'oxydation finale et isoler, si l'on
veut, l'indoxyle lui-même.
Le type de ces synthèses est le procédé de K. Heumann {90 b) au phénylglycocoUe
orthocarboxylé {acide phcnylglycineorthocarbonique). Fondu avec des alcalis caustiques,
ce corps se transforme en acide indoxylcarbonique et en indoxyle :
COOH C — OH C — OH
C6H^<^^CH2 — COOH m—>- C6H'-<^'^C — COOH m—> C6H4<^^CH
AzH AzH AzH
Ac. phénylglycine-o. -carbonique. Ac. indoxylcarbonique. Indoxyle.
On prend 1 partie de phénylglycocoUe orthocarboxylé, 3 parties de potasse caustique,
et 1 partie d'eau, qu'on chauffe en agitant continuellement. On fait la fusion à l'abri
de l'air et on l'arrête à 200" quand le produit a une coloration jaune citron; dans ces
conditions il contient surtout de l'indoxylcarbonate et de l'indoxylate de K. On peut
extraire l'indoxyle en neutralisant par CO^ et épuisant par l'éther. En ce qui concerne
l'acide indoxylcarbonique, il suffit de le précipiter en traitant par un acide minéral
étendu la solution aqueuse du produit de fusion : l'acide indoxylcarbonique peut être
ensuite transformé en indoxyle par l'ébullition. Dans l'industrie, où il s'agit d'obtenir
l'indigotine, on oxyde par un courant d'air la solution du produit de fusion alcaline
(Badische Anilin- und Sodafabrick, 96).
3° — Pour les mêmes raisons, nous n'insisterons pas davantage sur une série
nombreuse de réactions qui, sans passer par l'intermédiaire de l'acide indoxylcarbo-
nique, fournissent directement l'indoxyle (puis l'indigotine). Citons seulement la
réduction de l'o. nitroacétophénone (A. Emmerling et C. Engler, 70; C. Engler, 96) ou de
l'o. amidoacétophénone {Badische Anilin- und Sodafabrik, 83 a, 83 b; A. Baeyer et
F. Bloem, 84), des acides o. amidophénylacétique (A. Baeyer, 78 b), o. nitrocinnamique,
0. nitrophénylchlorolactique, o. nitrophényloxy acrylique (A. Baeyer, 80 a), de l'o. Jini-
trodiphényldiacctyléne (A. Baeyer, 82 a); la réduction d'un mélange de o. nitroberi'
zaldéhyde et d'acefone, ou de l'o. nitr'ophényllactylméthylcétone, de l'o. nitrocinnamylmé-
thylcétone, de l'acide o. nitrocinnamylformique (A. Baeyer et V. Drewsen, 82). Mentionnons
encore la synthèse par fusion potassique de la monobromacétanilide (W. Flimm, 90) ou
d'un mélange d'aniline et d'acide monochloracé tique (A. Biedermann et R. Lepetit, 90),
ou de Vacide éthylènedianthraniiique (J. Franrel et K. Spiro, 96).
Ici encore, on peut prendre comme exemple de ces réactions le premier procédé
de K. Heumann {90 a, 90 c, 91), qui consistait dans la fusion alcaline du simple phényl-
glycocoUe, non carboxylé, réaction qui sans l'intermédiaire de l'acide indoxylcarbo-
nique fournit directement l'indoxyle, mais avec de mauvais rendements :
CO.OH
C — OH
C6H'-^^CH2 «„.->
C6H*<^^CH
AzH
AzH
'hénylglycocollo
Indoxyle.
15-2 INDOL.
40 — Parmi ces synthèses de Tindoxyle au moyen des corps benzéniques à chaînes
latérales convenablement choisies pour former l'anneau pyrrolique, nous accorderons
une mention spéciale à la réduction de Vacide orthonitrophénijlpropioliquc, dont nous
avons déjà paillé à propos de la formation de l'indoxyle par l'intermédiaire de l'acide
indoxylcarbonique. La solution dans un alcali étendu, soumise à l'ébullition en pré-
sence d'un réducteur organique tel que le glucose, fournit un abondant précipité
d'indigotine (A. Baeyer, 80 a). Il est possible qu'il y ait d'abord réduction jusqu'au
stade indoxyle.
En tout cas, l'organisme accomplit cette réduction de l'acide orthonilrophénylpro-
piolique (ou plutôt de son sel de Na) en indoxyle :
C C-OH
5<^''^C — COOH — 0 + 2H = C02 + C6H*<^^CH
Az02 AzH
G. Hoppe-Sevler [82, 83 a) a trouvé que, si ce corps est toxique pour le lapin en injec-
tion sous-cutanée, comme l'avait vu Ehrlich (8i) et si une dose de 1 *>'', 2') à is', 50 par
cette voie tue l'animal en quelques minutes, il n'en est plus de même si on passe par
la voie digeslive. Le lapin supporte pendant quelque temps l'ingestion journalière de
1 à 3 grammes d'acide 0. nitrophénylpropiolique dissous à la faveur de Na2C0^ et
cela sans autres phénomènes qu'un amaigrissement progressif et un peu de torpeur.
Le chien est beaucoup plus sensible que le lapin (albuminurie, hémoglobinurie, glu-
cosurie, mort), ce qui tient à son caractère de Carnivore, car il en est de même chez
le lapin devenu auto-carnivore par jeûne.
Un lapin peut transformer par jour 2 à 3 grammes d'acide o. nitrophénylpropio-
lique, dont la majeure partie passe à l'état d'indoxyle. Cet indoxyle est excrété par
l'urine, sous forme d'acide indoxylsulfurique pour une bonne part ; cette synthèse
d'acide indoxylsulfurique a pour effet d'augmenter considérablement le chiffre de
l'acide sulfurique éliminé sous forme délhers, tandis que l'élimination de H-SO* à l'état
de sulfates minéraux diminue jusqu'à devenir nulle. En même temps apparaît aussi
de l'acide indoxylglycuronique, qui représente l'excès d'indoxyle par rapport aux
disponibilités de l'économie en acide sulfurique. L'urine des animaux est réductrice et
active sur la lumière polarisée, non seulement par la présence du glucose, mais aussi
par celle de l'acide indoxylglycuronique. On a utilisé avec avantage l'administration de
l'acide 0. nitrophénylpropiolique au lapin pour enrichir l'urine de cet animal en
acide indoxylsulfurique en vue de la préparation de ce chromogène (G. IIoppe-Seyler,
82, 83a; L. C. Maillard, 03 f; Ch. Hervieux, OS).
A côté des chromogènes indoxyliques, il se forme aussi des substances étrangères,
de coloration brunâtre, incomplètement étudiées. Ch. Porcher et Ch. Hervieux {03 c) ont
constaté chez le lapin, l'âne et le chien que si, au lieu d'être donné par la bouche,
l'acide 0. nitrophénylpropiolique est injecté sous la peau, l'urine possède la propriété
de fournir de l'indigotine par chauffage avec de la soude et du glucose : ils affirment
pour cette raison qu'une partie de l'acide passe en nature dans les urines 1?). En tout
cas, la transformation de l'acide 0. nitrophénylpropiolique en indoxyle n'est pas inté-
grale : une notable partie suit d'autres destinées. Contrairement à leur attente, Ch. Por-
cher et Ch. Hervieux {03 c) n'ont pu déterminer, par l'administration simultanée d'hypo-
sulfite ou de pyrosulfate, ni une augmentation de l'acide indoxylsulfurique, ni une
diminution de la toxicité.
Étant données les relations de l'acide orthonitrophénylpropiolique avec Vacide
orthonitrocinnamique, G. Hoppe-Seyler {83 b] a cherché si ce dernier ne fournirait pas,
lui aussi, de l'indoxyle dans l'organisme. Des dosesjournalières allant jusqu'à 4 grammes,
mêlées à la nourriture des chiens, n'ont jamais augmenté l'indoxyle urinaire.
L'urine n'était pas réductrice et ne donnait pas de déviation au polarimètre. Elle
était seulement un peu plus foncée que d'habitude et renfermait un acide cristallisé,
soluble dans l'éther, qui n'était pas l'acide benzoïque et n'a pu être étudié faute de
matériel suffisant.
L'acide orthoamidocinnamique, à la dose de 3 grammes par jour chez le chien, n'a
INDOL. 153
provoqué non plus aucune augmentation de l'indoxyle urinaire ni aucune variation
dans le rapport de l'acide sulfurique conjugué à l'acide sulfurique préformé. Ici encore
l'urine, optiquement inactive, et non réductrice, renfermait un corps cristallisable
paraissant spécial, et qui n'a pu être déterminé.
Enfin Vorthonitrobenzakli'hyde, à la dose de 3 grammes, n'a donné chez le chien
aucune variation de l'indoxyle ou de l'acide sulfurique urinaires, bien que, suivant la
découverte de A. B.eyer et V. Drewsen (82) l'orthonitrobenzaldéhyde, en présence de
l'acétone et d'un alcali, donne de l'indigo. Et on sait que l'organisme fabrique de
l'acétone ou des corps voisins. Même avec la précaution de faire ingérer simultané-
ment à l'animal 4 grammes d'acétone, G. Hoppe-Seyleu (85 6) n'a pu constater la
moindre formation d'indoxyle.
De même, ïacide phcnylglycineorthocarbonique, si avantageux pour la préparation
industrielle de l'indoxyle, ne se transforme pas en indoxyle dans l'économie du chien
ou du lapin (J. E. Thesen, 97). Un lapin a ingéré pendant longtemps des doses journa-
lières de 2 à 4 grammes d'acide phénylglycine-o. -carbonique, dissous par Na-CO'', sans
se trouver incommodé, et sans excréter par l'urine ni albumine ni sucre. Mais la
réaction de l'indoxyle dans l'urine n'était pas plus intense, et la quantité de H^'SO''^ sous
forme d'éthers n'était pas augmentée. En revanche l'urine évaporée, puis fondue avec
KOH, donnai! par addition d'eau et action de l'air une grande quantité d'indigo; en
épuisant par l'alcool l'urine évaporée, chassant l'alcool, acidifiant par II-SO^ et épuisant
par l'éther, on retrouvait des cristaux d'acide phénylglycine-o-carbonique. Celui-ci
passe donc en nature dans l'urine du lapin.
Il en est de même chez le chien. Un petit chien supporte sans aucuns symptômes
particuliers des doses journalières répétées de 4 grammes. L'urine ne renferme ni
albumine ni sucre; on y retrouve de l'acide phényiglycine-o-carbonique inaltéré
(J. E. Thesen, 97).
La phényiglycine elle-même est au contraire toxique : Oe',50 tuent en 4 heures un
gros lapin, et la plus forte dose qu'il puisse supporter plusieurs jours d© suite est
OS', 10. 11 suffit de i gramme pour rendre malade un chien de moyenne taille (ano-
rexie, vomissements, somnolence) : on ne voit apparaître cependant chez le chien ou
le lapin ni albumine ni sucre. Mais la réaction de l'indoxyle n'est pas plus intense, et
la quantité de H-SO'* éliminée sous forme d'éthers n'est pas augmentée.
Parmi les générateurs de l'indoxyle employés in vitro pour les synthèses de
l'indigo et qui ne renferment pas préformé le noyau indolique, l'acide o. nitrophényl-
propiolique est donc le seul capable de se transformer en indoxyle dans l'organisme
des Mammifères.
5° — Lorsqu'on exécute la fusion de Vindigotine avec KOH, il se produit, non pas de
l'indigo blanc comme le croyaient Gerhardt et les anciens auteurs, mais bien de
l'indoxyle (K. Heumann et F. Bachofex, 93; Hentschel, 99). Si l'action de l'alcali se
prolonge, l'indoxyle lui-même est attaqué : on obtient, comme on le sait depuis long-
temps (Fritsche, 4/), de l'acide anthranilique, et de l'aniline.
L'organisme animal n'est pas en état de ramener l'indigoliiie à l'état d'indoxyle.
M. Nencki et F. Masson (74) ont constaté chez un chien que l'ingestion de 2 grammes
d'indigotine pure cristallisée n'augmentait pas l'intensité de la réaction de l'indoxyle
dans l'urine : en recueillant les fèces on pouvait en récupérer, par un traitement conve-
nable, l^^OO d'indigotine sur les 2 grammes employés. L'indigotine n'est donc ni
absorbée en nature, ni réduite, dans le tube digestif du chien.
Cependant E. Baumanm et F. Tiemann {80) ont remarqué que, si l'on donne à des
lapins, mélangé à leurs aliments, de l'indigo finement pulvérisé, on obtient une urine
qui, en présence de HCl, laisse déposer de l'indigo. Si au contraire on répète l'expé-
l'ience sur des chiens, on n'obtient aucune augmentation de l'indigo urinaire; mais si
au lieu de faire ingérer à ces animaux de l'indigo pulvérisé, on leur envoie dans l'esto-
mac de l'indigo blanc (produit d'hydrogénation de l'indigotine, soluble dans l'eau),
encore humide et emballé dans du papier pour le soustraire au contact de l'air, on
trouve alors une forte quantité de chromogène indigotique dans l'urine. L'indigotine,
insoluble dans tous les milieux aqueux de l'organisme, acides ou alcalins, n'est donc
pas absorbée par la muqueuse intestinale, tandis que le leucodérivé soluble est absorbé
154 INDOL.
puiséliininésous formedechromogene.il faut donc penser que chez les lapins qui parais-
sent absorber Tindigotine, celle-ci a été d'abord réduite en leucodérivé par Thydrogène
naissant produit dans les fermentations bactériennes de l'intestin. Ainsi s'expliquerait la
différence entre herbivores et carnivores, dont la flore intestinale n'est pas la même.
E. Baumann et F. Tiemann [SO) n'ont pu décider si le chromogène indigotique ainsi
éliminé était un dérivé de l'indoxyle, ou au contraire de l'indigo blanc lui-même : ils
pencheraient plutôt pour la seconde hypothèse. D'ailleurs, k leur avis, l'indigo blanc
absorbé par la muqueuse du lapin ne serait certainement pas transformé tout entier
en indoxyle; car lorsque après un certain temps de ce régime les animaux meurent après
albuminurie et phénomènes de paralysie, on trouve dans leurs reins d'abondants dépôts
d'indigotine. N'ayant jamais vu ce phénomène se produire après l'ingestion d'indol,
bien que l'urine soit très riche en indoxyle, les auteurs pensent que cette indigotine
doit provenir d'une oxydation directe du.leucodérivé, sans passage intermédiaire par
l'indoxyle. Mais lorsque nous aurons exposé, à propos de l'indigurie, ce que l'on sait
aujourd'hui de l'acide indoxylglycuronique et de sa grande fragilité, on comprendra
que ces dépôts d'indigo dans le rein pourraient aussi bien être attribués à l'acide
indoxylglycuronique. Nous ne pouvons donc rien conclure des expériences de E. Bau-
mann et F. Tiemann (SO) sur le point de savoir si l'indigo blanc reste à cet état ou passe
à l'état d'indoxyle.
Dans une note plus récente, H. Labbk et G. Vitrv(07 c) affirment que l'administra-
tion au lapin, soit de l'indigotine, soit du carmin d'indigo (acide iudigotinesulfonique),
n'a déterminé dans l'urine aucun passage de chromogène indigotique. C'est possible,
car les phénomènes réducteurs de l'intestin soit évidemment variables suivant la flore
bactérienne variable elle-même.
Cependant l'organisme animal paraît capable de réduire en indoxyle Visatine (pro-
duit d'oxydation de l'indigotine et de l'indirubine) :
CO C — OH
C6H*<^^C0 m^-^ C6H*<^^CH
AzH AzH
Isatine. Imloxyle.
Effectivement R. Niggeler {74\ à l'instigation de M. Nencki {74\ après avoir fait ingé-
rer, soit ta l'homme, soit au chien, 2 grammes d'isatine, recueillait une urine où l'addi-
tion à chaud de HCl fort développait une intense coloration rouge, de plus en plus foncée,
aboutissant après plusieurs heures à un dépôt rouge noirâtre. Insoluble dans l'eau,
soluble dans l'alcool et dans l'acide acétique glacial, avec une belle couleur carmin,
sublimable, décolorée par les oxydants, cette substance devait être l'indirubine, comme
le pensait déjà M. Nencki {74), et comme nous le croyons aussi. Or nous verrons «[ue
toute urine soumise au traitement par HCl dans ces conditions fournit de l'indirubine
(L. C. Maillard, 03 f), provenant des chromogènes indoxyliques : l'abondance de l'in-
dirubine dans les expériences de R. Niggeler prouve que l'isatine avait fourni de l'in-
doxyle.
Il ne faut d'ailleurs pas s'étonner de voir l'isatine fournir ici de l'indoxyle, alors que
l'indigotine n'en fournit pas. Remarquons en effet que l'insolubilité de l'indigotine
doit être un très grave obstacle à son absorption, alors que l'isatine, soluble dans les
milieux légèrement alcalins tels que le liquide intestinal et le plasma sanguin, doit
être facilement absorbée, transportée, élaborée.
Au contraire l'ingestion du dioxindol, ainsi que de l'oxindol (a-oxyindol) ne paraît
pas donner lieu à la production d'indoxyle. F. Masson (74), chez le lapin, le chien et
l'homme,
CH.OH CH2
C«H*<^^CO C6Hi<^^C0
AzH AzH
DioxindoL Oxindol (a).
a bien obtenu des urines où le traitement par HCl développait certaines matières
rouges, mais ces substances ne paraissaient pas identiques à l'indirubine (M. Ne.ncri,
INDOL. 155
74), et les urines ne donnaient pas d'indigotine par l'action simultanée de IICl et d'un
iiypochlorite, ce qui eût été le cas si elles eussent renfermé en quantité notable un
chromogène indoxylique.
6" — L'indoxyle ne se forme pas seulement par fermeture d'un cycle pyrrolique
grelïé sur le benzène, ni par réduction de corps indoliques plus oxygénés tels que l'in-
digotine, Tindirubine ou l'isatine, mais aussi par oxydation directe de Vindol. Dès avant
la découverte de l'indoxyle, M. Nencki (75 a) obtenait de l'indigotine par action de
l'ozone sur l'indol : nous savons aujourd'hui que le stade indigotine était ici précédé
par le stade indoxyle. C'est sur cette réaction que reposent certains brevets industriels
pour la transformation de l'indol en indigotine, soit sous l'action de l'oxygène atmo-
sphérique «activé » par une substance appropriée telle que le sulfite ou le bisulfite de
sodium (Badische Anilin- und Sodafabrik, 02 a), soit sous l'action de l'acide monoper-
sulfurique de Caro {Badische Aniliti- und Sodnfabrik, 02 6).
Tout récemment, Gh. Porcher {08 a, 09 b) a repris en détail l'étude de l'oxydation
de l'indol par l'eau oxygénée, les persulfates alcalins ou la quinone. Le réactif le plus
favorable est H-0- en solution concentrée (perhydrol à 100 volumes) : la formation
immédiate et abondante de l'indoxyle a été mise en évidence très nettement par l'au-
teur ; l'action ultérieure de H^O' donne naissance à de l'indigotine et à des produits
bruns. La proportion de ceux-ci est plus forte avec les persulfates alcalins, et surtout
avec la quinone, qui a besoin pour agir du concours de la lumière.
1° — L'oxydation de l'indol en indoxyle, et par un mécanisme probablement très
comparable au précédent, est réalisée par l'organisme de l'homme et des animaux
supérieurs, que l'indol soit introduit par la voie des muqueuses digestives ou par
injection sous-cutanée. L'indoxyle ainsi produit est aussitôt combiné par l'organisme
à l'acide sulfurique et à l'acide glycuronique, si l'indoxyle est en excès ; il est alors
éliminé par le rein sous la forme d'acide indoxylsulfurique toujours, et d'acide indoxyl-
glycuronique éventuellement. Ce phénomène d'élimination après conjugaison sulfu-
rique ou glycuronique est absolument parallèle à celui qui se passe pour le phénol, le
paracrésol, et en général tous les corps phénoliques : cela se comprend, l'indoxyle
étant en somme un dérivé phénolique de l'indol :
/O.SO^.OH.i C-0.S02.0H
C6H4<; C6HK /CH
.4 Y
Ac. p. crésolsulfurique. Azn
Ac. indoxylsulfurique.
Nous verrons que les acides indoxylsulfurique et indoxylglycuronique, incolores
par eux-mêmes, sont les chromogènes générateurs d'une matière bleue, l'indigotine, et
d'une matière rouge, l'indirubine, de coloration très intense, qui se développent lors
•du traitement de l'urine par les acides accompagnés ou non d'oxydants, dans des con-
ditions que nous verrons plus loin. L'apparition ou l'augmentation de ces couleurs dans
l'urine ainsi traitée est donc le caractère qui permet de reconnaître la transformation
de l'indol en indoxyle dans l'organisme.
C'est M. Jaffk (70 a, 72 a) qui le premier injecta au lapin l'indol récemment décou-
vert par A. Baeyer {66 a, 66 b), et constata, sans d'ailleurs donner de chiffres, une forte
augmentation du chromogène indigotique et de l'indigotine dans l'urine. H en conclut
aussitôt qu'on devait chercher dans l'indol intestinal l'une au moins des origines du
chromogène naturel de l'urine. H. Fudakowski et T. Hering (74) observèrent de même
l'augmentation notable de l'indigotine fournie par l'urine après injection d'indol. F. Mas-
son (74), injectant à un lapin 0«'",0io3 d'indol, put extraire en nature Oe',0153 d'indigo-
tine de l'urine, soit environ le tiers du total, malgré les pertes à l'extraction. M. Ne.ncki
{75 a) obtint l'indigotine en grande quantité en traitant par HCl par un peu d'hypo-
■chlorite l'urine d'un chien qui avait ingéré 1 gramme d'indol ; l'animal ne supporta
plus 2 grammes d'indol et mourut de diarrhée violente et d'hématurie (M. Nencki, 76 a).
E. Baumann (76' a, 76 b) retrouva la môme augmentation du chromogène indigotique
en partant de l'indol administré au chien par voie sous-cutanée ou par voie digestive.
€'est par l'indol (20 grammes ingérés en 5 jours) que E. Baumann et L. Brieger (79 b) enri-
156 INDOL.
chirent artificiellement l'urine du chien chez lequel ils allaient découvrir l'acide indoxyl-
sulfurique et l'indoxyle lui-même; A. Christiani [78) venait de constater que la trans-
formation de l'indol en chromogène indigotique a lieu, non seulement chez le chien et
le lapin, mais aussi chez le poulet et la grenouille.
Depuis lors, cette notion est devenue banale. A. Rovighi {96) a retrouvé le phéno-
mène chez le lapin et le cobaye, C. A. Herter (98 a, 98 b) chez l'homme, le singe et le
lapin, E. Wang {99 b) chez le chien, P. Grosser {05) chez le lapin, Ch. Hervieux (04,
06, 07 b, 08), Ch. Porcher et Ch. Hervieux {06 b, 07 a) chez le chien, la chèvre, la poule,
le canard, Cl, Gautier {08, 09), Cl. Gautier et Ch. Hervieux (07 a, 07 b), Ch. Hkrvieux
{08) chez le lapin et la grenouille.
A en croire les plus anciens auteurs, une partie seulement de l'indol se transforme-
rait en indoxyle et pourrait être retrouvée sous forme d'indigotine et d'indirubine. Une
autre partie subirait une attaque plus avancée de la part de l'organisme. F. Masson
(74) ne retrouvait que le tiers environ de l'indol, E. Wang [99 b) la moitié, P. Grosser
{05) seulement 30 p. 100 dans le cas d'injection sous-cutanée et 16 p. 100 dans le cas
de l'ingestion. Mais les méthodes analytiques employées par ces auteurs comportaient
des pertes considérables ; avec la méthode de l'isatine chlorhydrique qui donne des
chiffres plus élevés (peut-être trop élevés"?) Ch. Hervieux (04 c) a retrouvé la presque
totalité de l'indol. D'autre pari, Cl. Gautier (OS) a montré qu'il suffit d'introduire dans
la veine porte d'un lapin une dose d'indol inférieure à 1 milligramme, pour constater
l'apparition de l'indoxyle dans l'urine. Il est donc certain que le noyau de l'indol est très
résistant vis-à-vis de l'organisme, et que la très majeure partie de l'indol est rejeté à
l'état d'indoxyle.
L'élimination urinaire de l'indoxyle après l'injection d'indol est rapide (F. Masson, 74 ;
Ch. Hervieux 04 c) : lorsqu'on fait l'injection directement dans la veine porte (Cl. Gau-
tier, OS), elle est presque immédiate. L'élimination persiste pendant des heures après
l'injection, sans qu'on sache encore si cette lenteur est relative à l'oxydation de l'indol
en indoxyle, à la conjugaison acide de celui-ci, ou à l'élimination rénale du conjugué.
Le fait que l'injection sous-cutanée d'indol aboutit, tout aussi bien que l'ingestion, à
la sécrétion d'indoxyle, prouve que le lieu de la transformation n'est ni la lumière de
l'intestin, ni la muqueuse intestinale. Une autre preuve en est dans le fait que la résec-
tion du gros intestin, ou du tube digestif tout entier, n'empêche pas la grenouille de
transformer en indoxyle l'indol qu'on lui injecte dans le sac lymphatique dorsal
(Cl. Gautier et Ce. Hervieux, 07 a, 01 b; Ch. Hervieux, 08). Au contraire, l'ablation du
foie, comme l'ont vu les mêmes auteurs, ne permet plus l'apparition dans l'urine, après
injection d'indol, que de traces insignifiantes d'indoxyle qu'il faut sans doute attri-
buer aux bribes de foie survivant à l'opération.
11 faut donc conclure que c'est au foie qu'appartient la faculté d'oxyder l'indol en
indoxyle. La rapidité avec laquelle l'indoxyle apparaît dans l'urine lorsqu'on injecte
l'indol dans la veine porte (Cl. Gautier, 08) vient corroborer cette conception. C'est
d'ailleurs également le foie qui doit conjuguer l'indoxyle à l'acide sulfurique ou à
l'acide glycuronique, ainsi que le fait est établi en ce qui concerne l'éthérification sul-
furique ou glycuronique du phénol et de ses homologue. On fera bien d'ailleurs, lors-
qu'on voudra se rendre un compte exact de ce qui concerne les destinées de l'indoxyle
dans l'économie, de se reporter pour comparaison aux travaux du même genre concer-
nant les phénols, notamment à ceux de E. Baumann (76 a, 76 b, 77, 18 a, 78 b, 79, 83,
86), E. Baumann et L. Brieger (75 a), E. Baumann et C. Preusse (7.9, 80), Auerbach
{79), E. Salkowski (76 b, 77), E. Salkowski et Leube {82,), L. Brieger {84), A.-E. Austin
(04), Embden {03), Van Leersum {03, 04).
Si l'indoxyle prend naissance (par oxydation de l'indol) dans le foie et s'éUmine
(sous forme combinée) par le rein, il est naturel de penser qu'on en trouvera des
traces dans le sang de la circulation générale. Cela semblerait résulter des anciennes
observations de Th. A. Carter {59) sur la présence de 1' « indican » dans le sang; mais
ces recherches remontent à une époque où la technique était bien défectueuse, et nous
ne savons le degré de créance qu'il convient de leur accorder. La recherche a été
reprise par Ch. Hervieux {04 a) sur le sang désalbuminé par une technique appropriée,
et qui, chauffé avec un peu d'isatine en présence de HCl, a donné très nettement des
INDOL. 157
traces d'indirubine (cheval, dne). Cette réaction peut C'ire considérée provisoirement
comme démontrant la présence de l'indoxyle, sauf quelques réserves que nous expo-
serons un peu plus loin.
B. Propriétés de l'indoxyle. — Lors de la découverte de l'indoxyle par dédou-
blement de l'acide indoxylsulfurique (E. Baumann et L. Brieger, 76 b), ce corps avait été
obtenu sous forme de gouttelettes huileuses brunâtres, se précipitant au seia de la solu-
tion aqueuse où l'indoxyle est peu soluble : huile instable, facilement résiniliable et
oxydable. Le liquide où se produit le dédoublement présente d'ailleurs une Iluores-
cence jaune verdàtre, qui appartient à l'indoxyle et se remarque, comme nous le ver-
rons, sur les urines indiguriques où a lieu la libération spontanée (en apparence) de
l'indoxyle (Ch. Hervieux, 08). Lors de sa synthèse par l'acide o. nitrophénylpropiolique,
A. Baeyer [81) avait retrouvé l'indoxyle sous la même forme d'huile brun verdàtre,
très altérable. Cependant D. Vorlander et B. Dreschek (02), remarquant que l'huile
se prenait partiellement en cristaux, réussirent à préparer l'indoxyle pur cristallisé.
L'acide indoxylcarbonique cristallisé (provenant de la fusion alcaline de l'acide phényl-
glycine-o-carbonique) est dissous dans 20 parties d'eau et placé dans un ballon que
traverse un courant de gaz d'éclairage pour éviter l'air; on chauffe à 70°-80% pour
dédoubler l'acide indoxylcarbonique. La solution jaune à fluorescence verte est filtrée
pour éliminer les parties résineuses indissoutes, et placée dans la glace : on obtient
de beaux cristaux jaune clair, en prismes aplatis, fondant à 83°. La couleur jaune des
cristaux, qui n'est pas altérée par recristallisation après contact avec le noir animal,
appartient réellement à l'indoxyle (D. Vorlander et B. Drescher, 02). L'indoxyle cris-
tallisé se dissout dans l'eau, l'alcool, l'éther, le chloroforme, l'acide acétique glacial, le
benzol, dans l'acétone avec une facilité particulière, très peu dans l'éther de pétrole.
La fluorescence verte de la solution aqueuse disparaît par un excès de HCl ou de KOH,
mais non de Na^CO^. L'indoxyle est à peine distillable dans le vide ; il se volatilise toute-
fois en partie sans décomposition lorsqu'on le chauffe seul ou avec de la vapeur d'eau
légèrement surchauffée (105"'-110''). Les vapeurs ont une odeur fécaloïde particulière qui
n'est pas identique à celle de l'indol ou du skatol.
E. Baumann et L. Brieger {79 b), E. Baumann et F. Tiemann (79 a) ont constaté que
l'indoxyle huileux obtenu dans la décomposition par HCl d'une solution d'indoxyl-
sulfate, s'altère rapidement. (( En peu de temps l'odeur fécaloïde disparaît, et les goutte-
lettes huileuses se transforment en une masse brune amorphe contenant plus ou moins
d'indigotine. Si l'on a exclu complètement l'accès de l'air, on ne trouve pas du tout
d'indigotine, mais seulement le produit de condensation amorphe, qui, insoluble dans
l'eau, se dissout avec coloration rouge dans l'alcool, l'éther, le chloroforme... Il n'est
attaqué qu'avec difficulté par les oxydants, et ceux-ci ne produisent pas d'indigotine. »
Pendant longtemps cette substance rouge a été distinguée, dansions les ouvrages, sous
le nom de Rouged'indaxyle, et considérée comme un corps particulier, produit de con-
densation de l'indoxyle. Nous verrons tout à l'heure qu'à la suite des travaux de
L. C. Maillard l'existence du « rouge d'indoxyle » en tant qu'individualité chimique
doit être rejetée : cette matière se compose, pour une part importante, d'indirubine,
associée à des « bruns d'indigo » encore mal connus.
Si on ne protège pas l'indoxyle contre l'accès de l'air, la matière brunâtre de trans-
formation renferme de l'indigoline. La présence de FeCP en milieu chlorhydrique favo-
rise l'oxydation en inditjotine, qui est pn-sque intégrale (E. Baumann et L. Brieger,
79 b; E. Baumann et F. Tiemann, 79 a). La solution alcaline de l'indoxyle, au contact de
l'air, laisse déposer rapidement un abondant dépôt d'indigotine (A. Baeyer, 81). Il est
donc parfaitement établi que le processus normal de naissance de l'indigotine est
l'oxydation directe de l'indoxyle, qui est le générateur universel de l'indigotine (E. Bau-
mann et F. Tiemann, 7.9 a, 79 b, 80), et cela malgré l'opposition passagère de A. Baeyer
(79 c), qui à l'exemple des anciens chimistes, E. Sciiunck en particulier, voulait voir
dans l'indigo blanc, leucodérivé réduit de l'indigotine, le générateur de l'indigotine,
mais ne tarda pas à réformer son opinion. Aujourd'hui nul n'ignore plus que tous les
chromogènes, animaux, végétaux, industriels, qui fournissent l'indigotine sont des
dérivés de l'indoxyle, et donnent l'indigotine par oxydation directe de cet indoxyle.
L'oxydation de l'indoxyle par l'oxygène de l'air est accélérée par une petite quantité
m I N D O L.
d'alcali, el entravt^e par un excès, suivant D. Vokla.nder (0/), qui a donné du pliéno-
lùène une explication théorique.
Comment se fait l'oxydation de Tindoxyle? E. Baumann et F. TiEmann, de même que
A. Baeyer et tous ses élèves, admettaient que l'oxydation directe et simultanée de
2 molécules d'indoxyle donnait 1 molécule d'indigoline à laquelle on attribuait la for-
mule de A. Baeyeu Tc^H^Uz-îO'- :
C — OH CO CO
2 C6H*<^~^CH + 20 = 2H20 + C6H*<^^C = C^'NceH*
AzH AzH AzH
Iinloxylo. Indigotino (A. Baeybr).
Quant à la substance rouge deR. Niggeler (7-î) et deM.NENCKi (7fi),le rouge d'indoxyle
de E. Balmann et L. Brieger [79 6), E. Baumann et F. ïiemann {79 a), on n'expliquait pas sa
nature. On n'expliquait pas davantage pourquoi l'indigo végétal des teinturiers, dérivé
de l'indoxylo des plantes, contient toujours, à ccMé du bleu d'indigo (indigotine), une
matière rouge : rou(je d'indiyo de Berzklils, indirubine de E. Scuunck. On n'expliquait
pas pourquoi les échantillons d'indigoline synthétique contenaient toujours bien qu'en
quantité parfois très minime)une substance rouge : hidigopurpurine de A. Baever [78 c).
C. Forrer 6'4) avait cependant montré l'identilé du rouge d'indigo de Berzélius, de
l'indirubine de E. ScHUNCK.et de l'indigopurpurine de -A. Baeyer; A. Baeyer {83) avait
assigné à ce corps unique, l'indirubine, une constitution, celle d'indogénide (3 de l'isa-
tine ; mais nous allons voir que celte constitution ne rend pas compte de tous les faits.
La question du mécanisme par lequel l'indoxyle se transforme en matières colo-
rantes a été entièrement reprise par L. C. Maillard [03 f), conduit à ces recherches par
la nécessité d'apporter l'ordre et la lumière dans l'histoire des matières colorantes de
l'urine humaine, histoire auparavant fort touffue et embrouillée, aujourd'hui fort
simple. Exécutées d'abord sur lurine humaine normale, ces recherches ont été éten-
dues aux solutions pures dindoxyisulfate de potassium, d'acide indoxylcarbonique
(L. C. Maillard, 03 f), et même h i'indican retiré de certains extraits d'Indigof'era
tinctoria spécialement préparés au Bengale (L. C. Maillard, inédit) ce qui confère à
leurs résultats une valeur générale.
L. C. Maillard (01) a montré tout d'abord qu'une même solution d'un chromogène
indoxylique fournit à volonté, suivant le traitement, une quantité égale d'indigotine
(bleue) ou de son isomère rouge, l'indirubine, dont l'identification a été faite avec toute
la précision désirable (L. C. Maillard, 03 f). L'expérience peut être répétée avec la
plus grande facilité : il suffit de prendre une urine humaine quelconque, de préférence
pas trop pauvre en chromogène indoxylique. D'une part on verse l'urine dans un tube
à essai, sur un peu moins de moitié de la hauteur, puis un volume égal de HCl pur
commercial, additionné d'une petite quantité d'un oxydant (quelques gouttes de chlo-
rure ferrique ou deau oxygénée), et on agite immédiatement avec 2-3 ce. de chloro-
forme : le chloroforme se colore en bleu ; il suffit de décanter l'urine, de la remplacer
par de la soude très étendue (0, 2-1 p. 100) et d'agiter de nouveau pour laver le chloro-
forme, on a une solution bleue d'indigotine. D'autre part on prend dans un autre tube
le même volume de la même urine, avec le même volume du même acide chlorhydrique,
mais sans oxydant, et on abandonne le tube jusqu'au lendemain (ou seulement
10-12 heures) en laissant à l'air le soin d'oxyder lentement Tindoxyle; c'est alors seu-
lement qu'on agile avec le chloroforme puis lave à la soude étendue : on obtient une
solution chloroformique rouge dindirubine. Suivant la durée du séjour en milieu chlor-
hydrique, on peut avoir toute la gamme des teintes violettes intermédiaires; la solu-
tion la plus bleue renferme toujours une trace d'indirubine, extractible par l'éther du
résidu de son évaporation; la solution rouge renferme souvent encore une trace d'in-
digotine.
Cette expérience prouve : 1°) que les deux couleurs ont la même origine et dérivent
du même chromogène; 2°) que leur chromogène étant le même, Tapparition de l'une ou
de l'autre dans l'urine, soit spontanément, soit à la suite de manipulations, ne possède
qu'ioie seule et unique signification physiologique et médicale ; 3°) que seule la somme de
INDOL. 159
ces deux corps a un intt'rôt physiologique, et que tout procédé d'analyse visant à
doser l'une en négligeant l'autre est à rejeter de toute technique physiologique; 4«)
qu'il est naturel de rencontrer presque toujours simultanément les deux couleurs, les
conditions de leur genèse pouvant d'ailleurs donner à l'une ou à l'autre une prépondé-
rance capdhle de varier de 0 à 100 p. 100; 5") que les deux couleurs sont des stades
parallèles et non successifs dans Véchellc des oxydations, ce qui éclaire, comme nous le
verrons tout à l'heure, la vraie nature (indiruhine) dos corps rouges de R. Niggeler (7-4),
M. Nencki {76 a), E. Baumann et L. Briegek (7.9 b), E. Baumann et F. Tiemann {79 a),
etc.; 6°) que seule, dans l'exemple cité, Vallure du processus d'oxydation détermine la
prépondérance de l'une ou de l'autre couleur : l'oxydation rapide donne du bleu,
l'oxydation lente donne du rouge. Ch. Porcher et Ch. Hervieux {03 a) se sont rangés à,
cette manière de voir.
En second lieu, L. C. Maillard {02, 03 f) montra que, non seulement l'indigo-
tine et l'indirubine dérivent d'un seul et même chromogène, l'indoxyle (conjugué), qui
peut les fournir à volonté suivant le traitement, mais encore que les deux couleurs
dérivent toutes deux, toujours à volonté, d'un seul et même troisième corps, instable
et transitoire, lui-même coloré. Ce corps n'est autre chose que la substance bleue qui
passe dans le chloroforme quand on épuise par ce dissolvant l'urine additionnée
d'acide fort et d'oxydant. Cette substance bleue passait jusqu'alors pour être l'indi-
gotine ; il suffit en efï'et d'évaporer le chloroforme pour trouver dans le résidu l'indi-
gotine parfaitement authentique, accompagnée il est vrai d'un peu d'indirubine qu'on
jugeait autrefois insignifiante, et dont la présence est au contraire, d'après L. C. Mail-
lard, un indice du plus grand intérêt.
Effectivement, si au lieu d'évaporer immédiatement la solution chloroformique
bleue, ou de la laver par un alcali très étendu, on l'abandonne à elle-même en milieu
acide, on ne tarde pas à voir sa teinte virer au violet, puis au rouge ; quelques heures
ou quelques jours, suivant les conditions de concentration, d'acidité, etc., suffisent
pour cette transformation, «à la température ordinaire (L. C. Maillard, 02). A la tem-
pérature d'ébullition du chloroforme (65°) la transformation est plus rapide, et il suffit
de quelques minutes pour remarquer nettement un ton violet dans la solution d'abord
bleue (L. C. Maillard, 03 f). Quand la solution chloroformique est devenue rouge, il
suffit de l'évaporer à sec (après l'avoir ou non lavée aux alcalis étendus, puis à l'eau) ;
l'élher versé sur le résidu le dissout intégralement, ou presque : toute la matière colo-
rante est transformée en indiruhine authentique. Or l'indigotine ne possède pas du
tout cette faculté de transformation ; soit sur l'indigotine diUndigofera, soit sur l'indi-
gotine de synthèse par l'acide o. nitrophénylpropiolique, soit sur l'indigotine de
synthèse par l'acide phénylglycine-o-carbonique, soit sur l'indigotine extraite de l'urine
humaine, mais ayant passé déjà par l'état solide, L. C. Maillard {03 f) n'a jamais pu
obtenir la transformation, malgré des essais nombreux et variés.
La substance bleue de la solution chloroformique est donc différente de Vindirjo-
tine.
De plus, dès que la solution chloroformique a été lavée aux alcalis, la substance
bleue qu'elle contient n'est plus capable de se transformer en indiruhine, même si ori
la replace en milieu acide, même par séjour prolongé et à température élevée. L'éva-
poration du chloroforme fournit l'indigotine classique, sans augmentation de la quan-
tité d'indirubine qui pouvait être présente au moment du lavage alcalin. Le lavage
alcalin fixe définitivement la couleur.
La substance bleue qu'extrait le chloroforme de l'urine acidifiée, n'est donc pas
identique à l'indigotine, mais en difîère par la curieuse propriété de se transformer,
soit rapidement en indigotine si le milieu devient alcalin, soit lentement en indiruhine
si le milieu reste acide. Cependant, comme elle dérive de l'indoxyle par oxydation
ménagée, et qu'elle donne naissance à l'indigotine ou à l'indirubine sans oxydation
nouvelle, sa composition centésimale doit être identique à celle de ces deux couleurs.
Enfin sa transformation spontanée en ces couleurs sous des influences très faibles
indique qu'elle doit en être voisine dans sa constitution. L. C. Maillard (02, 03 f) rend
compte de tous ces faits, ainsi que di' tous les autres observés jusqu'ici dans la genèse
des couleurs indoxyliques, en admettant qu'il existe entre le corps bleu transitoire et
160 INDOL.
les deux couleurs définitives des relations de polymérie, le corps instable et transi-
toire étant naturellement le polymère inférieur dont les deux corps stables sont des
condensations. Le corps bleu transitoire a reçu le nom de hémiindigo tine (L. C. Mail-
lard, 03 f).
La plus petite molécule possible étant C'^H'^Az^O'-', cette formule doit être, non pas
attribuée à l'indigotine, comme le faisait A. Baeyer, mais bien réservée à rhémiindiyo-
tine, dont L. C. Maillard (02, 03 f) représente la formation par oxydation directe et
simultanée de 2 molécules d'indoxyle avec union des 2 noyaux :
^-OH 0 HjO-C ^Q ^Q
C6H<^C-:H 0 Hi-cf>C6H* = C6H4^^ „/^ = ^\. „/^'^*
\/ - \/ ^AzH/ ^AzH'^
AzH AzH „^ .. ^. .
Indoxyle. Indoxyle. Hém.ind.got.ap.
L'hémiindigotine se polymérise ensuite en indigotine ou en indirubine, selon la
réaction du milieu. Si la réaction du milieu est alcaline, l'hémiindigotine se polymé-
rise presque instantanément en indigotine, deux de ses molécules unissant leurs clé-
ments en sens parallèles pour former une molécule d'indigotine :
CO CO.
C6H*< \c— ce >C6H*
\AzH/ ^AzIK
CO
CO
C6H*<^ ^C — c{ \C«H*
^AzR/ \AzH/
Indigotine.
Si la réaction est acide, Thémlindigotine se polymérise lentement en indirubine,
deux de ses molécules unissant leurs éléments en sens symétriques pour former une
molécule d' indirubine :
/AzHv .AzH.
C6HK )C — C( >C6H*
\co/ I \co/
CO
CO
C6Ui{ \c— c/ >C6H*
^AzR/ \AzH/
Indirubine.
L'indigotine et l'indirubine, polymères d'un corps C'H'^Az-O-, ne peuvent avoir
en effet, au minimum, qu'une molécule C^*H^"Az^O^. Or, d'une discussion très appro-
fondie à laquelle s'est livré L. C. Maillard (03 f) en étudiant toutes les possibilités
de structure dans l'espace, il résulte que le groupement de deux molécules d'hémiin-
digotine peut donner précisément 2 corps différents et 2 seulement. 11 y a accord com-
plet entre les faits et leur interprétation théorique.
Ajoutons que divers faits d'ordre physico-chimique (cryoscopiques, ébullioscopiques,
thermochimiques, etc.) viennent à l'appui de celte conception. Nous n'y insisterons pas
ici, non plus que sur l'intérêt de ces questions pour la chimie organique pure. Disons
seulement que, sinon cette théorie, du moins les faits qu'elle représente, sont d'un
intérêt très réel pour la physiologie, en expliquant l'apparition de telle couleur dans
telles circonstances : L. C. Maillard {03 f) en a tiré grand parti, comme nous le ver-
rons, pour reviser et simplifier dans une mesure considérable la nomenclature des
matières colorantes bleues ou rouges signalées dans l'urine par un grand nombre
d'auteurs.
Revenons par exemple, au « rouge d'indoxyle » obtenu par E. Baumann et L. Brieger
(79 b), et considéré autrefois comme une substance particulière. De l'avis même de
E. Bauma.nn et F. Tiemann [79 a), cette substance est sans doute identique avec un corps
précédemment obtenu par M. Nencki (76 a) dans l'urine d'un chien qui avait ingéré
de l'indol. Cette urine, qui sous l'action de HCl avec un peu d'hypochlorite,
fournissait abondamment du bleu d'indigo, donnait sous l'action de HCl seul une
INDOL. 161
couleur rouge-pourpro subliinable, où il est impossible, après les travaux de L. C. Mail-
lard, de ne pas reconnaître l'indirubine. A son tour, dans l'opinion de M. Nencki (76 a),
cette couleur était « très semblable, sinon identique » à celle que 11. Nic.geler (74) avait
retirée de l'urine par le môme procédé après ini^estiou d'isaline.On a vu que dans le
présent article nous avons nous-iiiéme accepté cette couleur comme étant l'indirubine
et comme traduisant la transformation de l'isatine en indoxyle dans l'économie : on
comprend maintenant nos raisons. Il suffit de lire les travaux de E. Baumann et L. Brik-
ger{79 b), E. Baumann et F, Tiemann (79 a) pour être certain que leur matière brune
amorphe était constituée, pour une part notable au moins, par de l'indirubine. L'inter-
vention de l'air dans leurs expériences n'était pas, en effet, réellement exclue comme
dans la préparation de l'indoxyle par D. Vorlànder et B. Drescher (0/, 02), mais seule-
ment limitée : il y avait assez d'oxygène pour l'oxydation lente de l'indoxyle.
Il faut cependant remarquer que ce « rouge d'indoxyle » peut contenir, à côté de
l'indirubine, d'autres substances encore. On a depuis longtemps constaté, dans l'indigo
végétal des teinturiers, la présence, non seulement du bleu d'indigo et du rouge d'indigo,
mais encore du « brun d'indigo », soluble dans l'alcool (Berzklius, 32). D'autre part, en
étudiant les produits du dédoublement de l'indican (impur) du pastel {Isatis tinctoria),
E. ScHUNCK {55, 58 a, 5S b, 58 c) avait décrit toute une série de matières brunes, indi-
fulvine V., indifulvine [i, indihumine, indifuscine, indifuscone, indirétine, qui provenaient
peut-être, à vrai dire, non pas seulement de l'indoxyle, mais aussi du glucose et des
impuretés. Le brun d'indigo a été signalé aussi par Edlefsen (74) dans l'urine de cheval
traitée par H Cl à froid : la matière brune donnait naissance à de l'indol par chauffage
avec la chaux sodée; l'urine humaine fournissait un résultat analogue. Plus récem-
ment, des bruns d'indigo ont été retrouvés par L. C. Maillard {03 f, 08 a, 08 b) et
reconnus comme provenant sans doute de l'indoxyle, aux dépens duquel ils ne se
forment guère que dans le traitement par HGl de liquides concentrés ou chargés
d'impuretés, tels que l'urine concentrée; Nous ne ferons que citer provisoirement ces
corps, peut-être multiples : leurs propriétés sont mal étudiées, leur constitution
inconnue; le champ des recherches reste ouvert dans cette direction.
Après sa grande facilité d'oxydation et les belles matières colorantes qui en résultent,
l'une des propriétés les plus intéressantes de l'indoxyle est sa combinaison avec la
généralité des substances organiques à fonction aldéhydique ou cétonique. L'indoxyle
peut être ici considéré, suivant A. Baeyer (83), comme empruntant pour réagir une
forme tautomère, celle de pseudoindoœyle :
C — OH CO CO
C6H'^^^CH C6H*<^^CH2 C6H*<^^C =
AzH AzH AzH
Indoxyle. Pseudoindoxyle. (Indogcnc).
L'hydrogène H- du pseudoindoxyle s'unissaut à l'oxygène 0 de l'aldéhyde pour
former H-0, le radical bivalent indogène s'unit au reste bivalent de l'aldéhyde, et l'on
obtient une combinaison désignée sous le nom général d'indogénide (A. Baeyer, 83) :
CO CO
C6Hi(^^CH2 + O.CH - CfiR:^ = H20 + CeRi^^C = CH — C6H'
AzH AzH
Pseudoindoxyle. Bcnzaldéhyde. Indogénide de la benzaidéhyde.
CO CO
CfiR^/NcH^ + 0 = CH — C — CH=: H20 + CeH^^^C = CH — C — CH
AzH II II AzH II II
p . .^'" , HC CH ^^" HC CH
Pseudoindoxyle. , ^ ^ ,
AzH AzH
Kurfurol. Indogénide du furfurol.
Parmi les indogénides les plus intéressantes, il faut citer celles que peut fournir
l'isatine, qui possède (pseudoisatine) deux fonctions G 0 : elle doit fournir 2 indogé-
DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME IX. 11
162 INDOL.
nides, suivant que le groupe indogène se fixe sur le carbone a ou le carbone (B de Tisa-
tine :
\AzH/ ^ ^ \AzH/ \AïH/ \A/.H/
Indoxyle. Isatine. Iiulogènide a de l'isatine.
IK
C6HK >CH-+OCC \C6H*=H20 + C6H4< /C = C< >AzH
\AzH/ ^ ^AzH^ \AzH/ \ CO /
Indoxjle. Isatine. Indogénidc p de l'isatine.
Pour A. Raeykr {83) l'indogénide a de l'isatine ne serait autre que l'indigotine,
et l'indogénide 3 serait l'indirubine. Effectivement, lorsqu'on chauffe en solution alcoo-
lique un mélange d'indoxyle et d'isatine, en présence deNa* C0\ on obtient de l'indi-
rubine (A. Baeyer, 83), ou plutôt un mélange d'indigotine et d'indirubine avec prédo-
minance de celle-ci.
Mais ce que nous avons dit des recherches do L. C. Maillard permet de comprendre
que l'explication du phénomène peut être tout autre : nous y reviendrons à propos de
l'indirubine.
De même, lorsqu'on chauffe une solution d'indoxyle avec de Vacide o. nitrophényl-
propiolique en présence d'un excès de Na- CO^ on obtient de l'indigotine (A. Baeyer,
83) : si l'on est au contraire en présence de H* SO*, il se forme de l'indoïne.
Citons encore, parmi les propriétés de l'indoxyle, la formation de tribromaniline par
action du brome (E. Iîauman.n et F. Tieuann, 7.9 6), et la formation, en présence d'un
C — OH
acide et d'un nitrite, du nitrottoindo.vylc CSH^/^CH en fines aiguilles jaunâtres
Az (AzO)
(A. Baeyer, 82 b).
Enfin, il est important de rappeler la combinaison de l'indoxyle, dans l'organisme,
soit avec l'acide sulfurique, soit avec Vacide glycuronique. La première a été reproduite
in vitro par chaulîage de l'indoxyle en solution alcaline a.\ec du pyroaulfaie de K : nous
allons y revenir en traitant de l'acide indoxylsulfurique.
Parmi les propriétés physiologiques de l'indoxyle, il est intéressant de signaler le
peu de toxicité de ce corps, ainsi que de son dérivé l'acide indoxylcarbonique.
Ch. Hervieux (07 b) a constaté que l'acide indoxylcarbonique, administré au chien ou
au lapin par la bouche ou sous la peau, jusqu'à la dose de 2 grammes, est dépourvu
de toxicité. Après l'injection sous-cutanée, l'urine ne renferme que très peu de chro-
mogène indoxylique; car l'acide est décomposé immédiatement dans le tissu cellulaire
sous-cutané, avec formation d'indigotine, ce qui produit une coloration bleu foncé
autour du lieu d'injection. Après l'administration par la bouche, l'urine est riche en
chromogènes indoxyliques; à la dose de 1-2 grammes, chez le chien, on obtient de
l'indigurie. L'indoxyle lui-même, en ingestion, n'est pas non plus toxique, et l'urine
devient également riche en chromogèue; après l'injection sous-cutanée de O^"",», un
lapin est mort au bout de vingt-quatre heures.
C_0.S02.0H
C. Acide indoxylsulfurique. — L'acide indoxylsulfurique C6H*/^CH est
AzH
un éther sulfurique de l'indoxyle, l'une des deux fonctions acides de l'acide sulfurique
étant éthérifiée par l'oxhydrile de l'indoxyle, tandis que la deuxième fonction acide de
H^SO^ reste libre et apte à former des sels analogues aux sels minéraux. C'est en
0 — C
somme un sulfate acide d'indyle, S02<^HC:^^C6HS analogue au sulfate acide d'éthyle
OH AzH
/0.C2HS
ou acide sulfovinique S02(f
\0H
L'acide indoxylsulfurique existe habituellement dans l'urine de l'homme et des ani-
INDOL. 163
maux supérieurs, où il provient de rétliérilicalion sulfurique (par le foie) de l'indoxyle
résultant de l'oxydation (par le foie) de l'indol résorbé par l'intestin.
Depuis longtemps on avait reconnu (W. Puour, iO; F. Simon, io; H. Hassall, 33;
SiCHERER, i)i; L. S. Beale, 53) comme identique au bleu d'indigo une substance bleue
dont l'apparition spontanée avait été de temps en temps observée dans l'urine humaine.
E. ScHUXCK (o7), renouvelant la même observation, identifiait à l'indigotine, non seu-
lement la matière bleue qui se dépose parfois dans les urines, mais aussi celle que l'on
obtient très fréquemment en traitant l'urine par les acides minéraux au contact de
l'air. Il venait à cette époque d'étudier le chromogène indigotique du pastel (Isatis tinc-
toria] auquel il avait donné le nom d'indican, et qu'il considérait comme dédoublable
en un sucre particulier, l'indiglucine, et en indigotine. Aussi pensa-t-il que le chromo-
gène indigotique de l'urine était précisément le même indican : la comparaison était
très intéressante pour l'époque, mais l'identification complète des deux chromogènes
était une erreur : erreur qui, entretenue jusqu'à nos jours par l'ignorance de nom-
breux médecins, a pesé lourdement sur toute la chimie et la physiologie du groupe de
l'indol et des substances aromatiques en général. Aujourd'hui encore, fourmillent les
manuels et les mémoires où persiste la dénomination fausse d' « indican » ou ■( indican
urinaire » ; les mêmes ouvrages ajoutent à la confusion en classant ce corps parmi les
constituants « anormaux » ou « pathologiques » de l'urine, alors que l'acide indoxylsul-
furique est au contraire un élément constant de l'urine normale. F. Hoppe-Seyler (65) s'en
était aperçu déjà; L. C. Maillard {03 f) en a donné la démonstration définitive.
De même que E. Schunck (37), M. Jaffé (70 a, 70 h, 72 a, 72 b), à qui nous devons
cependant l'intéressante découverte de la transformation de l'indol en chromogène, et
qui de plus avait constaté la nécessité d'une oxydation pour passer du chromogène à
l'indigotine lors du dédoublement, croyait encore à l'identité du chromogène urinaire
avec l'indican des végétaux. Pas plus que son prédécesseur, il n'avait réussi dans ses
tentatives pour isoler ce chromogène. A son tour F. Hoppe-Seyler [73), sans parvenir à
l'obtenir à l'état de pureté, avait réussi à localiser le chromogène dans une fraction
analytique de l'urine suffisamment limitée et concentrée pour permettre des consta-
tations intéressantes. Les acides, même faibles, décomposent rapidement le chromo-
gène lorsqu'on les fait agir directement sur l'urine, surtout à chaud; mais l'ébullition
prolongée avec les alcalis n'altère pas le chromogène animal, tandis que dans les
mêmes conditions l'indican d'Isatis tinctoria est rapidement décomposé avec formation
de couleurs indigotiques. Aussi F. Hoppe-Seyler s'était-il convaincu de la non-identité
des deux corps, et put-il transmettre à son élève E. Baumann, en même temps que le
matériel d'étude déjà rassemblé, cette idée directrice que le chromogène animal n'est
pas un glucoside (E. Baumann, 76 b).
Dès 1876, E. Baumann découvrait que le chroniogène est un éther de l'acide sulfu-
rique analogue à ceux que donnent les phénols, et, dans son premier mémoire
d'ensemble sur les conjugués sulfuriques de l'économie [76 b), il classe le prétendu
indican de l'urine à sa vraie place. Le produit sirupeux déjà très purifié obtenu par la
méthode de F. Hoppe-Seyler (75), soumis à l'ébullition avec HCl étendu, fournissait
effectivement, à côté des couleurs indigotiques, de grandes quantités d'acide sulfu-
rique. De plus, sur un chien chez lequel le rapport de H-SO'^ conjugué à H-SO^ salin dans
l'urine était 1 : 29 à l'état normal, on voyait, après une légère injection sous-cutanée
d'indol, le rapport monter à 1 : 9; après injection d'une forte dose, le rapport s'élevait
à 1 : 2,9, et simultanément l'urine renfermait des quantités énormes de chromogène.
En ce qui concerne la molécule organique combinée à H-SO's E. Baumann (76 a) pensait
qu'elle devait être un corps hydroxylé dérivant de l'indol, comme les phénols dérivent
■du benzène, peut-être l'oxindol.
Il ne restait plus qu'à isoler de l'urine le chromogène à l'état pur, préparation que
réalisèrent E, Baumann et L. Brieger (79 b). Un chien ayant reçu 20 grammes d'indol
par ingestion en l'espace de 3 jours, l'urine est concentrée à cristallisation; on rejette
les cristaux d'urée et de sels, et on épuise par l'alcool à 90'^ les eaux-mères rouge-
brun. En opérant au froid, la solution alcoolique (3 litresi est additionnée d'une solu-
tion alcoolique d'acide oxalique, tant qu'il se forme un précipité (oxalate d'urée); on
filtre, on ajoute rapidement une solution alcoolique de potasse jusqu'à réaction faible-
164 INDOL.
ment alcaline, et on élimine par filtration l'oxalate de K. La solution alcoolique est
concentre'e à 2 litres et additionnée de son volume d'élher : il se fait un abondant pré-
cipité sirupeux, qui renferme de l'urée, des sels, des matières extractives et colorantes,
avec la plus grande partie du chromogène : ce sirop est extrait par l'alcool à 90° bouil-
lant. En répétant plusieurs fois la précipitation par l'éther de la solution alcoolique,
etc., on arrive à laisser toute l'urée dans les eaux-mères, tandis que, à chaque redis-
solution alcoolique du précipité, une partie des autres matières étrangères reste indis-
soute. La dernière solution alcoolique est additionnée d'éther jusqu'à trouble persis-
tant, puis abandonnée au froid. Il se forme sur les parois du vase des cristaux
mamelonnés, et dans le liquide de grands cristaux tabulaires transparents, qui tous
sont une combinaison potassique de la substance indigogène.
Le produit, purifié par recristallisation dans l'alcool bouillant, se présente sous la
forme de tables et d'écaillés d'un blanc éblouissant, de formule C''H*'AzSO*K, facilement
solubles dans l'eau, difficilement dans l'alcool froid, plus facilement dans l'alcool chaud.
Sous l'action de HCl étendu et chaud, ou de IICI moyennement concentré et froid, il
se décompose en donnant II-SO*, et un corps à fonction phénolique particulier, qui
n'est pas l'oxindol, mais un isomère, auquel E. Baumann et L. Brieger {79 b) ont donné
le nom d'indoxyle. tandis qu'ils appelaient acide indoxylsulfurique le chromogène lui-
même. L'indoxyle, mis en liberté, fournit les couleurs indigotiques suivant le méca-
nisme que nous avons étudié avec les propriétés de l'indoxyle.
C — 0.S02.0H C — OH
CSH^C^^^CH + H20 = C6H*/'^CH + HO.SO2.OH
AzH AzH
Ac. indoxylsulfurique. ludoxyle. Ac. sulfurique.
Remarquons que, si E. Baumann et L. Brieger (7.9 6/ ont obtenu la substance indigo-
gène à l'état d'indoxylsulfale de potassium, c'est tout simplement parce qu'ils emploient
la potasse au cours de l'extraction. Il est donc faux dédire, comme le font la plupart
des ouvrages, que le chromogène de l'urine est l'indoxylsulfate de potassium : c'est
tout simplement l'acide indoxylsulfarirjue. Ce chromogène est parfaitement incolore.
Si, comme l'acide phénylsulfurique, l'acide indoxylsulfurique est facilement
dédoublé parles acides, il est comme lui très résistant vis-à-vis des alcalis : un chauf-
fage de plusieurs heures à leo^-iTO» ne produit aucune action. Surchauffé à 120°-130° en
solution aqueuse neutre, l'indoxylsulfate de K se décompose complètement en bisulfate
et matière brune accompagnée d'indirubine et d'indigoline. Chauffé à sec dans un tube
à essai, il donne des vapeurs pourprées d'indigo, avec l'odeur caractéristique, et se
sublime sur les parois du tube E. Baumaxn et L. Brieger, 79 b). Chauffé à sec avec
de la baryte, il donne de l'aniline E. Baumann et F. Tieman.n, 79 b).
Les observations de E. Baumann et L. Brieger ,79 b] ont été confirmées entièrement
par tous les auteurs qui, depuis eux, ont isolé l'indoxylsulfate de K. Nous avons vu, à
propos des modes de Formation de Vindo.ryle, que G. Hoppe-Sevler {82 a, 82 b, 83) avait
utilisé le lapin comme appareil capable de transformer journellement 2-3 grammes
d'acide o. nitrophénylpropiolique qu'on lui administre par la sonde stomacale : l'urine
a servi à G. Hoppe-Seyler pour la préparation de l'indoxylsulfate, par un procédé qui
est un perfectionnement de celui de E. B.vumann et L. Brieger. L'urine évaporée à sirop
épais est additionnée d'alcool à 96°, tant que le précipité augmente. La solution alcoo-
lique filtrée est additionnée de son volume d'éther de densité 0,722; le liquide clair,
décanté après 24 heures, est précipité au froid par une solution alcoolique concentrée
d'acide oxalique, tant qu'il se produit un précipité. On filtre rapidement, et on ajoute
une solution concentrée de K-CO^, jusqu'à réaction alcaline faible. On filtre encore, on
distille l'éther et l'alcool : le résidu, évaporé à sirop épais, est repris au froid par
lb-20 volumes d'alcool absolu, et abandonné pendant 24 heures dans un flacon fermé.
Le précipité est séparé par filtration, bouilli dans l'alcool à 96°, et la solution est aban-
donnée à cristallisation. Le filtrat (alcool absolu) est précipité par une grande quantité
d'éther, séparé rapidement, par décantation, du précipité visqueux d'abord formé, et
abandonné longtemps au froid. Il s'en sépare bientôt, comme de l'extrait alcoolique da
INDOL. 165
précipité, des paillettes d'iadoxylsulfate de potassium, qu'on purifie par cristallisations
dans l'alcool bouillant. G. Hoppe-Seyler a pu obtenir ainsi, en partant de aO grammes
d'acide orthonitrophénylpropiolique, plusieurs grammes d'indoxylsulfate de potassium
cristallisé.
En outre G. Hoppe-Seyler (S3 b) réussit à extraire de l'urine normale du chien
l'indoxylsulfate de potassium cristallisé par la méthode qui lui avait servi à l'extraire
des urines des lapins auxquels il avait administré de l'acide orthonitrophénylpropio-
lique. 23 litres d'urine de chien donnèrent quelques grammes d'indoxylsulfate bien
caractérisé.
Possédant plusieurs grammes d'indoxylsulfate de potassium cristallisé qui prove-
nait de lapins traités à l'acide orthonitrophénylpropiolique, G. Hoppe-Seyler (83 6) en
injecta 2s'',7, à divers endroits, sous la peau d'un petit chien de 4 kilos en alimentation
constante. L'urine, qui contenait dans les deux jours précédents l^"", 1750 de H'^SO^ pré-
formé et 0»''^0623 de H-SO'-^ conjugué (rapport 18,8), donna dans les deux jours qui
suivirent l'injection 15^^1247 de H-SO'^ préformé et Os"", 4.320 de H'-'SO* conjugué (rapport
2,6). Le volume de l'urine avait plus que doublé, et l'animal manifestait une soif assez
intense. L'urine ne montrait pas de réduction anormale, ni de rotation au polarimètre ;
elle donnait une grande quantité d'indigo par la réaction de Jaffé. L'animal mourut
malheureusement le 3^ jour, après avoir éprouvé une assez vive réaction aux lieux
d'injection, et avant que tout l'indoxylsulfate injecté fût éliminé ; on peut dire toutefois
que l'indoxylsulfate de potassium injecté sous la peau passe en nature dans les urines,
et que, si une petite quantité est décomposée dans l'organisme, cette fraction n'est cer-
tainement que très secondaire.
Enfin, sur l'urine humaine spontanément très riche en indoxyle à la suite d'un
régime fortement carné et de troubles digestifs (chez un diabétique), J. G. Otto (84)
est parvenu à extraire de 10 litres d'urine quelques cristaux d'indoxylsulfate de K, par
la technique de G. Hoppe-Seyler.
La préparation de l'indoxylsulfate de K, en partant de l'urine de lapins traités par
l'acide o. nitrophénylpropiolique, a été répétée par L. G. Maillard (0^ f), par un procédé
légèrement différent de celui de G. Hofpe-Seyler. L'urine était d'abord déféquée par
le sous-acétate de plomb (formule du Codex) ajouté jusqu'à cessation de précipité, ce
qui n'entraîne pas le chromogène, ainsi que l'avait constaté F. Hoppe-Seyler (75) : le
filtrat est débarrassé du plomb par un petit excès de Na-SO*, puis refiltré. Le filtrat est
alors concentré à sirop épais et traité par l'alcool à 96°, puis la solution alcoolique est
traitée suivant une technique analogue à celle de G. Hoppe-Seyler. Les observations de
E. Baumann et L. Brieger [79 b) ont été confirmées sur les cristaux d'indoxylsulfate
obtenus.
Ch. Hervieux (0<9) défèque, lui aussi, l'urine, successivement par l'acétate de plomb
et par le sous-acétate de plomb, en filtrant chaque fois ; le dernier filtrat, qui doit
contenir encore un excès de sous-acétate, est additionné d'ammoniaque tant qu'il se
produit un précipité, qui cette fois entraîne la majeure partie de l'indoxylsulfate. Le
précipité, bien lavé pour éliminer entièrement l'urée, est mis en suspension dans
l'eau ou l'alcool, et traité par H'^S. Il faut ajouter un peu de carbonate d'ammoniaque,
destiné à neutraliser les acides qui, mis en liberté par H'-S, pourraient décomposer par-
tiellement le chromogène. On sépare PbS, et on distille le filtrat sous pression réduite,
jusqu'à consistance de sirop jaune clair. Les sels minéraux éventuels sont précipités
par l'alcool à 96", tandis que l'indoxylsulfate reste dissous ; par évaporation lente il se
dépose sur les parois du récipient en cristaux que l'on purifie par cristallisation dans
l'eau. Ch. Hervieux {08) a constaté que le meilleur dissolvant du chromogène est
l'alcool méthylique; il est insoluble dans l'éther, l'éther acétique, le chloroforme, le
tétrachlorure de carbone, l'acétate d'amyle, l'alcool amyliqiie, la pyridine. Il n'est pré-
cipité ni par le chlorure mercurique, ni par l'acide phosphotungstique en milieu sulfu-
rique.
L'indoxylsulfate de potassium a pu être préparé par synthèse. On sait que E. Bau-
mann [78 a) avait réussi à faire la synthèse des acides phénylsulfurique, paracrésyl-
sulfurique, etc., en chaufTant les phénols en solution alcaline avec du pyrosulfate de
potassium K'^S'-O". A son exemple, A. Baeyer (5/ , partant de la combinaison potassique
166 INDOL.
de l'indoxyle (provenant de l'acide o. nitrophénylpropiolique), et la chauffant avec
du pyrosulfate de K, obtint finalement une solution dont les caractères répondaient à
ceux de l'indoxylsulfate, c'est-à-dire qui, traitée par BaCP, ne précipitait du BaSO*
qu'après une ébullition prolongée avec HCl, et qui d'autre part fournissait abondam-
ment de l'indigotine par dédoublement sous l'action de HCl en présence d'un oxydant.
Mais il ne réussit pas à obtenir l'indoxylsulfate à l'état cristallisé.
Plus tard, J. E. Thesen \97) part du produit de fusion potassique (2o gr.) de l'acide
phénylglycine-o-carbonique (10 gr.) Rapidement refroidi, le produit est dissous dans
le minimum d'eau bouillante, introduit dans une fiole fermée, et additionné, par petites
portions, de 25 grammes de pyrosulfate de K, tandis que la température est maintenue
vers 40°. Au bout de 2 heures, on ajoute de l'alcool, filtre, sature par CO-, chauffe en
présence de noir animal, et filtre. Le filtrat évaporé laisse un sirop brunâtre dont la
décomposition par IICI fournit Il-SO'* et de l'indigo. On exécute sur ce produit brut une
série de reprises par le minimum d'alcool bouillant et de refroidissements, quijîermet
d'éliminer l'acide amidobenzoïque présent ; la dernière solution alcoolique, addition-
née d'une grande quantité d'éther, prend une apparence laiteuse, et au bout de quel-
ques jours dans un mélange réfrigérant laisse déposer des cristaux blancs nacrés, qui
ont été reconnus par E. B.\umann lui-même comme de l'indoxylsulfate de potassium.
Une condition indispensable pour la réussite de cette synthèse est que le pyrosulfale
soit absolument pur et ne contienne ni sulfate ni bisulfate ; même alors, la préparation
est assez hasardeuse et échoue souvent sans qu'on en connaisse la cause.
Au point de vue quantitatif, la teneur en acide indoxylsulfurique de l'urine de
l'homme et des animaux est assez variable. Nous verrons qu'elle dépend de la quantité
d'indol fabriqué dans l'intestin par les bactéries aux dépens du tryptophane inclus dans
les albuminoïdes de l'alimentation. Chez l'homme l'acide indoxylsulfurique est plus
abondant en régime carné qu'en régime végétal ; cependant, chez les herbivores (che-
val, vache) il est plus abondant encore à cause du séjour prolongé des aliments dans
un tube digestif volumineux. Les premiers dosages, dus à M. Jaffé (70 b), donnaient
dans l'urine humaine environ Os',0066 par litre en moyenne, et dans l'urine de cheval
OS', 1520 d'indigotine formée sous l'action de HCl et d'un hypochiorite. J. G. Otto {84),
dans l'urine d'iiommes à troubles digestifs et forte alimentation carnée, obtenait pai*
le même procédé jusqu'à 0k%162 d'indigotine en un jour. Cette méthode de dosage don-
nant lieu à des pertes importantes, il faudrait aujourd'hui à peu près doubler ces chif-
fres. E. Wang (00), avec sa méthode, qui donne des chiffres trop faibles, considère
l'indoxyle comme augmenté anormalement quand la quantité d'indigotine correspon-
dante dépasse 15 milligrammes par jour. On a obtenu plus récemment dans l'urine
normale (R. Camacho, 06) des chiffres tels que Oe-'.OllO, 0»f',01I9, Oe',0128, Os',0.310,
exprimés en indoxyle dosé par la méthode de L. G. Maillard (03 f). J. Daland {09)
admet comme normale une élimination journalière de 5-20 milligrammes d'indoxylsul-
fate de Na; et les chiffres qu'il donne comme pathologiques varient entre 50 et 150 mil-
ligrammes. Enfin, tout récemment, L. C. Maillard {10), dans l'analyse en série de
60 échantillons d'urine humaine normale (régime alimentaire mixte constant et connu),
trouve par la méthode de copulation à l'isatine des chiffres variant de 9 à .376 dixièmes
de milligramme par jour, et dont la moyenne serait 80 dixièmes de milligramme, si
des chiffres aussi irréguliers se prêtaient à l'établissement d'une moyenne concrète.
D. Acide indoxylglycuronique. — L'acide indoxylsulfurique n'est pas le seul
chromogène auquel puisse donner lieu la production d'indoxyle dans l'organisme, lors-
qu'elle devient abondante. Déjà des anciens chiffres de E. Baumann (76 h) on pouvait
tirer celte remarque que l'augmentation dans les urines de H^SO* conjugué, après
l'administration d'indol, ne paraît pas toujours aussi considérable que l'augmentation
de l'indoxyle, et que par suite, à côté de l'acide indoxylsulfurique, il doit y avoir
encore un autre conjugué de l'indoxyle. On conçoit eu effet que la quantité de H'-SO*
dont dispose l'économie pour la conjugaison sulfurique de l'indoxyle n'est pas illimitée,
et qu'elle peut se trouver dépassée, l'indoxyle en excès devant ainsi prendre une
autre forme. Or, après que 0. Schmiedeberg et H. Meyer (79) eurent constaté que le
camphre ingéré s'éliminait en combinaison avec l'acide glycuronique, à l'état d'acide
camphoglycuronique, 0. Schmiedeberg [81), retrouvant la même propriété sur les phé-
INDOL. lt)7
nols, pensa que l'indoxyle lui aussi devait s'éliminer, en partie du moins, à l'état
d'acide indo.vjjlghjcwonique. Sans réussir à isoler ce corps, il obtint par l'administration
de fortes doses d'indol au lapin, une urine lévogyre et réductrice, absolument comme
celles qui suivent l'ingestion de phénol et renferment l'acide phénolglycuronique ; de
plus, certaines fractions obtenues dans les tentatives d'isolement fournissaient par
leur dédoublement, simultanément et en abondance, l'indoxyle et l'acide glycuro-
nique. Les travaux de E. Kvlz {S 1 , 82, 83, 84, 90) et de R. Kulz {84), montrant que
l'élimination après conjugaison glycuronique se retrouvait sur le chloral, le butyl-
chloral,le dichlorobenzène,les xylènes, le cumène, les terpènes, le thymol, l'hydroqui-
none, la résorcine, la pyrocatéchine, l'orcine, l'euxanthone, etc., fortifiaient l'analogie.
Comme toutes les urines de ce genre, l'urine, suivant une forte ingestion d'indol, offrait
le pouvoir réducteur et la rotation gauche: elle libérait de l'indoxyle sous l'action des
acides avec encore plus de facilité que l'acide indoxylsulfurique. G. Hoi'pe-Seyler [82,
83 a, 83 b) observant parfois, chez les lapins ingérant de l'acide o. nilrophénylpropio-
lique, une forte rotation gauche en même temps qu'un pouvoir réducteur et qu'une
libération particulièrement facile de l'indoxyle, môme par simple fermentation ammo-
niacale, admettait volontiers l'opinion de 0. Schmikdeberg sur l'existence d'un acide
indoxylglycuronique.
A. Daiber {95), sans réussir davantage à isoler à l'état pur l'acide indoxylglycuro-
nique, arrive cependant à se convaincre de son existence. Le corps estlévogyre; il
réduit, non seulement les solutions cupro-alcalines, mais aussi les solutions alcalines
des sels de bismuth; au cours de la fermentation, il doit être dédoublé en indoxyle
et acide glycuronique, alors que l'acide indoxylsulfurique n'est pas touché. F. Scotti
(97, 0/) démontre qu'il n'y a aucun rapport entre la teneur de l'urine en H-SO*
conjugué et en indoxyle; la même constatation résulte des travaux de Fenizio {99),
E. Wang {99 b), U. Bagcarani {99, 00, 01), E. Realk {00 a, 00 b, 00 c, 00 d, 01 a,
01 b). Ce dernier ajoute que l'apparition de l'acide indoxylglycuronique n'est pas for-
cément liée à un excès d'indoxyle : il y a beaucoup d'urines qui ne renferment que de
l'acide indoxylsulfurique et ne développent facilement tout leur indigo que si on les
chauffe avec HCl; mais il y en a d'autres qui, ne renfermant que peu d'acide indoxyl-
sulfurique, développent leur indigo déjà sous l'action de HCl à froid, ou à chaud sous
l'action des acides organiques (formique, lactique) qui est impuissante à dédoubler
l'acide indoxylsulfurique. Ces urines, légèrement réductrices et lévogyres, fournies
surtout par des arthritiques, doivent contenir de l'acide indoxylglycuronique; on peut
en extraire par précipitation barytique une matière riche en acide glycuronique.
L. C. Maillard {03 f), retrouvant sur l'urine des lapins traités à l'acide o. nitro-
phénylpropiolique les observations de G. Hoppe-Seyler, et notant particulièrement le
développement spontané d'indigotine, soit par abandon de l'urine pendant quelques
heures seulement, soit au cours de la concentration sur le bain-marie, compare ces
phénomènes à ceux que montre parfois spontanément l'urine de l'homme et des ani-
maux. Il s'agit du phénomène de Vindigurie, que nous retrouverons plus loin, c'est-à-
dire de l'apparition d'indigotine ou d'indirubine, soit par l'abandon de l'urine émise,
soit déjà au sortir des voies urinaires. L.C. Maillard (0^ /") attribue l'indigurie à la pré-
sence de l'acide indoxylglycuronique, très facilement décomposable, et dont l'attaque
par les bactéries met en liberté l'indoxyle, soit in vitro, soit déjà dans les voies uri-
naires si celles-ci sont infectées. C'est à ce même processus qu'on doit rapporter les
calculs et concrétions d'indigo quelquefois signalées.
A. E. AusTiN {04), étudiant les relations numériques entre l'indoxyle, les phénols,
l'acide sulfurique et l'acide glycuronique de l'urine dans diverses maladies fébriles,
arrive à cette conclusion que le fait de la conjugaison glycuronique de l'indoxyle ne
doit pas être attribué à un mantiue d'acide sulfurique : on trouve en effet toujours
beaucoup plus de H-SO^ qu'il n'en faudrait pour fixer tout l'indoxyle. La production de
l'acide glycuronique par l'organisme devrait être considérée comme un phénomène
d'ordre particulier.
Tous les auteurs, se basant tant sur les recherches citées que sur la connaissance
générale des combinaisons glycuroniqués de l'urine (P. MayerrI C. Neuberg, 00; F. Blu-
menthal, 0/; F. Blume.nthal et H. Wolff, 04;E. Nicolas, 066; etc.) étaient donc d'accord
168
INDOL.
pour admettre l'existence de l'acide indoxylgl}xuronique, bien qu'aucun d'eux n'eût
réussi à le manier à l'état pur. Cependant Ch. Hervieux (04 c, 06) crut devoir en nier
l'existence, affirmant que la coexistence de l'indoxyle et de l'acide glycuronique dans
les produits de dédoublement d'une fraction (même limitée) de l'urine n'était qu'une
simple coïncidence sans valeur. Ayant tenté de répéter les recherches sur des urines
riches en chromogènes et présentant le phénomène de l'indigurie, il ne parvenait pas
à y trouver l'acide glycuronique. De plus, faute de s'être suffisamment rendu compte de
la fragilité de l'acide indoxylglycuronique, il considérait comme préexistant à l'état
de liberté l'indoxyle trouvé par lui. Par la suite. Ch. Hervieux {08) a reconnu son
erreur et s'est rangé à l'opinion de ses prédécesseurs : il l'a même fait avec tant de
décision que, après avoir nié jusqu'à l'existence de l'acide indoxylglycuronique et par
suite son rôle dans l'indigurie, il a cru devoir adopter couramment, pour désigner
l'acide indoxylglycuronique, le nom de chromogène indigitrique. Cette désignation,
d'ordre extra-chimique, est défectueuse : basée sur une propriété secondaire et acci-
dentelle du chromogène, elle pourrait donner lieu à une erreur physiologique : elle
tendrait à faire croire que, chaque fois qu'il y a acide indoxylglycuronique, il y aurait
indigurie, réciproque fausse d'une notion vraie antérieurement acquise. La dénomina-
tion de « chromogène indigurique » ne doit donc pas entrtir dans le langage courant.
Bien qu'aucun auteur n'ait réussi encore à obtenir l'acide indoxylglycuronique ou
ses sels à l'état de pureté, son existence est aujourd'hui généralement admise. S'il est
vrai que ce corps possède à la fois la propriété de former des sels (de Ba par exemple),
et de réduire les solutions cuproalcalines ^ce qui est contesté par certains auteurs,
Ch. Hervieux, 08) il faut que l'in^ioxyle soit uni à l'acide glycuronique par l'un des
oxhydriles alcooliques de celui-ci. On pourrait ainsi formuler l'acide indoxylglycuro-
nique et son dédoublement :
C — O — CtH^03 — COOH C-OH (CHOH)* — COOH
C«H<>CH Ijjo +H^0=.C«H<)CH + ^^^
AzH AzH
Ac. indoxylglycuronique. Indoxyle. Ac. glycuronique.
Il est vraisemblable que l'union de l'indoxyle avec l'acide glycuronique aurait lieu
dans le foie, ainsi qu'on a des raisons de le penser pour les conjugués glycuroniques
des phénols (Embden, 03; v.\n Leehslm, 03, Oi).
Il n'y a aucune raison de penser que l'urine puisse renfermer d'autres chromogènes
indoxyliques que l'acide indoxylsulfurique et l'acide indoxylglycuronique : en particu-
lier, elle ne renferme jamais d'indican. Il faut éviter de conclure à la présence du
glucoside indican quand on remarque une quantité assez notable d'indoxyle conjugué
dans une urine diabétique, ainsi qu'il est arrivé à diverses reprises autrefois, et comme
l'a fait il y a peu d'années encore L. Mo.\fet(0-Î a), avec un manque de sens critique
qu'ont relevé L. G. Maill.\rd {03 i), et Ch. Hervieux (03).
L'acide indoxylsulfurique est absolument incolore, et il est permis de se repré-
senter l'acide indoxylglycuronique comme incolore lui aussi. Les chromogènes indo-
xyliques n'ont donc aucune part à la coloration de l'urine. S'il arrive que les urines
riches en indoxyle présentent une coloration plus foncée que d'ordinaire, c'est, ou
bien qu'elles renferment certains produits d'oxydation plus avancée de l'indol (peut-
être de l'isatine?) ou bien, tout simplement, qu'elles renferment simultanément une
quantité un peu forte d'urobiline, autre témoin des réductions intestinales. Il y a 65 ans,
Heller {4-0, i6, il) pensait que l'urine renfermait un chromogène peu coloré, Vuro-
xanthine, qu'il croyait jaune (c'est sa seule erreur), chromogèiie capable de fournir à
la fois une belle matière bleue, Vuroglaucine, et une belle matière rouge, l'urrhodine :
remarquable pour l'époque, cette conception était bien supérieure à celles de beaucoup
d'auteurs plus récents : il n'y manquait que l'identification des couleurs avec celles
de l'indigo, et la reconnaissance du caractère incolore du chromogène. A notre époque
il n'est plus permis de conserver l'uroxanthine comme chromogène indigotique, ainsi
que le fait J. L. W, ThudiChum {00), ou d'attribuer à ces chromogènes une part dans la
coloration de l'urine, comme le fait v. Starck {00 a).
INDOL. 169
C — 0 — C«H>>05
E. Indican. — L'indican, ou indoxylglucoside, de formule C6lli<; ^CH
AzH
est un glucoside assez répandu chez les végétaux, et notamment chez les Légumineuses
du genre Indinofera, où il est le chromogène générateur de la matière colorante cormue
sous le nom d'indùjo et employée pendant des siècles par les teinturiers du monde
entier. 11 y a quelques années encore, la culture des plantes à indigo était prospère
dans les Indes anglaises (au Bengale notamment), dans les Indes néerlandaises (indigo
de Java), au Cambodge, en Chine, dans l'Amérique Centrale (indigo (iuatémala), etc.;
celte culture recule de jour en jour devant les progrès de l'indigo synthétique. L'indi-
can est aussi le chromdgène indigotique contenu dans le pastel, voiiède, guesdc [Isatis
tinctoria), Crucifère très employée par les teinturiers du moyen âge, et dont la culture
s'est conservée jusqu'à nos jours dans quelques localités d'Angleterre.
Les anciens auteurs, Chevreul {ISOSa, 1808 b) par exemple, admettaient que les
plantes à indigo renfermaient comme principe caractéristique de l'indigo blanc, produit
de réduction de l'indigotine, incolore et soluble dans l'eau alcaline telle que celle qui
résulte de l'addition de chaux au liquide de macération des plantes : l'oxydation de
l'indigo blanc par l'air devait produire l'indigotine. Cependant Berzélius [27, 32)
remarque déjà que l'infusion de la plante, loin d'être alcaline, rougit toujours le papier
de tournesol; or l'indigo blanc n'est pas soluble en milieu acide : « il reste donc à
décider dans quel état de solubilité se trouve la matière contenue dans l'infusion, qui
donne naissance au bleu d'indigo. »
L'existence de l'indican a été découverte parE. Schunck {53, 38 a, 38 h, 38 c) en étu-
diant, non \)a.s\e?, Iiuligofera, mais Vhatis tinctoria d'Angleterre. Les feuilles du pastel
séchées avec précaution et pulvérisées chaudes, sont épuisées à froid par l'alcool dans
un appareil à déplacement. La solution alcoolique, additionnée d'un peu d'eau, est
concentrée à la température ordinaire par l'action d'un courant d'air, puis filtrée et
agitée avec de l'hydrate cuivrique fraîchement précipité. Le liquide est ensuite filtré, et
l'excès d'oxyde de cuivre entré en solution est précipité par un courant de H-S. Le
liquide, filtré de nouveau, est évaporé dans un courant d'air à la température ordi-
naire. Il reste une masse sirupeuse brune que l'on traite par l'alcool froid ; celui-ci
dissout l'indican et laisse une masse visqueuse brune contenant de 1' « oxindicanine ».
En ajoutant 2 volumes d'éther à la solution alcoolique on précipite encore quelques
matières étrangères. Le liquide filtré de nouveau est évaporé et donne pour résidu l'in-
dican mélangé à un peu de graisse.
L'indican de E. Schunck forme une masse sirupeuse, brun clair, à réaction acide,
soluble dans l'eau en jaune, soluble dans l'alcool et l'éther. La dessiccation suffit pour le
décomposer même à une température peu élevée. La solution aqueuse ne précipite par
l'acétate basique de plomb qu'après addition d'ammoniaque; la solution alcoolique
précipite en jaune par l'acétate de plomb seul, mais la séparation n'est complète qu'après
addition d'ammoniaque.
D'après E. Schunck la décomposition de l'indican se ferait d'une manière graduelle,
et on aurait une série de termes intermédiaires qu'il qualifie d'oxindicanine, indicanine,
oxiadicasiiie, indifulcine a, indifuluine [i, iiidihumine, indifuscine, indifuscone, indirctine, etc.
Enfin, toujours d'après E. Schunck, le suci-e contenu dans l'indican ne serait pas du
glucose, mais bien un sucre particulier, Vindiglucine. Nous verrons cependant qu'il
s'agit bien du glucose; l'indican de E. Schunck, accompagné de beaucoup d'impuretés,
était très difficile à étudier dans son dédoublement, et c'est à titre historique seule-
ment que nous citons toutes les prétendues substances alors décrites. Ce qu'il faut rete-
nir des travaux de E. Schunck, c'est que l'indican est un glucoside. Cet auteur croyait
{38 b) à « la décomposition de l'indican, avec absorption de quelques équivalents d'eau,
en 1 équivalent de bleu d'indigo ou d'iiidirubine,et 3 équivalents d'indiglucine ».
Pour E. Schunck {38 b) le dédoublement de l'indican donnait donc directement de
l'indigotine, sans qu'il fût besoin d'oxydation. Cependant, après que M. Jaffé (70 b) eut
montré la nécessité de l'oxydation pour obtenir l'indigotine en partant du chromogène
de l'urine, qu'on croyait encore identique à l'indican végétal, E. Schunck et H. Roemer
(19) décomposant l'indican d'/sa//s par HCl dans le vide, constatèrent que le produit de
170 INDOL.
dédoublement n'était pas sensiblement coloré, et qu'on n'obtenait l'indigotine et l'in-
dirubine qu'en présence de FeCP : pour eux, la molécule liée au sucre dans l'indican
était l'indigo blanc. Cependant, en cette même année 1879, les belles reclierclies de
E. Baumann venaient d'aboutir à la découverte de l'indoxyle, qu'il n'hésitait pas à con-
sidérer, avec ses collaborateurs L. Brieger et F. ïiemann, comme le tténérateur régulier
de l'indigotine. Si la résistance du synthétiste A. Baeyer (79 c) ne fut que passagère,
au contraire la notion de l'indoxyle ne s'implanta qu'avec difliculté parmi les chimistes
qui étudiaient l'indigo végétal. Pour E. Alvarez {87), pour C. I. v. Lookeren-Gampagne
et VAN DE.\ Vken, {94, 99, 95), pour H. Molisch {93, 98), pour L. Bréaudat (98 a, 98 b,
98 c, 99, 00), c'est toujours l'indigo blanc qui naîtrait à côté du sucre, dans le dédou-
blement de l'indican.
Enfin L. Marchlewski et Radcliffe {98) émirent l'hypothèse que l'indican devait
être considéré comme résultant de la condensation d'une molécule d'indoxyle avec une
molécule de glucose, et devait répondre à la formule C'*H'"AzO''. A cette époque même,
trois expérimentateurs étaient occupés à l'étude de l'indican végétal, J.-J. Hazkwi.nkel
(00) sur Vlndigofera leptostachya à la Station de recherches de Klaten (Java), P. van-
RoMBURGH {99, 00) sur les Indigofera au Jardin Botanique de Buitenzorg (Java), M. 'W. Bei-
JERINCK (9.9, 00a, 00b), à Delft Pays-Bas) sur Vhalis tinctoria. Les recherches simul-
tanées et indépendantes de ces trois auteurs concordent entièrement sur les points
essentiels. La présence de l'indoxyle dans le produit de dédoublement fut établie par
J.-J. Hazewinkel {00) par les caractères de solubilité, de fluorescence, d'oxydation en
indigotine et indirubine, d'union avec l'isatine, la benzaldéhyde, l'acide pyrotartrique,.
avec formation des indogénides correspondantes, etc.
Pour M. W. Beijerinck {99, 00b) il n'y aurait pas identité entre les substances géné-
ratrices d'indigo chez toutes les plantes : chez un groupe, auquel appartiennent les
espèces du genre Indigofera, le Phajus grandiflora, le Polygonum tinctorium, etc., existe-
rail bien un glucoside, l'indican; chez un autre groupe, représenté provisoirement par
Visatis tinctoria seul, existerait un autre chromogène, que M. \V. Beijerinck croyait
d'abord être l'indoxyle libre {99), puis un composé spécial, 1' « isatan » {00 b), plus-
instable que l'indican et donnant de l'indirubine avec l'isatine sans HCI, alors que l'indi-
can exigerait le dédoublement préalable par HCI. Mais ces conclusions sont très contes-
tables, comme l'ont montré E. Schcngk {00) et L. Marchlewski (02), qui arrivent à
découvrir dans cette réaction une couleïtr nouvelle, l'isatocyanine, et à prouver que
l'allure de la réaction dépend des substances étrangères contenues dans les extraits de
plantes.
Mettant à profit lés observations de ces trois auteurs, S. Hoogewerf et H. Ter Meu-
LEN {00) réussirent à préparer l'indican cristallisé, en partant soit du Polygonum t ricto
rium, soit de Vlndigofera leptostachya. Les feuilles sont plongées pendant quelques^
minute»! dans l'eau bouillante, pour détruire les enzymes, puis épuisées méthodique-
ment par l'eau chaude (1 litre 1/2 par kilogramme de feuilles). Le liquide filtré est
chauffé avec un excès d'eau de baryte, ce qui donne un précipité volumineux, exempt
d'indican. Filtré, débarrassé de l'excès de baryte par un courant de CO- à chaud,,
refiltré, le liquide est évaporé à sec au bain-marie, ou de préférence dans le vide. Le
résidu est épuisé par l'alcool méthylique, et la solution méthylique additionnée de
2 volumes d'élher, ce qui précipite des impuretés. L'éther et l'alcool sont chassés du
filtrat par distillation sous pression réduite, le résidu est repris par le minimum d'eau,
et la solution abandonnée dans le vide sur H^SO* : l'indican se dépose en petits cris-
taux presque incolores et exempts de matières inorganiques. Le rendement est faible :
17 kilogrammes de feuilles de Polygonum tinctorium ont fourni 5 grammes d'indican.
L'indican à'Indigofera leptostachya est identique en tous points au précédent.
Les cristaux ont la forme de petites lancettes, probablement orthorhombiques. Ils-
ont la formule C^'*H'"AzO-^ + 3H-0, et fondent à 51" en perdant l'eau de cristallisation;
ils la perdent aussi dans le vide sulfurique, et une fois anhydres fondent à 100°-102<'.
L'indican est assez soluble dans l'eau, les alcools éthylique et méthylique, l'acétone, très
peu soluble dans l'éther, la benzine, le chloroforme, l'acétate d'éthyle, le sulfure de
carbone. L'indican est lévogyre : environ 2° de déviation pour une solution à 2 0/0 exami-
née dans un tube de 20 centimètres à 15° : après chauffage avec HCI puis élimination de
INDOL. 171
l'indigo, la solution est dextrogyre (sucre). L'indican ne n'duit pas la liqueur de Fehling,
mais réduit celle de Tollens. Chauffé sur une lame de platine, ou mieux dans un tube à
essai, l'indican donne des vapeurs pourprées et un sublimé d'indigotine, à condition
qu'il y ait de l'air : dans une atmosphère de CO- le phénomène ne se produit pas.
Traversée par un courant électrique, la solution aqueuse dépose de l'indigotine sur
l'anode. Chauffée avec HCl et un peu de FeCl', la solution donne 91 0/0 de l'indigo-
tine théorique, avec un peu d'indirubine (S. Hoogewerf et 11. Ter Meulen, 00).
Les analyses de S. Hoogewerf et H. Ter Meulen (00) établissaient définitivement que
la molécule de l'indican C**H*'AzO'' est Constituée simplement par l'union, avec déshydra-
tation, d'une molécule d'indoxyle avec une molécule d'un hexose C'H'-O''. Cet hexose
dextrogyre est-il le glucose cl? La chose est admise par C. L v. Lookeren-Campagne et van
DBR Veen (54) etparJ.-J. Hazewi.nkel (00), bien que contestée par M. W. Beijerinck [99),
pour des raisons d'ailleurs sans valeur. S. Hoogewerf et H. Ter Meulen {00) n'ont pas
obtenu assez de matière pour faire l'identification définitive, mais celle-ci a été récem-
ment réalisée (A. G. Perkin et Fr. Thomas, 09).
L'indican n'apparaît dans les plantules d'indigo que lorsqu'elles ont subi l'action de
la lumière (H. Molisch, 93). On le trouve dans toutes les parties vertes : dans les
folioles son siège est le mésophylle chlorophyllien ainsi quel'épiderme supérieur : dans
les cellules vertes, ce sont les grains chlorophylliens qui sont le siège principal de
l'indican (H. Molisch, 99\ M, W. Beijerinck, 005).
Par quel mécanisme se produit la transformation de l'indican lors de la macération
qui donne naissance à l'indigo? On aurait pu croire autrefois qu'il s'agissait d'une
intervention microbienne : E. Alvarez [87) découvint en effet, parmi les microbes
trouvés sur les feuilles d'Indigofera,un bacille encapsulé, le Bacillus indigogenus, qui
détermine la formation d'indigo quand on l'ensemence dans une décoction stérile
d'Indigofera. Mais ce n'est là qu'un phénomène adventice. C. I. v. Lookeren-Campagne
et VAN DER Veen {93, 99), W. P. Bloxam, H. M. Leake et R. S. Finlow [05) admettent que
le dédoublement de l'indican est dû à une enzyme contenue dans la plante, qui diffuse
dans l'eau de macération où s'accomplit le dédoublement. H. Moliscu {93,98),k la suite
de ses recherches sur les plantes de Java, se range à l'hypothèse de l'enzyme, rejetant
l'intervention des microrganismes. L. Bréaudat (98a, 98 h, 98 c, 99, 00), travaillant, sur
Vhatis alpina, conclut que chez cette plante (et ces conclusions doivent, d'après lui,
s'appliquer k toutes les plantes indigofères, notamment Isatis tinctoria, Indigofera
anil, Indigofera tinctoria, les microrganismes ne jouent aucun rôle utile dans la for-
mation de l'indigo, mais que la plante contient deux diastases : une diastase hydro-
lysante, accomplissant le dédoublement, et ime oxydase transformant le produit en
indigo. Avec ce que nous savons de l'indoxyle, nous remarquerons que cette deuxième
diastase, oxydase, est absolument superflue, et que la facilité d'oxydation de l'indoxyle
par agitation à l'air en milieu alcalin (chaux) explique suffisamment la formation de
l'indigo, sans aucun phénomène enzymatique.
J.-J. Hazewinkel [00) broyant les feuilles d'Indigofera leptostacliya dans un mortier de
fer avec de l'alcool fort, exprimant l'alcool, et renouvelant plusieurs fois l'épuisement
alcoolique, puis séchant au soleil, obtient une poudre renfermant l'enzyme très peu
soluble dans l'eau, mais facilement dans NaCl à 10 p. 100 ou dans la glycérine. Inac-
tive au-dessous de 5", l'enzyme résiste longtemps au chauffage (1/2 heure à 123°) quand
elle est sèche; en solution dans NaCl, elle est détruite vers 88''-92°. L'action n'est pas
arrêtée par 10 p. 100 d'alcool, mais par 2li p. 100 (en volumes); elle est arrêtée par
10 p. 100 de sulfate de cuivre, 2 1/2 p. 100 de sous-acétate de plomb, 1/4 pour 100 de
sublimé, 2 gouttes 1/2 de AzH^ (dens. 0,96) pour 100 centimètres cubes, 5 gouttes de
HGI (dens. 1, 13) pour 100 centimètres cubes, ou SO- au dixième de saturation. L'enzyme
dédouble rapidement l'indican en donnant un liquide fluorescent d'où les dissolvants
neutres extraient facilement l'indoxyle, si on travaille dans un courant de C0-; si la
fermentation a lieu dans un courant d'air, il se forme abondamment de l'indigo. J.-J.
Hazewinkel (00) a donné à la diastase le nom de indimulsine pour rappeler sa ressem-
blance avec l'émulsine, car elle dédouble l'amygdaline. Inversement, l'émulsine dédou-
ble l'indican. Les observations de J.-J. Hazewinkel ont été confirmées indépendamment
par celles de P. van Romuurgh (00).
172 INDOL.
M. W. Beijerinck (006) établit que l'Isatis ne renferme aucune oxydase, contraire-
ment à ce que croyait L. Bréaudat : tout au plus y a-t-il une peroxydase banale, décom-
posant H'^ 0- (bleuissement du gaïad mais sans action sur l'indoxyle. En revanche toutes
les cellules de la plante contiennent une diastase dédoublante que l'auteur appelle
isatase de même qu'il appelle « isatan » le chromogène, et dont le siège se trouve dans
les chloroplastes tandis que l'isatan est dans le protoplasma. L'optimum de l'isatase,
pour la décomposition de l'isatan, est à 480-50°; elle est tuée à 70°. M. W. Belierinck
(OOa) pense qu'il y a des diastases différentes chez les diverses plantes à indigo, Indigo-
fera, Polygoniim tinctorium, Phajus tjmndiflora, ainsi que chez des bactéries, des levures
et des champignons.
D'après Fr. Thomas, \V. P. Bloxam et A. G. Perkin {09), l'indimulsine exerce sur l'in-
dican une action dédoublante 20 fois plus forte que celle de l'émulsine. Les meilleurs
rendements en indoxyle sont ceux obtenus en présence d'une petite quantité de H^SO*,
et si après l'hydrolyse on ajoute au liquide de faibles traces de AzH^, l'oxydation donne
rapidement et presque exclusivement de l'indigotine, avec un minimum de produits
accessoires gênants.
En résumé, les connaissances aujourd'hui acquises permettent de comprendre très
simplement les phénomènes qui se passent dans la préparation de l'indigo végétal.
Dans une première phase, l'indigo coupé et lié en bottes est mis à tremper, dans des
cuves en maçonnerie, avec de l'eau aussi pure que possible, pendant 18 heures environ.
L'indican se dissout dans l'eau, la diastase s'échappe des cellules et dédouble l'indican
en glucose et en indoxyle donnant au liquide une teinte jaune verdàtre. On fait alors
passer le liquide de macération dans d'autres réservoirs, où l'on ajoute un peu de
chaux, et où l'on soumet le liquide à un battage prolongé à l'air. L'indoxyle s'oxyde
directement, sans besoin d'oxydase, et les couleurs indigotiques se précipitent. Il ne
reste qu'à recueillir le dépôt, qui contient de 40 à 72 p. 100 d'indigotine.
L'indigo n'est pas fourni seulement par certaines Légumineuses comme Indigofera
tinctoria, I. anil, I. leptostachya, etc., et certaines Crucifères comme Isatis tinctoria, L
alpina, etc. ; mais aussi par une série d'autres plantes, parmi lesquelles on a cité : Poly-
gonum tinctorium (Gaudry, 44), Nerium tinctorium, Writhia tinctoria (J. Saim-Hilaire,
1816), diverses Orchidées (G. Galvert, 4â), Marsdenia tinctoria, et beaucoup d'autres. Il
est possible que la liste ait été trop allongée : d'après les recherches de H. Molisch [93),
l'existence prétendue de l'indican chez Mcrcurialis perennis, Melampyrum arvense, Poly-
goniim fagopyrum, Phytolacca decandra, Monotropa Ilypopitys, Fra,rinus excelsior, Coro-
nilla Emcrus, Amorpha fruticosa, ne s'est pas trouvée confirmée. Dans la racine fraîche
de Lathrœa squamaria existe un chromogène qui donne avec HGl dilué une couleur
bleue tout à fait différente de l'indigo. Ghez Rhinanthus crista-galU, Melampyrum nemo-
rosum, M. silvaticum, Bartaia alpina, Euphrasia officinalis, Utricularia vulgaris, Gnlium
mollugo, Monotropa Hypopitys, on obtient par le même traitement une couleur très
voisine, peut-être identique.
Quoi qu'il en soit de la liste authentique des plantes à indigo, il est certain que la
faculté de formation de l'indoxyle est assez répandue chez les végétaux. ]\ous avons vu
aussi que certains d'entre eux forment de l'indol (Celtis reticulosa). Il n'est pas sans
intérêt de rapprocher cette propriété de la grande diffusion des composés quinoléiques
chez les végétaux : nous avons vu à propos de lindol, nous retrouverons à propos du
skatol et du tryptophane des exemples frappants du passage de la série quinoléique à
la série indolique, et réciproquement. Peut-être les dérivés indoliques et quinoléiques
ont-ils chez les végétaux des relations génétiques étroites.
Signalons en outre la parenté étroite entre les couleurs indigotiques, dérivées du
noyau indol, et les couleurs chlorophylliennes dérivées, comme les couleurs sanguines,
de l'hémopyrrol. Nous verrons un peu plus loin la ressemblance accentuée qui relie le
groupe de l'indol à celui de l'hémopyrrol.
Enfin, rappelons une dernière fois que l'indican n'a jamais été signalé chez les
animaux, autrement que par erreur.
F. Origine et signification de l'indoxyle urinaire. — La question de l'origine
ou des origines de l'indoxyle sécrété par l'urine a fait couler des flots d'encre, et n'a
pas avancé d'un pas sur le terrain des observations cliniques, incapables d'y apporter
INDOL. 173
la moindre lumière; seule l'analyse oxpéritnenlale des divers facteurs du problème a pu
rt^ussir à nous en donner la solution : ou le conipromlra à la lecture du paragraphe
que nous consacrons au Tr\iptoph'in(\ Rappelons tout daliord que l'indoxyle est un
constituant régulier de l'urine humaine normale (F. IIoi'pe-Seyler, 63; L. C. Maillard
03 f), au point de vue qualitatif du moins, et que seules ses variations quantitatives
{hyperindoxj/hiric) peuvent avoir un intérêt physiologique ou pathologique.
[o — ()ri<iiiic certaine : indol intestinal. — Dès que A. Haeyer (66 a, 66 b) eut
découvert l'iudol comme noyau de l'indigo, et quf M. Jai'i-i': (70 a, 72 a) eut montré la
production d'indigo urinaire par l'introduction d'indol dans l'économie, tous les physio-
logistes de cette époque admirent l'indol intestinal comme" source de l'indoxyle uri-
naire : M. Jaffé,E. Raumann, L. Hriecer, M. NE^'CKI, etc. (]e que nous avons dit à propos
des modes de Formation de l'indoxyle nous dispense d'insister sur ce point: l'indol intes-
tinal est une origine certaine de l'indoxyle. Reste à savoir si elle est la seule.
2° — Origine possible : indol des foyers purulents. — Nous verrons, à propos du Irypto-
phane, que l'indol intestinal résulte de l'attaque profonde du tryptophane inclus dans
beaucoup d'albuminoïdes, par certaines espèces bactériennes, celles précisément que
nous avons éuumérées comme microbes producteurs d'indol, le B. coli notamment.
Mais est-il nécessaire que cette attaque microbienne ail lieu dans la cavité intestinale?
Les infections purulentes, les abcès de telle ou telle région de l'organisme ne pour-
raient-ils être le siège d'une production d'indol? Cet indol serait alors transformé par
l'organisme en indoxyle au même titre que l'indol injecté expérimentalement.
On a signalé effectivement une assez forte élimination d'indoxyb; dans des cas de
bronchites putrides (L. Brieger, 81; L. Orïweiler, 86), d'empyèmes putrides (L. Ort-
WEiLER, 86), des suppurations diverses, notamment des abcès sous-cutanés (A. Keilman.v,
95i,des processus purulents variés (Testi, 93). 11 faut dire cependant que, sur 25 sujets
affectés de processus purulents divers, W. Beckmann {94) n'en a trouvé que six qui
eussent une élévation de l'indoxyle, et encore sans que la relation de ce phénomène
avec le processus purulent fût nette : cet auteur, contrairement aux précédents, conclut
donc que l'indoxylurie n'a pas de valeur pour déceler un foyer purulent.
Ces divergences s'expliquent aisément; car tous les microbes capables de produire
des abcès ne sont pas forcément des producteurs d'indol. Récemment, Ch. Porcher
(08 b, 08 c), recherchant l'indol sur 2o pus provenant d'animaux divers (cheval, vache,
porc, chèvre, chien), a obtenu une réaction positive 9 fois, douteuse 3 fois, négative 13 fois.
La quantité d'indol était d'ailleurs toujours faible et n'aurait pas suffi, d'après Ch. Por-
cher, à influencer notablement l'excrétion d'indoxyle.
Néanmoins, il n'est pas impossible que l'indoxyle trouve parfois une partie de son
origine dans l'indol formé par les bactéries ailleurs que dans la cavité intestinale, par
exemple dans des cas de pérityphlite, péritonite, etc. Encore ne faut-il pas oublier que
dans les cas de ce genre il y a généralement constipation, ce qui suffit à augmenter
l'indoxyle urinaire par l'intermédiaire de lindol intestinal.
3° — Origine impossible : métabolisme albuminoïde global. — Puisque certains proto-
plasmas (ceux des bactéries indologènes) ont le pouvoir de former de l'indol, qui après
résorption se transforme en indoxyle, il était permis de se demander si une telle pro-
priété n'appartiendrait pas aussi aux prc-toplasmas humains, dans des circonstances
normales ou dans des circonstances accidentelles. Nous allons étudier tout à l'heure
cette question.
Mais il nous faut auparavant écarter une théorie étrange où a conduit l'abus de
l'originalité dans celte voie. On a été jusqu'à affirmer (H. Labbk et G. Vitrv, 07 a, 07 b)
« la proportionnalité de 1' « indican » avec les matériaux albuminoïdes de la diète
alimentaire ou avec les albumines flottantes ou de réserve détruites au jour le jour par
l'organisme en état de jeûne. » L'indoxyle serait donc un simple produit de désassimi-
lation de toute matière albuminoïde dans notre propre organisme et sans intervention
des bactéries intestinales : il serait simplement proportionnel à la quantité de matières
protéiques mélabolisées. Mais, outre que les déterminations analytiques sur lesquelles
prétend s'appuyer cette théorie sont fort critiquables au double point de vue de la
technique chimique et des condilions physiologiques, on a fait remarquer immédiate-
ment (L. C Maillard, 07 b, 07 c) combien une telle théorie est insoutenable. Nous
174 lODOL.
verrons, en parlant du tryptophane, pourquoi léliminaliou d'indoxyle diminue, jusqu'à
s'annuler souvent, chez le jeune mammifère à la mamelle, chez l'homme adulte au
régime lacté, chez le chien au régime de la soupe au pain, chez la roussette, chauve-
souris frugivore sans gros intestin. I)ira-t-on que ces organismes ne consomment
point d'albuminoïdes? Puisque l'un des termes du rapport, l'indoxyle, peut s'annuler,
tandis que l'autre, la consommation albuminoïde, reste fini, on voit donc que la pré-
tendue loi de proportionnalité, de H. Labbé et G. Vitry est fausse infiniment, dans
toute l'acception mathématique du mot.
4° — Origine prétendue. L'indoxyle dans le jeûne. — Si la soi-disant loi de propor-
tionnalité de H. Labbé et G. Vitry ne supporte pas l'examen, il en est autrement d'une
conception soutenue par un certain nombre d'auteurs distingués, tels que H. Senator,
E. Salkowski, F. Hoppe-Skyler, F. Blumentual, C. Lewix, etc. Cette conception de l'ori-
gine endogène de l'indoxyle repose sur l'élimination notable de ce corps observée
dans le jeiine, dans des intoxications, ou au cours de maladies qui paraissent à pre-
mière vue sans rapports avec l'état de l'intestin.
L'une des plus intéressantes parmi ces circonstances est l'état d'inanition. Lorsque
E. Salkowski (76 a) constata que l'élimination d'indoxyle, forte avec une alimentation
de viande, très faible avec une alimentation de gélatine, n'arrivait pas à s'animler
même pendant l'inanition complète, il supposa que c'était « l'albumine corporelle qui
se décomposait avec formation d'indol par les ferments des tissus, tout à fait indépen-
damment de la digestion pancréatique, et cependant dans le même sens. » A cette
époque, en efTet, E. Salkowski admettait comme F. Hoppe-Seyler d'ailleurs, qu'il y avait
identité entre les processus de désassimilation des albuminoides dans l'économie elle-
même, et les processus de putréfaction : comme exemple typique, il citait précisément
la production d'indol.
A son tour, H. Senator (77), étudiant l'excrétion de 1' <' indican » dans divers états
pathologiques, arrivait à cette conclusion qu'on l'observe <i bien plus fréquemment
dans les maladies chroniques que dans les maladies aiguës, et surtout dans les troubles
de consomption et d'inanition », conclusion à laquelle arrive également M. He.nmge {79).
Pour tous ces auteurs, l'élimination d'indoxyle augmente dans l'état de jeune, par
suite d'une destruction exagérée des tissus propres de l'économie.
Cependant, peu de temps après, Fr. Tlczeck (S4) publiait une observation, dans un
cas d'affection mentale, où il y avait abstinence complète pendant 23 jours, sans qu'il
fût possible de trouver 1' « indican » dans l'urine. Dans un autre cas, où il y avait absti-
nence incomplète pendant 28 jours, chaque fois que le sujet prenait un peu de nourri-
ture albuminoïde, on voyait apparaître l'indoxyle : autrement non. Ces observations
étaient contraires à l'idée d'une formation endogène d'indol chez l'individu usant ses
propres tissus pour pallier au défaut de nourriture. Fr. MCller [86], dans un autre cas
d'abstinence chez un aliéné, n'a trouvé non plus que des traces d'indoxyle; de même,
chez le jeûneur professionnel Cetti, Fr. MCller {87) voit tomber l'indoxyle, dès le pre-
mier jour, à un taux très bas, et après 3 jours n'arrive plus guère à le déceler. Il fait
remarquer de plus {86) que l'augmentation de l'indoxyle dans l'urine n'a pas été trouvée
dans toutes les maladies concordant avec l'inanition, et qu'on n'en observe que des
traces dans la plupart des maladies qui comportent une fièvre intense et devraient
justement produire beaucoup d'indol par usure des tissus. Cependant Fr. MCller {86),
soumettant au jeûne des chiens et des chats, observe une augmentation de l'indoxyle ;
mais il l'attribue à l'indol toujours formé par putréfaction dans l'intestin des derniers
résidus alimentaires, des desquamations et sécrétions intestinale et biliaire, et aussi
du sang extravasé par les petites hémorragies intestinales qui se produisent chez les
cai'uivores en état de jeûne. E. Krauss (93) voit de même l'indoxyle diminuer considé-
rablement chez le chien soumis à un jeûne de quelques jours.
La théorie de la formation endogène de l'indoxyle dans le jeûne a cependant trouvé,
il y a quelques années, des partisans convaincus. Nous verrons que F. Blumenthal
{01), constatant que l'injection de phloridzine au lapin détermine une excrétion notable
de phénols et d'indoxyle (ainsi que d'acide glycuronique qui s'y combine secondaire-
ment), attribue l'origine de cet indoxyle à la destruction des tissus. Il retrouve le même
phénomène, non seulement après la piqûre diabétique {02 a), mais aussi chez le lapin
INDOL. 175
soumis au jeùiie {02 b). Or il faut savoir que le lapin qui reroit une bonne alimentation
végétale passait pour ne pas excréter d'indoxyle, comme l'avaient déjà signalé H. Rosm
■{91), E. Harnack etE. von der Leven (.95) : le jeune ou la phloridzine agissaient donc en
provoquant la destruction tissulaire et l'apparition d'indoxyle endogène. Mais ce
■raisonnement a perdu son intérêt depuis que E. S alkowski {08) a montré qu'en nour-
riture végétale ordinaire l'urine du lapin contient de l'indoxyle; seulement ce corps
est difficile à déceler, et on n'y arrive guère qu'après avoir fait un extrait alcoolique
de l'urine. Ou peut donc croire que le jeûne a surtout pour effet de faire disparaître
de l'urine des substances gênantes pour la recherche.
Il y a plus. F. Blumenthal et F. Rosenfeld {02) avaient pensé donner à leur théorie
une base définitive, en recherchant l'indol dans le contenu intestinal des lapins soumis
-au jeune ou à l'injection de phloridzine avec hyponutrition. Ils n'ont pas trouvé
d'iiidol ; de plus, le lapin qui jeûne n'est pas suiet comme les* carnivores aux hémor-
rhagies intestinales donnant matière à putréfaction : l'indoxyle trouvé dans l'urine
devait donc avoir une origine autre que l'indol intestinal. Remarquons d'abord que ce
mode de raisonnement ne donne pas des garanties certaines; car on pourrait répondre
que, si l'on ne trouve pas d'indol dans l'intestin, c'est précisément qu'il n'y est plus,
-qu'il a été résorbé très rapidement et transformé en indoxyle.
Mais A. Ellingeu [03 b) a réussi à déceler l'indol dans l'intestin des lapins au jeune,
et attribue à une insuffisance de technique l'échec de F. Blumenthal et F. Rosenfeld
(02 1. Bien que F. Rosenfeld {04) ait ensuite, chez 31 lapins sur 36, retrouvé l'absence
■d'indol dans Fintestin, Cl. Gautier et Ch. Hervieux (07 c, 07 d) ont à nouveau affirmé
son existence chez le chien et le lapin. Nous venons de dire que cela n'a pas grande
importance. Très intéressante au contraire est la remarque de A. Ellinger {03 h)
d'après laquelle l'indoxylurie notable du lapin au jeûne est tout accidentelle. Elle pro-
vient de ce que les animaux dévorent leurs crottes ; si on les met dans une cage à double
fond grillagé pour laisser tomber les crottes, l'indoxyle diminue fortement ; il disparaît
^i on muselé les animaux ou si on leur fait une fistule de l'œsophage. L'indoxylurie endo-
gène du jeûne n'existe pas.
5° — Origine prétendue. L'indoxyle dans les intoxications. — Depuis fort longtemps on
a prétendu que des substances étrangères, plus ou moins toxiques, étaient capables
d'augmenter la formation d'indoxyle. D'après Kletzinsky déjà, la créosote et l'essence
d'amandes amères, même à faible dose, augmenteraient V << indicanurie ». Suivant
S. Wolfberg (7oi, l'ingestion de l'acide salicylique à forte dose élèverait l'excrétion
d'indoxyle, affirmation qui fut contredite par M. Jaffé {73). On pourrait rappeler ici
l'observation de K. Borland {90), d'après laquelle l'ingestion de thymol serait suivie
d'une forte excrétion de chromogène indigotique, bien que cette production d'indoxyle
résultât, dans Fesprit de Fauteur, non d'une dégénérescence tissulaire, mais d'une
transformation du thymol lui-même; il a été prouvé d'ailleurs (F. Blum, 91) que la
couleur bleue obtenue n'est pas de l'indigotine, mais un dérivé du thymol.
On a signalé l'indoxylurie conmie résultant de l'intoxication par l'acide sulfurique
(M. Litten, 81), V acide sulfureux (E. Harnack et E. von der Leyen, 99), Vacide oxalique
(E. Harnacic et E. von der Leyen, 99), la phloridzine, surtout si son injection a lieu chez
des animaux en hyponutrition (F. Blumenthal, 01 , 02 b; G. Lewin, 02; F. Blumenthal
et F. Rosenfeld, 02 ; F. Rosenfeld, Oi). Parmi les partisans de l'origine endogène,
citons encore W. v. Moraczewski {08 c), qui admet l'augmentation de l'indoxyle dans
les intoxications, comme l'intoxication par le phosphore, ou après ingestion de thyroïde,
tandis que l'urotropine le ferait diminuer.
En revanche M. Hennige {79) n'avait trouvé aucune excrétion particulière d'indoxyle
dans l'intoxication chronique par Varsenic. H. Scholz {03) n'a pu obtenir la moindre
augmentation de l'indoxyle, ni par Vacide oxalique, ni par la phloridzine.
Les résultats positifs sont évidemment de pures co'incidences, dues peut-être à
l'action du toxique sur certains facteurs intestinaux, le péristaltisme par exemple, ou
même à de purs accidents, comme nous en avons vu un exemple dans le cas des lapins
mangeurs de crottes. L'indoxylurie endogène toxique ne peut être admise.
6" — Origine prétendue. L'indoxyle dans les affections non digeslives. — Les partisans
de l'origine endogène ont signalé une foule de cas pathologiques où aurait lieu une
176 INDOL.
abondaifte excrétion d'indoxyle, sans qu'on puisse, en apparence, incriminer l'état de
l'intestin. Remarquons tout d'abord que beaucoup de travaux anciens sont assez sujets
à caution, à cause de leur technique imparfaite. De plus, 1' « indican » ayant autrefois
passé pour pathologique en lui-même, nombre d'auteurs ont signalé son excrétion
chez leurs malades, sans songer à la rechercher chez les gens bien portants, qui en
auraient fourni tout autant. Enfin, les contradictions sans nombre sur ce chapitre enlè-
vent aux résultats positifs toute valeur systématique.
Prenons par exemple la tuberculose. Toute une série d'auteurs, tels que H. Senator
(77), HocHsiNGER {90), M. Kahane [92], L. Djouritsch {93, 94), Jaksch, Cattaneo (97),
G. Derary {9S], a. Rlumenthal {99), E. Daremrerg et Th. Perroy (05 a, Oo b) ; W. v.
MoRAczEwsKi {OS b), affirment l'excrétion abondante d'indo.xyle dans la tuberculose,
notamment chez l'enfant, à tel point que plusieurs d'entre eux ont voulu faire de l'in-
doxyle un élément de diagnostic de premier ordre pour la tuberculose infantile. J. Faiim
(95), constatant que chez les enfants tuberculeux il y a dans 61 p. 100 des cas excès d'in-
doxyle, tandis que chez les non tuberculeux cela n'arrive que dans 40 p. 100 des cas,
reconnaît un fond de vérité aux idées de Hochsinger et de Kahane, mais refuse d'accor-
der à l'indoxylurie une valeur diagnostique. Enfin W. Steffen {92), Voute (95),
St. Momidlowski {93), Gehlig {94 , V. Cima (94), G. Zwiebel {95), L. Concetti {98),
A. KiiiN {01), E. GoRTER (OS), démentent catégoriquement toute espèce de relation
entre l'indoxylurie et la tuberculose, non seulement chez l'adulte, mais aussi chez
l'enfant. Il est évident que, dans les cas positifs, il s'agit, non pas d'une sécrétion
endogène, mais bien de la richesse bactérienne de l'intestin, de la lenteur de résorp-
tion, de la constipation fréquente, on tout au moins dune certaine paresse de l'intestin
favorisant les stagnations de matières et la production d'indol.
On en pourrait dire autant de toutes les maladies. >^ous nous bornerons donc à une
rapide énumération. On a signalé l'indoxylurie dans des infections à marche très lente
comme la lèpre (A. Kôttmtz,.9/), ou très rapide comme la variole (G, Belfiore, 01),
la rougeole (J. Gnezda, 02), la scarlatine (J. G.nezda, 02), la diphtérie (L. Djoiritsch,
94), des bronchites (L. Djouritsch, 94), la méninr/ite cérébro-spinale (R.E. Campagna, 07),
dans les affections fébriles en général (H. Veale, 6S; W. v. Moraczewski, OS b) et en
particulier dans certaines fièvres rémittentes des Indes (H. Veale, 6S), ainsi que dans le
paludisme avec splénomégaiie accentuée et en général dans les splcnomégalies infec-
tieuses (P. Costa, 02). Au contraire M. Hennige (79) n'avait pas trouvé d'indoxyle dans
les fièvres intermittentes.
Citons encore la chlorose (M. Hennige, 79; v. Starck, 00 ; J. Gnezda, 02; R. Baum-
starck, 03, 04), la. pseudochlorose prétuberculeuse (J. Gnezda, 02), les anémies de diverse
nature (H. Veale, 6S, II. Senator, 77, 91 ; M. Hennige, 79; P. Costa, 02; R. Baumstarck,
03, 04), la maladie de Wcrlhoff (M. Hennige, 79), l'anémie profonde par ankylosto-
miase (Francotte, 8o\ la trichinose M. Hennige, 79), la maladie d'Addison (Rosenstirn,
72; P. Costa, 02). Rien n'empêche de voir ici de simples coïncidences, dues surtout à
la forte production d'indol aux dépens des matières en stagnation dans l'intestin
paresseux d'un organisme affaibli.
On a signalé maintes fois la présence de l'indoxyle en quantité appréciable dans
l'urine des diabètes (Heller, 43; E. Schunck, 57; L. S. Beale, 6o; J. G. Otto, 84;
P. Costa, 02; W. v. Moraczewski, 01, 04 a), et notamment la coexistence de l'indoxy-
lurie avec le diabète et Voxalurie (J. A. Wesener, 01, 03; W. v. Moraczewski, 01, 03,
04 a, OS), tandis que A. Kuhn (0/) ne trouve aucune augmentation dans le diabète.
Lors des accès de goutte, il y aurait augmentation de l'indoxyle d'après A. Magnus-Levy
{99), tandis que suivant J. Grossman {03) il n'existerait aucune relation entre la goutte
et l'indoxylurie. Il est bien probable que dans ces cas aussi il faut faire intervenir les
fermentations intestinales; nous serions porté, pour notre part, à admettre que l'acide
oxalique (qui ne provient pas des sucres, mais du glycocollel, est lui aussi un témoin de
ces fermentations, qu'il est naturel de trouver en compagnie de l'indoxyle.
Une autre catégorie d'affections accusées de produire l'indoxylurie est celle des
affections cancéreuses, que leur siège soit gastrique (H. Senator, 77; M. Hennige, 79;
L. Ortweiler, S6; A. Kuhn, 01), hépatique (Rosenstirn, 72; R. Niggeler, 75; M. Hen-
nige, 79; L. Ortweiler, 86; M. Litten, 89; W. v. Moraczewski, 08 b), utérin (L. Ort-
INDOL. 177
WEiLER, 86), etc. L'indoxyhirie serait régulière chez les cancéreux cachectiques,
d'après C. Lewi.n {04) qui attribue nécessairement à la destruction tissulaire l'origine de
l'indoxyle. Son excrétion abondante a été signalée dans un cas de lymphome multiple
(H. Senatou, 77). Remarquons ici encore la fréquence de la paresse intestinale, et même
des obstacles mécaniques, dans ce genre d'affections.
On a signalé aussi l'indoxyhirie forte dans diverses néphrites aùjucs (Basham;
Heller, io; II. Hassall, oi; Legroux), dans la néphrite rhumatismale (Valvassori-
Peroni, 98), dans Vatrophie granulaire des reins (H. Senator, 77).
Mais c'est peut-être dans les affections nerveuses qu'on a le plus discuté l'origine
endogène de l'indoxyle. R. Niggeler {73) en a signalé l'excrétion abondante chez un
sujet atleint de lésions médullaires, F. Blumenthal {02 a) à la suite de la piqûre diabé-
tique ei chez les gens atteints de légers troubles nerveux, L. Djouritsch (94) dans la c/toree.
J. Gnezda [02) l'a observée chez un aliéné abstinent, et les cas de psychose avec forte
indoxylurie sont fréquents; on a même indiqué (M. Seige, 08) que dans les psychoses
cycliques on la verrait apparaître avec le stade de dépression et disparaître au stade
d'excitation. Cependant nous avons signalé déjà les observations négatives de Fr. Tiic-
ZECK {84) et de Fr. Mûller (86) chez les aliénés abstinents; et d'après F. Neumann {87),
E. D. BoNDURANT (93), J. II. Borden (07), l'indoxylurie n'aurait rien à voir avec les
maladies mentales. Ici encore les fonctions du tube digestif suffisent sans doute à toutes
les explications. C'est probablement à des causes du même genre qu'il faut rapporter
l'indoxylurie signalée parfois dans des cas de fractures, amputations, résections (Grassic;
S. Laache, 9o), qui s'accompagnent souvent d'une gêne dans les fonctions musculaires
et nerveuses de l'intestin.
On a enfin signalé l'indoxylurie dans les états de gravidité et de puerpéralité (Olive,
99) : inutile d'insister sur les causes d'erreur que peut introduire ici la constipation.
7° — Signification certaine. Rapports de l'indoœylurie avec les phénomènes iiitcstinaux.
L'attention a été attirée depuis longtemps sur l'excrétion plus abondante d'indoxyle
dans une série de cas qui correspondent à un envahissement bactérien du tube digestif
et à un renforcement des phénomènes putréfactifs (E. Baumann, et la plupart des
auteurs : citons parmi les plus récents, L. C. Maillard, 03 f; A. Croidieu, 03; Ch. Por-
cher et Ch. Hervieux, 07 a, 07 c; E. Gorter, 08; R. Brandeis, 09). On a signalé par
exemple les entérites aiguës ou chroniques (M. Hennige, 79; L. Djouritsch, 94, etc.), où
l'excrétion peut devenir énorme, et causer l'indigurie, ou de simples gastro-entérites sq
manifestant à la fois par l'excrélion urinaire d'indoxyle et par des symptômes circula-
toires (Féré, 03), le choléra infantile (Hochsinger, 90), l'ingestion d'aliments putrides
(B. Mester, 94; Klaman.n, 97), etc. La résorption des produits aromatiques de la putré-
faction intestinale, notamment de l'indol, ne serait pas sans danger, car les lésions
vasculaires et parenchymateuses qu'elle déterminerait, dans le foie surtout, favorise-
raient beaucoup les infections consécutives (A. Rovighi, 03). D'après les anciennes
observations de H. Veale {68) on pourrait croire que les rf<a?T/tees augmentent l'indoxyle;
au contraire tous les auteurs modernes (R. Baumstargk, 03, 04; A. Rovighi, 03; \\ . v.
MoRACzEwsKi, 04 b; etc.), reconnaissent que les évacuations diarrhéiques amènent une
forte diminution de l'indoxyle, ce qui s'explique par l'entraînement de l'indol hors de
la cavité intestinale avant sa résorption.
Dans le choléra, on observe une très forte indoxylurie, surtout au début, puis le phé-
nomène s'atténue bientôt et disparaît lors de la diurèse qui accompagne la période de
réaction (Heller, 43; Gubler, 54; Wyss; E. Baumann, 93; G. Hoppe-Seyler, 92;
P. Terray, b. Vas et g. Gara, 93).
Dans la typhoïde, certains auteurs (M. Hennige, 79; A. L. Benedict, 97; W. v. Morac-
ZEwsKi, 08 c) ont admis que l'indoxyle était augmenté, tandis que d'autres, par exemple
A. KïiHN {01) sont dun avis opposé. On peut se rendre compte qu'en réalité la typhoïde
ne détermine par elle-même aucune augmentation de l'indoxyle, et on lé comprendra
lorsqu'on verra, à propos du tryptophane, que le bacille d'EBERTH n'a pas le pouvoir
d'attaquer ce corps. En revanclie les infections concomitantes, surtout celles à coli-
bacille, freuvent déterminer l'indoxylurie, qui se montre également si les évacuations
intestinales se font mal.
L'indoxylurie s'observe dans des cas de péritonite (M. Hennige, 79; G. Hoppe-Seyler,
DICT. 1)E PHYSIOLOGIE. — TOME IX. 12
178 INDOL.
8S; R. Baumstarck, 03, 04), de cholécystite (F. Betz, 93), etc. Peut-être dans les périto-
nites la forte résorption d'indol est-elle due, non seulement à l'infection, mais à la stase
du contenu intestinal. Car les entraves au cours normal des matières sont Tune des
causes les plus typiques d'hyperindoxylurie; Tindol a le temps de se produire en abon-
dance dans les dernières parties du tube digestif. Aussi trouve-t-on une forte indoxylurie
dans la constipation opiniâtre (H. Veale, 68; R. Nkigeler, 75), Vétranglement herniaire
<F, Hoppe-Seyler, 75), la sténose intestinale (A. Kûhn, 01), ['obstipation (de Vries, 77;
A. L. Benedict, 97; R. v. Pfungen, 92; R. Baumstarck, 03, Oi). Nous verrons tout à
l'heure, dans cet ordre d'idées, les intéressantes expériences de A. Ellixcer et W. Prutz
03).
La ligature du pancréas détermine une forte diminution de l'indoxyle urinaire
.(G. Pisenti, 88); il en est de même de Vextirpation de cet organe (K. S. Villane.n, 04),
qui entraîne une diminution importante des éthers sulfuriques et de l'indoxyle, ce que
l'on conçoit; carie suc pancréatique, non seulement libère le tryptophane, mais favorise
par son alcalinité les puUulations bactériennes dans l'intestin. On a constaté inversement
l'augmentation de l'indoxyle dans des cas d'amoindrissement ou d'arrél de la sécrétion
biliaire (A. L. Benedict, 97), et beaucoup d'auteurs attribuent à la bile une action anti-
septique importante vis-à-vis des putréfactions intestinales. Cependant F. Blume.nthal
{05) pense que la bile n'empêche pas à proprement parler les putréfactions intestinales,
mais favorise plutôt la production d'acides gras volatils en restreignant les dérivés aro-
matiques.
L'abondance de l'indoxyle se remarque aussi dans certaines affections de l'estomac :
catarrhe f/astrique (M. Hennige, 79), xdcère (Stokvis; M. Hennige, 79), dilatation (Stokvis).
C'est surtout avec la sécrétion clilorhydrique de l'estomac qu'on a cherché à établir des
relations ; beaucoup d'auteurs ont attribué à HCl déversé dans le duodénum un certain
rôle antiseptique, et le considèrent comme limitant d'une façon générale les phénomènes
putréfactifs : aussi voit-on admettre comme facteur d'indoxylurie la subacidité et Yana-
cidité du suc gastrique (B. Mester, 94; Ch. E. Simon, 95; A. L. Benedict, 97; E. Ziemke,
98). L'indoxyiurie, absente dans l'hyperchlorhydrie, apparaîtrait dans l'hypochlo-
rhydrie, et deviendrait très élevée dans Vanachlorhydrie (J. Carles, 05). Toutefois l'aug-
mentation de l'indoxyle dans l'achylie proviendrait, suivant R. Baumstarck (04), non
directement du défaut de HCl, mais de l'existence concomitante d'autres troubles
digestifs. Un certain nombre d'auteurs (A. -A. Jones, 00; D. v. Tabora, 06; etc.) nient
toute relation entre HCl gastrique et le taux de l'indoxyiurie.
Il est bien connu depuis longtemps qu'une indoxylurie nette peut parfaitement
exister chez les gens sains, et nous avons insisté ailleurs sur ce point (L. C. Maillard,
03 f). Seule une hyper indoxylurie élevée peut avoir une signification pathologique,
san.s avoir jamai"»- à elle seule une valeur pathognomonique précise. L'indoxyle est
abondant quand les conditions intestinales, qui peuvent n'avoir rien de pathologique,
sont favorables à la production de l'indol, et les facteurs sont ici multiples. On le
comprendra bien à la lecture du paragraphe que nous consacrons au Tryptophane, et
où l'on verra que le tryptophane libéré dans l'intestin est la source normale de l'in-
doxyle, tandis que les autres aminoacides aromatiques, tels que la tyrosine (F. Masson,
74; A. Croidieu, 05) ou la phénylalanine (Langstein cIFalta, 05) restent sans influence
sur la production de l'indoxyle.
Citons seulement ici quelques-uns de ces facteurs, et d'abord la richesse de Valimen-
tation en albuminoides tryptophaniques fournissant une abondante matière première à la
production d'indol : la viande fournit beaucoup d'indoxyle (M. Jaffé, 70b; E. Salkowski,
76 a; B. Peurosch, 77 ; L. Ortweiler, 86; Mester, 94; F. P. Underhill, 04; E. v. Kozicz-
KOwsKY, 05), tandis que la gélatine n'en donne pas (E. Salkowski, 76 a; F. P. Underhill,
04) car elle ne contient pas de tryptophane. Le régime lacté fait, à vrai dire, disparaître
l'indoxyle, quoique la caséine soit riche en tryptophane, mais cela tient, soit à ce que
le tryptophane très facilement séparable de la caséine est résorbé avant d'avoir été
attaqué par les bactéries, soit à ce que le régime lacté modifie la flore intestinale et que
les albuminoides du lait sont peu propices à la puUulation des microbes (J. Bouma, 04),
Un deuxième facteur est la durée du séjour dans le tube digestif des matières expo-
sées à la putréfaction : plus long est ce séjour, plus l'urine contient d'indoxyle. Ainsi
INDOL. 179
les ruminants à tube digestif vaste et long se font remarquer par leur richesse
en iiidoxyle. Au contraire un animal presque dépourvu de gros intestin, la roussette
[Pteropus mcdius), chauve-souris frugivore des Indes, ne fabrique pas d'indoxyle (E. Met-
cHNiKOFF, 09; A. Berthelot, 09). On sait en effet que l'indol prend naissance surtout
dans les dernières parties de l'intestin. G. A. Ewald (79) a eu l'occasion d'observer un
sujet porteur d'une fistule accidentelle de l'intestin grêle siégeant au dernier tiers de
l'iléon et permettant l'évacuation au dehors sans passer par le gros intestin : malgré un
régime très fortement carné, le sujet n'excrétait pas d'indoxyle. Une intervention
chirurgicale ayant rétabli la communication avec le bout inférieur de l'intestin,
Tindoxyle apparut abondamment. M. Jaki'k (77) avait déjà pu constater que l'indoxyle
est exagéré par la ligature de l'intestin grêle, mais non par celle du gros intestin. 11 y a
quelques années ont été faites des expériences très intéressantes de renversement de
l'intestin (W. Prutz et A. Ellinger, 02 ; A. Ellixger et W. Prutz, 05), qui consistent ù
couper une certaine longueur d'intestin grêle, puis à suturer l'extrémité postérieure du
tronçon à la partie antérieure du tube digestif et vice-versa. Le péristaltisme a pour effet
alors de faire rétrograder les matières au lieu de les faire progresser, ce qui détermine
une stagnation indéfinie : on voit alors le chien éliminer 400 milligrammes et plus d'in-
digo par jour. Au contraire les obstructions du gros intestin n'ont pas d'inlluence.
Comme troisième facteur nous citerons l'influence qu'exerce le réç/ime alimentaire
sur la flore intestinale et sur les putréfactions. C'est pour des raisons de cet ordre que
le régime lacté ne donne généralement pas d'indoxyle. On n'en trouve pas dans
l'urine du nouveau-né (H. Senator, 79; Hochsinger, 90; E. Wang, 00; etc.) pas plus
d'ailleurs que de substances indologènes (Ch. Porcher, 09 a), et on n'en trouve que des
traces, ou même pas du tout, chez le nourrisson élevé exclusivement au sein. Dans leurs
expériences bien connues sur la vie aseptique des jeunes Mammifères, sans bactéries
dans le tube digestif, G. H. F. Nuttall et H. Thierfelder {93, 96, 97) ont trouvé dans
l'urine des oxyacides aromatiques, mais n'ont pu y déceler ni phénol, ni p. crésol, ni
pyrocatéchine, ni indoxyle, ni chromogè)ie skatolique; l'intestin ne contenait pas
d'indol. Chez l'adulte (A. Albu, 97 ; Ch. Porcher et Ch. Hervieux 03, a) le régime lacté
fait décroître énormément l'indoxyle, surtout si on a eu soin d'évacuer le mieux possible
l'intestin. Le régime de la soupe au pain produit presque les mêmes résultats (Ch. Her-
vieux, 08). Les poulets nourris d'avoine et de pain mouillé n'éliminent pas d'indoxyle
(Ch. Porcher et Ch. Hervieux, 07 a). Cette influence restrictive des aliments hydrocar-
bonés sur la putréfaction intestinale a été observée par un grand nombre d'auteurs, en
dernier lieu W. v. Moraczewsky {08b, 08c). Bien entendu, il s'agit d'une question de
milieu favorable aux bactéries putréfactives, et non d'un défaut d'ensemencement : la
stérilisation de la nourriture carnée ne diminue en rien l'indoxyle (M. Haagen, 57;
A. Albu, 97). Les antiseptiques intestinaux n'ont qu'une action généralement très
incomplète : on ne cite guère comme capables de faire disparaître quelquefois l'indoxyle,
que le calomel (Wassilieff, 82; E. Baumann, 87; F. Neumanx, 87), l'iodure mercurique
(WoLOwsKi, 01), et le lactate d'argent (M. Mosse, .97); on pourrait, paraît-il, le faire dimi-
nuer par l'acide benzoïque, le chloral (F. Neumaxn, 87), le sous-nitrate de bismuth
(E. Wang, 00), le gioddu (G. Franchini et C. Lotti, 09). Mais le procédé des antiseptiques
est très infidèle ; d'après V. Morax {86), le calomel devrait surtout son action à ses
propriétés purgatives. Il est de fait que les purgatifs, par exemple les eaux minérales
évacuantes (A. Rovighi, 03), diminuent l'indoxyle.
Enfin un quatrième facteur, fondamental, est la nature des espèces bactériennes qui
pullulent dans l'intestin. Nous avons dit que le choléra donne beaucoup d'indoxyle,
tandis que la typhoïde n'en donne qu'irrégulièrement et non essentiellement : or le
bacille du choléra fabrique de l'indol, tandis que celui de la fièvre typhoïde isole le tryp-
tophane, mais sans l'attaquer. G. A. Herteh {97) a constaté que l'introduction d'une
graade quantité de B. coli dans l'intestin augmente considérablement l'indoxyle et les
éthers sulfuriques ; l'introduction du Proteus vulgaris en grande quantité augmente les
éthers sans augmenter sensiblement l'indoxyle ; l'introduction deD. acidi lactici diminue
l'indoxyle et les éthers sulfuriques. Cependant il y a des contradictions. E. Gans (99)
a trouvé chez le chien que l'administration de cultures pures de B. coli augmentait les
éthers sulfuriques de l'urine, mais pas sensiblement l'indoxyle, que les cultures pares de
180 INDOL.
Proteug augmentaient l'indoxyle, mais irrégulièrement, que les cultures de B, acidi lue-
fîcï augmentaient quelquefois les élherssulfuriques, mais pas l'indoxyle, que le mélange
de B. coli et B. acidi lactici diminue les éthers, mais non l'indoxyle, enfin que la levure
augmentait l'indoxyle et non les éthers. Pour E, v. Koziczkowsky {05) la levure est sans
action sur l'indoxyle et les éthers.
En résumé, l'indoxyle de l'urine nous apparaît bien comme l'un des témoins des
putréfactions intestinales. Nous disons qu'il en est un des témoins, mais nous ne disons
pas qu'il en soit la mesure. Car les réactions putréfactives sont diverses, et leurs pro-
duits multiples; elles peuvent évoluer dans des sens variés et sans qu'il y -ait propor-
tionnalité entre les substances qui en dérivent. A la vérité, il y a très souvent un paral-
lélisme dans l'excrétion de l'indoxyle, des phénols, de l'acide sulfurique éthérifié
(E. Salkowski, 76 a, 76 b, 77; H. Strauss et H. Philu'psohn, 00; E. v. Koziczkowsky,
05)', mais ce parallélisme fait souvent défaut (G. Hoppe-Seyler, 88; Strasser, 9i;
R. Baumstarck, 03 ; etc.). Il n'y a pas non plus parallélisme entre l'acide glycuronique et
les copules aromatiques, indoxyle, phénols, susceptibles de s'y combiner (F. Blumenthal
et H. WoLFF, 04) ; il y a d'ailleurs toujours dans l'urine beaucoup plus de H-SO* qu'il ne
serait nécessaire pour fixer l'indoxyle et les phénols, et ce n'est donc pas le manque de
H*SO* qui exige l'apparition de l'acide glycuronique (A. E. Austin, 04). Enfin, si les
[u'oduils aromatiques sont souvent abondants, d'autres réactions putréfactives évoluent
surtout vers la production d'acides gras volatils, etc. : si l'on veut se rendre un compte
exact de l'intensité des putréfactions intestinales, il faut doser tous ces dérivés :
indoxyle, phénols, acides gras, acide oxalique, SO* des éthers, etc.
8° — Signification très douteuse. Rapports prétendus de l'indoxi/lurie avec les phénomènes
hépatiques et spléniques. — Nous avons vu déjà l'indoxyiurie dans certains cas de néo-
plasmes hépatiques, ce qui peut n'être qu'une coïncidence sans valeur. En interprétant
les publications d'anciens auteurs, tels que Payne {o8), H. Veale [68], on pourrait bien
croire à l'augmentation de l'indoxyle dans les affections hépatiques, notamment la con-
gestion et l'hypertrophie du foie ; mais Stokvis ne remarquait pas cette augmentation
dans les cirrhoses.
Il y a quelques années, l'indoxyiurie s'est trouvée portée au rang de symptôme d'm-
suffisance hépatique, presque pathoguomonique, le foie devant être chargé, suivant les
auteurs de cette théorie, de retenir et de détruire l'indol venu de l'intestin : l'indoxyle
apparaîtrait en quantité nobable quand le foie faillirait à sa tâche (A. Gilrert et E. Weil,
98, 99, 00; C. Rabajoli, 00). Certains travaux sont même basés sur l'étude de cette
«fonction indopexique » du foie (M. Dehon, 06). Mais cette théorie nous parait difficile-
ment acceptable. On sait qu'avec une technique convenable on peut retrouver dans
l'urine, sous forme d'indoxyle, à peu près tout l'indol administré (Ch. Hervieux, 04 c,
08); or, si le foie normal laisse passer tout l'indol à l'état d'indoxyle, comment le foie
pathologique pourrait-il en laisser passer davantage"? D'autre part il esta peu près établi
que la transformation de l'indol en indoxyle a lieu précisément dans le foie; si le foie
_est insuffisant, on comprendrait qu'il fabriquât moins d'indoxyle (et non plus) et laissât
passer de l'indol en nature, fait qui ne semble pas avoir été observé jusqu'ici. En tout
cas, la théorie en question est diamétralement opposée à des notions qui paraissent
sérieuses : nous ne la mentionnons que sous les plus expresses réserves,
La rate a été accusée de jouer un rôle dans l'indoxyiurie. Chez 3 malariques à très
grosses rates, C. Mazzetti [91) a. constaté que l'ingestion d'une nourriture riche en albu-
minoïdes était suivie d'une très forte indoxylurie. Un chien qui en régime carné n'avait
pas un fort degré d'indoxylurie, offrait, après extirpation de la rate, une indoxylurie
intense quand il recevait beaucoup de viande. A. Margantoxio (00) a signalé de son
côté l'augmentation de l'indoxyle chez un chien à rate extirpée. Mais l'interprétation
de ces expériences paraît fort douteuse,
9° — Conclusions. — De tout ce qui précède, résultent des relations évidentes entre la
décomposition bactérienne des aibuminoides dans l'intestin et l'indoxyiurie. Au contraire,
aucune autre cause d'indoxylurie n'a pu être établie authentiquement. Si donc les
physiologistes ont eu raison de se poser, depuis E. Salkowski, la question de savoir s'il
n'y aurait pas une indoxylurie endogène, il faut reconnaître que rien n'autorise jus-
qu'ici à répondre affirmativement.
INDOL. 181
Laissons place néanmoins aux recherches futures. Il est extrêmement remarquable
(L. C. Maillard, 03 f, 07 c) de voir que l'organisme possède un curieux pouvoir de
convergence amenant à la forme indoxyle des substances diverses, tantôt par oxydation
(indol), tantôt au contraire par réduction (acide o. nitropliénylpropiolique, isatine). Il
ne faudrait pas s'étonner outre mesure si l'on venait quelque jour à étendre cette
faculté à d'autres substances encore, telles que, par exemple, les matières colorantes
hématiques, qui ne sont pas très éloignées de l'indol, ainsi que nous l'expliquerons
au paragraphe Indirubine.
G. Réactions et recherche de Tindoxyle.
l» — La réaction caractéristiqu(> de l'indoxyle est sa transformation en indigotine et
en indirubine, par oxydation et probablement par l'intermédiaire du stade instable
hémiindigotine (Voir Propvii'lés de l'indoxyle). Pour rechercher l'indoxyle combiné
sous forme de chromogènes dans l'urine ou ailleurs, il faut donc assurer à la fois la
libération de l'indoxyle et son oxydation. Le premier résultat est obtenu par les acides
??iin6'raM.r, de préférence HCl, ou encore H^SO*, ou même HAzO'' (mauvais), employés
de préférence concentrés et froids, ou même chauds. Sauf J. Amann (97), G. Grazianf
[98), C. RuzicKA {9S), et quelques autres, qui emploient H^SO^, tous les auteurs emploient
HCI. Pour l'oxydation, on peut, soit se contenter de l'oxygène atmosphérique, comme
le faisaient les anciens auteurs, Heller (4o, i6, 47), E. Schunck (57), Th. A. Cartek
{38, 59), F. Hoppe-Seyler (63), W. Weber {78), soit ajouter à l'acide, ou après son
action, une petite quantité d'un oxydant. Le premier employé a été un hypochlorite
de Ca, Na, K (M. Jaffé, 70 b), mais on a bientôt reconnu (jue les hypochlorites étaient
des oxydants trop énergiques, attaquaient très facilement l'indigotine et i'indirubine
formées, pour les oxyder en isatine de coloration jaune beaucoup plus faible, et que
l'emploi du moindre excès d'hypochlorite dans la réaction suffisait à la faire échouer
pour cette raison. Les auteurs récents qui ont conservé cette technique (J. Gnezda, 02)
sont 1res rares, et leur exemple est à ne pas suivre. Nous en dirons autant en ce qui
concerne les hypobromites, ainsi que Vacide nitrique chaud employé par Stokvis (7/).
On a donc proposé toute une série d'oxydants moins violents : le permanganate
de K (H. Senator, 77; 0. Hammarsten, 80), le chlorure ferrique (E. Baumaxn et F.Tiemann,
79 b; F. Obermayer, 90, 98 a, 98 b; G. Grazl\ni, 98; E. Wang, 98, 99 a, 99 b, 99 c;
J. Boml^, 99,00, 03; E. Krauss, 93; C. Adrl\.\, 9i; H. Strauss, 02; etc.), Veau oxygé-
née (A. LouBiou, 97 ; L. C. Maillard, 03 f; Ch. Porcher et Ch. Hervieux, 03; etc.), les
persidfates alcalins (J. Amann, 97 ; G. Ruzicka, 98; A. Klett, 00; L. Rossi, 07 ; etc.), le
chlorate de potassium (C. Strzyzowski, 01 ; G. Denigès, 04; J. Daland, 09), Vacide osmique
(A. GiJRBER, 03), le sulfate de cuivre (E. Salkowski, 08; T. Imabuchi, 09). Tous ces oxydants
présentent d'ailleurs, quoique à un degré moindre que les hypochlorites, le danger de
pertes par suroxydation, danger qui, rédhibitoire pour les dosages, présente des incon-
vénients sérieux même pour la recherche qualitative. Ils peuvent pousser l'oxydation
jusqu'au stade isatine, ainsi que cela a été démontré pour FeCF (L. C. Maillard, 03 f).
Aussi faut-il toujours les employer avec de grandes précautions et en très petite quan-
tité : les plus commodes paraissent être l'eau oxygénée (L. G. Maillard, 03 f) et les per-
sulfates d'ammonium ou de sodium.
La formation des couleurs indigotiques à partir de l'indoxyle en présence de HCl et
d'un oxydant est si nette qu'on a proposé réciproquement d'employer l'urine, en pré-
sence de HCl, pour déceler la présence d'un oxydant (J. Fayes et Vikgili, 09). Il faut
évidemment se mettre en garde contre la production des couleurs par HCl seul.
La réaction étant produite, les anciens auteurs se contentaient d'observer la colora-
tion bleue ou violette développée dans le liquide, et de recueillir les flocons bleus ou
violets qui pouvaient se précipiter (M. Jaffé, 70 b). Mais on eut l'idée de rassembler la
matière colorante par agitation avec un dissolvant non miscible à l'eau. Déjà Fordos
{63, 66) rassemblait par le chloroforme (ou l'éther) 1' « urocyanose » formée dans
l'urine. Stokvis (68, 71), C. Méhu {71 a) employaient le chloroforme (ou l'éther) pour
extraire la couleur indigotique; l'habitude a fait prévaloir le chloroforme, qui s'en em-
pare en totalité. Depuis lors, tous les auteurs ont suivi cette technique, très satisfai-
sante. L. C. Maillard {03 /") y a ajouté le rejet du liquide de réaction et le lavage obli-
gatoire du chloroforme par agitation avec de l'eau alcalinisée par un peu de soude
182 INDOL.
(0,2-1 p. 100) pour éliminer des matières acides dont la couleur jaune peut masquer
la coloration bleue ou violacée.
Avec ce lavage, il n'y a plus à se préoccuper, comme le faisait W, Michaïlow [87],
de débarrasser au préalable l'urine, par saturation au sulfate d'ammonium et épuise-
ment répété par l'éther acétique, de l'urobiline qu'elle pourrait contenir en proportion
gênante.
Enfin, si l'on veut que la réaction ait quelque délicatesse, il faut débarrasser le
liquide (l'urine) d'une série de matières organiques normales ou anormales (albumine),
qui gêneraient l'oxydation, ou qui par leur précipitation (acide urique) viendraient
gêner l'extraction chloroformique. Dans ce but, L. C. Maillard (03 f) préconise la
défécation par le sous-acétate de plomb, déjà employé par J. Bouma [00) et préférable
à l'acétate employé par E. Wang {99 a). Voici la technique de (.. C. Maillard [03 f),
qu'il convient de suivre h la lettre.
Recherche de l'indoxyle. Procédé Maillard. — A 50 centimètres cubes d'urine on ajoute
K centimètres cubes de sous-acétate ^formule du Codex), on agite et on filtre. Dans un
tube à essai on mêle parties égales de filtrat et de HCI pur, avec 2-3 centimètres cubes
de chloroforme, et en ayant soin de laisser en haut du tube une longueur de 2 cen-
timètres pour l'air. On agite très violemment et on laisse retomber le chloroforme, qui
se rassemble presque instantanément. Si le chloroforme n'est pas coloré, on ajoute
goutte à goutte de l'eau oxygénée étendue diluer 10 fois l'eau oxygénée commerciale
à 10-12 volumes), en ayant soin d'agiter à chaque addition pour observer la coloration
du chloroforme : c'est ainsi qu'on atteindra le maximum de sensibilité. Avec une
pipette munie d'un caoutchouc, on aspire la partie aqueuse et on la remplace parNaOH
à 1 p. 100. On agite et on laisse reposer. Si le chloroforme est coloré en bleu, violet,
pourpre, rouge, toute la matière colorante est d'orif^ine indoxylique.
Il peut arriver qu'on ait à rechercher l'indoxyle dans une urine contenant des
iodures ou des bromures. On sait que l'addition d'un acide et d'un oxydant libère I ou
Br, qui passent en solution dans le chloroforme. D'autre part la coloration d'une solu-
tion chloroformique d'iode est presque rigoureusement la même que celle d'une solu-
tion chloroformique d'indirubine, et dans le cas où l'urine contient un iodure, l'oxyda-
tion de HI détourne à son profit une notable partie de l'oxydant disponible, ralentit
l'oxydation de l'indoxyle, et, par le mécanisme que nous avons déjà vu, fait prédominer
l'indirubiiie dans le produit final. Il est donc nécessaire de savoir distinguer la part
respective qui revient à l'indirubine et à l'iode dans la coloration pourprée du chloro-
forme. On recommandait autrefois (Re.nault, 88\ S. H. Frenkel et M. Frenkel, 96;
A. KûHN, 0/; W. KoLLO, 01 ; B. Henurix, 0/) de laver le chloroforme par agitation
avec de l'eau contenant un peu d'hyposulfite de Na, pour détruire l'iode et ne laisser
que la coloration due aux couleurs indigotiques. Mais, lorsqu'on a soin de suivre le
procédé de recherche de L. C. Maillard, avec lavages à la soude étendue, ces lavages
suffisent parfaitement à éliminer tout l'iode et l'hyposulfite est superfiu : L. C. Mail-
lard {03 f) s'en est assuré directement sur des urines contenant 10 grammes de Kl
par litre. Bertault {02,) recommandait déjà de laver par KOH le chloroforme obtenu
dans les urines iodées; mais, comme il attribue toujours à l'iode la coloration violette
et ignore ainsi l'indirubine, et considère comme fréquentes les urines sans » indican »
alors qu'on ne les rencontre pratiquement jamais, les observations de cet auteur ne
sauraient être prises en considération.
La recherche de l'indoxyle peut être encore troublée par une foule de matières
étrangères, non seulement les albumines, l'urobiline, les pigments biliaires, etc., mais
même certaines substances plus rares, telles que le chromogène que contient l'urine
dans les cas de mélanosarcome (Ganghofner et Przibram, 77); dans presque toutes les
circonstances, la défécation plombique permettra la recherche.
2° — Une autre réaction très sensible de l'indoxyle est basée sur la formation des
indogénides avec les corps aldéhydiques ou cétoniques, en présence d'agents de con-
densation (HCI chaud de préférence;. Le corps cétonique le plus employé dans ce but'
est précisément Visatitie, dont l'union avec l'indoxyle produit de l'indirubine et de
l'indigotine : en milieu chlorhydrique chaud il se produit exclusivement de l'indirubine,
pour les raisons découvertes par L. C. Maillard {03 f) et que nous avons exposées au
INDOL. 183
paragraphe Propriétés de l'indoxyle. Découverte par A. Ru'.veii (83), cette réaction a
été appliquée par M. W. Beijerinck [00 b) à la recherche de l'indoxyle chez les végé-
taux, par J. BouMA (01), !.. C. Maillard {03 f, 08 b, 10), Cii. Ukrvieux (08), etc., à la
recherche et au dosage de l'indoxyle dans l'urine de l'honime et des animaux.
Il est indispensable, pour la formation exclusive de l'indirubine, que l'indoxyle soit
en faible proportion vis-ù-vis des substances oxydables du milieu, suivant la loi de
L. C. Maillard. C'est ce qui a lieu naturellement dans l'urine humaine par exemple ;
mais, lorsque le milieu est riche en indoxyh», on a toujours aussi de l'indigotine, soit
dans les synthèses industrielles (L. C. Maillard, 03 f), soit dans les urines très riches
en indoxyle (Ch. Hervieux, 08) : aussi doit-on diluer celles-ci.
Pour exécuter la recherche de l'indoxyle par l'isatine, on ajoute à l'urine son
volume de HCl pur commercial qui contient par litre une petite quantité d'isatine :
0 8', 1-0^% 2 d'isatine par litre suffisent généralement pour l'urine humaine ; si l'on a
affaire à des liquides très riches, on pourra prendre 1-2 grammes de celle-ci par litre
de HGl, mais il vaut mieux diluer le liquide pour éviter la formation d'indigotine. On
chaulTe le mélange au bain-marie pendant 1 heure; on laisse refroidir, puis on épuise
par le chloroforme le liquide, ainsi que le dépôt qui a pu se former. On ne doit pas
oublier de laver à la soude étendue la solution chloroformique : la couleur rouge restante
est l'indirubine.
Dans cette réaction, la moitié seulement de l'indirubine provient de l'indoxyle,
l'autre moitié de la molécule étant apportée par l'isatine. La réaction de copulation est
donc plus sensible que la réaction d'oxydation ; on peut se demander si elle ne le serait
pas trop. On a fait remarquer déjà (L. G. Maillard, 03 f) qu'il n'est peut-être pas
très prudent de prendre comme léactif un corps possédant le même noyau que celui
qu'on recherche, et que peut-être certaines circonstances pourraient fournir de l'indi-
rubine aux dépens de l'isatine elle-même ? Jusqu'ici rien n'est venu montrer que cette
défiance fût fondée en fait. En revanche, il a été avancé (Ch. Porcher, 07 b) que l'indi-
rubine peut se former par réaction de l'isatine avec certains chromogènes provenant
des homologues de l'indol et différents de l'indoxyle : si le fait est exact, la réaction ;i
l'isatine pourrait faire croire à la présence de l'indoxyle là oii existent seulement des
dérivés du skatol par exemple. La réaction à l'isatine n'est donc pas peut-être d'une
valeur absolue : là où elle manque, il n'y a certainement pas d'indoxyle, mais là où elle
se produit, on fera bien de contrôler par la réaction d'oxydation,
30 — Parmi les autres corps aldéhydiques capables de fournir des réactions avec
l'indoxyle, et qu'on peut concevoir en nombre illimité, on a utilisé le furfurol (E. Nico-
las, 06 a). L'urine est additionnée de quelques gouttes d'une solution aqueuse con-
centrée ou alcoolique de furfurol, puis de son volume de HCl; elle prend une teinte
jaune plus ou moins foncée. On ajoute un peu de chloroforme, de benzène, ou mieux
de sulfure de carbone, et on renverse le tube plusieurs fois sans agiter : le dissolvant
se sépare avec une teinte jaune plus ou moins accentuée, accompagnée d'une fluores-
cence verte. Dans les urines qui contiennent des conjugués glycuroniques en quantité
appréciable, et même dans les urines normales, qui en contiennent toujours un peu,
on obtient la réaction sans furfurol, tout simplement en chauffant l'urine avec son
volume de HCl qui réagit sur l'acide glycuronique pour former du furfurol (E. Nicolas,
06 b).
40 — X propos des réactions de l'indoxyle, signalons qu'on a voulu chercher dans ce
corps la cause, alors inconnue, de la diazoréaction d'EHRLicH dans les urines (L. Mon-
FET, 03 c, 03 d). C'était une erreur, ainsi que fa démontré L. C. Maillard, 03 k, 03 l).
La cause de la diazoréaction d'EHRucH a d'ailleurs été trouvée depuis dans l'acide alloxy-
protéique (Dombrowsky, Bondzinsky et Panek, 0^).
H. Dosage de l'indoxyle. — Les anciens auteurs, Heller, E. Schunck, Tu. A. Car-
ter, F. Hoppe-Seyler, ne dosaient pas l'indoxyle urinaire. Ne sachant pas même le
rechercher avec précision, ils se contentaient de faire agir sur l'urine les acides miné-
raux, et d'observer si le liquide prenait une coloration rouge, violette ou bleue plus ou
moins intense. Outre que les matières rouges ainsi formées sont en très grande partie
étrangères au groupe indoxylique, et qu'elles peuvent masquer la coloration bleue, il
est superflu d'insister sur ce que ce procédé a de primitif, déjà pour la recherche, à
184 INDOL.
plus forte raison pour l'évaluation quantitative de l'indnxyle. C'est à peu près de la
môme façon qu'opérait plus tard W. Wkuer (78), sauf qu'il chauffait le mélange d'urine
et de HCl, et rassemblait ensuite par l'éther la couleur violette ou rouge formée. Ce
procédé était en somme celui qu'a préconisé plus tard 0. Rosenbach {89 a) dans sa réac-
tion « rouge-bourgogne » des urines, où H. Rosin [91) a parfaitement démêlé la part
de l'indirubine. Les tentatives véritables de dosage ne commencent qu'avec l'applica-
tion régulière de la méthode d'oxydation.
i> — Méthode d'oxydation. — La première tentative pour réaliser un véritable dosage
de l'indoxyle (alors appelé indican urinaire), est due à M. Jafké (70 6). Elle est le point
de départ de toute une série de techniques, variables dans les détails, mais se ramenant
toutes au traitement de l'urine par son volume d'acide chlorliydrique et une petite
quantité d'un oxydant. L'oxydant fut d'abord un liypochlorite : hypochlorite de
sodium, de potassium, chlorure de chaux. M. Jakfé (70 b), après avoir ajouté à l'urine
son volume de HGI, et sans chauffer, y verse goutte à goutte la solution de chlorure de
chaux, en agitant chaque fois, jusqu'à ce qu'il pense avoir obtenu le maximum de
coloration bleue ou violette. On attend la précipitation en flocons de l'indigo formé,
et on le recueille sur liltre taré. Pour éliminer la grande quantité de matières étran-
gères de toute nature qui se déposeraient en même temps, acide urique, matières
brunes, etc., M. Jaffk prépare d'abord un extrait alcoolique de 1 500 centimètres cubes
d'urine, auquel il applique son procédé. Outre la nécessité d'opérer sur une quantité
d'urine très grande pour obtenir un dépôt accessible à la pesée, le piocédé à l'hypo-
chlorite entraîne des perles considérables par suroxydation en isatine.
Des auteurs plus récents ont cherché à éviter celte perte par suroxydation, en
employant un oxydant moins brutal, qu'ils ont cru trouver dans VeCV. Fn. Obermaver
{98 a, 98 b), défèque l'urine par l'acétale de plomb, puis l'additionne de son volume de
HCl tenant en solution par litre 3 grammes de FeCP; il extrait par le chloroforme, à
plusieurs reprises, la couleur formée, puis évapore le chloroforme. Il « purilie » le
résidu par l'alcool chaud, qui laisse bien la majeure partie de l'indigoline, mais enlève
toute l'indirubine, que Fh. Obichmayer considérait comme une impureté! Ce détail suffit
à juger le procédé. Simultanément et indépendamment, E. Wang [98} parvenait au
même procédé, sauf qu'il ne purifiait pas l'extrait chloroformique • il conservait donc
des impuretés, mais au moins il ne rejetait pas l'indirubine. Malheureusement, sous la
pression de Fr. Obermaver !99), E. Wang {99 b) se mit lui aussi à « purifier » l'extrait
chloroformique par un mélange d'eau, d'alcool et d'éther, et persista dans cette erreur
{99 c) qui perd l'indirubine et enlève toute valeur au dosage.
(Cependant J. Bol'ma i9.9, 00 c), reconnaissant l'origine indoxylique des matières
rouges et brunes de l'exlrait chloroformique, a soin de les conserver, et ne lave plus le
résidu qu'à l'eau chaude pour enlever d'autres impuretés. A. Ellinger (OS d) adopte à
peu près le même procédé.
Ce procédé présente malheureusement deux graves imperfections. En premier lieu
l'emploi du chlorure ferrique détermine une perte par suroxydation en isatine, perte
qui peut être considérable si le réactif d'OBERMAVER contient des dérivés chlorés formés
par action de FeCH sur HCl à la lumière (L. C. Maillard, Oi). Il est vrai que A. Ellinger
{03 a) a publié une série de contrôles numériques d'où résulte que la perle est à peu
près constante et qu'on peut la corriger en ajoutant au résultat 1/6 de la valeur trouvée.
On ne peut cependant accorder grande confiance à cette correction, car la perte est
d'autant plus grande que l'acide indoxylsulfurique est plus pur et plus dilué, et on voit
des cas de perte totale ?>uv des solutions pures (L. C. Maillard, 03 f). De plus, il vaut
mieux chercher à perfectionner une méthode, qu'à compenser par le calcul une erreur
toujours inconnue.
En second lieu, le chloroforme décanté et filtré, malgré sa limpidité et sa belle
apparence, est impur. II cède à l'eau d'abord, puis à l'eau alcaline, des matières brunes
et jaunes qui sont, elles, de véritables impuretés, et qui, après la dissolution dans
H^SOS réduisent le permanganate. Il est vrai que J. Bouma [99) lave ensuite à l'eau chaude
le résidu de distillation du chloroforme; mais cette opération ne suffit pas à enlever
les impuretés, retenues très énergiquement emprisonnées dans les parcelles solides
du résidu (L. C. Maillard, 03 f).
INDOL. 185
Aussi L. C. Maillard {03 f) juge-t-il nécessaires Irois perfectionnements :
1° Se contenter, pour oxyder la portion de l'indoxyle qui ne s'oxyde pas spontané-
ment, d'ajouter peu à peu et avec prudence de l'eau oxyi,'t''née diluée.
2° Laver par NaOU ;i d p. 100 la solution cliloroformi(iue, ce qui élimine radicale-
ment toutes les matières étrangères (pliénols, acides et oxyacides aromatiques, etc.) et
laisse les couleurs indigotiques en état de pureté absolue.
3" Faire ce lavage alcalin aussitôt que possible afin d'arrêter la transformation en
indirubine et de fixer la plus grande partie possible du produit à l'état d'indigotine, ce
qui a des avantages pour le titrage ultérieur.
En effet, tous les auteurs cités (Fr. Oueumayer, E. Wang, J. Bouma, A. Ellinger,
L. G. Maillard), une fois obtenu l'extrait chloroformique sec, le reprennent par H'-SO*
concentré qui transforme les couleurs indigotiques en leurs dérivés sulfonés solubles
dans l'eau. La solution aqueuse est alors titrée par KMnOS qui transforme les dérivés
sulfonés de l'indigotine et de l'indirubine en dérivés sulfonés de l'isatine. Pour l'indi-
gotine, l'oxydation a lieu à froid : la teinte bleue disparaît de la solution, qui ne
conserve qu'une teinte rose due à l'indirubine (et non à KMnO'^j. Il faut alors
chauffer vers TS^-SO** : à son tour l'indirubine sulfonée est oxydée par KMnO^ et la
teinte rose disparait peu à peu, laissant place à un liquide jaune pâle(isatine sulfonée).
Si on continuait, l'oxydation aboutirait encore à l'acide anthranilique, et c'est seule-
ment plus tard qu'on verrait reparaître la teinte rose du permanganate.
La réaction a lieu suivant l'équation :
5 C32H-!0AziOi + 8 KMnOi + 12 H^SO* = 20 CSH^AzO^ + 4 K2S0* + 8MnS0* + 12 H^O
Indig-otine. Isatine.
Indirubine.
On emploie du permanganate à 3 grammes par litre, titré par rapport à l'acide
oxalique d'après l'équation :
2 KMnOi + 5 C^OiR^ + 3 H2S0* = 2 MiiSO* + K2S0* + 10 C02 + 8 H20
qui se conserve bien et qu'on dilue 40 fois pour l'emploi.
Voici, en résumé, la technique à recommander (L. C. Maillard, 03 f) :
Dosage de Vindoxyle. Procédé Maillard. — Faire d'abord un essai qualitatif, d'après
le pi'océdé indiqué plus haut [Recherche de Vindoxyle. Procédé Maillard) : le résultat
permettra d'estimer la quantité à mettre en œuvre. Pour des urines ordinaires pré-
lever 700 centimètres cubes; pour des urines plus riches, 350 centimètres cubes; pour
des urines plus riches encore, une quantité variable, qu'on estimera, mais l'étendre
à 3bO centimètres cubes. Additionner les 700 centimètres cubes de 70 centimètres
cubes de sous-acétate, ou les 350 centimètres cubes de 35 centimètres cubes de
sous-acétate; agiter, filtrer. Introduire dans un entonnoir à robinet de 2 litres, 550 cen-
timètres cubes, ou dans un entonnoir de 1 litre, 275 centimètres cubes du fil-
trat, avec 50 centimètres cubes de chloroforme. Verser 550 centimètres cubes, ou
275 centimètres cubes, de HCl pur; agiter violemment pendant quelques minutes,
décanter le chloroforme, et le remplacer tant qu'il se colore. A ce moment ajouter
successivement 1, 2, 3... gouttes de H-0-, et parfaire l'extraction. Réunir tout le chloro-
forme, décanter, filtrer. Laver 3-4 fois par 2 volumes au moins d'eau distillée, filtrer.
Laver 2-3 fois avec XaOH à 1 p. 100, filtrer. Laver 3 fois à l'eau distillée, décanter très
exactement en passant sur filtre sec. Distiller dans un petit ballon au bain-marie,
dessécher le résidu en soufflant à l'aide d'un tube au fond du ballon chaud. Verser sur^
le résidu 10 centimètres cubes de H-SO* pur, et abandonner pendant 1 heure vers
60-80°. Verser doucement, en agitant, dans 1/2 litre d'eau dans un vase de Bohême;
ajouter les lavages du ballon. Avoir du KMnO^ à 3 grammes par litre environ, exacte-
ment titré à l'acide oxalique. En prendre 5 centimètres cubes, diluer à 200 centimètres
cubes, remplir une burette. Verser dans la solution du sulfoné, jusqu'à disparition du
bleu. Porter le liquide à 80°, continuer l'addition de KMnO*, jusqu'à disparition de toute
trace rouge dans le liquide jaunâtre. E.xprimer les résultats en indoxyle, et pour cela
multiplier par 1,0556 le poids d'acide oxalique cristallisé (C-0*H-,2H'0) qu'oxyderait le
KMnO* versé. Rapporter le résultat au litre, en multipliant par 2 ou i)ar 4, et, s'il y a
lieu, par le chiffre de dilution de l'urine.
186 INDOL.
Il n'est pas prouvé que, môme avec la technique de L. C. Maillard, la inc'thode
d'oxydation donne des résultats absolument exacts, car il est extrêmement difficile,
pour ne pas dire impossible, de transformer exactement tout l'indoxyle en indigotine et
indirubine, sans la moindre perte. La méthode doit ôtre légèrement erronée par
défaut, mais sans que l'erreur soit grande. En tout cas, c'est la technique de !.. C.
Maillard qui donne des résultats supérieurs à ceux de toutes les autres variantes de la
méthode. E. Salkowsei {04) reconnaît cette technique « a priori très appropriée au
but ». P. Grosser {05) fait remarquer que le procédé Wang (lavage au mélange
eau + alcool + éther) fait perdre non seulement les matières brunes et rouges, mais
même une quantité non négligeable de matière bleue; que le procédé Elllnger fournit
souvent un sulfoné impur de ton vert-olive; et que seul le procédé Maillard conduit
toujours à un sulfoné bleu pur. Au point de vue de la supériorité des chiffres, voici,
par exemple, des comparaisons dues à R. Camacho {06) :
Quantité d'indoxyle, déterminée d'après
Urines. Obermaykk \Vang-Bou.ma Maillard
N" 1 0,0096 0,0099 0,0128
N" 2 0,0102 O.OllG 0,0119
N» 3 0,0098 0,0107 0,0110
N° 4 0,0297 0,0294 0,0310
Il est évident que pour l'extraction chloroformique, on doit employer un chloro-
forme exempt d'impuretés capables de rester dans le résidu d'évaporation et de
réduire le permanganate. Or le chloroforme livré aux laboratoires contient toujours
de ces impuretés, qui peuvent amener une erreur de 100 p. 100 ou même davantage
(L. C. Maillard et A. Rang, 06 a). Ce chloroforme doit être agité h plusieurs reprises avec
1/20 à 1/50 de son volume de H^SO^ pur, qu'on remplace tant qu'il se colore; le chloro-
forme est lavé 3 fois |)ar agitation avec 2 volumes de NaOH à 1 p. 100, puis 3 fois par
2 volumes d'eau. On décante avec soin, en passant sur filtre sec, et on distille len-
tement dans un ballon tubulé muni d'un bouchon de verre (L. C. Maillard et A. Rang,
06 6).
Lorsqu'on opère convenablement, le titrage au permanganate possède une sensibi-
lité qui permet d'admettre avec certitude le chiffre des dixièmes de milligramme
d'indoxyle (L. C. Maillard et A. Rang, 06 c).
Les procédés de titrage que nous venons de décrire reposent sur la sulfonation des
couleurs indigotiques extraites. On avait proposé de les soumette à la nitration par
HAzO^ en présence de H-SOS ce qui donne de l'acide picrique qu'on pourrait évaluer
colorimétriquement sous forme de picrate d'ammonium (L. Monfet, 0.':^ 6). Mais le picrate
d'ammonium possédant une coloration bien plus faible que la quantité correspondante
de couleurs indigotiques, on perdrait beaucoup en sensibilité; de plus il est loin d'être
prouvé que la transformation en acide picrique soit intégrale : aussi L. C. Maillard
{03 m) conclut-il fermement au rejet de la méthode de nitration.
On avait, d'autre part, essayé autrefois de déterminer directement dans l'urine,
sans extraction, la quantité d'indigotine formée par oxydation, en déterminant la
quantité d'oxydant nécessaire pour l'oxyder entièrement en isatine. Par exemple
G. Sander {93) prend 4 centimètres cubes d'urine, 2 centimètres cubes de HCl et
0,23 centimètres cubes de chloroforme, puis il ajoute, goutte à goutte, une solution de
chlorure de chaux à 5 p. 100 en agitant longtemps, jusqu'à ce que la couleur bleue
disparaisse. Le nombre ée gouttes employées lui sert d'échelle approximative. Plus
récemment Wolowski (0/) décrit avec un luxe de détails opératoires qui donne à un sim-
ple essai la complication d'une véritable analyse, un procédé presque identique. Il ne
diffère du précédent qu'en ce que l'addition successive des gouttes oxydantes, au lieu
de se faire dans le même tube, se fait sur une série d'échantillons juxtaposés. On
note le nombre de gouttes qui correspond au maximum de coloration : l'échelle est
formée d'unités, de décimales, etc., suivant qu'on emploie des solutions oxydantes de
telle ou telle concentration. Ce procédé, fort compliqué, a juste la valeur de la vieille
technique, si simple, de Jaffé.
Ce mode opératoire paraît avoir été réinventé par de nombreux auteurs, soit que
INDOL. 187
ceux-ci aient proposé tout simplement les liypochlorites, soit qu'ils aient préféré l'eau
dft chlore, l'eau de brome, les hypobromites. Tous ces procédés ont ceci de commun,
que l'oxygène fourni par le réactif esl employé, un peu par l'indigo, et beaucoup par
les autres matières oxydables de l'urine : on juge de leur valeur.
Les résultais sembleraient, a priori, pouvoir être meilleurs si on a soin de séparer
d'abord les couleurs indigotiques par le chloroforme, soit après traitement par HGl en
présence de FeCl^ (A. Gilbert et E. Weil, 00), soit mieux encore après extraction com-
plète et lavage alcalin suivant la technique Maillard (Mennechet, 09). Mais en suppo-
sant même que la solution chloroforraique soit correctement préparée, le titrage par
l'addition d'hypobromite est très hasardeux, parce qu'on a rarement sous la main une
solution titrée d'hypobromite, parce que la tin de la réaction est difficile ou impossible
à voir, parce qu'enfin l'oxydation des couleurs de la solution chloroformique est loin
de se faire régulièrement. A. Gilbert et E. Weil [00) avaient vu déjà que la solution
chloroformique fraîche se décolore bien plus facilement qu'une solution ancienne ou
qu'une solution d'indigo commercial : l'existence des polymères de L. G. Maillard
nous en donne la raison. Nous ne saurions donc trop conseiller de renoncer à ,ces
techniques prétendues (( simplifiées », qui font perdre toute valeur au dosage sans faire
gagner beaucoup de temps.
Enfin on a cherché à soumettre la solution chloroformique bleue, obtenue par le
procédé à l'hypochlorite de Jaffé-Stokvis, soit à la colorimétrie simple (E. Salkowski,
76 a, 76 b; H. Senator, 77; E. Bauer, 05), soit à la spectrophotoméirie (K. Vierordt, 73,
74, 75, 76, 78; Fr. Mùller, 86; G. Krûss et H. Krûss, 91), en comparant la teinte du
chloroforme extrait avec celle de solutions types d'indigotine dans le chloroforme, de
teneur connue. Malheureusement cette colorimétrie se fait sur des échantillons soumis
à des pertes considérables, à cause de l'hypochlorite.
Avec le procédé Obermayer au chlorure ferrique, les pertes sont moins considérables
et la solution chloroformique obtenue s'écarte moins du maximum réel. E. Krauss(53),
G. Adrian {94), et d'autres, l'ont utilisée pour une comparaison avec une solution chlo-
roformique d'indigotine à titre connu : les deux liquides sont placés dans des vases de
même forme et de même calibre, puis dilués de telle façon qu'on arrive à des teintes
identiques. Il est facile de calculer le rapport de la solution étudiée à l'étalon. Plus tard
H. Strauss (Oi!) régla les détails de la comparaison colorimétrique. Malheureusement tous
ces procédés ont encore comme défaut commun une perte sérieuse par suroxydation.
Si enfin on emploie la technique Maillard, celle qui comporte le minimum de
pertes, le produit obtenu renferme généralement assez d'indirubine pour communiquer
au chloroforme une nuance violette qui rend difficiles ou même impossibles les compa-
raisons colorimétriques. Il vaut donc mieux renoncer à la colorimétrie, et s'en tenir à la
sulfonation suivie du titrage au permanganate.
2" — Méthode de copulation. — Cette méthode repose sur la production d'indirubine
au moyen de l'indoxyle de l'urine et de l'isatine ajoutée comme réactif, dans les condi-
tions que nous avons vues à propos des Réactions et recherche de l'indoxyle. L'avantage
de cette méthode est que, si l'urine n'est pas trop riche en indoxyle, et si on emploie
une solution assez riche en isatine en chauffant suffisamment, on obtient finalement
une solution chloroformique d'indirubine pure, sans indigotine, c'est-à-dire de nuance
franche et se prêtant bien à la colorimétrie.
Effectivement, dans le cas où on emploie la méthode de copulation, il n'est pas à
recommander de sulfoner la couleur et de titrer au permanganate, car l'oxydation par
KMnO* de l'indirubine sulfonée est pénible, et donnerait des erreurs que la patience et
l'habileté de l'analyste ne suffiraient peut-être pas toujours à éviter. Au contraire la colo-
rimétrie est commode : J. Bouma (0/) la réalise en comparant la solution chloroformique,
placée dans un tube, avec une échelle de tubes contenant une série dé solutions chloro-
formiques d'indirubine pure à des titres connus. On peut évidemment réaliser la colo-
rimétrie par tout autre dispositif, par exemple au colorimètre Dubosgq (L. G. Maillard,
10), ou au colorimètre Meisli.ng (H. P, T. OErum, 03), pourvu qu'on dispose d'une solu-
tion titrée d'indirubine pure.
Malgré ses avantages pratiques, la méthode de copulation présente quelques incon-
vénients, qui sont :
|88 I N D O L.
I") La possibilité théorique, jamais démontrée, mais toujours à craindre, d'une for-
mation d'indirubine aux dépens de l'isatine-réactif;
2°) L& possibilité, que certaines observations de Ch. Porcher {07 b) élèveraient au
rang de certitude, d'une formation d'indirubine aux dépens de chromogènea urinaires
autres que l'indoxyle;
3°) La possibilité de formation d'indirubine par union de 2 (ou 4) molécules d'in-
doxyle, sans intervention de l'isatine, ce qui n'autorise plus la division par 2 du résul-
tat numérique;
4') La possibilité d'une formation d'indigotine, venant troubler la colorimélrie, si le
milieu est trop riche en indoxyle ou trop pauvre en substances oxydables parasites.
Au total, il y a plutôt des chances pour que la méthode de copulation donne en gé-
néral des résultats légèrement erronés par excès.
Dans l'analyse des urines, la méthode de copulation comporte le plus souvent,
comme acte linal, la colorimétrie, ou le titrage au permanganate après sulfonation, car
la pesée est souvent rendue délicate 'i cause de la très faible quantité d'indirubine
extraite.
H n'en est pas de même dans les études sur l'indican des végétaux, où on peut obte-
nir une quantité d'indogénide facilemtMit accessible à la pesée. Cette indogénide est
obtenue par ébullition avec une solution chlorliydrique, soit d'i.s«<//ie (M. W. Beijeri.nck,
99, 00 a, 00 b), soit de p. nitrobcnzaldclujdc dont l'indogénide se dépose quantitative-
ment en cristaux rouges (A. G. Perkin et Kr. Thomas, 09), soit de pipéronal qui donne
une indogénide orangée difficilement soluble (A. (i. Perki.x et Fr. Tho.mas, 09).
C. — INDIGOTINE C32H20Az*O*
A. Formation de rindigrotine.
1° — L'indigotine résulte de l'oxydation ménagée de l'indoxyle.
Cette constatation générale nous dispense de plus amples commentaires, et pour
être renseigné sur les divers modes de production de l'indigotine, naturelle ou synthé-
tique, le lecteur n'aura qu'à se reporter au paragraphe concernant la Formation de
Vindo.vyle. L'intermédiaire de l'indoxyle est évident dans certains procédés industriels,
comme la fusion de l'acide phénylglycine-o-carbonique; on le trouverait sans doute
dans les autres modes de formation, même dans la transformation directe, sous
l'action de la lumière solaire, de la benzylidène-o-nitroacétophénone en un mélange
d'indigotine et d'acide benzoïque (C. Enuler et K. Dor.xnt, 95).
Nous n'entrerons pas dans les détails techniques des procédés de fabrication, qui
n'ont pas d'intérêt physiologique : le lecteur que ces questions intéresserait les
trouvera développées dans les ouvrages ou articles d'orientation industrielle, par
exemple : G. v. Georgiewics (92i, A. Ueissert {98), H. Rupe(OO), A. B.veyer (Ola, Olb),
H. Bru.nck {Ola, Olb), A. H.\LLER(0/a, 0/6), P. Le.\ioult (06'), etc.
Nous rappellerons seulement qu'il y a oxydation simultanée de deux molécules
d'indo.^yle,dont les restes s'unissent pour former un corps bleu symétrique C**H'**Az'0-:
C--0|iH"0"H|0-C ÇQ ^Q
AzH AzH
Indo.vyle. Indoxyle.
Celte formule C^H'^Az^O^ est celle que A. B.\eyer, à la suite de ses célèbres travaux,
a attribuée à l'indigotine elle-même, et qui est conservée à l'heure actuelle par la plu-
part des chimistes organiciens, auxquels elle suffit. Elle ne suffit pas aux biologistes.
Pour des raisons exposées au chapitre des Propriétés de l'indoxyle, L. C. Maill.\rd (02,
03 f) a reconnu que cette formule s'appliquait seulement à un corps instable et passager,
Vhémiindigotine, qui se polymérise ensuite. La formule de l'indigotine doit être doublée
et devient O'^H'^'^Az^O^: lorsque les conditions mécaniques du milieu sont telles que
INDOL. 189
deux molécules d'hémiindigotine s'unissent en disposant parallèlement leurs éléments
de structure homologues, il en résaUeV indigo tin e :
/CO co
^AzR/ I I ^AzH/
/CO I l/CO
^AzH/ ^AzH/
2° — L'indigotine résulte aussi de l'union de l'indoxyle avec l'isatine, sans oxydation,
en présence d'un agent de condensation déshydratant. Il ne faut pas oublier, en effet,
bien que le fait soit souvent passé sous silence, que cette réaction ne fournit pas exclu-
sivement l'indirubine, mais bien un mélange des deux couleurs, où prédomine, il est vrai,
l'indirubine, mais où l'indigotine peut former jusqu'à un quart ou un tiers de la masse
(indirubine synthétique, traitement par l'isatine des urines riches en indoxyle, etc.).
Dans la théorie de L. C. Maillard, ce phénomène s'explique par la condensation de
l'indoxyle et de l'isatine en hémiindigotine.
CO CO CO CO
C6H«-<^^CH2 + 0C<^^C6H'- = H20 + C6H*/^C = c/^C6H*
AzH AzH AzH AzH
Indoxyle. Isatine. Hémiindigotine.
L'hémiindigotine donne à son tour ses deux polymères, le polymère rouge prédomi-
nant à cause des conditions du milieu (séjour prolongé en milieu chlorhydrique chaud,
solution alcoolique alcaline, solution alcaline concentrée, etc.). Mais l'indigotine se forme
aussi dans la plupart des cas.
B. Propriétés de l'indigotine. — Les propriétés physiques et les réactions
chimiques de l'indigotine ont fait l'objet d'un nombre considérable de travaux. Nous
ne les citerons pas, renvoyant pour cela aux ouvrages de chimie pure, et nous
nous contenterons d'indiquer les propriétés classiques de l'indigotine, dont la connais-
sance est nécessaire au physiologiste pour reconnaître l'indigotine et comprendre son
allure.
L'indigotine cristallise (de l'aniline, par exemple) eu petits cristaux bleu foncé à
reflets métalliques d'un rouge cuivré, dont les caractères cristallographiques ont été
étudiés par P. Kley (00). Chauffée, elle se volatilise en vapeurs pourprées qui se
déposent sous forme d'un sublimé d'aiguilles rhombiques. L'indigotine est parfaitement
insoluble dans l'eau, les acides étendus, les alcalis étendus, presque insoluble dans
l'alcool et l'éther.
L'indigotine se dissout en bleu dans le chloroforme, surtout à chaud (Stokvis, 68)',
'dans l'aniline, qui en dissout à chaud une quantité appréciable et laisse déposer par
refroidissement des cristaux bleus à reflets pourprés (A. de Ac.uiar et A. Bayer), bien
que l'aniline, bouillante décompose en partie l'indigotine (A. Brylinski, 98); dans la
térébenthine de Venise chauffée jusqu'à ébullition commençante, dont elle se dépose
en magnifiques cristaux tabulaires bleu d'azur à reflets cuivrés, qu'on peut purifier par
lavages à l'alcool et à l'éther froid (V. Wartha, 71); dans l'acide stéarique (V. Wartha,
7/); dans le phénol chaud (C. Méhu 71b); dans le nitrobenzène, l'huile de ricin, l'hy-
drate de chloral (Jacobsen, 72); dans l'alcool amylique (H. W. Vogel, 78).
Dans la paraffine chaude, l'indigotine ne se dissout pas en bleu, mais bien avec une
magnifique couleur rouge-pourpre analogue à celle de l'iode dissous dans le sulfure de
carbone : une solution un peu diluée dans la paraffine ne se distingue pas d'une solu-
tion de fuchsine dans l'alcool. La solution dans la paraffine montre le même spectre
que la vapeur d'indigotine. Par refroidissement de la solution paraffinique, l'indigotine
se dépose en longues aiguilles prismatiques, souvent groupées en rosettes, ressemblant
àl'indigotine sublimée (V. Wartha, 7/). L'indigotine se dissout en rouge carmin dans
le pétrole chaud, en violet carmin dans le blanc de baleine fondu (V. Wartha, 71).
D'ailleurs les solutions d'indigotine absolument pures dans le chloroforme ont
toujours certains reflets rouge-pourpre. Si on les examine avec une lumière un peu
190 INDOL.
jaune, comme beaucoup d'éclairages artificiels (bougie, gaz) elles paraissent violet-
pourpre. Il en est de même des dérivés de l'indigotine (carmin d'indigo).
Il convient d'ajouter aux caractères de solubilité que l'indigotine, bien qu'insoluble
dans l'eau, peut parfois (de même que l'indirubine) se présenter sous forme de pseudo-
solution colloïdale capable de filtrer limpide à travers le 'papier (L. C. Maillard, 03 f),
par exemple lorsqu'elle résulte de la réoxydation de Tindigo blanc. En ce cas, elle est
toujours facilement captée par le chloroforme agité avec la solution atiueuse.
La vapeur d'indigotine absorbe fortement la région verte du spectre, sans que la
bande soit nettement délimitée. L'indigotine dissoute] dans l'alcool ainylique montre au
contraire dans l'orangé et le jaune une bande qui commence assez nettement à À =
630 et décroît progressivement jusqu'à X r= 590-370. Le carmin d'indigo en solution
dans l'eau ou dans l'alcool amylique montre exactement le même spectre que l'indigo.
L'indigo solide et le carmin d'indigo solide montrent une absorption continue qui est
au maximum dans le rouge, le jaune et le violet, et au minimum dans le bleu. Si on
laisse dessécher un mélange de carmin d'indigo et de gomme arabique, on voit nettement
la bande de l'indigo dissous se superposant à l'absorption continue de l'indigo solide.
Pour les détails spectroscopiques, voir H. W. Vogel (75, 76a, 76b, 78), C. Gange (76).
L'indigotine ne se sublime entièrement inaltérée que si on opère dans le vide; si
on chauffe sans précautions, il y a décomposition partielle, et distillation d'aniline.
Chauffée avec de la potasse solide, l'indigotine forme d'abord de l'indoxyie, puis
s'oxyde en isatine, en acide anthraniliiiue, et finalement en acide salicylique, tandis
qu'une partie distille sous forme d'aniline :
C-Otl CO COOH XOOH
AzH AzH A.C. I anthranilique. Ac. salicyliquo.
Indoxyle. Isatine.
C6H; — AzH^
Aniline.
Sous l'action des réducteurs (FeSO^ et soude, glucose et soude, orpiment et soude,
chlorure stanneux et soude, hydrosulfite de sodium, etc.), l'indigotine fixe de l'hydro-
gène et se transforme en un leucodérivé incolore, soluble dans l'eau au moins en pré-
sence d'alcali, l'tnd/iyo blanc :
CO CO
C6H^<^^C — C<^^C6Hi
AzHj^ H ^^^
Indigo blanc.
D'après W. Vaubel (01 a) la réduction aurait lieu en deux temps, le premier don-
nant un corps rouge par fixation de 2 H sur une moitié de la molécule d'indigotine
C32H-oAz^OS le deuxième donnant l'indigo blanc par fixation de 4 H en tout sur la molé-
cule C^-, soit de 1 atome H par noyau indolique. On peut précipiter l'indigo blanc à
l'état de cristaux blancs par acidulation de la liqueur alcaline, à la condition d'opérer
à l'abri de l'air (A. BiN.i et F. Rcng, 00); aussitôt que l'indigo blanc est au contact
de l'air, il se réoxyde en indigotine. C'est sur cette propriété qu'est fondé le procédé
de la cuve des teinturiers, qui consiste à solubiliser l'indigo sous forme d'indigo blanc
(sous l'action de réducteurs chimiques, ou de bactéries comme dans la cuve de pastel),
puis à exposer à l'air les étoffes imbibées de la solution d'indigo blanc.
Sous l'action des oxydants, par exemple HAzO^ étendu, l'indigotine se transforme
en isatine. Le meilleur procédé pour préparer l'isatine est le suivant : 100 grammes
d'indigo naturel, finement pulvérisé, sont bien délayés dans 300 grammes d'eau bouil-
lante, et on ajoute en une fois 70 grammes d'acide nitrique de densité 1,33. On fait
bouillir encore 2 minutes, puis on verse 2 litres d'eau bouillante et on maintient le
liquide encore 3 minutes en ébullition. Le résidu qui reste après filtration est encore
plusieurs fois épuisé par l'eau bouillante, tous les liquides sont réunis, concentrés, et
l'isatine qui cristallise est ensuite purifiée (C. Forrer, 84). Si l'action de HAzO^ se pro-
INDOL. 191
longe, lise forme de l'acide nitrosalicylique; enfin, avec HAzO^ concentré, de l'acide
picrique, découvert il y a plus d'un siècle par Wklter sous le nom de « jaune ume-
d'indii^o » :
\| — co
1 «> — >■
02A7;/\ COOIl
02Az/\AzOî
<m — >•
AzH
\/\on
Yo>"
Isatine.
Ac. nitrosalicyliquo.
Ac. picrique.
Sous l'action du chlore humide, l'indigotine forme de la chlorisatine, de la dichlori-
saline, et en outre de la trichloraniline et du trichlorophénol; le brome agit de même.
l/acide sulfurique étendu n'attaque pas l'indigotine; mais H*SO* concentré la dis-
sout, à froid, sans décomposition chimique, en un liquide vert-jaune de coloration peu
intense, qui régénère l'indigotine en flocons bleus si on le verse dans l'eau. Celte solu-
tion sulfurique se transforme rapidement à chaud, en quelques heures à froid, en un
magnifique liquide bleu foncé qui contient maintenant un dérivé sulfoné, l'acide sulfin-
digolique ou mieux acide indigotinesulfonique, auquel on attribue (D. Vorlânder et
Ph. Sghubart, 01) la constitution suivante :
H0.S02/\ CO OC ,/\S02.0H
I I ■ p pi'
AzH AzH
Ac. indigotinesulfonique.
Ce dérivé sulfoné est soluble dans l'eau avec une belle couleur bleue, de même que
ses sels alcalins {carmin d'indigo). Solubilité à part, il se comporte comme l'indigotine
elle-même, vis-à-vis des réducteurs qui le transforment en indigo blanc sulfoné, et des
oxydants qui le transforment en isatine sulfonée. C'est sur l'oxydation de l'acide indi-
gotinesulfonique par le permanganate qu'est fondé le titrage de l'indigotine. (Voir le
Dosage de Vindoxyle.)
Mous avons vu, en parlant des modes de Formation de Vindoxyle, que l'indigotine
traverse inerte le tube digestif de l'homme et des animaux, à moins que des bactéries
réductrices ne viennent l'hydrogéner en indigo blanc soluble, susceptible de résorp-
tion par la muqueuse intestinale. On a cependant proposé autrefois l'indigo en théra-
peutique; d'après M. Strahl {35), pendant l'emploi de ce remède, la sueur est bleuâtre
et l'urine verte. On a voulu le préconiser contre l'épilepsie (Simo.nin, 41; U. Rodrigues,
oo), la dose maxima étant de 30 grammes dans les 24 heures, pendant quelques jours
seulement (H. Rodrigues, 35). Ce traitement, tout empirique, n'a eu aucun succès.
Cependant l'indigotine, lorsque les conditions intestinales permettent sa réduction et
son absorption, peut avoir un certain effet purgatif, qu'elle devrait aux groupes céto-
niques de sa molécule (Brissemoret, 04).
C. Purification de l'indigotine. — On sait depuis longtemps préparer de l'indigo-
tine à peu près pure, par exemple par le procédé de Fritsche {42). Dans un flacon de
150 ce. on place 10 grammes d'indigo Bengale finement pulvérisé, et 10 grammes de
glucose en solution dans l'alcool à 75° chaud; on ajoute 15 grammes de soude caus-
tique en solution concentrée dans le même alcool chaud, on remplit complètement la
fiole d'alcool cliaud, et on la ferme hermétiquement. Après décoloration et repos, on
décante le liquide limpide, et on l'expose à l'air : l'indigotine se précipite, et on la lave
d'abord à l'alcool puis à l'eau.
On peut aussi dissoudre l'indigo brut dans H2S0'' concentré et froid, puis rapide-
ment, et sans attendre que la solution sulfurique devienne bleue par sulfonation, on
verse dans un excès d'eau. L'indigotine se précipite en flocons qu'on lave à l'eau et à
l'alcool.
Il y a d'ailleurs avantage aujourd'hui à effectuer ces purifications sur l'indigo indus-
triel.
Il arrive souvent qu'on ait en mains des échantillons d'indigotine qui, parfaitement
purs d'autre part, renferment cependant un peu d'indirubine, qui peut être gênante
192 INDOL.
pour certaines recherches. On peut en éliminer hi majeure partie en faisant bouillir
l'échantillon, soit avec de l'acide acétique glacial qui ne louche presque pas à Tindigo-
tine, soit avec de l'alcool qui n'en dissout que peu. Mais les dernières traces d'indiru-
bine sont difficiles à éliminer : il est nécessaire de laver Féchantillon à froid par l'éther,
qu'on renouvelle tant qu'il se colore en rose. Même alors, il reste de l'indirubine empri-
sonnée au sein des grains solides d'indigotine, et que l'éther ne saurait atteindre : il est
nécessaire de redissoudre la totalité de l'échantillon dans le chloroforme bouillant,
qu'on distille ensuite. Le résidu, dont les surfaces ont été renouvelées, est de nouveau
lavé à l'éther froid, puis redissous dans le chloroforme et desséche, etc., jusqu'à ce que
l'éther versé sur le dernier résidu ne se colore plus (L. C. Maillard, 03 f).
D. Réactions de l'indigotine. — On reconnaîtra facilement l'indigotine par les
propriétés que nous venons d'énumerer, notamment la transformation en indigo blanc,
en isatine, en acide indigotinesulfonique.
Signalons toutefois un caractère très intéressant qu'on a maintes fois à utiliser dans
les recherches physiologiques, où on extrait généralement l'indigotine sous forme de
solution chloroformique peu concentrée. L'indigotine n'offre pratiquement aucun
caractère d'acidité ou de basicité, elle est indifférente et ne forme pas de sels stables
en présence d'un excès d'eau. Il en résulte que, ni les lavages à l'eau acide (HCli, ni les
lavages à l'eau alcaline (NaOH) ne [>euvent en extraire la moindre partie de sa solution
chloroformique. L'indirubine jouissant de la même propriété, très rare, il en résulte
qu'une solution chloroformique épuisée par agitations successives avec l'eau acide et
l'eau alcaline ne peut plus renfermer que de l'indigotine et de l'indirubine. Grâce à cette
technique, il est impossible de confondre l'indigotine ou l'indirubine avec d'autres cou-
leurs bleues ou rouges (L. C. Maillard, 03 f, Oi, 08 b). On. séparera les deux couleurs
au moyen de l'étiier, suivant le procédé indiqué plus haut {Purification de rindir/otine).
E. Dosage de l'indigotine. — Le dosage de l'indigotine repose sur sa transforma-
tion en dérivé sulfoné, mise de l'acide indigotinesulfonique en solution aqueuse, puis
titrage de celle-ci par addition, à froid, d'une solution étendue de KMnO^ titré par
rapport à l'acide oxalique. On verse le permanganate jusqu'à disparition de toute trace
de couleur bleue voir Dosarje de l'indo.ryle).
F. Indigurie bleue (Indigotinurie). — L'indigotine apparaît quelquefois dans l'urine,
soit par altération consécutive à l'émission, sous forme d'une tleurée de cristaux bleus
à reflets cuivrés ou en flocons dans le liquide, soit même dès l'énùssion, généralement
en flocons extrêmement ténus qui communiquent à l'urine une couleur bleue, ou verle
par superposition de la teinte bleue de l'indigotine avec la teinte jaune de l'urine.
Les urines bleues ou vertes ont été observées dès la plus haute antiquité, et sont
décrites déjà dans les ouvrages de Galien; dans les ouvrages antérieurs à la fin du
XVIII» siècle, la matière colorante est généralement prise pour de la bile «mal cuite». A
la fin du xviii" siècle, et dans la première moitié du xix*, la matière bleue est prise pour
du bleu de Prusse, ou décrite sous des noms spéciaux : nous n'insistons pas ici sur ces
observations, que nous retrouverons plus loin au paragraphe des Couleurs urinaires
dérivées de l'indoxyle.
Cependant, dès 1840, W. Prout observait un malade dont l'urine laissait déposer un
sédiment bleu foncé après ingestion de sel de Sedlitz. Par chaufTage, ce dépôt déga-
geait des vapeurs pourprées se condensant en un sublimé parfaitement analogue à celui
du bleu d'indigo. En 1843, F. Simon, étudiant une urine du même genre, constatait
que le dépôt bleu se dissolvait dans l'acide sulfurique en formant de l'acide sulfindigo-
tique, décoloré par le sucre de raisin en liqueur alcaline, et redevenant bleu à l'air.
Néanmoins G. Semmola (47), retrouvant une matière analogue, croyait devoir encore la
distinguer, par des caractères accessoires, du bleu d'indigo.
A partir de cette époque, et bien qu'un certain nombre d'auteurs, y compris P. Schût-
ZENBERGER en 1890 encore, aient persisté à considérer comme différente de l'indigotine
la couleur bleue des urines, on voit se multiplier les observations d'indigotine urinaire
bien reconnue. Nous ne citons ici que les cas dans lesquels l'indigotine apparaît spon-
tanément en nature, soit dès l'émission, soit plus tard, en laissant de côté son dévelop-
pement aux dépens des chromogènes par addition de réactifs. Nous ne saurions entrer
ici dans l'étude détaillée de chacune des observations publiées : aussi nous contente-
INDOL. 193
rons-nous d'une énumération des principaux cas d'indigurie, dont le lecteur pourra
retrouver le détail dans les originaux. Citons les cas de IIill Hassall {o3, 54, oo], Siciie-
RER (oi), L. S. Beale (55, 63), Th. A. Carter (55), W. Gilgurist (6/), H. Veale (68),
C. MÉHU [71a), DuiiUYNE (7î), A. Robin (75), T. Bogomolow (80), H. Wolff (87), Kahler
[88), LiTTEN (89), F. Betz [93), 0. Bosenbach (.93), A. E. Garrod iOo a), M. Bogdanow-
Beresowsky [97], Klamann (97), H. M. Fletcher (98, 99), J. Cood (0/), F. P. Weber
(0/1, A. Mac Phedran et W. Coldie (01), E. Reale [02), R. Stockman (02), L. C. Mail-
lard {03 f), E. Wang [Oi), J. D. Mann [Oo).
Bien entendu, l'indigurie bleue naturelle peut être aussi observée chez les animaux,
par exemple chez le cheval (Benjamin, 80). 1! faut y joindre les cas d'indigurie expéri-
mentale, à la suite de l'administration d'indol au chien (E. Wang, 99 h ; Cu. Porcher
et Ch. Hervieux, 06 h ; Ch. Hervieux, 08) , à la chèvre (Ce. Porcher et Ch. Hervieux, 06 h ;
Ch. Hervieux, 08), ou d'indoxyle (chien, Ch. Hervieux, 08), ou d'acide indoxylcarboni-
que (chien, Ch. Hervieux, 08), ou encore d'acide o. nitrophénylpropiolique (lapin:
G. Hoppe-Seyler, 82, 83 a, 83 b; L. C. Maillard, 03 f; Ch. Porcher et Ch. Her-
vieux, 05 c).
Toutes ces observations ont des caractères communs, qu'a mis en évidence une
revue critique de L. C. Maillard (03 f). Pour que se produise le phénomène de l'indi-
gurie, il faut d'abord que l'urine contienne de l'indoxyle, non seulement sous forme
d'acide indoxylsulfurique, trop stable, mais aussi sous forme d'un conjugué plus faci-
lement décoraposable, en l'espèce l'acide indoxylglycuronique: cette condition est rem-
plie lorsque l'organisme reçoit une notable quantité d'iiidol, soit par administration
expérimentale, soit par résorption de l'indol abondamment produit dans l'intestin (ali-
mentation fortement carnée, troubles digestifs, etc.). En second lieu, il faut que l'acide
indoxylglycuronique se décompose, libérant de l'indoxyle que l'oxydation spontanée
transforme en indigotine (avec indirubine) : cette décomposition, en apparence spon-
tanée, peut être mise sur le compte des bactéries. Lorsque l'indigotine n'apparaît que
postérieurement à l'émission, il s'agit d'une altération banale comparable à la transfor-
mation de l'urée en carbonate d'ammonium par les bactéries urophages; cette altéra-
tion peut être très rapide: il arrive souvent, dans les expériences sur les animaux,
qu'on trouve l'urine bleue le matin dans les récipients des cages; cela ne veut pas
dire qu'elle était déjà bleue à l'émission. Lorsque l'indigotine est réellement déjà
formée à l'émission, c'est que la décomposition a été produite dans les voies urinaires :
la coïncidence très fréquente de l'indigurie avec les cystites, pyélites, pyélonéphrites,
et avec la réaction ammoniacale de l'urine à l'émission en est la meilleure preuve.
Mais on conçoit que l'indigurie ne soit pas un symptôme infaillible de cystite : le
défaut de stérilité des voies urinaires n'est pas identique à leur infection.
Cette conception de l'indigurie a été contestée: certains auteurs ont cru à l'émission
d'indoxyle libre (Ch. Hervieux, Oi c) puis d'un «chromogène indigurique » qui, sans
être de l'indoxyle libre, devait différer de l'acide indoxylglycuronique (Ch. Hervieux, 06 ;
Ch. Porcher et Ch. Hervieux, 06 b). Mais nous avons dit déjà que Ch. Hervieux [08)
avait reconnu son erreur et s'était rangé à l'opinion de son prédécesseur.
On comprend que l'indigurie puisse donner lieu à la formation de calculs. Heller
(46 a) a rencontré l'indigotine accumulée sous forme de petits calculs vésicaux. Ord
(78 a, 78 b) a rencontré un calcul du bassinet, et une concrétion d'un rein sarcoma-
teux, qui étaient formés essentiellement d'indigotine. Un calcul étudié par 11. Chiar
{88) était formé d'indigotine et d'indirubine : il provenait du rein d'une femme atteinte
de pyélite purulente. E. Wang (04), à l'autopsie d'une fillette tuberculeuse qui avait pré-
senté un beau cas d'indigurie, trouva un rein de couleur nettement bleue à la coupe,
et montrant au microscope des dépôts bleus et violets.
G. Chromidrose indigotique. — Parmi les cas de chromidrose, ou sueur colorée,
on a signalé un certain nombre d'observations de chromidrose bleue. Ces cas ne sont
sans doute pas tous dus à l'indigotine, et il faudrait faire la part des matières colorantes
qui peuvent être produites par l'action de diverses bactéries, le pyocyanique notam-
ment. Mais il semble bien qu'an certain nombre de ces sueurs bleues doivent à l'indi-
gotine leur coloration.
Effectivement, on a attiré l'attention (J. Amann, 00 a, 00 b) sur l'existence de com-
DICT. DK PHYSIOLOGIE. — TOME IX. 13
194 INDOL.
posés indoxyliques dans la sécrétion sudorale. Cela n'a pas lieu de surprendre : on
sait que les glandes sudoripares se comportent un peu comme de petits reins acces-
soires, qu'elles éliminent de l'urée, de l'acide urique, du chlorure de sodium, des
phosphates, des sulfates, des éthers sulfuriqucs, etc. : rien d'étonnant à rencontrer dans
la sueur l'acide indoxylsulfurique. Si de plus cette sécrétion arrive à renfermer comme
l'urine de l'acide indoxylglycuronique dont on connaît la facile décomposition, rien de
plus compréhensible que la libération de l'indoxyle de ce chromogène, et la production
consécutive d'indigotine.
Les enduits bleus d'indigotine d'origine sudorale apparaissent de préférence à la
face (ailes du nez, front, pourtour de l'orbite , à l'aisselle, au pli inguinal, au scrotum.
11 y a longtemps déjà que J. Dùlxe, Mojon, Jclia-Fontenelle (2o) ont signalé des sueurs
bleues, dont la couleur aurait été identique, suivant ce dernier, à la matière bleue
des urines (qu'il croyait être, comme nous le verrons, du bleu de Prusse, et qui était
bien l'indigotine). B. Bi/io (60) a signalé deux fois le bleu d'indigo formant enduit sur
une chemise, et sur le scrotum, où il était d'origine sudorale. Bergmann [68] admets
lui aussi, la présence de l'indigotine dans les sueurs bleues, ainsi que A. W. Foot {69,
7i) ; ce dernier signale, entre autres, le cas d'une jeune lille de dix-sept ans, atteinte de
troubles gastriques et de somnambulisme, qui présentait un dépôt bleu sous les yeux,
aux tempes, sur le front, aux ailes du nez, etc. A. W. Foot, ne réussissant pas à trouver
r u indican » dans l'urine, admet qu'il s'éliminait par la sueur. C. B. Hofma.xn (75) ren-
contra le bleu d'indigo déposé par la sueur sur le scrotum.
Récemment enfin, on trouve une observation de E. Gans {Oo) sur une femme de
trente-cinq ans qui éliminait par la peau de l'indigotine ou une substance très ana-
logue, présentant les mêmes apparences microscopiques et spectroscopiques. La cou-
leur bleue était soluble dans le chloroforme, le sulfure de carbone, le benzène; inso-
luble dans l'alcool et l'éther. L'acide nitrique la décolorait.
Ajoutons que le bleu d'indigo aurait été trouvé (?) dans le liquide d'un kyste de
l'ovaire (Ch. Firket, 88). D'après de très vieilles observations, Reisel aurait observé
chez un malade des crachats, et chez un autre des vomissements « bleus comme de l'in-
digo », mais il est impossible de savoir de quelle substance il s'agissait. Enfin Th. A.
Carter {39) aurait trouvé 1' ■ indican ■> dans un liquide de pleurésie aiguë, et P. Cutt-
MANN [87) a rencontré un exsudât pleural qui bleuissait à l'air en se recouvrant d'une
pellicule formée, paraît-il, d'indigo.
H. Pourpre des Mollusques. — Parmi les couleurs du groupe indigotique, on
doit aujourd'hui classer la fameuse pourpre des ancien?, produite par certaines espèces
de Mollusques, et qui n'est pas autre chose qu'un indigo brome.
On sait le rôle qu'a joué dans les arts de l'antiquité, et notamment dans la teinture
des vêtements de grand luxe, cette couleur déjà connue des Égyptiens et des Assyriens
(A. Dederi.n'd, 96) et qui était préparée dans de nombreuses fabriques tout autour de
la Méditerranée, fabriques dont les amas de coquilles vides ont formé quelquefois de
véritables collines. Le haut prix des vêtements de pourpre tenait peut-être à la rareté de
la couleur, mais aussi, comme l'a fait remarquer IL de Lacaze-Duthiers (o9), à ce que
cette couleur offrait, vis-à-vis du soleil de Grèce et d'Italie, une résistance que ne pos-
sède aucune autre. Avec le déclin de la civilisation antique, périclita l'industrie de la
pourpre, dont la dernière fabrique dut disparaître lors de la prise de Constantinople
par les Turcs ; néanmoins la tradition s'en perpétua plus ou moins parmi les riverains
de la Méditerranée; H. de Lacaze-Dlthiers {o9) la retrouva chez les pêcheurs de
Mahon,qui traçaient sur le linge, avec le suc incolore de certains mollusques, des dessins
destinés à se colorer au soleil. (Sur quelques tentatives faites au xvii« et au xvni^ siècle
pour retrouver la pourpre, voir A. Dedekixd (9(9), et la bibliographie dansO. v. Flrth (05j.)
La sécrétion de la pourpre n'appartient qu'à un très petit nombre d'espèces, Purpura
lapillus, P. haemastoma, Murex hrandaris, M. trunculus, M. erinacem. Sur l'emplacement
d'une ancienne fabrique, à Aquilée, 0. Schmidt (S4) a pu constater, d'après les débris
de coquilles accumulés, que deux espèces seulement y étaient employées : Murex
brandaris et Murex trunculus. Les espèces citées possèdent, comme beaucoup de
Mollusques, dans certaines régions de leur manteau, des glandes sécrétant des quan-
tités parfois considérables d'un mucus épais et incolore ; mais chez la plupart des
INDOL. 195
espèces ce mucus reste incolore, tandis que chez les Mollusques à pourpre, on le voit
prendre, sous Taction de la lumière solaire, une belle coloration rouge ou violette.
Exposé au soleil, le chromogène contenu dans le mucus des glandes à pourpre commence
par devenir vert, puis bleu, et enfin rouge-pourpre. Rkalmuk (1711), qui avait bien
observé le phénomène, l'attribuait à l'action de l'air; mais Duhamel {1736) reconnut,
bien avant l'invention de la photographie, que le rôle actif appartenait à la lumière. La
lumière solaire directe est d'ailleurs nécessaire, tandis que la lumière artificielle ou le
clair de lune restent sans effet (E. Schungk, 79 c, 80). A l'obscurité le chromogène peut
se conserver pendant des années sans altération et sans perdre la propriété de donner
ensuite du pourpre par insolation. A la lumière, la formation de pourpre a lieu même
dans le vide ou dans une atmosphère d'hydrogène ou d'azote, même après ébullition
du chromogène (E. Schunck, 7.9 c, 80).
Le chromogène du pourpre est soluble dans l'alcool et l'éther; la glande ainsi
épuisée ne se colore pas au soleil, tandis que la solution, de couleur jaune, devient
immédiatement verte au soleil, puis le liquide dépose une poudre cristalline rouge
pourpre, en même temps qu'il se décolore (E. Schunck, 7,9 c, 80, expériences sur Purpura
lapillua). A. Letellier {89, 90, 91) a trouvé, dans la sécrétion de Vwpura lapillus, une
substance jaune soluble dans l'éther et dans la potasse, cristallisant en prismes tricli-
niques, ne changeant pas à la lumière ; puis deux chromogènes. L'un, difficilemeut
soluble dans l'eau, facilement soluble dans le chloroforme et l'éther de pétrole, forme
des cristaux verts clinorhombiques : à la lumière il prend une coloration brun foncé.
L'autre, assez facilement soluble dans l'eau, constitue des cristaux vert-gris, et donne
à la lumière une couleur violet-rouge. H. de Lacaze-Duthiers (59) avait remarqué déjà
que le développement de la coloration pourpre s'accompagnait du dégagement d'une
forte odeur alliacée ; A. Letellier retrouve le même fait sur le chromogène cristal-
lisé isolé par lui; faisant Tinsolation de la glande à pourpre en présence d'éther
destiné à retenir le produit odorant, il reconnaît dans l'éther la présence d'un corps
contenant du soufre, et pense qu'il s'agit de sulfure d'allyle qui proviendrait de la
décomposition du chromogène. Mais l'odeur alliacée est un caractère fort insuffisant,
et de nouvelles recherches sont nécessaires sur ce point.
D'après certains auteurs (R. Dubois, 02) la transformation du chromogène en
pourpre serait un phénomène diastasique. La glande à pourpre contient une substance
cristallisable, la purpurine, qui, sous l'action de la purpurase, prend une couleur verte,
et passe rapidement au rouge si on l'expose à la lumière blanche, moins rapidement
en lumière bleue, verte, violette, très lentement en lumière rouge, pas du tout en
lumière jaune. La purpurine est un violent poison paralysant pour certains animaux,
notamment les huîtres (R. Dubois, 02, 03, 07 a, 07 b).
En ce qui concerne la nature chimique de la couleur développée, on a depuis long-
temps soupçonné la parenté du pourpre avec l'indigo, à tel point que B. Bizio [33,
33, 36, 43, 59) l'identifiait à l'indigo, y trouvant une substance bleue qu'il appelait
« indigotine », une substance rouge qu'il appelait « rouge d'indigo », et pensant que
le chromogène était 1' « indigo blanc ». Lorsqu'on ouvrit, après plus de mille années,,
le tombeau de saint Ambi^oise, ancien évêque de Milan au ix'^ siècle, on y trouva un
dépôt de matière colorante, mélangée de substances terreuses, qui devait provenir des
vêtements, lesquels devaient être teints de pourpre, suivant la tradition. Or Fhapolli,
Lepetit et Padùlli {72) déclarèrent (ju'il s'agissait d'indigo : G. Bizio [72) lit aussitôt
remarquer que toutes les réactions exécutées étaient communes à l'indigo et au
pourpre antique.
A. de Negri et G. de Negri (75 a, 73 b) broient les glandes h pourpre de Murex
<ruucw/»s et les exposent au soleil jusiju'à ce que la masse soit violette et sèche: ils
pulvérisent, et épuisent la couleur par l'acide acétique. La solution étendue d'eau est
agitée avec du chloroforme, et le chloroforme évaporé dans le vide à température
ordinaire, ce qui laisse une masse violette d'éclat métallique. Cette masse est formée
de deux substances : une rouge, soluble dans l'éther, que les auteurs identifient au rouge
d'indigo; une bleue, insoluble dans l'éther, qu'on peut faire cristalliser dans l'alcool et
qu'ils considèrent comme identique à l'indigotine, par sa solubilité, sa sublimation, sa
décoloration par H naissant ou par l'ozone ou HAzO^.
196 INDOL.
E. ScHUNCK {79 c, SO) épuise par l'alcool, à l'obscurité, les glandes à pourpre de
Pwpura lapillus, puis éclaire la solution et obtient, en partant de 400 exemplaires, le
dépôt de 7 milligrammes de punicine, insoluble dans l'eau, l'alcool et l'éther. Elle se
dissout dans l'aniline bouillante et précipite par refroidissement en petits grains
cristallins; elle se dissout dans H-SO* concentré, forme une cuve avec les sels stanneux
et se sublime comme l'indigo. Mais la punicine s'en distingue par une plus grande
résistance aux oxydants (IlAzO^, CrO'), et par son incapacité à former des sulfonés
solubles dans l'eau. Voisine des couleurs indigotiques, elle ne leur est donc pas iden-
tique.
La question du pourpre antique est aujourd'hui résolue [lar les travaux de
P. Friedlander (07, 09), qui ont porté sur 12 000 exemplaires de Murex brandaris,
fournissant 1 gr. 4 de couleur pure. Les glandes isolées sont écrasées sur du papier à
filtre, et la couleur développée par courte exposition au soleil. On macère le papier
pendant une demi-heure au bain-marie, avec H-SO* étendu à 1 : 2, on lave plusieurs
fois la bouillie à l'eau chaude, et on l'épuisé au Soxhlet par l'alcool pour enlever toute
impureté. Pour extraire la couleur elle-même, on emploie lebenzoate d'éthyle, d'où se
séparent de petits cristaux à éclat cuivré. On recristallise encore dans le benzoate
d'éthyle, puis dans la quinoline, toujours au Soxhlet.
La poudre cristalline, homogène au microscope, contient du brome, et a la compo-
sition C'^H*'Rr'^Az-0-. Le mode de genèse de la couleur conduisant à chercher parmi
les corps symétriques, P. Fuiedla.nder l'a trouvée identique en toutes ses propriétés à la
6.6'. (Hbromoindiijotinc obtenue svfithéliquement enpartant solide la p-bromo-o-nitro-
benzaldéhyde, soit de la p-bromo-orthotoluidine :
AzH AzH
Pourpre du Murex (6. 6'. tlibroraoindigotino).
(P. Friedlander se contente pour l'indigotine de la formule C"'H"'Az20- de A. Haever;
resterait à choisir' entre les isomères pour la formule C^-Il-"Az*0^de L. C. Maillard).
La couleur du Murex brandaris a une teinte violet-rouge (jui bi distingue nettement des
autres indigos bromes (bleus). Elle est insoluble dans l'eau, l'alcool, l'éther, le benzène,
la ligroïne, le chloroforme, l'acétone, l'acide acétique glacial. Elle se dissout très diffi-
cilement dans la pyridine bouillante avec teinte violet-rouge, dans le pétrole bouillant
avec teinte rouge-bleuàtre, dans le tétrachloroéthane avec teinte violet-rouge. Elle est
un peu plus facilement soluble à l'éliullition dans le nitrobenzène, l'aniline, le benzoate
d'éthyle, encore plus facilement dans la quinoline bouillante. Le liquide est bleu-violet
ou bleu en couche mince, violet-rouge en couche épaisse. Par refroidissement la couleur
se dépose entièrement. Le spectre de la solution chaude dans le tétrachlorure d'acé-
tylène montre une bande d'absorption sur l'orangé el le jaune, dont le maxinmm est à
X = 585 [j.[x.
H-SO* concentré ne dissout la couleur que très peu à froid, un peu plus en chauffant
légèrement (liquide violet-rouge, passant au vert trouble sur le bain-marie), mais si
on verse dans l'eau, la couleur se reprécipite en flocons, inaltérée. Par l'action de la
soude et de l'hydrosulfile, on a une cuve jaune-pâle qui teint le coton en violet rou-
geàtre.
Ceci ne s'applique jusqu'ici qu'au Murex brandaris; peut-être les autres Mollusques
à pourpre ne renferment-ils pas exactement les mêmes substances (P. Friedlander, 09).
D. — INDIRUBINE Cs^H^oaz^G*
A. Formation de Tindirubine. — On a rencontré depuis longtemps l'indirubine.
C'était la «résine rouge» que Chevrell {1808 a, ^808b, /S/ /) éliminait en faisant
bouillir l'indigo végétal avec de l'alcool. Berzélius {27, 32) obtenait le « rouge d'indigo »
en épuisant par l'alcool bouillant l'indigo végétal préalablement débarrassé de <> gluten
d'indigo » par ébullition avec les acides étendus et de <> brun d'indigo » par ébuUition
INDOL. 197
avec les alcalis étendus. E. Schunck (ô'o) a donné au corps le nom d'indirubine; on l'a
désigné parfois sous celui de «//u//V/o?'u6me». A, Baeyer [78 c), par réduction, au moyen
de la poudre de zinc, du chlorure d'isatine en solution dans l'acide acétique, a obtenu
r« indigopurpurine », identique à la substance précédemment obtenue par A. Baeyer
et A. Emmehling {70) en traitant l'isatine par le chlorure d'acélyle et PCF en présence
d'un excès de phosphore. Il est aujourd'hui démontré (E. Schunck, 79 a, 79 b;
C. FoRREB, 84; E. Schunck et L. Marchlewskt, 9S ; L. C. Maillard, 03 f) qu'il s'agit
d'une seule et même substance, à laquelle nous conserverons le nova àHndirubine. Enfin,
on verra plus loin qu'une série de matières rouges signalées dans l'urine ont été iden-
tifiées (L. C. Maillard, 03 f) à cette seule et même indirubine.
L'indirubine, comme sou isomère l'indigotine, n'a qu'un seul mode de formation
directe, la polymérisation de ïhémundigotine (L. C. Maillard, 03 f), polymérisation
qui aboutit à l'indigotine quand lés deux molécules d'hémiindigotine se groupent
parallèlement, à l'indirubine quand elles se groupent symétriquement :
/ CO . / CO . /AzH. /AzH.
C6H*< \c — ce )H*C6 C6H''< >C — C< >C6H*
\
AzH-
CO
WzH/ "^ CO /
CO ^ / CO
CO
CO
/'
cent/ \c — c/ ^C6Hi C6H*/ ^C — C^ ^C6H*
^AzH/ ^AzH/ ^AzH/ ^AzH/
Indigotine. Indirubine.
Quant à l'hérailndigotine elle-même, elle se forme dans diverses circonstances que
nous avons déjà vues à propos de l'indigotine : voici celles qui favorisent le plus la
polymérisation en faveur de l'indirubine :
1° Oxydation de Vindoxyle, suivant l'équation :
C — OH 0 HO — C CO CO
C6H4<^^CH ^Q HC^^C6H4 = 2H20 + C6H< )C = C< >C6H4
AzH AzH AzH AzH
Indoxyle. Indoxyle. Hémiindigotine.
La proportion d'indirubine dans le mélange des deux polymères est en rapport avec
la durée de séjour de la matière, avant polymérisation, en milieu acide, qui donne la
prépondérance à l'indirubine, au moins pour des milieux de concentration comparable
à celle de l'urine (L. C. Maillard, 0/, 03 f).
2° Réduction du chlorure d'isatine, en solution dans l'acide acétique glacial, par le
zinc en poudre (A. Baeyer, 7^o). Contrairement aux idées de A. Baeyer, nous représen-
tons cette réaction par un schéma symétrique, rien n'autorisant le contraire :
CO CO CO CO
C6H*<^^C — Cl Zn Cl — C<^^C6H* = ZnC12 + C6H^<^^C = C<^^C6H*
Az H H Az AzH AzH
Chlor. d'isatine. Chlor. d'isatine. Hémiindigotine.
Conformément à la loi précédente, la polymérisation a lieu surtout en faveur de
l'indirubine, mais il se forme aussi de l'indigotine : les deux isomères, réduits en leu-
codérivés, sont régénérés par l'action ultérieure de l'air. Le réducteur peut être, non
seulement Zn, mais encore III ou (AzH^)-S. C'est une réaction du même genre qu'obte-
naient A. Baeyer etA. EMMERLiNG(70)en traitant l'isatine par le chlorure d'acétyle, PCP
et un excès de phosphore.
3» Condensation de Vindoxyle avec Visatiiie (A. Baeyer, 81, 83; Badiscbe Anilin und
SoDAFABRicK, 8 1 ] C. FoRRER, 8i). Nous avous déjà vu, à propos de l'indigotine, cette
réaction, que, contrairement à l'opinion de A. Baeyer, nous formulons aussi dans le
sens qui aboutit à l'hémiindigotine symétrique :
CO
CO
CO CO
C6H*<^^CH'2
OC<^^CeHv
= C6H*<^^C^ C<^^C«H* + H20
AzH
AzH
AzH AzH
Indoxyle.
Isatine.
Hémiindigotine.
198 INDOL.
En effet, la réaction ne fournit pas seulement l'indirultine, mais aussi une propor-
tion non négligeable d'indii.'Oline ; on retrouve ici les deux polymères. La prépondé-
rance appartient ici à l'indirubine, mrme (piand la condensation a lieu en milieu alca-
lin; elle se passe généralement en milieu alcalin très concentré, ou alcoolique, ce qui
crée sans doute des conditions mécaniques spéciales.
4' D'après une note préliminaire de Ch. Pohcher (07 6), l'indirubine ne prendrait pas
naissance seulement par condensation de l'isatine avec l'indoxyle, mais aussi avec les
chromogènes urinaires apparaissant chez les animaux après administration de skatol,
de méthylkétol, de dimélhylindol, d'éthylindol, et qui sont différents de lindoxyle.
(Voir le chapitre : Couleitm urinaire:i dérivées des indoh substitués.) Il serait d'ailleurs
nécessaire de se placer dans des conditions très définies : l'urine, additionnée à froid
de 1/10 de son volume d'une solution clilorliydrique d'isatine à 2 p. 1000, doit être
chaufîée lentement jusqu'à l'ébuUition maintenue une ou deux minutes : dans ces con-
ditions il ne se formerait pas d'uroroséine (ou corps voisins) mais uniquement de l'indi-
rubine, qu'on peut extraire par l'éther après refroidissement.
Ch. Porchkr n'a pas donné les caractères d'identification de cette indirubine, et n'a
publié à ce sujet qu'une courte note préliminaire, dont le développement n'a pas encore
paru. On doit le regretter et souhaiter des documents plus complets sur ce point; car
cette réaction, si elle se confirmait, serait de nature à jeter la suspicion sur le dosage
de l'indoxyle urinaire par l'isatine, à cause de la présence du chromogène skatolique
capable d'exagérer les résultats. A vrai dire Ch. Hervieux {08) pense que la part du
chromogène skatolique serait nulle ou négligeable, mais ce n'est qu'une opinion, qui
appelle des recherches de contrôle.
Nous tenons à ajouter que la plupait des chimistes s'en tiennent encore aux
anciennes constitutions de l'indirubine. qui suffisent aux travaux de chimie organique
pure, moins précis que les délicates recherches de chimie physiologique. La première
formule de l'indirubine est celle de A. Baeveh (83) :
CO C — OH
AzH C6H*
On a fait remarquer avec raison (Ë. Schu.nck et L. Mauchlewski, 95) que cette for-
mule est invraisemblable, attendu que, l'indirubine n'étant pas soluble dans les alcalis
et ne donnant pas de dérivé acétylé, on ne peut lui attribuer un oxhydrile de genre
phénolique. On s'est alors rabattu sur la formule bilaclamique que reconnaissait pos-
sible A. Baeyer [83 , que préférait C. Forreu(S4) et qu'admettent Ê. Schunck et L. March-
LEWSKI (55) ;
CO CO
C6H*<^^C = C<(^AzH
AzH C8H*
Tout récemment, A. Wahl et P. Hagard 09;, réalisant une nouvelle synthèse de l'in-
dirubine par condensation du chlorure d'isatine avec l'oxindol, ont pensé prouver par
là définitivement la structure de l'indirubine en tant qu'indogénide ,3 de l'isatine; mais
L. C. Maillard {09} a montré que les conditions de cette synthèse s'opposaient à toute
conclusion.
La conception de l'indirubine en tant qu'indogénide ji de l'isatine se heurte d'ailleurs
à de graves objections.* — 1" Elle attribue une formule dissymétrique à un corps qui
n'a aucune raison de l'être, attendu qu'il est formé par l'union de 2 (ou 2°) molécules
d'un corps unique, et souvent par réaction avec des atomes bivalents dont l'intervention
détermine fréquemment l'union de deux restes identiques (Zn sur le chlorure d'isatine,
0 sur l'indoxyle). — 2° Elle oblige à supposer la formation préalable de l'isatine, qui est,
comme on sait, le deuxième degré d'oxydation à partir de l'indoxyle. 11 faudrait donc
supposer qu'une partie de l'indoxyle se suroxyderait d'emblée en isatine, sans qu'on pût
voir la phase intermédiaire indirubine (ou indigoline), ce qui est plus que douteux; et
de plus il faudrait qu'en même temps une autre partie de l'indoxyle restât inaltérée,
INDOL. 199
sans le moindre commencement troxydation, et juste en quantité égale à la précédente,
tout exprès pour pouvoir se combinera l'isatine, hypothèse invraisemblable! — 3° Elle
conduit ù admettre que, par opposition avec l'indigotine, l'iiidirubine se formerait sur-
tout lorsque l'indoxyle est soumis à des processus d'oxydation énergiques capables de
fournir de l'isatine. Or c'est juste le contraire quia lieu : plus l'oxydation est timide et
ralentie, plus il se forme d'indirubine .: traitement de l'acide indoxylsulfurique par
HCl sans oxydants (L. C. Maillard, 01 ,03 f; comparer au rouge d'indoxyle de E. B.\u-
MANN et L. Brieger, 79 b), abandon de vieux échantillons d'acide indoxylcarbonique pro-
gressivement transformés en indirubine par accès de Tair (A. G, Perkin, 09). Dans cette
voie, on en arriverait jusqu'à cette affirmation fantastique que la réduction du chlorure
d'isatine par le zinc et l'acide acétique doit commencer par une oxydation en isatine!
— 4* Elle est tout à fait impuissante à expliquer les phénomènes de transformation de
couleur que nous avons décrits avec les Propriétés de l'indoxyle. — 5° Des arguments d'or-
dre cryoscopique et ébullioscopique ont été discutés parW. Vaubel(0/ a, 0/ 6, 03, 06),
R, ScHOLL et H. Berblinger (05), E. Beckmann et W. Gabel(06), L. C. Maillard (09); il faut
y joindre un argument thermochimique de P. Lemoult (06). Nous adopterons donc la
formule tétrasymétrique en C'^HV-^^Xz'^O'' (L. C. Maillard, 0,3 f).
Les physiologistes excusei'ont cette digression constitutionnelle; elle était utile ; car
elle porte sur les faits mêmes qui ont permis la revision des matières colorantes rouges
de l'urine (L. C. Maillard, 03 f) dont nous parlerons plus loin. Ce sont les exigences
des travaux physiologiques qui ont nécessité sur ce point la recherche de détails déli-
cats dont la chimie pure, moins précise, se serait encore passée. Le cas est fréquent :
s'il en fallait un exemple, nous n'en saurions trouver de plus instructif que la décou-
verte même, par les physiologistes E. Baumann et L. Brieger, pour des besoins physiolo-
giques, de l'indoxyle, substance-mère de tout indigo naturel ou artificiel, et qui avait
pourtant échappé à la sagacité de tant d'illustres chimistes et de A. Baeyer, lui-même.
Des deux formules en C^"^H20A7>O'% nous avons réservé la formule parallèle à l'indi-
gotine, qui malgré la polymérisation est restée de même couleur que l'hémiindigotine.
Nous attribuons au contraire la formule symétrique à l'indirubine, dont la couleur est
très différente, et qui présente une stabilité plus grande, par exemple plus de résis-
tance à l'action des oxydants. Or l'adoption de cette structure conduit à des rapproche-
ments intéressants. Cette formule envisage la molécule comme constituée par le
groupement de 4 parties identiques et symétriquement disposées : c'est un corps
tétraindolique, ou plus généralement tétrapyrrolique, et sous cette forme on voit immé-
diatement la relation de l'indirubine avec d'autres matières rouges très intéressantes
pour la physiologie, celles du sang et de la bile, hématine, bilirubine, etc., qui doivent
être elles aussi des couleurs tétrapyrroliques de molécule C'^'H^Az^O".
Les couleurs tétrapyrroliques, d'un intérêt tout particulier, se divisent donc en deux
groupes voisins, dont l'un (couleurs indigotiques) dérive de l'indol, et l'autre (couleurs
hématiques) dérive de l'hémopyrrol. Or l'hémopyrrol n'est pas très éloigné de l indol :
que ce soit un méthylpropylpyrrol comme on le pensait autrefois, ou au contraire,
d'après les travaux les plus récents (0. Piloty et E. Quitmann, 09), un diméthyléthylpyr-
rol, le passage de ce corps à l'indol ne paraît pas invraisemblable. Il suffirait, pour le
réaliser, d'une fermeture lat<Crale de noyau par déshydrogénation :
H
CH^ C
CH3 C C—
Il II
CH3 C CH
1 /\ /
0H3 AzH
HC C CH
I II II
HC CH CH
C AzH
H
Peut-être les relations chimiques du groupe indolique avec le groupe hémopyrro-
lique se doublent-elles de relations phys^iologiques, et c'est pourquoi nous avons cru
devoir les exposer.
B. Préparation d'indirubine pure. — Il y a peu d'années encore, les chimistes
les plus familiarisés avec l'allure des couleurs indigotiques étaient d'avis que a on ne
200 INDOL.
connaît pas de procédés pour séparer rigoureusement les deux couleurs (indirubine et
indigoline), et il est peu probable que l'on en puisse jamais découvrir, vu la grande
analogie qui existe entre l'indigotine et l'indirubiueau point de vue de la manière dont
elles se comportent». (Badische A.nilin und Sodaiabrick, 99, p. 19). Cela est vrai si l'on
veut travailler rapidement et sur de fortes quantités, mais il est possible d'obtenir un
petit échantillon d'indirubine parfaitement pure, par le procédé suivant (L. C. Mail-
lard, 03 f).
On doit avant fout porter l'indirubine brute en solution dans le chloroforme pur
ou débarrassé de certaines impuretés par la techpimie de L. CMAiLLARoetA. Rang(06 6):
il est avantageux de chauffer. La solution chlorolormique refroidie doit être agitée
violemment avec une solution aqueuse de soude caustique à 1 p. 100, traitement qu'on
renouvelle, s'il paraît éliminer beaucoup d'impuretés ; on lave ensuite à l'eau, puis par
HCI très dilué, enfin à l'eau, et on distille le chloroforme. Le résidu no contient
absolument que l'indirubine avec l'indigotine qui l'accompagne, et quelquefois, mais
rarement, un peu de « brun d'indigo », ce qui est une condition peu favorable et
engage à choisir plutôt un autre échantillon.
On verse sur le résidu sec, à la température ordinaire, de l'élher pur qui se colore
en rose carmin, et qu'on renouvelle tant qu'il se colore : l'éther ne dissout que des
traces d'indigotine, mais en dissout des traces, ce qu'on reconnaît au ton légèrement
violacé des derniers épuisements éthérés. On distille donc l'éther, et on reprend à
nouveau le résidu par 1 ether : il faut moins de temps que la première fois pour dis-
soudre l'indirubine, presque pure, et les traces d'indigotine n'ont plus le temps de se
dissoudre : on les retrouve à la lin sous forme d'un petit résidu bleu. On recommence
s'il y a lieu l'opération encore une fois, jusqu'à ce que les fractions de queue aient
exactement la même teinte carminée que les fractions de tête, sans le plus léger ton
violacé : à ce moment l'évaporation de l'éther fournit l'indirubine pure sans la moindre
trace d'indigotine.
C. Propriétés de l'indirubine. — Cristallisée dans l'aniline ou dans le phénol,
l'indirubine se présente sous forme de petites aiguilles brun chocolat à faible éclat
métallique (E. Schunck et L. .Marchlewski, 9o); obtenue par évaporation de la solution
éthérée, elle se présente sous forme de poudre amorphe d'un beau rouge grenat foncé
d'apparence sèche (L. C. Maillard, 03 f). Lorsqu'elle forme un enduit rouge cerise
d'aspect vernissé, c'est qu'elle est généralement souillée de quelques substances
grasses. L'indirubine chauffée se sublime, au moins partiellement, en un dépôt rouge.
L'indirubine, rigoureusement insoluble dans l'eau, se dissout assez facilement dans
l'alcool, surtout à chaud, le chloroforme, l'éther, et surtout dans l'acide acétique gla-
cial, qui a été proposé pour son extraction et son dosage (W. F. Koppeschaar, 99); la
solution alcoolique ou acétique précipite par une addition convenable d'eau. Toutes
ces solutions sont d'un beau rouge cerise lorsqu'elles sont concentrées, un peu plus
carminées quand elles sont étendues. Les solutions montrent au spectroscope une
bande d'absorption unique, assez large et estompée sur les bords, s'étendant sur les
régions jaune et verte.
L'indirubine est rigoureusement insoluble dans les acides et alcalis étendus; la
solution chloroformique n'en cède pas la moindre trace à aucun lavage acide ou alcalin,
ce qui constitue à la fois un caractère analytique précieux et un caractère chimique
d'indifférence du corps qui ne peut former des sels stables en présence de l'eau
(L. C. Maillard, 03 f, 08 b). L'indirubine, comme l'indigotine, est oxydée par HAzO^
avec formation d'isatine, puis d'acide anthranilique et finalement cVacide picrique, si
l'acide est concentré. Bouillie en solution acétique avec de la poudre de zinc, l'indiru-
bine se réduit rapidement en se décolorant, par formation d'un leucodérivé analogue à
celui de l'indigotine. Si la réaction n'est pas trop prolongée, l'addition d'eau et de
soude fait réapparaître la couleur rouge par agitation à l'air. Mais si la réduction
par le zinc et l'acide acétique a été poussée à fond (C. Forrer, 84), l'indirubine ne
peut être régénérée : elle a été transformée en une substance particulière, Vindileucine
C"H'-Az-0 qui cristallise en petites aiguilles incolores décomposables entre 220° et 260°.
L'acide sulfurique concentré dissout à froid l'indirubine en un liquide gris-noir qui
devient rouge lentement à froid, rapidement à chaud, par formation d'un acide indiru-
INDOL. 201
binesulfonique ; celui-ci est soluble dans l'eau en formant une solution d'un beau
rouge carmin, que le permanganate n'oxyde que très lentement à fn.)id, mais rapide-
ment vers 80", avec formation du dérivé correspondant de l'isaline.
D. Réactions de l'indirubine. — Los réactions de l'indirubino consistent dans la
recherche des propriétés préct-deiites. Nous attirerons l'attention, comme pour l'indi-
gotine, sur l'iinportaiice du caractère d'indifférence chimique, mis en lumière par l'agi-
tation de la solution chloroformique avec les acides étendus et les alcalis étendus : on ne
doit pas observer la moindre altération.
E. Dosage de l'indirubine. — L'extraction de l'indirubine par l'acide acétique
cristallisable bouillant (NV. F. Koppeschaar, 99), par l'alcool bouillant, ou même l'éther
bouillant (Ch. Hawson, 99), peut convenir pour l'essai rapide des indigos du com-
merce, mais demanderait, pour constituer un dosage précis, des précautions particu-
lières.
Il est facile de doser l'indirubine, même en présence de l'indigotine, dans l'extrait
sec obtenu après épuisement chloroformique, lavages du chloroforme à l'eau
alcaline et à l'eau acide, distillation. Il suffit de sulfoner le mélange et de titrer au
permanganate comme nous l'avons vu pour le Dosage de Vindoxyle. Le permanganate
est d'abord versé dans la solution froide jusqu'à disparition de toute nuance violacée,
ce qui donne le chiffre de l'indigotine; puis on porte vers 80" et on continue les addi-
tions de KMnO* jusqu'à disparition de toute nuance rosée dans la teinte jaune pâle
de l'isatine : le permanganate co-risommé correspond à l'indirubine d'après la même
équation que pour l'indigotine. Il est naturellement indispensable de faire rextraction
préalable par du chloroforme purifié (L. C. Maillard et A. Rang, 06 a).
Lorsqu'on a l'indirubine isolée, exempte d'indigotine, rien de plus simple que de
la doser, en solution dans un véhicule convenable, soit par comparaison avec une
série de tubes étalons (J. Bouma, Oi] soit au colorimètre à épaisseurs variables
(L.C. Maillard, 10).
Enfin, le dosage par évaporation de la solution dans une capsule tarée, et pesée,
est également très simple, mais ne trouve pas fréquemment son indication dans les
travaux physiologiques, où les quantités sont trop minimes.
F. Indigurie rouge (Indirubinurie). — Dans la plupart des cas, l'indirubine
n'existe pus toute formée dans l'urine, mais se produit seulement sous l'action des
acides, avec ou surtout sans oxydants. Quelquefois cependant on la trouve en suspen-
sion, au moment de l'émission ou quelque temps après, dans l'urine, qui prend alors
une teinte rouge, ou violacée s'il y a en même temps de l'indigotine.
Les conditions pour que l'urine renferme de l'indirubine au moment de son émission
paraissent être les mêmes que pour l'indigotine. Il faut d'abord qu'il y ait assez abon-
damment de l'indoxyle, et sous la forme indoxylglycuronique, qui est facilement
décomposable. En second lieu, l'urine est généralement alcaline, et le patient souffre
d'une infection des voies urinaires : cystite, pyélite, pyélonéphrite.
C'est ainsi sans doute que s'explique la vieille observation faite en 1844 par von
Velsen, chez un vieillard atteint de cystite chronique, et qui prenait de l'eau de chaux.
L'urine avait une couleur violet foncé, et donnait un sédiment de même couleur : il
s'agissait évidemment d'un mélange d'indigotine et d'indirubine.
Heller (47) a trouvé de l'indirubine, sous le nom de « urrhodine », dans certains sédi-
ments violacés des urines. La matière rouge a été signalée par C. Méhu (7/ a), en com-
pagnie de l'indigotine, dans un sédiment violet.
P. Plosz {82, 83 j l'a rencontrée en abondance (sous le nom de « urorubine ») dans
l'urine d'un malade atteint de cystopyélite avec néphrite parenchymateuse,
W. Leube i86) chez une ostéomalacique, soufïrant de cystopyélite, dont Turine devenait
à l'air d'un violet sombre, presque noir. L'indirubine accompagnait l'indigotine dans
le cas d'indigurie de Kahler (88). H.Rosr.v (9/) a trouvé, dans un cas fatal de cysto-
pyélite, un sédiment violet dont l'alcool extrayait de l'indirubine. A. Bagi.nsky [92) a
observé deux cas de ce phénomène, qui est une véritable indigurie rouge.
L.C. Maillard (0.?/") a vu se former, par la putréfaction d'une urine, un dépôt violet,
accompagné d'une (leurée brillante, qui était un mélange d'indigotine et d'indirubine.
Le sujet avait les voies urinaires en parfait état: la seule cause possible de l'indigurie
202 INDOL.
était une certaine constipation, qui avait déterminé la production d'acide indoxylglycu-
ronique; l'urine était un peu réductrice.
A. GuoBEii (Oi) donne l'observation d'une jeune fille de 14 ans, atteinte de néphrite,
qui émettait une urine rouge-rose foncé, dont la couleur pouvait être extraite directe-
ment par agitation avec le chloroforme ou l'éther et montrait le spectre de l'indirubine.
L'auteur fait remarquer que la couleur existait en suspension, dès l'émission, dans
l'urine de réaction légèrement acide, et quïl n'existait pas de cystopyélite.
Au contraire, la pyélocystite suppurée était évidente dans un beau cas d'urines
rouges décrit par P. Fîar et R. Daunay (06) sous le nom de murexide où il est facile
de reconnaître l'indirubinurie type. Ajoutons-y le cas de Mouisset et Bonnamour {05),
où la couleur, observée chez un typhique, était décrite sous le nom d'alcaplonc. Voir
au chapitre des Couleurs winaircs dérivées de l'indoxyle.
L'indigurie rouge a été obtenue expérimentalement par Ch. Hervieux {08), après
administration d'indol à la chèvre, tandis que généralement l'indigurie du chien est
bleue. D'ailleurs, à lindigurie rouge du début chez la chèvre fait le plus souvent suite
uneindigurie bleue. Pour quelles raisons voit-on apparaître dans certains cas l'indiru-
bine, tandis qu'en général c'est l'indigoline qui domine ? Nous ne saurions en donner
pour l'instant d'explication bien satisfaisante.
Heller (47), II. Chiari ((SS), ont observé des calculs urinaires ou rénaux qui conte-
naient, à côté de rindigotine,un peu d'indirubine. L'indirubine peut donc, comme Tin-
digotine, faire partie des sédiments et des calculs.
E. — COULEURS URINAIRES DÉRIVÉES DE L'INDOXYLE.
La littérature contient un grand nombre de publications où sont décrites des matières
colorantes bleues ou rouges observées dans l'urine humaine, soit comme apparition
spontanée, soit après traitement de l'urine par les réactifs. Dans certaines de ces obser-
vations, les auteurs ont reconnu plus ou moins nettement les couleurs indigotiques ;
dans d'autres on a imposé aux matières colorantes des dénominations spéciales, les
considérant comme des substances nouvelles, de signification généralement pathologique.
A la suite de ses recherches sur l'indoxyle urinaire et les couleurs (jui en dérivent,
L. G. Maillard [03 f) a procédé à la revision critique de toutes ces observations,
guidé par un certain nombre de notions directrices, qui sont: la connaissance des pro-
priétés de l'indigotine et de l'indirubine, le mécanisme de genèse de ces deux couleurs
à partir de l'indoxyle, les conditions qui donnent la prépondérance à l'une ou à l'autre,
la possibilité pour ces deux couleurs d'affecter transitoirement l'état de pseudo-solutions
colloïdales traversant les filtres de papier, la difficulté plus ou moins grande de leur
solution dans les véhicules neutres suivant qu'elles ont passé ou non par l'état solide,
amorphe ou cristallisé. La conclusion de cette revue critique, c'est qu'on n'a jamais
rencontré authentiquemenl dans l'urine qu'une seule matière bleue, l'indigotine (avec
l'hémiindigotine), et une seule matière rouge soluble dans le chlorofortne et retenue
par lui malgré les lavages aqueux en réaction acide ou alcaline, l'indirubine.
A. Les couleurs bleues de l'urine. — La présente revue comprend toutes les
matières colorantes bleues naturelles de l'urine, qu'elles y aient préexisté au moment
de l'émission, qu'elles se soient formées spontanément plus tard, ou enfin que leur
apparition ait nécessité l'emploi des réactifs (acides, oxydants). Au contraire, en sont
éliminées les couleurs artificiellement introduites et dont il est facile de connaître la
nature : bleu de méthylène, etc.
Les premières observations dis matières bleues dans les urines rentrent naturelle-
ment dans les deux premières catégories, celles de la formation spontanée, dès avant
l'émission ou plus tard. Disons-le dès maintenant, tous ces cas d'urines bleues étaient
des cas à'indigurie, c'est-à-dire que la couleur bleue était de l'indigotine toute formée.
Nous avons vu que ce phénomène se produit lorsque l'urine, riche en indoxyle, ne le
renferme pas seulement sous forme d'acide indoxylsulfurique, mais aussi sous forme
d'acide indoxylglycuronique. Celui-ci est très facilement décomposable, surtout en
milieu alcalin et en présence des bactéries : c'est pourquoi l'indigurie coïncide généra-
lement avec les infections de l'appareil urinaire et avec la putréfaction de l'urine.
INDOL. 203
C'est seulement à partir de 1845 que les travaux de IIeller, A. Martin, Hassall,
^ScHUNCK, Cauter, Commencèrent à montrer la présence fréfjuente de la couleur l)leue,
dissimulée sous forme de chromogène incolore. Cette notion s'est généralisée de plus
en plus^ et on peut affirmer aujourd'hui, non seulement la fréquence, mais bien la
■constance des chromogènes indigotiques dans l'urine humaine.
Les urines bleues ou vertes ont du attirer l'attention dès les temps les plus leculés.
Il en est fait mention dans les oeuvres de Galien; on les trouve signalées dans les ou-
vrages de L. Bellinf (1698), De Rega, Phosper Alpin (1751). Toutes ces urines sont trou-
bles ; si la couleur y est très abondante, si elle se dépose au fond du vase ou surnage,
-on constate la couleur bleue ; sinon le mélange avec l'urine jaune la fait paraître verte.
Pour ces vieux auteurs, les urines vertes étaient produites, bien entendu, par un « dé-
faut de coclion de la bile », ou toute autre cause du même genre.
La première observation du chromogène indoxylique paraît remonter à Brugnatelli,
qui vers 1790, en traitant l'urine par les acides et les sels de fer, obtint un précipité
■bleu, qu'il prit pour du prussiate de fer et qu'il attribua à la présence de l'acide prus-
sique dans l'urine: c'était évidemment de l'indigo. Fourcroy, Baumes, croyaient aussi
au bleu de Prusse.
Gar.nier et Delens, puis Spangenberg, firent remarquer toutefois qu'ils avaient trouvé
dans certaines urines une matière bleue spéciale, différente du prussiate, car elle ne
laissait pas de fera l'incinération.
Cette remarque n'empêcha pas Julia-Fontenelle en 1823 et 1825, Mojon en 1825,
■L. Cantin en 1832, et Dranty en 1837, de prendre pour de l'hydroferrocyanate de fer, ou
•bleu de Prusse, le précipité des urines bleues.
Cependant, sur ces entrefaites, H. Braconnoï avait décrit en 1825, sous le nom de
•Cyanourine,\ine matière spéciale, différente du bleu de Prusse, qu'il retrouva plus tard
(1845) dans d'autres urines, et qui n'était autre que l'indigotine.
C'est Tindigotine également qui constituait la matière bleue observée par Boughar-
DAT dans l'urine en 1841, et qui formait, associée à l'indirubine, l'abondant précipité
violet fourni à von Velsen eu 1844 par l'urine d'un vieillard atteint de cystite et absor-
'bant de l'eau de chaux.
En 1845, on trouve la remarquable étude de IIeller, qui par des moyens analytiques
'très rudimentaires, était arrivé à une conception presque exacte du sujet, dont la con-
naissance n'a fait que reculer pendant de longues années. IIeller concluait qu'un chro-
mogène peu coloré, Vuroxanthine (qu'il croyait jaune, c'est sa seule erreur), se trans-
formait en un mélange d'uroy lancine bleue et d'urrhodine rouge. Il ne fallait plus
qu'identifier ces couleurs à celles de l'indigo.
L'indigotine est signalée en 1846 par Aloys Martin sous le nom d'iirocyanine, en 1847
ipar G. Semmola sous le nom de cyanourine (différente de celle de H. Braconnot), et
par R. ViRCHOw sous celui de bleu urinaire (Harnblau). En 1848, Lâche signale une
matière bleue dans l'urine d'un sujet souffrant de péritonite, sans identifier la sub-
stance. En 1851, R. ViRCHow reconnaît que la couleur est identique à l'uroglaucine de
Heller, et c'est le nom d'uroglaucine que lui conservent en 1853Ch. Robi.n et F. Verdeil.
Dès avant cette époque, l'identité de la couleur bleue des urines avait été cependant,
sinon définitivement établie, au moins formellement indiquée. W.Prout en 1840, étudiant
le précipité bleu de l'urine, avait remarqué que le dépôt, chauffé, dégageait des vapeurs
pourprées qui se condensaient en un sublimé parfaitement analogue à celui de l'indigo.
Dès 1845, F. Simon avait observé que le dépôt bleu se dissolvait dans l'acide sulfurique
en formant de l'acide sulfindigotique, décoloré par le sucre de raisin en liqueur alca-
line, et redevenant bleu à l'air. Néanmoins, G. Semmola (47) croyait devoir distinguer,
par des caractères accessoires, sa cyanourine, à la fois de la cyanourine de H. Bra-
•CONNOT et de l'indigo de F. Simon.
A partir de ce moment, le bleu d'indigo fut souvent reconnu dans l'urine, qu'il s'agit
d'indigurie avec formation spontanée du dépôt bleu, ou seulement de l'apparition de
la couleur sous l'aclion des réactifs. Parmi les principaux auteurs qui ont contribué à
l'édification de nos connaissances sur ce point, il faut citer IIill Hassall [53), Sicherer
(oi), L. S. Beale (oo), E. Schungk {37), Th. A. Carter {58), W. Gilchrist (6/), F. Hoppe-
-Seyler (6'5), H. Veale {68), Wyss (6S), M. Jaffé (70), C. Méhu(7/ a). Depuis cette
20i INDOL.
("poque, la vraie nature de la couleur bleue des urines est devenue classique, et
connue de l'immense majorité des auteurs.
On trouve encore cependant, dans la littérature de la seconde moitié du xix' siècle,
quelques travaux discordants, qui semblent ne pas s'être suffisamment inspirés des
données acquises antérieurement. C'est ainsi que pour (Jubleh en 1854 et même en
1869 (Leven et Guhleu), il s'agit d'une « matière bleue différente de l'indigo ». Pav.ne en
1858 conserve le nom d'uroglaucine à la matière bleue qui se forme sous l'action des
acides dans l'urine des cholériques, Thudichu.m l'appelle urocyanine (1867), Mac Mun.n
la décrit encore sous ce nom en 1880.
Jugeant nécessaire l'adoption d'une nomenclature nouvelle, Fordos attribua en 1865
à la couleur bleue le nom dhirocyanose, tandis qu'il désignait l'indirubine sous le nom
(Vacide uroérythrique.
Indigotine uriiiairc
reconnue. non reconnue.
? Galien j
1698 Bellini ( TT ■ . . u.
- p. „ / Urines vertes et bleues.
? De Rkga 1
1151 Prosper Alpin '
1790 Bruonateu.i Prussiate de fer.
? Garnier et Delens . . . Matière bleue spéciale.
? Spangenuero Id.
1823 Julia-Fontenelle. . . . Hydroferrocyanate de fer.
182u MojoN HydrofeiTocyanate de fer.
— Julia-Fontenelle. . . . Bleu de Prusse.
— Braconnot Cyanoiivine.
1832 Cantin Bleu de Prusse.
183" Dranty Hydroferrocyanate de fer.
1840 Prout.
1841 BoucuARDAT Matière bleue.
1844 Von Velsen Couleur violette.
1845 Braconnot Cyanourine.
— Heller Uroglaucine.
1845 Simon.
1846 A. Martin Urocyanine.
1847 Senlmoi.a Cianourine.
— ViRCHOw Bleu urvtaire.
1851 ViRCHOw Uroglaucine.
1863 Robin et Verdeil. . . . Uroglaucine.
1853 H. Hassall.
1834 SlCHERER.
1854 GuBLER Mat. différente de l'indigo.
1855 Beale.
1857 SCHUNCK.
1858 Carter.
1858 Payne Uroglaucine.
1861 Gilchrist.
1863 F. HoppE Seyler.
1865 Fordos Urocyanose .
1867 Thudichum.. Urocyanine.
1868 Veale.
— Wyss.
1869 GuBLER Mat. différente de l'indigo.
1870 Jaffe.
1871 MÉHU.
1875 A. Robin Cyanourine.
il. Cyanourine.
2. Indigose.
3. Matière spéciale.
1880 Mac Munn Urocyanine.
1890 Schûtzenberger .... Uroylaucine.
1902 Maillard. Indigotine et Hémiindigotine.
A. Robin admet, en 1879, l'existence éventuelle, dans l'urine, de trois couleurs bleues
distinctes: 1° la cyanourine, très rare, préexistant au moment de l'émission; 2° l'indi-
INDOL. 205
gose, plus fréquente, se formant lors de la putrt'faction ; 3° une autre matière bleue,
non dénommée, spéciale, se développant par l'action des acides. Toutes les trois étaient
l'indigotine.
Enfin, il faut rappeler le légitime scrupule de P. Sghutzenberger {90} se refusant, à
cause des solubilités différentes, à admettre l'identité complète de l'indigotine et de la
couleur bleue qui se forme dans l'urine par la réaction de M. Jafi'k. L. C. Maillard a
montré plus tard (03 f) que celte couleur à laquelle P. Schutzenbkrger conserve le
nom d'uroylaucine devait être une « hémiindif,'otine)), précurseur de l'indigotine.
L'indigoline et l'hémiindigotine suffisent donc à identifier toutes les couleurs bleues
qui aient jamais été signalées dans Tuiine humaine. L'histoire de ces observations est
résumée dans le tableau ci-dessus (p. 204).
B. Les couleurs urinaires rouges identiques à, l'indirubine. — La première
fois que l'iiidirubine fut extraite de l'urine humaine, elle ne portait pas ce nom. Ce fut
Heller qui la découvrit en 1845 et l'appela urrhodlnc, arrivant sur sa genèse à des idées
remarquablement justes, pour l'époque de ses recherches, et eu égard aux moyens de
travail dont il disposait. Pour Heller, l'urine renfermait une matière jaune, l'uroxan-
thine, qui sous l'action des acides forts, et en présence de l'air, donnait un mélange
d'uroglaucine bleue et d'urrhodine rouge. Sauf que l'acide indoxylsulfurique est inco-
lore et n'est pas la couleur jaune de l'urine, il n'y a rien à reprendre dans ce travail;
la conclusion à laquelle nous arrivons, après plus d'un demi-siècle, ne fait que préciser
la conception de Heller, dont le grand mérite est d'avoir reconnu d'emblée la commu-
nauté d'origine de la couleur rouge et de la couleur bleue.
Ce fut E. SceuNCK, en 1857,qui à la suite de ses travaux sur l'indigo végétal, reconnut
que l'urine pouvait fournir de l'indigotine avec un peu d' « indirubine ». Th. A. Carter
en 1858, et F. Hoppe-Seyler en 1863, confirmèrent à leur tour la présence de l'indiru-
bine, à côté de l'indigotine, dans le produit de l'action des acides sur l'urine. Wyss
trouva en abondance la même couleur rouge dans l'urine des cholériques (1868), et
admit qu'elle était du rouge d'indigo. M. Jaffé, cherchant pour la première fois (1870)
à doser 1' « indican urinaire », déclara expressément qu'il ne faut pas rejeter la couleur
rouge soluble dans l'alcool, parce qu'elle est du rouge d'indigo, qui dérive lui aussi de
r « indican ». Tous ces auteurs pensaient, à la suite de E. Schungk, que le chromogène
des urines était identique à l'indican des plantes.
M. Nencki (74, 76), F. Masson [74-], R. Niggeler (74), constatèrent que l'urine des
animaux auxquels on a injecté de l'indol, ne fournit pas seulement du bleu d'indigo,
mais aussi du « rouge d'indigo ».
Jusqu'alors, l'identification du rouge urinaire avec le rouge d'indigo était plutôt une
opinion qu'une certitude, car on s'était borné à en étudier l'aspect et quelques réactions
plus ou moins nettes. Ainsi s'explique l'éclipsé que dut subir pendant une quinzaine
d'années la connaissance de l'indirubine urinaire, sous l'influence surtout de la décou-
verte du skatol et de la fâcheuse théorie des couleurs « skatoxyliques » dont elle fut
l'occasion.
Pendant cette période, la vraie nature de l'indirubine urinaire fut méconnue, et il
faut arrivera l'année 1891 pour trouver une élude, des plus consciencieuses et des plus
instructives, où H.Rosin établissait définitivement l'identité de la couleur. La conclusion
de H. RosiN, basée sur l'isolement de l'indirubine urinaire à l'état pur et cristallisé, sur la
comparaison minutieuse de ses propriétés avec celles de l'indirubine végétale et de l'in-
dirubine synthétique, sur l'analyse centésimalo du produit, etc., aurait dû, semble-t-il,
classer définitivement la question et couper court à tous les errements.
Il n'en fut rien malheureusement, et la discussion entre F. Obeumayer, E. Wang et
J. BouMA, sur la question de savoir s'il fallait ou non éliminer la couleur rouge dans le
dosage de l'indoxyle, ne le prouve que trop.
Il fallut que J. Bouma isolât et identifiât à nouveau (1899), beaucoup plus superficiel-
lement d'ailleurs que ne l'avait fait H. Rosin, l'indirubine urinaire.
L. C. Maillard réussit enfin, en 1901, à transformer à volonté, soit en indigotine,soit
en indirubine, la totalité de l'indoxyle urinaire, commençant ainsi l'étude des relations
de ces couleurs, qu'il devait compléter en 1902 et 1903. Le nouvel isolement de l'in-
dirubine pure, et l'identification qui en fut faite une fois de plus, ne suffirent mal-
-206 I N D O L.
heureusement pas encore, on le verra, à arrêter le flot des publications erronées sur
les couleurs rouges de l'urine.
L'indirubine a été vue, en effet, par bien des auteurs qui ne l'ont pas reconnue.
Naturellement IIeller ne pouvait donner en 1845 à son urvhodine le nom d'indirubine
adopté par E. Schunck dix ans plus tard, à la suite de ses travaux sur l'indigo végétal, et
ne pouvait que ilifficilement reconnaître en l'urrhodine le rouge d'indigo si incomplète-
ment décrit par Berzkuus.
Dans leur Traité de chimie anatomiqite, Ch. Robix et Verdeil ont décrit en 18-J3, sous
le nom d'urrosacine, une matière colorante qui devait être formée, d'après ses carac-
tères, à la fois par de l'indirubine et par une substance du groupe des couleurs solubles
à l'eau, décrite l'année suivante par IIakley sous le nom d'urohémaline.
De même que l'urocyanose de Fordos était tout simplement l'indigotine, de même-
son acide uroérythrique, décrit en 1865, correspondait, partiellement au moins, à l'indi-
rubine.
On en peut dire autant de Vuvonibine signalée par Thudichum en 1867 dans les urines
des cholériques, et conservée en 1880 par Mac Mcnn comme entité distincte, bien que
Wyss eût montré en 1868 qu'il s'agissait simplement de rouge d'indigo.
La « matière rouge » extraite des urines par C. Mkhu en 1871, et la couleur rouge
particulière observée par M. Jaffé en 1877 au cours de sa réaction à l'hypochlorite,
étaient de l'indirubine. Cette substance constituait aussi, selon toute vraisemblance, une
partie de la prétendue « couleur skatoxylique » obtenue la même année par L. Brieger.
(77, 79, 80), dans l'urine d'animaux ayant reçu du skatol, l'autre portion de cette
couleur devant rentrer dans le groupe des couleurs solubjes à l'eau.
La substance décrite comme nouvelle par P. Plûsz, en 1882, sous le nom à'urorubine
(deuxième espèce d'urorubine, non assimilée à celle de Thudichum), est si évidemment
l'indirubine, qu'on croirait lire dans les mémoires de P. Pli'>sz la description de cette
dernière.
Les matières colorantes rouges signalées dans l'urine, sans dénomination spéciale,
par Krukenberg en 1884, par Fr. MCller, par Ortweiler, en 1886, étaient simplement
l'indirubine.
Il en est de même de la prétendue» couleur skatoxylique » de J. G. Otto (1884),
de la << nouvelle couleur pathologique » de W. Leube (1886), de la « couleur encore
inconnue » de J. Thormahlen (1887), de la « couleur skatolique >■ de B. Mester (1888),
au moins pour une partie de ces substances, qui ne sont pas des individualités pures,
et dont les caractères ont été décrits d'une manière insuffisante.
C'est également l'indirubine qui accompagnait l'indigotine dans un calcul rénal étu-
dié par H. Chiari en 1888, et dans un sédiment urinaire décrit par Kahler- en 1888-
également. Enfin, bien que A. Baginsky ait cru trouver en 1892 une « couleur d'espèce
particulière » dans des urines rouge-violet, il s'agissail encore d'indirubine.
L'indirubine constitue une partie de l' « urobiline » extraite par le procédé de
L. Grimbert (1888) de l'urine bouillie avec son volume de llCl, et de la couleur « rouge
bourgogne » obtenue par 0. Rose.nbach l'année suivante, dans les mêmes conditions.
Il faut enfin rappeler que la couleur rouge éliminée à tort par F. Obermayer et par
E.Wang, au moyen de L'alcool, en 1898, dans leurs travaux sur le dosage de l'indoxyle,
n'était autre que l'indirubine provenant précisément de l'indoxyle.
Depuis que J. Bouma a protesté contre cette manière de faire (1899); depuis que-
L. C. Maillard a précisé en 1901 et 1902 les conditions dans lesquelles se forme l'indi-
rubine, on pouvait espérer que les auteurs s'abstiendraient de redécouvrir encore la
couleur rouge « chloroformiqueodes urines. On peut donc s'étonner de la u découverte»,
en 1902, d'une nouvelle matière colorante rouge violacée des urines (S. Cotton). Cette
couleur est naturellement, elle aussi, l'indirubine, comme L. C. Maillard [03 f) s'en
est assuré par l'expérience directe.
MouissETet Boxnamour iOo) ont encore décrit il y a quelques années, dans un cas de
dothiénentérie, une urine décoloration normale à l'émission, et qui présentait après
exposition à l'air un aspect rouge hémorrhagique. Les auteurs attribuaient ce phéno-
mène à de ïalcaptone, mais à la lecture de leur mémoire on reconnaît les caractères-
de l'indirubine : c'était un beau cas d'indicurie rouée. Il en est de même d'une obser-
INDOL. 207
vation très intéressante de P. Bar et R. Daunay (OG), où Turine d^jà souvent rose à
l'émission, devenait plus roufi;e à l'air : les auteurs, sans élude complète, croyaient avoir
affaire ù de la murexide, ;\ cause de la coloration, de la réaction ammoniacale de
l'urine, et parce que l'addition d'eau de baryte donnait une coloration violette qu'ils
attribuaient à de l'alloxane. Or il est évident que c'est là une belle observation d'indi-
rubinurie : le sujet était soif;;né depuis 6 ans pour entéro-colite tenace, ce qui explique
la richesse en indoxyle; il était atteint de pyélocystite suppurée, ce qui explique la
décomposition de l'acide indoxylglycuronique : enfin la coloration violette produite par
Ba (OU)- était due à l'indigotine.
Enfin, en 1908, Florence décrivait une couleur considérée comme nouvelle, retirée
de l'urine après action de IICI, précipitation par NaCl, extraction successive par l'alcool
et par le chloroforme : Vicrocarmine. L. C. Maillard (08 a, 08 b) n'a pas eu de peine à y
reconnaître l'indirubine typique, à peine souillée de quelques impuretés.
Dans la plupart des cas, l'indirubine n'existe pas toute formée dans l'urine, mais se
produit seulement sous l'action des acides, avec ou sans oxydants. Quelquefois cepen-
dant on la trouve en suspension, au moment de l'émission, ou quelque temps après,
dans l'urine qui prend alors une teinte rouf^e ou violacée : c'est le phénomène de lin-
digurie rouge (indirubinurie), que nous avons décrit en traitant de l'indirubine. Nous
avons vu que l'indirubine peut faire partie des sédiments et des calculs.
Indirubine urinairo
reconnue. non roconnuo.
1845 Heller Urrhodine.
1853 Robin et Verdeil. . . . Urrosacine (partie).
1857 SCHUNCK.
1858 Carter.
1863 F. Hoppe-Seyler.
1865 FoRDOS Acide uroérythrique.
1867 Thudichum Urorubine (1").
1868 Wyss.
1870 Jaffé.
1871 Méhu Mat. rouge des urines.
1874 NiGGELER.
— Masson.
— Nencki.
1877 Jaffé Couleur particulière.
— Brieger Couleur skatoxyliquc (partie).^
1880 Mac Munn Urorubine (1").
1882 Plôsz Urorubine (2').
1884 Krukenberg.
— Otto Couleur skatoxylique.
1886 Leube Nouvelle couleur pathologique..
— MiJLLER.
— Ortweiler.
1887 Thormahlen Couleur encore inconnue.
1888 Grimbkrt Urobiline (partie) .
— Mester Couleur skatolique.
— Chirai.
— Kahler.
1889 RosENBACH Rouge Bourgogne (partie).
1891 RosiN.
1892 Baginsky Couleur d'espèce particulière.
1898 Obermayer.
— Wang.
1899 Boum a.
1901 Maillard.
1902 CoTTON Nouvelle matière colorante.
1905 Mouisset et Bonnamour. Alcaptone.
1906 Bar et Daunay Murexide.
1908 Florence Urocarmine.
En résumé, nous pouvons affirmer avec la plus entière conviction, après avoir
dépouillé toute la littérature, qu'on n'a jamais rencontre dans l'urine humaine qu'une
208 I N D O L.
seule substance rouge capable de rentrer dans le groupe des corps « chloroformiques »,
c'est-à-dire extractibles par agitation avec le chloroforme, et ne quittant ce dissolvant
par aucun lavage aqueux, ni acide, ni alcalin. C'est l'indirubine. L'étude de l'hérniindi-
gotine, et de ses polymères, l'indigotine et l'indirubine, suffit à constituer l'histoire des
couleurs urinaires « chloroformiques ».
Le tableau ci-dessus (p. 207) contient la liste chronologique des principaux auteurs
qui ont vu l'indirubine urinaire, reconnue ou méconnue, avec les dénominations qu'ils
lui ont attribuées.
C. Les couleurs urinaires rouges différentes de Tindirubine. — « 11 est néces-
saire de bien distinguer l'indirubine, soluble dans le chloroforme et que ce dissolvant
ne cède à aucun lavage aqueux, quelle que soit sa réaction, d'une série d'autres cou-
leurs qui, elles, sont solubles dans l'eau et ne passent pas dans l'extrait chloroformique.
Ces matières colorantes rouges, telles que Vuroérythrine de Simon ou la purpurine de
GoLDiNG BiRD, Vurohématine de H.\rley, Vurotnélanine de Thudichum, V urorubrohématine
de Baumstarck, la couleur de Giacosa, Vuroroacine de .\e.\cki et Siebkr, etc., ont une
autre origine. Il est fort probable qu'une étude et une comparaison minutieuse de ces
couleurs « aqueuses » conduirait à des simplifications de la nomenclalure, analogues à
celles qu'a fournies l'étude des couleurs « chloroformiques ». Peut-être faudra-t-il join-
dre à ce groupe certaines matières colorantes mal décrites et mal définies, que divers
auteurs ont observées à la suite de l'administration du skatol aux animaux par voie
intestinale ou hypodermique, et qualifiées, à tort, de couleurs « skatoxyliques », Peut-
être même les couleurs aqueuses énumérées ci-dessus dérivent-elles, plus ou moins
directement, du skatol ou tout au moif)s du noyau indolique, mais sous une forme
autre que la forme skatoxylique, » (L. C. Maillard, 03 f.)
Nous retrouverons plus loin les Couleurs urinaires dérivées des indols substitués.
C — COOH
F. — ACIDE [i INDOLCARBONIQUE C6Hi<^^CH
AzH
A. Formation de l'acide [:, indolcarbonique. — Nous avons vu, au début de l'ar-
ticle sur le groupe de l'indol, comment l'acide ^ indolcarbonique devait provenir régu-
lièrement de l'oxydation du skatol, ou peut-être directement de Vacide indolacétique, sui-
vant que le stade skatol est plus ou moins stable ou fugace, suivant les conditions
de la putréfaction, suivant les espèces aérobies ou anaérobies qui la produisent :
C_CH2 — COOH
AzH
Ac. indolacétique.
L'acide p indolcarbonique n'a pas encore été isolé des produits putréfactifs, mais il
est certain qu'il s'y forme, car c'est le précurseur naturel de l'indol, qu'il fournit par
perte pure et simple de CD-, Nous avons d'ailleurs signalé déjà les substances indolo-
gènes trouvées dans divers liquides biologiques. Depuis fort longtemps on avait remar-
qué (E. Salkowski, 69, 78, 79) que, si l'on disLille l'urine avec de l'acide tartrique, épuise
le distillât par l'éther, et reprend par l'eau le résidu d'évaporation de l'éther, on obtient
dans la solution aqueuse, par l'acide nitrique, une coloration rose ou pourpre. Cette
coloration n'ayant été attribuée à l'acide indolacétique qu'avec beaucoup d'hésitation,
nous nous sommes souvent demandé si elle ne serait pas attribuable à un acide indol-
carbonique fournissant de l'indol par décomposition.
Tout récemment la question est revenue en discussion : on a signalé une substance
indologène dans l'urine (M. Jaffé, OS; Ch. Porcher, 09 a), dans la bile (Ch. Porcher,-
09 c), dans les cultures de charbon bactéridien, de staphylocoque doré, du Bac. enteri-
tidis de Gaert.\.er, de certaines variétés du Bac. fœcalis, etc. (Ch. Porcher et L. Paxis-
SET, 09). Il faut y ajouter les cultures de microbes producteurs d'indol, de B. coU par
exemple, après qu'on les a débarrassées, par épuisement à l'éther, de l'indol, mais non
des précurseurs de l'indol. Le choléra des poules, qui ne produit d'indol que vers le
C-CH3
C — COOH
C6Ht<^^CH 1
••-> C6H*<^^CH
AzH
AzH
Skatol
Ac. iodolcarboniquo.
INDOL. 209
15"= jour, forme bien avant celte date une substance indologène. Tous ces liquides,
exempts d'indol, donnent comme on le sait des vapeurs d'indol quand on les distille
lentement après les avoir acidifiés légèrement. Il faut penser qu'ils contiennent de
l'acide p indolcarbonique.
L'acide [3 indolcarbonique a été préparé artificiellement par G. Ciamician et C. Zatti
(88) en fondant 1 partie de skatol avec 10 p. de potasse caustique.
C. Zatti et A. Ferratini (.90 a) en ont fait la synthèse en chauffant pendant 3-4 heures,
d'abord à 'i.'iO" puis à 300", 5 parties d'indol avec 1 p. de sodium dans un courant de CO^.
B. Propriétés de l'acide p indolcarbonique. — L'acide ,3 indolcarbonique con-
stitue des feuillets cristallins incolores, peu solubles dans l'eau même bouillante et dans
le benzène, plus solubles dans l'alcool, l'éther, l'éther acétique, presque insolubles dans
l'éther de pétrole. Il se décompose en fondant vers 218", avec dégagement de CO^
(G. CiAMiciAN et C. Zatti, 88, 89).
Par chauffage très modéré, il peut se sublimer en partie; mais par chauffage brusque
il se décompose en indol et C0-. L'ébuilition de la solution aqueuse produit le même
dédoublement en indol et GO-.
L'acide p indolcarbonique en solution éthérée ne donne pas de précipité par l'acide
picrique; en solution aqueuse saturée, il ne précipite pas par le sous-acétate de plomb
(G. CiAMiciAN et C. Zatti, 88).
Lorsqu'on fait ingérer à des chevreaux à la mamelle, ou à des chiens nourris de
soupe au pain, animaux dont l'urine ne contient pas d'indoxyle, ou seulement des
traces insignifiantes, de l'acide (5 indolcarbonique, l'urine ne contient pas davantage
d'indoxyle : à la différence de l'indol, l'acide [3 indolcarbonique ne se transforme pas en
indoxyle dans l'organisme. Il est éliminé en nature; car l'urine de ces animaux contient
en abondance une substance indologène fournissant de l'indol par distillation. En
dehors de ces conditions expérimentales, les urines normales d'homme, de chien, et
surtout de cheval et de vache, contiennent toujours lamême substance (Ch. Porcher, 09 a).
L'ingestion de skatol augmente la substance indologène de l'urine (M. Jaffé, 08;
Ch. Porcher, 09 a), ce qui se comprend, puisque l'acide |3 indolcarbonique prend nais-
sance par simple oxydation du skatol. L'acide ,3 indolcarbonique représenterait ainsi
la forme d'élimination d'une partie du tryptophane, celle qui a perdu déjà la forme
tryptophane elle-même (éliminable sous forme d'acide kynurénique et d'acide indol-
acétique éliminable en nature), et qui n'a pas encore atteint la forme indol (éliminable
sous forme d'indoxyle).
Les urines riches en chromogène de l'uroroséine fournissant une notable quantité
d'indol à la distillation, Ch. Porcher {09 a) pense que l'acide indolcarbonique p serait
dans ce cas un stade de décomposition de l'uroroséine, qui aurait ainsi une parenté
avec l'acide indolcarbonique p.
Antérieurement à ces recherches, Ch. Porcher et Ch. Hervieux (07 b) avaient déjà
administré au chien un acide indolcarbonique : leur « idée directrice était que l'acide
indolcarbonique devait perdre facilement son CO-, pour fournir de l'indol qui finalement
aurait donné lieu à une élimination urinaire de chromogène indo.xylique. » Mais il
n'en a rien été : « Le groupement carboxyle de l'acide indolcarbonique a donc une
stabilité qui, à première vue, a lieu (disent les auteurs) de nous surprendre. » Or on
remarque qu'ils ont expérimenté, non pas sur l'acide indolcarbonique p, mais bien sur
l'acide indolcarbonique a, non biologique, dont G. Ciamician et C. Zatti avaient signalé
dès 1888 la remarquable stabilité, non seulement en solution aqueuse bouillante, mais
même à la température de volatilisation (220"). Il ne faut donc pas s'étonner de la sta-
bilité de cet acide a dans l'organisme. Nous verrons plus loin le chromogène urinaire
auquel donne lieu son ingestion.
C — CH3
G. — SKATOL (p méthylindol) CGHi(^p^CH
AzH
A. Formation du skatol à partir de ses dérivés. — Ainsi que nous l'avons fait
pour l'indol, nous étudierons d'abord la formation du skatol à partir de ses dérivés qui
OICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME IX, 14
210 INDOL.
en contiennent préexistant le noyau, puis la création synthétique du Pr-3-mélhylindol
ou p mélhylindol.
1» — Le skatolfut découvert par L. Brieger (77), au laboratoire de M.Nencki, dans la
partie volatile des excréments humains, où il accompaf?iie l'indol. L'idée qui se présen-
tait naturellement à l'esprit était de chercher dans la putréfaction des albuminoïdes
l'origine du skalol comme celle de l'indol, d'autant plus que, dès avant la découverte de
Brieger, Secrétan (76") travaillant aussi avec Nencki, avait obtenu, par une longue putré-
faction de blanc d'œuf et de muscle à la température ordinaire, un corps du genre de
l'indol, et qui devait évidemment être tout simplement du skatol plus ou moins impur.
Mais de nombreux essais tentés par L. Brieger {78) à la température de l'étuve sur
divers albuminoïdes n'avaient jamais donné de |skatol. Ce fut M. Nencki {78 c) qui
pour la première fois retira le skatol d'un mélange de pancréas et de chair musculaire
putréfié pendant environ 5 mois à la température ordinaire : 2 230 grammes de pan-
créas et 500 grammes de viande donneront 0 gr. 31 de skatol pur, sans indol (M. Nencki,
79), le skatol n'était apparu qu'au quatrième mois.
Il fut question à un moment donné, d'un « pseudoindol » accompagnant l'indol dans
les putréfactions. M. Nencki a démontré {78 a) qu'il s'agissait tout simplement d'un mé-
lange d'indol et de skatol.
E. Salkowski et H. Salkowski (79) réussirent ensuite à préparer au moyen de la
viande des quantités relativement grandes de skatol par une putréfaction de quelques
jours seulement à l'étuve. L. Brieger (79 b) obtint en partant de 2 kil. 1/2 de sérum-
albumine 1 gramme de skatol, soit environ 0,5 p. 1000 d'albuminoïde pur; il réussit
ensuite (L. Brieger, 80) à obtenir de la fibrine, du blanc d'œuf et du tissu hépatique^
par une putréfaction de 5 jours, des traces de skatol; un demi-kilog de caséine humide
lui en donna 4 milligrammes. Les nouvelles et soigneuses recherches de E. Salkowski et
Û. S.VLKOwsKi (84) démontrèrent enfin que le skatol est un produit à peu près constant
de la putréfaction des albumines, où il lire son origine de la même source que l'indol.
La cervelle de bœuf peut donner en certaines circonstances, dans l'espace de quelques
jours, du skatol pur exempt d'indol (M. Nencki, 80}.
Le groupement atomique des albuminoïdes qui donne naissance au skatol est tout à
fait indépendant du groupement générateur de la tyrosineetdes oxyacides aromatiques.
Latyrosine pure, en effet, soumise à l'action des bactéries de la putréfaction ou fondue
avec les alcalis caustiques, ne donne pas trace de skatol ni d'indol (E. Baumann, 80 b).
Au contraire, lorsqu'on a décomposé la corne râpée par ébullition avec H-SO^ étendu,
les eaux-mères qui restent après la cristallisation de la tyrosine, donnent par la putré-
faction une forte quantité de skatol (sans indol) (L. Brieger, 80).
On comprend d'après ce qui précède la présence du skatol dans les excréments. Il
manquerait toutefois dans ceux du chien L. Brieger, 79 b) : nous trouverons plus loin dans
la formation de l'acide kynurénique la raison de ce phénomène. Pour d'autres raisons le
skatol peut faire défaut dans les fèces des ruminants, bien qu'il soit abondant dans le
contenu de la panse du bœuf et de l'intestin grêle du cheval : il doit être résorbé par
la muqueuse intestinale (H. Tappeiner, 81).
Tout récemment C. A. Herter (08 a) a repris l'étude systématique de la formation du
skatol dans l'intestin de l'homme. Le skatol n'est pas toujours présent dans le contenu
du gros intestin : chez l'adulte, et chez les enfants sains, on n'en trouve que rarement,
et seulement à l'état de traces. Si les processus putréfactifs sont intenses, sa formation,
en même temps que celle de l'indol, est fortement augmentée. Mais les conditions de
production du skalol sont difîérentes de celle de l'indol; les fèces peuvent contenir du
skatol, sans indol, et cependant l'indoxyle contenu dans l'urine révèle la production de
celui-ci. Certaines espèces bactériennes, comme B. œdemat. mal. et B. putrificus, sont
favorables cà la production du skatol, tandis que B. coli comm. produit ordinairement de
l'indol sans skatol.
Le skatol peut d'ailleurs être obtenu en partant des matières albuminoïdes sans
l'intervention des bactéries : il suffit de les chauffer avec un grand excès de potasse
caustique en fusion (M. Nencki, 78 a).
Lorsqu'on veut extraire le skatol pur des produits putréfactifs ou des excréments, il
faut distiller avec un grand excès d'eau et après alcalinisation [il importe, pour obtenir
INDOL. 211
l'extraction totale, de commencer par la <listillation nloaline] : le skatol, en môme
temps que l'indol, est entraîné par la vapeur d'eau. On acidilie le premier dislilhit par
H-SO* pour retenir les bases volatiles, et on redislille : le skatol passe encore avec
l'indol, et on extrait les deux corps par agitation du distillât aqueux avec de l'étlier. Le
problème revient donc à la séparation de ces deux corps.
Si l'on redissout dans une petite quantité d'eau bouillante le résidu d'évaporation de
l'éther, une partie du skatol cristallise par refroidissement, étant moins soluble que
l'indol, mais l'indol restant est toujours souillé de skatol (E. Salkowski et H. Salkowski,
79). Si on redissout dans un peu d'alcool fort le résidu de l'évaporation éthérée,
et qu'on ajoute de l'eau (10 volumes environ), il se produit un trouble dû à la préci-
pitation d'une partie du skatol, qui cristallise (L. Biueger, 80), mais l'indol restant est
encore souillé de skatol, et on n'arrive à l'en débarrasser qu'incomplètement, même en
répétant plusieurs fois l'opération.
11 est préférable d'essayer la cristallisation fractionnée des picrates, qui se forment
par l'addition, à la solution aqueuse, d'une solution concentrée chaude d'acide picrique^
avec un peu de HCl; le picrate de skatol cristallise d'abord. Mais le n)eilleur moyen
d'obtenir le skatol complètement pur (M. Nencki, 80) consiste h. délayer dans l'eau
le mélange des picrates, et à distiller en présence de NaOH. Tandis que l'alcalinisation
par AzH^, en décomposant les picrates, libère l'indol et le skatol, qui passent à la dis-
tillation, l'ébullition en présence de NaOH détruit à fond l'indol du picrate et ne laisse
distiller que le skatol pur. Mais l'indol est perdu.
C'est pourquoi Ch. Hervikux {08) recommande de traiter la solution aqueuse des
deux corps par une solution aqueuse saturée de chlorure mercurique, qui ne touche pas
au skatol et précipite l'indol. Il suffit de distiller dans un courant de vapeur d'eau la
solution-mère : le skatol passe. Quant à l'indol, ''on le régénère en décomposant par H-S-
le précipité blanc formé par Hg Cl-.
2° — La formation du skatol à partir des matières protéiques dépend de la présence
du tryptophane dans leur molécule : on conçoit donc que le tryptophane déjà isolé à
l'état pur puisse fournir du skatol. C'est ce qu'on constate, soit par fusion potassique
(M. Ne.ncki, 89, 93), soit par décomposition bactérienne (F. Hopkins et S. W. Cole, 03),^
mais avec les espèces microbiennes employées par ces derniers auteurs, il ne se formait
que des traces de skatol, la majeure partie du tryptophane aboutissant, en milieu
anaérobie, à l'acide indolpropionique, et en milieu aérobie à l'acide indolacétique et à
l'indol.
3<^ — Nous verrons que ladégradation microbienne du tryptophane se fait par l'inter-
médiaire de l'acide indolpropionique et de l'acide indolacétique avant d'arriver au
skatol. Le dernier acide possède la propriété de se dédoubler quantitativement, lors-
qu'on le chauffe un peu au-dessus de son point de fusion 105", en skatol et anhydride
carbonique :
C_CH2 — COOH C — CH^
C6Hi<^^GH = CO-^ + C6Hi^%CH
AzH AzH
Ac. indolacétique. Sliatol.
C'est la raison pour laquelle E. Salkowski et H. Salkowski {80 a, 80 b, 84), qui l'ont
découvert, lui avaient donné le nom de k substance skatologène » ou acide « skatolcar-
bonique ». Ceci explique comment les oxyacides aromatiques bruts extraits de l'urine-
donnent du skatol lorsqu'on les abandonne à la putréfaction (E. Baumann, 80 a) ; car il&
sont accompagnés d'une petite quantité d'acide indolacétique que les bactéries peuvent
décoinposer en certaines circonstances.
4° — En chauffant 2 molécules de dihydroskatol avec 1 molécule de sulfate d'argent,
M. Kann et J. Tafel {9i) ont obtenu du skatol.
5" — Lorsqu'on réduit l'indigo végétal du commerce par l'étain et l'acide chlorhy-
drique, puis qu'on distille le produit avec un grand excès de poudre de zinc, l'indol
obtenu contient un peu de skatol qu'on peut isoler par cristallisation fractionnée des
picrates (A. Baeyer, 80 b). L'indigo brut donne environ 0,3 p. 100 de skatol, mais il faut
remarquer que ce skatol, contrairement aux autres échantillons, n'a pas d'odeur (?).
212 INDOL.
6° — H. NVahlbaum [00) a rencontré dans la civette employée en parfumerie le ska-
tol, mais en très minime quantité. 100 grammes de civelte africaine (provenant |de
Viverra civetta) lui ont fourni environ O^"",! de skatol. Il est difficile de dire s'il s'agit
d'une sécrétion de skatol, ou d'une altération putride; il n'y avait pas d'indol.
70 — Enfin le skatol a été rencontré en nature dans le règne végétal : W.-R. Dunstan
(89) l'obtient, sans mélange d'indol, en distillant avec de l'eau le bois du Celtis reticulosa,
qui croit à Java,àCeylan et dans les Indes, et qui possède une intolérable odeur fécaloïde.
B. Formation synthétique du skatol.
l» — La synthèse du skatol a été réalisée pour la première fois par 0. Fischer et
L. Germon {83), en mêlant 100 grammes d'aniline avec 70-80 grammes de ZnCl-, ajoutant
iOO grammes de glycérine, et cliauffant au bain d'huile, d'abord à lôûo-HO", puis à 240»;
on distille ensuite à la vapeur d'eau. La greffe de la molécule de glycérine sur l'aniline
aurait pour résultat la formation d'un noyau quinoléique; mais nous avons vu déjà la
tendance remarquable de l'un des articles carbonés de ce noyau à s'extérioriser hors
du noyau : c'est lui qui devient le carbone latéral du skatol. On obtient dans la prépa-
ration environ 6 grammes de picrate de skatol purifié.
2° — On peut rapprocher de la synthèse |)récédente celle de Bamberger et Kitschelt
{9i), qui font réagir sur la formanilide sodée la dichlorhydrine glyccrique, saponifient le
produit pai- KOH, et déshydratent enfin par P^O'^. 11 se forme, outre de l'aniline et une
base secondaire, de la quinoiéine par greffe régulière de la molécule glycérique, et
aussi du skatol par extériorisation de l'un des articles carbonés du noyau.
3° — M. FiLETi (83) a préparé le skatol en calcinant le 3-nitrocuminate de baryum
avec des fils de fer; le rendement est meilleur si on distille un mélange du sel de Ba
de l'acide 3-aminocuminique (préparé à l'aide de 40 grammes d'acide 3-nitrocuminique)
et de 60 grammes d'acide 3-nitrocuminique avec le double de son poids de poudre de
zinc :
CH — CH3 C — CH3
HO. OC — C6H3<^^CH3 = C6H*('^CH + CO2 + H^O + 0
Az02 AzH
Ac. 3 nitrocuminique. Skatol.
4" — La synthèse du skatol a été faite par E. Fischer {86 a, 86 b, 86 c), en par-
tant de la phénylhydrazine C^ H^. AzH. AzH-, qui se combine à l'aldéhyde propionique
OCH. CH-. CH3, pour donner la propylidènephénylhydrazone C^H». AzH. Az : C. CH-. CH^
Si l'on chaulTe celle-ci avec son poids de chlorure de zinc, il se produit une vive réac-
tion; après qu'elle est terminée, on chauffe encore deux minutes à 180° et on dis-
tille le produit dans un courant de vapeur d'eau. Outre que cette synthèse permet de
se procurer le skatol en quantité notable, elle présente un intérêt théorique puissant,
en ce qu'elle fixe la position du groupe méthyle dans la constitution du skatol ; il suffit,
pour s'en rendre compte, d'examiner le mécanisme de la réaction :
CH2 — CH3
\
C — CH3
C6H5 G = AzH^ + C6Hi<^^CH
\ Il
AzH.Az
Prop3'lidène-
phénj'lhydrazoae.
AzH
P méthyliadol (Skatol).
On voit que le skatol ne saurait porter son groupe mélhyle qu'en position |î (Pr. 3).
La démonstration est d'ailleurs complétée par la synthèse du méthylkétol (a méthyl-
indol), isomère du skatol, qu'on obtient dans les mêmes conditions, en remplaçant la
/GH3
phénj'lhydrazone de la propylaldéhyde par celle de l'acétone C^H^. AzH.Az : G^
CH3
CH3
AzH
\^ CH
C6H5 G — CH3 = AzH3 + C6Hi<f~^C — CH3
\ Il ^"^
AzH.Az .,, ,• j ,
a methvlindol
Acétone- (Méthylkétol).
phényln3'drazone.
INDOL. 213
La coustitulion du mélhylkétol était d'ailleurs connue, depuis que A. Bakyeu et
0. H. Jackson [80] avaient découvert ce corps en faisant bouillir l'orlhoaminophényl-
CH2 — CO — CHS
méthylcétone C6H*<^ avec AzH' et du zinc en poudre ; il est facile de
concevoir que le méthyle devait être en position a :
CH2 CH
C6Hs\ ^C-CII3 m-^ C6H*<^^C-CH3
AzH2^ AzH
La même position pouvait se prévoir dans la synthèse du méthylkétol par chauffage
de l'aniline avec la monochloracétoiie (M. Nencki et J. Berlineriîlau, 86).
C1.CH2
\
CH
C6H:; C — CH3 m^ C6H*\^C — CH3
AzH
\
0
AzH2
Le méthylkétol étant le niéthylindol a, le skatol devait donc être le méthylindol (î;
la démonstration directe et définitive en a été donnée par la syntlièse de E. Fischer. Ce
détail a son importance pour les études physiologiques; on s'en convaincra lorsque
nous étudierons les matières chromogènes et colorantes dérivées des homologues de
l'indol.
5° — On obtient encore du skatol (R. Camps, 99), lorsqu'on chauffe avec de la chaux
CO — CH3
sodée l'orthoacétylanilidoacétate d'éthule C6H<^( , obtenu par con-
\AzH — CH-2 — COO.C^Hs
densation du bromacétate d'éthyle avec l'orthoaminoacétophénone. Si l'on chaulîe le
même corps, en solution dans le toluène, avec du sodium en fils, on obtient non seu-
lement le skatol, mais encore de l'acide skatoIcarboni([ue a :
CO — CH3 G — CH3
^ CH2 — COO.C2H3 = C<îHt<^^C]
AzH AzH
CeHiC^ .CH2 — COO.C2H3 = C<5Ht<^^CH + C02 + C2H5.0H
Skatol.
GO — CH3 C — CH»
C6Hi(' .CH2 — C00.C2HS = COHi<^^C — COOH + C2H3.0H
AzH AzH
Ac. skatolcarbonique a.
6° — Le skatol peut se former par remaniement de noyaux cycliques préexistants.
Nous avons vu tout à l'heure sa formation aux dépens du noyau quinoléique. Ajoutons
que le skatol se forme en petite quantité lorsqu'on calcine avec de la chaux la strychnine
et ses sels (C. Stôhr, 87 a, 87 b; W. F. Lobisch et H. Malfatti, 88 j.
C. Propriétés du skatol. — Le skatol cristallise en petits feuillets brillants inco-
lores, fondant à 93° (M. Nencki, 79) ; il bout à 265''-266o sous la pression de 735 milli-
mètres (E. Fischer, 86 c). On peut le distiller dans un courant de vapeur d'eau. Le
skatol, soluble dans l'alcool et dans l'éther, est beaucoup plus difficilement soluble dans
l'eau que l'indol.
Le skatol est une base faible qui se dissout dans l'acide chlorhydrique concentré.
Lorsqu'on fait passer un courant de HCl gazeux dans une solution de skatol dans de
l'éther pur, il se précipite de petites aiguilles du chlorhydrate de skatol 2 C'H'Az. HCl
(F. lôTo-ieS"), insoluble dans l'eau, soluble dans l'alcool (M. Wenzing, ^7). Le skatol
cristallise sans altération dans l'acide nitrique étendu et chaud. En solution dans
l'acide acétique glacial, il doime, par NaAz02, un dérivé nitrosé (C. Zatti et A. Ferra-
TiNi, 90 b). Chauffé avec de l'anhydride acétique et du chlorure de zinc, il donne un
C — CH3
acétylskatol C6H^<^^C — CO.CH^ (G. Magnanim, 88). Lorsqu'on verse une solution alcoo-
AzH
2U INDOL.
liqiie de skatol clans une solution alcoolique tiède de Irinitrobenzène symétrique, on
obtient de fines aiguilles d'un beau rouge, peu solubles dans l'alcool, fondant à 183'%
de formule C^H^Az. C^^H^ (AzO^)^ (P. van Romburgh, 95). Le skatol se combine directe-
ment à l'acide picrique, pour donner un picrate de skatol CH^Az. C*H^(AzO*)^0, en
aiguilles rouges très peu solubles dans l'eau, qui sert à l'extraction et à la purification
du skatol (M. Nencki, 79).
Chauffé au rouge, le skatol se décompose en formant de l'indol (M. Fileti, 83). Par
réduction, il se transforme en dihydroskatol C^H"Az. Chauffé en présence du sodium
C — CH3
dans un courant de CO-, il donne de l'acide skatolcarbonique C6H*<^^C — COOH (G. Cia-
AzH
MiciAN et G. Mag.namni, 88 a). Fondu avec la potasse, il donne l'acide [s indolcarbonique
C — COOH
C6H*<^^CH (G. Ciamician et C. Zatti, 88 . Avec le chloroforme et l'éthylate de
AzH
sodium, il donne une chlorolépidine C'^H^ClAz. De même par action du chloroforme et
de KOH sur le skalol, A. ELLi.NOKRet Cl. Flamand {06) ont obtenu une chlorométhylqui-
noline, dont ils ont établi la constitution par la voie suivante :
C — CH3 C — COOH en
/V^c-ci /\/^c-ci /V^c-ci
I ♦»»—>■ I
\/\^^" \/\^^" \/\-^^"
Az Az Az
Voilà un exemple de la transformation du noyau indolique en noyau quinoléique,
inverse du phénomène déjà indiqué. Nous en retrouverons un autre, d'ordre biologique,
dans la transformation du tryptophane en acide kynurénique.
Le skatol possède une odeur fécaloïde caractéristique ; celui que A. Baever {80 b) a
obtenu par réduction de l'indigo végétal faisait seul exception à la règle. Cette particu-
larité est à rapprocher de ce qui a été dit à propos de l'indol, et indique que des
recherches sont encore à faire sur ce point.
Nous avons vu, en étudiant l'indol, les constatations faites par L. IJiueger {78),
A. RoviGHi {96), Ch. Hervieux (07 a, 08), d'où il résulte que les animaux peuvent sup-
porter des doses de skatol supérieures au gramme, puisqu'il en faut 1 gramme environ
pour tuer un cobaye, 1,5 ou 2 grammes pour jm lapin. Cependant H. Danilewsky {08 a)
trouve que le skatol est toxique pour les infusoires, les daphnies, les cyclopes, les petits
poissons, pour les cellules épithéliales vibratiles, les leucocytes, etc. L'action générale
se traduit par le ralentissement des mouvements, la diminution de l'excitabilité, fina-
lement la paralysie complète. Sur le cœur de grenouille, soit isolé, soit //; situ, le skatol
en solution de 0,003 à 0,03 p. 100 diminue l'amplitude des systoles, et produit finalement
l'arrêt en diastole. Le cœur de lapin se comporte de la même façon.
Le skatol produit dans le tube digestif sous l'action des bactéries est résorbé, tout
au moins en partie, par la muqueuse intestinale. On doit donc s'attendre à en trouver
des traces dans le sang, au moins dans le territoire de la veine porte. C'est ce que pense
avoir constaté Ch. Hervieux [Oi b , car en faisant sur l'extrait du sang porte la réaction
à la p. diméthylaminobenzaldéhyde, la coloration obtenue, au lieu d'être seulement
rouge pourpre comme dans le cas de l'indol pur, présente souvent une légère nuance
violacée altribuable au skalol.
Divers auteurs, depuis L. Brieger (79 b), ont affirmé que le skatol introduit dans le
tube digestif subissait une oxydation en « skatoxyle » homologue de lindoxyle, puis
était éliminé par les urines sous forme d'acides «< skatoxylsulfurique « et « skatoxyl-
glycuronique ». On verra dans un chapitre spécial que cette assertion n'a jamais été
étayée sur aucune preuve. Néanmoins il est parfaitement établi que le skatol se trans-
forme dans l'organisme, partiellement au moins, en un chromogène que le rein élimine,
et que nous étudierons plus loin, ainsi que la couleur rouge qui en dérive, dans un
paragraphe spécial.
D. Réactions du skatol. — Le skatol possède une partie des réactions colorées des
INDOL. 215
albuminoïdes, ce qui a conduit E. Salkowski (<V<S') à penser que ces réactions, chez les
albuminoïdes, sont duesà la présence du groupe atomique générateur du skatol (c'esl-à-
dire au Iryptophane).
1. — Le skatol se dissout dans Vacide chlorhydrique concentré avec une coloration
violette (L. Briegkr, 77).
2. — Le skatol, chauffé en solution dans Vacide sulfiirique concentré, donne une
magnifuiue coloration rouge pourpre (G. Ciamicia.n et G. Mag.n'amm. SS h).
3. — Traité par Vacide nitrique pur, le skatol se colore en jaune intense, donnant
ainsi une réaction semblable à la réaction xanthoprotéique des albuminoïdes
(E. Salkowski, 88).
Avec l'acide nitrique nitreux, ou avec un acide additionné de nilrite, le skatol ne
donne pas de dérivé nitrosé analogue au nitrosoindol.il ne se colore pas davantage par
l'eau de chlore ni par le chlorure ferrique. Le réactif de Millon donne avec le skatol
une coloration brun rouge sale (E. Salkowski, 88).
4. — Le skatol, sous l'action de H-SO'^ ou llCl, se condense avec les aldéhydes pour
donner des produits de coloration très intense, comme nous l'avons vu dans le cas de
l'indol. Beaucoup de ces colorations rappellent de très près des réactions du trypto-
phane et des albuminoïdes.
L'une des réactions les plus sensibles du skatol, tout récemment découverte (Ta-
KAOKi Sasaki, 10), repose sur sa condensation, en présence de H-SO''^ concentré, avec
Vacétone ou mieux encore Valcool méthyliquc. Dans un tube on place 3 ce. de la solution
étendue de skatol, on ajoute 3 gouttes d'alcool méthylique; puis on introduit à la base,
avec de grandes précautions, une couche de H^SOS de même épaisseur : il se forme à
la surface de séparation un anneau rouge-violet, sensible jusqu'à la dilution de
1 : i 000 000. Si après quelques minutes de repos, on mélange doucement les deux couches,
tout le liquide devient rouge-violet (sensible jusqu'à 1 : 5 000 000). Cette réaction est
propre au skatol : l'indol, le a méthylindoi, le tryptophane, ne la donnent pas.
Avec l'acide acétique et l'acide sulfuriqae, le skatol donne une coloration violette
(E. Salkowski, 88). On sait aujourd'hui que cette réaction, découverte par A. Adajikiewicz
(74, 73) pour les albuminoïdes, dépend de Vacide glyoxylique qui souille ordinairement
l'acide acétique (F. G. Hopkins et S. W.Cole,0'/ a), et qu'on peut employer directement.
Lorsqu'on ajoute à une solution de skatol une goutte de furfurol, et qu'on met en
contact une couche d'acide sulfurique concentré, le liquide se colore en brun rougeàtre
(L. V. Udraxsky, 88 b).
Le skatol ne colore pas un copeau de pin mouillé d'acide chlorhydrique, mais si on
imbibe un copeau de pin d'une solution de skatol dans l'alcool étendu et qu'on le plonge
ensuite dans HGl concentré, le copeau devient peu à peu rouge cerise, et plus tard bleu
violet (E. Fischer, 86 c).
Le skatol se condense avec les aldéhydes aromatiques pour former des substances
colorées qui ressemblent tout à fait à celles que donnent les albuminoïdes dans les
mêmes conditions. Si à une solution étendue de skatol dans l'alcool on ajoute une solu-
tion alcoolique de henzaldéhyde à 1 p. 100, et qu'on verse au fond du verre une couche
de H-SO*^ étendu contenant du sulfate ferrique, on voit au bout de quelque temps une
zone bleu-violet qui s'élargit de plus en plus. La couleur est détruite par les bases, elle
reparaît sous l'action des acides. La coloration est violette avec Valdéhyde salicylique,
l'aldéhyde anisique, la vanilline, le pipéronal (héliotropine); vert-bleu avec Valdéhyde
cuminique; brun-verdâtre avec Valdéhyde cinnamique: brun rouge avec le furfurol. Le
bois humecté de la solution alcoolique de skatol, et plongé dans l'acide étendu addi-
tionné de Fe-(SO'')', devient rouge jaune, puis violet. Ces réactions sont très sensibles
(C. Reichl, 90).
Les réactions colorées du skatol avec les aldéhydes en présence de HCI ont été
récemment étudiées en détail par F. A. Stee.nsma [06 b] (p.-diméthylaminobenzaldé-
hyde), par G. De.xigès {08 d) (vanilline, aldéhyde cinnamique, p.-diméthylamino-
benzaldéhyde), par F. Blumexthal {09) (p.-dimélhylaminohenzaldéhyde, vanilline,
p.-nitrobenzaldéhyde, aldéhyde protocatéchique, héliotropine, safrol, aldéhyde cinna-
mique, eugénol, acide glyoxyliquel. Voir les originaux pour les détails de technique et
l'influence d'une trace de nitrite sur les réactions.
216 INDOL.
5, — Le skatol soumis à la réaction de Légal, c'est-à-dire additionné d'un peu de
nitropriissiate frais, puis de soude, donne une coloration jaune, qui par ébullition avec
l'acide acétique glacial (1/4 de volume) passe peu à peu au violet (E. Salkowski et
H. Salkowski, Si). La couleur passe dans l'éther par agitation.
E. Différenciation du skatol et de l'indol. — Le skatol se colore en rouge
par HCl et par H-SO* concentrés, à la différence de l'indol qui ne se colore pas. En
revanche, il ne donne aucune coloration, ni par de l'eau de chlore (qui colore l'indol en
rouge), ni par l'acide nitreux(qai donne un nitrosoindol rouge), ni par FeCl' (qui donne
avec l'indol un précipité violet sale, le skatol ne précipite pas par HgCl-, à la différence
de l'indol, qui donne un précipité blanc. Le picrate de skatol, distillé en solution alca-
linisée par NaÛH ou KOH, régénère le skatol, à la différence du picrate d'indol qui ne peut
réf'énérer l'indol qu'en présence de AzH^ mais non des alcalis fixes. La combinaison du
skatol avec le trinitrobenzène symétrique est en aiguilles rouges fondant à 183", tandis
que celle de l'indol est en aiguilles jaune d'or fondant à 187°. Le skatol, à la différence
de l'indol, ne se combine pas au 2-naphtoquinone-4-monosulfonate do sodium.
Avecluparadiméthylaminobenzaldiliyde et HCl, la réaction du skatol, d'abord rouge
vineux comme celle de l'indol et à peine un peu plus violacée, devient rapidement d'un
beau violet, puis, après quelques heures, d'un bleu très stable. Pour les concentrations
élevées, la teinte bleue est précédée d'une teinte verte longtemps persistante. En même
temps, le spectre, montrant d'abord 3 bandes comme celui de l'indol, se transforme et
ne montre plus qu'une bande dans le milieu du rouge. Limite : 3-4 : 10.000.000 (G. Dem-
GÈs, 08 d). L'addition de quelques gouttes de nitrite à 0,5 p. 100 fait virer la couleur
indolique du rouge violacé vers le rouge grenadine ou rouge orange, tandis que la cou-
leur skatolique vire immédiatement vers le bleu (F. A. Stee.nsma, 06 b; F. Rlumen-
THAL, 09).
Avec la î;aju7/t/ie et HCl, l'indol donne immédiatement une coloration rouge éosine
ou grenadine présentant dans le vert une large bande d'absorption débordant sur le
bleu; cette teinte persiste de longues heures et tend vers le rouge bordeaux avec belle
fluorescence bleu violet. Le skatol ne donne d'abord qu'une coloration faiblement jau-
nâtre ou jaune rosé très léger, assez peu marquée pour ne pas nuire à la recherche
simultanée de l'indol; mais la coloration s'accentue peu à peu, et après quelques heures
elle est d'un beau violet très intense qui permet de déceler le skatol jusqu'à 1 : 1.000.000
(G. Denigès, os d). Le nitrite fait jaunir et pâlir la couleur indolique, tandis qu'il fait
virer vers le bleu la couleur skatolique F. Rlu.me.\thal, 09).
Avec Valdéhyde cinnamique et HCl, l'indol donne une teinte jaune rouge intense rap-
pelant celle des bichromates, qui tend peu à peu vers le rouge. Le skatol ne donne
qu'une coloration jaune clair à peine sensible au-dessous de 0sf,02 par litre, et qui passe
peu à peu au vert clair d'autant plus lentement que la teneur en skatol est plus faible.
(G. Demgès, os d). Le nitrite n'altère pas la couleur indolique ou la rend un peu plus
rouge brun; il accélère le verdissement de la couleur skatolique (F. Rlu.me.\thal, 09).
Avec \3i p.-nUrobenzaldéhyde et HCl, l'indol donne une couleur rouge qui s'accentue
par chauffage ; le skatol ne donne rien à froid, une couleur gris-vert sale à chaud. Le
nitrite donne à la couleur indolique une belle teinte rouge framboise, à la couleur ska-
tolique une belle teinte bleue (F. Blume.nthal, 09).
Avec l'aldéhyde protocatéchique et HCl, l'indol donne une coloration rouge orange, le
skatol rouge framboise. Le nitrite pâlit et jaunit la couleur indolique, il fait virer au
violet-bleu la couleur skatolique (F. Rldmexthal, 09).
Avec Vhéliotropine (pipéronalj et HCl, l'indol donne une coloration rouge orange, le
skatol rouge framboise. Le nitrite fait pâlir fortement la couleur indolique, la couleur
skatolique devient bleu intense (F. Blume.nthal, 09 .
Avec le safrol et HCl, l'indol donne une couleur vert-jaune qui passe bientôt au
rouge-jaune, et que le nitrite fait virer au brun-jaune. Le skatol ne donne pas de colo-
ration directe, mais le nitrite développe une teinte bleu-vert sale (F. Rlumenthal, 09).
Avec Veugénol et HCl, l'indol donne une belle coloration rose, que le nitrite fait virer
au rouge-brun. Le skatol donne, après l'addition de nitrite, une magnifique coloration
bleu-vert ou bleu pur (F. Blume.nthal, 09).
Rappelons enfin que d'après Takaoki Sasaki {10), la coloration rouge-violet d'une
INDOL. 217
très grande sensibilité que développe la condensation du skatol avec Vnlcool nu'Unjlique
en présence de H-SOS ne se produit nullement avec i'indol, et constitue par conséquent
une réaction différentielle de premier ordre.
C — CH2 — COOII
H. — ACIDE [i INDOLACÉTIQUE C6H*<^^CH
AzH
A. Formation de Tacide [î indolacétlque. — L'acide indolacétique [î prend
naissance dans la putréfaction du tryptophane ou des matières albuminoïdes conte-
nant du tryptophane : il constitue un stade de dégradation postérieur à l'acide p indol-
propioiiique, avec ou sans l'intermédiaire du p étliylindol :
C_CH2 — CH2 — COOH c — CH2 — CH3 C — CH^ — COOH
AzH AzH AzH
Ac. indolpropioniqup p. Étliylindol (3. Ac. indolacétique jî.
On a vu déjà, à propos de I'indol, que si l'on épuise par l'éther un liquide albumi-
neux dont la putréfaction est déjà commencée mais qui ne contient pas encore d'iudol,
l'éther extrait une substance qui par putréfaction prolongée donne elle-même de I'in-
dol (E. Baumanïs, 80 a). De leur côté, E. Salkowski et H. Salkowski [SO a, 80 b) avaient
remarqué que dans de semblables conditions, l'éther extrait une substance inodore
distincte du skatol mais susceptible de se transformer très facilement en skatol, et
pensaient que la « substance skatologène » en question, qui doit être considérée aussi
comme un précurseur de I'indol, devait être un acide " skatolcarbonique ». La substance
se décomposait en effet, par simple chauffage, en CO^ et skatol qui se sublimait. Nous
verrons que c'était l'acide indolacétique. Ils trouvèrent de plus {8i) que ce corps n'est
pas volatil, même dans un courant de vapeur d'eau, et par suite reste dans le résidu de
distillation lorsqu'on distille les liquides putréfactifs pour en extraire les bases, I'indol
et le skatol.
11 faut donc séparer l'acide indolacétique des nombreux acides organiques aux-
quels il est mélangé dans le résidu de cette distillation qui se fait, comme on le sait,
en milieu alcalin. E. Salkovvski et H. Salkowski (So) concentrent ce résidu et ajoutent
deux ou trois volumes d'alcool, qui précipite les matières albuminoïdes subsistantes,
les sels minéraux, les bactéries, etc.; la solution alcoolique est évaporée, le résidu
repris par l'eau, acidifié fortement par H-SO''^ et agité avec de l'éther qui s'empare des
acides. L'extrait éthéré, évaporé, est repris par l'eau, alcalinisé, et additionné de chlo-
rure de baryum qui précipite les acides gras à l'état de savons barytiques entraînant
avec eux les graisses et autres impuretés. Le liquide clarifié est acidifié par HCl et de
nouveau épuisé par l'éther; l'extrait éthéré évaporé est alors distillé à la vapeur d'eau:
de cette façon sont éliminés les acides gras volatils, les acides de la série benzoïque et
des traces de phénols; il reste dans le résidu des oxyacides aromatiques, de l'acide
succinique et de l'acide indolacétique. Par refroidissement du liquide, il se dépose
d'abord des masses résineuses qu'on sépare aussitôt que possible, et le filtrat conti-
nuant à refroidir laisse déposer au bout de vingt-quatre heures des grumeaux cristal-
lins d'acide indolacétique. Un traitement minutieux des eaux-mères, dont le détail
importe peu, permet d'en récupérer encore une certaine quantité. On le purifie par
cristallisations dans l'eau bouillante et le benzène chaud.
Dans leur expérience la plus favorable, E. Salkowski et H. Salkowski [8o) ont
obtenu un rendement de .3,25 d'acide indolacétique pour 1000 de fibrine calculée sèche,
la fibrine étant à leurs yeux le meilleur matériel. Mais on le trouve dans toutes les
putréfactions, sans exception. Ces auteurs ont cherché si l'acide indolacétique ne se
séparerait pas de la molécule albuminoïde sous l'action de la trypsine déjà, avant l'in-
tervention des bactéries : ils se sont convaincus du contraire.
On sait aujourd'hui que c'est le tryptophane qui se détache des albuminoïdes dès
les premières phases de la digestion trypsique, et c'est l'attaque de ce tryptophane par
les bactéries qui produit les acides indolpropionique et indolacétique. M. Nencki {89,
218 INDOL.
95) l'affirmait déjà, sans disposer de Iryptophane bien pur. C'est F. G, Hopkins et S. W.
CoLE (05) qui, en possession de tryptophane parfaitement pur, ont obtenu par sa putré-
faction l'acide indolpropionique, l'acide indolacétique, le skatol et l'indol. La culture
aérobie du B. coli donne surtout de l'acide indolacétique et de l'indol; les cultures
anaérobies du Bacille du charbon symptomatique et du B. coli donnent surtout l'acide
indolpropionique.
Nous avons dit que E. Salkowski et H. Salkowski considéraient leur substance skato-
logène comme un « acide skatolcarbonique », dédoublable dii^ectement en skatol et
CO-, et auquel ils attribuaient la constitution d'un acide [J-méthyl-indol-a-carbonique.
Mais il est aisé de voir que l'acide p indolacétique doit se dédoubler tout aussi naturel-
lement en skatol et CO* :
C — CH3 C — CH2 — COOH
C6H*('^C — COOH C6H*/'^CH
AzH AzH
Ac. skatolcarbonique a. Ac. indolacétique p.
Or w. WisLicENus et E. Arnold (é?7j chauffèrent en solution alcoolique, eu présence
de H^SO*, la phénylhydrazone de l'acide propionylfoi'miqiie
.CH2 — CH3
C«H3 — AzH.Az : C<^ ; en ajoutant ensuite de l'eau, ils obtenaient un précipité
\COOH i f
cristallin de skatolcarbonate d'éthyle, dont la saponification foui'nissait l'acide :
C^-^-^»^ C-CH3
C6H5 C — COOH + C2H^.0H = C«H*^'^C — COO.C^Hi + AzH3 + H20
\ Il ^'^
^ " A7H
AzH.Az ^^" , , ,., , ,
,3, , ,, , ^^katolcaroonate d éthyle.
Phenylhj'drazonc. •'
La formule ci-dessus permet de comprendre que le produit doit bien avoir la consti-
tution de l'acide skatolcarbonique a. Laoide fondait à 1G4°-165°, en se dédoublant en
skatol et CO"^. Mais il n'était pas identique à celui des Salkowski, car il s'en distin-
guait par sa cristallisation en aiguilles, sa plus faible solubilité dans l'eau, et par
l'échec des réactions colorées, sauf celle par FeCP, qui d'ailleurs était plus difficile.
D'autre part G. Ciamician et G. Magnanlni [88 a, 88 b) réussirent à introduire par
addition le groupement CO- dans la molécule des indols méthylés, en chauffant, soit le
mélhylkétol (a mélhylindol), soit le skatol (ii méthylindol) à 2300-250°, avec la quantité
équimoléculaire de sodium, dans un courant de CO^ :
CH
C — COOH
C6Hi^^C — CH3
m^ C6H*<(~^c — CH3
AzH
AzH
Méthylkétol.
Ac. a-mofhyl-indol-
^-cart onique.
C — CH3
C-CH3
C6H4/^CH
»)» >
CGHi<^^C — COOH
AzH
AzH
Skatol.
Ac. fl-méthyl-indol--
a-carbonique.
L'acide dérivé du skatol, qui chauffé avec H-SO* donne une magnifique coloration
rouge pourpre, est certainement identique à l'acide de W. Wislicenus et E. Arnold, car
il fond à 165°-167". Mais il est différent de celui des Salkowski, car il ne donne pas de
colorations avec l'acide nitreux ou le chlorure de chaux, et la réaction avec FeCl^ est
beaucoup plus difficile.
Toutes ces contradictions apparentes s'évanouii'ent le jour oîi les travaux de
A. Ellinger et de ses collaborateurs eurent établi que dans le tryptophane et ses déri-
vés les chaînons greffés sur le noyau indolique sont tout entiers en position |i. En par-
ticulier, la synthèse de l'acide |3 indolcarbonique authentique a été réalisée par A. Ellin-
ger {Oi b) : la phénylhydrazone de l'aldéhydopropionate de méthyle C^H^Az.H.Az :
INDOL. 219
'CH.CH-.CH-.COOCH '■, fondue avec ZnCi-, ou mieux chaull'i'e pendant plusieurs heures
-dans l'alcool sulfuiique, ferme le noyau indolique :
CH'._CIl.-C00.Cn3 c-CH^-C00.CH3
C6H3 CH »_> C'iH*/'^CH +AzIP
"a^H Az A^H
,,," . ,, j 8 indolacétatc do métliyle.
Phenylli3-arazone. ' ■'
L'acide obtenu par saponification de l'éther méthylique est identique à l'acide des
Salkowski par sa cristallisation en feuillets, son point de fusion (lôo"), et ses réactions
colorées à l'acide nitreux, au chlorure de chaux et au chlorure ferrique. Le soi-disant
acide « skatolcarbonique » des putréfactions est donc incontestablement l'acide iiulol-
-acélique [3.
B. Propriétés de l'acide ^ indolacètique. — L'acide indolacétique constitue
-<le petits feuillets cristallins incolores, fondant à 164'' (E. Salkowski et H. Salkowski, é^o)
ou 165*^ (A. Ellinger, Oi b), facilement solubles dans l'alcool et l'éther, très peu dans
l'eau froide, plus facilement dans l'eau chaude II n'est presque pas volatil, même dans
un courant de vapeur d'eau; toutefois une distillation prolongée en laisse passer des
traces suffisantes pour montrer les réactions colorées, et cela, que le liquide de distilla-
tion soit acide ou alcalin (E. Salkowski et H. Salkowski, So).
L'acide indolacétique donne des sels alcalins solubles dans l'eau; si à sa solution
neutralisée par l'ammoniaque on ajoute du nitrate d'argent, on obtient un précipité
d'indolacétate d'argent (A. Ellinger, 04 b).
Chauffé un peu au-dessus de son point de fusion, l'acide indolacétique se décom-
pose avec dégagement de GO- et formation d'un sublimé de skatol pur, sans trace
d'indol. Les sels alcalins sont assez stables en solution; mais si on chauffe une solution
de l'acide libre, elle se décompose peu à peu en dégageant l'odeur fécaloïde du skatol,
en même temps qu'il se forme une couleur rouge pourpre qui est peut-être un produit
d'oxydation ou de condensation du skatol. La même couleur prend naissance quand on
abandonne longtemps à l'air une solution d'acide indolacétique (E. Salkowski et
H. Salkowski, 8o).
L'acide indolacétique est dépourvu de toute odeur.
L'acide indolacétique introduit dans l'estomac des animaux (lapins), passe en nature
dans les urines (E. Salkowski, 85), où on peut en retrouver la presque totalité, même
s'il s'agit de doses extrêmement minimes (i-2 milligr.). Bien que les réactions de l'urine
émise après l'ingestion d'acide indolacétique soient un peu moins intenses que celles
d'une urine de contrôle où on a fait dissoudre la même quantité de substance, on peut
dire que si l'acide indolacétique est détruit dans l'économie animale, ce n'est qu'en très
faible proportion.
D'après ce qui précède, il est permis de croire qu'il doit se former normalement
<Jans l'intestin, outre l'indol, le skatol et l'acide indolcarbonique, de petites quantités
d'acide indolacétique. Celui-ci, étant légèrement soluble, dans l'eau doit se prêter à la
résorption par la muqueuse intestinale, et, comme il n'est pas détruit dans l'organisme,
on doit le retrouver dans l'urine. E. Baumann {80 a) avait remarqué déjà, dans les oxy-
acides aromatiques bruts qu'il extrayait de l'urine, la présence d'acides azotés, de con-
sistance huileuse, qui donnaient du skatol par putréfaction avec de la boue d'égout, et
qui par l'acide nitrique fumant prenaient une coloration rouge analogue à celle du
nilrosoindol. E. Salkowski (85), évaporant quelques litres d'urine, puis fractionnant le
résidu par des traitements convenables à l'alcool, à l'eau et à l'éther, obtenait une frac-
tion donnant nettement les réactions de l'acide indolacétique. J. G. Otto (84), sur 3 litres
d'urine diabétique très riche en chromogènes du groupe indolique, et dont il préten-
dait à tort avoir extrait cristallisé le soi-disant acide « skatoxylsulfurique », n'a pu
obtenir que des traces d'une substance sentant le skatol quand on la chauffe et se colo-
rant en rouge par l'acide nitrique fumant.
Tout récemment, on a pensé (G. -A. Herter, 08 c) que le chromogène de l'uroroséine,
présent dans toutes les urines et dont nous parlerons plus loin, n'était autre précisé-
ment que l'acide indolacétique.
220 I N D O L.
Si l'acide indolâcétique peut être attaqué par des bactéries, et dégradé jusqu'à
l'indol, il peut n'en être pas toujours ainsi, car cet acide paraît présenter une résistance
assez grande à la putréfaction. Par exemple, E. Salkowski et H. Salkowski (83), ayant
ensemencé avec quelques centimètres cubes d'un liquide putréfactif de viande une
solution étendue de leur acide, additionnée des sels minéraux nécessaires au développe-
ment des bactéries, n'ont jamais obtenu trace d'indol, et l'acide iridolacétique restait
inaltéré, même au bout d'un mois. Mais on doit évidemment rencontrer des espèces
bactériennes capables de transformer l'acide indolâcétique en skatol ou en indol; une
observation de E. Baumann {80 a) sur l'urine, déjà citée, vient à l'appui de cette opi-
nion.
C. Réactions de Tacide indolâcétique.
]' — Lorsque dans une solution d'acide indolâcétique à 1 : 1 000 on verse quelques
gouttes d'acide nitrique pur (D = 1,2), puis quelques gouttes d'une solution de nitrite
de potassium à 2 «/o, le liquide se colore assez rapidement en rouge cerise, puis se
trouble et laisse déposer une couleur rouge. La couleur passe par agitation dans l'éther
acétique qui montre une bande d'absorption spectrale dans le vert ; agité avec de la
soude, l'éther acétique se décolore, tandis que la soude se colore en jaune intense;
l'addition d'un acide fait réapparaître la couleur rouge, qui passe de nouveau dans
l'éther acétique. La couleur passe dans l'alcool amylique encore plus facilement que
dans l'éther acétique, mais pas du tout clans l'éther, le benzène, le chloroforme. A la
dilution de 1 : 10000, si on ajoute le nitrite avec précaution, la réaction est encore très
belle, mais cette fois toute la couleur reste dissoute. Un excès de nitrite empêche la
réaction, ou détruit très rapidement la couleur. La solution éthérée de l'acide indolâcé-
tique donne aussi la réaction lorsqu'on l'agite avec de l'acide nitrique et du nitrite,
mais bien plus faiblement; la solution alcoolique ne la donne que passagèrement.
La couleur produite ressemble au nitrosoindol, mais elle en est différente. En effet,
si on chauffe la solution alcoolique du nitrosoindol, étendue de son volume d'eau, avec
un peu de soude et de poudre de zinc, elle se décolore, mais le liquide liltré se reco-
lore à l'air en bleu intense. La même décoloration se produit bien avec la couleur
dérivée de l'acide indolâcétique, mais le liquide ne se recolore jamais, même par agita-
tion à l'air (E. Salkowski, 8o).
2° — La solution aqueuse (à 1 : 1 000) d'acide indolâcétique ou de ses sels, additionnée
de son volume de HCl (D = 1,2), puis de quelques gouttes de chlorure de chaux faible
(1-2 %), se colore peu à peu en rouge pourpre, et par le repos laisse déposer un préci-
pité rouge pourpre, facilement solubledans l'alcool. Les solutions à i : 10 000 montrent
encore la réaction, qui se borne à la coloration sans précipité, mais il faut beaucoup de
piécautions dans l'addition du chlorure de chaux. La couleur est extraite complètement
par l'alcool aftiylique, pas du tout par l'éther, le benzène, le chloroforme. L'action de
l'éther acétique varie avec la concentration; la couleur est toujours extraite difficile-
ment, souvent pas du tout (E. Salkowski, 83).
3" — Lorsqu'on ajoute du chlorure ferrique très étendu à une solution d'acide indol-
âcétique à l p. 1 000, on ne remarque à froid aucune altération ; mais, si l'on chauffe légè-
rement, le liquide devient gris-bleu sale, ou plus exactement rouge-bleu et trouble par
transparence, gris-blanchâtre par réflexion. Si on acidifie alors avec précaution par
HCl, il se précipite bientôt une couleur violet-gris qui, recueillie sur filtre et lavée, se
dissout facilement dans l'alcool avec une coloration rouge-bleu (E. Salkowski et
H. Salkowski, 83). Si on ajoute tout d'abord quelques gouttes de HCl à la solution
d'acide indolâcétique ou de ses sels, puis un peu de FeCF très dilué et qu'on chauffe à
l'ébullition, le liquide se colore en rouge cerise : la réaction est très intense et très sen-
sible (E. Salkowski et H. S.\.lkow'ski, 83). Avec une solution à 1 : 10000, si on emploie
seulement 2 ou 3 gouttes de FeCP très étendu, on a une coloration violette intense du
mélange avant même de chauffer. Les solutions àl : 100000 donnent encore très nette-
ment la réaction, à condition de prendre FeCP extrêmement étendu (E. Salkowski,
83). En agitant le liquide avec de l'alcool amylique, la couleur passe très facilement et
complètement dans le dissolvant; elle ne passe pas dans l'éther, le benzène, le chloro-
forme. Avec l'éther acétique, si la solution est concentrée, la couleur passe dans le dis-
solvant; si elle est étendue (1 : 10000), l'éther acétique se colore seulement en jaune-
INDOL. 221
rou^edtre, tandis que la tointe violelto de la portion aqueuse devient plus pure. Peut-
être s'est-il formé un mélanf:;e de plusieurs couleurs (E. Salkowski, 85).
Les trois réactions précédentes reposant sur des phénomènes d'oxydation, et abou-
tissant toutes à une couleur rouf,'e, on peut se denuinder s'il n'y aurait pas identité
entre leurs produits. L'action de l'élher acétique n'est pas tout à fait la même; mais la
formation d'un mélange de plusieurs couleurs suffirait à expliquer ces divergences.
4" — L'acide indolacétique donne avec une grande intensité, par l'acide nitrique chaud,
la réaction xanthoprotéique bien connue pour les albuminoïdes (E. Salkowski, 88).
5° — L'acide indolacétique donne très nettement (E. Salkowski, 88) la réaction
d'ADAMKiEwicz : coloration violette en présence de H'-'SO* et de l'acide acétique glacial.
Nous avons vu que cette réaction est due (E.-G. Hopkins et S.-W. Cole, 01 a) à l'acide
glyoxylique qui est une impureté très répandue de l'acide acétique.
On peut enfin reconnaître des quantités très minimes d'acide indolacéti(iue en le
chauffant dans un petit tube : on sent l'odeur du skatol, qui se sublime, et dont on
peut chercher les réactions (E. Salkowski et H. Salkowski, 83).
C — CH^ — CH2 — COOH
I. — ACIDE pINDOLPROPIONIQUE C6H4<^^CH
AzH
A. Formation de l'acide [i indolpropionique. — L'acide indolpropionique [i est
le premier stade de dégradation du trijplophane (acide |ï-indol-a-amino-propanoïque)
libéré des matières albuminoïdes. 11 dérive du tryptophane par un processus de désa-
mination directe, par hydrogénation, processus fréquemment déterminé par les
microbes anaérobies.
C — CH2_CH-C00H y C — CH2_CH2_COOH
C6H*<^^CH J^^jj, I =C6H*<^^CH +AzH3
AzH + ^ AzH
Tryptophane. Ac. indolpropionique. Ammoniaque.
L'acide indolpropionique [î est donc le précurseur, dans les putréfactions, de l'acide
indolacétique |î, du skatol, de l'acide indolcarbonique p, de l'indol. (Voir le schéma
d'ensemble au début de notre article.)
L'acide indolpropionique a été découvert par M. Nexcki (89) au cours de ses recherches
faites avec la collaboration de V. Bovet sur la décomposition de l'albumine du sang par
les microbies anaérobies. Trois espèces ont été étudiées :1e Bacille du charbon sympto-
matique {Rauschbrandbacillus), le Bacillus liquefaciens magnus et le Bacillus spinosus.
Après quelque temps de culture dans une atmosphère de CO- ou Az^, l'albumine de
sang du commerce (coagulée) est presque entièrement dissoute; le liquide est distillé
avec de l'acide oxalique, ce qui chasse les produits gazeux et les acides gras jusqu'à
l'acide capronique inclusivement, mais pas trace de phénol, d'indol ou de skatol. Le
résidu est concentré jusqu'à cristallisation de l'acide o.xalique et des oxalates de diverses
bases, avec un peu de leucine; puis on agite les eaux-mères avec de l'éther dont Téva-
poration laisse un liquide huileux jaunâtre, formé essentiellement du mélange de trois
acides : acide phénylpropionique, acide paraoxyphéuylpro pionique (hydroparacouma-
rique), acide indolpropionique. La proportion de ces produits varie suivant l'espèce de
bacille et la durée de la putréfaction : la quantité maximale d'acide indolpropionique
est obtenue à l'aide du bacille du charbon syinptoniatique, après 3 ou 4 semaines
d'action.
Pour séparer l'acide indolpropionique, on distille l'extrait éthéré à la vapeur sur-
chauffée, tant que les gouttes qui passent sont acides : on chasse ainsi les acides gras
supérieurs et l'acide phénylpropionique, tandis qu'il reste un résidu huileux d'acide
hydroparacoumarique et d'acide indolpropionique. On dissout ce résidu dans l'eau
chaude et on filtre; on recommence la filtration tant que le filtrat se trouble en refroi-
dissant et sépare des produits résineux. Enfin on porte dans la glace, et l'acidi' indol-
propionique cristallise au bout de quelques heures, tandis que l'acide hydroparacouma-
rique reste dissous.
Ces recherches ont été pour M. Ne.ncki (89) l'occasion de considérations très
i)2-2 I N D O L.
intéressantes sur les groupes aromatiques préformés dans la molécule albuminoïde.
Depuis longtemps, on y reconnaissait l'existence du groupe de la tyrosine. Depuis les
travaux de E. Schulze [83), on était porté à considérer le groupe de l'acide phényl-
aminopropionique(phénylalanine) comme distinct du précédent. M. Nencki {89)se rangea
cette conclusion, que devaient vérifier ultérieurement E. Fischer et ses collaborateurs
par la dislocation systématique des albuminoïdes. Mais de plus M. Nencki [89) admet que
la molécule albuminoïde renferme, non pas deux, mais trois groupes aromatiques préfor-
més qui sont la tyrosine, l'acide phénylamidopropionique et l'acide skatolamidoacétique.
Continuant la série inaugurée par E. Salkowski et H. Salkowski, M. Nencki place,
en effet, en position a, sans plus ample informé, les groupes surajoutés à la molécule
du skatol, et formule ainsi la réaction :
C — CH3 .^^fj, C-CH3
Ç6H*/^C — CH— COOH + H2 = AzH3 + C6H^<^^C — CH2 - COOH
AzH AzH
Ac. skatolamidoacctiquo. Ac. skatolacétique.
M. Nencki {89) formule dès cette époque les réactions régulières qui donnent nais-
sance, après l'acide « skatolacétique » iindolpropioniquei, à l'acide « skatolcaibonique »
(indolacétique), au skatol et à l'indol. Il n'y a rien à y changer, sauf la place de la
chaîne latérale qui, depuis les travaux de A. Ellinger [04 b, Oo),doit être tout entière
reportée en position [3, comme nous l'avons vu à propos de l'acide indolacétique.
Ces réactions expliquent comment les putréfactions anaérobies donnent de l'acide
indolpropionique et les putréfactions aérobies de l'acide indolacétique. Bien entendu,
la série des réactions ne se fait pas toujours avec cette régulière progression, et les
produits dépendent, non seulement du milieu, mais aussi de l'espèce microbienne. C'est
ainsi que, si au lieu de faire l'ensemencement anaérobie avec du charbon symptoma-
tique en culture pure, on le fait directement avec la sérosité des tumeurs, qui renferme
d'autres microbes, particulièrement le Micrococcus acidi puralactici, on obtient même
en milieu privé d'oxygène une forte quantité de skatol ^M. Nencki, 89).
L'acide indolpropionique a été trouvé aussi dans les produits de décomposition de
l'albumine du sang de bœuf par un autre microbe anaérobie, le bacille de l'œdème
malin (B. de la septicémie gangreneuse), au cours d'une étude faite par R. Kerry [89)
dans le laboratoire de M. Nencki.
Il n'est d'ailleurs pas nécessaire pour la formation de l'acide indolpropionique que
la culture soit anaérobie. E. Salkowski, reprenant des résidus provenant de ses expé-
riences de 1884, sur la putréfaction de la fibrine, s'est aperc^u 99} que certains d'entre
eux renfermaient de l'acide indolpropionique en fortes proportions. C'est ainsi qu'un
résidu provenant de 380 grammes de fibrine lui a donné, malgré les pertes, plus de
1 gramme d'acide indolpropionique, soit au moins 0,26 p. 100. Un autre résidu a
donné 0 gr. 3. On ne peut dire pourquoi on trouvait l'acide indolpropionique, au lieu
de l'acide indolacétique habituel, dans ces putréfactions faites en présence de l'oxygène
par les bactéries spontanément développées sur la viande.
Depuis lors, on a étudié la décomposition bactérienne, non plus seulement des albu-
minoïdes, composés du tryptophane, mais bien du tryptophane lui-même, isolé à l'état
pur (F. G. HopKiNS et S. W. Gole, 03). Les résultats sont exactement du même ordre :
les cultures anaérobies donnent surtout de l'acide indolpropionique, tandis qu'en milieu
aérobie se forment l'acide indolacétique et l'indol, avec un peu de skatol.
La synthèse de l'acide |3 indolpropionique uidol-Pr-3-propanoïque) a été réalisée
par A. Ellinger {03}. Dans ce but, fut d'abord préparé Vacide y aldéhydobutyrique
OCH.CH-.CH-.CH-. COOH, qui fut combiné à la phénylhydrazine, eiVhydrazone fut portée
à l'ébullition pendant 4 heures dans l'alcool additionné de 10 p. 100 de H- SO^ : on
obtient l'éther de l'acide indolpropionique.
CH2 - CH2 - CH2 _ COO.C2H3 C - CH^ - CH^ - COO.C^H-s
C6H3 CH =AzH3 + C*'H*<^^CH
^ " AzH
'^, . ,, , Indolpropionate d'éthyle.
Phenylhydrazoue
INDOL. 223
Après sapouilicalion par KOH alcoolique et acidilicalioii par Il-SO'^, l'acide est pré-
cipité par le sulfate mercurique, libéré par H-S de sa combinaison mercurique, puis
extrait à l'éther. Par recristallisation dans un peu d'eau chaude on l'obtient, comme
l'acide « skatolacétique » de M. Nengki, en magnifiques tablettes brillantes, incolores,
fondant à 134». En solution acétique, môme très diluée, il donne par le nitrite de K le
dérivé nitrosé en aiguilles caractéristi(iues fondant à l',i^o° avec dégagement gazeux : il
y a identité parfaite entre ses caractères et ceux de l'acide « skatolacétique » de
M. Nencki.
B. Propriétés de l'acide [i indolpropîonique. — L'acide p indolproplonique cris-
tallise en prismes ou tables à six pans irrégulières, qui ressemblent au nitrate d'urée.
Peu soluble dans l'eau froide (plus cependant que l'acide indolacétique), il se dissout
facilement à chaud. Très soluble dans l'alcool, l'éther, l'acide acétique étendu. Fond
vers 134°, reste inaltéré à 200° : il faut chauffer jusqu'à l'ébuUition pour voir le produit
brunir en dégageant l'odeur du skatol, dont on peut reconnaître la formation à l'aide
de l'acide picrique (M. Nencki, 89).
C. Réactions de l'acide p indolproplonique. — La solution d'acide ,3 indolproplo-
nique, additionnée de nitrite de sodium concentré, puis de quelques gouttes d'acide acé-
tique, donne en quelques instants un magma de fines aiguilles jaunes d'un dérivé
nitrosé CH'^Az (AzO)O- . Ce nitrosé, insoluble dans l'eau, peut parfaitement servir au
dosage de l'acide indolpropionique. Ce nitrosé se décompose facilement, ce qui fait
qu'on ne peut le recristalliser dans l'alcool où il se dissout facilement ainsi que dans
l'éther. Les alcalis le dissolvent et les acides le reprécipitent, mais avec décomposition
partielle. Il fond vers 135'^ avec dégagement gazeux. Dissous dans le phénol, il donne,
par addition de ll-SO* etchaulFage ménagé, une couleur rouge-brun qui se dissout dans
les alcalis avec une belle couleur bleue : il s'agit donc bien d'un nitrosé et non d'un
isonitrosé (M. Nencki, 89).
La solution aqueuse d'acide p indolpropionique donne par FeCP un trouble blan-
châtre qui, à chaud, devient rouge brique; et par refroidissement, il se forme un pré-
cipité rouge brique. Les solutions un peu concentrées se colorent en rouge feu ou rouge
cerise (M. Nencki, 89).
J. —COULEURS URINAIRES DÉRIVÉES DES INDOLS SUBSTITUÉS.
A. Couleurs urinaires dérivées du skatol et de Tacide indolacétique (d'ori-
gine tryptophaniquej. — Nous avons vu, dans le paragraphe consacré aux Couleurs
urinaires dérivées de l'indoxyle, la revision critique par laquelle L. G. Maillard {03 f)
arrivait à classer en deux groupes toutes les matières rouges signalées dans l'urine par
de nombreux auteux's. L'un de ces groupes, formé des couleurs << chloroformiques »,
c'est-à-dire extractibles par le chloroforme qu'elles n'abandonnent par aucun lavage
aqueux, compi'enait une seule espèce chimique authentique, l'indirubine. L'autre
groupe, formé des couleurs « aqueuses » c'est-à-dire restant en solution aqueuse et ne
passant pas dans le chloroforme, comprenait lui aussi, en apparence, des substances
multiptes décrites par divers auteurs; mais L. C. Maillakd (O-'i f) faisait l'hypothèse
que toutes ces substances se réduisaient peut-être auth(!ntiquement à une seule, déri-
vant peut-être du skatol. Il s'agit d'ailleurs d'une substance normale, que l'urine peut
contenir parfois, comme l'indoxyle, en quantités exagérées, mais qui existe toujours
dans l'urine en petite quantité : en s'en aperçoit chaque fois qu'on recherche l'in-
doxyle en ajoutant à l'urine son volume de IICl. Dans le cas où on opèi'e sur l'urine
prt'alaldeinent déféquée par le sous-acétate, le phénomène est particulièrement net : le
liquide presque incolore commence à prendre, dès qu'on verse l'acide, une belle teinte
rouge aurore qui s'accentue en quelques instants, passe au rouge foncé, puis devient un
peu brunâtre, en même temps que se précipitent des llocons de la même couleur.
Comme parmi les divers noms sous lesquels a été successivement signalée cette cou-
leur, il en est un, Vuroroséine (M. Nencki et N. Sieber, 82) qui correspond à une des-
cription mieux étudiée que les autres, nous lui avons conservé provisoirement ce nom,
bien qu'il s'appliquât i»lut(3t dans l'esprit de ses auteurs à une substance pathologique,
224 INDOL.
qui n'était, nous le pensons aujourd'hui, que l'exagération quantitative d'une subs-
tance normale.
Avant la revision de L. C. Maillard {03 f), les travaux critiques de II. Rosin (9/)
permettaient déjà de prévoir une simplification de la nomenclature dans ce domaine.
Par la suite Ch. Porcher et C». Herviel'x [Oo e) admettent délibérément comme cer-
taine l'identité de toutes les couleurs dont il s'agit, et leur origine skatolique.
Nous n'oserions cependant, pour notre part, affirmer l'unité complète du groupe, il
serait nécessaire, notamment, de reprendre l'étude des matières colorantes urinaires
que l'on a dit dériver du sang, V hémafoporplujrine notamment, en comparant les obser-
vations fournies avec celles de l'uroroséine et de la couleur skatolique.
Puis il faudrait se poser encore la même question en ce qui concerne le pigment
rose des sédiments uratiques, signalé dès le xviii' siècle par Cruishank, pigment que
John [1811) réussit à extraire par l'alcool, qu'il colore en rouge-cerise. Celte substance
avait été désignée déjà sous le nom de matière rosacée ou acide rosacé par L. Proust
{1797, /iVO/jqui l'étudiait en mélange avec l'acide urique ; puis sons celui d'acide rosa-
eiqite par Vauquelin (1811) qui la distingue nettement de l'acide urique avec lequel elle
se combine très volontiers. Étudiée par Chevreul (1815) dans l'urine des diabétiques,
par \oi.EL [1815), M. P. Orfila [1819 , He.nrv {29), Rayer {39), etc., cette couleur fut
considérée par \V. PR0UT(y9, 20, 22, 3i) comme étant d\i purpurnte d'ammonium; mais
Rerzélius {32) cite des expériences de Wi-rzer et de lui-même qui démontrent que la
matière colorante n'est pas du purpurate d'ammonium, car ce sel ne colore pas l'alcool,
tandis que la substance en question s'y dissout en rouge. Bretï et Bird i3i a, 3i b) ont
remarqué de plus que MCI ne détruit pas la matière rouge, tandis qu'il détruit les pur-
purates alcalins. C'est F. .Simon [iO) qui a donné à la couleur des sédiments uratiques
le nom de tiroérythrine généralement adopté depuis; Goldi.ng Bird {46] la croyait iden-
tique à sa purpurine, et Ch. Robin et F. Verdeil {33) à leur urrosacine : mais ces deux
dénominations englobaient aussi l'indirubine et l'uroroséine nées sous l'action des
acides. Sans insister sur les travaux de Heller (oi), de Thudiciilm (75), etc., l'uroéry-
thrine a fait l'objet à une époque plus récente, de plusieurs travaux, parmi lesquels ceux
de Mac Munn {83), A. Riva {91, 92 a, 92 b), !.. Zoja {92, 93 a, 93 b), A. E. (;arrod {9ia,
94 b, 95 b, 97, 00), II. Rosi.n {97 \. C'est une substance peu soluble dans l'eau, davantage
dans le chloroforme, l'alcool, puis l'éther acétique et surtout l'alcool amylique; les solu-
tions très étendues sont roses, rouge orange ou rouge feu si elles sont plus concen-
trées. L'absorption spectrale commence au milieu de l'espace entre D et E, et se pour-
suit à peu près jusqu'à F, formée de 2 larges bandes réunies par une ombre entre E et
b. La couleur vire au rouge carmin sous l'action de IPSO* concentré, au rose par IICl;
elle verdit par les alcalis. Il est possible que l'uroérythrine soit identique à la couleur
skatolique, comme le pensant Ch. Pori:her et Ch. IIervieux [05 c , cependant il nous
semble plus prudent de nous abstenir, jusqu'à plus ample informé, d'une affirmation
définitive.
En revanche, la substance rouge dont nous avons à nous occuper constituait certai-
nement, à notre avis, une part importante des couleurs rouges obtenues par l'action des
acides sur l'urine, et décrites par les auteurs sous des noms variés. A ce groupe appar-
tiennent : là purpurine de Golding Bird [46); Vurrosacine de Ch. Robin et F. Verdeil {53);
Vurohématine de Harley {54) et de Mac Munn {81, 85); Vuromélanine de Thudichum (75,)
de Raruteau (75), de P. Plosz {83); Vurorubrohématine décrite par F. Baumstarck (74)
dans l'urine d'un lépreux, Vuroroséine signalée par M. Nencki et N. Sieber {82"^, étudiée
par d'autres auteurs notamment H. Rosin [89, 93), A. E. Garrod (97), A. E. Garrod
et F. G. HoPKiNS (96^; la couleur observée par J. Brandl etL. Pfeiffer dans une urine
mélanique, la couleur étudiée par P. Giacosa {86} comme constituant normal de l'urine
humaine; enfin la couleur rouge bourgogne de 0. Rosenbach {89, 90), étudiée par
E. Salkowsri [89), C A. Ewald {89), P. Abraham {90), Rumpel et Mester (9/). Toutes
les matières énumérées sont généralement assez impures, ce qui explique les diver-
gences de leurs descriptions. Elles renferment notamment de l'indirubine, surtout en
ce qui concerne le « rouge bourgogne » de 0. Rosenbach. Certaines d'entre elles, comme
l'urohématine de Harley, l'urorubrohématine de F. Baumstarck, la couleur de P. Gia-
cosa, sont même décrites comme ferrugineuses, mais les conditions de leur obtention
INDOL. 25«
n'offrent pas de garanties de pureté, et il se peut fort bien que le fer appartienne à cer-
tains corps accessoires. Toutes les matières rouges énuniérées senibhuil contenir, à
titre de constituant fondamental, une seule et même substance, le corps rouge soluble
dans l'eau, insoluble dans le cbloroforme, dont nous avons indiqué la naissance dans
l'urine normale traitée pur les acides. 11 semble bien, dt; plus, que la genèse de cette
substance soit consécutive à la résorption intestinale du skalol. Il est possible, mais
non certain, que le groupe doive aussi comprendre les couleurs de E. Neusser (81),
W. Leube [86], i. Thormâhlex [87],
Dès sa dècouvei te du skatol, L. Brieger constata (77) que l'injection hypodermique
de ce corps au lapin est suivie de l'élimination urinaire d'un chromogène. Par addi-
tion de IICI brut, l'urine prend une couleur rouge-violet, puis dépose une matière violet
sale, amorphe, non sublimable, dilTérenle de l'indigo, soluble avec couleur vineuse dans
l'alcool absolu et dans II-SO' concentré. L. Brieger (77) assimile formellement cette
couleur ronge-violet à celle que prend l'urine humaine par l'addition de IICI brut ou
dans la réaction de Jaffé à l'hypochlorite. Il constata de plus (79 b) que les lapins ou
les grenouilles qui ont reçu des injections de skatol voient leur urine s'enrichir consi-
dérablement en acide sulfurique éthérifié, par rapport aux sulfates minéraux: il en con-
clut que le skalol est éliminé en combinaison avec H-SO^. Enfin, après avoir décou-
vert, en collaboration avec E. Baumann, l'acide indoxylsulfuriiiue, L. Brieger (80) pens^a
que le skatol devait s'éliminer sous forme d'nn acide skatoxijhulfurique engendrant la
couleur rouge comme l'acide indoxylsulfurique engendre l'indigotine; il en tenta même
l'extraction et obtint quelques cristaux renfermant H-SO''^ conjugué et dont la solution
développjiit une couleur rouge sous l'influence de HGI. (Nous verrons que la présence
dindoxyle devait altérer les résultats).
Les conceptions de L. Brieger lurent aussitôt adoptées, et pendant longtemps la
chimie physiologique se satisfit du parallélisme séduisant qu'exprime le schéma
suivant :
Indol. m > Indoxyle. m — j- Ac. indoxylsulfurique. m — >- Couleur indoxyliquc.
Skatol. m > Skatoxyle. m—^- Ac. skatoxylsulfurique. m-^ Couleur skatoxyiique.
On conçoit que sous l'empire de ces idées j. G. Otto [8i) ait admis comme pro-
venant du « skatoxyle » la couleur rouge qui se développait abondamment par HCl
dans l'urine d'un diabétique souffrant de troubles intestinaux. Le traitement de cette
urine, par le procédé d'extraction de l'acide indoxylsulfurique, lui donna des cristaux
qu'il considéra comme le « skatoxylsulfale » de potussiuin cherché, fournissant à l'ana-
lyse Az = 5,37 p. 100 et H-SO' = .36,78 p. 100. Si l'on considère que l'indoxylsulfate
renferme Az = b,58 p. 100 et H-SO''^ = 39,04 p. 100, et que la formule d'un « skatoxyl-
sulfale » comporterait Az = 5,28 p. lUO et H^SO'^ = 36,98 p. 100, on voit combien est
précaire la démonstration.
Il est d'ailleurs très remarquable que, dès la première étude reprise sur l'admi-
nistration du skalol (au chien) par B. Mester [88) qui disposait non plus de skatol fécal
(sujet à être souillé d'indol), mais de skatol syntliélique pur, la notion de l'acide
« skatoxylsulfurique » se trouvait contredite. D'après ses recherches, si l'on peut obser-
ver quelquefois, rarement d'ailleurs et irrégulièrement, rangnienlation de H-SO'
éthérifié, après l'ingestion de skatol, il n'en est généralement pas ainsi, et l'on observe
couramment l'apparition de la couleur skatolique en grande quantité sans la moindre
augmentation de H-SO'^ des éthers. Si donc il est possible qu'une petite fraction du
chromogène soit un éther sulfurique, il est certain que la majeure partie est autre chose.
Conservant la notion du « skatoxyle », B. Mester (88) émet Thypolbèse que le chromo-
gène primipal pourrait bien être un acide (( skatoxylglycuronique ».
Cependant on a fait remarquer (L. C. Maillard, 03 f) qu'un parallélisme étroit
entre les destinées de l'indol et celles du skatol ne saurait plus être recherché, depuis
qu'on connaît la constitution du skatol et notamment la position |i du groupe méthyle.
L'introduction de l'oxygène dans le skatol, en position [i,ne saurait se concevoir que par
C — 0-CH2
l'intercalaLion entre le groupe méthyle et le noyau, donnant un corps C^H^s^^CH
AzH
DICT. DE PaYSlOUOGlE. — TOMK IX.
15
226 INDOL.
dont l'oxhydiile ne peut plus être éthérifié puisqu'il l'est déjà, ou par l'élimination du
C — OH
groupe mélhyle, par où l'on retombe sur l'indoxyle C6H*<^^CH. Il ne peut donc exis-
AzH
ter un <( skatoxyle » (ii oxyskatol) homologue de l'indoxyle. A vrai dire on peut bien
C — CH3
concevoir un a oxyskatol C6H*<^^C — OH homologue de 1' a oxindol, et même un
AzH
éther sulfurique de cet a oxyskatol; mais jamais ce corps ne pourrait fournir une cou-
leur indigoïde à moins de perdre son me'thyle par oxydation, et de retomber encore
une fois sur l'indigo. La dénomination même de « skatoxyle » et le parallélisme entre
les destinées de i'indol el du skatol, sont donc devenus insoutenables depuis qu'on
connaît la constitution du skatol.
11 faut remarquer d'ailleurs que les expériences de L. Briegerc». de B. MESTEan'avaicnt
pas été faites avec des garanties de pureté suffisantes. Certains détails de leurs descrip-
tions, notamment la solubilité partielle de la couleur rouge dans l'éther ou dans le
chloroforme, permettent de croire que leurs produits étaient mélangés en proportion
plus ou moins grande d'indirubine provenant d'indoxyle. D'où l'impossibilité de savoir
(L. C. Maillard, 03 f) si cet indoxyle avait une origine indépendante, ou s'il ne prove-
nait pas précisément d'une partie du skatol perdant son groupe CH^ par oxydation
pour aboutir à l'indoxyle. De plus, l'augmentation de U-SO'' éthérifié, constatée par
L. Briec.er, conduit à se demander si le skatol employé par lui n'aurait pas contenu une
certaine proportion d'indol susceptible de déterminer Taugmention des éthers (en
même temps que celle de l'indirubine i.
L'intérêt des recherches de Ch. Porcher et Ch. Her vieux (04, Oo a, 06 d, 06 f) réside au
contraire dans le fait que ces auteurs ont administré le skatol à de jeunes chevreaux
ou jeunes chiens nourris exclusivement de lait, ou à des chiens soumis, après pur-
gation, au régime de la soupe au pain, c'est-à-dire à des animaux dont l'élimination
d'indoxvle était nulle ou quasi nulle : les résultats ne pouvaient pas être faussés par la
présem^e d'indirubine dérivée de l'indoxyle. Dans ces conditions, l'adminislralion du
skatol n'a jamais déterminé l'excrétion d'indoxyle, mais bien l'excrétion abondante du
chromogène fournissant la couleur rouge « aqueuse», cette fois dans un état de pureti'.
Bien que les propriétés essentielles aient été déjà établies, nous emprunterons donc
à Ch. Porcher et Ch. Hervieux {06 e) la description du rouge skatolique.
■ Additionnée à froid de son volume d'un acide minéral fort, HCl de préférence, l'urine
prend immédiatement une belle coloration rose ou rouge d'intensité variable avec la
richesse en chromogène skatolique. Peu à peu le liquide se trouble, puis se décolore en
laissant précipiter des llpcons rouges qu'on peut recueillir par centrifugalion. Le rourje
skatolique passe intégralement et rapidement dans l'alcool amylique agité avec l'urine,
moins rapidement dans l'acétate damyle; il ne passe pas dans l'éther ordinaire, l'éther
de pétrole, le benzène, le sulfure de carbone, le chloroforme. Le rouge skatolique dispa-
raît dès qu'on vient à neutraliser l'urine acidifiée où il a pris naissance, mais la colora-
tion reparaît par une nouvelle addition de IlCl. La solution amylique est décolorée par
les réducteurs (Zii et HGl ou CH'.COOH), mais la couleur réapparaît sous l'action des
oxydants, tels que les persulfates alcalins, maniés avec prudence ; le développement
même du rouge skatolique dans l'urine est favorisé par les oxydants (persulfates, H'^0-),
mais le moindre excès de ceux-ci détruit la couleur. Le rouge skatolique le plus pur, en
solution amylique, observé sous une épaisseur convenable, montre au spectroscope
une bande d'absorption, estompée sur les bords et qui s'assombrit sans s'élargir quand
la concentration augmente, située à droite de D, entre Xr= 577 et X = 550. Ch. Porcher
et Ch. Hervieux (Oo e) admettent formellement l'identité du rouge skatolique et de l'uro-
roséine. Le chromogène du rouge skatolique, incolore lui-même, n'est pas entraîné de
l'urine par précipitation à l'acétate neutre de plomb, mais il est précipité à fond par le
nitrate mercurique et presque totalement par l'acétate basique de plomb. Ce chro-
mogène, toujours présent en petite quantité dans l'urine normale de l'homme, ainsi que
nous l'avons dit, peut augmenter notablement dans certaines ciz-constances, comme le
INDOL. 227
fait l'indoxyle. Remarquons toutefois que l'excrétion du cliromogène skalolique n'est pqs
forcément parallMe à celle de l'indoxyle, mais qu'elle en est bien plutôt complémentaire,
ce qui se comprend, puisque le skatol et l'indol qui donnent naissance aux deux chro-
mogènes dérivent d'un seul et même tryptophane. L'abondance du chromogèiie est en
relation, naturellement, avec les phénomènes intestinaux. L'urine des herbivores, tels
que le cheval, et surtout le bœuf, est beaucoup plus riche que celle de l'homme en
chromogène.
Nous devons signaler qu'une opinion divergente avait été soutenue par C. Rossler
(01), qui piélend distinguer, non seulement le rouge d'indigo, mais aussi l'uroroséine,
du rouge skalolique. Mais à la lecture de ce travail, on ne le trouve remarquable ni
par la netteté dans la technique, ni par le sens critique dans l'interprétation des
résultats. C. Rossler va jusqu'à conclure «que dans le chauffage de l'urine avec son
volume de HCI, il ne se forme ni rouge d'indigo ni urorost-ine ». Ceci juge le travail,
auquel on ne saurait accorder grande importance.
Au contraire, bs recherches de P. Grosser (05), par administration au lapin et au
chien du skatol broyé dans l'huile, le conduisent à admettre, lui aussi, l'identité du
rouge skatoli(pie et de l'uroroséine; l'urine des lapins normaux n'offre avec celle des
lapins skatolés que des différences quantitatives, l'urine du bœuf normal n'en offre
pas du tout. Pour l'isolement du rouge skatolique, P. Grosser (Oo) procède de la façon
suivante. L'urine est bouillie avec HCI, puis on introduit une solution chaude de BaCP :
le précipité de BaSO* qui se forme entraîne une grande quantité de couleur rouge ; après
l'avoir lavé à l'eau chaude, on lave ce précipité à l'alcool qui dissout la couleur rouge.
La solution alcoolique est évaporée, le résidu est épuisé par le chloroforme qui enlève
un peu d'indirubine et d'indigotine, puis par l'acétone qui dissout une part notable du
résidu ; cette portion n'a pas les mêmes caractères que l'autre et ne dégage qu'une
faible odeur skatolique par chautfage avec la poudre de zinc. En revanche, la fraction
soluble dans l'alcool et insoluble dans l'acétone est le vrai rouge skatolique : chauffée
avec la poudre de zinc, elle dégage une odeur intense de skatol, et donne un sublimé
huileux puis cristallin qui montre les réactions du skatol.
A son tour, A. Wechselmann {06), tout en attribuant une signification pathologique
à l'uroroséine qui augmenterait notablement dans les maladies cachectisantes ou accom-
pagnées de troubles métaboliques intenses, reconnaît néanmoins sajprésence à l'état
de traces dans l'urine normale, surtout en alimentation végétale plutôt qu'en alimen-
tation carnée. Les herbivores, tels que le cheval, et surtout le bœuf, ont une urine très
riche en uroroséinogène, tandis que chez les carnivores (chat) on ne trouve pas ce chro-
mogène.
Nous verrons tout à l'heure que C. A. Herter {08 c) ne croit pas à l'identité complète
de l'uroroséine et du rouge skatolique, et les raisons constitutionnelles très sérieuses
qui viennent à l'appui de son opinion. Enfin, tout récemment, on a signalé (V. Arnold,
09), dans l'urine des scarlatineux convalescents, l'apparition sous l'action des acides
d'une couleur voisine de l'uroroséine, se comportant de la même façon vis-à-vis des
dissolvants, mais qui en diffère par sa nuance et son spectre. La néphroroséine de
V. Arnold, souvent accompagnée d'ailleurs d'uroroséine, possède une nuance rouge
brique quand la solution (amylique) est assez concentrée, tandis que l'uroroséine est
d'un beau rose en solution étendue, et rouge- rubis en solution concentrée. Quant au
spectre, au liim de montrer la bande caractéristique de l'uroroséine entre D et E, il
présente une bande assez nettement limitée depuis b jusqu'un peu au delà du milieu
entre b et F (1^= îî^l à À ^ 500), et dont le maximum d'absorption correspond au bord
droit de la bande. La néphroroséine apparaîtrait presque toujours chez les scarlati-
neux vers le début de la 3"= semaine; on la rencontrerait aussi dans l'albuminurie
orthostatique, chez les typhiques convalescents qui prennent des salicylates, etc.
Tout récemment enfin, a été encore décrite, par L. de Jageu (/.9/0), une couleur
rouge dans l'urine. Lorsqu'on additionne l'urine de formol et de HCI, il se produit au
bout de quelque temps un précipité d'une combinaison d'urée et de formaldéhyde.
Par elle-même cette combinaison est incolore; or le précipité offre, suivant les urines
et les circonstances du traitement, une coloration variant du jaune rougeàtre au rouge
brique et même au violacé. Mais il ne ressort du mémoire de L. de Jager aucun carac-
428 INDOL.
tère qui peiinettc'Jde considérer la matière colorante entraînée avec le précipité
commo une iurlividualité distincte de celles que nous avons étudiées jusqu'ici : le mode
de formation du précipité suffît à nous apprendre qu'il rfot7 être souillé d'uroroséine
(ou de rouge skatolique), d'indirubine probablement, et peut-être même d'indigotine
(traces).
Après avoir indiqué les ressemblances entre l'uroroséine et le rouge d'oriyine ska-
tolique, ainsi que les réserves faites sur leur identité, il faut nous demander quelle
peut être la constitution chimique du ou des chromogéncs correspondants. Nous avons
déjà dit pourquoi nous ne pouvions concevoir ce chroniogènc connue un dérivé - ska-
toxylique^ liomologue des dérivés indoxyliques, et même les recberclies de R. Mester
X88) nous avaient appris que le chromogène ne peut être un élher sulfurique, puis-
qu'il apparaît en grande quantité sans augmentation des cthers sulfnriques. Les recher-
ches de P. Grosseu {03) conduisent de même à nier toute relation nette entre l'élimi-
nation du chrornogène et celles des éthers sulfuriques. Auparavant déjà, II. Rosin {91 ,
93) avait tenté l'isolement du chromogène en précipitant par l'élher la solution alcoo-
lique concentrée préparée de l'urine déféquée par l'aoétato de plomb. Les aiguilles
cristallines incolores obtenues par lui, dont la solution aqueuse fournissait de l'uroro-
séine, ne donnaient pas de II'SO* : le chrornogène n'est donc pas un éther sulfurique.
Plus tard, R. J. Stokvis {01) avait tenté l'isolement du chromogène: l'urine étant
débarrassée de diverses matières colorantes par saturation de sulfate d'ammonium,
puis concentrée, et acidulée d'acide acétique, est agitée avec de l'éther acétique. Agité
avec de l'eau, l'éther acétique lui cède, en réaction acide, le chromogène indoxylique;
puis, agité avec de l'eau alcaline, il lui cède le chromogène « skatoxylique ». Sans pou-
voir continuer l'étude de ce dernier, R. J. Stokvis a constaté que son chaufTage avec
les acides ne fournit ni II-SO* ni substance réductrice de la liqueur de I-'ehling. Ce
n'est donc ni un conjugué sulfurique, ni un conjugué ;u'lycuronique : dans l'esprit de
l'auteur, le chromogène pourrait être l'acide «skatolacétique» (indolpropionique) ou
l'acide «skatolcarbonique» ;indolacétique).
A son tour, J. Ph. Staal (05), en partant de l'urine humaine normale, fait par le
procédé de R. J. Stokvis (0/) un épuisement à l'éther acétique, et le débarrasse du
chromogène indoxylique par lavages à l'eau distillée. L'éther acétique est alors mis ea
contact pendant 24 heures avec un excès de MgCO^ et agité fréquemment ; on laisse
ensuite évaporer l'éther acétique, et on reprend le résidu par l'alcool à 90°. On dissout
ainsi une combinaison magnésienne du chromogène, "que l'alcool abandonne par évapo-
ration, et dont la solution aqueuse traitée par les acides fournit l'uroroséine. Cette
combinaison magnésienne du chrornogène n'est pas pure, car elle est accompagnée
d'une forte proportion d'hippurate et d'acétate. Mais le produit ne renferme pas de
soufre, et son hydrolyse chlorhydrique ne fournit pas de corps réducteur, ce qui prouve
une fois de plus que le chromogène n'est ni un conjugué sulfurique, ni un conjugué
glycuronique. N'ayant pas réussi à en obtenir du skatol par action de Zn, J. Ph. Staal
(05) pense même que la couleur ne serait pas un dérivé du skatol au sens chimique du
mot. Il admet d'ailleurs l'idenlité de l'uroroséine et du rouge skatolique; si M. Ne.ncki
et N. SiEBER {82) ont attribué à l'uroroséine un caractère pathologique au lieu de la
reconnaître normale, ce doit être à cause de la présence, plus ou moins abondante
dans l'urine, des nitrites qui doivent jouer un rôle dans la genèse de l'uroroséine,
ainsi qu'on peut déjà le penser d'après les travaux de F. A. Steensma (04).
Les recherches récentes de C. A. Herter (OS 6) ont bien démontré et précisé le rôle des
nitrites. Ayant observé des urines qui donnaient, après 24 heures de séjour au labora-
toire, une intense réaction d'uroroséine par addition de HCl ou H-SO'% mais qui ne la
donnaient pas à l'état frais, il s'aperçut que des nitrites (décelables par Kl et l'amidon)
y avaient pris naissance sous l'action de certaines bactéries. Isolées en culUiie pure, et
ensemencées dans l'urine stérilisée, ces bactéries y produisent des nitrites et rendent
possible la réaction de l'uroroséine. Celle-ci apparaît aussi si on ajoute simplement une
trace de nitrites à l'urine fi-aîcbe; l'acide nitreux libéré par HCl n'agit d'ailleurs pas
par un processus de nitrosation, mais à titre de simple oxydant, car on peut remplacer
le nitrite par un permanganate, un persulfate, un hypochlorite. Il est important d'ajou-
ter que C. A. Herter (08 b) ne croit pas à l'identité de l'uroroséine et du rouge skatolique,
INDOL. 229
malgré la ressomblanco dos deux couleurs el l'identité du spcolrc de la solution amy-
lique. Rappelant (|ue M. Nencki el N. Sikukr (S2) avaient déjà constaté l'identité des
spectres'de l'uroroséine et de la luclisine (acide pararosanilinosulfonique); il remarque
avec raisoti ([u'un argument de cet ordre n'est pas suffisant pour proclamer l'identitt';
de deux substances. La teinte rose de l'uroroséine est d'afir''S lui [)Iiis brillante et plus
pourprée que la teinte du rouge skatolique. De plus, le sujet <jui fournissait une urine
très riche en uroroséine n'a jamais montré trace de skatol dans ses matières fécales,
soit en état de constipation, soit en état de diarrhée, et il est peu vraisemblable que le
skatol éventuel ait pu être résorbé jusqu'à la dernière trace.
Poursuivant ses travaux, C. A. IlKinna (08 c) est enfin parvenu à retire, d'une urine
riche en urordséinogène (chez un sujet à fermentations intestinales particulières), par
la méthode de H. Rosin (.9.'i), ([uelques cristaux incolores qui se sont montrés rigoureu-
sement identiques à un échantillon d'acide indolucclique préparé d'après la méthode de
K. G. HoPKiNS et S. \V. Cole {0,'i) par culture ana(''robie de li. noli sur tryptophane. Les
deux échantillons donnent par HCl et une trace de nitrite le rouge-rose brillant carac-
ti'-ristique de l'uroroséine; la couleur extraite par l'alcool amylique donne le spectre
typique. Les deux échantillons donnent avec la p. diméthylaminobenzaldéhyde la même
coloration rouge, dillérenlo de celle de Tindol; ils donnent avec le réactif de Millon
la même coloration rouge jaunâtre, et avec FeCT' et HCl la même coloiation rouge-
cerise (réaction de Salkowski). Tous deux se décomposent par chauffage en formant du
skatol reconnu par ses réactions. L'acide indolacéiitiue retiré de l'uiine fondait à 160°-
162", alors que l'acide pur fond à 164°. Le sujet dont l'urine contenait J'acide indo-
lacétique et fournissait abondamment l'uroroséine, n'avait pas une flore intestinale
putréfactive ordinaire, mais une flore spéciale dont l'espèce dominante, le B. bifidus
communia (Tissier), cultivé sur bouillon glucose, fournit la réaction roiif;e par HCl et
le nitrite.
Depuis que C. A. Herter {08 c) a. réussi à identifier à l'acide indolacétique le chromo-
gène de l'uroroséine, il est difficile d'admettre que ce chromogêne et celui du rouge
skatolique expérimental soient un seul et même corps. Car, pour que le skatol adminis-
tré pût fournir de l'acide indolacétique, il faudrait qu'il fixât une molécule de CO-, et
cette fixation est problématique, alors que le phénomène inverse, le départ de CO-, est
courant dans l'organisme animal. Il nous semble que le skatol ingéré ne puisse plus
.guère qu'être dégradé, par exemple en acide indolcarbonique :
C — CH2 — COOH C — CHS C — COOiî
AzH AzH AzH
Ac. indolacétique. Skatol. A . indoîcarboni'iuc.
Mais, si nous ne pouvons admettre que le skatol ingéré se transfono-^ en acide
indolacétique, chromogène de l'uroroséine, nous sommes conduits tout naturellement
à nous demander s'il ne se transformerait pas en acide iiu'olcai boniquc, :;] romogène
homologue de l'acide indolacétique, et fournissant le rouge skatoli^quc très voisin de
l'uroroséine vraie. Notre hypothèse tire un intérêt tout particulier dc^ recherches
toutes récentes de A. Elli.nger et Cr,. Flamand (09).
A. Elli.nger et Cl. Flamand (0.9) ont en effet découvert qu'en soumettant à]|rébulli-
tion une solution de fî indolaldéhyde en'présence d'acides minérau> (H",SO''), on voit se
développer une magaifique coloration rouge, et par refroidissement se dépose la
couleur en aiguilles cristallines. Il se dégage de l'acide forniique par liydrolyse de
l'indolaldéhyde avec production d'indol :
C— CHO CH
C6H*<^^CH + H. OH = C6H''<^^CH + H.GOOH
AzH AzH
Iiiilolaldéli\ lie. Indol. A»:. loriiiiijUC.
Or nous avons vu la propriété générale qu'ont les aldéhydes do se condenser avee
230 INDOL.
2 molécules d'indol, et c'est ce que fait la fraction de l'indolaldéhyde non encore
décomposée :
C 11 0 H c
C«H*0CH Jjj HC0C6H* /CmeAz
AzH I AzH =H20 + HG-C8H6Az
Indol. C Indol. XCSH^Az
C6H*^^CH Triindylméthauo.
AzH
luJolaldéhyde.
La couleur obtenue est donc un dérivé du triindylmcthane fout à fait comparable aux
dérivés du Iripluinylméthane. Et de fait les auteurs ont pu la reproduire avec le pro-
duit de condensation du chloroforme et de l'indol en présence de potasse ali'oolique.
Par oxydation légère et salification, se produit une couleur qui est, par exemple, un
sulfate dont la base libre est le tiiindijlcarbinol :
/C8H6AZ
HO — C— CRH^Az ■
\C8HeAz
A. ELLiNr.ER et Cl. Flamand {09) pensent qu'il existe toute une série de couleurs de
ce type, au nombre desquelles il faudra compter l'ur^roséine et le rouge skatolique.
Grâce à cette notion, on voit, si Ton admet, comme nous avons des raisons de le
penser, que le skatol ingéré forme de l'acide indolcarbonique, que l'action des acides
pourrait déterminer la condensation directe de 1 molécule d'acide indolcarbonique
avec 1 molécules d'indol (provenant du dédoublement facile d'une partie de Tacide
.indolcarbonique avec perte de CO-l :
c; II 0 II C
.C6II^/)CH ll_o,^ HC<;)C6HV /C8H6AZ
AzH I AzH =H^0 + HO — C— C8H6AZ
Indol. C Indol. \C8H6Az
' /-•fiTji/'^/-'Ti Triiudvlcarljinol.
C»H*C y 011
AzH
Ac. indolcarbonique.
Il y aurait tendance à la formation du Iriindylcarbinol, qui instantanément salifié
par l'acide constituerait la couleur. Le rouge skatolique, dans notre hypothèse, ne
serait autre chose que le cfilorltjjthate de iriindijlcarbinol, né aux dépens de l'acide indol-
carbonique, décoloré par libération de la base en présence des alcalis, ressemblant
aux rosanilines. La présence de l'acide indolacétique dans l'urine expliquerait la
formation de couleurs identiques ou homologues, soit directement, soit après oxyda-
tion en indolaldéhyde (expliquant le rôle des nitrites). Enfin il n'est pas interdit de
penser qu'en certaines circonstances l'acide indolpropionique pourrait lui aussi appa-
raître dans l'urine et intervenir dans la formation des couleurs.
On pourrait donc trouver dans l'urine, outre l'indoxyle dérivé de l'indol, non
pas un, mais peut-être trois chromogènes répondant aux stades intermédiaires de
dégradation du tryptophane, savoir :
1" Probablement l'acide indolcarbonique.
2° Sûrement l'acide indolacétique.
3° Peut-être l'acide indolpropionique.
La prédominance de tels ou tels de ces chromogènes, et des diverses couleurs
homologues en dérivant, suffirait sans doute à expliquer les légères divergences des
auteurs dans la description de l'uroroséine, du rouge skatolique, etc., et les variations
quantitatives de ces couleurs seraient, comme celles des couleurs indoxyliques, le
reflet des divers stades de dégradation du tryptophane par les bactéries de l'intestin.
B. Couleurs dérivées dés autres corps indoliques (d'origine non tryptopha-
nique). — Des expériences ont été faites, non seulement avec le skatol d'iméthylindol),
INDOL. 231
mais aussi avec d'autres homoloii;iies lie l'iiidol, ne dérivant pas du tryptophane, et
n'appartenant pas jusqu'ici an domaine biologique, mais dont l'étude od're un réel
intérêt à titre de document comparatiC pouvant nous éclairer sur tout ce qui se passe
avec les dérivés biologiques de l'indol.
Ch. PoncuKR et Cii. Hi<:uvif.i;x (Of>«j ont constaté que l'ingestion parle chiendeOgr. 5
ou 1 gr. de inéthylkétol (a méthylindol) est suivie de l'élimination d'une urine incolore,
ne contenant pas de méthylkétol libre. Additionnée de HCI, l'urine développe une
couleur rouge tout h fait analogue au rouge skatolique, se comportant de la môme
façon vis-à-vis des dissolvants, des acides et des alcalis, des réducteurs et des oxydants.
I.e rouge méthylkétolique donne une bande spectrale moins nette que celle du rouge
skatolique et reportée un peu plus vers le violet. Le cliromogène n'est pas précipité
par l'acétate neutre de plomb; il l'est partiellement par l'acétate basique de plomb, et
totalement parle nitrate mercurique.
Le ^ éthylindol (qui peut dériver du tryptopbane, bien qu'on ne l'ait pas encore
signalé parmi les produits de décomposition bactérienne de ce corps) a été adminis-
tré par Cii. Porcher (07 a) à la dose de 0 gr. o chez le canard, de 1-2 gr. chez le chien,
par la bouche, dans un peu d'huile. Les excréments du canard présentent les mêmes
phénomènes que l'urine du chien : celle-ci, traitée par HCI, développe une couleur
rouge insoluble dans le chloroforme et dans l'éther, soluble dans l'alcool amylique, tout
à fait semblable, sinon identique, à celles qui résultent de l'ingestion du skatol ou du
méthylkétol.
Des couleurs tout à fait comparables aux précédentes ont été obtenues par Gh.
Hervieux (07 a) après l'administration au chien du 2-3 diméthylindol ou du 7-2-3 tri-
méthylindol, à des doses de 0 gr. li, 1 gr., 2 gr., 2 gr. 25. Aucun de tous les corps ainsi
administrés ne provoque de phénomènes d'intoxication. Rappelons la constitution de
ces corps :
CH C — C2H3 C — CH^i C — CH^
C6Hi('^C — CH3 CeH^<^^CH C6Hi<^^C — CH3 C6H*<^%C - CH^
AzH AzH AzH Az — CH*
Méthylkétol. P-Éthjiiadol S-S-diméthylindol. 1-2-3-triméthylindoI.
Nous avons déjà vu, à propos des modes de Formation de Vindirubine, que les urines
ainsi chargées des chromogènes dérivés des homologues de l'indol, donneraient de
l'indirubiiie, suivant une note préliminaire de Cii. Porcher (07 6), lorsqu'on les porte à
l'ébullition pendant quelques minutes avec 1/10 de leur volume d'isatine en solution
à 1 p. 1 000 dans l'acide chlorhydrique. Il sei^ait intéressant d'avoir confirmation du
phénomène.
Enfin Ch. Porcher et Ch. Hervieux (07 b) ont constaté que l'ingestion par le chien
d'acide indolcarboniqiie (0 gr. 35) provoque l'émission d'une urine qui par HGl et un
oxydant se colore en violet fleur de lin. Après concentration dans le vide, la couleur
est dissoute en violet-am.^tliyste par le chloroforme» et en rouge vineux par l'alcool
amylique, mais non par l'éther. La solution chloroformique lavée à l'eau se colore
instantanément quand on l'agite avec une solution alcaline très diluée; la solution
aqueuse aciditiée de nouveau par HCl reprend la teinte violet fleur de lin qui peut
■ repasser dans le chloroforme. Nous devons faire observer que ces expériences ont
été faites avec l'acide a indolcarbonique, non biologique jusqu'ici, et qu'elles ne rensei-
gnent en rien sur les destinées de l'acide p indolcarbonique, dérivé du tryptophane qui
pourrait peut-être avoir des relations, que nous avons indiquées, avec le rouge skato-
li(tue :
C — COOH CH
C6H^<^^CH CCR^^^C — COOH
AzH AzH
Ac. [î-indolcarljonifiuc. Ac. a-Tadolcarboniquo.
Une autre série de dérivés indoliques a fait l'objet des recherches de A. Benedigemi
(07), et en premier lieu Vindoline (dihydroindol), la n-mélhyyndolinc, e* la a [3 ^ trimé-
232 INDOL.
thtjlindoline, donl S. Cuttita(07 b, OS) étudiait de son coté la toxicité faible, le maxima
peut-être chez Tindoline :
/CH3
CHi CH2 C— CH3
C6H*<^^CH-i C6Hi((^CH2 C6Hi<^^CH — CH3
AzII Az — CH3 AzH
Indoline. n-méthylindoline. a-liJ-p-trimétliylindoliue.
L'urine émise après radniinistratioii d'indolinc au chien et au lapin, par la bouche
ou sous la peau, fournit abondamment de lindigotine par Je traitement habituel :
l'indoline s'est donc comportée comme Tindol lui môme. Au conlraire, après l'adminis-
tration de a p j3 trimcthijlindoUne ou de n-inclhylindoline, l'urine additionnée de son
volume de HCl prend rapidement une coloration rose, puis rouge, qui passe dans
l'alcool amylique et non dans le chloroforme, l'élher acétique, l'éther de pétrole, le
bpnzène, le sulfure de carbone. Mais il y a entre les deux indolines substituées une
différence capitale : l'urine à triméthylindoline ne fournit jamais que la couleur ronge,
tandis que l'urine à n-méthylindoline, si on l'abandonne à l'air, verdit peu à peu et
fournit finalement un magnifique pigment vert. Vacide n-méthylimiol-ix-carbonique,
fournit une urine développant par HCl une coloration rouge-brun ; l'ingestion du
n-mcthylindol est suivie de l'apparition dans l'urine de la même couleur verte produite
par la n-niéthylindoline :
CH CH
C6Ht<^^C — COOH C6H*<(^^CH
Az — CH3 Az — CH3
Ac. n-méthjlindol-a-carboniquc. N-mcthylindol.
La couleur verte est rassemblée très facilement par l'alcool amylique, moins facile-
ment par le chloroforme, l'élher, l'éther de pétrole, le benzène, le toluène. A. Benedi-
CENTi (07) a pu l'extraire en renlraînanl par un préci()ité de IJaSO'^ qu'il épuise ensuite
à l'alcool. Bien que n'ayant pu en faire l'analyse centésimale, il considère cette cou-
leur comme une n-métliylindigotine à laquelle il attribue la formule
CO CO
Az Az
I I
CH3 CH3
et qu'il a pu reproduire synlhétiquement avec tous les caractères de la couleur urinaire.
Le passage par l'organisme des dérivés indoliques substitués à /'asofe aboutit donc à des
indigos substitués; au contraire, les dérivés substitués au carbone a ou |i aboutissent
tous à des couleurs voisines du rouge skatoliqne.
Poursuivant ces recherches, A. Benedicemi [08] a montré de même que l'ingestion
au Bz-3-méthylindol aboutit à une couleur urinaire bleu-ciel, et celle du oL-naphtindol à
une couleur bleu- vert, tandis que celle du Bz-3-Pr-2-diméthylindol et du Pr-2-méthyl-
%T-naphtindol aboutit à des couleurs rouges :
™'"CQc" -'-^^-
^"" AzH
Bz-3-méthylindol. Bz-3-Pr-2-diméthylindol
AzH
3-Pr-2-diméthyl
AzH
«-Naphtindol. Pr-2-niéthyl-«-naphtindol.
INDOL. !233
Il parait donc aiiJourJ'Iuu bien élaldi, laiit par les reclierches de Ch. PfjRciiEH et Ch.
Hkrvikix ejiie par ct^llos de A. liKNKuit.K.NTi {07, OS, 09a, 09 b) et de S. CunrrA (07, 08),
que les tiérivés de riiulol dans lesquels les deux carbones pyrroli(iues a et [3 sont res-
tés tous deux exempts de subAlilulions, se Iransfortnent dans l'ori^'anistne en cliromo-
gènes dont le traiti'nient |)ar HCI et un oxydant aboulil à des indigos (ordinaire ou
substitués). Au contraire, dès qu'un des carbones a ou ^i porto une substitution, il ne
peut plus y avoir dans l'ori^'anisuie oxyilation' en indoxyle (ou iiidoxyle substitué) et le
chromogène de l'urine fournit une couleur rouge.
A. Hknkdicenti (0.9) a tenté d'obtenir des renseignements plus avancés sur la nature
de ces couleurs rouges, en étudiant le méthylkélol, choisi pour la facilité avec laquelle
on se le procure, car les autres homologues se comportent do la même façon. Admi-
ni.^tré aux animaux par ingestion ou injection, le niéthylkétol ne passe pas en nature
dans l'urine; or il est très remarquable (juc l'urine in vitro a le pouvoir de transfor-
mer le méthylkétol: il sufiit de placer à l'étuve à 40" pendant 24 heures 100 ce. d'urine
additionnée de quelques centigrammes de méthylkétol, pour constater (par extraction
à l'élher) que le méthylkétol a disparu en tout ou en partie, mais que l'urine donne
maintenant par HCl et un hypochlurite la réaction rouge. L'oxydation /)ii;/7/o du méthyl-
kélol en solution aqueuse, en présence de HCl et d'un hypochlorile, fournit une couleur
rouge tout à fait identique à la couleur urinaire par son allure vis-à vis des dissolvants,
par la réduction du nitrate d'argent ammoniacal, par l'atlaque sous l'action de llAzO^.
Mais, en opérant in vitro, on peut saisir un stade intermédiaire sous forme d'une belle
coloration verte, qu'on peut conserver longtemps dans un mélange réfrigérant, mais
qui passe à la couleur rouge quand le produit se réchauffe. A. Benedicenti [09] conclut
donc que le rouge mélhylkétoliijue des animaux est un produit d'oxydation, précédé
lui-même dautres stades d'oxydation. La destruction de son laboratoire et la mort de
son collaborateur Cuttita dans la catastrophe de Messine l'ont empêché de poursuivre
l'étude constitutionnelle des corps rouges.
C — CH^ — CH — COOH
K. — INDOLALANINE fi ou TRYPTOPHANE CGÏÎi<^^Cn \^,^^,
AzH
A. Formation de rindolalanine {i à partir des albuminoïdes. — Si la cons-
titution de la [î iudolalanine (tryptophane, protéinochromogène) n'a été élucidée défi-
nitivement qu'à une date très récente, son existence n'en est pas moins connue depuis
longtemps. L'indolalanine est en effet un acide aminé qui, comme tous ses congénères,
entre dans la constitution d'un grand nombre de matières albuminoïdes, el se trouve libéré
lors de la fragmentation hydrolytique des molécules protéiques.
Dès 1826, TiEDEUAN.v etGMELiN obtenaient, en ajoutant goutte à goutte de l'eau de
chlore au liquide retiré de l'intestin grêle, une coloration rose ou fleur de pêcher,
détruite par un excès de chlore, et qu'ils ne retrouvaient pas dans les excréments. La
substance indiquée par cette réaction devait, suivant eux, provenir très vraisemblable-
ment du suc pancréatique, car ce suc donnait la coloration. A son tour Cl. Bernard
(54), en ajoutant de l'eau de chlore à une macération ancienne de pancréas, déjà nau-
séabonde, obtient une coloration rouge disparaissant par excès de chlore, et que ne four-
nit pas la macération pancréatique toute fraîche. Nous savons aujourd'hui que lamacé-
ration ancienne était souillée d'indol qui venait compliquer la question, se colorant
lui aussi en rouge par l'eau de chlore.
La distinction fut établie \)av W. KCuiXE (7o), qui, faisant la part de l'indol, démon-
tra qu'il existait néanmoins une substance ncm putride, colorable en rouge violacé par
l'eau de hrome (réactif plus commode que l'eau de chlore), et tirant i-on origine des
matières albuminoïdes, d'où le nom de protcinochromoçjène (SiADELMANiN, 90) qu'on lui
donna pendant quelque temps. Cette substance se séparait de la molécule albuminoïde
sous l'action des ferments digestifs, en l'espèce la trypsine pancréati(}ue : c'était le témoin
de la dislocation digestive, d'où son nom plus habituel de //-(/p/op/jane (H. Nelmeister, .90).
La véritable nature du tryptophane fut, sinon démontrée définitivement, du moins
reconnue réellement, avec une grande sagacité et une grande profondeur de vues,
par M. ISencki(5.ô'). « toOOgr. de pancréas débarrassé de la graisse et finement haché sont
231 INDOL.
additionnés de 3 litres d'eau et de 15-20 ce. de cliloroforme pour prévenir la putréfac-
tion, puis abandonnés à l'autodigeslion à la température du laboratoire, en agitant fré-
quemment, pendant 3 jours. 30 kilos de pancréas (de bœuf) en tout ont été traités de
cette façon. Le liquide est passé à travers une toile, chauffé ù l'ébullition, débarrassé
par tillration de l'albumine coagulée, et après refroidissement additionné de chlorure
mercurique à 5 p. 100 qui précipite les bases xanthiques. Le filtrat débarrassé du mer-
cure par H-S, et de H-S en excès pour un courant d'air, neutralisé par le carbonate
puis par l'acétate de sodium jusqu'à réaction faiblement acide, est concentré au bain-
marie jusqu'à moitié de son volume. Après refroidissement, on trouve au bout de
24 heures une abondante cristallisation de tyrosine en aiguilles blanc de neige, et dans
le filtrat se trouve le protéinochromogène mélangé de peptones, d'acides amidés de la
série grasse, etc. L'addition ménagée d'eau de brome au filtrat donne un précipité de
couleur violette, si on a soin de ne pas employer trop de brome, ce qui donnerait un
mélange brun sale. Après 24 heures de repos, le précipité violet est recueilli sur
filtre, lavé à l'eau et séché dans le vide sur H-SO^ Le produit est pulvérisé, lavé au
benzène pour enlever les traces de graisses, puis épuisé par l'alcool absolu bouillant. »
Le traitement par l'alcool a permis à M. Nencki {9o] de fractionner le produit bro-
me en deux substances. Tune rouge soluble dans l'alcool, l'autre brune insoluble dans
l'alcool. Après en avoir fait l'analyse centésimale, et en considérant les produits calculés
sans brome, M. Nencki appelle l'attention sur la parenté du corps rouge avec les cou-
leurs rouges de l'organisme, hématoporphyrine et bilirubine; la ressemblance de la
couleur brune avec les mélanines animales est encore plus frappante. Pour un ensemble
de raisons M. Nencki {9o] émet donc formellement l'opinion que le protéinochro-
mogène inclus dans les molécules albuminoïdes serait la source des couleurs du sang et
des autres pigments de l'organisme.
En outre, il se pourrait, d'après lui, que le protéinochromogène représentât préci-
sément celui des trois groupes aromatiques des molécules albuminoïdes d'où dérivent
l'acide « skatolacétique » 'indolpropionique], puis l'acide « 5Uatolcarboni(|ue » ^indol-
acétique';, le skatol et rindol; << et il est intéressant de voir que la substance-mère du
groupe de lindigo est vraisemblablement aussi la substance-mère de beaucoup de
couleurs animales » (M. Nencki, 95). Ce ({ue nous avons dit déjà au sujet de la concep-
tion de la famille des couleurs têtrapyrroliques de L. C. Maillahd, et du parallèle entre
le groupe de l'iudol et celui de l'hémopyrrol, permet de comprendre que l'intérêt des
vues de M. Nencki, tout eu se précisant, n'a pas diminué.
Bien plus, dès sa découverte de l'acide « skatolacétique » [indolpropionique] avec
la collaboration de V. Bovet, M. Nencki {89 • avait compris que la substance-mère du
groupe de l'indol, incluse dans les molécules albuminoïdes, devait être précisément
l'acide " skatolaminoacétique » indolaminopropionique\ dont la dégradation devait
commencer par un processus de désamination. La constitution du tryptopbane était
donc trouvée, à un détail près, la position exacte de la chaîne latérale.
Le tryptopbane a été pour la première fois préparé à l'état pur par F. G. Hoi'kins
et S. W, Cole {01 b), en partant de la caséine du lait de vache. La caséine, en solution
à 10 p. 100 (dissoute à l'aide d'un peu de carbonate de sodium), est soumise à l'action
du pancréas de bœuf haché, pendant 10-11 jours, à la température de 38° environ, et
en présence d'une quantité de chloroforme suffisante pour saturer le liquide et em-
pêcher la pullulation des bactéries. On chauffe alors à 80° et on filtre; on ajoute H-SO*
jusqu'à la teneur de 5 p. 100, et on filtre à nouveau ; puis on ajoute une solution de
sulfate mercurique à 10 p. 100 dans H-SO' à 5 p. 100, tant qu'il se forme un précipité.
Le précipité recueilli et lavé, mis en suspension dans l'eau, est décomposé à chaud par
H^S, le liquide est débarrassé du sulfate mercurique puis de l'excès de H-S. On ajoute
alors à nouveau du sulfate mercurique acide, jusqu'à ce qu'un trouble commence à
paraître. On filtre rapidement pour éliminer la cystine d'abord précipitée, puis on
ajoute encore du sulfate mercurique acide qui précipite cette fois le tryptopbane, et
on recueille cette fraction du précipité qu'on décompose à nouveau par H-S. On préci-
pite alors exactement H-SO* à chaud par la baryte sans excès, on sépare BaSOS on
ajoute 1 volume d'alcool à 90°, et on concentre au bain-marie, en ayant soin de
remettre toujours de l'alcool (pour éviter l'altération du tryptopbane et la formation de
INDOL. !23S
pigment), jusqu'au moment où la cristallisation commence à chaud. On laisse refroidir,
puis on essore les cristaux, et on les lave à l'alcool à (10", puis à ralcool à 90". On les
redissout dans U!i peu d'alcool bouillant, on fait bouillir avec du noir animal, et on
recristallise dans l'alcool à 75°.
Ce procédé a reçu de C. Neuberg {06) des perfectionnements. Lors de la deuxième
précipitation mercurique, après avoir rejeté les premières fractions (formées de cystine
et de cystéine), on traite le liltrat par H-S, sépare llgS et chasse l'excès de H-S. On
ajoute alors un excès de carbonate de plomb lavé (100 j^r. par kilogr. de caséine), on
cbaullV une 12 heure au bain-marie, on ajoute de l'ammoniaque jusqu'à faible odeur
ammoniacale et on maniiient encore une 1/2 heure au bain-marie. Après refroidisse-
ment on filtre, fait passer H-S, filtre, et concentre au bain-marie, en terminant dans
le vide. On n'a plus à craindre de décomposition, et on obtient le tryptopliane pur et
blanc. 1 kilogramme de caséine donne ainsi 7-8 gr. de tryptophane parfaitement
pur.
En possession de leur tryplophane pur, F. G. Hopkins et S. W. Cole (03) ont étudié
sa constitution, et sont arrivés à reconnaître que ce corps était bien, comme l'avait
ponsé M. Nencki, l'acide « skatolaminoacétique ». Nous verrons tout à l'beure com-
ment les travaux synthétiques de A. Ellinger en ont fait l'acide [î indolaminopropio-
nique.
Il va sans dire que la séparation du tryptophane peut ne pas marcher de la même
façon chez des espèces albuminoïdes différentes, car elle dépend évidemment du mode
de liaison du tryptophane dans la molécule. Il semblerait même (P. A. Leve.ne et C. A.
RouiLLEK, 07 b) que le tryptophane ne soit pas libéré d'emblée, mais seulement après
le détachement transitoire de combinaisons plus complexes (polypeptides tryptopha-
niques, probablement).
Pour la préparationpratique, il n'est pasnécessaire de partir de la caséine ; C. Neuberg
et N. PopowsKv (07) conseillent même de recourir à la fibrine, qui posséderait sur la
caséine l'avantage d'une digestibilité plus facile et plus rapide. 600 gi'ammes de fibrine
calculée sèche leur ont fourni 8 grammes de tryptophane.
Le tryptophane est d'ailleurs très répandu dans la constitution des matières pro-
téiques; presque toutes en contiennent, au moins les albuminoïdes typiques, et le tryp-
tophane ne fait guère défaut que chez des espèces embryonnaires comme la plupart
des protamines, ou chez des substances à fonction mécanique comme le collagène.
Parmi les espèces protéiques définies où il a été signalé, nous citerons outre la caséine
du lait, la fibrine du sang et la protéide du pancréas, la sérumalbumine du sang de
cheval (E. Abderhaldex, 03 6), l'osybémoglobine du même sang (E. Abdehhaldex, 03 a),
l'albuinine coagulable du colostrum (E. Strickleu, 03), la cycloptérine, protamine
des testicules de Cijdopterm lumpm (A. Kossec, 03), la nucléoprotéide de la glande
mammaire (J. A. Mandel, 0,9), l'édestine des graines de chanvre (E. Abderhalde.n, 03 c),
celle des graines de coton (E. Abderiialden et 0. Rostoski, 03; E. Abderhalden et
B. Reinhold, 03 b), celle des graines de tournesol (E. Abderhalden et B. Rein :old, 03 a),
la gliadine du blé, qui fournit environ 1 p. 100 de tryptophane (E. Abderhalden et
F. Samuely, 03), la matière albuminoïde des graines de Picea excelsa (E. Abderhalden
et Y. Teruuchi, 03), la légumine des pois verts (Th. Osbornk et S. A. Clapp, 09), etc.
En revanche le tryptophane est absent de la molécule de la gélatine (qui, nous
Tavons vu, ne peut fournir d'indol), ainsi que de la plupart des protamines étudiées
(scombrine, salmine, clupéine, sturine, cyprinine a, cyprinine |3).
Jusqu'à présent, nous avons vu libérer le tryptophane, fragment constitutif de la
molécule albuminoïde, par l'action d'un ferment hydrolysant, la trypsine du pancréas.
Il est à remarquer que le tryptophane, avec la tyrosine, la cystine et la cystéine, est
un des aminoacides qui se séparent les premiers de la molécule, dès les premières
phases de la digestion trypsique, et alors que les autres aminoacides sont encore
enchahiés sous forme de polypeptides plus ou moins complexes (albumoses et pep-
tones).
On peut donc se demander si celle séparation précoce du tryplophane est une
propriété spécifique de la trypsine, ou si, résultant de la constitution même de la
molécule albuminoïde, elle se retrouve dans l'action d'autres ferments protéolytiques
^2;^(i INDOL.
I,;i pepsine gastrique, dont radio» va, comme on le sait, moins loin que celle de la
trypsine, dans les conditions ordinaires du moins, ne paraît pas libérer le tryptophane
dans l'estomac humain lui-même à l'état physiologique (K. Glaessner, 03 a, 03 b;
P. Ehdmann et H. Wintermtz, 03).
Cependant, lorsque l'action de la pepsine se prolonge au delà des durées habituelles
ilu séjour des aliments dans l'estomac, elle peut arriver à libérer du tryptophane : soit
dans la digestion de la fibrine avec un extrait de mu(iueuse gastri(|ue du porc
(H. WiNTEtiNiTZ, .92), soit avec des extraits glycérines de muqueuse gastrique, même
en milieu fortement chlorhydriquc (2 p. 100 de HCl) (H. Malfatti, 00), soit dans la
digestion de peptones déjà formées, soumises à nouveau pendant 24 heures à l'action
de la pepsine, ou encore dans la digestion d'extraits de rate et d'amygdales
(F. VOLHARD, 03 h).
II faut en tout cas retenir, des recherches de P. Erdiian.n et H. Wimehnitz [03]
comme de celles de K. Glaessner [03 a, 03 b), que dans un estomac normal, le trypto-
phane ne se produit pas. Dans la plupart des alfections de la muqueuse gastrique, il
ne s'en produit pas davantage (P. Erdmann et II. Winternmz, 03; K. Glaessxer, 03) :
K. Glaessner n'a pu le trouver que dans 1 cas d'hyperchlorhydrie catarrhale, et dans
2 cas d'ulcère sur 6. En revanche, dans les cas de cancer stomacal, le tryptophane a
été trouvé fréqiaemment (P. Erdman.n et H. Winternitz, 03; K. Glaessner, 03); ce der-
nier auteur remarque môme qu'il suffit de plonger dans un suc gastrique normal de
petits fr.igments d'une tumeur cancérouso de l'estomac pour y tiouver au bout de peu
d'heures la réaction du tryptophane. iXéanmoins la présence du tryptopliane dans le
contenu d'un estomac cancéreux n'est pas régulière, et l'on est aujourd'hui d'accord
pour lui dénier toute valeur pathognomonique (P. Erdman.n et H. Winternitz, 03;
K. Glaessner, 03 a, 03 b; F. Volhard, 03 a, 03 b, 04; G. Germomg, 07). Il est très
important de songer ici à la complication possible du problème par l'intervention
des bactéries, et nous verrons plus loin qu'effectivement les cultures bactériennes,
notamment celle du bacille typhiqiie, donnent souvent la réaction du tryptophane.
Signalons encore qu'une diaslase protéolytique capable d'agir aussi bien en milieu
acide qu'en milieu alcalin et de libérer le tiyptophane, a été décrite sous le nom de
« pseudo-pepsine », dans les glandes de BrCnner (K. (îlaessner, 01).
Il n'est d'ailleurs pas nécessaire, pour libérer le tryptophane, de faire agir sur les
albuminoïdes des diastases protéolytiques sécrétées en dehors des organes. Les ferments
mis en jeu dans les phénomènes d'autolyse aseptique des tissus y suffisent, et l'on a
observé le tryptophane dans l'autolyse du sang leucémique (0. Schumm, Oi), du foie
(Jacobv, 00), etc. A fortiori verra-t-on se former le tryptophane si l'on abandonne à
l'autolyse les organes contenant les zymogènes de la trypsine, comme le pancréas
(M. Nenhki, 93; Klug, 01), ou delà pepsine, comme la muqueuse gastrique (li. Glaess-
ner, 03 a)
Les diastases protéolytiques des végétaux supérieurs sont aussi en mesure de libérer
le tryptophane des albuminoïdes. Si l'on fait agir sur la fibrine, ou sur la peptone de
Witte, en milieu même alcalin mais de préférence neutre ou mieux encore acide par
un acide organique comme le sont les sucs végétaux, \a.papaine, la broméline de l'ananas,
les diastases protéolytiques de Nepenthès, de Ficus carica (figue), de Cocos nucifera
(noix de coco), des graines d'orge et de fève, on obtient du tryptophane après quelques
heures de séjour à 38" (Vines, 02). Kutscher et Lohmann (0.5) ont confirmé cette action
de la papaïne sur la fibrine.
On peut même trouver directement le tryptophane dans les pbmlules des graines en
germination, où il est le produit d'une auto-digestion des réserves de la graine :
E. SciiuLZE et Winterstein iOo) l'ont décelé dans les germes de 8 à 9 jours du lupin
blanc et de la vesce.
On sait enfin que les bactéries disposent de diastases hydrolysantes dont le pouvoir
protéolytique peut être considérable. Aussi ne doit-on pas s'étonner de voir former du
tryptophane par les bactéries de la putréfaction (Vines, 02). D'ailleurs on se rend compte
que la libération du tryptophane doit être la préface de son attaque par les bactéries
formatrices d'acide indolpropionique, d'acide indolacétique et d'indol. Mais on conçoit
en même temps que l'intensité respective des réactions du tryptophane et de l'indol ne
NDOL. 237
doit pas marcher de pair dans les cultures : il y a chance de trouver plus de trypto-
phane chez les espèces bactériennes qui le respectent, plutôt que chez celles qui ont
le pouvoir de l'attaquer pour en faire de l'indol. P. Eudmann et H. Wintebnitz {03) ont
constaté que, dans des solutions de peptones à 5 p. 100, la plupart des bactéries forment
du tryptophane, mais l'apparition de la réaction, chez des espèces diverses, varie entre
1 et 10 jours. Il est à remarquer que le Bacterium coli commune ne donne pas de trypto-
phane (P. EiiDMANN et H. WiNTERNiTz, 03), OU sculemcut un soupçon de réaction après
2 ou 4 semaines i(i. Germomc, 07) tandis que le B. ti/phosus donne déjà une réaction
très intense au bout de 24 heures (P. Ekdma.n.n et H. Wintkrmtz, 03; G. Gkumomg, 07).
Nous concevons que cette réaction difîérentielle est en somme le « négatif » de la réac-
tion dilTérentielle des deux espèces par l'indol.
Dans les fèces, la réaction du tryptophane est très fréquente. G. Germonig(07) ne l'a
vu manquer que dans deux selles achuliques; dans la plupart des maladies elle était
positive, fortement ou faiblement, très forte dans un abcès de la région iléo-c;rcale, ainsi
que dans 4 cas de fièvre typhoïde au summum de la maladie. L'intensité de la réaction
du tryptophane dans les matières fécales pourrait peut-être contribuer au diagnostic de
la typhoïde.
Enfin, il n'est pas nécessaire de recourir à des ferments protéolytiques d'origine bio-
logique, pour libérer le tryptophane des matières albuminoïdes. L'hydrolyse de ces
substances par les acides minéraux forts isole le tryptophane comme tous 'es autres
fragments aminés de la molécule; nous avons cité tout à l'heure une série d"::ydrolyses
de ce genre oîi le tryptophane a été rencontré. Mais il convient de remarquer
que jusqu'ici les résultats de ce mode d'investigation n'ont été que qualitatifs, et que
l'hydrolyse par les acides se prête mal à l'obtention d'un échantillon pur de trypto-
phane : l'attaque par la trypsine reste encore la méthode de choix. Ceci tient à deux
causes. D'une part il est plus avantageux de se borner à une attaque incomplète qui ne
libère que les aminoacides les plus rapidement séparables, et favorise par là même le
fractionnement ultérieur des produits. D'autre part le tryptophane, comme la tyrosine,
est un corps faciletnent oxydable, et qui pour cette raison se transforme pour une
bonne part en produits d'altération mélanoïdiques, au cours de l'attaque prolongée
par H-SO"^ ou HCl bouillants. Peut-être sera-t-il possible d'utiliser dans l'avenir l'hydro-
lyse par les acides pour l'obtention pratique du tryptophane, lorsque se sera généralisé
l'emploi de l'acide fhiorhydrique, récemment préconisé par L. Hugounenq et A. Morkl
{08}, dans le but précisément d'éviter ou de restreindre largement ces phénomènes
secondaires d'oxydation.
B. Formation synthétique du tryptophane. — Nous avons dit que M. N'E.xcKr
{89) avait prévu pour le tryptophane, même avant son isolement à l'état pur, la consti-
tution d'un acide skatolaminoacétique, et que F. G. Hoi-kins et S. NV. Cole {03), après
avoir préparé pour la première fois cette substance, lui avaient reconnu cette constitu-
tion. Mais on a vu dans les chapitres précédents comment A. Elli.nger était arrivé, par
des synthèses indiscutables, à établir que l'acide « skatolcarbonique » de E. Salkowski
et H. Salkowski était en réalité l'acide (î indolacélique, et que l'acide « skatolacétique »
de M. NExcKr était en réalité l'acide [j indolpropionique. Il en découlait que le trypto-
phane devait être un acide [î indolaminopropionique, puisqu'il donnait naissance, par la
putréfaction, aux acides [i indolpropionique et [î indolacétique :
C — CH3 AzH^ C — CH2 — CH — COOH
AzH AzH
Ac. skatolacétique. Ac. ,3 indolaminopropionique.
Un nouvel argument du même genre fut encore apporté par A. Ellinger. Dans leurs
études antérieures, F. G. Hopkins et S. W. Cole {03) avaient obtenu, par l'oxydation du
tryptopiiane au moyen de FeCP, une substance C'U'AzO, dont ils n'avaient pas
déterminé la constitution, pensant qu'il s'agissait peut-être d'une oxyquinoline.
A. Ellinger {06) montra qu'il s'agissait en réalité de la [î indolaldcitijdc, qu'une oxydation
ultérieure par KMnO ^ tiansforme en acide ,3 indolcarbonique, identique à celui de
238 INDOL.
G. CiAMiciAN et C. Zatti [88). Ce nouveau processus de dégradation venait confirmer la
position p de la chaîne latérale du tryptophane :
C — CH2 — CH— COOH C — CHO C — COOH
AzH AzH AzH
Tryptophane. p. Indolaldéhyde. Ac. P indolcarbouique.
Enfin, A. ELUNGEa (06) a reproduit synthétiqueraent la (s indolaldéhyde, enchaufîant
l'indol en solution alcoolique avec du chloroforme et de la potasse alcoolique conte-
nant un peu d'eau. L'indolaldéhyde [i de synthèse est identique à celle que fournit
l'oxydation du tryptophane, par l'aspect de ses cristaux, son point de fusion (193°) et
toutes ses propriétés.
En possession de la f; indolaldéhyde, A. Ellinger et Cl. Flamand (07, 08) la conden-
sèrent avec l'acide hippurique par chaulTage en présence d'anhydride acétique. Dans ces
conditions, le produit de condensation subit en même temps une déshydratation interne
avec lactonisation, et on obtient une azolactone :
C — CHO H2C — AzH — CO — C6HS C — CH = C — Az = C — Ceil".
CeH<)cH + IqOH =2H^O + C6hOcH I^, ^
AzH A/.H
p Indolaldéhyde. Ac. hippurique. Azolactone.
Mais il suffit de chauffer l'azolactone en présence de NaOH à 1 p. 100, pour ouvrir
la lacfone, et on obtient V acide indobjl-oL-benzoylaminoacrylique :
C-CH.= C-Az = C-C6H^ C-CH = C-AzH-CO-C6H3
C6H<>CH "o (J +H20=CeH<)cH Iq^j,
AzH AzH
Azolactone. Ac. ludolyl-a-benzoylamlnoacryliriue.
On dissout alors cet acide dans l'alcool absolu bouillant, et on introduit peu à peu du
sodium, qui détermine à la fois une hydrogénation saturant la liaison acrylique, et
une hydrolyse séparant le groupe benzoyle : il reste la ,3 Indolahmine :
c - CH = C — AzH — CO - C^Hï C — CH2 _ CH — COOH
CSH^/^CH l,QQj^ + H2 + H20 = C6Hi/'^CH [^j^, +C6H^-C00H
AzH AzH
[î Indolalanine.
La formule de l'indolalanine contient, comme on le voit, un carbone asymétrique,
et représente deux antipodes optiques : la synthèse fournit, bien entendu, le mélange
équimoléculaire des deux antipodes, soit un échantillon racémique. Cette indolalanine
racémique est rigoureusement identique au tryptophane de caséine, par l'aspect des
cristaux, la réaction à l'acide glyoxylique, la fusion progressive •2o6°-266°). Un seul
point paraissait l'en distinguer, la saveur douce de l'indolalanine synthétique, que n'a
pas le produit naturel; mais il a été démontré (R. Allers, 07) que le tryptophane de
caséine, après racémisation, présente aussi ce caractère.
C. Propriétés de l'indolalanine Ji. — Le tryptophane, ou indolalanine p, constitue
des petits cristaux blancs, généralement en lamelles hexagonales. Le point de fusion a
été l'objet de données contradictoires: la plupart des auteurs indiquent le tryptophane
comme se décomposant progressivement au moment de la fusion, entre 230° et 260"
environ; R. Allers (07) place le point de fusion du r-tryptophane à 268°; E. Abderhal-
DEiN et L. B.4.UMANX {08 a) attribuent les divergences au chaufîage trop lent : par chauf-
fage rapide, le 1-tryptophane jaunit à 260° et fond à 289° corr. 11 est soluble dans l'eau,
facilement à chaud; très difficilement soluble dans l'alcool absolu, plus facilement
dans l'alcool ordinaire. La solution aqueuse a une réaction légèrement acide.
Le tryptophane d'albuminoïdes est doué du pouvoir rotatoire, mais ici encore les
données sont contradictoires. On l'a désigné d'abord comme l-tryptophane, lévogyre
(C. Neuberg et N. Popowsky, 07). Cependant E. Abderh.^lde.n et M. Kempe (07 a) l'ont con-
INDOL. 239
sidéré comme dexlrogyrc : dans l'eau [aj^o = + ;i«7,dans la soude normale [aj-"= + C*>12.
D i>
dans l'acide chlorhydrique normal [a]*» = + 1"31. E. Auderhalden el L. Baumann {08 a\
\)
trouvent également dans la soude normale des chiffres variant entre + ii^^l et + C''57,
Mais il faut tenir compte de ce que le tryptophane se racémise très facilement, môme
au cours des opérations d'extraction (C. Neuberg, 07). 11 se racémise par rccristallisation
dans la pyridine (E. Auderhalden et L. Baumann, 08a). R. Allers (07) a même eu entre
les mains un échantillon [uéparé par digestion pancréatique de la caséine, qui avait une
saveur douce, el se montrait parfuitemenL racémique. Telle doit être la cause des diver-
gences sur le pouvoir rotatoire du tryptophane naturel; quand il est aussi peu altéré
que possible, et on solution aqueuse simple, il est réellement lévogyre : [a]-" = — 30033
(E. Abdermalden el L. Baimann, 08a), et doit être désigné sous le nom de 1-tryptophane.
Telle est la conclusion à laquelle arrive aussi 11. Fischer {08} : le tryptophane et son
chlorhydrate en solution aqueuse ont la rotation gauche, ce n'est qu'après suracidifica-
tion par HCl concentré que la solution devient dextrogyre.
Le tryptophane donne par addition directe un chlorlu/drate bien cristallisé. 11
donne un picrate F. i95°-196°, peu soluble dans l'eau (0,91 p. 100), et un picrolonate F.
2030-204% moins soluble encore (0,384 p. 100) (M. Mayeda, 07). En agitant le tryptophane
en solution dans la soude normale avec une solution éthérée de chlorure de {i sulfo-
naphlalène, on voit se séparer aussitôt des cristaux de fi naphtali'nesulfotri/ptopkftnaic d^
sO'Uuin, qui est très bien approprié à l'isolement et au dosage du tryptophane (E. Ab-
dermalden et M. Kempe, 07 a). A. Ellinger et Cl. Flamand [08) recommandent, dans le
cas où il s"agit de caractériser de très petites quantités de tryptophane, d'isoler le
P naphlalènesulfotrijptophane lui-même, que l'éther extrait intégralement du liquide
acidifié par H"-SO^, et qui fond à 180". De même en dissolvant le tryptophane dans la
soude et agitant avec du chlorure de sulfobenzène, puis acidifiant par facide acétique,
on voit se précipiter le benzrnemlfotryptophane, qui cristallise en aiguilles fondant à 185"
(A. Elllnger et Cl. Flamand, 06').
Le tryptophane forme avec fisocyanate de phényle une combinaison cristallisée en
fines aiguilles F. 106", difficilement solubles dans l'eau froide, facilement dans l'alcool,
l'acétone, l'éther acétique (E. Abderhalden et M. Kempe, 07 a). Il donne avec l'isocyanate
de naphtyle une combinaison analogue qui fond à loS", et qui comme la précédente
est tellement altérable par la lumière, qu'on ne peut l'obtenir à l'état pur qu'en mani-
pulant à la lueur d'une faible lampe (A. Ellinger et Cl. Flamand, 06').
Il existe un tryptophanate d'argent qui ne se précipite, après l'addition de AgAzO',
que lorsqu'on neutralise avec précaution par NaOH (C. Neurerg, 07). Le tri/ptophanatc
de cuivre est en fins cristaux bleu-gris, difficilement solubles dans les solvants ordinaires
et les acides minéraux étendus (E. Abderhalden et M. Kempe, 07 a). En saturant de HCl
gazeux une suspension de tryptophane dans l'alcool mélhylique, on obtient le chlorhy-
drate de tryptophanate de méthyle, petites aiguilles microscopiques, F. 214° corr., facile-
ment solubles dans l'eau et l'alcool, difficilement dans l'éthei' acétique; on en retire le
tryptophanate de méthyle cristallisé, F. 89°o, facilement soluble dans l'alcool mélhylique,
plus difficilement dans l'éther acétique, très difficilement dans l'éther de pétrole. (E.
Abderhalden et M. Kemi'e, 07 a). Enfin, traité par le chlorure dethionyle, le tryptophane
donne le chlorhydrate de chlorure de tryptophyle, F. 288% qui a permis des synthèses de
peptides tryptophaniques dont nous parlerons plus loin. (E. Abderhalden et M. Kempe,
07 a).
Sous l'action des halogènes, le tryptophane donne des produits de substitution forte-
ment colorés, auxquels on est redevable, comme nous l'avons vu, de sa découverte.
Mais les anciens auteurs, par exemple Stadelmann [90] n'ont pu leur assigner une formule
fixe. Nous avons vu que .M. Nencki (9oj, par l'eau do brome, obtenait un corps rouge-
violet, soluble dans l'alcool, contenant 27,2 p. 100 de Br, en même temps qu'un corps
brun, insoluble dans l'alcool, à 20, oG p. 100 de Br, et peut-être encore d'autres dérivés.
Beitler (98) n'est pas parvenu davantage à établir une formule simple pour les dérivés
bromes. D. Kurajekf [99) pense avoir obtenu un corps rouge, un corps noir, et deux
violet-bleu, qui tous renfermeraient au moins 24 p. 100 de Br. Cependant il convient de
240 INDOL.
remarquer qu'aucuu de ces auteurs n'avait pu opérer sur un produit pur, mais seule-
ment sur un mélange souillé d'autres débris proléiijues, ainsi que suffirait à le démon-
trer la présence d'un peu de soufre dans leurs échantillons.
Récemment on a rtipris cette étude sur des échantillons de tryptophane pur. C. Neu-
BERG et N. PopowsKY (07) ont constaté que le maximum de la coloration violet- rouge
apparaît aussitôt que la teneur en halogène de la solution atteint 4 atonies de Cl ou
Br pour 1 molécule de tryptophane. A une concentration plus forte, le corps rouge se
précipite sous forme d'une poudre amorphe finement granuleuse, et qui à l'état sec
montre des reflets noirs. C'est un dc.rivé monohalorjénê, de formule C"ll"Az"^0*Br ou
CH^'Az^O-Cl. Si on emploie un excès d'halogène, on obtient des substances jaunes,
qui sont des dérivés trihalogéncs C"IP'Az-0-Br' ou CWAz^O^CP; deux des atomes
d'halogène sont combinés par addition, d'une manière assez lâche, et peuvent être
éliminés par diverses voies, ce qui ramène aux dérivés rouges de substitution mono-
halogénée. Ajoutons cependant que d'après P. A. Levene et C. A. Rouiller (07 b), les
corps violets qui se forment par addition d'eau de brome aux produits de digestion,
seraient un mélange de mono et de dibromure ; l'addition d'un excès d'eau de brome
formerait le libromure.
H existe également un iodotryptophane (mono), qu'on obtient en dissolvant 1 molé-
cule de tryptophane dans 2 molécules de soude demi-normale, et ajoutant 2 atomes
de I en solution concentrée dans Kl : le liquide se trouble rapidement, et au bout de
24 heures on trouve un précipité brun clair d'iotlotryplopliane. Celui-ci est insoluble
dans l'eau, peu soluble dans l'alcool et l'éther, facilement soluble dans un alcali; il ne
donne plus la réaction du tryptophane par l'eau de brome. Si l'on augmente la dose
d'iode (3 atomes) et d'alcali (3 molécules), on n'obtient que le même monoiodotrypto-
phane (C. Neubero, 07).
L'oxydation ménagée du tryptophane par FeCl' fournit une substance fondant à
195°, insoluble dans l'eau, soluble dans l'alcool et l'éther, de formule C'H'AzO (F. G.
HoPKiNS et S. W. Cole, 03). A. E;lli.n(;eu (06) a montré que c'était l'indolaldéhyde p,
que l'action ultérieure de KMnO* transforme en acide indolcarbonique ,3. Dans l'action
de FeCl-^ sur le tryptophane, il se forme de plus, avec dégagement de AzIF et de CO^,
une base C'-H"*Az-, en tablettes brillantes fondant à 238°, insoluble dans l'eau froide,
soluble dans l'eau bouillante, l'alcool et l'éther: sa solution aqueuse acide possède une
fluorescence bleue (F. G. Hopkins et S. W. Cole, 03). Sous l'action de l'ozone, le tryp-
tophane est attaqué profondément, avec destruction du noyau (C. Harries et K. Lan-
gueld, 07).
Chauffé au-dessus de son point de fusion, le tryptophane se décompose en donnant
entre autres, C0% du skatol et de l'indol. Fondu avec de la potasse caustique, il fournit
un sublimé de skatol pur, avec un rendement qui atteint 65 p. 100 de la théorie (F. G.
Hopkins et S. W. Cole, 03).
Sous l'action des bactéries de la putiéfaction, le tryptophane subit la dégradation
progressive dont nous avons maintes fois parlé, par transformation successive en
acide indolpropioniqye, acide indolacétique, skatol, acide ind(»lcarbonique, indol.
Rappelons que dans l'action des anaérobies, il se forme surtout de l'acide indolpropio-
nique, tandis que dans les cultures aérobies prédominent l'acide indolacélique et
l'indol. Tout ce que nous avons dit dans les paragraphes précédents nous dispense de
commentaires; rappelons seulement les expéiieuces directes de F. G. Hopkins et S. W.
Cole (03) sur la décomposition bactérienne du tryptophane pur.
En ce qui concerne la destinée du tryptophane dans l'organisme animal, les inter-
prétations ont été d'abord un peu hésitantes. Étant données les relations de paternité
du tryptophane avec l'indol, et la transformation de l'indol en indoxyle par l'organisme,
on pouvait penser que l'introduction du tryptophane dans l'organisme aboutirai! à une
excrétion urinaire d'indoxyle. Mais A. Ellinger et M. Gentzen [03], administrant à des
lapins et à un chien des doses de 0-'''',2 de tryptophane pur, en injection sous-cutanée
ou même par la bouche, n'ont pas vu apparaître l'indoxyle dans l'urine de ces animaux
qui avaient été préparés, par un régime approprié, pour ne pas excréter d'indoxyle
avant Texpérieuce. On aurait donc pu croire que le tryptophane n'était pas le généra-
teur de l'indoxyle. Mais, en portant directement] dans le [cfecum des animaux 05'",2 de
INDOL. 241
Iryptophanc on solution, les mômes autours pouvaiont lotiior .lo l'urine des lapins,
37,55 milligranimos et 20,1 milligrammes diudif,'oliuo, soit 34,1 p. 100 et 18,3 p. 100
du maximum Ihéoriiiue. I/introduction du tryi)lophane dans le gr^s intestin produit
donc de l'indoxylurie ; les apparentes contradictions de ces fails seront explicjuées
tout à l'heure.
Que devient donc le tryplopliano injecté sous la peiu ou iiitroduil par la bouche?
A. Ellinckk {04 b) a découvert qu'il était excrété dans l'urine sons l'orme d'acide
ki/nurénique G'^^U'AzO^, depuis longtemps trouvé dans l'urine du chien ([.iebi!;, o3), mais
dont on ignorait la provenance. L'acide kynurénique apparfiont à la série quinoléique,
et la synthèse de R. Camps {01) lui a attribué définitivement la constitution d'un avùU
•j-oxjf-'^i-quinoUnecarbonique. Nous retrouvons donc ici, dans l'organisme des animaux
supérieurs, cotte propriété si intéressante de passage du noyau indolique au noyau
quinolique par incorporat'ion au noyau d'un carbone latéral, phénomène dont nous
avons parlé déjà à propos du skatol, et dont nous avions vu l'inverse parmi les modes
de formation de l'indol. Le passage du tryptophane à l'acide kynurénique se fait évi-
demment par séparation d'ammoniaque, oxydation partielle, et inclusion d'un carbone
latéral dans le noyau :
AzH2
G I C _ OH
^CH^-CH-COOH /Y^c-COOH
CH
\^
Cil
AzH A/.
Tryptoplianc. Ac. kynurénique.
■Cette facilité de genèse du cycle pyridique à partir du cycle pyrrolique rend tout à fait
superflue l'idée de la préexistence du noyau pyridique dans les albuminoïdes, en même
temps qu'elle éclaire d'un jour tout nouveau la genèse des composés pyridiques et
quinoléiques si répandus chez les végétaux.
La revision de toutes les données antérieurement acquises sur l'acide kynurénique
a montré à A. Ellinger (04 b) qu'il n'y a aucune raison de chercher l'origine Je ce
corps ailleurs que dans le tryptophane, qui doit en être considéré comme la seule
source. Le chien n'est d'ailleurs pas le seul animal cliez lequel ait lieu cette transfor-
mation, après l'introduction du tryptophane sous la peau ou dans l'estomac: chez le
lapin la transformation est même plus complète encore. Car, même chez ces animaux,
on ne retrouve pas une quantité d'acide kynurénique correspondant à (oui le trypto-
phane ingéré (A. Elli.ngkr, 04 b) ; mais on ne saurait s'en étonner, car leur organisme
a précisément le pouvoir de détruire la majeure partie de l'acide kynurénique qu'on
leur administre tout formé (Hauser, 9o; Solomix, 97). Chez l'homme on ne peut trou-
ver de l'acide kynurénique dans l'urine, même après ingestion de 3 grammes de tryp-
tophane (A. Ellinger, 04 b), mais cela résulte aussi de ce que l'organisme humain a le
pouvoir de détruire l'acide kynurénique lui-même; d'après les recherches de Hauser
{9o) l'homme peut ingérer 4 grammes d'acide kynurénique sans qu'on n'en retrouve
dans l'urine. Il en est de même chez le chat, à qui ou ne peut l'aire produire d'acide
kynurénique même avec une alimentation carnée abondante, ou même par ingestion
de peptones commerciales riches en tryptophane : cela- provient de ce que le chat détruit
intégralement l'acide kynurénique qui lui est administré (J. \V. Bkvsch, 07). Chez le
chien, la production d'acide kynurénique est en relation avec le régime alimentaire:
la viande, le lait, le pain, en produisent des quantités décroissantes dans l'ordre d'énu-
mération ; les peptones du commerce en donnent une quantité considérable (J. W.
Brysch, 07).
On s'est demandé dans quel lieu de l'organisme se poursuivait la transformation
du tryptophane en acide kynurénique, et comme toujours on a songé en première
ligne au foie. E. Abdkriialden, E. S. London et L. Plngussoiiv {O'Jj ont étudié compara-
tivement des chiens normaux et des chiens dont le foie avait été retranclu'; de la circu-
lation par le procédé de la fistule d'Eck ; les animaux lîlaient alimentés soit de lait,
soit de pain et lait, et on leur faisait ingérer du tryptophane. Ces expériences ont
permis de reconnaître d'abord, dans l'élimination d'acide kynurénique, des dilîéreuces
DICT. DE PHYSIOLOniE — TOME IX. lO
2i2 INDOL.
individuelles notables, et de confirmer l'influence directe de l'ingestion du tryptophane.
Mais les animaux à fistule d'EcK produisent de l'acide kynurénique tout comme les
normaux ; le foie n'est certainement pas le seul lieu de formation de l'acide kynuré-
nique; peut-être même n'y prend-il aucune part.
Les données acquises soit par l'étude des origines de Tindoxyle, soit par celle des
destinées du tryptophane, nous permettent aujourd'hui de nous faire une idée nette de
l'évolution générale du groupe indolique dans l'économie des animaux supérieurs, et
de la signification de ces couleurs urinaires sur lesquelles les médecins ont tant
discuté et les chimistes tant travaillé.
Le tryptophane ingéré sous forme combinée dans les albuminoïdes suit une
destinée multiple, et pour la netteté de notre [exposé nous considérerons qu'il peut se
partager en trois fractions :
A. — Une portion du tryptophane est résorbée dans l'intérieur de l'économie sous
forme de tryptophane même. C'est le cas de ce corps injecté expérimentalement sous la
peau, ou encore introduit à l'état libre dans l'estomac et absorbé rapidement par la
muqueuse, soit dans l'estomac lui-même, soit dans les parties supérieures de l'intestin
où ne pullulent pas les bactéries. C'est aussi le cas du tryptophane précocement libéré
des albuminoïdes quand l'espèce albuminoïde, comme la caséine, par exemple, est
rapidement attaquée par les diastases pancréatiques ; ce tryptophane est rapidement
résorbé en nature par les portions supérieures de l'intestin. Une partie du tryptophane
résorbé en nature est évidemment utilisée pour la synthèse des protéiques du corps de
l'animal; mais si le tryptophane est résorbé en excès par rapport à ce qu'exige momen-
tanément cette synthèse, ou si le jeu continu de la désassimilation des tissus eu met
de nouveau en liberté, toute cette fraction du tryptophane est transformée, par l'orga-
nisme lui-même, en acide kynurénique. A son tour l'acide kynurénique apparaît ou non
dans l'urine, suivant que l'animal envisagé possède pour sa destruction une aptitude
faible (lapin, chien) ou forte (homme, chat).
B. — Une autre portion du tr3'ptophane, libéré plus ou moins tardivement des
albuminoïdes, par la digestion trypsique intestinale, se trouve dans un milieu envahi
de bactéries et n'est pas absorbé assez vite pour échapper à leur attaque. Nous avons
vu que cette attaque passe schématiquement par les stades acide indolpiopionique,
acide indolacétique, skatol, acide indolcarbonique, iiidol, cette dégradation pouvant
d'ailleurs subir, à certains de ces temps, une accélération suffisante pour sauter en
apparence certains stades. Considérons ici seulement la fraction qui est résorbée sous
forme de précurseurs de Vindol, c'est-à-dire l'acide indolacétique et le skatol surtout, avec
de l'acide indolcarbonique probablement, et peut-être aussi de l'acide indolpro-
pionique. Il est évident que cette fraction devrait être divisée, à son tour, en autant de
parts qu'elle comporte despèceschiiniques, et les recherches de l'avenir auront à en par-
faire Fétudeindividuelle. Mais nous savons dès aujourd'hui que ces précurseurs de l'iiidol
sont éliminés sous la forme d'uroroscinotjène ou chromogènes voisins, d'acide indol-
carbonique peut-être ou autres substances indolor/ênes. Ces constituants urinaires repré-
sentent la fraction du tryptophane qui a subi l'attaque bactérienne partielle.
C. — Enfin une troisième fraction subit à fond l'attaque complète par les bactéries
du tube digestif, et dépasse les stades intermédiaires pour être résorbée sous forme
d'indol. Nous savons que cette partie se transforme en indoxyle au moins pour une part
qui ne dépasse guère CO p. 100 environ, autant qu'on le sait par les ingestions expéri-
mentales d'indol (bien que pour certains auteurs, tels que Ch. Hervieux, la transfor-
mation en indoxyle puisse être complète). Le reste disparaît par une destruction plus
profonde de la molécule avec ouverture du noyau indolique. Laissons de côté cette
partie profondément détruite, à laquelle nous joindrons une petite partie du tryptophane
qui a pu, dès le tube digestif, subir le même sort. La forme d'élimination typique de la
fraction C est représentée par les chromogénes indoxyliques, l'acide indoxylsulfurique
normalement, et accessoirement l'acide indoxylglycuronique.
L'importance numérique de chacune de ces trois fractions est évidemment variable
avec la nature de l'alimentation et l'allure des réactions du tractus digestif. Elle dépend
d^une série de facteurs tels que : 1° la 'présence et la proportion du tryptophane dans
l'espèce albuminoïde ingérée ; 2° la séparabilité plus ou moins facile du tryptophane
INDOL. 243
au cours des processus digestifs, vaiiahle d'une espèce albuiniiioïile ;i l'autre; 3° la
longueur et la disposition des organes digestifs; 4" l'abondance, l'acidité ou l'alcalinité
des sucs digestifs, et l'inlluence qu'exercent ces fadeurs sur la flore bactérienne de
l'intestin; o" l'état de tonicité ou d'atonie des parois digestives et en général tout
ce qui, par l'intermédiaire de la motricité, inilue à la fois sur la vitesse de progression
des matières dans le tube digestif et sur la Qore intestinale; G" enfin les espèces
microbiennes elles-mêmes qui constituent cette flore et leur abondance respec-
tive.
Comme exemple du i" facteur nous citerons la gélatine : nous avons vu déjà
qu'elle ne fournit dindol, ni par fusion potassique, ni par putréfaction, et (ju'on n'y
peut déceler le tryptophane. Or, F. P. Undekhillk (04) a constaté directement ([u'en
nourrissant des chiens, d'abord avec de la viande, puis avec de la gélatine à quantité
dazote égale, on voit baisser fortement l'indoxyle de l'urine. Si 'par une alimenta-
tion pauvre en azote on a préalablement diminué la teneur de l'urine en indoxyle, on
peut administrer la gélalino en grande quantité sans observer d'ascension.
Comme exemple du '2" facteur, nous prendrons l'alimentation à la caséine, soit chez
le nourrisson, soit chez l'adulte en régime lacté. Séparé de la molécule dès les pre-
miers temps de la digestion trypsique, le tryptophane est résorbé de bonne heure,
avant de parvenir dans les portions éloignées de l'intestin, et sans avoir subi l'action
des bactéries : aussi l'excrétion urinaire de' l'indoxyle est-elle pratiquement nulle. Au
contraire elle appariait avec les albuminoïdes de la viande, de digestion plus lente et
plus propice au jeu des bactéries dans les portions basses de l'intestin.
Un exemple du 3" facteur nous est fourni par la Roussette {Pteropus médius),
chauve-souris frugivore des Indes qui a fait l'objet des études de E. Metciinikoff et de
ses collaborateurs [09], parce qu'elle ne possède ni cœcum ni gros intestin développé
et que les résidus alimentaires ne séjournent qu'un minimum de temps dans le tube
digestif. Nourri de bananes, cet animal, dont le tractus intestinal est extrêmement
pauvre en microbes, excrète une urine absolument exempte d'indoxyle ; les fèces ou le
contenu intestinal ne montrent aucune trace d'indol ni de skatol, mais seulement une
trace très minime d'un corps indologène fournissant de l'indol à la distallation (A. Ber-
THELOT, 00), Inversement, rappelons la richesse en indoxyle de l'urine des herbivores
(cheval, vache, etc.) où l'ampleur des réceptacles stomacaux et la longueur des anses
intestinales permettent des séjours prolongés du bol digestif en présence des bac-
téries.
L'influence du 4'' facteur est représentée par les troubles que peuvent apporter dans
les fermentations intestinales, et par conséquent dans le chiffre de l'indoxylurie, le
déficit de IIGI dans le suc gastrique, ou au contraire l'hyperchlorhydrie. Du même
groupe sont les variations de l'indoxyle par l'administration d'acides minéraux ou
organiques, de sucres, etc., capables d'agir sur la sécrétion pancréatique.
Le S'' facteur, le facteur mécanique, est l'un des plus évidents. Sans parler des
quantités énormes d'indoxyle qui passent dans l'urine dans les cas d'obstruction intesti-
nale, on connaît l'indoxylurie élevée des constipés ou simplement des gens dontlepéri-
staltisnie est un peu paresseux.
Enfin, en ce qui concerne le 6" facteur, les espèces bactériennes constituant la flore,
rappelons la relation entre l'Iiyperindo.xylurie et l'infection de l'intestin par des microbes
grands producteurs d'indol, comme le bacille du choléra ou le Bact. coli (gastroenlé-
rites, etc.). La modification de la flore, soit par concurrence des espèces microbiennes
(levures, bactéries lactiques), soit par le régime alimentaire influant sur les sécrétions
digestives et sur le péristallisme, est, comme on le sait, le plus sûr moyen de modifier les
putréfactions intestinales cl la production d'indoxyle. Les substances employées comme
antisepticjues intestinaux, sauf peut-être le calomel et l'iodure mercurique (en pilules
protégées contre le suc gastrique), sont au contraire à peu près dépourvues d'ac-
tion.
A ces différents facteurs et à d'autres du même genre qu'on pourrait préciser, il
convient d'ajouter la destruction définitive du noyau indolique par les phénomènes
oxydatifs de l'économie, destruction à laquelle est en butte une partie de l'indol lui-
même de la part du foie ou d'autres organes. On conçoit que l'état d'activité ou de
244 INDOL.
paresse, d'intégrité ou de lésion de ces organes, doit introduire encore une nouvelle
variable.
Lorsqu'on fera la pari de toutes ces influences dans chaque cas particulier, alors
disparaîtront d'elles-mêmes toules les obscurités, toutes les contradictions sans nombre
qu'ont accumulées sur ce chapitre les observations del'empirisme clinique. On concevra
clairement alors que les matières colorantes urinaires qui dérivent des débris du tryp-
lophane, sont en elles-mêmes quelque chose de parfaitement normal et ne sauraient
jamais avoir quoi que ce soit de pathognomonique. Seule la détermination quantitative
de ces débris, effectuée par des moyens corrects, peut fournir une indication qu'il fau-
dra critiquer à la lumière de tous les facteurs énumérés ci-dessus, avant d'en déduire
un diafinoslic sur l'état des fonctions intestinales.
D. Réactions de Tindolalanine ,^i. — Les réactions de coloration du tryptophane
sent de deux ordres, suivant qu'elles s'appliquent seulement au Iryptophane libéré de
toute combinaison, ou qu'elles se produisent encoie avec le tryptophane engagé dans
des complexes divers, tels que les albuminoïde^.
i° — Comme réaction réservée au tryptophane libre, et que ne donnent pas ses
combinaisons, nous indiquerons la coloration rouge-pourpre intense qui résulte de la
formation des dérivés halogènes quand on ajoute goutte à goutte de l'eau de chlore ou
de l'eau de brome de préférence. (Voir les détails aiix Propriétés de l'indolalanine.) \ja.
couleur n'est que peu soluble dans l'éther et le chloroforme; en revanche elle est faci-
lement extraite par l'alcool amylique et montre dans le spectre une bande d'absorp-
tion près de D (R. Hem a la, 8S).
Ni le tryptophane iodé, ni les peptoues tryptophaniqucs, ni les albuminoïdes, ne
donnent la réaction par Cl ou Br.
2° — Toute une série de réactions du tryptophane appartiennent à son noyau, et
sont fournies aussi, soit par ses composés commeungrand nombre d'albuminoïdes, soit
par certains de ses fragments comme le skatol et dans une certaine mesure l'indol.
Aussi allons-nous retrouver ici des réactions qui relient le tryptophane, au skatol d'une
part, aux albuminoïdes tryptophaniqucs d'autre paît.
L'une des réactions les plus anciennes et les plus typiques des albuminoïdes, de
beaucoup d'espèces du moins, est la réaction d'ADAiiKiEwicx. '74, 75] qui consiste à faire
agir sur l'albumine un mélange d'acide acétique cristallisable et de H-SO* concentré : on
obtient une coloration violette qui au spectroscope montre une bande d'absorption
entre D et F. F. G. Hoprins et S. W. Cole [01 a) ont mon'tré que celte réaction n'est
pas causée par l'acide acétique lui-même CIF.COOH, mais bien par Vacide glyoxijlique
CHO.COOH, produit d'oxydation que renferment très souvent les échantilons d'acide
acétique. Ils remplacent donc ce réactif par une solution d'acide glyoxyli(]ue obte-
nue en réduisant par un peu daniaUNime de sodium une solution saturée d'acide oxa-
lique COOH.COUIL Or c'est 1- tryptophane qui donne cette réaction (F. G. IIoi'kins et
S. W". Cole, 01 6), car cette substance à l'état libre la fournit typiquement, et les albu-
minoïdes à tryptophane donnent seules la réaction : la gélatine ne la fournit point. On
a essayé (Fr. Bardachzi, 06) de faire sur le produit coloré des mesures spectrophotouié-
triques dans l'espoir d'arriver à une évaluation quantitative du tryptophane contenu
dans les albumines, mais sans grand succès, à cause des giandes variations d'intensité
de la réaction suivant la façon dont on procède.
Identique en réalité à la précédente, est la réaction de Liebermann {S7), qui con-
siste à laver l'albumine sèche à l'alcool et à l'éther, soi-disant pour la dégraisser, puis
à la chauffer avec nci fumant ou additionné de 1/10 de volume de H-SO'. On a une
coloration violette avec bande d'absorption dont le maximum est entre E et b. Or
S. W. Cole [03] a montré que l'éther pur ne peut servira la'réaction, et qu'on ne l'obtient
qu'avec les échantillons d'éther qui contiennent de l'acide glyoxylique. Ici encore la
matière violette résuite de la condensation du tryptophane de l'albumine avec l'acide
glyoxylique; le tryptophane libre donne la réaction.
La condensation du tryptophane avec les aldéhydes est d'ailleurs un fait général.
On sait depuis longtemps qu'en chauffant beaucoup d'albuminoïdes avec HCI fort et un
peu de /"urfia-oi ou de saccharose (qui fournit du furfurolj on obtient une coloration
rouge-pourpre (H. MoLiscn, iSG, L. v. L'dransky, 8S a, 88 b). On peut même observer
INDOL. 245
une légère nvilion par simple chaufTage avec IKM fort lou H-SO^ à '60 p. 100) des
matières qui, comme le blanc d'œiiT, contiennent un sucre capable de fournir du fur-
furol. Or S. NV. Coi,k [OS] a montré précisémenl que cette léaction appailient au trypto-
phane et se retrouve chez les albiiniinoïdes tryploplianiqiios.
C'est également la présence du Iryptophano qui explique pourquoi C. Reichl (90)
obtenait sur l'albumine des réactions identiques à celles du skatol, en traitant l'albu-
mine par Il-SO*^ étendu ou HCl, en présence d'une goutte de solution alcoolique d'une
aldéhyde, et d'une goutte deKeCl'. Avec la benzakUhijde on a une coloration bleu foncé,
avec Valdchijdc salici/lique, Valdcliijde anisique, ou la vanillinc, une coloration violette.
S. W. CoLE [03] a constaté que ces réactions appartiennent au tryptophane.
D'une façon générale, toutes les aldéhydes aromatiques dont nous avons vu l'emploi
comme réactifs de l'indol donnent des colorations du même genre avec le tryptophane
et les albuminoïdes tryptophaniques : ainsi la p. diméthylaminobenzaldéhyde, la vanil-
lineetla p. nitrobenzaldéhyde (E. Rohde, 03 ). L'action d'une trace de nitrite sur ces colo-
rations a été étudiée par F. A. Stee.nsma [06 b) : la p. diméthylaminobenzaldéhijde donne
avec l'albumine une couleur rouge intense, qui passe au bleu intense par le nitrite; la
ra/u7//»e, une coloration rouge devenant l)leue par le nitrite; la p. nitrobenzaldéhyde,
une couleur verte qui passe au bleu par le nitrite.
{'aldcJnjde anisique donne avec le tryptophane ou l'albumine une belle coloration
rose-rhodamine présentant au spectrosco[)e une absorption large et un peu floue entre
X = 546 et À = 486 (J. Ville et E. Deruien, OS). La p. oxijbenziddéliijde donne avec le
tryptophane un rouge violacé d'abord, puis un beau violet; l'o-nitiobenzaldéhyde un vert
bleuté, puis nettement vert; YaldêJti/de salicylique un vert bleuté, trouble; le pipé-
ronal, un rouge un peu vineux: ValdvJujde cinnamique, un beau rouge; l'aldéhyde cumi-
lîique, pas de coloration (C. Fleig, 08 a;. Une série d'essais ont été faits avec des aldéhydes
acycliques (E. Granstrôm, OS), mais en présence de H^SO^, qui se prête moins bien que
HCl à l'obtention «le colorations pures.
Le inéthanal H.CHO ^^aldéhyde formique), même à l'étal de traces, donne avec les albu-
minoïdes, en présence de HCl assez concentré et contenant des traces d'acide nitreux»
une coloration qui varie du rose violacé faible au bleu violacé foncé suivant la proportion
de formol (E. Voise.net, Oo). Cette réaction réussit avec la sérumalbumine, la sérum-
globuline, la fibrine du sang, l'hémoglobine; la caséine, la lactalbumine, la lactoglobu-
line; la myosine du muscle, la nucléine du cerveau, la vitelline du jaune d'œuf, la
chondrine; la légumine, la conglutine, le gluten, la ricine. La gélatine et la kératine
ne la donnent pas. E. Voisenet l'attribue ù la présence du groupement skatolo-
gène dans la molécule album inoïde : c'est encore une aldéhydoréaction du trypto-
phane.
Inversement les condensations de ce genre peuvent être d'excellentes réactions de
certaines aldéhydes : d'après E. Voisenet {Oo), on peut ainsi reconnaître Tintroduction
de 1 dix-millionième de formol dans une solution albumineuse.
Depuis longtemps d'ailleurs E. Salkowski (SS) avait reconnu que plusieurs des
réactions colorées des albuminoïdes devaient appartenir à leur groupement skatologène.
Le tryptophane donne aussi la réaction xanthoprotéique : le chauflfage avec l'acide ni-
trique développe une coloration jaune qui passe à l'orangé par addition d'ammo-
niaque.
E. Composés peptidiques du tryptophane. — Les réactions de coloration que
nous venons d'étudier appartiennent en général au noyau cyclique de l'indolalanine,*
parmi les autres propriétés étudiées antérieurement, il en est au contraire qui appar-
tiennent au tryptophane en tant (ju'alanine substituée, en tant qu'aminoacide, c'est-à-
dire qui relèvent de sa fonction acide COOH ou de sa fonction basique A/.H-.
Nous avons réservé pour les décrire à part un groupe extrêmement nombreux et
important de dérivés, une série indéfinie de corps où le tryptophane fonctionne encore
comme un acide aminé quelconque, s'enchaînant à d'autres molécules d'aminoacides
par un ]»roce?sus de déshydratation, [)our donner des peplides synthétiques à trypto-
phane, ou des albuminoïdes tryptophaniques naturels.
Les procédés habituels pour la synthèse des peptides s'appliquent au tryptophane.
Par exemple, le l-tryptophane en solution alcaline se combine directement avec le
246 INDOL.
bromure de a.-bromo-1-isocapronyle pourj donner le oibromo-l-isocapronyl-l-tryptophane :
BrCH.CO — Br. + H — AzH. CH. COOH = HI3i- + Bi- — CH — CO — AzH. CH. COOH
I I II
CH2 CH2 CH2 CH2
I I II
CH C = CH CH C = CH
CH3 CH^ I / CH3 CH3 I /'^'-"
Bromure de a-bromo- / \ / \
d-isocapronyle. \ / \ /
Tryptopliaue. a-liromo-d-isocapronyl-l-tryptophauc.
Il suffit ensuite de laisser st'journer ce dernier corps dans l'ammoniaque pendant
2-3 jours à 36" : Br est remplacé par AzH-, et l'on obtient le dipeptide, le l-leucyl-
l-tryptophane. Par cette méthode, E. Abdeuhalden et M. Kkmpe (07 b) ont préparé le gly-
cyl-l-tryptophane, le d-alanyl-l-tryptophane, le l-leucyl-l-tryptophane, le l-lencyl-glycyl-
l-tryptophane.Ue plus, en faisant agir sur le glycinate d'éthyle le chlorure de l-tryptophyle
préparé par action du chlorure de thiouyie sur le tryptophane), ils ont préparé la
l-tryplophyl-glycine. Tous ces peptides sont des corps bien définis et cristallisés. Leur
solution aqueuse acidulée de H-SO^ précipite par l'acide phosphotungslique; ils ne
précipitent pas par (Az W')- SO^à saturation. Seul, le tripeplide leucylglycyltryptophane
donne la réaction du biuret. Aucun de ces corapost's ne donne la réaction Iryptophanique
par Cl ou Br.
Poursuivant ces travaux, E. Aiu)Ehiiali)KN et L. Baima.n.n (0<S b) ont préparé le iodacétyl-
I-tryptophane, le a- iodo d-I-propionyl-l-tryptophane, le ct-iodio-d-l-propionyl-l-tryptophanale
de mcthyle, le d-l-alanyl-l-tryptophanaufiydride, et le iodacétyl-glycyl-l-tryplophane.
Le d-leucyl-l-tryptophane a été obtenu (H. Fischer, 09) en combinant le tryptophane
avec le chlorure de t-bromo-l-isocapronyle, et traitant par l'ammoniaque.
Il existe des polypeplides tryptophaniques naturels. Des produits de l'hydrolyse par-
tielle de l'édesline des graines de coton, E. Audeiuialde.n ^0.9 a) a pu isoler un corps dédou-
blable en deux molécules d'aniinoacides (tryptophane + acide glulamique), et un autre
corps dont l'hydrolyse totale fournit trois acides : tryptophane, Iciicine, acide glutamique.
Dans le but de reproduire synthétiquernent des peptides semblables, E. Abderhaldex
[09 b) a combiné le chlorure de tryptophyle avec l'ester diéthylique de l'acide gluta-
mique, ce qui fournit Vacide l-tryptophyl-d-glutamique. En traitant ce dipeptide par
le chlorure de a-bromo-d-isocapronyle, puis par AzH*. on obtient le tripeplide, acide
l-leucyl-l-lryptophyl-d-ghUamique. Le dipeptide et le tripeptide synthétiques présentent
certaines propriétés des peptides de l'édestine, mais en diffèrent par quelques autres
caractères, ce qui donne à penser qu'ils sont peut-être seulement des isomères de ces
peptides tryptophaniques naturels.
La série des peptides tryptophaniques dont on peut concevoir la synthèse, ou qu'on
peut s'attendre à rencontrer dans les produits d'hydrolyse ménagée des|albuminoïdes
naturels, est bien entendu illimitée. C'est à cette série qu'il faudrait joindre toutes les
matières protéiques renfermant le tryptophane dans leur molécule.
F. Composés de constitution incertaine. — Oxy tryptophane. — Dans la préparation
du tryptophane de caséine, E. Abderhalden et M. Kempe (07 a) ont obtenu un produit acces-
soire, encore plus difficilement soluble dans l'eau que le tryptophane, cristallisant en
aiguilles de composition C" H'^ Az^ 0^, F. 2«3" corr. Chauffée cette substance dégage
une forte odeur d'indol ou de skatol ; elle ne donne pas la réaction tryptophanique à
l'eau de brome. Il s'agit vraisemblablement d'un oxy tryptophane.
Skatosine. — On a signalé, dans les produits d'autodigestion du pancréas, une base de
constitution encore inconnue, qui serait en relation plus ou moins directe avec le
groupe de l'indol : la skatosine de F. Baum (05).
Le pancréas du bœuf est débarrassé autant que possible des tissus voisins, finement
haché, additionné de 2 fois son poids d'eau légèrement alcalinisée par Na^CO', et aban-
donné à l'antodigestion en présence d'une forte quantité de toluène. Après 3 jours on
passe sur toile pour enlever les résidus iuattaqués, on met le liquide en flacons fermés
et on l'abandonne à 30° pendant 5-6 semaines encore. On concentre fortement
au bain-marie, ajoute à chaud une grande quantité [d'alcool, et recueille la partie
INDOL. 247
liquide après claiiilc.ation ; on concontre de nouveau, précipite enrore par l'alcool,
puis chasse l'alcool du dernier lillrat.
La solution aqueuse, IraiU'O par le chlorure de benzoyle en présence de NaOH,
laisse précipiter un dérivé benzoyle, tiui, recristallisé dans l'alcool, so présente en
aiguilles incolores K. 109". Formule' du benzoyle : C^^IPAz^O'', ou C'"li'-Âz*0- (C'II-O)*,
ce qui assigne à la base libre la formule C'^H'^Az^O-. La base libre précipite par l'acide
phosphotungstique et donne par l'eau de brome un précipité jaune. Fondu avec KOH
le corps dégage une forte odeur skatolique, d'oii son nom de skatosine.
|{. E. SwAiN {Ci) a repris l'étude de la skatosine, modifié un peu son extraction,
séparé cette base du tryptophane par précipitation mercurique de celui-ci, confirmé la
formule C'"ll'"^Az-()-, et constaté que la base donne un chlorhydrate à 3 IICl,bien(|ue ne
possédantque2alomes d'azote. Elle doit renfermer 2 groupes Azll-et2group<-s 011 (dérivé
tétrabenzoylé) : le skatol qu'elle fournit doit provenir, non d'une scission simple, mais
d'une modification assez profonde, étant donnée la quantité d'hydrogène de la molécule.
Peut-être faut-il identifier à la skatosine de F. Baum une substance trouvée par
L. Lanc.stein [02) dans les produits de digestion pancréatique avancéi; des albumines
du sérum de cheval. Cetle base précipite par le chlorure mercurique et par l'acide phos-
pholungstique, mais non par l'acide picrique ni par l'iodomercurato de K. Fondue avec
KOll elle dégage une intense odeur de skatol. Elle fournit un dérivé benzoyle qui fond
à 169O-170", comme la tétrabenzoylskatosine de F. Baum.
lodothyrine. — Il se peut qu'on doive considérer Viodotktjrinc du corps thyroïde
comme un dérivé du tryptophane. Cette substance ne donne pas de réaction avec la p.
diméthylaminobenzaldéhyde, contrairement aux composés du tryptophane; mais quand
on a détaché l'iode par chaulTage avec de l'eau sous pression, on obtient la réaction
avec coloration bleue (A. Nlr.nbeik;, 07). Il est probable que Tiode était fixé précisément
sur le tryptophane, et s'opposait ainsi à la réaction; on sait en effet que les albumines
iodées (Blum) et le tryptophane iodé (Rodhe, OU) ne peuvent plus la présenter.
Mélanines, hématoporphijrine, épinéphrine, etc. — Nous avons déjà signalé la formation
du skatol et de l'indol par la fusion potassique des mélanines de l'œil (E. Hirschkeld, Si) ;
H. Landolt, 99), de la peau et des cheveux (J. Abel et Davis, 96; W. Jones et Aueh, 0/),du
sarcome mélanique (J. Berdez et M. Nexcki, H6), ou de Vkématoporphi/rinc du sang
(M.Nencki, 95). Onsaitquela constitution deces corpsaétéorientéeplutùtvers latyrosine
en ce qui concerne les mélanines, vers l'hémopyrrol en ce qui concerne l'héinaloporphy-
rine : ces substances ne seraient donc probablement pas des dérivés indoliques directs.
Mais ce que nous avons dit de la naissance du noyau indolique aux dépens d'auti-es
molécules possédant les éléments nécessaires, suffirait à expliquer la formation du ska-
tol et de l'indol dans la fusion potassique des mélanines, de l'hématoporphyrine, etc.
Il est facile, en effet, de constater que la tyrosine possède tous les éléments néces-
saires à la structure de l'indol :
1^1 CH2 /\ Cil
HoM GH-COOH *>^^ ' ' CH
AzH-
Tyrosine. Indol.
Il en est de même de l'hémopyrrol, quelle que soit d'ailleurs la constitution exacte
de ce deruier, qu'il soit un méthylpropylpyrrol, ou un diinéthyléthylpyrrol comme le
pensent 0. Piloty et E. Qluma.nn 09 i.
CH-^
H3C (3 CH C
Il II ^^\
HJC C C ne C en
/\ /
rii! AzH
I II l
ne c en
^/ \/
c AzH
H
Ilcmopyrrol. Imlo]
248 INDOL.
C'est sans Joule pour une raison du même genre que, dès les premières études qui
ont mis en évidence l'individualité de la substance active de la surrénale, Y épinéphrine
(ou adrénaline), on a constaté le dégagement de skatol par fusion potassique de cette
substance (J. Abei., 99). La constitution, aujourd'hui connue, de l'adrénaline, rend très
compréhensible la formation du cycle indolique :
110,^- — en. OH /\ p„
I I I —
Hol/ CH2 "^^ I I Jl
AzH.CHs AzI!
l'|)iiu''phrine. InJol.
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE
Le présent Index bibliographique comprend, sauf omission fortuite, tous les travaux
qui peuvent avoir un intérêt quelconque, même très limité, pour la physiologie du
groupe de l'indol, jusqu'à la fin de 1909. Par contre, ont été éliminées diverses publi-
cations d'auteurs notoirement incompétents, dont linllueiice sur le progrès de nos
connaissances n'a pu être que nulle ou négative.
Chacun des travaux cités est précédé, après le nom de l'auteur, d'une notation com-
posée en général de deuxchilfreset d'une lettre. Les deux chiffres indiquent l'année de la
publication, depuis 1811 jusqu'à 1910; les lettres servent à distinguer les publications
successives du même auteur dans la même année. Par exemple, Abderhalde.n E. 03 c,
désigne la 3' publication (*;) de cet auteur, en 1903, sur le sujet qui nous occupe.
Abderhaluen E. os a : Hydrolyse des kri/stallisirleii O.ryliaemoi/lobins aus Pferdeblut.
iZ. physiol. Gh., 37, 484). — 03 b : Hydrolyse des krystallisirten Serumalbicmins aus
Pferdeblut. {Z. physiol. Ch., 31, 495). — 03 c : Hydrolyse des Edcslins. (Z. physiol. Ch., 37,
499). — 09 a : Partielle Hydrolyse cinigcr Protéine. (Z. physiol. Ch., o8, 373). — 09 b :
Weiterer Beitrag zur Kemitniss von l-Tryptophan enthaltcnden Polypeptidcn. III. {Ber. d.
d.chem. Gec-., ^i2, 2331). — Ar.DEuuALDE.x E. et Baumann L. OS a : Notizen îiber l-Trypto-
phan. [Z. physiol. Ch., oo, 412). — OS b : Weiterer Beitrafi zur Kenntnii^s von l-Trypto-
phan enthaltcnden Polypeptidcn. {Bcr. d. d. chem. Ges., il, 2857). — Abdeuhalden E. et
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iZ. physiol. Oh.fifi, 159). — Aijderiialden E. et Uostoski 0. Oo : Die Monoandnosauren
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Ausscheidnng des Indicans unter physiologischen and pathologischen Verhàltnissen. {CentrbL
med. Wiss., /O, 481,.497i. — 7o: Ueber Entstehung des Indigos im Thierkôrpcr. {Centrbl,
med. Wiss., 13, 6")7,i. — 77; Ueber die Ausscheidnng des Indicans unter physiologischen
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262 INDOL.
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INDOL. 203
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schcnharn. {Ber. d. d. chem. Ges., 9, 1595). — 76 f: Ueber das Vorkommcn phenolbildenden
Substanz im Harn bei Heus. {Centrbl. med. Wiss., 1876, 818.) — 77 ; Ueber die Entstehung
des Phénols im Thierkôrper. {Ber. d. d. chem. Ges., 10, 842). — 78 : Ueber die Zusaminen-
setzimg des Eisenniederschlages aus menschlichem Harn. {Arch. f. ges. Physiol., 16, 306). —
79 : Zur Kenntniss der Pankreasverdauung . (Z. physiol. Ch., 2, 420). — 85 : Ucber das
INDOL. 267
VorltnUen dor Skntokarhonmurc im Orçjduisiiui^. (Z. physiol. Ch., 9, 23). — 87 : IJehcrdas
Cholcraroth uiul das Ztishindcliomtnt'n der Cholerareaction. [Arch. f. pnthol. Anat.,
410, 366). — 88 : Uebcr die Farbcnrcactionen des Eiwcias.) Z. physiol. Ch., 12, 215).
— 89: [Bemcrkung zu Rosenbach]. {Berl. Min. Woch., 1889, n° \(y;Jahrcsb. Thierch., 19,
4">8). — 99 : Veber die Bihlumj von Skatolcssigsaùre bel dcr Eitceissf'aiilniss. (Z. phi/siol.
Ch., 27, 302). — Oi : Znr Kcnniniss drs Harns und dos Stoffwcchsels dcr Jlerbivorcn. Vor-
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tischen Oxysaûren unter dcn Faûlnissprodiiklen des Eiioeiss. 2 .• Ueber eine skalolbildende
Siihstanz. (Ber. d. d. chon. Gfs., 13, 189'. ^ 80 h : Veber die skalolbildende Substanz. {Ber.
d. d. chem. Ges., 13, 2217). — 84 : Zur Kenntniss der Eiiceissfaiilniss. 1 : Ueber die Bildung
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eine neue Méthode der quantitativen Pepsinbestimmung nebst Bemerkungen ûber die Trypto-
phanreaktion und das Plastein bildende Ferment. Erwiderung auf die Bemerkungen Glaess-
ncr's zu meinem obigen Aufsatze. [Miinchen. med. Woch., 190i, 157; Bioch. Centrbl., 2,
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Wherry w. b. 05 : A search into the nitrate and nitritc content of Witte's peptone
INDOL — INOSITE. 271
with spécial rcfcirticc to its in/lidncf un tlw (lemonslialion of lltc indol and choiera rc<l
roaclion'i. {.Joiirn. of Infections Diseaseï^, 2, t\° 3; liioch. Ccnlrhl., i, 477). — Widma.n.n 0.
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L. C. MAILLARD.
INEE. — V. Strophantine.
INHIBITION. - V. Nerveux, Syst.
I NOCARPI N E. — Matière colorante rouge extraite d'un arbre de Taïti {ino-
carpus edulisj, dont on incise l'écorce. Le suc incolore rougit à l'air. A côté de l'inocar-
pine, CuzENT (Journ.dc pharm., xxxv, 241) a trouvé une matière colorante jaune, la xan-
thocarpine.
INOSIQUE ^Acide). — V. Muscles.
INOSITE (G^H'-O^). — L'inosite est un hydrate de carbone, qui, par sa formule
de constitution, se rattache au cyclohexane C^H'-. C'est un alcool polyatomique à chaîne
fermée. Comme la théorie le faisait prévoir, il existe quatre inosites, droite, gauche,
inactive et racémique (voyez Sucres).
L'inosite inactive est la seule qui se trouve dans les tissus et organismes vivants. Elle
a été découverte en 1850 par Si:iieiier dans les eaux mères barytiques d'une [tré|)aration
de créatine avec les tissus musculaires. On la retrouve non seulement tlans les mus-
cles, mais encore, quoique en moindres proportions, dans le poumon, le foie, la rate, le
cerveau. Cloetta a constaté sa présence dans certains cas d'albuminurie, alors qu'il
n'en put trouver dans l'urine normale (1856). Gallois (1863) la signalée dans l'urine de
certains diabétiques. On la rencontre fréquemment dans les tissus végétaux, haricots
(VoiiL, 1858), pois verts, lentilles, choux, champignons (Marmé, 1864), moût de raisin
(Hilcer), feuilles de frêne, feuilles de noyer (Tanret et Villiers).
Pour la préparer avec l'extrait aqueux musculaire, on précipite à froid l'extrait par
l'acétate neutre de plomb. Le filtrat est de nouveau traité à l'ébullilion par de l'arétalc
basique de plomb; il se dépose au bout de quelques heures un précipité cristallin «jui
est repris par l'eau et II-S. Le filtrat concentré est traité par l'alcool éthéré qui précipite
l'inosite, en cristaux. Après une ou deux purifications par cristallisation, on obtient
l'inosite pure.
272 INOSITE.
Maouenne a pu extraire 440 grammes d'inosile de loO kiloi.'rammes de feuilles sèches
de noyer, soit 0,29 p. 100, par un procédé très voisin du pn-côdeiit.
L'inosite ne réduit pas la liqueur de Fehlinc. Elle ne pn'-cipite pas par la phénylhy-
drazine. Elle a une saveur sucrée, et ne donne pas, par fermentation, de l'alcool, mais
de l'acide lactique et de l'acide butyrique. Elle est soluble à iO" dans six parties d'eau,
insoluble dans le chloroforme et l'alcool, assez soluble dans l'acide acétique bouillant
d'où elle cristallise bien. Sa chaleur de combustion est de 060 cal. o : sa chaleur de for-
mation de 313.3.
ScHEREH a trouvé la réaction suivante. On ajoute sur un verre de montre une goutte
d'acide nitrique à l'inosite, on évapore à sec. Par l'addition d'ammoniaque et de CaCl-,
il se produit une belle coloration rouge (rhodizunale de talcium). La réaction est plus
nette quand on évapore deux ou trois fois de suite en présence d'un e.xcès d'acide azo-
tique, et quand on remplace le chlorure de calcium par l'acétate de strontium. Gallois,
en chaufiant l'inosite avec un peu d'azotate mercurique, obtient un précipité jaune
qui devient rouge par la chaleur et se décolore par refroidissement. Mais ce procédé
paraît moins sensible que le procédé de Schereh.
Cloetta a vu que, dans certains cas d'alltuminurie et de glycosurie, il y a de l'inosite,
en très petite (piantité, dans Turine. Le fait a été confirmé pai' divers auteurs et en
particulier par Gallois qui en a faituneétude très attentive. Sur 102 urines pathologiques
examinées par lui, il n'a trouvé que 7 fois de l'inosite, et toujours i'inosurie coïncidait
avec la présence de glycose ou d'albumine. Cependant Von a constaté quun malade
diabétique, n'éliminant plus de glycose, continuait ù s'ailaiblir ; car il continuait i"i l'iimi-
ner de l'inosite par lurine.
Gallois a recherché si la piqûre du (|uatriéme ventricule, qui amène le diabète,
n'amènerait pas aussi I'inosurie. Sur trois lapins, rendus <liabéli<]ues, il n'a observé
qu'une fois I'inosurie. D'autre part, Kllz, produisant h' diabrte rhez les lapins par
l'injection en grande quantité d'une solution diluée de chlorui»^ de sodium, a vu sur-
venir de I'inosurie. KOlz a montré aussi, dans un autie travail, que l'ingestion d'inosite
augmentait la quantité de glycogène du foie.
L'origine de l'inosite animale est inconnue. Est-ce l'inosite végétale ingérée qui
s'accumule dans les tissus des animaux? Cela paraît assez peu vraisemblable.il est plus
rationnel d'admettre que les celliib's animales peuvent fabri(juer de l'inosite, tout comme
les cellules végétales.
D'ailleurs l'action des zyniases sur l'inosite est peu éludii'e encore : ce qui empêche
de faire des recherches à ce sujet, c'est la ditliculté de se procurer des quantités suffi-
santes d'inosite.
On peut penser aussi que dans les nombreux cas d(> diabète, si I'inosurie n'a pas été
constatée, c'est que la recherche chimique est assez laborieuse et difficile pour n'être
que rarement tentée.
A côté de finosite, il y a des sucres cycliques, voisins : la jiirilte (niélhyl. inosite),
trouvée par Bertuelot dans le Pinus lambertiana (C"H*'*0*'j, la quibrachite (métliylinosite),
extraite par Tanret de l'écorce du quebiacho ; la dambonite, extraite par A. liiRAitD des
lianes à caoutchouc du Gabon (diniythélinosite). Quant à la scylUte (C^H'^O**,, elle est
mal connue encore. On l'extrait des reins et du foie de la raie ou des squales, parles
mêmes procédés qui donnent de l'inosite. Mais elle ne donne pas la réaction de Scherer.
Bibliographie. — Lane. Sac/iweisunij des I. [Zcilchr, f. rat. Med., 1861, 100-102). —
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INSECTES. 273
INSECTES. — SOMMAIRE. — I. Généralités, caractères zoologiques, classifica-
tion. — H. Fonctions tégumentaires : — 1" li'Ur protecteur, 2" Mues, "6" Pirjmenldlion. —
4° Fonctions (tivcrsts des téi/unients. — III. Innervation. — 1° Notions f/éiu'rales sur l'ana-
tomie et la physiologie du système nerveux des insrcles. — 2° Cerveau. — 3" Clutine gan-
glionnaire ventrale. — a) Localisation de la sensibilité et de la motricité. — b) Relations
des i^anglions de la chaîne vc-ntrale entre eux. — c) Ganglion snus-œsopliagicn. — cl) Ganglions
thoraciques. — e) Ganglions ahdoniin.tux. — f] Transmission par les conncctifs. — g) Trans-
mission par les commissures. — 4° Si/slihne nerveux viscéral. — 5° Propagation de l'influx
nerveux. — 6" Action des poisons. — 111". Fondions mentales [seulement ù l'Index bibliogra-
phique]- — III''. Comportement [liehaviour), tropismes [seulement à l'Index bibliogra/thif/ue]. —
IV. Sens. — A) Sensations en okxkual [seulement à l'Index bibliograpltir/ue]. — |{) Étldk des
SENS. — 1* Tact. — 2" Audition et sismesthésie. — 3" Sens stalique el Orientation. — 4" Goût. —
5° Odorat. — 6" Vision. — A) Vision avec les yeux composés. — a) Dioptrique, formation des
images. — b) Fonctions rétiniennes. — c) Acuité visuelle, perception des formes. — d) Accom-
modation. — e) Perception des mouvements. — /') Perception des couleurs. — g) Limites
spectrales de la vision. — B) Vision avec les ocelles. — V. Contractilité, mouvement. — 1° Con-
tractilité musculaire. — 2° Force muscidaire. — 'i" Locomotion. — a) Luc. terrestre. — b) Loc.
aquatique. — c) Vol. — l» Autolomie. — VI. Production des sons. — VII. Production de
lumière. — VIII. Digestion et absorption intestinale. — 1° hitest'in antérieur. —
2° Intestin moyen. — a) Sécrétion, terments. — b) Absorption. — 3" Intestin postérieur. —
4° Fonctions d'arrêt et moyens de défense de l'intestin . — îi" Processus digestifs adaptés à
divers régitnes alimentaires. — IX. Circulation. — 1" Physiologie de l'appareil circulatoire.
— 2° Saug. — 3° Phagocytose, fonctions dirc-tasiques dii saîig. — X. Respiration. — 1" Mouve-
ments respiratoires. — 2" Phénomènes du/niques de ta respiration. — 3" Résistance à l'as-
phyxie. — i" Respiration des Insectes aquatiques. — XI. Chaleur animale. — XII. Nutri-
tion proprement dite. Réserves. Assimilation. — XIII. Désassimilation et excrétion. —
XIV. Sécrétions spéciales. — 1° Cire et laque. —2" Soie. — 3" Venins, sécrétions répulsives et
attractives. — XV. Reproduction. — XVI. Régénération. — XVII. Physiologie des
métamorphoses. — Index bibliographique.
I. — GÉNÉRALITÉS. CARACTÈRES ZOOLOGIQUES. CLASSIFICATION
La classe des Insectes ou Hexapodes forme avec celles des Crustacés, des Arachnides,
des Myriapodes et des Onychophores l'embranchement des Arthropodes.
Le corps des Insectes (fig. 1, 4) est formé de trois régions distinctes; Xditête, le thorax
et Vabdomen. La tête, différenciée pour les fonctions sensorielles et la préhension des
aliments, porte une seule paire d'antennes, des yeux, et trois paires de pièces buccales
(fig. 2) [mandibules, mâchoires, lèvre inférieure, cette dernière résultant de la fusion plus ou
moins complète de pièces représentant une deuxième paire de mâchoires]. Le tliorax,
adapté à la locomotion, est divisé en trois segments : prothorax, mésothorax et méta-
thorax, chacun d'eu.\ portant une paire de pattes articulées, et les deux derniers géné-
ralement une paire d'ailes. L'abdomen est formé, au plus, de onze segments no portant
pas d'appendices locomoteurs; il loge tous les principaux viscères.
La respiration est presque toujours aérienne et trachéenne.
On peut subdiviser la classe des Insectes de la façon suivante :
Sous-Classe I. — Apterygota.
E.V(Mn[iles.
Ordre I. Protura Acerentomon.
— II. Thysanura Lepisma, Campodea.
— III. Collembola Podura, Smynthurus.
Sous-Classe II. — Pterygota.
^ , TT /-v i. . i Cursoria. . . . Forficuia, Blatta, Mantis, riiasma.
Ordre IV. Orthoptera J Saltatoria . . . Acridium, Locusta, Gryllus.
Mallophaga. . . Trichodectes.
Corrodentia . . Termes, Psocus.
,. -, , Amphibiotica. . Perla, Kphemera, Cliloeon.
V. Neuroptera ^ Odoaata. . . . Libellula, Acschna, Agrion.
Planipennia . . Sialis, Panorp;i, M.vrmcleo, Heinerobius.
Trichoptera . . Phryganea.
VI. Thysanoptera (Physopoda) Thrips.
i Trimera .... Coccinella.
Telramera. . . Ceramby.K, Ghrysoinda. llliynchites,
Druchus. Scolytus.
Heteromera.. . Tcnebrio, Canlliaris, Mcloe.
DICT. DE PHYSIOLOGIE. — T. IX.
18
'274 INSECTES.
• lv\cnil>lc!».
/ Pentameia. . . Carabus, Ciciiidela, — Dyliscus, —
Orilre VII. Coleoptera Hydio).liih.s, - Silplia, Staph.vlinus,
I Deniiestes, — Elatcr, Biipreslis, —
\ Melolonllia, Scarabœus, Lucanus.
— VllL Strepsiplcra Stylops.
/ Heteroptern. . . Pcntatoma, Coreus, Lygseus, Tingis,
1 Acanthia, Rcduvius, Hydrometra,
— IX. Hemiptera (RhynchotaV „ Notonecla Nepa^
1 Hoiiioiitera. . . Cicada, — Aphis, rhylloxcra, Coccus,
1 Kermès, Aspidiolus, P.sylla.
\ Anoplura. . . . Pediculus.
iTerebrantia. . . Sircx^Teuthi-edo, — Cynips, — Glialcis,
Plalygasici", — Bracon, Ichueiiiuon.
Aculeata. , . . Chry.sis, Apis, Boiiibus, Vespa, Sphex,
Scolia, Formica.
( Rbopalocera. . Papiiio, Piei-is, Vanessa, Satyrus.
— XI. Lepidoptera | Heteroccra. . . Boml)yx, Sutiirnia, Noclua, Agrolis,
' Gaileria, Tinea, Tortrix.
INcmocera . . . Culcx, Tipula, Cecidomyia, Simulia.
Brachycera. . . Tabanus, Asilus, Stratiomys, Syrpha,
Musca, Œstrus.
, Piipipara. . . . Ilippobosca.
— XIII. Aphaiiiptcra Pulex.
II. — FONCTIONS TÉGUMENTAIRES
i" Protection. — Les ti'guments des Insectes sont formés d'iin épithélium assez
improprement dénommé hi/poderme, recouvert à l'exlérieui' d'une couche de chitine
lamelleuse. Le revêtement chitineux joue à la fois un rôle de protection et de soutien.
S'épaississant souvent de façon à former des cuirasses rigides (Coléoptères, etc.), il
reste néanmoins toujours souple et mince au niveau des lignes articulaires qui séparent
les différontes pièces épaissies de l'exosquelette. A l'intérieur il envoie des replis ou des
prolongements (apodèmes, endosquelette), qui s'enfoncent plus ou moins dans les
parties molles et qui donnent insertion aux muscles.
Cette couche protectrice, même lorsqu'elle est très mince, oppose une résistance très
grande aux liquides les plus pénétrants, et des larves de Mouches peuvent rester
vivantes pendant plusieurs heures dans l'alcool absolu ou le pétrole pur.
Les téguments sont souvent garnis de poils ou d'écaillés (poils modifiés), qui consti-
tuent un revêtement défensif ou jouent un simple rôle protecteur contre les inlluences
du milieu extérieur. Pour les Thysanoures et les Gollemboles, les écailles qui recou-
vrent le corps ne se rencontrent que chez les espèces exposées à la sécheresse, et elles
paraissent jouer un rôle pour ralentir Tévaporation cutanée.
2» Mue ou ecdysis. — Les téguments des Insectes sont soumis à des mues cuticu-
laires, qui sont en rapport avec la croissance et les métamorphoses. Les Insectes par-
venus à l'état parfait, ne grandissant plus et ne subissant plus de modifications morpho-
logiques, n'ont plus à subir de mues.
Le nombre des mues est rarement inférieur à quatre. Chez de nombreuses chenilles,
et notamment chez le Ver à soie, il y a quatre mues pendant la période larvaire active.
Une cinquième mue a lieu au moment où la larve renfermée dans son cocon se trans-
forme en nymphe ou chrysalide et une sixième fait passer la chysalide à l'étal de
Papillon. De l'éclosion au tissage du cocon, les quatre premières mues séparent les
cinq âges successifs du Ver à soie.
Pendant la période qui précède la mue (« sommeil » des Vers à soie), l'Insecte cesse
habituellement de manger et reste quelque temps immobile. La couche chitineuse
devenue inextensible tend alors à se séparer de l'hypoderme sous-jacent, dont les élé-
ments se sont multipliés, et qui se plisse, tout en sécrétant une nouvelle cuticule. Entre
l'ancien et le nouveau revêtement culiculaire une certaine quantité de liquide s'accu-
mule; d'après Verson (18(10-1902) et Tower (1902), ce liquide n'est pas un simple pro-
duit d'exsudation de l'hypoderme, mais est sécrété par des glandes spéciales dites
glandes exuviales, ou glandes de la mue, qui, chez le Ver à soie, sont au nombre de
quinze paires, rangées métamériquement sur les côtés du corps.
INSECTES. 27.;;
D'après Pantel, qui a éludié lu larve duThrixion,il se produit, au moment delà m.ue,
un clivage de la cuticule, résultant du transport de l'activité cliitinogène à une cei tai.ne
profondeur, ce (jui délimite une zone protoplasmatique intercalaire enclavée entre
deux feuillets cliitineux; cette zone ensuite se modifie et subit une liquéfaction.
Au moyen de contractions musculaires, l'animal détermine la rupture de la vieille
cuticule qui se dessèche en un point de moindre résistance (nuque chez les chenilles,
ligne médiane et dorsale du thorax chez les chrysalides), et il se dégage de son ancienne
enveloppe ou exwle. De façon à déterminer une pression plus efficace, l'Insecte peut
remplir entièrement d'air son jabot (F.ibellule, d'après Jousset de Bellesme; Acridierj^*^
d'après KiNCKEi, d'IlERCUL.vis}. D'autres curieux mécanismes, destinés à déterminer )a
rupture de la vieille cuticule, ont été aussi signalés [ampoule céphalique des Muscides
FiG. 1. — Coupe longitudinale théorique d'un Insecte.
A, Tète; a, antenne; au, œil; cl, clypeus; l, lèvre supérieure; K,, mandibule; K-, mâchoire; A'*, lèvre
inférieure ; t, palpes.
Bi, B2, B3, Prothorax, Mésothorax et Mbtathorax; b', ?j*, b^, pattes antérieure, intermédiaire et posté-
rieure; f, cuisse ou fémur; /(, hanche; tr, trochanter; aa, aile antérieure; ab, aile postérieure.
C, Abdomen; I-IO, segments abdominaux. ;
Tube digestif : ph, pharynx; œ, œsophage; i(j, jabot; chl, ventricule chylifiquo ; (, intestin; r, rectum;
an, anus; gh, glandes salivaires; vm, tubes de Malpighi,
Appareil circulatoire : vd, vaisseau dorsal. . . —
SySTÈME NERVEUX : (/S, ganglioHS cérébraux (cerveau); gi, ganglions sous-œsopbagiens; cms, collier œsoidia-
gien; ^.ganglions de la chaîne ventrale; cm, connectifs reliant les ganglions; n, nerfs émanant dos gan-
glions ; ap, apophyses do l'eudosquelette soutenant la chaîne nerveuse.
Appareil reproducteur : O, ovaire gauche (le droît ayant été enlevé par la section); ov, oviducte; va, vagin;
6c, réceptacle séminal ; f/l, glande annexe. (D'après Kolbe).
(Réauaiur), ampoule cervicale des Acridiens (Kunckel d'HERCULAis), armature chitineuse
des nymphes d'Anthrax ou autres Diptères], . ,
Le phénomène de la mue n'est pas lié, d'une façon fatale, à celui de la croissance.
La cuticule peut être, en effet, très extensible et, entre deux mues, augmenter du
simple au double (observations de Pantel sur Thrixion). Diverses larves d'Insectes
(Mouches, etc.) muent d'autre part aussitôt après leur éclosion et sans avoir grandi;
par contre les Collemboles, formant une remarquable exception, continuent à subir
des mues, longtemps après que (a croissance est achevée (Sommer 1 ; chez les Thysanoures,
on a aussi observé des mues après la maturité sexuelle (Przibram, 1907), et l'on sait que
les Ephémères muent une fois après leur métamorphose (sub-imago et imago). Outre \e
rôle qui consiste à permettre la croissance, les mues ont donc d'autres destinations :
elles facilitent les transformations internes et rendent possibles les modifications cuti-
27 r.
INSECTES.
culaires externes (apparition de nouveaux stigmates, apj)endices, poils, glandes
cutanées, etc.). Enfin elles jouent un rôle important au point de vue de l'excrétion et
permettent à l'individu, pendant sa croissance, de se débarrasser des produits résultant
de l'histolyse. Les glandes exuviales fonctionnent, à ce point de vue, commi' des organes
excréteurs et, entrant en activité au moment de la mue, elles déversent entre l'hypo-
derme et la vieille cuticule un liquide chargé d'acide urique et d'oxalates: elles viennent
ainsi en aide aux tubes de Maumghi, à un moment où ces derniers ont leur lumière
obstruée de produits d'excrétion et sont surchargés de travail.
3" Pigmentation. — Les couleurs des Insectes peuvent être dues : i" àdes pigments
déposés à l'intérieur des tissus (couleurs pigmentaires ou chimiques); 2° à des particu-
larités de structure causant des phénomènes d'interférences ou de réflection (couleurs
de structure ou physiques); 3° à la combinaison des causes 'précédentes (couleurs phy-
sico-chimiques) '.
Nous n'avons à nous occuper ici que
des pigments tégumentaires. La présence
de la chlorophylle a été d'abord signalée
par PocKLiNOTON en 1873 dans la liqueur
alcoolique de macération de la Caiitha-
ride. Levdig attribua à la chlorojihylle la
couleur de la Sauterelle verte, des Chry-
sopes et des Cassides. Hé.nocque la signala
dans les téguments des Acridiens, Bec-
niEREi. <'t hitoNGNiARi) l'indiquèrent chez
It's l'hyliies.
D'après Villard, pourtant, cttle colo-
ration verte n'est jamais due à la chlo-
rophylle; elle est due à un lipochrôme,
et si plusieurs des auteurs qui l'ont pré-
cédé dans ct!S recherches ont incontesta-
blement obtenu des réactions très con-
formes à celles de la chlorophylle, c'est
que l'on rencontre, en effet, dans les
téguments, en même temps que le lipo-
chrôme, des dérivés de la chlorophylle
(chlorophylle automnale) ; mais ils ne
tiennent, au point de vue de la coloration,
qu'un rôle secondaire et surajouté. Ces
ittx^
Fii>. 2. — Pièces l.uccales d'un Ortlioptère (DhATri;).
Ihr, làbrc; vid, «laiiililmles; »ixi, paire antériouro lîc
maxilles (mâchoires) ; mxi, paire postériouro do maxilles
formant la lôvroiiiic-ricure ou labium;iMigos(stipes); dérivés de la chlorophylle manquent
fîi, monton (mcntum); sm, gorge (submentum); mi, me, (J'ailleurs d'une façon complète chez IcS
lames internes et externes (mala interna et exterua); /-..,,. . • . . •
p,», palpe maxillaire;/)/, palpe labial. (DaprèsSAv.GNY.) Orthoptères verts, mais ayant un régime
Carnivore, tels que la Mante religieuse
ou la grande Sauterelle [Locusta viridissima) , et leur coloration est pourtant identique
à celle des Orthoptères herbivores (Phyllies, Parapleurus) chez lesquels la chlorophylle
ou ses dérivés ont été à bon droit signalés.
On a pensé aussi que la coloration verte des cocons de certains Bombycides (An-
therea Yama-mm) était due à la chlorophylle (Levrat et Comte, Cl. GAuriEn). Mais il s'agit,
en réalité, d'un pigment intrinsèque particulier, la chloroi/amamainc (R. Duiiois), qui
existe dans les jeunes chenilles, dès la sortie de l'œuf (Villard), et qui offre des caractères
chimiques et spectroscopi.ques distincts de ceux de la chlorophylle.
On ne peut nier d'ailleurs que les Insectes doivent souvent une partie de leur colora-
lion aux pigments modifiés des substances dont ils se nourrissent. Poulton a montré
que les chenilles avaient besoin de chlorophylle ou d'étioline pour former certaines
couleurs tégumentaires.
D'après Urech, la chlorophylle absorbée par la chenille ne pourrait avoir d'influence
sur la coloration de l'Insecte parfait et serait excrétée pendant la phase larvaire. S'il
î Voir pour la classification de ces couleurs le tableau de TowEa. reproduit dans le livre de
Kellog : American Insecfs. 1905.
INSECTES.
277
y a idenlitc entre la subslaïuc colorante du niéconiuin et celle des écailles du Papillon,
cela tient seulement, d'après cet auteur, à ce que celte substance se forme en deux
points dilTérents; mais il n'y aurait pas transport d'une substance colorante, du lube
digestif aux téguments. Dans ces dernières années, Maria von Lixden a pourtant fait de
nombreuses observations tendant à prouver qu(; non seulement les coloralions des
chenilles, mais en grande partie aussi celles des Papillons, dérivaient, d'une façon assez
directe, de la chlorophylle absorbée pendant la vie larvaire. Chez les Vanesses, en effet,
d'après cet auteur, les (ointes rouges et jaunes varii'es qui enrichissent les ailes,
FiG. 3. — Anaiomic du Dytique.
a, t, q, pattes; v, cerveau; 6, antennes; c, yeux; rf, œsophage; u, chaîne norveuso; A h, ailes; fj, jabot;
7, gésier; k, ventricule chylitiquo et ctecunis gastriques; /, les 4 tubes do Malpighi; »i, intestin; n, rectum
précédé d'une grande poche cœcale dans laquelle débouche l'intostia; o, oviducte; p, glandes anales;
r, ovaires; s, stigmates. (Préparation et dessin do Millot, figure empruntée à Belzong.)
répondent à des degrés d'oxydation ou de réduction divers de substances venant de la
transformation de la chlorophylle et se trouvant dans le tube digestif de la chenille.
Cette transformation commence dans les cellules épithéliales de l'intestin qui con-
tiennent d'abord des granulations vertes présentant le spectre de la chlorophij liane.
dérivé direct de la chlorophylle, et l'on peut suivre, soit dans l'intestin, soit dans les
téguments, après transport par le sang ou les phagocytes, toutes les phases de transfor-
malion qui se produisent et qui conduisent au pigment rouge des Vanesses, phases
comparables d'ailleurs à celles (jui peuvent se produire à l'automne dans les cellules
végétales. Ce pigment rouge résulte de la combinaison d'une substance albuminoïde et
d'une substance pigmentaire proprement dite. Par la nature de ses cristaux, son
278
INSECTES.
spectre, ou ses autres propriétés, la matière rouge des Vanesses rappelle de très près la
hilirubine. Elle a, d'autre part, des affinités assez grandes avec l'hémoglobine; comme
cette dernière substance, elle a la faculté de s'unir à l'oxygène et de former des com-
binaisons très peu stables: aussi jouerait-elle un rôle important comme pigment respi-
ratoire. Ces résultats sur l'origine chlorophyllienne du pigment rouge des Vanesses et
sur ses relations étroites avec la bilirubine viennent confirmer les vues de Armand G\UTtBn
(C.R. 1870) et s'accordent en outre avec les recherches qui ont établi l'analogie de consti-
A
Fui. 4. — Dytique {Dytiscus ma)-ginalis).
A, Mâlo (pattes antérieures avec plaques adhésives) ; B, Femelle en train de pondre; C, Larve.
(A et C, d'après Miall: B, d'après Rbgimbart.)
tution entre la chlorophylle et les colorants du sang des Vertébrés et de beaucoup
d'Invertébrés.
.. D'après ce qui précède, le pigment rouge des Vanesses diffère des lipochrômes par sa
composition azotée. Il s'en distingue en outre par sa solubilité dans l'eau et son insolu-
bilité dans l'alcool et l'éther (M. von Linden). Dans bien des cas pourtant, et, sans doute,
dans la plupart des cas, les colorations rouges ou jaunes des Insertes sont dues à des
lipochrômes et, même pour les Vanesses, il se peut qu'on ait affaire à une combinaison
azotée de lipocfirôme. Les pigments hydrocarbonés du groupe des lipochrômes compa-
rables à la carottine ont été nettement signalés dans les téguments rouges ou jaunes de
Lina populi, de Coccinella, de Clytra quadripunctata, de Pi/rrhocoris (Zopf, Phisalix,
GftlFFITHS).
Quant aux colorations noires ou brunes, elles résultent souvent de l'influence d'une
oxydase (tyrosinase) sur un chromogène [téguments des Diptères, d'après Dewitz (1902)
et Gessard (1904); changement de coloration des jeunes Blattes au moment de l'éclo-
sion, d'après Phisalix (1903) .D'après M. von LINDE^f, le pigment noir des Vanesses résul-
INSECTES. 279
terail de la dt'compositiûti du pigment rou^'c, conduisant ù la formation d'une substance
aromatique semblable à la lyrosine qui se transformerait elle-même sous l'influence
d'une tyrosinase en colorant noir.
Il est à noter que les pigments sont plus sombres dans les chrysalides, k mesure que
l'évolution de Cfs dernières avance et en même temps leur dissolution devient de moins
en moins facile, (-eci rappelle ce qui se passe pour les amidobenzols, où l'on constate
que la couleur devient plus foncée et plus constante, à mesure (jue la molécule se
condense et qu'il s'elfeclue une multiplication du radical (monoamidobenzol, jaune;
diamidobenzol, orange; triamidobenzol, brun). Urech, à qui on doit cette retnarque,
croit que c'est à une loi physico-chimique analogue qu'il faut rapporter l'existence chez
les Lépidoptères d'une évolution dos couleurs i)assant des tons primitifs vcrdàtres ou
jaunâtres aux tons plus élevés rouge et brun noir.
D'apiès Slater, la coloration cuir de nombreux Insectes tels que diverses espèces
de Dynastides, Mélolonlhides, Elatérides, est due à la présence du tanin dans les
téguments, celui-ci devant tirer son origine des végétaux dont se nourrissent les Insectes.
Les pigments uriques sont assez fréquents dans les téguments des Insectes. Fabre a
le premier signalé leur rôle dans la coloration des chenilles et de certains Orthoptères
(Dectique, Ephippioer). TiOwlaxd Hopkins et Urech ont montré que la blancheur des ailes
des Piérides est due à l'acide urique; les couleurs jaunes, dans la mènie famille, sont
dues aussi à un produit de désassimilation très voisin de cet acide. D'après Urech, ces
pigments uriques dérivent directement de la chroniatine des noyaux.
La grande majorité des pigments des Insectes peuvent être actuellement considérés,
à des degrés plus ou moins complets, comme des pigments intrinsèques, c'est-à-dire
des produits de l'assimilation et de la désassimilation. Dans les cas, nombreux d'ailleurs,
où des pigments d'origine végétale interviennent dans leur constitution, on ne doit pas
perdre de vue la part très importaute qui revient aux facteurs internes de l'organisme
et aux facteurs externes autres que la nourriture, pour la constitution des pigments
tégumentaires.
Entre mille exemples que l'on pourrait prendre, il suffit, pour le montrer, d'opposer
aux Vanesses étudiées par M. von Li.ndex le Botys verticulis dont la chenille se nourrit
exactement de la même nourriture (Orties) que les chenilles de Vanesses, et chez lequel
les processus internes aboutissent à une pigmentation claire sans aucun rapport avec
celle des Vanesses.
Les facteurs externes ont, de plus, une influence très grande sur des substances aussi
malléables et protéiformes que les matières pigmentaires. Celle de la lumière et des
rayons de diverses longueurs d'onde a été bien mise en évidence par les travaux de
PouLTON (1889), de Merrifield, de Schrôder (1896) : les chenilles de Rumia crataegata
élevées dans un vase foncé deviennent brunes; dans un vase clair, elles deviennent
vertes; celles de Smerinthiis ocellatus deviennent vert-jaunâtres claires, lorsqu'on les
nourrit avec des feuilles cousues ensemble et retournées de façon à ne montrer que
leur face inférieure blanchâtre, elles deviennent d'un vert bleuâtre foncé, si on les
nourrit avec les mêmes feuilles montrant l'autre face d'un vert sombre. Pendant les
quelques heures qui précèdent la transformation, chez Vanessa urticae, on peut obtenir,
en variant la coloration du milieu environnant, des teintes diverses correspondant aux
couleurs employées, à condition que ces dernières réalisent les teintes habituelles de
l'entourage. Les yeux n'interviennent pas dans la genèse de cette modification; car elle
se produit aussi bien lorsque les yeux de la chenille sont recouverts d'un vernis opaque
(PouLTO.v). Les expériences de Schrôder ont porté sur la chenille de VEupithecki oblonyata
qui se nourrit de fleurs de différentes couleurs et qui peut être rouge, jaune, verte ou
grise, suivant la couleur des fleurs qui servent à l'alimenter. Or Schrôder a montré que
la nourriture n'intervient pas dans la production des teintes de la chenille, mais que
les radiations diversement colorées sont seules en cause. En efTet, des chenilles nourries
toutes de la même façon, mais soumises à l'action des rayons lumineux reflétés par des
papiers diversement colorés, prennent les teintes correspondantes de ces derniers. Chez
les Pliasmes, l'obscurité complète ou les rayons de grande longueur d'onde déterminent,
non pas l'albinisme, mais un mélanisme prononcé i de Sinétv).
On a cherché à expliquer ces changements de couleurs par un mécanisme analogue
280 INSECTES.
à celui de la photographie des couleurs, les léguments représontant une couche chro-
mo-sensible (Otto Wiena, l89o). Certaines observations tendraient même à faire croire
que l'action de la lumière sur une région des téguments détermine un influx nerveux
qui, par une sorte de transport à distance, irait produire la mémo décomposition dans
toutes les cellules des téguments (Bkunhes, Rev. gën. des Sciences, 1895).
L'influence de la température sur la coloration des Papillons a étt'' mise en évidence
par les expériences de Dorfmeisteh, Merrifield, Fischer, Standi-uss, etc:
Celle de l'humidité peut être aussi considérable.
Les eirets de ces influences, en se fixant à divers degrés par l'hérédité, peuvent
arriver à modifier d'une façon plus ou moins profonde les processus primitifs, et peu de
sujets sont aussi favorables à l'élude des facteurs primaires ou secondaires de l'évolu-
tion que celui de la coloration des Lépidoptères.
C'est grâce à l'action de ces facteurs externes qu'ont pu se réaliser les cas de dimor-
phisme saisonnier et les phénomènes de mimétisme homochromique si nombreux chez
les Insectes (^mimétisme lamarckien, opposé au mimétisme darwinien de Wall.\(;e, Fritz
Miller et Weissmann). On trouvera au sujet de leur genèse et de leur interprétation des
données très suggestives dans les beaux travaux de MiNKiEwicz,ainsi que dans ceux de Keeble
et CiAMULESur les changements de couleurs et le chromolropisnie chez les Crustacés, en
pai ticiilier chez HippoUjte variam {liei:. fjén. des Sciences, 1908, 106). \ la lumière des décou-
vertes de ces auteurs, i'homochromie adaptative et le chromotropisme nous apparaissent
comnie liés entre eux d'une façon intime. La coloration et le chromotropisme d'un
animal sont synchronies avec la couleur du milieu sous l'action du()uel ils se déve-
loppent par une sorte de résonance de l'organisme entier (/•t'so;u//jCf chromo-cinétique).
Des changements de coloration physiologiques rapides, analogues à ceux qui se pro-
duisent chez le Caméléon ou le Poulpe, mais ayant sans doute une autre nature, peuvent
se rencontrer chez les Insectes. On en a signalé un cas très remarquable chez les Coléop-
tères Chrymomélieiis (Salle : Ann. Soc. Ent. Fr. Bull., J862, 32) et l'on doit mentionner
dans le même ordre d'idées les changements de coloration du brun au vert qui se pro-
duisent tout à coup, sur les jeunes Mantes écioses aune température relativement basse
et que l'on expose brusquement aux rayons du soleil, le vert étant de nouveau rapide-
ment transformé en brun lorsqu'on replace les Mantes à l'obscurité (PnziURAM, 1907).
Rôle p/iysioloijique des pi<iments. — Par la nature même des substances qui les
constituent, il est évident que, dans bien des cas, les pigments peuvent être considérés
comme des produits d'excrétion, et, au moment des mues ou de la métamorphose, ils
peuvent même être rejetés complètement en dehors de l'organisme.
Chez les Lépidoptères, certains d'entre eux fixés dans les téguments seraient aussi
capables de jouer le rôle de pigments respiratoires, en s'oxydant ou en se désoxydant
avec facilité; mais cette question complexe réclame de nouveaux éclaircissements. Il
convient, en tout cas, de dire que, d'après M. von Linden, les pigments pourraient aller
jusqu'à lemplir un rôle comparable à celui de la chlorophylle et serviraient à la décom-
position de l'acide carbonique et à l'assimilation directe du carbone qnil contient. En
admettant que cette fixation du carbone soit exacte (elle a été confirmée par Mirande),
il resterait, en tout cas, à démontrer que les corpuscules pigmentaires des chrysalides
des Lépidoptères se comportent comme des chloroleucites et servent, par photosynthèse,
à assimiler le carbone de l'air. Il est à noter que, comme pour les plantes, l'assimilation
aux dépens des gaz de l'air ne porterait pas seulement sur le carbone, mais encore sur
les autres éléments, bien qu'à un moindre degré (M. vo.\ Li.nde.n). Quelles que soient les
conditions qui puissent présider à ces phénomènes d'assimilation, si leur existence se
vérifiait, ils constitueraient l'un des faits les plus curieux de la physiologie des Insectes
(Voir, dans cet article. Nutrition). Dans certains cas, les pigments jouent aussi le rôle de
substances de réserve. Ils peuvent enfin remplir un rôle défensif comme chez les autres
animaux (écran contre la lumière, adaptations mimétiques).
4" Fonctions diverses. — En dehors des périodes des mues, les téguments peuvent
encore jouer un rôle important dans la désassimilation, par l'accumulation de pigments
uriques [voir ci-dessus]. Il convient aussi de signaler le rôle rempli par toutes les
glandes cutanées qui déversent à l'extérieur des sécrétions de différentes natures [voir
XIV, Sécrétions spéciales].
INSECTES.
281
Outre les pigments, les ti^guiinMits peuvent contenir des réserves susceptibles d'être
utilisées par llnsecle [voir xii, Nutriti on j. Enfin, pour le tact, voir iv, Organes des sens. ^
III
INNERVATION.
1° Notions générales sur l'anatonaie et la physiologie du système ner-
veux des Insectes. — Le système nerveux central des Insectes est établi sur^un plan
de composition très analogue à celui des
Crustacés (Voir : Crustacés, IV, o62). Il
est formé d'un cerveau dorsal (ganglions
sus-œsophagiens), relié à une chaîne gan-
glionnaire ventrale par un collier œsopha-
gien. Les centres ganglionnaires de la
chaîne, groupés par paires, sont réunis
entre eux au moyen de conneetifs longi-
tudinaux et de commissures transversales.
Les premiers sont en grande partie formés
de fibres nerveuses qui réunissent les
cellules nerveuses d'un ganglion à celles
d'un ganglion voisin (voies courtes), ou
bien à celles d'un ganglion plus éloigné
(voies longues); ils contiennent aussi des
fibres qui vont directement grossir les
nerfs émanant d'un des ganglions suivants
(Binet).
Chaque ganglion (paire ganglionnaire)
est, pour le segment du corps dans lequel
il se trouve, un centre réflexe réunissant
les fondions motrices et les fonctions
sensitives. C'est un centre coordinateur
ayant une action dynamogène ou inhibi-
trice sur les muscles du segment. Si, par
exemple, on isole un de ces ganglions (soit
le premier ganglion thoracique) en section-
nant au-dessus de lui et au-dessous de lui
les conneetifs, et si l'on pince le tarse d'une
des pattes de la première paire, elle exé-
cutera immédiatement un mouvement de
défense. Grâce au ganglion qu'il contient,
chaque segment jouit ainsi d'une certaine
autonomie, et Dugès rendait compte de ce
fait d'une façon' expressive, bien que fort
exagérée, en disant : « Les frères siamois
réunis ventre à ventre avaient appris
spontanément à coordonner tous leurs
mouvements comme un homme co^ordonne
ceux du côté droit et du cùlé gauche : il
en est de même d'un Invertébré composé
de nombreux segments. » Cette compa-
raison sera d'autant plus juste qu'elle s'ap-
pliquera à un Arthropode présentant des
segments du corps plus dissociés et moins
différenciés les uns des autres (Myriapode, larve d'Insecte). Elle le sera d'autant moins
qu'elle s'appliquera à un Insecte supérieur, <lont les segments se seront fusionnés pour
former des régions du corps très caractérisées (Hyménoptère, Diptère). A mesure que la
concentration des métamères s'eiïectue, les liens qui réunissenl entre eux les centres
nei'veux et établissent leur dépendance mutuelle ou hiérarchique deviennent de plus
^.LXlimiat
Fiti. 5. — Système uorvoux tic la larvo du Dytique [à
gauche] et du Dytique adulte [à droite]. (D'après
Blanchard.)
INSECTES.
en plus étroits et nombreux. Ce travail de concentration ne se jtoursuit toutefois
jamais assez loin, chez les Insectes, pour que les difTéreutes parties de la cliaîne ner-
veuse ne conservent les unes par rapport aux autres une assez grande indépendance, et
la faculté coordinatrice reste toujours dissociée à un degré assez élevé sur les différents
points de son parcours.
Les expériences de Yersin sur le Grillon et de P'aivre sur le Dytique ont démontré
que la section de la chaîne nerveuse entre deux ganglions ne fait pas obstacle au fonc-
tionnement du système nerveux dans les segments qui se trouvent en avant ou en
arrière de la section. Le seul résultat de cette section est que les excitations portant sur
la région ante'rieure ne sont pas transmises à la partie postérieure. Si l'on isole une
portion de la chaîne nerveuse en sectionnant les connectifs en deux points, de façon à
interrompre toute communication de ce tronçon avec les centres placés en avant et en
arrière, on constate que les ganglions des segments ainsi isolés, après excitation, peu-
vent coordonner leurs actions excito-motrices, de façon à déterminer des mouvements
automatiques complexes et paraissant adaptés à un but tel que la marche. Ne sait-on
Fui. 0. — Cerveau Je Criquet {Œdipoda cœrulescens).
A, faco ventrale ; Ipe, lobe protoccrcl)ral ; ro, lobe olfactif; at, lobe tritocérébral ; co; connectifs œsophagiens;
et, commissure transverse de l'anneau u'sophagrien : cp, racine labro-frontale ilu système nerveux viscéral;
na, nerf antcnnaire; na', nerf antennairc accessoire; tiam, nerf ocellaire moyen (le tiret nam doit être
prolongé'jusqu'à la ligne médiane) ; nol, nerf ocellaire latéral.
B, fac* dorsale du cerveau ; Id, lobe dorsal du deulocvrébron ; st, nerf tégunientaire ; r», racines du ganglion
stomatogastriquo. (D'après Viallanes, figure empruntée à Hennegoy.)
pas que, si l'on sépare une Guêpe en trois tronçons, tête, thorax, abdomen, ces trois
tronçons continueront à effectuer les mouvements qui leur sont habituels et que, si l'on
saisit par exemple l'abdomen, il dardera son aiguillon, et fera tous les mouvements
coordonnés qui seront nécessaires pour piquer le doigt de l'expérimentateur? Les
Mouches décapitées se servent très bien de leurs pattes pour éloigner les corps étran-
gers et pour nettoyer ou brosser leurs ailes (Dujardin). Les Dytiques, dont les connectifs
ont été coupés en arrière de la tête, continuent à nager (Faivre) ; les Grillons, dans des
conditions semblables, peuvent faire quelques pas et même courir, après excitation
(Yersin) et l'on pourrait citer de nombreuses observations fournissant des démonstra-
tions analogues (Voir Milxe Edwards, xiii, 1, 193; Forel, Fourmis de la Suisse, 1*27, etc.).
En présence de ces faits, on serait tenté de croire que chez les Insectes, la volonté est
dévolue aux différents centres de la chaîne nerveuse. Il n'en est rien pourtant; car, si
coordonnés et compliqués qu'ils puissent être, les mouvements qui s'effectuent par l'action
des ganglions de la chaîne ventrale séparée du cerveau sont purement automatiques et nous
verrons dans le paragraphe suivant comment les ganglions cérébroïdes, siège des fonctions
nerveuses supérieures, tiennent tous les autres sous leur dépendance hiérarchique.
L'automatisme du système nerveux des Insectes a été étudié par M. Pompilian chez
le Dytique, après décapitation ou séparation complète d'un segment Ihoracique. Les
mouvements automatiques des pattes qui se présentent dans ces conditions ont été
analysés par l'auteur et soumis à l'expérimentation. Les variations nombreuses qui
se présentent dans leur rythme indiquent que l'intensité de l'énergie nerveuse varie
périodiquement. En excitant électriquement les ganglions, on observe aussi que l'exci-
INSECTES.
283
tabilité des éléments nerveux varie d'un moment à l'autre et l'on constate un phéno-
mène analogue à celui do lu j)ériode rcfractaire. Sif^nalons aussi le piiénomène du repos
compensateur , consistant en ce que, après une excitation électrique, on observe, entre le
mouvement provoqué par l'excitation et les contractions spontanées qui suivent, une
période de lepos plus grande que celle qui existe entre les mouvements spontanés. Avec
des excitations d'intensité très faible et fréquentes, on ralentit les contractions sponta-
nées et l'on peut même arriver à les inhiber complètement. [Pour le manuel opératoire
des expériences physiologiques sur le système nerveux des Insectes, les moyens de con-
tention, etc., voir surtout Bi.net et Bethe.]
2° Cerveau. — Le cerveau des Insectes est formé par les masses ganglionnaires
FiG. 7. — Schéma des trois paires gangiionaires constituant le cerveau.
P, Protocéréhron; D, Dcutocérébron ; T, Tritocérébron. La substance ponctuée {SP) est indiquée par une
ponctuation tine et espacée, sauf pour les calices, les glomérulos olfactifs et le protocéréhron moyen, où
elle est figurée par des hacluires. La substance cellulaire corticale {se) est représentée par une ponctua-
tion plus grosse et plus dense.
Protocéréhron (P) : Go, ganglion optique ; Zy), lobe protocérébral : Mi, niasse médullaire interne ; to, tubercule
optique; Cp, corjis pédoncules avec le calice C, le pédoncule f/", le tubercule antérieur ta et le tuber-
cule interne ti ; Goc, ganglions ocellaires; Noi, nerf de l'ocelle impair; Nop, nerf de l'ocelle pair; !Vot,,
nerf ojjtique; Pn, pont des lobes protocérébraux; Pm, protocéréhron moyen; Ce, corps central {es, capsule
supérieure; ci, capsule inférieure); II, lobes latéraux; /m, lobe médian.
Deutocéréljron [D) : Lo, lobe olfactif avec ses glomérulos; na, nerf antennaire.
Tritocérébron (T) : Lt, lobe tritocéréljral ; cnn, connectif péri-œsophagicn formant avec celui du côté opposé-
le collier œsophagien ; Cme, commissure sous-œsophagienue. (D'après BïSïlLBSe.)
placées au-dessus de l'œsophage et dont l'ensemble est souvent désigné sous le nom de
ganglions sus-œsophagiens. 11 est constitué par une écorce de cellules ganglionnaires, eu
rapport avec des tractus de fibres nerveuses, qui se rendent à'des amas de substance
ponctuée. Ces amas sont réunis entre eux par de nombreuses anastomoses. Morpholo-
giquement, il se divise en trois parties qui sont toujours fusionnées en une seule masse :
le protocéréhron, le deutocérébron et le tritocérébron (fig. 6 et 7).
Le protocéréhron innerve les yeux et est le centre des perceptions visuelles (gan-
glions optiques;. Il est aussi le centre des fonctions psychiques qui résident surtout
dans les parties l'entrales (calices, corps pédoncules, corps central), où convergent les
fibres venant de toutes les parties du cerveau : ces parties atteignent leur plus haut
développement chez les espèces sociales et les plus intelligentes : les corps pédoncules
sont énormes chez les ouvrières du genre Formica; ils sont plus petits chez les femelles
et beaucoup plus petits chez les mâles du môme genre, bien que les individus de ces
deux sexes aient une taille très supérieure à celle des ouvrières : or on sait combien
284 INSECTES.
rintelligence des femelles, et plus encore celle des mules, est inférieure à celle des
ouvrières.
Le deiiloccrébron innerve les antennes et est le siètie des perceptions olfactives.
Le tritocérébron iimervc le labre et une partie de la rt'pion antérieure du tube
digestif: c'est le centre gustalif.
D'après Dujardin, le volume du cerveau équivaut à 1 ,174' du vulume du corps cbez
l'Abeille, ài/286<^ chez la Fourmi ; il est seulement de 1/400' chez l'Iclineumon, de 1/3920''
chez le Hanneton, et de 1/4 200" chez le Dytique. Chez la Fourmi (ouvrière), les corps
pédoncules représenteraient presque la moitié du volume du cerveau; chez l'Abeille
(ouvrière), le cinquième.
Les centres encéphaliques jouent le rôle d'accumulateurs d'énergie : c'est ce que les
expériences de Uexkill sur les Libellules démontrent d'une façon très nette. — Si l'on
excite, en le touchant, le dernier anneau d'une Libellule au repos, l'Insecte se met à
voler, le vol continue un certain temps; puis la Lil»eliu!e se pose, en ralentissant pro-
gressivement son vol. Les choses se passent tout dill'éremment pour une Libellule dont
on a supprimé les ganglions céphaliques : si, par exemple, on touche l'animal, l'Insecte
détache ses pattes du sol et se met à battre des ailes pour voler; mais les mouvements
cessent, dès que la stimulation s'arrête; si, au contraire, on fait intervenir une stimu-
lation persistante, en déposant une goutte d'acide sur l'abdomen, l'animal continue à
voler.
Les expériences de décapitation ou de section des cordons qui réunissent le cerveau
à la chaîne ventrale prouvent que le cerveau est, chez les Insectes, le siège de la
conscience et de la volonté (Forel, ou, si l'on veut se placer à un point de vue plufe
objectif, le centre directeur agissant sur les centres segmentaires de façon à délermi-
ner des actes en rapport avec les réceptions céphaliques (Rethe . Les Insectes privés de
tête, ou dont le cerveau a été détruit ou isolé du reste de la chaîne nerveuse, peuvent
faire des mouvements de défense ; mais ils ne les font que comme rt'ponse à une exci-
tation directe. Des gioupes de muscles pourront encore coordonner leurs contractions
de façon à réaliser certaines actions déterminées (marche, vol, natation, nettoyage des
ailes, respiration, stridulation, etc.), mais ces diverses actions ne seront pas coordon-
nées entre elles, ni dirigées vers un but utile à atteindre. Une Fourmi ou une fiuêpe
aveuglée et dont on a supprimé les antennes donne des signes manifestes d'intelli-
gence ou de volonté. Une Fourmi ou une Guêpe privée de cerveau, tout en pouvant faire
quelques pas en avant, ou agiter les ailes, devient entièrement stupide (voir Fouel,
Fourmis de la Suisse, 152).
La faculté volontaire du cerveau se traduit aussi par une puissance inhibitrice sur
l'activité réllexe de la chaîne nerveuse, puissance qui s'exerce, pour chacun des deux
ganglions cérébroïdes, du côté correspotidant de la chaîne ventrale; cette action peut être
mise facilement en évidence par les expériences consistant à piquer ou à détruire l'un
des ganglions sus-œsophagiens, ou bien encore à couper l'un des cordons reliant le
cerveau à la chaîne nerveuse. Il se produit alors un mouvement de manège, et l'Insecte
tourne du côté opposé à la lésion (Yeusin, Faivre, Binet). La facilité avec laquelle ce
symptôme se manifeste en fait un des caractères les plus importants de la physiologie
nerveuse chez les Insectes, et l'explication la plus rationnelle qui puisse en êti'e donnée
consiste à dire que la lésion ou la destruction de l'un des ganglions cérébroïdes anéantit
d'une façon plus ou moins complète linfluenco inhibitrice de la volonté sur le côté
lésé et donne lieu, par suite, à une augmentation de l'activité réflexe du même côté.
Il en résulte que les trois pattes du côté lésé présentent des mouvements d'une ampli-
tude plus grande que celles du côté sain, ce qui détermine le mouvement de manège.
Ce phénomène a été étudié avec beaucoup de soin sur le Dytique par Binet, qui
a complété, à ce sujet, les premières observations de Faivre. Si on lèse l'un des gan-
glions cérébroïdes au moyen d'une simple piqûre faite à travers le tégument externe,
sans découvrir le cerveau, la rotation, qui se fait dans le sens opposé à la lésion, peut
durer plusieurs semaines, sans jamais changer de sens. Un Dytique opéré par Binet
dans ces conditions, et placé dans un cristallisoir rempli d'eau, faisait environ quinze
cercles par minute, et il continua ainsi pendant vingt jours, ne s' arrêtant que quand
il pouvait s'accrocher à des herbes flottantes ; il mourut accidentellement le vingtième
INSECTES.
-283
jour. Un deuxièuu- Dytique lourna de la même façon pendant cinq mois, justju'à sa
mort, sans que la rotation chaiif,'oàt jamais de sens.
Bethk reprenant, sans les connaître, les expériences de I{inet, mais en 0{>érant sur
l'Hydrophile, montra, en outre, (jue, si l'on excitait un de ces Insectes du cùté non opéré,
on pouvait le faire tourner en sens inverse de celui où il tournait avant; l'excitation
fait, eu effet, cesser l'action inhibitrice du cerveau du cùté sain, et, la force étant plus
grande de ce côté, il en résuite soit une rotation dans le sens de la lésion, soit, dans
certains cas, une direction en ligne droite, orientée du même côté.
Vi\ fait important résultant de l'étude de Bi.\i<;r doit encore être noté, c'est que la
coordination des pattes du côté lésé n'est pas troublée et que, ainsi que F'aivuk l'avait
du reste remarqué, le Dytique opéré dispose et coordonne tout comme un Dytique
sain qui voudrait tourner dans un sens donné. Binkc explique celte circonstance en
invoquant le fait bien connu que,
lorsqu'il s'agit d'une association phy-
siologique de divers mouvements,
il suffit de provoquer isolément l'un
d'entre eux, pour que tous les autres
mouvements associés aient une
tendance à se produire. Dans le cas
actuel, les pattes du côté lésé (soit
le côté droit) étant plus excitées que
celles du côté sain (soit le côté
gauche), la coordination de la rota-
lion à gauche se trouve, par ce fait
même, mise en œuvre et, par consé-
quent, les pattes de gauche vont
accomplir les mouvements que l'ani-
mal sain aurait exécutés, s'il avait
voulu tourner à gauche.
L'action modératrice du cerveau
peut encore être mise en évidence,
non plus par une section unilaté-
rale, mais en séparant complète-
ment le cerveau de la chaîne ner-
veuse par une section des deux
connectifs. On constatera alors une
grande exagération dans l'amplitude
et la fréquence des réflexes, et
l'animal sera même souvent agité
de mouvements incessants qui, malgré leur nature réOexe. seront susceptibles de se coor-
donner à un degré plus ou moins élevé (marche, nage, nettoyage des appendices, etc.);
cette coordination pourra même, parfois, se réaliser entre les deux parties du corps
qui n'ont plus entre elles de connexions nerveuses (nettoyage de l'antenne par une
patte chez un Caiquet dont la chaîne nerveuse a été sectionnée entre ces deux organes).
Enfin, le cerveau a sous sa dépendance le tonus musculaire. L'ablation du cerveau
modifie, en effet, profondément ce tonus, en entraînant un abaissement de la puissance
musculaire et une prédominance de certains muscles sur leurs antagonistes, le plus
souvent, des fléchisseurs sur les extenseurs. L'action tonique de chaque ganglion céré-
broïde s'exerce du côté correspondant de la chaîne nerveuse ventrale.
Dethe, qui a expérimenté sur un Criquet, le PuchylUus cinerascens, sur l'Abeille et
sur l'Hydrophile, a contribué, par ses recherches, qui ont aussi porté sur les Crustacés,
à mettre en lumière les fonctions du cerveau ci-dessus mentionnées; mais les résultats
que cet auteur a oblenus sont loin, comme il semble le penser, de révolutionner l'état de
nos connaissances tel qu'il résultait des travaux de Faivhe. de Ykrsin et de Binet.
Seulement, dans son langage objectif, Bethe ne peut parler de volonté, et il conclut de
ses observations que l'ablation des ganglions sus-œsophagiens n'a que deux résultats
notables : une excitabilité plus grande tenant à la suppression d'une action inhibitrice
FiG. 8. — Diagramme d'un cerveau d'Insecte.
ce, corps central; cg, cellules ganglionnaires; che, cliiasma
externe ; clii, chiasma interne ; cœ, connectifs œsophagiens ;
cp, corps pédoncules ; ctc, commissure tritocérébralc ; fpr,
fibres postrétiuiennes ; f/oc, ganglion ooellaire; f/oc', gan-
glion œsophagien : (/o, r/o-, f/o^, ganglions viscéraux
impairs; gvl, ganglion viscéral latéral; kl, lobe dorsal du
deutocérébron ; Iç/, lame ganglionnaire; lo, lobe olfactif;
tpc, lobe i)rotocérébral ; me, masse médullaire externe ; »h',
masse médullaire interne: na, nerf olfactif ou antcnnaire;
ni, nerf du labre ; no, nerfs ocellaires ; nt, nerf tégumentaire ;
œ, œsophage; plp, pont des lobes protocérébraux: rvd,
racine viscérale venant du deutocérébron ; tr, tritocérébron ;
fo, tractus optique. (D'après Viallanes, figure empruntée à
Henniîguv.)
286
INSECTES.
et une diminution du tonus musculaire. Le travail de Polimanti sur les chenilles
aboutit aux mêmes conclusions.
3« Chaîne ganglionnaire ventrale.
a) Localisation de la sensibilité et de la motricité. — .Newpoht fut le premier ù admettre,
d'après ses études sur le Homard, qu'il existe chez les Arthropodes un.» localisation de
la sensibilité et de la motricité correspondant à celle des Vertébrés; seulement, la face
ventrale de la chaùie nerveuse étant l'homologue de la face dorsale de la moelle, il en
conclut que c'était la région ventrale de la chaîne nerveuse qui devait être, chez les
Arthropodes, le siège de la sensibilité, tandis que la région dorsale devait être le siège
de la motilité. C'est à Faivre que l'on doit d'avoir tranché la question par l'expérimen-
tation directe. Par une technique délicate, consistant à exciter légèrement la face
supérieure ou la face inférieure des ganglions thoraciques chez le Dytique, il démontra
que la face supérieure est plus spécialement en rapport avec la motricité, tandis que la
face inférieure est directement en
relation avec la sensibilité. Bien que
Lemoi.ne et YuNG ne soient pas arrivés
à des conclusions semblables pour
les Crustacés, les résultats de K-vivre
ont été confirmés et précisés par
Bl.NET.
Cette confirmation résulte :
[° De la constatation anatomique
suivante : le nerf élytral a deux
racines principales : une dorsale et
une ventrale, cette dernière aboutis-
sant à la colonne ventrale du ganglion
mésolhoracique; or, chez les Coléop-
tères, dont les élytres sont soudés et
immobiles (Timarche, Blaps, divers
Carabides;, la racine dorsale du nerf
élytral disparaît, la racine ventrale
persistant seule; il faut en conclure que la première racine est motrice et que la
seconde est sensitive;
2° D'expériences physiologiques consistant à piquer certains ganglions de la chaîne
ventrale d'un Dytique, à examiner ses allures et la façon dont il se comporte vis-
à-vis des excitations, et enfin à faire l'examen microscopique des ganglions lésés après
fixation au moyen de réactifs appropriés. Binet, par exemple, pique un Dytique au
niveau du ganglion mésolhoracique; il constate que la sensibilité douloureuse, mais
non la motilité, est abolie dans la deuxième patte droite ; à l'examen microscopique, il
trouve une lésion sur la face inférieure du ganglion mésothoracique, d'un seul côté
correspondant à la patte droite. L'expérimentateur en conclut que le lobe ventral des
ganglions est sensible, et que le lobe dorsal est moteur.
b) Relations des ganglions de la chaîne ventrale entre eux. — Si les ganglions de la
chaîne nerveuse doivent être considérés comme les centres excito-moteurs des seg-
ments auxquels ils correspondent, il ne faudrait pas en conclure qu'il n'existe entre eux
d'autres relations que celles qui sont établies par Tintermédiaire du cerveau.
Tout ce qui se passe dans un ganglion peut avoir sa répercussion directe sur les gan-
glions voisins et provoquer même la mise en œuvre de leurs activités pour une action
commune et coordonnée : si l'on pince le tarse d'un Insecte décapité avec une force
suffisante, il remuera non seulement les pattes du segment coi'respondant, mais
encore celles des autres segments. Si l'on touche l'un des cerques d'une Blatte déca-
pitée, la patte postérieure du même côté vient repousser le corps étranger, puis
frotte l'abdomen et se porte du côté de la tète absente, avec le mouvement habituel
à l'Insecte qui veut nettoyer l'un de ses appendices avec ses pièces buccales ; si l'on
continue à inquiéter l'animal, il se défend à coups de pieds : plus rarement il essaie de
FiG. a. — Coupe transversale schématique
d'un ganglion thoracique «l'un Insecte adulte.
Ld, lobe dorsal; Lv, lobe ventral: Ll, lobes latéraux; .Vrt,
nerfs alaires; Ne, nerf crural; l-i, faisceaux des connectifs
dorsaux ; Cv, colonne ventrale ; rtn, commissure des
colonnes ventrales ; cm, racines motrices ; rs, racines sensi-
tives. (D'après Binet.)
INSECTES.
287
fuir en faisant rapidement quelques pas (Yersin, [Hltl, 287). Au-dessus de la centra-
lisation segnientaire, il existe donc une centralisation supérieure indépendante du
cerveau et résultant de l'association physiologique de centres ganglionnaires. Les
faisceaux nerveux qui ont été décrils par Binet et qui, émanant d'un ganglion, se
distribuent à un autre segment (lue celui auquel appartient le ganglion doivent avoir
dans la réalisation de ces phénomènes une grande importance.
L'inlhience ex«'rcée par les dilTérents ganglions les uns sur
les tiutres est évidemment plus^ou moins grande suivant ceux
que l'on considère ; mais on n'a encore sur les degrés de suhor-
dination qu'ils peuvent présenter les uns par rapport aux autres
que des données très insuffisantes.
c. — Ganglion sous-œsophagien. — D'après les expériences
de Faiyre (1867), le ganglion sous-œsophagien serait le centre
de coordination de la marche el jouerait un rcMe analogue au
bulbe et à la protubérance annulaire des Vertébrés. Il inter-
viendrait pour régler les mouvements des six pattes et pour
leur donner cet ordre de soulèvement qui constitue la marche
hexapode.
Cette interprétation est sans doute exagérée ; car les mou-
vements coordonnés de la marche peuvent se produire chez
des Insectes n'ayant ni cerveau, ni ganglion sous-œsophagien
(Bethe); néanmoins on ne peut nier que ce dernier exerce une
influence sur la coordination des mouvements; car ceux-ci
perdent de leur précision et deviennent moins ordonnés après
son ablation ou après la section des connectifs qui le relient au
premier ganglion thoracique, le trouble apporté dans la coor-
dination étant ainsi notablement plus accentué que dans le cas
où le cerveau est seul supprimé. Malgré les recherches de Bethe Fio. lo. — Schéma des sys-
et de ses devanciers, de nouvelles données sur cette question
seraient d'ailleurs nécessaires pour pouvoir préciser dans quelle
mesure les ganglions thoraciques dépendent des ganglions sous-
œsophagiens (Voir BiNET, loc. cit., 81).
cl. — Ganglions thoraciques. — Ils constituent les centres
moteurs des pattes et des ailes et présentent chacun un lobe int. intestin; gs, ganglions
crural latéral qui est à la fois en rapport avec le lobe sensitif sus-œsophagiens; ces, coi-
et le lobe moteur du ganglion (Bixet),
Faivre a considéré le ganglion métathoracique comme le
centre respiratoire; mais les résultats qu'il a obtenus au sujet
de la suppression des mouvements respiratoires par suite de
l'ablation de ce ganglion tiennent à ce que, chez le Dytique,
les premiers ganglions abdominaux sont fusionnés avec le
centre du métalhorax (Plateau).
e. — Ganglions abdominaux. — Ils suffisent à assurer la
régularité et la coordination des mouvements respiratoires sans
intervention d'autres centres antérieurs, ainsi qu'on peut le
démontrer par l'expérience (Barlow, Baudelot, Plateau). 11
faut signaler en outre l'existence d'un lobe vocal dans le pre-
mier ganglion abdominal de la Cigale. Il est surajouté au lobe
dorsal du ganglion et vient donner ainsi par sa localisation une
confirmation de la nature motrice de cette région; il innerve le tambour de l'Insecte
placé sur le premier anneau abdominal (Bixet). Le dernier ganglion abdominal que
Faivre nomme centre ffénito-splanchnique est en rapport avec les mouvements de l'intes-
tin et de l'appareil générateur.
f. — Transmission par les connectifs (se/is longitudinal). — Après section des connec-
tifs nerveux entre deux [laircs ganglionnaires, on constate qu'une excitation appliquée
sur la partie du corps antt'rieure à la section n'est pas transmise à la partie postérieure,
et inversement. La volonté cesse aussi d'être transmise à toute la partie du corpes situé
tèmes nerveux stomato-
gastriquo et angéio-tra-
chéen (formant le Systèmk
SYMPATHIQUE SUS-INTESTI-
NAL de Beri.ese) . Les parties
teintées en noir font seules
jiartie du système.
lier œsophagien ; lott, gan-
glion optique ; /o//", ganglion
olfactif; na, nerf anten-
nairc.
Systk.mb sympathique sus-
intestinal : gf, ganglion
frontal ; cy, conuectif reliant
ce dernier à la masse sus-
(psopliagicune ; ni, nerfs du
lâbro : np, nerf récurrent;
glp, ganglion hypocércbral
i/st, gangliongastriquo; ges,
ganglions angéio-trachéens
(œsopliagicns do Berlese);
en. conncctif roliant ces
derniers à la masse sus-
œsophagienne. (D'après
Berlese.)
^288
INSECTES.
en arrière de la section, et, si l'on néglige quelques exceptions dont l'explication paraît
assez simple, la coordination des mouvements entre ces deux régions cesse d'exister
(expériences de Du(;Ès sur la Mante, de Yersin sur le Grillon, etc.).
Un Grillon, par exemple, dont les centres céplialiques ne seront plus en communi-
cation par les connectifs avec les centres thoraciques se fixera avec ses mandibules sur
un morceau de pain pour le manger; mais le thorax continuant sa marche en avant, il
en résultera une culbute (Yersin).
hien que pouvant s'opérer dans les deux sons d'un bout de la chaîne à l'autre, la
transmission des réactions nerveuses est néanmoins un peu plus facile d'avant en arrière
que d'arrière en avant (Dlt.ès).
'{h — Transmission par les commissures [sen^ transversal). —
Elle peut s'opérer, soit au moyen des libres reliant directement les
deux ganglions d'une même paire, soit au moyen de fibres passant
d'un cAté à l'autre pour se joindre aux connectifs longitudinaux du
côté opposé et gagner le ganglion d'un autre segment (croise-
ments démontrés anatomiquement par Viallanes et Binet).
DuGÈs a donné de cette transmission transversale une démon-
stration expérimentale sur VAcridium Uneola. Son expérience
consiste à couper un seul des connectifs longitudinaux entre la
première paire de pattes et la deuxième : on constate alors que
toute relation entre la tète et les membres rt'-pondant au côté coupé
n'est pas dt'-truite, comme elle le serait chez un Vertébré par la
section d'une nmitié de la moelle épinière; mais il y a seulement
ralentissement dans les communications établies : si l'on pince les
antennes, par exemple, llnsecle se défend d'abord avec la grande
patte épineuse (y patte) du côté sain ; peu de temps après, il
emploiera celle du côté blessé. Si la section a été faite entre la 2*
et la 3"^ patte, la lenteur sera bien plus grande encore. Et pourtant
la patte du côté opéré jouit de toute son énergie, de toute sa
promptitude, quand il s'agit de dt'-fendre les ailes, l'abdomen, ou
de sauter en avant.
4° Système nerveux viscéral (fig. 10 et H). — Il est représenté:
1° Par deux systèmes tirant leurs racines du cerveau, qui sont :
a) Un système impair stomato-gastrique comprenant le ganglion
frontal, le nerf récurrent, et le ganglion gastrique;
b) Un système pair anijcio-lracliren, comprenant les ganglions
angéiens et les ganglions trachéens dont les rameaux se distri-
buent surtout au cœur et aux trachées de la région céphalique;
2° Par un système impair, re^plratoire-internu-diaire (dit sympa-
thique), qui tire ses racines des ganglions de la chaîne ventrale,
s'étend sur la ligne médiane entre les connectifs et distribue ses
principales ramifications aux stigmates.
3° Par des nerfs splanchniqucs qui émanent du dernier ganglion
abdominal par des troncs communs à des nerfs de la vie animale et de la vie végétative
et qui se distribuent à l'intestin et aux glandes génitales (Faivre).
Par des expériences très précises, Faivre a montré que le ganglion fronlal est le
centre des mouvements de déglutition : sa destruction rend ces mouvements impos-
sibles; au contraire, après destruction des ganglions sus-œsophagiens ou sous-œsopha-
giens, si le ganglion fronlal est conservé, les mouvements de déglutition persistent.
Le stomatogastrique est presque insensible; jamais son irritation ne fait éclater de
mouvements réflexes dans les membres. On peut couper l'œsophage ou le jabot sans
provoquer de réactions douloureuses.
Aucune donnée expérimentale n'existe sur le système angéio-trachéen ni sur le sys-
tème respiratoiie-inlcrmédiaire.
Les rameaux splanchniques émanant du dernier ganglion abdominal sont ceux qui,
physiologiquement, paraissent le mieux correspondre au système sympathique. Malgré
la nature mixte des troncs nerveux dont ils se détachent, ils présentent les caractères
Fio. 11. — Partie du
Sy s t è m e ue r v c u x
rcspiratoiri; intermé-
diaire (système sym-
patliiquo sous-intes-
tinal de Berlesi:) et
connexions avec la
chaîne nerveuse prin-
cipale, chez Locuste
viridissima.
!/, ganglions de la chaî-
ne nerveuse princi-
pale; >i, nerfs qui en
émanent ; ciin, con-
nectifs. — Gsp, {gan-
glions de la chaîne
sympathique sous-in-
testinale ; u.shnp, cor-
dons impairs de la
précc'dcnte. (D'après
Leydu;, figure em-
pruntée à BliRLESE.)
INSECTES.
289
physiologiques des nerfs de la voie vég«îtative : excilabilili' faible et sensibilité très
limitée. (Test dans les branches qui se distribuent à l'intestin et aux friandes que ces
caractères néf^atifs sentie plus marqués; au contraire, celles qui innervent les conduits
génitaux sont assez excitables (rAivRK).
5" Vitesse de propagation de l'influx nerveux. — Elle a été calculée parPATRizi
sur le Ver à soie par une méthode analogue à celle de Mauey et trouvée de 1™,60 par
seconde.
6" Action des poisons. — Leur action physiologique sur les systèmes organiques
et en particulier sur le système nerveux des Insectes a été étudiée par Arnold, Guh.lk-
BKAU et LuCIISIN(;EIt.
Les anesthési(iues tels que léthcr donnent lieu à des phénomènes semblables à ceux
que l'on constate chez les autres animaux : les mouvements volontaires disparaissent
d'abord, les mouvements respiratoires s'arrêtent, puis les divers mouvements réflexes
cessent de se produire. Les sels de potasse et la chaleur ont un résultat analogue.
La strychnine a, au début, une action excitante et détermine quelques mouve-
ments convulsifs; puis vient une phase de paralysie qui attire surtout l'attention.
Fii;. 12. — Diagramme de quelques formes d'organes sensoriels de l'antenao des Insectes.
{(ti *i A fft 'i ^- '') comparées avec un poil ordinaire c; a, cuticule chitineuse; 6, hypoderme. (D'après Lubbock.)
Le curare et la conine ont une action générale sur le système nerveux. Il y'a para-
lysie des centres; les mouvements volontaires disparaissent rapidement, tandis que
l'intégrité des réllexes peut longtemps persister. Ces toxiques n'ont pas ici l'action spé-
cifique sur les terminaisons nerveuses motrices qu'ils présentent d'une façon si remar-
quable chez les Vertébrés. Cette différence est d'autant plus frappante qu'il existe une
grande similitude apparente entre les plaques motrices des Articulés et celles des
Vertébrés.
IV. — SENS.
Les terminaisons sensorielles, tantôt disséminées à la surface du corps, tantôt
groupées dans certaines régions ou sur des appendices déterminés, se présentent avec
des structures très diverses chez les Insectes. On trouvra la description détaillée de
tous ces organes, dans le grand ouvrage de Berlese : Glilnsetti. Cet auteur, suivant la
spécialisation sensorielle que l'on peut leur attribuer, les distingue en aphidies (tact),
rhinaries (odorat et goût), otaries (audition), omniies i vision). Parmi ces organes sen-
soriels be;iucoup aussi, au point de vue de leurs fonctions, sont problématiques : tels sont
les organes campanif'ormes, ampulliformes (fig. 12, k), en bouchons de Champagne (i), etc.,
sur le rôle desquels on ne peut guère faire que des hypothèses; ils sont vraisembla-
blement en rapport avec les différents modes de sensibilité tactile ou olfactive, ou bien
encore av<'c les fonctions statiques.
1" Tact.
La sensibilité tactile, s'exerçant par l'intermédiaire de poils spécialisés à cet effet,
est distribuée irrégulièrement sur la surface tégumentaire. Les appendices articulés
DICT. DE PUVS!Or.OClF:. — T. IX. 19
290
INSECTES.
divers, pattes, palpes, cerques, et surtout les antennes, sont doués d'une façon très
délicate à ce point de vue. Chez les Insectes cavernicoles et aveugles, les antennes pren-
nent souvent une grande longueur et ont une sensibilité tactile très développée. Ce
que l'on regarde habituellement comme une audition chez les Insectes doit être, en
partie tout au moins, considéré comme un mode de sensibilité tactile ou comme un
sens musculaire perfectionné (voir ci-dessous). La sensibilité h la douleur paraît peu
développée. « Autrement, dit Forel, on ne verrait ni un Hourdon auquel on vient do
couper les antennes et tout le devant de la tête, aller butiner sur les fleurs..., ni une
chenille blessée à l'anus se dévorer elle-même en commençant par derrière, comme je
l'ai observé plus d'une fois. >; Binet dit avoir souvent constaté, qu'en tenant un Insecte
entre les doigts, on produit parfois en lui un état particulier, analogue peut-être à la
cataplexie de Preyer, état dans lequel on peut
pincer et même écraser les tarses de l'animal,
sans qu'il fasse un mouvement de douleur; et
pourtant l'animal n'a pas perdu sa sensibilité;
car, un moment après, il peut réagir à une exci-
tation moins forte.
La sensibilité thermique doit être très mar-
quée chez certains Insectes, tels que les Four-
mis, par exemple, qui déménagent constam-
ment leurs larves et leurs nymphes suivant les
heures du jour ou les saisons, et les Iransporlent
à différents étages du nid.
La sensibilité aux variations de pression
barométrique serait très délicate, d'après
J.-H. Fabre chez les Chenilles processionnaires
du Pin ; il pense qu'elles ont des organes évagi-
nables, spécialement destinés à recueillir ces
sensations et consacre un chapitre de ses
« Souvenirs » à cette question.
La sensibilité à la lumière, indépendante de
la vue (sensations dermatoptiques) ne se pré-
sente pas avec un caractère de généralité chez
les Insectes. Grabkh a montré toutefois qu'une
Blatte aveuglée peutencore percevoirla lumière.
Les Coléoptères cavernicoles et aveugles du
genre Anophthalmus réagissent à la lumière
d'une bougie ^Packard). La sensibilité à la
lumière est très manifeste chez les larves de
Mouches (asticots), qui sont dépourvues d'yeux :
elles fuient les rayons lumineux à courte lon-
gueur d'onde tels que ceux du bleu, tandis
qu'elles recherchent, au contraire, l'obscurité ouïes rayons rouges. Dans ce dernier cas,
la sensibilité à la lumière peut s'expliquer toutefois par l'existence des ébauches réti-
niennes chez la larve (C. Pouchet).
Les Fourmis dont les yeux ont été vernis sont rendues, par contre, indifférentes à la
lumière (Lubbocr).
2' Audition et sismesthésie.
Les Insectes présentent des organes spécialisés pour recueillir les vibrations résul-
tant de l'ébranlement de l'air, des corps solides ou liquides.
Les plus simples d'entre eux sont appelés organes chordotonaux (fig. 13, 14, 15) et
se présentent sous la forme de cordes ligamenteuses tendues sous les téguments et
susceptibles de transmettre les vibrations à des terminaisons sensorielles très spéciales
{clous scolopaiix entourés de scolopophores, otarium); ils peuvent occuper des positions
très variables, suivant les espèces (antennes, palpes, pattes, thorax, ailes, balanciers, etc.).
Chez les Orthoptères, on trouve des organes très différenciés et de grandes dimen-
FiG. 13. — Schémas do la disposition des organes
chordotonaux dans une larve de Corelhra
plumicoritis.
I, Trois segments abdominaux présentant, sur
la ligne médiane ventrale, la chaîne ner-
veuse en et, do chaque côté, les organes
chordotonaux oc, avec leurs ligaments ten-
seurs L, et le nerf N qui les relie à la chaîne
nerveuse.
II, Un des organes chordotonaux ]ilus grossi :
cg, cellules ganglionnaires ou sensorielles
formant le ganglion chordotonal ; C5, clous ou
corps scolopaux, entourés des scolopophores,
qui se prolongent en un tube terminal jus-
qu'aux téguments ; Z,, ligament tenseur ; N,
nerf reliant l'organe à la chaîne ganglion-
naire. (D'après Graber.)
INSECTES.
291
\!,rL
\
)l\
sions (o>'(/rtnt's tt/mpaniqucfi), qui peuv(Mit r-tre considérés comme des batteries d'organes
chordotonaux auxquelles viennent s'annexer des parties nouvelles desti-
nées au perfectionnement de l'appareil (membrane tympanique, vésicule
de renforcement, etc.)- Us sont innervés par le yaiiiçlion de la chaîne
ventrale correspondant au serment dont ils dépendent. Chez les Locus-
tides et les (Iryllides, l'organe tympanique est situé de chaque côté du
tibia de la patte antérieure (iig. 16 et 17); chez les Acridides, il est placé
latéralement sur le premier segment abdominal. On a fait remarquer —
mais ce fait paraît sans signification physiologique — qne les organes
chordotonaux, groupés contre la paroi interne du tympan, diminuent de
tailli; de haut en bas, comme les organes de Corti dans l'oreille des
Vertébrés supérieurs.
A la base des antennes, dans le deuxième article, se trouve chez
beaucoup d'Insectes, surtout chez les mâles, un organe sensitif particu-
lier, l'organe de JoHNSTON, qui atteint son plus grand développement chez
les Culicides (fig. 18) : ses terminaisons nerveuses doivent recueillir les
impressions provenant des vibrations communiquées à l'antenne (obser-
vations de KiRBY, Newport, HicKs, VViLL, qui tous regardent l'antenne
comme le siège de l'audition).
Quelle est maintenant la véritable fonction des organes précédemment
mentionnés? Sont-ils réellement destinés à recueillir et à transmettre les
vibrations sonores? Bien que ce rôle leur soit le plus souvent attribué, ils
semblent surtout destinés à ressentir les ébranlements ou les trépida-
tions. FoREL, Plateau, Pierre Bonnier, reprenant l'ancienne opinion de
DuGÈs, soutiennent que les Insectes, comme d'ailleurs les autres Inver-
tébrés et les Vertébrés inférieurs dépourvus de limaçon, n'entendent pas
dans le sens où nous comprenons ce mot. D'après Dugès, l'ouïe se réduit
chez les Insectes au tact des vibrations moléculaires, semblables à celle
que produit dans le sol qui nous porle le roulement d'une voiture ou
celles que nous ressentons dans notre poitrine au roulement d'un tam-
bour. La prétendue audition des Insectes ne serait qu'une sensibilité
tactile, surtout spécialisée pour les ébranlements des corps solides
{sismesthésie de P. Bonnier).
L'opinion de Radl (1903), qui considère l'audition des Insectes comme
un sens musculaire perfeclionné, ne s'écarte pas beaucoup, au point de
vue du résultat obtenu, de l'opinion précédente. Elle se base surtout sur
les analogies qui existent, d'après l'auteur, entre les organes chordoto-
naux et les muscles ou les tendons. Les cellules à clous scolopaux seraient
les équivalents des organes sensoriels que l'on trouve dans les tendons
des Vertébrés; mais ils présenteraient ici une spécialisation et une per-
fection bien plus grandes. En tout cas, l'auteur admet qu'ils ne peuvent
être impressionnés que par des ébranlements.
A l'appui de l'opinion qui refuse aux Insectes une véritable audition,
on peut mettre en avant les faits suivants :
1° Il n'existe pas d'expérience démontrant qu'un de ces animaux soit
devenu sourd à la suite de l'ablation d'un organe quelconque;
2° Les Insectes ne réagissent pas aux sons simples que l'on produit
dans leur voisinage. (Expériences négatives de Huber, Perris, Dugès,
LuDBocK et FoREL.) Ils sc montrent même le plus souvent sourds pour des
bruits intenses, si aucun ébranlement ne peut être transmis à leur corps
par le substratum sur lequel ils reposent. C'est ainsi, par exemple, que
FoREL a multiplié et varié les bruits produits auprès d'Abeilles en train
de butiner, sans jamais éveiller chez elles la moindre attention, à condi-
tion naturellement de prendre les précautions nécessaires pour se dissi-
muler à leur vue.
En revanche, les Insectes paraissent être extrêmement sensibles aux
vibrations des corps solides qui peuvent être transmises par les organes tactiles répandus
KiG. 14. — îS^é-
ma d'un or-
gane niiditii'
élémentaire
{otarium).
cip, ceHuleK hy-
p odermiques ;
c(/, cellules de
revêtement bu
glandulaires
ayant sécrété
le clou scolo-
pal es et le li-
quide qui rem-
plit sa caviti^
ainsi que la
vacuole sous-
jaconte V; Pd,
prolongement
émanant des
cellules pré-
c éden tes et
témoignant
qu'elles sont
des cellules
il y p o d e r m i -
quos modi-
riôes; <n, cel-
lule nerveusi!
se prolongeant
en son pôln
sensoriel y-tr
un cordon
axial qui pé-
nètre dans la
cavité du clou
scolopal,etqui
s'y termine
par un bouton
sensitif apical;
nf, neurofibril-
les allant for-
mer lo cordon
précédent. —
Oompareravec
l'ommatidio.
(D'après Bkk-
lesk"*.
S92
INSECTES.
KiG. 15. — Orrrane olionlotonal âv la ï" ]i;iiro
do pattes de Y li'jpterijx apicalis (Forlide)
'", trachéo ; 6A-, aniibocytes; c/;, cellules nerveuses;
/.■.•:, scolojjophores avec leurs clous ou clievilles ;
'••t, ligament terminal allant i la peau 'r). 'D'après
Grabkr.)
sur le corps tout entier (chocs sur les ruches des Abeilles, expériences de Forel et de
KiELDE et Parker sur les Fourmis).
L'un des principaux arguments mis en avant par ceux qui admettent que les Insectes
peuvent, au moins pour certaines espèces,
jouir d'une véritable audition, c'est la pré-
sence chez eux d'organes différenciés pour
la production des sons (organes stridulents
des Orthoptères, etc.), A cela on peut
répondre que les sons produits sont des
t,'nncements et des stridulations, c'est-ù-dire
roux qui peuvent le mieux déterminer des
l'iiranlements du corps.
Ghabeu, (jui admet une véritable audition
chez les Hexapodes, donne à l'appui de
soti opinion l'expérience suivante. Il place
(juelques Punaises aquatiques (Corixa) dans
une Jarre profonde remplie d'eau dont le
fond est recouvert d'une couche de vase. Il
laisse tomber une pierre sur la vase et les
Corizes fixées sur les plantes d'eau qui
flottent dans le récipient n'y font aucune
attention. Il laisse ensuite tomber une pierre
sur une pla(jue de verre placée au fond de
l'eau et le choc qui en résulte produit un certain bruit ; aussitôt, bien que le trouble de
l'eau soit semblable ù celui du cas précédent, les Corizes prennent la fuite.
Je ne ferai que rappeler l'expérience bien connue de Maver qui étudia l'inlluence
(les vibrations d'une série de diapasons sur les soies de l'antenne
d'un Moustique mâle (fig. iS) et reconnut qu'elles entraient surtout
en mouvement vibratoire pour 'il 2 vibrations (ut'j, ce qui correspond
à peu près au bourdonnement de la femelle. MAVtu constata en outre
(jue les soies de l'antenne du mâle sont plus impressionnées lors-
qu'elles sont dirigées perpendiculairement à la direction des sons :
un Cousin mâle entendant le bourdonnement de la femelle pourrait
donc tourner la tête jusqu'à ce que les deux antennes soient égale-
ment impressionnées et se diriger ensuite en droite ligne vers elle.
S'il eu était ainsi, on trouverait chez ces Insectes une faculté de se
diriger par les sons plus parfaite que celle qui se présente dans les
autres classes du règne animal. Mais les expériences de Maver sont
passibles des mêmes critiques que celles do Hensen sur les Mysis
(voir Crustacés».
Enfin il faut mentionner encore conmie susceptibles d'appuyer la
croyance à une audition réelle chez les Insectes, le ton d'essaimage
qui se donne au vol et qui permet aux essaims do se former et de
grossir par l'adjonction d'Abeilles voisines, ainsi que le chant des
mères qui se produit au moment de l'essaimage secondaire et qui est
bien connu des apiculteurs. Von Blttf.l-Reepe.n a fait aussi de
curieuses observations tendant à prouver que les Abeilles se commu-
niquent, dans bien des circonstances, leurs impressions par la nature
des vibrations sonores qu'elles produisent. Ces données spéciales
tirées de la biologie des Abeilles, ont assez de portée pour que Forel,
l'un des partisans les plus connus do la surdité des Insectes, soit,
arrivé à douter au sujet de l'ouïe de ces animaux. PourtanI, dit-il,
même dans les cas qui précèdent, il peut encore s'agir dune fausse audition par le tou-
cher et les différences de ton que notre oreille perçoit dans les sons émis par les Abeilles,
pourraient très bien être perçues par elles coinme diderences de vibrations tactiles, sui-
vant leur amplitude. C'est une manière de voir d'autant plus plausible que l'on ne connaît
pas chez l'Abeille d'organe dont l'ablalio!! empêcherait la perception de ces vibrations.
Fici. l'i. — Patte an-
térieure de Locusta
vi/'idissima , mon,-
trant les deux or-
ganes tymj)aniques
I a). D'après KoLBr.)
INSECTES.
293
En résumé, l'opinion d'après laquelle les Insectes auraient une véritable audition est
loin de reposer sur des hases suffisamment établies. Les perceptions sismesthésiqucs
sont au contraire chez beaucoup d'entre eux très développées, ot elles peuvent prendre
naissance, grâce à la présiuice d'organes disséminés sur les difl'érenles parties du corps,
ou localisés suivant les espèces d'une ta«;on très variable (antennes, organes tympaniques).
3" Sens statique, Orientation.
L'existence d'un sens de l'équilibre ou de la direction analogue à celui qui réside
dans le labyrinthe et les canaux demi-circulaires des Vertébrés nest pas clairement
démontrée chez les Insectes. On a pu extirper les organes divers qui ont été regardés
comme étant le siège d'un sens é(]uivalent (appareils tympaniques des Orthoptères,
organes sensoriels dos antennes), sans provoquer de troubles de l'équilibre.
Les batancict'S ou haltères, qui, chez les Diptères, remplacent la seconde paire d'ailes
fixée au métathorax des autres Insectes, ont pourtant été considérés
par divers auteurs comme des organes d'équilibration, destinés à
recueillir des sensations particulières, permettant à l'animal de coor-
donner ses mouvements pendant le vol. 11 n'est pas douteux, en
effet, que ces balanciers soient le siège de fonctions de relation im-
portantes : il existe à leur base des massifs de terminaisons senso-
rielles de deux natures différentes (corpuscules campaniformes groupés
pour former l'organe de Hicks et scolopophores). D'autre part, Binet
a démontré ce fait très important que la majeure partie des fibres
du nerf du i)alancier, nerf très volumineux d'ailleurs, ne s'arrêtent
pas au ganglion mélathoracique, mais le traversent, ainsi que toutes
les masses ganglionnaires tlioraciques placées en avant, pour se
mettre en rapport avec les centres encéphaliques. Il en résulte, sui-
vant toute vraisemblance, que le nerf des balanciers est principale-
ment un nerf de sensibilité spéciale.
On sait enfin que toute lésion de la tige ou de l'extrémité du
balancier empêche le vol de llnsecte. Si, par exemple, on coupe les
haltères d'une Tipule, ou si même on se contente d'en briser la tige,
on voit l'animal, quand il prend son vol, culbuter en avant et tomber
à terre sur le dos. Jousset de Bellesme, qui a fait sur cette question des
expériences fort intéressantes, arrive toutefois à cette conclusion que
le balancier agit dans l'équilibration d'une façon purement méca-
nique; il intervient comme une sorte de taquet qui limite en arrière
l'amplitude de la vibration de l'aile antérieure, et, suivant qu'il res-
treint d'une façon plus ou moins marquée cette amplitude, il di'-place le centre de
gravité de l'Insecte et permet à ce dernier de monter, de descendre ou de se diriger
en ligne droite^ Cette fonction mécanique ne nous paraît nullement exclure la loca-
lisation à la base du balancier d'une fonction sensitive spéciale en rapport avec l'équi-
libre ou la direction, et peut même être considérée comme s'accordant parfaitement
avec elle. Le rôle mécanique est seulement inséparable ici du rôle sensoriel.
Fabre, par ses expériences sur les Abeilles sauvages du genre Chalicodôme, Bethe
et Gaston Bonnier, par leurs observations sur les Abeilles domestiques, ont été conduits
à admettre qu'il existait, chez ces Insectes, un sens de la direction analogue à celui que
différents auteurs accordent aux Pigeons voyageurs. Pour Gaston Bonnier, qui a fait
sur ce sujet les observations les plus récentes, ce sens peut s'exercer, sans le concours
de la vue, et son siège serait probablement dans les ganglions cérébroïdes. D'autrf;
part, Bijttel-Reepen qui a également expérimenté sur les Abeilles, Bouvier (1901, p. 55),
qui a fait des observations d'une grande précision sur le retour au nid des Hyménoptères
du genre Bembex, et Ferton (1908, p. ;J78) qui a fait aussi des expériences très pro-
bantes sur les Osmies, ont apporté des arguments de premier ordre à l'appui d'une
opinion qui s'oppose complètement à celle des précédents auteurs. — Le vol rapide
d'un animal aérien, fait remarquer Forel, par ses innombrables et prompts déplace-
ments dans l'espace, doit lui permettre de s'orienter par la vue, d'une façon dont nous
FiG. 17. — Tibia
de la patte anttS-
rieure de Locusta
uiridissima.
td, opercule recou-
vrant la mem-
brane t y m p a "
nique ; tr, feutc
étroite sépa-
rant la membra-
brane de son cou-
vercle. (D'après
Grabiîr.)
294
INSECTES.
ne pouvons avoir qu'une faible idée; son orientation par la vue, qui bondit, en quelque
sorte dans les airs, doit être très différente de la nôtre et nous nous trouvons ainsi
conduits à rapporter cette orientation qui nous paraît surprenante à un sens mysté-
rieux. L'expérience démontre que, pour revenir à sa ruche, l'Abeille au vol se guide
d'après les points de repère qu'elle a notés aux sorties précédentes [première sortie des
jeunes Abeilles qui ne s'éloignent de la ruche qu'à reculons, en décrivant des cercles
de plus en plus grands pour graver dans leur mémoire le souvenir de la ruclre et des
environs]. Il en est de même des Bembex ou des Osmies qui, chargés de leurs proies ou
de leurs provisions de pollen, reviennent k leurs terriers [dépistage de ces Insectes à
leur retour, par dérangement ou suppression des points de repère (Bouvier, Ferton)»].
Si les Abeilles et beaucoup d'Hyménoptères fouisseurs se basent surtout, pour se
diriger, sur la vue et sur la mémoire des lieux, chez les Guêpes, l'odorat intervient pour
une forte part.
Chez les Fourmis, des variations très grandes existent suivant les genres : d après
PiKRON, certaines espèces {Aphœnogaster barbara, Formica cincrea), doivent leur faculté
d'orientation au sens musculaire de la marche : une de ces Fourmis déplacée, sans
que sa marche soit troublée, pendant
A ^ son retour vers la fourmilière, puis pla-
!\ cée dans un milieu analogue (connu ou
inconnu), se dirige vers un point corres-
pondant très sensiblement à remplace-
ment de la fourmilière, tel que, si elle
n'avait pas été déplacée, elle l'aurait très
sensiblement atteinte. Les Lasius et les
Myriiiica se dirigent, par contre, surtout
par l'odorat (Forel, Piéron). La vtie enfin
joue un rôle de premier ordre chez les
Fourmis amazones du genre Polyergus
(LuBBOCK, Faiîrk), sans exclure pourtant
l'odorat topochimique des antennes, qui
esl, chez elles, indispensable à la faculté
d'orientation f Forel).
4" Goût.
Fui. 18. — Antennes Je Culex
A, femelle: B, Màlf"- D'aprO-s Miall.>
L'existence du goût chez les Insectes
est démontrée par l'observation et l'ex-
périence (chenilles spécialisées pour une
plante et refusant après y avoir goûté toute autre plante; expériences de Will et de
Forel sur les Guêpes et les Abeilles, consistant à mélanger à leur nourriture d'autres
substances telles que alun, quinine, etc.). Il est pourtant souvent fort difficile de
distinguer le goiU de l'odorat, surtout si l'on a en vue cet odorat spécial que Forel
appelle odorat au contact, et qui doit participer à la fois du lad, du goût et de l'odorat.
On a proposé de réunir sous le nom de sens chimique ces facultés sensorielles (iNagel).
Le goût proprement dit est surtout très développé chez les Hyménoptères. Il réside
principalement dans l'organe de Wolf, autrefois considéré par Wolf lui-même comme
un organe olfactif, et qui, très développé chez l'Abeille, est situé à la base de la langue,
au niveau de l'épipharynx (Forel, 1886). Chez les Diptères, c'est également dans la
région de l'épipharynx, juste au niveau du point où vient se déverser la salive que se
trouve concentré le principal bouquet de terminaisons gustatives (Kunckel d'Herculais
et Gazagnaire, 1881).
l. Au cours de l'impression de cet article, Laloy a formulé une théorie intermédiaire entre
l>s deux précédentes. Pour les petites distances, pour les environs immédiats de la ruche, dit-il,
l'Abeille est guidée par la vue [fait mis hors de doute par de très nombreuses observations],
tandis que, pour les grandes distances, il faudrait admettre un sens spécial de la direction, rési-
dant peut-être dans les ganglions cérébroïdes. [Le sens de la direction spécialement chez les
Abeilles {Le Naturaliste, lo nov. 1900, p. 259).]
INSECTES.
29J
Il est plus douteux que les fossettes sensorielles, réparties sur la langue et les mâchoires
chez divers Insectes (Kiiœpelin, Forkl), puissent aussi participer ù ces fonctions. Les expé-
riences de Plateau ont montré que les palpes ne jouaient aucun rôle à ce point de vue.
Les facultés gustalives des Insectes ne s'étendent qu'à certaines catégories de sub-
stances : si elles leur permettent très bien de distinguer les substances amères ou
sucrées, ils mangent sans répugnance des substances qui peuvent leur être nuisibles
telles que le phosphore (ForiEr.).
5« Odorat.
Il est bien établi que le siège de l'odorat doit être placé dans les antennes
(A. Lei'ebvre, 1838). Une Abeille étant occupée à se repaître de sucre, Lefeuvre en
approcha une aiguille dont la pointe venait d'être trempée dans l'éther ; aussitôt l'In-
secte dirigea vers l'aiguille ses antennes, les agita et donna des signes d'une vive inquié-
tude ; quand la direction de l'aiguille variait, la direction des antennes changeait d'une
manière correspondante, tandis que l'approche d'une aiguille inodore ne provoquait
dans ces organes aucun mouvement. L'aiguille trem-
pée dans l'éther ne produisait par contre aucun ellet,
lors(iue l'expérimentateur l'approchait doucement des
stigmates situés sur les côtés de l'abdomen ou de
toute autre partie du corps éloignée des antennes. Il
montra de plus que des Guêpes auxquelles on a sup-
primé les antennes ne réagissent plus aux odeurs.
Les observations de Perris sur les Ichneumonides et
les Sphégiens, et celles de Dugès sur les Muscides
confirmèrent les résultats obtenus par Lefebvre.
IIauser enfin, par ses expériences variées portant sur
un giand nombre d'espèces, avec toute une série de
substances odorantes, fit adopter unanimement le
rôle olfactif des antennes.
L'odorat résidant dans les antennes est un sens
d'importance capitale pour les Insectes et que l'on
trouve à la base de toutes leurs activités. Il les guide
dans la recherche de leurs aliments ou des milieux
sur lesquels ils doivent déposer leurs œufs (Mouches
à viande, Nécrophores, Bousiers, Guêpes attirées par
le miel. Mouches trompées par les Aroïdées, obser-
vations de Perris et de J.-H. Fabre sur les Ichneu-
monides et les Sphégiens). C'est aussi l'odorat qui,
le plus souvent, guide les pâles dans la recherche
des femelles (expériences classiques de Balbiani
sur Bombyx mori; de Goldsborough-Mayer sur CaJlommia promcthea, 1900, etc.).
Chez les Formicides, l'odorat atteint, pour de nombreuses espèces, une précision
dont notre sens correspondant ne peut pas nous donner une idée. Par ses études sur
ces Insectes, Forel a été conduit à admettre deux sortes d'odorat résidant l'un et
l'autre dans l'antenne :
i" Un odorat à distance dont le siège doit être surtout dans les fossettes, plaques, ou
arêtes olfactives (formations dérivées d'un poil sensoriel couché), qui sont aplaties et
s'élèvent à peine au-dessus de la surface de l'antenne, et un odorat au contact résidant
dans les cônes ou massues olfactives de Leydig (fig. 19), qui hérissent la surface de l'an-
tenne. Ce dernier sens s'exerce grâce aux mouvements incessants de cet appendice qui
palpe et explore les objets environnants : c'est un sens topochimique, qui, avec le concours
de la mémoire, permet à l'Insecte de s'orienter d'une façon surprenante. Ce sens doit ses
propriétés ù ce que les terminaisons olfactives, au lieu d'être au fond d'une cavité comme
chez les Vertébrés, sont saillantes à l'extérieur. La Fourmi doit distinguer les impres-
sions de son antenne droite de celles de son antenne gauche, celles de la face gauche et
celles de la face droite de chaque antenne : elle localise dans l'espace ses sensations
olfactives; l'odorat devient ainsi relationnel. Ce sens la met en rapport avec toute une
Fio. 19. — Extrémito d'une antenne
de Fourmi (Formica rufa).
p, poils; o, cônes olfactifs; a, dépres-
sions au fond desquelles s'insèrent ces
(lorniors éléments. (D'après Leydig.)
296
INSECTES.
carte géographique de champs odorants difl'érents les uns des autres : « un coup d'an-
tenue lui fait sentir l'odeur allongée d'un brin d'herbe; un autre, l'odeur arrondie et dif-
férente d'une feuille;... sa propre odeur déposée sur le chemin, sous forme de piste,
celle des points touchés à l'allée par ses antennes, aura pour elle une forme précise.
Bref un monde de connaissances, localisées en relations fort précises, sera de cette
fa(;on projetée dans son cerveau. Si nous étions doués d'un pareil sens, le monde serait
transformé pour nous. L'odorat deviendrait un sens des formes, une source d'art, dont
nous ne pouvons nous faire qu'une faible idée. »
A l'appui de la conception de Forel viennent les observations et les expériences
t]ui ont été faites par lui-môme et par d'autres auteurs. Je ne citerai que l'élégante
expérience de Bethe, qui est, à ce point de vue, très démonstrative. Bethe fait passer des
Fourmis qui suivent une piste conduisant à des Pucerons (|u'elles exploitent, sur un dis-
que susceptible d'être tourné horizontalement. Lorsque les Fourmis y ont passé quelque
temps et que la piste est définitivement établie, il fait tourner le disque de 180". La
l)iste se trouve ainsi conservée, mais renversée sur le parcours du disque. Les Fourmis
alors s'arrêtent, vont et vionnenl, fort agitées, sur le disque; un rassemblement de
Fourmis hésitantes se forme, et ce n'est que
lorsque leurs circuits les ont amenées fortuite-
ment de l'autre côté, que, retrouvant la piste
dans le bon sens, elles continuent tranquillement
la route qui conduit soit au nid, soit aux Pucf-
luns. La désorientation des Fourmis, dans le
cas^qui précède, s'explique parfaitement parce
fait qu'elles doivent percevoir tout à coup, par
le sens topochimique de leurs antennes, une
transposition de l'espace. Elles perçoivent à
droite ce qui était à gauche, et réciprc-quement.
11 n'est pas besoin d'admettre une « polarisa-
tion » mystérieuse, comme le fait Bethe, pour
rendre compte des faits; mais la connaissance
d'un odorat relationnel nous en donne la clef.
L'odorat joue un rùle très grand aussi dans la
reconnaissance des Fourmis entre elles: ilestleur
sens social (Forel). C'est grâce à lui, et non par
un langage spécial que les Fourmis d'un |même
nid se reconnaissent, et quelles traitent en enne
mies celles qui appartiennent à une autre colo-
nie (expériences de Fokel sur Fourmis à antennes
coupées, de LlBBOCK, BETHE,WASMANN,PlKRON,etC.).
C'est également sur l'odorat (surtout l'odorat au contact) que repose, en grande
partie, le jeu des instincts des Abeilles. Von Blttel-Reepen a donné une remarquable
démonstration d'un fait que les vieilles observations de Huber, ainsi que toute la pra-
tique de l'apiculture avaient, d'ailleurs, accrédité : c'est que c'est à l'odeur que les
Abeilles reconnaissent leur reine. Von Buttel isole dans une petite cage la reine d'une
ruche; il replace la cage contenant la reine dans la ruche, à laquelle il enlève tous les
rayons, de façon à la transformer en essaim. Le lendemain, il enlève la cage avec la
reine: peu de temps après, grande agitation, suivant la règle habituelle en pareilles
circonstances, et le cri plaintif des Abeilles orphelines bien connu des apiculteurs se
fait entendre. 11 retire alors la reine de sa cage, et place cette dernière vide au milieu
des Abeilles. Aussitôt le cri cesse, la cage vide est assaillie d'Abeilles, la tranquillité
renaît, et le bruissement que les ouvrières font entendre lorsqu'elles ont retrouvé leur
reine retentit joyeusement.
L'odeur individuelle de la reine, à laquelle il faut joindre l'odeur individuelle des ou-
vrières, l'odeur de famille, celles des mâles, des matériaux, des provisions et du nid con"
stituent la base fondamentale des réactions dont se compose laîvie intérieure de la ruche"
L'odorat à distance paraît, par contre, beaucoup moins développé chez les Abeilles
que chez les Guêpes ^FoREL, Lubbock).
FiG. 20. — Coupe à travers une i)artio Je Tan-
renne d'une Guêpe, pour montrer les termi
naisoDs olfactives.
RS, bâtonnet ollactif (le tiret doit être pro
longé). (D'après Hauser).
INSECTES.
297
Enfin, chez les Hyménoptères païasitcs ou 'prédateurs (loliiieuninnides, Sphégiens),
les antennes, toujouis en mouvement, sont des instruments d'une telle précision pour
permettre à ces animaux de trouver les Insectes dans lesquels, ou sur lesquels ils doivent
déposer leurs a'ul's, que J.-H. Fauhk, après avoir consacré une partie de sa vie à l'étude
de ces animaux, se refuse à'admettre qu'un Sphégien tel (juc l'Ammophile puisse décou-
vrir par l'odorat une chenille ne dégageant aucune odeur perceptible et qui, de plus,
est enfouie sous terre; aussi tend-il à admettre un sens spécial sur lequel il ne peut se
prononcer.
Reste une dernière question. Les antennes sont-elles le siège exclusif de l'odorat?
A la suite d'expéiicnces variées sur les Fourmis, les Mouches, les Coléoptères et les
Orthoptères, Gkabku est arrivé à cette conclusion que d'autres parties du corps, telles
que les palpes et les cerques, pouvaient participer à cette fonction. Graber, il est vrai,
se servait de substances odorantes fortes et irritantes (essence de térébenthine, essence
de Romarin); et, ainsi que le fait remarquer
Plateau, il se peut que les palpes et les cerques
réagissent à ces substances, comme pouriait le
faire notre conjonctive, ou notre muqueuse
laryngée, pour certaines vapeurs irritantes, sans
qu'il s'agisse d'un véritable sens olfactif. Plateau
(expériences sur les Blattes) et FonEL(e.\périences
sur les Guêpes) ont montré, par une expérimen-
tation rigoureuse, que, toutes les fois qu'il s'agis-
sait d'odeurs faibles, ou de moyenne intensité,
non irritantes, telles que celles que les Insectes
ont le plus souvent à discerner dans la nature,
les antennes entraient seules en ligne de compte.
Toutefois, étant donné ce fait que les palpes et
les cerques peuvent présenter des terminaisons
sensorielles tout à fait semblables à celles que
l'on trouve sur les antennes et que l'on s'accorde
à considérer comme olfactives, il est bien difficile
de ne pas accorder que ces organes soient capables,
au moins dans certains cas, de participer au
sens olfactif.
6'^ Vision.
KiG. 21. — Tète de l'Abeille ouvriiirc.
vertex avec los trois ocelles ; 6, froQt ; d,
insertion des antennes (torulus); c, Joues;
/', clypeus : 1/, lèvre supérieure ou labre ;
II, mandibules; i, mâchoires; j, palpes la-
biaux; k, langue (partie terminales et mé-
diane de la lèvre inférieure); /, jeux com-
posés; M, antennes. (Figure empruntée à
IIOMMELL.)
La vision des Insectes s'exerce au moyen de
deux sortes d'organes distincts, présents à la
fois pour de nombreuses espèces parvenues à
l'état parfait : les yeux composés ou yeux à facettes (iîg. 21 et 22) et les yeux simi^lcs
ou ocelles (fig. 21 a, et 22 oc).
A. Vision avec les yeux composés. — • Les yeux composés sont formés d'un nombre
souvent fort élevé (plusieurs milliers) d'yeux élémentaires ou otnmatidies : chaque
ommatidie (fig. 2;j, 23, 30) est formée d'une partie dioptrique, périphérique [cornénle
et cône), et d'une partie sensible ou rctinule longues celluhis rétiniennes groupées
autour d'un axe formé par le rhabJome), le tout étant enveloppé d'un étui formé de
cellules pigmentaires. Les onimatidies sont donc séparées les unes des autres par une
couche pigmentée plus ou moins épaisse ; leur forme, comparable à celle d'un bâtonnet,
est généralement très allongée surtout chez les diurnes.
tt) Dioptrique, formation des images. — La façon dont les images peuvent se former
dans les yeux composés et donner lieu, pour l'Insecte, à une représentation du monde
extérieur a été très discutée. Depuis l'ancienne observation de Leeuwenhoeck, qui, met-
tant au point son microscope, sur la partie postérieure d'une cornée d'Insecte illuminée,
par la llanime d'une chandelle, voyait des centaines de petites images de la Uamme
renversée corresponrlant chacune à l'une des onimatidies, on a été longtemps arrêté
par la difficulté de comprendre comment l'Insecte pouvait arriver à combiner dans son
r
298 INSECTES.
sensorium ces images multiples pour se faire une représentation du monde extérieur.
JoHANNEs MiJLLER, dès 1829, avait pourtant, dans sa célèbre théorie de la vision en
mosaïque, permis de comprendre comment l'œil composé pouvait être utilisé pour la
vision. MuLLKR, sans tenir compte de l'image qui peut se former derrière la cornéule,
et qu'il paraît, d'ailleurs, avoir ignorée, admet que chaque ommalidie est impressionnée
par une aire lumineuse correspondant à sa projection sur le champ visuel, et que c'est
de la juxtaposition de toutes ces petites aires lumineuses, variables suivant l'intensité
et la nature des rayons qui les illuminent, que résulte l'image totale unique et droite
qui est perçue par l'Insecte. Les points lumineux qui composent l'image totale sont,
eux-mêmes, formés de la façon suivante : les rayons qui tombent normalement sur le
milieu dioptrique, et ceux qui, ne s'écartant pas trop de celte direction, peuvent y être
ramenés par son pouvoir réfracteur, atteignent seuls les fibres nerveuses correspon-
dantes; les rayons présentant une direction trop oblique tombent, au contraire, sur le
pigment, et sont absorbés. Chaque ommatidie n'utili.se donc que les rayons d'une très
petite partie du champ visuel, pour les concentrer en un point lumineux.
GoTTSCHE, en 1852, combattit la théorie de MCller, et la fit oublier, en renouvelant
l'expérience de Leeuwenhoeck, et en attirant à nouveau l'attention sur les images ren-
versées qui se forment chez la Mouche à viande {CaltipUora vomituria), derrière la
cornée de chaque ommatidie. La théorie
de MiLLEu ne fut remise en honneur que
lorsque les études hislologiques de Guena-
CMEU et les travaux physiologiques de
«SJ^^^^^^^^^^^^^^' \^^^'^Q^ ExNER permirent de la préciser en la com-
^^^J^^^^'^^^^^^- 'yQbO plétant, et aussi en la modifiant sur un
t j^^ïv \^ / ,^<@vy^ T certain nombre de points.
-1, ' Dans une expérience capitale au point
0, de vue de nos connaissances sur la vision
on des Arthropodes, Exneii est arrivé à mettre
FiG. 22. — Têto de l'Abeille mâle. en évidence et à fixer par la photogra-
a, antennes; au, yeux composés; f, 7 facettes plus phie limage unique et droite formée par
grossies; f les méme.s montrant les poils qui sont j-^j, ^ facettes, en prenant comme SUJet
insérés entre elles; oc, les trois ocelles. (D après ,, , ' r- j
Gbrstacker.) d étude le Lampyris splenclibula mâle*.
Cette image est celle que MOller avait
conçue théoriquement, et qui doit être perçue par le cerveau de l'Insecte. Le même
auteur et, plus tard, Parker (1895) réussirent à voir des images semblables dans une
série d'autres Insectes et chez les Crustacés.
Bien que toutes les conclusions d'ExNER ne puissent être considérées comme défini-
tives, et que de sérieuses réserves puissent être faites à leur sujet (voir les récents tra-
vaux de Vicier), ses recherches sont néanmoins fondamentales pour tous ceux qui
veulent aborder l'étude de la vision des Arthropodes. Aussi croyons-nous indispensable
d'en donner un exposé.
Il résulte des recherches d'ExNER que la cornée et le cône ont une structure feuilletée
et peuvent être considérés comme un système formé d'une série de cônes à sommets
tournés vers l'intérieur et emboîtés les uns dans les autres ; l'examen, au moyen du
microréfractomêtre, a révélé que dans ce système l'indice de réfraction est maximum,
suivant l'axe et décroît progressivement vers la périphérie. Au point de vue optique, on
peut assimiler cet appareil ù un système formé d'une série de cylindres emboîtés les
uns dans les autres et dont la réfringence augmenterait à mesure que l'on se rappro-
chei'ait de l'axe. Ex.xERadonné à un tel système réfringent le nom de cylindre-lentille et
il a étudié par le calcul aus'si bien que par l'expérience ses propriétés optiques :
Soit a b cd (fig. 26) un cylindre dont l'indice de réfraction est maximum suivant son
axe xy et diminue graduellement vers la périphérie. Soit xm un rayon tombant obli-
quement sur l'une des bases ac. Une fois arrivé dans le cylindre, il franchit les surfaces
qui séparent les couches inégalement réfringentes et sur chacune d'elles, par exemple
sur «' b', il se trouve réfracté de façon que sa direction fasse un angle de plus en plus
1. Voir le paragraphe (c) acuité visuelle.
INSECTES.
299
petit avec l'axe du cylindre; à un moment donné l'angle deviendra nul, puis négatif.
Dès lors le rayon suivra une marche inverse et passera dans des couches devenant de
plus en plus réfringentes; ramené ainsi graduellement vers l'axe, il finira par le ren-
contrer à nouveau en //. On peut démontrer que toute une onde sphérique émanée de x
sortira ainsi du cylindre avec une forme concave en prenant successivement les formes
/>(' u*, m- H-, m' 71^ m'' n^, m'' n-' (fig. 27) et que tous les rayons iront se concentrer en y.
Dans l'étude de la marche des rayons lumineux à travers les cylindres-lentilles, il y a
à tenir compte de la longueur du cylindre, et deux cas principaux sont à considérer au
point de vue de la vision de l'cvil composé.
1«''Cas. — Le foyer se trouve sur la base postérieure ou base rétinienne du cylindre,
et celui-ci a par conséquent la longueur de sa
distance focale. Il se forme alors sur cette
base une image renversée et les rayons prin-
cipaux R, R' émanés des points lumineux de
l'objet sortent du cylindre parallèles entre
eux (llg. 28).
2* Cas. — La longueur du cylindre est double
de sa distance focale. Dans ce cas, l'image
renversée d'un objet placé à l'infini se forme
au milieu de la longueur du cylindre en yz
(fig. 29) ; les rayons repartent alors de tjz pour
suivre dans la seconde moitié du cylindre
une marche symétrique à celle qu'ils ont
suivie dans le premier, et ils sortiront sous un
angle égal à celui sous lequel ils sont entrés,
en se dirigeant du même côté de l'axe que
celui dont ils venaient, du côté droit de l'axe
du cylindre par exemple si le point lumineux
était placé à droite de cet axe. Le résultat est
en somme le même qu'avec une lunette astro-
nomique ne grossissant pas et réglée pour
l'infini : il se formera une image droite.
ExNER a démontré qu'il existait chez les
Insectes et les Crustacés deux types de vision
dioptrique correspondant aux deux cas qui
viennent d'être exposés.
\er Type (fig. 30). — Le système représenté
par la cornéule et le cône peut être comparé,
au point de vue dioptrique, à un cylindre-len-
tille ayant une longueur égale à sa distance
locale. En ce cas les cônes sont entourés de pig-
ment jusqu'à leur extrémité postérieure et ne
laissent passer la lumière à leur sortie que par
un point central. Les rétinules sont courtes
et placées immédiatement derrière les cônes.
Il peut alors, d'après la marche des- rayons,
se former une image renversée et partielle qu'Ex.xER a vue chez différents Insectes et
qui ne doit pas être confondue avec l'image renversée de Leeuwenhoeck produite seu-
lement par la lentille cornéenne. Cette image renversée et partielle, bien que se formant
sur la rétine, n'a, en tout cas, d'autre signification physiologique que celle d'un foyer
lumineux, et elle est trop petite, d'après Exxer, pour pouvoir être définie par les éléments
visuels. Elle impressionne la rétine comme un simple point lumineux et l'ensemble de
tous ces points lumineux correspondant aux diverses ommatidies constitue une image
droite par juxtaposition {Appositionshild) (fig. 31) qui se projette sur le face antérieure
de la rétine. (Bourdons, Guêpes, Mouches, Libellules, Elatérides, Dorcadion, etc.).
2* Type (fig. 32). — Le système représenté par la cornéule et le cône cristallin équi-
vaut, au point de vue dioptrique,'ii un cylindre-lentille ayant une longueur double de sa
Fig. 23. — Schéma de la structure
de trois ommatidies.
C, cornéule; cg, cellules cornéagènes (deux); »s,
noyaux de Senii)er ( t on tout, 2 sur la coupe) ; cr,
cellules cristalliniennes formant le cone cristal-
lin t en tout, 2 sur la coupe) ; cpp, cellules pig-
mcntaires princii)ales; c/), cellules pignientaires
secondaires; cv, cellules rétiniennes (7 en tout,
2 sur la coupe) disposées autour du rhabdôme R
et constituant avec lui la rétinule; cpb, cellules
pignientaires en rapport avec la basalc (ôa),
et constituant la couche de pigment choroïdien,
les autres cellules pigmeatairos formant la
couche du pigment iridion. (D'après Berlese.)
300
INSECTES.
'^à^
FiG. 21. — S<-!i(5iiia il'uno
roui)c transversale de
7 onimatiilios passant,
au niveau do la ligne e
sur la tigurc précédente.
(D'après Biîrlese).
distance focale. Dans ce cas, le pigment est concentré en avanlcnlre les cônes cristallins;
les rétinules en outre ne sont pas placées immédiatement derrière les cônes et en contact
direct avec eux; mais elles en sont séparées par un espace intermédiaire assez grand,
occupé par un milieu transparent, mais non réfringent. Les ommatidies sont en cons»'--
quence d'une grande longueur. Il résulte de ces diverses circonstances que, parmi les
rayons qui émanent d'un point lumineux, non seulement ceux qui tombent sur une
ommatidie directement placée en face de lui (désignons-la par a', soit celle du centre
dans la ligure 24), sont n'-fractés de façon à se réunir sur le
rhabdùme correspondant ()' ; mais encore ceux qui tombent sur
les facettes voisines de cette ommatidie {a-, a^, a*, à', u'^, a') sont
réfractés par leurs cônes, de façon à venir converger sur le même
rhabdome (r*). En admettant que seules les 6 ommatidies immé-
diatement voisines de a* (soient a- — a'), — et il peut y en avoir
bien davantage, jusqu'à une trentaine, — participent à cette con-
centration df-s rayons émanés du point lumineux, le rhabdome
*■' de l'ommatidie a' recevra ainsi une lumière 6 fois renforcée.
11 en sera de même pour les autres points lumineux d'un objet
co'nsidéré, dont les rayons iront se concentrer sur d'autres
rliabdômes par l'intermédiaire de plusieurs facettes et, comme
les rayons ressortent du môme côté de Taxe que celui par lequel
ils sont entrés et sous un angle équivalent, on aura une image
droite dont chaque point résullera de la concentration et de la superposition sur un
même élément de plusieurs faisceaux (7 dans l'exemple théorique <|ui précède' réfractés
chacun par une facette différente. L'image ainsi obtenue sera une image par mperpo-
sition iSiipe)positionshUd) (lig. 33); c'est elle qui a été photographiée par Exner pour le
Lampyre. Elle a été vue en outre chez la Cantharide, le Téléphore, l'Hydrophile, les
Cétonides, les Papillons nocturnes.
Entre ces deux types fondamentaux, il existe une quantité d'intermédiaires, car les
yeux composés des Arthropodes ont une structure extrêmement variable et à chaque
structure correspondrait un mode de fonctionnement particulier. Les interprétations
fournies par Exner se rapportent surtout aux yeux cucones,
c'est-à-dire présentant des cônes bien dilférenciés. Mais il
existe aussi des Insectes qui n'cmt que des cônes purement
cellulaires et non réfringents placés en arrière de leur cornées
(yeux acones des Tipules, Forlicules, Hémiptères, divers
Coléoptères), ou bien les cônes ne sont représentés (]ue par
une masse liquide sécrétée par les cellules cristallinieinies
(yeux pseudocones des Muscides). Ce sont alors les cornées
dans ces deux cas qui constituent les éléments exclusifs ou
principaux de l'appareil dioptrique, et l'on obtient des images
par juxtaposition.
A côté du mécanisme des cijlindres-lentilles, dont les études
d'ExNER ont révélé l'importance prépondérante, il existe
certainement d'autres facteurs, tels que la réflexion totale
de certains rayons sur les parois du tube ommatidien, qui
concourent à la concentration et au groupement des
rayons lumineux sur les éléments de la rétine et qui,
suivant les types dont il s'agit, présentent une importance plus ou moins grande.
Exner a constaté que l'image par superposition ne se forme guère que chez les noc-
turnes, c'est-à-dire chez ceux qui ont besoin d'utiliser le plus grand nombre possible de
rayons lumineux. Comme la plupart des Insectes nocturnes voient aussi à la lumière,
leur appareil visuel présente une disposition remarquable tout à fait comparable à l'iris
et qui leur permet d'adapter leur œil aux différentes intensités lumineuses. Le pigment
qui entoure les ommatidies est en efTet partagé en deux zones largement séparées l'une de
l'autre, l'une entourant la partie profonde des éléments visuels ou pigment rétinien, et
l'autre périphérique occupant la région des cônes ainsi que celle qui vient immédiate-
ment au-dessous, ou pigment iridien (fig. 34). Tandis que la lumière n'a pas d'action méca-
Kii.. 25. — Se lié m a de la
coupc! transversale d'une
létinulc.
1-7, (.-ellules rétiniennes ou
visuelles; n. noyaux; au
leniro le rhalidomc est re-
présenté en noir. (D'après
BÉRLESE.)
INSECTES.
301
ri —
FiG. 2C.
Marche d'un ra^ ou ocm daus un cylindi-c-lentillo.
(Daprùs ExNER.)
nique sensible sur lo pi,i;iueiil rétinien ciiez les Insectes (contrairement à ce qui a lieu
pour les Crustacés), il n'en est pas dn même pour la couche pùripliérique, qui, suivant les
variations d'intensité lumineuse, fonctionne comme un iris atteignant un très haut degré
de perfection. Si l'on fait en effet deux préparations de l'œil portant sur deux Insectes
de nirme espèce, l'un tué on plein soleil, l'autre tué à l'obscurité, on constate que la
disposition du pigment iridien est fort différente dans les deux cas (Kxner, Stefanowksa)
(fig. 32, 34). Par une lumière intense le pigment iridien s'étale en arrière, au delà
des cônes, coiiTant le sommet do chacun d'eux d'un tube à parois noires d'autant plus
long que la lumière est plus intense, et il ne laisse passer que les rayons dirigés suivant
les axes des ommatidiesou ceux qui s'en écartent pou; au contraire, dans l'obscurité, le
pigment se concentre en avant, du
côté de la surface, et presque tous
les rayons tombant sur les facettes
peuvent être utilisés. Pour obtenir le
maximum de déplacement, il ne faut
pas un séjour très prolongé à la lu-
mière ou à l'obscurité; mais seule-
ment quelques heures.
Les variations dans la disposition
du pigment iridien peuvent se tra-
duire chez l'Insecte vivant par un
phénomène facilement appréciable,
surtout si l'on a recours à un ophtal-
moscope muni d'une lentille grossissante; c'est le phénomène d'extinction de la lueur
oculaire : lorsqu'on examine l'œil d'un Papillon de nuit ayant séjourné à l'obscurité,
en approchant la tête de l'animal de la flamme d'une bougie, on distingue à la sur-
face de l'œil un point lumineux rouge. Au bout de quelque temps d'exposition de
l'œil à la lumière, la lueur disparaît, et elle ne peut reparaître qu'après un séjour pro-
longé à l'obscurité . Ce phénomène s'explique aisémont par le jeu du pigment iridien
joint à la présence au fond de l'œil d'un tapis de trachées recouvrant la membrane
basale et réfléchissant la lumière. La lueur oculaire des Insectes reconnaît la même
cause que chez les Vertébrés : la vision directe du fond de l'œil; elle existe chez de
nombreux Insectes; mais ce n'est naturellement que chez les nocturnes, c'est-à-dire chez
ceux qui ont un pigment iridien mobile, que peut se présenter le phénomène de l'ex-
linction précédemment décrit.
Ci- m: ui.-; ns,;;. h ,„ . b) Fonctions rétiniennes. —
^ - "^ ' ■ ' '^ Tout concorde actuellement à
faire admettre que les bâton-
nets ou rhabdûmes (fig. 25 et
lig. 30 rh) qui occupent la
partie axile des rétinules sont
les éléments rétiniens chargés
de recueillir les rayons concen-
trés par le système dioplrique,
et qu'ils prennent une part im-
portante à la transformation de
l'énergie lumineuse en énergie nerveuse. Les sept cellules rétiniennes qui entourent les
rhabdômes constituent les intermédiaires entre ces derniers et les fibrilles nerveuses.
A ce propos, Vicier a récemment découvert de très intéressants détails de structure,
dont la connaissance semble de nature à jeter un jo,ur tout nouveau sur le problème
de la vision par l'œil composé. Il a reconnu notamment que, chez les Muscides, chaque
ommalidie reçoit non pas une impression lumineuse diffuse, mais sept impressions
distinctes correspondant à sept points voisins situés dans l'aire centrale d'une petite
image renversée; chacune de ces impressions est recueillie par une courte baguette
photoréceptrice se trouvant à l'extrémité périphérique de chacune des sept cellules
visuelles ou rhabdomères de l'ommatidie, précisément au niveau où se forme l'image
projetée par la cornéule. Vigier, contrairement à Exneu, se tro'.ive ainsi conduit à attri-
FiG. 27. — Marche d Une invU- sphoriquo émanant de .r
au travers d'un cylindro-lontillo. (D'après ExNiiR.)
305
INSECTES.
biier à cette image une valeur pliysiologiquc (tout au moins pour les Muscides). Ces
images partielles et renversées, par conséquent discordantes, ne peuvent toutefois,
d'après lui, se juxtaposer ou se superposer dans l'œil en une ima^^e continue. Pour
comprendre la vision par l'œil composé, on ne saurait, dit-il, se baser uniquement sur
la structure de cet œil, et il y a lieu de tenir compte à un très haut degré de la dispo-
sition compliquée du tractus optique et des centres cérébraux. En réalité, d'après
Vicier, il se fait d'abord au niveau du periopticiim une fusion des excitations semblables
recueillies par des rhabdomères différents appartenant à des ommatidies voisines, et
par suite une réduction du nombre des fibres conductrices; puis une combinaison des
excitations transmises en une image cérébrale totale, grâce à l'intervention des deux
chiasmas successifs sur le trajet des voies optiques.
La nature très fortement réfringente et la forme bacillaire souvent très allongée du
FiG. 28. — Formation de
l'imago avec un cylindre
lentille (1" cas), d'après
EXNEB.
KiG. '29. — Formation do
l'image avec un cylindre
lentille (2» ^ cas), d'après
E.\.NER.
rhabdôme en font un appareil de réception parfaitement adapté pour conduire, sans
déperdition, la lumière comme pourrait le faire une baguette de verre, grâce aux phéno-
mènes de réflexion totale; arrivée au fond de lœil, la lumière rencontre une surface
réfléchissante (tapis) et les rayons lumineux sont renvoyés à l'extérieur en suivant une
marche inverse de celle qu'ils avaient primitivement suivie. L'excitation nerveuse trans-
mise aux cellules rétiniennes se trouve ainsi multipliée. C'est surtout chez lesnocturnes
que l'on trouve un tapis bien dilTérencié, de façon à mettre à profit toute l'énergie des
rayons lumineux. Il est formé de fines ramifications trachéennes qui s'étendent en nappe
à la base de la rétine et constitue, d'après Exner, le tapis le mieux adapté à sa fonction
réfléchissante que l'on puisse rencontrer dans le règne animal.
Pas plus pour les Insectes que pour les autres animaux, on n'est fixé sur la nature
du travail de transformation qui peut s'opérer au niveau de la rétine, et on doit se
borner à noter l'existence des phénomènes chimiques, électriques ou autres qui
l'accompagnent :
J. Chatin a signalé l'existence de l'érythropsine ou rouge rétinien chez la Sauterelle
verte {Locusta vividissima) : très intense dans l'œil excisé sur l'animal vivant et observé
de suite, la teinte rose des bâtonnets s'affaiblit rapidement.
La production d'un courant électrique est déterminée par le choc de la lumière sur
la rétine, ainsi que Dewar l'avait démontré pour les Vertébrés, et c'est aussi dans la
INSECTES.
303
/'■«/
région jaune verte (.lu spectre que le courant atteint son maximum, tandis qu'il
trouve son minimum dans la région ronge. (Expérience de J. Chatin sur les Locustides.)
c) Acuité visuelle. Perception des formes. — L'image obtenue avec l'œil du
Lampyre nulle et photographiée par Exner (frontispice de son livre) représente une
fenêtre qui porte une grande lettre R fixée sur une de ses vitres et au travers de
laquelle on voit la niasse d'une église.
Cette image correspond à une acuité visuelle de 6/400" à 6/;i00'= Snellkn, qui peut
s'exprimer en disant que, si un Lampyre perçoit cotte image avec la
netteté qu'elle présente en réalité, il doit reconnaître une grille à bar-
reaux de l) centimètres, comme grille, à 2 m. 25 de distance. Suivant
les espèces, de grandes dilTérences doivent exister au point de vue de
l'acuité visuelle. Le nombre des ommatidies doit évidemment avoir,
à ce point de vue, une grande importance. De plus, à une distance
donnée, toutes choses égales d'ailleurs, un objet sera vu d'une faron
d'autant plus distincte que les yeux élémentaires seront entre eux
plus parallèles, ce qui se réalisera lorsque ces éléments seront le plus
longs possible, et les lentilles cornéennes le plus petites, en un mot,
lorsque la -forme conique de l'œil élémentaire sera le moins accen-
tuée. On comprend en effet que dans ce cas l'image de l'objet inté-
ressera un nombre maximum d'yeux élémentaires.
Par de nombreuses expériences Plateau a démontré que généra-
lement les Insectes perçoivent mal les formes : On peut empêcher les
Mouches et les Guêpes d'entrer dans une maison en plaçant devant la
fenêtre un filet ayant des mailles notablement plus larges que l'enver-
gure de l'Insecte; celui-ci s'arrête devant lui, comme s'il se trouvait
devant une barrière infranchissable. En introduisant des Insectes dans
des caisses transformées en labyrinthes à l'aide de cloisons incomplètes
et d'obstacles divers, Plateau a constaté qu'ils se heurtaient constam-
ment et n'arrivaient à sortir en contournant les obstacles qu'avec la
plus grande difficulté. Forel rapporte qu'il a vu une Guêpe chassant
des Mouches sur un mur, se jeter à diverses reprises sur des têtes de
clous, confondant celles-ci avec les proies qu'elle recherchait. Tous
ceux qui ont observé les Insectes et en particulier les Hyménoptères
ont pu faire des observations analogues et les voir, par exemple,
s'abattre sur un caillou noir en le prenant pour l'entrée de leur terrier.
Il est très exagéré pourtant de dire que les Insectes ne distinguent
pas les formes, ce qui serait en contradiction avec nos connaissances
sur la structure de l'œil composé et aussi avec l'expérience. Forel et
LuBBOCK dressèrent des Guêpes à venir chercher du miel sur des car-
tons de forme déterminée et, changeant ensuite la forme des cartons,
ils constatèrent qu'elles pouvaient s'apercevoir des changements. Si
l'on place un filet à mailles de 22 millimètres devant un nid de Guêpes,
celles-ci, après un apprentissage d'un quart d'heure, traversent le
filet au vol et sans hésiter (Pissot) : il faut en conclure, comme le fait
Forel, que les Guêpes distinguent au moins le centre du pourtour des
mailles.
d) Accommodation. Vision à des distances différentes. — On a long-
temps pensé, malgré les anciennes observations de Leydig, que la struc-
ture de l'œil composé excluait toute possibilité d'une faculté d'accom-
modation. Vicier a pourtant récemment constaté chez les Libellules (^Esc/îna) l'existence
d'un appareil accommodateur interposé entre les ommatidies. Il se compose, d'une part,
de myolîbrilles, qui par leur contraction tendent à raccourcir l'extrémité distale des
ommatidies et en particulier les cônes cristallins, d'autre part de ramuscules trachéens
qui par leur élasticité et par la pression de l'air qu'ils contiennent, tendent au contraire
à comprimer les faces latérales des ommatidies et à produire leur allongement.
La vision à des distances difTérentes peut se concevoir d'ailleurs, chez les Insectes,
dansbiendes circonstances, sans appareil d'accommodation. L'étroitessc d'ouverture des
FiG. 30. — Omina-
t idie d'un œil
composé (type
correspondant à
la formation de
l'image par appo-
sition).
cl, cornéule; kk.
cône; pz', cellules
pigment a ires
principales; pz-,
cellules pigmen-
taires accessoi-
res ; fz, cellules
rétinicnncsentou.
rant le rhabdônic
rh et constituant
la rétinule; nf,
fibres nerveuses.
(D'après Hesse.)
30^
INSECTES.
ommatidies comparables à des petites chambres noires est, dans certains cas du moins,
une condition qui doit favoriser la formation des images sur
un même plan, quelle que soit la distance de l'objet (Vial-
LANES).
Chez certains Insectes tels que la Libellule la partie infé-
rieure de l'œil, à éléments relativement courts et étroits, est
adaptée à la vision des objets rapprochés, tandis que la partie
supérieure, à éléments longs et larges, est adaptée à la vision
des objets éloignés. La présence de quatre yeux composés
chez Cloi'on diplerum et chez le liibio mâle est susceptible de
recevoir nne interprétation analopuo.
r Perception des mouvements. — Les Insectes perçoivent
beaucoup mieux les mouvements que les formes.
D'après ExNER, l'œil composé, par sa structure, se prête
mieu.x. à la perception des mouvements que l'œil des Verté-
brés. Il fonctionne comme la périphérie de cet œil, où les
déplacements des objets sont beaucoup mieux appréciés que
les formes elles-mêmes.
Dans l'teil composé, les images partielles des facettes voi-
sines se mêlent toujours plus ou moins, et il se forme ainsi
des cercles de dilVusion tenant à différentes causes qui ont été
étudiées par Ex.nkii. Certaines ommatidies dont l'axe principal
rencontre l'objet extérieur seront vivement impressionnées et
l'impression ira en se dégradant pour celles qui sont autour.
Le plus faible déplacement de l'objet aura alors pour effet de
changer simultanément l'état d'excitation d'un grand nombre
d'éléments et il en résultera (jue l'Insecte percevra ce mouve-
ment d'une façon très vive. On peut dire d'une manière géné-
rale que, chez les Insectes, l'étendue du champ de la vision dis-
tincte et la netteté de limage se trouvent sacritiées à la
faculté d'apprécier les mouvements.
Il est d'observation vulgaire que des Insectes, qu'il est
difficile de saisir par un mouvement brusque, se laissent au
contraire prendre facilement, si l'on s'approche d'eux avec
nne très grande lenteur. Beaucoup ne reconnaissent leur proie
on leur ennemi que lorsque ces derniers se mettent en mou-
vement.
D'après Plateau, la distance à laquelle les mouvements des
corps un peu volumineux sont distingués ne dépasse pas
■1 mètres. Elle est en moyenne de 1 m. 50 pour les Lépidop-
tères diurnes, de GO à 70 centimètres pour les Hyménoptères
et les Diptères. Forel pense que les Insectes peuvent voir les
mouvements de plus loin : on efîarouche, par do simples
mouvements, lei Abeilles, les Papillons, les Libellules, les Cri-
quets à plusieurs mètres de distance.
/' Perception des couleurs. — Il importe dans cette étude
de distinguer deux points :
1" Les Insectes distinguent-ils les uns des autres des
objets diversement colorés, et la couleur d'un objet peut-elle
les aider à se diriger vers lui ?
2° Les couleurs difîérentes ou lumières de diverses lon-
au rhabdôme que lorsqu'iK gueurs d'oude détemiinent-elles chez les Insectes des sensa-
s'écartent peu de laxc lions spécifiques, qui sont, sinon identiques, du moins ana-
(D après j^g^pg [^ celles que nous percevons?
1° A la première question, du moins pour certains Insectes
tels que les Abeilles, on peut répondre par l'affirmative. Les expériences de Lliîijocic,
de J. PÉREz, de Peckiiam, de Forel ne peuvent laisser place au doute.
jii ' h
II
FiG. 31. — Schéma de la
vision avec un œil composé
eucôae, suivant le type
par apposition.
Un objet vu par les trois
ommatidies /, 5 et S, se
trouve divisé en 3 parties
I, II et III se rapportant
chacune au champ visuel de
l'ommatidie correspondante:
les lignes indiquent la mar-
che des rayons n'arrivant
do l'ommatidie.
IIesse.)
INSECTES.
soi;
Àk-
px,
Je rappelle une expérience de I^uduock : Il disposa une goutte de miel sur une
lame de verre qui recouvrait elle-même du papier bleu; à un mètre de distance il mit
une goutte de miel semblable sur une autre lame de verre
qui recouvrait du papier orange. 11 prit alors une Abeille '"^ ^
venant d'une ruche éloignée de deux cents mètres et la mit ^-—^ ^^ •— -v.
sur la goutte de miel du papier bleu. L'Abeille se gorgea de
miel, alla à sa ruche el revint, suivant le manège habituel
aux Abeilles qui ont commencé à butiner à un endroit.
Lorsqu'elle eut fait deux voyages, LuBBOcii transposa les
papiers : dès qu'elle /ut revenue, l'Abeille persista néanmoins
à chercher le miel sur le papier bleu. Après plusieurs nou-
veaux voyages, l'observateur changea encore le papier de
place : l'Insecte, à son retour, faillit s'abattre sur l'ancien
emplacement, mais, s'apercevant du changement de couleur,
il s'élança sans hésiter sur le bleu. « Pour quiconque eût vu
celte Abeille, dit Lubbock, il ne pouvait subsister le moindre
doute qu'elle perçût la diflerence des couleurs. »
Le même savant fit avec un égal succès des expériences
semblables avec les autres couleurs et les Abeilles ne firent
de confusions fréquentes qu'entre le bleu et le vert. On sait
d'autre part que les apiculteurs peignent souvent les ruches
en couleurs différentes pour faciliter aux Abeilles la recon-
naissance de leur demeure respective et von Buttel a rap-
porté des observations précises montrant que cet usage était
justifié.
Jean Pérez mit du miel dans des corolles écarlates de
Pelargonium que les Abeilles ne visitent pas à l'état normal;
une fois le miel découvert, les Abeilles visitèrent les Pelar-
gonium tant et si bien que la couleur rouge de ces fleurs
s'associa au souvenir de leur récolte et qu'elles visitèrent de
nombreux Pelargonium sans miel.
FoREL obtint des résultats analogues en entraînant les
Abeilles ou les Bourdons à butiner sur des Heurs artificielles
ou sur des morceaux de papier colorés chargés de miel et en
leur donnant ensuite des fleurs artificielles ou des papiers
colorés semblables dépourvus de miel.
2° Il semble moins facile, au premier abord, de donner
une réponse catégorique à la deuxième question, avec les
éléments dont nous disposons. Plateau, invoquant les obser-
vations de Graber, Merejkowsky et les siennes (voir article :
Crustacés, iv, 574), pense que les expériences qui ont été
faites ne prouvent pas que les Insectes distinguent réellement
les couleurs avec des qualités spectrales propres à chacune
d'elles. 11 est pourtant bien difficile d'admettre que, dans les
expériences précédentes, les Abeilles entraînées sur une cou-
leur par un expérimentateur aient appris à reconnaître un
papier coloré, simplement d'après l'intensité plus ou moins
grande de son pouvoir éclairant. Cette intensité lumineuse ne
peut être d'ailleurs appréciée par l'Insecte que d'une façon
relative et par contraste avec l'environnement ou avec le fond
sur lequel repose le papier coloré : elle doit donc être appré-
ciée d'une façon essentiellement variable, suivant les positions
diverses que l'on peut donner à ce dernier, et l'on ne s'expli-
querait pas comment les Abeilles pourraient le reconnaître,
si elles ne le voyaient pas avec une couleur réelle tenant à la
réfrangibilité spéciale des rayons qu'il réfléchit. Un tlaltonien n'arrivera jamais à dis-
tinguer les couleurs par leur intensité lumineuse avec une sûreté comparable à celle
DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME IX. 20
nf. fi
FiG. 32. — Deux ommatidies
d'un œil composé de Noctuelle
construit pour l'image par
superposition.
En A, disposition du pigment
lorsque l'Insecte est exposé à
la lumière ; eu fi, disposition
du pigment, lorsque l'Insecte
est à l'obscurité ; cl, cornéule;
p«i, cellules pigmentaires
principales ;p;ï, cellules pig-
mentaires accessoires; ssfc,
noyaux des cellules visuels,
atypiquement rejetés vers
l'axe et rassemblés en un
amas; ?-A, rhabdôme ; nf,
libre nerveuse; les cellule.s
pigmentaires rétiniennes ne
sont pas figurées. (D'après
Hesse.)
S06
INSECTES.
dont font preuve les Abeilles et les I?ouiilons dans les expériences précédentes (Fohel).
t ff ^ Enfin les expériences fondamentales de Mi.nkiewicz sur le
--- • chromotropisme et l'instinct de déguisement chez les Crabes
ont nettement (Mabli que pour ces Arthropodes, tout rayon
chromatique a une action spécifique autonome et indépen-
dante de celle de la lumière blanche. Les Ma\a de Mi.nkiewicz
distin^'uaient toutes les couleurs. I! ne paraît pas admissible
qu'il en soit autrement pour des Insectes anthophiles tels
que les Abeilles.
iNon seulement la distinction des couleurs par les Hymé-
noptères anthophiles est un fait admis par presque tous,
mais on s'accorde généralement encore à considérer cette
faculté comme très importante pour leur faciliter la recherche
des (leurs j voir à ce sujet l'article d'ensemble de \,, Bou-
vier (1904), et l'ouvrage fondamental de Knutii (1898)]. [Depuis
Herman MiiLLER, beaucoup de savants ont conclu que les
organes colorés des fleurs se sont développés par sélection
pour attirta- les Insectes en vue de la fécondation [fonction
rexillaire, théorie combattue par G. Bonnier). Quelle que
soit l'opinion que l'on garde à cet égard, on admet, d'une
façon très générale, sans exclure pour cela le rôle important
de l'odorat, que la couleur des fleurs contribue dans une
large mesure à attirer les Insectes anthophiles (célèbres
observations de Darwin sur l'attraction des Abeilles par les
pétales bleus du Lobclia erinus, etc.). Les ingénieuses expé-
riences de Plateau, très critiquées par Fouel (fleurs artifi-
cielles. Dahlias simples ;i pétales périphériques masqués.
Heurs réfléchies par des glaces étamées, fleurs recouvertes
de récipients en verre) me semblent loin d'avoir fourni les
XA •!• I S ; § 1 I / I preuves nécessaires pour réfuter l'opinion courante et d'ail-
leurs, dans ses récents travaux, Plateau concède que la vision
peut jouer un rôle non négligeable pour diriger les Insectes
vers les fleurs (1902). Une expérience de Forel semble bien
démontrer, à moins de recourir à l'hypothèse d'un sens
inconnu de la direction, que la vision, exclusion faite de
l'odorat et du goût, peut suffire pour diriger les Bourdons
vers les fleurs où ils viennent butiner. Cet auteur coupe à
(les Bourdons antennes, palpes, bouche et pharynx, sup-
primant ainsi les organes olfactifs et gustatifs et, malgré
cette mutilation, ils reviennent droit et sans hésitation aux
tleurs sur lesquelles ils butinaient en dernier lieu. Plateat'
a lui-même repris des expériences analogues et obtenu de
semblables résultats (1902). Diverses observations concor-
dantes démontrent que, pour certaines espèces et dans cer-
taines circonstances, le bleu exerce sur l'Insecte une attrac-
tion spéciale (remarquables observations de Lubbock sur les
Bourdons et les Abeilles, confirmées par Forel; bleuets
artificiels de Recker et de Plateau lui-même). Lubrock inter-
prète ces faits en disant que l'Insecte préfère le bleu; Forel
pense qu'ils peuvent tenir à ce que l'Insecte distingue mieux
FiG. 33. — .Schéma de la vision les couleurs du côté de l'ullra-violet que du côté de l'infra-
avec lœil compose, suivant . .,„g L'objection théorique que l'inégale attraction exercée
le type de la formation de » ' •'. ., ... , , ,.™, . , .
rimàgeparsuperposition. sur un Insecte anthophile par des couleurs différentes lui
[Comparer avec la ligure 31] serait plus préjudiciable qu'utile ne nous paraît pas d'ail-
(Daprcs Hesse.) leurs pouvoir prévaloir contre des faits bien observés.
;^) Limites spectrales de la vision. — H est démontré que, pour les Fourmis, les
limites du spectre s'étendent au delà de celui que nous percevons, du côté des rayons
INSECTES.
307
les plus réfranyiblcs, et qu'elles voient rullia-violet ([.uniiocK et Forel). ILubuock
recouvre un récipient contenant des Fonaica fitsra (fourmilière artilicielle), de fa<-,oii à
abriter l'une des moitiés avec uue plaque d»; verre violet laissant passer beaucoup
d'ultra-violet et l'autre moitié avec un llacon plat de même surface contenant du sulfure
de carbone entièrement transparent, mais interceptant les rayons ultra-violets. Dans
ces conditions les Fourmis — connues pourtant pour leurs tendances lucifuges, lors-
qu'elles sont dans leurs fourmilières et qui, constamment alors, s'abritent sous l'écran
le plus opaque mis à leur disposition — vont toujours se réfugier du coté abrité par le
sulfure de carbone, qui, pourtant à nos yeux, parait de beaucoup le plus éclairé : une
couche de sulfure de carbone, transparente pour nous, constitue donc pour les Fourmis
un écran, vis-à-vis duquel elles se comportent comme s'il était plus obscur qu'un verre
violet, et il ne peut eu être ainsi qu'eu raison dos rayons
ultra-violets qu'il intercepte et que les Fourmis cher-
chent avant tout à éviter. La sensibilité des Fourmis à
l'ultra-violet, et d'une façon générale aux rayons les plus
réfrangibles, se traduit encore par ce fait, que, malgré
leur leucophobic habituelle, elles déserteront en masse
le couvert d'une vitre ou d'une solution d'un violet très
foncé pour venir s'abriter sous une lumière jaune ouverte
assez vive; mais, si l'on place sur le violet une couche de
sulfure de carbone ou d'une solution de sulfate de qui-
nine, qui intercepte les seuls rayons ultra-violets, l'aversion
des Fourmis pour le verre violet disparaîtra aussitôt. Si
l'on illumine l'intérieur d'une fourmilière avec les cou-
leurs du spectre, les Fourmis transporteront leurs pupes
et les déposeront du côté de l'infra-rouge, juste à partir
de la limite du spectre visible, tandis que, du côté
opposé, elles laisseront inoccupé au delà du violet, un
espace considérable, ce qui montre que, si elles sont sen-
sibles à l'ultra-violet, elles ne le sont pas à l'infra-rouge.
Les belles expériences de Lubbock, multipliées par l'auteur
dans des conditions expérimentales différentes, ont été
reprises et confirmées par Forel qui se servit surtout
d'une solution d'esculine pour arrêter les rayons ultra-
violets. Forel démontra en outre que, si l'on vernissait
les yeux d'un certain nombre de Fourmis, elles restaient
indifférentes à l'influence des rayons ultra-violets, tandis
que les Fourmis normales qui se trouvaient avec elles
déménageaient dès que leur action se faisait sentir. La
perception de l'ultra-violet pour ces Hyménoptères n'a
donc pas sou origine dans des sensations dermatoptiques, mais bien dans celles des
yeux composés eux-mêmes.
B. — VISION AVEC LES YEUX SIMPLES OU OCELLES.
Les ocelles se composent d'une lentille cuticulaire unique jouant le rôle de cristal-
lin, et de cellules rétiniennes à bâtonnets, groupées ou non en rétinules, toujours beau-
coup moins nombreuses que dans l'œil composé. Ils donnent une image unique et ren-
versée. Le foyer est généralement très court et le nombre des éléments sensibles réduit :
aussi, admet-on généralement qu'ils ne donnent qu'une vision à courte distance et
peu distincte, ou bien même qu'ils ne donnent que des sensations d'intensité lumi-
neuse.
Deux cas sont à distinguer :
A. — Les ocelles existent seuls, le plus souvent distribués en deux groupes de chaque
côté de la tête. C'est le cas de nombreuses larves et des chenilles en particulier. Il doit
se former autant d'images renversées qu'il y a d'ocelles, chacun ayant en général un
champ de vision indépendant, et il ne pourra résulter de l'ensemble qu'une représen-
tation fort incomplète et confuse. Plateau a expérimentalement et d'une façon très
FiG. 34. — Ommatidies d'un Coléop-
tère dont les yeux sont construits
pour voir dans une demi-obscu-
rité {Colymbetes fusrns).
A. Cliez un animal qui a été tué
par l'alcool après avoir été main-
tenu qucl([ue temps à l'obscurité ;
B, chez un animal qui a été expo-
sé au soleil et qui a été tué par
l'alcool dans cette condition; ip,
pigment iridien : rp, j)igmont réti
nien. (D'après Exner.)
308
INSECTES.
précise démontré que les chenilles ne peuvent distinguer un objet d'assez petite taille,
tel qu'une baguette de 5 millimètres de largeur, qu'à une distance variant de 1 demi
à 2 centimètres suivant les espèces. De très grosses masses telles que le corps d'un
homme peuvent, par contre, t'tre aperçues d'elles à iino distance de 40 centimètres.
B. — Les ocelles existent en même temps que les yeux composés. — Ils forment un
groupe médian, de trois le plus souvent, entre les yeux à facettes '^Hyménoptères, Dip-
tères, nombreux Lépidof)tères, Orthoptères et Hémiptères, Libellules, etc.). Le rôle des
ocelles est alors énigmatique. On a cherché à déterminer leur fonction, en recouvrant
d'un enduit opaque tantôt les yeux composés, tantôt les ocelles, et en comparant les
allures des animaux ainsi préparés (Rkalmur, Marcel de Serres. Dugès, Plateau, Forel).
Mais les Insectes tels que Mouches et Abeilles, dont on supprime l'usage des yeux com-
posés en respectant les ocelles se comporlent comme des Insectes totalement aveuglés
par la suppression de l'usage des deux organes '.
D'autre part, si l'on supprime l'usage des ocelles en respectant les yeux composés,
les Insectes au vol et à l'air libre parais-
sent se comporter entièrement comme
des individus normaux (Platkat, Forel).
Les ocelles ont pourtant une structure
trop dinérenclée pour être des organes
ludimentaires et inutiles : chez les Libel-
lules, on rencontre même deux plans de
cellules rétiniennes directement super-
posés, ce qui, d'après Hessr, constituerait
une adaptation pour voir à des distances
différentes. Forel pense que, au moins
chez les Hyménoptères, dont une partie
de la vie se passe sous terre, les ocelles
servent à la vision à courte distance dans
les lieux obscurs.
FiG. 35. — Coupe d'un ocelle d'une larve de llauneton
(en partie d'après Grenacher).
CL, lentille cornécnne; GU cellules liypodcrmi<|nes
sous-jacentes (corps vitré des auteurs), avec sa zone
périphérique de pigment/'; /?i, cellules de la rétine;
St, bâtonnets articulaires des cellules de la rétine.
(Figure empruntée à Pbrrier.)
V. — CONTRACTILITE,
MOUVEMENT.
1° Contractilité musculaire. — Les
muscles des Insectes, aussi bien ceux de
la vie de relation que ceux de la vie orga-
nique, sont, d'une façon très générale,
formés de fibres typiquement striées. Vosseler (1S91) a décrit, principalement dans le
tube digestif, des muscles incomplètement striés et il a constaté, de même que Eimer
(1888), que les muscles inactifs peuvent perdre leur striation.
L'existence de libres musculaires lisses chez les Insectes n'a pas été démontrée.
Les muscles striés présentent la constitution essentielle de ceux des Vertébrés, les
noyaux étant seulement distribués dans la région axiale, où le sarcoplasme est
conservé.
Dans le thorax, les muscles vibrateurs des ailes présentent pourtant une structure
s'écartant assez, en apparence, du type habituel. On les a désignés sous le nom de
muscles jaunes, en raison de leur coloration, ou encore de muscles atypiques ou fibril-
laires, parce que les fibrilles ne semblent pas réunies en fibres et se séparent très faci-
lement les unes des autres. Les faisceaux qui constitu'^nt ces muscles vibrateurs cor-
respondent en réalité à des fibres musculaires gigantesques et sont formés de fibrilles
fines et nombreuses plongées dans un plasma riche en réserves nutritives (grains inter-
stitiels) et contenant un grand nombre de noyaux (Voir Ramon y Cajal, Van Gehuchten
etCH. Janet, 1907).
Les effets de la fatigue sur la structure des fibres musculaires ont été bien constatés
chez les Insectes et se traduisent notamment par la disparition plus ou moins complète
des bandes claires (H. M. Bernard, ZooL Jahrb. Abth. f. Anat., vu, 1894).
i. Lâchés à l'air libre, ils s'élèvent habituellement à une très grande hauteur (Pi.atkau et
Forel).
INSECTES.
309
Les phénomènes intimes de la contraction musculaire ont été celte année (1909)
étudie's par Hurthle, et les changements qui se produisent, lorsque les fibres passent
de l'état de repos à l'état d'activité ont été fixés par lui au moyen de la méthode ciné-
matographique et représentés dans plusieurs des planches remarquables qui accom-
pagnent son mémoire.
Les caractères physiologiques qui distinguent les muscles de la vie organique et
ceux de la vie animale ont été étudiés par Faivrk chez le Dytique {Ann. Se. NaL, 1862,
332-346) : Les muscles de la vie organique (généralement striés et formant des
réseaux) exécutent des mouvements automatiques et spasmodiques qui sont rapides,
réguliers et permanents pour le vaisseau dorsal, au contraire irréguliers et surtout
intermittents, pour les autres viscères (cardia, régions duodénale, cajcale, organes
génitaux, etc.). Les muscles de la vie animale (striés, mais ne formant pas de réseaux)
FiG. 30. — Contraction musculaire d'une patte d'Inseote (Lefeuvre).
n'offrent jamais de contractions automatiques ou spasmodiques analogues. — Les
muscles de la vie animale sont peu sensibles à de faibles excitations mécaniques
directes; lorsque les contractions se produisent, elles sont immédiates et de courte
durée. Dans les muscles à mouvements spasmodiques de la vie organique, les contrac-
tions succèdent aux plus faibles excitations et elles persistent quelque temps après la
cessation de la cause excitante.: — Les muscles de la vie animale conservent, plus d'une
heure après la mort, leur pouvoir contractile; les muscles de la vie organique perdent
en peu de temps cette propriété. — Si les muscles de la vie organique sont beaucoup
plus sensibles à tous les excitants extérieurs que les muscles de la vie animale, en
revanche, ils se montrent moins dépendants de l'action nerveuse que ces derniers et
n'obéissent au stimulus nerveux que si l'excitation est énergique. — Les muscles de la
vie organique entrent bien plus aisément en rigidité que les muscles de relation.
C'est chez les Insectes, dans les muscles des ailes, que l'on rencontre les contractions
musculaires les plus brèves connues. Chez la Mouche commune, le nombre des batte-
ments des ailes par seconde atteint 330; il est de 190 chez l'Abeille; de 110 chez la
Guêpe (Marey).
Pour les autres muscles du corps, les contractions musculaires sont toujours beau-
coup moins rapides. Chez les larves, elles sont très lentes et présentent des caractères
physiologiques intermédiaires entre ceux des fibres lisses et des fibres striées (Patrizi).
310 INSECTES.
l.a courbe de la secousse musculaire simple (fig. 36), obtenue par une excilation
électrique modérée, alla fermeture ou à la rupture du courant, qu'il s'agisse d'uu cou-
rant d'induction ou d'un courant continu, présente les caractères suivants :
La période latente ou temps perdu est de 0",04 environ chez l'Hydrophile (Roi.lkt);
de 0 ",015 à 0",02 pour les muscles abdominaux de la chrysalide ou du Papillon chez
le Bombyx mori (Patiu/.i); de 0",008 dans le muscle extenseur de la jambe de la patte
sauteuse chez une Sauterelle [Decticm verrucivorus] (Lefeuvre). Elle est en général plus
longue chez les larves que chez les Insectes parfaits et oscille aux environs de 0",04 chez
le Ver-à-soie Patrizi''.
La durée totale de la secousse est en moyenne 0",10 chez le hectique (Li;i edvre),
ce qui concorde avec les données de Patrizi (0",il), pour les muscles abdominaux de la
chrysalide et du Papillon du Bombyx mori. Chez cet Insecte, d'après Patrizi, la période
ascendante est à peu près égale à la période descendante. Pour le muscle extenseur de
la jambe sauteuse «lu Dectique, d'après Lefeuvre, avec un poids tenseur faible, la
période d'ascension ou période d'énergie croissante est plus longue que la période
d'énergie décroissante (0",05 à 0",06 pour la l"""", 0",03 pour la 2'); mais, si l'on
augmente le poids, les deux périodes tendent à s'égaliser et il arrive même un moment
où la période d'énergie décroissante devient la plus longue. Ce phénomène est exacte-
ment l'inverse de ce qui se produit pour l'Écrevisse ou les autres animaux (Lefeuvre).
Lorsqu'on augmente, pour le muscle extenseur de la patte du Dectique, l'intensité
de l'excitation, les secousses sous-maximales sont rares et en tout cas peu nombreuses,
souvent les secousses sont maximales d'emblée et restent maximales, ou même, le plus
ordinairement, on constate une diminution de la hauteur de la secousse au lieu de
constater son augmentation. Il semble qu'il y ail pour le muscle un optimum d'inten-
sité et que le muscle est pour ainsi dire accordé pour une certaine intensité d'exci-
tation.
La hauteur de la contraction diminue lorsqu'on augmente le poids tenseur, lorsque
survient la fatigue, ou encore lorsque la température s'abaisse; elle augmente dans les
circonstances inverses (Patrizi, Lefeuvre).
La forme et la durée de la secousse sont étroitement liées aux variations de sa hau-
teur, quel que soit le facteur qui pioduise cette vaiiation : toutes les fois que la hauteur
devient plus petite, la période latente augmente, la durée totale de la secousse diminue
et, les deux périodes d'ascension et de descente tendent à s'égaliser; toutes les fois que
la hauteur devient plus grande, l'inverse se réalise et la période d'ascension tond ii l'em-
porter sur la période de descente (Lefeuvre).
Chez les larves (Ver-à-soie), les caractères de la secousse sont assez différents de
ceux que l'on rencontre chet l'adulte. Sa hauteur maxima est toujours petite, même
pour de fortes excitations et sa durée est longue au point de rappeler celles des libres
lisses; elle est au minimum de 5", la phase d'ascension ne dépassant jamais une
demi-seconde et tout le reste du temps étant consacré à la phase d'énergie décroissante
(Patrizi).
Le phénomène de la contracture observé parCn. Richet pour les muscles de la pince
de l'Écrevisse, et qui se produit pour un courant de très forte intensité, s'observe chez
les Insectes avec les mêmes particularités que chez les autres animaux. La vératrine
constitue un moyen sûr pour le provoquer ou l'accentuer (Patrizi). Il est très facile de
le produire chez les Sauterelles du j^enre Dectique (Lefeuvre).
Les phénomènes tenant à l'excitabilité croissante du muscle dans une série de
secousses isolées et rapprochées {addition latente de Ch. Richet, phénomène de ïescalier,
de l'échelle ou treppe de Rowditch) peuvent être produits très facilement dans le muscle
extenseur de la patte du Dectique (Lefeuvre).
Le phénomène de l'escalier se traduisant sur un graphique par ce fait que la hauteur
maxima au-dessus de la ligne des abscisses n'est atteinte que graduellement après un
certain nombre d'excitations, a été étudié par Patrizi dans les muscles du Ver-à-
soie : dans le muscle frais ou très longuement reposé, avec un rythme de 2" pour la
succession des excitations, on obtient une treppe de forme un peu particulière et
rappelant l'hyperbole de Bucrmaster ; au contraire, sur un muscle ayant été précédem-
rtient excité et ayant reposé un espace de temps assez court, on obtient une véritable
INSECTES. 311
treppe faite de myogrammes successivement crois.sanls ; si le repos est iW-s court, les
sommets des myogrammes sont disposés, dès le début, sur une ligin' horizontale, qui
ne va en descendant que lorsque survient la fatigue. A une température moyenne, le
maximum de hauteur de l'échelle est obtenu au bout d'une cinquantaine de contrac-
tions ; à la chaleur, il suffit, au contraire, d'un très petit nombre de l'.ontractrons.
Tandis qu'un nombre très considérable d'excitations (200 à 300 à la seconde pour
les Hyménoptères et les Diptères) est nécessaire pour produire la tétanisation dans les
muscles des ailes, il ne faut, au contraire, qu'un nombre d'excitations assez restreint
pour produire le tétanos dans les muscles des autres parties du corps des Insectes.
Pour les muscles abdominaux du Bombi/.v mori k l'état de Papillon ou de chrysalide, et
pour le Dectique, le tétanos complet est obtenu avec 30 au 35 excitations à la seconde
(Patrizi, Lefeuvue) ; chez la larve (Ver-à-soie), il suffit de 10 excitations pour obtenir
le même résultat (Patrizi). Si l'on augmente beaucoup la fréquence, sans augmenter
l'intensité du courant, il arrive un moment où le muscle ne réagit plus à l'excitation;
mais si l'on augmente en même temps l'intensité, on obtient soit la contraction initiale,
soit en augmentant encore, un tétanos parfait (Lefeuvre).
Contrairement à ce qui existe pour les secousses musculaires, la hauteur de la con-
traction tétanique s'abaisse à une température élevée. La contraction initiale de Berns-
TEiN s'observe plus fréquemment aux températures élevées qu'aux températures basses
(Patrizi).
Le tétanos rythmique décrit par Ch. Richet pour les muscles de la pince de l'Écre-
visse a été observé par Schônlein dans les muscles du Dytique et de l'Hydrophile, et
par Lefeuvre dans le muscle extenseur de la jambe du Dectique. Chez ce dernier ani-
mal, il s'observe facilement avec des excitations de 50, 100, 500 à la seconde.
Le muscle extenseur du Dectique s'épuise très vite sous l'influence de l'excitation
tétanique ; mais la réparation en est rapide.
Vitesse de propagation de l'onde musculaire. — Les muscles des pattes des Coléoptères
se prêtent admirablement à l'observation au microscope de l'onde musculaire.
Rollett, en employant la méthode de Weber, évalue sa vitesse, en moyenne, à
0,169 mm. par seconde (maximum, 0,67 ; minimum, 0,08). Hurthle, par la méthode ciné-
matographique, a obtenu une moyenne assez voisine de celle de Rollett (0,108 mm, par
sec). Il est bien certain, d'ailleurs, que ces chiffres obtenus sur des muscles entière-
ment détachés du corps et plus ou moins dissociés ne peuvent correspondre à ceux que
l'on obtiendrait sur l'animal intat en état de complète activité.
Chez le Ver-à-soie, Patrizi a cherché à évaluer la rapidité de l'onde musculaire sur
l'Insecte vivant par la méthode Aeby-Marey, et il a obtenu 0°^,54 par seconde. Mai.s,
ainsi que cet auteur le fait lui-même observer, le fait que les expériences ont porté
sur l'ensemble complexe du tube musculo-cutané formé par la paroi du corps, et
non sur un faisceau musculaire, impose certaines réserves au sujet des résultats
obtenus.
2° Force musculaire. — La force musculaire des Insectes a souvent été considérée
comme tiès grande, parce que l'on n'avait en vue que la force musculaire relative,
c'est-à-dire le rapport entre le poids soulevé, et le poids du corps. Or cette force mus-
culaire relative n'a pas d'importance physiologique, car elle est d'autant plus gran^Je
que l'animal est plus petit, le pouvoir contractile restant le même.
Ce qui importe, c'est la force musculaire absolue, c'est-à-dire la force contractile par
imité d'aire de section. Le poids du corps augmente, en effet, comme le cube d'une
dimension linéaire, tandis que la surface de section d'un muscle, qui importe seule au
point de vue de son pouvoir contractile, augmente seulement comme le carré.
Il n'y a donc pas lieu de s'étonner qu'une Puce puisse sauter à 30 centimètres de
haut, ce qui équivaut à 200 fois sa propre hauteur, car ceci n'indique nullement une
force musculaire supérieure à celle de l'Homme. Il en est de même pour les énormes
fardeaux que transportent les Fourmis.
Les expériences de Plateau ont montré que, comme on devait s'y attendre, toutes
choses égales d'ailleurs, plus un Insecte est petit, plus le poids qu'il peut soulever e,st
relativement considérable. Chez les Hyménoptères, par exemple, le rapport entre, le
poids du corps et le poids maximum qu'il peut porter {force relative) est de 23,5 ch€z
:312 INSECTES.
l'Abeille, et de 14,3 chez le Bourdon. Cliez l'Homme, ce même rapport n'est que de
0,80. Il n'en est pas moins vr;ii (lue la force musculaire absolue des Insectes est très
inférieure à celle de l'Homme et des Vertébrés. On peut estimer que la force absolue
d'une Abeille est de quatorze l'ois environ inférieure à celle de l'homme (Plateau,
1883-1884; voir aussi le résumé sur cette question dans Miall et Denny : The Cockroach,
1886, 79-84).
Pendant le vol, les Insectes ne peuvent soulever que des poids assez faibles; c'est
ainsi qu'une Ammophile, qui capture des chenilles plus lourdes qu'elle-même et les
traîne jusqu'à son terrier, ne peut, lorsqu'elle est au vol, porter un poids supérieur de
plus de 0,630 à son propre poids (Plateau).
3° Locomotion. — a) Locomotion terrestre. — Les pattes articulées sont toujours au
nombre de trois paires chez les Insectes à l'état parfait, d'où le nom d'He.vapodes
fréquemment donné à la classe.
Ainsi que Jean Muller d'abord, puis Gaulet et Demoor l'ont démontré, l'Insecte
repose^ pendant la marche, sur un triangle de sustentation formé par les deux pattes
extrêmes d'un même côté et la patte moyenne de l'autre côté, ptMidant qu'il porte en
avant les trois autres pattes. En appelant D', D^ et D^ les pattes du côté droit et (i', G^, G*,
celles du côté gauche, on peut donc représenter la marche chez l'Hexapode par le
schéma suivant, donne- par Cafilet :
G2< l)i
G' D'
Les pattes antérieures et les pattes postérieures d'un côté, avec la patte moyenne
de l'autre côté forment donc un système, tandis que les trois autres i>attes en forment
un autre.
La patte antérieure est un organe de traction. La jiattc moyenne est un organe
d'appui ; elle détermine aussi le mouvement du corps dans le sens vertical, suivant le
plan perpendiculaire à l'axe du corps; elle est, avec la patte postérieure, l'organe du
mouvement du corps dans le sens vertical, suivant le plan médian du corps. La patte
postérieure est un organe de poussée; elle détermine aussi le mouvement du corps
dans le sens horizontal. Le résultat de toutes ces actions est le suivant : le centre de
gravité compris dans la base fournie par les pattes qui sont à l'appui s'afl'aisse pendant
cet appui, en se dirigeant en avant et en dehors, du côté du sommet du triangle. Il sort
ainsi de la base de sustentation, et détermine bientôt le dépôt des trois pattes qui
étaient au soutien (Demoor).
La marche des Hexapodes se fait avec le minimum d'ellort possible, et avec la spé-
cialisation la plus grande que l'on puisse imaginer. L'adaptation y est complète, et il
esta remarquer que, quelle que soit la vitesse, on trouve toujours la même coordina-
tion fonctionnelle; l'Hexapode n'a qu'un mode de marche. L'étude comparée de la
marche hexapode et de la marche octopode (Arachnides) montre que les mêmes
activités s'accomplissent, d'un côté avec six pattes, d'un autre avec huit. On peut donc
dire que chez l'Arachnide il y a multiplication inutile d'organes, et que, physiologique-
ment, le système hexapode est supérieur au système octopode (Demoor).
Si l'on fait marcher un Insecte sur du papier enfumé, on constate que les trois pattes
d'un même côté viennent se poser successivement en un point sensiblement le même,
et chacune de ces empreintes triples alterne avec celle des pattes du côté opposé
(Graber, Binet).
La mécanique concernant les muscles et leviers qui entrent en action dans la marche
des Insectes (fig. 37) a été soigneusement décrite par Graber (voir Die Insekten, li)7, ou
Packard, Textbook, 103).
La marche des Mouches et autres Insectes sur les surfaces lisses, soit sur un plan
vertical, soit dans une situation renversée, s'effectue grâce à la présence, à l'extrémité
des tarses, de caroncules {empodium ou puicilli), tantôt lisses, tantôt garnies de poils
adhésifs qui se terminent eux-mêmes par des disques. Pour déterminer cette adhésion,
l'action de la pression atmosphérique, qui suffit à faire adhérer fortement un disque
INSECTES.
313
parfaitement plan à une surface lisse, est le principal agent qui semble intervenir. Et,
lorsqu'il y a un liquide sécrété par des glandes spéciales monocellulaires (Dk\vitz\ il
sert uniquement à rendre l'adhésion plus parfaite ou bien exerce par capillarité une
attraction sur l'extrémité des poils (Rombouts) ; en tout cas il ne présente aucune propriété
gluante. Lorsque l'Insecte doit progresser alternativement sur une surface lisse ou
une surface rugueuse, il se sert, à tour de rôle, de son empodium et de ses griffes
(Cheshihe).
Le type hexapode est parfaitement adapté pour grimper : une patte, en effet, se trouve
presque toujours perpendiculaire au plan vertical sur lequel l'animal se meut (Dabl).
Locomotion des chenilles. — La plupart d'entre elles ont trois paires de pattes arti-
culées et cornées correspondant aux trois premiers segments du corps (segments thora-
ciques), et cinq fausses pattes membraneuses correspondant aux segments 6, 7, 8, 9 et 12.
FiG. 37. — Mécanique de la patte d'un Insecte.
a, axe de révolution de la hanche ou coxa; c, hanche; cl, griffes: e. extenseur du tibia; ec, extenseur de la
griffe; et, extenseur du tarse; /'. fléchisseur du tibia; fc, fléchisseur de la g-riffo; ft, fléchisseur du tarse;
)•)% rotateurs do la hanche; s, éperon: t, muscle du trochanter (élévateur du fémur); ti, tibia; si, ligne
suivant laquelle se déplace l'éperon S, sous l'influence de la contraction du fléchisseur du tibia (soit
donc : rapprochement vers le corps) ; sS, ligne suivant laquelle se déjjlace ré[)eron s. sous l'influence de la
contraction du rotateur supérieur do la hanche (soit donc : mouvement de report en arriére): si, ligne
résultante suivant laquelle se déplace l'éperon sous l'influeuoe des contractions combinées des 2 muscles
précédents (soit donc déplacement en dedans et en arrière''. Ce déplacement se produit pendant le
mouvement actif de la patte qui a jiour résultat de porter la masse du corps en avant et de faire avancer
l'Insecte; pendant le mouvement passif de la patte, il se ])roduit un déplacement inverse de l'extrémité du
tibia (éperon;, soit donc un déplacement en avant et en dehors, ayant une amplitude beaucoup plus grande
que la première. Le tracé laissé par l'éperon pendant la marche se trouve ainsi représenté par une succes-
sion de boucles reliées entre elles. 'D'après Gr.\ber, figure empruntée à Folso.m.)
Leur locomotion se fait par un mouvement de reptation dû, à la fois, au périslaltisme
de l'enveloppe musculaire du corps et au fonctionnement des pattes.
PoLiM.\.\Ti 1906 en a donné le schéma suivant :
Numéros d'ordre des
segments . . .
1
2
O
2
3
O
:i
11
6
•
10
1
•
8
•
8
9
•
1
10
0
12
•
4
13
O ^ piittes vi-aies
0 = fausses pairc.^
0
Numéros d'ordre d(
des segments. . . .
la progres.sion
I
s
1
■r
« fix.
ir le
1 1 i 0 n
sol.
2' li\
sm- 1
?
atior
e sol
Lorsque le premier segment est fixé sur le sol par ses pattes, le second commence
immédiatement à se mouvoir, puis ensuite vient le troisième; lorsque ce dernier est immo-
bilisé, l'extrémité caudale (13'" et 12'^ segments) entre en action, en se recourbant et en
31.i INSECTES.
se fixant sur le sol plus en avant au moyen des fausses pattes du douzième segment,
puis le mouvement se propage de proche en proche de l'extrémité caudale jusqu'au
quatrième segment, et l'animal peut ainsi avancer.
Pour elTecfuer ce mouvement péristaltique, les fibres circulaires se contracteni
d'abord, de façon à déterminer l'allongement du corps, puis les fibres longitudinales s»^
contractent ensuite, en produisant le résultat inverse. Les régions céphalo-thoraciquc
et caudale, en se fixant sur le sol et en y prenant, à l'aide des pattes, un point d'appui,
jouent un grand rôle dans cette locomotion. Chez les chenilles arpenteuses (chenilles
de Phalènes ou Géoraétrides), qui n'ont de fausses pattes qu'à la partie postérieure du
corps, la locomotion rappelle même de très prés celle des Hirudinées.
Saut. — Chez les espèces qui présentent ce genre de locomotion, il est générale-
ment déterminé par l'action des pattes postérieures, les muscles de la cuisse présentant
alors un très grand développement (Sauterelles, Puces, Altises), ou bien par le jeu
d'une fourche insérée sur l'avant-dernier anneau, et qui, repliée sous l'abdomen, peut
se détendre comme un ressort et lancer l'Insecte en l'air. Par un autre mécanisme
(pointe du prosternum engagée dans une fossette du mésoslernum et se détendant
brusquement), les Élatérides ou ïaupins peuvent,
lorsqu'ils sont placés sur le dos, se lancer en
l'air et retomber sur leurs pattes.
h) Locomotion aquatique. — En général, les
Insectes aquatiques qui viennent respirer l'air à
la surface sont plus légers que l'eau [font excep-
, , tion les larves de Moustiques (Lkcaillon, 1900),
! 1 1 ^^ ^^ ' ' ' '■ 1- les Corj.ia, les .4r/a6H.s, les //vc?/'o6tMsl. Donc, dans
p p p es ps ps ps PS ,
T' '2 '3 I I I I 1 ]a majorité des cas, lorsque ces Insectes cessent
FiG. 38. — Chenille de Lépidoptère diurne, leurs mouvements, OU abandonnent les plantes
A, lête; B, thorax, avec ses trois paires de sur lesquelles ils sont fixés, ils remontent natu-
pattes vraies (articulées), p,,/>i, ps; f, abdo- Tellement à la surface.
men avec ses 10 sep-ments dont leO' et le 10' iij.i- i «i .i- .
sont réunis; ps, fausses pattes abdominales ^ adaptation du corps u la natation se trouve
sur les 3', 4', 5'. 6<^ et 10' segments;*/, stig- réalisée au plus haut degré chez les Dytiques,
mates. (D'après KoLBK.) parmi les Coléoptères, chez les Naucores et les
Notonectes, parmi les Hémiptères. Les pattes
postérieures sont conformées comme des rames, et elles en présentent le fonctionne-
ment, c'est-à-dire que, pendant la natation, elles agissent dans le même sens et d'une
façon simultanée; mais, si l'on sort un Dytique de l'eau pour le placer sur le sol, il
reprend le mécanisme habituel de la marche hexapode, et fait alterner les mouve-
ments. Chez d'autres Insectes d'eau tels que l'Hydrophile, les mouvements, même dans
l'eau, sont analogues à ceux de la marche, et alternatifs. Le mécanisme de la natation
a été bien étudié chez le Dytique par r,n.\nER : frangés de longues soies qui augmentent
leur surface, les tarses des pattes postérieures, élargis en battoirs, exécutent un léger
mouvement de rotation tout à fait semblable à celui que le rameur imprime à son aviron,
pour présenter sa surface plane au moment du choc contre l'eau, et son bord tranchant
pendant le trajet de retour. Étant plus léger que l'eau, le Dytique nage dans une posi-
tion oblique, de façon à compenser la force ascensionnelle qui tendrait à le ramener
à la surface.
Chez le Notonecte, une grande accumulation d'air sur la face ventrale rend cette der-
nière notablement plus légère, et l'animal nage sur le dos.
Chez certains Hyménoptères parasites, les ailes peuvent être, d'une façon plus ou
moins complète, adaptées à la natation [Prestwltchia aquatica, Polyncma tiatans, Lim-
nodytes gerriphagus).
Un mode curieux de locomotion aquatique est aussi celui des larves de Libellules,
qui peuvent remplir d'eau leur rectum, et ensuite, par la contraction des muscles,
principalement ceux du corps, la chasser brusquement, et être ainsi lancés par la
réaction.
Beaucoup de larves se déplacent dans l'eau par de brusques contractions de leur
corps, qui frappe alternativement d'un côté ou de l'autre (larves de Culex, Corethra,
Chironomus, etc.).
INSECTES. 315
Les larves de Corethm, qui llottent dans l'eau, ont l'appareil respiratoire remplacé
par quatre sacs remplis de gaz, sans aucune communication avec l'extérieur, et qui
jouent un rôle hydrostatique. Le pigment abondant dont ces sacs sont chargés joue
peut-être un rôle dans la sécrétion des gaz qui s'y trouvent inclus.
Certains Hémiptères (Gerris, Hydromètres) peuvent progresser à la surface de l'eau
sans être mouillés. Ils sont soutenus grâce à la tension superficielle, et, h l'endroit où
chaque patte repose, la surface de l'eau est légèrement déprimée; ils se déplacent en
sautant, en patinant, ou eu se laissant entraîner par le courant (Meinkrt, 1887, cité par
Miall).
c) Vol. — Les travaux fondamentaux de Marey, de Pettigrew et de Lendenfeld sur le
vol des Insectes viennent d'être repris dernièrement, à l'aide d'une technique très per-
fectionnée, par Bull. Les recherches de cet auteur, dont les résultats ne sont pas encore
publiés, étant susceptibles d'apporter des faits nouveaux importants pour l'histoire de
cette question, nous renverrons, pour cette étude, à l'article Vol, qui sera ultérieure-
ment publié.
On Irouvei'a déjà une description sommaire du dispositif expérimental de Bull à
l'article Graphiqne (méthode), VII, 874-87o. J'appelle aussi l'attention sur les intéres-
santes expériences de Jousset de Bellesme sur le rôle des balanciers pendant le vol
chez les Diptères, expériences dont les résultats paraissent avoir été jusqu'ici assez
négligés.
4" Autotomie. — Elle s'observe facilement pour les pattes sauteuses des Sauterelles
et des Grillons et a été étudiée en détails chez ces Insectes par Léon Fredericq (1885) et
CoNTEJEAN (1890) [voir Autotomie]. Chez ces Orthoptères sauteurs, l'autolomie paraît
avoir lieu au niveau de l'articulation de la hanche et du fémur; mais ceci tient à ce
que le trochanler est télescopé à l'intérieur de la hanche, de façon à ne devenir visible
qu'après enlèvement du fémur. En réalité, c'est suivant le sillon fémoro-trochantérien
que se fait la séparation (Bordage).
Chez les Orthoptères non sauteurs, notamment chez les Phasmides et Mantides,
l'autotomie a été constatée par Bordage (1897-1905), R. de Synkty et Goldman (1901).
Elle se fait manifestement au niveau de la ligne de séparation du trochanter et du
fémur plus ou moins soudés entre eux, c'est-à-dire suivant une disposition tout à fait
comparable à celle qui assure l'autotomie chez les Crustacés. C'est chez les Phasmides
que cette faculté atteint son plus grand développement, surtout avant l'âge adulte; les
morsures de Fourmis la provoquent avec une grande facilité. L'hémorrhagie est arrêtée
jpar la présence d'une membrane obturatrice ou héntiostatique analogue à celle qui a
été signalée chez les Crustacés décapodes.
L'autotomie est un acte purement réflexe, et pour la patte postérieure des Sauteurs,
par exemple, une irritation de la patte réussit à la déterminer, même sur un méta-
thorax isolé. Chez les Phasmides, l'autotomie peut se faire sans point d'appui. Tandis
que chez les Orthoptères sauteurs, la contraction d'un muscle ou d'un petit nombre de
muscles provoque la rupture, chez les autres Orthoptères, la séparation ne s'opère sou-
vent qu'à la suite de contractions très énergiques siégeant dans diverses parties.
L'autotomie ne se rencontre pas seulement chez les Orthoptères; parmi les Diptères,
elle est très fréquente chez les Tipules qui abandonnent avec une grande facilité leurs
pattes longues et fragiles; elle a été signalée aussi chez les Lépidoptères, notamment
chez les espèces à musculature puissante (Vanesses, Hesperia, Macroglosses, Pliisia,
Catocala, Pyralides).
VL — PRODUCTION DES SONS.
L'émission de sons par des appareils spéciaux est généralement chez les Insectes
en rapport avec la reproduction.
Stridulation. — La plupart de ces appareils sont disposés pour la stridulation et ne
se rencontrent que chez les mâles : s'ils se présentent chez les femelles, ils sont, le
plus souvent, rudimentaires et infonctionnels. C'est chez les Orthoptères que l'on ren-
contre les appareils stridulents les plus sonores.
Chez les Locustides, la stridulation est déterminée par le frottement de la base du
pseudélytre (aile de la 1" paire) gauche sur la base du pseudélytre du côté opposé qui
316 INSECTES.
occupe une situation inférieure par rapport à lui. A la face inférieure du premier, se
trouve une ciête voisine d'une membrane destinée à augmenter la résonance; au
moment de la stridulation, elle frotte rapidement contre une nervure dentée et sail-
lante qui se trouve à la face supérieure de l'élytre opposé. Chez les (irillons, le méca-
nisme est analogue, avec cette dilférence que ;le pseudélytre frotte sur l'aile de la
seconde paire placée en dessous.
Chez les Acridiens (Criquets), la stridulation est obtenue par le frottement des cuisses
postérieures, pourvues d'une crête lonj^itudinale dentelée, jouant le rôle d'archet contre
les nervures des pseudélytres.
En général, les mâles seuls slridulent chez les Orthoptères; pourtant, chez l'Ephip-
piger, les deux sexes sont également dotés à ce point de vue.
Les Orthoptères d'une même espèce produisent toujours les mC-mes sons de manière
à répéter toujours une même phrase. Chez beaucoup, cette phrase est formée d'un son
unique, qui peut se reproduire avec un rythme variable suivant les espèces. Ceux qui
ne font entendre le même cri qu'un petit nombre de fois, avant de prendre un repos,
semblent compter et ne jamais s'écarter d'un nombre fixe (Yersin).
Certaines espèces ont un chant plus compliqué et la phrase se compose de sons
d'acuités différentes espacés suivant des mesures spéciales. Les espèces de Criquets les
plus voisines peuvent se distin;:uer très facilement par la nature de leur stridulation.
Hvthme, acuité, timbre, intensité, sont les éléments qui permettent la distinction. La
stridulation de la Taupe grillon mâle est si intense qne le bruit qu'elle produit a été
comparé à celui d'un réveil-malin placé sur une assiette.
Kn dehors des Orthoptères, les Coléoptères présentent souvent des dispositifs très
variés, destinés à produire des sons par frottement et (jue Landois a classés dans dix types
différents (Voir Pack.\rd, 294'. Parmi les Lépidoptères, le Sphinx tête de mort (Ache-
roniia atropos) fait entendre un bruit strident produit par le frottement des palpes
contre la base de la spiriirompe. Dans l'ordre des Hyménoptères enfin, les Mutiles et
souvent aussi les Fourmis, notamment le genre Poncra, ont des organes disposés pour la
stridulation; chez beaucoup d'espèces de Fourmis, le son qu'elles produisent par ces
appareils échappe à l'oreille humaine; mais Cii. Janet a décrit une méthode permettant
de le rendre perceptible.
Bruits résultant de chocs. — Parmi les Cole'optères, les Vrillettes {Anobium) font
entendre un son destiné au rapprochement des sexes et produit par le choc de la tête
ou du prothorax contrôle bois dans lequel elles vivent i Horloge de la mort).
Membranes vibrantes. — L'appareil musical des Cigales qui a été étudié en détails par
Landois et Carlet est fort difTérent des précédents, il est représenté par des membranes
tendues sur un cadre (timbales) qui peuvent vil)rer comme la peau d'un tambour sous
l'influence de la contraction de muscles spéciaux. Ces appareils n'existent que chez le
mâle : ils sont au nombre de deux, placés de chaque côté sur la face ventrale de la
base de l'abdomen et présentent une structure assez compliquée (timbales, volets,
caisse de résonance en communication avec l'extérieur par un grand stigmate).
Bourdonnement. — Il est produit par trois causes différentes qui peuvent s'ajouter
l'une à l'autre et, suivant les espèces, preiment une part plus ou moins grande au bruit
total qui en résulte : i° la vibration rapide des ailes pendant le vol donnant les sons
les plus graves; 2" le passage de l'air par les stigmates pourvus de membranes vibrantes
et produisant un son aigu; 3° la vibration des anneaux de l'abdomen. Le son du bour-
donnement de l'Abeille, d'après Landois, serait /a'', s'il s'agit d'un individu vigoureux et
mi^ dans le cas de fatigue. Le son stigmatique chez le même Insecte serait si'.
VIL — PRODUCTION DE LUMIÈRE.
Il existe des Insectes assez nombreux qui sont pourvus d'organes spéciaux destinés
à la production de la lumière. Les mieux connus d'entre eux, à ce point de vue, sont des
Coléoptères appartenant aux deux familles des Malacodermes (Lampyris ou Ver luisant,
Luciola, Phoniris, Phosphxnus, etc.) et des Elatérides {Pyrophorus ou Cucujos et Photo-
p/iorws). 11 faut ajouter encore parmi les Téléphorides les genres Phengodes et Zarhipis,
et quelques Carabides iPhysodera noctiluca, Fh. Dejeani), ainsi qu'un Bupreste de
INSECTES.
317
^
l'Inde (B. ocellata). Un Hémipltre, le Fulgor porte-laiilerne (Fulijora latemaria), depuis
les observations de Sibille dk Mkrian (172G), est souvent cité comme l'un des Insectes
phosphorescents les plus curieux et comme ayant un fanal sur la tète; il se peut que
cet Insecte soit lumineux, mais seulement dans certaines conditions biologiques; car
les observations de Sibille de Mkrian attendent encore leur confirmation. Une Podu-
relb' (Lipura noctiluca) a élé indiquée par R. Dubois comme très phosphorescente;
mais elle ne présente pas d'orfj;anes spéciaux pour la production de la lumière. La
plupart des autres cas de luminosité signalés chez les Insectes (Chironomes, Noc-
tuelles, etc.) doivent être rapportés à, une infection par des microbes phosphorescents.
Chez tous les Insectes lumineux, la photogénèse se présente à toutes les phases de
l'évolution et elle existe déjà dans l'œuf où elle constitue un caractère du plasma. C'est
à cause de cette particularité que, au moment de la ponte, le corps entier de l'Insecte
paraît souvent s'embraser. Diffuse dans l'œuf, la luminosité se centralise ensuite dans
des organes toujours plus nombreux et plus disséminés chez la larve que chez l'adulte.
La production de la lumière a pour but de faciliter le rapprochement des sexes ou
de permettre aux Insectt>s de se diriger dans l'obsi-urité.
Chez les Lampyrides, tantôt la femelle donne seule une
lumière brillante, elle est alors aptère et larviforme, tandis que
le mâle est ailé [Lampyris noctiluca ou Ver luisant i; tantôt le
mâle et la femelle sont fortement lumineux et alors les deux sexes
sont ailés [Luciola italica). Chez les Elalérides, les deux sexes
sont également lumineux et ailés.
Les organes phosphorescents, chez les Lampyrides, se trou-
vent à la face inférieure des derniers anneaux abdominaux. Chez
les Pyrophores, ils sont situés vers les angles postérieurs du
prothorax du côté dorsal (vésicules phosphorescentes) et il y en
a, en outre, un troisième occupant la région médiane et ventrale
du premier segment abdominal. Us sont représentés par des
plaques, formées de nombreuses assises de cellules d'origine fig. 39. - Pijrop/ioms
eclodermique et à l'intérieur desquelles se distribuent de riches noctUucus montrant ses
arborisations trachéennes. Ces cellules se détruisent et se régé- ''"u^es^ïD'aiîrès'HENNE-
nèrent d'une façon constante et sont ainsi le siège d'un processus guy.)
d'histolyse qui aboutit à la formation d'une couche granuleuse ou
crayeuse occupant toujours la partie profonde de l'organe et formée d'innombrables
corpuscules bi-réfringents, radio-cristallins (guanine d'après R. Dubois).
Les organes lumineux sont recouverts par des muscles spéciaux qui règlent l'afflux
du sang; lorsque celui-ci se précipite dans l'organe, la lumière apparaît; lorsque le
cours du sang est, au contraire, arrêté, sa lumière s'affaiblit ou s'éteint. On peut
constater que ces muscles, chez les Pyrophores, sont animés de mouvements rythmiques,
pendant tout le temps que la lumière se produit. Le système nerveux commande la
production de la lumière (exp. de Matteucci sur les Lampyres , mais il n'agit sur les
organes lumineux que par l'intermédiaire des muscles (R. Dubois). Si les deux ganglions
cérébroïdes sont détruits, le phénomène lumineux est immédiatement supprimé, en
même temps que disparaissent les pulsations musculaires qui l'accompagnent; mais on
peut provoquer encore le réflexe lumineux par excitation directe de l'organe. La des-
truction du ganglion prothoracique d'où partent les nerfs qui innervent les muscles des
organes lumineux prothoraciques du Pyrophore amène leur extinction définitive
(R. Dubois).
Quelle est maintenant la cause physico-chimique de la luminosité? Les remar-
quables expériences de Macaire et de Matteucci sur les Lampyres, maintenant trop
laissées dans l'oubli, avaient mis en évidence l'importance du rôle de l'oxygène dans le
phénomène de la luminosité; mais on admettait généralement à tort qu'elle était le
résultat d'une oxydation directe de la substance des organes lumineux par l'oxygène de
l'air apporté au sein des tissus par les trachées. Les observations et les expériences de
R. Dubois ont montré que la théorie de la combustion photogène ne répondait pas à la
réalité des faits.
D'après cet auteur, la production de la lumière chez les Insectes peut recevoir la
318 INSECTES.
mr-mo explication que celle qu'il a donnde puur le même phénom^ne chez d'autres
animaux lumineux, notamment chez la Pholade, c'est-à-dire qu'elle résulte de l'action
lune sur l'autre de deux substances la luciférinc et la lucifévase, la seconde jouant le
rôle d'un ferment oxydant du groupe des oxydases. Ce qui tend à prouver qu'il en est
bien ainsi, ce sont les faits suivants :
1* Le tissu des organes lumineux desséché rapidement dans le vide et pulvérisé,
donne encore de la lumière quand on mélange cette poussière avec un peu d'eau. La
lumière peut donc persister en dehors de l'organisme vivant.
2» On enlève les deux organes prothoraciques d'un Pyropliore : l'un d'eux est broyé
jusqu'à ce que la lumière ait entièrement disparu par épuisement de la matière pho-
togène; on éteint l'autre brusquement en l'immergeant pendant quelques secondes dans
leau bouillante (de façon à détruire le ferment soluble tout en conservant la substance
photogène); si l'on mélange alors par trituration le second organe avec le premier la
lumière reparait.
Les foyers lumineux des Insectes ont une supériorité considérable sur tous ceux qui
nous sont connus. L'étude physique de la lumière qu'ils émettent montre, en e(fet,que la
perte d'énergie y est très faible etque cet avantage économique tientaux causes suivantes:
1° Les rayons chimiques n'existent qu'en très petite proportion, ce qui est di^,
d'après R. Dubois, à la présence d'une substance fluorescente |)arliculière, la pyropho-
rine, qui existe dans le sang de l'Insecte. Comme toutes les substances fluorescentes,
la pyrophorine absorbe les radiations chimiques et les transforme en radiations lumi-
neuses; on est donc en droit de penser que la majeure partie des rayons chimiques qui
naissent en même temps que les rayons lumineux chez le Pyropliore, est transformée
en rayons de longueur d'onde moyenne, très éclairants, par la pyrophorine. L'analyse
optique montre, en efTet, que la lumière des Pyrophores, dont le spectre est continu et
a comme limites approchées les raies B et F du spectre solaire, est en grande partie
composée de rayons de longueurs d'onde moyennes, c'est-à-dire de ceux (jui ont le
maximum d'intensité éclairante (rayons jaune-vert .
2" Il n'y a, par rayonnement calorique, qu'une perte inlinitésiniale d'énergie, et il
n'y a pas de perte de dégagement d'électricité.
A l'inverse de la lumière artificielle, pour laquelle 98 p. fOO do l'énergie sont em-
ployés à faire autre chose que des rayons éclairants, la lumière physiologique donne un
rendement d'au moins 98 p. 100. On doit encore faire remarquer (jue l'étude des
échanges respiratoires démontre que la dépense organique est presque insignifiante par
rapport à l'efTet produit l\. Oibois).
Ce sont les Pyrophores ou Cucujos qui présentent les organes ayant le plus grand
pouvoir éclairant; leur lumière est si vive qu'au Brésil les voyageurs l'utilisent souvent
pour se conduire. D'après les mesures photométri(|ues de R. Dibois, on peut admettre qu'il
faudrait approximativement trente-sept à tren»e-huit Pyrophores, lumineux à la fois par
tous leurs appareils, pour éclairer une chambre avec la même intensité qu'une bougie.
L'éclat verdâtre particulier de la lumière des Pyrophores est comparable à celui que donnent
les corps fluorescents et tient à la présence de la pyrophorine; chez les Lampyres nocti-
luques la lumière est moins verte et plutôt bleuâtre; celle de la Luciole d'Italie est plus
pâle et un peu dorée, quoique très vive. Les larves de Pheinjodes qui habitent l'Amé-
rique du Sud présentent un fanal rouge à l'union de la tête et du thorax, et dix paires
de petits feux d'unblanc verdâtre sur les anneaux suivants. Il est à remarquer d'ailleurs
que la teinte de la lumière peut varier avec l'intensité que peut présenter à des moments
divers le même organe. Chez lePyrophore, lorsque l'animal commence à être lumineux,
les rayons verts apparaissent les premiers, et le rouge s'étend ensuite de plus en plus,
jusqu'à ce que l'intensité ait atteint son maximum ; il n'y a pas pourtant changement
de composition, mais une apparence qui tient à un phénomène subjectif (même expli-
cation que pour la lumière zodiacale).
VIN. — DIGESTION ET ABSORPTION INTESTINALE.
Le tube digestif (lig. 3 et 40) comprend trois parties :
1° L'intestin antérieur (pharynx, oesophage, jabot et gésier);
INSECTES.
319
2° L'intestin moyen (ventricule chylifique), siège principal de la digestion;
3° L'intestin postérieur ou terminal, souvent dilîérenciéendeux régions de calibre inégal,
et que l'on nomme parfois intestin grêle et gros intestin, sans qu'aucune analogie phy-
siologique existe entre ces parties et celles qui portent les mêmes noms chez les Vertébrés,
tnv I
%^
L. C Unietit
I II
FiG. 40. — I, Appareil digestil' de la Blatto (Peripluneta orientali.s). (Waprès L. Dukour).
II, Appareil digestif d'ua Papillon {S/)hinx liqustri). (D'après Newport).
<r, œsophage; j, jabot; g, gésier; «, estomac (ventricule chj^liflque) ; », intestin; ;•, rectum ; gr.ç, glandes sali-
vaires; r, réservoir des glamlessalivaires ; cg, cœcums ou glandes gastriques; tm, tubes de Malpighi,
Seul l'intestin moyeu n'a pas de revêtement cuticulaire. A l'entrée de la cavité buc-
cale débouchent des glandes salivaires, très développées chez les Orthoptères, les Hy-
ménoptères et les Hémiptères. Au ventriclile chylifique se trouvent annexés des caecums,
présentant une disposition variable, qui ne sont en général que des diverticules tapissés
par un épithélium semblable à celui de l'organe sur lequel ils s'insèrent (flg. 3 A). L'intestin
postérieur reçoit habituellement à son origine les organes rénaux ou tubes de Malpighi.
320 INSECTES.
l" Intestin antérieur.
Chez les suceurs, les muscles du pharynx, nolammeut ceux de la partie
supérieure, jouent un rôle très important dans l'aspiration des liquides et consti-
tuent une sorte de piston contractile (Voir pour le mécanisme de la succion :
Pantel, 1898. 102; Berlese, Bcgnion, etc.). Le jabot, surtout très développé chez les
hroyeurs, fonctionne comme un réservoir destiné à emmagasiner les aliments qui y
subissent, en milieu naturellement alcalin, l'action amylolytique et invertissante des
sécrétions salivaires (fig. 40, j, os) (Plateau, Jolsset de Bellei^me). O'après ces deux auteurs,
le glycose ainsi formé serait absorbé sur place par le jabot; mais il est généralement
admis que l'intestin moyen est le siège de l'absorption des produits solubles de la
digestion (Voir ci-dessous). Le prétendu estomac suceurdes Lépidoplôres et des Diptères
n'est que le jabot qui s'est longuement pédiculisé et il sert en général de réservoir aux
aliments fluides; mais chez certains Boinbycides adultes (sac à air du B. du Mûrier),
il ne contient que de l'air.
Le gésier ou proventricule a été longtemps considéré comme un appareil broyeur.
D'après Plateau, il représente simplement un appareil valvulaire cardiaque, agissant
un peu comme le feuillet des Ruminants : il se rencontre surtout chez les Insectes à
jabot et à glandes salivaires bien développées; il arrête les aliments et les force à
séjourner dans le jabot, de façon qu'ils soient mieux imprégnés par les liquides
digestifs. Cette manière de voir a été confirniée par les autres auteurs et Beauregard
admet en outre que, sans avoir une véritable action triturante, le gésier peut néanmoins
contribuer à opérer la division du bol alimentaire en masses d'un plus petit volume,
celles-ci étant passées à la filière dans les fentes qui séparent les replis de la valvule.
D'après Plateau, seul d'ailleurs à soutenir cette opinion, au moment de la digestion,
l'appareil valvulaire du gésier se laisserait en outre traverser d'arrière en avant par les
sécrétions du ventricule chylilique refluant alors dans le jabot, de sorte que ce dernier
se trouverait être ainsi le siège de la digestion des albuminoides. Il est fort possible que
l'opinion de Plateau soit, dans certains cas, justifiée : il est en effet démontré que divers
Insectes peuvent rejeter par la bouche un liquide fortement protéolylique (larves de
Dytique d'après Nagel et Portier, larves de Scynuius d'après Lemoi.ne); il est donc très
admissible que, dans d'autres cas, une réjection du liquide sécrété par le ventricule
chylifique puisse aussi se produire, mais en s'arrêtant au jabot '. Quoi qu'il en soit, il
semble bien établi que, dans la généralité des cas, c'est dans l'intestin moyen ou ventricule
chylifique que s'opèrent les principaux phénomènes de la digestion et de l'absorption.
2" Intestin moyen.
Le ventricule chylifique (souvent appelé estomac) et les cjecums gastriques qui lui
sont annexés et qui ne sont, en général, que des diverlicules sans spécialisations de la
muqueuse, sont à la fois le siège d'une sécrétion analogue à celle du suc pancréatique
et le siège de l'absorption. Les aliments s'y trouvent souvent brassés par des mouve-
ments de contraction et de dilatation très énergiques.
a) Sécrétion. Ferments. — Chez les carnassiers et les omnivores, la sécrétion du ven-
tricule chylifique est légèrement acide (Jousset de Bellesue; Plateau, 1877 et 1886,apiti
Miall et Denny, p. 131); chez les herbivores, elle est en général alcaline (Plateau). Les
expériences faites en nourrissant des Insectes avec des aliments additionnés de tourne-
sol montrent que la réaction peut d'ailleurs varier, suivant la région du ventricule chy-
lifique que l'on considère (Kowalewsky) et, chez la larve du Tcnebrio molitor, par
exemple, elle est nettement acide dans les deux tiers antérieurs et nettement alcaline
dans le tiers postérieur, la ligne de démarcation correspondant à un changement dans
la nature de l'épithélium (Biedermann). C'est à Plateau (1873) que l'on doit d'avoir nette-
ment établi que l'acidité n'est pas une réaction obligatoire pour la digestion des Arti-
1. ScHÔNFELD a basé sur cette réjection sa théorie de rélaboration de la gelée rojale des
Abeilles ; mais on admet habituellement avec Schiemenz qu'elle. est un produit de sécrétion des
glandes pharyngiennes en cliapelet. D'après Snodgrass les deux processus pourraient concourir
à sa formation.
INSECTES. 321
culés et en particulier des Insectes, que celle-ci s'elfectue, au contraire, très souvent
dans un milieu neutre ou alcalin, et que celte digestion n'olîre rien de comparable avec
la digestion gastrique des Vertébrés, mais se rapproche beaucoup plus de la digestion
pancréatique. Ce qui -montre bien d'ailleurs le caractère accessoire de la réaction, c'est
que les CîT^cums gastriques de la Blalte sécrètent un ferment qui digère la fibrine aussi
bien en milieu acide qu'en milieu alcalin (Kni KENnr.Rr.). Dans les cas où la réaction du
ventricule chylifuiue est nettement acide, il ne peut même être question d'un acide
libre analogue à celui de l'estomac des animaux supérieurs; jamais, en effet, un tel
acide n'a pu être mis en évidence et l'acidité tient alors à la présence d'un sel acide
tel (ju'un phosphate (Biedermann).
La sécrétion du ventricule chylifique ou suc gastro-intestinal a une fonction assez
comparable à colle du suc pancréatique et elle agit à la fois sur les substances albumi-
noïdes.les substances amylacées et les graisses. Son action protéolytique, contrairement
à ce qui avait été admis par KrOkenber(;, n'est pas due à un mélange de Irypsine et de
pepsine ou à un ferment intermédiaire, mais uniquement à de la trypsine : elle trans-
forme les albuminoïdes en peptones avec formation de tryptophane et de tyrosine,
suivant tous les caractères de la digestion tryptique (Biedermann). Le pouvoir amyloly-
tique du suc gastro-intestinal, bien que nié par Jousset de Bellesme, ne paraît pas
douteux, au moins chez certains Insectes. D'après Plateau, on rencontrerait à ce point
de vue des dilTérences considérables suivant les groupes : chez les Scarabéiens, ce suc
représenterait l'agent exclusif de la transformation des substances amylacées en glu-
cose. Chez les Chenilles, le glucose se formerait aussi dans le ventricule chylifique,
Biedermann a également reconnu que le liquide qui remplit l'intestin moyen du Ver de
farine (larve de Tenebrio molitor) à jeun, a le pouvoir de transformer en sucre l'amidon
et renferme en outre une inverline; mais on peut objecter aux observations de ce der-
nier auteur que les propriétés amylolyliques et invertissantes qu'il signale peuvent
tenir à des sécrétions venant de la partie antérieure du tube digestif et des glandes
salivaires. En revanche, le suc gastro-intestinal a, chez la généralité des Insectes, un
pouvoir lipolytique indiscutable, qui a été constaté par tous les auteurs ayant étudié la
question (JoussET de Bellesme, Plateau, Biedermann, Porta, etc.). Il dédouble les graisses
neutres en acides gras et glycérine, et jouit d'un énergique pouvoir émulsif.
Le labferment a été signalé par Sieber et Metalnikow chez la chenille de la Teigne
des ruches {Galleria melonella). Il coagule le lait en milieu alcalin.
On ne connaît que peu de chose sur la formation des ferments contenus à l'intérieur
du suc gastro-intestinal. Frenzrl, Biedermann, etc., ont signalé dans le noyau ou le
cytoplasme des cellules épithéliales des inclusions diverses qui jouent peut-être un
rôle dans la formation des ferments, bien que Biedermann les regarde plutôt comme des
substances de réserve. Duboscq et Léger (1900-1902) ont également décrit dans les cel-
lules du ventricule chylifique des Coléoptères et des Orthoptères des produits de sécré-
tion à la formation desquels le noyau prend une part importante : ce sont des boules
mucinoïdes, tantôt hyalines, tantôt chargées de grains chromatiques et des « grains
zymogénes ou prozymogènes » safranophiles et de nature purement chromatique. Les
boules mucinoïdes, soit seules, soit avec les cellules dégénérées ou les parties des cel-
lules qui les renferment, sont rejetées dans la lumière du tube digestif et disparaissent
par une fonte générale dans le suc gastro-intestinal qu'elles contribuent à former.
Chez beaucoup d'Insectes les desquamations, très fréquentes et totales, que subit
l'épithélium du ventricule chylifique, doivent jouer un très grand rôle dans la formation
ou la libération des ferments digestifs (Biedermann). Pantel (1898, 133) a signalé chez
les Tlnixlon des mouvements rythmiques de contraction et de dilatation des cellules
épithéliales qui paraissent destinés à évacuer d'une façon intermittente les ferments.
6) Absorption. — La paroi du ventricule chylifique et celle des ca?cums qui s'y
déversent, sont le siège de l'absorption des produits solubles de la digestion. Les expé-
riences de CuÉNOT (189o), complétant celles de Vangel (1886), paraissent établir que,,
dans la plupart des cas, elles sont le siège exclusif de cette absorption, contrairement à
l'opinion qui adjoint au ventricule chylifique d'antres parties du tube digestif pour l'ac-
com[)lissement des fonctions absorbantes (voir jabot et intestin postérieur).
Si l'on fait ingérer à des Insectes des liquides colorés, le ventricule chylifique et ses
DICT. DIC PHYSIOLOGIE. — TOMIi IX, 21
SHi INSECTES.
Ciucums restent seuls remplis de ces liquides, ce qui porte à penser que, — ceux-ci sui-
vant la même route et stationnant dans les mêmes parties que les produits solubles, —
c'est bien dans le ventricule chylifique et les cit'cums que l'on doit placer le siège de
l'absorption (expériences de Vanuel sur l'Hydrophile, de Cué.not sur la Blatte, de Voi.xov
sur les larves d'Odonates, de Pantel sur les larves de Thrixion). Le fait que les ca?cums
se montrent colorés d'une façon intense et sont remplis de liquide, indique que, s'il y a
un courant, de sortie qui amène dans le ventricule chylifique le suc sécrété dans ces
diveiticules, il y a ensuite un courant inverse qui amène dans ces derniers les produits
solubles de la digestion. Mais Cuknot a donné une démonstration plus nette des phéno-
mènes d'absorption de l'intestin moyen par l'expérience suivante. On nourrit des Blattes
avec une bouillie de farine mélangée avec du lactate de fer; après 24 ou 48 heures, le
fer a pénétré dans les cellules épithéliales de l'intestin moyen : si l'on dissèque alors
la Blatte à sec (avec des instruments nickelés) et si l'on arrose la préparation avec du
ferrocyanure de potassium, puis avec de l'acide chlorhydrique à 0,5 p. 100, on voit que
le méso-intestin ou ventricule chylifique se colore en bleu, et la coloration se localise dans
les cellules sécrétantes, tandis que les nids de cellules de remplacement qui alternent
avec les groupes formés par les précédentes sont incolores. Ce sont donc les mémos
cellules qui servent à la fois à la sécrétion des ferments digestifs et à l'absorption; et ces
cellules tapissent aussi bien les parois du ventricule chylifique que celles des cœcums
ou follicules qui s'y déversent. L'absor()tion intestinale chez les Insectes, comme chez
les Vertébrés, est loin d'ailleurs de consister dans de simples phénomènes osmotiques;
mais l'épithélium est le siège de transformations chimiques importantes. A signaler, à
ce point de vue, les curieux cristal loïdes de nature protéique(A'e/viAn/s/(;//o(f/e de Frenzel)
qui se trouvent en si grand nombre dans les noyaux ou le cytoplasma des cellules épi-
théliales du ventricule chylifique chez le Ver de farine et (jui ont été étudiés en détails
par BiEDERMANN, ainsi que les inclusions analogues trouvées par Mi.ngazzini (1882) chez
les Lamellicornes. D'après Vaney et Maignon (1906), le glycose lui-même, qui se trouve
en abondance dans le tube digestif du Ver à soie et qui provient des feuilles ingérées,
ne pénétrerait pas par simple osmose dans le sang, mais serait détruit au niveau de l'épi-
thélium.
Absorption des graisses. — Le siège de l'absorption des graisses est aussi le
méso-intestin. Si l'on fait ingérer de la graisse à des Blattes, on peut facilement, quel-
ques jours après, constater sur les coupes, au moyen de l'acide osmique, la présence de
la graisse dans les cellules du ventricule chylifique. Cette absorption se fait par les
mêmes cellules qui sont déjà chargées de l'absorption des autres substances et des
fonctions de sécrétion: il ne semble à ce point de vue exister aucune division du travail
(CuÉNOT, Voi.Nov). Tout porle à croire que, comme chez les Vertébrés, les graisses ne
sont pas absorbées en nature et sous forme d'émulsion, mais que ce sont les produits
de dédoublement qui sont absorbés, donnant lieu ensuite dans la cellule à une
reconstitution par synthèse (obsers-ations et expériences de Bieuekmann).
3° Intestin postérieur.
Le rôle principal de l'intestin postérieur consiste à évacuer à l'extérieur les résidus
de la digestion et les produits d'excrétion des tubes de Malpighi. On ne lui connaît
aucune action définie sur les substances alimentaires et la digestion peut être consi-
dérée comme terminée dans le méso-intestin. Bien que le méso-intestin soit générale-
ment regardé comme le siège exclusif de l'absorption, difTérents auteurs (Berlese,
Frenzel, etc.) lui ont dénié cette fonction qu'ils considèrent comme incompatible
avec le rôle manifestement sécréteur de cet épithélium et regardent l'intestin postérieur
comme étant le siège principal de l'absorption. La présence d'une cuticule chitineuse,
tapissant cette région du tube digestif, son rôle éliminateur et l'expérimentation phy-
siologique ne sont pas d'une façon générale en faveur de cette manière de voir. —
D'ailleurs, chez de nombreuses larves d'Hyménoptères, chez celles des Diptères pupi-
pares, chez la larve du Fourmilion, le ventricule chylifique se termine en cul-de-sac et
est indépendant de l'intestin postérieur. La fonction de ce dernier, qui reçoit les
tubes de Malpighi, ne peut donc être alors qu'éliminatrice. On ne peut pourtant gêné-
INSECTES. 3^23
raliser d'une façon absolue, et, dans différents cas, l'intestin postérieur parait bien
concourir à l'absorption (larve de Ptychoptera contaminata, d'après van Gehuchten, de
TkvLvion, d'après Panticl).
4° Fonctions d'arrêt et moyens de défense de Tintestin.
L'épithéliuni de l'intestin moyen, qui ne présente pas de revêtement chitiiieux, est
néanmoins protégé contre le contact direct do la masse alimentaire par des formations
spéciales d'aspect cuticulaire, qui, tantôt correspondent aux plateaux détachés des cel-
lules (VoiNov, 1898), tantôt sont sécrétées au niveau de la valvule cardiaque ou de la
région antérieure du mésentéron et qui sont suspendues librement à son intérieur,
sous forme d'un long cylindre ou d'un entonnoir emboîtés dans la lumière du tube
digestif (membrane péritrophiqiie, Trichter).
Chez les Insectes broyeurs, le tube formé par la membrane péritrophique se poursuit
même à travers l'intestin postérieur jusque vers l'anus. Physiologiquement, il corres-
pond à l'involucre niuqueux qui entoure les aliments chez les Vertébrés. Cette mem-
brane s'oppose dans beaucoup de cas au passage des microbes ou autres organismes
parasites. Dans la flacherie du Ver à soie, elle prend une épaisseur 10 à 14 fois plus
considérable qu'à l'état normal et elle se charge de microbes. Chez l'Abeille, elle s'op-
pose à la pénétration des grains de pollen dans les cryptes de la muqueuse (Frenzel).
Enfin, d'après Berlesr, elle joue un rôle important comme diaphragme dialyseur : à
mesure que s'effectue le travail digestif chimique, les peptones ou autres produits
solubles passent par dialyse au travers du diaphragme et se rassemblent dans l'espace
annulaire qui le sépare de l'épithélium, tandis que les sucs digestifs suivent un trajet
inverse et centripète.
La paroi de l'intestin moyen jouit d'ailleurs, à un degré plus ou moins grand suivant
les espèces, de la faculté de faire un choix parmi les substances solubles renfermées
dans le tube digestif, en arrêtant au passage un bon nombre de produits nuisibles. C'est
ainsi que chez les Orthoptères, les matières colorantes ingérées (carminate, bleu de
méthylène, vésuvine, etc.) séjournent longtemps à l'état dissous dans l'intestin moyen
et ses diverticules, puis passent dans l'intestin terminal, sans qu'aucune trace ait été
absorbée (Cuénot). En revanche, chez d'autres Insectes, telles que les larves de Corethra,
les mêmes substances colorantes mélangées à la nourriture passent au travers de la
paroi intestinale et sont éliminées du sang par les organes excréteurs (Kowalewsky,
1889). Chez le Ver à soie, parmi de nombreuses couleurs végétales ou d'aniline, la
fuchsine est seule absorbée.
Un moyen de défense remarquable de l'intestin consiste encore dans les mues pério-
diques qu'il subit et qui peuvent intéresser non seulement les revêtements cuticulaires,
mais encore l'épithélium total de l'intestin moyen. Chez l'Hydrophile et chez d'autres
Insectes, tels que divers Lamellicornes, l'intestin moyen peut subir des mues très fré-
quentes (tous les 2 ou 3 jours), pendant lesquelles l'épithélium se détache et est rem-
placé par un autre de nouvelle formation (Bizozzero, 1893 ; Rengel, 1896). Des phénomènes
analogues se produisent chez beaucoup d'Insectes, soit pendant le cours du développe-
ment, soit chez Y imago. Les cellules rejetées forment un long boyau appelé corps jaune.
Rengel (1896), Léger et Dobosgq (1902) ont montré que l'on pouvait y rencontrer de
nombreuses Grégarines expulsées avec les cellules en dégénérescence. Kungrel d'Hercu-
LA.IS a observé chez les Acridiens un phénomène de défense analogue, mais qu'il attribue
à une mue cuticulaire. Enfin il convient encore de citer comme moyen de défense de
l'intestin, l'intervention des phagocytes qui peut s'effectuer dans les espaces conjonctifs
séparant les replis falciformes de l'intestin (Cuénot, Léger et Duboscq).
5° Processus digestifs adaptés à, divers régimes alimentaires.
Dans le tube digestif des larves de Coléoptères xylophages, on rencontre une diastase,
la xylannse, hydrolysant la xylane. Cette diastase peut être facilement mise en évidence en
broyant des tubes digestifs de laxves de Phymatodes variabilis avec un peu d'eau et de
chloroforme et en mettant à l'étuve à 38° ce mélange avec 1 gramme de xylane. On
obtient alors un liquide qui donne les réactions caractéristiques des pentoses (Seil-
324 INSECTES.
LÈRE, 1903). La présence de cellulases digérant la cellulose parait d'ailleurs répandue-
chez les Insectes.
La digestion des chenilles de I.i Tineola biseliella se nourrissant de laine, a été étu-
diée par SiTOWsKi. Il pense qu'elle est due à un ferment digestif du groupe de l.i try-
psine qui déterminerait la dissolution de la kératine et transformerait cette substance
en une albuminose; mais il n'est pas parvenu à l'isoler.
La digestion de la chenille de la Teigne des ruches [Galleria melonclla), qyi'i se nourrit
de la cire des Abeilles a été étudiée par Mktalnikokf (1907); mais il n'a trouvé dans son
intestin aucun ferment cérolylique; d'après lui, la cire serait seulement émulsionnée
dans l'intestin et sa digestion n'aurait lieu que dans le sang par des fei-nients sécrétés-
par les amibocytes. La cire est nécessaire à la nutrition de ces Insectes; ils trouvent les
autres éléments, azotés ou hydrocarbonés, indispensables à leur croissance et à leur
entretien dans les nombreuses impuretés que les rayons des ruches renferment. La
digestion ye fait en milieu alcalin.
Digestion extérieure des proies et d'aliments divers. — Une digestion véritablement
extérieure à l'Insecte, mais par projection des liquides digestifs à l'intérieur de la proie
dont il fait sa nourriture, s'observe chez la larve du Dytique (tig. 4, C) (Nagel, Portier).
Le liquide est injecté au moyen des grands crochets mandibulairesqui sont canaliculé&
et enfoncés dans la proie. Neutre ou faiblement alcalin, il a un pouvoir digestif tryptique
des plus énergiques; tous les muscles et autres organes de la proie se trouvent, en quelques
instants, liquéfiés et la larve de Dytique qui n'a plus qu'à se nourrir par succion laisse,,
comme reste de son repas, une simple dépouille cuticulaire vidée de toute substance
nutritive. — Chez la larve du l)yli(iue, la bouche est physiologiqu<^ment fermée et, hier»
qu'elle existe morphologiquement, elle leste close, ne livrant jamais passage aux ali-
ments qui sont introduits dans le tube digestif. Les liquides alimentairt!s, pour se rendre
dans ce dernier, doivent toujours traverser les canaux capillaiies creusés dans les cro-
chets mandibulaires et qui s'ouvrent à l'extérieur un peu en dedans de la pointe. Por-
tier a étudié, en détail, les curieux phénomènes de la digestion chez la larve du Dylique :
Quelques instants après qu'une proie transparente, telle qu'une larve de Diptère a({ua-
tique, a été saisie par la larve du Dytique, on voit tout à coup un liquide noir envahir
cette proie et se répandre autour de ses organes; la larve est alors comme frappée de
stupeur; quelques contractions l'agitent, puis elle reste immobile, elle est morte. On
voitensuite rapidement ses tissus se modifier; le tissu adipeux en particulier fond litté-
ralement, se résolvant en un liquide dans lequel nagent de fines granulations. Bientôt
la larve du Dytique aspire le liquide qu'elle a injecté et un courant intense se dirigeant
vers les crochets mandibulaires se produit. Peu après, la manœuvre précédente
recommence et les organes de la proie sont ainsi solubilisés de proche en proche et
passent à travers le canal capillaire des crochets. On peut faire digérer extérieurement
à une larve de Dytique une proie artificielle consistant, par exemple, en du jaune d'œuf
ou en un morceau de muscle enveloppé dans un sac de caoutchouc. La présence d'une
membrane enveloppante étanche est indispensable pour que les phénomènes de la
digestion s'accomplissent normalement.
La larve de Dytique vide avec une telle gloutonnerie les proies naturelles ou artifi-
cielles qui sont mises à sa disposition qu'elle peut augmenter de 60 p. 100 de son poids.
Leur lourdeur les empêche alors de respirer à la surface, à l'aide de leurs appendices
caudaux devenus insuffisants pour les maintenir, et elles peuvent, dans certains cas, se
noyer. On constate pourtant dans ces conditions des vomissements asphyxiques qui
tendent à les mettre à l'abri de ce péril : le liquide rejeté s'écoule alors par l'ouverture
capillaire placée en dedans de la pointe des crochets, et, parfois, lorsque les crochets
sont très écartés, un peu par la base, au niveau de leur insertion, mais jamais par la
partie antérieure et médiane de la bouche. Ces vomissements asphyxiques constituent
un véritable phénomène de défense; ils permettent à l'animal de s'alléger et de venir de
nouveau flotter à la surface pour puiser l'air nécessaire à la respiration (Portier).
Le lieu de production du liquide digestif, que Nagel regardait comme salivaire, est
le ventricule chylifique; d'après Portier il s'emmagasine en dehors des périodes de la
digestion dans un énorme cœcum situé sous la paroi dorsale du corps et qui débouche
dans le segment postérieur du tube digestif; aU moment de la capture d'une proie il est
INSECTES. 325
'injecté dans rinleslin et conduit probablement par des contractions antipéristaltiques
jusqu'aux crochets maiidibulaires.
Les larves de Fourmilion et d'Mémérobe, qui présentent une disposition de la bouclie
et des crochets très conforme à celle des larves de Dytiques se nourrissent très proba-
blement d'une façon semblable.
Les larves de Mouches déterminent la liquéfaction de la viande au milieu de laquelle
•elles se trouvent placées et hâtent sa décomposition. On a pensé que cette action était
due au rejet par la larve d'une substance douée d'un pouvoir digestif s'exerçaut à l'exté-
rieur et analogue à la pepsine (voir : J.-H. Fabue, Souvenirs entom., 10*^ série, 2!j9).
'Le rôle des ferments sécrétés par l'Insecte parait toutefois secondaire ou nul et Guyknot
n'a obtenu aucune digestion d'albuminoïdes, d'amidon ou de graisse avec des extraits
provenant de larves broyées de Lucilia cœsar ou d'organes digestifs isolés du même
llusecle. Ce sont les microrganismes qui se chargent du travail de liquéfaction et de
digestion. Les larves et les microbes vivent en symbiose : les larves, se nourrissant
exclusivement par succcion, ensemencent de tous côtés les microbes qui leur préparent
leur bouillie alimentaire (Bogdanow, Guyénot).
Les chenilles xylophages [Cossus ligniperda) rejettent par la bouche une sécrétion
qui exerce une action corrosive sur le bois et permet aux mandibules de l'attaquer plus
facilement (Lygnnet, Henseval) et il en est vraisemblablement de même pour beaucoup
de larves xylophages. Chez les Hémiptères phytophages, la salive est injectée d'une façon
analogue dans les tissus des plantes : elle détermine souvent des effets toxiques (galles,
troubles physiologiques); mais elle aurait en outre pour fonction de dissoudre an moyen
d'une diastase les parois de cellulose des cellules végétales et peut-être de commencer
la digestion des grains d'amidon qui y sont enfermés (Kcnckel, Bugnion).
IX. — CIRCULATION.
1° Physiologie de l'appareil circulatoire. — Le cœur est représenté par un tube
•contractile, connu sous le nom de vaisseau dorsal, qui s'étend suivant la ligne dorsale et
médiane du corps et baigne dans un sinus péricardique. Il est formé d'une série de
ventriculites séparés les uns des autres par des étranglements et au nombre de 5 à 8 en
■moyenne (fig. 41 et 42), Ces ventriculites communiquent entre eux, au moyen d'orifices
iprésentant des replis valvulaires dirigés d'arrière en avant; chacun d'eux communique
d'autre part avec le sinus péricardique par deux orifices ou ostioles placés latéralement
et pourvus de valvules infléchies de dehors en dedans. Ce cœur, formé de fibres muscu-
laires striées annulaires comprises entre deux tuniques conjonctives, se termine en cul-
de-sac à sa partie postérieure; il ne s'étend guère que sur la région abdominale et se
prolonge dans le thorax et vers la tête en une aorte qui peut se bifurquer, mais
s'ouvre, en tout cas, largement et sans fines ramifications dans les lacunes inter-
organiques de la région céphalique.
La contraction du cœur se fait suivant une onde qui se propage d'arrière en avant, et
une nouvelle onde peut commencer à l'extrémité postérieure avant que la précédente
ait encore atteint l'aorte.
Chaque ventriculite, au moment de la systole, chasse le sang dans celui qui se trouve
placé immédiatement en avant et, au moment de la diastole, il reçoit le sang venant du
sinus péricardique; l'afflux du sang pénétrant par les ostioles est toujours plus consi-
dérable dans la partie postérieure que dans la partie antérieure du vaisseau dorsal. Le
sang s'écoule en avant par l'aorte pour se répandre dans le sinus neural ou ventral et
• dans la cavité périvisoérale. Il y reçoit les produits absorbés ou élaborés par les organes
digestifs qui sont déversés directement sans intermédiaire de lymphatiques dans la
cavité du corps, puis il revient dans le sinus péricardique en traversant les perforations
que présente son plancher (diaphragme péricardique). Si ces perforations manquent, le
sang revient parla partie postérieure du sinus péricardique (Orthoptères, d'après Kowa-
LEvsKY, 1894). Outre le cœur, il existe parfois chez les Insectes des ampoules pulsatiles
placées à la base des parties du corps les plus effilées où la circulation serait sans leur
.présence difficile. On «n rencontre à la base des antennes chez les Ephémères (Vays-
siÈRE, 1882), chez 'les Lépidoptères (Rurgess, 1881 et Selvatico, 1887), chez divers
326
INSECTES.
Orthoptères (Pawlowa, 1895) et à la base des pattes chez les Hémiptères aquatiques-
(Behn, 1835 et Locy, 1884). Dans les ailes et autres appendices on peut voir souvent le
sang s'écouler suivant des canaux bien tracés analogues à des vaisseaux sanguins-
(C.^RUS, 1829). Le sang se dirige généralement alors en avant le long du cùlé antérieur
et en arrière le long du côté postérieur de l'appendice ; dans certains de ces canaux on
voit parfois le sens du courant se renverser.
Divers muscles du corps viennent concourii d'une façon accessoire au mécanisme de
la circulation. Graber attache une importance paiLiculière, à ce point de vue, aux
muscles aliformes du diaphragme péricardique (lig. 41). En redressant sa convexité
dorsale (fig. 43, (h), le ^diaphragme péricardique ferait pression sur le sang placé en
dessous et augmenterait au contraire l'espace du sinus péricar-
dique sus-jacent. Le sang se Irouverait alors naturellement
appelé à combler ce dernier, en passant par les perforations
du diaphragme et il arriverait ainsi au cœur au moment de la
diastole. Ce mécanisme ne peut, en tout cas, être réalisé, chez
les Orthoptères qui ont un diaphragme péricardiciue imperforé
et dont le sinus péricardique ne peut communiquer (ju'en avant
et en airièie avec la cavité périviscérale (Kowalewskv). Il
semble d'ailleurs que, dans certains cas, conformément à l'an-
cienne opinion ayant eu cours avant les recherches de Ghaber,.
les muscles aliformes puissent concourir activement à la dias-
tole (larve de Tkrixion d'après Pantel, 1898, 160).
Enlin, les muscles transversaux de la partie ventrale du
thorax, en rapprochant par leurs contractions les bords du
sinus thoracique ventral, sont bien disposés pour déterminer
un courant d'avant en arrière faisant passer le sang de la partie
thoracique dans la partie abdominale (Popovici-Baznosanu,
1897). Les muscles abdominaux interviennent aussi forcément
dans les mouvements circulatoires.
Malgré toutes ces particularités organiques, la circulation
est fort imparfaite chez les Insectes et la différence souvent
considérable que l'on peut constater entre la chaleur du thorax
iG. 41. - Vaisseau dorsal et celle de l'abdomen (Maurice Girard) indique suffisamment
(u) et muscles aliformes qu'il n'exisie pas toujours chez eux de courant sanguin capable
de la Blatte (Peripianeia ^^^„.^]i^qj, rapidement les températures dans les diUerentes
orientalis). i
r«. r^, A', muscles aliformes parties du corps,
fixés à la région tcrgale Variations dans le rythme du cœur. — Les contractions ryth-
du mésothorax, du meta- j^jqy^.^; ^^y ^œuv qui, comme nous l'avons vu, se propagent
thorax et du 1'^ segment * '' . ^ " .
abdominal; n, muscles d arrière en avant, se succèdent dune laçon plus ou moins
aliformes des a-itres seg- rapide suivant les phases évolutives et les conditions physiolo-
mcots abdora naux (n 2, «jques de l'Iusecte. D'après les observations de Newport sur le
3, etcV,?, trachées. (D après ° ^ , , , ■ -> i
MiALL et Denny.) Sphinx lignustri, chez la larve, avant la première mue, le
nombre moyen des pulsations est de 82 par minute, avant la
deuxième mue de 89, avant la troisième de 63, avant la quatrième de 45, un peu avant
la maturité de 39; leur nombre décroîtrait donc plutôt avec la croissance. PenJant
les phases de repos correspondant aux mues, le nombre des pulsations est à peu près
le même à chaque période et est environ de 30. Lorsque l'Insecte est à l'état de nymphe,
il passe à 20, puis à 10, et, pendant la période d'hivernalion, les battements cessent d'une
façon presque complète. Après l'éclosion, chez l'Insecte parfait en pleine activité, le
nombre des pulsations monte à 110 et 140; lorsqu'il passe à l'état de repos, il est de
40 à 50.
De nombreuses observations ont confirmé les déductions générales qui peuvent être
tirées de celles de Newport et ont fait voir notamment qu'une élévation de la tempé-
rature, ainsi que le mouvement, accéléraient le rythme du cœui- d'une façon considé-
rable. DoGiEL, dans ses études sur la larve de Corethra plumicornis, a recherché, en
outre, quels étaient les autres agents susceptibles d'agir sur l'activité du cœur, et il a.
étudié à ce point de vue l'électricité et les poisons :
INSECTES.
327
j)
a
Électricitc. — L'excitation par un courant induit de faible intensité, détermine une
accélération des mouvements du cœur; mais, si l'on aiij,'menle l'intensité du courant,
le cœur se ralentit ou s'arrête. Si l'on supprime Texcitatiou, les I)atleinents s'accélèrent
à nouveau. Une forte excitation avec un courant induit provoque un arrêt durable du
coeur en systole; si l'excitation est interrompue, les pulsations
réapparaissent au bout d'un temps plus ou moins long, suivant la
force de l'excitation; mais le rytlime est troublé dans la régula-
rité, la force et l'ordre de ses contractions. D'une façon générale,
on peut donc dire qu'un courant induit faible accélère les batte-
ments du cœur et qu'un courant fort les ralentit ou les arrête.
Poisons. — Expérimentés en vapeurs ou en solutions aqueuses
sur la larve de Corethra, ils ont donné des résultais qui peuvent
être groupés de la façon suivante :
I. Ont une influence accélératrice :
Les excitations faibles provoquées par : ammoniaque, éther
clhylique, acide oxalique, acide phc nique, nitrate dépotasse, aconiline.
II. Ont une influence ralentissante :
a) Les excitations fortes provoquées par les substances énumc-
rées ci-dessus et, en outre, par la vératrine et Vatropine.
b) L'alcool éthylique, le chloroforme, Vhydrate de chloral, Voxyde
de carbone, l'acide carbonique, Vacide sulfhydrique.
III. Sont sans influence sur l'activité du cœur :
a) La muscarine, le curare, la strychnine.
b) Une excitation faible par l'atropine.
Origine des mouvements du cœur, innervation. — Le cœur
paraît présenter un automatisme complet systolique et diastolique
et cet automatisme est propre à toutes les parties du cœur (Brandt).
Les muscles aliformes qui s'étendent sur les côtés du cœur ne sont
généralement pour rien dans les mouvements de diastole : on
peu! les sectionner sans arrêter les mouvements du cœur. Le cœur
lui-même peut être sectionné en morceaux et chacun d'eux con-
tinue à se contracter (Brandt). L'indépendance relative des diff'é-
rentes régions du cœur peut encore être montrée par l'électricité:
(exp. de Brandt et de Weber : voir l'article Cœur, 111, 298-299).
Il résulte de ce qui précède que le cœur doit avoir en lui-même
la source de sa force motrice et qu'elle doit être disséminée sur
toute sa longueur. On n'est pas arrivé néanmoins à y mettre en
évidence l'existence de ganglions bien caractérisés.
L'absence d'un appareil modérateur paraît résulter non seule-
ment de l'étude analomique, mais de ce qui a été dit ci-dessus sur Fio. h
l'action des poisons. Il est, en effet, tout à fait remarquable que la
muscarine, l'atropine et le curare, dont l'action sur l'appareil
modérateur du cœur des Vertébrés est bien connue, restent chez
les Insectes sans influence ou ne produisent qu'un ralenlissement
et que, par contre, l'aconitine, qui agit directement sur les centres
moteurs et les muscles, exerce, à faible dose une action accélé-
rante. Pourtant, chez le Criquet, une excitation mécanique du
cerveau amène dans certains cas un arrêt complet du cœur, ce qui
tendrait à prouver l'existence de filets nerveux modérateurs. Si
l'action modératrice de ces fibres est généralement masquée dans
les expériences, cela pourrait d'ailleurs résulter d'une excitation
simultanée des modérateurs et des accélérateurs et de la prédo-
minance de ces derniers. L'existence de nerfs accélérateurs émanant de la chaîne ven-
trale peut, en effet, d'après les expériences faites sur les Criquets (Dogiel), être consi-
dérée comme un fait à peu près démontré.
Bien qu'ils ne portent pas dune façon spéciale sur les Insectes, on consultera avec
profit pour la physiologie du cœur des Arthropodes les importants travaux de Carlso.n
a
. — Ventriculites
du cœur.
a. communication d'un
vontriculite avec le
suivant; 6, communi-
cation avec le sinus pc-
ricardique; i', valvules
servant à la t'ois pour
les deux ordres d'ori-
lices : au moment de
la systole le passage
a s'ouvre et le pas-
sage b se forme ; au
moment de la dias-
tole, l'inverse se pro-
duit.
3^
INSECTES.
sur la physiologie du cœur des Invertébrés {Arch.f. Entwicklungs. mech., XIX, 1900; The
American Journal of Physioloijy, 1903-1908), et sa mise au point sur la question, dans
Ergebnisse (1er Physiol., 1909, 371-i-59. L'auteur a fait de très complètes expériences sur
la Limule.
2" Sang. — Le fluide circulant des Insectes est plutôt comparable à la lymphe qu'au
sang des Vertébrés. Il ne contient comme éléments figurés que des amibocytes, et, en
raison de la disposition du système trachéen qui porte l'oxygène à tous les organes, son
rôle ne consiste guère que dans le transport des substances plastiques destinées à la
nutrition des ditl'érentes parties de l'organisme. Sa masse est très variable; les Orthop-
tères ont beaucoup de sang, tandis que les Lépidoptères, les Diptères et les IIyméno|i-
téres en ont généralement peu. Les larves contien-
nent beaucoup plus de sang proportionnellement à
leur poids que les Insectes parfaits. Après quelques
jours de diète, le sang peut être presque complè-
tement résorbé. Sa coloration est variable, rose,
rouge, brunâtre, jaune ou verte; il est parfois inco-
lore ou à peine coloré. Au contact de l'air, le sang
change de couleur et prend une coloration plus
foncée ou noircit. Les .substances colorante-^ du
sang sont des albuminoïdes exclusivement di.ssous
dans le plasma. Leur nature chimique est variable
suivant les espèces, et ces différences entraînent
les variétés de coloration que l'on observe dans le
sang des Insectes. Chez la larve du Chironome le
plasma est coloré par Vhémoglobine (Hoixett, Ray
Lankasteu); mais c'est là un fait tout à fait excep-
tionnel. Suivant la couleur, Clknot a donné aux
autres substances colorées du sang, les noms de :
héinoxantine, hémoprasine, hùmophtiinc, hànopyrrhic
hémocrocine, etc. Malgré le changement de teinte
qui se produit au contact de l'air et qui est dû à
un phénomène d'oxydalion (Fredericq), ces albu-
minoïdes ne fonctionneni pas comme pigments
respiratoires ou n'ont, à ce point de vue, qu'un
rôle très limité et inconstant. En effet, le sang de
la larve d'Oryctes, qui a bruni à l'air, ne se décolore
pas lorsqu'on le soumet au vide, et la combinaison
qui s'est produite est stable et ne se décompose
ni par les acides, ni par les alcalis (Fredericq).
Pourtant, chez les chenilles de Bombyx, le sang
contenant de l'hémoxanthine, qui noircit rapide-
ment cà l'air, peut être réduit par le sulfhydrate d'ammoniaque, et il reprend alors en
partie sa teinte jaune primitive, pour noircir à nouveau lorsqu'on l'expose à l'air
(Guénot). Quoi qu'il en soit, il est certain que l'oxydation ne doit pas se faire in vivo
d'une façon régulière et physiologiqiie : car si l'on plonge des cJienilles de Bombyx riibi
dans une atmosphère de CO-, d'autres dans de l'oxygène, et si l'on place enfin un
troisième lot servant de témoin à l'air libre, dans les trois cas le sang conserve sa
même couleur jaune verdàtre (Cuéxot). Les divers albuminoïdes du sang servent donc
surtout à la nutrition et proviennent, sans doute, des peptones de la digestion trans-
formées par les amibocytes; ils ne jouent pas, d'une façon notable, de rôle oxydant
comparable à celui de l'hémoglobine ou de l'heraocyanine.
Le changement de couleur du sang à l'air libre est dû à deux causes : i° à l'oxyda-
tion de l'albuminoïde ; 2" à la précipitation d'une substance granuleuse d'un noir ver-
dàtre Vuranidinc, qui se produit au moment où le sang sort de l'animal (Cuénot). Cette
substance, confondue, sous le même nom d'uranidine, par Krukexberg avec les albumi
noïdes du sang, est identique à la mélanine de Otto von Furth; elle n'existe que chez
certains Ii sectes et déleimine chez eux le noircissement des blessures, l.'urànidine ou
9 V
l<'jo. 43. — Coupe transversale scliématique
do l'abilomen d'un Acridien.
tg, région dorsale ; V, région ventrale;
A, sinus sanguin dorsal (chambre dor-
sale); ;, cellules péricardiques ; r*/,
vaisseau dorsal (cœur) ; d$, diapliragnie
séparant le sinus dorsal de la cavité du
cori)s; a, position du diaphragme pendant
le rétrécissement du sinus; ai, sa pîsi
tion pendant l'élargissement du sinus:
/}, sinus sanguin ventral (chambre ven-
trale) ; (/, diapiiragmo si*]>arant le sinus
précédent de la cavité générale du corps;
g, chaîne nerveuse; ap, apodèmfs don-
nant insertion aux muscles imu) qui ser-
vent à la dilatation de l'abdomen pendant
la respiration; tri, intestin. (I)'aprés
Graber.)
INSECTES.
3-29
mélanine se forme d'après Otto von FOrtii et Schneider par l'action oxydante d'une tyro-
iftnaae sur un cliromogone appartenant à la série aromatique, mais distinct de la
tyrosine. Chez les chenilles, le phénomène du noircissement du sang est surtout marqué
aux approches delanymphose. Il en est de même chez les Diptères et le brunissement
des pupos de Mouches est dû aussi à l'action d'une tyrosinase sur un chromogène, mais
qui se produit alors à l'intérieur même de l'animal sans que le sang soit répandu au
dehors (Dewitz).
Outre les albuminoïdes oxydables, le sang des Insectes renferme souvent de la fibrine.
Il se coagule alors spontanément à l'air; la coagulation est très accélérée par le battage ;
elle est empêchée parla saturation avec du chlorure de sodium ou avec du sulfate de
magnésie (Frederico, Krieexherg), Le caillot emprisonne les amibocyles et des granula-
tions d'uranidine : il joue un rôle hémostatique, très développé surtout chez les Coléop-
tères vésicanls, qui rejettent volontairement, comme procédé de défense, des gouttes de
sang chargées de cantharidine
par les articulations tibio-tar-
siennes. La fibrine étant très
abondante dans le sang de ces
animaux, il coule rarement plus
d'une goutte de liquide, le coa-
guluni fermant presque immédia-
tement la déchirure de l'articu-
lation (Cuénot). D'après Cuénot,
le fibrinogène joue le rôle d'une
substance de réserve que l'ani-
mal utilise dans l'inanition avant
les albuminoïdes du sérum.
Les lutéines sont fréquentes
dans le sang des Insectes, surtout
chez les chenilles (Poulton, Kru-
kenberg, Cuénot). Elles provien-
nent des lutéines renfermées
dans les plantes qui les nour-
Fi«. 44.
- Schémas do la disposition dos principaux diaphragmes
limitant les sinus sanguins chez les Insectes.
1, coupe'transversale d'après Graber; II, coupe transversale du
corps, d'après Berlese; III, coupe longitudinale, d'après Berlese.
rissent. D'après Poulton, il s'agi- v, vaisseau dorsal;/, intestin; N, chaîne nerveuse; sp, septum ou
rait même souvent de xantho- diapliragme péricardique; m, muscles; sn, diaphragme neu-
, .. rai; s, diaphragme péritonéal se continuant avec le diaphragme
pnjlie. péricardique; p, péritoine splanchaiqae. (Figures empruntées à
En dehors des oxydases, le Berlese.)
«ang des Insectes peut aussi ren-
fermer des rédnctas^s et il résulte des recherches de Dewitz (1908) que l'extrait glycé-
rine de chrysalides femelles a une action réductrice plus considérable sur l'eau oxygénée
que l'extrait de chrysalides mâles. Ce n'est là, d'après lui, que l'expression particulière
dun phénomène général d'après lequel l'organisme femelle aurait un pouvoir réducteur
plus considérable que l'organisme mâle.
Éléments figurés. Amibocytes. — Les amibocytes sont les principaux éléments figurés,
ils ne font guère défaut que chez les larves de Chironômes et de Cécidomyies. Dans le
sang circulant, ils n'émettent que peu de pseudopodes et l'état amiboïde à pseudopodes
multiples représente'une forme de dégénérescence. Ils renferment souventde fins granules
réfringents, verdâtres, groupés autour du noyau, et que Cuénot suppose être des granules
de ferment albuminogènes, présidant à la transformation des peptones de la diges-
tion en albuminoïdes du plasma. Chez la larve du Chironôme où les amibocytes font
défaut, le rôlealbuminogèneserait joué par une partie du corps adipeux colorée envert,
placée à la partie antérieure du corps et qui est bourrée de granules semblables à ceux des
amibocytes; cette partie représenterait physiologiquement les amibocytes eux-mêmes.
A une période avancée de leur évolution, les amibocytes, chez les larves notam-
ment, jouent le rôle de cellules de réserve et renferment des globules albuminoïdes.
Chez la chenille qui va se chrysaliser, tous les amibocytes sont ainsi transformés en
magasins d'albuminoïdes (Cuénot).
La régénération des amibocytes s'effectue par mitose des jeunes éléments (Duboscq,
330 INSECTES.
CuÉNOT 189Î), Bruntz); à l'état adulte ils ne présentent jamais de mitoses. Les mitoses
diminuent jusqu'à zéro, quand l'animal jeûne depuis longtemps; elles augmentent
quelques jours après les saignées.
La formation des amibocytes dans le sang n'exclut pas, chez certains Insectes du
moins, la production parallèle de ces éléments dans des organes spéciaux dits oryanes
spléniques (Voir plus loin).
CuÉNOT a étudié l'évolution des amibocytes chez le Grillon. Il distingue : 1" les
formes jeunes et petites se multipliant par mitose; 2° les formes adultes et grandes
seules capables de phagocytose ; 3'^ les amibocytes à grains acidophiles (correspondant
peut-être aux éosinophilesdes Vertébrés); 4° les amibocytes en voie do dégénérescence
(pyknose et karyorhexie) destinés à être phagocytés, soit par les amibocytes du sang
circulant, soit dans les organes phagocytaires. Les grains dits acidophiles sont souvent
bactériformes, ils ne semblent guère exister que chez les Orthoptères et les Pseudo-Né-
vroplères; leur réaction, suivantles types, peut varier jusqu'à l'amphophilie (Kollmann).
Outre les amibocytes, on peut encore trouver dans le sang, comme éléments figurés,
des cellules du corps adipeux et des œnocytes qui ont été mis en liberté.
Résistance à la saignée. — Les Insectes adultes, surtout les Coléoptères et les che-
nilles, présentent une très grande résistance à la saignée. Ils peuvent continuer à vivre
après avoir perdu la presque totalité de leur sang (Ccknot).
Émission du sang au dehors. — Les Coléoptères vésicants peuvent rejeter des gouttes
de sang contenant de la cantharidine, au niveau de leurs articulations tibio-tarsiennes
(Cuénot); c'est un moyen de défense dont on retrouve l'analogue chez les Coccinellides
(LuTz) et chez les larves de Cimbicides (Cholodkovsky).
3° Phagocytose. — L'importance des phénomènes de phagocytose chez les Insectes
est bien connue depuis les travaux de Kowalevsky, qui retrouva chez eux, au moment des
métamorphoses, les processus antérieurement décrits par Metchmroff chez d'autres Inver-
tébrés. Mais ce n'est pas seulement au moment de la métamorphose qu'intervient la
fonction phagocytaire : elle peut se manifester pendant toute l'existence de l'Insecte.
D'une façon générale elle est leucocytaire.
a)Phagocytose leucocytaire dans le sang circulant. — Pour l'étudier, on peut, ainsi que
CuÉNOT dans ses expériences sur les Orthoptères, injecter dans la cavité du corps des
cultures bactériennes, du sang défibriné de Mammifère ou bien des poudres inertes
(amidon de riz, carmin, encre de Chine), en suspension dans l'eau, à 1 p. 100.
Dans les premiers jours qui suivent l'injection, on constate une hypoglobulie, puis
retour à l'état normal, si l'Insecte résiste. Les amibocytes disparus ainsi de la circulation
ont englouti en quantités plus ou moins grandes les matières solides injectées, puis,
comme s'ils étaient alourdis par cette surcharge, ils se sont arrêtés sur les parois des
organes, s'accumulant surtout aux environs du cœur où les lacunes sont plus étroites que
partout ailleurs (Cuénot). Au bout d'une dizaine de jours, toutes les particules étran-
gères sont ainsi fixées à demeure dans les tissus et encapsulées dans des petits kystes
d'amibocytes. Les phagocytes des Orthoptères ont une réaction acide; ils digèrent acti-
vement les albuminoïdes et notamment les hématies du sang des Mammifères; ils sont,^
par contre, incapables de digérer les corps gras et l'amidon, qui restent intacts à leur
intérieur, même après un temps très long.
Chez la chenille de la Teigne des ruches, qui se nourrit de cire, le* amibocytes
sécrètent au contraire, d'après Matalnikoff, un ferment cérolytique très coniparable aux
lipases et c'est à la présence de cette substance dans le sang que cet Insecte doit la
faculté qu'il présente d'assimiler la cire, en même temps que son immunité remarquable
contre la tuberculose. Les phénomènes phagocytaires consécutifs à l'inoculation de
bacilles tuberculeux chez cette chenille ont été soigneusement étudiés par Matalnikoff.
Aussitôt après l'injection, une partie des bacilles tuberculeux est rapidement englobée
et détruite par les pliagocyles. L'autre partie, la plus grande, est fixée à la périphérie
des phagocytes, qui, sous l'influence de l'excitation, sécrètent sans doute un liquide vis-
q_ueux et, en tout cas, s'agglutinent, puis se fusionnent en plasmodies polynucléaires
volumineuses. Les bacilles, qui étaient à la périphérie des phagocytes, se trouvent ainsi
incorporés dans le plasmode, et détruits à son intérieur. En même temps, vers ces foyers
de destruction affluent d'autres leucocytes qui forment une capsule et parfois un tissu
INSECTES.
33Î
réticulé. Ainsi se trouve réalisées des formations très analogues aux tubercules, le plas-
mode central correspondant à la cellule f:;éante. La destruction des bacilles se fait d'une
façon très énergique, grâce à la présence d'un ferment cérolytiqne qui dissout lenve-
loppe cireuse protectrice dont tous les bacilles tuberculeux sont naturellement entoures.
Plus d'un exemple pourraient être cités d'ailleurs du rôle des phagocytes dans la lutte
de l'organisme de l'ins'^cte contre les corps étrangers ou les parasites, Kowalkwskv a
depuis longtemps constaté que les bacilles du charbon peuvent être rapidement digérés
par les cellules de l'organe phagocytaire des Acridiens. Les phagocytes interviennent
aussi activement dans la lutte de l'hôte contre les Hyménoptères
parasites et peuvent en enkystant leurs œufs ou leurs embryons
déterminer leur régression (P. Marchal). La réaction de l'hôte,
qu'elle soit phagocytaire ou d'une autre nature, se borne pour-
tant le plus souvent à neutraliser les efîets nuisibles de la larve
parasite de façon à rendre possible une symbiose tempoi'aire
entre les deux êtres [bourrelet inflammatoire des Lepiynia, para-
sites des Thrixion (Pantel, 1898, 69); galles animales internes
des larves de Cécidomyies parasitées par Platygasters du genre
Tricliacis (P. Marchal, 1897 et 1906, pi. xix, xx, fig. 47 et Ht)].
b) Organes phagocytaires et spléniques. — Découverts par
KowALEWSKY, ils ii'out été sigualés jusqu'ici que dans trois groupes
d'Orthoptères (Grillons, Acridiens, Forficules) et chez les Thysa-
noures. Ils avoisinent toujours le cœur, mais ne doivent pas être
confondus avec les cellules pericardiales, malgré leurs étroits
rapports de voisinage. On les met nettement en évidence et on
démontre en même temps leur fonction, en injectant dans
l'Insecte vivant un mélange d'encre de Chine et de carminate
d'ammoniaque. Au bout de quelque temps, on trouve les organes
phagocytaires se détachant en noir sur le fond rose des cellules
pericardiales.
Ils sont formés de cellules conjonctives analogues ou iden-
tiques à des amibocytes : c'est chez les Grillons qu'ils sont le
mieux différenciés et, d'après Sussloff (1906), ils n'existeraient
même à proprement parler que chez eux; ils sont, chez ces
insectes, disposés par paires, de chaque côté du cœur, dans
les deux premiers segments abdominaux et présentent cette
curieuse particularité de communiquer avec le cœur [ottioles-car-
diocœlomatiques de Kowalewsky), de telle sorte que l'on pour-
rait les considérer comme des diverticules du cœur. Chez les
Acridiens et les Forficules, il existe aussi, sur le septum péricar-
dique, ou sur les fibres de soutien du cœur, des amas d'ami-
bocytes bien délimités ayant une disposition segmentaire con-
stante pour une espèce donnée, mais variable d'une espèce à
l'autre et qui ont été considérés comme des organes phagocy-
taires (Kowalewsky, Cué.not). Il en est de même pour certains
Thysanoures, dont le septum péricardique fonctionne comme
un organe phagocytaire à cellules fusionnées en syncytium (Philiptsciie.nko, Bru.xtz).
Chez tous les autres Orthoptères étudiés (Locuslides, Mantides, etc.) il n'existe pas
de véritables organes phagocytaires, mais de simples amas de phagocytes qui sont
retenus, comme par les mailles d'un filtre, entre les cellules pericardiales, ou dans les
étroits interstices du diaphragme péricardique.
A leur rôle phagocytaire les organes dont il vient d'être question joignent celui de
producteurs de globules sanguins et ils fonctionnent comme de véritables rates (Kowa-
lewsky, CuKNOT, Sussloff, Kollmaxn). Vers le centre se trouvent, chez les Grillons, des
cellules jeunes, se multipliant [)ar mitose, incapables de phagocytose et destinées à rem-
placer celles qui forment la plus grande masse de l'organe et qui ont absolument les
mêmes propriétés que les amibocytes. Après une forte injection d'encie de Chine, il se
produit, d'après Sussloff, une hyperleucocytose (dans des conditions expérimentales sans
Fig. 15. — Organes plia-
goc>taires de GrijUotal-
pa vulf/aris.
L'insecte, un jour ai)r6s
injection cœlcmiquo
d'encre de Chine et de
carminate d'aninionia-
quo, a été ouvert par la
face ventrale. Les or-
ganes phagocytaires,
bourrés d'encre do Chine,
sont d'nn noir intense,
les cellules péricardi-
ques ont éliminé le car-
minate d'ammoniaque et
sont représentées en
noir plus clair. (D'après
CUÉNOT.)
332 INSECTES.
doute dilTéreules, Cuk.not a observé l'inverse); l'organe phagocytaire, se comportant
alors comme une véritable rate, augmente de volume. Une quinzaine de jours après
l'injection, les phagocytes chargés d'encre de Chine se trouvent dans l'hypoderme qu'ils
traversent, en détruisant plus ou moins les cellules; et les granulations excrétées sont
ainsi évacuées sous la cuticule ou même incorporées à cotte dernière, pourétre éliminées
complètement au moment de la mue. Au bout de deux mois, la rate s'est éclaircie d'une
façon complète et les i.'ranuIations ont été éliminées par les téguments.
c) Phagocytose dans la métamorphose. — La phagocytose prenil une part importante,
mais très inégale suivant les espèces, aux phénomènes d'histolyse des organes larvaires.
Elle domine surtout les métamorphoses à e'volution rapide qui comportent des modi-
fications importantes et profondes. C'est chez les Muscides, où elle a d'abord été mise
en évidence par Kowalewsky et par Van Rees, qu'elle se présente avec les caractères les
plus frappants. Les amibocytes, dans les premiers jours de la nymphose, détruisent,
par phagocytose, les muscles larvaires (fig. 68, A-, p, s); ils englobent leurs fragments
ou sarcolytcs, et se transforment alors en ces formations particulières qui ont été dé-
signées depuis Weismann et Viallanes sous les noms de Kôrnchcnkiujeln ou boules à
noyaux [p). Les sarcolyles englobés par les phagocytes sont enfermés dans des vacuoles
intracellulaires, à l'intérieur desquelles la striation des sarcolytes disparaît progressi-
vement, et ceux-ci prennent alors l'aspect de grains réfringents. I^e faisceau entier est
ainsi remplacé par un amas de Kôrnchcnkugeln. Les glandes salivaires, le tissu adi-
peux, l'hypoderme et divers organes peuvent être aussi, à divers degrés, détruits par
l'intervention phagocytaire. Les résultats obtenus sur ce point par Kowalkwsky ne peu-
vent être infirmés par ceux de Beulese, qui refuse aux amibocytes le pouvoir digestif, e
leur attribue un simple rôle vecteur; ils ont, d'ailleurs, été pleinement confirmés par
Ch. Pérez qui a, eu particulier, bien étudié la digestion intracellulaire des sarcolytes
(1904) et par Mercier (1906).
L'existence de phénomènes semblables, bien que moins généralisés, a, en outre, été
reconnue cliez les Hyménoptères (Formicides) et leur extension à des tissus divers,
notamment à une partie du tissu adipeux, a été établie pour divers Insectes, tels que
Fourmis et Muscides (Ch. Pkrez, 1902 et 1907; Mercier, 1900).
La question de savoir si les éléments sont attacjués par les phagocytes avant ou après
dégénérescence a été très discutée. En réalité, suivant les espèces, suivant la nature et
l'emplacement des organes, on peut trouver tous les intermédiaires entre une attaque
très précoce des phagocytes portant sur des éléments d'apparence tout à fait saine,
jusqu'à une intervention tardive, ne faisant que hâter la destruction d'éléments déjà
dégénérés. Les muscles, chez les Muscides, sont attaqués avant toute altération consta-
table au microscope (Ch. Pérez, Mercier ; au contraire, le tissu adipeux, chez ces mêmes
Insectes, n'est attaqué qu'après le début de la dégénérescence (Henneguy, Vaney,
Mercier).
La régression des tissus, sans englobement par des phagocytes, peut fréquemment se
présenter (Karawaiew, Terre, Anglas, Berlese, Kellog, Vaney, Ch. Ja.net). On constate
alors, généralement, que les amibocytes investissent les organes à détruire, s'accolent
aux éléments et occasionnent leur dégénérescence en sécrétant des substances histoly-
santes. C'est à ce processus que A.nglas a donné le nom de lyocytose, et il admet qu'il
peut s'exercer non seulement par accolement, mais encore à distance. Outre les ami-
bocytes, d'autres éléments, tels que les myoblastes, etc., pourraient y participer. Il
s'agit, en somme, d'un phénomène de même ordre que la phagocytose, mais caracté-
risé par son action digeslive extra-cellulaire.
X. — RESPIRATION.
Les Insectes ont une respiration trachéenne. Les trachées débouchent à l'extérieur,
^ur les côtés du thorax et de l'abdomen, par des stigmates (fig. 46, s), et se ramifient à
l'intérieur en de nombreux tubes capillaires qui portent l'air à tous les organes.
Malpighi, qui découvrit en 1669 les trachées des Insectes, démontra que, si l'on bou-
chait, à l'aide d'un corps gras, leurs orifices extérieurs ou stigmates, on déterminait
l'asphyxie de l'animal.
INSECTES.
33a
Des dilatations vésiculeuses ou sacs aériens (fig. 47^6) se présentent sur le trajet
des troncs trachéens chez beaucoup d'Insectes et prennent leur plus grand déve-
loppement chez ceux qui doivent fournir un vol rapide et soutenu (Hyménoptères,
Diptères, Acridiens migrateurs, etc.). Ces sacs aériens ont pour rôle d'emmagasiner
une provision d'air suflisanle pendant le vol et servent, en outre, à diminuer le poids
spécifique de l'animal. Us remplissent, d'ailleurs, d'une façon d'autant plus efficace
cette dernière fonction, que l'air qui les gonfle doit s'échauffer fortement pendant
le vol.
Chaque stigmate est pourvu d'un appareil obturateur variable (fig. 51), commandé
par des muscles qui permettentà l'Insecte de l'ouvrir
ou de le fermer à volonté. (Voir, pour ce méca-
nisme : Cii. Jankt, Ii7»(/e.s sur les Fourmis, Note 16»
1897, p. 26, ainsi que les travaux de Portieu.)
1° Mouvements respiratoires. — Nos con-
naissances sur les mouvements respiratoires des
Hexapodes reposent sur les travaux fondamentaux
de Rathke, de Plateau et de Langendorff. Ces deux
derniers auteurs ont eu recours, dans leurs re-
cherches, à la méthode graphique et à un procédé
consistant à projeter sur un écran, au moyen d'une
lanterne, la silhouette grossie de l'Insecte à étudier,
puis à dessiner les deux contours correspondant à
la phase d'expiration et à la phase d'inspiration.
Les principaux faits relatifs aux phénomènes
mécaniques de la respiration que l'on peut enregis-
trer par ces deux méthodes ou par la simple observa-
tion de l'animal sont, d'après Plateau, les suivants :
1° Les mouvements respiratoires des Insectes
sont locahsés dans l'abdomen,
2° Les mouvements respiratoires consistent en
diminutions et rétablissements alternatifs du dia-
mètre vertical et, dans une plus faible mesure,
du diamètre transversal de l'abdomen. La dimi-
nution des diamètres répond à l'expiration; le
retour de ces diamètres aux dimensions premières
répond à l'inspiration (fig. 48).
Chez les Hyménoptères Porte-aiguillons et quel-
ques autres Insectes (Phryganes, etc.), on constate,
en outre, un raccourcissement de l'abdomen au
moment de l'expiration, par suite de la rentrée
des somites les uns dans les autres. Dans quelques
types, par contre (Éristale, Syrphe, Coccinelle,
Blatte, etc.), il y a allongement de l'abdomen au
moment de l'expiration.
Pour produire la diminution du diamètre ver-
tical, tantôt ce sont les arceaux tergaux qui sont seuls mobiles (fig. 40), ou qui présen-
tent les plus grands mouvements d'abaissement et d'élévation alternatifs (Coléoptères,
Hanneton se préparant à prendre son vol et, suivant l'expression populaire, « comptant
ses écus ») ; tantôt, au contraire, ce sont les arceaux sternaux qui présentent les mou-
vements de plus grande amplitude (fig. 50) (Libellules, Acridiens, Diptères).
3° Chez la plupart des Insectes, l'expiration est seule active; elle s'effectue au moyen
de muscles expirateurs abdominaux, dont la disposition et le fonctionnement, variables
suivant les types, ont été bien étudiés par Plateau. L'inspiration est presque toujours
passive, et a lieu sous l'influence de l'élasticité des téguments et des parois trachéennes.
Les Hyménoptères Porte-aiguillons, les Phryganes et les Acridiens ont pourtant des
muscles aidant à l'inspiration {mu, iig. 43).
4° Comme corollaire de ce qui précède, et, contrairement à ce qui existe chez les
Fig. 46. — Appareil trachéen d'un Insecte
(tigiiro schématique).
a, antenne; b, cerveau; n, chaîne nerveuse
ventrale; p. j)alpe; s, stigmate; st, tronc
stigmatique ; t, tronc trachéen principal ; u,
rameaux ventraux ; vs, rameaux viscéraux.
(D'après Kolbk.)
384
INSECTES.
Vertébrés aériens, l'expiration est toujours plus rapide que l'inspiration et s'efFectiie
môme souvent d'une façon brusque.
o» Ctiez beaucoup d'Insectes, on constate des pauses de courte durée, qui se pro-
duisent aprt's chaque; mouvement inspiratoire, jamais en expiration ; dans un grand
nombre d'espèces, on constate, en outre, l'existence d'arnHs de plus longue durée, qui
interrompent de temps à autre la série des mouvements respiratoires, et qui se pro-
duisent toujours aussi en inspiration.
6° Le nombre des mouvements respiratoires varie à un haut degré suivant l'activité
musculaire de l'animal, et suivant la température.
Mouvements de fermeture et d'ouverture des stigmates. — La respiration peut se tra-
duire à l'extérieur, non seulement
par les mouvements respiratoires de
l'abdomen, mais encore par ceux
d'ouverture et d'occlusion des stig-
mates. Bien que ces mouvements
stigmaliques ne soient pas liés d'une
faoon constante aux premiers, et que
l'Insecte puisse respirer avec des
stigmates restant béants, des mouve-
ments rythmiques peuvent pourtant
s'y manifester fréquemment. On les
observe facilement pour les oriQces
stigmatiques du thorax, en tenant
entre les doigts une Libellule ou un
Acridien.
FoLsoM en a compté, dans ces con-
ililioiis, de 30 à 90 par minute, sui-
vant les individus, chez un Cri(iuet
du genre Melanoplus. D'après le même
auteur, les stigmates thoraciques
s'ouvrent presque en même temps
que se produisent les mouvements
d'expansion (inspirateurs) de l'abdo-
men; leur fermeture s'effectue, par
contre, en même temps que les mou-
vements de contraction ou d'expira-
tion. La question des relations qui
existent entre les mouvements stig-
matiques et les mouvements respira-
an, œil à facettes; a, antenne ; h,, ftj, 63, les 3 paires de ■ 1 1 > -1 ' x 1
pattes; <6, portion du tronc trachéen longitudinal renflé en ^Ol^eS abdominaUX U a paS ete, toute-
vésicule aérienne; s^ stitjmates ; Itm. œsophage et jabot; fois, étudiée d'uue façOU complète. Il
cm, ventricule chylifique;iv«, tubes de MALPiGHi;r</, glandes ^^^ probable que, lorsque leS mouve-
rectales; ed, intestin terminal. (D'après Leuckhart); la 1 ri' >-l H f
chaîne nerveuse s'étend sur la ligne médiane et ventrale. menls d OCClUSlOn des Stigmates se
produisent d'une façon périodique, ils
se font au début de l'expiration, de façon que la pression exercée sur les gros troncs
trachéens ou les sacs aériens puisse lutter contre la résistance des fines ramifications
trachéennes (Landois). A ce moment l'air, au lieu d'être chassé à l'extérieur et vérita-
blement expiré, serait donc au contraire forcé de pénétrer plus profondément dans les
tissus (mécanisme analogue à celui réalisé chez un homme qui fait un effort d'expira-
tion en maintenant sa bouche et ses narines fermées).
La fermeture des stigmates peut être produite en quelque sorte à volonté par
l'Insecte, lorsqu'il veut échapper à l'action d'un milieu toxique. C'est ainsi que Milne
Edwards a constaté que les Charançons, plongés dans de l'air contenant une forte pro-
portion d'acide sulfhydrique, fermaient leurs stigmates el pouvaient résister longtemps
à l'action délétère de ce gaz; au contraire, des Charançons placés dans de l'air ne conte-
nant qu'une petite quantité d'acide sulfhydrique continuent à respirer, et meurent empoi-
sonnés au bout d'un temps assez court.
KiG. 47. — Organisation de l'Abeille,
facettes; a, antenne ; A|, éj, 63, les 3 paires de
INSECTES.
335
FiG. 48. — Coupe scliéniati<iue de
l'abdomen d'un Lépidoptère sphin-
gide, pour montrer le rapproche-
ment des arceaux tergaux et ster-
naux pondant rc'xjiiration, r.n même
temps que la niembrano molle inter-
médiaire se déprime. (D'après Pla-
teau.)
LowNE, dans sa monojjîraplue de la Mouclie bleue, a exposé une théorie de la res-
piration des Insectes s'écartant beaucoup de l'opinion courante. D'après lui, chez la
Mouche bleue, le second stigmate thoracique est exclusivement oxpirateur, l'air qui en
sort contribuant au bourdonnement. Tous les autres stigmates sont, au contraire, in-
spirateurs, [/inspiration serait indépendante des mouvements des segments abdomi-
naux et se ferait sous l'influence de dilatations et de contractions rythmiques se pro-
duisant au niveau de chambres vestibulaires placées
entre les stigmates et les troncs trachéens correspon-
dants. Ces chambres vestibulaires, pourvues à leur
entrée et à leur sortie d'un appareil valvulaire s'ouvrant
vers l'intérieur, agiraient ainsi comme des pompes pui-
sant l'air à l'extérieur pour le forcer à l'intérieur du
.système trachéen. Il entrerait alors par les stigmates
plus d'air qu'il n'en sortirait, et ainsi se trouverait
expliqué ce fait que la pression existant à l'intérieur
des trachées est notablement supérieure à la pression
atmosphérique. Grcàce à cet excès de pression, une bonne
partie des gaz habituellement expirés par les autres
animaux filtrerait chez les Insectes au travers des tégu-
ments.
Innervation. — Les mouvements respiratoires abdo-
minaux sont purement réilexes et sous la dépendance
des ganglions abdominaux (Pl.\teau), et non pas du
ganglion métathoracique, comme F.\ivre l'admettait.
L'ablation des ganglions cérébroïdes a pour résultat
habituel de ralentir les mouvements respiratoires ou de diminuer leur amplitude, mais
ne trouble pas leur coordination (Plateau).
2° Phénomènes chimiques de la respiration. Activité respiratoire. — Le sang
ne joue qu'un rôle restreint dans les échanges gazeux chez les Insectes, et c'est directe-
ment, entre les organes eux-mêmes et les ramifications trachéennes qui s'y rendent,
que s'elTeclue la plus grande partie de ces échanges. Les trachées semblent se terminer,
le plus souvent, par un réseau capillaire
intercelhilaire : c'est au niveau de ce réseau
rempli de liquide, suivant les uns, d'air,
suivant les autres (Wistinghausen, 1890;
HoLMGREN, 1896), que se font les oxydations
résultant de la respiration, et Johanny Martin
(1893), en injectant de l'indigo blanc dans
le corps de diverses larves d'Insectes, a pu
constater que l'indigo était réduit, et passait
à l'état d'indigo bleu uniquement autour
du réseau des terminaisons trachéennes.
D'après M. von Linden, de nombreux pig-
ments, par leurs combinaisons instables
avec l'oxygène, joueraient un rôle important
dans la respiration des tissus; mais il serait
utile que ces faits fussent confirmés.
L'atmosphère interne des Insectes contient toujours beaucoup moins d'oxygène que
l'air extérieur (3,6 à 15,6 0/0) et elle est d'autant plus riche en oxygène que l'activilé
vitale de l'animal est moindre, phénomène rappelant ce qui se produit pour les feuilles
des végétaux (Peyron). A mesure que la température s'élève, l'oxygène libre diminue
et, lorsqu'elle devient fort élevée, on ne rencontre plus guère que du CO- dans l'air
intérieur de l'Insecte (Peyron). Il faut rapprocher de ce qui précède les résultats des
recherches de BCtschli, tendant à démontrer que, à des températures relativement
basses, une partie notable de l'oxygène inspiré est mise en réserve dans l'organisme,
tandis qu'à des températures plus élevées tout l'oxygène est employé pour les com-
bustions.
FiG. 49. — Coupe schématique de l'abdomen d'un
Coléoptère scarabéide pour montrer les mouve-
ments alternatifs d'aljaissement et d'élévation des
arceaux tergaux, pendant la respiration. (D'après
Plateau.)
336
INSECTES.
FiG. 50,— Coupe schématique de l'abdomen
de la Lucilia cœsar, pour montrer les mou-
vements alternatifs d'élévation et d'abais-
sement des plaques sternales et des flancs
pendant la respiration. (D'après Platkau.)
CO-
Le quotient respiratoire „ est généralement, chez les Insectes, assez inférieur à
l'unité. Variable suivant les phases de l'évolution, il a été trouvé par Regnault et Reiset
de 0,74 à 0,81 chez le Ver à soie à la fin de la croissance, tandis que chez la chrysalide,
il n'était plus que de 0,64 (Voir plus loin le chapitre Métamorphoser.) .
D'après les recherches récentes (1909) de
M. Pauhon, il est, chez les Abeilles, très voisin
de l'iiiiité et varie peu avec les saisons, circon-
stance qui s'explique par ce fait qu'elles brûlent
constamment du glucose.
Pendant le jeûne la quantité de CO- éliminée
diminue, et, chez la Blatte privée de nourriture
depuis quelques jours, on peut constater une
baisse soudaine et assez considérable dans la pro-
duction de ce gaz (BOtschli).
L'exercice musculaire a une grande influence
sur l'activité de la respiration : l'accélération des
mouvements respiratoires qu'elle détermine l'atteste déjà et l'analyse des gaz expirés
nous en donne une preuve nouvelle : d'après Newport, un Bourdon, ù l'état de repos, ne
produisait que 0,30 0/0 de CO'^ en 24 heures, tandis que le même individu, s'agitant avec
violence, en dégageait 0,34 dans l'espace d'une heure ; l'activité respiratoire était donc
devenue 27 fois plus grande chez l'animal passant de l'état de repos à l'état d'excitation.
L'intensité des échanges respiratoires est en rapport
direct avec la température (Treviranus, IîCtschli, Vku-
non). C'est ainsi que, dans une expérience de Bltsculi
sur la Blatte, faite à une température de 32°, la quan-
tité de CO^ expirée fut dix-sept fois plus forte que dans
une autre expérience faite à 3°. Cette dépendance de
la température extérieure est même plus grande pour les
Insectes que pour les autres animaux à sang froid (Ver-
tébrés inférieurs, Escargots, Ver de terre) et chez eux
l'élimination de CO- varie d'une façon complètement gra-
duée à mesure que la température augmente ou diminue
(Vernon).
La température à laquelle les Insectes, à égalité de
poids, produisent une quantité de CO- correspondante à
celle des animaux à sang chaud est notablement plus
basse que celle de la température du corps de ces der-
niers animaux (Bûtschli), et l'on peut dire que, à l'état
de pleine activité vitale, l'Insecte est l'animal qui respire
le plus énergiquement à égalité de poids de matière
vivante. On serait tenté de conclure de tout ce qui pré-
cède et de l'ensemble des expériences faites sur la ques-
tion que la respiration des Insectes a une énergie supé-
rieure à celle des Mammifères ou des Oiseaux. Il n'en est
rien pourtant; car il faut tenir compte de la taille de
l'animal considéré : on sait par exemple que, tandis
qu'un Rat absorbe l'400 à l'500 d'oxygène par kilo d'ani-
mal h 0=" et à 760™™ Hg. (Pachon), l'Homme n'en absorbe
que 0'300 (V^ierordt), dans des conditions semblables. La
différence de taille existant entre les Insectes et les
petits Mammifères étant en général très considérable, il y a donc lieu d'en tenir compte
dans une large mesure et, pour avoir des données comparables, il faudrait rapporter la
consommation de 0 ou l'élimination de CO^ [non pas à l'unité de poids (kilo d'animal),
mais à l'unité de surface (mètre carré).
11 est 1res difficile de savoir quels sont, chez les Insectes, les caractères de l'air qui,
à un moment donné, est rejeté à l'extérieur, après avoir servi à la respiration des tissus,.
V<^7^'
FiG. 51. — Coupe sagittale d'un
stigmate du ver à soie (Bombyx
mort), au 2p âge.
st, stigmate ; u, valvule de l'appareil
de fermeture, placrie en arriére de
l'atrium stigmatique; b, bras de
levier, sur lequel agit le muscle
»!, au moment de l'ouverture,
pour écarter le bord supérieur chi-
tinisé ou archet (a) de la valvule
précédente; ip, épithéliiim des
téguments (hvpoderme) ; l'p', épi-
thélium de l'atrium stigmatique ;
et, cuticule ; t, trachées. (D'après
VeRSON et QCAJAT.)
INSECTES.
33?
de comparer on un mot l'air expiré à l'air normal inspiré. Nous n'avons guère à ce
sujet que les données de Lowne qui sont établies sur des bases bien fragiles et
s'appuient surtout sur une théorie de la respiration n'ayant guère été jusqu'à présent
admise que par lui-même. (Voir ci-dessus.)
D'après Lowne, qui considère l'expiration stigmatique des Insectes comme très réduite
la totalité ou la presque totalité de l'oxygène inspiré par les stigmates, une fois entrée,
ne sortirait plus et serait absorbée. PJn elfet, chez le Hanneton, les 18 vestibules stig-
matiques présentent chacun environ 120 contractions par minute. La capacité de ces
18 sacs réunis pouvant être approximativement évaluée à 8 centimètres cubes, il en résul-
terait que, en une heure,
ils pourraient faire entrer
7200 millimètres cubes d'air
dans les trachées. Or on
peut constater que, si l'on
place un Hanneton dans un
espace équivalant à 7 cen-
timètres cubes d'air, au
bout d'une heure, tout l'oxy-
gène est épuisé. On peut en
conclure, d'après Lowne, que
l'air qui est entré par les
stigmates a cédé presque
tout son oxygène à l'Insecte.
Cette rapide absorption de
l'oxygène par les tissus ré-
sulterait encore, fait remar-
quer le même auteur, des
données de Peyron, d'après
lesquelles l'atmosphère in-
terne des Insectes est beau-
coup moins riche en oxygène
que l'atmosphère externe, et
elle s'expliquerait par la
forte tension gazeuse (50 à
75™'"Hgdeplus que la pres-
sion atmosphérique) existant
à l'intérieur du système
trachéen. La difficulté que
l'on éprouve à expliquer le
-Il i A V ' A ^^'" ^^' — '^' Larve d'Anophèles à moitié de sa croissance, placée hori-
renoUA eiiemeni ae l air dans zontalement au dessous de la surface do Teau et faisant affleurer son
les trachées les plus fines et court siphon stigmatique ; fi, la même, vue par derrière.
l'élimination de CO- avec un ^' ^'^''v^ lio Culcx,à moitiô de sa croissance, susjjcnduo oblir]Uoment au-
., ... dessous de la surface de l'eau par son long siphon stigmatique; />, la
appareil respiratoire COn- même vue par derrière. (D'après How.mD.)
struit comme celui des
Insectes (Voir Gr.vham, 1833, .1. Lubbock, 1860, etL.^NDOis), conduit Lowne à penser que
celte élimination parles trachées est nulle ou de faible importance à côté de celle qui
doit se faire par les téguments : on sait, en effet, par l'expérience (Peyron) que la tension
du CO- dans le sang des Insectes est considérable, et ce fait permet d'expliquer la diffu-
sion duCO- dans l'atmosphère parles téguments.
Quant à l'azote provenant de l'air inspiré, il serait, d'après Lowne, éliminé partielle-
ment par difiusion au travers des téguments, partiellement par les stigmates postérieurs
Ihoraciques, qui seuls joueraient un rôle expirateur.
Les conclusions de Lowne reposent sur des faits trop insuffisamment établis, pour
qu on puisse les admettre comme acquises à la science. Nous avons cru pourtant devoir
les rappeler, parce qu'elles peuvent suggérer des recherches de contrôle ou des expé-
riences nouvelles susceptibles de contribuer aux progrès de nos connaissances sur
ce chapitre encore mal connu de la physiologie des Insectes.
DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TO.ME IX.
22
338
INSECTES.
de l'eau; à tlroito, larvo
descendante, i D'après
.SWAMMKRDAM.
3° Résistance à l'asphyxie. — La résistance à l'asphyxie par submersion est en géïK^ral
très grande, mais plus considérable encore chez les larves que chez les adultes. Le
Hanneton par exemple peut Cire immergé dans l'eau plus de
trois jours, tomber en état de mort apparente et revenir assez
ra[)idement à la vie lorsqu'il est sorti de l'eau. Des chenilles
peuvent rester dix-huit jours sous l'eau sans périr (Lyo.nnet). Il
est à peu près impossible de noyer des larves de Diptères.
Les Insectes peuvent aussi rester longtemps dans les gaz
inertes sans périr. D'après Plateau, les Insectes aquatiques à res-
piration aérienne, résistent généralement moins à la submersion
que les terrestres, ce qui semble dil à ce que, étant dans leur
élément naturel, ils se donnent beaucoup plus de mouvement et
font ainsi une plus grande dépense respiratoire. An liou d'em-
ployer l'eau pour déterminer Tasphyxie, si l'on fait usage d'un
liquide capable de mouiller la chitine, la mort survient beaucoup
tu; 53. — Larvcdu \^^ rapidement. Une chenille dont on couvre d'huile d'olive les
Stratiomys Lnamœl-!fiit. ' ' . . ,,
A gauche, larve flottant Stigmates meurt en quatre ou cinq minutes et 1 on peut constater
ot respirant à la surface que l'iiuile pénètre par capillarité dans les trachées malgré
l'appareil d'occlusion ^Lavehan, B. IL, ui, 42, 1900). Les Insectes
aquatiques succombent moins facilement à l'asphyxie par les
corps gras, et ont à ce point de vue divers mécanismes de
défense (Puhtier, B. liiol., lwi, 490, 1009).
4° Respiration des Insectes aquatiques. — a Hesplration de l'air en natwc. — La plu-
part des Insectes vivant dans l'eau sont pourvus de stigmates et
viennent respirer l'air à la surface. Les Coléoptères aquatiques
emportent sous l'eau une provision d'air emmagasinée entre la
partie postérieure du dessous des élytres et la région dorsale de
l'abdomen (Dytique), ou retenue sous la face ventrale par un revê-
tement de poils très fins (Hydrophile) : c'est dans cette couche d'air
que s'ouvrent les stigmates. Chez le Dytique, d'après Shaup, la prise
d'air dure en moyenne 5 i", l'immersion dure8'20'7 rapport =——
Pour la femelle de la même espèce le rapport s'abaisse à -r-—r.
i.j,OU
et, chez toutes les espèces de Coléoptères aquatiques qu'il a exa-
minés, Sharp a trouvé que la respiration était plus active chez le
mâle que chez la femelle.
Tandis que le Dytique vient prendre l'air, en se laissant natu-
rellement remonter à la surface et en faisant émerger l'extrémité
de son abdomen, l'Hydrophile vient se placer presque horizonta-
lement à la surface de l'eau et se renverse légèrement sur le côté
de façon à faire aflleurer Tun des côtés du prothorax et de la tôte.
La fente qui sépare ces deux parties et en face de laquelle se
trouve l'antenne, est utilisée par l'Insecte comme une sorte de
bouche à l'aide de laquelle il vient boire l'air à la surface. Dans
cette fente se trouve, en effet, une provision d'air emmagasinée et
qui s'y trouve retenue par l'antenne curieusement adaptée. Au
moment où l'Insecte se présente à la surface, lantenne, en forme
de palette velue, s'écarte et sort de Teau, elle attire avec elle la
vieille provision d'air vicié et rompt, au moment où elle sort, la
fine membrane liquide et résistante qui sépare l'air emprisonné de
l'air extérieur : la provision peut être ainsi renouvelée. Cette pro-
vision du reste n'est pas limitée à la fente séparant la tète du
prothorax, mais se prolonge sur les côtés du corps et sous l'abdomen, où elle est retenue
en plaques argentées par des poils nombreux. Il y a de plus une provision d'air sous
les élytres comme chez le Dytique. On admet habituellement que toutes ces réserves
sont en communication les unes avec les autres et se renouvellent d'avant en arrière.
FiG. 54. — Larve
i.'Eristale.
stigmate antérieur;
6, stigmate postérieur.
(D'après Berlese.)
INSECTES.
339
grâce au mécanisme de l'antenne agissant comme une sorte de palette articulée, les
divers stigmates n'ayant plus alors qu'à puiser dans la provision ainsi rassemblée.
Pourtant, d'aprc's les recherches récontes de HnocHEu, les grands stigmates prothora-
cique sont seuls inspirateurs et l'air ne s'emmagasine sous les élytres qu'après avoir été
inspiré par ces stigmates antéritMirs, avoir traversé les sacs aériens et avoir enfin été
expiré par les stigmates abdominaux débouchant sous les ailes; ces derniers n'auraient
alors qu'une fonction expiratrice; quant àj l'air emmagasine sons les élytres et qui
peut déborder ensuite latéralement et sur la face ventrale, il aurait surtout pour
rôle de diminuer le poids spécifique de l'Insecte.
Parmi les Hémiptères, les Nèpes et les Ranàtres
vont chercher l'air à l'aide d'un long tube, formé
de deux gouttières accolées, qui termine l'abdo-
men et aboutit à une paire de stigmates placée à
la partie postérieure*. Les larves de Culicides
(fig. 52), de Stratiomes (fig. 53), etc., ont à la partie
postérieure de leur corps un siphon respiratoire
s'évasant en une collerette ; pour respirer, elles le
font affleurer à la surface et restent suspendues
par la force de tension superficielle, alors même
qu'elles sont plus lourdes que l'eau (Culex). Les
larves d'Eristales (vers à queue de rat) ont un
siphon très extensible en forme de queue exsertile
qui permet à l'animal, vivant dans des eaux peu
profondes, de venir chercher l'air à la surface, sans
quitter la vase où il se trouve (fig. 54).
Portier a récemment attiré l'attention sur le
mécanisme qui s'oppose à la pénétration de l'eau
dans le système trachéen chez la généralité des
Insectes aquatiques qui viennent respirer l'air en
nature à la surface. Les stigmates
sont fermés par occlusion gazeuse au
moyen d'une bulle logée dans une
chambre prést igmatiqiie. Chez les che-
nilles aquatiques des Hydrocampa,
qui ont une respiration purement
stigmatique semblable à celle de
toutes les chenilles, il n'existe pas
de chambre préstigmatique propre-
ment dite ; mais le fourreau formé
de deux morceaux de feuilles, dans
lequel elles vivent, est intérieure-
ment tapissé de soie qui ne se laisse
pas mouiller par l'eau et est rempli Fig. 55. — Larve d'Ephémère {Cloeopsis) grossie, pour montrer
d'air, de sorte que ce fourreau joue î"' ^"P* P^''"*'^ ''" '^'"''^ branchiales kt; Tk, l'une des lames
, . , . "^ branciuales grossie et isolée.
physiologiquement le rôle de la
chambre préstigmatique; il en est de même pour l'espace rempli d'air qui existe chez
le Dytique, l'Hydrophile, etc., entre la partie supérieure de l'abdomen et les élytres
bombés.
Un bon nombre d'Insectes à respiration aérienne qui vivent au bord des eaux, sans
être adaptés à la vie aquatique, peuvent rester immergés pendant une partie de leur
existence. Plateau (1890) en a dressé une liste assez complète. Parmi ceux qui vivent
au bord de la mer, l'un des plus remarquables est WEpm Robini qui emmagasine l'air
\. Cet air, après avoir traversé le corps, est évacue par des stigmates thoraciqucs dorsaux et
va s'emmagasiner sous les ailes, qui retiennent ainsi une provision d'air pouvant être aspiré à
nouveau par ces stigmates thoraciques. La Nèpe adulte peut rester beaucoup plus longtemps
sous leau que la larve, qui, n'ayant pas d'ailes, ne peut faire de provision d'air (Brocher, 1908).
340
INSECTES.
par le reviHoinent pileux de son corps et dans deux sacs aériens en rapport avec les
stijjmates postérieurs (Miall, Aqiuitic Insccts, 1895).
C. Respiration de l'air dissous. — Un certain nombre de larves aquatiques ont leurs
stigmates complètement fermés apiieusliquesiet ne peuventrespirer que lair dissous dans
l'eau. Celte respiration s'effectue soit uniformément par toute la surface cutanée (larves
de ChironomuSy de Core</jca),soit en se localisant au niveau des branchies Imchccnnes. Le
T)lus souvent les branchies sont externes et fixées sur les segments abdominaux; elles
se présentent sous la forme d'expansions foliacées ila plupart des larves d'Ephémérides
[fig. 55] et celles des Agrionides), d'appendices plumeux (larves de Gyrinides [fig. 56])^
ou de filaments (larves de Sialis, de Phryganes et de certaines
Éphémérides parmi les Névroptères, chenilles de Paraponyx
parmi les Lépidoptères). Chez les larves d'Ephémères (fig. 55),
les lamelles branchiales sont animées de mouvements réguliers
et se déplacent souvent d'une façon simultanée et rythmée; chez
les larves de Phryganes, les chenilles de I'inaj>ony.v, etc., les
branchies ne présentent pas de mouvements actifs; mais l'abdo-
men est anim'^ de mouvements ondulatoires et rythmés qui
déterminent h-ur agitation et peuvent établir un courant d'eau
dans l'enveloppe protectiice dont la larve se trouve entourée.
Dans d'antres cas, les branchies sont internes et renfermées
dans la portion rectale dilatée du tube digestif (larves de Libel-
lules [fig. 57]) et la respiration s'effectue alors au moyen de
dilatations et de contractions alternatives qui font entrer ou
soitir l'eau rx-cessaire pour la respiration (respiration rectale
signalée d'abord par Hkaimub). Chez les larves de Prosopistonies,
Ephémérides étudiées par VAVssii^;RE, il y a une véritable chambre
branchiale, physiologiquement comparable à celle des Crus-
tacés décapodes.
Chez certaines larves de Coléoptères, enfin, (Potamopliilus,
Macronychus), il y a des aigrettes branchiales qui peuvent alter-
nativement s'épanouir au dehors ou rentrer à l'intérieur d'une
cavité pourvue d'un opercule et placée à la partie postérieure
de l'abdomen (J. Dlkol'ii et .1. Pkrez, 1802).
Quelle que soit d'ailleurs leur disposition, les trachées se
ramifient dans les branchies ou se continuent avec elles et leur
lumière ne se trouve séparée de l'eau qui baigne l'organe que
par une mince membrane tégumentaire. L'échange des gaz se
fait entre les trachées et le milieu aquatique au travers des
parois branchiales.
D'après Dutrochet, les seules forces de l'osmose suffisent
pour maintenir dans les trachées des Inanchies le milieu utile
à la respiration, ce qui est bien invraisemblable.
Paul Bert pense, au contraire, qu'il y a lieu de tenir compte d'une sécrétion d'oxy-
gène analogue à celle qui s'opère dans la vessie natatoire des Poissons (Voir aussi Miall,
Aqualic Insects, p. 37-39).
Il convient de dire que les modes de respiration qui viennent d'être signalés ne sont
pas toujours exclusifs, sans parler de la respiration tégumentaire générale qui peut
accompagner les respirations branchiales : c'est ainsi que les larves de Potamophile et
de Macronyche, malgré la présence de leurs aigrettes branchiales, ont, sur l'abdomen
et le thorax, des stigmates fonctionnels (J. DuFOun); chez certaines larves d'Agrions
(Caloptéryx) on trouve à la fois des feuillets branchiaux abdominaux externes et une
poche rectale munie de branchies. H. Dewitz a montré en outre que les larves d'Agrions
ou de Libellules n'ont pas leurs stigmates thoraciques entièrement fermés pendant
toute leur existence et qu'ils peuvent vers la fin de leur évolution les utiliser pour res-
pirer l'air en nature. Entin les larves de Libellules (yEschnes) peuvent dans certaines
circonstances venir remplir leur poche rectale avec de l'air puisé à la surface. Ces phé-
nomènes de respirations multiples perruettent de comprendre comment Paul Bert a pu
Fia. 56. — Larve do Gi/ri-
nus marinus. (D'après
SCHIÔDTE.)
INSECTES.
341
conserver en vie des larves d'Agrion après leur avoii' coupé complètement leurs feuil-
lets branchiaux, et assister à la régénération de ces der-
niers, sans que les larves aient paru jusque-là souffrir de
leur absence.
XI. — CHALEUR ANIMALE'.
Maurice Girard, à qui l'on doit les principales e'tudes sur
cette question, estimait que les Insectes pouvaient repré-
senter, au point de vue de la chaleur animale, un groupe
spécial qu'il désignait sous le nom d'animaux à tempéra-
ture mixte, groupe intermédiaire entre les animaux à tem-
pérature constante et ceux à température variable.
Toujours est-il que, chez la plupart des Insectes par-
faits, la température peut s'élever beaucoup au-dessus de
la température extérieure, et se maintenir longtemps à ce
degré d'élévation ; cela s'observe surtout d'une façon très
marquée chez ceux qui sont pourvus d'ailes et en parti-
culier chez les Abeilles. Les larves et les nymphes n'offrent,
par contre, que de petits excès de chaleur propre.
La quantité de chaleur dégagée varie d'ailleurs beau-
coup suivant les types que l'on considère et surtout sui-
vant leurs degrés d'activité.
Il est facile de constater le dégagement de chaleur dans
les agglomérations d'Insectes. Dans les ruches, au moment
de l'excitation de l'essaimage, la chaleur se maintient
à 32°. En hiver, après excitation des Abeilles, on peut con-
stater un excès de 38° sur la température de l'air ambiant.
A l'état d'activité normale et sans excitation préalable, en
mai ou juin, on peut observer dans les ruches un excès
1. Cet article était déjà sous presse, lorsque nous avons eu
■connaissance des recherches toutes récentes de M"" M. Parhon
[Les échanges nutritifs chez les Abeilles, Ann. Se. Nat., 1909)
qui viennent apporter une importante contribution à la question.
Contrairement à ce qui a lieu pour les Insectes non sociaux, les
Abeilles se rapprochent beaucoup des homéothermes. Toutefois
elles ne sont homéothermes que si on ne sépare pas l'individu
de la collectivité. La température de la ruche varie peu pendant
les ditférentes saisons (moyenne de 32°, 4 en hiver et de 33°, 8 en
été). Il en résulte que, pendant la belle saison, les Abeilles
doivent produire en moyenne seulement 12° de chaleur pour
maintenir constante la température de la ruche, tandis que, dans
la mauvaise saison, elles doivent produire jusqu'à 40°. Parallèle-
jnent, on observe un accroissement considérable des échanges
respiratoires pendant la période hivernale. Les Abeilles luttent
donc contre le froid en augmentant les combustions. Elles luttent
contre la clialeur en diminuant ces dernières et en éliminant une
plus grande quantité d'eau par la surface respiratoire. — Les
faits qui précèdent tendent à faire admettre chez les Abeilles
l'existence d'un système nerveux thermo-régulateur ne fonction-
nant que lorsqu'elles sont en société. Les nombreux résultats
expérimentaux de l'auteur semblent en outre démontrer l'exis-
tence d'une curieuse adaptation saisonnière de ce système régu-
lateur, adaptation qui se manifeste en ce que, poiiv une même
température, de 20° par exemple, l'Insecte réagit en hiver au
point de vue des échanges respiratoires d'une façon beaucoup
plus vive qu'en été. On trouvera dans le mémoire de M. Parhon
des renseignements très utiles sur la technique applicable aux
recherches sur les échaag.î3 gazeux et n'itritifs clie/. les Insectes
•t-ant les appareils adoptés pour réaliser les expériences.
FiG. 57. — Appareil respiratoire
d'une larve do Libellule.
)•, rectum transformé en chambre
branchiale, avec ramifications
trachéennes ; s, s' , stigmates
thoraeiques imperforés pendant
la 1" partie de l'existence lar-
vaire; «, le» cinq appendices
occluseurs de la chambre bran-
chiale ; c, cerveau et lobes opti-
ques ; /, lèvre inférieure transfor
mée en appareil préhenseur; tr,
troncs trachéens longitudinaux.
(IVaprôs GazaciNaire, figure em-
pruntée à KtJNCKEL.)
ainsi que des figures représen-
3i9 INSECTES.
de lo» sur l'air ambiant; dans les nids de Bourdons, un excès de 6" à 8°; dans les Guê-
piers, de 14° il 15°; dans les Fourmilières, de 8" à 12° (New-pout).
Un thermomètre plongé au milieu de Hannetons disposés dans un sac à claire-voie,
marque un excès de 2° G. (Rec.nault). En opérant de même pour une boîte remplie
d'asticots, M. Gihahd a constaté que la colonne de mercure s'élevait de 28° à 32°. Un
tas de blé attaijué par les chenilles de l'Alucile {Sitotroija cerenlclla) jiasse de 10° à 20°
(IlERPlN, 1838).
Il est beaucoup plus délicat de faire l'étude de la chaleur animale chez les Insectes
isolés. M. (ÙHARD y est parvenu eu employant : 1° le thermomètre différentiel de Lesue,
modifie' de façon à pouvoir loger l'Insecte en expéiience dans l'une des boules; 2° les
aiguilles ou les piles thermo-électriques; 3° un thermomètre à réservoir effilé permet-
tant de prendre la température rectale chez les larves de grosse taille.
Il résulte des expériences de M. Girard, ainsi conduites, que, contrairement aux
conclusions de Dutrochet, jamais les Insectes adultes, même dans les états de sommeil
ou d'affaiblissement, ne présentent d'abaissement au-dessous de la température am-
biante pour la surface de leur corps.
Pour les larves d'Insectes à métamorphoses complètes (chenilles à corps lisse),
la surface du corps peut, par contre, s'abaisser au-dessous de la température de l'air.
Un fait très important aussi, c'est que, chez les .Insectes adultes, surtout chez ceux
qui présentent un vol puissant, des différences très grandes peuvent exister, au môme
moment et chez le môme individu, t'utre la température du thorax et celle de l'abdo-
men; le thorax rempli par les muscles alaires est, en elTet, un puissant foyer calorifique,,
et il n'existe pas, chez les Insectes, une circulation suffisante pour permettre le réta-
blissement rapide de l'équilibre entre les dilTérentes parties du corps. Aussi, chez les
Insectes doués de locomotion aérienne, la chaleur se concentre-t-elle dans le thorax en
un foyer d'intensité proportionnelle à la puissance effective du vol : chez les Sphingides
l'excès du thorax sur l'abdomen atteint 4 à 6°, parfois 8 à 10°. Ghcz les grands Bouiby-
cides, l'excès n'est plus que de 2 à 3°. Enfin chez la Sauterelle verte, la Gourtilière^
l'excès devient très faible ou nul.
XII. — NUTRITION PROPREMENT DITE. RÉSERVES. ASSIMILATION.
Le corps adipeux est le siège principal des transformations chimiques subies par
les matériaux apportés par le sang; c'est à sou intérieur que s'accumulent les réserves
qui seront utilisées ensuite suivant les demandes de l'organisme. Ses cellules (adipo-
cyles, trophocytes de Berlese) (fig. 38, 39, 60) proviennent de cellules primitivement
libres et mobiles tout à fait semblables à des leucocytes et jouent, au point de vue de
la nutrition, un rôle très analogue à celui des cellules hépatiques. C'est pendant la
période larvaire qu'il est le plus développé, emmagasinant alors toutes les réserves éner-
gétiques (graisse, glycogène), ou plastiques (albuminoïdes solublesi, qui seront mises en
œuvre dans le travail de la métamorphose (Voir plus loin : Physiologie dts métamor-
phoses, p. 339, et article Graisse, wii, 721). Le corps adipeux, jouant le rôle d'un vitellus
post-embryonnaire (Kï'nckel), s'épuise d'une façon plus ou moins complète pendant la
nymphose. Chez les Insectes adultes qui ont une vie longue, il se maintient toutefois à
un assez haut degré de développement et continue à être le siège d'actifs processus
d'assimilation et de désassimilation. Chez les Insectes adultes qui ont une vie courte, tels
que le Bombyx mori, le corps adipeux est au contraire fort réduit : les trois formes de
réserves subsistent pourtant encore chez eux après l'éclosion, les mâles étant notable-
ment plus riches en graisse et moins riches en glycogène que les femelles. Après l'accou-
plement et la ponte, on assiste à une disparition rapide de ces substances de réserve,
aussi bien pour les mâles que pour les femelles ( Vaney et Maigno.n, 1906).
Pendant l'inanition on peut constater des modifications importantes des cellules
adipeuses, qui sont d'ailleurs superposables à celles qui se produisent pendant la mé-
tamorphose. Dans un cas comme dans l'autre, les réserves représentées par les sphé-
niles albuminoïdes se dissolvent et disparaissent les premières, si bien que la cellule
qui en est déjà dépourvue renferme encore une grande quantité de graisse (Expériences
de Kollmann sur l'inanition des Vers de farine, 1909).
INSECTES.
343
adipeuses ; CU, cel-
lules à urates; CE,
œnocytos; chez une
larve de Formica
rufa venant d'éclore.
(D'après Ch. Pérez.
Chez la reine rournii, après la chute des ailes, les muscles vibi\iteurs des organes
du vol subissent l'histolyse par suite d'une digestion cavilaire due à l'action desdiastases
du sang et les li(iuides nutritirsquien résultent sont utilisés : 1" par les ovaires qui peu-
vent ainsi entrer immédiatement en fonction; 2° par les leucocytes qui immigrent
dans les faisceaux musculain^s en histolyse, pour y construire, sous forme de colon-
nettes d'adipocytes, un organe d'ernmagasinement de réserves d'une grande impor-
tance pour l'adulte et à la présence duquel semble devoir être rapportée sa remarquable
longévité (Cii. Janet, 1907).
En lapporl avec le tissu adipeux se trouvent des cellules à caractères spéciaux
connus sous le nom d'œnocytes (fig. 58 et 59, œn). Leurs fonctions sont
assez problématiques. Leur origine ectodermique et leur aspect mor-
phologique permettent de les assimiler à des glandes unicellulaires.
Anclas (1900) et Ch. Janet (1907) les ont considérées comme des
organes à sécrétion interne et la substance résultant de leur activité
serait, d'après Ch. Janet, livrée par osmose aux adipocytes.
Outre le corps adipeux, l'épithélium de l'intestin moyen pourrait
jouer, d'après quelques auteurs, un rôle dans l'emmagasinement des
réserves (cristallo'ides de Frenzel et Biedermaxn). D'après Coénot,
l'intestin terminal de la Blatte aurait enfin pour fonction secondaire
de servir de régulateur pour la consommation du fer, accunmiant ce Fu;. 58. — CA, cellules
corps, lorsqu'il y en a un excès versé dans le cœlome et le restituant,
lorsqu'il y a demande de l'organisme. Métal.nikoff a, en effet, constaté
que l'intestin terminal de la Blatte renferme une quantité notable de
fer dans ses cellules; or ce fer ne provient pas d'un f-epas antérieur;
mais il s'y trouve d'une façon normale et presque constante (Cuénot).
MiRANDE a signalé récemment un fait assez particulier concernant la nutrition des
Insectes, mais dont la signification physiologique n'est pas encore précisée, c'est la
sécrétion de glycose par les cellules épithéliales ou le protoplasme musculaire et son
emmagasinement à l'intérieur du revêtement chitineux, sous la strate la plus superfi-
cielle de la cuticule. 11 est très remarquable que ces dépôts de glycose sont surtout
localisés au niveau des insertions musculaires. Si, par exemple, ou laisse quelques
instants dans de la liqueur de Fehling une larve d'Insecte entière, morte ou vivante, si
l'on porte ensuite à ébullition, et si, après lavage, on isole le tégument, on constate
qu'il s'est formé dans la cuticule
un précipité d'oxydule de cuivre :
ce précipité dessine des figures
toujours les mêmes pour une
espèce donnée et est disposé en
petites plaques régulièrement
distribuées et correspondant aux
insertions musculaires. L'analyse
(technique détaillée par l'auteur)
démontre que le corps réducteur,
dont la présence est ainsi mise
en évidence par la liqueur de
Fehling, est du glycose (dextrose).
Ce corps n'existe pas dans la cuticule au moment de la nymphose et on ne le rencontre
pas davantage dans les mues rejetées par l'Insecte; faits qui tendent à montrer qu'il
est utilisé pendant ces périodes évolutives. Ainsi que le fait remarquer Mirande, il est
vraisemblable que les Champignons nombreux qui peuvent parasiter les Insectes doivent
utiliser ce glycose. Rappelons enfin que, d'après les recherches de M. von Lindkn (1904-
1907), il existe chez les chrysalides de Lépidoptères, — et aussi chez les chenilles, mais
d'une façon moins régulière et moins frappante, — un phénomène comparable à celui
de la fonction chlorophyllienne des végétaux. Des chrysalides plongées dans de l'air
mélangé d'acide carbonique à 8 p. 100 augmenteraient de poids, résultat fort remar-
quable, si on le met en regard de ce fait bien connu que les chrysalides dans l'air
atmosphérique perdent toujours une partie considérable de leur poids. Cette augmen-
C.eoo
œn
c.ad
c.ex
Fig. .')9. — Tissu adii)eux de Vespa vulgaris.
.4, tissu larvaire; D. tissu nymphal ; c.ad, adipocyte; c.ex, cellule
excrétrice (à urates) ; œn, œnocyte. (D'après Anglas.)
344 INSECTES.
talion de poids qui pourrait aller jusqu'à 25 p. 100 serait due à la fois à la fixation d'eau
et i\ la fixation de carbone et d'azote, le carbone ayant une grande prépondérance.
L'assimilation du carbone et de l'azote est, d'après l'auteur, favorisée par l'in-
lluence de la lumière, et surtout de la lumière rouge, tandis que la lumière bleue favo-
rise la respiration. A une température trop élevée, qui a pour résultat d'activer
beaucoup les processus respiratoires, les phénomènes d'assimilation peuvent se trouver
masqués. De même, c'est dans les périodes de la nymphose où la respiration présente
la moindre intensité, que les processus d'assimilation se manifestent avec le plus de
netteté. Une certaine humidité de l'air est également indispensable à la production du
phénomène. D'après ce qui précède, la fonction assimilatrice, signalée par M. von Li.n-
DEN, présente des caractères qui la rapprochent beaucoup de la fonction chlorophyllienne
des végétaux ; mais le rùle d'un pigment spécial intervenant dans son accomplissement
n'a pas été mis en évidence. Différentes circonstances et notamment ce fait que le poids
spécifique de la ciirysalide diminue pendant que son |)oids absolu augmente, tendent à
faire admettre que le carbone est employé pour contribuera la formation de la graisse.
Les résultats des recherches de M. von Linden présentent un caractère si inattendu et
sont d'une telle portée au point de vue physiologique, qu'il faut souhaiter de nouvelles
expériences sur cette importante question. 11 suffit de dire que les recherches de
contrôle qui ont été faites récemment par Bai cke ont montré l'existence d'une cause
d'erreur imjjortante et donnent à jienser que l'augmentation de jtoids constatée pour
les chrysalides placées dans une atmosphère riche en CO- peut reconnaître d'autres
origines que l'assimilation de cette substance.
Les larves de Mouche, dont la croissance exceptionnellement rapide implique une
très grande puissance assimilatrice, constituent un sujet d'étude très favorable pour
approfondir la question de la production de la graisse aux dépens des substances aibu-
minoïdes. Elles ont donné lieu, à ce point de vue, aux importants travaux de Hof-
3JAN.N, de Weinland etde Ror.DANOw. Weinland, par de nombreuses expériences, variées de
façons très diverses, a montré que les larves d^ la Mouche bleue formaient de la graisse
et même des acides gras supérieurs non volatils aux dépens des substances albumi-
noïdes de la viande; cette formation de la graisse se fait aussi bien dans la larve vivante
qu'en présence d'une bouillie de larves écrasées; elle est d'autant plus active qu'il
existe moins de graisse préformé'e et elle se produit par un processus anoxybiolique.
La réalisation du phénomène s'effectue par désamidation et par désagrégation carboxy-
lique et peut s'exprimer par le schéma suivant :
CHs
I CH3
CH AzHs I
1 CHi
CO OH I
+ = CH-> + COi + AzHs
CHs I
I CH A/.H>
CH AzH2 I
I CO OH
CO OH
BoGDANOw a surtout insisté sur la nécessité de la présence de certaines bactéries
pour que la croissance des larves de Mouches se poursuive normalement. L'une d'entre
elles, liquéfiant la gélatine et déterminant la production d'ammoniaque, est à ce point
de vue essentielle. Les bactéries agissent par les ferments qu'elles sécrètent et pré-
parent la bouillie résultant de la décomposition de la viande que les larves absorbent
exclusivement par succion. D'après Guyénot (1906\ il y aurait là un phénomène de
symbiose, et les larves ensemenceraient de tous côtés les microbes qui leur préparent
leur bouillie alimentaire. D'autre part, Portier a démontré la digestion aseptique des
larves de certains Microlépidoptères.
XIM. — DÉSASSIMILATION ET EXCRÉTION.
Les organes par lesquels l'organisme des Insectes peut se débarrasser des produits
d'usure etde désassimilation sont :
i° Les tubes de Malpighi ;
INSECTES. 345
'2° Le corps adipeux et les téguments;
3° Les néplirocytes à carininate ;
4" Les reins labiaux (chez les Thysanoures).
1" Tubes de Malpighi. — Ce sont les principaux organes rénaux des Insectes. Ils
consistent en de longs tubes grêles, plus ou moins nombreux suivant les genres, qui
débouchent, d'une façon très générale, à l'origine de l'intestin postérieur près de sa
Jonction avec l'intestin moyen. Considérés autrefois comme des organes hépatiques, ils
ont été ensuite regardés par de nombreux auteurs comme ayant une fonction mixte, à.
la fois hépatique et rénale (Megkel, Milne-Edwards, Leydig). Après les travaux de Siro-
DOT, Plateau, Sghindler, Krukenberg, etc., on s'accorde aujourd'hui à les considérer
comme ayant une fonction urinaire exclusive. Ils excrètent de l'acide urique en abon-
dance, soit à l'état libre, soit à l'état d'uiate d'ammoniaque, de soude, de potasse et de
chaux; cet acide urique se rencontre chez les différents Insectes, quel que soit leur
régime, et aussi bien chez le Papillon que chez le Coléoptère carnassier. L'oxalate et le
carbonate de chaux peuvent aussi être excrétés par les tubes de Malpighi; bien que la
leucine (Kollikeb, 1857; Sghindler, 1878), l'acide hippurique (J. Davy, 1854-56), la
guanine (Dubois, 1886) et même l'urée (Ryvosgh, 1882; Veneziani, 1903) aient été
signalés comme produits accessoires de la désassimilation des Insectes, il n'existe pas
d'observations suffisamment probantes, au sujet de la présence de ces différentes sub-
stances dans leurs organes excréteurs. IPour les produits de désassimilation des
Insectes, voir P. Marckal (1889).]
Les expériences de Sghindler, de Kowalevsry et de Grandis ont montré que les tubes
de Malpighi éliminaient l'indigocarmin injecté dans le cœlome et ont confirmé encore
ainsi leur fonction rénale.
Chez le Oryllotalpa vulgaris, il y a deux sortes de tubes de Malpighi, les uns, jaunes,
très nombreux; les autres, plus rares, colorés en blanc par des concrétions ovoïdes
d'acide urique et d'urates : seuls les tubes jaunes éliminent l'indigocarmin et la plu-
part des substances colorantes (Kowalevsky). Vaney a aussi constaté que, chez la larve
d'Eri^lalis, sur les quatre tubes de Malpighi, les deux externes absorbaient seuls le bleu
de méthylène, tandis que les deux internes étaient remplis de granules calcaires.
D'après Valéry Mayet (1896), chez le Cerambyx velutinus, quatre tubes sur six renferment
du calcaire. Enfin Pantel (1898, p. 199) a reconnu aussi que, chez diverses larves de
Diptères, deux tubes de Malpighi sur quatre présentaient une région très nettement
différenciée (ampoule ou segment terminal) et spécialisée pour excréter le carbonate
de chaux.
L'évacuation des produits excrémentitiels est facilitée par les mouvernents vermi-
culaires très actifs que peuvent présenter les tubes de Malpighi et qui tiennent à la
présence dans la paroi de fibres musculaires (Grandis, Marchal, Léger et Duboscq,1899).
La couleur jaune ou brune très fréquente pour les tubes de Malpighi est bien diffé-
rente des pigments biliaires (Sghindler). D'après Sirodot, ce serait la même que celle
de l'urine des Vertébrés; pour Veneziani (1903), c'est une substance très voisine de
l'urochrome à laquelle il donne le nom à" entomurochrome .
2° Corps adipeux et téguments. — Le corps adipeux fonctionne, à des degrés
divers, chez les Insectes comme rein d'accumulation; tantôt certaines de ses cellules
sont spécialisées à cet effet (cellules uriques ou à ui^ates), tantôt l'emmagasinement se
fait indistinctement dans toute la masse du tissu adipeux. Chez les Orthoptères, il existe
de grosses cellules, cellules uriques (fig. 58, eu; 59, c. ex.), disséminées au milieu des
cellules adipeuses. Leur volume, en même temps que la taille des concrétions uratiques
qu'elles renferment, augmente, à mesure que l'animal avance en âge, et, chez les
Blattes adultes, le corps adipeux n'est plus qu'un énorme amas d'urates, les cellules
adipeuses vidées de leur contenu étant presque annihilées par le développement des
cellules à concrétions (Cholodkovsky, Cuénot). Les urates ici sont fixés d'une façon
définitive, ainsi que Fabre l'avait d'ailleurs déjà constaté chez les Éphippigères.
Chez la majorité des Insectes, le corps adipeux ne fonctionne comme rein d'accumu-
lation que pendant la période larvaire : tel est le cas des Sphégiens, dont les larves
présentent de grosses cellules uriques disséminées dans le corps adipeux et entièrement
spécialisées dès ce début de la vie larvaire pour la fonction excrétrice (Fabre, Marchal).
346 INSECTES.
Chez les chenilles, l'acide urique se localise dans le tissu cellulaire sous-cnlaiié et
n'existe pas dans le tissu adipeux périviscéral; le pigment sous-d(Mini(|iie n'est souvent
chez elles qu'un dc^pôt d"iiratos, et c'est à l'acide urique qu'elles doivent on partie leurs
colorations (Sirodot, Fabre).
Chez divers Coléoptères et chez les Hyménoptères phytophages, les larves ne pré-
sentent en général de granidations uriques qu'à la fin de la période larvaire ou au
moment de la nymphose, ou bien encore pendant l'abstinence et la torpeur hibernale.
Pourtant les larves qui se nouriissent de pollen peuvent présenter des cellules à urates
fonctionnant pendant toute leur évolution (Semiciio.n).
Enfin, chez d'autres Insectes (Muscides), ce n'est que pendant la nymphose (jue le
tissu adipeux se charge d'acide urique ou d'urates résultant du travail de destruction
qui s'opère pendant cette période et les mêmes cellules du corps adipeux, cumulant
les fonctions de réserves d'accumulation et d'excrétion, servent de rein transitoire jus-
qu'à ce que les tubes de Malpighi de l'imago soient suffisamment constitués pour
remplir leur fonction 'P. Marchal, Ch. Pkrfz).
Que les urates aient été accumulés dans le corps adipeux pendant la période lar-
vaire ou la période nymphale, ils sont, chez los Insectes à métamorphoses complètes,
rejetés en abondance par le tube digestif au moment de l'éclosion de l'imago, et for-
ment en grande partie le méconium. Chez les Insectes à métamorphoses incomplètes,
notamment chez les Orthoptères, ils peuvent être rejetés partiellement au moment des
mues; mais nous avons vu qu'ils pouvaient aussi persister en abondance chez l'adulte
et continuer à s'emmagasiner dans h> corps adipeux pendant toute l'existence.
Pour s'éliminer à l'extérieur au moment de la métamorphose, ces urates antérieure-
ment accumulés dans le corps adipeux peuvent, ainsi que Fabre l'a montré, suivie des
voies fort diverses. Les tubes de Malpighi ne sont pas alors les seuls organes capal)les
de les éliminer. Chez les larves de Sphégiens le ventricule chylifique parait môme
exclusivement chargé de cette fonction excrétrice : quelques jours après la nymphose,
on voit en elTet les granulations uriques diminuer et disparaître dans le tissu adipeux;
si l'on examine alors le tube digestif, on n'observe pas d'acide urique dans les tubes de
Malpighi, mais on trouve le ventricule chylifique rempli d'une substance blanche entiè-
rement composée de cet acide : or, à cette époque, le ventricule chylifique serait encore
séparé par une cloison de l'intestin terminal qui rcroit les tubes de MALPKiHi (Fabre).
Chez le Grillon, au moment de sa transformation en Insecte parfait, ce ne serait plus,
d'après Fabre, le ventricule chylifique lui-même, mais les cœcums annexés à cet
organe qui seraient remplis d'urates et qui viendraient en aide aux tubes de Malpighi
dans leur fonction éliminatrice (non confirmé par Clénot, 189b).
Le rôle fixateur du corps adipeux peut se manifester pour des produits de déchet
autres que l'acide urique: tels, par exemple, les pigments qui le colorent chez différents
Insectes; Sitowski (1905) a, d'autre part, montré que, si l'on nourrit des chenilles de
Tinea biseliella avec de la laine colorée par une solution alcoolique de Sudan III, le
corps adipeux se colore en rouge intense au bout de quelques jours; et ce sont les
gouttes graisseuses qui prennent cette coloration. Les ncphrocytes fixant le carminate
d'ammoniaque, que nous étudierons dans le paragraphe suivant, et notamment les
nt^phrocytes épavs, peuvent être enfin considérés comme des cellules du corps adipeux
spécialisées en vue de fondions excrétrices particulières. Malgré les exemples qui pré-
cèdent, on peut dire que, d'une façon générale, le corps adipeux des Insectes n'excrète
pas les substances colorantes ou pigments, contrairement à ce qui a lieu chez les Myria-
podes (Kowalewsky, 1892).
Les téguments jouent un rôle souvent très analogue à celui du corps adipeux pour
débarrasser l'organisme des produits de déchets. Chez les Lépidoptères, l'acide urique
peut s'accumuler non seulement dans le tissu cellulaire sous-cutané des chenilles, mais
encore dans les tissus épidermiques des Papillons; et les ailes des Piérides doivent leur
coloration blanche à cette substance, tandis que la coloration jaune, très fréquente
aussi dans la même famille, est due à un corps fort voisin (Hopkins, 1889-94). Des faits
analogues semblent se rencontrer chez les Orthoptères; c'est ainsi que, d'après Fabrr
(1863), chez les Ephippigères à l'état adulte, non seulement l'acide urique s'accumule
dans le tissu adipeux, mais les téguments eux-mêmes sont teints par les urates, et c'est
INSECTES. 347
à eux que la face inférieure de l'abdomen doit sa teinte d'iui jaune crémeux (non
confirmé par Cué.not, 18'Jo). D'ailleurs, la fixation de fous les pit,mients dans les tégu-
ments peut être considérée comme un phénomène de dépuration de l'organisme.
(Pour les glandes tégumentaires au point de vue de leur rôle dans l'excrétion, voir
le chapitre concernant les sécrétions spéciales.)
3* Néphrocytes à. carminate. — Us sont représentés par des cellules sans canaux
excréteurs et jouissant de la propriété de fixer le carminate d'ammoniaque introduit
dans l'organisme par injection physiologique. Les plus remarquables d'entre eux sont
les néphrocytes péricardiaux ou cellules péricardiales (fig. 43, :;, p. 328 et fig. 45, p. 331),
On donne ce nom à de grosses cellules plutinucléées, situées dans le sinus péricar-
dique de chaque côté du cœur, qui sont généralement colorées et unies par des pro-
longements aux parois du cœur et au diaphragme sous-cardiaque. Considérées
d'abord par Graber comme siège de l'hématose, à cause des nombreuses trachées qui
s'y rendent, elles ont été ensuite confondues avec les organes phagocytaires. Les
expériences de Grandis et de Kowalewsry (1890) ont montré qu'elles constituaient un
organe d'excrétion acide, excrétant le carminate d'ammoniaque ou autres substances
colorantes acides et correspondant physiologiquement aux gloméiules de Malpighi du
rein des Vertébrés, tandis que les tubes de Malpighi se comportent comme des organes
excréteurs alcalins, excrétant le carmin d'indigo et correspondant physiologiquement
aux tubiUi contorti. Le protoplasma des cellules péricardiales renferme des boules jau-
nâtres ou brunâtres, qui doivent représenter les produits de désassimilation qu'elles
fabriquent; c'est sur ces boules que se fixe généralement le carminate d'ammoniaque
injecté. Bien que les cellules péricardiales soient dépourvues de tout canal excréteur,
on ne peut les considérer comme un rein d'accumulation; car elles ont le même aspect
chez les individus très jeunes ou adultes. Les produits de désassimilation qu'elles éla-
borent doivent donc être éliminés par un autre organe, vraisemblablement par les tubes
de Malpighi, de même que l'urée fabriquée dans le foie chez les Vertébrés est éliminée
par les tubes contournés du rein; mais toute démonstration à ce sujet fait actuellement
défaut (CuÉ.\0ï,'l895).
Outre les néphrocytes péricardiaux, qui s'observent chez tous les Insectes, on ren-
contre parfois des néphrocytes épars disséminés dans la partie périphérique du tissu
adipeux (larves d'Odonates, etc.), ou des néphrocytes en guirlande formant un cordon
fixé à chaque glande salivaire (larves de Muscides) et qui jouent le même rôle que les
cellules péricardiales (Kowalevsky, 1887, Bruntz, 1904). Susslov (1906) a aussi signalé
.chez le Grillon, entre les véritables cellules du tissu adipeux, des néphrocytes épars
souvent réunis par groupes, qui ressemblent aux cellules péricardiales et qui excrètent
le carminate d'ammoniaque et le saccharate de fer. Ces néphrocytes ne doivent pas
être confondus avec les cellules à urates, qui n'excrètent pas les substances colorantes.
4° Reins labiaux. — On ne les a rencontrés que chez les Insectes inférieurs (Thy-
sanoures) et les Myriapodes (Diplopodes). Ils sont comparables aux reins autennaires
des Crustacés et débouchent par l'intermédiaire d'un canal excréteur à la base et au-
dessus de la lèvre inférieure. Ils sont composés d'un saccide qui élimine le carmin
ammoniacal, et d'un labyrinthe qui excrète le carmin d'indigo (Bru.ntz).
' XIV. - SÉCRÉTIONS SPÉCIALES.
En dehors des appareils d'excrétion proprement dite, représentés par les tubes de
Malpighi et les organes précédemment mentionnés, il existe, chez les Insectes, de
nombreuses glandes qui rejettent au dehors des produits destinés à être utilisés par
l'animal d'une façon ou d'une autre, mais le plus souvent en vue de sa défense et de sa
protection. Dans bien des cas, le rejet de ces substances débarrasse aussi le sang de
produits de désassimilation nuisibles à l'organisme, et ces organes glandulaires peuvent
être alors considérés comme participant aux fonctions générales d'excrétion.
On distingue parmi ces appareils sécréteurs :
1° Les glandes tégumentaires, qui tantôt produisent des substances destinées à la
protection de l'individu ou à la construction du nid (cire, laque, soie), tantôt des subs-
tances odorantes ou venimeuses.
348
INSECTES.
^ mm
^f^ft^'îV^
h
^Vh
2° Les glandes appendiculaires qui comprennent : a) les glandes buccales débou-
chant à la base des appendices buccaux et dont les fonctions sont diverses, salivaires,
séricigènes, nourricières (glandes pharyn-
giennes en chapelet de l'Abeille ouvrière
regardées par Sguikme.nz comme donnant la
gelée royale), défensives, etc. ; 6) les glandes
analei^i collétéiiques qui peuvent être consi-
dérées comme annexées aux appendices
des derniers segments du corps, c'est-à-
dire aux cerques et à l'armure génitale :
leurs fonctions sont défensives et veni-
meuses, ou bien encore en rapport avec la
reproduction.
1° Production de la cire et de la
laque. — a) Cire. — La cire est une
substance adipoïde qui est sécrétée chez les
Insectes par des cellules hypodermiques
modifiées, généralement groupées de façon
à constituer des plaques cirières (fig. 60
(11, 02i. Chez r.Vbeille, il y a quatre paires de
pkuiues cirières ( W) placées à la face ventrale
des 3", 4«, li° et 0*' segments abdominaux
(4«, 5", 6* et 7", si l'on considère le segment
médiaire comme le t" abdominal); au
niveau de ces plaques, la cuticule est très
amincie, mais ne présente pas de canalicules
apparents. D'après Dueyling, il y aurait des
pores d'une e.vtrême finesse, seulement
visibles sur des coupes très minces et aux
plus forts grossissements. La cire est donc
éliminée par filtration et se solidifie à l'exté-
rieur sous la forme d'une lamelle corres-
pondant à la surface de la plaque cirière.
L'Abeille n'aura qu'à la saisir avec ses pattes
et à la porter à ses mandibules, pour l'em-
ployer à la construction de ses rayons.
Parmi les Hyménoptères, les Bourdons, les
Trigones et les Mélipones sécrètent aussi de
la cire en abondance et d'une façon analogue.
Les Hémiptères Homoptères (fig. 63)
comptent de nombreuses espèces produisant
de la cire (Coccides, Aphides, Psyllides et
Fulgorides). Chez ces Insectes, la cire est le
plus souvent produite sous forme de longs
lilameuls groupés en houppes d'apparence
cotonneuse; elle est évacuée au niveau de
filières qui paraissent perforées, mais sont
habituellement obturées par une cuticule
filtrante (Berlese, Cholodkovsky, 1903). La
production en est assez considérable chez
plaques cirières ( Wj se trouvant sur les quatre der- Certaines espèces pour qu'elle ait été utilisée
nières. (D'après Dreyling.) dans le Commerce (cires de Chine produites
par un Coccide, Ericerus pela).
Les expériences de F. Huber, ainsi que celles de J.-B. Dumas et de H. Milne-
Edwards, ont montré que la cire est produite dans l'organisme de l'Abeille aux dépens
des substances sucrées du miel.
Les cires produites par les diverses espèces d'Insectes ont une composition chimique
Fig. -60. — Parties ventrales des six segments abdo-
minaux d'une .\beille ouvrière, pour montrer les
INSECTES.
349
assez différente. (Voii' les nombreux renseignements sur la chiiuie des cires et la
physiologie de leur production dans Otto vo.\ FCkth, Vcrglekhe chcmhchc Physiologie
dcr niedcren Tierc, 1910, 404-419.)
b) Laque. — Elle est sécrétée par des glandes cutanées de diverses Cochenilles (fig. 64)
et en particulier de Tachardia lacca
(Gomme laque des Indes) et de
Gascardia )nadaQuscariensis (laque
de Madagascar). Les Lecanium en
produisent aussi, mais en quantité
insuffisante pour pouvoir être uti-
lisée industriellement (Berlese)
La laque est, en grande partie;
formée de substances résineuses
la plante, contrairement à ce
que l'on croyait autrefois, ne prend
aucune part directe à sa formation,
et elle constitue un produit de
sécrétion exclusif de l'Insecte. La
gomme laque des Tachardia con-
tient, outre les matières résineuses,
une substance colorante très ana-
logue à l'acide carminique et de la cire. Celle-ci provient de longs cordons Ola-
menteux et aérifères, qui partent des stigmates de l'Insacte et aboutissent à l'air
extérieur, en traversant l'épaisse carapace de gomme laque qui enveloppe la colonie
Fia. 61. — Coupe sagittale schématique de l'abdomoa d'une
Abeille ouvrière, pour montrer la disposition des plaques
cirières W. (D'après Dreyling).
1
Fig. 62. — Coupe longitudinale d'une plaque cirièrc aux différents âges d'une Abeille : A, chez une ouvrière
venant d'éclore; B, chez une ouvrière âgée de quelques jours ; C, chez une ouvrière travaillant à construire
et arrivée au maximum do la production cirière; D, au commencement de la régression; E, chez une
butineusri ne construisant plus; F, chez une vieille butineuse. (D'après Drkyling.)
350
INSECTES.
des Cochenilles fixées sur lu plante. Ces cordons cireux jouent le rôle de tubes respira-
toires.
2" Production de la soie. — La soie est surtout produite par les chenilles de
divers Lépidoptères appartenant à la famille des Bomhycides,
et notamment par celle du Bombyx (Scricaria) îiwri ou Ver à
soie; elle est utilisée par ces chenilles pour la confection des
cocons où elles opèrent leur mélamorphost^, ou pour construire
^''û des nids dans lesquels elles s'abritent en sociétés (Chenilles
processionnaires, etc.). Les organes sécréteurs sont deux glandes
buccales de même ordre que les glandes salivaires et qui sont
connues sous le nom de glandes séricigènes (tig. G"»). Elles
consistent en deux tubes sécréteurs très allongés et contournés
qui se réunissent en avant de la tête en un conduit coiutnun,
débouchant à la face inféiieure de la lèvre inférieure sur un
prolongement saillant, la trompe soyeuse ou filière. Chacun de
ces tubes sécrète un fil formé d'un axe de soie proprement dite,
ou fibroïne, C^^H^^Az'oO"'^, et d'une enveloppe de substance gluti-
neuse, le grès, composé surtout de séricine, C^^H'OAz'^O'^
souvent imprégnée d'un lipochrome. En arrivant à la lilière,
Fi(..63.— Glandes ciripares les deux fils s'accolent et se fusionnent par leur enveloppe de
uniccliulaires dune Coche- s,^^cine pour former la6a/e qui constitue le fil long d'un kilo-
nillo du LTOupe des Dias- , , , , - , , .... ....
jjgg mclre environ dont sera lorme le cocon. La sericine,qni oliimi-
c, Coupe longitudinale de quement diffère de la fibroïne par de l'eau et de l'oxygène en
deux glandes; A, <iisquo plus, est facilement soliible dans les alcalins et l'eau de savon,
cuticuiaire perfore, a la pi>optiété qui permet de débarrasser la soie arène de son grès
surlace duquel la cire est ^ ' ' . ' / ■
excrétée ; 15, le même, en psr I Opération du dccreusagc et de la transformer en .soie
section, suivant un plan ouvrée réduite à la fibroïne. D'après Gilson (1894), le noyau des
perpendiculaire à la sur- ^^]^^]ç^ jg j^ gia„de séricigène participe dire.^temenl à la for-
face et passant par un " o i i
diamètre; cr, crible; ca, matiou de la soie, et cet auteur a constaté, à son intérieur, des
capsule; ip, cellule hypo- enclaves de cette substance naissant aux dépens de la nucléine.
dermique ;<//<, cellule gian- jj-^ ^s Rai-hakl Dubois ^1891), la solidification de la soie, qui
dulaire ; ce, cire ; oa, niem- ' \ ;> » ^
branebasaie. (D'après lîKR- se produit dès sa sortie de la trompe soyeuse, résulte d'un pro-
i-ESE.) cessus analogue, sous certains rapports, à celui de la coagula-
tion du sang (actions réciproques d'un fihroinoplastiqiie et d'un
/ibroinogèiie). La coagulation, d'ailleurs, ne se produit qu'autant qu'il y a eu fixation
préalable d'oxygène; mais la substance fibroïnogène n'est pas une oxydase (U. Dubois
1899). (Pour toute la partie concernant la chimie physiologique de la soie des Bombyx,
voir Otto von FCrth, p. 392-404.)
Certaines larves d'Hyménoptères (TenUirè-
des, etc.), celles des Trichoptères (Phryganes), et
celles de quelques Coléoptères (Donacia, Hœmonia^
Hypera) filent de la soie d'une façon tout à fait
comparable à celle qui vient d'être rappelée pour .^/Ao^
les chenilles. Chez certains Névroptères [Myrme-
leon, Chrysopa, etc.), les tubes de M.\lpighi sont
curieusement adaptés à la fonction séricigène :
ils sécrètent de la soie, qui se rassemble dans le
rectum et est filée par l'anus pour construire le
cocon (Meinert, 1889, A.nthony, 1902). Silvestri
(1905) a montré qu'une larve de Carabide (Lebia
scapularis) présentait une particularité analogue.
Les Hydrophiles entourent leurs œufs d'une coque
soyeuse sécrétée par les glandes annexées de l'appareil génital.
Enfin beaucoup de Coccides sécrètent par des glandes tégumentaires des sécrétions
soyeuses ou très analogues à la soie, qui ont été généralement confondues avec la cire;'
telles sont celles qui constituent les boucliers des Diaspides (Berlese).
3° Venins et sécrétions répulsives ou attractives. — L'appareil vénénifique
G4. — Coupe des téguments
du Lecaninm olex.
ce, cellule ciripare ; c', cellules laccipares;
ctc, cuticule ; ip, hypoderme ; ba, mem-
brane basale. (D'après Berlese.)
INSECTES.
351
le mieux caractérisé se rencontre chez les Hyménoptères l'orte-aiguillons et est annex»';
aux appendices de l'arniure génitale de la femelle (reine ouonvrièrechezies H. sociaux).
Chez les Abeilles et les Guêpes, il est composé de deux glandes distinctes (fig. 66). L'une,
glande acide , sécrète de l'acide formique et se déverse dans un grand réservoir à venin,
qui lui-même débouche à la base de l'aiguillon; l'autre, glande alcaline, ou glande de
DuKOUR, s'ouvre également h la base de l'aiguillon. F^e venin résulte du mélange des deux
liquides sécr(''tés par les glandes acide et alcaline (Carlet). Il est toujours acide et est
inoculé par les pièces qui composent l'aiguillon (2 Hiylets jouant dans un gorgeret),
soit par la contractilité de la paroi musculaire du réservoir (Vespides), soit au moyen
d'un jeu de pompe très spécial et sans contraction du réservoir (Abeille, d'après Gau-
let). L'union des deux sécrétions est nécessaire pour que le venin ait toutes ses pro-
priétés physiologiques : chez les Sphégiens, qui paralysent leurs proies pour nourrir
leurs larves et dont le venin a une action
beaucoup moins douloureuse, la glande
alcaline fait défaut (Carlet).
Le venin de l'Abeille, qui a été étudié
surtout par Langer (1896- 1899) et par Phi-
sALix (1904), comprend de l'acide formique
et une ou plusieurs bases organiques qui
doivent être considérées comme les véri-
l-ables substances toxiques.
D'après Phisalix, le venin inoculé par
l'Abeille contient trois principes actifs
distincts : 1° une substance phlogogène,
de'terminant les symptômes locaux (enflure,
rigidité, etc.), qui est rapidement détruite
à lOQo; 2» un poison convulsivant, déter-
minant les premiers phénomènes géné-
raux consécutifs à la piqûre et qui ne
résiste pas à une température de 100° pen-
dant plus d'une demi-heure; 3° un poison
stupéfiant, dont les effets (somnolence,
stupeur, troubles respiratoires) caracté-
FiG. 65.
Glandes séricipares de la larve
du Bombyx mori.
risent la 3' phase de l'envenimation, et g, partie sécrétant laflbroino; R, partie, dite réser-
qui n'est complètement détruit qu'à 150"; voir, où se forme le grès (séricinej ; Gs, canal excré-
seule cette substance stupéfiante peut, en ^""•••. f' P''^;'^" permettant à la chenille de filer ou
^ '■ ' d arrêter la bave ; GF, glandes accessoires de FiLiPPi :
faible quantité, filtrer à travers une bougie F, filiôre ou trompe soyeuse. (D'après Blanc.)
Berkefield très poreuse.
Le poison stupéfiant et la substance phlogogène sont sécrétés par la glande acide ;
si l'on extrait, en effet, le liquide contenu dans le réservoir de la glande acide, qu'on le
dessèche et qu'on en inocule au Moineau une solution dosée, l'Oiseau succombe avec
les symptômes déterminés par le poison stupéfiant, ces symptômes succédant à une
action locale très énergique. Le poison convulsivant provient vraisemblablement de
la glande alcaline; mais l'expérience directe ne Ta pas encore démontré.
D'après Morge.nroth etCARPi (1906), le venin a un pouvoir hémolytique, qui peut être
augmenté environ cinq cents fois par l'action de la lécithiue. Il doit cette propriété à la
présence d'une substance qu'ils appellent Prolecithide.
(Pour la chimie et les propriétés physiologiques du venin de l'Abeille voir en outre
Otto von FCrth, 343.)
Chez les Fourmis, le venin peut être inoculé par un aiguillon [Mijvmica), ou bien,
au contraire, l'aiguillon faisant défaut, le venin est simplement projeté avec force à
l'extérieur (Formica).
Les Hyménoptères Porte-tarières (Ichneumonides, Tenthrèdes, etc.) ont souvent
aussi des glandes à venin annexées à leur armure génitale ; mais leurs produits, injectés
en même temps que l'œuf dans la plante ou à l'intérieur de l'Insecte parasité, ont
alors des propriétés différentes, destinées à favoriser le développement de l'œuf ou de
la larve qui en provient (galles produites par les Nematus).
35-J
INSECTES.
La salive de divers Insectes est venimeuse (Hémiptères, Culicides, Pulex). Chez les
Culicides le venin est sécrété par le lobe médian de la glande salivaire (Macloskie,
Packard). Il empêche la coagulation du sang.
Les glandes anales sont, pour certains Insectes, des appareils défensifs fort efficaces.
Elles sont très développées chez les Carahides; dans les espèces du genre Drachinm
(Bombardiers, Canonniers), le liquide corrosif qu'elles sécrètent est très volatil;
arrivé à l'air libre à la pression de 760 millimètres, il se met à bouillir à partir d'une
température de +9" et il se condense en gouttelettes huileuses sur les objets froids:
lorsque l'Insecte veut se défendre, le liquide des glandes, qui s'est accumulé dans un
réservoir, est projeté par la contraction des fibres musculaires annulaires de ce dernier
sur des peignes chitineux situ«''s dans
les pores de décharge placés de chaque
côté de l'anus et qui fonctionnent
comme des pulvérisateurs. Une brusque
crépitation se produit et un petit nuage
de vapeurs corrosives, entraînant en
même temps les excréments pulvérisés,
(DiERX, 1899), est dirigt- par l'exlrémilé
de l'abdomen du côté de l'agresseur.
Les fumées produites, rougissant for-
tement le tournesol, répandent une
odeur de gaz nitroux et le contact de
la sécrétion donne la sensation d'une
brôlure qui peut être vive et prolongée.
Le liquide des glandes anales dans
le genre Carabitf^ (Vinaigrier) est évacué
sans explosion; il a été étudié par Pi>
LouzE (1857) et contient de l'acide buly-
rique. (Voir Otto von Fîrth, .363,
pour l'étude chimique de ces sécré-
tions). Chez un Pausside [Ceraptenia
quatiiormacuhitus de Java), vivant dans
les fourmilières, le liquide rejeté d'une
façon analogue à celle des Brachinides
renferme de l'iode libre et est très cor-
rosif (LouA.N, 1887). Le Mormohjcc phyl-
le jeu de pompo qui délerniinc l'aspiration du Tenin; Z<, lodes évacue une séciélion qui Serait
assez corrosive pour paralyser les doigts
pendant vingt-quatre heures.
Le liquide à odeur sulfhydrique, dé-
fensif, que les Dytiques lejettent sous
forme de jet trouble en arrière de leur
corps, n'est antre que le coutenu de
leur crecum rectal, et la sécrétion graisseuse des glandes anales paraît destinée, chez
cet Insecte, à enduire le corps (Dierx). [Voir dans Faivre [Ann. Se. nat., 1862, 342),
une étude physiologique de ces glandes et une analyse par Berthelot de leur sécrétion.]
Des produits toxiques, ou exerçant une action protectrice, à cause de la forte odeur
qu'ils dégagent, peuvent être sécrétés par des glandes tégumentaires spéciales de nom-
breux Insectes (glandes dorsales éversibles des Blattes et des Phasmides, glandes tho-
raciques des Hémiptères hétéroplères, sacs éversibles ou osmétériums de diverses che-
nilles, etc.). On trouvera une étude complète de ces appareils et de leurs fonctions
dans Packard, p. 368-390. Notons seulement que, chez la chenille de Centra vinula, il
existe un appareil éversible prothoracique qui rejette de l'acide formique fortement
concentré, 33 à 40 p. 100 (Pollton, 1887) et que les larves de certaines Chrysomèles
[Lina populi) présentent des verrucosités dorsales qui rejettent un liquide dont l'odeur
pénétrante est due à l'aldéhyde salicylique (Pelouze).
Les chenilles de Bombycides présentent fréquemment des propriétés urticantes. Elles
Kir,. G6. — Appareil venimeux de l'Abeille.
1. — Appareil vu par la face doriale ; (jD, glande acide;
Gb, réservoir du veniti : I), glande alcaline ; Sir, gorgc-
ret en dessous duquel glissent dans une rainure les
deux stylets ; Ba, base renflée du gorgerot renfermant
racines ou supports du gorgeret et des stylets; i>h,
valves du fourreau de l'aiguillon ; W, O, G, leviers du
gorgeret et des stylets.
2. — Aiguillon vu j)ar la face ventrale : fl, racines du gor-
geret et des stylets; Ba, base renflée du gorgeret;
Stb', Slb", les deux stylets, glissant dans la rainure
au-dessous du gorgeret. (Figures d'après Krœpelix.)
INSECTES. 353
sont (lues généralement à des poils, à la base desquels s'ouvrent des glandes à venin
unicellulaires, et qui se brisent avec facilité ; le venin se déverse à l'extérieur, soit par
rupture de l'extrémité du poil, soit par des orifices spéciaux (Leydig, Keller, Packard,
Cholodkovsky, b'.E.NiTSKV, Molc.rkm). D'aptes Berlesk, il n'y a jamais interruption com-
plète de la cuticule, ni de perforations réelles; mais la sécrétion s'écliappe par osmose
au travers de la cuticule amincie, ainsi que cela se présente pour les glandes ciripares
et laccipares. Réaumur, Goossens (1881), et plus récemment Beille (1896), ont fait
connaître en détails le curieux mécanisme des organes urticants des chenilles des
Bombycides et en particulier de la chenille du Bombyx processionnaire du Pin {Cne-
thocampa pytiocampa). Ces organes sont représentés par de grandes boutonnières ova-
laires transversales, vivement colorées, situées sur la partie dorsale des segments et
connues sous le nom de miroirs; si la chenille est excitée, les lèvres s'écartent et le
miroir devient proéminent; or sa surface est tapissée de poils urticants très p(!tits qu
se séparent avec la plus grande facilité et qui emportent dans leurs canalicules une petite
quantité de venin sécrétée parla glande qui se trouvait à leur base ; en outre, d'autres
grands poils barbelés existent sur les lèvres du miroir; par suite des mouvements de
la chenille, ces poils s'inclhient, et certains d'entre eux, agissant comme des leviers,
pénètrent entre les petits poils du miroir et enlèvent en se relevant une quantité de ces
flèches minuscules que le moindre souflle suffit alors à disperser'.
La nature de la substance urticante reste encore mal connue. Les recherches de
GoossExs et de Fabre semblent écarter, au moins pour les chenilles processionnaires,
l'opiiiion d'après laquelle il s'agirait d'acide formique, et, d'après les réactions chi-
miques et physiologiques, il faut admettre que la substance active doit être voisine de
la cantharidine.
Fabre a reconnu que celte substance, facilement séparable par l'éther, existe dans le
sang de la Chenille processionnaire du Pin et peut être excrétée en quantité considé-
rable par le tube digestif, puis être rejetée avec les excréments. C'est là, du reste, une
propriété assez répandue chez les Insectes, et, en traitant par l'éther les produits d'excré-
tion rejetés par des types fort divers [Cetonia, Tenthredo, Gnjllus, etc.), au moment de
i'éciosion, Fabre a obtenu une substance irritante semblable. Le mal de bassine, dont
sont atteintes parfois les magnanarelles ou les ouvrières qui manient les coi7ons pour
la filature, a une origine semblable : la cause doit en être recherchée dans les excré-
ments du Ver à soie. Ces constatations ont conduit Fabrr à nier la réalité de glandes à
venin déversant leur produit à l'intérieur des poils urticants; et ces derniers, d'après
lui, ne doivent leurs propriétés qu'à ce fait qu'ils sont extérieurement imprégnés de la
substance irritante, qui est rejetée dans le nid avec les excréments des chenilles : seules,
les chenilles pourvues de poils et vivant en société dans des nids jouiraient ainsi de la
propriété de fixer cette substance sur leurs téguments et de devenir par elles-mêmes
urticantes. Les poils à glandes venimeuses ont été pourtant décrits par trop de bons obser-
vateurs pour qu'on puisse nier leur existence. Aussi est-il très probable que la sécrétion
par des glandes se déversant à l'intérieur de poils spéciaux et l'excrétion par le tube
digestif doivent concourir pour déterminer les phénomènes d'urtication, l'un ou l'autre
de ces deux processus dominant ou devenant exclusif suivant les espèces que l'on considère.
Récemment (1907), ïyzzer a étudié l'action ))athologique de la substance urticante
produite par la chenille du Liparis chrysorrhœa et montré qu'elle a une action très
énergique sur les globules rouges.
Outre les glandes tégumentaires à sécrétions toxiques ou répulsives, il existe, chez
les Insectes, des glandes à propriétés attractives ou servant à la reconnaissance des
individus entre eux. Les écailles modifiées et odorantes (androconies), que l'on trouve
groupées en champs réguliers à la face supérieure des ailes chez les mâles de nom-
breux Lépidoptères et les organes à parfum divers [Duftorgane) qui se rencontrent dans
les deux sexes donnent à ces Insectes leurs odeurs caractéristiques en rapport avec la
reproduction. Chez l'Abeille, l'organe de iNasso.noff, placé entre les o« et 6« tergites
1. D'après Fabre, ce sont les bords des boutonnières qui fournissent, en s'épilant, la poussière
urticante; ils agiraient comme des lèvres qui, bâillant et se refermant, ne cesseraient de moudre
aux dépens de leurs barbiches.
DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME IX. 23
35^
INSECTES.
abdominaux émet une odeur assez pénétrante qui, d'après Sladen (1903), permet aux
Abeilles de se reconnaître entre elles'.
Les Insectes qui vivent en symphilie dans les fourmilières ou les termitières (Clavi-
ger, Lomécbuse, Paussides) présentent des trichômes, des fossettes ou des pores cuta-
nés produisant une sécrétion de nature éthérèe, qui est absorbée par leurs botes et qui
constitue pour ceux-ci un excitant agréable, en échange duquel ils donnent à leurs com-
pagnons l'abri, la nourriture et
même le transport, en cas de né-
cessité.
XV. - REPRODUCTION.
Aucun chapitre de l'histoire
des Insectes ne renferme un aussi
grand nombre de données inté-
ressant la biologie générale que
celui de la reproduction. Mais à
cause de son étendue et de la façon
inséfiarable dont se trouvent asso-
ciées dans celte question l'anato-
mie, la physiologie et l'embryo-
génie, il est impossible d'entrer
ici dans les développements que
comporterait cette étude. On trou-
vera d'ailleurs les principaux faits
de la reproduction des Insectes,
que nous ne pouvons traiter, dans
les livres d'entomologie générale,
principalement dans ceux de
Hen.neguv et de Berlese.
Les sexes sont normalement
séparés, et les cas d'hermaphro-
disme quel'onsignale, notamment
chez les Lépidoptères et les Hymé-
noptères, sont accidentels.
Les caractères sexuels secon-
daires sont souvent très marqués
FiG. 67. — Enryrtui [Ayeniaspis) fuscicoUis.
1. L'Hyménoptôre parasite sur une ponto d'Hyponomeute (Lt'j)i-
iloptère). Gr. nat.
2. Le môme, grossi, piquant un œuf de l'Hj'ponomeute pour y
introduire un do ses jiropres œufs. Les œufs du Paiiiilon no
sont pas arrêtés dans leur développement, et ils donnent nais-
sance à dos chenilles, qui contiendront à leur intérieur une et jl peut V avoir un dimorphismc
llZ^^'J-lnZTJt^::':'''' '''^^^^^^^ «exuel complet (Bombycides et
3. Chenille d'Hyponomeute provenant d'un œuf piqué par l'Encyr-
tuset parvenue au terme de son évolution. Réduite à ses tégu-
ments durcis, elle contient à son intérieur une centaine de coques
formées par les larves issues de l'œuf pondu par l'Encyrtus ;
chacune d'entre elles donnera naissance à un Hncvrtus adulte.
Géométrides divers, Coccides,
Lampyres, etc.). La castration
expérimentale des chenilles, ou
même la transplantation des or-
ganes du sexe opposé à la place
des organes primitifs chez ces Insectes, n'a aucune influence modificatrice sur les
caractères sexuels secondaires du Papillon (Ogdem.\ns, Kellog, Meisenheimer).
Bien que la reproduction sexuée soit la règle, l'agamogénèse est néanmoins très
fréquente chez les Insectes. On peut en distinguer trois modes, se manifestant à des
phases diverses de Tontogénèse : ce sont : la polyembryonie spécifique ou germino-
gonie, la pédogénèse et la paithénogénèse.
1° Polyembryonie spécifique ou Germinogonie. — Elle n'a été signalée jus-
qu'ici que chez quelques Hyménoptères parasites (Paul Marchal, 1898 et 1904, Sil-
vestri, 1906). Elle consiste en ce que l'œuf, dès le début de la segmentation, se dissocie
en un nombre de germes évoluant chacun pour son compleenun individu distinct. Chez
1. Nassanoff (1883) admettait que cet organe jouait un rôle dans la transpiration, et, d'a^irès,
ZouBAREFF, il Servirait à expulser rapidement, pendant le vol, l'eau qui se trouve en excès dans
le nectar.
INSECTES. 355
un Cluilcidien, par exemple, VEncyrliis [Ageniaspis] fuscicolUs (fig. G7), un seul œuf
donne naissance à une chaîne formée d'une centaine d'embryons. Les Insectes pro-
venant d'un même œuf sont de môme sexe. Ce mode de reproduction ne se retrouve
dans aucun aulre groupe du règne animal; il se rapprociie beaucoup néanmoins de la
scission embryonnaire de certains bryozoaires, et semble trouver sa principale explica-
tion dans les causes mécaniques ou physiques qui interviennent dans la blastotomie et
la polyembryonie expérimentales.
2" Pédogénèse. — Elle a été' appelée aussi parthénogenèse larvaire ou progénèse par-
ihénogénédqne, et n'a été signalée jusqu'ici que chez certains Diptères (larves des Céci-
domyes du genre Miastor et nymphes de Chironomiis Grimini). Chez les Miastor metra-
loas, on peut observer plusieurs générations de larves, dont les ovaires arrivent à
maturité d'une façon précoce et donnent naissance à de nouvelles larves qui, en gran-
dissant, lînissent par remplir le corps de la larve-mère, et ne sont mises en liberté
que par la destruction de cette dernière (Nicolas Wagneb, 1862; Mei.nert, 1864; Pagens-
TECHER, 1864; Metchnikoff, 1866). Grimm, en 1870, reconnut que les nymphes de Chiro-
nomus Grimmi pouvaient se reproduire au moyen d'œufs non fécondés. Les processus
élémentaires de la pédogénèse peuvent se ramener à ceux de la parthénogenèse, matu-
ration avec un seul globule polaire et sans réduction (Kahle, 1908).
3" Parthénogenèse. — Elle se présente chez les Insectes parvenus à l'état parfait,
et peut se manifester sous les formes suivantes :
1" Parthénogenèse thélytoque ) Homoparthénogénèse (Henneguy) ou Isoparthénogé-
2° — arrhénotoque \ nèse (Hatscheck).
'■i' — cyclique régulière.. . / tix' .i • ^ • /ti \
,„ •' ' . '^ ,., Hetei-opartlienogénese Henneguy .
4° — — irregulicre. . \ '■ a \ i
5° — accidentelle Tychoparthènogénése (Henneguy).
].'homoparthénogcncse thélytoque (productrice de femelles) correspond à une par-
thénogenèse normale et indéfinie. Beaucoup d'espèces que l'on pensait pouvoir ranger
dans cette division doivent en être aujourd'hui retirées; car l'observation a, en effet,
démontré que des mâles, bien que fort rares, pouvaient néanmoins de temps à autre
apparaître. Il semble bien pourtant que l'on puisse admettre qu'un certain nombre
d'espèces de Tenthrèdes et de Cynipides se multiplient par parthénogenèse indéfinie.
Il en est de même pour diverses espèces ou races de Chermes {Chermes picex). Par
contre, le cas de l'Eumolpe de la vigne {Bromius vitis), parmi les Coléoptères, bien
qu'on n'ait pas encore rencontré de mâles arrivés à maturité sexuelle, ne peut, suivant
toute vraisemblance, être donné comme exemple de parthénogenèse exclusive.
Chez différentes espèces de Chermes et Phylloxéras, la génération bisexuée ne se
présente que dans cerlairies conditions, et, à côté du cycle qui la renferme, on voit se
constituer un cycle parthénogénétique exclusif et indéfini. La génération sexuée peut
alors devenir accessoire et même rudimentaire (Dreyfus, Cholookovsky, Nisslix,
Marcual, Borner, pour les Chermes; nouvelles recherches de Grassi, Foa, Grandori
pour le Phylloxéra).
V homoparthénogénèse arrhénotoque se rencontre chez les Hyménoptères sociaux
(Apides et Vespides), et consiste en ce que les œufs qui ont été pondus par la reine,
sans être fécondés, donnent exclusivement des mâles. Un grand nombre de faits ten-
dent en outre à prouver que tous les mâles d'une société sont issus d'œufs non
fécondés ; la reine ayant la faculté de contracter ou de ne pas contracter son récep-
tacle séminal peut ainsi réaliser à volonté la fécondation ou la non-fécondation de l'œuf
qu'elle pond et déterminer le sexe de sa progéniture. Suivant le sexe, elle distribue
ses œufs dans des catégories de cellules distinctes, où les larves qui en naissent sont
l'objet de soins déterminés de la part des ouvrières : telle est la théorie de Dzierzon
(voir Abeille), qui semble fondée sur des faits solidement établis : la théorie de
DicKEL récemment proposée n'a aucune chance de la remplacer. Il est difficile pourtant
d'affirmer que tous les mâles d'une ruche sont issus d'œufs non fécondés, et les expé-
riences de croisements qui ont été faites pour trancher la question ont montré que, si
l'on croisait une reine Abeille avec un mâle de race différente, une certaine propor-
tion des mâles produits par cette reine pouvait présenter des caractères tendant à prou-
356 INSECTES.
ver leur nature hybride (Jean Pkrez), à moins alors d'invoquer la télégonie (Sanso.n).
Les expériences qui ont été faites à ce sujet ne sont pas d'ailleurs toujours concordantes.
Les ouvrières, qui sont liabituellement stériles chez les Hyménoptères sociaux, peu-
vent dans certaines conditions pondre des œufs capables de se développer. Mais comme
ces ouvrières ne sont jamais fécondées, elles ne donnent jamais naissance qu'à des
mâles. La présence des ouvrières pondeuses est normale chez les Vespides (Siebold,
1871; Marchal, 1893) et chez les Bourdons (Huber, 1814; Hokfer, 1882).
Chez les Abeilles domestiques, les ouvrières pondeuses ne se rencontrent que d'une
façon accidentelle dans les ruches orphelines.
Dans le genre Vespa, il suflit de supprimer la reine pour déterminer la fécondité des
ouvrières. Si la fonction reproductrice de la reine est accidentellement supprimée, ce
même résultat est obtenu, et la proportion des ouvrières fertiles peut alors s'élever à
la moitié de la population, alors que le nid n'en contenait pas auparavant (P. Marchal).
Cette fécondité s'explique par ce fait que les ouvrières, n'ayant plus de jeune couvain
à nourrir, par suite de l'interruplion de la fonction de la reine ou de sa disparition,
résorbent les liquides nutritifs qu'elles auraient donnés aux larves ou les sécrétions
adaptées à l'alimentation des jeunes. Sous l'inlluence de celte résorption, il se produit
un retour au type primitif, et les ouvrières perdent le caractère négatif, mais fonda-
mental, de leur différenciation, la stérilité. On peut donc considérer la fonction de
nourrice comme un des facteurs déterminant de la stérilité chez les Hyménoptères
{castration nutriciale, P. Marchal), et admettre que ce facteur a joué son rùle dans
l'évolution à côté de la castration alimentaire de Herbert Spencer et de Kmerv.
Dans la parthénogenèse cyclique régulière, il y a alternance régulière d'une généra-
lion sexuée avec une génération parthénogénétique ou avec une série de générations
parthénogénétiques se produisant toujours dans des conditions identiques. Nous nous
bornerons à mentionner les cycles évolutifs des Cynipides, des Pucerons (Aphidés),
des Chermes et des Phylloxéras, qui présentent des particularités biologiques ayant
une portée capitale pour la biologie générale. (Voir le traité de Henneguy sur les
Insectes, oîi sont analysés les travaux de Adler, Balbiani, Lichtenstein, Chol-^d-
KovsKY, etc. Voir aussi les récents travaux de Bor.ner, ainsi que ceux de Crassi, Foa,
Grandori, etc.)
La parthénogenèse cyclique irrégulière est caractérisée par ce fait que les mâles, sou-
vent très rares, n'apparaissent que d'une façon irrégulière après une série variable de
générations parthénogénétiques. On l'observe chez les Psychides parmi les Lépidop-
tères ^Siebold, 18oG-1871). Chez les Lccaniuni parmi les Coccides (voir Newstead, 1902;
Marchal, 1907), les Tenthrèdes, parmi les Hyménoptères (voir Cameron et van Rossl'm,
1905), les Phasmides, parmi les Orthoptères (Pantel, 1898; de Sinéty, 1901), les Otio-
rhynques parmi les Coléoptères (Szilantiew, 1903), on rencontre des espèces qui présen-
tent des cas analogues. Le cas extrême de ce mode de reproduction peut être considéré
comme la parthénogenèse thélytoque dans laquelle les mâles sont entièrement disparus.
La tychoparthénogénèse consiste en ce que, dans une espèce qui normalement se
multiplie par reproduction sexuée, une femelle qui n'a pas été fécondée peut, dans
certains cas, pondre des œufs susceptibles de se développer. Elle se rencontre assez
fréquemment chez les Lépidoptères, notamment chez les Bombycides {Liparis dispar,
Porthesia similis, Bombyx quercus, Lasiocampa pini, etc.). Elle a été signalée chez le
Bombyx mori; mais, chez cet Insecte, d'une façon très générale, le développement
s'arrête avant l'éclosion de la chenille. Tichomiroff (1886) a provoqué artificiellement
le développement des œufs non fécondés de Bombyx mori par des excitants mécaniques.
Chez les Coléoptères, la parthénogenèse accidentelle a été mentionnée chez Gastrophysa
raphani. Chez les Tenthrèdes, parmi les Hyménoptères, chez les Phasmides, parmi les
Orthoptères, chez les Coccides, parmi les Hémiptères, on peut rencontrer tous les
degrés entre une parthénogenèse accidentelle et une parthénogenèse normale du type
cyclique irrégulier. Chez la plupart des Phasmides, les mâles sont introuvables ou
rares; chez l'un d'entre eux pourtant, le Leptynia attenuata, les mâles sont très nom-
breux ; or les femelles de cette espèce peuvent néanmoins se reproduire par parthé-
nogenèse et alors leur descendance est toujours femelle (thélitokie constante) (de
Sinéty, 1900). Ce cas est exactement l'inverse de celui des Abeilles.
INSECTES. 357
Détermination du sexe. — F-e fait que tons les individus issus d'un même œuf
dans le cas de iiolucmbriionie spécifique sont de même sexe (P. Maucual, Bugxion), montre
bien que le sexe est déterminé d'une façon très précoce avant ou après la fécondation.
I.es assertions de divers auteurs qui auraient déterminé le sexe en alimentant d'une
fac'on variée ou plus ou moins copieuse des chenilles ou des larves de Mouches ont été
d'ailleurs controuvées. Si l'on considère l'ensemble des faits connus relativement à la
détermination du sexe chez les Insectes, on peut, avec Loeb, distinguer trois types
ditférents suivant lesquels elle pourrait se produire.
1° 11 y a deux sortes d'ovules : les uns donnent des mâles, les autres des femelles.
C'est le cas bien connu des espèces qui présentent dans leur cycle évolutif une ou plu-
sieurs générations parthénogénéliques, tels que les Cynipides, les Pucerons, les
Cliermes. 11 peut se faire dans ce cas que les femelles ])arthénogénétiques sexupares
se divisent on deux groupes, les unes pondant exclusivement des œufs de femelles, les
autres exclusivement des œufs de mâles, et qu'il y ait une différence de taille très appa-
rente entre les œufs des deux catégories (Phylloxéra).
2° Chez d'autres, il n'y a qu'une sorte d'ovule; mais il y a deux sortes de spermato-
zoïdes, dont l'une produirait des mâles, et l'autre des femelles. C'est le cas des Hémip-
tères Ilétéroptères et de divers Orthoptères. L'existence de ces deux catégories de
spermatozoïdes a été découverte par Henking; et, fait capital, elles se distinguent Tune
de l'autre par le caractère suivant : présence d'un chromosome de plus (dit chromosome
accessoire) dans l'une des catégories et absence ou faible développement de ce chromo-
some accessoire dans l'autre catégorie (Montgomery). Il est très remarquable que les
deux catégories de spermatozoïdes existent en nombre égal chez le même mâle; la
substance chromatique jouant d'autre part un rôle essentiel au point de vue de l'héré-
dité et les caractères sexuels étant les seuls qui se répartissent en deux groupes égaux
et bien définis, Mac Clung a été ainsi conduit le premier à conclure que le chromosome
accessoire est en rapport avec la détermination du sexe.
D'après les travaux de Wilson {Science, 1905), il y a des raisons pour croire que ce
sont les œufs fécondés par les spermatozoïdes pourvus d'un chromosome accessoire qui
produisent des femelles.
3° Le troisième type relatif à la détermination du sexe comprend les Insectes chez
lesquels il semble n'y avoir qu'une seule espèce d'ovules et une seule espèce de sper-
matozoïdes : les ovules qui se développent parthénogénétiquement produisent l'un des
deux sexes; ceux qui sont fécondés produisent l'autre [voir ci- dessus Parthénogenèse).
Il convient de faire observer que les trois divisions précédentes ne peuvent avoir
pour but que de donner un groupement provisoire facilitant l'exposition des faits
connus. Car il doit exister un grand nombre de termes_de passage, et beaucoup d'In-
sectes ne pourraient évidemment prendre place d'une façon fixe et exclusive dans
aucun des trois types précédemment décrits.
Rappelons enfin que chez certains Phasmes étudiés par de Sixéty {Leptynia atte-
nuata), le spermatozoïde apparaît comme nécessaire pour déterminer l'œuf comme
mâle, ce qui est exactement la contre-partie de ce qui se présente pour les Hyménop-
tères Porte-aiguillons (voir ci-dessus Parthénogenèse).
Pour Accouplement, Ponte, Viviparité, Spermatozoïdes, Œufs, Fécondation, voir
Henneguy, Les Insectes, Paris (Masson), 1904, p. 262-303.
XVI. — RÉGÉNÉRATION.
Le pouvoir de régénération des appendices est surtout très caractérisé chez les
Aptérygotes et chez les Orthoptères, c'est-à-dire chez les Insectes les plus primitifs.
Dans le premier groupe, les expériences de Przibram(1907) ont montré que cette faculté
était particulièrement développée dans l'ordre le plus inférieur, c'est-à-dire chez les Thy-
sanoures : même lorsqu'ils ont atteint la maturité sexuelle, ces Insectes peuvent en
effet régénérer complètement leurs antennes et leurs filaments caudaux, la régénération
ne pouvant d'ailleurs se faire qu'après une mue; les palpes et les pattes se régénèrent
aussi facilement, mais à un moindre degré.
Parmi les cas les plus remarquables de régénération chez les Insectes, sont aussi
358 INSECTES.
ceux (jui succèdenl à l'aulolomie des membres chez les larves ou les nymphes d'Orthop-
tères et qui ont été t'-tudiés par Burdage : cette faculté régénératrice est surtout déve-
loppée chez les Blattes; elle l'est à un moindre degré chez les Mantes et chez les
Phasmes; elle paraît enfin faire défaut chez les Orthoptères sauteurs. Chez les Orthop-
tères, après autotomie, la régénération se présente avec les caractères suivants : 1" Il
y a accélération dans la rapidité de croissance du membre en voie de régénéiation el,
grâce à celte accélération qui ne se produit que pendant une période de temps corres-
pondant à 3 ou 4 mues consécutives, les did'érences de longueur entre le membre
régénéré et le membre correspondant demt'uré en place, d'abord considérables, ten-
dent à s'atténuer; 2" la régénération est hj/potypique, et les tarses normalement penta-
mères deviennent tétramères après la régénération : un même membre régénéré trois
fois, après trois ablations autoloraiques successives se présentera par exemple cons-
tamment avec un tarse tétramère, fait qui semble impliquer que, si la régénération
donue ici un tarse tétramère, ce n'est pas paice qu'elle est incapable de donner la
forme plus complète et pentamére, mais plutôt parce qu'elle reproduit un état corres-
pondant à un état ancestral.
Le processus de régénération, après réseclion expérimentale, existe chez les
Orthoptères, mais est de beaucoup inférieur au processus de régénéiation après aulo-
tomie:la régénération ne se fait que si la résection est pratiquée dans certaines limites,
par exemple, chez les Blattes, dans les limites comprises entre le tiers moyen du fémur
et l'articulation du 3*^ et du 4*= articles du tarse; elle se fait en outre bien plus lente-
mentqu'après autotomie ; enfin le membre régénéré après résectiona ordinairement ses
différentes parties moins bien proportionnées entre elles, la loi de corrélation de crois-
sance élant souvent enfreinte, et les cas tératologiques étant assez fiéquents; ces der-
niers mis à part, la lélramérie est encore ici la règle dans le tarse du membre ré^-é-
néré. Pour les Orthoptères sauteurs, la régénération après résection expérimentale pi ut
se faire pour les sections pratiquées dans la région tarsienne; pour les patles anté-
rieures el moyennes, elle peut en outre se faire pour les sections pratiquées au point
d'articulation du fémur avec le trochanler,et, en ce cas, le tibia des membres antérieurs
régénérés ne présente pas d'appareil tympanique; le nombre des articles du tarse est
le même que dans le meiubre primitif.
Qu'il s'agisse de régénération après autotomie ou après résection expérimentale, ce
processus est toujours entièrement sous la dépendance du phénomène de la mue, et il
ne peut commencer qu'à partir du moment où l'hypoderrae s'est rétracté en se séparant
de la cuticule et de la production cicatricielle rigide el inextensible. Le nombre de
jours qui est compris entre le moment de l'apparition de la couche hyaline sous-culi-
culaire permettant la formation de la papille de régénération d'une part, et le moment
de la mue proprement dite d'autre part est variable d'une famille à l'autre (maximum
chez les BlattidesV Plus ce nombre sera grand, plus aussi seront grandes les dimen-
sions du membre de remplacement, lorsqu'il fera son apparition après sa libération
de la dépouille exuviale (Bordage).
Les exemples de régénération chez les larves d'Insectes autres que les Orthoptères,
après résections d'appendices, sont nombreux. Les larves et nymphes de divers Névrop-
tères (Agrionides, etc.) peuvent régénérer très facilement leurs divers appendices sur
toute leur longueur ;^P. Bert; Child et Young, 1903 ; Bordage, 190o (p. 41 i, note)].
La régénération des appendices a été observée chez les larves de Coléoptères (Tor-
NIER, 1901) et de Lépidoptères : chez les chenilles (Ver à soie), les pattes larvaires ne se
régénèrent que lorsqu'elles n'ont pas été totalement amputées; la régénération se ter-
mine alors toujours après la 2'^ mue qui suit l'opération (Kellog). Les pattes réi;énérées
de la chenille sont semblables aux pattes primitives. Une patte complètement supprimée
chez la chenille peut être entièrement régénérée chez le Papillon, si l'opération est faite
avant la 4« mue (Verson). Meisenheimer a récemment obtenu la régénération des ailes
chez le Papillon (Ocneria dispar), après avoir complètement extirpé les liistoblastes de ces
appendices chez la chenille; l'aile régénérée est semblable à l'aile normale, mais
souvent beaucoup plus petite. Werber (1903) a obtenu chez Tenebrio molitor la régéné-
ration de l'antenne et de l'œil après extirpation chez la larve.
Les données fournies par la régénération des appendices chez les Orthoptères
INSECTES. 35!)
étaient ijlutôt en faveur de l'opinion qui veut que la faculté r6f;6nérdtrice soit d'autant
plus marquée que l'organe est plus exposé à des mutilations accidentelles ([)rincipe de
Lessona); mais les expériences ci-dessus mentionnées et poitant sur les chenilles des
Lépidoptères montrent qu'aucune loi dans ce sens ne peut être formulée à cet énrard.
Rien en effet ne peut être moins exposé à une mutilation que l'iiistoblaste de l'aile à
l'intérieur d'une chenille.
XVII. — PHYSIOLOGIE DES MÉTAMORPHOSES.
Chez les Insectes à métamorphoses complètes, il se produit à la fin de la vie larvaiie
et chez la nymphe ou chrysalide des modifications profondes de l'organisme qui se réa-
lisent par l'histolyse de nombreux tissus larvaires et l'histogenèse des organes de
l'adulte {imago) remplaçant les organes larvaires détruits.
Nous avons vu (p. 332) le rôle important que joue dans bien des cas la phagocytose
leucocytaire dans la destruction des tissus larvaires. D'autre part, chez diverses familles,
la phagocytose semble ne jouer qu'un rôle réduit ou presque nul. Il faut en conclure
que, en dehors d'elle, il y a d'autres facteurs qui interviennent dans l'histolyse et que des
diastases ou des toxines peuvent agir sur les éléments anatomiques, sans l'intervention
de phagocytes englobants. Berlese, qui nie, d'une façon bien trop absolue, le rôle de la
phagocytose, a soutenu que le suc gastro-intestinal lui-même s'extravase dans la cavité
générale au moment de la nymphose, apportant à la fois des matériaux nutritifs qui
seront emmagasinés et élaborés dans les cellules adipeuses {trophocytes) et les dia-
stases déterminant l'histolyse; mais cette théorie est d'une vérification bien difficile.
Quel que soit le processus — intervention des phagocytes, ou production des diaslascs
indépendante de ces derniers — il doit avoir lui-même son déterminisme et bien des
théories ont été mises en avant pour l'établir [théories de l'asphyxie (Bataillon), de
la crise génitale et du retentissement sur les leucocytes des sécrétions internes des
gonades (Ch. Pkrez), de l'arrêt de fonctionnement (Anglas), etc.]. Nous n'avons pas ici
à les examiner (Voir Henneguy, 675), mais seulement à rendre compte des connais-
sances encore fort imparfaites que nous possédons au sujet des principaux phéno-
mènes physiologiques accompagnant l'histolyse et l'histogenèse.
La nymphe, ne prenant pas de nourriture, se nourrit et évolue aux dépens de ses
propres tissus ou des réserves qui ont été accumulées pendant la vie larvaire; malgré
son immobilité presque complète, la nymphe continue donc à respirer et à exhaler de
la vapeur d'eau'; d autre part, avant de se transformer, la larve rejette toutes les
matières inutilisables contenues dans son tube digestif; enfin, elle peut, chez certaines
espèces, filer une quantité de soie considérable, pour tisser un cocon : il n'est donc pas
étonnant, pour ces différentes causes, que l'Insecte perde une grande partie de son
poids en se transformant. D'après Dandolo, le Ver à soie mùr, prêt à filer, pèse en
moyenne 3s^'",68; son cocon, avec la chrysalide qu'il contient, pèse le huitième jour
2b'''18 et, sur ce poids, celui de la chrysalide entre pour l^^Si. L'animal a donc perdu,
pendant cette période, 16'',84, c'est-à-dire la moitié de son poids primitif. Le poids
continue à diminuer les jours suivants, mais dans de moindres proportions, et le poids
des Papillons est en moyenne : pour les femelles, de l^r/ti; pour les mâles, de Os^SO.
Au point de vue de la physiologie des métamorphoses, la grande diminution de poids
tenant au rejet des excréments par la larve et au filage du cocon n'a pas à fixer notre
attention; mais il n'en est pas de même de celle qui se produit après le filage du
cocon; elle ne peut être due en etfet qu'à l'élimination de l'acide carbonique et de la
vapeur d'eau.
Vaney et Maigno.n (1906J ont montré que les pertes de poids les plus grandes ont lieu
au début et à la fin de la métamorphose; elles coïncident avec les périodes pendant
lesquelles s'opèrent les transformations morphologiques les plus importantes, c'est-à-
diie celles qui correspondent à la transformation de la larve en nymphe et à la trans-
formation de la nymphe en imago; l'expérience a également établi que c'est pendant
1. Chez les chrysalides de Lépidoptères, les stigmates antérieurs restent seuls fonctionnels
exp. de RÉAUMUR consistant à immerger partiellement les chrysalides dans l'huile).
360
INSECTES.
ces pt-riodesque l'inlPiisité des échanges respiratoires atteint son maximum (Luciani et
Lo Monaco, 181)3; Dubois et Couvhkuh, 1901).
A la lin de la vie larvaire et pendant le lilage du cocon, l'aclivilf'; respiratoire est
considérable, et le rapport-— - t^st voisin de Tunité, ce qui implique (jue la quantité
d'oxygène absorbée équivaut à peu près à celle qui est éliinin>^e à l'état de C0-; la
quantité de CO- éliminée diminue ensuite et, des que la phase nvmpliaie est commencée
(a" jour après la montée pour le Ver à soie), l'amoindrissement dans l'élimination de
CO- devient très notable, tandis que la consommation d'oxygène reste presque la même.
Le quotient [respiratoire — — s'abaisse donc et tombe à 0,50 (P. Bert, Hataillon, etc.).
Cette phase de dépression correspond à la période de repos de la chrysalide. Vient
ensuite une nouvelle pliase ascendante pour l'exhalation de l'acide carbonique et le
quotient respiialoue s'élève au-dessus de lunilé. Quelques jours avant l'éclosion du
l'ajiillon, une nouvelle dépression se manifeste et le t|uotient respiratoire tombe de
Jours ^J ,3 3
Fii;. 68. — Coiirl)PS il'olimination Pt d"exfrartion dp Tacirle carboniqup pendant l.i niPtamoriihoso rhez le
Bombyx mari, à partir de la montée du ver à soie ipour tisser son cocon), jusqu'à la (in de la vie chrysali-
daire. La première courbe est représentée par un trait jdein et continu ; la seconde par un trace pointillé.
Les temps sont marqués en jours sur l'abscisse; pour la courbe d'élinunation (trait j)lpin et continu), la pro-
ductiou pour trois individus pendant six heures est donnée en millipramnies par les ordonnées; pour la
courbe d'extraction, les quantités obtenues pour trois iiidivi<lus sont également données en milligrammes
par les ordonnées. (D'après Bataillon.)
nouvoaii à un taux voisin de 0,50. Enfin, le jour de l'éclosion (21* jour), une ascension
rapide se produit dans la courbe d'élimination du CO'-, et le quotient respiratoire
devient très élevé, atteignant jusqu'à 1,50,
CO-
Pendant une bonne partie de la période chrysalidaire, le rapport —^ étant forte-
ment inférieur à l'unité, que devient l'oxygène qui ne se retrouve pas dans le CO^
expiré? — Les expériences de Bataillon ont démontré l'accumulation de l'acide car-
bonique chez la chrysalide. Ce savant a en efTet extrait par le vide et la chaleur tout le
gaz, carbonique du corps de chrysalides prises à tous les jours de leur évolution, depuis
le début du filage du cocon jusqu'à l'éclosion, et il a constaté que les courbes représen-
tatives de ces mesures quotidiennes présentaient exactement l'allure inverse des
courbes figurant les quantités de CO- éliminé ifig. (18). C'est sur ces laits qu'il a basé sa
célèbre théorie asphyxique des métamorphoses. L'accumulation de CO^ dans les tissus
n'est pas suffisante toutefois pour ([ue, en ajoutant l'oxygène combiné qu'il contient à
l'oxygène combiné du CO- expiré, nous retrouvions le total de l'oxygène absoibé. Il est
possible qu'une autre fraction soit éliminée à l'état de vapeur d'eau et qu'un reliquat se
fixe aussi sur la graisse pour la transformer en sucre, soit directement, soit en passant
par l'intermédiaire glycogène (Terre, 1898).
Les faits qui précèdent étant établis pour le Bombyx mnri par les expériences con-
cordantes en leurs grandes lignes de différents auteurs (P. Bert, Bataillon, Lcciani et
MoNoco, DuHOis et Couvreur) et les résultats généraux qu'ils comportent ayant été étendus
par les recherches de Terre (1898) à de nombreux Lépidoptères, aux Coléoptères et aux
Hyménoptères, on peut admettre leur exactitude et leur généralité chez les Insectes à
INSECTES.
361
■métamorphoses ooinpléles. Il y a lieu, d'autre part, de tenir compte de l'observation de
Levrat (1899), qui, en choisissant un Papillon à métamorphose lente, dont les cocons
passent l'hiver [Antherea Peniyi), a constaté qu'il suffisait de faire varier la température
pour obtenir immédiatement une variation de même sens dans la courbe de la respira-
lion. Les deux courbes se correspondent d'une façon frappante et c'est seulement six
ou sept jours avant la sortie du Papillon (c'est-à-dire, dans le cas actuel, à partir du
moment où le Papillon est formé à l'intérieur du cocon), que la quantité de CO^ éli-
minée augmente brusquement, ce surcroît de production étant indépendant de la tem-
pérature. La sensibilité à la température ambiante a donc son importance et les expé-
rimentateurs doivent être mis en garde contre l'influence de cette cause perturbatrice.
Levrat a, par contre, montré que la lumière ou l'obscurité n'ont aucune influence
sur la respiration.
Les phénomènes respiratoires qui viennent d'être résumés ne sont qu'une des
FiG. 69. — Cellule du corps adipeux d'une nymphe très avancée de la Mouche bleue [Calliphora vomitorià),
entourée d'éléments divers,
jr, globules albuminoïdes;/), phagocyte ayant ingéré des fragments musculaires, o\i Kornchenkiujeln; k, leu-
cocyte ; 5, sarcolyte ; a, tissu imaginai avec caryocytes. (D'après Hknnegdy.)
expressions des processus métaboliques de la métamorphose et, parallèlement à leur
élude, il convient de rechercher quelles sont les transformations et les variations subies
par les substances de réserves, qui fournissent la chaleur ou les éléments nécessaires
au travail de la métamorphose. (Pour tous les renseignements techniques concernant le
dosage de ces réserves et leur détermination par des réactifs appropriés à l'intérieur
des cellules chez les Insectes, voir le mémoire de VANEvet Maignon, 1906.)
La vie larvaire est, en quelque sorte, consacrée à amasser les réserves qui doivent
•être utilisées pendant la phase nymphale. Ces réserves s'accumulent surtout dans le
corps adipeux dont les cellules fonctionne^it à ce point de vue comme celles d'un foie
:gii,'-antesque et emmagasinent en même temps de la graisse, du glycogène et des
albuminoïdes solubles (fig. 69). Claude Bernard (1879) constata une telle abondance
de glycogène dans les larves de Mouches qu'il les compara à de véritables sacs à glyco-
gène, et il remarqua, en outre, que cet hydrate de carbone était surtout emmagasiné
dans le corps adipeux. Pendant les premières phases de la vie larvaire, les cellules du
corps adipeux ne contiennent guère comme réserves que de la graisse; vers la fin de
l'évolution larvaire et pendant la nymphose les réserves albuminoïdes et les granula-
tions de glycogène s'accumulent au contraire à leur intérieur'.
1 . Tous les Insectes ne se comportent pas de même à cet égard : chez les Fourmis notamment,
les matières albumino'idcs peuvent s'accumuler dans les cellules adipeuses, dès la naissance de la
362
INSECTES.
N.
Berlese a suivi avec beaucoup de soin, par les méthodes de la technique microsco-
pique, les processus métaboliques dont les cellules du corps adipeux sont le siège pen-
dant la nymphose (Voir un compte rendu détaillé de cette étude dans Henneguv, p. 592;
voir aussi dans ce Dictionnaire : Graisse, VII, 721). D'après l'auteur italien, pendant
toute la période nymphale, les cellules adipeuses (fig. C9), devenues indépendantes et
conservant leur individualité, absorbent des substances qu'elles élaborent et digèrent
sous l'intluence de graimles zymogènes provenant du noyau, puis excrètent des pep-
tones solubles qui servent à nourrir les tissus en voie de foiinalion (fig. 70). En raison
de ces fonctions importantes de nutrition, Berlese désigne les cellules adipeuses sous
le nom de trophocytes.
Bien que le corps adipeux soit le lieu d'élection pour l'accumulation des réserves,
elles peuvent cependant se rencontrer, à la fin de la
vie larvaire ou au début de la nymphose, dans d'autres
parties de l'organisme. Les leucocytes renferment les
trois sortes de réserves et, d'après Berlese, ils sont
chargés de les transporter aux tissus en voie de for-
t"*^ >\ \ mation qui doivent les utiliser. Les muscles ne con-
ii«'*n^* i î> ; > \ tiennent en quantités appréciables que des réserves
X» .'.■ L ■. . X \ jg giycogène et de graisse.
Dès le début du filage du cocon, on constate une
augmentation brusque dans la formation du giycogène
(fig. 71). Le maximum est atteint au moment oùs'elTec-
tue la nymphose (l'<^00 pour 100 grammes de tissus)
et alors la quantit»' accumulée est au moins double de
celle que la chenille présente au début du filage (B.v-
T.^iLLON et Couvreur, 1892; Vanev et Maigno.n, 190C).
, , , Aussitôt après, il y a une chute rapide, puis diminu-
FiG. 70. — Schéma de 1 élaboration par ,• ■ , , • . n u •„ ; i,^
les trophocytes (cellules a.iipeuses) ^^^^ lentement progressive et nouvelle chute rapide
du plasma répandu dans la cavité la veille de l'éclosion. Le glycogène n'existe plus
générale, d'après l'interprétation de ^lors qu'en quantité très faible dans le corps de
Le trophTëyte absorbe le plasma P ré- l'Insecte (Bataillo.n, 189.3; Va.nev et Maig.no.n, 1906).
pandu dans la cavité du corps. 11 se II est très remarquable que la graisse subit une
forme ainsi à son intérieur des gio- diminution chez la larve arrivée à maturité et qui se
bules albummoides non coiorables , , , , , . . i- . . i > • j
qui se diripont vers le noyau N (cou- prepare a la nymphose, c est-a-dire pendant la période
rant centripète), se modifient dans OÙ le glvcogèue augmente; et, lorsque celui-ci atteint
son voisinage et reviennent vers la go^ maximum, c'est-à-dire au moment OÙ s'effectue
périphérie (courant centrifuge) on se , , , ' ■ • r j i
chargeant de granulations coiorabies la nymphose, la chute précipitée de la graisse
(ferments dérivant du noyau): ils s'arrête. On ne peut mettre cette disparition rapide
:::: r„:o "St^l^lo^X^Z ^«^^^ ^«"^P^^ ^^^ l- respiration; car il y a, pendant
soiubies.onayant subi, sous r influence cette période, baisse dans la production de CO- pro-
des ferments nucléaires, la transfor- ^uit par la chenille : il semble donc bien résulter
TélTch'^SllT ^'^'^"'' ""''■■""■ des données précédentes que le glycogène a été
produit aux dépens delà graisse (Couvreur, 1895)*.
Pour être utilisé le glycogène est en totalité transformé en glycose pendant la méta-
morphose. Claude Bernard avait reconnu ce fait et constaté l'absence du glycose chez
les larves de Mouche ainsi que sa présence chez les pupes. D'après Bataillon et Cou^
vREUR(1892),le glycose apparaît avant le maximum du glycogène chez le Ver à soie, vers
la fin du filage, et le maximum de sa production est atteint 3 ou 4 jours avant l'éclosion
du Papillon, pour diminuer ensuite jusqu'à l'éclosion. Les deux courbes du glycogène et
du sucre empiètent donc sur l'autre (fig. 71). Bataillon attribue la production considé-
larve; chez les Lépidoptères ne tissant pas de cocons, ou ne donnant qu'une faible quantité de
soie, ce dépôt se fait d'une façon notablement plus précoce que chez les Lépidoptères séricigènes
(Berlese).
1. D'après Bordage (Recfi. sur Vanatomie, 1905, 431), le phénomène de Bouchard peut se pré-
senter chez les Insectes (larves de Mantides) : il consiste, comme on le sait, eu une augmenta-
tion passagère du poids du corps, sans apport alimentaire, et résulte de la fixation de l'oxygène
sur la graisse qui se transforme en glycogène.
INSECTES.
365
rable de sucre qui se produit pendant la métamorphose à l'accumulation du CO- dans
le sang. Il s'agirait d'une hyperglycémie asphyxique.
D'après Vanky et Maignon (190G), par contre, il n'y aurait pas de relation fixe entre
les deux courbes du glycogène et duglycose et la date d'apparition du glycose au cours
de la nymphose serait très variable : elle pourrait concorder aussi bien avec le début
qu'avec la lin de la chrysalidatioii, de telle sorte que la théorie de la glycémie asphyxique
ne serait plus soutenable.
Outre la graisse et le glycogène, le corps adipeux contient comme réserves des ma-
tières albuminoïdes solubles. Du premier au second jour du coconnage, on constate un
fort accroissement de ces albumines, puis, du 2« jour jusqu'au moment de la chrysali-
dation, la teneur en albumines solubles reste à peu près statioiinaire, et, à partir de
cette époque, la courbe subit une chute régulière et rapide jusqu'au moment de l'éclo-
sion (Vaney et Maignon).
Les résultats les plus nets que l'on peut déduire de cette élude des réserves sont en
Jours .
7
ç iO 11 J2 13 lé l5 l6 17 /tf JO 20 2î 22
FiG. 71. — Évolution de la fonction glycogénique, de la montée du ver à soie jusqu'à la fin de la vie chrysa-
lidaire (tracé pointillé, glycof/êne ; tracé plein, glucose.) Les temps sont marqués en jours sur l'abscisse.
Les quantités obtenues pour six individus sont données en milligrammes par les ordonnées. D'après
Bataillon.)
somme les suivants : chez le Ver à soie, à la lin de la vie larvaire, pendant le coconnage,
il y a formation intense de glycogène et d'albumines solubles : la production de ces-
substances l'emporte donc alors sur leur consommation. Pour la graisse, la courbe, si
l'on néglige quelques oscillations, va en s'abaissant dès le début du filage jusqu'à la
fin de la nymphose, ce qui signifie que, pour cette substance, pendant toute la méta-
morphose, la destruction l'emporte sur la production (Vaney et Maignon).
Oxydases. — D'après Dewitz, la coloration que présentent les pupes des Mouches au
moment de la nymphose est due à la présence d'une oxydase analogue à la tyrosina^e
et agissant sur nue substance chromogène qui se trouve dans le sang. Ces principes
sont les mêmes que ceux qui existent dans le sang de la larve, et qui, au contact de
l'air, déterminent le noircissement de la bouillie résultant de sa trituration. Les oxy-
dases joueraient, d'après le même auteur, un rôle capital dans la métamorphose, et il a
fait une série d'expériences, tendant à montrer que les mêmes facteurs qui retardant
ou annulent la coloration de la pupe au début de sa formation, en neutralisant lesefi'ets
de la tyrosinase, ont une influence identique sur la transformation de la larve en pupe.
Assimilation du carbone de l'air, -r- (Voir les paragraphes de cet article concernant
les Pigments et la Nutrition, fp. 280 et 343.)
Circulation. — Kunckel d'Hergulais (1884) constata que chez les Diptères (Volucel e
les battements du cœur ne s'arrêtaient que pendant une très courte période correspon-
dant au moment où cet organe subit des transformations histologiques.
364 INSECTES.
Bataillon (1893) a montré d'autre part le curieux phénomène de l'inversion de la
circulation pendant la vie nymphale; elle se réalise successivement de la façon suivante:
i° Apparition, au deuxième jour du filage, d'une circulation inverse (d'avant en
arrière) dans le vaisseau dorsal; -2* Prédominance graduelle de la circulation inverse;
3° Relèvement de la courbe de la circulation directe, vers la nymphose; 4° Circulation
indifférente, c'est-à-dire que l'onde sanguine est chassée vers la tête et vers l'extrémité
postérieure à partir du milieu du vaisseau dorsal, pendant les quelques heures qui
précèdent et qui suivent la nymphose; o» Circulation inverse pendant la vie nymphale;
G* Réapparition de la circulation normale à la veille de l'éclosion de l'Insecte adulte.
Ces troubles du rythme de la circulation sont, d'après Bataillon, en rapport avec les
phénomènes asphyxiques, qui, d'après lui, détermineraient la métamorphose et qui
s'expriment d'autre part par l'accumulation du GO* dans les tissus.
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Mesnil (F;)- Quelques remarques au sujet du déterminisme de la métamorphose {B. B.,
147, 1900). — Dubois (U.) el Couvreur (E.). Études sur le Ver à soie pendant la période
nymphale {Ann. Soc. Linn. de Lyon, 1901). — Dewitz (J.). Untersuchungen iiber die Ver-
xrandlung der Insektenlanen. Weitere Mittheil. {A. P., 1902); — Recherches expéri-
mentales sur la métamorphose des Insectes. Sur Vaction des enzymes {oxydases) dans la
métamorphose des Insectes {B. B., 44-47,1902). — Sosnowski (J.). Contribution à l'étude
de la physiologie du développement des Mouches {Bull. Ac. Cracovie, 1902, 568, 573). —
Pérez (Ch.). Contribution à l'étude des métamorphoses {Bull. Se. de la France et de la Bel-
gique, xxxvii, 19o-427, 1902 . — Bogda.now (E.A.). Gcnerationen der Fliegen in verànderten
Lebensbedingiingen {Zeitsch. f. allg. Ent., 1903). — Linden (C**« M. von). Le dessin des ailes
des Lépidoptères. Recherches sur son évolution {Ann. Se. nat. Zool., 8, xiv, 1902). —
Recherches sur Ja matière colorante des Vanesses {ibid., 8, xx, 29-j-3;j4, 1904); — Einflùss
des Stoffwechsels der Schmctterlingspuppe auf Flugelfiirbung iind Zeichnung des Falters.
Ein Beitrag zur Physiologie der Varietdten-Bildung . {Arch. Rassen, i, 477-518, 1904). —
L'assimilation de CO- par les chrysalides {B. B., 692, 1905) ; — Comparaison arec les phéno-
mènes d'assimilation chez les végétaux {ibid., 694, 1905); — Die Assimilationstâtigkeit bei
Puppen und Raupenvon Schmetterliiigen {A. P., Suppl., 1906, i-108, 2 pi. et 13 fig.); —
— Résiané de la question par l'auteur {Zool. CentralbL, xiii, 604, 1906). Die Ergebnisse
der experimentellen Lepidopterologie {Biol. CentralbL, xxiv, 1904, 615-63'f. [Contient une
bibliogr. et une mise au point de la question.]) — Weinland (E.). Vber die Stoffumset-
zungen wàhrend der Métamorphose der Flcischfliege (Callii)hoi'a vomiloria). — Veber die
Ausscheidung von Ammoniak durchdie Larven von Calliphora î/nrf iiber eine Beziehung
dieser Tatsache zu dem Enticicklungsstadium dieser Tiere (Z. B., xlvii, 1905). — Vanev
(C.) et Maigno.x (E.). Variations subies par la glycose, le glycogène, la graisse et les albu-
mines solubles au cours des métamorphoses du Ver à soie {C. R., cxl, H92-U95, 1280-1283,
1428, 1905). ï— Weinland. Veber dcn anaeroben {anoxybiotischen) Abschnitt der interme-
didren chemischen Prozesse in den Puppen von Calliphora {Z. JB.,xlviii, 1906; 87-140, li,
197, 1908] — BoGDANOw (E.). IJeber die Abhàngigkeit des Wachstums der Fliegenlarven
von Baktcrien und Fermenten... (A. P., 1908, Suppl. Band, 173-200), — [Voir aussi :
Phagocytose, Nutrilion, Respiration.]
MARCHAL
INTESTIN. — SOMMAIRE. - 1 ÉTUDE ANALYTIQUE DES PROCESSUS INTESTI-
NAUX. — 2' ÉTUDE SYNTHÉTIQUE DES PROCESSUS INTESTINAUX — 3' ANATOMIE
ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES DE L'INTESTIN.
L ÉTUDE ANALYTIQUE DES PROCESSUS INTESTINAUX.
1» Étude des sucs qui se déversent dans Tintestin grêle et de leurs actions
sur les aliments.
A) Suc pancréatique. — Obtention. — Composition. — Ferments. — Historique. — a) Amylase.
— La digestion aniylolytique. — Conditions d'activité de l'amylase. — Les électrolytes, la
réaction du milieu, la température, lois d'action de l'amylase. — b) La maltase. Conditions
d'activité, lois d'action. — c) La lactase. — d] La trypsine. — Inactivité' proléohjlique du
suc pancréatique pur. — Aclivation du suc pancréatique. 1° par le suc intestinal, la kinase de
l'intestin, sa préparation, sa généralité d'action, son origine, sa nature, son mode d'action sur
la trypsine. — 2° par les sels: action des divers sels, forme de l'activalion par les sels. Paral-
lèle entre l'activation par la kinase et par les sels. — La digestion tryptique. — Historique. —
La digestion trypiique étudiée par les produits de désintégration de l'albuinine. — Lois
d'actions de la trypsine sur les polypeptides. — Les produits de la digestion tryptique. —
Action de la trypsine sur les diverses albumines. — Conditions d'action de la trypsine, la
INTESTIN. 3S7
réaction du milieu. — Influence sur la irvpsine ili;s électrolytes, do la chaleur, de diverses
albumines, des ferments, des microbes, des antiseptiques. — Mesure de l'activité Injptique.
— Tubes de Mktt, cubes d'albumine, digestion de la caséine. Conductibilité clcclrique. Vis-
cosité. Réaction du biuret. Lois d'action. — e) Le ferment lab. — f) La lipase. — Histo-
rique. — Action de la lipase sur les graisses : éniulsion et saponification, action réversible de
la lipase. — Action de la lipase sur les divers éthers. — Conditions d'action de la lipase.
Action du milieu, de la tenii)ératurc, des électrolytes, de la bile. — Dosaf/e de la lipase. —
B) Le suc intestinal. — Ohtention du suc intestinal : Les fistules intestinales. — Rendement
des divers segments intestinaux. — Caractères cliimiques du suc intestinal. — Innervation
sécrétoirc de l'intestin. — Ferments intestinaux. (Kinasc: voir suc pancréatique). — 1° Amy-
lase. — 2" Maltase. — 3" Invertinc. — 4° Lactase. — "j" RalTinase. — ti" Tréhalase. —
7» Ferments des demi-cellilloses. — 8° Lipase. — 9» Érepsine de CoiiNnKiM. — 10° Nu-
cléase. — 11" Ferment lab. — 12" La mucinase. — 1.3» L'arginase. — C) Bile (voir
article Bile de ce Dictionnaire. — D) Microbes intestinaux. — Moment d'apparition dans le
tude digestif. — Répartition dans l'intestin. Quantités; variétés; digestions microbiennes. La
vie sans microbes.
2° La résorption intestinale dans l'intestin grêle.
A) L'Eau et les sels. — Expériences sur la résorption de l'eau et des sels; les théories : la
fdtration, la diffusion et l'osmose, théorie physique mixte, l'activité spécilique des cellules
intestinales. Voies d'absorption. — B ) Les substances solubles dans les corps gras. — C) Les
Graisses. — Tliéories de l'émulsion des graisses, de l'émulsion des acides gras, de la dissolu-
tion des graisses. Rôle primordial de la bile. — Phénomènes histologiques de la résorption des
graisses; remaniements des graisses par l'intestin. Voies d'absorption. — D) Les Albumines.
— Sous quelle forme le passage des substances azotées est-il possible dans le torrent circu-
latoire? Albumines naturelles, albumines et peptones, acides aminés. Sous quelles formes
l'administration des albumines est-elle susceptible de maintenir l'équilibre azoté? Albumines
naturelles, albumines et peptones, acides aminés. Sous quelle forme l'albumine passe-t-elle dans
le torrent circulatoire? Albumines, albumoses et peptones, acides aminés. — E) Les Hydrates
de Carbone. — Les monosacqjiarldes seuls sont susceptibles d'être résorbés directement.
Vitesse de résorption des divers hydrates de carbone. — F) Les Gaz. — G) Substances diverses.
3" Le gros intestin.
Sécrétions et ferments. — Résorption.
IL ÉTUDE SYNTHÉTIQUE DES PROCESSUS INTESTINAUX. — Coordination de l'apport gas-
trique et de la résorption intestinale. — Mécanisme complexe de cette coordination. Réflexes
acide gastrique et duodénal, distension intestinale, etc. — Mouvement du chyme dans l'in-
testin. — Coordination des activités des divers ferments intestinaux. — Antagonisme d'aetion
des divers ferments intestinaux. — Coordinations des sécrétions intestinales et de l'arrivée
du chyme dans Viiitestin : a) Suc 'pancréatique, théorie réflexe, théorie humorale, Sécré-
tine, préparation de la sécrétine, nature de la sécrétine, effets divers de l'injection de sécrc-
tine. — c) Bile. — d) Suc intestinal. — Le système nerveux, la sécrétine, les sels, les agents
divers. — Adapdation des sécrétions digestives à l'alimentation. — Suc pancréatique. Adapta-
tion extemporanée, à longue échéance, chez les animaux et cjiez l'homme. — Desquamation de
l'intestin et arrivée du chyme. — Sécrétion et résorption des ferments. — La toxicité du
contenu intestinal et le rôle protecteur de l'intestin. — La défense de l'organisme par l'intestin
et le foie. — Coordination des fonctions d'excrétion de l'intestin et des i-eins. — L'alimenta-
tion entérique et parenlérique. — Péristaltisme et sécrétions intestinales. Purgatifs. — Pro-
cédés indirects d'examen des sécrétions intesti7iales. — Augmentation des échanges pendant
la digestion. — Innervation de l'intestin (sécrétoire et vaso-motrice).
III. ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES. — Anatomie comparée. — Définition de l'in-
testin. — Élude de la cellule absorl/ante. — Structure de l'intestin. — Physiologie comparée.
— Variation de la forme de l'intestin et alimentation. — Variation des glandes annexielles
de l'intestin et alimentation. — Variations des divers ferments dans la série animale. — Diges-
tion cellulosique. — Voies d'absorption des graisses. — Respiration intest'inale.
DaiLS la physiologie de l'intestin nous envisagerons non seulement les processus qui
ont leur siège dans les tuniques intestinales, mais également ceux qui se passent dans
la lumière de l'inlestin; les premiers n'e'tant la plupart du temps que la suite naturelle
des seconds.
Division du sujet. — Comme les fonctions de l'intestin sont nombreuses et qu'elles
entrent pour la plupart presque simultanément en jeu, comme d'autre part elles diffè-
rent notablement chez les divers animaux, il nous a paru convenable d'en diviser l'étude
en trois chapitres distincts. Dans le premier nous étudierons isolément les divers pro-
cessus intestinaux, dans le second nous exposerons la coordination de ces processus, et
dans le troisième nous montrerons leurs variations dans la série animale.
388 INTESTIN.
i. — ETUDE ANALYTIQUE DES PROCESSUS INTESTINAUX.
Chez les vertébrés supérieurs le tractus intestinal se divise nettement en deux seg-
ments : l'intestin grêle et le gros intestin; les différences anatomiques et physiolo-
giques de ces segments sont tellement tranchées qu'il y a un grand intérêt à séparer
complètement l'étude des fonctions de l'intestin grêle et du gros intestin.
INTESTIN GRÊLE.
L'intestin grêle, dont nous aborderons tout d'abord l'étude, est le siège de deux phé-
nomènes principaux : l'aftlux de sucs digestifs qui vont modifier les aliments et la résorp-
tion intestinale qui portera sur les aliments ainsi modifiés : d'où une division toute
naturelle de l'étude de l'intestin grêle en : 1" étude des propriétés des sucs intestinaux;
2° étude des processus de la résorption.
I. — SUCS QUI SE DÉVERSENT DANS L'INTESTIN GRÊLE
ET ACTION DE CES SUCS SUR LES ALIMENTS.
Les sucs que l'on rencontre dans l'intestin grêle proviennent du pancréas, du foie,
de l'inteslin et des microbes intestinaux.
A. — SUC PANCRÉATIQUE
1° Obtention du suc pancréatique.
a) Parmacéï'ation de la glande. — Le moyen le plus usité autrefois pour obtenir du
suc pancréatique consistait à faire macérer du pancréas, soit frais, soit extrait de l'ani-
mal depuis 24 heures et mis dans de l'eau salée, dans de l'eau chloroformée, ou dans
de la glycérine. Cette technique, qui, en somme, ne donnait qu'un extrait pancréatique
où le suc pancréatique était naturellement très mêlé d'impuretés, était employé autre-
fois en raison des difficultés que l'on éprouvait à obtenir du suc de fistules. Les progrès
de la chirurgie moderne, qui ont permis de faire avec succès des fistules per^iianentes,
et les acquisitions récentes sur le mécanisme de la sécrétion pancréatique, nous permet-
tent aujourd'hui d'obtenir aisément du suc pur. Nous laisserons donc de côté la ques-
tion des extraits pancréatiques qui sera traitée à l'article Pancréas, pour ne nous occu-
per désormais que du suc pur de fistule, qui seul nous intéresse au point de vue de la
digestion intestinale.
b) Par fistule pancréatique temporaire. — Les anciens auteurs avaient tous signalé
que, chez les animaux auxquels on pratiquait une fistule temporaire, surtout sans
anesthésie préalable, la sécrétion pancréatique était très faible, l'animal fùt-il opéré en
pleine digestion (Claude Bernard).
Tout porte à croire que la sécrétion pancréatique est très sensible aux traumatismes
opératoires. Mais nous connaissons aujourd'hui des excitants de la sécrétion qui ren-
dent pratiquement sans inconvénients l'effet défavorable du traumatisme, de sorte que
grâce à eux nous pouvons obtenir du suc par fistules extemporaires.
Le procédé le meilleur consiste à injecter dans les veines de l'animal, opéré sous
l'aneslhésie, de lasécrétine qui, comme nous le verrons ultérieurement, est de la macé-
ration intestinale acidifiée, bouillie, neutralisée et filtrée : par l'injection de sécrétine
on obtient une sécrétion extrêmement abondante. Ce procédé est le plus employé dans
les laboratoires.
Par l'application d'acide chlorhydrique dilué sur la muqueuse duodénale on obtient
aussi, et par un processus analogue, comme nous le verrons, à celui de l'action de la
sécrétine, une très belle sécrétion. Mais ce procédé est peu employé à cause de son
incommodité relative.
Certaines substances enfin, comme la pilocarpine et les peptones, provoquent égale-
ment la sécrétion pancréatique; mais cette sécrétion est relativement peu abondante.
INTESTIN. 389
Un chien de 32 kilogrammes qui a vécu A i"> miniiles iPintci valles deux injeclions de
O''''',015 de chlorhydrate de pilocarpine ne sécréta, dans une cxpt'Tiencc de GleycI Camus,
que 17 centimètres cubes de suc, tandis que nous verrons au contraire que, grâce à la
sécrétine. on peut oI)tenir sur un animal de môme taille plusieurs centaines de centi-
mî'tres cubes de suc. De plus le suf do [)ilocarpinf n'a pas les caractères physiologiques
du suc de sr'cn'-tiue. l'our toutes ces raisons l'usage de la séciéline a prévalu pour
obtenir extemporair(Muerit du suc pancréatique.
ei Par fistule permanente. — Grâce aux progrès de la chirurf,'ie on sait maintenant
réaliser des lislules pcinianentes : la technique en sera décrite à l'article Pancréas.
Qu'il nous suffise de savoir que les animaux fistulisés survivent très longtemps si l'on
prend soin d'assécher les bords de la plaie avec une poudre absorbante et si on leur
fait ingérer du bicarbonate de soude pour prévenir cette cachexie spéciale décrite par
Pawlow chez les chiens fistulisés qui perdent leur suc. On a ainsi des animaux qui se
remettent rapidement du traumatisme opératoire et dont le pancréas sécrète régulière-
ment sous linlluence des repas (V. Pancréas).
2" Composition du suc pancréatique.
Les sucs pancréatiques physiologiques, tels qu'on les obtient par fistule permanente
au cours des repas ou encore par fistule temporaire à la suite d'injection de sécrétine
ou d'ingestion d'acide, ont sensiblement la même composition.
Le suc pancréatique est un liquide clair, transparent comme de l'eau, incolore et très
fluide : sa composition moyenne est indiquée dans le tableau suivant :
ZlLNVA. ScHUM. (ÏLiSSNKB.
(ironimoi. (Honiino).
Poids spécifique .. 1,0098 1,0075 1,007G
Point cryoscopique — 0,61 » — 0,46 0,51
Résidu sec 1,5 p. 100 l,a p. lOU 1,3 p. 100
Albumine 0,6 — 0,1 — 0,17 0,13 p. 100
Cendres 1,0 — 0,8.j — 0,56 0,7 —
Substances solubles dans l'alcool. » 0,56 — 0,51 0,42 —
Alcalinité en NaO H 0,49 — 0,45 —
D'après de Zilwa, une parlie des albumines est constituée par des imcléoprotéides;
Ps^ENCKi et SiEBEH out trouvé de la lécithine. Les cendres contiennent des chlorures, du
fer, du soufre el du phosphore. La chaux existe à l'état de traces (Pozerski).
Le sel le plus abondant semble être le carbonate de soude qui donne au suc pancréa-
tique sa forte alcalinité potentielle.
Il faut savoir que la composition chimique du suc pancréatique varie sensiblement
au cours de la sécrétion déterminée par des injeclions répétées de sécrétine et que le
suc pancréatique de pilocarpine est plus riche en résidu sec: 7,4 p. 100 (Gley), plus riche
en chaux : 0,024 p. 100 (Pozerski) et contient des leucocytes (Delezenne), etc.
Exemple :
Suc do sécrétine
Jt-Init. fin. Suc de pilocarpine.
Alcalinité en NaOH 12,4 9 5,5
Matières solides p. 100 2,25 l.'i 6,4
Cendres 1 I 1.3
(D'après DE Zilwa.)
3" Ferments pancréatiques.
Historique. — L'histoire des ferments pancréatiques est du plus haut intérêt doctri-
nal. La di';couverte des trois principaux ferments du suc pancréatique, à savoir l'amylase,
la trypsine, et la lipase, remonte à une époque comprise entre 183o et ISo'a.
Ce fut G. Valentin qui découvrit en 1844 l'amylase par la transformation de l'amidon
au contact d'extrait aqueux du pancréas; l'année suivante Hocchardat et Sandras con-
firmaient cette constatation. On crut longtemps que le produit de la tiansformation de
390 INTESTIN.
l'amidon par l'amylase pancréatique n'était que du glucose. Ce ne fut qu'à la suite des
recherches d'O. Sullivan sur l'extrait de niaJt que R. Mehing et Musgulos constatèrent
que le produit de la digestion pancréatique était surtout du mallose.
L'action du suc pancréatique sur les graisses est signalée en 1834 par Eberle qui
constate que le suc pancréatique e'mulsionne les graisses. Vers 1849 Cl. Bernard montre
de plus que le suc pancréatique saponille les substances grasses et que, si l'on examine
les chylifères d'un lapin en digestion, les chylifères ne sont blancs qu'ci partir de l'abou-
cliement des canaux pancréatiques dans l'intestin.
Par cette observation mémorable Cl, Bernakd mettait en évidence le rùie du suc
pancréatique, non seulement dans la digestion, mais aussi dans l'absorption des
graisses.
Ultérieurement Dastre complète ces constatations primordiales par une autre obser-
vation également de premier ordre. Chez des chiens dont on abouche le cholédoque au-
dessous du canal de Wirslng les chylifères ne deviennent blancs qu'à partir du nouvel
abouchement du cholédoque. Cette observation, complémentaire de celle de Cl. Bernard,
montre le rôle considérable de la bile dans la digestion des graisses.
Le rôle du suc pancréatique sur les albumines est signalé par Purklxje et Pappen-
HEiM en 1836, puis par Cl. Bernard en 1856. Mais les produits de cette action ne sont
bien étudiés que par KOhne h partir de 1867. Cet auteur crée pour le ferment protéoty-
tique du pancréas le terme de trypsine et montre les différences profondes qui séparent
la digestion Iryptique de la digestion peptique; la digestion trypti({ue donne des acides
aminés tandis que la digestion gastrique ne dépasse pas le stade pe[)tone.
Après les travaux de Iuhne, l'étude de la digestion tryptique se traîne péniblement
dans des questions de détails jusqu'au jour où Fischer, puis Fischer et Abderhalden re-
prennent l'étude de la digestion tryptique pour ainsi dire à j'envers. Tout d'abord ils
reconstituent des peptones de synthèse en combinant entre eux divers acides aminés; ces
peptones de synthèse ou polypeplides sont dédoublés par la trypsine alors qu'ils restent
inattaqués par la pepsine ; mais ils ne sont pas tous dédoublés par la trypsine ; le nom-
bre des acides aminés qui forment le polypeptide, la structure stéréochimique des poly-
peplides, la situation de certains acides aminés dans le groupement polypeptide rendent
le polypeptide attaquable ou non parla trypsine. Ces travaux ouvrent une voie nouvelle
sur le mécanisme d'action de la trypsine, et apportent une contribution de premier
ordre à la loi générale d'action des ferments.
Si nous envisageons maintenant non plus les phénomènes chimiques de la digestion
pancréatique, mais les conditions d'activité des ferments du pancréas, nous assistons à
un développement non moins intéressant de la question du suc pancréatique.
La première question soulevée dans cet ordre d'idées concerne l'état sous lequel
sont sécrétés les ferments. C'est à propos du suc pancréatique et notamment de la
trypsine qu'apparaît pour la première fois la question des prodiaslases et des diastases.
Heidenhain en ISIS avait. constaté que l'extrait glycérine du pancréas frais n'avait qu'une
faible activité proléolytique, tandis que l'extrait fait avec un pancréas extirpé depuis
24 heures était plus actif. D'où l'idée que le pancréas ne contenait qu'un ferment
inactif ou zymogène qui, sorti des cellules sécrétantes, se transformait en ferment
actif dans la lumière des canaux pancréatiques. Celte question de la transformation du
zymogène en zymase reste ensuite pendante jusqu'au jour où Pawlow montre l'acliva-
tion considérable delà trypsine pancréatique par le suc intestinal. Delezenne et Frouln
parachèvent cette grande découverte en montrant que le pancréas ne sécrète même
pas, comme le disait Pawlow, deux espèces de ferments, l'un actif, l'autre activable,
mais un seul ferment toujours inactif et activé physiologiquement par le suc intestinal.
L'activation de la trypsine avait donc un siège extra pancréatique, et non intra pancréa-
tique, comme on l'avait admis jusqu'alors.
A un certain point de vue la découverte de Tactivalion de la trypsine par le sucintes-
tinal détermina un léger recul dans les conceptions de l'activation de la trypsine. Hei-
denhain, pour des raisons reconnues d'ailleurs mauvaises, ne croyait pas à un mécanisme
spécifique de l'activation du suc pancréatique. Or Pawlow avait émis celte hypothèse
que le suc intestinal devait sa propriété activante à un ferment spécial qu'il appela
kinase, et si l'on ne resta pas longtemps spécifiste quant à l'origine de cette kinase, on
INTESTIN. 391
resta ilu moins (jueltiue IcnijKS élroili'rnent spétifiste sur la m'ccssiti'' de ce ItMineiil
kinasiijue pour activer la Irypsino.
("/est alors ijue, par des cousidérations purement lliéoriciues déduite des réactions des
colloïdes entre eux, Lauguh:» uks Kamckls pensa iiu'oii pourrait activer la trypsiue par
certains sels et certains colloïdes et réalisa la première aclivalion artilicielle. Dkke-
ZEN.NE ne tarda pas à simplilier cette question en rnontiunt que les sels suffisaient à
activer la trypsine et que le calcium ('-lail doué à cet égard de l'activité la plus forte.
Cette découverte de ractivalion d'un ferment par des sels eut sa répercussion dans
l'étude d'un autre ferment assez délaissé : l'amylase pancréatique. Ce ferment était
d'emblée sécrété sous sa forme active par le pancréas ; il semblait donc qu'il n'y eût rien
à en tirer au point de vue de l'élude de son activation. On savait, il est vrai, depuis
0. Sullivan, que l'adjonction de certains sels dans le fuilieu accélérait ou relardait la
digestion amyloly tique ; mais c'était là un fait banal signalé pour bien des ferments :
BiEKRV, Hemu et (jIaja montrèrent que le suc pancréatique dialyse perdait toute activité
amyiolytique et la récupérait par adjonction de sels et notamment de clilorures.
La seule mention de ces quelques faits montre l'orientation toute nouvelle de l'étude
des conditions d'activité des ferments.
L'étude des actions d'arrêt des ferments nous a apporté beaucoup moins de faits
que l'étude des actions activatrices. La notion de la résistance des albumines naturelles à
la digestion tryptique, signalée en passant par Claude ISeunard, s'est augmentée par les
travaux de Fermi d'un fait nouveau, à savoir (jue les albumines naturelle s empêchaient
l'action de la trypsine vis-à-vis d'une albumine cuite. Attribuée d'abord à un antiferment,
cette action est aujourd'hui considérée comme un phénomène physico-cliimique d'ad-
sorption. Mais nous n'en savons pas davantage; la question s'est pour ainsi dire butée
à l'impossibilité où nous sommes de disloquer cette combinaison d'adsorption.
1° Amylase. — L'amylase du suc pancréatique ressemble beaucoup à toutes les
amylases que nous connaissons; comme toutes les amylases, elle a la propriété de trans-
former l'amidon et le glycogène en maltose. L'étude des phénomènes chimiques de la
digestion amyiolytique ayant déjà été faite à l'article Ferments, nous renvoyons le lec-
teur à cet article pour cette question.
L'amylase du suc pancréatique est directement active, en ce sens qu'elle transforme
l'amidon sans l'aide d'une substance adjuvante, comme nous le verrons pour la trypsine.
En raison des conditions dans lesquelles s'opère la digestion intestinale, il est impor-
tant de connaître les conditions d'action de l'amylase. Beaucoup de renseignements que
nous donnerons sur cette question sont empruntés à des expériences faites avec les
amylases salivaires ou végétales, mais par des expériences de liaison noi;s savons que
les conditions d'action de toutes ces amylases sont les mêmes. 11 n'y a donc pas d'incon-
vénient à recourir à ces sources d'informations diverses.
rt) Influence des éleclrohjtcs.
La présence d'électrolytes est absolument indispensable pour que l'activité amyio-
lytique puisse se manifester. Henhi, Bierry et Gia.ia ont vu que le suc pancréatique, dia-
lyse jusqu'à ce que la conductivilé électrique fût ^voisine de celle d'une eau distillée
ordinaire, perd tout pouvoir amyiolytique. D'après ces auteurs ce pouvoir lui est à
nouveau restitué si le ferment est additionné d'électrolytes, parmi lesquels les plus effi-
caces sont les chlorures, les bromuies, puis lesiodures, quel qu'en soit le métal, à la con-
dition naturellement qu'il ne s'agisse pas d'un métal lourd; les sulfates, les oxalates,
les carbonates et les phosphates au contraire sont sans elTets. Les expériences qui
montrent le rôle des électrolytes sur l'activation de l'amylase sont particulièrement
intéressantes en ce qu'elles révèlent que l'action des électrolytes est fonction de leur
radical acide et que ce radical acide doit être monovalent pour être efficace.
La présence d'électrolytes en quantité suffisante dans le milieu est, de plus, nécessaire
pour donner à l'amylase son maximum d'activité; c'est ce qu'avaient déjà vu Coole
Sydney, Grutzner et Wacusmann. Coole Sydney avait constaté que la salive dialysée
incomplètement devenait moins active. Grutzner et Wacusmann qui étudièrent l'acti-
vation maxima de l'amylase par les sels ont établi l'activité maxima avec les divers
sels à diverses concentrations.
39 ">
INTESTIN.
Des recherches de ces divers auteurs il résulte que l'activité de l'amylase, qui est à
peu près nulle dans un milieu dépourvu d'électrolytes (amylase dialysée, amidon dia-
lyse, eau distillée) acquiert rapidement une activité maxima lorsque la teneur du sel
dans le milieu est d'environ 1 p. 1000 à NaCl, mais à la condition que le milieu soit
convenablement acidifié. La question des électrolytes, importante au point de vue théo-
rique, ne soulève donc pratiquement aucune difficulté par le dosage de l'amylase,
6. Bcaction du milieu.
La réaction optimum des milieux pour la digestion amylolytique est une réaction très
légèrement acide, et il n'est pas indifférent d'autre part que l'acidité soit réalisée par tel
ou tel acide. La question de réaction du milieu, contrairement à la question des électro-
lytes, est pour le dosage pratique de l'amylase d'une importance capitale.
L'intluence de la nature de l'acide étant la mieux connue nous l'exposons d'abord.
P. GrCtzner, qui a fait à cet égard des études précises, range les acides au point de
vue de leurs propriétés activantes dans l'ordre suivant : HCl; C-H^OOH ; SO'^H^. Le
graphique ci-joint montrera mieux que toute explication l'allure de ces activations.
\
/
-^ ^
_\
/ /
x? \
"--?-^'«,e«,_
^\
~~^~--<ïe.
1
1600
1
600
X
frOO
200
FiG. 72. — Activation de l'amylase par les acides, d après Grutzner (A. g. P.. xci. 1902, 195)
Le degré d'acidité qui active au mieux l'amylase a fait l'objet de nombreuses dis-
cussions. Il semble que les malentendus qui régnent encore sur ce point reconnaissaient
deux causes différentes.
Tout d'abord, beaucoup d'auteurs ont, opéré sur de \a. salive ou du suc pancréatique
naturel. Or il va de soi que l'acide ajouté à ces sucs va d'abord neutraliser l'alcali de
ces sucs et que l'acidité restante en sera d'autant diminuée. Pour éviter cette cause
d'erreur il faut opérer sur des sucs dialyses, comme l'a fait Coole Sydney. D'après cet
auteur, dont les expériences doivent donc faire foi pour la raison que nous venons de
dire, l'activité de l'amylase a son optimum dans un milieu oîi l'acidité exprimée en HCl
est environ de 0,01 p. 100: une acidité de 0,02 p. 100 arrête déjà l'activité amylolytique.
Encore ces valeurs ne doivent-elles pas être considérées comme absolues, car l'amidon
absorbe un peu d'acide.
En second lieu — et c'est là une lacune qu'on trouve dans toute les expériences, — la
concentration en ferment du milieu a une influence énorme sur l'activabilité du fer-
ment par l'acidité. L'amidon est activement digéré par du suc pancréatique pur dont
l'alcalinité en CO^ Na' est de 1/10 normale. Or si, au lieu d'opérer avec du suc pan-
créatique pur, nous opérons avec du suc pancréatique dilué mille fois, toute digestion
cesse absolument dans un milieu dont l'alcalinité est la même, l'activité ne se manifeste
plus que dans le milieu ayant l'acidité mentionnée par Coole Sydney, et il est bon
d'ajouter qu'elle y est encore considérable.
Par conséquent dire que l'activité de l'amylase est à son optimum dans un milieu
d'acidité donné n'a de signification que si la concentration du ferment est connue.
Ce dernier fait semble général pour tous les ferments : pepsine, trypsine, etc., mais il
est particulièrement facile de le mettre en évidence à propos de l'amylase. Il peut se
INTESTIN. 393
généraliser en ces termes : la réaclioii dit milieu n'a (l'importance qu'en fonction de la
concentration du ferment.
Au point de vue prtitinuc, il faut remarquer que racLivilé de lainyluse par l'acide
suit une courbe avec un plateau assez étendu où l'activité reste maxima malgré des
variations d'acidité assez marquée. Par exemple, si la digestion est opérée sans acide
et que l'acliviié égale I, l'aclivilé sera 20 avec une acidilicalion du milieu de 0,012 p. 100
HCl, elle sera de 10 avec une acidilicalion de 0,024 et de 0 pour une acidification de
0,030 p. 100. Il y a donc un plateau aux environs de l'acidité 0,018 p. 100, et, pratique-
ment, pour doser l'ainylase dans les conditions d'activité maxima, il ne sera pas néces-
saire de faire des digestions dans des milieux d'acidité progressivement croissante, il
suffira de choisir d'emblée une acidité de 0,018 p. 100 en HCl pour être assuré qu'on
est dans la zone d'activité optima.
c) Action de la température. — L'amylase pancréatique perd rapidement son activité
à 65°. D'après Bikurv, elle conserve très longtemps son activité à 37°, si le suc pancréa-
tique n"a pas été modifié par des manipulations.
Par contre, le suc pancréatiijue acidifié, puis neutralisé, perd son activité en vingt-
quatre heures, à la température de 40°; il ne reste plus capable que de transformer
l'amidon en dextrines, et ne peut plus pousser l'hydrolyse jusqu'au stade mallose.
Enfin, le suc pancréatique légèrement acidifié, dont l'amylase est ainsi activée au maxi-
mum, perd en quelques heures, à 40°, définitivement toute activité (Bikrry).
d) Lois d'action de l'amylase. 1° La quantité de ferment étant constante, la concentra-
tion initiale de l'amidon est variable. — V. Henri et, ultérieurement, M. Philociie ont
montré que la quantité d'amidon hydrolisé est d'autant plus forte que la concentration
initiale de l'amidon est plus grande, tant que la concentration de l'amidon ne dépasse pas
3 p. iOO\ à partir de cette concentration, la quantité de sucre n'augmente pas. Voici
un exemple tiré de l'étude de M. Philoche '.
La diastase employée est la diastase absolue de Merck, en concentration
à 1 p. 50 000.
Concentration
do l'amidon.
Amidon transformé
p. lÛO.
en maltose au bout de 60'.
1
0,240
1 1/2
0,300
2
0,338
2 1/2
0,397
3
0,397
2° La quantité d'amidon étant fixe, la concentration du ferment varie. — Dans l'unité de
temps, la quantité de sucre formée est proportionnelle à la quantité de diastase pour des
concentrations de diastase très faibles (en pratique, pour des concentrations en ferments,
qui hydrolysent une proportion inférieure à 10 p. 100 de l'amidon dans la première
heure de la digestion).
Exemple tiré du travail de M. Philoche*.
La concentration en amidon égale 2 p. 100.
Rapport de la quantité
.Al
midoi
n transformé
de maltose formée
en
maltose
et de la concentration
Titre do la diastase.
en
24 heures.
du milieu en ferments
1 — 1 000 000
0,08
0.8
1— 800 000
0,12
1,0
\ — rm 000
0,20
1,0
1— 200 000
0,50
1,0
Pour des concentrations de ferments supérieures, le « rendement » du ferment
décroit rapidement avec la concentration du ferment.
1. Toutes les digestions étaient effectuées à 39°.
394 INTESTIN.
Exemple tire' du travail de M. Philociie.
Amidon, 2 p. 400.
Proportion d'amidon
Kajtport
Concenlraliun
transforme en
de la maltoso formée
du ferment.
maltoso en 30'.
1>. 100 d'empois.
et de l'amylasc.
1 — 25 000
0,26
0,65
1 — oO 000
0,18
0,9.5
1—75 000
0,14
l,0o
3» Les concentralions d'amidon et de ferments^ étant identiques dans toutes les expé-
riences, on considère la quantité de sucre formé après des temps de digestion variables. —
La quantité d'amidon hydrolysée dans l'unité de temps décroît très rapidement à
mesure que l'on s'éloigne du début de la digestion, lorsque la concentration du ferment
est telle qu'il y a plus de 10 p. 100 d'amidon hydrolyse dans la première heure.
Exemple tiré du travail de M. Philocue.
Concentration de la diastase à 1 p. 50 000 :
Amidon 3 p.
]00.
Maltoso formée.
Durée de 1^ digestion.
p. 100 d'empois.
3'
0,24
12'
0,33
19-
0,42
2T
0,48
40'
0,o4
4" Action comparée de Vamylase sur l'amidon et le glycogène. — M. Puilociie a
montré que cette action didôre par deux faits principaux :
1" L'amylase hydrolyse beaucoup plus difficilement le glycogène que l'amidon;
toutes choses étant égales d'ailleurs.
Une hydrolyse du glycogène au taux de 0,70 p. 100 en 92 minutes n'est obtenue
qu'avec une concentration de diastase de 1 p. i 300, tandis qu'une hydrolyse de l'amidon
de 0,74 p. 100 en 90 minutes est obtenue avec une concentration de ferment à 1 p. 25 000,
c'est-à-dire dix-neuf fois plus faible;
2» I/hydrolyse du glycogène s'arrête rapidement et presque complètement lorsqu'une
notable partie dn glycogène est transformée, et alors même que la concentration en
diastase est considérable : au contraire, la digestion de l'amidon se fait complètement
même avec des concentrations de diastase relativement faibles.
Voici, à titre comparatif, deux digestions où le glycogène et l'amidon ont même
concentration, mais où la diastase est à 1 p. 50 pour la digestion du glycogène, et-
à 1 p. 25 000 pour la digestion de l'amidon.
Diastase 1 : 50.
Glycogène 2 p. 100.
Glycogène
Temps.
transformé.
30'
1,2.0
170'
1,33
26 heure?.
1,80
Diastase 1 : 25 000.
Amidon 2 p. 100.
Amidon
Temps.
transformé.
345'
1,80
540'
1,98
Comparaison des lois d'action des diverses amylases. — Les lois d'action sont identiques,,
d'après M. Philoche, pour la diastase absolue de Merck, et la diastase T.ak.a ; d'après des
expériences, il est vrai, incomplètes, il semble que ces lois se retrouvent dans l'action
des autres amylases des sucs salivaire, pancréatique et intestinal. L'amylase du suc
pancréatique présente donc des lois d'action analogues à celle des autres amylases.
Concentration relative en amylase du suc pancréatique et des autres sucs digestifs. —
Les expériences instituées aux fins d'élucider cette question consistent toutes
à mesurer la quantité de sucre qui réduit la liqueur de Fehli.xg dans des digestions-
INTESTIN. 395
comparatives d'amidon par le suc gastrique, le suc intestinal, le suc saljvaire, le sérum,
l'urine, etc. Ils n'expriment donc pas seulement l'activité amylolytique, mais bien l'acti-
vité amylomaltolytique des sucs; car, dans tous ces liquides, la maltase coexiste avec
l'amylaee. Sous réserve de celte cause d'erreur, d'ailleurs minime, l'activité hydrolysante
de ces diverses humeurs, en prenant comme étalon une salive moyenne d'homme sain,
est, d'après nos expériences, la suivante :
Salive 1,00
Suc intestinal. . . . 0,10
Suc pancréatique . . 50,00
Sérum 0,01
IJi-ine 0,01
D'où il ressort que l'activité amylolytique du suc pancréatique est au moins cinq
fois plus forte que l'humeur qui vient immédiatement après lui comme conceutratioa
en amylase, c'est-à-dire la salive.
Action spécifique de l'amylase pancréatique. — Nous savons que l'amylase dédouble
l'amidon et le glycogène, et nous avons vu que l'amylase végétale est beaucoup moins
active sur le glycogène que sur l'amidon. M. Philoche a constaté que l'amylase du suc
pancréatique se distinguait de l'amylase végétale par une activité beaucoup plus mar-
quée que celle de l'amylase végétale vis-à-vis du glycogène.
Exemple : Suc pancréatique frais, 4 cmc. p. 100.
Amidon 2 p.
100.
Gb-
cogone 2 p, 100.
Quantité
Quantité
Durée.
de maltose,
de maltose.
60'
1,40
0,84
90'
1,48
0,90
2" Maltase. — Des expériences anciennes de V. Mering et Musculus avaient montré
que l'extrait de pancréas était susceptible de transformer l'amidon en glucose. Ces
extraits contenaient donc une maltase. La maltase a été surtout étudiée par Bourquelot,
qui a montré que ce ferment était très répandu dans l'organisme, plus abondant dans
l'extrait intestinal que dans l'extrait pancréatique, et qu'il devait exister dans le sang.
Contrairement à ce que nous avons constaté pour l'amylase, la maltase pancréatique
semble très peu active dans le suc pancréatique pur. Mais Biebry et Terrolne ont montré
que, pour donner au suc pancréatique une activité maltolytique marquée, il suffisait
de l'acidifier légèrement.
a) Lois d'action de Vamylase. — Aijisi que le fait remarquer Victor Henri, l'intérêt
essentiel de l'étude comparée des fermentations maltolytiques et amylolytiques réside
en ce fait que l'amylase agit sur des colloïdes (amidon et dextrine, glycogène), tandis
que la maltase hydrolyse des cristalloïdes (maltose).
On pouvait donc se demander si les lois d'action des deux ferments ne seraient pas
différentes, puisque les deux ferments n'agissent pas dans le même milieu : l'amylase
agissant en milieu colloïdal, et la maltase dans une solution vraie. Les faits essenliels^
concernant les lois d'action de la maltase sont empruntés encore au travail de M. Phi-
loche.
1» La quantité de ferment étant constante, la concentration initiale du maltose varie. —
Les faits sont à peu près identiques à ceux que nous avons relatés pour l'amidon dans
la digestion amylolytique.
Pour des concentrations vai iaiit entre G et 2 p. 100 de maltose, la quantité de glucose
augmente avec la concentration initiale du maltose.
Entre des concentrations comprises de 2 à 8 p. 100 de maltose, la quantité de glu-
cose formée ne varie presque plus.
Expérience de M. Piiilooue. Maltose T.\ka, 1 p. 500.
Durée. Maltose 2 p. 100. 4 p. 100. 6 j). 100 8 p. 100.
50' 0,36 0,39 0,39 0,40
112' 0.85 0,80 0.89 0,96
896 INTESTIN.
La quantité de maltose étant constanle, la quantité de ferment est variable.
M. Philoche conclut de ces expériences que la vitesse de la réaction est proportion-
nelle à la quantité de ferment. Voici un extrait de ces expériences :
Maltasc 11000. 1/500 1/100.
Maliose liydrolysée.
Durëc. • -^^^^^— ——^ ^ —
10 heures 0,07 0,22 0,76
Voici, en efTet, trois résultats assez homof^ènes. Les quantités de glucose formées
sont de 1,3, 10 correspondant à des concentrations de ferments égales à 1, 2, 10,
variant dans de larges limites.
Mais remarquons immédiatement que dans toutes ces digestions l'hydrolyse est lente.
Nous sommes donc dans le cas de concentrations faibles de ferments que nous avons
vues pour l'amylase déterminer des digestions proportionnelles à la concentration du
ferment.
Les concentrations de maltase étant constantes, on comidèrc la quantité de i/lucose formée
en fonction du temps.
Voici une expérience de M. PiiiLociii; :
\
Maltose 6 p.
100.
Mi
iltase à 1 p. 100.
Durée.
Mu
iltose liyilrolysée.
heures.
1
0.09
o
0,19
3
0,30
4
0,37
6
0,54
8
0.71
10
0,7G
L'expérience montre une proportionnalité directe très remarquable entre la quantité
de glucose formée et les temps de digestion durant les huit premières heures de la
digestion.
Cette proportionnalité est le fait de deux fadeurs: le premier, c'est que la concen-
tration du ferment est relativement faible, puisqu'elle hydrolyse moins du dixième de
la maltose en 1 heure, le deuxième c'est que, ainsi que Philoche La montré directe-
ment, les produits de dédoublement de la maltose, à savoir la glucose, sont peu empê-
chants vis-à-vis de la maltase.
Activité relative de la inaltase pancréatique et de la maltase des autres tissus. —
Contrairement à ce que nous avons vu à propos de l'amylase, à savoir que l'amylase pan-
créatique est incomparablement plus active que l'amylase de tous les autres tissus, la
maltase pancréatique est moins active que la maltase de beaucoup d'autres tissus.
Shore et Tebb ont trouvé la maltase la plus active dans l'intestin grêle du porc. Ce
fait a été confirmé par Bourquelot. H.\MnLRGER, de son côté, trouve que la maltase du
sang est plus active que celle de la sécrétion pancréatique.
3° Lactase. — La découverte de la lactase est récente; elle fut trouvée en 1889 par
Beyeri.xck dans le Saccharomyces Kéfir. Dastre, qui le premier a étudié la lactose dans le
règne animal, n'en constate pas la présence dans le suc pancréatique. On admit, d'après
les conclusions de cet auteur, confirmées par les travaux de V. Fischer et Wiebel. et
Portier, que le suc pancréatique ne contient pas de lactase, jusqu'à ce que Wei>l.\nd
annonçât que le pancréas des animaux nourris au lait renfermait un ferment susceptible
de dédoubler la lactose. D'après ce dernier auteur, le pancréas, qui normalement ne
sécrète pas de lactase, <.< s'adapterait » à une alimentation lactée en produisant de la
lactase.
BiERRY et Gruv-Sal.xz.^r reproduisent l'expérience de Weinland; mais ne constatent
aucune formation de lactase pancréatique. Ils montrent que les procédés employés par
Wei.nland pour identifier les produits d'hydrolyse delà lactose sont inexacts.
INTESTIN. 397
A. Plimmers à son tour, en recherchant le galactose par une technique précise, con-
state que le pancréas ne forme pas de lactase chez les animaux nourris au lait.
D'où il semble résulter (jue, dans aucun cas, ni normalement, ni exceptionnellement
le pancréas ne sécrète de lactasie.
4" Trypsine. — La trypsine est un ferment qui dédouble les albuminoïdes. II se dis-
tingue du ferment proléolytique de l'estomac en ce qu'il dédouble rapidement les albu-
mines jusqu'au stade des acides aminés, tandis que la pepsine ne dépasse pas le stade
des peptones; d'autre part, la réaction optima du milieu dans laquelle s'opère la di-
gestion tryptique dillùre aussi très nettement de la réaction optima du milieu oîi s'opère
la digestion peptique. Selon les concentrations de pepsine, la digestion peptique s'elïec-
tue au mieux dans des concentrations de HCl allant de 2 à 6 p. 1 000. Or il n'est pas
d'éventualités possibles dans lesquelles on ait pu constater une digestion tryptique
s'efîectuant dans un milieu oii la concentration de HCl dépasse 0,1) p. 100. Dans le même
ordre d'idées la digestion peptique est à peu près nulle en un milieu où HCl est à 0,5
p. 1000 tandis que la digestion tryptique est très active en milieu neutre.
La trypsine peut donc être définie comme un ferment protéolytique agissant dans
un milieu voisin de la neutralité et dédoublant rapidement les albumines jusqu'aux
stades acides aminés.
1" Inactivité protéolytique du suc pancréatique pur.
La question de l'inactivité primitive de la trypsine pancréatique fut soulevée en 1876
par Heidenhain à propos de la constatation suivante. De l'extrait de pancréas frais n'a
pas d'activité proléolytique; l'extrait de pancréas extirpé depuis 24 heures de l'orga-
nisme en possède au contraire une considérable. Le pancréas contient donc un ferment
qui ne devient actif que secondairement, à la suite d'une moditication intrinsèque de la
glande. Il est évident que les phénomènes, d'ailleurs inconnus, qui s'accomplissent dans
cette transformation de la glande extirpée de l'animal et abandonnée à l'air ne pou-
vaient être invoqués pour expliquer i'activation physiologique de la trypsine. Schiff et
Herzen émirent alors l'hypothèse que c'était à la rate qu'était dévolu ce pouvoir acti-
vant. D'après ces auteurs, la rate lançait dans la circulation des produits qui au niveau
du pancréas transformaient le zymogène enzymase. Entre autres démonstrations de cette
hypothèse, Schiff et Herzen signalaient que l'extrait frais de pancréas additionné
d'extrait de rate était légèrement plus protéolytique que l'extrait frais de pancréas
seul. L'activalion exercée ainsi par l'extrait de rate était faible, et ne convainquit per-
sonne ; mais néanmoins elle inspira à certains auteurs l'idée d'isoler in vivo cette action
hypothétique de la rate. Carvallo et Pachon se proposèrent dans ce but de rechercher
ce que devenait la digestion des albumines, lorsque sur des animaux agastres, c'est-à-
dire privés de leur digestion peptique, on venait à supprimer la rate.
La question en était là, lorsque les nouvelles découvertes de Pawlow et de ses élèves
vinrent montrer que I'activation du suc pancréatique se faisait en dehors du pancréas
.par le suc inteslinal. Dès lors, la remarque de Heidenhain, tout en restant intéressante
comme fait, perdait beaucoup de son intérêt au point de vue physiologique proprement
dit et l'hypothèse de Schiff-IIerze.x devait être abandonnée, quoiqu'il ne soit pas impos-
sible, comme nous le verrons ultérieurement, que son opportunité puisse être à nou-
veau envisagée, mais dans un tout autre ordre d'idées, que celui qu'avaient développé
ces auteurs.
Les découvertes par lesquelles Pawlow modifia nos conceptions sur I'activation de la
trypsine découlent entièrement de la nouvelle technique qu'apporta ce physiologiste dans
l'étude des ferments pancréatiques. Au lieu d'utiliser des extraits pancréatiques, Pawlow
utilisa du suc de fistule, et l'expérience ne tarda pas à lui démontrer que ces deux pro-
duits étaient d'activités bien difîérentes.
Dans une première série d'expériences, Pawlow et Cuepovalnmkoff constatèrent que
le suc de fistule était à peu près inactif. Mais bientôt après ils ne tardèrent pas à établir
que ce suc inactif devenait extrêmement actif après son mélange avec du suc intestinal.
^98 INTESTIN.
Pawlûw désigna du terme d'entcrokinasc la substance activante du suc intestinal, et la
considt'ia comme étant ' un ferment de ferment ». Par ces résultats il ne pouvait
plus faire de doute que le suc intestinal était l'activant physiologique du suc pan-
créatique.
Mais, si, d'apn'^s PA\vLow,le suc pancréatique était peu actif, il n'était cependant pas
complètement inactif, et, dans l'opinion de cet auteur, le pancréas sécrétait le ferment
sous deux états différents: un zymogène et une zymase.
La démonstration que le pancréas ne sécrète qu'un zymogène pur, pour employer
l'expression conventionnelle, fut faite en 1902 par Delezkn.ne et Frouin.
La technique de I'awlow, qui constituait un perfectionnement considérable dans
l'étude de la trypsine, n'était point parfaite. L'auteur recueillait le suc dans un enton-
noir en le laissant couler sur l'orifice de la fistule qui était constituée par une rondelle
de duodénum.
Étant donnée l'extrême activité du suc intestinal, il était admissible que la sécrétion
de cette rondelle duodénale vînt modifier les qualités du suc pancréatique en se mêlant
à lui. C'est ce que démontrèrent nettement Delezenne et Frouin en constatant que le
suc prélevé au moyen d'une canule introduite dans le canal de Wmsuxr. était absolu-
ment inactif sur les cubes d'albumine, tandis que ce même suc, recueilli selon la tech-
nique de Pawlow, était légèrement actif.
Ces auteurs montrèrent de plus que l'inactivité du suc pancréatique recueilli au
moyen d'une canule restait complète au cours des repas les plus divers, contrairement
à l'opinion de Pawi.ow qui avait essayé d'établir, sur les faibles variations d'activité
immédiate de la trypsine, une théorie de l'adaptation du suc à la qualité des aliments.
Enfin ils virent encore que le suc de sécrétine était aussi inactif que le suc provoqué
par un repas d'épreuve. On conçoit toute l'importance pratique de celte dernière
remarque pour la commodité de l'étude physiologique de la trypsine.
De ce qu'un suc de sécrétine ou de repas d'épreuve soit inactif, s'il est recueilli au
moyen d'une canule et surtout si l'on a soin de rejeter les premières gouttes qui
s'écoulent, il ne s'ensuit nullement que les sucs obtenus par d'autres procédés soient
également inactifs. Glev et Camus, qui ont fait du suc de pilocarpine et de peptone une
étude particulière, ont signalé que ces sucs sont toujours actifs, quelque soin que l'on
apporte à leur récolte. Faut-il expliquer cette aclivation intrapancréatique du suc par
la présence de leucocytes dans le suc (Delezenne) ou la surabondance de sels de chaux
signalés dans ces sucs par Pozerski? C'est là une question qui aura sa place naturelle
dans l'étude du mécanisme de l'activation de la trypsine. Mais on conçoit, sans insister
davantage, que l'activité immédiate du suc de pilocarpine ne saurait entamer la doctrine
de l'inactivité absolue du suc pancréatique physiologique bien établie d'abord par
Delezen.ne et Frouin sur les chiens, puis confirmée par de nombreux auteurs chez le
même animal et étendue aujourd'hui à d'autres nimaux, notamment aux bovidés par
Delezen.ne et Frouin, et à l'homme par Hamrurger et Gl.essner.
2" Activation du suc pancréatique.
L'activation physiologique du suc pancréatique, qui parait se faire essentiellement
par le suc intestinal, peut cependant reconnaître un second mécanisme, à savoir : une
activation par les sels. Tout porte à admettre que cette dernière activation doit aussi
se produire physiologiquement, quoique son importance soit certainement moins grande
que celle de l'activation par le suc intestinal. Ce genre d'activation spécial présente
le très grand ititérêt de nous offrir un nouveau moyen d'étude de l'activation du suc
pancréatique. Il est donc légitime de lui accorder une place assez importante, et d'étu-
dier, après l'activation par le suc intestinal, l'activation par les sels.
a) Activation par le suc intestinal : entérohinase .
Obtention de la kinase. — La substance activante du suc intestinal, entérokinase
de Pawlow, peut être obtenue par différents procédés.
\
INTESTIN. 399
On peut utiliser comme liquide kinasique le suc intestinal lui-même obtenu par une
fistule intestinale (proct'di' primitif de Pawlow).
On peut encore utiliser une mac(''ration aqueuse de muqueuse intestinale en ayant
soin d'ajouter un antiseptique au liquide de macération pour éviter la putréfaction.
Enfin, pour conserver de la kinase, on peut précipiter par l'alcool l'extrait aqueux
de muqueuse; le précipité contient la majeure partie de la kinase. Ou bien encore,
pour obtenir des produits plus actifs, on peut extraire la kinase par les nucléoprotéides
de la muqueuse intestinale avec le procédé deSTAssANO et Billon, qui est le suivant. Une
macération aqueuse de muqueuse intestinale faite dans de l'eau additionnée de 2 à
3 p. 100 de carbonate de soude ipour dissoudre les nucléoprotéides) et de 1 à 2 p. 100
de chloroforme, est neutralisée au bout de vingt-quatre heures par de l'acide acétique,
les nucléoalbumines seules précipitent en entraînant à peu près toute la kinase. On évite
ainsi de mêler la kinase aux globulines, et le produit est extrêmement actif. Desséché,
il se conserve bien. Pour activer le suc pancréatique, il suffit de triturer une très petite
quantité de cette poudre avec le suc pancréatique.
Généralité d'action et origine de la kinase. — La kinase semble être une substance acti-
vante très répandue dans le règne animal. Dkleze.nne a trouvé de la kinase chez tous
les vertébrés qu'il lui a été donné d'étudier à cet égard : ce fait a été confirmé, notam-
ment pour l'homme, par Gl-essneh, Hamburger, etc.
La kinase ne semble pas avoir de spécificité, en ce sens que la kinase de n'importe
quel animal est susceptible d'activer le suc pancréatique de n'importe quel autre
animal.
La distribution de la kinase dans l'intestin paraît avoir des limites précises. — Chepo-
"WALMKoiF, dont les observations ont été confirmées par Delezenne et Frouin, a vu que, si
le suc duodéno-jejunal était très activant, le suc iléal par contre était dénué de toute
activité.
L'origine de la kinase a fait l'objet de nombreux travaux de la part de Delezenne et
■de ses collaborateurs, de Bayliss et Starling, et de Gley et Camus.
Pour Delezenne la kinase a son origine dans les leucocytes de l'intestin. L'idée de
cette hypothèse lui fut suggérée par les constatations suivantes :
Au cours d'études sur le suc pancréatique chez les reptiles, les batraciens et les
poissons, Delezenne, vu l'impossibilité d'obtenir du suc pancréatique pur chez les ani-
maux, s'était servi de macérations pancréatiques : les unes faites dans de l'eau chloro-
formée, les autres dans de l'eau iluorurée à 2 p. 100. En comparant l'activité tryptique
immédiate de ces deux extraits, l'auteur avait constaté ce fait singulier que l'extrait
chloroformique était actif, tandis que l'exli-ait fiuoruré était inacLif et ne devenait actif
que par addition de kinase.
Étant donné que le chloroforme est leucolytique et le fluorure leucofîxateur,
Delezenne se demanda si l'activité de l'extrait chloroformique n'était pas due à la
destruction des leucocytes et l'inactivité de l'extrait fluorure à leur intégrité.
En faveur de cette hypothèse, Delezenne relate successivement les constatations sui-
vantes. Les plaques de Pever sont les parties les plus riches en kinase de la muqueuse
intestinale, et l'extrait de ganglions est lui-même activant. En provoquant dans une
région quelconque de l'organisme un abcès aseptique par injection de térébenthine,
d'albumine, de gluten caséine, etc., on obtient un pus très kinasant, que l'abcès soit
développé sous la peau, dans la plèvre ou dans le péritoine. Enûn Delezenne, ayant
remarqué que l'injection de pilocarpine détermine une émission abondante de leuco-
cytes dans l'urine, constate que cette urine riche en leucocytes est kinasante, qu'elle
perd toute activité si on centrifuge i^apidement les globules blancs et que l'activité kina-
sique reste dans les leucocytes.
Il n'est pas sans intérêt d'ajouter ici qu'au cours de l'injection de sécrétine qui pro-
voque une abondante sécrétion intestinale riche en kinase, le duodénum est le siège
d'une infiltration leucocytaire considérable avec prédominance d'éosinophiles. L'activité
de la rate semble très exaltée dans ce processus, et Slmon, Aubertin et Ambard ont même
signalé une transformation myéloïde de la rate avec éosinophilie chez des chiens
sacrifiés après avoir reçu plusieurs injections de sécrétine.
Il y a là un fait qui s'accorde bien avec l'hypothèse de Delezenne, et qui est peut-
400 INTESTIN.
être de nature à réhabiliter aussi, dans une certaine mesure, l'hypothèse de Schiff-
Herzen toucliant le rôk- de la rate. Il se pourrait que la leucocytose intestinale à type
éosinophile eût sa source principale dans le dépôt leucocytaire de la rate. Dans cette
mesure seule, l'hypothèse de Schiff-IIerze.n serait exacte, mais elle resterait fausse
dans ses autres parties, ix savoir que la rute est indispensable pour activer le suc pan-
créatique. Frooin a démontré directement, d'ailleurs, que des animaux dératés sécrètent
une kinase active. Par conséquent, si la rate intervient dans l'activation du suc pan-
créatique, son rôle est facilement suppléé par d'autres organes; si ce rôle de la rate
consiste à déterminer dans le duodénum une certaine leucocytose, ce phénomène est
aisément réalisé par le reste de lappareil hématopoiélique.
L'hypothèse de l'origine leucocytaire de la kinase a été confirmée par Stassano et
BiLLON, qui ont activé du suc pancréatique par des leucocytes d'un abcès provoqué dans
le péritoine d'un cobaye par une injection d'émulsion de lécithine.
Par contre Bayliss et Starling ne sont pas partisans de l'origine leucocytaire de la
kinase. Gley et Camus ne purent activer du suc pancréatique avec le culot de cenlrifu-
gation de la lymphe, à raison de un demi-centimètre de culot pour un centimètre cube
de suc, alors même qu'ils avaient préalablement lavé les leucocytes dans de l'eau salée
physiologique pour les débarrasser du plasma, ijui, on le sait, annihile l'effet de la
kinase.
Évidente pour Delezenne, Stassano et Billon, Torigine leucocytaire de la kinase est
donc rejetée par Bavliss et Starling, Gley et Camus (jui pensent <|ue la kinase est un
produit des glandes intestinales.
En dehors des leucocytes ou des glandes intestinales, la kinase peut-elle avoir encore
une autre origine?
La source de kinase la mieux identifiée à cet égard est la flore bactérienne de l'in-
testin. Le suc pancréatique inactif envahi par les microbes devient actif, et cette acti-
vation peut être produite par simple adjonction au suc pancréatique des diastases
microbiennes filtrées sur bougie (Delezenne). Breton a confirmé ce fait pour le coli
bacille.
Ces diverses kinases n'épuisent pas la liste des kinases actuellement connues, mais
celles que nous citerons maintenant'n'ont plus (|u'un intérêt théorique, et non plus un
intérêt pratique au point de vue de la digestion.
C'est ainsi que le venin de serpent bothrops et le venin de cobra activent nettement
la trypsine (Delezenne) et que certains champignons basidiomycètes contiennent aussi
une kinase active (Delezenne et .Mouton).
A'rt/wre de la kinase. — Pour Pawlow, la kinase était un ferment. Cette opinion fut
généralement adoptée, parce que la kinase agit à de très faibles doses comme un fer-
ment, se détruit comme la plupart des ferments par un chauffage de courte durée à 73°,
et enfin parce qu'elle ne dialyse pas. Il convient d'ajouter encore que cette croyance en
la nature fermentaire de la kinase fut surtout fortifiée parce que tout d'abord on ne
connaissait pas, pour activer le suc pancréatique, d'autres procédés que celui d'y ajouter
un extrait organique.
En 11)02, Larguier des Bancels s'éleva contre l'hypothèse de la nature fermentaire de
la kinase au nom de ce fait que la kinase préparée d'une certaine façon n'est plus
détruite par la chaleur. La technique de L. des Bancels était la suivante; un mètre de la
portion supérieure de l'intestin grêle est fendu, lavé, et mis à digérer à 40° dans 100 ce.
d'eau toluénée pendant vingl-quatre heures. La macération est ensuite filtrée sur du
coton de verre ou du papier, puis bouillie et filtrée à nouveau.
Le filtrat, quoique ayant subi l'ébullition, reste activant.
Ultérieurement Bierry et Henri confirmèrent le fait, et virent même que la kinase
résistait à un chauffage de 120° pendant vingt minutes.
Après la constatation de pareils faits, retrouvés d'ailleurs plusieurs fois par les auteurs
précités, il semble difficile de soutenir encore que la kinase ne résiste pas à la chaleur:
la seule question qui reste à élucider est de rechercher pourquoi, avant Larguier des
Bancels, les auteurs avaient tous admis la thermolabilité de la kinase.
Si nous examinons le protocole d'expériences de Delezenne, qui se rapproche beau-
coup de celui de Larguier des Bancels, un seul point attire notre attention. Delezenne
INTESTIN. 401
relate que sa macération aqueuse est généralement acide et que, pour cette raison, il
la neutralise après l'avoir fait bouillir, tandis que L.vrguikr uks Bangels signale que ses
macérations sont neutres ou légèrement alcalines. Nous ne saurions faire état de ces
seules remanjucs pour trancher le débat, mais nous ferons remarquer cependant que
dans les milieux acides les nuciéoprotéidcs se précipitent en entraînant la kinase (Stas-
sANo), tandis qu'en milieu neutre ou légèrement alcalin, les nucléoprotéides se main-
tiennent en suspension ; peut-être y a-t-il dans cette simple nuance de technique la
raison des différences dans les résultats obtenus.
Depuis les expériences que nous venons de relater, il n'en a pas été fait d'autres
concernant la nature de la kinase, mais il convient d'ajouter que l'opinion qu'on avait
sur la nature fermentaire de la kinase, déjà ébranlée par les travaux de L. dks Bancels,
ne tarda pas à l'être encore une seconde fois par le contre-coup de la découverte de
l'activation artificielle par les sels.
Actuellement, on tend donc à rejeter l'hypothèse primitive de Pawlow, à savoir que
la kinase est un ferment, mais sans qu'on puisse dire si la kinase est une substance
protéique thermostabile, un mélange de sels ou encore un complexe de protéiques et
•de sels.
Mode d'action de la kinase sur le suc pancréatique. — Ajoutée au suc pancréatique, la
kinase active instantanément la trypsine inactive (Delezenne).
L'activation maxima de la trypsine se produit avec des quantités infinitésimales de
kinase : 1 de kinase p.iOOOO du suc pancréatique (Deleze.nne). Mais, quelque minime
que soit la quantité de kinase suffisante pour activer la trypsine, il est aisé, par des
dilutions appropriées de kinase, de déterminer des activations croissantes de la trypsine
par adjonction de quantités croissantes de kinase. C'est ainsi que Dastre et Stassano
ont montré qu'il faut une dose minima de kinase pour que l'activité tryptique se mani-
feste (seuil de l'activation) et qu'avec des doses croissantes de kinase la trypsine devient
toujours plus active jusqu'à ce que, pour une quantité donnée de kinase, la trypsine
acquière une activité qu'elle ne dépassera plus, quelle que soit la quantité de kinase
ajoutée (plateau de l'activation).
La kinase mordance-t-elle l'albumine à attaquer, ou transforme-t-elle lezymogènecn
zymase? Delezenne a constaté que la fibrine mise au contact de la kinase la fixe assez
fortement pour que, même après lavage prolongé à l'eau, cette fibrine soit rapidement
digérée par du suc pancréatique inactif. C'est là le seul fait actuellement connu qu'on
puisse introduire dans ce débat, sur lequel nous aurons d'ailleurs à revenir à propos de
l'activation par les sels.
j3) Activation par les sels.
En 1903, Larguier des Bancels, en se fondant d'une part sur l'hypothèse que l'activation
du suc pancréatique par la kinase devait être un phénomène de mordançage et d'autre part
sur des réactions déjà connues entre les colloïdes et les sels, montre qu'on pouvait activer
très fortement le suc pancréatique par adjonction au suc de certaines couleurs d'ani-
line et de certains sels. En laissant de côté la faible activation du suc pancréatique par
additions de petites quantités d'acide, signalée en 1876 par Heideniiain, on peut dire que
ce fut la première expérience réalisant une activalion de la trypsine autrement que par
des extraits organiques. Le protocole des expériences de Larguier des BaiNCels est le
suivant. Des cubes d'ovalbumine coagulée par ébullition sont plongés 24 heures dans du
bleu de toluidine en solution aqueuse à 0,002 p. 100. Ces cubes sont lavés à l'eau dis-
tillée, puis plongés dans les mélanges suivants à 39° pendant 18 heures. Les résultats
obtenus sont indiqués en face des mélanges.
Cubes colorés + 2 ciuc. suc pancréat. + 8 gttcs d'azotate de baryum saturé. Dijj^estion complète.
— — 8 gttcs de sulfate d'ainnionium sat. Pas de digestion.
— — 8 gttes d'azotate de magnésium sat. Digcsliou complète.
— — 8 — — de calcium sat. Digestion complète.
Mêmes expériences avec des cubes non colorés. Pas do digestion.
L. DES Bancels conrlut de ses expériences que l'activation artificielle exigeait :
1° certains sels, les sels de métaux bivalents se montrant à cet égard à peu près tous
DICT. DK PHYSIOLOGIE. — TOME IX. 26
i02 INTESTIN.
d'égale activité et 2" une coloralioïi par certains colorants (bleu de toluidine, rouge de
Magdala).
La même année, Delezen.xe reprend l'étude de l'activalion artificielle dans une vue
d'esprit différente.
Ayant vu que les macérations lluorurées de pancréas sont immédiatement inactives
par opposition aux macérations chloroformiques, Delezenne se demande si le fluorure
ne joue pas dans ce phénomène un rôle analogue à celui qu'il joue vis-à-vis des sels de
calcium^dans la coagulation du sang. Il pense que le fluorure précipite dans la macé-
ration pancréatique les sels de chaux à l'état insoluble et par conséquent que l'addition
de sels solubles de calcium doit théoriquement activer la trypsine inactive.
Voici les expériences par lesquelles Delezenne montre l'influence des sels de calcium.
Suc pancréatique 2 cnic. + H^O
— — + CaC12 à 20 p. 100.
cmc.
0,5
Digestion nulle.
0,5
— complote.
0,4
— complète.
0,3
— complète.
0.2
— complète.
0,1
— ù demi digérée
0,05
— nulle.
Notons que dans ces expériences les volumes du liquide digestif sont égalisés par
addition d'eau distillée en quantité sufiisante pour 2 ce. 1/2. Les cubes d'albumine du
poids de 0«'',2 sont examinés après 14 heures de digestion.
A la suite de ces premières expériences, Delezenne aborde toute une série de pro-
blèmes sur l'activité par les sels que nous exposerons séparément sans suivre l'ordre
chronologique des publications : rôle de la valence du métal, activité considérable de
Ca.
Dans l'activalion très nette du suc pancréatique par CaCl'^, Delezenne montre que
l'ion Ca joue le rôle essentiel, puisque CaCl-, Cal-, Ca (AzO^)^ et l'acétate de Ca donnent
des résultats analogues.
Mais les métaux sont-ils équivalents comme activants du seul fait de leur valence?
Delezenne constate que, si l'on substitue au CaCl* du StrCl-, du BaCI^ ou du MgCF, on
n'observe jamais, quelle que soit d'ailleurs la dose ajoutée, de digestion en l'espace de 12
à 14 heures, alors qu'avec CaCl- la digestion est complète dans le môme temps. Mais,
lorsque l'expérience est prolongée un temps beaucoup plus considérable, on observe
cependant quelquefois une iligeslion tardive et partielle.
ZuNz, qui confirme l'action activante des sels de Ca, concède une certaine propriété
activante aux sels de Mg, Ba, Li, Str.
QuantiU's de sel de Ca nécessaires pour activer la trypsi7ie. — Dans les expériences de
Delezenne, nous avons vu que l'activation oplima était réalisée loisque à un volume
de 2 ce. 1/2 de suc pancréatique on ajoutait de 0,4 à 0,2 ce. d'une solution de CaCl* à
20 p. 100, c'est-à-dire quand la concentration en CaCI^ du milieu était de 6 à 9 p. 1000.
En commentant ces expériences, l'auteur fait remarquer qu'une grande partie de ce
CaCl- doit être perdue pour l'activation ; car, au contact des carbonates et des phosphates
qui se trouvent en grandes quantités dans le suc pancréatique, CaCP forme des phos-
phates et des carbonates de chaux insolubles. La quantité de CaCl- apportée au suc
entier doit donc représenter plus que la quantité de CaCl- qui intervient efficacement
dans l'activation.
Pour élucider ce point, Delezenne pratique dorénavant ses expériences sur du suc
dialyse aseptique dans des sacs en collodion en présence de NaCl à 8,3 p. 1000 et à lO"»
ou 15°. L'expérience lui montre qu'en 48 heures on obtient ainsi un suc neutre à la
phtaléine et ne donnant plus de précipités salins par addition de CaCl^; par conséquent
débarrassé de la plus grande partie de ses carbonates et de ses phosphates. Il n'est
pas utile de pratiquer la dialyse plus longtemps, parce qu'à partir de 48 heures de dia-
lyse la majeure partie des sels qu'on veut extraire est éliminée et parce qu'au delà
d'une dialyse de 48 heures la trypsine se détruit très sensiblement : elle est beaucoup
moins résistante que l'amylase, par exemple.
INTESTIN. 403
Avec ce suc dialyse Dklezenne rt'alise les expériences suivantes :
Digestion
après 12 heures.
Suc paner. 2cinc. + H-O0,o Nulle.
_ _ + CaCl-'. . . 0«s002 CompkHe.
_ — _ . . . Os'-.OOl —
— — — . . . 0«S0005 —
— — — . . . Ok',0004 2/3 dij^'èi-c.
— — — . . . 0k%0003 0
Par conséquent l'activalion du suc pancréatique dialyse semble déjà maximale
lorsque CaCl- se trouve dans ce suc à la concentration de 1/5000, c'est ù-dire en con-
centration 30 ou 40 fois plus faible que lorsque le CaCl- est ajouté directement au suc
pancréatique complet.
D'après celte expérience, Delezenne conclut que, s'il fallait ajouter beaucoup de
CaCl^ au suc complet, c'est qu'une partie de CaCP entrait dans des réactions chimiques
sans relation directe avec l'activationdu suc et que cette dernière n'exige que des traces
de Ca.
Dans le même ordre d'idée Delezenne montre encore qu'on peut économiser beau-
coup de Ca(U'-, si, avant d'ajouter du CaCl- au suc pancréatique entier, on lui ajoute des
sels d'autres métaux bivalents : Str, Ba par exemple. Ces sels sont incapables par eux-
mêmes d'activer le suc; mais ils rendent le suc sensible à des traces de CaCl-.
Il résulte donc des expéi iences de Delezenne que des quantités très petites de CaCP
ne dépassant pas le quinze millième sont suffisantes pour activer la trypsine lorsque
cette action de CaCl- n'est pas gênée par la présence dans le milieu de sels qui préci-
pitent le Ca.
Mode d'action des sels de Ca dans Vactivation de la trypsine. — Delezenne a montré que
l'activation de la trypsine par Ca n'est pas immédiate. Si l'on ajoute un cube d'albumine
à du suc additionné de Ca immédiatement "après que Ca a été ajouté au suc pancréa-
tique, la digestion du cube d'albumine exige de 12 à 14 heures; mais, si l'on n'ajoute le
cube d'albumine qu'après que le mélange suc pancréatique et CaCl^ a été porté à
l'éluve pendant 4 heures, la digestion du cube d'albumine n'exigera plus que 3 ou
4 heures. Il y a donc un temps perdu assez long, de plusieurs heures, pour l'activa-
tion du suc pancréatique par Ca.
Delezenne a vu encore que, si l'on opère sur des cubes d'albumine dialysée, il n'est pas
indifférent de plonger le cube d'albumine dans un mélange préalablement fait de suc
pancréatique et CaCl^ ou de mettre d'abord au contact le cube d'albumine avec Ca et
ensuite d'ajouter le suc pancréatique.
Dans le second cas l'absorption de Ca par l'albumine pourra distraire du milieu une
certaine quantité du sel propre à activer la trypsine et par suite restreindre son acliva-
tion. Une fois effectuée par Ca l'activation de la trypsine ne peut être défaite ni par
•dialyse prolongée, ni par addition de fluorures ou d'oxalates (Delezenne).
Parallèle entre l'activation par les sels et par la kinase. — L'activation par la kinase
est immédiate, tandis que l'activation par Ca exige de 4 à 5 heures. Le suc pancréatique
tiltré sur coUodion est encore activable par la kinase : il ne l'est plus par les sels de
chaux. Ces faits découverts par Delezenne ont amené cet auteur à considérer l'activa-
tion du suc pancréatique de la manière suivante.
Le suc pancréatique contient une trypsine et une substance X. Dans l'activation par
la kinase, le rôle de la substance X est nul : c'est ce qui fait qu'on peut activer du suc
filtré, quoique le filtre retienne cette substance X. Dans l'activation par les sels, cette
substance X est indispensable, c'est pourquoi le suc filtré n'est pas activé par les sels.
Au contact des sels, cette substance X se transforme en kinase. Dès lors on s'explique
qu'une fois que le suc pancréatique a été activé parla kinase ou parles sels, ses pro-
priétés restent identiques dans les deux cas.
3° Phénomènes cbimiques de la digestion tryptique.
i" Historique. — Trois noms dominent l'histoire de cette question : ce sont ceux de
CoRvis.\RT, KChne et Fischer. Mais il n'est que juste de placer entre les noms de Kuhne
404 INTESTIN.
et de Fischer celui du chimiste SchOtzenberger, qui, en cffectuaat l'hydrolyse des albu-
minoïdes, en étudia les éléments constitutifs et prépara ainsi la voie où devaient s'en-
gager Fischer et son école dans l'étude des polypeptides.
L'action du suc pancréatique sur l'albumine a été reconnue beaucoup plus tardive-
ment que celle du suc gastrique. Ce n'est qu'en 1836 que Purkinje et Pappe.nheim signa-
lent l'action dissolvante de ce suc sur les proléides, Claude Bernard en i8o6 reconnaît à
sou tour celte puissance protéolytique, mais admet qu'elle n'entre en activité qu'avec le
concours des sels biliaires.
C'est à CoRvisART en 1857 que nous devons les premières notions précises et détaillées
sur l'action protéolytique du suc pancréatique. Cet auteur montre que l'extrait de pan-
créas digère les albumines dans des milieux voisins de la neutralité, que la partie
active de l'extrait est précipitable par l'alcool et susceptible d'être redissoute ultérieu-
rement dans l'eau; qu'enfin les protéides ne sont pas seulement solubilisés, mais con-
vertis en produits analogues à ceux du suc gastrique.
KChne en 1877 apporte ensuite une série de contributions importantes à cette ques-
tion. Comme la digestion tryptique ne peut se faire qu'en milieux voisins de la neutra-
lité, favorables par conséquent à la putréfaction, beaucoup d'auteurs avaient prétendu
que la digestion dite pancréatique n'était qu'une putréfaction. Kuhne ajoute au milieu
de l'acide salicylique, il constate qu'il n'y a plus alors de putréfaction, et que néanmoins
la digestion s'opère parfaitement. Il met ainsi hors de doute que l'action du suc pancréa-
tiaue sur les albumines est due, non à la putréfaction, comme on l'avait objecté à
CoRvisART, mais à une fermentalion.il indique encore une technique permettant de pré-
parer un ferment protéolytique extrêmement actif et donne à ce ferment le nom qui lui
est resté de « trypsine ». Comparant enfin l'action de la trypsine et celle du suc gas-
trique, KChne découvre que l'action de la trypsine va plus loin que celle du suc gas-
trique; le suc gastrique ne donne comme derniers termes de dédoublement que des
peptones, la trypsine donne des substances cristallines dont la quantité s'accroît d'au-
tant plus que les peptones disparaissent du milieu.
Vers la même époque, SchCtzenberger, traitant les albumines par la vapeur d'eau
surchauffée et l'hydrate de baryte, etc., montre que par des agents physiques ou chi-
miques on peut scinder la molécule albumine en acides aminés, c'est-à-dire en éléments
identiques à ceux que libère la digestion tryptique. Ces recherches opérées dans des
conditions très diverses sur un grand nombre d'albumines permettaient de faire un
parallèle intéressant entre un clivage chimique et un clivage fermentatif. Mais un de
leurs résultats les plus pratiques fut de permettre de préparer aisément en quantités
appréciables des acides aminés utilisables pour des recherches physiologiques.
Ce fut cet avantage que mirent à profit Fischer et Abderhalden. Au point de vue
chimique ils établissent d'abord la possibilité de reconstituer des groupements d'acides
aminés, qu'ils appellent polypeptides, par l'union d'acides aminés simples. Au point de
vue physiologique ils étudient l'action de la trypsine sur ces composés dont ils réalisent
des types de plus en plus complexes, à tel point que certains d'entre eux méritent vrai-
ment le nom de peptones. L'étude de la digestion tryptique faite jusqu'alors par l'obser-
vation des produits de dégradation successive des albumines est reprise ainsi par Fischer
et Abderhalden, pour ainsi dire à rebours, en abordant les composés azotés de complexité
croissante. L'importance de leurs travaux est telle qu'on peut dire qu'ils résument
toutes nos acquisitions moilernes dans le domaine chimique de la digestion des
albumines.
2° La digestion tryptique étudiée par les produits de désagrégation de l'albumine.
Si nous plaçons un cube d'ovalbumine coagulé dans du suc pancréatique activé et
chauffé à environ 37°, nous constatons que l'albumine se solubilise. Cette solubilisation,
déjà très nette après 4 à 5 heures, se poursuit régulièrement de la périphérie au centre.
Les arêtes des cubes d'albumine deviennent translucides et s'émoussent, le noyau
opaque d'albumine du cube diminue progressivement de volume, et finalement en 10 ou
15 heures tout le cube est solubilisé.
L'albumine s'est transformée en albumoses, peptones et acides aminés. Si nous
poussons plus loin la digestion en prolongeant l'action de la trypsine, la quantité
d'albumoses et de peptones diminuera progressivement, tandis que la quantité des acides
INTESTIN. 405
aminés s'accroîtra : finalement il ne restera que des acides aminés et une faible quan-
tité de peptones qu'en raison de leur résistance à l'action de la trypsine on appelle selon
la désignation de Kuh.ne : antipeptones; par symétrie on appellera encore amphopep-
tones les peptones primitives dont une partie a été résolue en acides amidés et dont
l'autre partie aura donné les antipeptones.
Ces processus j>euvent donc se schématiser de la façon suivante :
Albumine coagulée
i
Albumoses
I
Amphopcptones
Acides aminés. Antipeptones.
Une discussion s'est élevée sur la nature des antipeptones de Kuhne.
KïHNE, nous venons de le dire, désignait du terme d'antipeptone les restes d'albumi-
noides non hydrolysablos par la trypsine. D'après Siegfried il n'y a pas de restes d'albu-
niinoïdes non hydrolysables, mais seulement des parties d'albumines plus résistantes
que d'autres à l'hydrolyse tryptique. Une digestion très prolongée finit par hydrolyser
les « antipeptones » de Kuh.ne, auxquelles il ne convient plus dès lors d'accorder la
signification absolue de KiinNE.
Siegfried s'est efforcé d'analyser chimiquement les antipeptones; nous verrons tout
à l'heure comment par l'hydrolyse chimique on est arrivé à trouver la constitution
complexe de ces antipeptones, dont Siegfried a donné la composition globale.
3° La digestion tryptique étudiée sur les polijpeptides de synthèse.
Cette étude est entièrement l'œuvre de Fischer, Abderhalden et de leurs élèves.
L'hypothèse principale qui a guidé Fischer et Abderhalden dans leurs recherches sur
la digestion tryptique est que l'albumine est formée de chaînons d'acides aminés résolus
en tronçons de simplicité croissante par la trypsine. Si donc l'on pouvait, en partant
d'acides aminés simples, réaliser synthétiquement des groupements de complexité
croissante d'acides aminés et essayer au fur et à mesure de leur réalisation l'action de
la trypsine à leur égard, on pourrait suivre pas à pas la digestion tryptique en quelque
sorte à rebours, sans cesser de rester dans le domaine des processus nettement définis.
Le premier travail qui s'imposait donc dans cet ordre de recherches était de combiner
ensemble les acides aminés qu'on trouve en plus grande abondance aux termes de la
digestion. Fischer a montré que cette synthèse était relativement facile.
On combine par exemple aisément une molécule de glycocolle à une autre molécule
de glycocolle avec perte d'une molécule d'eau : le produit de
AzHo CHo COOH + H AzH. CHo. COOH — H^O
Glycocolle. Glycocolle.
donnera :
AzH2CH2 CO. AzH CH2 COOH
composé aminé qui dans la nomenclature de Fischer s'appellera la glycilglycine.
Le polypeptide ainsi formé n'a pas d'isomère chimique, puisque les molécules ami-
nées génératrices sont identiques, mais, si l'on substitue à une molécule de glycocolle
une molécule d'un acide aminé différent, l'alanine par exemple, la réaction pourra
engendrer deux isomères de structure.
Le premier dans lequel l'amide dérivera du résidu ammoniacal de l'alanine.
AzH^ — CH^ — CO
OH H
CH
HAzC ' - COOH
^CH
I
CH3.
;06 INTESTIN.
Le seconil dans lequel l'amide dérivera du résidu ammoniacal du glycocolle.
HAzH — C112 — rOOll
AzH-' _ Cil — CO OH H
I
CHK
Dans l'union de deux acides aminés différents il n'est plus sans importance do
savoir lequel de ces acides perdra OH ou H, c'est-à-dire lequel de ces acides fonction-
nera pour ainsi dire comme base ou comme acido, puisque les éléments aminés sont
différents. Dans l'exemple donné plus haut on appellera alanine-glycine la combinaison
où le glycocolle perdra OU. Et inversement glycine-alanine la combinaison où l'alanine
perdra OH. En d'autres termes la première mention dans le produit de synthèse sera
donnée au corps perdant H et la seconde à celui qui perd OH.
D'une façon tout analogue, on peut encore réaliser l'union de molécules d'acides
aminés, identiques ou différents, plus nombreux; et Fischer a pu opérer ainsi la sou-
dure de six, sept et môme plus de molécules d'acides aminés.
Au point de vue de la digestion tryplique, ces synthèses d'acides aminés ont des
propriétés bien intéressantes. Heaucouf) d'acides amini's sont insoluble.s dans l'eau :
en se combinant, beaucoup d'acides aminés" forment des produits solubles. Les acides
aminés ne présentent pas la réaction du biuret, mais les combinaisons d'acides aminés
présenteront presque toujours la réaction du biuret, dès que quatre molécules d'acides
entreront en combinaison. Enfin ces complexes d'acides aminés, formés synthétique-
ment, sont attaquables par le suc pancréatique et réversibles ainsi en leurs éléments
constituants primitifs, tandis qu'aucun d'eux n'est attaqué par la pepsine.
Fischer a donc pensé que ces complexes d'acides aminés pourraient bien être les
stades précurseurs des acides aminés dans la digestion Iryptique. Solubles comme les
peptones, donnant comme eux la réaction du biuret, désagrégés comme eux par la
trypsine en acides aminés, ces complexes forment vraisemblablement, d'après cet auteur,
une partie des substances appelées peptones et par analogie, en attendant qu'on puisse
établir que ce soit par identité de nature, Fischer a désigné ces amides très condensés
(( polypeptides ». Le peptide est un di, tri, tétra ou hepta peptide selon qu'il est formé
de 2, 3, 4 ou 7 acides aminés, et, pour en spécifier la nature, il suffira de le désigner
des termes de ses composants selon les règles indiquées plus haut.
S'il est très vraisemblable, comme tendent k le prouver toutes les expériences de
Fischer et d'ABDERHALDEN, que les peptones sont des polypeptides, on peut se demander
si les albumoses ne seraient pas elles-mêmes des polypeptides plus complexes encore
que les peptones et si la molécule d'albumine n'est pas finalement un polypeptide de
dimensions extrêmes. S'il en est ainsi, la digestion trjptique se simplifie immédiate-
ment, et, en adoptant l'hypothèse de Fischer et d'ÀBDERHALDE.x, le schéma que nous avions
donné précédemment de la digestion tryptique peut se transformer en ce nouveau
schéma :
Albumine = polypeptide.
I
Albumoses = polypeptide.
i
Peptones = poly peptide.
Acides aminés.
La trypsine est donc un ferment qui aurait pour caractéristique essentielle de désa-
gréger rapidement les polypeptides en leur conslituanls aminés les plus simples.
Si nous analysons maintenant exactement les produits de la digestion tryptique à
mesure que se fait la désagrégation des polypeptides, il est deux faits qui semblent
indiquer que cette désagrégation ne se fait nullement d'une façon brutale à la façon de
la dislocation d'un édifice que l'on jetterait à bas et d )nt toutes les pièces faiblement
soudées entre elles se sépareraient au contact du sol, mais bien au contraire d'une façon
méthodique, par la mise en liberté successive de groupements déterminés. C'est ainsi
que, dans la digestion de l'édestine par exemple, Fischer et Abderhalde.x constatent que
INTESTIN. 407
de toute la tyrosiiie contenue dans l'albumine, il en apparaît les proportions suivantes
pour 100 dans le milieu tryptique :
l"jour. 2' jour. 3« jour. 8" jour.
78,4 p. 100 97,6 p. 100 97,6 p. 100 100 p. 100
Le tryptophane et la cystinc sont mis en liberté avec une vitesse analogue.
Les autres acides aminés n'apparaissent que plus tardivement. Voici par exemple les
proportions d'acide glutamiuique :
l"jour. 2« Jour. 3» jour. Séjour. 16' jour.
4,3 p. 100 7,4 p. 100 10,9 p. 100 :J1,1 p. 100 60,2 p. 100
Et l'on pourrait citer des vitesses comparables pour l'alanine, la leucine, l'acide
aniinovalérianique et l'acide aspartique.
La dislocation de l'albumine semble donc se faire aux points de moindre résistance
au niveau desquels vont se détacher successivement les divers acides aminés.
Le second phénomène important dans cette dislocation de l'albumine est que, même
dans les digestions tryptiques avancées, elle ne sera jamais complète; il restera toujours
une masse appréciable de substances, présentant plus ou moins la réaction du biuret,
mais qui ne sont pas un mélange d'acides aminés simples : c'est ce résidu de peptones
que KuHNE a appelé anfipeptones.
Les antipeptones, malgré leur résistance à la trypsine, sont des polypeptides : par
l'hydrolyse par 80*^11-, ils donnent des acides amine's. Mais ce sont des polypeptides de
constitution dilférente des polypeptides jusqu'ici hydrolyses par la trypsine.
En hydrolysant les antipeptones par les acides, on trouve en effet, à côté des acides
aminés déjà obtenus par la digestion Iryptique, de très grandes quantités de tyrosine
et de phénylalanine que l'on ne trouve jamais dans la digestion tryptique (Abderhalden).
Il y a donc des variétés de polypeptides qui subissent difficilement l'action hydroly-
sante de la trypsine, et nous avons à nous demander à quelles propriétés ces poly-
peptides doivent cette résistance particulière.
Nous devons encore à Fischer une étude détaillée de ce problème, qu'il a abordé
par sa méthode habituelle : à savoir la reconstitution de polypeptides de synthèse et
l'étude individuelle de la digestion tryptique de ces divers polypeptides.
Les résultats de ces recherches ont été tout à fait remarquables.
En constatant dans la digestion de l'albumine ordinaire la dislocation totale de
presque tous les polypeptides, on s'attendait, en effet, à retrouver pour la trypsine une
action hydrolysante sur tous les polypeptides de synthèse.
Il n'en est rien en réalité.
Une des premières conditions requises pour qu'un polypeptide soit hydrolysable par
la trypsine, c'est que sa constitution stéréochimique ait une forme donnée. Cette condi-
tion est des plus intéressantes, parce qu'elle rattache l'activité des ferments trypiques
à l'activité de bien d'autres ferments protéolytiques et aussi des ferments des hydrates
de carbone.
Si nous examinons la constitution des acides aminés, nous voyons que tous en dehors
du glycocolle possèdent au moins un atome de carbone asymétrique. Selon la théorie
de Le Bel et V.v.n t'hoi-f on peut donc prévoir, et l'expérience le démontre, que tous ces
acides aminés agissent sur la lumière polarisée, et par suite peuvent se présenter sous
deux formes : une forme lévogyre et une forme dextrogyre. C'est ainsi que, pour nous
limiter à la leucine et à l'alanine, nous connaissons une leucine / et une leucine d, une
alanine l et une alanine d. Supposons que nous formions avec ces quatre corps des
racémiques, nous voyons immédiatement que nous pourrons obtenir deux racémiques :
le premier, d alanyl d leucine + l alanyl / leucine ; le second, d alanyl l leucine + / ala-
nyl d leucine.
Si maintenant nous faisons agir du suc pancréatique sur chacun de ces racémiques,
nous constatons que le second seul est partiellement hydrolyse, en donnant d alanine et
l leucine et que le premier ne l'est pas. Dans la digestion de l'albumine, c'est d'ailleurs
-aussi d alanine et / leucine que nous obtenons.
408 INTESTIN.
Or les deux racéiniques ne diffèrent que par leur groupement stéréochimique : c'est
donc que ce groupement inllue sur l'attaque possible du suc pancréatique.
Ce fait est général el Fischer a pu constater que l'hydrolyse n'est que partielle pour
tous les racémiques suivants : alanyl-glycine, alanyl-alanine, leucyl-isosérine, analyl-
glycine, etc.
A côté de la structure stéréochimique, la structure élémentaire des corps intervient
également. C'est ainsi que Talanyl-glycine est hydrolysée tandis que la giycin-alanine ne
l'est pas. Or ces deux corps ne diffèrent entre eux qu'en ce que dans le premier l'ana-
nine fonctionne comme base, tandis que dans le second ce rôle est dévolu au glycocolle.
L'on remarque même que certains acides aminés favorisent l'hydrolyse d'une façon
générale, quel que soit l'autre acide aminé auquel ils sont liés, à la condition qu'ils
jouent le rôle d'acide ou de base.
C'est ainsi que l'alanine favorise l'hydrolyse lorsqu'elle perd OH dans la formation du
peptide, qu'au contraire la lyrosine et l'isoséino favorisent l'hydrolyse quand elles perdent
H dans leurs combinaisons.
Enfin, la complexité du peptide joue un rôle des plus nets. C'est ainsi que dans les
chaînons glyciniques, on n'observe aucune hydrolyse dans la glycilglycine, la diglycil-
glycine et la triglycilglycine tandis que l'hydrolyse commence avec la télraglycilglycine.
De même la leucinglycine n'est pas attaquée tandis que l'hydrolyse se produit pour la
ieucinglycilglycine.
La résistance de certains peptides au cours d'une digestion d'albumine par la tryp-
sine, loin de paraître un fait anormal, s'explique donc par ces diverses considérations de
la façon la plus simple, et l'on peut dire au contraire que, si quelque chose paraît éton-
nant dans la digestion tryplique d'une albumine, c'est que la trypsine, impuissante à
ouvrir tant de chaînons synlhétiquement formés, soit au contraire apte à scinder la plu-
part des chaînons préexistant dans l'albumine naturelle.
La trypsine apparaît donc comme une clef susceptible d'ouvrir un grand nombre de
serrures, mais à condition qu'elles aient un type déterminé.
Tel est en général le mécanisme de l'hydrolyse tryptique.
4° Résultats de la digestion tryptique.
Pour ne pas compliquer l'exposé précédent, nous ne sommes entrés dans aucun des
détails concernant les produits de l'hydrolyse tryptique, nous les avons seulement cités
à mesure que leur mention devenait nécessaire pour l'intelligence des processus tryp-
tiques.
Il nous importe cependant de préciser la nature de ces produits de la digestion. C'est
en effet à partir de ces produits élémentaires, qu'après la digestion tryptique recom-
mence dans l'organisme un processus de synthèse inverse du précédent et qui recon-
struit la molécule albumine.
Nous devons donc connaître au moins approximativement les principaux éléments
en lesquels s'est désagrégée la molécule albuminoïde dans l'intestin.
Nous avons vu plus haut que les produits ultimes de la digestion étaient des anti-
peptones et des acides aminés.
Nous avons vu encore que les antipeptones étaient des polypeptides hydrolysables
par SO^H- en acides aminés alanine, leucine, proline et phénylalanine.
11 nous reste donc à passer en revue les principaux acides aminés de la digestion
tryptique.
On sait qu'on appelle acides aminés des corps formés par la combinaison d'un acide et de
l'ammoniaque. Cette combi^iaison se fait avec perte d'un atome d'H emprunté à l'un des
groupements CH^ ou CH- de l'acide et perte d'un second atome c/'H emprunté à l'ammoniaque.
On distingue les acides aminés en monoaminés dans lesquels n'entre qu'une molécule
d'Az H^ et diaminés dans lesquels on trouve deux molécules d'AzH-^
En dehors du premier acide monoaminé, le glycocolle, tous les autres acides aminés
possèdent au moins un carbone asymétrique et sont optiquement actifs, d'où l'activité
optique de la molécule albumine tout entière.
Les acides aminés que l'on trouve aux termes de la digestion tryptique peuvent se-
INTESTIN. 409
grouper en trois classes : des acides de la série grasse, des acides do la série aroma-
tique, et des acides de série hélérocyclique.
l" Acides aminés de la série (jrasse.
CL Acides monoaminomonocarbonique. — GbjcocoUc. Le glycocoile répond à la consti-
tution suivante : GIF COOH (acide acétique) + AzH' — 2H= CH^ AzIP COOH. Un des
caractères intéressants de cette substance, c'est sa combinaison possible avec l'acide
benzoïque pour donner l'acide hippurique.
Alanine. — C'est un acide a aminopropionique CH'CH^ COOH (acide propionique
+ kiW—2^ = CIP en AzH2 COOH +. (L'astérisque qui marque le C signifie que ce C est
asymétrique). L'alanine des albumines est dextrogyre.
Acide aminobutyrique. — Dérivé de l'acide butyrique, homologue immédiatement
supérieur de l'acide propionique. On n'en trouve que des traces dans la digestion
Iryptique; pour certains auteurs, sa présence est même douteuse.
Acide aminovalcrianiqiie. — L'acide aminovalérianique, qu'on trouve dans la diges-
tion des albumines, ne provient pas d'un acide valéiianique linéaire, mais d'un acide
isovalérianique.
î^ga^CH. CH AzH2C00H
OH3/
Il est dextrogyre.
La leucine est un acide amino-isocaproïque.
çJJj^CH. CHo CH AzH2C00H.
On reconnaît aisément la leucine dans la digestion tryptique à l'aspect caractéris-
tique de ses cristaux agglomérés en petites boules blanchâtres.
b) Acides monoaminoxymonocarboniques. — Le seul représentant contenu dans la
digestion des albumines de cette série d'acides aminés est la serine, qui est un acide
aminopropionique où un H du groupement CH^ est remplacé par un OH; il répond
donc à la formule CH2OH CHAzH^COOH. En comparant la formule de la serine à celle de
l'alanine, on voit que cette formule n'en diffère que par la substitution d'un OH à un H.
La serine est intéressante par ses relations avec la cystine urinaire, qui répond à la
formule de la serine, où le groupement OH serait remplacé par S ; soit (CH2 S CHAzH^
C00H)2, et par ses relations avec la taurine CH2 AzH2 CH2 SO2OH.
c) Acides monoaminodicarboniques. — Ces acides dérivent d'acides bibasiques, con-
trairement aux acides précédents, dérivant d'acides monobasiques.
L'acide aspartique COOH CH2 CH AzH^ COOH dérive de l'acide succinique COOH CH^ CH^
COOH. C'est donc un acide monamino-succinique.
Acide tjlutamiqiie. — COOHCH2 CH2 CHAz H^ COOH n'est que le dérivé de l'homo-
logue supérieur de l'acide succinique,
d) Acides diamino-monocarboniques. — La lyiine est un acide 1-5 diamino-caproïque
CH^ — AzH. — CH2 — CH2 — CH2 — GHAZH2 COOH. Cette substance est intéressante par
ses rapports avec la cadavérine (pentaméthylène diamine) CH2AZH2 (CHz)^ CHAzH"2, qui
prend naissance dans la putréfaction de la lysine.
L'acide diamino-acé tique ^^^-^CHCOGH est intéressant par ses rapports possibles
avec l'aliantoïne, qu'on pourrait considérer comme un anhydride diamino-acétique
combiné à deux molécules d'acide cyanique.
AzH — COAzH
>
AzH — COAzH
>CHCO
L'ornithine, acide 1-4 diamino-valérianique CHUzH^ — CH^— CH^ — ClIAzH- — COOH,
n'a pas été trouvé dans les produits de dédoublement in vitro de l'albumine, mais il
410 INTESTIN.
nous inléresse à un double titre. Cet acide aminé se retrouve en abondance dans l'urine
des oiseaux, combiné à lacide benzoïque : le benzoate d'ornitbine est, chez les oiseaux,
l'équivalent du benzoate de glycocolle chez les mammifères. D'autre part, on trouve
dans les produits de dédoublement in vitro de l'albumine un coips assez abondant, Var-
ginine, qui semble être un composé de l'ornithine et de la cyanamide CAz AzH^; sa syn-
thèse, du moins, a pu être réalisée ainsi; de sorte que l'arginine répondrait à la for-
mule GH^AzH^CHo CHaCHAzH^ CAz AzH^ COOH.
L'arginine, découverte par E. Scbultz et Steiger, a la propriété de s'hydrolyser en
donnant de l'urée et de l'ornithine, soit par l'action de l'hydrate de baryum à l'ébullition
(ScHULTz), soit par l'action d'une enzyme intestinale, découverte par Kossel et Dakin,
l'arginase.
Varqinine acquiert, de ce fait, une importance considérable, puisqu'elle est actuelle-
ment le seul produit de dédoublement de l'albumine dont nous puissions suivre in vitro
la transformation en urée.
L'ornithine, enfin, sous l'action de la putréfaction, donne de la putrescine = tétra-
méthylènediamine (Ellinger) CH^AzH^ — CH'- — CH^ CH'AzH^ + CO^
2° Acides aminés de la série aromatique.
Phénylalanine. — CoHs — CH- Cil AzH-COOH n'est pas un produit direct de la diges-
tion tryptique, mais un des corps constituant les antipeplones.
La tyrosinc est un acide oxypliénylaminopropionique CuH'OHi — CH2 CHAzH- COOH.
Nous avons vu que la tyrosine apparaît très vite dans les digestions trypliques. La tyro-
sine additionnée d'azotate de mercure dans l'acide nitreux se colore en rose, puis en
rouge brique. Cette réaction, dite de Millon, peut être obtenue déjà directement avec
les albumines, et l'on pense que la réaction de Millon avec les albumines est liée au
groupement tyrosine inclus dans la molécule albumine.
La tyrosine mise en liberté est oxydée par un ferment trouvé par Bertrand dans cer-
tains champignons : la tyrosinase. Sous cette inlluence, la tyrosine se colore en brun
noirâtre.
3° Série hétérocy clique.
a Pyroline, ou acide a pyrolidincarbonique, ne se trouve qu'en petites quantités dans
les digestions tryptiques, mais forme la majeure partie des antipeptones.
CH2 CH2
I I
Cn2 CH — COOOH
\/
NAz
Tryptophane. — La constitution chimique de ce corps n'est pas encore certaine, on
admet, avec Ellinger, qu'il répondrait à la constitution suivante, et serait ainsi un
acide indolamino-propionique.
CCH AzHo CH2 COOH
C,H4^^CH
NH
Le tryptophane est intéressant par ses relations chimiques avec l'indol, le scatol,
l'acide scatol carbonique et l'acide scatolacétique, substances qui sont obtenues par
l'action des bactéries de la putréfaction sur le tryptophane (Hopkins et Cole) (Voy. Indol).
Le scatol, ou méthylindol, répond à la constitution :
CH
CcHi<^ ^CH
AzH
.CCHz
CeHi ^CH
^AzH
INTESTIN. ill
I.e tryplophane présente une icaction inléressanle.
Acidifié par l'acide acéliijuo, le Iryptophane donne, avec l'eau chlorée ou bromée,
une coloration violette.
3» (ilycosamines. — Lorsque l'on traite certaines albumines, notamment les mucines,
mais aussi rovalbumine, la serine albumine, etc., par des acides et la chaleur, on obtient
(FiiEDEnir.ii Miller, \\\\\) une substance ayant les réactions des hydrates de carbone,
et notamment une action réductrice sur la liqueur de FicHLiNr,, et la propriété de
former des osazone.'^ idenlicjues aux glucosazones. Ces substances ne sont pas des
hy.irates de carbone, mais des glycosamines (F. MOllêr), répondant sans doute à la
formule :
CH2 OU à opposer à la formule du ulucose CH-OH
CH OH - - - CH OH
CH OH — — — CH OH
CH OH — - - CH OH
CH AzHo — — — CH OH
CH 0 — - — CH 0.
Bien ijuc les glycosamines puissent ainsi être obtenues en très grande abondance
par l'hydrolyse chimique de certains albuminoïdes jusqu'à 37 p. 100, il est à 'noter que
la digestion tryptique est absolument incapable de les mettre en liberté. (Neubero et
MlLCHNER.)
5° Action de la trypsine sur les albumines diverses.
1° Résistance des albumines naturelles à Vlujdrolyse tryptique. — L'action de la tryp-
sine sur les albuminoïdes peut être prévue, en général, d'après la constitution des albu-
minoïdes mis en présence de la trypsine. Les albuminoïdes seront désagrégés dans la
mesure où ils seront constitués par des acides aminés.
C'est ainsi que l'ovalbnmine, la myosine, la fibrine, l'édestine, qui sont presque tota-
lement composées d'acides aminés, seront à peu près complètement hydrolysées par la
trypsine.
Les nucléo-protéides, au contraire, ne seront que partiellement hydrolysées, l'acide
nucléinique résistant à la digestion de la trypsine.
Mais, si la trypsine est susceptible de désagréger la plupart des albumines, il est une
condition très générale qui facilite énormément cette hydrolyse : c'est une modifi-
cation physique préalable des albumines naturelles. De toutes les expériences qui ont
été faites sur la digestion tryptique, résulte cette loi : qu'une albumine naturelle est peu
ou pas attaquée par la trypsine, tandis que cette même albumine coaqulée par la chaleur,
acidifiée, puis neutralisée, précipitée par la dialyse, ou soumise préalablement à l'action du
suc gastrique, est, au contraire, activement digérée.
Cette constatation a été faite pour la première fois par Claude Bernard. « Lorsque,
dit-il dans ses Leçons de Physiologie expérimentale, II, 333, on met en contact du suc
pancréatique avec de la viande crue, celle-ci se ramollit considérablement, mais bientôt
la putréfaction s'en empare. Il en est de même pour l'albumine et la caséine crue, qui
bientôt se décomposent et se pourrissent quand on les met en contact avec le suc pan-
créatique. Mais, si cette action est essayée sur les mêmes matières après qu'elles ont été
cuites ou digérées par le suc gastrique, le résultat est tout différent, et il y a dissolution
rapide. »
De même, on a constaté que la chondrine et l'élastine ne sont pas attaquées par la
trypsine ; l'attaque devient, au contraire, très énergique, si ces substances ont été trans-
formées, par ébullition, en gélatine, etc.
Ultérieurement, Fermi a consacré encore des travaux importants aux conditions
d'attaque des albumines par la trypsine, et il a montré que les albumines du sérum
sanguin échappaient à son hydrolyse.
On conçoit toute l'importance de ces faits qui mettent en lumière le rôle préparant
du suc gastrique dans les digestions des albumines chez les animaux qui ingèrent la
viande crue, et la nécessité de donner des albumines cuites aux animaux agastres ou
<iux individus apeptiques.
412 INTESTIN.
2» Hydrolyse des diverses albumines. — Les diverses albumines n'ont pas la même
constilulion chimique. Voici, d'après Fischer et Abderhalden, les produits d'hydrolyse
par les agents chimiques des diverses albumines.
Gélatine. Caséine. Scrum alb. Sérum glob.
Glycocolle 16,5 » » 3,5
Alanine 0,8 0,9 2,7 2,2
Acide aminovalérianique. . 1,0 1,0 » »
Pyroline 5,2 3,1 1,0 2,8
Leucine 2,1 10,5 20,0 18,7
Phénylalanine 0,4 3,2 3,1 3,8 '
Acide glutainiquo 0,88 11,0 7,7 8,5
— asparliiiue 0,56 1,2 3,1 2,5
Cystinc 0,0 0,06 2,3 0,7
Serine 0,4 0,23 0,6
Tyrosine » 4,5 2,1 2,5
Tryptophane » » » »
Lysine 2,75 5,8 » »
Arginine 7,65 4,8 » »
Histidinc 0,40 2,6
Il serait intéressant de pouvoir faire un paralbMe entre les produits de l'hydrolyse
chimique et ceux de l'hydrolyse fermenlaire. Malheureusement, les documents nous
manquent. Il semble, en tous cas, que le parallélisme soit loin d'«Hre rigoureux, et nous
savons, notamment, que la gélatine qui, à l'hydrolyse chimique, donne beaucoup de
glycocolle et de leucine, n'en donne que très peu à l'hydrolyse Iryptique (Kl'ii.ne et
Ewald).
6° Conditions d'action de la trypsine.
a Réaction du milieu. — La trypsine a son maximum d'activité en milieu alcalin
(1,2 p. 1 000 de CO^Na-, d'après Vernon). Voici, d'après Ver.non, l'activation de la trypsine
par les alcalis (expériences faites avec de l'extrait de pancréas).
,,.,. , Heures nécessaires pour différer
Milieu ou ag.t 100 .le poptoncs.
lo ferment. - n, '„ ___
20 p. 100. 30 p. 100. 40 p. 100.
Eau. 1,7 0,5 14,6
0,05 p. 100 C03Na2 1,4 3,4 10,1
0,1 1.0 2,4 8,3
0,2 0,7 1.9 5,6
0,4 0,5 1,6 3,8
0,8 » 0.8 1,7
1,2 » 0,4 1,4
2,0 » 0,5 1,7
Dès que le milieu présente soit une acidité, soit une alcalinité notable, par exemple
1 p. 100 en HCI, ou 1 p. 100 en NaOH, la trypsine est rapidement détruite.
(j) Rôle des électrolytes. — Une des principales raisons qui font que les résultats que
nous possédons sur le rôle des électrolytes sont très contradictoires en apparence, c'est
que le rôle des électrolytes est différent sur du suc déjà actif et sur du suc inactif. Sur
du suc déjà actif, le rôle des électrolytes est indécis, exactement comme pour la pep-
sine active en milieu chlorhydrique. Les électrolytes activent tous, en général, jusqu'à
une certaine concentration, et, au delà de cette concentration, retardent. Sur du suc
inactif, certains électrolytes peuvent éveiller une activité absolument latente, et d'autres
électrolytes peuvent, en s'opposant à l'action des premiers, enchaîner celte activité qui
tendrait à se manifester sous l'influence des premiers.
Une première distinction entre les expériences s'impose donc, et il faut mettre à part
celles qui ont été faites sur du suc actif. Les résultats des deux genres d'expériences ne
sont ni à rapprocher, ni à opposer : ce sont deux genres d'expériences complètement
différents.
Une distinction analogue très importante, quoique non fondamentale, s'impose entre
les expériences faites sur du suc dialyse, et sur du suc non dialyse. La dialyse sensibi-
INTESTIN. M3
lise des phénomènes que la présence des sels contenus dans le suc pancréatique normal
émousse. I/antagonisme d'action des divers sels, bien connu depuis les expériences de
Lœb et d'OvERTON dans les phénomènes des activités cellulaires, est id(!nti(iue dans les
phénomènes de l'activité tryptique.
Enlin il convient de distinguer les effets des sels selon les concentrations employées,
et l'adjonction de colloïdes.
L'accord n'étant pas, actuellement, complet sur le terrain des faits eux-mêmes, il
serait prématuré de proposer une description générale du rôle des électrolytes ; et le
plus qu'on puisse faire est de grouper les expériences similaires réalisées dans les mêmes
conditions. Ce serait certainement rendre le problème confus, que de vouloir concilier
des résultats très différents dans des conditions différentes.
1° Rôle des électrolytes sur du suc déjà actif. — Ce rôle a été étudié surtout par
PoDOLiNSKi, Fermi et Pernossi. Ils constatent que la plupart des sels neutres activent la
digestion tryptique.
2° Rôle des électrolytes sur du suc inactif. Rôle des sels de métaux bivalents. — a) Expé-
riences de Larguier des Bangels.
Les cubes d'albumines sont préalablement plongés dans des substances tinctoriales,
les solutions de sels employés sont saturées. Ces expériences montrent l'activation d'un
suc absolument inactif au moyen de substances non retirées de l'organisme, par consé-
quent sans diastases.
Ayant déjà exposé ces expériences, nous ne rappellerons que les conclusions que
nous aurons à rapprocher des expériences faites dans des conditions différentes.
1" Les sels de métaux bivalents activent; les sels de métaux monovalents n'activent pas;
2» Les sels de métaux bivalents activent sensiblement de la même façon aux mômes
doses ;
3° Les sels de métaux bivalents ne se montrent activants que par rapport à des cubes
d'albumine préalablement colorés par du rouge de Magdala, bleu de toluidine, etc., et
n'activent pas par rapport à des acides d'albumines simplement coagulées.
b) Expériences de Delezexne. — Les cubes d'albumine sont employés directement.
Delezenxe constate :
i° Qu'on peut activer par des sels;
2'' Contrairement à Larguier, il conclut que les sels de calcium activent nettement
plus que les autres sels de métaux bivalents ;
3° Que la coloration des cubes n'est nullement indispensable pour que l'activation
par les sels se produise.
c) Les expériences de Delezenne, en ce qui concerne l'activation par les sels de cal-
cium, sont confirmées par Zuntz dans une étude très détaillée : cet auteur insiste sur ce
fait, comme l'avait d'ailleurs noté expressément Delezen.ne, que, pour bien étudier
l'activation de la trypsine par les sels, il faut opérer sur du suc dialyse.
3° Rôle des sels de métaux monovalents. — Delezenne a montré que les sels de K, en
particulier, sont nettement empêchants.
A deux centimètres cubes de suc pancréatique dialyse (voir plus haut la raison de cette
dialyse), l'auteur ajoute 0S'",001 de CaCl'^, c'est-à-dire la quantité juste suffisante de Ca
pour activer, et constate que, dans ces conditions, le mélange digère activement. A des
mômes quantités de suc pancréatique dialyse, il a ajouté respectivement des quantités
égales à 0,005, 0,004, 0,003, etc., jusqu'à 0,001, de KCI, puis des cubes d'albumine. Une
heure après, il ajoute 0,001 de CaCl-. Il constate qu'il n'y a pas de digestion après douze
heures dans les tubes contenant de 0,005 à 0,001 de KCI, que la digestion commence
pour 0,001 KCI, et ne devient complète qu'à partir de 0,0003 KCI.
Il y a donc une action empêchante très nette par de petites doses de KCI. Cette action
empêchante n'est, d'ailleurs, pas absolue, et là où il n'y a pas eu la digestion habituelle
avec CaCI- en douze heures, il peut y avoir digestion malgré KCI en vingt-quatre ou
trente-six heures. L'ordre dans lequel on doit accomplir les divers temps de cette expé-
rience pour obtenir ces résultats est très important, et doit rester celui qui a été indiqué
dans ces expériences.
4° Sels de métaux lourds. — La plupart des sels de métaux lourds arrêtent la diges-
tion tryptique (Chittende.n et Cummi.ns).
414 INTESTIN.
y) Action de la chaleur. — La chaleur a sur la digeslion tryplique une influence com-
plexe; elle liàie la digestion, tout en provoquant la destruction du ferment (Vernon).
Pour des températures au-dessous de 45», l'action accélératrice prédomine nettement sur
l'action destructive; pour des températures au delà de 45", l'inverse se produit. Comme
la desti'uclion du ferment est fonction du temps, cette destruction sera d'autant plus
notable que la digestion sera plus prolongée, ce qui revient, en fait, à dire que l'on
poussera moins loin une digeslion faite au delà de 45° qu'une digestion au-dessous de
45», quoique, au début, les digestions aillent plus vite à une température supérieure
à 45° qu'à une température inférieure à 45°, comme en témoignent les graphiques obtenus
par Vernon.
La trypsine desséchée résiste à 160° (Salkowski). On ne sait pas à quelle température
se détruit la trypsine non activée. La trypsine activée se détruit rapidement et sponta-
nément vers une température de 3o°.
8) Ferments. — La pepsine, en milieu acide, détruit rapidement la trypsine (Mav,
Langley). D'après Isgovesco, cette destruction ne serait due ni à l'action de l'acide, ni
à l'action digestive de la pepsine en milieu acide. En effet, la pepsine dialysée garde le
pouvoir d'abolir l'action de la trypsine. Pour Isgovesco, la pepsine mélangée à la tryp-
sine formerait un comple.xe irréversible même par l'alcalinisation ultérieure du milieu,
complexe oîi la trypsine perdrait toutes ses propriétés.
i) Microbes. — L'action destructive des microbes sur la trypsine est démontrée par ce fait
que du suc pancréatique non aseptique perd rapidement ses propriétés tryptiques, mais
les perd moins rapidement après addition de toluène et de chloroforme. On pense que
l'action du froid sur la conservation de la trypsine s'explique également par un ralentis-
sement de la puUulation des germes sous l'influence du refroidissement.
Il est probable, d'après ce que nous savons de l'action si variée des microbes sur les
albumines, que les divers microbes doivent altérer très diversement la trypsine. Nous
ne connaissons rien sur ce fait, qui doit être cependant très important pour la digestion
intestinale, étant donné l'abondance de la flore bactérienne de l'intestin.
Ç) Albumines. — Nous avons signalé plus haut que, si la plupart des albumines subis-
saient l'action de la trypsine, beaucoup d'entre elles n'étaient cependant activement
digérées que si elles étaient coagulées ou modifiées d'une façon quelconque. Fermi
a signalé que non seulement les albumines liquides résistent à l'action tryptique, mais
encore qu'elles garantissent contre l'action de la trypsine une albumine coagulée.
Ce fait, établi par Fermi eu 1894, et par Gley en 1807, pour le sérum, a été retrouvé
en 1903, par Delezenne pour l'ovalbumine, et par de Klug pour la mucine naturelle,
en 1907. Il paraît très général pour toutes les albumines naturelles.
En ce qui concerne l'action empêchante de l'ovalbumine, Gojipel et Henri ont
montré que l'ovalbumine liquide, tout en empêchant la digestion d'un cube de blanc d'œuf
cuit, subissait elle-même une digestion appréciable. D'où il résulterait que le ferment
formerait avec l'albumine liiiuide un complexe où le ferment]serait immobilisé, et que,
la digestion de l'albumine liquide étant toujours notablement plus lente que celle de
l'albumine cuite, celle-ci se trouve ainsi longtemps protégée contre l'action de la
trypsine.
Au point de vue absolu, l'action empêchante du sérum paraît à poids égaux plus
énergique et plus durable que celle de l'ovalbumine.
Ces actions empêchantes sont connues sous le nom d'actions antitryptiques. Ce
terme consacré par l'usage évoque l'idée d'une action fermentaire s'exerçant dans le
sens inverse d'un autre ferment. Henri, qui a donné de l'action empêchante de l'ovalbu-
mine l'explication que nous venons de citer, estime que dans l'espèce il y aurait avan-
tage à remplacer par le terme de substance empêchante le terme d'anti trypsine,
employé tout d'abord par les auteurs dans le sens de « ferment d'activité opposé ».
D'une façon générale, les albumines liquides perdent rapidement leur action
empêchante par un chauffage à 56°. En ce qui concerne le sérum on a pensé que l'ac-
tion empêchante était dévolue à l'albumine et non à la globuhne. Il est à remarquer
que pour préparer la globuline on précipite la globuline par dilution. Cette manipula-
tion est largement suffisante pour modifier l'état physique de la globuline et expliquer
la perte de ses capacités empêchantes.
INTESTIN. 41{^
En somme les albumines liquides doivent leurs propriétés empêchantes à des qua-
lités physiques qui sont très facilement altérées et, d'une manière universelle, par toute
une série de manipulations des plus simples.
On compare aujourd'hui l'action antitryptique des albumines naturelles à des phé-
nomènes d'adsorption. Dans cet ordre d'idées le noir animal est un antitryptique remar-
quable. Il immobilise le ferment, et, après un certain temps de contact entre le noir
animal et le ferment, on ne peut plus remettre en liberté le ferment (Hkdon).
T)) Antiseptiques. — L'action des antiseptiques a été bien étudiée par Vernon. D'après
cet auteur les antiseptiques exerceraient une action destructive sur la trypsine. Mais
cette action est lente. Elle est pour cette raison d'autant plus marquée que la digestion
dure plus longtemps. Elle est d'autre part très inégale pour les divers antiseptiques.
Le tableau suivant est tout à fait explicite à ces divers points de vue.
Antisoptiquos. Heures nécessaires pour digérer x p. 100 do peptonos.
20 p. 100. 30 p. 100. 40 p. 100. 50 p. 100.
Toluol 1,0 3,5 9,2 17,5
Chloroforme .... 1,0 3.0 11,5 26,0
1 p. 100 de Na FI. . 1,0 4,0 26 42,0
6) Conservation de la trypsine. — Le suc pancréatique de fistule inactif recueilli asep-
tiquement garde plusieurs mois sa propriété d^ digérer activement l'albumine : il suffit
au moment voulu d'y ajouter de la kinase (Bayliss et Starling).
Ce même suc activé par la kinase (l'ensemble du mélange, suc pancréatique et kinase,
étant préparé stérilement) perd rapidement son activité même à la température du
laboratoire (Vernox, Dastre et Stassano, Bayliss et Starling).
Voici, d'après Vernon, la vitesse de l'auto-destruclion de la trypsine. Les expériences
sont faites sur de l'extrait pancréatique alcalinisé à 0,4 p. JOO de carbonate de soude et
à 38°.
Durée de séjour
du ferment à 38°. Activité tryptique.
heures.
» 135
1 53,1
2 3/4 30,3
9 1/4 17,3
24 9,8
L'auteur ne dit pas s'il a ajouté du toluol à l'extrait afin d'éviter la destruction du
ferment par putréfaction, mais il n'en ressort pas moins qu'en une heure 60 p. 100 du
fermenta disparu; or en une heure la putréfaction ne saurait être déjà sensiblement
engagée.
Le suc pancréatique activé qui perd rapidement son activité tryptique garde son
activité beaucoup plus longtemps lorsqu'il est additionné d'albumines et de peptones
(Wohlgemuth). Il semble que le suc pancréatique activé en l'absence de molécules à
attaquer tourne son activité contre lui-même. II en résulte ce fait qu'un suc pancréa-
tique activé et additionné de peptones paraît manifester une action tryptique plus forte
que le suc pur, fait qu'il ne faudrait pas prendre pour une activation de la trypsine par
les peptones, mais seulement comme le résultat d'une action protectrice de la peptone
(Bayliss et Starling). Les acides aminés (Wohlgemuth) et la bile protègent également
la trypsine activée contre une auto-destruction.
7'^ Procédés pour mesurer l'activité tryptique.
Une digestion d'albumine susceptible de s'opérer en milieu neutre ou alcalin peut
être considérée a priori comme de nature tryptique. La mesure quantitative de l'acti-
vité tryptique est encore actuellement.une opération très délicate.
i" Précautions générales à observer :
Que les procédés utilisés pour mesurer l'activité tryptique soient longs (12 heures)
410 INTESTIN.
ou rapides (1/2 heure), il convient toujours de se défier de rintervention des microbes
qui peuvent détruire le ferment (cas des digestions prolongées où les microbes super-
posent leur action à celle de la trypsine : cas du procédé à la gélatine pratiqué avec une
trypsine très riche en microbes comme le contenu intestinal).
Selon les cas on peut employer comme antiseptiques le chloroforme et le toluène et
mieux encore ces deux antiseptiques à la fois : le chloroforme, grâce à sa densité, va au
fond des tubes d'essai : le toluène, très léger, surnage, et la digestion se fait ainsi entre
deux antiseptiques. Le fluorure de sodium à 2 p. 1000 est encore un très bon antisep-
tique. On se rappellera que le fluorure de sodium du commerce est très acide.
11 va sans dire, que si on le peut, il vaut mieux opérer asepliquement.
La qualité de la réaction du milieu est à préciser exactement; il semble que la diges-
tion oplima se réalise avec une alcalinité de 1 1/2 p. 1000 évaluée en CO^Na- (Ver.non,
Schieubeck). Il faut savoir pourtant que la réaction optima n"est pas exactement connue,
et que pour des déterminations précises il sera bon de faire au préalable des digestions
en série avec des alcalinités diverses pour fixer laquelle de ces alcalinités convient le
mieux.
2° Procédés divers :
Tube de Mette. — Méthode employée par Pawlow pour la trypsine; cette méthode
donne des résultats analogues à ceux qu'elle donne avec la pepsine. La longueur de la
colonne d'albumine solubilisée est à peu près proportionnelle à la racine carrée de la
concentration de la trypsine. (Loi de Schltz-Borrissow.)
Cette méthode n'est utilisable que pour des milieux tryptiques fluides et homogènes;
une trop grande visrosité gêne les échanges de substance dans la lumière étroite du
tube de Mette, l'inhomogénéité du Mijuide tryptique peut perturber complètement ces
échanges, dont la régularité est indispensable pour l'obtention des résultats exacts.
Enfin cette méthode n'est pratique que pour des solutions concentrées de trypsine, car
déjà, avec du suc pancréatique pur, on ne peut faire de mesures certaines avant une
durée d'action de 6 heures enviion.
Procédés des cubes d'albumine. — Des cubes d'albumine coagulés, réguliers et de
dimensions égales sont immergés dans les divers milieux tryptiques à essayer. Après
un temps déterminé on apprécie directement à la vue le degré de digestion des cubes
d'albumine. C'est un procédé simple, souvent employé pour comparer divers pro-
duits tryptiques entre eux : on peut établir le de.L'ré de la digestion des cubes après
la digestion en pesant les cubes, mais sans que les résultats gagnent sensiblement
en précision. On peut fixer objectivement les résultats obtenus par la photographie,
comme l'ont proposé Gley et Camus. La loi de Schutz-Borrissow s'applique encore à
ces digestions. Comme pour la méthode de Mette, ce procédé n'est pratique que pour
une trypsine assez concentrée, pour du suc pancréatique qui ne soit pas dilué de plus
de 1 à 10 par exemple.
Procédé de la conductivité électrique. — Inauguré par Oker Bluu, 1902, V. Henri et
Larguier des Bancels, ce procédé a été surtout étudié par Bayliss, 1907.
La méthode est fondée sur ce fait qu'une albumine telle que la gélatine, par
exemple, augmente de conductivité sous l'influence de l'hydrolyse tryptique. Pour
observer des variations aussi grandes que possible de conductivité, il faut partir natu-
rellement d'un mélange gélatine-trypsine aussi peu chargé d'électrolytes que possible :
il est bon d'employer de la gélatine dialysée. Pour que les variations de conductivité
soient rapides, il faut employer un ferment concentré. Bayliss ajoute o ce. d'une solution
de pancréatine à 2 p. 100 à 40 ce. de gélatine à 5 p. 100.
Ce procédé est commode parce qu'une mesure de conductivité se prend aisément et
qu'on peut mener de front plusieurs digestions. 11 faut se rappeler que la température
augmente la conductivité de 10 p. 100 par degré centigrade; donc on opérera avec un
thermostat parfaitement réglé. Cette méthode est rapide; dans les conditions précitées,
Bayliss constate que la résistance passe de 333 ohms à 290,4 ohms en 20 minutes.
Bayliss pense que l'augmentation de conductivité est tout d'abord due à la mise en
liberté des sels absorbés par la gélatine et ultérieurement à l'apparition de certains acides
aminés comme les acides aspartiques, glutamiques, et la lysine. Ultérieurement la résis-
tance décroît beaucoup plus lentement. (Voir au paragraphe suivant les résultats.)
INTESTIN. 117
Procédêpour l'élude de la vincosUé. — La gélatine au contact de la trypsine perd rapidi;-
ment son pouvoir de se gélifier à froid (Ferui) : c'est une réaction commode pour recon-
naître la présence d'un ferment tryptique dans un milieu. Cette modification de la géla-
tine s'accompagne d'une diminution progressive de la viscosité qui peut servir de
mesure pour la rapidité de la digestion. Étudiée également par Bayliss, la viscosité d'un
mélange gélatine-trypsine décroit d'abord rapidement, puis letitement. Les changements
de viscosité marchent au début beaucoup plus vite que les changements de conducti-
vité, mais ils ne tardent pas à devenir insignifiants, alors que les changements de con-
ductivité restent, encore notables : le tableau suivant emprunté au travail de Bayliss fait
bien saisir celte différence.
Durée
Viscosité
en minutes.
en secondes.
Conductivité,
„
183 (?)
333
4
»
325,5
8
160
»
12
»
308,2
16
137
»
20
»
298,4
30
165
286,1
45
105
273,1
342
77
)95,0
rui
76
184.9
711
74
180,1
Cette méthode est rapide comme celle de la résistance électrique : elle a sur la pré-
cédente l'avantage de permettre de mesurer des dilutions de ferments beaucoup plus
petites.
C'est incontestablement la plus sensible de toutes les méthodes, car elle permet de
doser nettement la trypsine à des dilutions correspondant à du suc pancréatique dilué
mille fois et même plus.
En pratique, on utilisera la méthode de la façon suivante. Opérer dans un thermostat
à 40" environ exactement réglé au dixième du degré : la viscosité variant de 10 p. 100
par degré. Préparer une provision de gélatine à 4 p. 100 ou 5 p, 100, filtrée d'abord, ensuite
neutralisée au tournesol, etalcalinisée avec du carbonate de soude *. 2" Mélanger 20 ce. de
cette gélatine à 1 ce. d'eau et mesurer la viscosité du mélange. Cette viscosité servira de
repère. 3° Mélanger 20 ce, de gélatine avec 1 ce. de la solution tryptique chauffée
quelques minutes au voisinage de 100" de manière à détruire la trypsine; s'assurer que
la viscosité de ce nouveau mélange est identique à 1 p. 100 près à la viscosité du
mélange gélatine et eau. Il en est généralement ainsi, d'abord parce que la viscosité
du liquide tryptique pur est très faible comparée à celle de la gélatine, et ensuite parce
que l'expérience démontrant que le liquide tryptique pur étant presque toujours (surtout
s'il s'agit de suc pancréatique ou de liquide intestinal) beaucoup trop actif pour com-
mencer directement les expériences avec ce liquide, il faut commencer par diluer ce
liquide : on se rapproche ainsi forcément très vite de la viscosité de l'eau. Dans ces
conditions on pourra considérer tous les mélanges de gélatine et de liquide tryptique
progressivement dilués comme identiques à la viscosité du mélange gélatine et eau. —
4° Ceci étant acquis, on met dans le viscosimètre 20 ce. de gélatine, on laisse l'équi-
libre de la température se réaliser; on ajoute 1 ce. du liquide tryptique et on note le
temps; on fait une mesure de viscosité au bout de 20 minutes. Pour que cette mesure
ait une valeur, il faut que la diminution de viscosité éprouvée par le mélange ne dépasse
pas le cinquième de la viscosité initiale; que de 100", par exemple, elle ne tombe
pas au-dessus de 80". Soit, par exemple un pareil résultat obtenu par un mélange 20 ce.
gélatine + 1 ce. de suc pancréatique dilué au centième, il sera facile, si l'on opère sur un
milieu tryptique inconnu, d'ariiver rapidement par des dilutions successives à atteindre
une dilution de ferment qui donne à peu près cette diminution de viscosité dans le
même temps, puis cà intra ou extrapoler avec peu d'erreur.
1. Eu pratique, il convient d'alcaliniser à la réaction optinia pour l'activité de la trypsine.
Cette réaction sera recherchée empiriquement.
niCT. DE PHYSIOLOGIE — TOME IX. 27
.418 INTESTIN.
Cette méthode exige naturellement que le milieu tryptique ne contienne pas de corps
étrangers qui pourraient embarrasser le capillaire du viscosimèlre.
Le point délicat dans cette méthode est de connaître la viscosité initiale du mélange
gélatine-trypsine. Cette viscosité initiale ne peut être calculée directement, parce que
déjà pendant le temps nécessaire à la mesure initiale la viscosité varie du fait que la
digestion commence immédiatement; d'autre jiart, et pour la même raison, il n'y a pas
de seconde mi'sure de contrôle possible pour la détermination de la viscosité initiale.
C'est pour cette raison que, supposant (jue le mélange : trypsine chauflée + gélatine a
la môme viscosité que trypsine gélatine, nous avons pris arbitrairement comme viscosité
initiale celle de : trypsine chauffée + gélatine. Il va sans dire que cette viscosité initiale
doit être calculée à nouveau pour chaque série d'expériences : la qualité de la gélatine,
la nature de l'eau ajoutée et la quantité de carbonate de soude sont autant de facteurs
qui influent considérablement sur la viscosité de hi gélatine.
Cette méthode est donc d'une application très délicate. Quoique précise, rapide, elle
ne saurait être appliquée qu'exceplioimcllement et par des expérimentateurs rompus
avec les méthodes de recherches physiques.
Procédé de la réaction du hiiirct. — La digestion tryptique transforme les albumines
en substances abiurétiques. Lue solution de peptone soumise à rinlluence de la trypsine
présentera donc une réaction biurétique progressivement décroissante, et on peut
supposer qu'il existe des rapports entre la concentration du ferment, la durée de la
digestion et l'intensité de la réartion biurétique. Le procédé de mesure de la trypsine
de Vernon est basé sur ces considérations. L'exposé qui va suivre sera le résumé des
travaux de cet auteur. La méthode consiste à comparer l'intensité de la réaction biuré-
tique d'une solution de peptone partiellement digérée avec l'intensité de la réaction
biurétique d'une même solution de peptone non digérée. Celte comparaison se fait avec
un colorimètre ordinaire. Dans les deux tubes du coloriraètre on met des quantités
convenables de lessive de soude et de sulfate de cuivre; dans l'un on ajoute un volume
déterminé de la solution de peptone non digérée. Dans l'autre tube on ajoute de la
solution de peptone digérée jusqu'à ce que la réaction biurétique soit égale à celle du
premier tube. Supposons que dans le second tube on ait dû ajouter deux fois autant
de la solution de peptone digérée que dans le premier, nous saurons que la solution de
peptone digérée contenait deux fois moins de substances biurétiques que la première,
autrement dit que 50 p. 100 de la peptone additionnée de trypsine aura été transformée
en produits abiurétiques. Avec un peu d'habitude on saisit au colorimètre des différences
de teinte de 1 p. 100, et par conséquent on obtient une approximation du même ordre
de grandeur.
Eu pratique, Vernon opère de la façon suivante. Dans chaque tube il verse 18 ce.
de soude à 4 p. 100 et 2 Ci\ d'une solution 1/100 M de sulfate de cuivre. Dans le tube
étalon il ajoute 0,40 ce. d'une solution à 2,5 p. 100 de peptone de \Vn te, La peptone
soumise à la digestion tryptique est additionnée d'une quantité constante de carbonate
de soude et portée à une dilution de 2,5 p. 100.
Il faut savoir que le développement de la réaction du biuret n'est pas immédiat.
L'intensité de la réaction est de 93 p. 100 du maximum après une minute, elle n'atteint
le maximum qu'en 8 minutes.
Les résultats obtenus sont les suivants :
Quantités do
ferments.
Heures nécessaires pour
digérer x p. 100 de
la peptone.
20 p. 100.
30 p. 100.
40 p. 100.
50 p. 100.
8
0,7
1,9
4,2
7,4
4
1,4
3,4
7,4
13,4
2
2,8
6,8
13,8
27,0
1
6,6
15,7
33
»
0,5
13,8
33
»
»
Il n'est pas sans intérêt de remarquer que la loi d'activité de la trypsine calculée
d'après ces résultats est toute différente de celle qui résulte de l'étude des tubes de
Mette.
INTESTIN. 419
Méthode de Sôronsen. — Soronsen a indiqué une méthode (jui pei"rnet de doser la
quantité d'acides aminés libérés au cours de la digestion des molécules protéiques
{Enzytnstudien-Biochemisclie Zcitt^chrift, vu, 1907, 45-101).
1. Principes de la méthode. — Les molécules albuminoïdes sont formées de peptides
soudés les uns aux autres; les peptides eux-mêmes sont composés d'acides aminés. Par
hydrolyse, les acides aminés, reliés les uns aux autres sous forme d'anhydrides, sont mis
en liberté. Si donc l'onpeut mesurer la quantité dégroupements carbonyles misen liberté,
on aura de ce t'ait une mesure de l'hydrolyse. Mais, tandis qu'avec les acides on peut
doser les groupements COOH par leur neutralisation en présence d'un indicateur, on ne
peut faire de même avec les amino-acides. Ceux-ci ont en effet une fonction acide et
une fonction basique, toutes deux faibles, et leurs solutions sont neutres (par neutra-
lisation intra-moléculaire).
Mais, depuis les travaux de H. Schiff (1899-1902), on sait qu'en ajoutant de l'aldéhyde
formique à une solution neutre d'un acide aminé, le caractère acide de ce composé se
manifeste immédiatement, la fonction NH' étant immédiatement immobilisée par for-
mation d'un composé méthylé.
Un acide aminé peut dès lors être dosé par une base en présence de phénolphta-
léine comme indicateur, tout comme un acide minéral.
Considérons, par exemple, l'alanine : la réaction est la suivante :
I ■ I
CH-NH2 + HC0H + K0H =^ CH - N = CH2 + H^O + RSQ
I I
COOH COOK
Notons immédiatement que cette réaction est une réaction réciproque, qui aboutit
à un état d'équilibre dépendant des quantités de toutes les substances en présence. Il
faut donc tenir compte de la concentration en hydroxylions au moment où se produit
le virage de l'indicateur.
Il est facile de comprendre qu'une diminution delà quantité d'eau, ou une augmen-
tation de la quantité de formol, peut déplacer l'équilibre de gauche à droite ; le même
effet sera obtenu si l'on ajoute de la potasse.
Or on sait, comme l'ont montré les recherches de Salm et de Friedenthal, que les
différents indicateurs virent pour des concentrations en hydroxylions — ou en hydro-
yemons — très variables. Mais il est possible, par le choix d'un indicateur approprié,
d'avoir un virage qui se fasse pour une concentration donnée en ions H. La titration de
l'alanine par exemple, en présence de phénolphtaléine devra être faite par exemple
N
avec la solution — de baryte jusqu'à virage rouge foncé très net, la concentration en
ions H étant alors n x 10''" à n X lO-^-^
SoRONSEN a employé comme indicateur la thymolphtaléine,qui vire pour une concen-
tration en ions H inférieure à celle du virage de la phénolphtaléine.
Le titrage avec la thymolphtaléine se fait comme avec la phénolphtaléine. Si l'on dose
des prises de 20 ce. on fait une solution de contrôle avec 20 ce. d'eau, et une certaine
quantité d'un mélange de formol, alcool et thymolphtaléine. On ajoute peu à peu de
la baryte - jusqu'à couleurbleue opalescente (concentrations en ions H n x lO»-*). Deux
gouttes de plus donnent une coloration bleue nette, deux gouttes encore donnent une
coloration bleue forte (concenti'ation en ions II = n x 10-^ ''). La solution à doser est
titrée jusqu'à apparition de cette couleur. S'il a fallu employer 10",2 de ba»-yte - et
n
pour la solution témoin 0'^S3, la quantité de baryte — nécessaire à la neutralisation du
dérivé méthylé de l'amino-acide sera par suite de 9", 9.
Pratiquement, le mélange forraol-phénolphtaléine, ou formol-alcool-thymolphtaléine
employé, doit être neutralisé avant l'emploi, pour éviter l'emploi d'une grande quantité
.4">0 INTESTIN.
de baryte ou de soude titrée dans le dosage sur la solution témoin. Le formol du com-
merce ost en effet toujours acide. Ces deux indicateurs donnent des résultats aussi
bons que n'importe quelle méthode titrimétrique.
N
Les dosages sont faits sur des prises de 20, 10 ou 5 c. c, avec une solution - de baryte
ou de soude; il y a en effet à discuter (voir Sorknsen) les influences perturbatrices du
volume du liquide à titrer, de la concentration eu formol — on en prendra toujours un
excès — du litre de la solution alcaline employée au dosage, etc.
11 faut employer la soude quand il y a beaucoup de phénylalanine dans les produits
de dédoublement.
La méthode ne donno que des résultats peu sûrs avec la proline et la tyrosine, pour
des raisons qu'on trouvera exposées dans le mémoire original. De même pour la guani-
dine, l'arginine, et les acides diaminés.
Mode opératoire : i° Méthode à la phénolphtaléine.
a, Solution de 0 gr. !> de phénolphtaléine dans 50 centimètres cubes alcool + 50 cen-
tiuiètres cubes eau.
b. Mélange formolé : 50 "centimètres cubes formol à 40 p. 100 + 1 centimètre
-N
cube du mélange de phénolphtaléine + Ba (OH) -^ jusqu'à couleur rose pourneutraliser
le formol.
La solution de contrôle est une prise de 20 centimètres cubes d'eau distillée bouillie,
à laquelle on ajoute 10 centimètres cubes du mélange formolé et 5 centimètres cubes de
N
baryte. On fait ensuite la titralion c en retour » avec HCl — .
Pour faire cette opération, on ajoute peu à peu HCl jusqu'à ce que la solution
prenne un ton rose faible; on ajoute alors 1 goutte de baryte et la solution de contrôle
prend alors une teinte rouge nettp.
Une prise de 20 centimètres cubes de la liqueur à titrer, + 10 centimètres cubes du
mélange formolé, est alors titrée jusqu'à coloration rouge nette.
La titration avec la thymolphtalcine se fait d'une façon analogue. On a facilement des
dosages donnant 95 à 99 p. 100 de la quantité calculée.
Cette méthode a permis à Henrioues et Hanse.n de suivre la digestion de mélanges
de polypeptides. Elle permet également de suivre la digestion tryptique des albuminoïdes
naturels, et aus^^i de doser l'acide urique comme un acide monobasique.
D'autre part comme, au cours de l'hydrolyse, à chaque groupement carbonyle mis en
liberté correspond un groupement aminé, on peut exprimer les chiffres trouvés en mil-
ligrammes d'azote, ce qui est très pratique. En multipliant le nombre de centimètres
N
cubes de baryte — employés 'par 2,8, on a la quantité d'azote aminé mis en liberté en
milligrammes.
5° Lipase.
1" Historique. — La lipase du suc pancréatique a été découverte en 1834 par Eberlk,
qui constata que ce suc éniulsionne les graisses.
Mais le mérite d'avoir mis en valeur l'importance et le mode d'action de ce ferment
revient à Claude Bernard.
En constatant que chez le lapin qui a reçu un repas de lait, les chyiifères ne devien-
nent blancs qu'au-dessus du segment intestinal où le canal pancréatique se déverse dans
l'intestin, Claude Bernard établit le rôle du suc pancréatique dans l'absorption des
graisses. D'autre part, il montre que le suc pancréatique émulsionne et saponifie les
graisses in vitro. Il constate en effet que de l'huile agitée avec du suc pancréatique ne
tarde pas à former des émulsions stables* et qu'un mélange d'huile et de suc pancréa-
tique primitivement neutre ou alcalin devient acide ; qu'un mélange de beurre et de
suc pancréatique répand bientôt l'odeur caractéristique de l'acide butyrique. A la
demande de Claude Bernard, Berthelot montre que le suc pancréatique dédouble les
graisses en acides gras et glycérine.
INTESTIN. 4-21
Ces expériences furent ultérieurement contirniLîes et controuvées par une série d'au-
teurs. Ces variations d'opinion sur le lerment des graisses du pancréas n'offrent plus
grand intérêt aujourd'hui. Elles s'expliquent parfaitement par ce fait que les prépara-
tions pancréatiques dans lesquelles les divers auteurs recherchaient le ferment des
graisses avaient subi des manipulations très différentes, dont beaucoup ne pouvaient que
détruire la lipase.
Une objection plus grave qui fut faite à l'existence du ferment lipasique était ({ue
son action était peut-être due à des germes contenus dans le milieu digestif. Gtieen
leva cette objection, comme Kuhne la leva en ce qui concerne la trypsine, en mon-
trant que les extraits cyanures de pancréas digèrent les graisses comme les extraits
ordinaires.
Enfin, au point de vue historique, une des aciiuisitions les plus importantes dans la
question do la lipase est l'activation considérable de ce ferment par la bile. Le fait a été
mis en évidence par Dastre, qui, en abouchant le cholédoque au-dessous du canal de
WinsuNG chez le chien, fait celte constatation inverse et complémenlaire de celle de
Claude Bernard : à savoir que les chylifères ne deviennent blancs ([u'au-dessousdu point
oîi l'intestin reçoit la bile.
2° Action de la lipase. Émulsion et saponification. — La lipase pancréatique est
immédiatement active dans le suc pancréatique pur de fistule, conformément à ce que
nous avons vu pour l'amylase, et contrairement à ce qui a lieu pour la trypsine.
L'action du suc pancréatique est double : elle éniulsionne et saponifie les graisses.
L'action émulsionnante de la lipase est elle-même une action complexe. Le suc
pancréatique est très alcalin et contient vraisemblablement une forte proportion de
carbonate de soude. Or nous savons que des graisses neutres, même à froid, s'émul-
sionnent, très partiellement il est vrai, au contact de solutions faibles d'alcalins; cette
émulsion est due à la saponification très légère que subit la graisse neutre au contact
des alcalins (opinion classique); d'autre part les savons alcalins ont, comme on sait, la
propriété de stabiliser les émulsions de graisses neutres et, par conséquent, déjà les
sels alcalins du suc pancréatique sont susceptibles d'émulsionner les graisses neutres.
Il est absolument certain que le suc pancréatique ne doit pas uniquement à ses sels
alcalins sa propriété d'émulsionner les graisses. Les sels alcalins, dans la proportion oîi
ils sont contenus dans le suc pancréatique, ne sauraient provoquer qu'une émulsion
faible et lente ; mais un second élément intervient pour amplifier ce processus; cet élé-
ment, c'est la lipase elle-même.
Lorsqu'on met au contact de l'huile neutre et du suc pancréatique, on constate que
le milieu devient acide malgré la présence des sels alcalins du suc pancréatique. Il s'est
donc développé une acidité supérieure à celle qui suffit à neutraliser les sels. Il a été
démontré déjà par Berthelot que cette acidité était due aux acides gras, et on peut,
par des procédés que nous indiquerons, constater très aisément ce phénomène. II
s'ensuit que des acides gras se développent au cours de la digestion lipasique et qu'il se
forme de nouvelles quantités de savons alcalins jouissant, comme nous l'avons déjà
dit, du pouvoir d'émulsionner les graisses.
L'action émulsionnante du suc pancréatique est donc en définitive, surtout et avant
tout, une conséquence de son action saponifiante (opinion classique).
L'action saponifiante de la lipase peut être mise en évidence par la simple constata-
tion de l'acidification progressive du milieu digestif.
Préparons une huile neutre de la façon suivante : de l'huile de coton est additionnée
d'une solution de carbonate de soude, puis d'éther. Le mélange est fortement agité, puis
laissé quelques instants au repos. L'éther dissoudra les graisses neutres; les acides
gras de l'huile formeront avec l'alcali des savons qui se dissoudront dans l'eau. L'éther
décanté ne contiendra que de la graisse neutre (IIammarsten). Si nous additionnons
cette graisse neutre de suc pancréatique, nous ferons, en raison de l'alcalinité du suc
pancréatique, un mélange alcalin. Portons alors le tout à l'étuve, et nous constaterons
que le mélange alcalin devient progressivement plus acide.
Nous pourrons séparer ces acides des graisses neutres par les procédés que nous
venons déjà d'indiquer; mais nous pourrons très simplement encore doser la quantité
d'acides forn)és, défalcation faite de la très petite quantité d'acides gras engagés dans
452 INTESTIN.
la formation des savons, par la soude et la phénolphlnléine. (Voir plus loin le
dosage.) Nous constatons ainsi la formation progressive d'acides gras.
La saponification d'une fçraisse par la lipase n'est donc pas une saponification vraie,
en ce sens que la lipase ne fmme pas des savons.
La lipase dédouble simplement les graisses en acides gras et en glycérine. Les deux
constituants de la graisse restent en liberté dans le milieu, et, s'il y a un peu de savon
formé, c'est le résultat non de l'action du ferment, mais de la présence dans le milieu
de quelques sels d'alcalis.
3° Action réversible de la lipase. — La saponification par la lipase est un processus
réversible dans certaines conditions, c'est-à-dire que la lipase est susceptible de refor-
mer des éthers ou des graisses par la synthèse d'acides gras et de glycérine. Kastle et
Lœwenhardt ont constaté la formation de butyrate d'éthyle par synttièse d'acide bu-
tyrique et d'alcool éthylique en présence de lipase.
D'après Pottevin la lipase reforme de l'oléine aux dépens de l'acide oléiqui^ et de la
glycérine.
Hanriot a observé que, si en milieu neutre la lipase du sang débouble la monobu-
tyrine, elle reforme au contraire de la nionobutyrine en milieu légèrement acide.
Herzog a calculé que la saponification du butyrate d'éthyle mettait en liberté 1,2 calories
pour 100 grammes de substance; c'est donc une réaction très faiblement exothermique,
la réaction inverse de .synthèse sera donc très faiblement endothermique. Il y a là
certainement une condition chimique qui facilite laction réversible de la lipase.
DiETz a étudié la synthèse de divers éthers et montré que, si on étudie simultané-
ment l'hydrolyse et la synthèse d'un même éther, on arrive toujours à un même état
d'équilibre, c'est-à-dire que, si on fait un mélange de lipase et a d'éiher et un mélange de
lipase et d'acide gras et alcool en mêmes quantités que celles qui sont contenues dans a
d'éther, on aboutit, soit dans le processus hydrolytique soit dans le processus synthé-
tique, au même état d'équilibre entre les quantités d'éther, d'acide et d'alcool.
Il est à noter expressément que toutes ces expériences ont été faites avec des
extraits pancréatiques et non du suc pancréatique.
4° Substances hydrohjsées par la lipase. — La lipase hydrolyse toutes les graisses et
d'une façon générale un grand nombre des corps à fonction éther simple ou multiple;
mais cette action est inégale selon les substances considérées.
1° D'après l'opinion classique, les graisses seraient d'autant plus rapidement dédou-
blées que leur point de fusion est plus bas. Morel et Terroine se sont élevés contre
cette manière de voir. Ils ont vu que, si l'on prend la série des triglycérides d'acides gras
saturés allant ainsi de la triacétine à la tristéarine, la digestibilité à 40" par le suc
pancréatique seul augmente jusqu'à la trilaurine puis baisse et devient nulle avec la
tristéarine. Le tableau suivant montre des digestions faites avec des quantités de sue
constantes et des quantités éijuimoléculaires de graisses.
Nature
Quantités d'acides
dosés en cmc.
Point de fusion. des corps. NaOH —
Liquide la tempérât, ord. Triacctinc 5,2
» Tributyrine 7,5
') Tricaproine 6,7
» Tricapryline 10,6
» Tricapriaine 13,8
46°, 4 TrDaurine 16, a
55°,0 Trimyristine 10,2
63", 0 Tripalmitine 1,3
71' Tristéarine 0,9
(Morel et Terroine, B. B., 24 juillet 1909, 272.)
Par conséquent la digestibilité est indépendante du point de fusion des graisses.
2» Au cours du dédoublement |d'un triglycéride il se forme indépendamment des
produits terminaux (acide gras et glycérine le di et le monoglycéride correspondants
(Lewkowitsch). Morel et Tbrroixe ont montré que ces corps étaient de plus en plus
résistants à l'hydrolyse du suc pancréatique, soit pur, soit additionné des sels biliaires.
INTESTIN. 423
Par conséquent on hydrolyse plus aisément un tri qu'un dï, et un di (ju'un mono-
glycéride.
Exemple : quantités égales de suc pancréatique + bile + quantités isoacides d'éther.
(Digestion aseptique.)
^ , Acides niosurôs en cinc. NaOll -—
Durée 20
de la
digestion .
20'
45'
l'',45'
188 heures.
Monoacétine.
Diaeétine.
Triacétinc.
0,1
0,5
0,1
0,2
0,9
1,5
0,3
1,5
3,4
0,8
4,6
11,0
(Terroini:, Bioch. Zeilsch., XXIII, 1910, 410.
Le lecteur remarquera la résistance extrême du monoglycéride comparée aujdigly-
céride et surtout au triglycéride et notera qu'il ne s'agit pas seulement pour ces
divers glycérides d'une différence de vitesse d'hydrolyse; mais encore d'une dilT-érence
d'état final.
Slowtzof montre que la lipase pancréatique ne libère pas la choline et que la légère
séparation de choline constatée est due à l'alcalinité des sucs digestifs.
3° Les graisses où l'acide gras n'est pas saturé sont plus hydrolysables que celles
où l'acide gras est saturé : c'est ainsi que la trioléine est incomparablement plus sen-
sible à l'action de la lipase que la tristéarine (Tehroine).
La lipase ne saponifie pas seulement les graisses proprement dites, c'est-à-dire les
éthers de la glycérine, mais également les éthers d'alcools variés, comme le butyrate
d'éthyle, l'acétate d'éthyle, l'acétate d'amyle, le glycol diacélique, etc.
Enfin on rattache à l'action lipasiqiie le dédoublement d'éthers dérivés d'acides aro-
matiques, tels que le salicylate d'amyle, le salol, etc. (Nencri, Dakinj.
Un problème très intéressant dans l'histoire de l'activité lipasique est l'effet de la
lipase sur la lécithine. On sait qu'il s'agit là d'un savon glycéro-phosphorique à base
de choline. La lipase dédouble-t-elle la lécithine ? Stassano et Billon, en expérimentant
sur une émulsion de lécithine fraîche dans du suc pancréatique kinasé, ne constatent
aucune hydrolyse.
Ils trouvent par contre que la lécithine vieillie est attaquée rapidement. Paul
Mayer, puis ScHOUMOFF-SiMAxowski et SiEBER admettent que la lipase attaque la lécithine.
Kalabouroff et Terroine montrent que, mise à digérer aseptiquement avec du suc
pancréatique même additionné de sels biliaires, la lécithine fraîche et neutre ne
libère presque pas d'acide gras, et ils supposent que la très faible quantité d'acide gras
libéré est due au dédoublement de la petite quantité de graisses entraînées au cours de
la préparation de la lécithine. (La lécithine se digère d'autant moins qu'on la purifie
davantage.)
4" Lois d'action de la lipase. — Duclaux, en calculant les chiffres des expériences de
Hanriot et Camus faites sur la monobutyrine, estime que la lipase obéit aux lois ordi-
naires des ferments, c'est-à-dire que pendant le début de la digestion les produits
d'hydrolyse sont proportionnels à la quantité du ferment, puis que bientôt leur aug-
mentation suit une courbe logarithmique. Cette conclusion est conforme aux expériences
de Terroi.n'e.
D'après Engel et Ka.xitz, l'action de la lipase obéit à la loi de Schutz-Borrissow.
L'étude de la loi d'action de la lipase est des plus difficiles lorsqu'on l'étudié sur une
graisse insoluble dans l'eau, ce qui est le cas de presque toutes les graisses.
La finesse de l'émulsion, le progrès de l'émulsion, à mesure que la digestion s'opère,
modifient la vitesse d'action de la lipase.
Le résultat de l'activité du ferment est donc complexe. C'est pour cette raison que
Hanriot opérait sur la monobutyrine, qui est soluble dans l'eau. (V. Lipases.)
Ce procédé élude une des difficultés du problème, mais il faut savoir que dans les
•conditions physiologiques la lipase rencontre beaucoup de graisses insolubles.
0° Actions favorisantes ou empêchantes sur la lipase.
a) Température. — Nos documents sur cette question sont peu nombreux.
D'après Hanriot et Camus, dont les expériences sont faites sur la monobutyrine
i'ii INTESTIN.
et la lipase tiit .saiii,', la température inlluence la lipase dans la mesure suivante. Les
chifTres mis en regard de la température indiquent la proportion d'acide formé com-
parée à la quantité d'acide formée à la température oplima.
Température.
0
16
20
25
25
37
37
50
40
62
50
83
60
100
10
83
Ces résultats sont différents de ceux trouvés par Slosse et Limlosch {Arch. internat,
de Phj/siol., 1909) et Teuroine [Bioch. Zeits., 1910). Les premiers auteurs ont opéré
sur le suc pancréatique de sccrétine en présence de jaune d'œuf. D'après eux, il u'y
a pas d'optimum net, mais une zone optimum aux environs de 3i)"-45". Terroine a étudié
plus complètement cette question et mis en évidence les faits suivants :
1" L'hydrolj'se des corps gras est encore très nette à 0°, et presque nulle à 'J4'*.
2° La vitesse d'hydrolyse do corps, tels que la trioléine, insolubles dans l'eau est à
peine plus iniluencée par la température que celle de corps complètement solubles dans
l'eau, tels que la triacétine. Ces faits tendent à démontrer que la vitesse d'action dia-
stasique serait uniquement une vitesse de réaction chimique et non pas la résultante
d'une vitesse de réaction et d'une vitesse de diffusion.
3° La lipase est très fragile au chauffage. Portée seule à 45" pendant 10' (suc pan-
créatique pur non kinasé), elle devient beaucoup moins active.
4° Enfm la lipase est encore plus fragile à la température, si elle est additionnée de
sels biliaires.
h^ Acides et bases. — La lipase du sang préfère les milieux alcalins, comme en
témoignent nettement les expériences d'H.vNRioT.
Carbonate de soude en grammes par litre
du mélange graisse et lipase 0,0 0.2 0,4 0,8 1,0 1,5 2,0
Activité de "la lipase 22 33 44 46 52 74 86
Terroine {loc. cit.), a montré que du suc pancréatique pur neutralisé peut agir en
milieux neutres ou faiblement acides ou alcalins, mais que son milieu optimum très
net est NaOH ~ Exemple :
150
Acides litres
mesurés en
NaOII
.. Il
du milieu.
NaOH -.
0
8.5
N/300
36,5
N/150
75,7
N/lOO
57,0
N/75
6,5
N/60
0,0
La nature chimique est sans importance (Terroine) : Tactivation est sensiblement
identique, si l'on prend NaOH, CO^Na- AzH'^OH, dont le coefficient de dissociation, par
conséquent l'alcalinité actuelle, est cependant très différent.
Électrolytes. — Pottevin admet que les alcalins accélèrent : Lœwenhardt et Pearge^
que NaFl retarde nettement et intensément, MAGNUs,que le sulfate de manganèse accé-
lère. Terroine constate que la série halogénée Cl, Br, L FI, accélère à certaines doses et
retarde à d'autres; la concentration optimale diminue régulièrement avec le poids ato-
n
mique de l'anion ; elle est optimale pour NaCl à — . Les sels alcalins accélèrent moins.
c) Antiseptiques. — Les antiseptiques qui dissolvent les graisses, comme le chloro-
forme et le toluène, protègent bien la lipase contre la destruction microbienne. Mais ils-
INTESTIN. 42o
ne peuvent être ulilist''s au cours de digeslioiis Iipasi(iues, car en dissolvant les graisses
ils compliquent les conditions expérimentales.
Le fluorure de sodium arrête l'action lipasique à des doses faibles (Lœwenhardt).
d) Bile. — La bile, dont nous verrons ultérieurement le rôle primordial dans la
résorption des graisses (Dasike), possède encore dans la digestion des graisses une fonc-
tion spéciale : c'est celle d'activer considérablement l'action lipasique.
Bien que l'action directe de la bile soit connue depuis les travaux de M arcet qui
avait longuement insisté sur l'action énuilsionnante de la bile, l'action activante de
la bile sur la lipase n'a été démontrée pour la premièie fois que par Nk.ncki et IIachi-ord.
Cette action activante de la bile est considérable.
Eu voici un exemple, d'après 0. v. Furth :
2 cmc. steapsine + 20 cmc. huile.
Activité lipasique sans l)ile + .5 cmc. bile.
8,7 26,2
2,9 27,6
L'activation par la bile n'est pas due à un ferment biliaire : le chauffage de la bile ne
lui fait pas perdre sa propriété activante.
Dans ces conditions, il y avait lieu de se demander auquel des constituants de la bile
était dévolue l'action accélératrice.
Hewlett avait annoncé que l'action activante de la bile était due à la lécilhine, et de
fait, en lisant ses expériences, on voit que les activations qu'il obtient par la lécilhine
sont des plus nettes, de 1 à 4 et plus; mais v. FCrth et SchCtz, Kalaboukofp et Terroixe
n'ont pas retrouvé d'action activatrice sensible.
Si la lécilhine semble sans action sur la lipase, les sels biliaires par contre jouissent
d'un pouvoir aclivant indéniable vis-à-vis de ce ferment, comme l'ont démontré v. Flrth
et ScHiJTz {loc. cit.). L'ordre'de grandeur de cette activation est indiqué par les expériences
suivantes empruntées à Magnus :
Quantité d'hj'drate
de iTaryte nécessaire
Digestion pendant 10' à 37°, 40. pour neutraliser.
5 cmc. huile + 0,5 cmc. suc pancréatique + 0,1 cmc. H'O 6
5 cmc. huile + 0,5 cmc. suc pancréatique + 0,1 solution de glycocholate
de soude à 25 p. 100 = 11
Celte activation de la lipase par les sels biliaires est générale vis-à-vis de toutes les
graisses et de tous les éthers hydrolyses par la lipase (Hewlet, Stregker, Marti.x et
Williams).
Lœwenhardt et Souoer ont montré que l'activation de la lipase par les sels biliaires
était variable selon le suc pancréatique et selon les graisses considérées.
Quand on opère dans des conditions identiques avec du suc pancréatique provenant
de divers chiens, l'activation par les sels biliaires peut varier énormément, de 1 à 5 : il
y a donc des sucs peu activables et d'autres tiès activables.
Les éthers dont le poids moléculaire est faible, comme l'hydrate d'éthyle, l'acétate
d'éthyle, sont dédoublés avec le maximum de vilesse avec des quantités minimes de
sels biliaires : 0,1 p. 100. Pour avoir son plein effet dans la digestion de l'huile
d'olive, l'addition de sels biliaires au milieu doit être faite au contraire dans la pro-
portion de 2,4 p. 100 (Lœwe.nhardt et Souder).
Terroi.ne estime qu'il n'y a pas lieu de distinguer entre les éthers et les tryglycérides
au point de vue de l'activation des sels biliaires retirés de la bile de bœuf, que le mode
de cette activation est entièrement sous la dépendance de la nature du radical acide
et que le radical alcool n'intervient en rien. C'est ainsi que l'activation par les sels
biliaires présente un maximum (dont il réserve l'interprétation) pour des concen-^
trations identiques de sels biliaires, avec la triacétine, les acétates de mélhyle,
d'éthyle, de propyle, d'isobutyle, etc. Dans le cas considéré, la concentration biliaire
optimum est d'environ 0,225 p. 100. D'autre part, s'il n'existe pas d'optimum pour
l'hydrolyse des huiles, l'activation croit continuellement, mais en s'atlénuant, jusqu'à
des concentrations en sels biliaires de bO p. 100. En outre l'optimum dans le cas
d'acides gras inférieurs n'est qu'un optimum apparent, et, si l'on continue les concenr
426 INTESTIN.
tralions, ou voit que la courbe d'activalion se relève pour atteindre une sorte de pla-
teau, comme pour la Irioléiiie.
En réalité le prétendu optimum dans le cas des acides inférieurs doit être rap-
porté à une précipitation du suc pancréatique par l'acide gras inférieur très dissocié en
présence des sels biliaires, et, comme il s'agit d'un précipité colloïdal, ce précipité est
soluble dans un excès du corps précipitant; les huiles ne donnant pas naissance à des
acides précipitant le suc pancréatique, le phénomène ne s'observe pas pour les huiles.
Comment les sels biliaires agissent-ils?
L'idée dominante sur le rôle de l'action activante des sels biliaires vis-à-vis de la
lipase, est que la bile favorisant lémulsion de la graisse, comme l'avait déjà signalé
ainsi Marcet, réalise pour la lipase une grande surface d'action.
Si l'on mélange de l'huile, de l'eau et du suc pancréatique, on constate que ces
liquides ne sont pas miscibles. Si on les agite fortement, on a une émulsion, mais très
instable. Si, au contraire, on ajoute de la bile au mélange, l'émulsion est immédiatement
beaucoup plus stable.
Cette simple expérience met hors de doute que la bile augmente la surface d'action
de la lipase vis-à-vis de l'huile, et tout ce que nous savons du rôle des surfaces dans les
digestions (digestion beaucoup plus rapide d'un cube d'albumine coupé en tranches que
d'un rube d'albumine de môme dimension et entier, etc.) nous porte à croire que l'un
des rôles de la bile est un rôle physique.
Cette hypothèse semble confirmée par toute une série d'expériences exécutées par
Terroine, et où l'auteur constate que toutes les substances qui favorisent et stabilisent
les émulsions activent également la lipase, telles les solutions de gomme, de sirop, de
sucre et de glycérine, etc.
Mais il est certain qu'à ce mode d'action ne se borne pas le rôle activant de la bile.
Nous avons vu, en eflet, que la bile reste activante vis-à-vis de la lipase agissant sur
des éthers parfaitement soluhles dans l'eau.
D'après Terroine, les sels biliaires n'agissent pas seulement en augmentant l'émul-
sionnabilité ou la solubililé, puisque le pouvoir accélérant s'observe égalenient sur les
«ubes de graisses solides, sur les graisses parfaitement émulsionnées (digestion pra-
tiquée à l'agitateur) et sur les corps en solution parfaite.
DoNATH avait émis l'hypothèse d'une action directe sur le ferment. Terroine apporte
en faveur d'elle le fait que sur le suc pancréatique laissé en contact avec les sels
biliaires on voit le pouvoir lipolytique augmenter puis disparaître.
11 semble donc en résumé que la bile ait une double action dans la digestion lipa-
sique : une première, physique, favorisant l'émulsion; une seconde, probablement
chimique, hâtant l'hydrolyse. Pour Terroine, la seconde est beaucoup plus importante
que la première.
6" Dosage de la lipase. — Le procédé usuel pour doser la lipase consiste à mélanger
du suc pancréatique et de la graisse et à doser au départ et à la fin de la digestion l'aci-
dité du mélange en milieu alcoolique parla soude et la phénolphlaléine.
Si au départ la liqueur, comme c'est le cas en général, est alcaline, on ajoute à l'acidité
terminale une acidité équivalente à l'alcalinité du début.
Le dosage de la lipase est difficile, ou plutôt la signification d'un dosage de lipase est
toujours d'interprétation délicate.
On a fait beaucoup d'expériences avec la monobutyrine, parce que ce corps peut
être obtenu pur, qu'il est soluble dans l'eau et très impressionnable (?) à la lipase. On a
objecté au choix de cette substance que la monobutyrine était trop impressionnable, non
pas à la lipase seulement, mais à bien d'autres agents, si bien que spontanément,
comme l'avait d'ailleurs déjà indiqué Berthelot, elle s'hydrolyse et qu'on peut se
demander alors si ce qu'on mesure par une acidification de la monobutyrine est bien
uniquement une action lipasique (Arthus). Il est certain que, si l'on a affaire à une
action lipasique faible, comme celle du sérum, on sera bien obligé d'employer la mono-
butyrine faute de mieux, mais que du moment que la lipase pancréatique est active
sur des substances qui donnent plus de sécurité, il sera bon d'éviter la monobutyrine.
En dehors de la monobutyrine, beaucoup de substances s'offrent à notre choix. Notre
préférence peut, en dehors de la facilité d'hydrolyse de la substance, être guidée par
INTESTIN. 427
une considération importante; opérerons-nous en milieu homogène ou en milieu hété-
rogène? Si nous voulons opérer en milieu homogène, nous pourrons faire choix de
l'acétate de méthyle et de la triacétine.
Le dosage se simplifie de ce fait que l'agitation momentanée que l'on doit imprimer
toujours aux milieux hétérogènes devient inutile et que par conséquent un coefficient
d'erreur personnel disparaît. Mais on pourra objecter aux dosages en milieux homogènes
qu'ils ne nous renseignent pas sur la digestion habituelle des graisses, qui est une digestion
de graisses insolubles dans l'eau et constitue par conséquent un milieu hétérogène.
Si nous voulons opérer en milieu hétérogène, plusieurs considérations sont à noter.
Les substances dont nous pourrons faire choix sont soit des huiles naturelles, soit
des graisses pnrifiées, trioléine, tripalniitine. Les huiles naturelles sont des mélanges
complexes, non seulement de graisses, mais d'acides gras, de choleslérine, etc.
De ce fait les expériences faites par un observateur ne seront valables que si elles
sont faites avec le même échantillon d'huile, car les huiles de même origine varient de
composition selon leur provenance et leur préparation. Opérer sur une graisse purifiée
vaudrait donc mieux en principe, mais peut-être non en pratique, car les graisses dites
pures le sont rarement, et sont d'ailleurs très coûteuses.
QueK{ue graisse que l'on emploie, il convient de la débarrasser au préalable de ses
acides gras : c'est la moindre cause d'erreur qu'on doive éviter. A cette fin on mélange
l'huile et de la lessive de soude et de l'élher. On laisse reposer le mélange, et on décante
la partie aqueuse. La graisse dissoute dans l'éther est à nouveau agitée avec de l'eau,
puis décantée. Dans cette manipulation les acides gras sont saponifiés par la soude, les
savons se dissolvent dans l'eau et sont soustraits par décantage ; un nouveau lavage
à l'eau finit d'enlever les derniers restes de savon.
La digestion peut se faire plus simplement en ajoutant du suc pancréatique à
l'huile. Mais, pour que la digestion soit active, il faut agiter le mélange, sans quoi le suc
pancréatique se sépare de l'huile, et l'hydrolyse qui ne se fait qu'à la surface de contact
reste très lente. Une agitation répétée au moins au début, tant que l'émulsion n'est pas
stable, active la digestion. Il est certain que, pour que l'influence accélératrice de cette
agitation reste constante dans toutes les expériences, il faudra agiter tous les milieux
d'une façon identique. Il y a là un tour de main à acquérir, si l'on ne veut pas recourir à un
procédé mécanique.
La digestion avec le suc pancréatique pur ne nous donne qu'un des aspects de la
digestion lipasique. Physiologiquement la digestion lipasique est une digestion lipasique
■activée par la bile.
Les mêmes expériences que les précédentes sont donc à répéter, mais après addition
de bile ou plus simplement de sels biliaires. Comme l'action activante varie avec la
quantité de sels biliaires employée, il convient de fixer exactement et arbitrairement
la proportion de sels biliaires qu'on adoptera toujours (Terroine).
Il est diffifile d'arrêter la digestion à un moment précis par des moyens qui ne gêneront
pas ultérieurement le dosage de l'acidité. Il ne faut naturellement pas songer à l'addition
d'acides ni de bases; on peut à la rigueur porter les milieux à la température de l'eau
bouillante. En pratique on tourne la difficulté en effectuant une digestion lente (deux
heures), de sorte que l'erreur due au temps que nécessite le dosage sans arrêter la diges-
tion se trouve très réduite.
Le dosage de l'acidité produite se fait de la façon suivante : une quantité déterminée
du milieu digestif bien homogénéisé par agitation préalable est mélangé à une quantité
égale d'alcool absolu, le tout additionné de phénolphtaléine, et l'acidité dosée avec une
liqueur de soude.
L'avantage de doser dans l'alcool est d'homogénéiser le mélange et de rendre le
virage plus net et d'empêcher la dissociation des savons. Il faut savoir que l'acidité trouvée
en milieu alccolique n'est pas la même que celle qu'on trouve en milieu aqueux (Kanitz).
Il va sans dire que l'acidité par laquelle on exprimera l'action lipasique sera non
pas l'acidité constatée au moment du dosage, mais cette acidité augmentée d'une aci-
dité équivalente à l'alcalinité du mélange du début de la digestion, car l'acide formé est
non pas seulement celui que nous trouvons en liberté dans le milieu, mais aussi celui
•qui a saturé les alcalis du mélange pour fonner des savons.
428 INTESTIN.
Les lois d'action de la lipase sont, comme nous l'avons vu, encore imprécisées. Dans
le doute où nous sommes et en raison de ce que nous connaissons des lois d'action
des ferments en général, il est prudent de mesurer la lipase par des hydrolyses qui n'ont
pas dédoublé plus du dixième de l'huile.
B. — SUC INTESTINAL.
Le suc intestinal est sécrété par de nombreuses glandes répandues dans tout le
trajet de l'intestin : ce sont les glandes de Hiunneh et les glandes de Liebkrkuh.n.
Accessoirement interviennent dans la sécrétion des cellules caliciformes disséminées dans
toute la muqueuse intestinale. La structure de ces éléments sécréteurs et les modifica-
tions des glandes au cours de la sécrétion seront étudiées au chapitre : « Analomie,
histolofjic et physiologie comparées».
1° Procédés d'obtention du suc intestiiml. — On peut se faire une idée des [iropriétés
du suc intestinal, en j)renanl des extraits de muqueuse intestinale. Ce procédé est
rapide, facile, mais sujet à de giaves objeclions. L'on n'a pas a priori le droit d'affirmer
que les extraits de muqueuse intestinale, qui impliquent le broiement des cellules de
l'intestin, jouissent des mêmes i)ropi iélés que la sécrétion pure de l'intestin.
Le suc intestinal pur s'obtient en abouchant à la peau une anse d'intestin et en réta-
blissant le trajet du reste de l'intestin, comme la réalisé pour la première fois ïhiry.
Dans la technique de cet auteur, on coupe entre deux sections une an.se d'intestin
en respectant le vaisseau du mésentère, une des extrémités de l'anse isolée est abouchée
à la peau, après avoir un peu rétréci son calibre pour éviter l'éversion de la muqueuse,
l'autre extrémité est obturée et abandonnée dans l'abdoujen.
VELLAamodilié la technique de Thiuy en abouchant les deux extrémités de l'anse isolée
à la peau : méthode de " Tiiinv-VKLLA ■■■. Enfin récemment Zunz a proposé des fistules
dans lesquelles une des extrémités de l'anse intestinale est fixée à la peau du dos, tandis
que l'autre est abouchée dans la région moyenne de l'abdomen. Lorsque le chien est dans
son altitude habituelle debout sur ses quatre pattes, l'anse listulisée est pour ainsi dire
suspendue verticalement par son embouchure dorsale.
Les fistules à deux orifices ont sur les fistules à un orifice l'avantage de pouvoir être
lavées plus commodément au moyen d'un courant de liquide poussé d'un orifice à l'autre.
En dehors des accidents prévus de péritonite, comme il en survient dans toute opéra-
tion abdominale, le seul inconvénient à redouter à la suite de l'établissement des fis-
tules est réversion de la muqueuse. D'après M. Froui.n, réversion de la muqueuse est
fatale avec tous les procédés, même celui de Zcnz, lorsque, pour aboucher les segments
intestinaux à la peau, on modifie leur situation physiologique dans l'abdomen. D'après
Frouin, la condition essentielle de réussite de ces fistules consiste à faire les orifices
cutanés juste au niveau des points de projection des extrémités de l'anse intestinale sur
la paroi de l'abdomen. Pour éviter l'infection il faut faire en sorte qu'on n'ait pas à
fixer les anses intestinales dans la grande plaie médiane qui a été pratiquée pour
ouvrir l'abdomen de l'animal Froui.n).
Le suc d'intestin ne ronge pas la plaie, l'ouverture de la fistule est facilement main-
tenue perméable par le passage d'un drain élastique.
2^ Caractères du suc intestinal. — Le suc intestinal a été étudié par Rohma.nn, Pregl,
Thiry, Leube, Quincke, Hamburger et Hekma, etc. Le suc intestinal de fistule, non centri-
fugé, présente la composition suivante d'après Hamburger et Hekma :
Eau 98,93
Résidu suc 1,07
A 0,62
NaiCOs 0,21
ClNa 0,58
RcacUon Faiblement alcaline.
Le suc intestinal, prélevé sans précautions particulières, contient une albumine assez
difhcilement coagulable, considérée généralement comme de la mucine, beaucoup de
cellules intestinales, des leucocytes et des bactéries.
INTESTIN. 429
3° Sécrétion des difJY'rcnts seqment» de l'intestin ç/nHc. — Sous l'influence d'excitations
diverses on constate que la si'crétiori est, quantitativement trrs dilTérente dans les divers
segments de l'intoslin grèle, qu'elle est niaxima pour la partie initiale et va ensuite en
diminuant progressivement jusqu'à la valvule iléo-cecale. Charrin et Levaditi en 1899
avaient signalé co fait en étudiant chez des lapins la quantité d'eau sécrétée, sous l'in-
fluence des toxines, par des anses intestinales liées. Ils avaient trouvé comme sécrétion,
1,3 pour l'anse duodénale, 0,6 pour une anse située au milieu de l'intestin grêle et 0,1
pour une anse voisine de la valvule de Bauhin. Frouin a repris systématiquement
l'étude de ce problème au moyen de fistules permanentes chez le chien et bien établi la
constance de ces phénomènes.
Il est à noter que les auteurs qui ont étudié la sécrétion intestinale ont rarement
indiqué le siège de leurs fistules. Il semble qu'on doive attribuer la diversité de leurs
résultats à la diversité des anses intestinales qu'ils ont utilisées.
■'k° Innervation secrétaire. — L'innervation sécrétoire de l'intestin est inconnue.
L'excitation des vagues ne détermine aucune sécrétion (Thiry).
L'énervation d'une anse intestinale isolée s'accompagne d'une sécrétion abondante,
mais temporaire, d'environ vingt-quatre heures (Moreau).
L'extirpation des ganglions cœliaques donne un phénomène analogue (Budge).
S'agit-il dans ces dernières expériences d'une véritable sécrétion active ou d'une
transsudation passive comparable à celle qu'on produit dans une circulation artifi-
cielle d'une anse intestinale extirpée de l'organisme? Nous n'en savons rien.
5° Ferments intestinaux. — On a signalé dans le suc intestinal beaucoup de ferments:
un ferment protéolytique qui digère en milieu alcalin la fibrine crue, mais non l'albumine
coagulée (Thiry, Leuiîe) ; un ferment inversif (Vella et d'autres auteurs) ; un ferment
amylolytique faible (Shiff, Eighhorst, etc., etc.). Mais il convient de dire que l'existence
dans le suc intestinal de ces mêmes ferments a été niée par d'autres auteurs; que d'une
façon générale l'activité de ces ferments, lorsqu'elle a été constatée, semble des plus
variables d'une expérience à l'autre ; tandis qu'au contraire si, au lieu d'étudier les
ferments intestinaux sur du suc intestinal, on Vétudie sur de l'extrait intestinal, on constate
que leur présence y est constante, que leur activité rj est toujours beaucoup plus énergique.
Nous devons donc nous demander si le suc intestinal contient vraiment les ferments
qu'on y a signalés ou si les ferments que nous y trouvons ne sont pas le produit des
cellules intestinales désagrégées que l'on trouve toujours dans le suc intestinal de fistule.
Cette dernière hypothèse se trouve déjà impliquée dans les recherches de Bidder et
ScHMiDT qui remontent à 1831 ; ces auteurs, qui savaient combien l'action amylolytique du
suc est faiblft, montrent combien au contraire la digestion de l'empois d'amidon porté au
sein d'une anse intestinale isolée est rapide; l'activité amylolytique de l'intpstin était
donc avant tout manifeste quand il y avait contact direct de l'empois d'amidon avec la
muqueuse intestinale. Les recherches ultérieures ont confirmé ces faits. Mais la
démonstration directe du rôle des éléments histologiques dans l'activité du suc intes-
tinal n'a été donnée que tout récemment par Bierry et Frouin. Ces auteurs constatent
que le suc intestinal de chien recueilli dans un tube plongé dans de la glace et centri-
fugé rapidement de manière à séparer les éléments cellulaires avant qu'ils ne soient
altérés, n'a pas d'action amylolytique : le culot cellulaire jouit au contraire d'une forte
activité amylolytique. Ils constatent encore le même fait pour l'iuvertine et la tréhalase.
Ajoutons enfin que deux ferments intestinaux récemment découverts, l'érepsine et
l'arginase, n'ont pu jusqu'ici être mis en évidence que dans les macérations intestinales '.
Il est donc démontré que plusieurs ferments intestinaux ne sont pas directement
mis en liberté dans le suc intestinal et que quelques ferments même ne peuvent être
mis en évidence que par la destruction de la muqueuse de l'intestin. Pour la correction
de l'exposé nous devrions donc décrire successivement les fermants du suc intestinal et
les ferments de la muqueuse intestinale. Malheureusement, pour plusieurs ferments,
cette distinction ne peut encore être fermement établie. Aussi, pour simplifier l'exposé
1. Il est évident qu'étiinl donnée l'abondance des cellides intestinales dans le suc de fistule
recueilli sans précaution i)arliculière et examiné sans ccntrit'ugation préalable il y aurait lieu de
reprendre l'étiuie du suc intestinal en tenant compte de ces causes d'erreur dont beaucoup ont
été signalées par Frouin et Bierry.
430 INTESTIN.
qui va suivre, étudierons-nous les ferments de la muqueuse intestinale en notant seule-
ment, chemin faisant, dans quelle mesure nous savons que ces ferments sont mis en
liberté dans l'intestin et dans quelle mesure nous sommes autorisés à croire que leur
activité reste physiologiquement intra-cellulaire.
a. Ferments dédoublant les hydrates de carbone. — a. L'amylase existe dans la muqueuse
intestinale (Schiff, 1857, etc.). L'aclivilé dos extraits intestinaux est faible, de l'opinion
de tous les auteurs.
Le suc entérique même chargé de cellules intestinales désagrégées n'a également
qu'une activité amylotique assez faible. Bierry et Frouin ont montré que l'activité
amylolytique du suc enlérique est due entièrement aux cellules intestinales désagrégées;
le àuc recueilli dans des tubes glacés et centrifugé est inactif.
[3. Maltase. — La maltase a été signalée en 1880 par Brown et Héron dans l'intestin
grêle du porc, puis en 1883 par Bourquelot dans l'intestin grêle du lapin : depuis cette
époque ce ferment a été étudié par Tebb, Pautz, Vogel, Davenière, Portikr, Pozerski, etc.,
et enlin Bierry et Frouin.
De l'ensemble de ces recherches, il résulte que la maltase intestinale est très active,
beaucoup plus active que celle du suc pancréatique.
D'après Bierry et Frouin, la maltase intestinale a son optimum d'activité dans les
milieux alcalins, contrairement à la maltase pancréatique qui est à peu près inactive en
milieu alcalin. Fait vraiment singulier, mais dont il n'est donné aucune explication.
D'après les mêmes auteurs, la maltase s'extérioriserait rapidement des cellules intes-
tinales, car le suc de fistule recueilli 'après lavage de l'anse intestinale est actif même
après centrifugalion rapide.
6° Invertine. — L'aptitude de l'extrait intestinal à dédoubler la saccharose en glucose
et lévulose a été signalée par Pasgiutin en 1871, et par Cl. Bf.r.nard en 1877,
Les recherches de Bierry et Frouin établissent que l'invertine diffuse lentement dans
le suc intestinal et n'y apparaît que lorsque les cellules de la muqueuse sont altérées.
L'invertine a été l'objet de plusieurs travaux d'ensemble importants, dont trois
surtout méritent d'être signalés, car on y trouve analysées avec détail, soit des pro-
priétés spéciales de l'invertine, soit des conditions générales de l'aclion des diastases
étudiées sur l'invertine.
L'invertine est un ferment qui se prête bien à l'étude des vitesses de réaction, car
une simple inspection polarimétrique du milieu digestif indique les progrès de la diges-
tion. Pour cette raison, les lois d'action des diastases sur les substances solubles ont été
surtout établies d'après les expériences sur l'invertine.
Action'des diastases. — Les travaux de Henri sur ce sujet et les discussions auxquelles
ils ont donné lieu, ont déjà été exposés dans l'article Ferments de ce Dictionnaire : nous
n'y insisterons donc pas davantage.
Les deux autres travaux importants sur l'invertine sont ceux de O'Sullivan et
Thompson et ceux de Cole Sydney sur le rôle des acides et des électrolytes.
En ce qui concerne l'action activante des acides, O'Sullivan et Thompson signalent ce
fait capital, qui semble avoir été ensuite complètement oublié par beaucoup d'auteurs: à
savoir que les concentrations d'acides nécessaires pour produire l'activation maximale
de l'invertine sont fonction de la concentration du ferment (à rapprocher de ce que
nous avons déjà signalé pour l'amylase). Voici, données en regard l'une de l'autre, les
concentrations relatives de ferments et les concentrations d'acides activant au maximum
dans des expériences faites à 15°, 5.
Inverline. SO^H^
l,b 526/n
4,5 263/71
15 lo8/«
D'autre part, O'Sullivan et Thompson remarquent que la concentration de l'acide a
besoin pour activer au maximum d'être d'autant moins grande que la température du
milieu est plus élevée. Il est difficile d'expliquer ce fait par une dissociation plus grande
de l'acide à une température plus élevée, car pratiquement la dissociation de l'acide
est déjà à peu près complète pour les solutions très diluées qu'emploient les auteurs
INTESTIN.
431
Nous devons à Coole Sydney des expériencesde lapins haute importance surractioa
activante de l'acide chlorhydrique sur l'iiivertine : la valeur de ces expériences résulte
de ce que l'auteur a opéré avec du ferment dialyse et que par suite l'acidité' du milieu
est presque exactement l'acidité théorique signalée par lui, et enfin parce qu'il a
fait le départ exact de l'action propre de l'acide sur le sucre de canne. Voici un extrait
de ces expériences.
A.
B.
Pourcentage de
Inversion
Différence
Concontration
l'inversion par
par l'acido
entre
de l'acide HCl.
l'acide seul.
et lo forment.
A et B.
0
0
5,29
5,29
1 : 9 000 Normal.
0
10,94
10,94
1 : i500
0,15
12,50
12,35
1 : 3 000
0,30
25,33
25,03
1 : 2 2:j0
0,70
34,22
33,52
1 : 1500
1,60
62,55
1 : 1 125
2,S7
76,92
74,35
1 : 900
3,9
84,93
81,03
i : 750
5,5
57,73
52,23
1 : 643
7,1
51,26
44,10
1 : 562
9,02
36,69
27,67
1 : 450
13,0
29,64
16,64
1 : 360
19,4
32,21
12,81
1 : 300
28,3
28,58
0,28
1 : 257
36,8
36,79
0
l : 225
44,7
44,71
0
Dans ces expériences la concentration initiale du sucre est de 21 p. 100; les expé-
riences sont faites à 38° et durent 22 heures. Le ferment est bien dialyse et très dilué.
C'est également à Coole Sydney que nous devons les notions les plus précises sur
l'action des sels.
Voici deux séries de ses expériences :
SELS.
POURCENTAGE
DE I,'lNVERSION.
Eli 21 h. En 48 h
SELS.
POURCENTAGE
DE l'inversion.
En 24 h. En 48 h.
I. Concentration du sucre : 22,5 p. 100; des sels : -r-rr T° 3.o
4,.b
Pas de sels
Chlorure de sodium.
Chlorure de baryum.
Azotate de potasse..
Formiate de soude..
Formiate de magnésium
Acétate de soude.
46,2
34,9
30,0
34.3
26,0
18,4
15,1
69,3
55,4
35,0
.-32,8
44,1
26,2
21,4
Sulfate d'ammoniaque..
Sulfate de magnésium.
Oxalatc de potasse. . .
Tartrate iodo-potassique
Tartrale d'ammoniaque.
Citrate de soude. . . .
II. Concentration du sucre : 24,4 i\ 100; des sels : — ï°
Pas de sels
Chlorure de sodium. .
Cldoi'ure d'ammonium
Clilorure de baryum. .
Sulfate de potasse . .
20,0
11,6
37,3
10.6
10,1
■16, -2
12,4
."33,7
11,4
10,8
Sulfate d'ammoniaque . .
Sulfate de magnésium . .
Tartrate iodo-potassique.
Tartrale d'ammoniaque. .
49,1
40,7
41,6
26,5
46,4
25,4
40°.
41,2
9,5
10,6
6'î,6
71,1
63,0
61,6
46,1
75,1
45.0
38,6
10,4
12,0
79.6
Si nous nous rappelons que des expériences analogues pour l'amylase (voir suc pan-
créatique) ont montré que les sels activaient l'amylase par leurs anions, que le rôle des
432 INTESTIN.
cations y était insensible, enfin qae, parmi les anions, les types monovalents jouissaient
de l'action activante la plus prononcée, on voit que l'invertine ne subit pas du tout les
mêmes influences que l'amylase.
Pour l'invertine les cations ont une action retardante souvent très marquée. C'est
ainsi que, si nous prenons la série des chlorures, nous voyons que le baryum et le
sodium retardent beaucoup, tandis que l'ammonium active plutôt. Il en est de même
pour les sulfates : la potasse et le magnésium retardent beaucoup, tandis que l'ammo-
nium accélère.
La différence de l'action activante des anions par contre n'est pas 1res sensible pour
les types monovalents et divalents. Le chlorure d'ammonium n'accélère pas beaucoup
plus que le sulfate d'ammonium, le chlorure de sodium ne retarde pas beaucoup moins
que le sulfate de potassium.
Il n'est pas sans intérêt de signaler que, pour sensibiliser cette action des sels, il faut
chercher par tâtonnement la concentration de ferment, la concentration de sels et la
température convenable. L'action si nette des sels dans l'expérience II est beaucoup
moins évidente dans l'expérience 1 où la concentration de l'invertine est très forte et la
concentration des sels double de celle qui existe dans l'expérience II. Ces faits rentrent
dans cette loi générale que, pour des concentrations élevées de ferment, le ferment prend une
activité propre de moins en moins sensible aux actions activantes comme aux actions retar-
dantes : il devient indépendant du milieu.
Lactase. — La laclase fut rechercliée pour la première fois en 1890 par Dastre, mais
sans que l'auteur obtînt de résultats précis.
En 189?», Pautz et Vooel constatent que la macération d'intestin du nouveau-né
dédouble la lactose; ces résultats sont confirmés en ce qui concerne le bœuf et le
cheval par FiscHKR et WiEiiEL. P. Portier en 1808 signale ce fait nouveau que la lactase, qui
est abondante chez les mammifères tout jeunes, devient de moins en moins abondante à
mesure que l'animal vieillit.
BiERRY et Gruv Salazar en 1904 constatent que le milieu d'activité optimum de la
lactase est un milieu un peu acide et que la lactase comme l'amylase est un ferment qui
diffuse moyennement vite des cellules intestinales.
Raffinnse. — Ce ferment a été très peu étudié chez les animaux. Il résulte cependant
des recherches de Pautz et Vogel, Fischer et Wieuel que la laffinase n'existe ni chez le
chien ni chez le cheval. Bierry et Giaja l'ont signalée dans le suc gastro-intestinal de
Ihelia Pomatia.
Tréhalase. — La tréhalase a été signalée dans l'intestin du lapin par Bourqublot et
Gley, retrouvée par Fischer et Wiebel dans l'intestin du bœuf; Bierry et Frouin consta-
tent que la tréhalase n'apparaît dans le suc intestinal qu'après désintégration des cel-
lules de la muqueuse de l'intestin.
Inulinase. — L'inuline peut être dédoublée activement [lar un ferment soluble décou-
vert par Green dans les tubercules de rarlichaut de Jérusalem et dénommé par cet
auteur inulase. D'après les recherches de Bierry et Portier et de Bichaud, l'inulase
n'existe pas dans le tube digestif des animaux, c'est l'acide chlorhydrique de l'estomac
qui hydrolyse l'inuline.
b. Ferments des hcmi-cellulases. — F. des hexosanes. — Les animaux supérieurs n'ont
pas de ferments susceptibles d'hydrolyser les mannogalactanes du caroubier et du salep
(M™" et M. Gatln), ni la mannogalactane de la luzerne (Bierry et Giaja). Bierry et Giaja
trouvent dans le suc intestinal de l'escargot un suc qui hydrolyse la mannogalactane de
la luzerne.
F. des xylases. — Ce ferment n'a été retrouvé que chez des moUusq^ues parSEiLLiÈRE
et Pascault. Il est difficile de localiser la production de ce ferment.
c. Ferments des graisses. — Lalipase intestinale n'a qu'une activité très faible (Pawlow,
Bierry, Frouin, etc.).
d. Ferments des albuminoides. — D'anciennes recherches de Leube il résulterait que le
suc entérique pourrait solubiliser la fibrine crue. Celte action protéolytique ne s'obser-
verait qu'avec le suc intestinal. Par contre, de toutes les recherches ultérieures il ressort
que ni le suc ni la macération intestinale n'agit sur l'albumine coagulée, ni en milieu
acide ni en milieu alcalin. Nous sommes donc portés à conclure que l'intestin ne con-
INTESTIN. 433
tient aucun ferment pouvant être ranyc soit dans la classe des ferments pepliques, soit
dans la classe des ferments tryptiques.
Érepsine. — En 1901, Cohnueim signale dans la muqueuse intestinale un ferment
susceptible de transformer les albumoses et les peptones en acides aminés, mais inca-
pable d'hydrolyser les albumines naturelles sauf la caséine, la protamine et l'histone.
Il désigna du terme d'érepsinc ce ferment ({ui, comme nous venons de le voir, est dis-
tinct par ses propriétés de la pepsine et de la trypsine.
Pour isoler ce ferment, Cohnueim recommande la technique suivante : deux parties
d'une macération aqueuse de muqueuse intestinale sont additionnées d'une partie de
solution concentrée de sulfate d'ammoniaque. Le précipité mis à dialyser se redissout
progressivement et le liquide ainsi obtenu est riche en érepsine.
L'érepsine a été retrouvée chez l'homme par Hamburger et Hekma, chez le chien par
Salaskin, et par toute une série d'autres auteurs chez divers animaux.
L'érepsine ne peut être assimilée à la trypsine pour deux raisons. La première, que
nous avons déjà donnée, c'est que l'érepsine n'attaque pas les albumines proprement dites,
comme le fait la trypsine (Cohnheim) : ce qui est confirmé par les auteurs précités. La
seconde raison, c'est que l'érepsine transforme complètement l'albumine en produits
abiuréliques, tandis que la trypsine, même après un temps de digestion très long,
laisse des produits biurétiques inattaqués (Foa).
Mais l'érepsine n'est pas un ferment spécial de la muqueuse intestinale : elle a été
retrouvée dans le tissu pancréatique par Vernon et dans des proportions variables dans
les macérations des autres tissus.
KuTSCHER et Seemann, par des objections assez difficiles à interpréter, se refusent à
classer l'érepsine de Cohnheim parmi les ferments intestinaux : ils considèrent que c'est
un ferment cellulaire général que Cohnheim met en liberté par autolyse de l'intestin.
Cohnheim s'efforce de réfuter, pour des raisons également obscures, l'objection que
lui adressent Kutscher et Seemann que des processus d'autolyse interviennent dans la
préparation de l'érepsine.
La question de l'érepsine est relativement simple, et peut se présenter de la façon
suivante :
L'extrait intestinal a des propriétés que la trypsine n'a pas (digestion des antipeptones),
et n'a pas certaines propriétés que possède la trypsine (digestion de l'albumine coagulée,
parexemple). L'extrait intestinal a donc des propriétés différentes de celles de la trypsine.
Ce n'est pas un ferment spécifique de l'intestin, cela est évident, puisqu'on la retrouve
dans de nombreux viscères, mais il en est de même de la maltase, de l'amylase, et de
bien d'autres ferments, ce qui n'empêche pas que les auteurs parlent de la maltase et
de l'amylase au chapitre des ferments instestinaux.
L'érepsine ne se retrouve que peu ou pas dans le suc intestinal pur. Elle ne peut être
mise en évidence que par des macérations ; or la macération comporte l'autolyse des
cellules. Mais il en est de même pour l'amylase et la tréhalase,et ceci ne nous empêche
pas de considérer ces ferments comme des ferments intestinaux.
L'érepsine est donc un ferment endocellulaire.
Y a-t-il des raisons particulières de penser que ce ferment endocellulaire se comporte
dans la digestion différemment des autres ferments endocellulaires que nous venons
d'examiner? Tout le débat sur la dignité qu'il convient d'attribuer à l'érepsine comme
ferment intestinal se réduit à cette question.
Cette question n'est pas actuellement résolue.
Ferment lab. — D'après Baginski, l'intestin sécréterait un lab ferment. Plumier, en
injectant du lait dans une anse intestinale isolée, constate que le lait qui ressort est
coagulé, et conclut, lui aussi, à l'existence d'un ferment lab intestinal.
Mucinase. — Hoger a découvert dans l'intestin un ferment qui coagule la mucine et
qu'il a dénommé pour cette raison mucinase. Les faits concernant ce ferment seront
empruntés aux publications de cet auteur. La muqueuse intestinale de lapin ou de
chien est épuisée par la glycérine, l'exlrait glycérine est traité par l'alcool, et le préci-
pité redissous dans l'eau. Si l'on ajoute à quelques centimètres cubes de mucine de 0,5
à 2 centimètres cubes d'extrait glycérine d'intestin, le mélange ne larde pas à se
troubler, et à présenter un précipité grumeleux.
DICT. DE PHYSIOLOGIE. — ÏOMK IX. 28
434 INTESTIN.
La bile empêche l'action de ce ferment. L'action des substances empêchantes de la bile
n'est pas détruite par le cliauffage ; les substances empêchantes sont détruites par ralcool.
Riva et Neppeu ont retrouvé la mucinase dans les selles de l'homme.
Arginaie. — Kossel et Dakin, iOOb, ont extrait de la muqueuse intestinale un fer-
ment qui dédouble l'ar^nnine en ornithine et urée. Mais ils ont montré encore que ce
ferment est beaucoup plus abondant dans le foie, dans le rein, le thymus et les lym-
phatiques.
L'arginase soulève les mêmes problèmes que l'érepsine, au point de vue du rang qu'il
faut lui assigner parmi les ferments intestinaux. Son intérêt, au point de vue du méta-
bolisme général, sera développé dans l'article Urée.
Microbes. — Des variétés nombreuses de microbes sont les hôtes normaux de l'intestin.
Leur activité dans les processus digestifs fait donc partie de la physiologie normale de
l'intestin.
Étant donné le rôle considérable des microbes dans la pathologie intestinale de
l'homme, il s'ensuit que la microbiologie intestinale a été étudiée surtout chez l'homme.
1° Moment d' apparition des microbes dam l'intestin. — A la naissance, l'intestin est
stérile. Il est contaminé, en moyenne, de quatre à vinn;t heures après la naissance,
d'après Escherich et Tissier. La contamination se fait, en général, en même temps par
l'ingestion d'aliments non stériles, et par une infection ascendante à point de départ anal ;
2° Répartition dans rintcstin. — D'après Gilbebt et Domi.mci, qui ont fait porter leurs
études sur le chien, le nombre des microbes s'accroît progressivement, depuis l'origine
de l'intestin jusqu'au niveau du cfecum ; à partir de ce niveau, le nombre des bactéries
diminue légèrement;
3° Quantités. — On a étudié la quantité des bactéries par trois méthodes différentes :
rt) Ensemencement des fèces diluées sur plaques de Pétri. Ce procédé ne donne que
des résultats médiocres, parce qu'un grand nombre de bactéries sont déjà mortes lors-
qu'elles sont rejetées dans les fèces. Klei.\ et Heilstrou estiment que les fèces ne ren-
ferment pas plus de 4,0 à 10,6 p. 100 de bactéries vivantes.
b) Numération directe des bactéries dans une quantité connue de fèces diluées à litre
connu, et étalées sur une surface de grandeur connue. Cette technique a été établie par
Ebeble, et perfectionnée par Heilstrou et Kleix. Les auteurs conseillent de faire d'abord
une dilution de 4 milligrammes de fèces dans 10 centimètres cubes d'eau, et de mélan-
ger, à parties égales, la suspension de fèces avec une solution de violet de gentiane. On
sèche le liquide coloré, et ou monte au baume sans laver.
c) Pesée des bactéries. Cette méthode a été instituée par Str.\ssbdrger, et appliquée
ensuite par Leschziner, Schittenhelm et Tolle.ns. Une quantité connue de fèces est tritu-
rée d'une façon intime avec de l'eau. Le tout est centrifugé, les matières fécales, en
raison de leur densité, se déposent dans le culot des tultes; les microbes, dont le poids
spécifique est voisin de celui de l'eau, restent en suspension. Après deux ou trois lavages,
on se débarrasse totalement des matières fécales. La suspension aqueuse de microbes
est additionnée d'alcool, le milieu étant moins dense que les microbes, ceux-ci se dépo-
sent à leur tour lors d'une nouvelle centrilugation.
Les nombres totaux des bactéries de l'intestin de l'adulte obtenus par ces diverses
méthodes ont été les suivants : par la culture (Gilbert et Douinici) 1d milliards (résultat
naturellement trop faible pour les raisons sus-indiquées) ; par la numération (Klein)
8,8 billions; par la pesée (Strassbcrger) (calcul approximatif) 128 billions.
Le nombre des bactéries de l'intestin est donc énorme. En poids, Strassburger évalue
la masse des bactéries comme équivalente, en moyenne, au tiers de la masse fécale
totale. Cette proportion paraît vraiment considérable ! La technique de Strassburger
est-elle bien irréprochable ?
4° Variétés. — Les variétés de microbes intestinaux sont extrêmement nombreuses;
il est bon, pour cette raison, de cultiver les fèces sur des milieux très variés, et de ne
jamais omettre de faire des cultures anaérobies, en même temps que des cultures aérobies.
Les principales variétés qui se rencontrent d'une façon constante, d'après Bienstock,
Escherich, Tissier, etc., sont les suivantes :
a) Aérobies : B. coli communis. B. lactis aerogenes. B. duodenalis, B. proteus vidga-
ris. B. liquefaciens, Enterococcus (Thiercelin).
INTESTIN. 135
b) Anaérobies : B. bifidus commiinis (Tissieu). B. amijlobacter. B. de lu fjangrcae
■gazeuse. B. putrificus, streptocoques divers, etc.
50 Digestion microbienne. — Les divers microbes que nous venons d'énumérer ne sonl
qu'une faible partie des nombreuses variétés microbiennes isolées dans l'intestin. Cette
flore nombreuse et variée est susceptible d'attaquer tous les aliments qui passent dans
le tube digestif. Une des caractéristiques de la dif^estion microbienne est de pousser la
digestion des aliments beaucoup plus loin que ne le font les sucs animaux, et de donner
naissance à certains corps qui, quoique de constitution encore complexe, ne se retrouvent
jamais dans la digestion animale.
C'est ainsi que les microbes poussent la digestion des albumines jusqu'au stade acide
acétique, isobutyrique, valérianique, mettent en liberté de l'hydrogène sulfuré, de
l'anhydride carbonique, etc., tandis que nous avons vu que la digestion tryptique ne
dépasse pas le stade des acides aminés, et ne donne jamais naissance à un dégagement
gazeux. De même, la digestion microbienne donne naissance à de l'indol, du scatol, de
la phénylanaline, qui, bien que n'étant pas des produits ultimes de désagrégation, ne se
trouvent cependant pas dans la digestion tryptique. De même, les microbes opèrent sur
les graisses et les hydrates de carbone des digestions très différentes de celles que nous
avons vues à propos de la digestion par les sucs intestinaux.
a) Digestion des albumines. — La digestion microbienne des albumines s'appelle com-
munément putréfaction, en raison de l'odeur en général repoussante des produits de
cette digestion. Les nombreux produits de cette digestion microbienne ont fait l'objet de
travaux importants de la part de Ne-^cki, Baumann, Brieger, H. et F. Salkowsei,
A. Gautier, etc. On peut sérier de la manière suivante les produits de la putréfaction.
a) Les acides monoaminés de la série grasse donnent naissance, dans la putréfaction,
à de l'ammoniaque et à des acides gras : acétique, propionique, butyrique, valérianique,
caproïque et carbonique.
6) Les acides dianiinés donnent naissance, par mise en liberté d'une molécule de CO-,
à des produits très odorants et assez toxiques.
L'ornilhine CH2AzH2(CH)-^ CHAzH^ GOOH donne CH^AzH2(CH2)2 CH^Az^ (tétraméthyièn-
diamine ou putrescine + CO^.
La lysine CH^ A3H2(GH^)-^ GHAuH^ COOH donnera GH^'A3H2(CH2)3 CIÏ^AaH^ + CO^
pentaméthylèndiamine ou cadavérine.
c) Un acide aminé de la série aromatique, qu'on ne retrouve jamais dans les diges-
tions tryptiques, apparaît dans la putréfaction : c'est la phénylalanine.
d) Les acides aminés de la série aromatique présentent, au cours de la putréfaction,
des dédoublements de plus en plus considérables.
La tyrosine, acide oxyphénylaminopropionique C6H4 OH CH^ CHAz COOH donnera
successivement l'acide oxyphénylpropionique CgH^OH CH- CH2COOH + AzH^, le p crésol
CeHi OH CH3, et le phénol Ce H5 OH.
L'alanine, qui est un acide phénylaminopropionique donnera elle-même, finalement
aussi, du crésol et du phénol.
D'après Thierfelder et Nuttal, l'acide paroxyphénylpropionique serait un produit
susceptible d'être mis en liberté par la trypsine ; par contre, le crésol et le phénol ne
peuvent être rais en liberté que par les diastases microbiennes.
C CHAz Ho 002 COOH
Du tryptophane CcHi-. yCH
AzH
dérivent :
CH
l'indol Ce H4\/)cH
AzH
CCHz
et le scatol Ce Hiv. /CH
AzH
(ou méthylindol).
436 INTESTIN.
e) Les composés soufrés de l'albumine donneraient, par dédoublement, des merca-
plans, dont l'odeur est extrêmement forte, et de l'hydrogène sulfuré.
Tels sont les piincipaux produits de la putn'faction des albumines.
(3) Hydrates de carbone. — Les produits de la digestion microbienne des hydrates de
carbone sont : l'acide lactique, paralaclique, succinique, formique, de l'hydrogène, de
l'anhydride carbonique, du gaz des marais, etc. (Le rôle des microbes dans la digestioi
de la cellulose sera étudié au chapitre de la Phi/sioloyie comparée.)
8) Graisses. — Les produits de la digestion des graisses par les microbes sont peu
connus.
e) Mécanisjne de la digestion microhienne des albumines. — Au point de vue physiolo-
gique, ce sont la digestion microbienne des albumines et celle des hydrates de carbone
qui sont les plus importantes : relie des albumines est intéressante, parce qu'elle déve-
loppe des produits toxiques qu'on retrouve dans l'urine; celle des hydrates de carbone,
parce qu'elle semble jouer, comme nous le verrons plus tard, en physiologie comparée,
un rôle normal et prépondérant dans la digestion générale des herbivores. Pour celte
dernière raison, nous n'envisagerons ici que la digestion des albumines.
Dans l'innombrable flore intestinale, il y a des microbes susceptibles d'actions dia-
stasiques très variées. Nous devons à Tissier et Martelly quelques notions intéressantes
sur ce point. Ces auteurs divisent, à propos de la putréfaction, les microbes en deux
catégories :
1° Les ferments mixtes, qui attaquent à la fois et les hydrates de carbone et les
albumines; tels sont : le B. perfringens, B. bifermentans, Staphylococcus albus, etc.
2° Les microbes à ferments protéolytiques purs, qui n'attaquent que les albumines;
tels sont le B. putriftcus, le li. putridiis ffracilis, le Diplococcus magnus.
Si, maintenant, nous considérons l'aclion protéolytique dos microbes, nous voyons
([u'elle se manifeste d'une manière très variable, selon le microbe considéré.
Une étude particulièrement approfondie de ces faits a été poursuivie par Bienstock,
dont les résultats ont été étendus et confirmés par Rettgek. Les résultats de leurs
recherches sont les suivants :
i" Il y a des bacilles doués d'une forte activité protéolytique sans pouvoir putréfiant
marqué, c'est-à-dire susceptibles d'attaquer l'albumine comme un ferment animal, mais
sans donner naissance aux produits proprement dits de la putréfaction. Tels sont :
B. acror/encs capsidatiis et B. entcridis sporogenes ;
2" Il y a des bacilles à la fois protéolytiques et putréfiants, par exemple : li. œdcmati
maligni et B. antliracis symptomatici ;
3° Il y a des bacilles peu protéolytiques et très putréfiants, comme le B. putrificus.
Si nous essayons, maintenant, d'approfondir l'action des bacilles putréfiants propre-
ment dits, nous constatons trois faits importants.
Tout d'abord, la plupart des bacilles putréfiants sont anaérobies, comme l'avait
signalé déjà Bienstock.
Ensuite, les bacilles putréfiants ne donnent pas toujours des produits caractéristiques
de la putréfaction; c'est ainsi que B. putrificus ne donne pas d'indol (Bienstock et
Rettger), qui apparaît, au contraire, par adjonction du Dacillus lactis aerogenes.
Enfin, la putréfaction ne donne naissance à toute la gamme des produits signalés
plus haut que si, à côté des aérobies, se trouvent des anaérobies. Le fait peut être expli-
qué, par exemple, d'après Nencki, Hopkins et Cole, à propos de la formation de l'indol
et du scatol. Le tryplophane donne, par perte de H-, naissance à de l'acide scatolacé-
tique (processus exigeant des anaérobies), mais la transformation de l'acide scatolacé-
tique en scatol et indoi se fait par perte de 0^ (processus exigeant dps aérobies).
Une putréfaction est donc une hydrolyse très complexe, où il faut plusieurs microbes,
d'abord, parce que les microbes qui sont protéolytiques, souvent, ne sont pas putré-
fiants; ensuite, parce que les microbes anaérobies, qui peuvent intervenir à certains
moments de l'hydrolyse, sont inefficaces dans des processus ultérieurs, qui exigent un
processus aérobie. C'est ce qui nous explique qu'une albumine ensemencée avec un seul
microbe ne subit qu'une putréfaction beaucoup moins rapide, et beaucoup moins
complète qu'une albumine ensemencée avec des ferments mixtes.
Ç) Causes qui limitent la putréfaction physiologique. — Étant donné que l'intestin
INTESTIN. 437
contient normalement toute la llore microbienne nécessaire à la putréfaction, et reçoit
constamment des albumines susceptibles d'être attaqués par ces microbes, on s'est
demandé pourquoi la putréfaction intestinale se limite, en sommé, à un processus peu
important comparé à la protéolyse par les ferments animaux.
Il y a, de ce fait, deux raisons. La première, c'est que, selon une loi physiologique
générale, tout produit d'hydrolyse susceptible d'être résorbé est rapidement résorbé, et
ne s'accumule pas dans l'intestin. Nous verrons, à propos de la résorption des albumines,
qu'on ne trouve jamais que de très faibles quantités d'acides aminés dans l'intestin. Or,
comme l'activité des microbes commence surtout à se faire sentir énergiquement sur
des produits déjà dégradés de Talbumine, il en résulte que, physiologiquement, les
processus normaux de la résorption coupent les vivres aux microbes. En accord avec
ce phénomène, on a constaté, en effet, qu'un des seuls moyens que l'on possède d'aug-
menter la putréfaction intestinale est de provoquer une occlusion de l'intestin qui
empêche la résorption de s'accomplir normalement.
La seconde raison qui limite encore la putréfaction intestinale est l'antagonisme
manifeste entre les microbes qui attaquent les albumines et les microbes qui attaquent
les hydrates de carbone. C'est une loi fondamentale que, dans les milieux riches en
hydrates de carbone, la putréfaction est toujours limitée. L'élude des produits contenus
dans les divers segments de l'intestin illustre d'une façon très nette cette loi.
Nous verrons que la digestion et la résorption des hydrates de carbone se réalise
complètement dans l'intestin grêle; et, du moins pour des hydrates de carbone comme
le sucre, le lactose, l'amidon, il ne passe que des quantités insignifiantes d'hydrates de
carbone dans le gros intestin. Schématiquement, nous pouvons donc dire qu'il y a des
hydrates de carbone dans l'intestin grêle, et qu'il n'y en a plus dans le gros intestin.
Or, quand on étudie le contenu intestinal, on constate qu'il n'y a pas de putréfaction
dans l'intestin grêle, et que celle-ci ne commence que dans le gros intestin. Dans
i'intestin grêle, on trouve beaucoup de produits dérivés des hydrates de carbone, et des
graisses. Acides lactique, acétique, paralactique (Macfayden, Ni:nciu etSiEBER); de l'acide
succinique (Jakowski), des acides formique, et butyrique (A. Sghmidt), de l'alcool
(Jakowsri), mais pas de produits dérivant des albumines; traces de H-S (Macfayden);
traces de phénols et d'oxyacides, pas de scatol ni d'indol (Bauman.n).
Dans le gros intestin abondent au contraire les acides acétique, isobutyrique, valéria-
nique, caproïque, du phénol, de l'indol, du scatol (Brieger), de l'ammoniaque Brau-
?sEck), de l'acide scatolcarbonique(SALKowsKi), de l'acide oxyphénylacétique(RAUMANx), du
méthylniercaptan (Nencki et Sieber, de la cadavérine et de la putrescine (Brieger), etc.
La putréfaction, phénomène localisé au gros intestin, est donc empêchée dans le
petit intestin par la présence d'hydrates de carbone dans cette partie du tube digestif.
Deux raisons ont été proposées pour expliquer que la putréfaction est atténuée
dans les milieux qui, outre des albumines, contiennent des hydrates de carbone. La
première invoquée par Bienstock est qu'il y a antagonisme entre les bacilles qui atta-
quent les hydrates de carbone et ceux qui attaquent les albumines. La seconde pro-
posée par TissiER et Martelly est que les bacilles des hydrates de carbone développent
des réactions de milieu défavorables au développement des microbes putréfiants.
Si l'on étudie le sort d'un lait cru abandonné à lui-môme, on constate, comme l'a
fait Bienstock, qu'il s'acidifie, mais ne se putréfie pas. Dans les mêmes milieux atmo-
sphériques, le lait cuit et reposé à l'air se putréfie. Or ces deux laits, du fait de
l'expérience, sont exposés à la même contaminalion. S'il en est un qui puisse être moins
contaminé, c'est le lait cuit. Or, fait remarquable, c'est justement celui-là qui se putréfie.
Bienstock pense que, si le lait cuit se putréfie, c'est que la cuisson a tué des bacilles
lactiques, qui, eux sont absents des poussières de l'atmosphère, et que, par conséquent,
la putréfaction du lait cuit est liée à la destruction des bacilles lactiques comme la non-
putréfaction du lait cru était liée au développement des bacilles lactiques. Beaucoup
d'auteurs ont adopté cette manière de voir, et jusque ici l'accord est assez général sur
îes faits et leur interprétation. Le désaccord commence sur le point de savoir si les
bacilles lactiques gênent directement le développement des bacilles putréfiants par
« concurrence vitale », ou s'ils interviennent autrement.
6" Sort des produits de la putréfaction intestinale. — Les produits de la putréfaction
438 INTESTIN.
sont en majeure partie résorbés par l'intestin. En ce qui concerne l'indol, Ellinger a
constaté que 50 p. 100 du produit ingéré passe dans les urines. B-mmann, qui a fait une
étude remarquable des produits de la putréfaction, a montré que nombre des produits
de la putréfaction s'éliminent dans les urines en combinaison avec l'acide sulfurique ou
avec l'acide glycuronique. Nous renvoyons le lecteur pour l'exposé de cette question
d'une part à l'article « Urine » de ce dictionnaire, et aux traités de médecine pour le
parti diagnostic qu'on a tiré, en pathologie, de la présence des produits de la putréfac-
tion intestinale dans l'urine.
II. — RÉSORPTION INTESTINALE.
La résorption intestinale est l'acte digestif par lequel les aliments transformés ou
non au cours de leur passaf^e dans le tractus gastro-intestinal vont pénétrer dans la
paroi de l'intestin pour passer ensuite dans le torrent circulatoire.
Toute une catégorie de substances échappent à la résorption, comme les fibres végé-
tales, les fibres conjonctives non digérées, les pépins de fruits, eic. Ces substances sont
éliminées dans les matières fécales.
Les substances susceptibles d'être résorbées peuvent se diviser en plusieurs catégo-
ries : l'eau, les sels, divers liquides comme l'alcool, la glycérine, les hydrates de car-
bone, les substances azotées et les graisses.
Les phénomènes de la résorption sont de complexité inégale pour les diverses
substances. L'eau et les sels, l'alcool et la glycérine par exemple, sont absorbés
en nature par l'intestin, et, de l'intestin passent sans modification dans le torrent cir-
culatoire. Pour les hydrates de carbone, il est probable que certains d'entrés eux,
comme la saccharose et la maltose, subissent dans l'intimité même de l'intestin une
véritable digestion (inversion du saccharose, dédoublement du maltose en glucose)
avant de passer dans le torrent circulatoire et que, par conséquent, la résorption s'ac-
compagne d'une digestion intra-cellulaire. Pour les substances azotées la résorption,
d'après beaucoup d'auteurs, s'accompagnerait même d'une reconstitution au sein de
l'intestin de la molécule albuminoïde. Enfin, pour les graisses, se posent les mêmes
problèmes avec en plus celui de savoir sous quel état les graisses sont susceptibles
d'être résorbées.
1° Résorption de l'eau et des sels.
La résorption de l'eau et des sels par l'intestin est, comme la sécrétion de l'eau et
des sels par le rein, une question étudiée avec prédilection par les physiologistes,
moins peut-être pour préciser les conditions de résorption de ces substances que pour
trouver dans les expériences des arguments permettant de discuter du mécanisme de
la résorption.
La résorption de l'eau et la résorption des sels sont deux questions inséparables.
L'intestin ne résorbe pas à sec; si l'on dépose des sels anhydres dans l'intestin, celui-ci
sécrète d'abord de l'eau, et ce sont ces sels dilués dans l'eau qui sont ensuite l'ésorbés.
De même l'intestin ne résorbe pas de l'eau pure : si l'on dépose de l'eau distillée dans
l'intestin, celui-ci ne tarde pas à sécréter des sels, et rapidement l'eau distillée est rem-
placée par une solution saline.
Ces faits mêmes nous indiquent l'intérêt de considérer comment s'effectuera la
résorption lorsqu'on met l'intestin en présence de liquides très pauvres en sels, puis en
présence de solutions salines de concentration croissante? En pratique, on n'a guère
étudié les cas extrêmes de l'eau distillée et des sels anhydres; car ces substances altè-
rent l'une et l'autre la muqueuse intestinale. En général on fait choix de solutions
bypotoniques, isotoniques et hypertoniques, car l'intérêt de la question est moins d'éta-
blir l'ordre de grandeur absolu que le sens même des phénomènes.
INTESTIN.' 439
Exposé des faits. — 1° Réso)j>tion de NaCl à des concentrations variable^. Exp. de
Heidf.miain sur NaCI.
Solution
introduite ilaiis
uDo anso
intestinale isi)l(<e
Durée
Solution retrouvée
Quantité
"'— ' — *
Quantité
Quantité
Quantité
do
Pourcentage
totale
do la
de
Pourcentage
totale
solution.
on NaCI.
ilo NaCl.
résorption.
solution
en NaCl.
de NaCl.
cnio.
gr.
min.
cmc.
gf-
I. ,
, . 120
0,3
0,36
15
18
0,60
0,108
11.
. . 120
0,5
0,G
15
35
0,66
0,23
m.
. . 117
1,0
i,n
15
75
0,90
0,67
IV.
. . 120
1,46
1,15
15
109
1,20
1,31
Cette expérience montre que les solutions inférieures en concentration à 0,9 p. 100
se concentrent dans l'intestin et que les solutions supérieures à 0,9 p. 100 se diluent,
qu'en somme, riael que soit le titre initial des solutions introduites dans l'intestin, celui-ci
tend toujours à ramener des solutions à Visotonie avec le plasma sanijuin. Mais il découle
aussi de cette même expérience que le retour à l'isotonie du liquide intestinal n'est
pas la condition nécessaire pour sa résorption.
En effet, l'eau salée peut traverser l'intestin en concentration très hypotonique, car
la concentration de 0,60 que nous trouvons à la fin de l'expérience I est la concentra-
tion maximum qui ait pu se produire au cours de l'expérience. En effet, l'intestin
s'efforçant toujours de ramener son contenu à l'isotonie et de l'y maintenir quand il s'y
trouve à cette concentration, on ne saurait admettre que dans l'expérience I la concen-
tration ait pu devenir supérieure momentanément à 0,6 pour revenir ensuite à ce
taux. Par conséquent, il devient évident que l'eau salée a pu être absorbée directement
à des concentrations hypotoniques. Dans l'expérience IV nous pouvons affirmer pour
des raisons de même ordre que la concentration finale de 1,20 p. 100 est la concentra-
tion minima qui ait existé au cours de l'expérience. Or, à la fin de cette expérience, le
liquide a été déjà résorbé partiellement. Par conséquent l'intestin est susceptible de
résorber des liquides hypertoniques de même qu'il est susceptible de résorber des
liquides hypotoniques.
Enfin, au point de vue des vitesses d'absorption, il importe de remarquer que les
solutions hypotoniques, sont plus vite résorbées que les solutions isotoniques, qu'elles-
mêmes sont plus vite résorbées que les solutions hypertoniques.
La constatation de ces différents faits nous permet en plus de faire une nouvelle
remarque. La résorption des solutions hypertoniques et des solutions hypotoniques ne
consiste pas en un passage en bloc des solutions en cause.
La résorption des solutions hypotoniques vase faire avec une augmentation progres-
sive de la concentration du liquide intestinal, et la résorption des solutions hyperto-
niques va de pair avec une diminution de la concentration. Pour expliquer ces phéno-
mènes, on peut faire deux hypothèses. Tout d'abord on peut penser que pour la
résorption des solutions hypotoniques la résorption de l'eau va plus vite que celle du
sel, et que pour la résorption des solutions hypertoniques la résorption du sel va plus
vite que celle de l'eau : d'où nivellement des tonicités des liquides résiduels dans l'in-
testin.
Mais on peutadmettre aussi que dansla résorption dessolutions hypotoniques, du sel
venant du plasma sanguin passe dans l'intestin en même temps que de l'eau va vers le
sang, et pour les solutions hypertoniques on peutadmettre qu'en même temps (jue le
sel de la solution est déversé dans le plasma, celui-ci abandonne de l'eau à Tintes-
lin : par ce mécanisme un nivellement de tonicités du liquide intestinal est également
possible.
L'expérience précitée ne peut résoudre ce problème. Le principal éleclrolyte en jeu
est NaCl, et on ne peut, par conséquent, distinguer le NaCl qui reste de la solution
primitive de celui qui provient du plasma. C'est pourquoi il est intéressant de com-
parer par rapport à des solutions de NaCl la façon dont se comportent des solutions
d'autres cristalloïdes.
440
INTESTIN.
2° Résorption de solutions de cristalloides autres que NaCl.
Voici des expériences de Couniieim faites avec des solutions de glucose à o,5 p. 100
c'est-à-dire à peu près isotoniques au plasma sanguin.
Composition du
li(|iiidc intostinul
au bout ilo co temps.
Quantité de solution
Quantité
de glucose
Duroo de la
de
liquide
à 5 p. 100 introduite.
résorption.
retrouvé.
cmc.
min.
50
25
37
50
35
30
50
25
38
50
35
52
Glucose,
p. 100.
4,2
4,2
4,1
3,7
NaCl.
p. 100.
0,16
o,n
0,25
0,27
Il convient d'ajouter que des résultats analogues sont obtenus avec les autres cris-
lalloïdes par exemple du sulfate de soude, de l'urée, etc.
Ce type d'expériences nous montre qu'au cours des résorptions de solutions de cris-
talloides autres que NaCl, il se fait à travers l'intestin un double mouvement de sub-
stances, le cristalloïde en solution va vers le plasma sanguin et du NaCl du sang va
du plasma sanguin vers l'intestin.
Ces expériences ne permettent pas de conclure que, dans les premières expériences
citées, NaCl affluait du plasma sanguin vers l'intestin (dans le cas des solutions hypo-
toniques) mais elles rendent cette hypothèse vraisemblable.
Ces expériences nous montrent enfin un fait nouveau : c'est que, si au cours de la
résorption des solutions de tonicités diverses, la résorption s'accompagne d'un nivel-
lement des tonicités qui se rapprochent de celle du plasma; cette tendance au nivelle-
ment des tonicités n'est pas le seul facteur qui préside aux modifications du liquide
contenu dans l'intestin. Nous voyons en effet que, lors même qu'on emploie des solu-
tions isotoniques de glucose, d'urée et de sulfate de soude, du NaCl du plasma sanguin
ne tarde pas à se déverser dans le liquide intestinal.
La résorption iiitestinale s'accompagne donc d'une modification du liquide intestinal, telle
que sa composition chimique, au moins en ce qui concerne NaCl, tend, elle aussi, à se rap-
procher de la composition chimique du plasma.
3" Comparaison entre la résorption des divers èlectrolyles.
Introduite.
Substance.
NaCl
Glucose
MgSO*
Formiatc de Na. .
Valérianatc de Na.
cmc.
50
50
50
35
35
A
0,696
0,698
0,678
0,601
0,610
Durée de la
résorption.
min.
25
25
25
20
20
Substance restante.
cmc.
26
39
72
25
13,5
A
0,.^j83
0,610
0,654
0,626
0,590
Ces quelques expérience.^, empruntées à Hôber, montrent que la vitesse de résorption
des divers sels est très inégale. Des nombreuses recherches qui ont eu pour but de
préciser les vitesses relatives de résorption des divers sels, il résulte les faits suivants.
a) Sels inorganiques. La vitesse de résorption croît de gauche à droite dans tous les
tableaux.
1° Résorption des anions (Hôber).
FI, HPO;. SOi, NO3, I, Br, Cl.
2° Résorption des cations 'Hôber).
Ba, Mg, Ca Na, K.
fî) Sels organiques de soude (Wall.xce et Cush.xy).
Oxalates.
Caprylates.
Malonates.
Succinates.
Tartrates.
Citrates.
Malates.
Œaanthylates.
Lactates.
Salicylates.
Phtalates.
Formiates.
Acétates.
Propionates.
Butyrates.
Valérianates.
Capronates.
INTESTIN. 441
Exposé des théories.
Avec une connaissance si incomplète de la résorption de Teau et des sel?, on pour-
rait s'attendre à ce que les théories qu'on en a proposées fussent discrètes; elles sont
au contraire exubérantes. C'est que pour tous les phénomènes de résorption ou de
sécrétion qui ont paru simples parce que les cellules n'y fabriquaient rien, les théories
ont toujours opéré hardiment devant les faits. Mais c'est qu'aussi les théories qui incar-
nent souvent assez peu les phénomènes incarnent toujours l'esprit des savants qui les
étudient et que ceux-ci ont toujours à défendre quelques intérêts vilalistes, néo-vita-
listes, iatro-mécaniciens ou physico-chimistes. Pour lu résorption il y a eu et il y a
encore des e'coles.
Mais il faut ajouter que ces théories par ailleurs sont respectables, car elles ont sus-
cité des expériences nouvelles et poussé à la critique des expériences anciennes.
A ce double titre elles méritent quelque considération.
Les théories de la résorption des sels se divisent en deux catégories : les théories phy-
sico-chimiqu(^s, qui raisonnent des épithéliums intestinaux comme de membranes sans
doute complexes, mais dépourvues d'initiatives, et les théories vitalistes qui conçoivent
les épithéliums intestinaux comme ayant une initiative et usant des forces physico-
chimiques quand celles-ci s'exercent dans un sens convenable, mais luttant et triom-
phant contre elles lorsqu'elles sont de sens opposé.
a) Rôle de la fdtration. — On appelle filtration le passage d'un liquide à travers une
membrane sous l'influence d'une pression exercée à la surface de ce liquide. Si la filtra-
lion joue un rôle nécessaire dans la résorption, il s'ensuivra qu'il ne pourra y avoir
résorption que si la pression du liquide intestinal est supérieure à la pression extérieure,
qui, dans l'espèce, est représentée par la pression des capillaires veineux.
Hamburger, qui s'est surtout attaché à subordonner la résorption à une filtration, a
pensé avoir donné de sa théorie une démonstration péremptoire par les expériences
suivantes : dans une anse intestinale de chien il introduit un cylindre perforé d'alu-
minium destiné à maintenir la lumière de l'intestin béante, et, dans cette anse ainsi
préparée, il introduit du liquide : il constate que la résorption est nulle. Si, au contraire,
il introduit dans l'anse intestinale du liquide sous pression, il constate, par exemple,
qu'avec une pression de 3 centimètres d'eau, une résorption de 10 centimètres cubes
s'opère en 26 minutes, et qu'avec une pression de 8 centimètres elle s'opère en
18 minutes. Hamburger en conclut qu'avec une pression intra-intestinale nulle la
résorption intestinale est nulle et qu'avec une pression intra-intestinale progressive-
ment croissante la résorption croît progressivement.
La deuxième conclusion de Hamburger est exacte et ne souffre pas d'objection; il
résulte évidemment de ses expériences qu'une pression intra-intestinale favorise la
résorption. Mais sa première conclusion est abusive. Lorsque dans l'expérience avec le
tube d'aluminium il ne constate pas de résorption, la pression intra-intestinale est
certes égale à 0, mais la pression extra-intestinale des capillaires est positive; il s'en-
suit que la résorption ne peut pas se faire sous une pression négative- égale à la pres-
sion des capillaires veineux; mais il ne s'ensuit nullement que la résorption ne puisse
se faire qu'avec une pression intra-intestinale positive, telle que l'exige la filtration,
par définition même.
Reid a montré directement l'erreur de cette conclusion de Hamburger. Une anse
intestinale est sortie de l'abdomen et remplie de liquide. Durant la résorption, la pres-
sion intra-intestinale est de 4 à 6 mjUini. Hg, la pression des veines mésentériques
est de 13,5 à 18,4 millim. Hg. Or, dans cette expérience, il y a eu résorption, malgré
une pression intra-intestinale négative.
Il est donc possible, d'après Hamburger, qu'avec une pression négative trop grande,
la résorption ne puisse pas avoir lieu; mais il est certain, d'après Heid, que la résorp-
tion peut avoir lieu même malgré une certaine pression négative.
S'il y a filtration dans la résorption, celle-ci ne peut donc être due seulement à la
pression du liquide contenu dans la lumière de l'intestin.
Dès 1851, Brucke avait cependant émis une théorie beaucoup plus subtile de la
filtration. Cet auteur, qui avait découvert la musculature des villosités, leur assigna
aussi un rôle dans la résorption. D'après lui, les muscles des villosités dilateraient les
44-2 INTESTIN.
chylifères en se relâchant, et ils les comprimeraient en se coiilractant. Les cliylifères,
munis de leur appareil musculaire compressif, joueraient en d'autres termes le rôle de
petites pompes aspirantes et foulantes. Cette hypothèse ne rencontra pas grand crédit,
mais pour la rejeter, il fallait des raisons démonstratives. Spée montra que, contraire-
ment à l'opinion de RRicKE,le relâchement des muscles des villosités comprimaient les
chylifères, et vice versa: l'hypothèse de Brucke était retournée, mais non renversée,
lorsque bientôt de nouveaux travaux montrèrent que, pour la plupart des substances,
la résorption se faisait par voie veineuse, et non par voie lymphatique; mais ce que les
villosités faisaient pour les lyniphatiques, ne pouvaient-elles pas le faire également
pour les capillaires veineux? l'hypothèse de Bri:cke était maintenant déplacée, mais
non pas abolie.
L'argument décisif contre cet! e hypothèse tenace ne semble avoir été donnée que
dernièrement par 0. Cohnheim. On sait que les Holothuries ont un intestin dépourvu de
villosités et qui baigne intérieurement et extérieurement dans l'eau de mer. Si l'on
prend un intestin d'Holothurie plein d'eau de mer et qu'on l'immerge dans ce même
liquide, on constate que l'eau de mer est résorbée. Il peut donc y avoir résorption sans
le concours des villosités; l'hypothèsn de BrCcke est donc insoutenable, au moins dans
un cas particulier; par extension, on en conclut qu'elle est également sans valeur pour
tous les autres cas où l'intestin est pourvu de villosités.
En détinitive, on admet aujourd'hui en général que la résorption est favorisée par
les mêmes causes que celles qui favorisent la fîltration, mais qu'elle ne saurait être
identifiée à cette dernière.
b) Rôle de la diffusion et de rosmose. — La diffusion consiste dans le phénomène
suivant. Étant donnés deux liquides miscibles différents et en contact l'un avec l'autre,
soit directement, soit par l'interniédiaire d'une membrane ordinaire, les deux liquides
se pénétreront réciproquement, de telle sorte que, finalement, les deux masses liquides
auront une composition homogène et identique. La diffusion se fera avec une rapidité
très variable, selon la nature des liquides en présence, la membrane qui sépare les
liquides, leur température, etc.
Mais ces derniers facteurs ne modifient que l'intensité du phénomène, sans altérer
le résultat final.
Comme celui-ci seul nous importe, cette définition succincte de la diffusion nous
suffit.
L'osmose consiste dans le phénomène suivant. Etant donnés deux liquides miscibles
de concentration difTérente, séparés par une membrane dite hémiperméable, en ce
qu'elle permet le passage de }'eau, mais non pas le passage des substances qui y sont
dissoutes, de l'eau de la solution la moins concentrée passera à travers la membrane
vers la solution la plus concentrée, jusqu'à ce que la pression manométiique du liquide
le plus concentré soit rquiralente à la différence de concentration des deux liquides en
présence. Les phénomènes osmotiques varieront en intensité et en rapidité, selon
la nature des liquides en présence, des membranes qui les séparent, de la température
des liquides. Mais ces derniers facteurs ne modifient que l'intensité du phénomène,
sans altérer le résultat final. Comme celui-ci seul nous importe, celte description suc-
cincte de l'osmose nous suffit.
La diffusion joue-t-elle un rôle dans la résorption, ou plutôt les phénomènes de la
résorption ont-ils une allure qui rappelle la diffusion? Dans certains cas, oui. Prenons
l'exemple d'une anse intestinale sortie de l'abdomen, de manière que la pression inté-
rieure du viscère soit inférieure à celle des capillaires, et qu'on ne puisse faire inter-
venir la filtration; si nous avons empli cette anse intestinale d'une solution à 4 p. 100
de glucose, et si nous étudions son contenu après une ou deux heures, nous consta-
tons que le volume du liquide et sa concentration en glucose ont diminué. Le plasma
sanguin contient peu de glucose, environ 0,5 p. dOO; s'il y a eu diffusion, nous compre-
nons que le sucre passe du liquide intestinal le plus concentré vers le plasma qui
est le moins concentré. Mais toute la question est de savoir maintenant si cette
conclusion tirée de l'analogie des phénomènes est légitime. Si les cellules de l'in-
testin travaillent véritablement au cours de l'absorption, nous risquons de porter au
compte de la diffusion un phénomène qui est dû au travail cellulaire. L'expérience-
INTESTIN. 443^
précédente ne nous lire pas de ce doute, et tous les auteurs qui ont traité cette question
l'ont tellement senti qu'ils se sont efforcés d'établir une relation directe entre la vitesse
de la résorption et la vitesse des diffusions des mêmes substances étudiées in vitro sur
la membrane intestinale et in vivo sur des membranes inertes. Il est évident que si,
dans ces deux séries parallèles il'expériences, la vitesse de résorption et celle de diffu-
sion restaient parallèles, le rôle de la diffusion dans l'absorption s'en trouverait singu-
lièrement fortifié.
Nous avons donné précédemment un tableau comparatif de la résorption des divers
anions et des divers cations. Ce tableau où la résorption croit pour les diverses sub-
stances de gaucbe à droite est le suivant: FI IIPOv SO; NO4 1 Br Cl — Ra Mg Ca Na K;
pour les mômes éléments, la vitesse de diffusion étudiée sur les membranes est la sui-
vante : HPOv SO4 FI NO3 1 Br Cl — Mg Ca Ba Na K. Ces deux tableaux ne concordent pas.
La vitesse de diffusion n'est donc pas parallèle à celle de la résorption. C'est là le fait.
Mais, sur les déductions à en tirer, les auteurs divergent.
Les auteurs partisans de la diffusion répondent à l'argument tiré de cette non-
concordance des tableaux de résorption et de diffusion que, si la diffusion et la résorption
ne sont pas parallèles pour toutes les substances, c'est qu'il faut compter avec un phéno-
mène indépendant de la diffusion, à savoir la nocivité de certains éléments pour les cellules,
nocivité qui est bien connue pour FI et Ba, par exemple. Cette nocivité trouble l'allure
des résorptions dues à la diffusion; mais, ce facteur de trouble éliminé, le parallélisme
reste satisfaisant.
Il est possible que cet argument soit Juste, mais il est certain que, provisoirement
au moins, l'usage qui en est fait à cette fin est arbitraire, bien qu'encore insuffisant.
Des expériences récentes, très nombreuses, ont montré que non seulement FI et Ba
étaient nocifs pour les cellules, mais encore que tous les électrolytes leur étaient nui-
sibles si le milieu où baignent les cellules ne contient qu'un de ces électrolytes. Le vrai
milieu vital pour les cellules est un liquide complexe. C'est la lymphe, et mieux encore
une lymphe particulière pour chaque animal. Par conséquent, toute expérience faite
avec une solution simple devrait être corrigée par un facteur — inconnu — de toxicité.
Le rôle de la diffusion ne peut donc être établi sur les recherches précédentes. Or
il existe un cas particulier où l'on peut au contraire démontrer directement que la
résorption peut avoir lieu sans l'intervention de la diffusion.
Reprenons le premier exemple dont nous avons fait usage pour l'élude de la diffu-
sion, à savoir l'exemple d'une anse intestinale sans pression intérieure, remplie d'une
solution à 4 p. 100 de glucose. Si nous examinons après un délai suffisant la cavité
intestinale, nous la trouvons vide. Or, d'après les lois de la diffusion, l'intestin devrait
toujours contenir une certaine quantité de liquide avec une concentration en glucose
identique à celle du plasma : ce n'est pas le cas. Par conséquent la conclusion géné-
rale qui s'impose est la suivante : le rôle de la diffusion dans la résorption est possible,
mais non pas démontré; à elle seule la diffusion n'explique pas la résorption.
L'osmose est, nous l'avons vu, un phénomène en veitu duquel le volume d'un
liquide séparé par une membrane hémiperméable d'un autre liquide, augmente quand
ce liquide est à une concentration supérieure à celle du second liquide. Lorsque dans
une anse intestinale nous injectons une solution saline hypertonique, le volume de
ce liquide augmente momentanément avant de décroître. Il se passe donc dans cette
expérience un phénomène qui a l'allure d'un phénomène osmotique.
Est-ce un phénomène osmotique? tous les auteurs l'admettent, tout en sachant que
le phénomène observé dans l'anse intestinale est peut-être impliqué dans un phéno-
mène de sécrétion simple. Il est possible, par exemple, que le sel introduit dans l'intes-
tin jouisse d'un pouvoir excito-sécrétoire véritable, et nous savons même que certains de
ces sels, comme le sulfate de magnésie, lessels de baryum, etc., font sécréter l'intestin,
alors même qu'ils sont introduits dans le torrent circulatoire directement; qu'en d'autres
termes onpeut purger, non pas seulement en faisant ingérer des sels, mais en les injec-
tant dans les veines.
De ce que des phénomènes semblables aux phénomènes osmostiques se passent dans
l'intestin il ne s'ensuit donc pas nécessairement qu'ils soient de nature osmotique.
Il va sans dire maintenant que l'osmose, si elle existe, ne peut jouer qu'un rôle
444 INTESTIN.
infime dans les phénomènes observés au cours de la résorption. Car en dehors du cas
particulier de l'augmentation de volume d'un liquide primitivement hyperloiiique con-
tenu dans l'intestin, tous les faits de résorption intestinale vont à rencontre, ou sont
indépendants des éventualités que feraient prévoir les lois de l'osmose.
c) Rôles associés de la fdtration, de la diffusion et de l'osmose. — La résorption qu'aucun
de ces facteurs physiques n'est susceptible d'expliquer à lui seul est-elle explicable par
l'action synergique de ces trois facteurs? C'est sous cette formule que se pose essentiel-
lement la conception purement physique de la résorption intestinale. Les débats nom-
breux auxquels elle a doimé lieu sont venus le plus souvent du choix défectueux des
exemples faits par les auteurs. Or il semble qu'un seul exemple bien choisi suflise à
mettre les choses au point. Supposons encore qu'une anse intestinale soit remplie d'une
solution isotonique au plasma et qu'une pression toujours inférieure à la pression
capillaire règne dans la cavité intestinale : nous savons qu'après un délai suffisant l'in-
testin sera vide. Dans cette expérience l'osmose n'intervient pas, puisque le li(]uide
intérieur de l'intestin et le plasma sont, au départ isotonique; la filtration n'intervient
pas davantage, puisque la pression du liquide intestinal est maintenue nulle par un
artifice expérimental; le dernier facteur qui puisse intervenir est la diffusion ; or, nous
savons que dans ces conditions expérimentales son elfet direct est de maintenir dans
la cavité intestinale une certaine quantité de liquide de concentration égale à celle du
plasma.
L'ensemble des trois facteurs : osmose, dilfusion, filtration, n'explique donc pas la
résorption.
Est-il cei'tain que l'avenir ne pourra pas tirer de ces facteurs d'autres effets que ceux
que nous en connaissons actuellement, qu'en supposant que l'intestin soit une membrane
polarisée uniquement perméable aux sels dans un sens déterminé, qu'en assignant sa
juste valeur ;i ce phénomène toujours passé sous silence en physiologie à savoir que la
concentration d'une substance est très diflérente au sein du liquide et au contact des
membranes, etc., est-il certain que les recherches ultérieures ne nous apporteront pas
une théorie physique satisfaisante de la résorption? Kien ne nous permet de le nier par
avance.
2° Résorption des substances solubles dans les lipoïdes
{sauf les graisses proprement dites)
On appelle lipoïdes un groupe de substances qui, sans former une famille chimi-
quement définie, sont cependant en général des substances grasses combinées ou non
à des hydrates de carbone et à des albumines tels que la lécithine, le protagon, la
cérébrine, etc. ; à ce groupe on a l'habitude de joindre la cholestérine qui est un
alcool. Le trait commun de ces substances est de se dissoudre dans beaucoup des sol-
vants des graisses tels que l'alcool, le benzol, l'éther, le chloroforme, etc. Nous savons
aujourd'hui qu'il y a des lipoïdes dans toutes les cellules de l'organisme.
On sait, d'autre part, que lorsqu'on étudie l'action de solutions de substances diverses
à des concentrations différentes sur les globules rouges il y a toute une catégorie de
substances qui pénètrent rapidement dans les globules rouges contrairement à la plu-
part des substances salines pour lesquelles les globules rouges sont imperméables. —
Parmi ces substances qui pénètrent aisément dans les globules rouges on retrouve tous
les solvants des graisses. Overton a proposé d'expliquer ce fait en admettant que les
solvants des graisses pénètrent les globules rouges en se dissolvant dans les lipoïdes
qui forment une partie importante de la masse des globules rouges.
Or, lorsqu'on étudie comparativement la vitesse de la résorption dans l'intestin des
substances solubles dans les lipoïdes et des sels divers, on note un fait analogue. A dif-
fusibilité égale les solvants des lipoïdes sont beaucoup plus vite résorbés que les sels.
Overton a proposé de ces faits une explication analogue à celle qu'il avait donnée à
propos de la pénétration des diverses substances dans les globules rouges et pensé que
la résorption exceptionnellement rapide des solvants des lipoïdes est due à ce que ces
substances se dissolvent dans les lipoïdes qui forment une partie importante de la masse
des cellules intestinales.
INTESTIN.
445
De même que pour les sels on a , tenté de classer leur vitesse de résorption d'après
leur vitesse de diiïusion, de même on a tenté de classer la vitesse de résorption des sol-
vants des lipoïdcs d'après le coefficient de solubilité de ces substances dans l'buile et
l'eau et l'on a pu établir dans cet ordre d'idées que plus ce coefficient s. huilc/s. eau était
fort c'est-à-dire que plus la substance mise au contact d'un mélange d'huile et d'eau
se dissolvait en proportion considérable dans l'huile, plus la vitesse de résorption était
grande et que, par conséquent, ou devait d'une façon générale trouver pour les solvants
des lipoïdes des vitesses de résorption enrapport avecle coefficient solub. huile/solub.
eau.
Mais de môme que la tentative de classer la vitesse de résorption des sels en fonc-
tion de leur dilTusibilité s'était heurtée à cette difficulté que certains sels exercent sur
les cellules intestinales une véritable action toxique qui trouble par elle-même la résorp-
tion, de même la tentative de classer la vitesse de résorption des solvants des lipoïdes
en fonction de leur coefficient de solubilité huile/eau s'est heurtée aune autre difficulté
inhérente à l'action de'certains lipoïdes sur les cellules intestinales, à savoir leur action
narcotique. D'après une loi établie par Overton lui-même, tout bon solvant des lipoïdes
est un narcotique et si l'on admet que la narcose diminue l'activité cellulaire on
conçoit qu'un bon solvant des lipoïdes peut être aussi une substance très lentement
résorbable.
C'est ce qui ressort très nettement des recherches exécutées sous la direction de
HôBER par son élève KatzenellenbogexN.
Voici tout d'abord des exemples d'absorption de polyalcools sans action narcotique
(Katzenellenbogen) qui montrent qu'il y a un rapport entre leur vitesse de résorption
et le degré de leur solubilité dans les lipoïdes.
SUBSTANCE
INTRODUITE.
VOLUME
INTRODUIT.
A
DURÉE
do la
RKSORrTION.
RESTE.
A
NaCl
en
p. 100.
4,38 p. 100 mannite + 0,4 p. 100 NaCl.
3,04 — érylhrite -f- 0,4 —
2,3i — plyccnne + 0,4 —
cmc.
30
30
30
0,707
0,722
0,731
minutes.
lo
15
13
crac.
19
17
13
0,687
0,668
0,649
0,363
0,402
0,516
La solubilité dans les lipoïdes est plus grande pour la glycérine que pour l'érythrite,
et plus grande pour l'érythrite que pour la mannite. Les résultats de l'expérience sont
donc conformes à la théorie.
Voici d'autre part des exemples de résorption de substances solubles dans les lipoïdes
(mais dont l'une est narcotique : la dichlorhydrine[ qui montrent l'absence de parallé-
lisme entre la vitesse de résorption de la substance narcotique et sa solubilité dans les
lipoïdes (K.\.TZENELLENBOGE."V).
SUBSTANCE.
Q
H
A
« «
■A
Q
H
y;
a
&:
cmc.
14
12
17
A
NaCl.
SOLUBILITÉ
huile
oau
2,2.j p. 100 glycérine + 0,4 p. 100 NaCl. . . .
2,69 p. 100 nionochlorhydrlDe + 0,4 p. 100 NaCl.
3,17 p. 100 dichlorhydrine -|- 0,4 p. 100 NaCl.
imc.
30
30
30
0,716
0,711
0,713
min.
10
10
10
0,699
0,628
0,639
0,307
0,317
0,481
faible
oo
10
oo
oo
11
446 INTESTIN.
La conclusion à tirer de ces recherches sur la résorplion des substances solubles
dans les lipoïdes est donc qu'il semble y avoir un certain rapport entre la solubilité
dans les lipoïdes et la vitesse de résorption, sous réserve de l'action perturbatrice des
propriétés narcotiques de certaines de ces lipoïdes.
La question de la résorption des substances solubles dans les lipoïdes est une ques-
tion importante dans la résorption intestinale, car elle concerne un très grand nombre
de substances à savoir : les alcools en général, les éthers, les acétones, certains aldé-
hydes (chloral), certains hydrocarbures (tels que la benzine, le xylol, etc.) les alca-
loïdes, etc.
En partant de ce fait que les solvants des lipoïdes semblent absorbés plus vite que
les sels, malgré leur moindre diffusibilité, Hober a essayé de déduire une théorie géné-
rale de la résorption des solvants des lipoïdes et de la résorption des sels.
Cet auteur admet que les solvants des lipoïdes passent à travers les cellules intesti-
nales en se dissolvant dans les cellules mêmes, lanJis que les sels passeraient entre les
cellules.
La première partie de cette hypothèse semble facile à démontrer. Si on introduit
dans une anse intestinale une substance colorante soluble dans les lipoïdes telle (jue le
rouge neutre et qu'on examine peu de temps après au microscope une partie de l'épi-
thélium, on constate que les granulations cellulaires sont fortement imprégnées par le
colorant. C'est donc, pour l'exemple particulier de ce colorant au moins, la preuve
directe qu'une substance soluble dans les lipoïdes est susceptible de passer au sein des
cellules.
Si maintenant on imprègne les cellules ainsi colorées avec du molybdate d'ammo-
niaque, on constate, d'après lluiiER, les phénomènes suivants : les granulations cellulaires
se décolorent, et peu à. peu la périphérie des cellules devient fortement colorée : l'expli-
cation du phénomène serait que le molybdate d'ammoniaque est incapable de pénétrer
dans les cellules et préci[)iterait le colorant à mesure que celui-ci sortirait des cellules.
HoBKR conclut de ces phénomènes que si le molybdate d'ammoniaque ne peut pénétrer
dans les cellules comme semble le démontrer son expérience, les sels en général ne
peuventpas davantage pénétrer dans les cellules et que, par conséquent, la résorption des
sels est intercellulaire par opposition à celle des solvants des lipoïdes qui est intra-cel-
lulaire; pour fortifier cette conclusion, qui, basée sur l'exemple seul du molybdate
d'ammoniaque serait faible, il invoque encore des faits analogues constatés avec le picrate
d'ammoniaque, le chlorure de platine, le platinochlorure de potasse, le tannin. Il y a
malheureusement à invoquer contre les arguments de Huber qu'ils reposent sur des
phénomènes obtenus avec des sels dont la résorption est très mal étudiée, et qui, pour
certains d'entre eux, est très lente. On peut se demander notamment si les sels de pla-
tine qui précipitent énergiquement les albumines n'altèrent pas les cellules intestinales
et pour celte simple raison ne deviennent pas incapables au travers d'elles.
3° Résorption des graisses.
Les graisses occupent parmi les substances que résorbe l'intestin une situation
spéciale.
L'eau et les sels, toute une série de substances solubles dans les lipoïdes, sont
comme nous l'avons vu, directement résorbables par l'intestin; quelques-unes de ces
substances doivent cette propriété à la facilité extrême avec laquelle elles se dissolvent
dans les lipoïdes des cellules; les autres à leur solubilité propre dans l'eau.
Les graisses neutres par contre étant insolubles dans l'eau ne peuvent, pour cette
raison, être résorbées comme les sels. Les graisses neutres, il est vrai, sont des solvants
des lipoïdes et, par analogie avec ce que nous avons vu pour les solvants des lipoïdes,
on pourrait se demander si les graisses ne pourraient pas être résorbées à la façon
de l'éther et de l'alcool par exemple. Mais l'expérience démontre qu'il n'en est rien.
De l'huile enfermée dans une anse intestinale isolée ne se résorbe qu'avec une lenteur
extrême, bien différente de la vitesse avec laquelle elle est résorbée dans le tube intes-
tinal pourvu de ses sécrétions biliaires et pancréatiques. L'assimilation des graisses
INTESTIN. 447
neutres aux solvants des lipoïdes n'est donc pas possible en ce qui concerne la résorp-
tion.
Par quel processus spécial la graisse est-elle donc résorbée ?
La résorption de la graisse a donné lieu à un long débat qui a commencé vers 1871
et qui n'est pas encore clos entièrement à l'heure qu'il est. Avec toutes sortes de
variantes la question agitée dans ce débat u toujours porté sur le point de savoir si la
graisse était résorbée sous forme d'émulsion ou si elle était résorbée à l'état dissous
sous forme d'acides gras ou de savons.
L'exposé successif de ces deux théories nous permettra de relater la plupart des tra-
vaux importants exécutés sur la résorption des graisses et de dégager ensuite les
conceptions actuelles que l'on tend à se faire sur cette question.
a) Théorie de l'émulsion. — La théorie de l'émulsion a revêtu deux formes prin-
cipales : a) la théorie de l'émulsion des graisses neutres; b) la théorie de l'émulsion
des acides gras.
a) Théorie de l'émulsion des graisses neutres. — La première de ces théories, la plus
ancienne en date soutenue d'abord par nRucKE admettait les processus suivants : au
cours de la digestion intestinale, une petite quantité de graisse est saponifiée et la
graisse neutre mélangée aux savons et à la bile est susceptible de s'émulsionner très
finement : tous ces faits sont faciles à vérifier in vitro; aussi de l'opinion unanime des
auteurs ils doivent avoir lieu invivo; et dès lors l'hypothèse étayée sur ces faits devient
que la fine émulsiou de graisse est directement résorbée par l'intestin.
Cette hypothèse s'est heurtée immédiatement à cette grave objection (lue l'intestin
est absolument incapable d'absorber des substances complètement insolubles dans l'eau
alors même qu'elles sont à l'état de granules très fins, comme le noir animal, la poudre
de carmin. Le passage d'une émulsiou de graisses dans l'intestin constituerait donc
un phénomène exceptionnel.
Nous ne parlerons pas ici des tentatives faites par quelques auteurs pour essayer de
justifier cette exception en décrivant dans les cellules intestinales des mouvements
amiboïdes susceptibles d'absorber mécaniquement les particules grasses de l'émulsion.
Ces descriptions furent des erreurs promptement reconnues.
L'effort sérieux fait pour expliquer l'absorption de l'émulsion a surfout consisté à
essayer d'établir que l'absorption se faisait, non pas à travers les cellules intestinales,
mais en dehors d'elles par des leucocytes migrateurs qui abondent dans les tuniques
intestinales et dont la polyphagie pour des corpuscules figurés est incontestable.
Zawarykin a été le principal défenseur de cette théorie.
Que les leucocytes puissent participer dans une certaine mesure à la résorption des
graisses cela semble probable. Au cours d'une digestion active de graisse Sciiaefer
signale que l'on trouve dans les chylifères afférents de l'intestin des cellules contenant
de petites granulations réfringentes solubles dans l'éther et colorables en noir par l'acide
osmique. Il serait naturellement important de savoir si cette graisse retrouvée dans les
leucocytes a été puisée directement dans le canal intestinal ou puisée dans les cellules
mêmes de l'intestin. Cette question n'ayant pas été résolue, le rôle des leucocytes reste
lui-même énigmatique.
Par contre, ce qui est établi d'une façon positive c'est que l'absorption leucocytaire,
si elle existe, ne constitue qu'un très faible processus d'absorption. Lorsque d'après
ScHÂEFER on sacrifie un animal en pleine digestion de graisse et qu'on examine les
cellules intestinales, on constate que celles-ci sont pleines de globules réfringents; ces
globules n'existent pas dans le plateau des cellules mais apparaissent à peu de distance
de celui-ci et sont nombreux et volumineux autour du noyau de la cellule. Ces
constatations ont été confirmées par Altmann et Krehl et depuis lors par un grand
nombre d'auteurs.
A en juger par la constance de ce phénomène et son importance, il est hors de doute
que l'absorption intracellulaire des graisses constitue un processus normal et prédomi-
nant; et du moment que même pour les partisans de la théorie de l'émulsion, ces cel-
lules intestinales sont incapables d'absorber une émulsiou de graisse, la théorie de
l'émulsion simple devient dès lors insoutenable.
2° Théorie de Vémulsion des acides gras. — Dès 1879, I. Munr a entrepris une série
448 INTESTIN.
considérable de travaux pour démontrer que la résorption des 'graisses comportait:
10 une saponilication préalable; 2° une absorption d'acides gras éniulsionnés.
Il y a donc dans la théorie de Munk deux hypothèses que nous devons considérer
distinctement. La résorption des graisses est-elle précédée d'une saponification?
Beaucoup de faits importants peuvent être invoqués à l'appui de celte hypothèse.
Au cours d'une digestion intestinale avancée des graisses, on trouve dans l'intestin
toujours plus d'acides gras que de graisses neutres, ainsi qu'il résulte des travaux de
MuNK, de Nencki et de Pflugkr. Lorsqu'on trouble la résorption des graisses par la
suppression du flux biliaire (mais en conservant le flux pancréatique), les acides gras
prédominent sur les graisses neutres dans les fèces (Dastre). Nous avons donc des
raisons décisives de croire que les sucs intestinaux saponifient les graisses j?t vivo de la
même façon qu'ils les saponifient in vitro.
D'autre part, il est aisé de montrer que la résorption des acides gras est très active.
C'est à cette démonstration que I. Munk a consacré de nombreux travaux, et cet auteur
a même pu constater que la résorption d'acides gras s'accompagnait d'une apparition de
graisses neutres abondautes dans le canal thoraciquo.
Enfin, I. MuNK, par un choix habile de certaines graisses, a pu démontrer que la
saponification précédait obligatoirement la résorption de ces graisses.
En effet, nourrissant des chiens avec du palmitate d'éthyle, de l'oléate d'amyle, du
palmitate d'éthyle et de l'oléate d'éthyle, Munk et Frank constatent que ces ('thers sont
résorbés, mais que dans le canal Ihoracique on ne retrouve que de la trioléine et de la
tripaluiitine. La résorption de ces graisses a donc débuté obligatoirement par une
saponification.
D'autre part, dans une expérience, en quelque sorte inverse et complémentaire,
CoiiNSTEiN a constaté que la lanoline, graisse facilement émulsionnable même dans
l'eau, mais très difficilement saponifiable, n'est pas résorbée.
Conformément à ces faits, la plupart des auteurs admettent que la saponification des
graisses est un premier temps très important de leur résorption. S'ensuit-il que la
saponification soit absolument indispensable pour la résorption de toutes les graisses?
C'est ici que commencent les divergences de vues. Munk défend la théorie de la saponi-
fication totale, mais d'autres auteurs estiment qu'une certaine quantité de graisses
peuvent être résorbées sans avoir été préalablement saponifiées.
HoFBAUER et Ex.NER, par exemple, donnent à des animaux des colorants solubles dans
les graisses, ces colorants teignent le protoplasma des cellules intestinales, ils en con-
cluent que celles-ci contiennent de la graisse neutre. .Mais Pfluger leur a objecté que les
colorants qu'ils considèrent comme solubles seulement dans les graisses, l'Alcanaroth
et le Lackroth A, par exemple, le sont également dans leurs acides gras, par consé-
quent, leur démonstration pèche par sa base. Il convient, d'ailleurs, d'ajouter que,
même si cette critique n'était pas justifiée, l'expérience de Hofbauer et d'Ex.^ER n'en
aurait pas plus de valeur. On pourrait, en effet, objecter que dans la cellule intestinale
s'opère une synthèse des graisses et que rien n'empêche, par conséquent, la glycérine et
les acides gras de se rencontrer dans la cellule. Dans un autre ordre d'idées Levin
CuN.NiNGHAM, RosENBERG, LoMBROSo Ont relaté quc chez des chiens dépancréalisés ou à
canal pancréatique lié, la résorption des graisses surtout émulsionnées peut encore être
très importante et, comme le pancréas sécrète le ferment saponifiant le plus puissant
de l'organisme, il s'ensuivrait, d'après eux, que les graisses peuvent être résorbées sans
saponification. Malheureusement, cette argumentation se heurte à l'objection tirée de
l'existence d'une lipase intestinale, etc., sans compter que la résorption des graisses est
souvent troublée chez ces animaux.
La première proposition de la théorie de Mdnk, à savoir que la résorption des
graisses comporte tout d'abord une saponification, est donc basée sur des faits nombreux
et tous concordants : on conçoit qu'elle soit acceptée aujourd'hui par la majorité des
auteurs.
La seconde proposition delà théorie de Mu.nk, à savoir que les graisses sont résorbées
sous forme d'une émulsion d'acides gras, a soulevé beaucoup plus de critiques. L'objec-
tion fondamentale qu'on a faite à Munk est la suivante : si l'intestin est incapable de
résorber une émulsion de graisses, pourquoi serait-il capable de résorber une émulsion
INTESTIN. -449
d'acides gras? Dans les deux cas, il s'agit d'une résorption de substances seulement
émulsionnées ; si pour repousser l'iiypothèse d'une résorption d'éinulsion de f^raisses on
invoque l'incapacité générale de l'intestin d'absorber une émulsion quelle qu'elle soit,
cetarguinent doit donc rester valable encore contre l'absorption d'une émulsion d'acides
gras; car les acides gras ne sont pas beaucoup plus solubles que les graisses neutres
dans les lipoïdes cellulaires.
b) Théorie de la dissolution des substancea grasses. — Jusqu'ici il reste acquis que la
saponification précède la résorption des graisses; il est possible que cette saponification
sul'lise à permettre la résorption des produits de dédoublement des graisses, mais nous
ne pouvons l'affirmer; nous devons donc clierclier encore si d'autres processus n'inter-
viennent dans la résorption des graisses. L'un des plus importants qu'on invoque est la
solubilisation des produits de dédoublement des graisses neutres.
A priori deux hypothèses sont possibles : 1° les graisses sont résorbées sous forme
de savons solubles; 2° les graisses sont résorbées sous forme d'acides gras dissous dans
les éléments du chyme intestinal.
On ne saurait a priori faire d'objection à l'absorption d'acides gras sous forme de
savons ; mais pourtant, comme l'a soutenu Mu.nk, il est difficile d'admettre que tous les
acides gras soient résorbés sous forme de savons. Les acides gras, résultant par exemple
de 200 grammes de graisse, exigent pour former des savons environ 40 grammes de
carbonate de soude, c'est-à-dire beaucoup plus de carbonate de soude que n'en contient
tout l'organisme d'un chien de 25 kilogrammes qui peut ingérer et résorber ces
200 grammes de graisses. Il faudrait donc admettre que les carbonates exécutent dans
l'organisme un mouvement de va-et-vient extrêmement rapide; qu'après s'être combinés
aux acides gras et avoir pénétré dans les cellules intestinales sous forme de savons, ces
carbonates sont remis immédiatement en liberté. On peut, a priori, admettre cette mise
en liberté de carbonate, d'autant plus que les acides gras ne passent pas sous forme de
savons dans le canal thoracique, mais sous forme de graisse neutre; néanmoins, cette
rétrogradation des carbonates vers la lumière intestinale cadre mal — en fait — avec
ce que nous savons du passage des sels dans l'intestin, passage qui est rapide dans le
sens de la lumière de l'intestin vers les capillaires, mais très lent dans le sens des
capillaires vers la lumière de l'intestin.
Il est donc possible que les acides gras soient résorbés dans une certaine proportion
sous forme de savons, mais il est difficile de concevoir que ce processus réalise la
majeure partie de la résorption.
Nous sommes donc amenés à considérer le mode de résorption des acides gras sous
forme d'acides gras dissous. Les acides gras ne sont pas solubles dans l'eau; si les acides
gras sont résorbés à l'état dissous, c'est donc que le milieu intestinal contient des sub-
stances capables de dissoudre les acides gras. ALTUANN,qui, l'un des premiers, admit la
résorption des graisses sous forme d'acides gras, émit l'idée que les acides gras étaient
solubilisés par la bile. Mais la solubilité des acides gras dans la bile ne fut vraiment bien
étudiée que par Moohe et Hochwood. Les conclusions de ces auteurs sont les suivantes:
l'acide palmitique et l'acide stéarique sont pratiquement insolubles dans la bile, tandis
que l'acide oléique s'y dissout dans la proportion de 4 p. 100. La solubilité des acides
gras dans la bile est due surtout aux acides biliaires.
Pflugkk a complété ces notions en montrant que l'adjonction d'un peu d'alcali à la
bile porte la solubilité des acides gras dans la bile à 19 p. 100.
Pour les auteurs qui considèrent que les acides gras pénètrent dans l'intestin, grâce
à leur solubilité dans la bile, le rôle de la bile peut être envisagé de deux manières
différentes : 1° Dans la première manière, la bile tenant les acides gras en solution
pénètre dans la cellule intestinale; elle abandonne ensuite cette cellule pour se rendre
par le réseau porte vers le foie du foie la bile est à nouveau déversée dans l'intestin, où
elle devient susceptible de dissoudre une nouvelle quantité d'acides gras.
2" Dans la seconde manière, la bile ne pénètre pas dans l'intestin, elle ne fait que
présentei- sous une forme soluble les acides gras à la cellule intestinale. C^dle-ci absorbe
directement et éleclivement l'acide gras, et la bile qui avait dissous cet acide est libérée
au sein même de la lumière intestinale et devient immédiatement disponible pour un
nouveau travail. Ces deux conceptions diffèrent, en somme, en ceci, que dans la pre-
DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME IX. 29
450 INTESTIN.
inière théorie, la séparation de la bile et de l'acide gras se fait au sein mi'ime de la cel-
lule intestinale qui absorberait le mélange entier, tandis que, dans la seconde théorie,
la séparation de la bile et de l'acide se ferait au niveau du plateau de la cellule intesti-
nale qui n'absorberait que l'acide f^ms.
Il est impossible de donner des arguments précis en faveur de l'une ou de l'autre
de ces théories.
De l'ensemble de ces considérations résulterait donc que la résorption des graisses
se fait en majeure partie sous forme d'acides gras solubilisés dans la bile, et en petite
partie sous forme de savons directement solubles dans l'élément aqueux du suc intes-
tinal. La résorption de la glycérine ne donne lieu à aucune considération spéciale ; car
elle passe isolément dans l'intestin, comme nous l'avons déjà signalé plus haut.
Il nous reste donc, pour avoir une idée complète de la résorption des graisses, à envi-
sager le travail de la cellule intestinale sur les acides gras résorbés, la forme sous
laquelle la graisse passe dans le torrent circulatoire et les voies par lesquelles lagraisse
passe de l'intestin dans l'organisme.
a) Travail exécuté par lu cellule in/eatinale sur lès graiss^a . — L'étude histologique des
cellules intestinales d'nn animal sacrifié au cours d'une digestion de graisse est le
seul procédé qui nous renseigne sur le travail des cellules intestinales. Nous avons déjà
signalé les résultats objectifs acquis par celte étude et qui sont les suivants : le proto-
plasma cellulaire est rempli de granulations réfringentes, colorables par l'acide osmique
ou le rouge d'alcaua : ces granulations, très petites dans le voisinage du plateau cellu-
laire, augmentent de volume à mesure que l'on considère des rtîgions plus proches du
noyau. Jamais on ne peut mettre ces granulations en évidence dans le plateau intes-
tinal.
Quelles déductions pouvons-nous tirer de ces résultats objectifs? Tout d'abord,
rappelons que l'acide osmique ou le rouge d'alcana, ou tout autre colorant susceptible
d'imprégner les granulations que nous trouvons dans la cellule, colorent aussi bien les
graisses neutres que les acides gras. Par les colorants, nous sommes donc dans l'impos-
sibilité de distinguer les granulations d'acides gras des granulations de graisses neutres.
Remarquons ensuite que le plateau des cellules intestinales est le lieu de pas-
sage obligé des substances grasses qui passent de la lumière intestinale dans le proto-
plasma cellulaire : il s'ensuit que ce plateau doit contenir au moins momentanément
des substances grasses; or jamais les substances grasses n'ont pu être mises en évidence
dans les plateaux cellulaires; il y a donc là un fait curieux et tout à fait inexpliqué.
Enfin, les substances grasses se trouvant dans le proloplasma à l'état de granula-
tions, il en résulte que les graisses ne sont pas solubles dans le milieu protoplasmique;
on en a conclu que les graisses qui pénètrent à l'état dissous dans la cellule abandonnent
celle-ci à l'étal d'émulsion.
Les faits suivants concernent les réactions intimes qui se passent au sein de la cel-
lule intestinale. Mu.NK a montré que, lorsqu'on nourrit des animaux avec des acides gras,
ce sont des graisses neutres qu'on recueille dans le canal thoracique, il en est de même,
si on nourrit les animaux avec des acides gras et de la glycérine ; Franck a constaté
que, si l'on introduit dans l'intestin du palmitate d'éthyle, on recueille dans le canal
thoracique du palmitate de glycérine. Au passage à travers l'intestin correspond donc
un travail de synthèse par lequel l'acide gras se combine avec la glycérine; ce travail
de synthèse ne peut vraisemblablement pas s'accomplir dans les chylifères, il s'accom-
plit donc dans les cellules intestinales elles-mêmes.
Par conséquent, du fait que l'intestin absorbe des acides gras et qu'il excrète des
graisses neutres, nous sommes obligés de conclure que la cellule intestinale est douée
d'une activité de synthèse vis-à-vis des substances grasses. Plusieurs auteurs, Evvald,
Hamburger, Moore, Frank et Ritter, etc., ont essayé de reproduire in vitro la synthèse
des graisses au moyen d'acides gras et de glycérine mis en présence de cellules intes-
tinales, mais leurs essais sont restés infructueux.
Voies d'absorption des graisses. — Zawilski a établi que les graisses sont absorbées
par les chylifères, sinon en totalité, du moins en majeure partie.
D'après cet auteur, si l'on recueille dans le canal thoracique la lymphe émise après
un repas de graisse, on retrouve dans cette lymphe 60 p. 100 des graisses ingérées. Il
INTESTIN. 451
est probable que le canal tlioracique en reçoit encore davantage; la résorption totale
de la graisse est très lente; Zawilski signale lui-môme que, vingt et une heures après
l'absorption de 150 grammes de graisses, on retrouve encore IGjgrammes de graisse
non résorbée dans la lumière d'un tube digestif; il faut ajouter à ce fait que, lorsque
l'on examine histologiquement les cellules intestinales d'un animal qui a fait un grand
repas de graisses entre des repas ne comportant pas de graisses, les cellules intesti-
nales présentent pendant deux ou trois jours de nombreuses granulations graisseuses.
La résorption totale des graisses étant très lente et la cueillette dejla lymphe étant forcé-
ment très limitée, il ne faut donc pas penser, au cours [d'une expérience de courte
durée, retrouver dans la lymphe toute la graisse ingérée.
Pour savoir si, normalement, la graisse ne peut pas être absorbée par le système porte,
Heidenhai.n a comparé la teneur en graisse du système porte et d'une artère (la
carotide). L'expérience n'a montré aucune différence dans la composition du sang delà
veine porte et de l'artère. Mais ce résultat n'est pas à porter à l'actif d'une absorption
exclusivement lymphatique. L'expérience de Heuïenhain vise un phénomène infime, s'il
existe. Une résorption de 150 grammes de graisse dure douze heures au moins : la
quantité de graisse qu'on pourrait retrouver dans le sang de la veine porte, au cas même
ou toutes la graisse passerait par la veine porte, ne peut donc être qu'impondérable.
Admettons qu'il passe chez un chien de 15 kilogrammes seulement 500 grammes de sang
par minute dans la veine porte; en douze heures, il en passerait 500 x 60 x 12 soit
360 litres et en admettant une résorption régulière dégraisse, on trouverait par litre
de sang un excès de graisse égal à : 150 gr. : 360 = 0,04 centigrammes en admettant que
toute la graisse passât par la veine porte. A priori de pareilles recherches ne peuvent
être que négatives.
Par conséquent si dans les expériences de Zawilski, oii l'on voit qu'en un temps
moindre que celui que dure la résorption totale des graisses on recueille déjà 60 p. 100
de graisses ingérées, il en résulte bien que la majeure partie de la graisse passe par les
chylifères.
Vitesse (Pabsorption des diverses graisses. — Munk a montré ce fait général que les
graisses sont d'autant plus vite et plus complètement résorbées que leur point de fusi-
bilité est plus bas, et vice versa. C'est ainsi que la stéarine, la graisse de mouton sont
moins vite et moins complètement résorbées que la graisse d'oie, celle de porc et
l'huile d'olive, etc.
4» Résorption des albumines.
Au cours d'une digestion normale nous trouvons dans l'intestin des albumines, des
albumoses, des peptones et des acides aminés, comme l'ont établi de très minutieuses
recherches, et, en particulier, celles de Schmidt Muhlheim, Ellenberger et Hokmeister,
EwALD et GuLMiGH, ZuNz, Reach, Kutscher et Seemann.
A prior/, connaissant la tendance des ferments pancréatiques àhydrolyser progressi-
vement les albumines, on peut penser que, normalement, l'albumine, les albumoses et
les peptones qui existent dans l'intestin ne sont que les matériaux aux dépens desquels
se forment les acides aminés, et que la résorption ne porte que sur ces dernières sub-
stances. Mais rien n'empêche d'admettre également a priori que l'intestin résorbe
simultanément les albumines, les peptones et les acides aminés, et même l'albumine
native, lorsque l'intestin en contient.
L'examen du contenu intestinal au cours d'une digestion ordinaire ne nous permet
pas de nous prononcer entre ces deux hypothèses. Et il faut une analyse plus précise
des faits pour établir sous quelle forme les albumines sont résorbées.
La résorption des albumines comprend deux questions distinctes : sous quelle forme
les albumines pénètrent-elles dans la muqueuse intestinale, et sous quelle forme d'al-
bumine abandonne-t-elle l'intestin pour passer dans le torrent circulatoire?
1° Sous quelle forme Vcdbumine pénèlre-t-elle dans l'intestin? — La première question,
qui a trait à la forme sous laquelle les albumines pénètrent dans la muqueuse intesti-
nale, a été étudiée dans des sortes d'expériences qui se contrôlent pour ainsi dire
mutuellement. Dans la première série d'expériences on porte au contact de l'intestin
452 INTESTIN.
des albumines plus ou moins transformées, et l'on s'eflorce de constater si la résorption
a lieu et si elle a lieu sans modification intercurrente entre le moment où l'albumine
est mise en contact de l'intestin et le moment on elle passe dans celui-ci. Ces expé-
riences nous indiquent seulement sous quelle forme l'albumine peut être résorbée; elles
ne permettent pas de conclure que les phénomènes constatés dans ces conditions plus
ou moins artificielles aient lieu normalement.
Pour qu'on puisse formuler cette dernière conclusion, il faut au moins que la ré-
sorption ainsi constatée soit compatible avec la survie prolongée et le maintien en
équilibre azoté de l'animal; alors seulement nous pourrons penser que la résorption
envisagée représente un processus normal.
a Sous quelle forme la résorption de l'albumine est-elle possible?
a.) Albumine native. Les albumines naturelles, et en particulier l'albumino du sérum
sanguin, l'ovalbumine et d'autres encore sans doute sont directement résoibables par
l'intestin comme l'ont prouvé depuis longtemps les expériences deVoiT et Haler, Hei-
DE.NHAi.N, Friedlander et Waymouth Heii). Ces expériences consistent à isoler et laver
une anse intestinale, à y introduire une quantité connue d'albumine naturelle et à
mesurer après un délai donné la quantité d'albumine disparue. On admet que la dispa-
rition de cette albumine correspond à une résorption en nature de l'albumine intro-
duite dans l'anse intestinale pour les raisons suivantes. Les albumines naturelles ne sont
que très lentement digérées par le suc pancréatique, et dans le cas particulier cette
légère digestion est rendue impossible par le fait même qu'en lavant l'anse
intestinale on en a retiré tout le suc pancréatique qui pouvait l'imprégner. D'autre
part le ferment protéolylique, décrit récemment par Cohnheim sous le nom d'érep-
sine, dédouble bien les albumoscs et les peptones, mais reste sans action vis-à-vis de
l'albumine naturelle. On ne conçoit donc pas que la résorption de l'albumine puisse être
précédée d'un phénomène de digestion. Enfin il convient d'ajouter que cette résorption
de l'albumine est un gros phénomène, puisqu'en cinquante minutes Heidenhain cons-
tate une résorption de 6 gr. 18 de sérum albumine. On ne saurait donc objecter une
erreur de technique.
Il est donc vraisemblable que, dans des conditions déterminées, l'albumine naturelle
puisse être résorbée directement.
ii Albumoses et peptones. — Le plus souvent les expériences faites dans le but de
constater l'absorption des premiers produits d'hydrolyse de l'albumine ont porté simul-
tanément sur les albumoses et les peptones. Ludwig et SxLvroLi ont pu constater dans
les conditions précédemment indiquées une absorption très notable d'albutnoses et de
peptones. Mais, contrairement aux expériences précédentes, celles-ci ne nous permettent
pas de conclure à une résorption directe des albumoses et des peptones. Le ferment
éreptique de Cohnhkim serait, d'après cet auteur et d'autres encore, susceptible de
dédoubler rapidement les albumoses et les peptones, et, par suite, on peut penser qu'au
moment où ces substances pénètrent dans l'intestin elles y subissent une nouvelle
hydrolyse.
Par conséquent on peut dire que les albumoses et les peptones mises dans l'inlestinen
disparaissent assez rapidement, mais sans qu'on puisse ajouter que cette disparition ne
soit pas précédée d'une hydrolyse.
y Acides aminés. — En nourrissant des animaux avec les produits abiurétiques d'une
digestion tryptique,on constate une augmentation de l'urée urinaire (Henriques-Abder-
halden). C'est donc la preuve que les acides aminés sont résorbés.
b Sous quelle forme l'albumine résorbée est-elle susceptible d'entretenir l'équilibre azoté?
Cette question est très importante à élucider ; car seules les expériences qu'elle a
suscitées nous permettent d'apprécier dans quelles mesures les diverses modalités de
la résorption de l'albumine que nous venons d'envisager répondent à des processus
physiologiques possibles.
a Albumine en nature. — La résorption de l'albumine en nature, qui est possible, ne
répond pas à un processus de résorption normale. 11 y a longtemps que l'on savait par
les expériences de Cl. Bermard que l'ovalbumine naturelle introduite directement dans
le corps était éliminée en grande partie par les urines. L'albuminurie, qui est très
notable lorsque l'injection d'albumine est faite dans une veine périphérique, peut être,
INTESTIN. 453
il e$t vrai, très réduite si rinjection est poussée dans un rameau de la veine porte, mais
elle n'en reparaît pas moins, pour peu que la quantité d'albumine introduite dans la
veine porte soit considérable. C'est là ce qui a lieu sans doute chez les individus qui
ingèrent de grandes quantités d'albumine crue.
Le fait a depuis été constaté plusieurs fois à nouveau. Ascoli, Vkia.no et Hambur-
ger, en opérant sur des sujets néphrétiques, ont pu voir que l'ingestion d'albumine crue
détermine chez ces sujets non seulement une augmentation de l'albumine urinaire, mais
encore l'apparition de la réaction précipitante du sérum, caractéristique de l'injection
d'albumine crue dans les veines.
Il n'est pas sans intérêt de [se demander comment cette résorption de l'albumine
crue est possible chez l'homme où l'albumine traverse le tube digestif dans toute son
étendue et doit certainement rencontrer des sucs protéolytiques. On donne généralement
l'explication suivante de ce phénomène. Les albumines crues résistent énergiquement à
l'action de la tiypsine. >Si ces albumines ne sont pas attaquées préalablement parla pep-
sine, ce qui est possible normalement, — car l'albumine crue ne provoque qu'une faible
sécrétion peptique, — et ce qui est encore davantage possible chez les néphrétiques dont
la sécrétion gastrique est souvent tarie, ces albumines arrivent dans l'intestin sans
avoir subi de modifications; dès lors leur digestion tryptique est compromise et une
partie notable de leur masse sera résorbée directement.
L'injection directe d'albumine dans l'organisme provoquant des troubles très graves,
et la résorption directe de l'albumine, chaque fois qu'on peut la provoquer chez l'homme
déterminant également des désordres importants, il s'ensuit que la résorption de l'albu-
mine en nature ne doit pas être un processus physiologique.
Ajoutons que cette résorption doit être d'autant moins fréquente que les albumines
que nous ingérons d'ordinaire sont ou bien cuites par la chaleur, ou bien coagulées par
des préparations culinaires diverses et que ces simples modifications des albumines
naturelles lendent celles-ci immédiatement très attaquables par le suc pancnjatique
et rendent ainsi la résorption directe impossible.
^ Albumoses et peptones. — La résorption de l'albumine à partir du stade albu-
moses et peptones est parfaitement compatible avec la vie, sous réserve naturellement
de la question qui n'est pas encore résolue et qui est de savoir si au passage dans l'intes-
tin ces substances ne subissent pas des modifications profondes.
En effet les expériences d'ELLiNGER et de Lesser, sans parler d'autres expériences
faites dans des conditions moins précises, montrent que l'ingestion d'albumoses et de
peptones peuvent au point de vue de l'équilibre azoté remplacer parfaitement les albu-
mines naturelles. Celte constatation est très importante ; car elle prouverait que les
premiers produits d'hydrolyse contiennent ce qu'il y a d'essentiel au point de vue
nutritif.
Y Acides aminés. — Dans ces derniers temps Fischer et Abderhalden ont fait de
nombreuses recherches sur l'utilisation des acides aminés administrés soit par le tube
digestif soit par voie sous-cutanée. Ils ont constaté que ces acides aminés étaient en
général transformés en urée; mais étant donnée la difficulté de se procurer en grande
quantité des acides aminés purs, ils n'ont pu chercher à réaliser l'équilibre azoté par
la seule administration d'acides animés.
Cette question a été résolue d'une autre façon par des expériences qui ont consisté à
administrer aux animaux les produits d'une digestion tryptique poussée jusqu'au stade
abiurétique, ou bien les produits d'hydrolyse chimique d'une albumine par les acides
poussée jusqu'à ce même stade de dédoublement.
En général la plupart des auteurs ont constaté que l'équilibre azoté était maintenu
par l'ingestion des produits abiurétiques de la digestion tryptique (Lowi, Henriquez et
Hansex). Abueuhalden et Rona ont fait vivre des souris et des chiens avec de la caséine
digérée par la trypsine. Coiixheim a pu maintenir o jours en équilibre azoté un chien
nourri avec les produits abiurétiques d'ovalbumine et de chair musculaire. Par contre,
Lesser a obtenu des échecs en nourrissant des animaux avec les produits de digestion
de la fibrine.
En opposition avec ces résultats il est intéressant de noter que les produits d'hydro-
lyse obtenue chimiquement par l'action des acides sont absolument inaptes à mainte-
454
INTESTIN.
iiir l'équilibre azolé, ({iioique ces produits d'hydrolyse soient résorbés (Henriquez et
Hansen, Abderhalde.\ et Rois a). La raison de cette antithèse n'a pu (^tre élucidée jusqu'ici;
on sait que les produits de l'hydrolyse par les acides diffèrent de ceux qui viennent des
ferments, car dans l'hydrolyse par la trypsine on ne trouve pas de Iryptophane ni de
lysine; mais on n'est pas arrivé à préciser les différences d'hydrolyse auxquelles sont
imputables les différences observées dans les phénomènes de nutrition.
L'expérience d'AsDERHALDEX et de Rona est particulièrement nette à cet égard. Un
chien est mis en équilibre azoté avec un régime contenant 33,3 de viande, de la graisse
et des hydrates de carbone. Dans une première expérience la viande est remplacée par
les produits d'une digestion pancréatique de viande : on donne à l'animal une quantité
de ces produits équivalant en azote à la viande du régime précédent (2 gr. d'azote) :
l'animal se maintient en équilibre azoté.
Dans une seconde expe'rience l'azote est donné sous forme de produits d'hydrolyse
de la viande par l'acide sulfurique. Les produits d'hydrolyse sont résorbés et éliminés,
comme les produits de la digestion Iryptique , en majeure partie par les urines; mais
l'animal n'est plus en équilibre azoté, et par une expérience de contrôle on constate que
l'azote donné sous cette forme n'épargne en rien l'albumine de son corps. Il élimine
0S'',44 d'azote tiré de son organisme, c'est-à-dire à peu près autant que s'il était au
jeûne azoté (Oe'',53).
16 jours.
Expérience avec de la caséine difjérée par de la pancréatine.
Durée Ingéré
do Texp. par jour. Urines.
gr.
9 jours. 2 gr. 1,84 0,24
En moy. En moy.
gi--
0,3G
Régime constant
Bilan. dans les deux périodes
Poids. de l'observation.
— 0,08 2,740 33,3 gr. de viande.
» 2,840 2.0,8 gr. de graisse.
• » 50 gr. d'empois d'amidon.
» » 10 gr. de sucre de canne.
» » 5 gr. de glucose.
-i-0,19 3,010 23,5 de caséine digérée par
le 16' jour. la trypsine jusqu'à dispa-
rition du prurit-1- graisse,
amidon, etc., comme plus
haut.
Expérience avec de la caséine hydrolysée par de l'acide sulfurique à 25 p. 100.
10 jours. 2 gr. 2,31 0,17 —0,48 » 20 gr. de caséine hydroly-
sée par S0*H2 + graisse,
etc., voir plus haut.
Le même animal reçoit la même nournture, mais sans substance azotée.
4 jours. 0 gr. 0,50 0,03 —0,33 2,900
c) Sous quelle forme Valbumine ingérée passe-t-elle de l'intestin dans le torrent circula-
toire ?
a Albumines. — Nous avons vu que l'albumine naturelle est résorbable, que l'albumine
directement introduite dans les veines ou le tissu cellulaire provoque de l'albuminu-
rie et la réaction précipitante du sérum; étant donné d'autre part que chez les indivi-
dus chez qui on a pu soupçonner une résorption directe d'albumine naturelle on a
trouvé de l'albuminurie et la réaction précipitante de sérum (Ascoli, etc.) il s'ensuit
qu'a priori nous devons penser que chez ces individus l'albumine pour produire ces
désordres doit passer en nature de l'intestin dans le torrent circulatoire. Une deuxième
raison, déjà, indiquée également plus haut, plaide encore en faveur de cette hypothèse :
à savoir que dans l'intestin il n'existe pas de ferment protéolytique susceptible d'hydro-
lyser l'albumine naturelle, que le suc pancréatique est peu actif sur cette albumine et
INTESTIN, 455
que par conséquent ralbuinini' naturelle peut, dans ces conditions, échapper à toute
liydrolyse.
L'albumine résorbée par l'inlestin peiitclonc passer dans le torrent circulatoire;
mais ce n'esl pas un processtts physiologique.
;3 Albumoses et peptones. — D'après l'opinion classii]ue le passng(^ diiect des albu-
moses et des peptones dans le loi renl circulaloiie est bien improbable, paice que ces
substances sont toxitiues: elles abaissent énormément la pression artérielle, provo-
quant l'incoaf^ulabilité du sang, déterminent de la narcose, etc., phénomènes dont
aucun n'esl observé après la résorption intestinale de peptones et d'albumines; mais
i\ cet argument on a fait deux objections. En premier lieu, que peut-être les albumoses
et les peptones ne sont pas to.^iquespar elles-mêmes, mais uniquement à cause de leurs
impuretés. C'est ce qui paraît résulter des recherches de Fiquet, Pick et Spiro. FiyuEren
particulier a pu injectei-, plusieurs jours consécutifs, à des lapins 2e'",E»0 d'albumoses
par kilog. et par jour, St-'^S" de peptones par kilog. et par jour, sans observer ni amai-
grissement, ni aucun malaise ; plusieurs de ces expériences ont duré de 8 à 20 jours.
Ultérieurement l'innocuité des albumoses et des peptones a été, il est vrai, contestée
par Underhill et Nolk.
La seconde objection est tirée de ce fait que les albumoses et les peptones, si leur
to.\icilé e.xistait, ne déviaient cette toxicité qu'à leur passage immédiat dans le torrent
circulatoire, mais la perdraient a|)rès leur [)assage dans le foie. Les expériences ré-
centes de CoNTEJEAN, Delezenne, etc., ne sont cependant pas en faveur de cette hypo-
thèse, tcar elles montrent (jue l'injection dans la veine porte de produits impurs reste
toxique pour l'animal.
La deuxième raison pour laquelle on n'admet pas que les albumoses et les peptones
soient susceptibles de passer en nature dans l'organisme est tirée de ce fait que l'on ne
retrouve pas ces substances dans la circulation. A cet égard nous avons les expériences
de LuDwiG et Salvioli, qui sont particulièrement probantes. Ces auteurs isolent une
anse intestinale dans laquelle ils introduisent un gramme d'un mélange d'albumoses et
de peptones; l'anse intestinale est irriguée par une quantité limitée de sang défibriné
qui repasse constamment dans ce même territoire intestinal. Au bout de quatre heures
ils constatent que 0,oO centigrammes des protéoses et des peptones ont disparu dans
l'intestin et qu'on n'en trouve aucune trace dans le sang.
Deux objections sont possibles à l'interprétation de ces résultats. Les protéoses ont
pu être détruites dans le sang, ou bien les protéoses sont restées dans les cellules de
l'intestin.
D'après Neuueister les albumoses et les peptones ne seraient pas détruites dans le
torrent circulatoire. En faisant une circulation artificielle avec du sang peptoné à tra-
vers le foie, cet auteur constate que la peptone ne disparaît pas du sang; en injectant
de la peptone dans la veine mésentérique d'un animal entier, il constate que la peptone
est rejetée dans l'urine; Shobe confirme ces résultats. Par conséquent les peptones
si elles avaient passé dans le sang, dans l'expérience de Ludwig et Salvioli, n'auraient
pu en disparaître.
Or, d'autre part, il faut bien croire que les albumines et les peptones ont passé,
après une modification quelconque, dans le sang, puisque des faits irrécusables nous
prouvent que ces substances suffisent à maintenir l'équilibre azoté.
Les peptones ont donc nécessairement subi une transformation dans leur traversée
intestinale. Cette transformation est-elle régressive, c'est-à-dire comporte-t-elle une
réfection synthétique du type albumine? ou est-elle progressive? c'est-à-dire comporte-
t-elle une dégradation plus marquée encore vers le type acides aminés.
jusqu'à ces dernières années on avait pensé que les peptones et les albumoses se
reconstituaient au sein de la muqueuse intestinale en albumine. C'était l'opinion sou-
tenuepar IIofmeister, Salvioli, Heidenuain, Shore et Neumeisïer. Puisque, après l'absorp-
tion de peptones, on ne trouvait pas de peptones dans le sang et qu'on n'en retrouvait
même pas dans l'intestin, ces auteurs en inféraient que l'intestin avait reformé de l'al-
bumine par synthèse.
CoB^HElM, après avoir découvert dans l'intestin l'érefisine, ferment susceptible
d'hydrolyser les peptones et les albumoses, s'est élevé contre cette conception. A soo
436 INTESTIN.
avis il esl beaucoup plus 'rationnel d'admettre que, si l'on ne retrouve de peplones
ni dans le sang ni dans l'intestin, c'est que les peplones ont été dissociées en acides
aminés.
Cette hypothèse n'a pu encore être vérifiée directement ; mais elle a en sa faveur des
arguments indirects. Fischer et Abderhalden ayant, en effet, démontré qu'un très grand
nombre d'acides aminés peuvent être directement injectés dans le torrent circulatoire
sans causer de désordre et tout en étant utilisés par l'organisme.
8 Acides aminés. — Aucune preuve directe n'a été apportée du passage des acides
aminés dans le torrent circulatoire.
Il est rendu seulement vraisemblable par les constatations récentes de Cohnheim, de
Fischer et Abderhalden, et il cadre bien avec l'hypothèse que nous exposerons ultérieu-
rement d'une édification locale et spécifique des différentes albumines au niveau des
divers organes, au moyen des mêmes matériaux mais diversement utilisés.
Ce point de vue est évidemment le plus intéressant dans toute cette question de la
résorption des albumines ; mais il est aussi le plus récent, et par cela même le plus pauvre
des documents. Il ne peut donc être qu'indiqué ici pour marquer l'orientation nou-
velle que prend ce chapitre de physiologie intestinale.
d) Voies de résorption des aWuminoides. — D'après Schmidt-Mlhlheim et Munk, la
résorption n'a pas lieu par le canal thoracique; ce fait négatif est nettement en faveur
d'un erésorption par voie sanguine.
d" Résorption des hydrates de carbone.
Nous avons vu, à propos de la digestion des hydrates de carbone, que ceux-ci pou-
vaient se classer pratiquement en mono et polysaccharides et que, tandis que les mono-
saccharides n'étaient pas attaqués parles sucs digestifs, la plupart des polysaccharides
étaient au contraire rapidement hydrolyses par ces mêmes sucs.
La résorption des hydrates de carbone se superpose pour ainsi dire à ce fait général,
en ce sens que tous les monosaccharides sont susceptibles d'être résorbés directement,
tandis que les polysaccharides ne sont résorbés que dans la mesure où ils sont hydro-
lyses jusqu'au terme monosaccharide.
Cette loi générale des conditions de résorption des hydrates de carbone, établie par
Cl. Bernard, Dastre, Bourquelot, vérifiée et amplifiée par un grand nombre d'auteurs,
repose essentiellement sur les constatations suivantes : les polysaccharides injectés
dans les veines sont rejetés en nature dans les urines; les monosaccharides injectés
dans les veines ne sont pas rejetés par les urines, mais emmagasinés pour former du
glycogène : donc la résorption des polysaccharides est nécessairement précédée d'une hydro-
lyse, la résorption directe des monosaccharides seule est possible.
Le fait originel qui fit entrevoir cette loi est l'expérience de Cl. Bernard sur le sac-
charose. Le saccharose injecté dans les veines de l'animal est rejeté immédiatement
par les urines, alors que l'animal peut en ingérer cependant de grandes quantités sans
présenter de saccharosurie. Dastre fait ensuile une constatation analogue pour le
lactose, etc. Ce fait général comporte une seule exception importante en faveur du
maltose. Ce sucre, après injection intra-veineuse, n'est que partiellement rejeté par
l'urine; cet anomalie s'expliquerait par ce fait que le sang contient une maltose active
susceptible d'hydrolyser le maltose.
Inversement les monosaccharides injectés dans les veines ne reparaissent pas dans
les urines, mais à la condition toutefois que la vitesse d'injection ne soit pas trop
grande, car, si, à un moment donné, la teneur du sang en glucose, par exemple, dépasse
3 p. 1 000, l'organisme se trouve hors d'état de maîtriser de pareilles quantités de
sucre, et le sucre passe dans les urines (Cl. Bernard).
Voit a indiqué le soi t de divers sucres injectés dans les veines. Ses expériences éta-
blissent que les monosaccharides sont directement utilisables par l'organisme, tandis
que les polysaccharides ne le sont pas.
En concordance avec ces faits, nous avons déjà vu que l'intestin ne possède aucun
ferment hydrolysant les monosaccharides, tandis que tous les ferments intestinaux
n'agissent que sur les polysaccharides. On s'explique donc que les monosaccharides,
INTESTIN. io7
qui pouvcnl (^tre utilisés direcloment, soient aussi n'-sorliés (iiiocteinenl, et que les
polysacchariilos, (jui ne peuvent être utilisés directement, soient jiar contre hydrolyses
dans l'intesliii. Dans les rares cas où cette harmonie entre les activités de l'intestin et
les capacités fonctionnelles de l'oii^anisme n'existe pas, le sucre n'est pas résorbé. C'est
ce (jui a lieu, parexem[»le, pour le lactose chez certains animaux. Il existe des animaux
chez lesciuels la lactase est très peu abondante : chez ces animaux le lactose ne peut
être dédoublé, c'est le cas du chien adulte par exemple : on constate alors que le lac-
tose ingéré est simplement rejeté dans les matières fécales.
L'étude de la vitesse de résorption des hydrates de carbone, l'aile en tenant compte
tout d'abord de ces conditions de résorption, montre que la résoiplion est d'autant plus
lente que: [" les stades (ju^ franchit Ihydrate de carbone avant d'arriver au tertue de
UKUiosaccliaride sont plus nombreux : c'est ainsi que le saccharose, le lactose et le
nialtose sont moins vite résorbés que le glucose et le galactose (IIobeu, Wei.nland,
HKDOiN, etc.), et 2° que la vitesse avec laquelle se fait l'hydrolyse des polysaccharides
préalable à la résorption est plus lente : c'est ce qui explique sans doute pourquoi la
vitesse de résorption va progressivement en décroissant j»our le saccharose, le maltose
et le lactose.
En second lieu la vitesse de résorption du polysaccharide est nécessairement encore
fonction de la vitesse de la résorption du monosaccharidc, qui doit finalement être ré-
sorbé. C'est ainsi que, d'après >ÎAGAN0,la vitesse de résorption diminue progressivement
pour les monosaccharides du premier au dernier terme suivants : d galactose, d glu-
cose, d lévulose, d mannose, I xylose, 1 arabinose.
La vitesse de résorption des sucres est sensiblement du même ordre de grandeur
que celle des sels, lorsque 1 on compare de petites quantités de sucre et de sels. Mais la
différence essentielle entre les deux substances réside en ce que, tandis que la résorption
des sels ne peut porter sur de grandes quantités de substances sans provoquer une
diarrhée qui, alors, trouble la résorption (par exemple, 40 gr. de NaCI, 30 gr. de
SO;Na-, etc.), pour l'homme la résorption du sucre peut porter sur des quantités
énormes sans troubles intestinaux (glucose correspondant à 500 gr. d'amidon, par
exemple, pris en un repas).
On admet que le processus de résorption des sucres est identique à celui des sels.
Il est prouvé par de nombreuses expériences, dont les premières sont dues à Claude
Bernard, que les veines constituent la voie de résorption des sucres. Vu les quantités
considérables de sucre résorbables dans l'unité de temps, cet auteur a pu constatei- que
la teneur du sang de la veine porte en glucose, qui est normalement de 0,:iO à 1 p. 100,
peut monter jusqu'à 3 p. 100, à la suite d'une ingestion abondante de glucose. Cette
constatation suffit amplement à démontrer que le sucre pénètre surtout dans l'orga-
nisme par la voie portale.
6° Résorption des gaz.
Les gaz contenus dans l'intestin dépendent de l'alimentation, comme le prouve
'observation de Huge, qui a déterminé la quantité et la qualité des gaz émis chez
'homme par le rectum.
Gaz. Lait.
Oxygène »
Azote 36,71
Hydrogène 54,23
Méthane i.
Anhydride carbonique. . . 9,06
Hydrogène sulfuré. .... «
Les gaz émis par l'intestin du cheval contiennent, d'après Zu.ntz, 22 p. 100 de CO'^
59 p. 100 de CH* et 2,5 p. 100 de 11^.
Régime
Régime
végétarien.
carné.
18,96
64.41
4,03
0,69
55,94
26,45
21,05
8,45
Traces.
»
458 INTESTIN.
La dislributiou de ces gaz dans les difTérentes parties de l'intestin a été étudiée par
Tappeiner sur le corps d'un supplicié peu de temps après sa mort.
(tuz. Estomac. Iléon. Côlon. Rectum.
0.xygcne it.19 \ g--.
Azote 74.26 j ' 7, 46 62,76
Hydrogène 0.08 3,80 0,46
Méthane 0,16 -• 0,06 0,90
Anhydride carbonique. ... 16.31 28,40 91,92 36,40
L'origine de ces gaz est diverse. l>'oxygène et l'azote proviennent de l'air ingéri",
l'hydrogène, le méthane et l'anhydride carbonique proviennent des fermentations
intestinales. Parmi ces foimentalions, celles qui sont réalfsées par les sucs digestifs
ne dégagent aucun gaz, celles qui sont réalisées par les microbes, surtout aux dépens
des hydrates de carbone, dégagent des gaz abondants (voir Digestion de.<; hydrates de
carbone par les microbes).
L'intestin est susceptible de résorber de grandes quantités de gaz. Claude Behnard
a signalé que l'hydrogène sulfuré injecté par le rectum est éliminé par les poumons.
L'oxygène est activement résorbé par la muqueuse intestinale intacte, et transformé
presque immédiatement en anhydride carbonique, d'après IJovcott.
Si, en effet, on introduit de l'air dans l'intestin du lapin, on constate peu de tenips
après un changement, considérable de l'atmosphère intestinale ; ce changement se
produit également même si l'expérience a été faite sur un animal dont les vaisseaux
mésentériques ont été liés; mais il est, au contraire, très atténué si, les vaisseaux res-
tant libres, la muqueuse intestinale a été détruite par une solution de HgCl- par exemi)le.
Id. mais apr^s
destruction de la muqueuse
Air. Introduit. Après 3h. 45. par HgCl«.
0 20,9;i 0,36 9,97
C02. . . . 0,03 7,91 7,.fi6
Az 79,04 94,42 81 »
L'anhydride carbonique, grâce à sa grande ditîusibilité, passe très rapidement à tra-
vers la mutjueuse intestinale, même dans un intestin altéré. L'azote n'est que lentement
résorbé. La résorption de l'oxygène est fonction de l'activité cellulaire.
L'échange des gaz au niveau des capillaires est proportionnel à l'activité des cellules
intestinales et des mouvements intestinaux, comme pour tout autre organe.
L'échange des gaz à travers la muqueuse intestinale est assez important pour
contribuer, au moins chez certains animaux, à la respiration générale.
Paul Hert a signalé qu'un chat nouveau-né survit vingt et une minutes à la ligature
de la trachée, lorsqu'on lui injecte de l'air dans l'intestin; tandis tju'un chat témoin
succombe en treize minutes, si on ne lui injecte pas d'air. On admet que les plongeurs
avalent beaucoup d'air pur, pour pouvoir rester plus longtemps sans lespirer.
Ces phénomènes de respiration intestinale, qui sont si peu marqués chez les mam-
mifères, prennent, au contraire, une importance considérable chez certains vertébrés
inférieurs. Déjà, en 1814, Treviranus avait signalé que Cobitis fossilis avale constam-
ment de l'air, et qu'il le rend par l'anus. L'air émis par l'anus de Cobitis fossilis contient
87,18 d'azote, 12,03 d'oxygène et 0,80 d'anhydride carbonique, d'après Bau.mert. L'in-
testin du Cobitis fossilis a été étudié par Leydig et Calugareanu, qui ont montré que les
cellules épithéliales présentaient un étalement en plateau au-dessus de capillaires
extrêmement serrés comme ceux d'une muqueuse pulmonaire. Jobert rapporte que
Callichtifs asper, poisson brésilien, meurt si on l'empêche d'avaler de l'air à la surface
de l'eau.
7° Résorption de substances diverses.
Lécithine. — Les lécithines sont activement résorbées, sans que nous sachions, d'ail-
leurs, sous quelle forme'; la digestion des lécithines, comme nous l'avons vu, étant
obscure.
INTESTIN. 459
Acides nucléiniques. — Les acides nucléiniques sont activement absorbés, sans que
nous sachions, d'aillours, à quel état.
Métaux lourds. — Los sels de métaux lourds précipitent les ferments, si bien qu'à
forte dose ils arrêtent la digestion et déterminent des troubles digestifs : sels mercuriaux,
sels de fer, etc. Pris ù petites doses, ils n'empêchent pas la digestion et sont résorbés. Le
fait est indiscutable pour le mercure, il est plus difticilo à établir pour les sels de fer.
Dans les discussions qui se sont établies sur l'absorption du fer (voir article Fer, Dict.
de Phys.), nous rappellerons que les auteurs ne semblent pas toujours avoir eu grand
soin de ventiler la question, qui, avant d'être étudiée, doit être l'objet des considéra-
tions préliminaires suivantes :
Tout d'abord, comme beaucoup d'auteurs l'ont fait, il ne faut pas confondre résorp-
tion et n'tenlion ; la seule voie importante d'excrétion du fer est l'intestin, fait connu
depuis longtemps, et plus particulièrement le gros intestin, comme l'ont démontré
récemment Quincke et Hoghhaus, Hofmann, Abderualden et Kulbo. Toute étude sur
l'absorption du fer va donc être compliquée par l'excrétion du fer.
Si donc on trouve que l'excrétion du fer est égale à son irigestion, cela ne prouve
rien, car deux hypothèses sont possibles : où le fer n'a pas été résorbé du tout, ou bien
il a été excrété après avoir été résorbé. Dans les deux cas, le résultat linal et apparent
sera le même.
Toutes les expériences démontrent qu'en général le fer absorbé n'est retenu que
peu de temps dans l'organisme, et que bientôt l'équilibre s'établit entre les apports et
les excrétions. Ces expériences nous indiquent que l'organisme ne peut se charger
que de peu de fer, mais ne prouvent pas qu'il ne puisse en résorber que peu.
Les seules expériences valables sont celles qui sont faites sur des sujets anémiés
qui ont besoin de fer pour réparer leur sang, car ceux-là seront susceptibles, a priori,
de retenir du fer dans la mesure où l'intestin le résorbera; les expériences réalisées
dans ces conditions ne sont que du type clinique, c'est-à-dire n'ont pas comporté de
dosage de fer; elles nous donnent cependant celte indication intéressante, que l'ané-
mié à qui on donne du fer répare plus vite son sang que s'il était tenu au régime
ordinaire.
Les questions intéressantes dans la résorption du fer concernent les formes assimi-
lables du fer et l'état sous lequel le fer est absorbé. En raison des faits précités, les
expériences sur les formes assimilables du fer n'ont rien donné de précis. Tout ce
que nous savons, c'est que le fer est assimilable sous toutes ses formes : formes dissi-
mulées (hémoglobine, végétaux, etc.); formes salines (protoxalate, protochlorure, etc.,)
mais sans que nous puissions établir des différences entre l'assimilabilité de ces diverses
combinaisons du fer.
L'état auquel se trouve le fer à son passage dans l'intestin semble être un état
inorganique, car Quincke et Hochhâus, Hofmann et Abderhalden ont pu le colorer aisé-
ment par les réactifs ordinaires du fer, dans les cellules de l'épithélium intestinal.
Les ferments. — Dans les matières fécales normales, nous ne trouvons que très peu
de ferments comparés à la masse de ferments mis en œuvre au cours de la digestion
intestinale. Nous avons vu antérieurement qu'une partie de ces ferments peuvent se
détruire : 1° spontanément : cas de la trypsine activée chauffée à 37° ; 2» mutuellement :
cas de l'amylase très vite détruite par la trypsine active; 3" par l'action des microbes:
cas de tous les ferments. La destruction intra-intestinale explique-t-elle entière-
ment la disparition des ferments dans les fèces, ou une partie de ces ferments est-elle
résorbée par l'intestin? Nous l'ignorons. L'amylase sanguine ne varie guère après les
repas; cela ne prouve rien, la circulation renouvelle si vite le sang dans les vaisseaux,
qu'il se peut très bien que les variations réelles de l'amylase soient inappréciables. La
recherche de l'amylase, pour donner peut-être un résultat, devrait être faite dans la
veine porte; cette recherche n'a pas été faite. La lipase sanguine est trop mal connue
pour qu'on puisse la doser comparativement. La trypsine, ou bien n'existe pas dans le
sang à l'état de zymase, ou bien se trouve inactivée par l'albumine du plasma; en tout
cas, le sang ne jouit d'aucun pouvoir tryptique, et artificiellement nous ne pouvons y en
faire entier aucun.
La résorption des ferments, qui ne peut être déduite des variations des ferments du
460 INTESTIN.
sang après le repas, a été induite de l'apparition de la trypsine et de l'amylase dans les
urines après les repas. Mallieureusement, en ce qui concerne la trypsine, l'identité de
la trypsine urinaire n'a été établie que par des digestions de la fibrine, qui se digère
sous l'inlluence de bien des facteurs autres que la trypsine ou la pepsine. Nous con-
naissons, d'autre part, par les travau.x de Dastre, une digestion saline de la fibrine, et
le fait que les sels s'éliminent en assez grande abondance après le repas cadrerait assez
bien avec ces digestions trypliques. Pour l'apparition de l'amylase, les résultats sont
au contraire plus nets.
Une autre preuve, il est vrai bien lointaine et bien indirecte, qu'à chaque digestion
tous les ferments ne doivent pas être perdus pour l'organisme, c'est que, si l'on fait une
fistule gastrique à un chien et qu'on laisse le suc gastrique se perdre pendant un certain
temps, on voit que la sécrétion gastrique s'appauvrit en ferment: elle s'enrichit, au
contraire, comme l'a montré Frouin, jusqu'à son taux primitif, si le suc gastrique est
réinjecté dans l'intestin. Frouin a montré les mêmes faits pour le suc intestinal.
GROS INTESTIN.
Tandis que l'anatomie et la physiologie de l'intestin grêle est assez uniforme chez
tous les vertébrés, le gros intestin présente des variétés analomiques et fonctionnelles
très importantes. Ce chapitre d'anatomie et de [)hysiologie comparées sera développé,
comme il convient, en un chapitre spécial; nous n'en exposerons ici que les points
essentiels à l'intelligence de la physiologie générale du gros intestin.
a) Sécrétions et ferments. — On ne connaît pas de ferments sécrétés par le gros
intestin; les ferments qu'on y trouve sont ou bien des ferments venus de l'intestin grêle,
ou bien des ferments bactériens. C'est ce qui résulte des travaux de Pawt-OW, Miura,
Grober, Hemmkter et Heile.
La sécrétion du gros intestin est également mal connue: les fistules d'anses intes-
tinales isolées ne donnent que très peu de liquide.
La sécrétion de mucus observée chez l'homrne dans l'entérite muco-membraneuse
est un fait pathologique.
b) Résorption. — La substance pour laquelle le gros intestin présente la résorption
la plus manifeste est l'eau. D'après M.vcfayden, Nencki et Sierer qui ont étudié le débit
des fistules ca?cales chez l'homme, il arrive environ oOO centimètres cubes d'eau dans
le gros intestin. Or l'étude des fèces démontrant que l'eau rejetée par l'anus ne dépasse
pas 100 centimètres cubes : c'est donc une résorption de 400 centimètres cubes d'eau
qui s'accomplit journellement dans le gros intestin de l'homme.
Il va sans dire que cette résorption correspond à une alimentation mixte, qu'elle
est beaucoup moindre jiour une alimentation carnée, et que, si d'autre part on consi-
dère les herbivores dont le gros intestin atteint un développement énorme et est
toujours rempli do chyme, la résorption devient au contraire considérable.
La capacité du gros intestin de résorber des aliments proprement dits a été étudiée
bien des fois par Leube, Scho.nborn, Ewald, etc. Ces auteurs ont démontré que le gros
intestin résorbe des albumines, des graisses et des hydrates de carbone, des sels divers
et des substances médicamenteuses. Par contre les auteurs diffèrent sur la question de
vitesse de résorption de ces diverses substances.
La plupart de leurs expériences ne sont pas probantes, car une cause d'erreur dans
ces expériences, reconnue assez récemment, a fait attribuer uniquement au gros intestin
une résorption qui ressortit aussi à l'intestin grêle. Grutzner a signalé que des particules
en suspension dans l'eau introduite par le rectum franchissent aisément la valvule de
BADiyN. Cannon a confirmé cette constatation en suivant à l'écran radioscopique la
marche de lavements alimentaires mêlés de sous-nitrate de bismuth. En donnant à
des chats des lavements composés d'œuf, d'amidon et de sous-nitrate de bismuth,
il vit naître des mouvements antipéristaltiques du côlon, qui forçaient la valvule de
INTESTIN. 461
Bauhin, et le liiiuide alimenlaiie après avoir pénélré dans l'iléon y déterminait des
contractions périslaUiques comme du chyme ordinaire. Mais il existe d'aulres expé-
riences de C/.ERNv, LvTscHE.NHERGEii et IIeile qui ne prêtent pas aux mêmes critiques.
Les observations de ces auteurs ont porté sur dos gros intestins séi)arés du reste du
tractus intestinal. Ur par ces expériences il est nettement établi que le gros intestin
résorbe activement. Heile constate que l'homme et le chien ne résorbent guère plus
de 5 gr. 9 de glucose à l'heure. Les sels sont mieux résorbés. L'eau est résorbée à raison
de 80 centimètres cubes par heure. Czeuny et Latschenbeugeu constatent que les albu-
mines, les graisses et l'empois d'amidon ne commencent à être résorbés qu'au bout de
plusieurs heures et concluent qu'une hydrolyse bactérienne est nécessaire pour préparer
la résorption de ces substances.
Enlin des observations indirectes prouvent encore que la résorption par le gros
intestin, qui est possible d'après les expériences précédentes, est un phénomène physio-
logique normal au cours de certaines alimentations.
Lorsque l'alimentation ne comporte que des substances rapidement assimilables,
œuf, viande cuite, panade, etc., on ne trouve plus de chyme résorbable au niveau de
la valvule iléo-cajcale; mais, lorsque l'alimentation comporte des grains d'amidon
volumineux et de la cellulose qui hâtent la progression du chyme, les fistules iléo-
civcales rendent un liquide (jui, d'après Mvci ayden, Ne.ncki et Sieue», contiennent encore
de 0,4o à 0,8 p. 100 d'alhumine coagulable, des peptones et de 0,3 à 4,75 de sucre. Or,
comme les fèces de l'individu normal sont complètement dépourvues de chyme résor-
bable, il s'ensuit nécessairement que ces résidus alimentaires seront résorbés par le
gros intestin.
La forme sous laquelle les diverses substances sont résorbées par le gros intestin n'e&t
pas encore bien précisée. En ce qui concerne l'albumine crue on a prétendu que la
résorption pouvait avoir lieu directement sans digestion préalable, parce qu'à la suite de
lavements d'ovalbumine on voyait apparaître assez souvent de l'albuminurie. Ges expé-
riences, en contradiction avec celles de Czerny, sont d'autant plus suspectes qu'elles n'ont
pas porté sur un gros intestin isolé du reste de l'intestin grêle et que par conséquent
elles n'excluent pas un reflux de l'albumine par la valvule de Bauhin. Pour les graisses
Hamburger a vu que le gros intestin résorbe assez activement les acides gras et
comme ces acides sont très toxiques il en conclut que le gros intestin réalise la synthèse
des graisses neutres. Certains poisons enfin, comme le curare, qui ne sont pas détruits
par la pepsine, restent néanmoins inofTensifs quand ils sont ingérés par la bouche : admi-
nistrés en lavements, ils sont toxiques, comme l'a signalé Cl. Bernard. La différence de
ces résultats doit-elle s'expliquer par une action d'arrêt du foie dans le cas d'une inges-
tion de curare? nous l'ignorons.
COORDINATION DES PROCESSUS INTESTINAUX.
Nous venons d'analyser les principaux facteurs de la digestion intestinale.
Etant donné que pendant la digestion intestinale il existe un apport continuel de
chyme gastrique, une sécrétion très prolongée des sucs intestinaux et une résorption
continue du chyme intestinal, il s'ensuit a priori que les principaux actes de la diges-
tion qui s'accomplissent simultanément doivent s'influencer mutuellement :
Nous devons donc nous demander comment est établie l'harmonie entre les divers
processus intestinaux, et c'est à cette étude qu'est réservé ce chapitre de coordi-
nation.
1° Coordination entre Vapport gastrique et la résorption du chyme dam l'intestin.
Si l'on sacrifie des animaux i, 2, 3, etc. heures après des repas identiques, on constate
les faits suivants:
462
INTESTIN.
Nourriture des animaux, 200 gramtnes de viande cuite de cheval mai</re et satis tendons.
Poids des chiens 8,1 8,93 1,2 8,3 1,15 1,35
Heure du sacrifice après le repas. 1 h. 2 h. 4 h. 6 h. 9 h. 12 h.
Albumine dissoute dans l'estomac. 2,262 1,193 2,086 2.096 1,810 0,049
Peptones' 3,087 3,653 3,312 2,912 3,422 0,083
Albumine non digérée 50,389 24,494 25,928 17,833 7,077 0,120
Albumine dissoute dans l'intestin. 0,482 0,131 0,436 1,917 0,438 0,202
Peptones 0,312 0,311 0,498 1,352 1.222 0,820
Contenu insoluble de l'intestin. . 1,914 1.611 1.912 2,743 1,840 1,936
Total 58,146 32,531 34,622 27,853 15,329 3,210
Albumine ingérée 61,150 51,011 65,817 64,000 62,013 61,105
— résorbée 2,404 18,480 31,195 36,147 46,684 58,495
ScHMiDT-MuHi.nEiM {Arch. fïir Phys., 1879).
CONTENU
KÉSIDU SEC
CONTENU
RÉSIDU SEC
POIDS
HEURES.
DR l'rSTOMAC
en substance
fraîche .
DE 1,'f.STOMAC
p. 100.
DE l'intestin
en substance
fraîche.
UK l'intestin
p. 100.
DBS FÈCBS.
Viande : '20
grammes par k
ilogramme d'ani
mal. — Résidu
fec de la viande
.• 25,8 p. 100.
3,10
15,2
17,4
4,10
„
0,70
3,40
16,6
»
4,10
»
0,48
4,40
11,3
17,3
3,90
21,0
1,10
5,40
12,5
15,6
4,48
18,8
0,94
6,40
6,2
..
4,81
»
0,63
7,40
l.T
"
3
)i
1,30
Lait : 25 cent, cubes par kilogramme d'animal. — Résidu sec du lait : 11,7 p. 100.
3,0
3,48
15,0
i.41
»
2,78
4,10
4,4
»
2,39
•>
1,89
5,10
1,37
»
»
»
1,84
6,0
1,45
15,6
2,95
»
1,97
6,50
1,06
8,8
5,50
11,2
2,50
Riz : S gram
mes + viande : 5 grammes, par kilogramme d'animal, avec eau, 520 grammes.
5,0
1,93
»
1,44
6,10
2,00
15,2 3,09
1,79
A
midon: 5 grammes + sucre : -2 graynmes, par kilogramme d'animal.
3,15
7,57
14.1
3,82
..
2,32
4,20
11,30
8,1
3,41
»
3,56
Ambard et BiNET. B.B., 15 fèv. 1908.
On voit donc que chez le chien :
1» L'évacuation gastrique est progressive pour les divers aliments, elle est seulement
plus rapide pour le riz et l'amidon que pour la viande, et plus rapide encore pour le lait
que pour le riz et l'amidon. Ces faits ayant déjà été signalés à l'article Estomac, nous les
rappelons seulement pour l'intelligence des faits suivants.
2° Au point de vue de la topographie du chyme dans l'intestin, nous constatons: qu'avec
la viande l'intestin grêle garde la majeure partie du chyme, il y a peu de déchets ali-
1, Toutes les substances sont évaluées en albumine = (15,6 p. 100 Az)
INTESTIN. 463
mentaires, les fèces sont peu abondantes; avec le riz, i'aniidoii cl le lait au contraire, le
tableau est tout dilléreut. Après le repas de lait, on trouve un chyme jaune très lluide,
aussi bien dans le gi'os intostin que dans l'intestin grêle : d'ailleurs souvent le chien
émet déjà, trois ou quatre heures après le repas, uu peu de diarrhée. Ce fait appelle
immédiatement une remarque imporlante. Le lait est en général un aliment purgatif
pour le chien : cet animal n'a pas de lactase : le lactose du lait est par suite lentement
résorbé, et, pour cette raison, le contenu du gros intestin est toujours très hydraté. On
ne saurait donc conclure de la digestion du lait par le chien à une digestion identique
du lait par d'autres animaux pourvus de lactase. Elt le seul point à retenir de ceci est
l'importance considérable que peut présenter indirectement l'absence d'un ferment sur
le transit même des aliments dans l'intestin.
En ce qui concerne le riz et l'amidon sucré, le tableau est également très particulier: dès
la troisième heure l'intestin est entièrement rempli de chyme, le gros intestin aussi bien
que l'intestin grêle : ce chyme est d'un beau jaune et de consistance as.sez ferme, surtout
dans le gros intestin. Nous voyons ici l'influence des résidus alimentaires sur la rapidité
de la traversée digestive. Le riz et l'amidon sont moins complètement résorbés que la
viande, du moins par le chien ; et il en r»'SulLe que les matières fécales sont plus abon-
dantes et plus précoces.
3° Un point très intéressant dans les phénomènes du transit intestinal est la
quantité de chyme contenu dans l'intestin aux divers temps de la digestion. Si nous
jetons un coup d'ti'il sur le second tableau donné plus haut, nous voyons que par kilo-
gramme d'animal le poids de chyme intestinal frais est constant pour la viande entre
3 h. 10 et 6 h. 40 : ce poids oscille entre Ss"", 90 et a^"", 81 avec une moyenne de 4B'", 10 à
i^'^, 30; pour le lait le poids de chyme frais est un peu variable et cela ne doit pas nous
surprendre, connaissant les particularités de la digestion du lait chez le chien ; avec le riz
sucré la moyenne estd'environ 3s^'", 60, en somme peu éloignée de celle de la viande. D'autre
part le résidu sec de ce chyme est assez constant : pour la viande il est de 2t,0 à
18,8 p. 100, pour le lait de 17,2.
En laissant de côté les petits écarts dans l'ensemble de ces résultats, il s'ensuit donc
qu'aixx divers moments de la digestion la quantité de chyme intestinal est constante.
Si nous négligeons l'évacuation dans le gros intestin des déchets alimentaires qui
n'est pas considérable chez les omnivores, et même encore chez les carnivores, nous nous
trouvons immédiatement en présence de deux processus dont l'action doit être coordonnée
pour aboutir au maintien de la constance du chyme intestinal durant la digestion : ce
sont l'évacuation pylorique et la résorption intestinale.
La résorption intestinale a déjà été étudiée en détail précédemment, il nous reste donc
à examiner par quel mécanisme est réglé l'apport du chyme gastrique qui doit incessam-
ment combler les déficits du chyme intestinal créé par la résorption de l'intestin.
De très noaabreux auteurs ont étudié le passage du chyme gastrique dans le duodé-
num par des fistules duodénales. Ce sont Can.non, Tappeixer, Hiusch, v. Meri.n'(;, Moritz,
Serdjlrow, Dastre, Pawlow, LrNrwAREW, Boldireff, Ono, Tobler, Grutzner et Carnot. Plus
récemment on a fait usage de l'examen radioscopique pour suivre le passage d'un
chyme bisrauthé dans l'intestin (Cannon, Koux et Balthazard, Sicard, Carvallo, etc. La
méthode des fistules duodénales est surtout commode pour expérimenter sur le rôle de
l'intestin dans l'activité pylorique. La fistule duodénale permet d'examiner quantitati-
vement et qualitativement le chyme issu du pylore et permet surtout d'expérimenter
l'effet des substances diverses portées au contact du duodénum.
De l'ensemble des recherches il résulte tout d'abord que le pylore est sensible :
1° A des réflexe!^ chimiques du duodénum. Hirsch et surtout Pawlow ont montré que
l'eau, les sels neutres et les alcalis portés au contact du duodénum, font entr'ouvrir le
pylore, tandis qu'au contraire les acides ferment énergiquement le sphincter pylorique.
En injectant dans le duodénum alternativement de la soude ou de l'acide chlorhydrique,
on peut à volonté arrêter ou solliciter l'évacuation gastrique : le temps de latence du
réflexe est d'environ 15 secondes. Les expériences de Tobler sont à cet égard des plus
instructives ; elles montrent que, si chez un chien en pleine digestion on prélève le chyme
gastrique pour en injecter une partie dans le duodénum, le chyme gastrique fait fermer
le pylore. Par cette e.\i)érience il devient donc hors do doute que l'acidittî du chyme
464 INTESTIN.
gastrique règle lui-même l'ouverture du pylore par un réflexe à point de départ duodénal.
Il y a donc deux réflexes acides qui ferment le pylore : un réflexe gastrique (voir
Estomac) et un réflexe duodénal.
Les réflexes acides et alcalins ne sont pas les seuls réflexes chimiques du duodénum.
Pawlow a montré que l'huile, portée au contact du duodénum, détermine aussi l'occlusion
du pylore. Nous avions déjà appris (Estomac) que l'huile au contact de l'estomac relarde
par un réflexe gastrique l'ouverture du pylore, ces deux réflexes duodénaux et gas-
triques (pour la graisse) sont donc synergiques, comme ils sont synergiques pour les
acides. Mais, en ce qui concerne l'effet de l'huile sur le duodénum, Pawlow et Boldireff
ont montré de plus ce phénomène particulier que l'huile portée dans le duodénum fait
refluer dans l'estomac le chyme intestinal. Quand on injecte de l'huile dans le duodé-
num, on ne tarde pas à retrouver dans l'estomac de l'huile, de la bile et du sue pan-
créatique. D'après Boldireff, il semblerait même que l'huile qui passerait de l'estomac
dans le duodénum serait susceptible de déterminer un reflux du contenu duodi^iial dans
l'estomac, si bien que d'après cet auteur on pourrait utiliser ce flux même pour retirer
du suc pancréatique de l'estomac après un repas de graisse.
2° A des réflexes mccaniques du duodénum. V. Mering avait institué pour démontrer ce
phénomène des expériences où il dilatait le duodénum par des injections de lait. On
a objecté à cet auteur que le lait peut être par lui-même un constricteur pylorique par
réflexe chimique. Aussi est-il intéressant de signaler les résultats de Tobler qui provo-
quait l'occlusion du pylore en dilatant le duodénum par un ballon de caoutchouc.
3° A de très nombreux réflexes très délicats la plupart d'origine gastrique (et que pour
cette raison nous ne ferons que mentionner ici) :
a) Influence de la fluidité du chyme. — La fluidité du chyme gastrique (ïobler,
Cannon) a pour conséquence de permettre le passage rapide des liquides, eau, chyme
gastrique liquide, et de s'opposer à l'évacuation de toute particule de volume appré-
ciable. Quand on examine le contenu duodénal, on est d'ailleurs tout de suite frappé de
l'homogénéité et de la fluidité du chyme intestinal qui contraste souvent d'une manière
si tranchée avec l'aspect du chyme gastrique. ,
b) Rôle de la concentration moléculaire du chyme inhomogène. — Les liquides
les plus rapiden)ent évacués sont les liquides isotonicjues lOrro, Carnut et Chassevant) et
d'ailleurs l'estomac tend toujours à ramener son contenu à l'isotonie (Winter-Carnot).
c) Rôle de la température du chyme. — Miller a constaté que la température de
38° est la plus favorable à l'évacuation du chyme gastrique : les liquides plus froids ou
plus chauds passent plus lentement.
Il suffit d'envisager l'ensemble des réflexes que nous venons de décrire pour se rendre
compte de la complexité du jeu du sphincter pylorique dont l'ouverture règle l'admission
du chyme dans l'intestin. Mais la complexité du jeu du sphincter pylorique n'est pas
encore épuisée par ces nombreux réflexes. Ces réflexes brutaux sont pour ainsi dire
assouplis par toute une série de causes secondes.
Le réflexe acide du duodénum est très atténué par l'alcalinité du suc pancréatique,
et de la bile qui neutralise le chyme gastriijue à mesure qu'il apparaît dans le duodé-
num. Le réflexe acide de l'estomac lui -même peut être atténué par un processus analogue:
chez les hyperchlorhydriques la fin de la digestion gastrique est continuellement com-
pliquée d'un reflux de bile et de suc pancréatique vers l'estomac où ces sucs alcalins
neutralisent partiellement le chyme gastrique avant même qu'il ne s'engage dans le
pylore.
C'est là un premier mode d'atténuation des réflexes acides.
Il en est un second qui n'est pas moins important, c'est l'atténuation du réflexe acide
par résorption de l'acide dans le duodénum lui-même. Si on lie les canaux pancréa-
tiques d'un chien et qu'on le sacrifie après un repas de viande, on constate que l'éva-
cuation gastrique de la viande n'a subi qu'un retard peu appréciable et, fait beaucoup
plus important encore, le contenu duodénal n'est guère plus acide que celui d'un
animal intact (Ambard). Il faut donc nécessairement que l'acide ait été résorbé.
Tels sont les très nombreux processus qui règlent l'évacuation pylorique, et il est
indéniable que ceux qui sont liés à la résorption intestinale jouent un rôle considérable
dans l'admission du chyme gastrique dans l'intestin.
INTESTIN. 165
C'est à l'ensemble de ces réilexes qu'il faut rapporter ce phénomène primordial :
« tout moment de la digestion la teneur en chyme de Vintei^tin est constante.
2° Progression du chyme dans l'intestin.
La progression du chyme dans l'intestin a été étudiée par trois méthodes dinérentcs.
La première consiste à sacrifier les animaux après un repas d'épreuve et à constater
quelle est dans l'intestin ouvert la région atteinte par le chyme intestinal, à un moment
donné. La seconde consiste à noter le temps à partir duquel le chyme arrive au niveau
d'une fistule après un repas d'épreuve. La troisième recourt à l'examen radioscopique
pour évaluer la longueur d'intestin rempli par un chyme bismuthé.
Ces trois méthodes donnent des résultats concordants et nous montrent que: 1° la
vitesse de progression du chyme dépend de la qualité des aliments. C'est le chyme de
viande qui progresse le plus lentement. Kutscuer et Seemann, en sacrifiant des chiens
après des repas de viande, constatent que, chez un animal qui a ingéré 500 grammes de
viande, le chyme ne dépasse pas le milieu de l'intestin grêle six heures après le repas.
Heilê, von Macfayden, Nencki et Sieber, Honigman et Schmidt constatent que l'arrivée
du chyme au niveau des fistules iléo-Cfocales, tant chez le chien que chez l'homme, se
fait avec la plus grande lenteur pour le chyme de viande, plus rapidement pour un
chyme de repas mixte et avec la vitesse maxima pour un chyme de pain, de riz, etc.
Cannon a étudié aux rayons X les longueurs d'intestin occupées par les chymes dif-
férents. En ce progrès du chyme dans la lumière intestinale deux faits intéressants
sont à noter.
1° La portion initiale de l'intestin, surtout chez les carnivores et les omnivores
(chien), est animée au cours de la digestion de mouvements pendulaires et péristaltiques
d'une énergie bien supérieure à celle des segments consécutifs de l'intestin grêle.
Même chez les animaux à digestion lente, ce fait est très net, et Carvallo (congrès
d'Heidelberg, 1907) a montré qu'il y a dans le premier segment de l'intestin de la gre-
nouille une espèce de bataille au cours de laquelle les mouvements de brassage et de
va-et-vient du chyme sont si énergiques qu'il semblerait que le duodénum cherche
constamment à faire refluer vers l'estomac le chyme qui en est arrivé (constatation
cinémato-radiographique). 11 suffit d'ailleurs de constater chez le chien le calibre
considérable du duodénum par rapport à celui des autres segments de l'intestin, le ren-
forcement manifeste de la musculature de ce premier segment intestinal, l'espèce de
sphincter qui délimite la portion terminale du duodénum, pour comprendre que le
duodénum est pour ainsi dire constitué en vue d'une activité triturante bien plus
considérable que tous les autres segments de l'intestin. Il y a en somme après la
digestion gastrique une véritable digestion duodénale, distincte de la digestion intesti-
nale du jéjunum et de l'iléon.
2° L'examen du chyme bismuthé à l'écran fluorescent montre que le chyme n'occupe
pas d'une façon continue le trajet intestinal (Canno.n), le chyme y est segmenté, et
cette segmentation se remanie d'une façon rythmique. A mesure que la digestion
progresse, les intervalles vides entre les segments de chyme sembletit augmenter, et
ainsi s'explique que le chyme progresse vers le gros intestin, quoique la longueur
totale de la colonne de chyme n'augmente pas sensiblement et même diminue (Cannon).
Résorption de chyme dans les divers segments intestinaux.
Les divers segments de l'intestin absorbent inégalement les divers aliments. D'après
les expériences de Rôhmann, il ressort que les segments initiaux absorbent plus que les
segments terminaux.
Résorption de divers segments terminaux d'après Rohmann (en une heure):
cm. cm.
Segments de 0°',20 pris à 117 du pylore et à 150 du cajcum.
— 0°,11 — 16i — 48 — .
_ o-'.SO — ,. — 35 _ .
DICT. DB PHYSIOLOGIE. — TOME IX. 30
Sucre f!o
Glu-
Amidon.
Teptone.
canne.
cose D
1,00
1,77
1,80
2,70
0,15
0,13
0,25
1,70
0,47
1,44
1,89
2,83
466
INTESTIN.
3" Constitulion du chyme dans les divers segments intestinaux.
Le fait que l'absorption des produits de la digestion se fait sur tout le parcours de
l'intestin et avec une intensité maxima dans les portions initiales nous explique ce
fait constaté par tous les auteurs que le chyme à son arrivée au niveau du cœcum est
presque épuisé au point de vue de ses substances résorbables ; qu'il contient très peu
de graisses; 4 à 6 p. 100, des traces de peplones et d'acides amidés.peu ou pas de sucres
résorbables (Nencki et Sieber, Schmidt, etc.). Mieux encore : il ressort de diverses expé-
riences qu'au cours de la digestion il n'y a à aucun moment accumulation de substances
résorbables dans aucun segment de l'intestin. Dès que par la digestion une substance
est devenue résorbable, elle est résorbée, et on n'en trouve jamais que très peu à l'état
de liberté dans la lumière intestinale (Schmidt-Muhlheim, Rohmann). Le fait est surtout
net pour l'amidon. Bien que cette substance soit activement digérée dans l'intestin, on
n'y trouve jamais que des traces de sucre réducteur.
Ainsi s'explique que les aliments complètement résorbables ne s'avancent que peu
et lentement dans la lumière intestinale : leurs produits d'hydrolyse sont résorbés
avant même qu'ils aient eu le temps de progresser. Ainsi s'explique aussi que les ali-
ments riches en déchets non résorbables, pain, légumes, etc., donnent au contraire un
chyme qui va vite et loin. Par extension on comprendra que chez les herbivores
l'intestin soit constamment empli, et que la digestion intestinale y soit aussi différente
que chez les carnivores et les omnivores.
Ces faits sont aujourd'hui bien acquis, et, pour donner une idée exacte de leur ordre
de grandeur, nous nous bornerons à citer des expériences récentes tirées d'un des nom-
breux travaux eue London a consacrés récemment à cette question (Zeit. f. p. Chem.,
XLvi, 209).
i° Fistule ditodénale.
Substance ingérée Volume
200 gr. d'ovalbumine cuite du chyme
recueilli
Albumines
Albumoses
Durée des
Albumine
par la
non
et
Azote
Azote
expériences.
sèche.
Azote.
fistule.
digérées.
peptones.
retrouvé.
résorbé.
gr-
gr.
cmc.
gr-
gr.
5^40
25,92
3,656
569
10,72
9,50
2.046
0,610
6N30
25,62
2" Fistule jéjunale à 1 m. du pylore.
3,657 282 8,1 11,6
2,893
0,763
10 heures 25,45
3,643
3» Fistule iléale.
60 0,3
Néant Traces cor- Totalité.
respondantes
à l'azote des sucs
gastrique, biliaire
et pancréatique.
4° Coordination des activités des divers ferments dans la digestion intestinale.
La digestion intestinale proprement dite est le résultat de l'action coordonnée de
très nombreux ferments qui ne peuvent agir que dans des conditions tout à fait
déterminées.
Parmi les dispositions qui favorisent la digestion intestinale nous devons indiquer
surtout.
i° La multiplicité des sources des ferments intestinaux, qui est le premier fait remar-
quable à signaler; car il nous permet de comprendre comment, une ou plusieurs de ces
sources venant à se tarir, des suppléances peuvent se produire, et la digestion ne subir
qu'un trouble souvent peu appréciable.
INTESTIN. 467
a) Ferments des albumines. La pepsine mise à part, les ferments protéolytiques que
rencontrent les albumines dans le tubedigestif sont successivement le suc pancréatique,
les diaslases microbiennes, et l'érepsine.
6) Ferments des graisses; la lipase gastrique peu active étant mise à part, la graisse
sera digérée dans l'intestin par le suc pancréatique, la lipase intestinale et les lipases
microbiennes.
c) Ferments des hydrates de carbone, en dehors de l'amylo-maltase salivaire très
active, de l'amylo-maltase gastrique très faible, les hydrates de carbone vont rencontrer
dans l'intestin de puissants ferments qui vont agir sur les hydrates de carbone
condensés et sur les polysaccharides : ce sont l'amylo-maltase pancréatique, la cellulase
microbienne, la saccharase, la lactase et la maltase intestinale, etc.
A cette multiplicité des ferments intestinaux, il faut joindre l'activation de certains
de ces ferments par des liquides, qui, eux aussi, ne proviennent pas des glandes qui
B
FiG. 73.
Ombres du contenu gastrique et du contenu intestinal chez des chats deux heures après un repas de viande
de bœuf sans graisse A et de riz bouilli B. Chaque repas se compose de 25 centimètres cubes d'une pâtée
bismuthée. Remarquer la brièveté de la longueur totale des ombres intestinales de A comparée à celle de
B (d'après Cannon, Amer. Journ. Phys., XII, 1905, 389).
ont sécrété ces ferments : notamment l'activation de la trypsine du suc pancréatique
par la kinase intestinale, et l'activation des lipases par la bile.
2° La superposition dans l'action de ces divers ferments, qui existe surtout pour les
albumines, et, dans une certaine mesure, pour les hydrates de carbone.
a) Pour les albumines ; nous savons que la pepsine n'hydrolyse les albumines que
jusqu'aux stades albumines et peptones ; or la trypsine pousse cette action jusqu'au
stade acide aminé ; l'érepsine, comme la trypsine, donne aisément des acides aminés;
mais elle ne peut entreprendre que les peptones et les albumoses. Enfin les diastases
microbiennes complètent l'activité initiale de la trypsine.
b) Pour les hydrates de carbone il est remarquable que les ferments qui doivent
agir sur les hydrates de carbone très condensés et dans l'eau insolubles, sont tous
des ferments déversés dans la lumière du tube intestinal : amylase pancréatique,
cellulase microbienne (des herbivores), xylanases, arabinases (des mollusques), tandis
que les ferments susceptibles d'agir sur les hydrates de carbone solubles sont surtout
des diastases intra-intestinales : saccharase, lactase, maltases intestinales...
Il est donc indéniable par ces quelques exemples qu'il y a un rapport évident entre
la topographie des ferments et les types d'hydrolyses à effectuer et leur succession.
• 3° La suppléance des ferments les uns par les autres, qui est enfin le corollaire naturel
de ce que nous venons de dire de la multiplicité des divers types de ferments et de leur
origine diverse. Au point de vue pratique il importe de voir comment cette suppléance,
possible a priori, se réalise en fait par la suppression successive des divers segments du
tube digestif.
a) Suppression de restomac. — Ce sujet aété traité dans l'article Estomac : nous
n'en rappellerons donc ici que l'essentiel.
Les documents sur ce point sont nets et abondants.
468 INTESTIN.
Expérimentalement l'ablation totale de l'estomac a été réalisée par Gzerny et Kaiskr
en 1876 ; l'animal opéré survit, et Ludwig et Ogata en examinèrent le chimisme digestif
quelques années après.
Carvallo et Pachon en 1893. Filippi en 1894 et Frouin en 1902 répètent encore avec
succès cette expérience.
Sur l'homme l'ablation totale de l'estomac a été réalisée plusieurs fois : par Schlatter
en 1897 sur une femme dont le chimisme est d'abord étudié par Wroblenski et ensuite
par Hofmann ; par Brooks Bkigham en 1898. Nombreuses sont encore les gastrectomies
humaines, mais non étudiées au pomt de vue des échanges.
Enfin il convient de dire que la clinique réalise avec une fréquence extrf'me la sup-
pression du chimisme gastrique. Les apeptiques complets sont extrêmement nombreux,
et cette apepsie pathologique rentre absolument dans le cadre des suppressions du
chimisme gastrique.
Carvallo et Pacho.n signalent chez un de leurs animaux une suppression presque
complète de la faim; mais ce phénomène, à s'en rapporter aux autres observations de
gastrectomies, soit chez l'animal, soit chez l'homme, semble exceptionnel.
Au point de vue de l'état général on ne constate absolument rien de particulier.
Après gastrectomie les sujets se portent très bien, ne diminuent pas de poids et
survivent si longtemps qu'il est bien difficile de dire si la gastrectomie raccourcit
l'existence. Au point de vue du chimisme général, il est impossible de constater aucun
phénomène spécial en ce qui concerne la digestion des graisses et des hydrates de carbone.
C'est uniquement en ce qui concerne les albumines qu'une petite modification est à
noter.
Contrairement à Ogata, Carvallo et Pachon signalent que la digestion des viandes
cuites est parfaite, mais que celle des viandes crues l'est moins : on trouve dans les
selles des fibres conjonctives et quelques fibres musculaires intactes. Roux confirme ces
faits chez les sujets gastrectomisés, mais apeptiques, et Filippi sur des chiens gastrec-
tomisés. C'est là, semble-t-il, une des conséquences de ce fait signalé par Claude Bernard
que le suc pancréatique digère vite la viande cuite et lentement la viande crue. Mais
on voit combien le contrôle expérimental est ici intéressant, car, d'après les expériences
de Claude Bernard, on aurait pu penser que les gastrectomisés ne devaient digérer
qu'à peine la viande crue, tandis qu'en fait cette digestion de la viande crue est sim-
plement un peu diminuée. L'écart des expériences in vitro et m vivo, est-elle expli-
cable par ce fait que le suc pancréatique, vierge de toute manipulation, est plus actif
que le suc employé in vitro, qu'il est aidé dans ses processus d'attaque par d'autres
sécrétions intestinales? Nous l'ignorons.
Enfin, une autre question qui a attiré l'attention dans l'étude des gastrectomisés,
est la putréfaction intestinale. Le suc gastrique est un antiputride : la suppression du
suc gastrique ne permet-elle pas la putréfaction? D'après Hofmann et Deganello, les
sulfo-éthers de l'urine n'augmentent pas après gastrectomie; ils en concluent que la
putréfaction intestinale n'augmente pas.
On peut d'ailleurs, sans trop s'avancer, dire que ce résultat était à prévoir; car, à
son entrée dans le duodénum, le suc gastrique est neutralisé et perd son pouvoir anti-
putride. La clinique humaine d'ailleurs montre que les apeptiques complets n'ont pas
de putréfactions intestinales.
Par contre, et c'est là une question soulevée par Carvallo et Pachon, il semble que
la gastrectomie favorise les putréfactions intestinales après ingestion de viande
pourrie. C'est là un fait qui n'est pas en contradiction avec le fait précédent, mais qui
en est tout différent. On sait que les chiens tolèrent très bien la viande pourrie (Ch. Richet) ;
et, de plus, on a constaté que le suc gastrique stérilise rapidement les viandes pourries.
On peut concevoir, d'après Carvallo et Pachon, que, l'estomac étant supprimé, la viande
pourrie entre directement, sans être stérilisée, dans le duodénum, et surprenne alors
l'intestin par une flore qui n'y pénètre pas normalement.
A un de leurs animaux agastres, Carvallo et Pachon donnent de la viande pourrie :
l'animal suc^'ombe le lendemain; à l'autopsie macroscopique, on ne constate rien de
spécial; mais l'examen histologique des organes, fait par Charrin, montre une septi-
cémie généralisée.
INTESTIN. 469
En somme, au point de vue du chimisme, les ferments intestinaux suppléent large-
ment aux ferments gastriques, sauf en ce ([ui concerne la digestion de la viande crue,
qui est moins intégralement digérée sans estomac; mais, au point de vue de la défense
contre les microbes, l'intestin n'est plus en sûreté après suppression de l'estomac.
b) Suppression de la sécrétion externe du pancréas. — La plus grande confu-
sion régne sur cette (jnestion. Les raisons en sont les suivantes : les auteurs, très sou-
vent, désignent indifîéremment par les mêmes expressions des choses différentes :
suppression de la sécrétion externe du pancréas par déversement à la peau du suc
panoréati(iue, oblitération des canaux pancréatiques avec atrophie de la glande, cachexie
pancréatique par suppression presque totale du pancréas (sans glycosurie); souvent
ils ne distinguent pas entre les effets immédiats et les eflets à longue échéance de
leurs opérations et enlin, il faut bien le dire, leurs conclusions sont parfois en contra-
diction avec les protocoles d'expériences. La question, en réalité, n'est pas simple, par
la raison qu'il est difficile de supprimer l'afflux du suc pancréatique dans l'intestin :
i° sans atrophier la glande, si l'on recourt à l'oblitération des canaux; 2" sans cachectiser
l'animal par perte d'alcalins (Pawlow) et d'autres principes encore utiles au métabolisme
général, si l'on abouche les canaux pancréatiques à la peau.
Pour exposer cette question, il nous a paru oiseux de citer toutes les expériences
réalisées.
Nous ferons choix de quelques expériences avec des protocoles solides qui, seules,
permettent la discussion.
a) Expériences extemporahrs. — Dans ces expériences on se contente d'examiner
dans les quehjues jours, 1 à 7 jours, qui suivent l'opération, les troubles intestinaux et
généraux. L'expérience consiste à lier tous les canaux pancréatiques, ou à les sectionner
entre deux ligatures en chaîne, ou à oblitérer les canaux par des injections diverses;
dans ce dernier cas surtout, si l'on injecte, comme le faisait Claude Bernard, du beurre
ou de l'huile, on détermine rapidement l'atrophie du pancréas, « la glande apparaît
comme un arbre dépouillé de ses feuilles »; l'arbre et les branches sont les canaux :
les feuilles tombées sont les acini disparus.
Ces expériences donnent deux résultats : 1« un trouble de la résorption intestinale
et 2° une cachexie suraiguë temporaire.
Le trouble de la résorption intestinale porte sur tous les aliments, mais il est le plus
manifeste pour les graisses. Claude Beiunard, qui fut l'initiateur de ces recherches sur le
rôle de la sécrétion externe du pancréas, voit que « les matières grasses se retrouvent
dans les excréments telles qu'elles ont été ingérées et qu'elles sont rejetées au dehors
comme des matières réfractaires à la digestion » et déjà il attirait l'attention des patho-
logistes sur cette constatation très simple comme étant de nature à leur permettre de
diagnostiquer l'insuffisance pancréatique. Dans quelle mesure ils ont abusé de ce con-
seil, il est à peine besoin de le dire.
Il y a Jonc, avant tout, trouble de la résorption des graisses : c'est ce qui avait frappé
Claude Bernard. Mais il y a aussi trouble de l'assimilation des hydrates de carbone et
des albuminoïdes : c'est ce que les observations ultérieures ont confirmé; nous revien-
drons sur ce point à propos des autres types d'expériences.
La cachexie suraiguë de l'animal est des plus remarquables. L'animal, quoique
n'assimilant pas, devient azoturique, polyurique (mais non glycosurique, cela va sans
dire) et maigrit considérablement, beaucoup plus qu'un animal soumis au jeûne.
Ces faits n'ont pas été admis sans discussion, et même ils furent niés complète-
ment par les adversaires de Cl. Bernard. La discussion fut close cependant asôez vite,
du jour où Claude Bernard put convaincre ses critiques de n'avoir lié qu'un canal pan-
créatique; les faits précités ne se déroulant qu'après la ligature des deux canaux du
pancréas.
//) Expériences prolonrjées. — \° On oblitère les canaux pancréatiques.
Dès qu'on veut oblitérer les canaux pancréatiques d'une manière permanente, les
difficultés commencent. Tout d'abord une oblitération incorrecte peut permettre la
néoformation des canaux anciens. Cl. Bernard avait bien vu cet écueil de l'expérience,
lorsqu'il disait que lier les canaux ne suffit pas, parce qu'autour de la ligature se fait
une gaine inflammatoire qui rétablira la continuité des deux segments du canal, dès que
470 INTESTIN.
la ligature sera éliminée; on croira alors avoir oblitéré le canal, et, en réalité, la sécré-
tion aura bientôt retrouvé son cours normal sans la moindre gêne; c'est pourquoi
Cl. Bernard recommande de détruire le pancréas et utilise ce procédé si i-emarquable de
l'injection intracanaliculaire de graisse, qui réduit le pancréas à l'état d'un arbre sans
feuille, c'est-à-dire de canaux sans acini. .Mais, lors(iue Cl. Bernard préconisait celle
technique radicale, la sécrétion interne du pancréas était inconnue : il abolissait sans
le savoir deux sécrétions à la fois. La découverte de V. Mering et Minkowski n'autorisait
plus une pareille opération, et il fallut en revenir à l'oblitération pure et simple des
canaux.
Pour qu'elle soit réelle et permanente, on a fait entre deux ligatures la section de
tous les canaux, ou encore on résèque la partie juxta-duodénale du pancréas. On se met
ainsi à peu près à l'abri d'une néoformation intempestive des canaux, mais 'on n'évite
pas tout à fait l'atrophie de la glande et la ruine progressive de Ja sécrétion interne.
Une oblitération permanente des canaux entraine fatalement l'atrophie glandulaire
(Laguesse), mais celle-ci heureusement est lente, et ainsi un certain temps d'observation
sera donné à l'expérimentateur pour étudier les conséquences simples d'un 7ion dérer-
sement du suc pancréatique par ses voies normales dans l'intestin. Des expériences
innombraijles ont été faites selon ce procédé.
Elles ont tout d'abord paru confirmer les expériences extemporanées.
Au bout de 4 ou '6 jours l'animal opéré cfssait, il est vrai, d'être azolurique et repre-
nait du poids, mais ses digestions restaient mauvaises et les troubles d'assimilation des
graisses étaient encore manifestes (Dastre, Abelma.nn, Minkowski, Hédon). On s'efforça
d'étudier ces troubles avec précision, et, tout d'abord, on remarqua que les graisses bien
émulsionnées étaient assez bien résorbées; tandis que les graisses non émulsionnées
l'étaient beaucoup moins bien. Pour ces dernières, Dastre signale un déchet de 28 p. 100
en moyenne.
Pour les hydrates de carbone et les albumines, on signalait des déchets à peu près
équivalents. Enfin on nota une accélération notable de la traversée digeslive, bien expli-
cable par l'augmentation de la masse des résidus alimentaires.
Mais les expériences qui, au début, semblaient si nettes, chose singulière, chan-
geaient d'allure à mesure qu'elles se prolongeaient. Le chien cachectique reprenait du
poids; son assimilation, d'abord mauvaise, redevenait bonne.
C'est à RosENBERO que nous devons les documents les plus précis sur cette partie de
la question. Cet auteur sectionne les canaux pancréatiques entre deux ligatures et laisse
l'animal se remettre. Voici une première expérience. L'opération est faite le 28 mai 1895 .
Poids du chien : 19 kil. 6bO. Graisse ingérée : graisse de porc fondue.
Utilisation des aliments.
jraisse.
Hydrates
de carbone.
Poids du chien.
gr-
93,51 0/0
90,10
85,22
gr.
94,77 0/0
96,75
»
kgr.
»
88
73
85
»
18,330
14,600
Dates. Az.
gr-
14 juin 82,35 0/0
20 — 83
30 — 80,50
17 novembre. ... 67
21 janvier 67
A l'autopsie : pancréas totalement sclérosé.
Autre expérience. Injection d'acide dans les canaux pancréatiques.
Utilisation des aliments.
Hydrates
Az.
Graisse.
de carbone.
Poids du chien
77
95,6
94,9
18,100
86
97
96,1
»
88
97,4
91
»
95
97,4
»
»
INTESTIN. 471
Ablalion du pancréas, sauf un nodule parasplénique.
•iO.l 38,31 63,33 17,200
35,ît7 49, .';6 49,33 »
33,08 38, l() 55,92 13,200
A. g. P., 1898, 371.
La sif^'uification que comportent les expériences de Rosemierg dépend d'une seule
question. L'auteur a-t-il, oui ou non, correctement séparé le duodénum du pancréas?
a-t-il réellement empêché la sécrétion pancréatique de se déverser dans l'intestin?
RosE.NiiERc; l'affirme et il en donne comme raisons : 1" le soin avec lequel il a exécuté
ses opérations, ligature et section des canaux, injection oblitérante des canaux, vérifi-
cation, parfois au cours de l'opération, de la permanence de la séparation du pancréas
d'avec le duodénum, vérification à l'autopsie que le pancréas était sclérosé (ce qui est
la conséquence d'une oblitération canalioulaire).
S'il en est bien ainsi, il s'ensuit que, d'après Rosenuerg :
1° Il n'y a pas de troubles notables de la résorption après qu'on a empêché le suc
pancréatique de se déverser dans l'intestin, ou plus exactement que ces troubles, qui
apparaissent immédiatement après l'opération, disparaissent rapidement.
2° Les troubles de la résorption apparaissent tardivement.
Pour RosENBERG ces expériences montrent que la résorption n'est pas troublée pai'
un obstacle mis à un flux direct de la sécrétion pancréatique, mais par la suppression
de la friande. C'est quand la glande s'atrophie ou lorsqu'on l'extirpe en presque totalité
que la résorption est troublée.
S'ensuit-il que la sécrétion externe est inutile à la digestion? Rosenberg ne le croit
pas; il pense bien plutôt que la sécrétion externe, trouvant un obstacle à son cours
naturel après oblitération des canaux pancréatiques, gagne l'intestin par voie sanguine;
et si, après disparition de la glande, la dyspepsie et la cachexie apparaissent, c'est
qu'alors il n'y a plus de sécrétion externe.
En d'autres termes, ce qui cause la dyspepsie dans les opérations sur le pancréas,
c'est la suppression pure et simple de la glande, et non l'obstacle mis sur les voies natu-
relles d'écoulement du suc.
Il n'est pas sans intérêt de rapporter qu'HÉDON {A. de P., 1892) avait déjà signalé
pour la cachexie pancréatique un fait du même ordre, lorsqu'il montrait qu'une large
ablation du pancréas cause de la cachexie sans glycosurie.
Lesexpériencesde Rosenberg furent confirmées par plusieurs auteurs, notamment par
0. Hess (A. g. P., 1907, cxviii, 1530) et U. Lombroso. Ce dernier auteur qui a consacré à
la question de nombreux travaux, ne dilTère de l'opinion de Rosenberg que sur l'inter-
prétation pathogénique des troubles observés à la suite de l'atrophie ou de la résection
du pancréas. Rosenberg pense que le déficit pancréatique intervient en réduisant
la sécrétion externe. U. Lombroso pense que c'est en réduisant la sécrétion interne. Et
pour justifier son opinion, ^ï\ a institué d'autres expériences dans lesquelles il abou-
chait les canaux pancréatiques à la peau.
3° On abouche les canaux pancréatiques à la peau.
Depuis Pawlow plusieurs auteurs ont pratiqué des fistules pancréatiques perma-
nentes, mais uniquement dans le but d'obtenir du suc de fistule et nullement dans le
but de déverser tout le suc pancréatique au dehors de l'organisme; pour cette raison
ils n'ont pas lié le canal accessoire. Ces opérations permettent donc encore un certain
déversement de suc pancréatique dans l'intestin.
U. Lombroso (1908) a lié le canal accessoire et abouché le canal principal à la peau.
En outre, à cette opération U, Lombroso a cru bon d'ajouter une résection très large
<ie la partie libre et du corps du pancréas.
L'ablation du pancréas pratiquée ainsi montre que dans 2 cas sur 2 il y aune glyco-
surie marquée, quoique transitoire.
Dans ces expériences la dyspepsie reste marquée au cours de toute l'observation et
tes animaux maigrissent. Lorsque l'animal lèche la fistule, la dyspepsie reste identique
à celle qu'on constate lorsqu'il ne se lèche pas.
472 INTESTIN.
U. Ldmbroso conclut contre Rose.nherg que ce n'est donc pas la suppression de la
sécrétion externe qui importe, mais bien celle de la sécrétion interne; car, si la S('cré-
tion externe importait, la dyspepsie devrait s'atténuer lorsque le chien se lèche sa
fistule.
Mais LoMBRoso ne nous dit pas ce que débitent les fistules de ses animaux. Et en
admettant qu'elles débitent, est-il sur que le suc pancréatique qui a passé par l'estomac
a gardé ses propriétés diastasiques?
Cette dernière hypothèse, après ce que nous avons dit de la fragilité du suc pan-
créatique en milieu acide à 38" et en présence de pepsine, nous semble inadmissible,
et par conséquent l'expérience de Lombroso ne nous parait permettre aucune conclu-
sion.
La question on est donc actuellement au point où l'a laissée IIosexberg. Un obstacle
au flux normal de la sécrétion pancréatique ne provoque pas de dyspepsie. Est-ce
grâce à un retour par voie sanguine de cette sécrétion vers l'intestin ou par adaptation
des glandes intestinales ? nous l'ignorons.
Le déficit pancréatique produit la dyspepsie. Est-ce par la réduction de la sécrétion
externe ou par réduction de la sécrétion interne ? nous l'ignorons.
c) Suppression du flux biliaire. — (Voir l'article Bile de ce Dictionnaire.) Nous
rappelons seulement (|ue la suppression du llux biliaire fait tomber la résorption des
graisses à 62 p. 100 (Dastre), c'est-à-dire ù un taux beaucoup plus bas qu'avec la seule
suppression du flux pancréatique. I,e rôle de la bile dans la résorption des graisses est
donc de toute première importance; les graisses éliminées dans les selles contiennent
une très grande proportion d'acides gras (Dastre).
La suppression du flux biliaire a été considérée encore comme préjudiciable à l'asepsie
intestinale. Cette supposition a été déjà combattue dans l'article Bile; depuis le moment
où cet article a été i>ublié, de nouveaux faits sont venus corroborer le mal fondé de cette
supposition. Schmidt notamment a constaté que le poids absolu quotidien des microbes
rejetés dans les fèces n'augmente pas après suppression du llux biliaire.
d) Suppression de la bile et du suc pancréatique. — En plus des troubles
signalés plus haut pour la suppression seule du suc pancréatique, il faut signaler l'aug-
mentation considérable de l'inutilisation des graisses qui peut atteindre de bO à
80 p. fOO.
e) La digestion sans microbes. — Pasteur en 188.j avait émis cette hypothèse
que la vie sans microbes était impossible, parce que les microbes devaient jouer
dans la digestion un rôle auquel ne pouvaient suppléer les ferments animaux.
En 1886 Nencri s'élève contre cette hypothèse, mais au nom de raisons théo-
riques.
La question ne fut abordée au point de vue expérimental qu'en 189o par Nuttal et
Thiekkelder. Ces auteurs installent dans une cage aseptique des cobayes à terme préle-
vés in utero. Ils les nourrissent d'abord au lait, puis avec du cake stérilisé. Les cobayes
ainsi élevés augmentent moins vite de poids que les cobayes témoins. L'ensemence-
ment de leurs fèces montre ipio leur intestin est stérile. Les auteurs signalent que la
cellulose ingérée est intégralement rendue par les fèces et que l'urine ne contient ni
phénol, ni indol, ni krésol, ni pyrocatéchine.
La vie sans microbes est donc possible. Mais est-elle favorisée ou au contraire gênée
par la stérilité intestinale? c'est ce que nous ne savons pas. Les expériences du type de
celles de Nuttal et Thierfelder sont malaisées à poursuivre longtemps, et elles néces-
sitent, pour donner toute sécurité au point de vue de l'asepsie, des conditions qui
limitent le choix des nourritures. Eu voulant donner aux animaux une nourriture
aseptique, ces auteurs ontdii leur donner une nourriture assez particulière dont il est
difficile de dire si elle était bien favorable au développement; mais ils ne pouvaient
faire autrement. Leurs cobayes aseptiques ne digérant pas la cellulose auraient
sans doute très mal utilisé les légumes crus.
L'expérience eût été certainement plus intéressante sur des carnivores, dont il
n'eût pas été nécessaire de changer pour les besoins de l'expérience aussi complète-
ment le type de nourriture. L'expérience n'a pu être réalisée pour des raisons d'ordre
pratique.
INTESTIN. 473
5» Antagonisme des conditions d'action des divers ferments intestinaux.
i°) Les divers ferments intestinaux n'ont pas leur activité optima dans un milieu de
réaction identique.
Les ferments des hydrates de carbone ont leur activité optima en milieu légère-
ment acide: les ferments trypliques etlipasique en milieu légèrement alcalin. La réac-
tion de l'intestin est presque neutre ou est très légèrement acide.
Le retour vers la neutralité du chyme dans l'intestin est assuré par la résorption
intestinale de l'acide, par l'action neutralisante de la bile, et surtout du suc pancréa-
tique, en raison de la forte teneur de ce dernier en carbonates alcalins; le suc
entériciue intervient aussi dans une certaine mesure, mais certainement beaucoup plus
faible.
Avec quelle exactitude cette réaction favorable est elle réalisée dans l'intestin? Cette
question a fait l'objet de multiples controverses, dues à ce que les auteurs employaien
arbitrairement des réactifs dilférents pourjuger de l'alcalinité ou de l'acidité du milieu
intestinal.
En recherchant les réactions des divers segments de l'intestin, le lithmus, le méthyl-
orangeet laphénolphtaléine, on constate en effet les réactions suivantes :
a Tout l'intestin donne une réaction alcaline au méthyl-orange.
6 Dans son premier tiers l'intestin grêle donne une réaction acide et dans le reste de
son étendue une réaction alcaliniî au lithmus.
y Tout l'intestin donne une réaction acide à la phénol phtaléine.
Comme le méthyl-orange ne réagit qu'en présence d'acides minéraux, l'absence de
réaction de l'intestin au méthyl-orange prouve qu'il n'y a pas d'acides minéraux dans
l'intestin.
Comme le lithmus ne réagit que pour des quantités assez fortes d'acides organiques, la
réaction du lithmus dans le premier tiers de l'intestin prouve la présence d'acides orga-
niques en forte quantité dans ce segment de l'intestin.
Comme la phénolphtaléine réagit à des traces d'acides organiques, la réaction acide
de la phénolphtaléine dans tout l'intestin prouve que dans les deux tiers inférieurs de
l'intestin, où la réaction du lithmus est absente, il y a cependant des traces d'acides orga-
niques (MooRE et Rockwood).
Cette réaction intestinale est-elle optima pour l'action de tous les ferments intesti-
naux? La question ne sera résolue d'une façon précise que le jour où l'on étudiera
comparativement par des méthodes précises la réaction optima pour l'action des divers
ferments et la réaction du chyme intestinal. Provisoirement nous ne pouvons nous
permettre qu'une conclusion approximative; à savoir que la réaction du chyme est voi-
sine de ce que nous devons considérer comme la réaction optima pour tous les fer-
ments intestinaux.
b° Certains ferments contenus dans Vintestin se détruisent les uns les autres ou se
détruisent spontanément lorsqu'ils se trouvent dans des conditions de milieu favorisant
leur activité.
i" Action de la pepsine sur la tnjpsine. — On sait que, à une température de 37°, la
pepsine est rapidement détruite en milieu alcalin ou neutre et que de même la trypsine
est détruite en milieu acide. D'autre part Isgovesco a montré que la pepsine dialysée,
donc inactive, mélangée à de la trypsine dialysée, forme un complexe ([ui restera inactif,
soit en milieu acide, soit en milieu neutre ou légèrement alcalin, c'est-à-dire que les acti-
vités tryptique et peptique sont abolies dans la formation du complexe. Doit-on
admettre en raison de ces faits une destruction de la pepsine à la sortie du pylore? Nous
l'ignorons; mais en tous cas, si cette destruction existe, elle n'est que partielle : si elle
était totale en effet, l'individu devrait se comporter comme un animal à fistule gastrique,
qui, ainsi que l'a montré Frouin, devient progressivement apeptique si on laisse perdre
son suc, et qui au contraire reconquiert la sécrétion gastrique si son suc lui est injecté
dans l'intestin.
2" Auto-destruction de la trypsine active et de l'amylase. — Un fait très remarquable,
bien connu pour la trypsine et l'amylase, vrai sans doute, mais mal étudié pour le
i74 INTESTIN.
autres ferments, est la destruction spontanée de ees ferments lorsqu'ils se trouvent
dans des conditions favorables à leur activité. C'est ainsi que le suc pancréatique pur se
conserve assez longtemps à 37° sans perdre beaucoup de son activité. Or le même suc
kinasé et porté à 37'^ perd rapidement son activité. D'autre part, l'amylase du suc pan-
créatique non neutralisé garde son activité à 37" sans faiblir pendant plusieurs heures.
Or cette même amylase disparait vite quand elle est placée dans des conditions d'acti-
vité maxima par neutralisation du suc pancréatique, qui, on le sait, est très alcalin,
perd son activité.
Il y a donc un antagonisme entre les conditions d'activité et la conservation des
ferments intestinaux. Un ferment actif ne se conserve pas.
La contre-partie de cette loi générale est qu'un ferment actif mis en présence de sub-
stances à diijérer se consene et pour bien des ferments cette conservation est même très
durable. Il n'est pas sans intérêt d'ajouter qu'au début de l'étude des ferments cette
perte d'activité, en présence de substances à digérer, avait tellement frappé les auteurs,
que la capacité des ferments pour digérer des quantités inlinies de substances, sans
perdre de leur activiléavait été donnée comme une de leurs caractéristiques dynamiques.
La conservation des ferments intestinaux est donc liée essentiellement à la présence
dans l'intestin de substances à dédoubler. Plus récemment on a encore pu constater
que même les produits ultimes de l'hydrolyse sont, eux aussi, capables d'exercer une
puissante action protectrice vis-à-vis des ferments intestinaux : c'est ainsi que non seu-
lement les albumines et les peptones protègent la trypsine contre son auto-destruction,
mais qu'encore le glycocolle, l'alanine, la leuoine, jouissent de ce pouvoir à un haut
degré (Wohlgemuth).
30 Destruction de l'amylase par la trypsine activée. — La trypsine activée par la kinase
qui s'auto-digère assez rapidement a de plus la propriété de détruire assez rapidement
l'amylase. Du suc pancréatique kinasé porté à 37" perd en une heure presque toute
son activité amylolytique.
On conçoit que, si des facteurs antagonistes de cette action tryptique sur l'amylase
n'intervenaient pas, toute digestion amylolytique serait à peu près impossible, ou du
moins qu'il en résulterait une spoliation d'amylase considérable. Ces antagonistes
existent et sont très nombreux. Ce sont les albumines à tous leurs états de transforma-
tion, depuis les albumines naturelles crues, les peptones, les albumoses jusiju'aux
acides aminés; ce sont d'autre part les acides biliaires.
Grâce à ces substances, une digestion tryptique et une digestion amylolytique sont
possibles simultanément dans le môme milieu : la trypsme produit rapidement l'aulo-
destruction de la trypsine.
Il semble que la trypsine jouisse d'une activité destructive analogue vis-à-vis des
autres ferments intestinaux, notamment de la lipase, et qu'elle n'est empêchée de les
détruire que par un mécanisme analogue au mécanisme précité.
4° Action des microbes sur les ferments. — Tous les ferments qui agissent en milieu
neutre ont des ennemis communs : les microbes. Ceux-ci détruisent rapidement la plu-
part des ferments à 37'\ .\ous ignorons quelles espèces de microbes dt'-truisent le plus
chaque espèce de ferments.
Cette lacune est regrettable ; car il est vraisemblable que bien des dyspepsies ne sont
que la conséquence d'une modification de la flore intestinale qui détruit les ferments, et
qu'il y a pour la digestion intestinale de bons et de mauvais microbes.
Par contre, dans le cas particulier de la digestion des hydrates de carbone, comme
la cellulose, qui ne peut être attaquée uniquement que par jes microbes, les diastases
bactériennes viennent certainement en aide aux diastases saccharifiantes.
6° Coordination de la sécrétion des sucs servant à la digestion intestinale avec le passage
des aliments dans l'intestin.
A. — SUC PANCRÉATIQUE.
C'est une notion déjà anciennement établie qu'il y a une corrélation entre la péné-
tration des aliments et le déversement des sucs digestifs dans l'intestin. Mais l'étude
INTESTIN. 475
précise de cette corrélation n'a pu être menée à bien (ju'au jour où l'on a su réaliser des
fistules permanentes (voir [plus haut la lochnitjue pour obtenir du sur pancréatique),
c'est-cà-dire en 1879-1880.
Les animaux de choix sur lesquels on peut étudier le mécanisme de la sécrétion
pancréatique sont les omnivores et les carnivores chez lesquels la digestion intestinale
est discontinue : chez ces animaux, le chien en particulier, — et le fait a été aussi plu-
sieurs fois vérifié aussi chez des hommes porteurs de fistules pancréatiques, — la sécré-
tion pancréatique s'arrête complètement quelques heures après l'ingestion des aliments,
et ne reprend qu'à la suite d'un nouveau repas; chez les herbivores au contraire où la
digestion intestinale est continue, la sécrétion pancréatique est également continue :
elle persiste, quoique atténuée, chez le lapin au jeûne depuis 48 heures (Hk.nry et
Wolheim). Chez le bœuf Colin a fait une constatation analogue.
La sécrétion étant intermittente chez les animaux qui digèrent vite et continue chez
les animaux dont l'estomac et l'intestin contiennent toujours des aliments : nul doute
•qu'il y ait donc un rapport direct entre la sécrétion pancréatique et la digestion gastro-
intestinale.
C'est à IIeide.n'hain et à Pawlow que nous devons la plupart des observations sur la
<îOi-rélation entre le passage du chyme gastrique dans l'intestin et la sécrétion pancréa-
tique.
En étudiant la sécrétion pancréatique consécutive à un repas de viande chez le
<;hien, Heide.nhain avait constaté que la sécrétion pancréatique commence peu de temps
-après l'ingestion et se poursuit pendants à 7 heures.
Des expériences analogues ensuite réalisées par Pavilow et ses élèves ont confirmé ces
résultats dans ces grandes lignes. Dans ses publications on trouvera les courbes de
sécrétion pancréatique qu'il a construites d'après un grand nombre d'expériences sur
des chiens ayant ingéré des repas de viande, de pain el de lait.
Mais il convient d'ajouter immédiatement que ces expériences n'ont qu'une valeur
relative. Le suc pancréatique étant perdu par la fistule à mesure qu'il est sécrété, la
digestion intestinale est de ce fait profondément modifiée. Il est donc probable que dans
les expériences de Pawlow la quantité de suc pancréatique excrétée est plus grande
que la quantité qui serait sécrétée par un animal intact, et que la durée de la sécrétion
est sans doute aussi très allongée.
Par quel mécanisme l'alimentation provoque-t-ellc la sécrétion pancréatique ?
L'étude de ce problème a passé par trois phases successives. Tout d'abord, depuis son
origine jusqu'aux expériences de Pawlow 1^1894), on s'est surtout occupé du rôle du
système nerveux. De 1894 jusqu'à 1902 l'attention s'est surtout concentrée sur le rôle
des divers excitants intestinaux de la sécrétion pancréatique. Enfin en 1902 Bayliss et
Starling font connaître une substance très importante, d'origine intestinale, qui en
injection intra-veineuse provoque une abondante sécrétion pancréatique, et que pour
<:ette raison ils ont appelé sécrétine.
a) Rôle du système nerveux. — La première période de l'étude du mécanisme de la
sécrétion pancréatique n'a été, selon l'opinion de Heidenhain, fertile qu'en erreurs.
On a constaté que l'excitation des vagues provoquait une légère sécrétion pancréa-
tique : mais cette sécrétion est inconstante; souvent une excitation trop forte arrête
complètement une sécrétion provoquée par une excitation plus faible : l'excitation d'un
vague arrête la sécrétion provoquée par l'excitation d'un autre vague (Mette et Kudre-
WETZRl).
Pavv^low, qui a voulu éclaircir toutes ces contradictions, a montré que, pour réussir
l'expérience de la sécrétion par l'excitation par les vagues, il fallait préparer le chien
d'avance ; sectionner d'abord un vague au cou; et, quatre jours après, quand les fibres
inhibitrices du cœur avaient perdu leur excitabilité, l'excitation du bout périphérique
provoquait régulièrement une légère sécrétion pancréatique.
Les splanchniques contiendraient également, d'après les mêmes auteurs, des fibres
sécrétoires, mais leur action est certainement moins importante que celle des pneu-
mogastriques.
On admet encore que l'excitation des vagues et des splanchniques provoque direc-
tement la sécrétion pancréatique; car, si l'on isole l'estomac du duodénum, v.etie sécré-
476 INTESTIN.
lion ne s'en produit pas inoins; elle ne saurait donc être provoquée par le passage du
suc gastrique dans le duodénum (Pawlow).
Les nerfs du pancréas dont nous venons de constater l'activité sécrétoire possible
jouent-ils réellement un rôle dans la sécrétion pancréatique physiologique ?
L'excitation directe de ces nerfs ne produit qu'une faible sécrétion : mais c'est
que peut-être l'électricité est un mauvais excitant de ces nerfs; on a donc cherché à
mettre en évidence le rôle de ces nerfs en s'adressant à d'autres excitants. Comme
pour les glandes salivaiies de l'estomac, Pawlow a cherché si la vue seule de l'aliment
pouvait exciter la sécrétion pancréatique. Les résultats ont été presque négatifs. La
sécrétion psychique, si elle existe, est faible, et l'excitant normal de la sécrétion pan-
créatique, même à son début, est certainement tout autre qu'une excitation d'origine
nerveuse.
b) Rôle des excitants du duodénum. Sécrétinc. — En comparant avec Beckkr le rôle
sécréteur comparé des sels acalins et de l'eau chargée d'acide carbonique, Pawlow avait
été frappé de ce fait qu'alors que les sels alcalins et les sels neutres ne provoquent
qu'une sécrétion faible ou presque nulle, l'acide carbonique provoquait au contraire
une sécrétion intense du pancréas. Ce fut lo fait qui l'engagea à étudier l'action d'un
acide qui arrive normalement au contact du duodénum au cours de la digestion; à
savoir l'acide chlorhydrique.
Dès lors la physiologie de la sécrétion pancréatique entra dans une voie nouvelle.
Avec ses élèves Doly.xski et Popielski, Pawlow constate les faits suivants :
L'ingestion d'acide chlorhydrique détermine une sécrétion pancréatique intense et
régulière chez tous les animaux en expériences.
Un chien, auquel on l'ail ingérer 2")0 centimètres cubes d'une solution d'HCl égale en
acidité à celle du suc gastrique, sécrète les quantités de suc suivantes notées toutes
les cinq minutes.
6 0,'t
9,5 3,4
9,5 5,4
9,5 2,4
8,5 U,6
7 1,0
8 0.2
7,5 0,8
7,5 0,4
7 0,0
2 0,2
0,5 0
i" heure 82, .5 cmc. ù' heure 14,8 cnic.
La sécrétion pancréatique peut être provoquée par le contact direct de l'acide au
niveau du duodénum, et elle n'est pas provoquée au contraire par le contact de l'acide
avec le gros intestin. Il y a, dans une certaine mesure, proporlionnalité entre la quantité
d'acide ingérée et la quantité de suc pancréatique sécrétée. Une sécrétion pancréatique
provoquée par la présence d'acide au niveau du duodénum est arrêtée en cinq minutes
par la neutralisation de l'acide. Tous les faits observés avec l'acide chlorhydrique
peuvent être observés également avec les acides phosphorique, citrique, lactique et
acétique.
Du moment que le chyme gastrique, déversé dans le duodénum, est constamment
acide et que le contact du duodénum avec un acide provoque rapidement et régu-
lièrement une sécrétion pancréatique presque proportionnelle à la quantité d'acide
en contact avec l'intestin, il devenait évident que le contact du duodénum avec l'acide
de l'estomac constituait une cause physiologique importante de la sécrétion du pancréas;
c'est ce que Pawlow exprime en disant que l'acide est l'excitant spécifique du pan-
créas.
Une première cause delà sécrétion du pancréas était ainsi mise hors de discussion,
et, comme le dit Pawlow, un trait d'union intéressant se trouvait établi entre la sécrétion
INTESTIN. 477
gastrique et la sécrétion pancréatique : c'était l'acide résidu d'une digestion gastrique
finissante, instigateur d'une digestion pancréatique commençante.
Mais il était de toute évidence que ce trait d'union ne pouvait être le seul qui reliât
les deux digestions : l'expérience avait prouvé depuis longtemps (|ue des hommes et
des animaux agastres digéraient « parfaitement »; chez eux le pancréas devait nécessai-
rement fonctionner, et nécessairement aussi sans l'excitant de l'acide gastrique. Quelles
étaient donc dans l'alimentation les autres substances susceptibles de provoquer la
sécrétion pancréatique? La découverte fondamentale du rôle de l'acide orientait immé-
diatement les recherches dans une voie déterminée. Sous peine d'attribuer aux aliments
un rôle qu'ils n'avaient en réalité nullement, il fallait d'une part que ces aliments ne
fussent pas acides par eux-mêmes, ni qu'au cours de l'expérience du suc gastrique acide
ne fût porté au contact du duodénum.
En se conformant à ces conditions expérimentales, Pawlow a constaté, parmi les ali-
ments proprement dits, qu'aucune substance, si ce n'est la graisse, n'avait le pouvoir de
provoquer la sécrétion pancréatique.
La graisse agissait-elle en tant que graisse neutre ou bien par un peu d'acide gras
saponilié au contact des sucs intestinaux? D'après Pawlow, au cours d'une sécrétion
pancréatique provoquée par la graisse, le contenu duodénal reste parfaitement neutre.
La graisse agit donc autrement que l'acide, selon cet auteur.
Parmi les autres substances susceptibles de déterminer encore, mais à un moindre
degré, la sécrétion pancréatique, il faut citer l'élher, le chloral, l'alcool et l'essence de
moutarde.
Cette notion du rôle des excitants duodénaux sur la sécrétion pancréatique ouvrait
un champ nouveau pour l'étude du mécanisme de la sécrétion pancréatique.
Pawlow avait admis presque sans discussion que le rôle de l'acide était de provo-
quer un réllexe à point de départ duodénal et à aboutissement pancréatique. Si la théorie
était exacte, on devait aisément trouver les voies de ce réflexe viscéro-viscéral.
Contrairement à toute attente, les expériences faites pour retrouver les voies de
ce réflexe furent toutes infructueuses. Wertheimer et Lepage et Popielski consta-
tèrent que ni la section des pneumogastriques et des sympathiques, ni la destruction
de la moelle, des ganglions et des plexus cœliaque et mésentériques n'empêchait
l'acide chlorhydrique introduit dans une anse intestinale de déterminer une abon-
dante sécrétion pancréatique; pour que de telles destructions nerveuses restassent
sans effet, il fallait donc que le réflexe se propageât par des voies extrêmement
complexes.
Il devenait dès lors difficile d'admettre que l'acide provoquât la sécrétion pancréa-
tique par un réflexe, ou bien, si ce réflexe existait, il se doublait nécessairement d'une
action humorale.
Bayliss et Starling eurent alors l'idée de rechercher quel serait l'effet sur la sécré-
tion pancréatique d'un extrait de muqueuse intestinale macérée dans de l'acide. Us
constatèrent que l'injection veineuse de l'extrait intestinal obtenu dans ces conditions
jouissait, contrairement à un extrait intestinal ordinaire, de la propriété remarquable
de provoquer une sécrétion pancréatique intense. Comme, d'autre part, il était établi
que l'injection directe d'acide est inefficace, il devenait évident qu'il y avait dans
l'inteslin une substance qui, transfoimée ou simplement entraînée par l'acide dans les
macérations, jouissait de ce pouvoir sécréteur; c'est cette substance que Bayliss et Star-
ling appelèrent sécrétine.
Dès lors le rôle de l'acide devenait le suivant pour Bayliss et Starling, Sur l'animal
vivant l'acide, au contact du duodénum, met en liberté la sécrétine qui passe à
mesure de sa production dans le torrent circulatoire et provoque la sécrétion pancréa-
tique, comme le fait une injection intraveineuse de sécrétine. Mais on conçoit que
cette hypothèse ne pouvait devenir une certitude que du jour où l'on aurait mis en
évidence l'apparition, dans le sang circulant, d'une substance excito-sécrétoire à la
suite du contact d'une anse intestinale avec l'acide. Trois auteurs ne tardèrent pas à
apporter cette démonstration : Wertheimer, recueillant le sang veineux qui vient d'une
anse intestinale contenant de l'acide et injectant ce sang à un autre chien, provoque la
sécrétion du pancréas. Enriquez et IIallion, en transfusant de carotide à jugulaire le sang
478 INTESTIN.
d'un chien A ayant reçu dans son intestin de l'acide chlorliydrique, provoquent chez
un chien B une belle sécrétion pancréatique.
La théorie de Bayliss et Sïarling se trouvait ainsi complètement vérifiée : norma-
lement l'acide provoque la sécrétion pancréatique par un processus humoral.
Fallait-il abandonner complètement l'idée de toute intervention réflexe? Wertheimer
ne le pense pas. Isolant une anse intestinale dont la sécrétion lymphatique et le sang
veineux sont déversés en dehors de la circulation de l'animal, cet auteur constate que
le contact d'HCl avec cette anse intestinale provoque encore la sécrétion pancréatique.
Dans ces conditions l'action excitante n'a pu arriver au pancréas que par l'inlernié-
diaire du système nerveux : il ne peut s'agir, d'après l'auteur, que d'une action réflexe.
Fleig a confirmé ces résultats.
Nature de la sécrétine. — Nous devons encore à Bayliss et Starling la plupart des
renseignements que nous possédons sur la sécrétine.
Pour préparer la sécrétine, ces auteurs conseillent la technique suivante. Le
premier cinquième de la muqueuse intestinale, haché grossièrement, est mis à macérer
dans trois fois son volume d'une solution d'HCl ■— . Au bout de 24 heures environ la
lU
masse est portée à l'ébuUition pendant 2 à 3 minutes, filtrée, neutralisée exactement,
et refiltrée. On a ainsi un liquide opalescent très actif et susceptible d'être injecté
directement; mais la sécrétine est instable et ne peut être conservée plus d'une
journée.
La sécrétine ainsi obtenue est extrêmement active. Sur un chien légèrement morphi-
nisé ou chloroformisé, l'injection de sécrétine est suivie d'une sécrétion pancréatique
au bout d'environ six à dix secondes. La sécrétion a une dure'e qui est dans une cei-
taine mesure proportionnelle à la quantité de sécrétine injectée, elle dure environ dix
minutes pour une injection de 10 centimètres cubes. Chaque nouvelle injection de
sécrétine provoque une nouvelle sécrétion d'à peu près même valeur. On peut ainsi en
l'espace de cinq à six heures recueillir aisément 200 à 300 centimètres cubes do suc pan-
créatique. Au lieu d'injections intermittentes on peut aussi procéder par injection
continue, la sécrétion reste dans ce cas continue. Mais la sécrétion totale semble un
peu moins abondante que pour des injections discontinues.
La sécrétine « n'est pas un ferment, puisqu'elle supporte sans se détruire la tempéra-
ture de l'ébuUition ». Ce n'est ni un sel ni un mélange de sels ; car la sécrétine dialyse peu
ou pas; ou, si c'est un sel, c'est un sel adsorbé par une substance non dialysable. C'est
une substance soluble dans l'alcool, et cette solubilité permet de faire les hypothèses
suivantes : la sécrétine est, ou bien un lipoïde, ou une albumine soluble dans l'alcool
par adsortion d'un lipoïde ou un lipoïde soluble dans l'alcool malgré une adsorption
d'albumine; mais en tout cas sa solubilité dans l'alcool est probablement liée à la pré-
sence d'un lipoïde. A cet égard il est très remarquable que toutes les substances autres
que les acides, et susceptibles d'extraire la sécrétine du duodénum, sont des solvants
des lipoïdes : l'alcool, l'éther, le chloral, les savons. L'action des graisses sur la sécré-
tion pancréatique, qui au premier abord semblait si différente de celle de l'acide, pour-
rait donc se ramener au même mécanisme. Les graisses partiellement saponifiées par
la bile agiraient par leurs savons (Fleig).
Les deux principaux travaux sur la composition de la sécrétine sont ceux de Des-
GREz et d'OïTo \os FuRTH. Ces deux auteurs arrivent à cette même conclusion que la
choline doit être une des parties actives de la sécrétine.
Desgrez, en se fondant sur le fait que la pilocarpine et la choline renferment un
groupement commun de triméthylamine Az (CH')^ s'est demandé si la choline ne pro-
voquerait pas la sécrétion pancréatique comme la pilocarpine. Sur des chiens chlora-
lisés Desgrez constate que la choline provoque les sécrétions du pancréas, de la salive,
et augmente celle du i^ein.
Otto von Furth, dans une série d'expériences faites sur le lapin et le chien, constate,
comme Desgrez, que la choline jouit de la propriété de faire sécréter activement le pan-
créas. Voici une expérience sur un chien de 7 kilogrammes. L'auteur y étudie compa-
rativement l'action de la choline et de la sécrétine, et l'influence de l'atropine sur ces
deux substances excito-sécrétoires.
INTESTIN. 47^
Temp'i.
Injeciioii .
.Sécrétion pancréatique
ll\2i
2 cmc. choline (Merck).
0,1 p. 100 = 0,002 gi'.
11\25-H\3d
44
gouttes
11\35
1 cinc. choline.
0,1 p. 100 = 0,001 gr.
11\.S6-11'",43
25
—
11\43
1/2 cmc. choline 0,1 p. 100=0,000.ï gr.
H\43-ll'',52
»
H
—
11\52
3 cmc. sécrétine.
ll\52-12h,2
»
31
—
12'', 2
5 cmc.
12'*, 2-12'', 12
»
65
—
12''',12
Atropine 0,01
12\12-12'',22
.)
15
■ —
12\22
Choline 2 mec. 0,1 p. 100 = 0,002 gi-.
i2\22-12",2o
»
0
—
12\2o
0 cmc. séci-étine.
12''.25-12\36
»
33
—
Dans cette expérience on voit que la choline jouit de la propriété de faire sécréter
très activement le pancréas.
La choline est-elle, la substance active de la sécrétine? Il existe de la choline dans la
sécrétine et 0. voi\ Furth estime la quantité de choline contenue dans un litre de sécré-
tine comme supérieure à 0,1 décigramme. Étant donné que 1 milligramme de choline
provoque déjà une sécrétion notable (25 gouttes) de suc pancréatique, il s'ensuit que
la choline peut jouer un rôle important dans l'action de la sécrétine.
Mais d'autre part il est impossible de réduire la sécrétine à une simple émulsion de
choline : ratropine, qui n'empêche pas l'action de la sécrétine, arrête complètement l'action
de la choline.
La sécrétine contient donc de la choline, substance nettement excito-sécréloire, mais
contient nécessairement encore d'autres substances actives.
D'après Bayliss et Starling l'intestin ne contient pas de la sécrétine en nature, mais
nne prosécrétine transformée en sécrétine par l'acide.
Cette opinion a été contestée. Delezenne et Pozhjrski ont montré que des solutions
concentrées de sels neutres extrayaient la sécrétine comme l'acide. Pour ces auteurs
la sécrétine existerait en nature dans l'intestin : mais elle serait facilement destructible
par des ferments de la muqueuse intestinale, l'acide n'aurait d'autre rôle que d'inhiber
l'action des ferments, comme le font également les solutions concentrées de sels neutres.
Distribution de la sécrétine. — La sécrétine existe dans le quart supérieur de l'intestin
grêle de tous les vertébrés chez lesquels on l'a recherchée, singe, chat, chien, lapin, ou
tortue, saumon, chien de mer, etc., animaux nouveau-nés (chat et homme). La sécrétine
préparée avec l'intestin d'un animal d'une espèce provoque la sécrétion chez des ani-
maux d'autres espèces (Bayliss et Starling).
Mode d'action de la sécrétine sur le pancréas. — La sécrétine agit-elle directement
sur les cellules pancréatiques ou par l'intermédiaire du système nerveux pancréatique ?
Nous l'ignorons; on sait seulement que l'atropine n'empêche pas l'action de la sécrétine.
Comparaison entre le pouvoir sécréteur de la sécrétine et des autres substances sicscep-
tibles d'agir sur le pancréas. — On a recherché l'action d'un grand nombre de sub-
stances sur la sécrétion du pancréas. L'action des sels, des peptones, des extraits
d'organes préparés dans les. mêmes conditions que la sécrétine de la pilocarpine, etc.
Beaucoup de ces substances, et notamment les peptones, les extraits d'organes et la
pilocarpine provoquent une sécrétion pancréatique; mais, fait capital, cette sécrétion
est toujours extrêmement faible comparée à la sécrétion due à la sécrétine et le plus
souvent les injections successives perdent rapidement leur efficacité.
Il est à peine besoin de faire remarquer que la pénétration dans le sang vivant de
ces substances ne saurait représenter un processus normal physiologique, et qu'il y
a donc bien lieu de considérer avec Bayliss et Starling la sécrétine comme l'agent spé-
cifique de la sécrétion pancréatique.
Effets divers de l'injection de sécrétine. — a) Système nerveux. — Sur un animal même
480
INTESTIN.
légèrement endormi au chloroforme, toute injection de sécréline provoque presque ins-
tantanément des mouvements respiratoires exagt'rés, une agitation générale marquée,
et quelques snn ds crocnements. La sé<rétine apparaît donc comme un irritant général
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du système nerveux, et peut-être son premier effet est-il douloureux (Dastre, Fal-
loise}. Ces effets sur le système nerveux sont-ils inhérents à l'action de la sécrétine
elle-même ou d'une impureté entraînée dans la préparation?
Ils sont certainement dus aux impuretés; car HCl appliqué sur l'intestin ne pro-
voque pas de dyspnée (Falloise).
INTESTIN. 481
6) Pression sanguine. — Toute injection tle sécrétine amène une chute momentanée
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et très accentuée de la pression sanguine. Mais par purification de la sécrétine on
obtient une substance sans effet sur la pression sanguine. D'ailleurs, la sécrétion pan-
DICT. DE PHYSIOLOGIE. — T. IX.
31
482 INTESTIN.
créalique pi'ovoquée par simple contact d'HGl avec l'intestin n'amène pas la chute de
la tension artérielle.
c) Écoulement de la lymphe. — « L'injection de sécrétine provoque un accrois-
sement considérable du débit de la lymphe du canal thoracique. Cette lymphe provient
exclusivement du foie. Celte action, comme celle qu'on constate sur la respiration et la
pression artérielle, n'est pas due à la séci'étine, mais à des impuretés, car : 1» la sécré-
tine purifiée n'est pas lympbagogue ; 2° l'application d'IICl sur l'intestin, tout en provo-
quant la sécre'tion pancréatique, reste sans effet sur le débit lymphatique (T.vlloise). »
c') Action sur les leucocytes. — L'injection de sécrétine provoque une leuco-
cytose considérable à type éosinophilique dans l'intestin grêle et surtout le duodénum.
Cette leucocytose est fugace (Simon). L'injection répétée de sécrétine provoque une
leucocytose durable à type éosinophilique du duodénum (Simon) et une réaction myéloïde
éosinophile interne de la rate (Simon, Aubeiîtin et Ambard). Ces réactions sont-elles dues
à la sécrétine ou à ses impuretés? Nous l'ignorons, car des expériences comparatives
d'application d'HCl sur le duodénum n'ont pas été faites.
d) Sécrétion intestinale. — L'injection de sécrétine est accompagnée d'une sécrétion
intestinale intense (Deleze.nne et Frouin). Le suc contient des ferments intestinaux et
de la kinase. Cette sécrétion s'accompagne d'une vaso-dilatation intense, si bien qu'à
l'autopsie d'un animal tué immédiatement après une abondante injection de sécré-
tine, la muqueuse est rouge et tuméfiée. La vaso-dilatation peut aller jusqu'à l'hémor-
rhagie. Les chiens s'immunisent en quelques jours contre cet effet de la sécrétine.
(Simon, Air.ERTiN et Ambard .
e) Sécrétion biliaire. — Victor Henri, Portier, Falloise et Hallion ont vu que l'injec-
tion de sécrétine provoquait une sécrétion marquée de la bile.
f) Mouvement de l'intestin. — Bien des substances provoquent des mouvements de
l'intestin; linjection iiitra-veineuse de certains sels à hautes doses comme les sulfates
alcalins, les sels de baryum, l'injection d'albumine et de peptone, etc. Mais l'effet de la
sécrétine est à cet égard tout à fait remarquable. Comme l'ont signalé Enuiquez et
Hallio.n, à la dose de 1 cent, cube l'injection de sécrétine détermine des mouvements
intestinaux rapides, généralisés et susceptibles de durer une demi-heure et plus.
(/) Métabolisme des albumines. (Chapitre qui sera développé ultérieurement.)
Si nous résumons maintenant nos connaissances sur la sécrétine, nous nous trouvons
en présence dos faits suivants :
Dans la portion initiale de l'intestin, la premirre qui sera en contact avec le chyme
gastrique, se trouve une substance éminemment capable -de provoquer, lors de sa résorp-
tion, la sécrétion pancréatique, la sécrétion biliaire, la sécrétion intestinale, la leucocytose
intestinale. Cette substance polyvalente, dite sécrétine, est mise en liberté dans le torrent
circulatoire par le contact de la première portion de l'intestin avec des acides et des graisses,
et accessoirement encore avec beaucoup de substances contenues dans l'alimenlalion.
La sécrétine est doncle véritable trait d'union entre la digestion gastrique et la digestion
intestinale. En désignant avec Starling du terme d'hormone (dont nous étendrons un peu le
sens) cette catégorie de substances capables d'effets multiples harmonisés en vue de la
réalisation d'un phénomène complexe, il est hors de doute que la sécrétine est véritable-
ment une hormone digestive, et la plus remarquable que nous connaissions présentement.
B. — SUC INTESTINAL.
Pour étudier les conditions de la sécréLitie intestinale, on isole une ou plusieurs
anses intestinales qu'on attache à la peau, soit par l'une soit par leurs deux extrémités.
La continuité du reste de l'intestin étant rétablie par des sutures, on a ainsi un animal
susceptible d'être conservé longtemps dans de bonnes conditions. (Voir plus haut, tech-
nique des fistules intestinales.)
De même que pour le suc pancréatique, on a constaté que, chez les herbivores, la
sécrétion entérique est continue, et, au contraire, intermittente chez les autres animaux.
Le siège de la fistule est important au point de vue de la quantité du suc recueilli.
FaoDiN a montré chez le chien et chez la vache, que la sécrétion, qui est maxima au
niveau du duodénum, va en décroissant jusqu'à la terminaison de l'iléon où elle est
extrêmement faible.
INTESTIN. 483
On sait depuis les observations de Moreau que la section des nerfs d'une anse intes-
tinale amène rapidement dans cette anse un afUux considérable de liquide que l'on a
comparé à la sécrétion paralytique de la sous-maxillaire. Au bout de 24 beures, cette
sécrétion diminue considérablement. Budge et Lamansky obtinrent des résultats ana-
logues par la destruction des ganglions cteliaqueset des plexus mésenlériquos.Par contre,
toute excitation nerveuse est impuissante à provoquer une sécrétion appréciable.
Il semble cependant que le système nerveux joue cerlainom(!nt un rôle actif dans la
sécrétion intestinale. Une excitation locale, même mécanique, de la muqueuse de l'intes-
tin provoque une sécrétion très nette ; mais, comme le fait remarquer Fnoui.\, l'effet reste
tout à fait localisé à l'anse excitée, les anses voisines restent pendant ce temps inactives.
Si le rôle du système nerveux dans la sécrétion intestinale est obscur, le rôle des
agents bumoraux est par contre très nettement connu, et on peut le résumer en ces
termes : la sécrétion intestinale répond à tous les agents qui sont efficaces vis-à-vis de
la sécrétion pancréatique et à d'autres agents encore qui restent sans effet sur la sécré-
tion pancréatique.
La sécrétion entérique est, en effet, provoquée comme la sécrétion pancréatique par
l'introduction dans une anse intestinale d'acides, de savons, de cbloral ou d'eau élhé-
rée; elle est aussi provoquée directement par l'injection de sécrétine. Il y a lieu de
croire qu'il s'agit dans tous ces cas d'un processus humoral, car, dans le cas des acides,
les anses qui ne sont pas en contact avec l'acide sécrètent (alors que ces mêmes anses
restent inactives lorsqu'on excite mécaniquement une anse isolée). (Frouin.)
Ce processus est-il le seul susceptible de provoquer la sécrétion intestinale? L'in-
troduction dans une anse intestinale d'amidon, de sucre, de peplone et de divers sels
en solution concentrée provoque également une sécrétion souvent considérable de cette
anse; mais jusqu'à quel point peut-on assimiler ces différents agents sécrétoires, il est
difficile de le dire.
Dans le même ordre d'idées, nous connaissons certains sels comme le sulfate de
soude, le chlorure de baryum, sels qui sont purgatifs de quelque façon qu'ils soient
introduits dans l'organisrhe (ingestion ou injection), mais à la condition que la quantité
introduite soit suffisante, et qui ont au plus haut degré la propriété de déterminer une
abondante sécrétion intestinale sans provoquer de sécrétion pancréatique appréciable.
Ces sels provoquent-ils une transsudation banale ou une sécrétion avec des ferments?
Du liquide peut donc apparaître dans l'intestin sous l'influence d'excitants multiples.
Il est prouvé que la sécrétion entérique, provoquée par les mêmes excitants que ceux
qui provoquent la sécrétion pancréatique, est une véritable sécrétion avec ferments. Il
est douteux que les autres excitants inefficaces vis-à-vis de la sécrétion pancréatique,
mais efficaces à faire apparaître du liquide dans l'intestin, provoquent, eux aussi, une
véritable sécrétion fermentaire.
C. — BILE.
La sécrétion de la bile a été étudiée à l'article Bile. Pour le détail de cette sécré-
tion, nous renvoyons le lecteur à cet article. Pour les faits généraux, nous rappelle-
rons seulement pour mémoire que : comme les sécrétions pancréatique et intestinale,
la sécrétion biliaire est continue chez les herbivores et intermittente chez les autres
animaux, et que le rôle du système nerveux, obscur pour les deux premières sécrétions,
est tout à fait inconnu pour cette dernière.
Les causes directes de la sécrétion les plus certaines sont le contact de graisses et
d'albumines au niveau du duodénum.
Le rôle de l'acide serait nul pour Pawlow et Starli.ng, efficace au contraire pour
P'alloise et Frouin. De même Bayliss et Starling nient l'action de la sécrétine sur la
sécrétion biliaire que signalent au contraire Henri et Portier, Enrkjukz et Hallion {loco
citato). Ces résultats si contradictoires seraient-ils explicables par ce fait qu'on n'a pas
toujours distingué la sécrétion hépatique et l'expulsion de la bile préformée dans la
vésicule? L'innervation qui préside à l'expulsion île la bile vésiculaire et à la sécrétion
de la bile hépatique est, on le sait, distincte, et il est possible que les causes qui provo-
quent Tune soient inefficaces sur l'autre. ...■••
48i
INTESTIN.
Nous pouvons maintenant résumer le mécanisme général de la sécrétion des glandes
annexes de l'intestin et des glandes intestinales.
La sécrétine, comme on le voit, est une substance excilo-sécrétoire d'une importance
primordiale, et son intervention donne à la digestion intestinale un tour tout particulier.
La digestion générale qui débute par la salivation, commence par un acte purement
réflexe : c'est la vue ou le contact des aliments avec la muqueuse linguale qui provoque
la sécrétion salivaire. La digestion gastrique, elle, n'est plus qu'Amorcée par un réflexe,
la vue des aliments provoque une sécrétion gastrique en général peu abondante, mais
la petite quantité de suc psychique déversée dans l'estomac suffit à commencer la diges-
tion gastrique dont les produits en pénétrant dans le torrent circulatoire vont à leur
tour provoquer, par un mécanisme humoral, une sécrétion secondaire de l'estomac.
La digestion intestinale s'effectue entièrement par un processus humoral; le chyme
acide de l'estomac, parvenu au contact du duodénum, libère la sécrétine, et aussitôt se
déroulent des phénomènes multiples, d'une coordination admirable. Plus il arrive de
chyme gastrique dans l'intestin et plus il se forme de sécrétine, laquelle 'par voie
humorale fait sécréter le pancréas, le foie et l'intestin; elle provoque des mouvements
intestinaux intenses dans le duodénum et dans le reste de l'intestin, et enfin dans
tout l'organisme elle détermine encore une désintégration générale des albuminoïdes
cellulaires qui, ainsi que nous le verrons, précède chronologiquement l'intégration
des substances azotées qui vont pénétrer dans l'intestin : le catabolisme précédant
l'anabolisme.
La sécrétine provoque et harmonise donc une série de fonctions diverses de la
digestion. Plus on l'étudié, plus on constate la généralité de son action, et l'on se
demande même quel est le phénomène en rapport avec la digestion intestinale qui ne
lui soit pas subordonné.
La connaissance de l'action de cette substance remarquable explique donc non
seulement les processus isolés restés jusqu'à ces derniers temps si mystérieux, mais
aussi leur coopération harmonieuse. La découverte de la sécrétine passe donc à bon
droit pour l'une des plus importantes de la physiologie contemporaine.
7» Adaptation de la quantité des divers ferments à ralimentation.
Le fait très remarquable de l'adaptation des sécrétions salivaire et gastrique à
la qualité des aliments a porté P.wvi.ow à rechercher si une. pareille adaptation n'exis-
terait pas pour les glandes intestinales. Comme pour les premières glandes, il s'est
efforcé de dégager cette adaptation au cours d'expériences extemporanées et au cours
d'expériences comportant une alimentation spéciale prolongée pendant plusieurs mois.
Il va sans dire que les phénomènes d'adaptation n'ont pu être étudiés que pour la sécré-
tion pancréatique. L'étude de la sécrétion biliaire est entravée par de trop grandes diffi-
cultés pour se prêter à de pareilles expériences et l'étude du suc entérique est trop peu
avancée pour qu'il soit permis d'entreprendre des recherches si délicates.
a) Adaptation immédiate. — L'expérience, telle que l'a réalisée Pawlow, consiste à
établir chez le chien une fistule pancréatique permanente et à lui donner des repas
d'épreuve divers. Les résultats de ces expériences sont les suivantes.
FERMENT
FERMENT
FERMENT
DE l'albumine.
DE L"aMIDON.
DES GRAISSES.
Quantité
"■"
^— ^
■*-
"— "^
ALIMENTS.
du suc.
t 3
8 =
c
o
o
c
-a
O
S 3
O
■- c
c -
o
i s
a "
o s
V -a
3
cmc.
600 cmc. lait.. . .
48
22,6
1085
9,0
432
90,3
4 344
250 gr. pain. . , .
451
13,1
1918
10.6
1601
3,3
800
100 gr. viande. . .
144
10,6
1302
4,0
684
23.0
3 600
INTESTIN. 485
De ces expériences Pawlow conclut à une v('rital>le adaptation exlemporanée de la
sécrétion à la qualité de l'aliment; le lait, qui contient comme substance intéressant la
digestion pancréatique plus de graisse que les autres aliments, provoque l'émission du
maximum de lipase; le pain, qui contient le plus d'amidon, provoque la sécrétion du
maximum d'amylase; la viande, qui contient le plus d'alltumine, devrait dans cet ordre
d'idées faire sécréter le plus de trypsirie; si elle se montre à cetégard inférieure au pain,
cela tient, d'après Pawlow, à des phénomènes de digestion gastriques.
Mais l'adaptation que Pawlow proclame au nom de ces expériences ne serait-elle
pas le fait d'une simple coïncidence? C'est ce que les auteurs qui se sont occupés ulté-
rieurement xle l'adaptation des ferments intestinaux se sont demandé.
Pawlow lui-même n'a-t-il pas démontré que l'acide est l'excitant par e.xcellence du
pancréas? I.a quantité d'acide sécrété par l'estomac va donc à elle seule créer une per-
turbation considérable dans l'adaptation; car on sait que la quantité de suc pancréatique
émis sous l'intluence de l'acide est proportionnelle à la quantité d'acide qui passe par
le duodénum. Si l'aliment intervient dans l'adaptation, ce ne peut donc être que pour
remanier l'activité fondamentale du pancréas suscitée par l'acide.
D'autre part, et c'est là l'objection principale faite aux expériences de Pawlow, la
sécrétion pancréatique d'un chien qui perd sou suc par une fistule n'est pas nécessai-
rement la même que celle d'un chien normal qui déverse son suc dans son intestin.
Pour faire une digestion pancréatique, il faut avant tout du suc pancréatique, et
parler de l'adaptation d'une sécrétion pancréatique pour une alimenlalion qui n'entre
même pas en contact avec le suc pancréatique, c'est exactement comme si l'on parlai^
d'une adaptation de la sécrétion gastrique à une alimentation qui, entrée par la bouche,
irait se perdre par une fistule œsophagienne sans entrer dans l'estomac.
Pour que les expériences de Pawlow fussent valables, il eût fallu que le suc pan-
créatique fût réinjecté dans l'intestin à mesure qu'il était sécrété. Actuellement toute la
conclusion que nous pouvons tirer des expériences de Pawlow est que des aliments
divers, qui sont digérés sans le secours du pancréas, comportent des sécrétions pan-
créatiques qualitatives et quantitatives différentes, mais sans que ce fait ait de rapports
avec une adaptation quelconque.
Adaptation à longue échéance. — Pawlow a fait pour l'adaptation à longue
échéance des expériences analogues à celles qu'il avait faites pour étudier l'adaptation
extemporanée. Chez des chiens nourris au lait et au pain, il constate que le ferment
trypsique diminue et que le ferment amylolytique augmente, etc.
L'objection de principe faite aux expériences précédentes est malheureusement
toujours valable. Puisque la digestion pancréatique est supprimée chez ces animaux.
Une devrait plus être question d'adaptation de la digestion pancréatique.
Une autre objection d'ordre technique et touchant le dosage des ferments a été
faite à Pawlow par Delezenne et Frouln.
Pawlow dose les ferments pancréatiques recueillis au moyen d'un entonnoir sans
éviter leur contact avec la muqueuse intestinale qui entoure l'orifice du canal pan-
créatique, il dose donc un ferment activé au point de vue trypsique. Cette activation est-
elle maxima ou au moins est-elle régulière?
Les expériences de Pawlow étaient donc à reprendre en opérant sur des animaux
dont le suc était recueilli par une canule de manière à obtenir du suc inaclif au point
de vue tryptique et en activant ensuite ce suc au maximum pour doser la trypsine.
Frouin, en se plaçant dans ces conditions, constate que la concentration en trypsine
du suc pancréatique de chiens soumis, l'un pendant 2 mois au régime de la viande, et
l'autre pendant 1 mois au régime de pain, est sensiblement égale. Mais il fait remarquer
que le suc de viande exige pour être activé au maximum beaucoup moins de kinase
que ne l'exige le suc de pain. Ce fait expliquerait peut-être tous les faits d'adaptation
de Pawlow,
D'autre part on connaît l'action destructrice de la trypsine activée vis-à-vis de la
lipase et de l'amylase; ce que Pawlow dose parmi ces derniers ferments n'est donc pas
toute la lipase ni toute l'amylase sécrétée par le pancréas, mais des restes de ces fer-
ments échappés à la destruction de la trypsine.
Observations sur l'homme. — Nous venons de voir que la technique proposée par
486 INTESTIN.
Pawlow pour mesurer l'adaptation de la sécrétion pancréatique est inacceptable.
Lesuc,àmesure qu'il est sécrété, se perd par la fistule; il n'y a pas de digestion pan-
créatique intra-intestinale. La technique proposée par Pawlow pour le suc pancréatique
ne ressemble en rien à sa technique, si satisfaisante, de l'établissement d'un petit
estomac pour la sécrétion gastrique.
La technique idéale pour étudier l'adaptation de la sécrétion pancréatique serait la
méthode du petit pancréas.
Cette opération, que l'expérimentation n'a pu réaliser jusqu'ici, la clinique nous
l'offre de temps à autre toute faite sous forme de fistules pancréatiques consécutives
aux opérations chirurgicales. Chez les malades porteurs de ce genre de fistules une
partie du suc pancréatique se déverse dans l'intestin par les voies ordinaires, une autre
partie se déverse hors de l'organisme par la fistule. Quel que soit le rapport entre les
mas.«;es pancréatiques dont les sécrétions se trouvent ainsi diverger, il est légitime de
penser que les sécrétions de ces deux masses resteront parallèles au cours de la diges-
tion, comme il en est du petit estomac et du grand estomac. Schumm (Z. p. C, xxxvi,
293, 1902). r.LŒSS.NER [Ibid., xl, 465, 1904!, Ellinger et Coh.n (Ibid., xlv, 28, 1905),
WoHLGEMUTH (Bioch. Zcitsch., II, 264, 350, 1906, iv, 27, 190") ont eu l'occasion d'étudier
dans ces conditions « l'adaptation pancréatique ». Nous emprunterons à un travail de
Glœssner un de ces types d'observations.
Le suc de fistule est recueilli dans chaque expérience pendant 12 heures consécu-
tives, mais des échantillons du suc sont étudiés d'heure en heure.
Les chiffres indiquant l'activité des ferments sont rapportés à des étalons arbitraires,
mais fixes.
Quantité du suc Activité
R(^çrinie. en 12 heures. des Icrmcnts.
( Trypsine. . 8
Mixte I.j:. I Aniylase. . l.G
( Lipasc. . . 4
Trypsine. . 0,5
Viande 1 18,;j l Aniylase. . 2
Lipasc. . . u,5
Trypsine. . »
Hydrate de carbone. . . . 56, ii J Amylase. . »
Lipasc.
i Trypsine. . 12
Amylase. . 2
Lipasc. . . 5,5
Ces expériences montrent que la teneur du suc pancréatique en ses différents fer-
ments est à peu près invariable, quel que soit le régime, constatation en contradiction
formelle avec celle de Pawlow.
Il est donc difficile d'admettre avec ce physiologiste que le pancréas soit ime glande
aussi intelligente qu'il le dit : le pancréas sécrète plus ou moins; mais, quand il sécrète,
c'est toujours à peu près le même suc.
En ce qui concerne le suc intestinal, Frouin constate que chez le chien la quan-
tité du suc intestinal et la concentration du suc en kinase est invariable au cours des
divers régimes de pain, de lait et de viande.
En résumé nous ne connaissons aucune expérience d'une adaptation ni immédiate ni
tardive des glandes intestinales à l'alimentation. Les expériences faites correctement
parlent bien plutôt en faveur dune immutabilité de la forme et de la quantité des sécré-
tions.
8° Sécrétion et résorption des ferments.
Les glandes digestives sont susceptibles de sécréter de grandes quantités de ferments
alors même que ces ferments ne sont pas récupérés par l'organisme; la preuve en est
fournie par la possibilité de recueillir quotidiennement des sucs gastrique, pancréatique
et intestinal chez des animaux qui perdent ces sucs depuis quelques mois. Mais les res-
sources des glandes ont des limites, et il arrive bientôt un moment oii, chez des animaux
INTESTIN. 487
qui perdent quotidiennement leurs sucs digestifs, la production de ces sucs baisse pro-
gressivement.
On s'est demandé si, chez les animaux intacts, la capacité des glandes pour sécréter
des quantités constantes de ferments n'était pas due ù ce que les ferments étaient
résorbés par le tube digestif lui-même pour resservir aux sécrétions ultérieures. Vu l'im-
possibilité de suivre les ferments dans l'appareil circulatoire, Frouin a recherché si
l'ingestion de suc digestif ne relevait pas la sécrétion tarie à la suite de sa déperdi-
tion prolongée.
Le fait est très net pour l'estomac.
Chez un animal à estomac séquestré et perdant tout son suc gastrique, la sécrétion
était tombée un moment donné à 367 cm. par jour avec une acidité de 2ef,5 en HCl. En
remplaçant le NaCI de l'alimentation par une égale quantité de NaCl contenu dans
750 grammes de suc gastrique, la quantité de suc s'est élevée à 520 cm. avec une acidité
de 3,43.
Un semblable phénomène se manifeste pour la sécrétion intestinale.
Les variations de sécrétion d'une anse intestinale déversant au dehors sa sécrétion
sont les suivantes, d'après Frouix. Pendant les 20 premiers jours suivant l'opération, la
quantité de suc par jour est de 45 cm.; du 20" au 48®, 32 cm. ; du 48'= au 78% 22,5 cm. ;
du 78« au 108% 16 cm.; vers le 120'^ jour, 8 cm.
Or à ce moment si, à cet animal dont la sécrétion intestinale est très réduite, on fait
ingérer en une seule fois du suc intestinal en grande quantité, la sécrétion se relève
immédiatement pour plusieurs jours. Chez un chien qui sécrétait 4 cm. en 17 heures,
l'ingestion de 50 cm. de suc intestinal relève la sécrëtion à 12 cm. 6 le premier jour,
11,2, 9,3 et 8,4 les jours suivants (Frouin).
Il y a donc une corrélation évidente entre la résorption du suc intestinal et sa sécré-
tion.
Dans le même ordre d'idées Lœper et Ficai ont signalé un abaissement brusque du
taux de l'amylase sanguine à la suite de diarrhée. D'après ces auteurs l'amylase san-
guine serait en partie d'origine pancréatique, et la perte d'une notable partie d'amylase
pancréatique priverait le sang d'une de ses sources importantes de ferment.
La résorption directe des ferments par l'intestin, qui jusqu'ici n'a pu être prouvée
directement, semble donc cependant très probable.
9° Desquamation intestinale et passage du chyme.
L'arrivée du chyme dans l'intestin provoque une desquamation épithéliale que
signalent tous les physiologistes. Cette desquamation se produit (cobaye, lapin, chien),
dès que le bol alimentaire passe de l'estomac dans le duodénum, c'est-à-dire à un
moment variable avec le genre d'alimentation, très rapidement avec un repas d'albu-
minoïdes ou de lait, plus lentement au bout de cinq à six heures avec de la graisse.
« La desquamation est précédée d'une vascularisation intense de la muqueuse; elle
est si abondante que l'intestin semble recouvert d'un enduit pultacé. De plus elle se pro-
duit par segment et coïncide avec l'arrivée du chyme dans un de ces segments. Mais
dès que la cellule est tombée elle est emportée avec le chyme et dans sa progression
elle subit une série de modifications. Comme ciiemin faisant elle rencontre de nouvelles
cellules qui tombent au moment de l'arrivée des aliments, on a toujours sous les yeux
en un point quelconque diverses cellules, en état difl'érent de dégénération. Un simple
frottis, fait avec le contenu de l'intestin en ayant soin de ne pas rachu- la muqueuse,
montre une quantité considérable de cellules, 4 à 500, pour une anse de platine. Les cel-
lules sont agglutinées, rangées en palissade ou bien isolées. Elles sont surtout du type
cylindrique, les cellules à mucus étant relativement peu abondantes... » (Ramond.)
10" Toxicité du contenu intestinal et défense de l'organisme par l'intestin.
La plupart des produits de la digestion in litro des albumines, introduits directe-
ment dans le torrent circulatoire, provoquent des accidents plus ou moins graves-:
Ce fait est depuis longtemps connu pour les premiers produits de la digestion, tels que
4f^8 INTESTIN.
les albumoses et les peplones, et il a été établi récemment pour certains polypeptides
obtenus par voii^ syntliétiiiue jiar la méthode de Fischer.
Il s'ensuit nécessairement (jue le contenu intestinal injecté dans le torrent circula-
toire doit déterminer des accidents toxiques.
L'expérience démontre en plus qu'à poids égal le contenu de l'intestin grêle est plus
toxique que le contenu du gros .intestin (Rogeu). On en a conclu que l'intestin grêle,
avant résorbé les produits de la digestion, l'innocuité relative des matières fe'cales était
due à la disparition des produits de la digestion.
La toxicité du contenu intestinal reconnaît-elle encore d'autres causes que la pré-
sence des produits de la digestion proléolytique?
On a incriminé la présence des sucs digestifs, et notamment du suc pancréatique.
Cybulski et Tarchanoff, en injectant de l'extrait pancréatique dans le torrent circula-
toire des animaux, ont constaté des accidents graves pouvant aller jusqu'à la mort pour
des quantités suffisantes d'extrait.
Roger a objecté à ces auteurs qu'une injection d'extrait pancréatique ne saurait
permettre de conclure vis-à-vis des effets d'une injection de suc pur. D'ailleurs Bierry
{Communication orale, i90l>) a vu (ju'une injection de suc pancréatique pur est sans
effet sur les fonctions générales de l'organisme. Il est donc pour le moins douteux que
la présence des sucs intestinaux dans l'intestin ajoute à la toxicité du liquide intestinal.
Enfin on a prétendu que les produits de la digestion des albumines par les microbes
sont plus toxiques que les produits de la digestion naturelle des albumines par les sucs
animaux.
Il existe donc une toxicité certaine du contenu intestinal due aux produits de méta-
bolisme des albuminoïdes.
D'autre part, l'hydrolyse des corps gras produit aussi des substances qui, injectées
dans le torrent circulatoire, se montrent toxiques : ce sont les acides gras et les savons.
Du moment que la digestion normale n'est pas suivie d'une intoxication, c'est donc
que l'intestin opère sur les produits de la digestion des modifications qui leur enlèvent
leur toxicité.
Pour les savons et les acides gras cette transformation est à peu près précisée
aujourd'hui; la muqueuse intestinale ressocie les acides gras à la glycérine et forme
des graisses neutres inoffensives pour l'organisme.
Pour les produits de la digestion des albumines, le travail accompli par l'intestin,
nous l'avons déjà vu, ne nous est pas connu.
L'activité défensive de l'intestin contre les intoxications auxijuelles pourrait donner
lieu la pénétration en noture des produits de la digestion, dans le système circulatoire,
est parfois mise en défaut.
C'est lorsque la digestion, au lieu de s'accomplir selon des processus normaux (pour
les vertébrés en général par les sucs digestifs et pour les herbivores par les microbes
ordinaires de la digestion cellulosique), se fait selon des processus anormaux. Dans ce
dernier cas, il s'agit toujours d'une hydrolyse microbienne, laquelle est surtout redou-
table lorsqu'elle porte sur les albuminoïdes.
La digestion pathologique des albumines ou de leurs dérivés immédiats par les
microbes, appelée encore putréfaction intestinale, met en liberté des produits contre
-lesquels l'intestin est sans défense. Il se produit alors, selon la conception de Bou-
chard, une auto-intoxication intestinale.
Par auto-intoxication intestinale, il faut donc entendre quelque chose de très pré-
cis. Celte intoxication n'est pas due à la résorption de poisons préformés (intoxication
banale par des conserves avariées (botulisme), intoxication par des poisons divers (HgCl-
KI, etc.) mais à la résorption de poisons nés dans la lumière même de l'intestin aux
dépens de l'aliment dont les produits d'hydrolyse normale ne seraient pas toxiques.
Ainsi conçue, l'auto-intoxication intestinale joue un rôle considérable en patholo-
logie. Nous ne saurions la décrire ici sans sortir de notre domaine. Sans compter que
d'ailleurs les phénomènes auxquels elle doime lieu ne sont guère susceptibles ni d'ime
description précise, ni de mesure.
Nous nous bornerons simplement à en donner un exemple observé par nous sur les
chiens soumis à l'alimentation carnée.
INTESTIN. 489
Le chien, comme on le suit, supporte mal une alimentation purement carnée. Mais,
quand on examine de près pourquoi il la supporte mal, on constate entre autres choses
ce qui suit :
Le chien tolère pendant lon^'temps, au moins six semaines à deux mois (peut-être
plus,'nous n'avons pas poursuivi l'expérience plus longtemps), la viande maigre de cheval
à raison de 40 grammes de viande par jour et par kilog. Son poids baisse fort peu au
cours de ce régime; ses urines oITrent ce caractère, sur lequel nous avons insisté, d'offrir
une concentration urique qui est constante et maxlma. Mais vient-on à donner à ce
même animal 60 grammes de viande par jour au lieu de 40 grammes, souvent on
constate alors que les selles deviennent plus molles et que la concentration urinaire
baisse. Le fait remarquable est alors celui-ci; c'est que, si l'on remet l'animal à un
régime de 40 grammes, la concentration urinaire restera encore temporairement
abaissée. Comme nous avons démontré qu'une clmte de la concentration urinaire est
toujours fonction de néphrite, il est ainsi prouvé directement que l'animal qui, nourri
très longtemps avec 40 grammes de viande, ne fait pas de néphrite, fait au contraire
des lésions rénales persistantes dès qu'on l'aura soumis à un régime plus abondant
pendant un nombre de jours suffisants, à un régime de 60 grammes de viande.
Tout porte à croire que la néphrite est bien la conséquence d'une auto-intoxication
intestinale; car l'excès d'urée à éliminer ne produit aucune lésion rénale (nous l'avons
montré directement pour des doses énormes d'urée ingérées).
N'est-il pas curieux de pouvoir créer pour ainsi dire à volonté une auto-intoxication
intestinale par simple passage d'un régime de 40 grammes à un régime de 00 grammes
de viande ?
11 est à peine besoin de dire l'importance d'un pareil phénomène pour l'étude de
l'équilibre azoté chez le chien. Le chien néphritique devient urémique, et dès lors un
régime modéré de viande le fera maigrir par urémie, l'équilibre azoté deviendra de
plus en plus difficile à maintenir chez lui avec le régime de la viande, à mesure qu'il
deviendra plus néphrétique.
Nous avons choisi la néphrite comme réactif de l'auto-intoxicalion intestinale, sim-
plement parce que la concentration urinaire en donne une mesure commode et exacte;
mais on conçoit que les réactions de l'organisme à cette intoxication doivent être générales.
L'auto-intoxication est donc certainement un phénomène pathologique considérable.
Toute une partie de la diététique humaine n'a d'autre but que delà combattre. (Rempla-
cement des albumines animales par des albumines végétales, usage des bacilles lactiques
et d'une alimentation riche en hydrates de carbone, pour lutter contre les mauvais
microbes, etc. Metchnikoff, H. Tissier, etc.).
11° Synergie fonctionnelle de l'intestin et d'autres viscères.
i" Foie et intestin. — En matière de coordination viscérale, le couple foie-intestin
e«t le type le plus intéressant des associations viscérales. Le foie reçoit à peu près la
totalité du sang provenant de l'intestin et l'on peut se demander quels services les deux
organes se rendent mutuellement au cours de leurs relations directes et permanentes.
Le foie vient au secours de l'intestin par un processus constant, et qui consiste à fixer
momentanément des quantités considéiables de substances élaborées par l'intestin.
On sait en effet que le foie jouit d'un pouvoir d'emmagasinement puissant. Le gros
foie des gros mangeurs a des raisons d'être physiologiques. Le foie emmagasine à peu
près tout le glucose résorbé qu'il transforme en glycogène. Le foie emmagasine aussi
une notable partie de la graisse et des albumines ingérées, ainsi qu'il résulte des récentes
expériences de Pfluger.
Grâce à cette fonction d'emmagasinement, le foie contribue à accélérer la résorption
en maintenant le saug dans un état constant d'aptitude à recevoir de nouvelles sub-
stances résorbées: le foie maintient constant l'équilibre chimique du sang, malgré l'in-
tensité des apports intestinaux.
En ce qui concerne les substances toxiques, on sait d'autre part que le foie, comme
l'a montré Cl. Bernard, jouit d'un pouvoir d'arrêt et dans certains cas d'un pouvoir de
destruction très net. L'albumine injectée par les veines périphériques passe dans l'urine ;
490
INTESTIN.
injectée par la veine porte elle est retenue et utilisée. Dans la défense de l'organisme
contre l'intoxication par voie digestive le foie rend inofîensifs beaucoup de poisons orga-
niques. Il constitue la seconde couverture de l'organisme.
2° Reins et intestin. — Une relation évidente existe entre ces deux organes dans leur
fonction commune d'excrétion. Au rein appartient l'excrétion des substances solubles
dans l'eau : à l'intestin appartient, comme on le sait (voir Fèces), l'excrétion des sub-
stances insolubles. L'expérience suivante démontre élégamment cette solidarité excré-
menlitielle. — Le calcium est excrété de l'organisme en majeure partie sous des formes
insolubles, phosphate, carbonate et sulfate de chaux; conformément à ce que nous
disions plus haut, la chaux sera surtout excrétée par l'intestin. Dans l'urine des herbi-
vores, qui est alcaline et dissout mal les sels de chaux, on n'en trouve, d'après Voit, que 3 à
6 p. 100 de la masse totale; chez les carnivores, dont les urines sont acides, on en trouve
jusqu'à 27 p. 100. Vient-on, comme l'a fait Rudei., à donner aux animaux des acides ou
des sels acides susceptibles de former des sels solubles de chaux (chlorure ou phosphate
acide), immédiatement la quantité de calcium urinaire augmente et la quantité de calcium
intestinal diminue. Il ne faudrait pas, il est vrai, considérer comme une mesure absolue
de ce phénomène la quantité de calcium rendue par les fèces, car le calcium intestinal
est en partie du calcium non résorbé, et la formation de sels solubles de calcium favo-
rise sa résorption, s'il favorise aussi son élimination urinaire.
Des faits du même ordre existent pour le magnésium et le phosphore.
Enfin dans certains cas pathologiques, comme l'a montré Wid.\l, le rein devenant
imperméable aux chlorures, une diarrhée chlorurée abondante vient au secours de l'in-
suffisance rénale.
Ainsi se trouve largement établie une coordination des fonctions réno-intestinales.
Mais, comme pour les relations hépato-intestinales, cette coordination est limitée, et le
cas le plus net de cette dysharmonie fonctionnelle est encore donné par l'échange des
chlorures dans l'insuffisance rénale. Normalement le rein de l'homme peut éliminer
jusqu'à 60 gr., 80 gr., et môme plus, de NaCl par jour; dans les cas de néphrite cette
activité éliminatrice tombe couramment à 4 et 3 grammes ; l'organisme se trouve alors
encombré de chlorures, et des œdèmes se forment; or, fait remarquable, l'intestin reste
capable néanmoins d'absorber encore des quantités considérables de sel et l'on voit
parfois l'individu mourir de cette résorption de sel avant que l'intestin ait perdu la
faculté de le résorber.
Fonctions rénales et fonctions intestinales sont donc dans une large mesure coor-
données.
Excrétion quotidienne coynparée des sels par un homme adulte.
Dans les urines.
NaCl 93 à 98 p. 100. . . .
Baryum, très peu (disparaît
en 24 heures).
Normalement.
gr-
10,0
Strontium (id.) »
Rubidium surtout par les
urines >
Oxyde de calcium 0,30
— de potassium. . . . 2,50
— de soude »
— de fer traces.
Acide phosphorique. . . . 2,50
— sulfurique 2,0
Silice »
Sable )
Oxyde de magnésium. . . 0,250
Thorium «
Aluminium »
Dans les fèces.
Normalement
5 à 2 p. 100.
gr-
0,03
Surtout dans les fèces : excrétio]i
très prolongée 20 jours et plus
après injection de 0,134 à chien
de 12 kilog. (Mendel et Sicker.)
Id. (Méndel.)
Peu par les fèces. (Mendel.)
(D'après Fleitmanx.)
Non résorbés par l'intestin, et, si in-
jectés dans les veines, s'éliminant
entièrement par les urines. (Solt-
MANN et Brown.1
1,05
1,0
0,04
0,209
1,50
0,056
0,07
0,45
0,6
INTESTIN. 491
12" Mimentalion parentèrale.
Les aliments introduits directement dans l'organisme sans passer par le tube digestif
peuvent élre assimilés.
Nous avons vu, en ce (jui concerne les hydrates de carbone solubles dans l'eau, que
l'assimilation parentèrale requiert deux conditions : i° l'hydrate de carbone doit être un
monosaccharide ; 2» la vitesse d'introduction doit être telle qu'à aucun moment la quan-
tité de n)onosaccharide ne dépasse 3 p. 100 dans le sang. Les polysaccharides solubles,
sauf le maltose qui est dédoublé sans doute par la maltase du sang, sont à peu près
complètement éliminés par les urines. Le sort des polysaccharides insolubles est
peu connu : on sait seulement que l'amidon, injecté dans les veines, est utilisé par
l'organisme : qu'il s'accumule tout d'abord dans le foie et en disparaît ensuite peu à peu,
sans doute par transformation en glycogène.
Le sort des graisses introduites par voie intrapéritonéale n'a rien qui doive nous ar-
rêter. Les graisses ainsi introduites sont d'autant plus vite résorbées qu'elles ont été
introduites à un état d'émulsion plus fine. Leur assimilation est liée à un état physique
et nullement à la nécessité d'une digestion préalable.
lien va tout autrement des albumines. L'état sous lequel les albumines sont résor-
bées par l'intestin n'est pas complètement connu. Le sort des albumines introduites par
voie parentèrale est dès lors instructif.
Nous avons vu préalablement au chapitre Résorption que normalement les albumines
n'étaient pas résorbées en nature. Cette opinion, qui est celle de la majorité des phy-
siologistes, est surtout déduite des phénomènes cachectiques consécutifs aux injections
d'albumine, et de l'albuminurie.
Comparant l'alimentation entérique à l'alimentation parentèrale, nous ne nous pré-
occuperons plus des arguments que peuvent fournir les accidents observés à telle ou
telle théorie de la résorption des albumines, mais seulement de l'utilisation que peut
faire l'organisme de l'albumine qui y est directement introduite.
Les albumines utilisées dans cet ordre d'expériences ont été les sérums sanguins et
l'ovalbumine ; la voie d'introduction, le péritoine; l'utilisation de l'albumine a été cal-
culée d'après les différences des quantités d'albumine introduites dans le péritoine et
de celles qu'ont éliminées les urines.
Les expériences les plus nombreuses ont été faites avec l'ovalbumine, parce que les
sérums sont en général mal tolérés. Nous ne nous occuperons ici que des résultats
obtenus avec l'ovalbumine.
Alors même que la quantité d'albumine introduite en une seule fois est considérable,
la quantité d'albumine retrouvée dans les urines reste inférieure à la quantité d'albu-
mine introduite dans le péritoine. Les résultats qui vont suivre sont tirés d'un travail
de Cramer ij. P., 1908, xxxvn, 2). Le lecteur y trouvera citée la partie essentielle de
la bibliographie de cette question. Les expériences sont faites sur des lapins du poids
de 1850 à 2000 gr. L'albumine est injectée en une seule fois.
Lapin \. Albumine injectée 0,904
— — excrétée les 2 premiers jours. . 0,2115
— — — les 2 jours suivants. . 0.1240 Albumine retrouvée. 08',5683
Lapin IL Albumine injectée 1,3560
— — excrétée les 2 premiers jours. 0,7428
— — — les 2 jours suivants. . 0,1100 Albumine retrouvée. 08',o032
La quantité d'albumine éliminée par les urines diminue à la suite d'injections mul-
tipliées, mais pas très régulièrement.
La cause qui influe le plus nettement sur les variations des albumines excrétées est
l'état de jeûne ou l'état de digestion. L'élimination chez un animal en digestion est en
moyenne trois fois plus faible que chez un animal soumis au jeûne depuis 24 heures.
D'après Cb.\uer, la leucocytose digestive favoriserait la résorption parentèrale du
blanc d'oeuf et expliquerait les résultats précédents.
492 INTESTIN.
13° Sécrétion intestinale et péristaltisme.
Les purgatifs. — L'action générale des purgatifs est trop mal connue pour que
nous puissions actuellement tenter leur systématisation générale. Nous nous contente-
rons de diviser les purgatifs en trois groupes : l'"'' groupe : substances organiques
actives à faibles doses en injections intra-veineuses ou sous-cutanées ; 2'^ groupe :
substances organiques actives lorsqu'elles sont administrées par le tube digestif;
3» groupe : purgatifs salins.
I. — Purgatifs organiques agissant à distance.
Le premier groupe comprend des substances telles que l'apocodéine, l'apomor-
phine, etc. Leur mécanisme d'action est peu élucidé, et ne se prête pas à une étude
d'ensemble : nous renvoyons le lecteur aux traités de pharmacologie pour les détails
concernant ces substances.
II. — Purgatifs organiques agissant « in loco ».
Le second groupe contient de très nombreuses substances organiques fréquemment
utilisées en thérapeutique : plusieurs auteurs se sont efforcés de systématiser leurs
propriétés. Nous résumerons, d'après les travaux de Brisse.moret, les faits connus sur les
propriétés de ces substances. L'activité purgative de ces substances peut être rattachée
aux fonctions chimiques suivantes :
1" A la fonction alcool, mais à la condition ([u'elle soit accumulée dans la même
molécule, exemple : glycérine, mannite. Des résultats fournis par la clinique il résulte
que les sucres contenant une fonction aldéhyde libre, glucose, lactose, possèdent une
action purgative supérieure à celle des sucres non réducteurs (saccharose). L'irritation
intestinale produite par ces substances ne dépasse pas une simple hyperhémie avec
exagération de la sécrétion intestinale (anciens laxatifs). Enfin la fonction éther
exagère l'action élémentaire des composants : les glucosides de ces sucres sont plus
actifs que leurs générateurs, exemple : mannitoses (dans la manne), lactose (dans le
petit-lait), raffinose (dans la mélasse);
2" A la fonction acide dans la série acyclique, mais surtout lorsqu'elle est associée
à la fonction alcool, exemple : acide ricinoléique,' acide jalapinolique; mais leur éthé-
rification i^olides ou lactones) exagère surtout leur action irritante (vaso-dilatation, leu-
cocytose). Exemple : résine de croton, picropodophylline, glycosides des convolvulacées,
glycoside de la gentiane fraîche ;
3» A la fonction cétone et à l'état de quinones. Des trois quinones fondamentales,
naphtoquinone, benzoquinone et anthraquinone, et non pas seulement de l'anthraqui-
none, comme il était admis avant les recherches de Brissemoret, dérivent des phénols
utilisables comme purgatifs :
Dérivés de la beazoquiaone. . . . \ ^"'"^^ embelianique.
( Perczone.
— de la naphtoquinone. . . \ J"?'»»®- .
f .N.aphtazarine.
Xanthopurpurine.
Antliragallol.
Purpurine.
— de l'anthraquinone. . . .. ■^ Fiavopurpurine.
Anthrapurpurine.
Bordeaux d'alizarine.
Acétate d'anthrapurpurine.
Les propriétés exonérantes de ces oxyanthraquinones ont été indiquées par Vieth;
mais, en ne considérant que les résultats peu concluants de ses recherches, il nous est
impossible d'établir si les oxyanthraquinones, regardées par lui comme inactives
(alizarine, quinizarine, cyauine, rufigallol), sont dépourvues réellement de toute action
sur l'intestin. Or il a été établi expérimentalement que les anthraquinones agissent
essentiellement sur le péristaltisme intestinal.
INTESTIN. 493
Paderi avait autrefois montré riiilluence excitante qu'exerce l'alizarine sur les
fibres lisses, et Biusskmoret a, d'autre part, constaté expérimentalement que le ruligallol
exagérait modérément le péristaltisme intestinal : aussi est-il moins surprenant que ne
le pensent Zkunick et Ebstein de voir l'éther hexamélhyli(iue du rufigallol (Zernick)
d'une part, les éthers acétylpontaméthyli(iue et diacétyilétraniétliylique de la même
oxyquinone (Ebstein) d'autre part, provoquer l'exonération intestinale, alors que le
ruligallol, l'hexaphénol, d'où dérivent ces éthers, ne possèdent pas la même propriété.
La fonction éther, en effet, exagère une au moins des actions élémentaires de l'un de ses
générateurs : le ruligallol excite le péristaltisme intestinal; mais il l'excite modéré-
ment ; il ne purge pas (Ehstein) : ses éthers précités excitent également le péristaltisme
intestinal, mais ils l'excitent plus énergiquement, et ils peuvent provoquer l'exonéra-
tion intestinale sans modifier la consistance des selles (Ebstein, Zernick).
Dioxyinétliylanthraquinonc. Chrysophanol.
m • '.i. 1 .u • { Éniodine.
Inoxymethylantnraquinonc. ,-, ,.
•' ■' ^ 1 hinodinc et isomères.
b) A l'état de quinonoïdes.
Ourine (acide rosolique).
Phénolphtaléine.
Styrogallol.
Phénolphtaléine (Fleig). Elle n'agit que sur la sécrétion.
c) Cétones non sériés.
Élatcrine.
Acide cambogique.
Cétrarine.
Iridine.
Bixine.
4° La fonction imine qidnonique. — Brissemoret a montré qu'en utilisant à la place
de quinones des imines quinoniques, c'est-à-dire des corps dans lesquels le radical
= AzH bivalent remplace le radical z= G = 0 également bivalent, les propriétés purga-
tives des premières étaient reproduites par les secondes ; il a vérifié le fait avec l'indo-
phénol, la résorufme, le chlorure de diméthylaminophénol [3 oxynaphtoxazine.
L'étude physiologique de ces corps lui a permis également de saisir le mécanisme
de leur action. Leur action purgative a pour origine la propriété qu'ils possèdent de
fournir par réduction des leucodérivés qui régénèrent par oxydation le corps primitif.
Il a constaté de plus, en s'appuyant sur l'action de l'indigo et des plantes à indigo,
et de la phénosafranine, que il'autres corps possédant ces propriétés oxydantes réduc-
trices pouvaient être utilisés comme purgatifs.
L'histoire de tous ces dérivés montre combien est étroite l'analogie qui existe entre
leurs propriétés pliysiologiques et l'ensemble des propriétés physico-chimiques qui
permettent de caractériser leurs fonctions (Brissemoret).
Les substances que nous venons de classer jouissent de propriétés purgatives, sans
qu'il y ait besoin pour faire apparaître leurs propriétés de les éthérifier. Les glucosides
formés aux dépens des corps rentrant dans les catégories précédentes jouiront eux-
mêmes de propriétés purgatives :
1° Glucosides proprement dits. Nous les avons énumérés dans la classe des alcools
polyvalents.
2° Glucosides d'alcools acides ou d'olides (énumérés plus haut).
3° Glucosides cétoniques ou quinones : ce sont surtout les glucosides anthracéniques,
c'est-à-dire dérivés du chrysophanol et des autres anthraquinones.
4" Divers glucosides de constitution mal élucidée, probablement des glucosides d'acides
alcools ou de cétones.
Linine.
Bryonine.
Colocynlhine.
Gratioiinc.
Leplandrine.
Évonymine.
Cusculine.
4it4 INTESTIN.
A côté de ces glucosides il en est d'autres formés aux dépens d'éléments irritants,
mais diffusibles ou instables, et ne purgeant pas, mais que leur fixation à l'état de gluco-
sides permet d'amener au contact de la paroi intestinale et qui purgent.
Ne purgent pas. Purgent.
Acide cyanhydriqua. Glucosides de cyaaals (donnant du nitrilc formique en se
décomposant).
Semences de prunier, fleur de pocher, fruit de sorbier,
fleur de prunellier.
Essence de moutarde. Glucosides donnant des séné vols en se dédoublant.
Myronate de potasse (moutarde noire).
Sinalbine (moutarde blanche).
Glucotropéoléine (fruit de grande capucine).
Glucosides indoxyliques donnant de l'indigotine ou de
l'indirubine en se décomposant :
Indigofera aspatoloïdes.
Tephrosia tinctoria.
Indigo (sauf à grosses doses). — apollinea.
Polygontim chinense.
Isatis tinctoria.
III. — Purgatifs salins.
i/aclion des purgatifs salins, quoique beaucoup étudiée, est encore très obscure
en bien des points. Cette obscurité tient à des fautes de technique, fréquentes dans
les expériences sur les purgatifs, et à des lacunes non moins fréquentes dans les obser-
vations.
Il est courant de désigner, sous le norn de purgation, un simple péristaliisme exagéré
de l'intestin (dans la plupart des expériences de Mac C.\llum) aussi bien qu'une exagé-
ration du péristaltisme ijui accompagne une exagération de la sécrétion (purgation au
sens habituel du mot'. L'entente n'est point faite sur ce point de langage, d'où les
désillusions fréquentes qu'on éprouve en lisant certains mémoires sur les purgatifs.
Au point de vue technique il y a un fait que l'on passe généralement sous silence, c'est
que l'état antérieur du sujet est très important pour déterminer la réaction qu'il présen-
tera au purgatif; à cet égard la surcharge en NaCl de l'organisme joue un rôle prépondé-
rant ; l'homme soumis au régime hypo-chloruré réagira peu vis-à-vis d'un même purgatif,
qui provoquerait chez lui un effet diarrhéique considérable, s'il était soumis antérieure-
ment à un régime ordinaire (Amb.\rd). Or il parait très nettement que, dans les expé-
riences relatées par les divers auteurs, la question du régime préalable n'entre pas en
considération. Il en est exactement de même pour l'ingestion d'eau préalable h la pur-
gation (Matt. Hav. Journ of Phij$., 1882). Il en est encore de même pour l'ingestion d'eau
après l'ingestion du purgatif, comme le savent tous les cliniciens.
Ehi ce qui concerne la diarrhée de la purgation, les auteurs confondent continuellement
la diarrhée immédiate et la diarrhée tardive; or il semble pourtant qu'une distinction
entre les deux diarrhées s'impose. Il existe des diarrhées qui succèdent rapidement
à lingestion des sels purgatifs : dans ces diarrhées on retrouve le sel ingéré, mais il
existe au moins aus&i fréquemment des diarrhées tardives, précédées ou non de diarrhées
immédiates, oia l'on ne retrouve plus le sel purgatif ingéré. Il n'est en aucune façon
évident que le mécanisme de ces deux diarrhées soit identique.
En raison de ces lacunes dans l'étude des purgatifs, il est impossible de donner à
l'exposé des travaux qui y ont été consacrés l'importance que pourraient comporter leur
nombre et leurs variétés, et nous nous contenterons d'indiquer successivement les
divers points qui semblent acquis dans ce chapitre.
1" Tout sel, quel que soit son mode d'introduction dans l'organisme, purge lorsque
son élimination parle rein n'est pas assez rapide pour ramener l'équilibre des humeurs.
C'est ainsi que NaCl injecté dans le tissu cellulaire chez le chien à la dose de 0,70 cen-
tigrammes par kilogramme purge l'animal si l'injection est répétée 2 ou 3 jours de
suite. A cet égard il semble d'ailleurs que les autres crislalloïdes se comportent de
même : par exemple l'urée injectée à la dose de 3 à 4 grammes par kilogramme purge
l'animal dans les mêmes conditions (Ambard).
INTESTIN. 495
2» Tout sel, ingéré en assez grande quanlilé pour que sa résorption complète et rapide
dans l'intestin soit impossible, purge. Ou admet que le mécanisme de ce phénomène
réside eu ce fait (lue les solutions liypertouiques attirent l'eau dans l'intestin par un
phénomène d'osmose (Car.not et Amet, I^œi-er et Figaï) : d'où la diarrhée. A cet égard il
semble que les autres cristalloïdes agissent de même, et l'on connaît l'action purgative
du lactose chez le chien : le lactose, étant très lentement dédoublé et par suite mal
résorbé par l'animal, attirerait l'eau dans l'intestin par un phénomène osmotique.
3" 11 existe au point de vue de l'activité purgative parmi les sels une hiérarchie très nette
et qui permet de classer comme sel le plus actif le chlorure de baryum, ensuite, et fort
loin après lui, le sulfate de soude, puis le sulfate de magnésie, le chlorure de .sodium, etc.
Cette hiérarchie est mal expliquée. On a pu admettre que, si le sulfate de soude était
plus actif que NaCI, c'est que sa résorption intestinale était plus lente; c'est un fait cer-
tainement très net que SO'^ Na- se résorbe à concentration et à quantité égales beau^
coup plus lentement que NaCl. Mais cette raison n'explique pas qu'en injection intra-
veineuse cette même différence d'action persiste, et d'autre part qu'avec le sulfate de
soude la diarrhée devient rapidement une diarrhée chlorurée qui n'a rien d'osmotique.
Des expériences déjà anciennes de Uosenb.vch, confirmées par Mac Callum, semblant indi-
quer que SO^Mgaune action directe sur l'activité péristaltique et sécrétoire de l'intestin,
indépendante de toute action osmotique et c'est ainsi que Mac Callum explique l'effet
de SO*^ Na- qui se manifeste aussi bien lorsque ce sel est injecté et arrivé à l'intestin
par voie sanguine que lorsque ce sel est ingéré et arrive à l'intestin directement au
niveau de sa surface absorbante. Cette diversité d'action de SO''^ Na- et de NaCl semble
expliquer aussi l'action de Ba Cl-, qui est purgatif à très faible dose en injection aussi
bien qu'en ingestion.
4° Il y a un antagonisme au point de vuedupéristaltisme intestinal entre les sels de
calcium et les autres sels (fait à rapprocher de bien d'autres connus déjà sur le calcium
et les 'autres sels). L'application locale ^des divers sels de Mg évoque un péristal-
4isnie énergique qu'une application ultérieure de CaCl- arrête rapidement; ces mêmes
elfets antagonistes peuvent être obtenus par injections intra-veineuses des sels (Mac
Callum) ;
jo II y a un antagonisme entre les effets sécrétoires des divers sels et des sels de Ca,
démontrable dans les mêmes conditions que précédemment. La plupart des sels étant
excito-sécrétoires, les sels de Ca sont inhibito-sécrétoires (Mac Callum) ;
6° Des solutions d'un seul sel sont, en général, toxiques et, par suite, si la sécrétion
et le péristaltisme intestinal provoqués par un de ces sels s'arrêtent, l'adjonction d'une
très petite quantité de sel de Ca à ces sels peut suspendre leur action toxique et faire
réapparaître leur action excito-motrice et excito-sécrétoire (Mac Callum).
Nous ne saurions dans cet article entrer dans plus de détails sur l'action des purgatifs
salins. En dehors des faits généraux que nous venons de relater, bien des faits parti-
culiers sont encore mal connus, et, comme les conditions expérimentales oii les auteurs
les ont observés n'ont pas été précisées, leur relation sommaire trahirait souvent la
pensée de l'auteur, et leur critique serait souvent malaisée. Pour le lecteur que la ques-
tion intéresse particulièrement, il est indispensable de recourir aux textes originaux
et de lire les protocoles d'expérience un par un.
14» Procédés indirects pour étudier le fonctionnement des glandes
qui déversent leur sécrétion dans l'inlestiji.
11 y a deux procédés généraux pour étudier le fonctionnement intestinal : 1" le pro-
cédé qui consiste à juger l'action intestinale par les résidus alimentaires; 2" le procédé
qui consiste à déterminer, grâce à un péristaltisme provoqué, l'issue des ferments intes-
tinaux dans les fèces.
Le premier procédé, dont il existe de nombreuses variantes, ne donne que des
résultats complexes. L'utilisation des aliments par le tube digestif tient à la fois de
leur digestion et de leur résorption; il faut donc faire le départ de ces deux facteurs, ce
qui est souvent impossible. Sous réserve de ces causes d'erreur, l'indication la plus utile
tirée de l'examen des fèces concerne l'utilisalion des graisses. Normalement celles-ci
496 INTESTIN.
varie de 90 à 95 p. 100 chez le sujet normal ; elle tombe à 50 ou 70 p. 100 en cas Je
rétention biliaire et à peu près aussi ù ce même taux en cas de suppression du flux
pancréatique; elle n'est plus enfin que de 10 ou 5 p. 100 en cas de suppression conco-
mitante des llux biliaire et pancréatique. La présence d'acides gras dans les fèces, en
grande quantité, indique un défaut de résorption surtout lié au déficit biliaire; la pré-
pondérance des graisses neutres est liée à un déficit de la saponification pancréatique;
en cas de déficit pancréatique et biliaire, il y a surtout abondance de graisses neutres.
L'examen des graisses fécales, institué surtout pour juger de l'activité pancréatique,
exige des repas d'épreuves où les graisses soient en quantité connue et de nature déter-
minée. Les constatations ne sont valables que s'il n'y a pas de troubles de résorption.
Cette méthode ne saurait permettre d'apprécier une simple variation de la sécrétion
pancréatique. Les constatations ne comportent que deux significations : la sécrétion pan-
créatique est abolie ou bien la sécrétion pancréatique n'est pas abolie, mais elle laisse
toutes latitudes aux erreurs provenant des troubles de la résorption.
Pour le détail de ce procédé et des procédés similaires, nous renvoyons les lecteurs
aux travaux d'ensemble de Fr. Miller, au traité coprologique de Schmidt et Ph. Strass-
BURciER, au traité de A. Gaultier, au chapitre de séméiologie pancréatique de Carnot,
dans le traité de médecine de (Iilbert et à la revue générale de Lkpi.ne (1908) dans la
Semaine médicale.
2° Procédés par la récolte des feiinents dans les fèces. H nous est impossible de
donner ici une description utile de ce procédé. Nous renvoyons le lecteur à la commu-
nication de Ambard, Bi.net et Stodel [B. B., 16 l'év. 1907) et à l'article de Enriquez,
Ambard et Binet {Semaine médicale. 13 janv. 1909).
Nous signalerons seulement que ce procédé est fondé sur le dosage de l'amylase
fécale obtenue parpurgalion; queparla purgation on obtient normalement des quantités
considérables d'amylase (équivalentes à celles de 300 à 400 cm. de salive très actives) et
que l'erreur d'interprétation qui est liée à la résorptiçn variable des ferments est corrigée
par un coefficient tiré de cette remarque qu'il y a simultanéité entre la résorption des
ferments et celle des aliments. La difficulté d'obtenir des diarrhées régulières rend les
résultats de cette exploration assez variables. Mais ce genre d'exploration est logique et
susceptible de perfectionnements.
15° Augmentation des échanges respiratoires et élimimitions iiréiques pendant la digestion,
V. Mering et Zlntz, Voit, Lœvv et tous Tes auteurs qui ont étudié les échanges respi-
toires au cours de la digestion ont signalé que les échanges augmentaient beaucoup
après l'ingestion d'albumines et notablement encore après ingestion de graisse et
d'hydrates de carbone (Lœvy). La première hypothèse qui s'est présentée, à l'esprit des
physiologistes qui ont constaté ces faits, était que le travail de la digestion exigeait de
l'énergie et que l'augmentation des échanges respiratoires mesurait justement l'énergie
dépensée par la sécrétion des glandes et le travail des muscles du tube digestif.
Mais celte hypothèse parut ensuite peu satisfaisante; car le travail exigé par la
digestion serait formidable.
Laulanié a calculé directement que chez un chien l'ingestion de 1 kilogr. de viande
augmente l'absorption d'O^ de 60 litres. Voici à cet égard un protocole d'expériences.
Consommation horaire do 0-.
3 heures après
12 heures après
24 heures après
Chien de 15 kilogr. le repas.
le repas.
le repas.
litres.
litres.
litres.
Chien au jeune 5,005
5,003
5,003
400 grammes de viande. 6,549
5,994
4,591
800 — — . 6,549
6,881
6,882
1200 — — . 8,960
9,744
6,496
1 600 — — . 9,675
11,137
8,100
2 000 - - . 11,544
12,432
10,434
INTESTIN. 497
Si raugmentatioiules combustions respiratoires était due au travail digestif, il faudrait,
d'après le calcul de Lallamk, li7 300 kilogrammètres pour digérer 1 kilogr. de viande.
II y a donc autre chose que la uianifostaLion d'un travail simple dans l'augmenta-
tion des échanges respiratoires après le repas.
Beaucoup d'auteurs ont constaté, et notamment 0. Frank et Trommsdorit, au cours
de l'alimentation, et spécialement de l'alimentation carnée, que l'élimination de l'urée
augmente comme les échanges respiratoires avec un maximum qui se trouve corres-
pondre entre la 8* heure et la 11'" et demie après le repas, chez le chien qui ingère
08 grammes de viande crue par kilogramme d'animal.
Plus récemment RiAZANTSEi'K signale, en 1896, que l'urée urinaire augmente nota-
blement chez les chiens à qui il donne un repas fictif, c'est-à-dire chez des animaux
où les aliments ressortent par une fistule œsophagienne, sans passer par l'estomac.
ScHEPsKY, en 1900, en comparant les excrétions uréiques consécutives à divers repas,
constate que les quantités d'urée sont sensiblement proportionnelles aux quantités
d'HCl, sécrétées au cours des divers repas.
Enfin HoNORK et Nolf, en 1905, étudiant comparativement la résorption des peptones
additionnées et non additionnées d'HCl etl'excrétion uréique, constatent que d'une part,
la résorption des peptones est de rapidité sensiblement égale dans les deux cas, et que,
dans les expériences où la peptone a été acidifiée, l'excrétion uréique est toujours plus
considérable que dans les expériences où la peptone n'a pas été acidifiée.
Voici un exemple d'une expérience faite sur un chien auquel les auteurs injectent
dans l'intestin (après ligature du pylore) 50 cmc. d'une solution de peptone à 20 p. 100
par kilogramme d'animal.
Peptones non acidifiées. Peptones acidifiées.
Élimination azotée après
la l" heure. 0,182 0,183
2« — . 0,293 0,495
'^° — • I nK/a 0.S85
4' - . ! •^'^^^ 0;5i8
6« — . i ''^'^" 0,618
Total 2,U9:i 2,994
Étant donné que, dans toutes ces expériences, on note que l'action de-l'acide sur
l'intestin inllue considérablement sur l'élimination uréique, que, notamment dans les
expériences de Riazantseff, cette action de l'acide peut seule entrer en jeu(puisque lerepas
est fictif), il est évident que l'excrétion uréique au cours des repas reconnaît une autre
cause que l'absorption d'azote, et il s'ensuit encore que le contact de l'acide sur l'in-
testin détermine indirectement une combustion des albumines des tissus.
Ces faits nous amènent donc immédiatement à cette conclusion qu'au cours des
repas une partie de l'augmentation des échanges respiratoires est due au métabolisme
des albumines de l'organisme. Dans quelle mesure ce métabolisme explique-t-il l'augmen-
tation des échanges? Il serait probablement facile de le déterminer en ce qui concerne
les albumines, en calculant simplement le nombre de calories dégagées par la combustion
des albumines correspondant à l'azote éliminé par le simple contact de l'acide avec
l'intestin. Comment devrait-on interpréter ce fait curieux que l'acide au contact de l'in- ,
testin augmente à distance les combustions intra-organiques? Peut-être, à notre avis,
en supposant que la sécrétine libérée par l'acide au contact de l'intestin hâte le méta-
bolisme des albumines du corps en y libérant des ferments endocellulaires, comme au
contact du pancréas elle libère des ferments qui s'écouleront par les canaux pancréatiques.
Dans celte augmentation des échanges au cours de la digestion, il y a donc deux
faits à distinguer : l" l'activité déployée par les muscles intestinaux et l'énergie dépensée
par les glandes, i]ui expliquent une partie de l'augmentation des échanges respii'atoires;
2° une augmentation du métabolisme organique provoquée distance (par un processus,
sans doute, immoral) qui expliquerait l'excès des échanges respiratoires, par rapporta
ceux qui sont imputables à l'activité digestive, et qui expliquerait encore l'élimination
uréique indépendante de la résorption des albumines et pouvant se constater sans
aucune résorption intestinale.
DICT. DE PHYSIOLOGIE. — T. IX. 32
498 INTESTIN.
INNERVATION INTESTINALE ET PANCRÉATIQUE.
i° Innervation sécrétoire de l'intestin. — L'innervation sécrétoire de l'inlestin
•est « mal connue ». Par là on veut dire, généralement que nous ne pouvons pas provo-
quer, par les excitalions des nerfs de l'intestin, des sécrétions comme on en détermine
pour les glandes salivaires: Mais cette incapacité où nous sommes de provoquer une
sécrétion intestinale par excitation nerveuse vient-elle de ce que nous ne savons pas
exciter les nerfs sécrétoires de l'intestin, ou de ce fait que, les nerfs sccrétoires de l'in-
testin ne sont que peu actifs? Cesl là une question que nous n'avons pas le droit de
trancher, faute de preuves en faveur de l'une on de l'autre de ces hypothèses.
Contrairement à ce que nous connaissons de l'estomac, et pareillement à ce que
nous savons du pancréas, il n'existe pas de sécrétion intestinale psychique.
L'exiitation directe des nerfs de l'intestin n'a donné que des résultats négatifs.
Thiry, en excitant le vague, ne constate aucune sécrétion ; les excitations du plexus
cœliaque restent également ineflicaces.
C'est en portant des excitalions directement au contact de la muqueuse de l'intestin,
(ju'on obtient seulement des résultats très nets. (Nous ne devons, naturellement, pas
parler ici des excitants chimiques : solutions salines, alcools, graisses, etc., qui, eux
aussi, sont très efficaces, mais dont l'effet semble dû, d'après nos notions actuelles sur
la sécrétion entérique, à un processus humoral : ces substances chimiques libérant une
sécrétine faisant sécréter l'intestin.) Thiry et Qiincke ont constaté (jue le simple contact
d'une éponge ou encore la dilatation de l'intestin par un ballon de caoutchouc font
sécréter l'intestin. Les excitations électriques sont encore plus efficaces que les excita-
tions mécaniques. Tous ces excitants mécaniques ou électriques de la sécrétion intesti-
nale ne déterminent qu'une sécrétion locale, c'est-à-dire une sécrétion limitée au niveau
-de la partie de la muqueuse excitée (Pawlow, Frouix), bien différente, par conséquent,
de la sécrétion consécutive à l'injection de sécrétine qui détermine une sécrétion géné-
ralisée (Frouin).
Un autre procédé pour provoquer la sécrétion intestinale par un processus nerveux
est rénervation d'une anse intestinale.
BuDGE, après extirpation des plexus cœliaque et mésentérique, obtint une augmenta-
tion du péristaltisme et une hypersécrétion de l'intestin. Lamansky vit, sous cette
influence, les sécrétions de l'intestin grêle du lapin devenir très abondantes, et les
matières prendre l'aspect diarrhéique.
Mais c'est surtout Moreau qui étudia cette sécrétion par énervation de l'intestin. Kn
isolant des anses intestinales entre deux ligatures et en énervant ces anses, il montra
«que, très rapidement, ces anses se remplissent d'un liquide incolore et alcalin.
Cette sécrétion « paralytique » était-elle une véritable sécrétion, ou n'était-elle
qu'une transsudation [paralytique ? D'après Klh.ne, La.xdois, Vllpian, Terle-nburc., Wer-
TiiEiMER, etc., il s'agirait d'une Iranssudaliou résultant de la dilatation paralytique des
vaisseaux de l'intestin, qui succède à la destruction des vasomoteurs. Pour Moreau,
Ha\au, Lafayette Mendel, il s'agirait, au contraire, d'une véritable sécrétion de suc
intestinal.
Les derniers auteurs fondent leur opinion sur ce que le suc paralytique a la consti-
tution physique du .suc d'aliment i voir suc intestinal" (Lafayette Mexdelj et ses propriétés
■digestives ; il est actif sur l'amidon, le sucre de canne, la maltose (Mexdel et Wertheimer) :
il contient de l'entérokinase (Wertheimer;. D'autres auteurs n'ont pas retrouvé de fer-
ments dans le suc intestinal, et Wertheimer lui-même, malgré les constatations qu'il fait
«ur l'amylase et sur l'entérokinase dans le suc paralytique, pense que la transsudation
peut suffire à entraîner des ferments, sans que, pour cela, on ait le droit de parler de
sécrétion proprement dite.
Récemment, Falloise a repris l'élude du suo paralytique. Il rappelle l'importance
qu'il y a d'énerver complètement l'anse, sans quoi l'expérience échoue : en dix-huit
heures, une anse de 40 centimètres de chien donne jusqu'à 200 centimètres cubes de suc
intestinal. Le suc recueilli par Falloise congèle à 0»,o6, son alcalinité est de 0,20 p. 100
en CO'.Na-; il présente une faible réaction du biuret, une faible réaction xanthopro-
INTESTIN. 499
téique; il se trouble par l'ébuUition et l'acidification ;^ il ne contient pas de Mbriuogène,
il contient de l'amylase, de la mallase, de la sacebarase, de l'entérokinase et de l'érep-
sine. En raison de la présence de ces divers ferments et de l'absence d'érepsine, Fallojse
conclut qu'il ne s'agit pas d'un transsudal, mais d'une sécrétion.
Innervation vaso-motrice de l'intestin. — Jusqu'aux travaux de François-Franck
et IIallio.v, on savait que les vaso-constricleurs mésentériques fournis par le sympathi-
que se groupent dans les spUinchniques, mais leur répartition entre les rameaux com-
municants restait peu connue. IIallion et Franck ont établi le passage de ces vaso-
moteurs de la moelle dans la chaîne par les rameaux thoraciques, à partir du cinquième
nerf dorsal; l'excitation centrifuge de ces rameaux provoque une diminution de volume
des réseaux mésentériques. Les vasodilatateurs mésentériques associés à des vasocon-
stricleurs se trouvent dans les onzième, douzième et treizième communicants dor-
saux, et premier et deuxième lombaires. De même, ces auteurs ont retrouvé des vaso-
moteurs intestinaux dans les pneumogastriques.
L'excitation des nerfs de sensibilité générale provoque la vasoconstriction de l'intestin
grêle, et la vasodilatation du côlon, en même temps que le resserrement de la rate, du
foie et du rein. L'excitation des filets afférents du pneumogastrique provoque la vaso-
dilatation intestinale et rénale. L'asphyxie provoque la vasodilatation de la peau et des
muscles (Dastre et Morat), et la vasoconstriction de l'intestin. L'excitation du nerf de
LuDwiG Cyon détermine de la vasoconstriction périphérique et de la vasodilatation intes-
tinale. La digestion s'accompagne d'une vasodilatation intestinale et d'une vasoconstric-
tion périphérique (Pawlow).
Les vasomoteurs de l'intestin sont donc en activité presque constante, ^'u le terri-
toii'e sanguin considérable qu'ils commandent, il en résulte que, malgré les « balan-
cements circulatoires » où ils sont toujours engagés pour chaque manifestation de leur
activité, leurs efîets constricteurs s'accompagnent presque toujours d'une élévation de
la pression du sang dans les artères, et, inversement, leurs effets dilatateurs détermi-
nent une chute de la pression sanguine.
L'observation de vi^u de la surface libre de la muqueuse intestinale, l'examen
direct des variarions de calibre des vaisseaux mésentériques ont montré, dès le début
des études sur l'appareil vasomoteur, à Claude Bernard, Budge, Vulpian, plus tard, à
Moreau, Samuel, etc., que les nerfs splanchniques agissent sur les vaisseaux de l'intestin
à la façon du sympathique cervical sur les vaisseaux de l'oreille. Leur section, au niveau
du tronc spianchnique, dans le plexus cœliaque ou sur le trajet des artères mésenté-
riques, provoque, à la suite dune courte vaso-constriction initiale due à l'irritatron
mécanique, une dilatation paralytique, suivie d'une congestion intense, d'augmentation
des pulsations, d'oedème de la muqueuse, d'exsudation intestinale; réciproquement,
l'excitation centrifuge des mêmes nerfs produit le resserrement des artères mésen-
tériques, la suppression des pulsations artérielles, la pâleur de la muqueuse
intestinale.
La conséquence des variations du calibre des vaisseaux intestinaux est une modili-
cation considérable de la pression artérielle générale. Toute vasoconstriction intesti-
nale s'accompagne d'une élévation de pression, et toute vasodilatation, d'un abaisse-
ment de pression (Bezold, IIensen, von Basch, François Franck et IIallion).
Rôle des nerfs de l'intestin dans les sécrétions biliaire et pancréatique. —
A l'article Bile, la question des connexions nerveuses hépato-intestinales ayant été
traitée, il nous reste à envisager ici la question des connexions pancréato-intestinales.
Pendant longtemps, on avait admis que l'intestin était le point de dépari d'un réflexe
mettant en jeu la sécrétion pancréatique, et nous avons vu que Pawlow avait cru
parachever l'explication de ce processus en démontrant que le réflexe pancréatico-
intestinal était un réflexe chimique. Ce sont surtout les acides et, accessoirement, les
graisses, et l'alcool qui, au contact de l'intestin, déterminaient le réflexe excito-sécré-
toire du pancréas.
Si un pareil réflexe intestino-pancréatique existe, il doit avoir un ' circuit, avec
un ou plusieurs centres. La question des centres fut la première envisagée. Le centre
ne pouvait être le bulbe : après la section des vagues et des sympathiques dans le thorax,
l'excitation duodénale par l'acide restait efficace (Popielski); il ne pouvait être non plus
.SOO " INTESTIN. ' '
le plexus cœliaque, la sécrétion pancréatique persistant après l'extirpation de ce plexus
(anciennes observations de Claude Bernard).
Le problème on était là, lorsque Wektiirimf.u et Lepage, voulant établir le trajet du
rétlexe, en commeni^ant par supprimer toute connexion nerveuse entre l'intestin et les
centres ganglionnaires abdominaux et les centres rachidiens, instituèrent l'expérience
suivante. Sur des chiens, ils énervent les artères cœliaque et mésentérique supérieure;
ils sectionnent le pylore et injectent de l'acide dans le duodénum. Malgré la destruc-
tion de toute connexion nerveuse duodéuale avec les centres nerveux, la sécrétion ne
s'en établit pas moins. Wertheimer et Lepage en concluent que le réflexe a un arc très
court, allant, par un chemin encore indéterminé, de l'intestin au pancréas, avec, comme
centre réflexe, des ganglions pancréatiques.
La découverte de la sécrétinc devait expliquer très simplement ce résultat si sur-
prenant, en montrant que l'acide provoque la sécrétion pancréatique par un méca-
nisme humoral. L'expérience de Weutiikimrr et Lepagk devenait ainsi une contre-
épreuve anticipée, de l'hypothèse de piocessns humoraux développés par l'acide au
contact du duodénum. De ce que le réflexe de Pawlow, difficile à concilier avec
l'expérience de Wertheimer et Lepage, devait s'humilier, pour faire place à un processus
humoral bien d'accord, au contraire, avec la découverte de ces auteurs. S'cnsuit-il qu'on
doive dénier à la muqueuse intestinale toute activité réflexe dans la sécrétion pancréa-
tique'? L'intérêt de cette question a singulièrement rétrogradé depuis la découverte de la
sécrétine; mais Wertheimer et Lepat.e, tout en admettant que leurs expériences peuvent
s'interpréter différemment qu'ils ne l'ont fait tout d'abord, pensent que la théorie
réflexe de Pawlow ne doit pas être abandonner complètement. Si, disent-ils, on lie le
canal thoracique et si on fait déverser au dehors le sang veineux d'une anse intestinale,
dans laquelle on injecte de l'acide, on constate que la sécrétion pancréatique ne s'en
produit pas moins; or, dans cette expérience, ce ne peut pas être la sécrétine qui
intervient; car, à mesure qu'elle se produit, elle se déverse hors de l'organisme avec le
sang veineux; il y aurait donc là une preuve du rôle du système nerveux dans la sécré-
tion pancréatique.
Malgré cette dernière réserve, l'accord n'en est pas moins pratiquement fait sur le
degré d'importance des réflexes intestino-pancréatiques. Par les expériences de Bayliss
et Starling, d'EiNRiQUEz et d'HALLiON, que nous avons exposées précédemment, et par
celles de Wertheimer et Lepage, que nous venons de citer, et que les auteurs ont
complétées encore ultérieurement, il est acquis que les réflexes intestinaux ne jouent
qu'un rôle secondaire dans la sécrétion pancréatique.
AMBARD.
ANATOMIE ET HISTOLOGIE COMPARÉES.
Définition. — Comment doit-on comprendre l'intestin en anatomie comparée?
Cette question est assez délicate, et, à notre avis, elle a été mal comprise jusqu'ici. En
effet, on a coutume de désigner sous ce nom, chez tous les animaux, vertébrés ou inver-
tébrés, la partie du tube intestinal qui s'étend entre l'estomac et l'anus. Cette dénomi-
nation qui a été faite pour les Vertébrés et qui chez eux est parfaitement correcte cesse
de l'être quand on s'adresse aux Invertébré.s. Outre qu'il faut souvent forcer un peu
«on imagination pour reconnaître dans une légère dilatation ampuUaire du tube diges-
tif un estomac, elle ne tient compte ni de la physiologie, ni de l'embryologie.
Examinons en effet les fonctions et la structure du tube digestif chez les Vertébrés;
nousavons d'abord l'œsophage, qui nejoue d'autre rôle dans l'alimentation que de conduire
les aliments dans la partie digestive, c'est-à-dire l'estomac; après l'estomac, commence
anatomiquement l'intestin, mais au point de vue physiologique la première partie, le
duodénum n'est pas encore la partie viniquement absorbante: nous pouirions presque
dire qu'elle fait plus partie de l'estomac que de l'intestin, si l'on considère que l'intestin
est physiologiquement la partie absorbante du tube digestif. Le duodénum reçoit en
effet plusieurs glandes; dans sa paroi sont disséminées les glandes de Brun.ner (que
nous étudierons plus loin) et les deux glandes les plus importantes de la digestion, le
INTESTIN. 501
foie et le pancréas, viennent y ddverser Icuis sécrétions. La seconde partie, la plus
longue, s'étend depuis le duodénum ias([u"au ;,'ros intestin dans lequel elle s'abouche
par la valvule iléo-c;pcale. C'est ce (jue l'on appelle le jt'-juno-iléoii ; cette partie est
dépourvue de friandes, en dehors des cry[ites que nous étudierons plus loin et qui por-
tent le" nom de s'andes de [.iehriikuiin, c'est la partie de l'intestin qui absorbe; si l'on
ue se plaçait iju'au point de vue histologiquc et physiologique, c'est la seule partie qui
mériterait sans restriction le nom d'intestin. La troisième partie est ce que l'on
appelle le gros intestin; c'est un tube évacuateur, bien que, dans sa première partie,
il absoibe encore les liquides; le bol fécal y arrive à l'état semi-liquide, s'épaissit et y
séjourne plus ou moins longtemps à l'état solide. Ces trois parties de l'intestin dérivent
toutes du même feuillet du blastoderme, de l'endoderme.
Examinons maintenant les organes digestifs d'un Crustacé Malacostracé, la
Langouste, par exemple; nous trouvons une première poche armée de pla(iues et de
dents chitineuses destinées au broyagedes aliments, et désignée sous le nom d'estomac;
à cette poche fait suite un tube absolument rectiligne qui s'étend jusqu'à l'anus; c'est
ce tube que les zoologistes ont désigné sous le nom d'intestin. Or, si nous étudions cet
intestin au microscope, nous trouvons que sa structure, pas plus que celle de
l'estomac d'ailleurs, ne rappelle en rien la structure des organes correspondants chez
les Vertébrés. G"est un conduit recouvert do plaques de chitine et dont la structure
est analogue à colle de la peau. La partie nJelleraent active est un très petit caîcum
médian, le ccecum dorsal, dont les cellules sont semblables à celles de l'intestin des
Vertébrés. De plus, l'embryologie nous apprend que l'estomac et l'intestin sont
d'origine ectoderraique, tandis que seul le ca-cum dorsal est d'origine endodermique,
Étant donnée la très faible surface présentée par le caecum dorsal, on peutse demand'T
alors où se font la digestion et l'absorption. Sai.xt-Hilaire, Cuénot, Guieysse ont montré
que ces travaux s'efTectuaient dans un organe qui, vu sa forme extérieure, avait été
pris pour une glande et désigné d'abord sous le nom de foie, puis sous celui d'hépato-
pancréas. Cet organe est constitué par une inlinité de cjpcums qui forment par leur
ensemble deux grosses masses symétriques de chaque coté de l'estomac, et qui s'ou-
vrent dans l'estomac par l'intermédiaire de deux larges canaux, aussi larges que
l'intestin. Cdknot a montré que c'était dans cet organe que se faisaient la digestion,
l'absorption (sauf celles des graisses qui se feraient dans le cajcum dorsal) et d'autres
actes tels que l'élimination des poisons, etc. Guieysse en a étudié les cellules et a
montré qu'elles étaient absolument construites sur le type de la cellule absorbante que
nous étudierons plus loin, que c'était une vraie cellule intestinale; aussi ce dernier
auteur a-t-il proposé d'appeler cet organe organe entérique au lieu d'hépato-pancréas.
Cette disposition ou des dispositions approchantes se retrouvent chez nombre
d'Invertébrés; c'est chez les Crustacés Décapodes qu'elle est le plus marquée, mais,
lorsque le tube digestif sera mieux étudié au point de vue histologjque et physiolo-
gique, nous sommes persuadés que les fonctions de l'intestin des Vertébrés ne se trou-
veront pas toujours dans ce que l'on appelle intestin chez les Invertébrés. Pour la glande
pylorique des Tuniciers, par exemple, Dklage et Hkrouard s'expriment ainsi : < Il
existe un organe annexe tiès constant et très caractéristique du Tunicier, c'est la
glande jtylorique décrite chez certaines formes sous le nom d'organe hyalin. C'est une
glande en tubes ramifiés qui part du pylore et qui répand ses ramifications sur l'in-
testin. Les extrémités des tubes sont parfaitement closes, mais son épithélium, peu
épais, non cilié, n'a pas bien nettement le caractère d'un épithélium glandulaire. 11
n'est donc pas absolument <ertain (jne ce soit là une glande digestive, et il reste
permis de supposer que ce pourrait être un appareil absorbant. »
CuKNOT a montré aussi que l'absorption se faisait chez les Céphalopodes dans l'hépato-
pancréas et cet auteur pense que : « Chez tous les Invertébrés pourvus d'un foie ou
d'un organe analogue, les produits solubles ou dialysables de la digestion passent par
son épithélium; la graisse seule est parfois absorbée à une autre place, » ce serait dans
le cœcum spiral pour les Céphalopodes, dans le cœcum dorsal pour les Crustacés.
Cette question est encore peu étudiée, mais nous n'hésitons pas à dire, comme Cuknot,
que partout où l'on trouve, greffés sur le tube intestinal, des chambres et des cnîcums
dont les cellules sont du type intestinal tel que nous l'étudierons plus loin, on se trouve
302 INTESTIN.
en présence de cœcums ontériques faisant partie inté;,'rante de l'intestin et en rem-
plissant les fonctions principales. Il doit en être ainsi par exemple pour ces diverticules
niétamériqiiement disposés qu'on voit chez les Annélides Polychètes tels que l'Aphrodite,
surtout si on les compare à ceux largement ouverts de l'intestin des Hirudinées; il eu
serait de même pour le diverticule hépatique de l'Amphioxus, etc.
On voit donc combien il est difficile de comprendre exactement ce qu'est l'intestin.
Si l'on se hase sur la disposition anatomique, on pourra être en désaccord avec l'hislo^
logie, la physiologie et l'emhryologie. Si, au contraire, on se base sur la structure, les
fonctions et le développement, on serait amené à désigner sous le nom d'intestin des
organes qui ont un tout autre aspect anatomique. A notre avis, ces noms d'intestin,
d'estomac, de foie, de pancréas devraient être supprimés de l'anatomie descriptive des
Invertébrés; il serait préférable de désigner le tout sous le nom général de tube diges-
tif et les parties par leurs fonctions, partie digestive, absorbante, glandulaire. De cette
manière, il n'y aurait pas de malentendu.
Donc nous considérons l'intestin comme la partie absorbante du tube digestif
suivie de la partie évacuatrice'. C'est bien là le rôle de l'intestin chez les Vertébrés,
car la première partie, le duodénum, bien qu'ayant surtout un rôle digestif, absorbe
aussi; le gros intestin absorbe peu. Ce qui fait en réalité l'intestin, ce qui aurait dû
servir pour le déterminer, si les études histoiogiques avaient été aussi vieilles que les
études anatomiques, c'est sa cellule épilhéliale. Celte cellule est prescjue caractéristique,
et, bien que variant légèrement suivant les animaux examinés, les différentes formes
se leconnaissent toujours par un certain nombre de caractères qui leurdonnentà toutes
un môme air de famille. La forme de ces cellules se fixe chez des animaux assez infé-
rieurs et l'on pourrait dire que, depuis le ver de terre jusqu'à l'homme, on a presque
affaire à la même cellule. Chez des animaux plus inférieurs les foi'mes sont quelque
peu différentes, mais, ainsi que nous le verrons, elles ne sont que peu éloignées du type
commun.
Étude de la cellule absorbante. — Considérée chez la plujtart des animaux, la
ceUule épilhéliale de l'intestin se présente sous la'ïorme d'une cellule cylindrique
assez longue, contenant un beau noyau et recouverte d'un plateau cilié. C'est ainsi que
nous la trouvons chez les Vertébrés, chez les Mollusques où elle existe également dans
l'hépato-pancréas ; uniquement dans cet organe chez certains Crustacés, dans l'hépato-
pancréas et l'intestin chez d'autres, dans l'intestin des Insectes, des Vers, etc. Le plus
souvent les cellules sont disposées sur une seule rangée. EnUe ces éléments, on trouve
généralement un autre genre de cellules, les cellules caliciformes, cellules qui sécrètent
du mucus et qui ont probablement une grande importance, mais on comprend facile-
ment que leur rôle est secondaire. La cellule noble de l'intestin est la cellule à plateau
cilié.
La cellule intestinale doit être considérée comme une véritable cellule de sécrétion,
mais elle diffère des cellules sécrétrices banales en ce que le sens de la sécrétion y est
différent. Examinons, en effet, son fonctionnement; elle puise les matières alimentaires
dans le bol intestinal, mais elle ne les livre au courant sanguin qu'après les avoir
remaniées et, finalement, elle les sécrète dans le sang et les chylifères comme la cel-
lule d'une glande vasculaire sanguine; aussi trouve-t-on, dans cette cellule, des diffé-
renciations semblables à celles que Ion rencontre dans toutes les cellules glandulaires,
des plastes, des filaments d'ergastoplasme, des mitochondries. Mais, de plus, il est
probable que, dans beaucoup de cas, elles font aussi une sécrétion externe ; chez les
1. A ce rôle, qui est la raison d'être de l'intestin, s'ajoutent parfois des rôles secondaires. Ainsi
dans beaucoup de cas (Actinies, Coralliaires) la cavité intestinale sert de poche incubatrice; les
embryons s'y développent. Chez les Cyclops, le tube digestif est animé d'un mouvement
rythmique qui fait circuler de l'eau: c'est ainsi que l'animal absorbe de l'oxygène et respire; de
plus, à l'intérieur, ce mouvement produit un brassage de l'eau qui supplée le cœur. Les larves
de libellules lancent un jet d'eau par l'anus qui les pousse en avant et les fait progresser. Enfin
certaines glandes anales peuvent se développer considérablement et fournir un liquide qui est un
moyen de défense de l'animal; tel est le cas du Bombardier [Brachinus crépitons, Coléoptère
qui lance un liquide infect lorsqu'il est attaqué; tel est le cas aussi de la poche du noir de
Gastéropodes.
INTESTIN.
i03
Mammifères, la muqueuse est creusée de cryptes, les glandes de Lieuerklun, dont les
cellules contiennent dos grains spéciaux, les grains de Panetii, les cellules ciliées ne
contenant pas de granulations, il semble là que le travail se soit divisé, mais chez
d'autres animaux, les cellules sont souvent bourrées de grains. C'est ce que l'on
observe dans les cellules liépato-pancréati<iues des Crustacés et des Mollusques et dans
l'intestin de nombreux Invertébrés.
Lorsque lé protoplasma n'est pas encombré de grains, de vacuoles, de boules grais-
seuses, il se présente sous un aspect assez homogène, souvent finement strié dans le
sens de la cellule; cette striation, qui parfois, comme chez les Crustacés, devient très
marquée, s'étend entre le noyau et le plateau. Au-dessous du noyau, le protoplasma
est, le plus souvent, compact.
Le noyau n'offre rien de particulier ; il présente parfois un gros nucléole nucléinien.
Ce nucléole, qui est surtout bien développé chez les Crustacés, donne naissance dans le
protoplasma, par excrétion d'une partie de sa substance, à une sorte de boule, le para-
some, ou pyrénosome (Vicier, Launois, Guieysse); cette boule vient se placer sous le
plateau, etGuiEvssK pense que, dans ces cellules très longues, sa présence est nécessaire
l^^^y^ |dMM^^^^■l4^''MMml^
FiG. 76.
Cellules épithéliales do l'intestin chez les Mammifères. (D'après Bkanca).
sous le plateau, comme celle du noyau est nécessaire à la base; le pyrénosome en serait
une émanation et remplirait probablement le même rôle.
Dès que la cellule absorbante est bien individualisée, elle se recouvre toujours d'un
pinceau de cils. Ceux-ci se présentent avec des aspects très divers; tandis que chez les
Vertébrés, les Crustacés, etc., ces cils sont très courts et serrés les uns contre les autres,
réunis même par une substance homogène, chez des animaux plus inférieurs (Vers de
terre, Distomes, etc.), ils sont longs et séparés. L'explication de ces formations a donné
lieu à des interprétations très diverses; c'est ainsi que, pour ce qui est de l'intestin
des Vertébrés, étant donnée la difficulté de bien voir les cils séparés les uns des autres,
on a décrit longtemps ce plateau comme étant formé d'une substance homogène
percée de pores très fins; cette opinion, qui était celle de R.a.nvier et par laquelle on
avait cru pouvoir expliquer assez facilement l'absorption, est maintenant totalement
abandonnée devant la netteté des images obtenues à l'aide de meilleures fixations et
de coupes plus fines. D'autre part, chez un très grand nombre d'Invertébrés, on a décrit
souvent les cellules intestinales comme étant recouvertes par des cils vibratiles; ces
cellules sont effectivement recouvertes de longs cils très fins; mais ces cils sont-ils réel-
lement vibratiles? d'accord avec Prenant, qui a étudié à ce point de vue les cellules
intestinales de la Douve du foie, il nous paraît difficile d'accorder à un épithélium
intestinal des cils vibratiles, et, comme lui, nous dirons que l'on ne peut qualifier de
cils vibratiles que les appendices que l'on voit se mouvoir rapidement.
Ces plateaux striés, brosses ou cils, quel que soit l'état sous lequel ils se présentent,
sont des formations absolument identiques, ne dilTérant que par leurs dimensions et la
présence en plus ou moins grande abondance de substance intermédiaire. Ils ont de
très grands rapports de structure avec les cils vibratiles, et présentent à peu près la
même disposition : ils sont implantés sur la cellule par l'intermédiaire d'un grain très
fin; l'ensemble de ces grains, placés tous exactement au même niveau, prend l'appa-
504
INTESTIN.
rence d'une ligne continue, et ce n'est qu'avec de très forts grossissements, et seulement
dans quelques cas, que Ton peut arriver à décomposer cette ligne en ses éléments. Sur
les coupes, on voit de chaque côté de cette ligue, un gros point; c'est la ligue de sépa-
ration des cellules, ligne qui forme sur des préparations vues à plat des traits hexago-
naux délimitant les cellules; c'est ce que l'on appelle le cadre cellulaire ou Kittleisten.
Au-dessous, se trouve une zone mince de protoplasma homogène finement grenu ; puis
FiG. 77.
Cellules intestinales à' Ascaris megalocephala. (D'après Prenant).
une bande sombre sous-basale, dans laquelle arrive tout un système de fibrilles fines
qui ont été étudiées, chez les Vertébrés, par Heidenhain et que cet auteur a considérées
comme des tonofibrilles ; elles forment un côue tordu en un demi-tour de spire, dont
la base correspond à la bande sombre et dont la pointe vient sur l'un des côtés du noyau
et le dépasse légèrement. Chez les Crustacés, dans l'hépato-pancréas.ces fibrilles sont,
sur quelques cellules, fortes et épaisses ; après la coloration à l'hématoxyline au fer, les
cellules qui les contiennent aussi développées tranchent par leur aspect noir sur les
cellules voisines.
Pour terminer cette étude de la cellule absorbante, nous dirons encore que l'on a
INTESTIN.
505
signalé dans la zone apicale des canalicules de HoLMr.RKN et des filaments ergasto-
plasnîi(iues, acidophilcs, contournés en anse.
Les cellules sont très intimement unies entre elles dans toute leur partie supérieure,
mais à partir de la zone moyenne, elles sont plus ou moins écartées et réunies par des
ponts intercellulaires. Il y ainsi entre elles des espaces qui, comme nous le verrons eu
étudiant le mécanisme de l'absorption, servent de chemin aux matières absorbées.
Comme nous lavons dit plus haut, C(;s éléments ne sont pas les seuls que l'on observe
dans l'épithélium intestinal; entre les cellules pn'cédentes, en plus ou moins grande
quantité, suivant l'animal observé et la région de l'intestin que l'on étudie, se voient
des cellules en forme de verre à pied, dites cellules caliciformes. Ces éléments peuvent
être considérés comme des glandes unicellulaires; leur produit de sécrétion est du
mucus. Leur forme, comme nous venons de le dire, est celle d'un verre à pied; le pied
FiG. "y.
Cellules de rhéi)ato-pancréas d'un Crustacé [Galathea strigosa). (D'après Guieysse)
A, Cellules à plateau strié du tj'pe intestinal; B, Cellules à grandes vacuoles.
est formé de protoplasma contenant un noyau, généralement plus petit et plus sombre
que le noyau des cellules à plateau. Le gobelet qui surmonte le pied est parcouru par
de fines travées protopiasmiques et rempli de mucus; le mucus est facilement recon-
naissable par les réactions appropriées; il déborde parfois la cellule, et forme au-dessus
d'elle une sorte de bouchon.
Nous verrons plus loin, en étudiant l'intestin des Vertébrés, que, chez ces animaux,
il y a encore des cellules lymphatiques interposées entre les cellules épithéliales.
La muqueuse intestinale présente ce fait assez général d'augmenter sa surface d'ab-
sorption dans d'énormes proportions, au moyen de plis (valvules conniventes chez les
Mammifères, valvule spirale de certains Poissons, etc.), et de saillies ou villosités. Pour
montrer combien la surface est ainsi augmentée, nous citerons ces calculs dé Sappey :
« La muqueuse de l'intestin grêle, dont la longueur est de 8 mètres chez l'homme lors-
qu'elle n'est pas déplissée, et de 13 mètres, lorsque ses valvules conniventes sont dédou-
blées, s'élèverait à 26 mèti'es, si nous pouvions étaler ses villosités comme nous étalons
ses valvules conniventes. En multipliant cette longueur par la circonfér-fuce moyenne
de l'intestin grêle, qui est de 8 centimètres, on reconnaît que la surface libre de la
tunique muqueuse équivaut à plus de 20 000 centimètres carrés, et que son étendue
superficielle, par conséquent, est plus grande que celle de l'enveloppe cutanée. » Ce fait
506
INTESTIN.
est à peu près général : que ce soit par des valvules conniventes ou spiralées, par des
villosités, par des plissements divers, la muqueuse intestinale est toujours beaucoup
plus grande que l'enveloppe extérieure qui la contient,
La muqueuse de Tintestin repose sur un chorion rempli le plus souvent de cellules
lymphatiques ; elle est doublée d'un système plus ou moins compliqué de fibres mus-
culaires lisses, sauf chez les Arthropodes, où les fibres lisses sont à peu près inconnues
et où la plupart des fibres musculaires y compris celles de l'intestin sont striées.
Enfin l'intestin est recouvert par une séreuse chez les animaux qui présentent une
cavité générale ou cœlome.
Anatomie comparée de Tintestin. — La disposition de l'intestin varie suivant les
animaux dans d'assez larges proportions ; de plus, comme nous l'avons déjà dit, la sur-
.^gglf!Sf iiffe 0^^ _ (mm'f...
^
.*,:■ ';.^^
Fk;. 79.
Cellules intestinales de la Salamandre {Salamandra maculosa). (D'après Prenant).
face absorbante ne correspond pas toujours à ce que l'on appelle l'intestin. Nous
allons donc passer en revue la disposition et la structure du tube digestif chez les ani-
maux en commençant par les plus inférieurs et en terminant par les Mammifères
et l'homme, que nous étudierons un peu plus en détail. Nous laisserons de côté dans
ce chapitre les Protozoaires, car, chez ces animaux, il n'y a pas de tube digestif, mais,
dans le chapitre de l'absorption, nous les étudierons, on touche là, en efTet, grossière-
ment, si je puis m'exprimer ainsi, au phénomène de l'absorption réduit à sa plus
simple expression.
Dès que le blastoderme s'est développé en gastrula, l'intestin existe; sa paroi est
formée parle feuillet interne, l'endoderme, et la cavité interne prend les noms d'intestin
primitif, gasler, progasfer, entéron, archentéron, cœlentéron; cet intestin primitif
s'ouvre à l'extérieur par le protostome o\i blastopore. C'est la disposition que l'on observe
chez les Cœlentérés; chez ces animaux, la cavité intestinale est la cavité du corps, plus
ou moins compliquée et cloisonnée, mais ne communiquant avec l'extérieur que par
une seule ouverture, "parfois plus ou moins cloisonnée. Chez l'Hydre d'eau douce, Hydra
viridis, nous n'avons affaire qu'aune cavité en doigt de gant dont les parois sont recou-
vertes par de hautes cellules; ces éléments renferment des grains qui témoignent de
INTESTIN. 507
leurs fonctions sécréloires'. On voit que ce n'est là qu'un véritable intestin primitif, un
ca'leate)'on,eice mot, rapproché du nom de l'embranchement, est des plus suggestifs.
Cependant, déjà chez ces êtres, nous voyous apparaître ces plissements de la muqueuse
dont nous avons parlé plus haut, et qui iront en s'accentuant de plus en plus dans
l'échelle des êtres. Chez les CoraUiaires, les Actinies, etc., la cavité présente en effet
des replis en nombre déterminé ; il y en a G ou un multiple de 6 chez les Hexactiniaires,
huit ou un multiple de huit chez les Oclactiniaires.
Dans toute celte grande famille des Cœlentérés, malgré la diversité des individus,
l'intestin reste toujours une large cavité centrale; il ne varie que par quelques dispo-
sitifs secondaires, ainsi chez les Méduses [Rhizostomes), la cavité communique avec
l'extérieur par un grand nombre de petits orilices périphériques. Chez les Siphonophores,
la fonction nourricièie est dévolue à quelques bourgeons de la colonie, les gastrozoïdes,
qui sont de petits tubes courts, munis d'une ouverture buccale; cette ouverture ne pré-
sente jamais de couronne de tentacules, mais à sa base existe un long filament pré-
hensile.
L'endoderme revêt toute la cavité gastrique, et les canaux intérieurs des tentacules,
il est formé de plusieurs sortes de cellules : des cellules épithélio-musculaires, qui se
composent d'une cellule prismatique dont la base s'étale en libres lisses, fusiformes ; de
cellules glandulaires, contenant des granulations nombreuses, ces deux espèces de cel-
lules portent un ou plusieurs flagellums; des némaloblastes ou cellules urticantes; et
enfin des cellules interstitielles, petites cellules placées entre les autres, qui n'atteignent
pas la surface et qui seraient des éléments de remplacement.
Chez les Écldnodermes, nous voyons apparaître un véritable intestin, dont les cellules
sont ciliées et bourrées de granulations : il existe le plus souvent une ouverture buccale
et une ouverture anale, sauf chez les Ophiurides, les Euvijales et quelques Astéries. Chez
ces animaux, nous avons encore affaire à un cœlentéron; mais, chez les Oio'sms, c'est un
véritable tube digestif, régulier, bien calibré, divisé (un peu arbitrairement) en œso-
phage, estomac, intestin et rectum. Chez les Astéries, c'est une poche courte et large, mais
prolongée dans chaque bras par de longs culs-de-sac multilobés. A propos de cet animal,
je signalerai ce fait curieux qu'il n'ingère pas les aliments dont il se nourrit, mais qu'il
évagine son tube digestif contre eux, les digère ainsi et les absorbe à l'extérieur. Chez
les Holothuries, c'est un long tube replié représentant environ trois fois la longueur de
l'animal et sur lequel, chez certaines espèces, s'abouchent près de l'anus des cœcums,
des tubes acineux appelés les oryanes de Ciivier.
A partir de cet embranchement, sauf chez quelques Vers, le tube digestif sera toujours
ouvert à deux extrémités; on y voit apparaître des régions glandulaires, qui s'isolent
en glandes annvexes; d'abord ouvertes largement dans sa cavité, ces glandes s'isolent
ensuite et ne communiqueront plus avec l'intestin que par d'étroits canaux excréteurs.
C'est de celte façon que se forment le pancréas et le foie qui, chez les Vertébrés, sont
complètement séparés de l'intestin. Ainsi, chez les Bal anoy lasses, l'intestin est droit, et
présente vers son milieu une région dite hépatique, où s'abouchent de courts diverti-
cules sacciformes. Le tube digestif est divisé en bouche, pharynx, estomac et intestin;
la muqueuse de l'estomac qui correspond à la région hépatique est jaune verdâtre; elle
est formée de grandes cellules ciliées contenant des granulations; dans l'intestin, la
muqueuse est plissée.
Chez les Brijozoaires, l'intestin très court fait suite à un large estomac et à un œso-
phage; l'épithélium est bas et incolore dans l'œsophage et l'intestin; dans l'estomac,
les cellules sont très élevées, chargées de granulations allant du jaune au rouge et au
brun; c'est un épithélium glandulaire, mais capable aussi d'absorber; il est partout
cilié, mais les cils sont rares dans le cul-de-sac stomacal.
1. A propos de cet animal je rappellerai qu'à la suite des expériences de Trembley, savant du
xviir siècle, on avait prétendu que les cellules de la cavité intestinale étaient si peu différenciées
de celles de la peau, qu'on pouvait retourner l'animal sur lui-même et que, de cette manière, les
cellules de l'extérieur, devenant intestinales, absorbaient les matières alimentaires et les digé-
raient; l'animal n'aurait pas été troublé par cette opération. Des expériences mieux conduites
ont montré que cette adaptation ne se fait pas et que, si les cellules ne peuvent se remettre en
place, l'animal meurt rapidement.
508 INTESTIN.
Parmi les Vers parasites, un très grand nombre d'entre eux sont totalement dépour-
vus d'appareils digestifs; ce sont les Cestodes qui, vivant au contact du bol alimentaire
de leur hôte, absorbent la nourriture par leur épithélium ectodermique; nous voyons
que, dans ce cas, l'ectoderme peut remplacer l'endoderme; chez d'autres vers parasites,
tels que les Trcinatodes, l'intestin existe, mais nous revenons au type primitif, au cœ/en-
teron : il n'y a pas d'anus; la bouche conduit dans un pharynx musculeux, puis dans un
œsophage plus ou moins allongé qui se continue avec un tube digestif bifurqué, fré-
quemment ramifié. Les branches sont terminées en cul-de-sac et tapissées d'épithélium ;
la paroi contient souvent des fibres musculaires et est contractile. Bien que les Tiirbel-
lariés ne soient pas parasites, leur tube digestif est construit sur le même plan et ne pré-
sente pas d'anus. Chez les ^'êmertes le tube digestif est droit et muni d'un anus, en
avant il se prolonge par une trompe protractile. Chez les Nématodes parasites, à l'œso-
phage fait suite un large canal digestif terminé par un anus situé sur la face ventrale,
non loin de l'extrémité postérieure ; chez certains de ces animaux, les cellules sont
remarquablement grandes et belles, nous en avons donné un exemple (fig. 77) en
figurant les cellules intestinales d' Ascaris mcgalocepliala. Dans la portion terminale
de l'intestin, qui constitue un rectum plus ou moins distinct, on trouve des fibres
musculaires à la face externe de la paroi. Chez les Hotifèrcs les organes digestifs sont
très simples; l'orifice buccal conduit dans un pharynx large, armé de mâchoires,
auquel fait suite un vaste intestin stomacal à grosses cellules ciliées. A l'entrée de cette
partie du tube digestif s'abouchent deux glandes (salivaires ou pancréatiques); l'intestin
stomacal se continue par un intestin grêle et un intestin terminal qui débouche sur la
face dorsale de la partie antérieure du corps. Chez quelques-uns [Ascamorpha et
Asplanchna) ces parties manquent, le tube digestif se termine en un cul-de-sac.
Chez \eS Gcpliyricns, le tube digestif est généralement très long, beaucoup plus
long que le corps; il décrit de nombreuses circonvolutions, s'enroule sur lui-même et
revient s'ouvrir par un anus, ordinairement dorsal, très rapproché de l'extrémité anté-
rieure du corps.
Chez les Annélides, l'intestin est intéressant on ce que sa surface d'absorption n'est
pas augmentée par sa grande longueur comme chez les animaux précédents, mais bien
par une série de diverticules correspondant à peu près aux métamères. ChejAes llivudinés
par exemple, l'intestin, situé dans l'axe longitudinal du corps, est ])arfois divisé par des
étranglements en nombre égal aux anneaux, ou bien présente un nombre plus ou moins
considérable de ca?cums pairs et aboutit dans un rectum court, parfois également
pourvu de dilatations, qui débouche au pôle postérieur près de la ventouse. Chez les
Chétopodes, la disposition est la même; ainsi chez un Polychète, Aphrodite aculcata, la
disposition en caecums latéraux est poussée au plus haut point : chaque caicum, assez
large, communique avec l'intestin par un canal relativement étroit ; toutes ces parties
sont recouvertes de hautes cellules ciliées bourrées de granulations. Chez les Lumbricus
(Oligochètes), l'intestin présente, suivant le milieu de sa face dorsale, un repli ou
typhlosolis; c'est une invagination tiibuleuse assez comparable aune valvule en spirale.
Dans le vaste embranchement des Arthropodes, nous trouvons des dispositions très
variées et qui s'écartent considérablement de la forme commune de l'intestin. Nous avons
déjà mentionné plus haut ce qu'il fallait admettre pour l'intestin chez les Crustacés
malacostracés; pour ces animaux, c'est par l'étude de la cellule que l'on a pu arriver à
localiser l'organe où se fait l'absorption. Nous prendrons comme type la Langouste :
chez cet animal, un très court œsophage conduit dans un assez large estomac dont les
parois épaisses sont recouvertes de plaques de chitine. Un long intestin rectiligne part
de l'estomac, parcourt l'abdomen et va s'ouvrir à l'anus; cet intestin est très musculeux
et présente un nombre constant de colonnes (douze) à sa surface intérieure; dans ces
colonnes se trouvent des libres striées longitudinales et une couche transversale entoure
toute sa circonférence. Il est revêtu d'une rangée de cellules simples recouvertes d'iane
épaisse couche de chitine. A l'union de l'estomac et de l'intestin se trouve un petit
caecum, le cœcum dorsal, dont les cellules sont du type intestinal absolument caracté-
ristique, éléments longs à beaux noyaux recouverts d'un plateau en brosse. Au même
endroit, latéralement, viennent s'aboucher deux canaux qui conduisent dans un vaste
organe double, l'hépato-pancréas, l'organe entérique de Gcjieysse. La structure de cet
INTESTIN.
i09
organe prouve surabondamment son rôle intestinal. Il se compose d'une infinité de
tubes qui se divisent dicliotomiquement et finalement se terminent en ctecums. La
lumière de ces tubes est irrégulièrement festonnée, non par la formation do piliers
valvulaires, mais par des tlilTérences régulières de taille des éléments qui les recouvrent
intérieurement. Ces éléments sont des cellules intestinales absolument typiques sem-
blables à celles duca'cum dorsal. Entre elles se trouvent d'autres éléments qui semblent
fort différents, mais qui, par leur développement, se rapportent facilement au même
type. Ce sont des cellules qui sont généralement disposées en groupe et qui ont leur
extrémité distale transformée en une immense vacuole recouverte par le plateau strié
FiG. 80. — Tube digestif Je Protoptorus annectens. (D"apr6s \Viedersheim).
I, tubo digestif ouvert pour montrer la valvule spirale; 1, estomac ; 2, intestin.
et remplie d'une matière plus ou moins coagulée. Nous verrons au chapitre de l'ab-
sorption le rôle que Guieysse a cru pouvoir attribuer à ces cellules.
Cette disposition de l'intestin et de l'organe entérique est poussée au point extrême
chez les Langoustes, Homards, Crabes, Maïas, etc.; elle est moins prononcée chez les
Crevettes où l'intestin est recouvert de cellules intestinales sur une grande longueur.
Chez les Stomatopodes, l'intestin est aussi absorbant, l'hépato-pancrt-as, composé des
mêmes éléments que chez les Décapodes s'étend en longueur sur les deu.x côtés de
l'intestin. Chez les Isopodes, l'intestin est absorbant, l'hépato-pancréas est formé de
deux ou trois paires de tubes ; les cellules sont ici de taille colossale.
Chez [c&Entoinostraccs,\aL structure est beaucoup moins compliquée; le tube digestif
est le plus souvent un tube simple, sans circonvolution; mais, chez des Copépodes
nageurs, Guieysse a observé que des cellules à grandes vacuoles se rencontrent en
nombre plus ou moins considérable dans la région moyenne, qui s'élargit souvent en
une poche assez large
510
INTESTIN.
Chez les Arachnides, le tube digestif est droit, mais présente de longs cœcums ; cette
disposition est particulièrement remarquable dans le groupe des Pantopodes où les
caecums vont jusqu'au bout des pattes. Il y a lo plus souvent un volumineux hépato-
pancréas. Chez les Scorpions, cet hépato-pancréas est situé comme chez les Crustacés,
mais communique avec l'intestin par un grand nombre de canaux.
Chez les Insectes, à l'œsophage et au jabot (intestin antérieur) succède un intestin droit
ou flexueux dont la structure est variable et répond au mode d'alimentation. Il se compose
d'abord d'une poche, le ventricule chylifique ou intestin moyen qui reçoit souvent un
grand nombre de glandes digestives; ensuite vient l'intestin postérieur divisé lui-même
en iléum et rectum. A la limite du ventricule chylifique et de l'intestin terminal
Fie. 81.
Escargot. — 1, pliarynx; 2, œsopliagc; 3, glandes salivaires ; 4, estomac ; 5, lobe du foie; C, iutestin;
7, anus ; 8, intestin terminal ; 9, intestin moyen ; 10, lobe du foie.
s'abouchent des tubes filiformes appelés tubes de Malpighi; ces tubes seraient des
organes urinaires.
L'intestin antérieur et l'intestin postérieur sont d'origine eclodermique et recouverts
d'une couche de chitine. Seul l'intestin moyen a un rôle digestif; sou épitliélium est
formé de cellules hautes recouvertes d'un plateau; ces cellules, disposées en groupe, sont
séparées par des amas d'éléments plus petits; d'après R.\tch et Frenzel, ces dernières
seraient glandulaires; les grandes serviraient seules ù l'absorption.
De même que chez les Crustacés, l'intestin des Mollusques est presque toujours
accompagné d'un volumineux hépato-pancréas, et, au moins pour les Céphalopodes, on
sait, depuis les travaux de Cué.xot, que c'est dans cet organe que se fait l'absorption..
Chez tous les animaux de cet ordre, le tube digestif proprement dit est recouvert de
cellules à cils vibratiles, mais les cellules hépato-pancréatiques sont recouvertes d'un
plateau strié. Elles ont de très grandes ressemblances avec les cellules hépato-pancréa-
tiques des Crustacés; comme chez ces animaux, on y trouve des cellules à grandes
vacuoles et des cellules bourrées de granulations.
On distingue toujours, chez les Mollusques, trois régions nettement séparées : l'in-
teslin buccal, l'intestin moyen et l'intestin terminal; c'est à l'intestin moyen que se
INTESTIN.
511
trouve annexé riiépalo-pancréas.Chez quelques-uns, l'hépato-pancréas n'est pour ainsi
dire pas séparé du tube digestif, par exemple chez le Dentale {Scapkopode), l'intestin
moyeu forme une anse où vient s'aboucher directement un hépato-pancréas volumineux
dont les nombreux lobes sont groupés en deux masses paires. Chez d'autres, les Éolidiem
[Opistobranches], il n'y a que des diverticules hépatiques qui pénètrent jusque dans les
papilles du corps; cet animal olïre ce phénomène curieux de présenter dans cette région
des nérnatocystes analogues à ceux des Cœlentérés. Longtemps on a cru qu'il s'agissait
de formations semblables, mais Cuknot a montré nettement que sont les nérnatocystes
des polypes dont l'animal fait sa nourriture qui entrent dans les diverticules hépatiques
et sont phagocytés sans être déchargés par les cellules; il se pourrait même que l'ani-
mal puisse encore s'en servir comme moyen de défense.
Chez les Céphalopodes, à l'union des canaux et de l'intestin, on observe un cœcum
FiCt. 82.
Poulpe. — l, glandes salivairos supérieures; 2,resopliago; a, caecum supérieur; 4, jabot; 5, estomac; 6, cfecum
spiral; 7, 7', glandes salivaires inférieures ; 8, pancréas; 9, foie (hopato-pancréatiques ; 10, intestin.
souvent enroulé sur lui-même, le Ciocum spiral; c'est là, d'après Cuénot, que se ferait
l'alisorption des graisses.
Chez quelques Gastéropodes parasites, le tube digestif disparaît par atrophie. Chez
Ealocolax, la disparition est totale ; chez Entocoucha, il en reste encore quelques ves-
tiges.
Nous en aurons terminé avec les Invertébrés en étudiant le tube digestif des Pro-
chordés, les Tuntciers et VAmphioxus qui sont, on le sait, le trait d'union entre les Inver-
tébrés et les Vertébrés. Chez les Tunicieni l'œsophage s'ouvre dans un estomac ovoïde,
court, d'où part un intestin cylindrique formant une anse. Dans l'œsophage et l'intestin,
l'épithélium est cilié, dans l'estomac il est, en partie cilié, en partie glandulaire. De
plus, il existe un organe formé de tubes ramifiés qui se répandent sur l'intestin ; nous
avons montré plus haut que Delage et Hérouard pensent que cet organe pourrait être
un appareil absorbant.
Chez VAmphioxus, le tube digestif est droit ; il débute par un énorme pharynx ou
512
INTESTIN.
estomac qui donne accès dans un vaste caecum hépatique et se continue par un intestin
de même lont^ueur. Les cellules de l'estomac et du c.Tcum hépatique sont remplies de
granulations verdAtres; celles de l'intestin sont hautes et minces, elles sont munies d'un
cil vibratile et ne contiennent pas de granulations.
Nous arrivons maintenant aux Vertébrés. Là, il n'y a plus aucune hésitation possible
pour reconnaître dans l'intestin l'organe unique de l'absorption ; le foie et le pancréas
en sont complètement séparés et ne communiquent plus avec lui que par d'étroits
canaux qui déversent la bile et le suc pancréatique ; l'intestin est nettement séparé aussi
de l'estomac, et, si sa première partie, le duodénum, est encore un organe où les aliments
subissent l'action de sucs digestifs, tout le reste travaille à l'absorption, puis" à l'éva-
cuation du bol fécal.
Chez les Poissons, l'intestin est encore assez court ; parfois, il est droit ; d'autres fois.
Kig. 83.
Perche. — 1, pylore; 2, estomac:
3, intestin grêle; 4, foie; 5, appen-
dice pylorique ; C, ampoule rectale ;
7, anus.
FiG. «I.
Grenouille. — 1, vésicule bilaire; 2, foie;
3. pancréas; 4, intestin grêle ; 5, ves-
sie; 6, estomac: 7, rectum; 7, ovi-
dncte.
il ne décrit que de simples courbures; mais dans d'autres cas aussi, il forme de véritables
circonvolutions ; il est séparé de l'estomac par un pylore très musculeux dans l'intérieur
duquel se trouve une valvule; immédiatement au-dessous de cette valvule, on trouve
fréquemment des appendices terminés en cul-de-sac, en nombre variable, les appendices
pyloriqucs. Ces organes, tantôt simples, tantôt ramifiés, ne semblent jouer d'autre rôle
que d'augmenter la surface absorbante. La surface interne de l'intestin est parcourue
par des plis longitudinaux ; on y observe rarement de véritables villosités comme celles
des Vertébrés supérieurs, mais, chez les Sélaciens, les Ganoïdes et les Dipnoïques, on
remarque la présence d'une formation très curieuse destinée à augmenter la surface
d'absorption; c'est un repli longitudinal contourné en spirale, sorte de vis d'ARCHiMÈoE,
la valvule spirale ; le bol alimentaire est forcé de parcourir ses tours de spire et, de
cette façon, son cheminement à travers l'intestin est très long. Le rectum ne se diffé-
rencie pas partout nettement; quand il existe, il est court; chez les Sélaciens, il est
pourvu d'un appendice cœcal, et s'ouvre avec les conduits génitaux dans un cloaque ;
chez les autres Poissons, l'anus est isolé. La structure est maintenant celle que nous
trouvons chez tous les Vertébrés : une muqueuse recouverte de cellules à plateau en
INTESTIN.
513
brosse et de cellules caliciformes, reposant sur un derme de tissu conjonctif réticulé ;
une musculeuse et une séreuse.
Chez les Ampliibiens, l'intestin présente des circonvolutions ; il y a toujours un in-
testin {^rêle et un gros intestin; ce dernier débouche dans le cloaque avec la vessie et
les conduits génitaux. Chez les Reptiles, la disposition est la même ; l'intestin grêle
n'offre en général que peu de circonvolutions ; il est plus ou moins court suivant que la
nourriture est plus ou moins animale; chez les Tortues terrestres, seulement, qui vivent
de matières végétales, la longueur dépasse de six à huit fois celle du corps. Le gros in-
FlG. 85.
Poule. — 1, estomac ; 2, jabot ; 3, foie ; 4, estomac : 5, cholédoque ; 6, gésier ; 7, pancréas ;
8, duodénum; 9, intestin grêle; 10 et 10', caecums; 11, rectum; 12, cloaque.
lestin, très large, présente dans la règle une valvule annulaire, parfois aussi un caecum
et aboutit à un cloaque.
Chez les Oiseaux, l'intestin grêle débute par un duodénum séparé du pylore par une
valvule : chez quelques Échassiers et quelques Palmipèdes, cette portion forme une sorte
d'estomac accessoire, l'intestin grêle entoure par sa première circonvolution le pancréas
dont les canaux excréteurs, ainsi que ceux du foie (au nombre de deux généralement),
débouchent dans cette région. A partir de ce point, il ne décrit que des sinuosités peu
prononcées et se continue avec le gros intestin dont il est séparé par une valvule annu-
laire ; à ce point s'abouchent deux longs caecums. L'intestin grêle atteint à peu près deux
à trois fois la longueur du corps; quant au gros intestin, il reste toujours très court,
excepté chez l'Autruche, et se termine dans le cloaque. En ce point, il offre un repli
annulaire qui représente un sphincter. Un sac glandulaire allongé, appelé Bourse de
Fabricius^ s'ouvre dans la paroi postérieure du cloaque.
DICT. DK PHYSIOLOGIR.
33
Sll
INTESTIN.
Chez les Mammifdres, l'iiiteslin grôle comprend le duodénum assez court (12 travers
de doigt, chez l'homme, HérophileI et le jt^juno-iiéon ; il s'abouche au gros intestin, plus
ou moins long, sur le côté, par la valvule iléo-cœcale ; au-dessous de cette valvule se
trouve une poche plus ou moins grande, le cœcum ; le gros intestin prolonge le crecum
sans limites précises et prend le nom de côlon (chez l'homme trois portions, ascendante,
transverse et descendante) et se termine par le rectum qui s'ouvre à l'anus.
Sur le cœcum se greffe, chez l'homme, un autre petit cœcum, l'appendice ih'îo-cœcai,
qui en est une partie atrophiée, ainsi qu'on peut s'en rendre compte par le développe-
ment. La grandeur du cœcum est en rapport avec l'alimentation ; chez les Herbivores,
il est énorme ; chez les Carnivores, il est absolument rudimentaire. Chez l'Homme et les
Singes anthropoïdes, le cœcum est de moyenne taille ; pendant la période embryonnaire,
il ne présente pas d'appendice et il est relativement long, mais le développement se fait
Fu.. 86. — Turbot.
1, p.incréas; 2, duodénum; 3, vésicule biliaire; 4, Cîecuni i)yloriquc; 5, canal licjiatiijuc ; 0, cliolédoi|UC
.foie.
inégalement et tandis que la partie supérieure se développe suivant le calibre du reste
du gros intestin, la partie inférieure subit un arrêt de développement, se rétrt*rit et ne
forme plus qu'un petit tube cylindrique qui est l'appendice.
Le duodénum se distingue de l'intestin grêle par une assez grande fixité et par son
calibre un peu supérieur; cette disposition est très caractérisée chez certains Mammi-
fères, où le duodénum présente près du pylore une dilatation en forme de poche qui
ressemble à un véritable estomac accessoire (Marsouin, Chameau, Lama). Le calibre du
reste de l'intestin est à peu près constant.
La longueur de l'intestin grêle est en général supérieure à la longueur du gros in-
testin ; mais cette longueur est elle-même subordonnée au genre d'alimentation de
l'animal. Les Carnirores ont un intestin très court ; comparée à la longueur du corps
de l'animal, ^cette longueur est de trois pour le Lion, de cinq pour le Loup ; l'intestin des
Herbivores est au contraire très long, il est par exemple de dix pour le Cheval, de dix-
huit chez la Chèvre et de vingt-huit pour le Mouton ; l'Homme a un intestin de longueur
intermédiaire, de six à sept, qui correspond bien h son genre de nourriture mixte.
On voit par ce tableau que chez les Herbivores, Solipèdes ou Ruminants, le tube di-
gestif a une capacité énorme par rapport à celui des Omnivores et des Carnivores.
INTESTIN.
515
L'énorme masse des aliments ingérés par les Herbivores, la durée de temps qu'exif^e
la digestion de ces aliments expliquent assez la capacité considérable du tube digestif
de ces animaux.
Structure de l'intestin. — Étant donné l'intérêt tout particulier que présente l'intes-
tin chez l'Homme, c'est chez ce type de Mammifère que nous étudierons sa structui-e
histologique.
Examinée par sa face interne, la surface intestinale présente une couleur gris rosé
rougeàtre pendant la digestion, souvent colorée en brun par la bile. Comme toujours
elle augmente sa surface par un grand nombre de replis transversaux qui occupent les
I>a])in.
Via. 87.
1. Foie; 2, cholédoque ; 3, pancréas ; 4, duodénum; 5, estomac.
trois quarts ou plus de la muqueuse intestinale, nous avons donné plus haut les calculs
de SAPPEYà ce sujet: ce sont les valvules conniventes, décrites par F.^llope et Kerkring^
La portion initiale du duodénum u'en présente pas : elles commencent à apparaître dans
la portion descendante. Elles cessent à 60 ou 80 mm. de la valvule iléo-cœcale ; leur
hauteur est de 6 à 8 mm. De place en place se trouvent des plages unies qui corres-
pondent aux plaques de Peyer, organes lympboïdes dont nous étudierons plus loin
la structure; ces plaques sont tantôt lisses, tantôt gaufrées ou plissées. Elles sont
formées par la réunion de petits grains lymphoïdes, les follicules clos follicules-
agminés) : mais un peu partout on observe aussi de ces petits grains solitaires formant
de petites saillies arrondies du volume d'une tète d'épingle.
A la loupe, la surface intestinale présente un aspect velouté qui e.st dû à la présence
en quantité considérable, d'une foule de petites saiHies : ce sont les villosités; elles,
s étendent depuis la valvule pylorique jusqu'à la valvule iléo-c;ecale. Sappey en a décrit
516
INTESTIN.
deux types: les villosités lamelleuses ou aplaties et les villosités cylindriques ou digi-
tifornies; les premières existent seules sur le duodénum, les secondes prédominent
sur tout le reste. D'après Bujard et Fusari, la forme des villosités serait en rapport avec
l'alimentation de l'animal; très variables chez l'homme, elles affectent la forme de
crêtes chez les herbivores et elles sont cylindroïdes chez les carnivores.
Entre elles se voient une infinité de petits trous ; ce sont les ouvertures des glandes
de LlEBERKUHN.
Examiné en coupe, au microscope, l'intestin se divise en quatre couches: ce sont, en
allant du dedans au dehors, la muqueuse, la tunique sous-muqueuse ou celluleuse, la
tunique musculeuse et la tunique séreuse.
|o Muqueuse. — La muqueuse est limitée dans la profondeur par une couche de fibres
musculaires lisses, la muscularis mucosae : elle est formée par un chorion conjonctif re-
couvert par répithélium absorbant. Cet épithélium est constitué par une rangée des
cellules à plateau dont nous avons donné la description au début de cet article ; les
FiG. 88.
Lapin. — 1. pylore; 2, estomac: ^, cardia; 4, duodénum ; 5, 5, colon;0,6', cœcum; ". intestin ; 8, appendice.
cellules sont entremêlées de cellules caliciformes qui occupent principalement le som-
met des villosités. Dans l'intervalle des villosités, l'épithélium plonge en doigt de gant
dans le chorion et forme les glandes de LiEiiF.uKitiN. Celles-ci ne manquent dans
aucune région de l'intestin; leur longueur est de ()'"'°,2:j ù 0'"°",5, dans l'intestin, et
atteint 5 à 7 mm. dans le gros intestin; généralement simples, elles sont assez souvent
bifurquées et même trifurquées. Leur interprétation a donné lieu à des discussions.
BizzozERO n'en faisait point des glandes, mais de simples cryptes formant une couche
génératrice ; on y voit toujours elfectivement un certain nombre de cellules en karyo-
kinèse. Mais PANETH,en y observant des cellules claires, bourrées de grains, dépourvues
de plateau (cellules de Paxeth), montra que ce sont bien réellement des cryptes glan-
dulaires. Il convient toutefois de remarquer que, si les glandes de LieberkChx existent
chez tous les Mammifères, les grains sont plus ou moins constants; ils manquent tota-
lement chez les carnivores, et, chez l'homme, il n'y en a pas dans le duodénum, ni dans
le gros intestin.
Le chorion de la muqueuse forme les villosités, s'insinue entre les glandes de Lie-
BERKïiHN et s'épaissit au-dessous d'elle en un stratum compactum ; il est constitué par du
tissu conjonctif réticulé, extrêmement riche en cellules lymphoïdes ; parmi ces cellules,
les unes sont mobiles et s'avancent jusque dans répithélium, où on les voit même péné-
trer dans l'intérieur des cellules ; ce sont des éléments à noyau contourné avec une
mince lame de protoplasma hyalin ; les autres sont fixes et travaillent sur place (Re-
INTESTIN.
517
nault) ; ces dernières sont de deux sortes : des macrocytcs dont le protoplasma est rempli
de granulations brillantes, analogues aux grains zymogènes.et des cellules rouges, sem-
blables aux cellules rouges de la moelle, à noyau bourgeonnant et contourné en bou-
din; ce sont des éléments pliagocyteurs et destructeurs des globules rouges : on les
rencontre principalement dans les villosités.
Dans les villosités, on constate la présence de nombreuses fibres musculaires lisses,
les muscles de Brlcke. Ces fibres proviennent directement de ](i muscularis mucosse dont
FiG. 89. — Coupe sagittale d'une villosité cylindroïde de l'intestin grêle du chien. (D'après Renault).
e. chyliftre central; a, artère de la villosité; u, veine offérciite ; c, épithélium de revêtement et ses plisse-
ments déterminés par l'action des muscles de Brûckb; s, sillons .répondant aux plis; te, tissu conjonctif
du stroma de la villosité; m, muscles lisses de Brùcke;»i'. insertions des muscles de Brijckb sous
l'épithélinni.
elles sont des émanations. Nous étudierons plus loin la disposition des vaisseaux et des
lymphatiques.
L'épilhélium est séparé du chorion par une très mince membrane vitrée qui est dou-
blée par de grandes cellules rameuses : d'après Weigl, elle serait composée de deux
couches, une pellicule formée par les cellules épithéliales et une couche de fibrilles
conjonctives renfermant des noyaux.
Les follicules clos et les plaques de Peyeh sont constitués exactement de la même
façon; c'est-à-dire qu'une plaque de Pryer représente un grand nombre de follicules
clos réunis (agminés). Le follicule clos est un nodule lymphoïde, piriforme, entouré par
une capsule conjonctive plus ou moins différenciée. II est formé de deux parties: une
zone corticale sombre, où les éléments sont tassés les uns sur les autres, et une zone
centrale plus claire et moins dense. C'est un feutrage de tissu conjonctif réticulé, ren-
fermant dans ses mailles un grand nombre de globules blancs de différentes espèces.
La zone centrale renferme toujours un grand nombre d'éléments en karyotinèse : aussi
518 INTESTIN.
Flemmi.ng el ses élèves la désignent sous le nom de couche germinative. Le follicule clos
poss('de une circulation spéciale ; il est entouré par un système de vaisseaux réticulés
envoyant dans sa profondeur des capillaires qui convergent vers le centre; il y a de
même un réseau lymphatique propre, souvent développé en un véritable sinus entou-
rant le follicule.
Le chorion de la muqueuse est limité, comme nous l'avons dit plus haut, par la
muscularis mucosse ; c'est une couche musculaire formée par deux assises de fibres mus-
culaires lisses; l'une, interne, est circulaire; l'autre, externe, est longitudinale. Cette
couche musculaire est interrompue parles follicules clos qui la traversent et pénètrent
dans la tunique celluleuse.
2" Tunique celluleuse. — La tunique celluleuse est constituée par un feutrage de fibres
conjonctives qui s'entre-croisent dans tous les sens; on y constate la présence d'une
certaine quantité de fibres élastiques.
i° Tunique musculeuse. — La tunique musculeuse se compose de deux plans de fibres
musculaires lisses; le plan superficiel est assez mince, les fibres sont placées longitu-
dinalement; le plan profond est beaucoup plus fort el épais : il est formé par des fibres
circulaires. Ces deux systèmes sont continus dans toute la longueur de l'intestin.
4° Tunique séreuse. — La tunique séreuse est le feuillet viscéral du péritoine; elle
est formée par un endothélium reposant sur une charpente conjonctive.
L'intesUn est très abondamment irrigué par le sang; les artères, naissant de diverses
sources {voir les traités cVanatomie), abordent l'intestin par le bord mésentérique;
elles cheminent d'abord entre la séreuse et la musculeuse. Puis, passant à travers cette
couche, elles arrivent à la couche sous-muqueuse ; là, elles se divisent en branches
rayonnantes formant des sortes d'étoiles qui se rendent aux follicules clos, aux glandes
de LiEBERKi UN et aux villosités. Dans la villosité elles donnent une artère centrale qui
se dirige dans l'axe, et se résout en un réseau de capillaires à mailles étroites; l'endo-
thélium de ce réseau présente ce fait intéressant que ses cellules ne sont pas séparées
les unes des autres : elles gardent les caractères embryonnaires. Les capillaires se réu-
nissent dans deux veines qui suivent le trajet des artères.
Les lymphatiques présentent un intérêt spécial, car ici leur lymphe est particulière :
c'est le chyle absorbé par les cellules; ils portent pour cette raison le nom de chyli'
fères. Ils prennent naissance dans les villosités lamelleuses, sous le réseau capillaire
par des extrémités closes à formes variées, bourgeons ampullaires, doigts de gant,
pointes effilées; dans les villosités digiliformes, on ne voit qu'un large chylifère cen-
tral; ces chylifères se disposent en un réseau sous-muqueux qui reçoit aussi les lym-
phatiques des follicules clos. De ce réseau partent deux ordres de vaisseaux : les uns
vont rejoindre un réseau situé entre les deux couches musculaires; les autres se jettent
dans un réseau sous-séreux développé surtout au bord mésentérique de l'intestin; les
premiers vont aussi rejoindre ce réseau; les chylifères qui se forment à ce niveau se
répandent dans le mésentère, et après avoir traversé les ganglions mésentériques abou-
tissent aux groupes ganglionnaires préaortiques; de là, le chyle gagne \di Citerne de
Pecouet, le canal thoracique et la veine sous-clavière gauche.
Les nerfs proviennent du plexus solaire. Ils se résolvent sous le péritoine en un
réseau, le réseau sous-péritonêal; de là les fibres traversent la couche des fibres longi-
tudinales, et, entre elle et la couche transversale, se disposent en un plexus, le
plexus d'AuERBACH, qui innerve les fibres lisses. Ce plexus est riche en cellules ganglion-
naires multipolaires; chaque nœud est un ganglion. Un certain nombre de rameaux
traversent la couche circulaire et forment dans la couche sous-muqueuse un
deuxième plexus, le plexus de Meissner; les nerfs issus de ce plexus se rendent aux
fibres de la muscularis mucosœ, s'étalent en réseau autour des glandes de Lieberruhn et
iraient constituer dans la villosité un réseau sous-basal à mailles très fines.
Telle est la structure du jéjuno-iléon chez l'homme : le duodénum en diffère légère-
ment par la présence de glandes spéciales, les glandes de Brunner. Ces glandes
s'étendent entre le pylore et l'ouverture des canaux cholédoque et pancréatique
(ampoule de Vater). Elles sont analogues aux glandes pyloriques et l'on pourrait englo-
ber ces deux groupes sous la même dénomination de glandes gastro-duodénales. Ce
sont des glandes tubuleuses ramifiées. Chez l'homme, on peut les diviser en deux
INTESTIN. 51»
espèces: l'une est inlra-muqueuse ou interne, l'autre traverse la muscularis miicosae et
est extra-muqueuse ou externe; leur constitution est d'ailleurs la môme. Ce sont des
glantles séro-mucipares; leur épithélium est formé de cellules claires dont le pied est
replié; le noyau est excavé en forme de cupule, comme celui des cellules glandulaires
des tubes sécréteurs pyloriques.
Le gros intestin diffère de lintestin grêle par l'absence de villosités; les glandes de
LiEHERKi'iiN sont grandes, et souvent bi- et trifurquées, mais elles ne semblent pas avoir
de rôle glandulaire, car on n'y voit pas de cellules d(; Panetii, et, jusqu'au fond, les
cellules sont des cellules à plaleau entremêlées de cellules caliciformes; celles-ci sont
très nombreuses dans le gros intestin.
La musculature est aussi quelijue peu différente, les fibres longitudinales se dis-
posent en trois bandes séparées au lieu de former une couclie continue.
L'appendice iléo-cjccal est un véritable organe lymphoïde, les mailles de son réseau
conjonclif sont gorgées de globules blancs. 11 est principalement actif pendant la période
de croissance, plus tard il s'atrophie, et il est très fréquent de rencontrer des appen-
dices dont la lumière est oblitérée.
Histo-physiologie de l'intestin. — L'intestin, et principalement sa cellule épilhéliale,
étant le siège de l'absorption, a été l'objet de très nombreuses recherches pour arri-
ver à connaître le mécanisme de ce phénomène. Malheureusement, il est difficile de
suivre les aliments absorbés, et, si l'on a pu, grâce à leur réaction spéciale par l'acide
osmiqiie, se rendre compte de quelques points de l'absorption des graisses, nous ne
savons à peu près rien sur l'absorption des albuminoïdes et des hydrocarbonés.
Tout au début de l'échelle animale, l'absorption se fait en nature, c'est-à-dire que la
cellule saisit le corps alimentaire dans le protoplasma et le digère dans une vacuole
formée à son contact; mais très rapidement il n'en est plus ainsi. Probablement, dès
que l'on arrive cà la cellule ciliée, l'aliment est transformé à l'extérieur et ce sont des
solutions et des émulsions que la cellule absorbe.
Celle première période de l'absorption peut très bien se suivre chez les Protozoaires.
Chez l'Amibe, on voit l'animal se déplacer au moyen de ses pseudopodes; si, sur sa
route, se trouve un corps alimentaire, un pseudopode l'englobe; il se forme alors
autour de lui une petite vacuole, qui, d'après Le Dantec, renferme un liquide acide; là
il est digéré et disparaît peu à peu. Si une partie n'en est pas assimilable, comme, par
exemple, un test de Diatomée, elle est peu à peu repoussée de côté par déplacement de
l'animal et rejetée bientôt au dehors. Chez ces animaux toute partie de la cellule est
capable de prendre des aliments; chez beaucoup d'Infusoires, il y a un perfection-
nement notable par le fait d'une bouche permanente, un enfoncement dans la paroi
entouré d'une couronne de cils vibratiles, le péristome ; on voit très bien les bactéries
dont ces animaux font leur nourriture pénétrer ainsi dans le protoplasma; il se forme
autour d'elles comme précédemment une petite vacuole qui pénètre de plus en plus
dans la profondeur de l'infusoire, puis disparaît; pendant que cette vacuole s'enfonce,
il s'en forme d'autres, et l'on peut suivre ainsi les progrès de la digestion.
Même chez des animaux pluricellulaires, ce procédé d'absorption existe; c'est amsi
que Metchnikokk, Chapeaux, Mesml, Salexsky, etc., ont montré que, chez les Actinies,
les substances alimentaires sont englobées par les cellules des filaments mésentériques
et digérés dans la cellule môme; chez les Turbellariés,le processus serait semblable.
Toutefois ce phénomène est rare, et, comme nous le disions, les aliments sont
absorbés après l'action des sucs digestifs à l'état de solutions ou d'émulsions.
Au cours des études sur l'absorption, la question du siège de ce phénomène s'est
posée pour savoir quels éléments en étaient chargés. Nous ne reprendrons pas toutes
les anciennes théories : on a admis d'abord que l'épithélium n'avait pas de fonctions et
tombait au moment de l'absorption pour laisser le passage aux matières alimentaires
qui auraient passé simplement par endosmose. On a admis aussi que les leucocytes
étaient les agents principaux de l'absorption; leur nombre augmente en effet considé-
rablement pendant la digestion, ainsi que de Luca l'a montré pour les Mastzellen,
520 INTESTIN.
Heidenhain, pour les éosinophiles; mais, si leur nombre auf,'mente, il nest cependant
pas suffisant pour expliquer l'absorption ainsi que le fait remarquer Gruenhagen. Le
rôle de l'absorption est donc reconnu maintenant comme étant uniquement dévolu aux
cellules épithéliales à plateau strié, et ces cellules, ainsi que nous l'avons dit plus haut,
doivent être considérées comme de véritables cellules glandulaires qui prennent les
matériaux de leur sécrétion dans le bol alimentaire, et dont les produits sont déversés
dans le tissu adénoïde de la villosité, et de là dans les capillaires sanguins et le chyli-
fère central. On a reconnu depuis longtemps, en effet, que la muqueuse intestinale
n'agit pas comme un^simple filtre, mais que les matériaux absorbés subissent des trans-
formations physiques et chimiques, la graisse se présente en émulsion plus fine dans le
chylifère central, les peptones, transformées en acides aminés avant d'être absor-
bées, se retrouvent dans le sang sous forme d'albumines différentes. Il y a donc,
comme l'ont dit Mangazzi.m et d'autres auteurs, une véritable sécrétion interne de la
cellule qui puise dans le milieu extérieur les matériaux nécessaires à cette sécrétion et
les excrète ensuite dans les espaces réticulés du tissu delà villosité; son protoplasme
agit comme celui d'une cellule sécrétante.
On doit donc diviser l'absorption en deux parties : i° le passage des matières
alimentaires à travers l'épithélium jusque dans les mailles du tissu adénoïde; 2° le
passage à travers le tissu adénoïde dans les capillaires et le chylifère central.
Dans la première partie, il y aurait à étudier la prise des matières alimentaires
par les cellules épithéliales. dans leur extrémité apicale et la zone sus-nucléaire ; puis
la répartition de ces substances à la base; malheureusement, si maintenant tous les
auteurs sont d'accord sur ces points, il n'en est pas de même pour expliquer le méca-
nisme de l'absorption et de l'excrétion, et nous nous trouvons en présence de multiples
contradictions. Ainsi Bégui.n trouve que les éléments en pleine absorption sont moins
hauts que les éléments à l'état déjeune, le proloplasma est clair et forme une bande
compacte sous le plateau; il y a moins de leucocytes entre les cellules. Ces constatations
sont en contradiction complète avec ce que disent presque tous les autres auteurs.
GnuENHAGEN, PFLi'i;KR, Ma.ngazzini, Drago, Oppel, Heuter, etc. ont trouvé, au contraire,
pendant l'absorption, un épilhélium formé de cellules plus élevées dont les limites infé-
rieures se confondaient. Gruenhagen avait décrit, entre le pied des cellules et le tissu
réticulé, un réseau formant un système de canaux remplis par la matière excrétée,
système connu sous le nom de canaux de Gruenhagen. Mais la plupart des auteurs pré-
cités, tout en reconnaissant que les pieds des cellules gonllés par le produit excrété
sont plus ou moins réunis les uns aux autres, pensent que les canaux de Gruenhagen
sont des produits artificiels.
D'après Mangazzini, l'albumine se différencie entre les cellules et le processus res-
semble à la sécrétion salivaire ; il ne peut réussir à colorer les plantes, qui sont le sub-
stratum de celte sécrétion et que l'on peut observer, comme nous le verrons plus loin,
dans l'absorption des graisses, il n'a pu colorer que le réseau protoplasmique qui
enserre les produits sécrétés à la base des cellules. De Luca contredit la plupart des
résultats obtenus par Mangazzini et par d'autres auteurs; pour lui, les espaces clairs
observés entre le pied des cellules et le réseau conjonctif, espaces que Heidenhain pen-
sait être produits par l'action mécanique d'un liquide exprimé du stroma de la villosité
par la contraction des fibres musculaires, sont produits par l'action des liquides fixa-
teurs. De Luca considère que l'aspect des cellules est le même à l'état de jeûne ou à
l'état d'absorption.
Les graisses, grâce à leur réaction spéciale par l'acide osmique ou à des colorations
électives par le Soudan (Pfluger), ont pu être mieux suivies que les albuminoïdes.
Lorsque l'on examine (Will, Krehl, Ewald, Nicolas) les cellules intestinales d'un
animal nourri d'aliments gras, après les avoir fixées par un liquide osmiqué, on observe
que les éléments sont bourrés de boules noircies par l'acide osmique; mais — et c'est là
un point qui a attiré le plus l'attention des auteurs quijse sont occupés de cette question,
— il n'y a jamais de graisse dans le plateau strié, ni dans la couche protoplasmique
claire immédiatement sous-jacente. L'explication la plus généralement admise de ce
phénomène, c'est que la graisse a pu être dédoublée en acides ou savons gras et glycé-
rine par un ferment, la lipase ou stéapsine, traverser ainsi à l'état de solution le plateau
INTESTIN. 5'Jl
et la zone soiis-hasale et être reoonslitut'o dans lu cellule. Celte reconstitution s'elTec-
tuerait dans le protoplasma au contact de petits ^'lains, les plantes, analogues aux bio-
blastes d'ALTM.sNN. Ce sont de petits grains qui se colorent forlement en rou^çe par la
fuchsine après fixation spéciale par l'acide osmique et le birhroinale de potasse; on
les trouve dans la plupart des cellules à sécrétion active, telles que les cellules pan-
créatiques, salivaires, etc. Au début de l'absorption de la i^raisse par les cellules
intestinales, ou, au contraire, à la lin, lorsqu'il n'y a plus beaucoup de graisse et que
les détails sont de nouveau bien visibles, on se rend compte que les gouttes de graisse
sont en rapport très précis avec les piastes et sont élaborées à leur contact; la graisse
forme autour d'eux des croissants ou des anneaux complets (Nic.olasj.
Après avoir été ainsi remaniée et élaborée de nouveau, la graisse quitte peu à peu
la cellule par un procédé dont on ignore le mécanisme; elle se répand ensuite dans les
espaces intercellulaires, où, ainsi que Mangazzini l'a décrit, elle forme des nappes et
enveloppe les cellules comme d'un manteau jusqu'à la hauteur du noyau. Le contenu
de ces espaces se déverse ensuite dans les mailles du tissu adénoïde où il doit subir de
nouvelles transformations avant de parvenir dans le chylifère central. 11 semblerait
alors que l'action des leucocytes entre ici largement en jeu, soit pour produire des
ferments qui dédoublent de nouveau la graisse, soit pour l'incorporer directement et
l'emmener ainsi dans le chilifère. C'est là l'opinion de de Luc.v qui voit, pendant l'ab-
sorption, les Mastzcllen en couche presque continue se placer au-dessous des cellules.
Nous n'avons aucun renseignement sur la façon dont les sucres sont absorbés et
versés ensuite dans les espaces adénoïdes. De Waele a pensé que le sucre pouvait être
décelé dans les cellules sous forme de boules.
D'après quelques auteurs (Hkidenu.u.x, Verxo.m, etc.), les fibres musculaires de la
villosité joueraient un grand rôle dans la seconde partie de l'absorption, celle de
l'excrétion, en se contractant et en chassant ainsi les produits excrétés mécaniquement,
comme une pompe, dans le chylifère central et dans les capillaires. D'après de Luca,
les contractions observées ainsi ne sont dues qu'à l'action des réactifs et ne sont pas
réelles.
On voit donc combien ces observations sont contradictoires. Tout ce que nous pou-
vons dire actuellement, c'est que la cellule épitliéliale est bien l'agent de l'absorption,
et qu'elle agit à la manière d'une cellule glandulaire, prenant par sa partie apicale les
matériaux nécessaires à sa sécrétion, et les excrétant dans les mailles du tissu adénoïde
où les cellules lymphatiques interviennent sans doute.
Pour les Invertébrés, nous n'avons que peu de renseignements; nous dirons toute-
fois quelques mots sur les observations que Guieysse a faites de l'hépato-pancréas
des Crustacés. Nous avons vu précédemment que, dans cet organe, à côté des cellules
du type banal, on observe des groupes de cellules dont le sommet s'est développé en
une immense vacuole. Les auteurs qui s'étaient occupés de cette question, NVebek,
Fre.nzel, etc., avaient admis que ces éléments étaient des éléments sécréteurs et les
désignaient sous le nom de Fermentcnzellen ou cellules à ferment. Se basant sur un
certain nombre d'arguments, dans le détail desquels nous n'avons pas àentrer ici (posi-
tion du noyau, aspect de la cellule, disposition du plateau, etc.), et d'expériences (ali-
mentation colorée), CuiEYssE a pensé que « la cellule à grande vacuole absorbe et met
en réserve des substances alimentaires incomplètement assimilables, les remanie par
une sécrétion spéciale, les absorbe lentement et en rejette les déchets accompagnés de
substances de de'sassimilation telles que les pigments». Cette accumulation expliquerait
les longs jeûnes que peuvent subir ces animaux; Robert Ball a, en efTet, pu conserver
pendant deux ans une écrevisse qui ne reçut comme nourriture pendant tout ce temps
qu'une cinquantaine de vers.
Il en est peut-être de même chez les Mollusques, ainsi que nous l'avons signalé plus
haut, et CcÉ.NOT a retrouvé des substances colorées dans des cellules à grandes vacuoles.
Nous voyons donc par tout ce qui précède que, si l'on examine l'ensemble des
animaux, l'intestin est bien loin d'être établi toujours sur le même modèle; tabulaire
5-22 INTESTIN.
dans la plupart des cas, il affecte dans d'autres cas des formes en cœcums ramifiés que
pendant longtemps on a pris pour des glandes annexes; l'étude de ces organes au
microscope en a montré le rôle véritable. Donc, nous ne devrons plus dire que l'intestin
est uniquement ce tube plus ou moins flexueux qui s'étend de la bouche à l'anus, mais
que c'est aussi tout l'ensemble des diverticules annexes dont l'épithélium de revête-
ment est formé de cellules plus ou moins cylindriques, mais toujours recouvertes d'un
plateau en brosse. C'est là, dans l'immense majorité des cas, la forme de la cellule
absorbante, et c'est elle qui localise l'intestin si l'on doit désigner sous ce nom la partie
du tube digestif qui est spécialement chargée de l'absorption.
A. Guieysse-Pellissieu.
PHYSIOLOGIE COMPARÉE
I. Variations de forme de l'intestin dans la série des animaux. — Ce chapitre,
qui est l'un des plus importants au point de vue de l'anatomie générale, n'est pas moins
instructif au point de vue de la physiologie comparée.
A) Rapport de la longueur de l'intestin et du genre d'alimentation chez les divers
animaux. — La loi la plus générale qui semble régir le développement de l'intestin est
que la longueur de l'intestin est toujours en rapport avec l'alimentation de l'animal.
Dans l'alimentation, c'est moins la quantité que la qualité qui importe; la longueur
de l'inteslin est d'autant plus grande que l'alimentation est plus riche en cellulose.
Comparé à la taille de l'animal, l'intestin total a une longueur minima chez les car-
nivores, maximachez les herbivores et intermédiaire chez les omnivores. Voici, d'après
Colin, un tableau comparatif de la longueur en mètres et de la capacité en litres du
tube digestif de quelques mammifères : on verra quelle longueur peut atteindre
l'intestin chez certains herbivores.
Kstomac.
Bœuf
Cheval. . .
f
} 2o2'",50
••S
^^""^°" î 29'-S60
ntestin grêle.
Caecum.
Côlons.
22- ,44
1»,00
6'",4-
03'",82
33''',54
96'",02
46», 00
0",88
lO-.lS
G6"S00
9'",90
28'",00
26- ,20
0'",36
e-.n
9''S00
l'^SOO
4'",60
t8",29
0",23
4" ,99
9'",20
l'",55
8''',70
4°>,14
0-»,08
O'-.GO
l'",62
0'",09
0'",9l
l°>,72
»
O-.SS
O'i',114
»
0'".124
^^^■^ I 8'", 00
Chien ; ,,", .,„
^•^** I O'i',341
Chez les oiseaux, les diiîérences ne sont pas moins remarquables ; chez les oiseaux
carnivores la longueur de l'intestin est de 1,8 de la longueur du corps, chez les herbi-
vores il est de 8 fois cette longueur.
Le développement des divers segments de l'intestin est également en rapport
avec la nature de l'alimentation. Chez les carnivores, le gros intestin est court : chez
les herbivores, il prend de très grandes dimensions, et de plus, le CTCum qui, chez les
carnivores, ne présente^aucun développement, atteint chez les herbivores une longueur
et une capacité considérables. Ces rapports entre la longueur et la nature de l'alimen-
tation se conçoivent d'une manière très simple. La digestion cellulosique est une diges-
tion qui ne peut s'effectuer que lentement, sans compter que les herbivores, pour
obtenir leur quantité de calories nécessaires, sont obligés d'absorber un gros volume
d'aliment. La digestion de la viande est, au contraire, une digestion rapide, sans
compter que la viande, dégageant un grand nombre de calories utiles sous un faible
volume, les carnivores ne sont pas obligés de digérer une grande quantité d'aliments.
Comme, d'autre part, la digestion cellulosique s'opère surtout dans l'intestin et que
celle de la viande se réalise surtout dans l'estomac, il résulte pour ces deux sortes de
INTESTIN. -^23
raisons concordanles (jue nécessain-iuent riuteslin doit Hre volumineux chez l'heibi-
vore et peut être très petit chez le Carnivore.
B) Variations de la longueur de l'intestin chez le même animal selon l'aliment qu'il
reçoit. — l,a loi précédente qui découle des faits statiques a pu être l'objfl d'uiu; véri-
table démonstration quia consisté à faire varier la longueur de l'intestin chez des êtres
omnivores, en leur donnant des alimentations variées.
L'une de ces démonstrations les plus intéressantes est due à Baback, dont les
recherches ont porté sur les larves de grenouilles.
Chez (les larves nourries le même temps, les unes avec de la viande, les autres
arec des herbes, la longueur de l'intestin est chez les premières de 4,4 (longueurs du
corps) et chez les autres de 7,0.
Haiuck ne pense pas cependant que la présence de la cellulose dans l'aliment soit
seule en cause dans cette variation du développement de l'intestin des larves de gre-
nouilles. C'est ainsi qu'en nourrissant les larves avec diverses albumines, il constate
que les longueurs d'intestin varient avec la nature de l'albumine ingérée,
Albumine de grenouille 6,6
— de poisson 6,6
— de moule o,9
— d'écrevisse 7,6
— végétale 8,3
Les travaux de Yu.ng confirment ceux de Baback sur l'influence de la nature de l'ali-
mentalion dans le développement de l'intestin.
C) Plissements et diverticules de l'intestin. — Chez beaucoup d'animaux, surtout chez
les invertébrés, l'intestin est un tube régulier: aussi bien extérieurementqu'intérieure-
ment,les assises des cellules intestinales ne présentent aucune saillie. Mais, chez le plus
grand nombre des animaux, il est constant que la surface de l'intestin présente des
diverticules ou des plissements et souvent les uns et les autres.
Les plissements sont de deux ordres, ou très petits et acuminés, ce sont des villosités;
ou beaucoup plus étendus et généralement lamelliformes, ce sont des valvules. Il est
certain que l'exislence des villosités et des valvules a pour conséquence de faciliter la
résorption en augmentant beaucoup la surface intérieure de l'intestin.
Selon les animaux, villosités et valvules ont un aspect différent: nous n'avons pas à
en parler ici, ces replis de la muqueuse rappelant presque toujours beaucoup ceux de
l'homme (voir Anatomie comparée).
Chez certains poissons, par contre, les Sélaciens par exemple, les plissements ont une
disposition qui est tout à fait curieuse et qui mérite de nous arrêter. L'intestin qui com-
mence par un étroit canal [détroit pylorique) se renfle considérablement à peu de dis-
tance du pylore et présente une largeur considérable par rapport à sa longueur, du
moins comparativement à ce que nous voyons chez les mammifères, les oiseaux et les
batraciens, par exemple '. Cet intestin large et court est cloisonné jusqu'à peu de dis-
tance de son orifice anal par un repli hélicoïdal qui décrit plusieurs tours de spire; ce
repli muqueux est, en raison de sa forme, désigné du nom àevalvule spirale. 11 est com-
posé de cellules épithéliales soutenues par du tissu conjonctif parcouru par des vais-
seaux, et ne contient aucune fibre musculaire.
Il est encore évident que ce cloisonnement très serré de l'intestin a pour consé-
quence d'augmenter la surface d'absorption de l'intestin relativement si court chez ces
animaux. Mais l'expérience démontre aussi que la valvule spirale a certainement encore
un autre usage, qui est de ralentir le cours du chyme dans l'intestin. Si on presse, dit
Ch.Richet, l'intestin du Scyllium catulus ou de VAcanthias vulgaris en pleine digestion,
de manière à purger le contenu intestinal, on constate qu'on ne fait sourdre le chyme
que très lentement et petit à petit (voir fig. 80, p. 509).
1. Longueurs respectives dos diverses parties du tube digestif.
Estomac ï>
Détroit pyloriquo 3
Intestin total 10 (Ch. Richeï).
5i>4
INTESTIN.
Des divevticules de l'intestin s'observent fréquemment chez la plupart des animaux.
Chez les invertébrés, où la distinction entre gros et petit intestin est impossible, nous
verrons qu'il existe souvent un diverlicule formé de tubes ramifiés dont l'ensemble
forme un organe volumineux appelé hépato-pancréas : nous décrirons ultérieurement
cet organe et dirons dans quelle mesure on peut le considérer comme un simple diver-
licule de l'intestin, ou un diverticule remanié et différencié méritant plutôt le nom de
glande annexielle que de diverticule intestinal (fig. 81, p. 510 et 82, p. Sil). Mais il
/-..-
Fia. 90.— Schéma (lu tube digestif de l'homme (d'après AVidersiieim;.
.A, anus; Ca, côlon ascendant; Crf, côlon ilescendant; Ct, côlon transverso: Z>, duclt-num ;■/)', jéjuno-iléon ;
Jls, glandes salivaircs; T'A, thyroïde, Thy, thymus; P, poumon; Œ, œsophage; Z>, diapiiragme ; li, esto-
mar ; Pa, j^ancréas ; F, l'oie ; Ph, pharynx ; V, valvule iléo-crecale ; Ap, appcndico ; B. n-ctura.
existe encore, et très fréquemment, échelonnés tout le long de l'intestin, des diverti-
cules nombreux, souvent très profonds et généralement symétriques.
Chez les vertébrés, une distinction entre les diverticules du petit intestin et du
gros intestin s''impose.
Le petit intestin ne présente guère de diverticules que chez les poissons. Ces diver-
ticules naissent à la partie supérieure de l'intestin et sont décrits sous le nom d'appen-
dices pyloriques; leur nombre et leur taille sont des plus variables, en général, en
raison inverse l'un de l'autre : le Polypterus n'en possède qu'un, et le maquereau en
possède jusqu'à 191 (Widersheim) (fig. 83, p. 512).
Le gros intestin présente à sa naissance même un diverticule très important qui est
le cœcum. De peu de développement chez les carnivores, le caecum présente un déve-
loppement considérable chez les herbivores (voir plus haut : Développement général du
tube digestif).
INTESTIN.
0-J5
Chez les oiseaux, il y a deux appendices c.fcaux, longs et renllés ù leur extrémité.
II. Variations des glandes annexielles du tube intestinal. — Les variations
de la moipliologic des glandes annexielles de i'intesLin dans la série animale sont con-
sidérables. Les variations de la morphologie du foie ont été étudiées à cet article, nous
ne nous occuperons donc ici que des variations de celle du pancréas.
Le pancréas des vertébrés supérieurs ne donne lieu à aucune considération spé-
ciale, sinon que ses canaux sont, selon les espèces, en nombre très variable, et que leur
abouchement par rapport à celui des canaux biliaires est également variable. Les
abouchements des canaux pancréatiques et l)iliaires sont souvent indépendants et rap-
prochés (ex. : homme, singe, chien, etc.); parfois, ils sont confondus, ou plutôt quel-
ques petits canaux pancréatiques viennent déboucher directement dans le cholédoque
Fio. 91
Sangsue. —1, orirtce buccal; 2, pharj-nx: 3, estomac; 4, diaphragmes gastriques; 5, caecums ; G, rectum.
(chèvre, mouton et bœuf). Lorsque les abouchements des deux espèces de canaux sont
distants l'un de l'autre ex : autruche, lapin, etc.\ on constate, selon une sorte de loi
établie par Claude Bernard, que ce sont toujours les canaux pancréatiques qui débou-
chent le plus loin du pylore. Faut-il voir dans cette disposition anatomique constante
l'effet d'une sorte de protection préétablie du suc pancréatique contre l'attaque du suc
gastrique, la bile neutralisant tout d"al)ord l'elTet tryptolytique du suc gastrique? Nous
ne pouvons formuler à cet égard qu'une hypothèse.
Le pancréas, qui est très volumineux chez les mammifères et les oiseaux, devient
rapidement plus petit chez les reptiles et les batraciens, et presque insignifiant, chez
les poissons sélaciens : chez les poissons téléostéens, il se réduit à des glandules
diffuses.
Chez les invertébrés l'existence du pancréas devient hypothétique : chez beaucoup
d'entre eux, au lieu de foie et de pancréas on trouve une sorte de glande volumineuse,
à cellules ressemblant beaucoup à celles de l'intestin, communiquant avec l'intestin ou
avec un diverticule de celui-ci par de grands canaux. L'histologie ne permet pas d'iden-
tifier ces glandes avec celles que nous connaissons chez les vertébrés supérieurs. Mais,
526
INTESTIN.
étant donné qu'elles apparaissent pour ainsi dire aux lieuet place du foie et du pancréas,
étant donné qu'il résulte de certaines recherches que ces glandes contiennent des fer-
ments actifs comparables à ceux du pancréas, l'usage a prévalu d'appeler ces glandes
hépato-pancréas.
Nous renverrons le lecteur aux traités spéciaux d'anatomie comparée pour la descrip-
tion des diverses formes de l'hépato-pancréas considéré dans la série des invertébrés.
Ici nous ne donnerons que le schéma de cet organe chez les crustacés, et nous expo-
serons le rôle qu'on attribue à l'hépato-pancréas en général.
Si nous examinons le tube digestif d'une langouste, nous constatons ce fait singulier
que sa surface libre est entièrement recouverte d'une membrane chitineuse, sauf dans
sa partie moyenne où débouchent les canaux d'une glande volumineuse. Déjà cette
particularité du tube digestif nous indique que l'absorption ne saurait se faire
Fui. 92.
Actinie. — Canal ainbulacraire;
2, vésicule (le Poli ; :!, intestin ;
4, cloaque; 5, rectum.
Viff. 93.
Système de Jacobso.n cliez le coq russe.
1. Veine cave inférieure; 2, :î. veines crurales;
4, veine communicante allant à la veine porte ;
5, rein ; 6, rectum (d'après Claude Bernard).
chez la langouste comme chez les animaux à cellules intestinales libres; et en fait
jamais on n'a pu saisir de processus d'absorption dans l'intestin chitineux.
L'intestin moyen seul est susceptible de résorber. Mais, si nous faisons passer une
coupe au milieu des glandes volumineuses qui l'environnent et qui constituent l'hépato-
pancréas, nous voyons que la surface intestinale se continue sans transition avec la
surface interne de ces glandes. Tout d'abord la muqueuse intestinale se continue par
des canaux volumineux dont l'épithélium est identique à celui de l'intestin; ces canaux
se bifurquent, et ce n'est qu'au niveau de leur cul-de-sac que les cellules prennent un
type particulier (voir Histologie).
D'après une opinion déjà ancienne de Geoffroy Sai.nt-Hilaire, confirmée récemment
surtout par les travaux de Cuénot et de Guieysse, l'hépato-pancréas est tout d'abord un
organe d'absorption. « Après digestion de viandes colorées, on constate que les csecums
hépatiques sont remplis d'un liquide renfermant en dissolution la matière colorante
sans aucune particule solide... C'est donc au travers du foie que passent dans le sang
les produits nutritifs dont la matière colorante reproduit fidèlement la route. »
Clénot pense que les graisses passent au contraire par l'intestin moyen. Telle n'est
pas l'opinion de Guieysse, qui constate qu'après ingestion d'aliments gras les cellules
de l'hépato-pancréas se colorent intensément par l'acide osmique.
L'hépato-pancréas est aussi un organe sécréteur. Le suc qu'on retire du tube diges-
INTESTIN. 527
tif de la langouste en provient presque totalement, et en tout cas ne saurait provenir de
l'estomac, dont la surface est, nous l'avons vu, entièrement chitineuse.'
La réaction (lu sucd'liépato-pancréas est acide, d'après HorrE-SEYLER et Kbukendbrg.
Ce suc digère la lihririe ; comme cette digestion se fait en milieu acide et est entravée
en milieu alcalin, Kruke.nherg la porte au compte d'ime pepsine et non d'une trypsine.
Le suc digère aussi les graisses: enfui il contient de très nombreux ferments d'hydrates
de carbone. Étant donnée l'origine et la couleur brunâtre de ce suc, on a recherché à
identifier ses pigments. Hoppe-Seyler a montré qu'il ne contient ni acide biliaire ni
sels biliaires. Knfin on sait (juc le suc d'hépato-pancréas, injecté à des animaux, rend
leur sang incoagulable.
Telle est, en résumé, la physiologie de l'hépato-pancréas, glande à ferments mul-
tiples, au sein de laquelle s'opère la digestion et qui est aussi un organe do résorption.
Les très nombreux travaux qui ont été consacrés à l'étude de cette glande, et pour
lesquelles nous renverrons le lecteur à l'ouvrage de 0. v. Furth et au mémoire de
Guieysse (voir Bibliographie) n'ont fait qu'étendre à l'hépato-pancréas des divers inver-
tébrés les notions d'ensemble que nous venons d'exposer.
III. Variations des espèces de ferments dans la série animale. — Les varia-
tions des espèces de ferments dans la série animale sont encore mal connues, quoi-
qu'elles aient été l'objet de travaux importants.
L'étude comparée des ferments dans l'échelle des êtres peut être envisagée à un triple
point de vue : i° Variétés des ferments chez les divers animaux; 2» Activité comparée
de ces ferments; 3° Température à latiuelle ces ferments agissent avec une activité
optima.
1° Variétés des ferments chez les divers animaux. — Au point de vue de la nomencla-
ture des ferments, il règne une certaine obscurité (jui tient à ce que certains auteurs
ont une tendance à donner à des ferments, dont l'identité est douteuse, des dénomina-
tions semblables, qui laisseraient entendre qu'il y a des séries de ferments identiques
chez les divers animaux. D'autres auteurs plus prudents regrettent ces dénominations,
surtout quand il s'agit d'invertébrés, et se contentent de désigner les ferments du nom
générique de ferment suivi de la substance spéciale sur laquelle elle agit, par
exemple ils diront qa'Hellx pomatia possède des ferments qui agissent sur l'amygdaline,
la coniférine,l'esculine, etc., sans chercher à établir si chez HelLv pomatia un seul fer-
ment agit sur ces trois substances, ou si pour chacune de ces substances il y a un
ferment spécial. Nous adopterons, surtout pour les ferments des hydrates de carbone,
cette nomenclature prudente.
a) Ferments protéolytiques. — Il est facile d'identifier chez la plupart des vertébrés
un ferment peptique dans l'estomac et un ferment tryptique dans l'intestin. Chez tous
ces animaux on trouve en effet dans l'estomac un ferment qui agit en milieu acide et
que pour cette raison on appelle pepsine, et dans l'intestin un ferment qui agit en mi-
lieu neutre et que pour cette raison on doit appeler trypsine.
Au point de vue de la physiologie comparée, il serait intéressant de rechercher le
balancement qui doit exister entre l'activité relative de ces deux ferments selon la nour-
riture des animaux considérés, et selon leur classe. L'étude de la physiologie comparée
de la digestion est encore trop peu avancée pour nous permettre des considérations
précises sur cette question, et à cet égard les seuls faits vraiment significatifs que nous
puissions produire sans trop nous aventurer dans un téléologisme téméraire, sont tirés
de la digestion comparée des mammifères herbivores et des poissons carnivores. On peut
affirmer que chez les mammifères herbivores la digestion peptique est très réduite : leur
suc gastrique est peu acide et d'activité faible (voir Estomac). Leur digestion tryptique
doit au contraire l'emporter sur la digestion gastrique, tout d'abord parce que la pro-
téolyse ne peut commencer chez ces animaux que lorsque la digestion microbienne a
digéré les enveloppes cellulosiques où sont les albumines végétales, et ensuite parce
que chez ces animaux le pancréas est volumineux et le suc pancréatique actif. Chez les
poissons carnivores, au contraire, ou peut affirmer que la digestion gastrique doit être
prépondérante vis-à-vis de la digestion pancréatique. En général le pancréas de ces ani-
maux est petit. L'estomac, quiest au contraire de grande capacité, reçoit souvent des
proies volumineuses, qui ont été avalées sans être mâchées. Or, quand le chyme gas-
528 INTESTIN.
trique pénètre dans l'inteslin par le long détroit pulorique, ce chyme estàl'étatde pulpe
fine (Ch. RiciiET).I/estoniac a donc accompli nécessairement un travail considérable. Or
Ctt. RicHET, qui a fait une étude particulière de la digestion gastrique chez les poissons
cartilagineux, a constaté que chez des animaux de Vespice SrijUimn catiilus,etAcanthia$
vulgaris on trouve jusqu'à 4o0 grammes de liquide gastrique pour des animaux pesant
àjeun 7 kilogrammes. D'autre part le môme auteur a montre' que l'acidité de ce liquide
atteignait un taux de lo p. 1000 d'nCl,et que son activité peplique était en rapport
avec son acidité. Il est donc indéniable que, même si chez ces poissons la digestion
intestinale est douée d'une certaine activité, la digestion peptique n'en reste pas moins
prépondérante dans l'ensemble des phénomènes digestifs.
Chez les invertébrés l'étude comparée des digestions tryptiques se complique de ce
fait qu'il est souvent impossible de recueillir isolément du suc gastrique et du suc intes-
tinal; le plus souvent le suc intestinal reflue dansTeslomac. L'étude de la digestion pro-
téolytique chez ces animaux se réduit alors à rechercher si les albumines sont digérées
en milieu acide ou en milieu alcalin. Selon les espèces on constate que le liquide
digestif n'agit que dans l'un ou l'autre de ces milieux, et pour les mêmes espèces les
résultats des divers auteurs sont parfois contradictoires. L'exposé de toutes ces investi-
gations de détails est fort complet dans le livre d'O. von Flrth. Il nous paraît inutile
d'énumérer ici dans quelles conditions de milieu la protéolyse s'accomplit chez les
divers animaux invertébrés, et nous ne retiendrons que ce seul fait que chez les inver-
tébrés on retrouve toujours du ferment protéolytique agissant tantôt en milieu acide,
tant en milieu neutre et même alcalin.
Les ferments protéolyliques existent donc chez tous les animaux; mais leur différen-
ciation en trypsine et pepsine n'est nettement accusée que chez les vertébrés.
b) Lipase. — Nous serons bref sur la lipase. Des nombreuses recherches faites sur
ce ferment dans les diverses espèces il résulte que la lipase est un ferment qui ne man-
que chez aucun animal. Parfois certains auteurs signalent son absence chez telle ou
telle espèce, mais i>resque toujours des travaux de contrôle déniontrent que c'est à tort
que cette absence a été envisagée pour ces espèces.
c) Ferments des hydrates de carbone. — 1° Lactase. La lactase est un ferment qui a
été étudié dans les diverses classes animales, et ces études ont amené à des conclusions
précises et intéressantes.
A ne considérer que les vertébrés supérieurs, on est immédiatement frappé de voir
que la présence de la lactase dans l'intestin semble en rapport étroit avec l'alimenta-
tion normale des animaux considérés. C'est ainsi que la lactase a été retrouvée chez la
plupart des mammifères jeunes, tandis qu'elle est absente chez les oiseaux. C'est
ainsi que chez les mammifères eux-mêmes elle diminue d'abondance à mesure que
l'animal devient adulte, pour disparaître même chez l'animal vieux.
Lactase de l'intestin grêle.
Jeunes chiens Abondante.
Chiens aduUes Peu aljondante.
— vieux Absente.
Veau Abondante.
Povc adulte Absente.
Lapin adulte Peu abondante.
Oiseaux Absente. (Portier, S'. B. B., 1808).
Par conséquent, pour les vertébrés supérieurs, la lactase manque chez les oiseaux.
Présente chez les jeunes mammifères, elle devient de moins en moins abondante à
mesure qu'ils prennent de l'âge et disparaît chez les adultes. On ne peut s'empêcher
de reconnaître dans ces circonstances soit une harmonie préétablie, soit une adaptation,
selon la conception téléologique que l'on se fait de la nature des choses.
Mais, phénomène curieux, lorsque l^n étudie ensuite les invertébrés, on rencontre sou-
vent (BiERRY et Gi.ua) à nouveau des ferments très puissants qui digèrent le lactose. Est-ce
la lactase des mammifères ou est-ce un autre ferment dont l'action s'étend sur divers
sucres parmi lesquels le lactose? nous l'ignorons. Mais le fait est à retenir, si on ne
veut pas se faire des mécanismes d'adaptation une idée inexacte. On a constaté (Bierrv)
INTESTIN. 52;)
et GiAiv"! im ferment agissant puissanuiKMit sur le lactose chez Hcliv^pomatia, Hélix
aspera, Heli.v hovtensis, clio/. les Planorbes, chez l'Aplysie, chez Aslacus /luvialls, chez
Homarus vulyaris, etc. Par contre ce ferment manque chez Palinwus vulgaris, Carcinus
inœnas, Plati/carcinus paywus. Chez les invertébrés il est impossible de reconnaître
une conLJomi tance logique entre la présence de la laclase et la nature de l'alimentation :
rharmoiiie préétablie semble en défaut.
On a cru pendant quoique temps (Weinland, Bainbridge) que par une alimentation
spéciale on pouvait faire apparaître de la lactase dans le pancréas des mammifères, qui
n'en contient pas normalement. Comme nous l'avons vu plus haut, Bieruy et Giaja
Salazar ont montré que cette affirmation était erronée.
Les autres ferments des hydrates de carbone (amylase, maltase, saccharase), que
nous avons signalés chez les mammifères existent sans exception, semble-t-il, dans toute
la série animale (voir Otto von Furtu pour les Invertébrés).
Un ferment très remarquable et qui est totalement absent chez les vertébrés se
retrouve chez les vertébrés inférieurs, c'est la cellulase. Rikdermann et Moritz ont vu que
le suc de l'escargot agit sur les épaisses membranes cellulaires de l'endo-sperme des
dattes, sur les membranes celluleuses des légumineuses. Seillière a retrouvé ce ferment
chez l'escargot et a vu notamment que le suc de cet animal hydrolyse la xylane : il
a fait la même constatation pour un coléoptère : Phymatode variabilis L. La pré-
sence de ces cellulases chez les invertébrés est intéressante. Elle nous explique com-
ment ces animaux peuvent se nourrir en partie de cellulose et nous montre que con-
trairement à ce qui a lieu chez les vertébrés la digestion de la cellulose peut se faire par
des sucs animaux sans l'intervention des microbes.
De nombreux ferments d'hydrate de carbone, dont beaucoup sont inconnus chez
les vertébrés, se retrouvent encore chez les invertébrés en dehors de la cellulase.
(BiERRY et Giaja). Ces ferments agissent (Hélix pomatia) sur la raffinose, la gentianose,
la stachyose, l'acide lactobionique, l'acide maltobionique, la lactosazone, la maltosa-
zone, ramygdaline,la salicine, la phlorizine, la gentiopicrine, l'arbutine, la coniférine,
la manno-galaclane (de luzerne), la populine et l'hélicine, etc.
Le schéma général de la répartition des ferments dans la série des animaux pourrait
donc se formuler de la manière suivante.
1" Ferments des graisses = constants.
2° Ferments des albumines = constants, a) Chez les vertébrés deux sortes de fer-
ments : l'un (pepsine) agissant en milieu acide, l'autre (trypsine) agissant en milieu
neutre, h) Chez les invertébrés, une seule espèce de ferment (?'), agissant selon les
espèces en milieu acide ou on milieu neutre et qu'on est convenu de qualifier pour ces
raisons tantôt de pepsine, tantôt de trypsine.
3° Ferments des hydrates de carbone, a) Un ferment Lrès remarquable est la lactase,
en ce que chez les vertébrés sa présence semble coïncider avec une alimentation lactée,
mais qui se retrouve aussi chez les invertébrés (sous réserve de savoir si ces deux
ferments sont identiques); 6) Les autres ferments des hydiates de carbone forment
deux groupes : le premier, composé de l'amylase, de la maltase, de la saccharase, de la
tréhalase qui se rencontrent chez tous les animaux ; le second, composé de ferments
agissant sur la raffinose, la stachyose, la cellulose, etc., qui compte des représentants
de plus en plus nombreux à mesure qu'on descend dans l'échelle des êtres.
Ainsi, quand on parcourt la distribution yénérale des ferments chez les divers animaux,
on ne peut se défendre de cette impression, que les ferments qui sont en somme peu nom-
breux chez les animaux supérieurs, deviennent de plus en plus nombreux chez les animaux
inférieurs, établissant ainsi une sorte de transition naturelle entre les vertébrés supé-
rieurs dont les sucs ne diffèrent qu'un nombre restreint de substances et les microbes
dont les ferments innombrables peuvent attaquer à peu près toutes les substances orga-
niques.
Nous venons d'étudier les variétés de ferments au point de vue des aliments qui peu-
vent être digérés. Pour que celte étude fût complète il y aurait lieu de comparer les
conditions d'action de chacun de ces ferments dans la série animale. Lorsqu'en effet
on considère que les animaux à températures variables comme les poissons exécutent
des digestions très importantes à des températures de 10° ou 12°, on doit se demander
DICT. DE PHYSIOLOGIE, — TOME I.\. 34
530 INTESTIN.
immédiatement comment les ferments de ces animaux peuvent agir encore à cette tem-
pérature quand nous savons que les ferments des vertébrés supérieurs ne manifestent
alors qu'une activité presque nulle.
Ce problème soulève immédiatement la question suivante : les ferments des animaux
à température variable ont-ils leur optimum d'activité à une température différente de
celle des ferments des animaux à température constante, ou bien n'agissenl-ils encore
à basse température que parce qu'ils sont très concentrés? Ce problème n'a été abordé
que par Knauthe pour l'amylase de la carpe. L'activité du ferment en fonction de la lem-
péiature serait la suivante, d'après cet auteur :
Activité
Température.
en
unités arbitraires.
14°
283
22°
633
23°
833
24°
435
O'après Knauthk, l'optimum pour l'amylase de la carpe serait 23", très différent par
conséquent de l'optimum des amylases des vertébrés qui est aux environs de 45°. Il est
malheureusement impossible d'accepter sans réserve de pareils résultats, qui, pris en
eux-mêmes, sont en désaccord avec tout ce que nous connaissons sur les lois des fer-
ments. Un ferment qui diminue de 50 p. 100 d'activité pour une différence de tempéra-
ture de 1 degré centigrade est un ferment trop invraisemblable et par là même
suspect.
On peut donc dire que nous ne connaissons rien sur les conditions d'action des
ferments chez les animaux inférieurs.
à) De la digestion de la cellulose et des hydrates de carbone voisins. — Il
n'existe pas à proprement parler une cellulose, mais bien des celluloses. Ces sub-
stances étant insolubles dans la plupart des liquides, leur purification est très
difficile.
Pratiquement, et au point de vue physiologique, nous pouvons grouper les
celluloses dans les catégories suivantes, d'après la nature des sucres fournis à l'hy-
drolyse par les acides.
1° Cellulose typique. Produit d'hydrolyse : Glycose.
2° Mannane. Maunose (substance isomère du
Hexosanes. ^ ' glycose).
3° Galactanes. Galactose.
4" Lévulanes. Lévulose.
1" Xylane. Xylose.
2° Arabanes. Arabinose.
Pentosaiies.
Quant aux substances qu'on a appelées hémi-celluloses, ce sont des substances plus
facilement hydrosables que la cellulose typique et constituées par un mélange d'hexo-
sanes diverses. Ce terme a toujours été vague et varie de sens, selon les auteurs.
a Digestion des Hexosanes.
La digestion de la cellulose se fait d'une manière différente chez les invertébrés
et chez les vertébrés. Chez les invertébrés la digestion de la cellulose est opérée par
les sucs digestifs de l'animal et selon des processus qui rappellent ceux de l'hydrolyse
par les acides; les hexosanes par exemple sont transformés en hexoses, les pentosanes
en pentoses, etc. Chez les vertébrés la digestion de la cellulose est opérée par les
ferments des bactéries,' hôtes du tubes digestif; le processus de la digestion aboutit à la
formation de substances diverses parmi lesquelles on connaît des gaz et des acides
variés. Les deux types de digestion sont donc à considérer distinctement.
L Digestion de la cellulose chez les invertébrés. — La digestion de la cellulose par
INTESTIN. f{3t
certains invertébrés est un fait admis depuis longtemps. Et on conçoit que cette idée
se soit pour ainsi dire imposée aux premiers observateurs qui constatùrenl que les
animaux tels que les escargots, certains vers, les coléoptères, se nourrissaient exclusi-
vement des feuilles ou des parties ligneuses des plantes. Mais on conçoit également
qu'une constatation de cette sorte ne pouvait valoir pour une démonstration de la
digestion de la cellulose. La démonstration ne pouvait en être établie que par la consta-
tation de la iligestion de la cellulose opért'-e in ritro pai- les sucs digestifs, ou la consta-
tation d'un bilan alimentaire positif.
L'action des sucs digestifs de certains invertébrés sur la cellulose n'a été observée
qu'assez récemment par Biedermann et Moritz. Mais c'est à Seillièke (1905) que nous
devons de savoir que l'action des sucs digestifs sur les celluloses est indépendante de
toute action bactérienne et que les produits de la digestion des celluloses xont des
sucres.
Les recherches de Seillièue ont porté sur le suc digestif d'Hélix pomatia, de Pluj-
nmtodes vaiiabilis, de plusieurs Limax (mollusques) et sur de jiombreuses espèces de
mollusques herbivores, etc. Le suc digestif de ces animaux additionné de chloroforme
et d'autres antiseptiques organiques (toluène, thymol, etc.) transforme activement des
hexosanes et des pentosanes en hexoses et pentoses en 24 heures à 38°. Étant donné
que cette digestion se fait en présence d'antiseptiques, l'intervention des bactéries ne
saurait être mise en cause.
Nous devons à Seilliére les connaissances suivantes sur la digestion de la cellulose
par les ferments des invertébrés.
Beaucoup de celluloses, celles des organes tendres des plantes, des légumes, de*
herbes, sont très aisément attaquées par les sucs digestifs des invertébrés.
Par contre, quelques celluloses, notamment celle du coton, ne sont pas directement
attaquées. Pour ces celluloses les divers traitements qu'on leur a fait subir modifient
énormément la digestibilité. C'est ainsi que le coton, s'il n'est pas directement hydro-
lysable par les ferments animaux, est au contraire activement digéré après les trai-
tements suivants : dissolution de la cellulose dans le li(iuide de Sgiiweitzer (oxyde
de cuivre ammoniacal) puis addition d'un acide quelconque; traitement par le chlorure
de zinc concentré et lavage à l'eau; traitement par la soude et la potasse à 25 p. iOO
jusqu'à gonflement des fibres et lavage à l'eau et à l'acide azotique à 1 p. 100.
Cette dernière méthode est la méthode de choix par sa généralité, en ce sens qu'elle
s'applique à toutes les sortes de celluloses étudiées jusqu'à présent.
La cellulose ainsi modifiée est très rapidement digérée: c'est ainsi que 1 gramme
de coton traité par NaOU fournit 497 milligrammes de glucose en 24 heures.
Les produits de la digestion de la cellulose typique sont du glucose — ce glucose
a été caractérisé par son osazone.
Seillière s'est demandé si l'hydrolyse diastasique de la cellulose ne comptait pas
un terme intermédiaire, un biose, comme par exemple, au cours de la digestion de
l'amidon par le suc pancréatique on trouve un terme maltose entre les stades amidon,
dextrine d'une part et glucose d'au Ire part. Dans ce cas le terme intermédiaire pourrait
être le celtobiose (Skraup, 1901] ou cellose — biose isomère du maltose — obtenue dans
l'hydrolyse ménagée de la cellulose par l'anhydride acétique additionné d'acide sul-
furique.
Jusqu'ici les recherches sur l'hydrolyse fermentaire n'ont pas permis d'isoler de
biose intermédiaire.
Ceci ne prouve pas que ce biose ne se forme pas, et il est possible, d'après Seillière,^
qu'il soit hydrolyse presque aussitôt que formé, comme il arrive pour la digestion de
l'amidon en présence d'un mélange d'amylase et de mallase, dans lequel on n'obtient
que du glucose sans pouvoir mettre en évidence le maltose.
Un fait curieux signalé encore par Seillière est que la cellulose rendue très atta-
quable par action de NaOU redevient beaucoup moins attaquable quand ce produit a
été desséché dans le vide.
Tout récemment Lohrisch a recherché la quantité de cellulose assimilée par certains
invertébrés : en général il constate que l'assimilation des celluloses et des hémi-cellu-
loses porte sur environ oO p. 100 des substances absorbées (diverses chenilles).
532 INTESTIN.
A ces quelques notions se bornent nos connaissances actuelles sur la digestion de la
cellulose par les sucs animaux chez les Invertébrés.
II. Digestion de la cellulose chez les Vertébrés. — Chez les animaux vertébrés, la
digestion de la cellulose s'opère d'une façon toute différente. Quoique cette digestion de
la cellulose soit un phénomène très important, comme nous le verrons dans la suite,
pour la nutrition de toute une catégorie d'animaux, il est très remarquable de constater
que cette digestion cellulosique est, pour ainsi dire, un fait accidentel : elle est due, en
effet, entièrement à l'intervention de certains microbes, hôtes du tube digestif; si bien
qu'on ne conçoit même pas l'existence possible des herbivores sans l'assistance des
microbes. La vie sans microbes, que Pasteur jugeait impossible d'une façon générale, est
probablement possible pour les carnivores et les omnivores, mais a priori elle paraît
impossible pour les herbivores.
La majorité des physiologistes ont pensé tout d'abord que les vertébrés n'assimi-
laient pas la cellulose, et que, dans les tissus des plantes ingérées, les vertébrés n'utili-
saient que les albumines, les graisses et les divers hydrates de carbone susceptibles
d'être hydrolyses par les ferments des glandes digestives, IIaub.ner, en 1854, démontre
que les herbivores assimilent vraiment la cellulose; mais ce n'est qu'à partir de 1884
que nos noiions sur la digestion cellulosique se précisent, grâce aux travaux de
Kmeriem, Tappeiner, Zumz, etc.
[° La digestion cellulosique est due aux bactéries du tube digestif. — Ce fait fonda-
mental est admis aujourd'hui pour deux raisons. La première est qu'on ne connaît
aucun ferment animal, chez les herbivores, susceptible d'attaquer la cellulose. Il y
a longtemps que la remarque en a été faite : sa justesse a été vérifiée par tous les
auteurs qui ont repris la question. Aussi ne citerons-nous qu'à titre d'exemple les
résultats récents de Lourisch, 1909.
Cellnloso
retrouvée
Ct'llulose mise après 48 heures
au contact. de digestion à 'H'i"
gr. gr.
Suc pancréatique de porc 4- toluol 0,415 0,449
Extrait alcalia de pancréas de porc + toluol 0,480 0,501
Suc pancréatique de porc + suc intestinal de porc àâ + toluol. 0,239 0,3io
Ces résultats montrent que le suc pancréatique n'a pas la moindre action sur la cel-
lulose, pas plus que le suc pancréatique additionné de suc intestinal.
11 était naturel de penser alors que les microbes étaient les agents actifs de la diges-
tion cellulosique. Il semble bien que cette hypothèse ait été acceptée d'emblée sans
discussion et, pour ainsi dire, par élimination; ce ne fut, eu effet, qu'assez long-
temps après qu'on l'eut admis qu'on s'occupa d'en apporter une démonstration directe.
Les faits positifs qui témoignent le plus nettement en faveur de l'intervention des
microbes dans la digestion cellulosique, consistent en ceci : qu'une digestion cellu-
losique active est presque constamment entravée par la présence des antiseptiques.
Comme, d'une façon générale, on a toujours constaté que les antiseptiques n'entravent
que peu l'action des ferments solubles, on en a conclu qu'une digestion entravée par
des antiseptiques est une digestion microbienne. Voici des expériences de Lohrisch qui
confirment cette proposition. Du liquide cœcal de cheval est additionné de cellulose
avec ou sans antiseptique et porté à l'étuve : on recherche la quantité de cellulose
digérée.
Durée Cellulose
de la digestion. digérée,
heures. p. 100.
Liquide caecal + cellulose 19 1/2 17,9
50 cmc. + lo cmc. d'acide phéniquc à 2 p. 100. . 69 1/4 0
50 cmc, + 3 cmc. de toluol 72 1/2 0
50 cmc. + thymol en excès 70 0
Une autre démonstration peut-être encore plus directe du rôle des microbes a été
apportée par Lohrisch, qui constate qu'une simple fîltration sur papier épais prive le
INTESTIN. 533
liquide ca>cal de toutes ses propriétés digeslives. Comme il est sans exemple qu'une
simple fillration sur papier arrt^te It^s « ferments solubles », il s'ensuit que l'élément
actif retenu par le (iltre doit être la masse microbienne.
Ainsi donc, absence de tout ferment animal susceptible de digérer la cellulose, et
arrêt de l;i digestion cellulosi([ue par les antiseptiques, ou par filtration des liquides
intestinaux, telles sont les deux raisons qui permettent d'aflirmer que, chez les verté-
brés, la digestion cellulosique est microbienne.
Pour posséder une connaissance complète de cette digestion microbienne, il reste-
rait i\ connaître : 1" les bactéries en cause, et 2° les conditions de développement de
ces bactéries. Sur ces points, nos connaissances sont fort restreintes.
Avec Van Tieghem (1879), on admet que le principal agent de la digestion cellulo-
sique est le Bacillus amtjlohacter. Mais nous ignorons si d'autres microbes ne lui sont
pas associés dans cette œuvre.
Au point de vue des conditions d'action des microbes cellulolytiques, deux faits seuls
ont bien été établis par Loiirisch. Le liquide intestinal bouilli, qui a perdu sa propriété
de digérer la cellulose (Hokmeister), ne la récupère pas après ensemencement avec de
petites quantités de liquide intestinal frais; ce fait est très important, car il montre que
les bacilles cellulolytiques sont assez délicats pour ne plus pouvoir se développer sur un
milieu favorable dénaturé par une simple ébullition. D'autre part, Loiirisch a vu encore
qu'en présence de l'air, et à une température de 38", les microbes cellulolytiques
meurent rapidement dans le suc intestinal. L'n suc intestinal abandonné à lui-même
devient roniplèleinent inactif au bout de 9 jours.
2° Produits (le la di</estio)i. — L'\s produits de la digestion cellulosique sont quali-
tativement les mêmes; que la digestion s'accomplisse in vivo ou qu'elle s'accomplisse
in vitro (Tappeiner) : ce sont principalement CO', CH'% de l'acide acétique et de l'acide
butyrique, accessoirement de l'acide fonnitiue et de l'acide propionique.
L'examen quantitatif des produits de la digestion, étudiée in vivo, ne donne que des
résultats irréguliers. Selon qu'on examine le contenu de l'estomac, celui de l'intestin
grêle ou celui du caecum, on trouve des proportions variables de CO- et CH^ (Tappei.ner).
Ces faits s'expliquent aisément si l'on se rappelle que la muqueuse de l'estomac et celle
de l'intestin résorbent les gaz avec des vitesses très inégales. Malgré ces causes d'erreur,
une analogie très nette se retrouve cependant dans les processus de la digestion in vivo
et dans ceux de la digestion in vitro, lorsque celle-ci est très active.
Gaz de la panse Gaz développés in vitro,
du cheval. (TArPEiNER).
C02 75,47 55,19
CH4 23,27 , 37,08
Mais il n'en reste pas moins que seule l'étude de la digestion in vitro nous permet
de connaître quantitativement les produits de la digestion. D'après Henneberg et
Stohmann, 100 grammes do cellulose donnent naissance à :
33k%5 de CO^
4K%7 de CHi
338", 6 d'acide acétique
33«',& d'acide butyrique.
3° Sort des produits de la digestion cellulosique. — Les gaz volatils CO- et CH* de
la digestion sont éliminés par les herbivores en nature. D'après Zuntz, CH^ est presque
totalement éliminé par le rectum, tandis que CO-, qui est très rapidement résorbé par
l'intestin, est éliminé en très grande partie par la voie pulmonaire. Étant donné enfm
qu'on ne trouve dans les urines que des traces d'acide butyrique et d'acide acétique, et
que ces urines sont très riches en carbonates, il est extrêmement probable que les
acides butyrique et acétique sont brûlés dans l'organisme en donnant des carbonates
alcalins.
Ces divers faits permettent plusieurs conclusions importantes.
L'élimination abondante par le poumon du CO- provenant de la fermentation intes-
534 INTESTIN.
tinale, tend à augmenter le quotient respiratoire d'une façon très notable. D'après les
travaux de Zuntz, on peut voir que, chez le bœuf, environ le quart de lacide carbonique
expiré provient de la fermentation intestinale.
Mais, inversement, la combustion de l'acide butyrique et de l'acide acétique tend à
diminuer notablement le quotient respiratoire (Mallèvre). Chez des lapins auxquels on
injecte de l'acétate de soude, on constate, en effet, que le quotient respiratoire (Q. R.)
tombe de 1,04 à 0,71 et de 0,86 à 0,69; ce qui est aisé à comprendre si l'on se repré-
sente la combustion de l'acétate de soude selon la formule la plus probable.
C2H302Na + 20i = CO^ + H^O + CO 'NaH;
d'où on a
C02 . ,
205 = "'■^-
Par conséquent, étant donné que chez l'animal, en même temps qu'il se produit une
élimination de CO- qui tend à augmenter le Q.R.,il se fait une combustion d'acide gra-
qui tend à diminuer le Q.R, il s'ensuit que les deux causes de perturbations s'annulent
presque, et que le Q.R. des herbivores est à peu près comparable à celui qui existerait,
si la cellulose était digérée directement dans Tintimité des tissus et, par suite, très
comparable au quotient qu'on trouverait chez un animal absorbant une nourriture très
riche en hydrates de carbone ordinaires.
L'élimination en nature de CH'^ est intéressante, car elle nous est un indice de l'acti-
vité de la fermentation microbienne. De la quantité CH'^ éliminée, nous pouvons
conclure directement à la quantité de cellulose hydrolysée, selon les processus exposés
plus haut. Des travaux de Zl.vtz, il semble résulter qu'on peut conclure de l'élimination
de CH'* à une hydrolyse exclusivement bactérienne de la cellulose digérée. Ainsi se
trouve écariée une hypothèse possible de la digestion cellulosique, à savoir que la
digestion in vivo serait entreprise par les bactéries et continuée par les ferments ani-
maux.
De ces mêmes constatations, on peut calculer les calories utilisées par l'organisme
dans la digestion cellulosique.
100 gr. de cellulose = 414^600 calories.
Les produits de la digestion do 100 grammes de cellulose donnent :
gr. Calories.
33,0 C02
4,7 CH* = 13°'', 344 x 47 = 62,717 perdues, puisque CH^ éliminé en nature),
33,6 acide butyrique = 3"',o X 33,6 = 147,76
33,6 — acétique = 5"',6 x 33,6 = 189,73
Chaleur de fermentation = 44,37
Calories utilisées 3o."l,86
La fermentation microbienne n'est donc pas un processus de digestion très onéreux
414,6
pour l'organisme, puisqu'elle ne prive l'organisme que du septième - ^ des calories
alimentaires.
4" Utilisation des diverses celluloses par les divers animaux. — Chez le même animal,
les diverses celluloses sont très diversement utilisées; en général, les celluloses des
tissus jeunes et tendres sont beaucoup mieux utilisées que les celluloses des tissus
adultes lignifiés, sans qu'il nous soit possible actuellement de préciser davantage et de
traduire, en un langage chimique, cette vague opposition. Le lapin, par exemple,
assimile, d'après Knieriem :
Coques de noix pilées 5,03
Fibres de lin 5,40
Foin 52,47
Papier 54,49
Carottes 65,30
Feuilles de chou 77,90
INTESTIN. 53»
Les divers animaux utilisent la cellulose d'une manière très in«fj;ale.
Knieriem a fait, à cet égard, des recherches chez l'homme, les oiseaux carnivores, les
chiens, et les lapins,
a) Homme fi :
Jours. Régime. Cellulose des fèces.
1 Bii-re, viande, iVomagc, café, lait 0,138
2 — — 0,0018
3 — — 0,0177
4 — — 0,001
o ld + ;J71 gv. do. Scorzoïiera fiispantca^ =3«%3ijlli de cellulose. 1,283
(i Régime antéiieur 1,064
7 — 0,744
8 — 0,044
D'où utilisation de la cellulose := 4,1 \^. 100
Chez l'homme, la digestion de la cellulose est donc minime.
b) Chiens et oiseaux cartiivores : Knieriem la trouve à peu près nulle.
c) Animaux herbirorea : Chez les herbivores, lapin, cheval, bœuf, etc., l'utilisation de
la cellulose est considérable et varie selon les celluloses de 50 à 80 p. 100 en moyenne.
5» Sièije de la diijestion de la cellulose. — De l'opinion de Tappeiner et de Zu.ntz, la
digestion de la cellulose sérail loin d'être également active dans tout le tractus digestif.
Elle aurait son ma.ximum d'intensité dans l'estomac et le cipcum, et serait très faible
dans l'intestin grêle. Cette opinion est basée sur ces faits que l'on trouve peu de gaz
dans l'intestin grêle, alors qu'on en trouve beaucoup dans l'estomac et le caecum, et
que le liquide de l'intestin grêle ne jouit que d'un pouvoir cellulolytique très faible
tandis que celui de l'estomac et du ca:!cum digère la cellulose avec activité.
6" Influence de la di(/estion de la cellulose sur la digestion des autres aliments. — Nous
avons déjà vu que Viugestion de la cellulose accélère le transit intestinal chez tous les
animaux, et que cette accélération du transit a pour conséquence une petite diminu-
tion dans l'utilisation des divers aliments: hydrates de carbone, graisses et albumines.-
La digestion de la cellulose, par contre, qui n'est véritablement importante que chez
les herbivores, a aussi une conséquence importante; c'est qu'elle entrave la digestion
des hydrates de carbone par les sucs digestifs animaux ; Tappeixer constate que, si des
herbivores ont ingéré de l'amidon, cet amidon subit une fermentation bactérienne. Il
semble donc que, chez les herbivores, la digestion des hydrates de carbone soit unillée
selon un même type, qui est l'hydrolyse par les bactéries. Le retentissement de la
digestion cellulosique sur la digestion des albumines et des graisses est peu connu.
7" Importance de la cellulose dans l'alimentation des herbivores. — Étant donné
que les - des calories disponibles de la cellulose sont utilisés par l'organisme des her-
bivores, que oO p. 100 au moins de la cellulose est digérée, et que l'alimentation des
herbivores consiste, en grande partie, en cellulose, on conçoit que la cellulose soit un
aliment très important pour les herbivores.
L'expérience démontre, en plus, que la cellulose est encore un aliment indispen-
sable (Knieriem).
« Le 30 septembre 1878, on met un lapin dans une cage dont le fond est un treillis
métallique à mailles de 3 millimètres. Les matières fécales se rassemblent sur ce
treillis, tandis que les urines passent au travers pour se collecter dans un vase. L'animal
recevait par jour 150 centimètres cubes de lait et 5 grammes de sucre... Dès le
11 octobre, les matières ne sont plus expulsées sous forme de billes, mais sous une
forme liquide ou molle. Le 1'^'" décembre, l'animal est trouvé mOrt dans sa cage. Le
poids de l'animal était alors de 822 grammes, c'est-à-dire 69 p. 100 de son poids pri-
mitif; la mort ne pouvait donc être imputée à l'inanition. A l'autopsie, on constate que,
dans l'estomac, il n'y a que du mucus, et que la région pylorique est enflammée; l'in-
testin grêle est rempli de mucus, fortement enflammé dans toute sa longueur; il en est
de même du caecum. Ce dernier, de plus, est rempli de matières de la consistance d'une
1. Légume vendu souvent comme salsifis.
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INTESTIN. 537
masse vitrifiée et fortement adlu''rentes aux parois et aux plis du c;t'cum. Si Ton com-
pare le contenu d'un intestin de lapin nourri normalement à ce tableau, la dillérence
est frappante; la masse ca-cale est mobile, elle s'échappe par une simple pression
du coacum, et ainsi se trouve maintenue une libre communication entre l'estomac
et le rectum qui n'existe plus au cours de l'alimentation dépourvue de cellulose.
L'absence de cellulose, en diminuant le périslaltisme et en permettant cette accumu-
lation caecale, a donc causé la mort de l'animal. »
L'expérience mémorable de Knieriem est du plus haut intérêt; elle nous montre le
sort final d'un animal dont on modifie complètement l'alimentation naturelle. Mais
l'interprétation que Knuckiem donne de son expérience est certainement incomplète.
Pour Knieriem le lapin soumis au régime lacté meurt de constipation.
Les acquisitions récentes de la physiologie nons permettent d'ajouter que le lapin
a dû pàtir encore : 1" d'un excès d'urée dans le sang — dû au régime hyperazoté du
lait. — Le lapin tolère mal des introductions considérables d'urée (Heilner, Z. B.,
\00Q\ 2" de l'introduction d'une albumine étrangère à son alimentation habituelle.
3" de formation de substances toxiques au cours de sa dyspepsie intestinale pouvant
causer de graves néphrites. C'est ce qui a lieu même chez le chien au cours d'un
régime azoté abondant (Ambard), etc.
Nous devons donc être aujourd'hui très réservés sur l'interprétation de l'expérience
de Knieriem.
^ Digestion des Pentosancs.
Xylanes. — On ne connaît de xylanase animale que chez les invertébrés herbi-
vores où elle est fort répandue. Dans les séries de mollusques et de crustacés il est
remarquable de constater que la xylanase est toujours présente chez les formes herbi-
vores, alors que des formes voisines, mais carnivores, en sont dépourvues (Seillière).
On la trouve chez les mollusques herbivores (y compris les bivalves), les crustacés her-
bivores, les larves d'insectes xylophages, chez certains coléoptères adultes.
Les sucs de ces animaux transforment le xylane en xylose caractérisé (Seillièke) par
ses réactions colorées, par son osazone et dans certain cas par la formation de xylono
bromure de cadmium.
Les sucs ont une activité extrême; en quelques heures lasaccharification est totale.
Les expériences de Seillière ont toujours porté sur de la xylane préparée à partir de
la sciure de peuplier. Chez les vertébrés il n'existe pas de xylanases animales. Par
contre les microbes ont une activité très nette sur la xylane.
Les constatations suivantes sont empruntées textuellement à Seillière.
Les animaux, lapins et cobayes nourris de foin vert et de pain, étaient sacrifiés et
le contenu du gros intestin délayé aussitôt dans cinq volumes d'eau chloroformée, puis
centrifugé; on décantait ensuite la partie liquide. Ce liquide, de réaction légèrement
alcaline, fut additionné de xylane dans la proportion de o p. 100, et d'un excès de
chloroforme. Après quarante-huit heures de séjour à Tétuve, on a précipité par deux
volumes d'alcool à 98°, filtré, évaporé l'alcool et déféqué au sous-acétate de plomb et
r-s.
Le liquide ainsi obtenu donnait avec Intensité les réactions des pentoses avec la
phloroglucine et l'orcine; la phénylhydrazine a fourni une osazone fusible à 160-162°,
dont les propriétés concordaient bien avec celles de la xyiosazone.
Des digestions témoins, faites avec les mêmes liquides diastasiques chauffés, n'ont
donné lieu à aucune production de pentose.
En acidifiant très légèrement par l'acide acétique, l'action de la diastase paraît s'ac-
célérer; mais ce sont là des conditions qui ne sont guère réalisées in vivo, le contenu
intestinal du lapin et du cobaye étant normalement alcalin.
Les sécrétions digestives des herbivores ne renfermant pas de xylanase, celle ren-
contrée dans le côlon devait être d'origine microbienne. L'essai suivant nous paraît
confirmer cette vue : le contenu intestinal, délayé dans deux volumes d'eau, est chauffé
à 100°, de manière à détruire les diastases et la plupart des microbes. Après refroi-
dissement, on a ensemencé avec une petite quantité de contenu ca-cal non chauffé, en
538 INTESTIN.
suspension dans l'eau. Le lout ôtant mélangé, on a pre^levé une portion du magma qui
a été saturé de chloroforme pour empêcher le développement des microbes. Celte por-
tion a servi à faire avec de la xylane une digestion analogue à celles qu'on a mention-
nées plus haut; il n'y a pas eu d'hydrolyse appréciable.
La partie ensemencée étant maintenue trois jours à dl", les microbes ont
repris possession de la masse, et avec eux a reparu la xylanasc : une digestion
analogue aux précédentes a permis de constater une hydrolyse des plus nettes de la
xylane ^
V. Voies d'absorption des graisses chez les divers animaux. — « La proj)o-
sition que nous venons d'émettre, à savoir que les matières tirasses sont absorbées ])ar
les vaisseaux lymphatiques de l'intestin qui prennent le nom de vaisseaux chylifères,
paraît souffrir des exceptions quand on examine l'absorption des matières grasses dans
les autres classes d'animaux vertébrés, les oiseaux, les reptiles et les poissons. On voit,
en effet, que dans ces animaux les vaisseaux lymphatiques de l'intestin qui sont, du
reste, assez peu nombreux chez les oiseaux, ne renferment jamais, pendant la diges-
tion, des matières grasses émulsionnées; de sorte que les vaisseaux chylifères n'ont
pas, chez ces trois classes de vertébrés, les mêmes usages à remplir que chez les mam-
mifères. Cependant, on ne peut pas admettre que l'absorption de la graisse n'a pas lieu
chez ces animaux ; seulement, on reconnaît que celte absorption s'effectue au moyen
d'un autre système vasculaire, c'est-à-dire de la veine porte. Nous avons dit que la
graisse absorbée par l'intestin ne devait pas traverser le foie. Cependant, chez les
oiseaux, si la graisse était absorbée par la veine porte, elle devrait incessamment passer
à travers le système capillaire hépatique'avant d'arriver au cu'ur. Or il existe, chez tous
les animaux où les lymphatiques ne sont jias destinés à l'absorption de la graisse, des
communications très larges entre le système de la veine porte et le système de la veine
cave ; de telle faron que les matières grasses absorbées peuvent passer de la veine porte
directement dans la veine cave, sans traverser le tissu capillaire du foie. Les vaisseaux
de communication entre la veine porte et la veine cave constituent ce qu'on appelle le
système veineux de Jacobson, qui existe dans les trois classes d'animaux vertébrés,
autres que les mammifères (fig. 93, p. o20 . C'est grâce à cette disposition que la
graisse peut arriver dans le système circulatoire général, sans traverser les capil-
laires du foie dans lesquels elle s'arrêterait, ainsi que l'ont prouvé les recherches
physiologiques de Magendie et les recherches chimiques de Lehmann. (Cl. Bernaud :
Leçons de pltys. crpèr., IL)
D'ailleurs, Claude Bernard pense que les oiseaux ont une faculté absorbante pour
les graisses beaucoup plus faible que les mammifères. >< J'ai souvent donné à des
oiseaux de la graisse en assez forte proportion dans les aliments, et j'ai également
constaté (comme Bousslngaclt) que, dans les excréments, on en rencontrait une grande
proportion : ce qui n'a pas lieu en semblable circonstance pour les mammifères. »
A ces considérations de Cl. Bek.nard, sur l'absorption des graisses, se borne toute la
documentation sur cette question des voies d'absorption des graisses chez les divers
animaux.
VL Respiration intestinale. — L'intestin est susceptible d'absorber îles gaz en
très grandes quantités. De l'acide carbonique injecté dans le rectum en disjiaraîl très
rapidement et s'élimine par le poumon (Ch. Richet . Quelques instants après l'injection
d'eau oxygénée dans le rectum, on constate que le sang veineux des vaisseaux mésen-
tériques devient rutilant. En général, la muqueuse intestinale n'a cependant qu'un rôle
insignifiant dans les échanges respiratoires, et ce n'est que chez quelques poissons que
ce rôle est très accusé.
Déjà, en 1814, Treviranus avait signalé que Cobitis fossilis avale constamment de
l'air qu'il rend par l'anus. Baumert a fait l'analyse des gaz émis par l'anus, et constaté
une proportion de 87,18 d'Az, 12,03 d'O et 0,79 de CO^. L'intestin de Cobitis fossilis
a été étudié par Leydig et surtout par Calogareanu, dans le mémoire duquel on trou-
vera de très belles reproductions de coupes de l'intestin. Ces coupes montrent qu'il
1. Ces essais ont été faits sur le lapin et le cobaye. C'est le contenu intestinal du cobaye
qui s'est montré, en général, le plus favorable au développement des microbes.
INTESTIN. 539
y a une véritable adaptation histologique de la muqueuse intestinale ;"i sa nouvelle
fonction respiratoire. Une ^'rande partie des cellules sont effilées dans leur partie pro-
fonde et s'étalent larj^ement dans leur partie libre au-dessus des capillaires, rappelant
ainsi la disposition anato inique du poumon.
JOBERT rapporte que CalHcthys a<!pcr, poisson brésilien, succombe si on l'empêcbe
d'avaler de l'air à la surface des eaux.
AMBARD.
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540 INTESTIN.
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question se trouvent dans les travaux de Chepowalnikoff, Delezenne, Frouin,Lintware\v,
Pawlow et Walter, cités plus haut.) — Bayltss et Stabling. The proteolylic activities of
the pancreatic juice (J. P., 1903, xxx, 61). — Bierrv et Henri. Le lait réactif sensible du
suc pancréatique {B. B., 1902, 667). ~ Breton. Sur le rôle kinasique des microbes normaux
de Vintestin, particulièrement chez l'enfant B. B., 1904, .3')). — Camus et Glev. A propos
de l'influence des macérations d'intestin sur l'action protéolytique du suc pancréatique
(B. B., 1902, 334). A propos de l'action de la rate sur le pancréas {Ibid., 1902, 800). —
Camus. Entérokinase et sécrétine (B. B., 1902, 513). A propos de la transformation
possible de V entérokinase en sécrétine {Ibid., 1902, 898). — Dastre et Stassano. État de
la kinase et de la protrypsine dans la digestion de l'albumine {B. B., 1903, 635). — —
Les facteurs de la digestion pancréatique, suc pancréatique, kinase et trypsine, ayitikinase
Arch. Intern. de Phys., 1904, i, 86). — Delezenne. L'action du suc intestinal dans la
digestion tryptique des matières albuminoides [B. B., 1901, 1161). — — L' entérokinase
et l'action favorisante du suc intestinal sur la trypsine dans la série des vertébrés (Ibid.,
1901, 1164). Sur la dir^tribution et l'origine de l'entérokinase [Ibid., 1902, 281).
Sur la présence dans les leucocytes et les ganglions lymphatiques d'une diastase favorisant
la digestion tryptique des matières albuminoides [Ibid., 1902, 283). Les kitiases leuco-
cytaires et la digestion de la fibrine par les sucs pancréatiques inactifs {Ibid., 1902, 590). —
— L'action favorisante de la bile sur le suc pancréatique dans la digestion de l'albumine
{Ibid., 1902, 592). — — Sur l'action protéolytique de certains sucs pancréatiques de fistule
temporaire [B. B., 1902, 693). Sur l'action protéolytique des sucs pancréatiques de
pilocarpine. Passage des leucocytes dans la sécrétion pancréatic/ue et la sécrétion urinaire
sous l'influence de la pilocarpine. Action kinasique de l'urine de pilocarpine {Ibid., i902,
890). A propos de l'action de la chaleur sur l'entérokinase {Ibid., 1902, 431).
Sur les différents procédés permettant de mettre en évidence la kinase leucocytaire {Ibid.,
1902, 893). — Delezenne et Frouln. Le suc pancréatique des bovidés {B. B., 1903, 455). —
— Sur la préseixce de sécrétine dans les macérations acides des ganglions méscntériques
{Ibid., 1902, 896). Les kinases microbiennes. Leur action sur le pouvoir digestif du suc
pancréatique vis-à-vis de l'albunwxe {Ibid., 1902, 998). Sur l'existence d'une kinase
dans le venin des serj^ents (Ibid., 1902, 1076). Action du suc pancréatique et du suc
intestinal sur les héynaties {Ibid., 1903, 171). — Delezenne et Mouton. Sur lu présence
d'une kinase dans quelques champignons [Ibid., 1903, 27). — Frouln. Sécrétion et activité
kinasique du suc intestinal chez les bovidés (B. B., 1904, 806). — Influence de l'ablation
de la rate sur la digestion pancréatique des animaux agastres [Ibid., 1902, 418). La
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Sur l'extraction de l'entérokinase par les nucléo-albumincs de la muqueuse intestinale (B.
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de la digestion tryptique par l'afflux expérimental de leucocytes et par l'hyperhémie physio-
logique de la digestion {Ibid., 1902, 1101). L'action in vitro des leucocytes des exsu-
dais sur le suc pancréatique est qualitativement comparable à l'action de l'entérokinase
{Ibid., 1902, 1102). — Stassano et Simon. Du rôle des cellules éosinophiles dans la sécrétion
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préalablement dialyse {Ibid., 323). Sur l'activalion du suc pancréatique par les sels
de calcium. Action anla(joniste des sels de potassium {Ibid., 014). Nouvelles observa-
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Activation du suc pancréatique sous l'influence combinée des colloïdes cl des éleclrolytes
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tant le lecteur trouvera la bibliograpbie complète de la digestion tryptique depuis
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1902, 839). — DoLYNZRi. Etudes sur l'excitabilité sécrétoire spécifique de la muqueuse du
tube digestif {Arch. des Se. Biol. de Saint-Pétersbourg, 1895, 399). — Enrtquez et Hallion.
Réflexe acide de Pawlow et sécrétine; mécanisme humoral commun {B. B., 1903, 233). —
Réflexe acide de Pavloff et sécrétine. Nouveaux faits expérimentaux {Ibid., 363). — Fleig,
Sécrétion pancréatique et atropine (B. B., 1901, 759). Des effets antagonistes de
l'atropine et de la pilocarpine sur la sécrétion pancréatique {Ibid., 879 . Sécrétine et
acide dans la sécrétion pancréatique {B. B., 1903, 293). A propos de l'importance rela-
tive du mécanisme humoral et du mécanisme réflexe sur la sécrétion pancréatique. Voir
INTESTIN. 551
encore plusieurs autres notes du même auteur dans le même tome de la Soc. de
Biol., 462). Mode d'action chimique des savons alcalina sur la sécrétion pancréatique
(B. B., 1903, 1201). — Mécanisme de Vactiondc la sapocrinine sur la sécrétion pancréatique
{Ibid., 1213). Intervention d'un processus humoral dans l'action des savons alca-
lins, etc. {Journ. de Phys. et de pathol. {/énér., 1904). — FOrst (0. V.) et Sachs. Zur
Kenntniss der Secrctine {A. g. l\, cxxiv, 1908, 427). — Gottueb. Beitruge zur Physiologie
und Pharmacologie dcr Pancreassccretion {A. P. P., xxxni, 1894). — Heideniiain. [hiHer-
mann's Ilandb., v, 1883, 183). — Pawlow. Travail- des glandes digestives, — Popielski.
{Gazette de Botkin, 1900). — Simon. Sur quelques effets des injections de sécrétine {A. P.,
1907, janvier). — Ssawitsch. {Sitzungsh. der (ies. dcr rùss. Arzte, 1903). — Weutheimeh et
Lepage. Sur les fonctions réflexes des ganglions abdominaux du sympathique dans Cinner-
vation sécrétoire du pancréas (A. P., 1901, 335 et 363).
Bile. — Voir article Bile pour les indications bibliographiques. — Henri et Portier.
Action de la sécrétine sur la sécrétion de la bile {B. B., 1902, 1620). — Falloise. Le tra-
vail des glandes et la formation de la lymphe. Contribution à l'étiule de la sécrétion {Bull.
Ac. Royale de Belgique, Sciences, 1902, 94")).
Site intestinal. — Bayliss et Starling. — Budge. — Enriquez et Hallion. (Voir Suc pan-
créatique). — Falloise. Le travail des glandes et la formation de la lymphe. Contribution
à l'étude de la sécrétion {Bull. Ac. Roy. de Belg., 1902). — Frouin. Action directe et locale
des acides, des savons, de l'éther, du chloral introduits dans une anse intestinale, etc. (B.
JB., i, 1904, 461). Sécrétion et activité kinasique du suc intestinal chez les bovidés {B.
B., i, 190i, 806; 1905, 702). — Henri et Portier. (Voir Bile). — Lamansky. {Zeits. fur
rat. Med., 1866). — Moreau. (Voir Suc intestinal) (C. /{., 1863). — Pawlow. Travail des
gla)ules digestives.
Adaptation des sécrétions : a) chez l'animal. — Frouin (B. B., 190b, 1025). — Pawlow.
Le travail des glandes digestives.
b) Chez l'homme. — Ellinger et Cohn. Beitrdge ziir Kenntniss der Pdnkreassekretion beim
Menschen (Z. p. C, xlv, 1905, 28). — Gl.essner et Popper. Zur Physiologie und Pathologie
des Pankreasfistelssekretes {D. Arch. fàr klin. Mediz., 15 sept. 1908). — Schumm {Voir
composit. du suc pancréatique) {Z. p. C, xxxTi, 1902, 292). — Wohlgemuth. Untersuclmn-
gen iiber tien Pankrcassaft des Menschen {Biochemische Zeitschrift, iv, 1907, 271).
Toxicité du contenu intestinal et rôle protecteur de l'intestin. — La bibliographie de
cette question étant considérable, nous ne donnerons ici que les mémoires essentiels
et ceux qui contiennent une bibliographie étendue. — Asleben (M.). Ueber die
Giftigkeit des normalen Darmextracts (Hofmeisters Bcitràge, vi, 1903, 503). — Boucha|id,
Les auto-intoxications {Essai de pathologie générale) {Revue de Mcdec., 1887). — Charrin.
Les défenses naturelles de l'organisme, Paris, 1908. — Cybulski et Tarchanoff. A propos
des poisons normaux de l'intestin {Arch. Intern. de PhysioloVs v, 1907, fasc. 3). — Falloise.
Les poisons normaux dr l'intestin chez l'homme et les moyens de défense contre ces poisons
{Arch. intern. de Phys., v, 1907, fasc. 2), — Le Play. Les Poisons de l'intestin {Biblio-
graphie complète sur les questions médicales afférentes à la toxicité du contenu intestinal
{Thfse de Paris, 1906). — Metchnikofk. Exposé de conceptions surtout théoriques sur le
rôle de la toxicité tlu contenu intestinal dans les maladies {Études sur la nature humaine,
Masson, 1905). — Roger (M.). Exposé général de la tjuestion de la toxicité du contenu intes-
tinat d'après les mémoires antérieurs et les recherches personnelles de l'auteur {Alimentation
et tligeslion. Paris, 1907). (Nombreuses communications du même auteur avec ses
collaborateurs) (B. B., 1905 à 1908).
Alimentation parentérique. — Voir aussi Résorption intestinale : hydrates de carbone
et albumines.
Albumines. Cramkr. Ou the assimilation of proteiile introiluced parenterally (Z. B.,
1908, 146). — Forster (Z. B., 1876). — Friedmann et Isaac. Uber Eiireissimmunitàt und
Eiweisstoffwechsel {Zeitsch. f. exp. Pathol. luitl Thérapie, i, 1905, 512). — Lommel {A. P.P.,
Lviii, 1907, 50). — Hambcrger (Fr.). Zur Frage der Immunisierung gegen Eiweiss {Wiener
klin. Wochensch., 1902, 1188). — Michaelis et Oppenheimer. Ueber Immumitàt gegen
Eiiveisskôrper {Beitrdge z. ch. Phys. und Pathol., iv, 1903, 263). — Mendel et Rockwood.
On the absorption and utilization of proleids without intervention of the alimentary digestive
processes {Arneric. Journ. of Physiol.,xiï, 1905, 336).
552 INTESTIN.
(iraisses. — ilKNDEnsoN et Crofutt. Observations on the fale of oit injected subcuta-
neows/y {Americ. Journ. of Phys^iol., xiv, 1905, 193-202). — Lecbe. Die suhcutane Fetter-
nahriinf/ (Tht-se de Wurzburu, 1S07.
Péristaltisme et sécrétion intestinale (Purgatifs). — Nous ne pouvons donner ici
qu'une faible partie de la bibliographie de celle question. Nous renvoyoos le lecteur aux
iraités de pharmacologie (voir aussi Thèse de Brisskmoret), pour l'action des très nom-
breuses drogues purgatives dont l'artioti sur le péristaltisme et la sécrétion intestinale
n'a pas été étudiée physiologiqui'ment, quoique dûment constatée, et pour celte raison
couramment employée en thérapeutique. Nous ne citerons ici que les travaux où le
mécanisme d'action du purgatif a été l'objet d'une étude systématique (sels). — Auer.
The effect of siibciitancoiis and intravenous injections of soyne saline purgatives upon intes-
tinal peristaltis and ptirgation (Americ. Journ. of Phys., xvii, 1906, 15). — Hay. iLiltérature
jusqu'à 1882.) {Journ. of An<i(. nnd PliijsioL, 1881, 593 et 1882, 435). — Mac Calum. On
the local application of solutions of saline purgatives to the peritoneal surfaces of the intes-
tine {Americ. Journ. of Phys., 1903, 102; 1904, 263). — Meltzeu et Auer. Physiologicaland
pharmacological study on magnésium salis {Americ. Journ. of Physiol., xiv, 1905, 366). —
— Physiological and pharmacological sludies on magnésium salts, etc. {Americ. Journ. of
Physiol., XV, 1906, 387).
Méthodes pour explorer les fonctions digestives. — Os méthodes, qui concernent
exclusivement l'honinje r-t (jiii ont été étudiées uniquement par des médecins, n'ont
pas encore actuellement une précision suffisante pour trouver place dans un arliclo de
physiologie.
Voici trois indications bibliographiques qui pourront servir au lecteur à retrouver les
travaux parus sur ce sujet. — Léimne. Revue générale critique et complète avec toutes
les indications bibliographiques fondamentales, 'donnant de la question une idée théo-
rique nette. (Semaine médicale, 1908, 157.) — Schuidt et Strassburger. Traité complet de
la séméiologie des fèces. (Die Faeces des Menschen, Herlin, 1905). — Gaultier. Traité de
coprologic clini</ue, Paris, 1907.
Innervation vaso-motrice. — Dastre et Morat. Systi'me nerreu-v vaso-moteur (A. de P.,
18841. — Hallion et Franck (Fr.). Recherches e.rprrimentales exécutées ù Vaide d'un nouvel
appareil volumctrique sur l'innervation vasomotrice de l'intestin {A. de P., 1896, 478 et 493).
— Wertheimer. Sur quelques faits relatifs entre la circulation superficielle et la circula-
tion viscérale (A. de P., 1891, 547).
Innervation sécrétoire. — Bernard (Cl.). Leçons sur tes liquides de l'organisme, ii, 341.
— Falloise. Origine sécrcloire du liquide obtenu par énervution d'une anse intestinale
(Arch. intcrn. de Phys., 1904, 261. — Landois. Physiologie, 4*^ édil., 340. — Moreau. Ueber
die Folgen der Durchschneidung der Dannnerven (Centralhl. f. die medic. Wissenschaft,
1868, 209). — Wertheimer. Expériences sur le suc intestinal et le suc pancréatique (Echo méd.
du Nord, 1902). — Wertheimer et I.epage. Sur les fonctions 7'éfle.ves des ganglions abdomi-
naux, etc. <A. 'le P., mai 1901, 335 et 363).
ANATOMIE ET HISTOLOGIE COMPARÉES.
Béguin. L'intestin pendant le jeune et l'intestin pendant la digestion (Arch. Anat. mi-
crosc, VI, 1903-04. — Bezzola. Contributo alla conoscenza ddl' assorhimenfo intestinale
{Bollett. d. Soc. Med. chir. di Pavia, i, 1904). — Chapeaux. Recherches sur la digestion des
Cœlentérés (Arch. Zool. exp., 1893). — Claus. (Traité de Zoologie). — Corti (A.). Sui meca-
nisnri funzionali delta mucosa intestinale assorbente di mammifero (Atti del Congresso dei
Waturalisti Italiani, Milano, 1906). — Cvksot. Études physiologiques sur les Crustacés Déca-
podes (Arch. Zool. exp., T, 1894 et A. B., xiii, 1895). Fonctions absorbantes et excré-
trices du foie des céphalopodes (Arch. Zool. expér., vu, 1907). — Drago. Cambiamenli di
forma et di struttura deV epitelio-intestinale durante l'assortiinento dei grassi (Ricerche fatte
nel Lab. di Anat. Norm. d. R. Univ. di Roma, viii, 1900). Relazione fra le rccenti
Ricerche istologische e fisiologische sidV apparalo digerente e l'assorhimento intestinale (Rass.
internaz. Med. mod., Catania, 1900. — Ewald. Ueber Fettbildung durch die ûberlebende
Darmschleimhaut. (Arch. f. Anat. und Phys., 1883). — Fre.nzel. Ueber den Darmkanal der
INTESTIN. 553
Crustaccen {Arcli. fur mikr. Anat., 1880). — Kolossow. Zur Analomie imd l'hysiologie
der Drusenepithelzcllen. {Anat. Anz. xxi). — Krehl. Ein Beitrag zur Fettrexorption {Arch.
f. Anat.u. physiol. Anat., Abt.,iS0O). — Gruenhagen. Veber Vettresorptioti und Darmcjyilel
{Arch. f. mikr. Anat., xxix, 1887. — Guiryssk. Étude des organes diçicslifs chez les Crustacés
[Arch. Annt. microsc, ix, 1907). — Heidf.niiain (R.). Beilrnge zur Histologie und Physiologie
der Dihindarmschleiinhaut [A. g. P., 1888). — Hkxneguy. Leçons sur la cellule. — — Les
insectes. — De Luca. Ricerche sopra le modificazioni delV epitelio dei vilii iniestinali nel
periodo d'assorbimento e nel pcriodo di digiuno [Bullett. délia II. Ace. Med. di Roma,
Anno XXXI, 1904). — Mesnil. Digestion intracellulaire et diastases des actinies (ylnn. Inst.
Pasteur, 1901). — Metschnikoff. Ueber die Verdauungsorgane einigcr Siisswasserturbellarien
{Zool. Anz., 1878). Ueber die intrace Un lare Verdaiiung bei dcn Cœleiileroten (Zool.
Anz., 1880). Zur Lehre liber die intrncellulare Verdauung niederer Thiere (Zool. Anz.,
1882). — MiNGAzziNi. Cambiamenli morfologici delV epitelio intestinale durante Vassor-
bimeyïto délia sosla)tze alimentari [Ricerche d. R. Ace. dei Lincei. Classe di se. fis. mat. e
nat., IX, 1900). Cambiamcnti morfologici dell epitelio intestinale durante Vassorbia-
mento délie sostanze alimentari [Ricerche fatte nel Lab. di Anat. Norm. d. R. Univ. di
Roma, v-viii, 1900). La secrezione interna nell' assorbimcnto intestinale [Ibid., viii,
1900). — MoNTi (!{.). La funzioni di secretione e di assorbimcnto intestinale studiate negli
animait ibernanti [Mcm. R. Istit. Lnmb., 1903. Nuovo conlributo alla studio delV
assorbimcnto intestinale [Rendic. dei Istit. Lomb. di se. e lett., xl, 1907). — Nicolas. Re^
cherches sur Vèpithélium de l'intestin grêle [Journ. intern. d'Anat. et de Phys., viii, 1891).
— Oppel. Lehrbuch der vergleichcnden mikroskopischcn Anatomie der Wrrbeltiere. Il Teil.
lena, 1897. Verdauungs-Apparat [Ergebnisse der Anat. und Entvnck., vui, 1898;
IX, 1899; XII, 1902). — Pa.neth. Ueber die secernierenden Zellen des Dûnndarm-Epithels
[Arch. f. mikrosk. Anat., xxxi, 1888). — Prenant, Bouin et Maillart. Traité dliistologie.
— Pugliese. Cambiamenti morfologici dell'epitelio ghiandole digestive e dei villi intes-
tinali dei ])rimi giorni délia rialimentazione [Bull. Se. Med. Bologna. lxxvi, 1905). —
Ranvier. Des chyiifcres du Rat et de Vabsorption intestinale \C. R., cxviii, 1894). —
Re.nault. Histologie pratique. — Reuter. Zur Frage der Darmresorption [Anat. Anz.,
XIX, 1901). Ein Beitrag zur Frage der Darmresorption [Annt. Hefle, xxi, 1901. —
Testut. Traité d' Anatomie. — Vernoni. Intorno al fondamento istologico di iilcune funzioni
dell vil. intestinale [Arch. di Anat. e di Emhr., vu, Firenze, 1908). — Wicijersheim (R.).
[Vergleichcnde Anatomie der Wirbellierr. Jena, 1996). — Will. Vorlàufige Mitteiliing ûber
Fettresorption [A. g. P., xx, 1879).
PHYSIOLOGIE COMPAREE.
i" Variation de forme de l'intestin dans la série animale. — Traités classiques de Milne
Edwards, Colin, E. Perrier, Wiedersmeim, etc. — Baback. Uber die morphogenetische Reak-
tion des Darmkanals der Froschlarve auf Muskelprotein verschicdener Thierklasse [Beitràge
z. chem. Phys. und PathoL, vu, 1906, 323). — Uber der Einfluss der Nahrung ûber die
Lange des Darmkanals [Biolog . Centralbl. 1903, 477 et 319),. — Yung. De la cause des
variations de la longueur de rintestin chez les larves de Rana esculenta [C. R., cxl, 1905,
878^.
2" Variations des glandes digestives. — Cl. Bernard. (Renseignements très nombreux
et très importants avec figures sur le pancréas et ses conduits excrét&urs dans la série
animale.) Leçons de physiologie expérimentale, 11, 1836. — 0. v. Furth. Vergleichcnde
chemische Physiologie der niederen Thiere, 1903. — Guieysse [Arch. d'Anat. Microsc<>p., ix,
1907, 3, 4, 343). — (Avec une bibliographie de riiépato-pancréas très complète.)
3° Variations des ferments dans la série animale. — 0. v. Furth. [Bibliogr. complète
pour les inrertébrés jusqu'en 1903). — Giaja. Thèse de la Fac. des Sciences. Bibliographie
très complète sur les diastases des invertébrés jusqu'en \909. Paris, 1909). — Knauthe.
[A. P., 1898, 149). — PoRimi. Recherches sur la lactose [B. B., 1898, 387. — Ch. Richet.
De quelques faits relatifs à la digestion des poissons [A. de P., 1882, 536). — Bierry et
GiAJA. Nombreuses communications à la Soc. de BioL, 1905-1910.
554 INTESTIN.
4" Digestion de la cellulose. — IIenneberg et Stohua.n.n. Beitràge znr Degriindung
einer rationnellen Fnttenmfi der Wiederkduer, n, 1864. — Hokmeister. V cher Résorption iind
Assimilation der Nahrstoff'e [A. P. P., xxv, 1888). — Knieriem. Ueber die Vcnverthung der
Cellulose im thierischen Organismus (Z. B., xxi, 1883, 67). — Lohrisch. Der Vorgang der
Cellulose und llemicelhdosen beiin Menschen, etc. (abondante littérature). (Z. fiir expcr.
Pathol. und Thérapie, v, 3, 1909, 478). — Mallèvre. Der Einfluss der (ds Gdruni/sproducte
der Cellulose gebildeten Essigssaiire auf den Gaswechscl [A. g. P., xlix, 1891). — Tap-
PEiNER. Untersuchungen ïthcr die Gàrung der Cellulose insbesondere uber Lôsung im
Darmkanale (Z. B., xxiv, 1884). — Seillière. Sur la présence d'une diastasc hydroh/sante,
laxylane, dans le suc gnstro-inlestinal de l'escargot {b. B., 1902); chez les Coléoptères et
chez différents mollusques céphalopodes {D. B., 1903-1910).
(Voir aussi Digestion microbienne.)
Les divers mémoires cités contiennent les faits fondamentaux Ji^ la digestion de la
cellulose : pour leur biblioi;raphie plus détaillée (quoiqu'un peu incomplèle), nous ren-
voyons le lecteur au mémoire de Lohrisch.
AMBARD.
111.— MOUVEMENTS DE L'INTESTIN ET INNERVATION MOTRICE.
Technique. — L'élude des mouvements de l'intestin présente des difficultés spé-
ciales. Le seul fait d'ouvrir l'abdomen et de mettre à nu l'intestin le place, en effet, dans
une situation anti-physiologique. Non seulement le contact de l'air tend à le refroidir
et à le dessécher, mais encore il y provoque une congestion plus ou moins intense,
toutes conditions éminemment défavorables à l'étude des réactions motrices normales.
C'est pour obvier à ces inconvénients que, dès 1846, Ed. Weber s'elTonait d'examiner
l'intestin à travers le péritoine intact. Mais ce procédé, d'une application difficile, ne
rencontra que peu de partisans.
Il n'y a guère qu'une trentaine d'années que l'on s'avisa de plonger l'intestin, dont on
voulait étudier les mouvements, dans un milieu liquide; maintenu à une température
constante. Sanders-Ezn et Vo.\ Bra vm-Houckc.eest, qui, les premiers, employèrent ce
procédé, immergeaient jusqu'au cou l'animal en expérience lapin dans une baignoiRS
contenant une quarantaine de litres d'eau salée à 6 pour 1000, chaulfée à 38". Puis ils
incisaient largement l'abdomen, de telle sorte que l'intestin, llottant dans le bain, se
présentait de lui-même à l'examen, tout en restant protégé contre le contact de l'air.
Mis à l'abri, dans ces conditions, de toute excitation anormale, il conserve une immo-
bilité presque complète. Rien de plus simple, dès lors, que de déterminer une à une
les principales causes susceptibles de provoquer ses mouvements. C'est ce que fit Braam-
Houckgeest dans \in travail sur lequel nous aurons à revenir.
La plupart des auteurs qui ont abordé le sujet, après lui, ont suivi le même procédé,
sinon d'une façon absolue, c'esl-à-dire en plongeant l'animal tout entier dans le bain
salé, du moins d'une façon relative, c'est-à-dire en immergeant la portion d'intestin sur
laquelle ils expérimentaient. Mais, même dans ces conditions, l'observation directe ne
peut donner qu'une vue d'ensemble. Elle ne permet, à aucun degré, l'analyse précise
des mouvements intestinaux. Seule, la méthode graphique, comme pour tout ce qui con-
cerne le fonctionnement mécanique des organes, est en mesure de nous renseigner
d'une façon satisfaisante. On conçoit, en effet, qu'une ampoule introduite dans l'intestin
et communiquant, par l'intermédiaire d'une seconde ampoule, avec un appareil inscrip-
teur, nous fasse apprécier, mieux que l'inspection directe, le rythme, la vitesse, l'am-
pleur des contractions. Son emploi permet même, dans une certaine mesure, de se
passer du procédé du bain salé, puisque le segment intestinal exploré peut rester en
place sous la paroi abdominale refermée.
Cette manière de faire a été employée exclusivement par certains auteurs. Nous
estimons cependant qu'elle est encore insuffisante. La paroi intestinale, en effet, est
composée de deux couches musculaires, l'une circulaire, l'autre longitudinale, dont
chacune se contracte pour son compte et d'une façon indépendante. Comme l'a dit
INTESTIN. 555
Engelmann, il ost fréquent (juc l'une soit au repos pendant que l'autre esl le sièye de
mouvements péristaltiques. Cette indt'pendance réciproque nous est d'ailleurs expliquée
par l'anatoniie; les deux couches étant séparées par du tissu conjonctif, dans lequel sont
logés les vaisseaux sanguins et lymphatiques, plus le plexus d'AuERBACii. Or l'ampoule
introduite dans l'intestin ne traduit, gént'ralenieiit, que les mouvements de la couche
circulaire, (.es renseignements qu'elle fournit sont donc incomplets. Si, dans certains
cas, les conlractions de la couche longiludin;ile viennent l'inlluencer à leur tour, cette
inlluence surajoutée introduira une grave; cause d'erreur dans les graphiques, puisque
les mouvements de chaciue couche, souvent inverses, peuvent se contrarier ou s'annihiler.
Il est donc indispensahle, pour avoir des tracés exacts, d'enregistrer les mouvements
de chaque couche musculaire en particulier.
Peu d'auteurs cependant s'y sont efforcés. Voici le procédé que, pour notre part, nous
avons employé dans ce but, Courtade et moi. Une anse intestinale, de 10 centimètres
de long environ, est séparée da reste de l'intestin par une double section, pratiquée à
ses deux extrémités entre deux ligatures et prolongée de chaque côté jusqu'à la racine
du mésentère. L'anse ainsi libérée n'est plus reliée à l'animal que par un pédicule vas-
culo-nerveux, formé des vaisseaux et nerfs mésentériques, et qui lui conserve sa vitalité
normale. Grâce à la longueur de ce pédicule, il est facile, sans lui faire subir aucune
traction, d'immerger le segment d'intestin dans un bain salé, maintenu à la t(nnpéra-
ture de 37°. Pour enregistrer les mouvements de la couche longitudinale, on attache
une extrémité du segment à un point fixe, tandis que l'autre est mise en rapport avec
un levier qui transmet à un tambour les différentes impulsions qu'il en reçoit. Une
ampoule introduite dans l'intérieur de l'anse intestinale, près de son extrémité fixe,
transmet, de son côté, à un appareil approprié les contractions ou les relâchements de
la couche circulaire. Dans ces conditions, nous avons pu nous assurer que chaque couche
ne communique ses mouvements qu'à l'appareil qui lui esl destiné, les contractions de
la couche circulaire agissant exclusivement sur l'ampoule, les contractions de la couche
longitudinale agissant exclusivement sur le levier. On arrive donc par ce moyen à une
connaissance exacte du rôle dévolu à chacune d'elles dans le fonctionnement moteur
de l'intestin.
Ce n'est pas à dire que ce procédé puisse être employé d'une façon exclusive. Excel-
lent pour analyser le mécanisme des mouvements intestinaux, il ne saurait convenir à
l'étude des effets d'ensemble provoqués par ces mouvements : péristaltisme ou antipé-
ristaltisme, progression des aliments dans le tube digestif, etc. A ce point de vue, nul
procédé n'est préférable à l'emploi des rayons Runtgen. On sait quel parti ou a tiré,
dans ces dernières années, delà radioscopie appliquée à l'examen des viscères. Bien que
le plus grand nombre des résultats ainsi obtenus concernent surtout la pathologie, la
physiologie en a cependant largement bénéficié. Il convient de signaler, en ce qui
regarde l'intestin, les expériences de Boas, de Grl'tzner, les travaux importants de
Cannon et ceux, plus récents, de Sicard et Infroid. Nous aurons à revenir sur les
faits observés par ces divers auteurs ; mais nous voulions, dès à présent, marquer la
place qui revient au procédé qu'ils ont employé dans l'étude des mouvements de l'in-
testin.
Différents types de mouvements intestinaux. — Quel que soitl'animal examiné,
chien, lapin, grenouille, on constate que les mouvements de l'intestin sont rythmés.
L'inspection directe suffit souvent pour le démontrer; mais la méthode graphique en
témoigne toujours nettement. Ranvier, qui a fait une étude détaillée de ces mouve-
ments, chez la grenouille, les compare aux mouvements cardiaques, avec leurs trois
temps: systole, diastole et pause. Plus réguliers chez l'animal à jeun, leur rapidité varie
avec les conditions qui les provoquent. Bien qu'ils puissent naître en un point quelcon-
que du tube digestif, ils débutent le plus souvent dans la région pylorique et tendent à
se propager de haut en bas sur toute la longueur de l'intestin, d'où le nom de mouve-
ments péristaltiques, sous lequel on les décrit. Ce sont de beaucoup les plus importants
et les plus caractéristiques. A côté d'eux, on en a distingué deux autres variétés qui en
dérivent plus ou moins : les mouvements pendulaires et les mouvements d'enroulement.
1" Mouvements péristaltiques. — On désigne ainsi l'ensemble des mouvements intes-
tinaux qui font progresser les matières alimentaires de haut en bas. La plupart des
556 INTESTIN.
auteurs admettent que les mouvements péristaltiques sont essentiellement constitués
par la contraction des parois intestinales au-dessus de l'aliment et leur relàciiemont
au-dessous. Le contact du bol alimentaire mettrait donc en même temps en jeu deux,
influences nerveuses opposées, se poursuivant sur toute la longueur de l'intestin : l'une
positive ou constrictrice, l'autre négative ou dilatatrice.
Ces mouvements de contraction et de relâchement sont réels. Encore faut-il se rendre
complo qu'ils siègent non seulement sur la couche circulaire, mais aussi sur la couche
longitudinale, et examiner comment ils se combinent pour faire progresser le contenu
de l'intestin.
Lorsqu'on cherche, par le procédé que nousavons indiqué plus haut, à inscrire sépa-
rément les mouvements de chaque couche musculaire, on voit que ceux-ci, bien que
simultanés, sont de sens inverse. A une contraction de la couche circulaire répond un
relâchement do la couche longitudinale, et vice versa. Cette opposition apparaît encore
plus nette lorsque les mouvements normaux sont exagérés par l'excitation du pneumo-
gastrique. Elle constitue, à notre avis, l'élément principal du mécanisme musculaire
auquel on a donné le nom de péristaltisme, et qui est toujours le même, quelle que
soit la partie du tube digestif que l'on considère. Qu'un bol alimenlaire se présente,
par exemple à l'entrée du pharynx, celui-ci contracte d'abord ses libres longitudinales,
d'où élévation et raccourcis.sement du conduit qui porte, pour ainsi dire, son extrémité
inférieure au-devant de l'aliment; les fibres circulaires, jusque-là relâchées, s'en
saisissent alors par une contraction secondaire et le poussent vers l'oesoiihage, tandis
que le relâchement concomitant des libres longitudinales accélère le mouvement de
descente.
Il en est exactement de même pour la région pylorique de l'estomac, comme nous
l'avons constaté, Coirtade et moi. Les mouvements qui président à l'évacuation du
contenu stomacal dans l'intestin débutent par la contraction des fibres longitudinales de
la région, pendant que se relAchenl les fibres circulaires de l'anneau pylorique ; puis
celles-ci se contractent à leur tour, d'un mouvement énergique et réitéré, qui coïncide
avec le relâchement secondaire des libres longitudinales et achève l'expulsion. C'est
encore ce même mécanisme qui se reproduit dans chacun des segments de l'intestin
grêle, pour faire passer de l'un à l'autre les matières alimentaires et, avec les atermoie-
ments nécessaires à la digestion, les conduire de proche en proche jusque dans le gros
intestin. Enfin la défécation s'exécute suivant le même mode, c'est-à-dire par la contrac-
tion primitive des fibres longitudinales du rectum, suivie par la contraction secondaire
de ses fibres circulaires.
Comme on le voit, les mouvements péristaltiques ne sont pas limités à l'intestin grêle.
Le commencement et la fin du tube digestif en sont également le siège, au même titre
d'ailleurs que tous les conduits viscéraux dont ces mouvements constituent le mode de
contraction commun. Sans doute, ils sont moins apparents et peut être moins fréquents
dans le côlon et le rectum que dans le duodénum et le jéjuno-iléon. Heaucoup de contrac-
tions de l'intestin grêle ne dépassent pas la valvule iléo-cjncale, comme l'ont vu Engel-
MANN et Braam-Houckgeest. Mais elles ne s'y arrêtent pas forcément, et plusieurs auteurs
ont pu les suivre jusqu'à la partie inférieure du gros intestin.
Il faut néanmoins savoir que, dans les conditions physiologiques, les mouvements
péristaltiques ne parcourent pas d'une seule traite tout l'intestin. Non seulement ils
procèdent par étapes distinctes, séparés par des arrêts plus ou moins prolongés, mais
ils peuvent même, d'après certains auteurs, revenir vers leur point de départ, c'est-
à-dire prendre une direction rétrograde et, de péristaltiques, devenir antipéristal-
tiques.
Cette opinion n'a rien d'inadmissible, a priori, lorsqu'on se rappelle que, chez les
ruminants, la partie supérieure du tube digestif est normalement le siège de contractions
qui ramènent de l'estomac dans la cavité buccale les aliments déjà déglutis. Mais un tel
mécanisme, d'ailleurs spécial â certaines classes d'animaux, existe-t-il dans l'intestin
proprement dit? Les recherches d'ENGELMANN semblent en avoir démontré la réalité, au
moins dans certaines conditions. Cet auteur a en effet constaté que, chez un animal
récemment tué, l'excitation mécanique de l'intestin grêle y détermine une double con-
traction, péristaltique et antipéristaltique, qui le parcourt dans les deux sens, d'une
INTESTIN. 557
part jusqu'à la valvule ih'o-Ciocale, d'autre pari jusqu'au pylore. Pareilles constatations
ont été faites par Ranvier, qui, excitant directement l'intestin à l'aide de courants
interrompus, chez un animal sacrifié par la section du bulbe, a vu des contractions se
propager au-dessus et au-dessous du point excité.
Ces recherches — et c'est là un point fort intéressant — nous montrent que le méca-
nisme qui préside aux mouvements péristaitiques est réversible. Toutefois, les résultats
auxquels elles aboutissent, observés après la mort de l'animal, n'impliquent pas néces-
sairement que les mouvements antipéristaltiques existent à l'état normal, chez l'animal
vivant. Les expériences de Braam-Houckgeest ont d'ailleurs montré que, lorsque l'intestin
est plonf,'é dans l'eau salée tiède, c'est-à-dire placé dans des conditions de milieu qui se
rapprochent de la normale, les excitations locales sont impuissantes à y faire naître
des mouvements antipéristaltiques.
La question a été reprise par Notunagel, et les conclusions auxquelles il est parvenu
ne difVèrent pas sensiblement de celles de Bkaam-Houckgeest. D'après lui, l'excitation
mécaniiiuede l'intestin plongé dans l'eau salée ne produit qu'une constricliun annulaire
localisée. Mais il faut distinguer entre l'état normal et l'état pathologique. Dans certains
cas d'obstruction intestinale, de péritonite, etc., Nothnagel admet la possibilité des
mouvements antipéristaltiques. Ses expériences lui ont en outre démontré que, même
chez l'animal sain, certaines excitations anormales peuvent avoir un elfet analogue.
C'est ainsi que le contact d'un sel de soude sur la face externe de l'intestin provoque
une contraction qui se propage en amont du. point excité, sur une longueur de plusieurs
centimètres. De même, l'eau glacée injectée en petite quantité, les solutions salines
concentrées, introduites dans le rectum ou dans l'intestin grêle, peuvent y déterminer
quelques mouvements antipéristaltiques, poussant le liquide de bas en haut. Mais ce
sont là des excitations spéciales qui n'interviennent évidemment pas dans le mécanisme
normal des mouvements intestinaux,
La plupart des auteurs se sont ralliés à cette manière de voir, à l'appui de laquelle
on peut invoquer, en outre, les expériences récentes de Sabbatani cIFasola. Le procédé
employé par ces auteurs, et sur lequel nous ne pouvons insister (renversement d'une
portion de l'intestin grêle, anses parallèles à direction inverse, listules ascendantes ou
descendantes) consiste essentiellement à interposer, sur le trajet du contenu intestinal,
un segment d'intestin renversé de bout en bout, de telle sorte que, pour le traverser,
les matières alimentaires doivent le parcourir en sens inverse de la normale.
Or, une observation prolongée pendant plusieurs semaines, chez les animaux qui ont
survécu à l'opération, montre que ce" segment constitue un obstacle infranchissable
pour toute matière non liquéfiée : il ne s'adapte donc pas à sa nouvelle direction, c'est-
à-dire ne présente pas de mouvements antipéristaltiques.
Dans cette question du reflux du contenu intestinal, il faut, on le voit, distinguer les
substances solides des substances liquides, puisque celles-ci, contrairement à celles-là,
peuvent parcourir un segment d'intestin en sens inverse de la normale. Quelque temps
avant le travail de Sabbatani et Fasola, Grutzner avait soutenu que môme de fines par-
ticules solides, en suspension dans une certaine quantité d'eau salée, peuvent remonter
du rectum dans l'intestin grêle. Cette opinion, combattue par un grand nombre d'au-
teurs, trouve une confirmation dans les travaux de Cannon. A l'aide des rayons
RoNTGEN, cet auteur a pu constater que si, comme on l'admet généralement. Tintes-
tin grêle ne semble pas présenter de mouvements antipéristaltiques, il n'en est pas de
même pour le gros intestin. D'après lui, en effet, l'antipérislaltisme du côlon est un
mode de contraction qu'on peut qualifier de normal, tellement on l'observe fréquem-
ment. Cet antipéristaltisme est encore stimulé par des injections d'eau chaude pratiquées
dans le rectum. C'est ainsi que toute substance liquide ou semi-liquide, ainsi introduite
chez l'animal vivant, est poussée vers le ciecuin par les mouvements anti-péristaltiques
du côlon et peut môme pénétrer dans la partie inférieure de l'iléon, malgré la valvule
iléo-ca'cale.
2" Mouvements pendulaires. — A côté des mouvements péristaitiques proprement
dits, certains auteurs ont décrit des mouvements pendulaires, sous l'inlluence desquels
un segment d'intestin, sur une longueur de quelques centimètres, se balance alterna-
tivement de droite et de gauche, sans modification appréciable dans soi) calibre. Ces
:i58 INTESTIN.
mouvements sont dus à l;i contraction des fibres longitudinales seules et ne donnent
lieu à aucun progression des matières intestinales.
3° Mouvements d'enroulement. — Lorsque les mouvements [)éristaltiques sont très
impétueux, les anses intestinales semblent s'enrouler et se tordre sur elles-mêmes; ces
mouvements, dits d'enroulement, confinent à l'état pathologique. Ils se produisent,
daprès Noth.nagel, lorsque l'intestin distendu par les gaz contient i)eu de matières
solides. Ce sont eux qui donnent lieu au gargouillement intestinal.
Causes provocatrices des mouvements intestinaux. — 1° Agents mécaniques.
— iSous venons de voir que les agents mécaniques sont capables de provoquer des mou-
vements antipéristaltiques, d'une façon à vrai dire exceptionnelle. En est-il de même
des mouvements péristaltiques? Cela dépi-nd du lieu de l'excitation. Kn efîet, lorsque
l'agent mécanique agit directement sur la face interne de la paroi intestinale, à la façon
du bol alimentaire, la réaction motrice se traduit le plus souvent par des mouvements
péristaltiques plus ou moins nets. Tel est l'effet produit par l'introduction, dans l'inté-
rieur du tube intestinal, d'une certaine quantité d'eau salée (R.vnvier), ou d'une boule de
coton vaselinée (Bayliss et Starli.ng). Lorsque l'agent mécanique agit, au contraire, sur
la face externe de l'intestin, il n'y provoque d'ordinaire qu'une contraction localisée,
intéressant seulement les fibres ciiculaires, ([uelquefois aussi les fibres longitudinales
(littA am-IIouckc.ei:st). .\insi agissent les conlacts extérieurs : pincements, constrictions, etc.
Dans certaines conditions cependant, ces contacts extérieurs eux-mêmes sont ca-
pables de provocfuer des mouvements péristaltiques, par exemple après section du' bulbe.
Ceux-ci apparaîtraient alors, d'après Stei.nach, à la suite de sintples attouchements avec
un tube de verre ou un pinceau humide, excitations qui ne produisent, chez l'animal
normal, qu'une constriction purement locale. La chose est-elle due, comme le pense cet
auteur, à la suppression d'une action d'arrêt exercée par la moelle allongée sur les
ganglions intestinaux? C'est une hypothèse que nous aurons à discuter en étudiant
l'action des centres nerveux sur les mouvements de l'intestin.
2'* Agents physiques. — On sait, depuis longtemps, que la tciiipcrature a une grande
influence sur la contraction des muscles lisses. Aussi a-t-on donné à ceux-ci le nom
de muscles thcnno-systalliqucs, par opposition avec les mu?cles striés qui, indifférents
en apparence à cette cause d'excitation, ont reçu le nom de muscles athermo-systal-
tiques. On comprend par conséquent l'importance (ju'il y a, pour interroger les réac-
tions de l'intestin, à le placer dans un milieu à température convenable. En effet,
HoRWATH a constaté que, plongé dans un liquide dont la température est inférieure
à 19^, l'intestin est non seulement immobile, mais encore absolument inexcitable par
l'électricité. Entre 19" et 40", au contraire, les mouvements péristaltiques s'accélèrent
proportionnellement à la température.
Étudiant, de plus près, l'action comparée du froid et de la chaleur sur les mouve-
ments de l'intestin, Ranvier est arrivé à des résultats fort intéressants. Ils montrent que
si le froid arrête, comme on la dit, les mouvements rythmés de l'intestin, ce dernier
n'est pourtant pas inerte, à proprement parler, car il s'immobilise en état de con-
traction tonique, ainsi qu'en témoignent nettement les procédés inscripteurs. Inverse-
ment, la chaleur réveille les mouvements rythmés, qui prennent une ampleur croissante
à mesure que diminue la contraction tonique. On doit donc conclure que, tandis que
la chaleur augmente la contractilité de l'intestin, le froid en augmente la tonicité, ces
deux propriétés de la fibre musculaire apparaissant, par suite, comme réciproquement
antagonistes.
D'après IIkdox et Fleig, la température minimum ù laquelle l'intestin peut se mouvoir
est de 15°, lorsque le refroidissement est progressif. Mais, si on l'expose brusquement
à cette température, aussitôt après sa séparation de l'animal, l'intestin reste comme
immobilisé. Réchauffé progressivement, il se ranime vers 21° ou 23° et manifeste son
activité par une forte contraction péristaltique ; puis les mouvements rythmiques
continuent, en s'afîaiblissant, lorsque la température s'élève davantage, pour s'accen-
tuer de nouveau vers 35°. Les mêmes auteurs on vu que l'intestin, refroidi à 0» immé-
diatement après qu'on l'a retiré du corps de l'animal, peut être maintenu à cette
température pendant trois jours au moins, sans perdre sa vitalité, ainsi que le montre
la réapparition de ses contractions, lorsqu'on le réchauffe après cette longue période
INTESTIN. 559
A vrai dire, Hi';noN et Fi.km; se servaient, pour res expériences, d'un liquide spécial
dont nous aurons, au pai'ai;rai)lie suivant, à examiner l'influence sur la contractilité
intestinale.
11 convient aussi de rappeler les recherches de Bokai, sur les mouvements de l'in-
testin étudiés chez des animaux rendus hyperthermiques, soit par injections de sub-
stances putrides, soit par un séjour de quelques heures dans la caisse chaufTée do
Cl. Behn ard. Les résultats obtenus ont varié avec le degré de Thyperthermie. Bokai
a vu en etîet que, lorsque la température centrale atteint environ 41% l'intestin reste
inunoliile et diflicilenient excitable; par contre, lorsque la température dépasse 42*,
l'intestin présente des mouvenKuits péristaltiques très énergiques, lesquels s'accentuent
encore sous l'intluence d'excitations diverses. Il en a conclu que les splanchniques,
nerfs inhibiteurs de l'intestin, sont excités lorsque l'hyperthermie est modérée et
paralysés lorsqu'elle est excessive.
L'intluence de Vî'lectricité, employée comme agent d'excitation du muscle intestinal,
a donné lieu à de nombreux travaux. D'après Lk(;ros et Onijius, les courants induits,
lorsqu'ils ont une certaine intensité, abolissent les contractions péristaltiques, tandis
que des courants faibles les stimulent. Les courants continus, au contraire, augmentent
la contraction, s'ils sont dirigés dans le sens du mouvement; mais ils la diminuent,
s'ils sont dirigés en sens inverse. Horwath a noté, lui aussi, que de forts courants
induits, agissant sur l'intestin pendant les contractions péristaltiques, les arrêtent par
une contraction locale. Celle-ci est souvent assez énergique pour faire équilibre à une
colonne d'eau de quarante centimètres de haut.
Ranvier est arrivé à des résultats analogues. 11 a montré que, dans ce cas, l'ex-
citation électrique agit comme le froid, c'est-à-dire suspend la contractilité de l'intestin
en exagérant sa tonicité. Entre les deux électrodes se produit une plaque exsangue et
dure : c'est. le tétanos de la flbre musculaire. Mais celui-ci n'est que passager et, bien-
tôt, du point contracté partent des ondes péristaltiques qui se propagent an-dessus
et au-dessous de lui avec une intensité décroissante.
Cette dernière constatation est en opposition avec les observations d'HoRWATH et de
Braam-Houckgeest. Ces deux auteurs, en elîet, s'accordent à conclure qu'un courant
électrique, appliqué directement sur l'intestin, ne produit jamais qu'une contraction
locale. Les expériences de Schillbach viennent, au contraire, confirmer celles de Ranvier.
Elles montrent, de plus, que le courant galvanique est encore plus apte que le courant
faradique à provoquer le péristaltisme intestinal, du moins lorsque le courant est assez
fort, et surtout au niveau du pôle positif. Le fait a été vérifié par Biedermam.v et Lim-
CHO^vnz et, plus récemment, par Bavliss et Starlixg. Cependant, pour Laquerrière
et Delherm, le courant continu ne produirait qu'une contracture progressive de l'intes-
tin, tandis que le courant faradique pourrait, s'il n'est pas trop intense, donner lieu
à des mouvements péristaltiques.
3° Agents chimiques. — Les agents chimiques peuvent agir sur l'intestin, soit par
contact direct, lorsqu'on les dépose sur une des faces de la paroi intestinale, soit par
l'intermédiaire de la circulation, lorsqu'on les injecte dans le sang. Nous n'envisage-
rons, pour le moment, que l'etlet du contact direct, remettant la seconde partie de
cette étude après celle de la circulation intestinale.
NoTH.NAGEL, l'uu des premiers, a abordé expérimentalement la question à ce point
de vue, en analysant comparativement l'action des sels de potasse et des sels de soude.
Déposés sur la paroi externe de l'intestin, les uns et les autres produisent une contrac-
tion tonique dont les caractères difTèrent suivant le sel employé. Sous l'influence des
sels de potasse, la contraction, assez énergique pour effacer complètement pendant
plusieurs minutes la lumière du tube intestinal, reste strictement localisée au point
excité. Sous l'influence des sels de soude, au contraire, la contraction, qui ne dure
(fue quelques secondes, se propage de bas en haut sur une longueur de plusieurs centi-
mètres. Cette propagation en amont du point excité est tellement constante, dit
NoTHNAGEL, qu'elle pourrait servir, en admettant qu'elle existe aussi chez l'homme,
à faire reconnaître au chirurgien la direction de l'anse intestinale sur laquelle il opère.
Quoi qu'il en soit, le fait qu'elle se produit régulièrement chez l'animal a été confirmé
par nombre de physiologistes.
560 INTESTIN.
Parmi les autres excitants chimiques, les sels d'ammoniaque agiraient seuls comme
les sels de soude. Par contre, les sels de magnésie et de calcium, l'alun officinal, le
sulfate de cuivre, le nitrate d'argent, l'acétate de plomb déterminent une simple con-
strictiou locale, comme les sels de potasse, mais à un degré beaucoup moindre.
Plus récemment, Pohl a publié des expériences qui, outre qu'elles confirment
à nouveau les résultats de Nothnagel, nous apportent des renseignements sur l'action
d'un certain nombre de poisons non étudiés par ce dernier. Voici les résultats auxquels
il est arrivé : l'étlier, le chloroforme, l'atropine, la morphine, la cocaïne, le nitrite
d'amyle, la codéine alfaiblissent ou arrêtent les mouvements péristaltiques; l'alcool,
l'aconitine, la muscarine, la nicotine, la physostigmine, la vératrine agissent au contraire
comme les sels de soude, c'est-à-dire provoquent ou augmentent les mouvements péri-
staltiques; l'iode, le sulfate de chaux, le camphre, la caféine, la digitaline, la spartéine
agissent comme les sels de potasse, c'est-à-dire ne produisent que des contractions locales.
Enfin, HÉDON et Fleig ont montré l'importance du bicarbonate de soude et du
chlorure de calcium comme excitants des contractions péristaltiques. En plongeant un
fragment d'intestin grêle de lapin dans une solution de Locke, modifiée et complétée
de la façon suivante : chlorure de sodium 6 grammes, chlorure de potassium 0 gr., 3,
chlorure de calcium Ogr., 1, sulfate de magnésie Ogr.,3, phosphate de soude Ogr.,5,
bicarbonate de soude 1 gr.,."), glucose 1 gramme, oxygène à saturation, le tout pour
1000 grammes d'eau à la température de 37% ils ont vu les mouvements péristaltiques
persister de 9 à 12 heures. Au contraire, dans ce même liquide dépourvu de bicarbonate
de soude et de chlorure de calcium, ou seulement de ce dernier sel, les mouvements
ne tardent pas à disparaître, et l'intestin devient complètement inerte. Mais il suffit
d'ajouter au liquide le sel qui manquait pour voir reparaître les mouvements intesti-
naux, même après plusieurs heures d'immobilité.
4° Agents physiologiques. — A l'état normal, l'intestin n'entre guère en mouvement
que pendant la digestion, sous l'influence des aliments. Ceux-ci sont ses véritables
excitants physiologiques, comme le sang est l'excitant physiologique du cœur. Admise
depuis de longues années, cette notion a été bien mise en évidence par Bhaam-Houck-
GEKST. En effet, cet auteur a vu nettement que, plongé dans le bain salé, c'est-à-dire
soustrait à toute excitation extérieure, l'intestin d'un animal à jeun depuis vingt-quatre
heures ne présente aucun mouvement. A son tour, Jacobj a montré que, lorsque le jeune
est prolongé pendant deux ou trois jours, les excitations extérieures elles-mêmes,
qu'elles agissent directement ou par l'intermédiaire du système nerveux, sont impuis-
santes à provoquer l'apparition des mouvements péristaltiques. Par contre, lorsqu'il ne
s'est écoulé que trois ou quatre heures depuis le dernier repas, les mouvements de l'intes-
tin plongé dans le bain salé peuvent être intenses (Braam-Houckgeest). Cet intervalle de
quelques heures entre l'ingestion des aliments et le début des mouvements intestinaux,
admis par la plupart des auteurs, correspond à la période de chymification stomacale,
pendant laquelle l'intestin reste plus ou moins immobile. Schiff a soutenu, en outre,-
que les contractions de ce dernier ne sont pasla conséquence immédiate de l'arrivée des
matières alimentaires dans le duodénum, mais sont dues à l'intervention d'un facteur
secondaire, à savoir l'hyperémie provoquée par le contact du chyme avec la muqueuse
intestinale. Nous verrons plus loin ce qu'il faut penser de cette manière devoir.
La bile, dont l'excrétion est également provoquée par le déversement du chyme dans
l'intestin, a-t-elle une influence sur les mouvements péristaltiques? Schiff a autrefois
résolu la question par la négative. Depuis, Fubi.ni et Luzzati, dune part, Bokai, de l'au-
tre, ont affirmé qu'une injection de bile dans l'intestin accélère notablement ses con-
tractions. Mais EcKHARD conteste le bien fondé de leurs observations. D'après lui, la bile
n'a pas d'influence excitante spéciale, et si, injectée en grande quantité dans l'intestin,
êTle peut en exagérer les contractions normales, il s'agit là d'une excitation purement
mécanique, laquelle serait aussi bien réalisée par tout autre agent.
L'influence de la bile mise à part, l'excitation exercée sur l'intestin par les matières
alimentaires n'est pas seulement d'ordre mécanique, elle est encore d'ordre chimique.
On sait, en effet, que les fermentations digestives donnent normalement naissance àun
grand nombre d'acides : lactique, butyrique, acétique, qui prennent naissance dans
l'intestin grêle; propionique, caprique, caprilique, valérique, etc., qu'on rencontre, en
INTESTIN. 561
plus dos précédents, dans le gros intestin. Or tous ces acides, injecltîs expérimentale-
ment dans une anse intestinale, y déterminent des contractions plus ou moins intenses,
comme l'a vu Bokai. Ils prennent donc une part importante à la production des mouve-
ments péristaltiques normaux. A plus forte raison, lorsqu'ils sont eu proportion exces-
sive, interviennent-ils dans les mouvements exagérés qui caractérisent certains états
pathologiques de l'intestin (coliques, diarrhées); d'autant qu'à leur action motrice
s'ajoute pour certains d'entre eux, tels les acides la(;tique, acétique et succinique, une
action vaso-dilatatrice manifeste. Il en est de même du scatol, lequel existe toujours
dans les matières fécales, à côté du phénol et de l'indol, et qui excite énerj^iquement les
contractions de l'intestin. Bokai a constat»'-, d'ailleurs, que le simple extrait aqueux de
matières fécales, injecté dans l'intestin, y provoque des mouvements péristaltiques pro-
longés pendant plusieurs minutes.
Enfin, l'intestin contient un certain nombre de gaz, produits des fermentations et
putréfactions intestinales : hydrogène, acide sulfhydrique, gaz des marais et, surtout,
acide carbonique. Si nous en exceptons le premier, ces divers gaz ont, sur l'mteslin, la
même action excitante que les acides gras et aromatiques. L'acide carbonique, en par-
ticulier, joue un rôle prépondérant dans les n)ouvements intestinaux, comme nous le
verrons en étudiant l'iniluence de la circulation.
Vitesse avec laquelle cheminent les aliments. — D'après la plupart des auteurs,
la traversée totale de l'intestin dure environ vingt-quatre heures, ou même davantage
(Maurel); mais la vitesse varie avec la région intestinale considérée. Assez rapide dans
l'intestin grêle, où elle peut atteindre de soixante centimètres (Fubini) à un mètre (Sicard
et Infroid 1 à l'heure, elle se ralentit dans le gros intestin. C'est ainsi que, d'après les récentes
recherches de Sicard et Infroid, à l'aide de la radioscopie, la traversée de l'intestin
grêle s'effectue en huit heures, tandis que celle du gros intestin dure à peu près seize
heures, dont six sont prises par un arrêt prolongé au niveau de la région cœcale. Il con-
vient cependant de faire remarquer que ces différentes recherches n'ont pu être faites
qu'avec des substances inattaquables parles sucs digestifs et que la vitesse des aliments
proprement dits doit varier pour chacun d'eux selon qu'ils^sont plus ou moins rapide-
ment digérés.
Influence de lacirculation. — 1° Troubles circulatoires. — Une des principales cau-
ses des mouvements anormaux que présente l'intestin mis à nu est due aux troubles
circulatoires auxquels il est soumis dans ces conditions. La plupart des physiologistes
s'accordent sur ce point. Schiff a vu, l'un des premiers, que la compression de l'aorte
détermine, à brève échéance, des contractions intestinales. Krause, Nasse, Mayer et van
Basch, etc., ont fait de semblables constatations. Salvioli est arrivé aux mêmes résultats
en opérant sur des fragments d'intestin isolés, dans lesquels il entretenait ou suppri-
mait tour à tour une circulation artificielle. Brown-Séquard, Legros et Ommus, Bokai ont
également déterminé des contractions dans une anse intestinale en liant les rameaux
artériels qui s'y rendent. Dans nos expériences personnelles, nous avons eu souvent
l'occasion de vérifier l'exactitude de ces faits. C'est ainsi que, sur une anse intestinale
isolée par le procédé que nous avons indiqué plus haut, nous avons toujours observé la
production de mouvements anormaux lorsque le pédicule vasculaire, reliant cette anse
aux gros troncs mésentériques, était soumis à des tractions exagérées. Bref, toutemodi-
fication apportée dans le régime circulatoire normal de l'intestin provoque, de la part de
cet organe, des réactions motrices anormales.
S'ensuit-il qu'il faille admettre, comme conclusion des faits précédents, que les con-
tractions provoquées dans l'intestin par l'an'ct total ou partiel de sa circulation soient
le fait de Y anémie qui en est la conséquence? Telle n'est pas l'opinion de tous les auteurs.
D'après Braam-Houckgeest — et celte manière de voir est généralement admise aujour-
d'hui — l'anémie est, au contraire, une cause d'arrêt des mouvements intestinaux. En
effet, lorsqu'on comprime l'aorte ou les artères mésentériques, on voit que l'intestin,
immergé dans la solution saline, ne présente aucun mouvement péristaltiquo pendant les
premières minutes. Les contractions dites anémiques n'apparaissent qu'au bout d'un
certain temps, lorsque le sang stagnant commence à devenir veineux.
On sait d'autre part que, chez les animaux qui meurent asphyxiés, l'intestin présente
des mouvements énergiques. Cette inlluence motrice de Va^ipliy.ne a été confirmée pa
KICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME IX. 36
562 INTESTIN.
tous les expérimentateurs. En l'examinant de plus près, Braam-Houckgeest a constaté
que, pendant les deux ou trois premières minutes qui suivent le début de l'asphyxie,
c'est-à-dire l'arrêt respiratoire, l'intestin demeure complètement immobile. Or, pendant
cette première phase, ses artères se rétractent peu à peu, si bien qu'il semble devenir
exsangue. Le fait, vérifie' depuis ;r maintes reprises, en particulier par Dastre et
MonAT, est dii à l'excitalion du centre vaso-moteur par le sang aspliyxique. Il montre,
avec évidence, que l'anémie de l'intestin ne s'accompagne d'aucun mouvement péristal-
tique. Dans une seconde phase, au contraire, l'asphyxie prolongée ne tardant pas à para-
lyser le centre vaso-moteur, les vaisseaux intestinaux, cédant à la poussée du sang,
prennent une teinte cyauotique, et c'est alors que les mouvements péristalliques appa-
raissent, d'abord dans l'intestin grêle, puis dans le gios intestin. Ils annoncent la mort
imminente de l'animal et persistent même un certain temps après.
L'iiitluence excitante de l'asphyxie paraît donc liée, en dernière analyse, à la présence
do l'acide carboniqucnlans le sang. On sait, d'ail leurs, que le rôle excito-moteur du sang noir
a été, depuis longtemps, mis en évidence par Bnow.N-SÉQUARD. En mélangeant de l'acide
carbonique au sfing artinciollement injecté dans les vaisseaux mésentériques, Salvioli,.
au cours des expériences que nous avons mentionnées, a pu provoquer des contractions-
plus ou moins intenses dans le segment d'intestin ainsi irrigué. Enfui Bokai a constaté
les mêmes eiïets en introduisant directement de l'acide carbonique à l'intérieur de
l'intestin.
D'après ces mêmes auteurs, le sang rouge, c'est-à-dire le sang oxygéné, a une
influence diamétralement inverse. Salvioli, en pratiquant une circulation artificielle de
sang artériel dans l'intestin, y a fuit cesser immédiatement toute contraction. De
môme Hokai, après avoir excité les mouvements péristalliques par l'asphyxio, les arrê-
tait en quelques secondes par une injection intra-intestinale d'oxygène. Avant eux,..
Hraam-Houckgeest, en faisant respirer de l'oxygène pur à ses animaux d'expérience,
voyait tous les vaisseaux intestinaux, y compris les veines, prendre une teinte rouge
vif, sans provoquer aucune contraction de l'intestin. On doit donc admettie (lue Vhyper-
émie ou, en d'autres termes, la vaso-dilatation artérielle n'exerce par elle-même
aucune influence excitante sur les mouvements péristal tiques. Si elle les accompagne
presque toujours, c'est seulement comme témoin de l'activité fonctionnelle de l'organe,
de même qu'elle se produit dans une glande en travail, sans être, pour cela, la cause
eflîciente de la sécrétion. Mais il faut distinguer, bien entendu, entre l'hyperémie intes-
tinale proprement dite et la stase sanguine qui vient parfois la compliquer, cette der-
nière s'accompagnant forcément d'une évacuation insuffisante de l'acitle carbonique dont
l'influence excitante nous est connue.
2» Substances toxiques en circulation dans le sang. — A côté de l'action des éléments
normaux du sang, il convient d'étudier celle des éléments anormaux qu'il peut conte-
nir. D'une façon générale, toute substance en dissolution injectée dans le sang est sus-
ceptible de provoquer des mouvements péristalti([ues. Témoin l'expulsion des matières
fécales qui succède presque toujours à une injeetion de curare ou de morphine, faite
chez le chien qu'on veut immobiliser ou aneslhésier. Mais il s'agit là d'une réaction
banale de l'intestin qui ne préjuge en rien de l'action spécifique exercée sur lui par la
substance injectée. Ou plutôt, il s'agit d'un effet primitif, souvent transitoire, auquel
peut succéder un effet secondaire inverse et de longue durée. Aussi est-il souvent très
difficile de déterminer exactement la véritable action de certaines substances.
Ces réserves faites, on peut diviser les poisons intestinaux en deux groupes, selon
que leur effet principal est d'exciter ou, au contraire, d'arrêter les mouvements péri-
stalliques. La pilocarpine, d'une part, et l'atropine, de l'autre, en représentent respec-
tivement les types les plus différenciés. Injectée dans les veines, à dose moyenne
(l centigramme environ pour 10 kilogrammes d'animal), la pilocarpine provoque un
péristallisme intestinal très accentué, lequel peut persister pendant plusieurs heures. A
dose un peu moindre, l'atropine agit d'une façon absolument inverse, c'est-à-dire arrête
toutes les contractions intestinales, spontanées ou provoquées. Ces deux substances
ont donc des effets très nets et qui permettent de les opposer sans hésitation l'une à
l'autre. A des degrés divers, on peut placer dans le même groupe que la pilocarpine :
Tésérine, la muscarine et peut-être aussi la nicotine; dans le même groupe que l'atro-
INTESTIN. 563
pine, mais très loin d'elle qiuial à lu rapidité et à rei'licacité de leur action : le cliloro-
forme, le chloral, l'éther, la morphinje. L'action de cette dernière substance a, d'ail-
leurs, été le sujet de nombreuses discussions entre physiologistes. D'après Nothnagkl,
une petite dose de morphine, en injection intra-veineuse, suspend les mouvements
péristaltiques, tandis ([u'une dose plus forte les fait reparaître. Il explique ce fait, d'ap-
parence paradoxale, en admettant (jue les nerfs inhibiteurs de l'intestin sont excités
dans le premier cas, paralysés ilans le second, opinion que Salvioli, puis Pal et Hicrghiin
ont confirmée dans une certaine mesure. Par contre, cette manière de voir n'est pas
partagée par Jagoiu. Plus récemment enfin, Vamossy n'a pu constater, en injectant une
forte dose de morphine, le retour des mouvements péristaltiques abolis par une première
injection.
Influence du système nerveux. — 1° Plexus ganglionnaires périphériques. —
Alors même qu'il est complètement séparé du cor[)S, l'intestin continue à présenter des
mouvements rythmiques pendant un certain temps. Cette propriété, (ju'il partage avec la
plupart des organes viscéraux de même structure, est-elle due aux nombreux ganglions
nerveux disséminés sur toute sa longueur et formant un plexus ininterrompu (plexus
d'AuERBACH) entre ses deux tuniques musculaires? On sait à quelles discussions a donné
lieu la persistance des mouvements du cœur dans les mêmes conditions. Après l'avoir
attribuée d'abord à l'action des ganglions intra-cardiaques, on est arrivé, à la suite des
recherches entreprises dans ces trente dernières années, à en faire une propriété pure-
ment musculaire. Bien que la disposition anatomique du plexus d'AuERUACn ne per-
mette pas de soustraire à l'inlluence nerveuse, comme on a pu le faire pour le muscle
cardiaque, toutou partie des muscles intestinaux, on est autorisé, par analogie, à appli-
quer à l'intestin les données acquises pour le cœur.
Il convient, d'ailleurs, de rappeler à ce propos les recherches bien connues d'E.v-
GELMANN. Daiis uue première série d'expériences, cet auteur avait constaté qu'un seg-
ment isolé de l'uretère, excité mécaniquement, présente des mouvements péristaltiques
absolument semblables à ceux de l'organe intact, bien que ses parois soient dépourvues
de tout ganglion ou filet nerveux. Il fut donc conduit à admettre que le péristaltisme
se pioduit normalement sans l'intermédiaire du système nerveux, c'est-à-dire est
fonction du muscle lui-même. Etendant cette théorie à l'intestin, dans un travail
ultérieur, il invoqua surtout en sa faveur l'existence des mouvements antipéristaltiques-
dont il démontra la réalité et qui, communs à l'uretère et au tube inslestinal, lui
semblaient compléter le rapprochement entre ces deux organes. Il admit, en résumé,
que les contractions du second sont indépendantes du système nerveux, comme les
contractions du premier.
Sans vouloir diminuer l'intérêt des faits mis en lumière dans cette dernière série de-
recherches, il est permis de dire qu'ils n'ajoutent aucune preuve directe aux raisons-
d'analogie qui conduisent à attribuer à la fibre musculaire de l'intestin les mêmes
propriétés qu'aux fibres musculaires du cœur et de l'uretère. Or on sait que la pointe
du cœur isolée demeure immobile, en l'absence d'une excitation, physique ou mécani-
que, apte à provoquer ses contractions, tout comme le segment d'uretère séparé du
reste de l'organe. Dans les mêmes conditions au contraire, c'est-à-dire sans cause
apparente, l'intestin détaché du corps continue à battre pendant un certain temps, de
même que la base du cœur. Pourquoi, sinon parce qu'il conserve, comme celle-ci,
dans l'épaisseur de ses parois, des cellules ganglionnaires qui lui donnent l'incitation
motiice créée in situ (Ranvier)? On peut donc dire avec François-Franck que, si les
ganglions ne sont pas les organes producteurs du mouvement rythmique, ils en sont
les organes d'entretien et de régulation. En d'autres termes, le mouvement rythmique
est une propriété musculaire, mais sa mise en fonction est l'œuvre des plexus ganglion-
naires.
Au reste, il faut distinguer le rythme proprement dit du péristaltisme, puisque l'un
n'est que la succession de plusieurs contractions séparées par des intervalles plus ou
moins rapprochés, tandis que l'autre est la propagation de haut en bas d'une même
contraction. D'après plusieurs auteurs contemporains, le premier .serait seul une pro-
priété musculaire, le second devant être considéré au contraire comme un mouvement
réfiexe ganglionnaire.
664 INTESTIN.
Pour leiniiner cette discussion, nous devons mentionner l'intluence des mêmes gan-
glions sur le tonus intestinal, lequel est un mode de la contraction proprement dite. Si
l'intestin séparé de toute connexion avec le système nerveux conserve néanmoins sa
tonicité, c'est au plexus d'AuERBACH qu'il le doit. La différence très nette qui existe, à
ce point de vue, entre l'appareil digestif, muni de ganglions intra-pariélaux, et l'appa-
reil artériel, qui en est dépourvu, suffit à montrer l'importance des plexus périphériques.
2° Nerfs bulho-médullaires. — Le plexus d'AuERBACH n'est que le dernier des relais
ganglionnaires échelonnés le long des nerfs que le bulbe et la moelle envoient à l'intestin.
On sait que ces nerfs issus, pour la plupart, du pneumogastrique et du grand splanchnique,
confondent en grande partie leur trajet, jusque-là séparé, au niveau du plexus solaire,
véritable centre nerveux abdominal des viscères sous-diaphragmatiques. Sauf quel-
ques rameaux du pneumogastrique qui conservent leur indépendance, c'est de là que
partent presque tous les nerfs destinés à l'intestin grêle et à la partie supérieure du gros
intestin. La partie inférieure de ce dernier a une innerva^on spéciale, [constituée, d'une
part, par les nerfs érecteurs de Ecrhard, venus des deux premières racines sacrées, et,
d'autre part, par les différents nerfs sympathiques issus du ganglion mésentérique in-
férieur et dont les deux principaux (nerfs hypogastriques de IvRAfjsE) s'unissent aux
deux nerfs électeurs pour former le plexus hypogastrique.
D'une façon générale, on admet que le pneumogastrique aune influence excito-mo-
trice, c'est-à-dire provoque ou exagère les mouvements périslaltiques de l'intestin, tandis
que le grand sympathique a une influence inhibilrice, c'est-à-dire diminue ou arrête ces
mouvements. Les deux nerfs sont donc fonctionnellement antagonistes. Cette opinion, qui
s'est affirmée peu à peu comme le résultat d'une longue série de recherches, corres-
pond certainement à la réalité. Si certains faits plus récents ont permis de mieux péné-
trer le rôle respectif de chaque nerf dans le fonctionnement intestinal, ils ne changent
pas, dans son ensemble, la conception [générale qu'on s'en est faite depuis une tren-
taine d'années.
a) Pneumogastrique. — L'influence motrice du pneumogastrique, déjà signalée par
Brachet, puis par Stilling, a été surtout mise en lumière par Ed. Weber. Les premières
recherches de cet auteur, faites sur la tanche, dont l'intestin a des parois musculaires
striées, lui avaient montré que ce viscère se contracte, sous l'inlluence du vague, aussi
énergiquement que les muscles du squelette sousl'influence de leurs neifs moteurs. Il
rechercha dès lors le même phéomène chez les animaux à sang chaud et constata (jue,
chez le chien, l'excitation du pneumogastrique au cou provoque non seulement les
mouvements de l'estomac, mais encore exagère ceux de l'intestin. Ces résultats fui ent
bientôt confirmés par Budge et, plus tard, par Wolff, Spiegelberg, etc.
Toutefois la notion qu'ils apportaient ne fut admise sans conteste que longtemps après.
C'est ainsi que, sans en nier absolument le bien fondé, Bérard ne l'acoepte qu'avec ré-
serve. Pour Cl. Bernard, qui, d'ailleurs, traite incidemment la question, l'action motrice
du vague sur le tube digestif est limitée à l'œsophage et à l'estomac. Il en est de même
pour Vulpian qui, tout en constatant l'apparition des mouvements intestinaux par
l'excitation du pneumogastrique cervical, les attribue aux troubles circulatoires consé-
cutifs à l'arrêt du cœur. Entre temps, les recherches entreprises par Nasse, en Allemagne,
par Legros et Onimus, en France, aboutissaient également à des résultats négatifs.
Enfin Mayer et VON Basch, cherchant à expliquer ces divergences, admirent que l'in-
fluence du pneumogastrique sur l'intestin se manifeste surtout lorsque l'animal est en état
d'asphyxie, parce que, dans ces conditions, les nerfs périphériques sont plus excitables.
Tel était l'état de la question, lorsque Br,\au-Houckgeest, de concert avec Sanders,
en aborda l'étude à l'aide du procédé du bain salé. Il vit que l'excitation du pneumo-
gastrique est efficace, c'est-à-dire provoque les contractions de l'intestin, à la condition
de sectionner au préalable les deux nerfs splanchniques; les résultats pouvant varier,
dans le cas contraire, à cause de l'action antagoniste de ces derniers. Il admit, en outre,
que les mouvements périslaltiques ainsi provoqués débutent toujours par l'estomac et
ne se propagent à l'intestin que secondairement. Ainsi, tout en reconnaissant nette-
ment l'influence intestino-raotrice du pneumogastrique, il y apportait cependant cer-
taines restrictions qui semblaient concilier, en les expliquant, les résultats divergents
des auteurs précédents.
INTESTIN. 565
On voit, en somme, que l'action motrice du pneumogastrique surl'intostin a (Hé tour
à tour affirmée et niée, sans pouvoir être établi»; foinn-IIement jusqu'à ces trente der-
nières années. En fait, les autours contemporains qui en ont reconnu et confirmé la
réalité, admettent qu'il y a souvent (luehiue difficulté à la constater. Sans parler de
l'exposition de l'intestin à l'air, que le procédé de Bkaam-Houckgkest permet d'éviter,
l'état de l'animal sur lequel on opère paraît jouer un certain rôle. C'est ainsi que, chez
le lapin à jeun, Jacohj n'a pu provoquer aucune contraction intestinale par l'excitation
du pneumogastrique. 11 en est souvent de même, lorsque l'animal est profondément
ourarisé, fait que nous avons maintes fois observé pour notre part et qui est à rappro-
cher de l'inexcitabilité du pneumof,'astrique cardiaciue dans les mêmes conditions. "Tou-
tefois, cette inexcilabililé n'est que relative et peut céder à l'emploi d'un courant intense.
La section préalable du bulbe paraît, au contraire,',favoriser l'action motrice du pneu-
mogastriquo, soit qu'elle supprime une action toni-inhibitrice exercée par la moelle
allongée (Steinach , soit qu'elle inhibe temporairement l'inlluence de la moelle propre-
ment dite et, par suite, celle des splauclini(iues. I5ka am-IIouckokest, — et le fait a été
confirmé par Jacobj, — avait admis, en eflet, que la section de ces nerfs permet au
pneumogastrique de manifester librement son action motrice.
En outre, des travaux plus récents nous ont appris que l'influence du pneumogas-
trique est plus complexe que ne le soupçonnaient les anciens auteurs. Elle se traduit
non seulement par des contractions, mais encore, et aussi souvent, par un relâchement
de l'intestin. Ces deux effets inverses, signalés par Morat d'une part, par Bechterew et
MiSLAWsKi d'autre" part, ne sauraient être nettement appréciés sans l'emploi de la
méthode graphique. Encore concoit-on que, dans certains cas, lorsqu'ils se contrarient
réciproquement, ils puissent échapper à l'observateur qui, faute de moyens d'analyse
suffisants, conclura à l'inefficacité de l'excitation nerveuse. Il ne faut pas oublier, en
effet, que les deux couches musculaires de la paroi intestinale se meuvent indépen-
damment l'une de l'autre. Le plus souvent, sinon toujours, l'une se relâche pendant que
l'autre se contracte : d'où la nécessité absolue d'enregistrer séparément les mouvements
de chacune d'elles, si l'on veut avoir une notion exacte de l'iiifiuence motrice que le
pneumogastrique exerce sur l'intestin.
Les premiers essais de ce genre qi\t été faits simultanément par Ehrma.nn pour l'in-
testin grêle et par Fellner pour le gros intestin. Sur un segment intestinal isolé et
ouvert de bout en bout par une section médiane, Ehrmax.x constata, en excitant le
pneumogastrique, un raccourcissement du diamètre transversal, suivi d'un allongement
du diamètre longitudinal. Il en conclut que le pneumogastrique a une influence inverse
sur chacune des couches musculaires de la paroi intestinale, excito-motrice pour la
circulaire, inhibitrice pour la longitudinale.
Cette manière de voir, appuyée par van Bascii, contestée théoriquement par Ex.ner,
comme nous le verrons plus loin, n'a été, à notre connaissance, l'objet d'aucun contrôle
expérimental jusqu'en 1898, époque à laquelle nous avons repris la question, CouR-
TADE et moi. En interrogeant séparément, par le procédé indiqué au début de cet
article, les réactions provoquées dans chacune des couches musculaires de la paroi
intestinale par l'excitation du pneumogastrique, nous avons observé les faits suivants : la
couche longitudinale réagit la première par une contraction énergique, mais peu durable,
à laquelle succède un relâchement prolongé. La couche circulaire, d'abord immobile,
se contracte alors d'une façon brusque et réitérée, contraction qui coïncide avec le
relâchement de la couche longitudinale et dure aussi longtemps que lui. C'est, en
somme, le mécanisme même des mouvements péristaltiques qui se trouve mis enjeu.
Mais, grâce à l'excitation du pneumogastrique, il se manifeste avec un grossissement
anormal qui permet de l'analyser plus complètement. Le tracé fig. 94 (p. 566) montre,
d'ailleurs, plus nettement que toute description, l'ensemble des phénomènes moteurs
provoqués dans ces conditions.
Outre l'alternance; de la contraction qui apparaît successivement dans la couche
longitudinale d'abord, dans la couche circulaire ensuite, il faut noter la forme particu-
lière qu'elle revêt dans cette dernière. Il s'agit, en effet, comme on le voit sur la figure,
d'une sorte de tétanos incomplet, lequel se traduit sur les tracés par une brusque
élévation, suivie d'une descente plus lente, laquelle est entrecoupée d'une série d'oscil-
566 INTESTIN.
lations successives. Pendant ce temps, la couche longitudinale subit un relâchement
assez accentué, si bien que le segment d'intestin considéré s'allonge notablement,
comme dans un mouvement de reptation.
Les effets inteslino-n)oteurs provoqués par l'excilation du pneumogastrique sont
donc plus complexes que ne l'avait admis Ehrmann. Si la contraction de la couche cir-
culaire et le relâchement de la couche longitudinale constituent l'effet le plus durable
de l'excitation nerveuse, ils ne constituent pas son effet unique. Avant de se relâcher,
la couche longitudinale se contracte. Le fait est manifeste et reproduit pour l'intestin
ce que, dans d'autres recherches, nous avons observé pour l'estomac en excitant le
même nerf. Il a sans doute échappé à Erhmann pour deux raisons : d'abord parce que
la contraclion de la couche longitudinale est relativement brève, si on la compare à
celle de la couche circulaire ; ensuite parce qu'elle ne se produit à coup sûr que sous
l'inlluence d'une excitation suffisamment intense.
Quant à un relâchement concomitant de la couche circulaire, préc»"'dant la contrac-
Fiii. 94. — Excitation du piieumogastriijue.
tion de celle-ci, nous ne l'avons pas observé aussi nettement sur l'intestin (lue sur la
région pylorique de l'estomac. Mais il est légitime de penser que l'action du pneumo-
gastrique doit être, au degré près, identique ici et là. D'ailleurs Bayliss et Starli.xg,
au cours de recherches postérieures aux nôtres, ont directement constaté le phénomène
■en question.
En résumé, nous concluons que l'excitation du pneumogastrique fait contracter et
relâcher alternativement la couche circulaire comme la couche longitudinale, de telle
sorte que la contraction de l'une correKpond toujoun^ au relâchement de l'autre. L'ensemble
de ces mouvements constitue précisément ce qu'on a appelé le péristaltisme intestinal.
Quel que soit le mécanisme intime de ce dernier, sa mise en jeu se trouve donc
dépendre essentiellement du pneumogastrique.
b) Nerf érecteur sacré. — Pour la partie inférieure du gros intestin, le pneumogas-
trique cède, on le sait, ses fonctions motrices au nerf érecteur sacré. C'est ce dernier
qui préside aux mouvements péristaltiques du côlon descendant et aux mouvements
expulsifs du rectum (défécation . Les mouvements expulsifs ne diffèrent, d'ailleurs, des
mouvements péristaltiques proprement dits que par leur intensité plus grande. Mais
leur mécanisme est analogue. Ici et là, en effet, la contraction apparaît d'abord dans
les fibres longitudinales, ensuite dans les fibres circulaires. Cependant, d'après nos
expériences, elle est surtout marquée au niveau des fibres longitudinales, où elle con-
stitue non seulement l'effet primitif, mais encore l'effet dominant de l'excitation du nerf
érecteur. La contraction des fibres circulaires ne peut néanmoins être mise en doute;
mais elle se produit toujours après celle des fibres longitudinales, et non pas en même
temps, comme font admis Langlev et Anderso.n. En un mot, l'action motrice du nerf
érecteur sacré sur le rectum est absolument comparable à celle du pneumogastrique
sur l'intestin grêle.
Dès lors, il est permis de se demander si le premier de ces nerfs, à côté de son
INTESTIN.
567
influence excito-motiice bien déinonlrée, ne possède pas lui aussi une inlluence inhibi-
trice, aiialogut' à celle que le pneumogastrique exerce sur rintestin grêle. Les exp«'!-
riences déj;"i mentionnées de Fellni;ii répondent à cette question par l'affirmative.
D'après cet auteui-, en eflet. l'excitation du nerf érecteur sacré provoquerait, en même
temps que la contraction tles libres longitudinales, le relâchement des fibres circulaires
du rectum. Bien que la dilatation du sphincter qui se produit dans ces conditions soit
probablement due, pour une part, à la contraction des fibres longitudinales agissant
exccntriquement sur lui, nous inclinons à admettre, dans une certaine mesure, la réa-
lité de faction inhibitrice invoquée par Fellner. Le relâchement des fibres sphincté-
riennes du rectum déterminé par le nerf érecteur sacré est un phénomène conïparable
au relAchement des fibres circulaires du cardia et du pylore, lequel est provoqué par
le pneumogastrique. Il a pour résultat évident de favoriser l'expulsion des matières
Kiti. 95. — Excitation (E E) du bout périphérique du nerf sacré.
La contraction des fibres circulaires (F. C.) se produit toujours après celle des fibres longitudinales (F. L.)
et non pas en même temps.
fécales, et c'est tout au moins une induction logicjue d'admettre que, nerf moteur du
gros intestin, le nerf érecteur sacré préside à tous les mouvements (contractions et relâ-
chements) nécessaires au fonctionnement mécanique de cette partie du tube digestif,
comme le pneumogastriqui' préside à tous les mouvements nécessaires au fonctionne-
ment mécanique de l'estomac et de l'intestin grêle.
c) Grand sympathique. — La notion de l'influence inhibitrice du gi'and sympathiiiue
date des travaux de Pi-li-okh. Jusque-là, les auteurs le considéraient comme un nerf
moteur, jouant vis-à-vis de l'intestin un rôle analogue à celui qne nous attribuons
aujourd'hui au pneumogastrique. C'était l'opinion de J, Muller, adoptée par Weueh,
LoNGET, VoLKMANN, Valentix, ctc. LuDwiG, il est vrai, avait entrevu dès 1853 la fonction
d'arrêt du sympathique intestinal. Mais, quelques années plus tard, il concluait avec
Hafter que, tout en n't'tant pas pour l'intestin des nerfs moteurs proprement dits, les
splanchniques ne sont cependant pas des nerfs inhibiteurs, comme le pneumogastrique
pour le cœur, puisque les mouvements péristal tiques n'augmenient pas après leur section.
C'est PflCger qui, de 185o à IB-'iT, a établi par une série de travaux le véritable
rôle du sympathique intestinal. D'une part, en excitant la moelle entre la cinquième et
la dixième vertèbre dorsale, il constate l'arrêt des mouvements péristaltiques ; d'autre
part, il voit que cet effet est aboli lorsqu'il sectionne les splanchniques, et reparaît, au
5(i8 INTESTIN.
contraire, lorsqu'il excite directement ces mêmes neifs. Poursuivant ses recherches, il
montre qu'il y a non seulement arrêt des mouvements, mais encore relâchement des
parois intestinales, et que ce double effet se produit sur toute la longueur de l'intestin
grêle et la partie supérieure du gros intestin. Il conclut donc que les auteurs qui ont
considéré le splanchnique comme un nerf moteur se sont trompés, les uns faute d'ap-
pareils électriques assez perfectionnés (appareils d'induction), les autres en excitant par
des courants dérivés le nerf pneumogastrique, seul nerf moteur de l'intestin.
Cependant ces conclusions ne furent pas acceptées sans discussions. Sans en con-
tester précisément le bien fondé, comme Biffi fut à peu près seul à le faire, d'aucuns les
trouvèrent trop absolues et cherchèrent à les concilier avec l'opinion antérieure qui attri-
buait au splanchnique un rôle moteur. Tels Lunwio et Kupfer qui, ayant vu chez un
animal récemment tué l'excitation du splanchnique provoquer des mouvements intesti-
naux, admirent qup, suivant les circonstances, ce nerf peut être tantôt moteur et tantôt
modérateur. C'est ce que Nasse tenta d'expliquer en disant que le splanchnique contient
deux ordres de fibres; les unes, paralysantes, qui prédominent pendant la vie; les autres,
excito-motrices, qui prédominent après la mort.
D'autres cherchèrent à interpréter les faits observés par Pfuiger. Schiff, qui
n'admettait pas l'existence îles nerfs inhibiteurs, ne voulut voir, dans l'arrêt de l'intes-
tin par excitation du splanchnique, qu'un effet dû à l'épuisement de ce nerf. Brown-
SÉQUARD attribua ce même phénomène à une influence vaso-motrice et conclut
que l'excitation du splanchnique arrrête les mouvements de l'intestin parce qu'elle y
suspend momentanément la circulation. S. Mavkr et van Bascii se rallièrent à
cette opinion, subordonnant, eux aussi, l'action d'arrêt du splanchnique à son action
vaso-constrictrice. Enfin Braam-Houckoeest, qui avait d'abord partagé cette manière
de voir, ne tarda pas à l'abandonner et, constatant que les deux effets peuvent se
produire indépendamment l'un de l'autre, il admit que l'arrêt de l'intestin est bien dû à
une action inhibitrice exercée par le splanchnique.
A l'heure actuelle, on peut dire que l'opinion de Pfliiger a eu finalement raison
de toutes les objections et qu'elle est définitivement acquise à la science. S'ensuit-il
qu'elle en représente le dernier mot, quant au rôle intestino-moteur du splanchnique?
Nous ne le croyons pas. L'influence exercée par ce nerf sur les mouvements de l'intes-
tin, de même que celle du pneumogastrique, ne peut en effet être appréciée dans tous
ses détails que si on l'étudié sur chaque couche musculaire en particulier. C'est ce
qu'ont tenté de faire, nous l'avons déjà dit, Fellner pour le gros intestin et Ehrmann
pour l'intestin grêle.
Dans ses expériences, Fellner a constaté que l'excitation des filets nerveux (nerfs
hypogastriques) qui vont du ganglion mésentérique inférieur au plexus hypogastrique
détermine un mouvement inverse dans chacune des couches musculaires du rectum :
mouvement de contraction pour les fibres circulaires, mouvement de relâchement pour
les fibres longitudinales. Ces faits, immédiatement acceptés par van Basch, furent invo-
qués par lui à l'appui de sa théorie sur l'innervation croisée de l'intestin. Ils tendent,
en effet, à conférer au grand sympathique, dans l'innervation du reftum, une action
diamétralement opposée à celle du nerf érecteur sacré qui, d'après les mêmes auteurs,
provoque la contraction des fibres longitudinales et le relâchement des fibres circulaires.
Chacun des deux nerfs aurait donc une fonction équivalente, mais inverse, sur chacune
des couches musculaires. Nous dirons plus loin ce que nous pensons de cette théorie.
Elle fut d'ailleurs vivement combattue par Exner. S'appuyant sur ce fait que tout muscle
qui se contracte s'élargit, en même temps qu'il se raccourcit, il conclut que la contrac-
tion des fibres circulaires doit nécessairement déterminer l'allongement du rectum, de
même que la contraction des fibres longitudinales doit déterminer sa dilatation. L'effet
inverse produit sur chaque couche, musculaire par l'excitation du nerf érecteur
sacré ou du sympathique n'implique donc nullement, d'après lui, qu'il y ait innervation
croisée, puisque le relâchement apparent d'une des deux couches n'est que la consé-
quence mécanique de la contraction de l'autre.
Cette critique, purement théorique du reste, ne s'appliquait, on le voit, qu'à l'action
inhibitrice de chaque nerf.
L'action excito-motrice du sympathique, observée par Fellner, n'était pas sérieuse-
INTESTIN.
569
menl contestée. Né;inin<>ins les restrictions qu'elle paraissailjipiKnlerà la découverte d^
Pi-iài;i:h furent peul-^tre la cause du peu de crédit qu'elle rencontra pentlant plusieurs
années, auprès delà plupart des physiologistes. C'est ainsi que Langi.ey et Anderson ont
pu nai,'uère soutenir que l'action du sympathique est la même sur les deux couches,
dont elle provoquerait toujours le relâchement, aussi bien pour la couche circulaire que
pour la longitudinale. D'après eux, par conséquent, le grand sympathique est exclusive-
ment inhibiteur, comme l'a dit PpLuiiER : plus récemment, IUvliss et Starling ont
défendu la même opinion.
Depuis quelques années déjà, nous avons étudié, CounTADEetmoi, à l'aide du procédé
décrit plus haut, l'action motrice du grand sympathique sur les divers organes abdo-
minaux. Or, non seulement nous avons] pu vérifier toute l'exactitude des résultats
obtenus par Fellneu, mais nous avons constaté, en outre, que le grand sympathique
FiG. 96. — Excitation du bout périphérique du grand splanchnique. Cette contraction de la couche circulaire est
trôs ditférente do celle que provoque le pneumogastrique. Celle-ci est brusque, rapide et réitérée. (Voir
tig. 94, p. 566.) Celle du grand splanchnique au contraire est progressive, lente et toujours unique.
exerce la même action sur l'intestin grêle que sur le rectum. L'excitation du grand
splanchnique nous a toujours donné, en efTet, les résultats suivants : arrêt des mouve-
ments péristaltiques, relâchement de la couche longitudinale, contraction tonique de la
couche circulaire. Mais celte contraction de la couche circulaire est très différente de
celle que provoque le pneumogastrique. Celle-ci est brusque, rapide et réitérée; celle-là,
au contraire, est progressive, lente et toujours unique. Elle correspond, en somme, aune,
simple augmentation de la tonicité musculaire : d'où le nom de contraction tonique par
lequel nous la désignons. C'est avec ce même caractère qu'on la retrouve, toujours iden-
tique, sur le cardia et le pylore lorsqu'on excite les splanchniques, sur le rectum et la
vessie lorsqu'on excite les nerfs hypogastriques. Elle témoigne donc d'une action d'ordre
général, propre au grand sympathique.
Comment, dès lors, puisque cette contraction est si constante et si caractéristique, ,
expliiiuer les divergences d'opinion qui se sont produites à son sujet? Ehrma.nn, tout le
premier, dans des recherclies menées parallèlement à celles de Pem.neu, ne semble pas
l'avoir observée. Tout au contraire, il attribue au splanchnique une action diamétrale-
ment opposée à celle du nerf hypogastrique, admettant que son excitation provoque, au
570 INTESTIN.
niveau de l'intestin grèle, le relâchement de la couche circulaire et la contraction de la
couche longitudinale. Mais cette action inverse, qui a lieu de surprendre a priori,
s'explique par des conditions expérimentales défectueuses, comme nous avons pu nous
en convaincre. Les tractions auxquelles est exposé le pédicule du segment intestinal
peuvent, en effet, troubler profondément la circulation de ce segment. Dans ce cas,
la couche circulaire présente des contractions d'une intensité anormale, tandis que
la couche longitudinale se relâche au maximum. Ces phénomènes sont dus à l'excitation
du 'pneumogastrique par le sang asphyxique, dont l'influence motrice nous est connue.
On comprend, par suite, qu'une excitation pratiquée sur le splanchnique les atténue ou
les supprime momentanément, c'est-à-dire produise larrèt plus ou moins marqué des
contractions de la couche circulaire et la rétraction concomitante de la couche longitu-
dinale. Il y a là, en somme, une action analogue à celle qu'ont décrite autrefois Ludwig
et KuPFER, chez un animal récemment tué. Mais il suffit de replacer le segment intes-
tinal dans des conditions physiologiques, au point de vue de sa circulation, pour voir
FiG. 97. — Excitation du bout central du grand splanchnique. La contractiou se ]iroiluit tout aussi l)icn après
l'excitation centrifuge de ce nerf (bout périphérique), qu'après son excitation centripète (bout central).
reparaître les effets ordinaires de l'excitation du splanchnique, tels que nous les avons
décrits. Le relâchement de la couche circulaire et la contraction de la couche longitu-
dinale, lorsqu'on excite le grand sympathique, sont donc des effets anormaux liés à des
conditions anormales. C'est une conclusion qui ressort également des récentes
recherches de Pal, lequel attribue au splanchnique la propriété d'augmenter ou de
diminuer la tonicité de la couche circulaire, suivant /es circonstances.
Quant à l'opinion des auteurs anglais, qui admettent le relâchement constant de la
couche circulaire comme de la couche longitudinale, après excitation du grand sympa-
thique, nous rappellerons que L.vnglev et A.\DERSON,ses principaux défenseurs, n'ont pas
eu recours à la méthode graphique. Ils se sont contentés de l'examen direct, ce qui est
un moyen insuffisant pour discerner la réaction motrice de chaque couche musculaire
en particulier. Bayliss et Starling, qui défendent la même manière de voir, ont em-
ployé, il est vrai, les procédés inscripleurs habituels. Mais les tracés qu'ils ont publiés
semblent indiquer qu'ils n'ont pas réellement disssocié les mouvements respectifs de
chaque couche {Journal of Physiology, 1899, xxiv, 99-143). Ils reconnaissent d'ailleurs
que le splanchnique n'est pas absolument dénué d'action motrice, puisque, d'après eux,
son excitation provoque souvent, en même temps que l'inhibition des mouvements
rythmiques, la contraction tonique de l'intestin. Il y a donc là un résultat très analogue
à celui que nous avons obtenu (moins la dissociation de ce qui appartient à l'une ou
à l'autre couche musculaire;.
INTESTIN. 571
ToutefoisBAYLiss elSivuLiM; concluent qu'il s'agit, non d'un effet moteur pi-opremont
dit, mais d'un etVet " pseudo-moteur -> (|u'ils attribuent ù l'action vaso-motrice du splanoii-
nique. C'est une interprétation qui ra|)p('lle celle qu'on a voulu opposer autrefois à
la découverte de Pi-ntiKu. En réalité, ])as plus que l'inhibition dos mouvements péii-
staltiques, la contraction de la couche circulaire ne dépend des modifications provoquées
dans la circulation intestinale par l'excitation du splanchnique. Comme nous l'avons
montré dès 1897, elle se produit, en eflet, tout aussi bien après l'excitation centrifuge de
ce nerf (bout périphérique) qu'après son excitation centripète (bout central), bien que
letTet vaso-moteiu' soit g<'néralement inverse dans les deux cas. 11 n'y a donc aucune
relation entre l'un et l'autre phénomène. Leur indépendance a d'ailleurs été reconnue
tout récemment, en Angleterre même, par Hu.nch. De ces différents faits, il résulte que
la contraction tonique provoquée par l'excitation du splanchnique est bien un effet
moteur direct, c'est-à-dire indépendant de toute action vaso-motrice.
Si les résultats de nos expériences nous conduisent à assigner aux splanchni(iues
un rAle identique à celui que Fellner a attribué aux nerfs hypogastriques, est-ce à dire
que nous acceptions la théorie de l'innervation croisée qui s'appuie sur les travaux de
cet auteur? En aucune façon. Tout d'abord, il n'y a pas d'opposition symétrique à éta-
blir, au point de vue des elfets moteurs produits sur chacune des couches de l'intestin,
entre l'action du pneumogastrique et de l'érecteur sacré, d'une part, et l'action du sym-
pathique, de l'autre. Gomme nous l'avons déjà dit, la première est beaucoup plus com-
plexe que ne l'ont admis la plupart des auteurs. C'est ainsi que la contraction brusque de
la couche longitudinale, qui est le premier effet de l'excitation du pneumogastrique, est
bientôt suivie du relâchement prolongé de cette même couche. Or, si l'effet primitif est
inverse de celui que provoque l'excitation du sympathique, l'efTet secondaire est de même
sens; et finalement, quel que soit lenerf excité, il y a inhibition de la couche longitu-
dinale. Une constatation de même ordre peut être faite sur la couche circulaire, laquelle
se contracte, bien que d'une façon différente, sous l'influence du sympathique comme
sous l'influence du pneumogastrique. Ces influences, quant aux mouvements qu'elles
impriment à chaque couche en particulier, ne sont donc pas symétriquement inverses,
comn>e le suppose la théorie de l'innervation croisée.
En outre, ce n'est pas dans le sens de la réaction motrice produite dans chaque cou-
che musculaire qu'il faut chercher une difîérence d'action entre les deux nerfs; c'est dans
les caractères que présente cette réaction motrice. Énergique, presque brusque, et sou-
vent réitérée, quand elle est provoquée par le pneumogastrique, elle est lente, progres-
sive, et toujours unique, quand elle est provoquée par le sympathique. Ces différences
si nettes correspondent au rôle spécial de chacun des deux nerfs. Entre eux, il n'y a pas
équivalence fonctionnelle, ainsi que le prétend van Basch; il y a, au contraire, antago-
nisme fonctionnel. La mise en jeu du péristaltisme appartient exclusivement au pneu-
mogastrique, agissant par l'intermédiaire du plexus intra-pariétal. Sous son influence,
en effet, apparaissent, dans les deux couches, les mouvements combinés de contraction et
de relâchement, capables de faire cheminer les aliments le long du tube digestif. Le
grand sympathique, au contraire, n'intervient pas dans ce mécanisme, sinon pour en
suspendre l'activité. Sous son influence, les mouvements péristaltiques s'arrêtent dans
les deux couches musculaires : d'où stagnation du contenu intestinal, blo(juédans leseg-
ment oîi il se trouve, d'une part par le défaut d'impulsion dû au relâchement de la
couche longitudinale, d'autre part par la constriction prolongée (tonique des fibres
circulaires et des anneaux sphinctériens qu'elles constituent.
En résumé, tandis que les réactions motrices provoquées par le pneumogastrique
tendent à favoriser la progression des aliments, les réactions motrices provoquées par
le sympathique aboutissent au résultat inverse. Le véritable antagonisme des deux
nerfs apparaît donc avec évidence : il porte, non sur le sens des réactions motrices de
chaque couche en pailicuiier, mais sur la forme de la contraction et les efTets qui en
résultent au point de vue fonctionnel. Ainsi nos connaissances actuelles s'adaptent aux
faits découverts par Pi Lii(;Eri et permettent de conclure que, si le pneumogastrique est
le nerf excitateur, le giand sympathique est le nerf inhibiteur de la fonction mécanique de
l'intestin.
572
INTESTIN.
30 Centres nerveux. — Les régions de l'axe bulbo-médullaire qui correspondent aux
origines des nerfs intestinaux exercent la même inlluence que ces derniers sur les
mouvements péristalliques. On leur a donné le nom de ccntt'ea, et elles le méritent dans
une certaine mesure, puisque c'est par leur intermédiaire que les nerfs sensitifs, veiius
des divers points du tube digestif, sont mis en rapport avec les nerfs moteurs qui leur
correspondent.
Mais il convient de rappeler qu'il existe, dans le système nerveux périphérique, des
cellules ganglionnaires qui jouent un rôle analogue. Témoin la persistance des mouve-
ments de l'intestin séparé du corps, lorsqu'on le place dans des conditions favorables.
Le réûexe sensitivo-moteur peut donc s'opérer, au moins pendant un certain temps, dans
les parois intestinales elles-mêmes (plexus d'AuERBAca). Il s'exerce aussi, en dehors de
ces parois, dans les ganglions échelonnés le long du sympathique entre la moelle et
^.^'ii.j-iA^
^'" ^A/^^v^.y./v-^.'Vv-lww-
FiG. 98. — Fonction rrflrxe dn i/oixilion mésentérii/ue inférieur. La section préala))le do tous les filets qui_le
mettent en rapport avec la niocUc ne cliange rien à la réaction motrice do l'intestin.
l'intestin. C'est ainsi que, comme nous l'avons indiqué, Courtade et moi, l'excitation
centripète de l'un des nerfs hypogastriques sectionné provoque, dans le rectum, les
mêmes réactions motrices que l'excitation du nerf intact, à savoir le relâchement des
fibres longitudinales et la contraction tonique des fibres circulaires. Dans ce cas le
centre réflexe est représenté par le ganglion mésentérique inférieur, car la section
préalable de tous les filets qui le mettent en rapport avec la moelle ne change rien à la
réaction motrice de l'intestin.
Néanmoins, ce pouvoir réflexe des ganglions sympathiques ne constitue qu'un relais
intercalé sur le circuit sensitivo-moteur, dont le centre principal est situé dans l'axe bulbo-
spinal. En ce qui concerne le rectum, on a désigné, depuis longtemps, sous le nom de
centre ano-spinal un segment de la moelle lombaire qui semble présider aux mouvements
de défécation. Son rôle a été discuté dans un précédent article (voir Défécation), et
nous n'y reviendrons pas. Mais nous devons signaler ce qu'il a de forcément complexe,
puisque la région médullaire ainsi désignée correspond, sans parler de l'innervation du
sphincter externe, à l'origine des nerfs hypogastriques et des nerfs érecteurs sacrés dont
on connaît l'action différente sur les mouvements du rectum.
La moelle dorsale, au contraire, ne commande aux mouvements de l'intestin grêle
INTESTIN. 573
que par l'intermédiaire du grand splaiichnique, depuis la sixième vertèbre dorsale
jusqu'à la premit-re loinbaiie. Sur toute cette étendue, l'excitation de la moelle provoque
l'inhibition des mouvements péristaltiques, comme Pi-lCger l'a constaté le premier et,
après lui, nombre de physiologistes qui ont décrit des centres d'arrôt dans toute cette
région.
Certains auteurs ont vu apparaître des contractions intestinales en excitant les
diverses parties du mésoct-phale : cervelet et pédoncules (Valentin). corps resliforme
(Budce), bulbe et protubérance (Schikk). Le voisinage des noyaux bulbaires du pneumo-
gastrique, auxquels ces excitations peuvent se transmettre, explique la fréquence des
effets intestino-moteurs obtenus dans ces conditions.
On a attribué, de même, à certaines régions du cerveau une influence motrice sur
les mouvements de l'intestin. La couche optique, en particulier, déjà mentionnée à ce
point de vue par BuDCRet par Valentin, a été considérée parJ.OTT et Wood-Field comme;
un centre d'arrêt pour les mouvements péristaltiques. En l'excitant directement avec de
fines électrodes, ces auteurs ont constaté, en effet, la suppression de toute contraction
intestinale. Après eux, Bechterew d'abord, puis Rechterew et MlSLA^v^>KI ont repris la
question et sont arrivés aux conclusions suivantes : l'eflet intestino-inhibiteur n'est
produit que par l'excitation de la région externe de la couche optique ; il est localisé à
l'intestin grêle, et, sous l'influence de la même excitation, le gros intestin présente, au
contraire, des contractions qui peuvent aboutir à la défécation; enfin, l'excitation de la
partie postérieure de la couche opli(iue produit parfois l'apparition des mouvements
péristaltiques.
D'après les mêmes auteurs, il y aurait, dans l'écorce cérébrale elle-même, des centres
qui agissent comme ceux de la couche optique et par leur intermédiaire. Indiqués par
BocHEFONTAiNE, puis par Pal et Bergrûn.n, ces centres seraient situés dans la région du
girus sygmoïde, et leur excitation arrêterait les mouvements de l'intestin. C'est dans la
même région que Bechterew etMisLAwsKi localisent l'action intestino-motricede l'écorce
cérébrale. Mais ils admettent que cette action est double et peut s'exercer soit en provo-
quant, soit en supprimant le péristaltisme. L'excitation des mêmes circonvolutions
déterminerait aussi des contractions dans le gros intestin (Bechterew et Mislawski,
Sherrington, Ducceschi, etc.1.
Sans mettre en doute le bien fondé des résultats obtenus par ces divers auteurs, nous
ferons remarquer que, dans la localisation des centres intestino-moteurs, comme dans
celles des centres thermiques, il faut se méfier des effets réflexes provoqués par l'excita-
tion de l'écorce cérébrale.
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576 INULASE. — INULINE.
INULASE. — Ferment qui hydrate l'inuline.V. Inuline.
INULINE. — (C- H-" 0'"). L'inuline est une substance voisine des hydrates de
carbone, qui se trouve dans nombre de plantes {Jnula Halcnium, Helianthus tuberosus,
Georgina purpurea, Cijanara scolismus, etc.) Toutes ces inulines ne sont pas identiques,
et l'inuline de dahlia parait différente de l'inuline d'aulné'e.
Pour préparer l'inuline on épuise les racines d'aulnée par l'eau bouillante. La décoc-
tion est précipitée par l'alcool, et le précipité, repris par l'eau et décoloré par le char-
bon animal, est de nouveau précipité par l'alcool. C'est de l'inuline pure.
L'inuline peut être chautTée à 180° sans se décomposer; elle est peu soluble dans
l'eau froide, très soluble dans l'eau chaude, insoluble dans l'eau, l'alcool, et l'éther.
Elle réduit à chaud, eu présence de AzH^, les sels de plomb et de cuivre. Elle se dissout
dans l'oxyde de cuivre ammoniacal.
Son pouvoir rotatoire est a E = — 39°^). Sa chaleur de combustion (pourC^ H'" 0') =
678 cal. 6. Les inulines des divers végétaux ont des pouvoirs rotatoires dilîérents.
Une des réactions caractéristiques de l'inuline, c'est de donner avec un excès d'eau
de baryte un précipité barytique insoluble. Elle fournit de nombreux dérivés acétiques
(tri, tétra et hexacétiques).
Son poids moléculaire, déterminé par la cryoscopie, serait de {O H'" 0')3(H-0).
(Tanret.)
Chauffée avec de l'eau, l'inuline fournit des produits analoj,'ues aux dextrines. L'hy-
drolyse complète donne du lévulose et seulement 1/12 de glycose.
L'inuline ne fermente pas, alcooliquement. Mais sous l'inlluence de diveis microbes,
en particulier de ÏAspeiyUlioi n(V/er (Bourquelot), elle peut donner du glycose : de sorte
que, si l'on associe l'Aspe)';/Hlu>< n'u/cr et la levure dans une solution d'inuline, on
obtient finalement une fermentation alcoolique.
Une zymase existe cependant, qui peut hydrolyser l'inuline; c'est l'inulase, décou-
verte par Green {Ann. of botany, 1, 1888) dans les plantes qui contiennent de l'inuline.
Chittenden, d'abord, puis Rich.\ud, d'une part, et Bierry et Portier ont établi que, si
l'inuline peut être digérée par les animaux, c'est grâce au suc gastrique acide. Une solu-
tion HCl à 1 p. 1 000 saccharine en 24 heures, à 36°, 86 p. 100 de l'inuline en solution,
tandis que l'inuline injectée dans le sang se retrouve dans l'urine intégralement. Les
sucs digestifs non acides ne transforment pas l'inuline, ce qui prouve que l'inulase est
différente de l'amylase et de la maltase.
De même l'injection intra-péritonéale d'inuline n'est pas suivie d'assimilation, et
l'inuline se retrouve presque totalement dans l'urine (Mendel et Mischall). De même
aussi après injection sous-culanée (VVeunlanu).
D'après .\akaseko, des lapins àjeun ayant reçu de l'inuline dans l'estomac ont (Quel-
quefois (3 fois sur 7 expériences) une quantité de glycogènc supéiieure à celle qu'ils
auraient dû avoir s'ils avaient été soumis à un jeûne simple, ce qui prouve que l'inuline
peut être assimilée; il n'y a aucune contradiction entre cette expérience, et celle de
RiCHAUD, et Bierry et Portier ; car le lévulose résultant de l'action du suc gastrique sur
l'inuline peut donner du glycogène. Pourtant Richaud a vu que le foie des animaux sou-
mis depuis un mois à un régime exclusivement inulacé donne un glycose dextrogyre.
Bierry et Portier. Rech. sur la dirjestion deVlnuUne {B. B., 1900, 126.) — Bourql'elot.
Inuline et fermentation alcoolique indirecte de Vinuline. 'Ibid., 1894, 481-483). — Chitt-
TENDEN, Tke behavior of imdin in the gastro-intestinal tract. [Proc. Am. physiol. Soc, 1898.
xvii) — Daniel, Sur la présence de V inuline dans les capitides d'un certain nombre de com-
posées{B. B., 1889, 182-184). — Giacosa et Soave. Sulla inulina délia Cyanara scolismus et
sul suoussorbimento {G. d. r. Accad. med. di Torino, 1891, xxxix, 376-396. et .1. /. B., 1892,
xvii, 236-274). — Lefranc. De l'inuline et de ses modifications {Rec. demém. de médec. milit.,
1870, XXV, 410-441) — Richaud. Sur quelques points relatifs à l'histoire physiologique de
l'inuline chez les animaux [B. B., 1900, 416). — Nakaseko. Glykogen formation after inulin
feeding {Amer. J. P., 1900, 243). — A. Dean. On inulin {Amer. chem. Journ., 1904,
xxxii, n° 1), — Teyxeira. Ist das Inulin eine Substanz die von Diabeteskranken als Ndhr-
mitlel ausgenùtzt werdcn kann? {Boll. chim. farm., xliii, 1904, 605\ — Chittrnde.n. The
behavior of inulin in the gastro-intestinal tract. {Am. J.P., ii, 1897, xvif. — Laf. B. Mendel
INULINE. — INVERTINE. 577
et MiTCiiELL. The tdilizatioii of carious carbohyilrates [Ibid., xiv, 1905; 245) — Mu'ra.
Wird diirch Zufuhr von Inuliii beiin P/lanzcnfrexser GlijcogenbiUlung in dcr Leber ijes-
teùjerV] (Z. B., xxxii, 189:>, 255-265.). — Wkim.ani). Vebcr das Anftveten von Invcrtin
m Blut. (Z. B., lOO.i, xLvii, 284).
INVERTINE. — [.'invortine (ou sucrase) ost une zymase qui a la propriélé de
dédoubler, après liydratalion, une molécule de saccharose eu deux molécules : dextrose
ou d. glyoose e( lévulose, ou d. fructose.
OiilliJOn + II^O = C«Hi206 + C'HtaOS.
Saocliaroso. Dextrose ou I.évuloso ou
d. glycoso. d. fructose.
DcBRL'.NFAUT a obscrvé le premier que le saccharose, avant de se trausformer en
alcool, était interverti. I.e ferment soluble, entrevu par Dùbereinf.u et MiTsciiKitLicii, a été
découvert par Berthelot, en 1860, qui précipitait dans de l'eau de levure celte zymase
par l'alcool, et, reprenant le précipité par l'eau, obtenait l'hydratation du saccharose,
au moyen de ce corps (azoté).
Il est prouvé maintenant que toutes les fermentations alcooliques commencent par
interversion du saccharose, môme quand dans le liquide de levure on ne trouve pas
d'invertine. Par exemple, le Monilin candida ne laisse pas exsuder son invertine; mais,
quand on broie convenablement les cellules, on obtient un liquide qui contient de l'in-
vertine; de sorte que la présence d'invertine dans toute fermentation alcoolique est un
phénomène général, soit que l'invertine passe dans le liquide, soit qu'elle reste lixée
dans le protoplasma cellulaire de la levure.
La présence de l'invertine dans les organismes animaux a été découverte d'abord
par Claude Bernard dans le liquide intestinal (Voy. Intestin).
Depuis lors, on a constaté la présence de ce ferment dans des organismes végétaux
et animaux.
L'Asperdillus nir/er, le Pénicillium r/laucu>n, le Mucor racemosus, le Sclerotinia scle-
rotiorum eu produisent ; mais non le Saccharomijces apiculatus, le S. membranae faciens,
le Mucor mucedo. La plupart des levures en fournissent. On en trouve dans les feuilles
et les lleurs du Hobinia pseudoacacia (van Tiec iem), dans le pollen de quelques plantes,
dans l'embryon de l'orge germé (Kjeldahl). Les cellules de la betterave n'en contiennent
pas, quoiqu'elles soient gorgées de saccharose. Si, en effet, elles en contenaient, ce
saccharose aurait disparu.
Quelques auteurs ont prétendu que jamais l'invertine n'est sécrétée par les orga-
nismes animaux. Ulclaux croit que l'invertine qu'on constate dans les sucs digestifs
n'est pas normale, mais d'origine parasitaire. Mais cette opinion n'est guère vraisem-
blable.
D'après Biedermann et Moritz (cités par Dastre, art. Foie, vi, 804), le suc hépato-intes-
tinal des Heiix contiendrait de l'invertine. Mais Bouhquelot n'a pas pu la constater chez
les poulpes.
D'après Axenfeld, l'intestin (antérieur) des abeilles contient une invertine très active,
de même aussi l'intestin de Musca carnavia et de Cicada communis. Chez divers insectes,
il y a encore de l'invertine dans l'intestin, mais beaucoup moins. Dans le miel, le même
auteur a vu un ferment amylolytique et un ferment inversif, assez actif pour qu'en cinq
minutes il y ait inversion.
Les sucs digestifs de l'homme et des mammifères transforment-ils le saccharose en
glycose? La question semble à peu près résolue.
En effet, il n'est pas douteux que, si l'on met un fragment d'intestin en contact avec
une solution de saccharose, il se produit une rapide inversion, même quand l'intestin
a été bien lavé, de sorte qu'on ne peut invoquer la présence des microrganismes, trop
peu abondants, assurément, pour produire cette rapide inversion. .Mais il est possible
que la muqueuse se soit imprégnée de l'invertine sécrétée par les cellules des orga-
nismes inférieurs lors des ingestions intestinales précédentes.
Toutefois, la non-spécificité de la muqueuse intestinale pour production d'invertine
n'est guère vraisemblable, quoi qu'en dise Duclaux. En effet, que l'on compare l'action
IJICT. r»K l'HYSlOMKilE — T. IX. 37
S78 INVERTINE.
d'un fragment de muscle, de pancréas et d'intestin, au point de vue de leur action
inversive, on verra que ni le muscle, ni le pancréas n'agissent, tandis que l'intestin
a énergiquement hydrolyse le saccharose.
Fischer et Niebel n'ont pas pu constater traces d'invertine dans le sang des chevaux,
Teaux, moutons, rats, poules, oies et grenouilles. De même, comme l'ont montré Claude
Bernard, puis Voit, l'injection sous-cutanée de saccharose fait passer le saccharose
dans le sang et, de là, dans l'urine, sans qu'à aucun moment il ne se produise d'inter-
ver.->ion. Johan.nson, Billstrom et Heijl ont aussi, "par d'autres constatations (mesure du
CO- dégagé), établi que le sucre introduit par injection sous-culanée ou intra-veineuse
dans l'organisme ne pouvait être considéré comme un aliment, et n'était pas assimi-
lable.
E. Weinland a fait, à ce sujet, une observation curieuse, qui mériterait d'être reprise.
Après avoir constaté que, chez des chiens nouveau-nés, l'intestin contient une notable
quantité d'invertine, il injecte du saccharose sous la peau tous les jours pendant quinze
jours; une partie de ce sucre disparaît, et le sang, quand on le recueille au quin-
zième jour, contient de Tinvertine. Si, au contraire, on prend le sérum d'un chien de
même àgo, mais qui n'a pas subi les injections quotidiennes sous-cutanées de sucre,
on constate que son sérum ne possède pas de propriétés inversives. Par conséquent,
une propriété chimique nouvelle a été donnée au sang par une alimenlalion spéciale,
et par un mode spécial d'alimentation. Est-ce par une réaction nerveuse sur la consti-
tution chimique du sang?
MiuRA, dans un excellent travail où toute la bibliographie des travaux antérieurs
est indiquée, fournit des preuves convaincantes pour établir que la muqueuse intesti-
nale peut inverser les sucres. En elTcl, dans l'inlestiii des enfants mort-nés, il y a de
l'invertine. Il y en a aussi dans l'intestin des nouveau-nés, qui ne contient pour ainsi
dire pas de bactéries. D'ailleurs, la muqueuse stomacale n'ayant pas celte action inver-
sive (non plus que le pancréas et la bilej, la fonction de l'intestin, à cet égard, semble
•être spécifique.
L'opinion de Duclaux, Hoppe-Seyler, Landois que le ferment inversif est un produit
des microbes intestinaux, n'est donc pas admissible (voy. Intestin).
La salive pure de cheval recueillie asepliquement ne contient pas d'inverline
(H. GoLDSMiTH, cité par Di'claux, Traite de microbiologie^ II, 1899, 500). Cependant, si,
au lieu d'employer de la salive pure, on garde quel(|ue temps dans la bouche un frag-
ment de saccharose, il est facile de voir qu'il y a un commencement d'inversion
(Ch. Richet). Le fait a été contesté par Bourquelot, et il est probable qu'il y a des
variations individuelles. Il est prouvé, comme chacun peut le constater, que le fait de
mâcher du sucre de canne et de le garder quelques minutes dans la bouche entraîne
l'hydratation d'une certaine quantité de saccharose; mais cela ne prouve nullement que
la salive contienne normalement de l'invertine.
Stoklasa et SiMALLK (cités par Portier) ont dit que les tissus des mammifères
•contenaient une zymase capable de faire fermenter le saccharose, ce qui suppose la
présence de l'invertine transformant le sai'charose en glycose. Mais Portier n'a pas pu
réussir à obtenir d'inverline en prenant les sucs de presse de divers organes (pancréas,
poumon et foie de chien et de bœuf).
En réalité, l'invertine est un ferment relativement rare dans les organismes ani-
maux, ce qui s'explique assez bien, puisque les aliments végétaux contenant du sac-
charose sont relativement rares (betteraves, canne à sucre).
Préparation de l'invertine. — Pour préparer l'invertine, il faut s'adresser aux
organismes qui en produisent des quantités abondantes, c'est-à-dire la levure de bière
et Y Aspergillus niçjer. La levure, broyée et desséchée (co^igeléej, est épuisée par l'eau,
et le filtrat est précipité par l'alcool. Duclaux remplace le liquide de cultuie de V Xsper-
gillus niger arrivé au terme de son développement fiar de l'eau distillée contenant un
peu de saccharose. Au bout de quarante-huit heures, le liquide, très pur, ne contient
presque plus que de l'invertine. Pour le conserver, on l'additionne de quelques gouttes
d'essence de moutarde. Fkrnbach cultive V Aspergillus en liquide Raulin stérilisé dans
des fioles ayant une tubulure latérale. Quand la plante est en pleine fructification, on
décante le liquide par l'effilure, et on le remplace par de l'eau distillée, qui se charge
INVERTINE. «79
il'inveiiine. Ce liquide contient toujours un peu iloxaliquc provenant de VAspc}(jillus.
D'après Bourquelot [Sur l'emploi des enzymes. Joiirn. de pharm. et de chimie, 1907,
XXV, 16 et 378), il ne faut employer que la levure fraîche, non desséchée h l'air;
car il se produit alors, par l'exposition h l'air, des fermentations microbiennes «jui
introduisent d'autres diastases difficiles à séparer de l'invertine.
Fernbacu a constaté «lue la levure, en milieu aérobie ou anaérobie, fournit à peu
près la même quantité d'invertine.
La composition chimique de l'invertine est incertaine. Voici les chiffres donnés par
Rarïu et DoNATH (cités par Duclaux) :
1 2
Carbone 43,90 40,50
Hydrogène 8,40 6,90
Azote 6,00 9,30
Soufre 0,63
Oxygène 41,47
Dans une autre analyse, Mayer n'a trouvé que 4-3 d'azote p. 100.
D'après Mayer, le phosphore fait partie intégrante de la molécule.
KoLLE a donné des analyses détaillées de diverses invertines : il a trouvé en cendres,
p. 100 : 0,18; 3,96; 10,68.
Carbone.
Hydrogène.
Azote.
44,73
6,91
45,13
7,34
45,63
7,22
44,69
7,22
8,46
44,43
7,00
8,67
43,90
6,45
8,32
Enfin Salkowski a appelé l'attention sur le'" gommes qui, dans la préparation habi-
tuelle de l'invertine, se trouvent mêlées à elle, parfois dans la proportion énorme de
65 p. 100.
Conditions d'action de linvertine. — Les influences qui modifient l'action de
l'invertine sur le saccharose ont été étudiées par beaucoup d'auteurs, en particulier
par Fernbach, Sullivan et Thompson, et V. Henry (voir Ferments). Nous résumerons ici
ce qui se rapporte spécialement à l'invertine.
La quantité de sucre, pourvu qu'elle atteigne un certain niveau, est indifférente
(Duclaux). Des solutions contenant une même quantité d'invertine et des (juantités
croissantes de sucre, 10, 20 et 40 p. 100, donneront la même quantité de sucre inter-
verti.
La température optimum de l'action de Tinverline, déterminée par K.ieldahl, est
voisine de 52"5. Soit 100 la quantité de sucre interverti à 3205, on a les chiffres suivants
qui permettent de tracer la courbe de l'iniluence thermique.
ïgiés.
0
10
18
29
30
50
40
74
43
90
48
97
50
99
52,3
100
33
99
60
74
03
11
70
0
680 INVERTI NE.
Nous n'entrerons pas d'ailleurs dans les discussions théoriques, communes à l'in-
verline et à d'autres zymases, pour les variations de celte courbe selon l'influence des
quantités de diastase et de sucre, la durée de l'action et l'influence thermique (voir
Ferments, et Duclaux, Traité de microbiologie, n, 1899).
Dans un milieu rigoureusement neutre l'action de l'invertine n'est pas maximale.
En ajoutant de petites quantités d'acide, trop faibles pour agir par elles-mêmes sur
l'inverMon du sucre, on voit que l'action de l'invertine est activée. Au delà elle est
ralentie.
Fernbach a constaté l'influence ralentissante de l'alcali, même à dose très faible.
Proportion
do
Sucre
Na OU en
interverti en
(niilligr. ])ar 1
lilro.>
ccutigraranies.
0
35.1
•i.^
31,8
6,6
25,4
9,9
17,6
1:5,0
12,1
16,0
^^
10
5,3
23
3,î>
Le même auteur a comparé les divers acides au point de vue île leur action sur l'in-
version par l'invertine : naturellement il a éliminé la fonction invertissante de l'acide
lui-même.
Il a trouvé ainsi que pour chaque acide il y a un maximum d'action, de sorte que
la quantité de sucre interverti est à peu près la même alors, quel que soit l'acide
employé, à la condition qu'on mette suivant la nature de cet acide des quantités diffé-
rentes. Ces quantités seront, en milligrammes par litre :
Acides sulùnique . . . 'lu
— oxalique 6G
— ' tartriqiu- .... 1 000
— succiniquc.. . . 2 000 >
— laclique .... 5 000
— acétique 10 000
O'SuLLivAN et ToMsoN out VU ensuite que ce chiffre d'acide maximum se déplace avec
la température, et qu'il croît quand la température baisse, ainsi qu'on pouvait le pré-
voir a priori.
11 e<«t bien entendu d'ailleurs que la vitesse d'inversion du sucre varie avec la nature
des levures; et que lés préparations d'invertine ne peuvent jamais être considérées
comme identiques. Suivant leur provenance, et le mode de préparation, elles diffèrent
dans une très large mesure.
Nous n'avons pas à étudier ici les modifications du saccharose produites par l'in-
version (Voir Saccharose et Sucres). D'une manière générale l'invertine agit dans le
même sens que les acides.
Emploi de l'invertine. — Bourquelot a recommandé l'emploi de l'invertine pour
déceler la présence de sucre de canne dans les tissus, notamment dans les tissus végé-
taux. Le produit de la réaction (glucose et lévulose) étant caractérisé par son pouvoir
réducteur et par son action sur la lumière polarisée, il suffit et il est nécessaire que
l'invertine ne soit pas accompagnée d'autres enzymes pouvant agir sur d'autres prin-
cipes que le sucre de canne. A cet effet, on prend de la levure séchée en présence de
l'alcool, et précipitée par l'alcool. Le produit sec se dissout instantanément dans l'eau
(1 gr. par 100 ce). Il peut être regardé comme une solution d'invertine pure.
On fait alors l'extrait alcoolique du fragment végétal qu'on veut examiner, et on
chasse l'alcool en présence d'un peu de carbonate calcique pour éviter l'hydrolyse du
IODE. 581
saccharose par les acides. I.e n'sidn «lissous dans l'eau est examiné au polarimkre avanf.
et après l'action de l'invertine.
BouRQUELOT a trouvé ainsi que sur quarante-quatre espèces de plantes qu'il a exami-
nées, toujours il y avait à la fois du sucre de canne et de l'invertine. Il en conclut que
le sucre de canne est un principe nécessaire aux échanges nutritifs dans les plantes à
chloropliylle, et, comme il n'est pas directement assiinil.iMe, que l'invertine est néces-
saire ù l'assimilation de cet hydrate de carbone.
Bibliographie.— FEnNiiACii. Sur l'inoertinc on sncrase de la levure. {Ann. de l'Imt.
Paateur, 1890, iv, Oil-673). — Kulli:. Weiteres ilbcr das Inrertin. (Z. p. C, 1900, xxix,
429-436). — OsBORNE. Beitr. z. Kcnntniss des lavertins [Ibid., 1899, xxviit, 390-425). —
OsHiMA, Uebcr Hefe<jummi und Invertin. {Ibid., 1902, xxxvi, 42-48). — Roussy. Résistance
de la propriété diastasii^ue de l'invertine à l'action destructive de la chaleur {B. B., 189S,
400-402). — Salkowski. Uebcr das hwertin der Uefe. (Z. p. C, 1900, ''xxi, 30b-328). —
AxENi'ELD. Inrertin im Honig und in Insektendàrin. (Z. B., 1904, xvri. 208-269). — V. Henri.
Sur la loi de l'action de l'invertine. {B. H., 1903,1215). — H ainer. Einirje Bcitrane zur Kennt-
niss des Inocrtins der Hcfe. (Z. p. C, 1904, xm, i). — Poutikr. Absence d'invertine et de
lactase dans les sucs de presse de différents organes des mammifères. {B. B., 1904, 205).
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Fermbach. Sur le dosage dclasucrase. (Ann. de l'Institut Pasteur, 1889, ni, 473, 531, et
1890. IV, 1-24). — Miura. Ist der Dumdarm im Stande, hohrzucker zu invertiren? (Z. B.,
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und des Diinndannes. {Lieb. Annalen, 1880, cciv, 228).
IODE. — L'iode est un méialloïde découvert accidentellement par Courtois en
1812, puis étudié par Gay-Lussai: en 1813 {Ann. de chim., xci). H. Uavy s'en est occupé
à la même époque {Journ. of Se, i, 234) et a décelé sa présence dans un certain
nombre de plantes marines. Depuis, les recherches d'un grand nombre de savants ont
démontré que l'iode était un corps fort répandu dans la nature comme le chlore et le
brome, qu'il accompagne généralement. On ne le trouve jamais en masse, et il est
d'ordinaire disséminé en combinaison avec le potassium, le sodium, le magnésium,
dans les minéraux et les eaux, sous forme de dérivés organiques complexes chez le.s
végétaux et les animaux.
C'est seulement dans ces dernières années, à la suite de nombreux travaux d'Aa-
MAND Gautier et de P. Bourckt sur le rôle physiologique de l'iode, que l'attention a été
attirée sur la dissémination et l'importance de ce corps dans la nature.
État naturel. — I. L'Iode dans les minéraux. — J. Chatin (C. R. Acad. des Sciences,
jxxi, 1850, 280), dans un mémoire important, a signalé la présence de petites quantités
d'iode dans presque toutes les couches géologiques de notre planète. D'après lui, les
terrains ignés sont plus iodurés en moyenne et plus uniformément que les terrains
sédimentaires.La craie verte et les éolithes ferrugineuses sont cependant très iodurées,
bien plus encore que les terrains ignés. F^es terrains de l'époque houillère auraient
d'après leur teneur en iode une place intermédiaire entre les terrains ignés et la craie
verte ou les géolithes ^ferrugineuses. Par contre, les terrains calcaires ou magnésiens
sont très peu iodés, de même que les marnes irisées qui accompagnent cependant sou-
vent les gisements de sel gemme.
11 montre également, dans ce mémoire, que les chlorures ne varient pas proportion-
nellement aux iodures et qu'il semble exister un rapport géologique constant entre le
fer et l'iode, une roche ferrugineuse et même une eau ferrugineuse contenant presque
invariablement de l'iode. Il avait également signalé la concentration de l'iode par les
végétaux aquatiques et avait montré que l'anthracite, moins riche en iode que la
houille, indiquait que des végétaux terrestres étaient venus se mêler aux cryptogames
des houillères; il se basait sur le fait de la forte teneur en iode du graphite pour aftir-
mer sa provenance d'origine organique et aquatique, ce corps représentant, d'après lui,
une formation très ancienne.
Ces faits ont été confirmés par d'autres expérimentateurs, et en particulier par
Ar. Gautier, qui a démontré que l'iode existe normalement dans tous les terrains,
même les plus anciens; il en a retrouvé d'une façon constante dans les granits.
582 IODE.
Les minéraux iodés sont relativement peu nombreux. On a signalé surtout la présence
de l'iode dans des minerais de cuivre, de plomb, d'argent, soit à l'état d'iodures, soit à
l'état de combinaisons complexes. Au point de vue minéralogique,on ne peut guère
citer que ,1a tocornalite et Viodargyre, iodnres d'argent amorplie et cristallisé (Chili) et la
sohxvartzembergUe; oxychloro-iodure de plomb (Bolivie). Marsh et Liverdsidge ont trouvé
de riodure cuivreux à Broken Hiil (Nouvelle-Galles du Sud), et Oschexius l'a décelé dans
des cuprites et des malachites d'Australie (environ 1 p. 100). La présence de l'iode a été
signalée également dans des minerais de zinc et dans des dolomies.
Il existe en plus forte proportion dans les azotates de soude bruts du Chili :
d'après Jaquel.mn ils renfermeraient 1,75 p. 100 d'iode. Enfin Thiercklin, en 1875,
a signalé sa présence dans les phosphates du Lot qui en renferment 500 grammes par
tonne.
RicciARDi a dans ces dernières années (J. Chem. Soc, lxii, 643, 1887) montré que les
Javes du Vésuve donnent des efllorescences salines iodées.
L'iode libre n'a été signalé que dans l'eau de Woodhall Spa (comté de Lincoln) par
Wanklyn {Chem. News, liv, 300, 1886).
IL L'iode dans l'eau de mer. — L'iode existe d'une façon certaine dans l'eau de
mer, mais cependant sa présence avait tour à tour été affirmée et niée. Marchand avait
donné le chiffre de 9 milligrammes d'iode par litre (C. R. Ac. Se, xxxiv, 53) et Boussin-
GAULT avait déclaré qu'il lui avait été impossible d'en trouver {Ann. de Phys. et Chim.,
XXX, 94"i. Il n'a été bien mis en évidence qu'à la suite des travaux récents. Ar. Ga.u-
TiER {C. H. Ac. Se, cxxvui, 1069, 1899) ne put, tout d'abord, sur 5 litres d'eau, retrouver
l'iode en opérant avec la potasse à froid; au contraire en opérant par fusion potassique
il obtint toujours une certaine quantité d'iode.. L'iode entre donc dans la constitution
de l'eau de mer en quantité pondérable; mais, au lieu d'y exister à l'état d'iodures,
il s'y trouve à l'état de composés organiques ou organisés iodés dans lesquels il est
masqué.
En moyenne, l'eau de mer renferme 2'"er^4o d'iode organique, en partie à l'état dis-
sous (environ 1™5', 87), en partie à l'état insoluble (environ 0'"fe''",52) restant sur un filtre de
porcelaine. Cet iode insoluble est fixé dans des êtres microscopiques, zooglées, algues,,
spongiaires, diatomées, etc., qui vivent à la surface de la mer et jusqu'à une certaine
profondeur et qui constituent le plankton de la haute mer.
La teneur en iode de leau de mer diminue avec la profondeur: on constate en mêm&
temps que l'iode organique et organisé disparaît, tandis qu'apparaît l'iode minéral
trouvé partout en quantité sensiblement constante (A. Gautier, C. R. Ac. Se, cxxix, 9,
1899). La matière organique iodée soluble provient des algues et des autres organismes
iodés qui vivent et meurent dans l'eau de mer.
A un certain moment de leur existence ils cèdent, comme l'a établi Allary [Bull.
Sac. Chim., xxxv, 12, 1881), une partie de leur iode à l'eau ambiante. On sait égale-
ment depuis longtemps que les jeunes feuilles des algues contiennent deux à trois fois
plus d'iode que les feuilles âgées. Il semble donc bien, comme le dit Bourcet {L'iode
normalde Vorganisme, Paris, 1900) qu'une partie de la matière iodée de l'algue puisse en
certains cas repasser en dissolution dans l'eau de mer, pour être soumise plus tard à
une nouvelle assimilation par les êtres nouveaux en état de croissance. Au contraire, si
ces êtres meurent et se putréfient, la substance organique est détruite et l'iode minéral
apparaît.
III. L'iode dans les eaux de pluie, de fleuves, de sources. — La pluie précipitant avec
elle les poussières contenues dans l'atmosphère fournit des eaux qui contiennent de
l'iode en très petite quantité.
Le fait avait été signal,é par Chatin qui avait retrouvé, suivant les localités, de
1/30 à 1/500 milligramme d'iode par litre d'eau. Marchand (de Fécamp), puis Bussy
et enfin Barral contrôlèrent et confirmèrent le fait.
Les cours d'eau étant formés des eaux telluriques issues, soit de sources, soit de
pluies, doivent évidemment contenir de l'iode, puisque, d'une part, les eaux de pluie
renferment ce métalloïde et que, d'autre part, les terrains et les roches à travers les-
quels les sources naissent et s'écoulent contiennent tous de l'iode.
Ch.\tin a déterminé la présence de l'iode dans 352 eaux de rivières ou de sources.
IODE, 583^
Ar. Gautier, reprenant ces travaux et ceiTx de Marchand, est arrivé ù des résultats confir-
matifs. En particulier, il a dosé dans l'eau de la Seine à Juvisy, 0"'B',00o d'iode par litre,
dont la moitié reste soIubIe;dans l'eau de la Marne, à Joinville, O^s'-^OOSI dont les deui
tiers d'iode soluble.
Certaines sources minéralisées renferment des quantités plus importantes d'iode.
En France, nous possédons les eaux minérales de Bondonneau, O^'^OOS Nal par litre,
Challesi, 0«>',0I23, Chaudesau/uen, 0s'-,0i8, Marlioz, 0«^00i5, Uria;/c, 0«%00025, AUevard,
0^''-, 00025, Salies de Béarn (eaux mères de Bayaa, O^^OISS). Duuoin vient de signaler
la présence de l'iode à l'état organique dans les eaux de Royat [C. R. Ac. Se, cxxviii,
1469, 1899),
A l'étranger, il faut citer les eaux de Hcilhronn 06'-,0286, de KissmQcn Oe'-,0009, de
Kreutznach 0«'-,0009, de Saxon 0e'-,0110, de Saragota Oe'-,003.
IV. L'iode dans l'atmosphère, — I.a présence de l'iode dans l'atmosphère avait déjà
été constatée parCuAriN. Il en avait trouvé à Paris 1/80 à 1/300 do milligramme par
iO 000 litres d'air. Un peu plus tard, Marchand, Brssv, Harral avaient été très affirmatifs
sur cette présence, mais d'autres auteurs, comme Cloez, De Luca, Mène, Nadler, niaient
le fait. Ils n'avaient trouvé d'iode ni dans l'air, ni dans l'eau de pluie.
Ar. Gautier reprit systématiquement cette recherche et put reconnaître après une
série d'expériences délicates, variées, prolongées, que l'air recueilli en divers lieux
(ville, bois, montagne, mer) et séparé sur place des matières qu'il contient en suspen-
sion ne permet pas de constater la présence d'une quantité sensible de gaz iodés. Les
poussières qu'il renferme ne contiennent pas d'iode sous forme soluble (iodures, iodates).
Par contre, on peut toujours y déceler une petite quantité d'iode organique insoluble
fourni par des schizophytes, des algues, des spores microscopiques iodées. Cette trace
d'iode est à Paris de l'ordre du millième de milligramme par mètre cube d'air. Au bord
de la mer elle est 12 à i3 fois plus considérable, et son origine marine a été nettement
mise en évidence par l'analyse des poussières de l'air à différentes altitudes et dans
différentes régions. {€. R. Ac. Se, cxxviii, 643, 1899.)
V. L'iode dans les végétaux. — L'iode a été décelé en proportion plus ou moins
grande dans les végétaux marins, les végétaux d'eau douce et les végétaux terrestres.
Cette étude, ébauchée par Ghatin et quelques autres expérimentateurs, a été reprise
systématiquement par P. Bourcet. Son travail. L'iode normal de l'organisme, renferme
une série de tableaux particulièrement intéressants à consulter, et auxquels nous ferons
de nombreux emprunts.
A. Plantes marines. — Sarphati, le premier, signala dans les plantes marines la pré-
sence du chlore, du brome et de l'iode, et il dosa l'iode dans les cendres d'un grand
nombre de végétaux. L'extraction de ce métalloïde s'opérant dans un certain nombre
de pays en partant des cendres de plantes marines, celles-ci furent rapidement étudiées
au point de vue de leur teneur en iode, et on sait actuellement que parmi les plus
riches se rangent les Fucus difjitatus, ie'-,35 par kilogramme de plante fraîche; F. sac-
catiis, IK',24; F. cartilayineus. l"'-,42; F. fiiiitm, 0«'',89; Laminaria diçjitata, Os^ei ; Ulva
umbdicalis, Os'",59. Des espèces voisines sont beaucoup moins riches; par exemple, les
Fucus bulbosus ne donnent guère qu'un millième d'iode, celles du Fucus nodosus ne
titrent guère plus de 2 millièmes, et le Fucus vesiculosus, qui accompagne toujours le
précédent, et se trouve en abondance sur les rochers de nos côtes, est encore moins
riche.
Quoi qu'il en soit, on peut dire que toutes les plantes marines renferment de l'iode
en quantité variable suivant leur électivité particulière. Elles en contiennent le maxi-
mum à la période de croissance; elles le perdent peu à peu lorsqu'elles dépérissent,
et n'en contiennent plus que des traces lorsqu'elles sont putréfiées.
B. Plantes aquatiques d'eaux douces. — Muller, le premier, signala la présence de
l'iode dans le cresson de fontaine {Arch. de Pharm., (2), xxxv, 40); puis, en 1850, Ghatin
publia un ensemble de recherches qui lui permit de généraliser le fait.
De ses travaux, de ceux de Macadam, de Straub, de Bourcet, il ressort que ce métal-
loïde existe, en règle générale, dans toutes les plantes d'eaux douces. Parmi elles, celles
qui vivent en eau courante sont plus riches en iode que celles qui vivent en eau
stagnante.
584 IODE.
La proportion d'iode qu'elles contiennent est en rapport à la fois avec leur nature
et avec leur habitat. L'iode des eaux douces est absorbé par les végétaux qui y croissent
en quantité telle que, dans certains cas, en aval d'une cressonnière par exemple,
l'iode peut disparaître complètement, alors qu'on peut le déceler nettement en
amont.
Ar. (iAUTiER a également constaté la présence de l'iode dans les algues d'eaux douces,
les champignons, les lichens.
Par contre, Ar. Gautier et Hourcet ont indiqu»'- que les bactériacées, et en pailicu-
lier le bacille de la septicémie et celui du lélanos, ne renferment pas traces d'iode (C. R.
Ac. Se, cxxvii, 189, 1899), Il semblerait (|ue la vie dos microorganismes soit incompa-
tible avec la présence de l'iode.
C. riantes terrestres. — Chatin et Bourget ont reconnu que les plantes terrestres
renferment de l'iode en plus ou moins grande quantité. Ici, le fait n'est pas général et,
dans un certain nombre de cas, il fui impossible à ce dernier auteur de déceler des
traces d'iode, il fait remarquer que les arbres contiennent toujours moins d'iode que
les herbacées ou les arbrisseaux.
Les végétaux renferment une quantité d'iode variable suivant l'irrigation et la
nature du terrain; mais, suivant leur espèce, ils semblent jouir d'une affinité spé-
ciale pour l'iode, comme, du reste, pour d'autre métalloïdes ou métaux, et les diffé-
rentes espèces végétales enlèvent au sol sur lequel on les cultive des quantités très dif-
férentes de l'iode qui peut s'y trouver.
C'est ainsi que Hourcet a montré que les Liliacécs et les Chénopodécs accumulent
beaucoup plus d'iode que les Solanées ou les Ombellifères. Il a également constaté
que, dans un même genre végétal, l'absorption de ce métalloïde varie avec chaque
variété.
Il semble que cette localisation de l'iode dans les tissus du végétal soit en relation
étroite avec sa spécificité, et que, pour être identique à elle-même, une espèce végétale
absorbe une quantité d'iode différente de celle de l'espèce immédiatemenl voisine
{C. fi. Ac. Se, cxxvii, 193, 1899).
■ Les résultats analytiques obtenus par Boubcet avec les différentes matières alimen-
taires d'origine végétale montrent que presque toutes renferment de l'iode en quantité
variable. Les fruits des arbres et les matières fortement amylacées ne contiennent pas
ou contiennent extrêmement peu d'iode.
Les espèces qui fournissent à l'alimentation des racines, des pivots, des tubercules
non amylacés, ou encore leurs feuilles ou leurs tiges herbacées, sont plus riches. Ainsi,
les fruits : châtaignes, oranges, prunes, pommes, poires, et les matières amylacées :
pommes de terre, topinambours, fèves, haricots, contiennent très peu d'iode. Les fruits
d'arbustes et d'arbrisseaux en contiennent déjà plus.
Les teneurs élevées en iode se trouvent dans les asperges, 0'°k'",24 par kilogramme
de plante fraîche; les carottes, 0™erj34; les c«')les de bette, 0"er^38; l'aij, 0'"6%94; le
navet, 0"P'',24; le poireau, 0'"»%17 ; l'oignon, 0'"b'',028.
Les raisins et, par conséquent les vins, possèdent une teneur variable en iode qui
est en relation directe avec la teneur en iode du terrain sur lequel la vigne a poussé.
Les vins du Maçonnais et du Beaujolais sont les plus riches; ceux de Champagne ne
contiennent pas trace d'iode.
Nous ne connaissons pas la forme sous laquelle se trouve l'iode dans les végétaux,
non plus que le rôle qu'il y joue. Si une petite quantité de ce métalloïde se trouve
à l'état soluble dans la cellule végétale, sous forme d'iodures alcalins par exemple,
la majeure partie est certainement à l'état de combinaison organique nucléines
iodées faisant partie intégrante de la cellule, ne pouvant y être décelée que par sa
destruction.
VI. L'iode dans les tissus animaux. — Depuis quelques années, il a été établi que l'iode
existait à l'état normal dans les organes d'un grand nombre d'espèces animales. Bour-
get, en particulier, a montré que les poissons, crustacés, batraciens, etc., qui vivent
dans les eaux douces ou |marines, contiennent de l'iode en quantité variable suivant
l'espèce et le milieu, mais qu'ils en contiennent tous.
Les herbivores qui se nourrissent de végétaux terrestres, tous plus ou moins forte-
IODE. 585
ment iodés, contiennent de l'iode dans leurs difTéients tissus. Bourcf.t opérant sur des
lapins a déterminé pour les divers organes les quantités moyennes d'iode.
niillit;r.
200 ^'rainiiics. Sang O.OOiJ d'iode par kilogr.
60 — Muscle cardiaque 0,(105 —
700 — Gros intestin et conlenu 0,017 —
300 — Intestin gi-èle et contenu 0,03 —
17o — Vessie et contenu 0,00 —
500 — Estomac et contenu 0,04 —
400 — Foie et vésicule biliaire 0,71 —
82 — Reins 0,027 —
400 — Graisse 0,00 —
oO — Poils 0,90 —
bOO — Muscles 0,02;j —
40 — Poumons 0,03 —
32 — Appareil génital 0,03 —
30 — Cerveau 0,00 —
10 — Pancréas 0,00 —
200 — Peau (sans poils; 0,12 —
17 — Globes oculaires 0,00 —
3 716 grammes. 1,939
La viande de boucherie ne contient que très peu d'iode. Celle qui en renferme le
plus est la viande de porc, puis viennent ensuite, par ordre décroissant, celles de mouton,
de bœuf, de cheval, de veau et d'âne. r>a charcuterie est d'autant moins riche en iode
qu'elle contient plus de graisse, dans laquelle on ne décèle, à l'état normal, que des
traces infimes d'iode.
BouRGET a également pu constater que les tissus des carnivores et des omnivores
renferment des quantités d'iode assez comparables à celles des herbivores, mais cepen-
dant légèrement différentes. Le chien paraît être moins riche en iode que le lapin, et
en particulier le sang et le foie contiennent beaucoup moins d'iode.
Les oiseaux, et en particulier le gibier d'eau, sont riches en iode, et leurs œufs
constituent un aliment iodé dont Bourcet a mis la valeur en évidence. Les œufs de
canard et d'oie sont plus iodés que ceux de dinde ou de poule. Leur teneur en iode est
variable suivant l'époque de l'année à laqu'elle ils sont pondus; ils possèdent leur maxi-
mum en été. Certains œufs de poule n'en contiennent pas. Leur teneur en iode varie
de 0™8r^6 à 0'""'',017 pour un œuf moyen de 45 grammes.
Le lait renferme également de l'iode, comme l'ont démontré Chatin, Lohmeyer et
Nadler. D'après Bourcet, abstraction faite du sol avec lequel elle varie, la teneur en iode
du lait par kilogramme est à peu près la même que celle des poils de Tanimal auquel
il appartient.
Ces divers résultats expérimentaux montrent que nous absorbons par jour, par
notre alimentation, en moyenne un tiers de milligramme d'iode. Cet iode se localise
dans nos tissus d'une façon très analogue à celle de l'arsenic. Il se fixe de préférence
sur certains organes, et en particulier sur le corps thyroïde, où Baumann avait depuis
longtemps signalé sa présence; le sang, comme l'ont montré Bourcet et Gley, en contient
également une certaine proportion. Dans ce liquide, il se trouve en combinaison albu-
minoïdique uniquement dans le plasma, probablement à l'état d'iode nucléinique,
comme dans le corps thyroïde. La peau, les poils, les ongles contiennent une assez
forte proportion d'iode, l^^r^oi par kilogramme pour ces derniers; c'est presque uni-
quement par ces organes, et par le sang menstruel chez les femmes, que se fait l'éli-
mination normale de l'iode; on voit qu'elle se rapproche beaucoup de celle de l'arsenic,
étudiée par Ar. Gautier.
On a beaucoup insisté, dans ces dernières années, sur la teneur en iode du corps
thyroïde, qui constitue sans aucun doute le principal organe d'accumulation de l'iode
dans l'organisme. Chez le nouveau-né normal, l'iode; existe toujours dans la glande
thyroïde. Chez l'enfant issu de mère tarée ou malade, on n'en rencontre pas traces
(Bourcet).
586 IODE.
Baum.v.n.n a lixé à 4 milligrammes la teneur en iode des glandes thyroïdes, mais les
diflérents auteurs : Oswald, Hlum, Monery, etc. (voir Zeitschrift f. phys. Chem., 1899, xxi-
xxin) ont montré qu'il existait des variations considérables de la teneur en iode des
glandes thyroïdes et parathyroïdes des différents individus suivant l'âge, le sexe, l'ali-
mentation, etc.
Dans l'organisme animal, l'iode est fixé à l'état de combinaisons albuminoïdiques
complexes encore mal connues. L'une d'entre elles a été plus étudiée, c'est la thyiéo-
iodoglobuline, qui se rencontre dans le corps thyroïde. Elle renferme environ
1,66 p. 100 d'iode, et traitée par l'acide sulfurique, à l'ébullition, elle donne naissance
à Viodothyrine de Bauuann, renfermant de 9,30 à 14,29 p. 100 d'iode, suivant les cas.
Ce n'est pas un corps défini, mais un produit d'hydrolyse {Voir, pour plus de détails,
Thyroïde).
Harxack et HuNDESHAGEN out étudié une albumine iodée qui se trouve dans le lissu
des éponges, età laquelle ils ont donné le nom d'iodospongine [Zeitschrift f. phy.-<iol. Chem.,
XXIV, 412, 1898). Dreghsel [Zeitschrift. f. BioL, xxxiii,90, 1896), du squelette de polypiers
(Gorgonia Cavolinii), a également isolé, sous le nom de gorgonine, une albumine iodée
qui, par hydrolyse, donne de Vacide iodogorgoaique. H. L. Wiieeler et CI. -S. Jameson rap-
prochent ce dernier corps de la diodotyrosine, qu'ils ont obtenue synthétiqueinenf, et
qui possède toutes les propriétés de cet acide [Ann. Chem. Journ., xxxiii-365, 1905).
Quoiqu'il soit infiniment probable que dans les tissus l'iode soit engagé à côté de
l'arsenic dans la constitution de certains nucléo-protéides, cette question demande
de nouvelles recherches.
Propriétés physiques et chimiques. — I/iode est un corps solide, gris noirâtre,
doué de l'éclat métallique; il se présente d'ordinaire sous forme de paillettes cris-
tallines, opaques, faciles à pulvériser. Sa densité est de 4,933 (Ladenrurg) à 4°. I/iode
fond à la température de 114" (Ramsay et You.\r.). La tension de vapeur de l'iode litjuide
à son point de fusion est de 90 millimètres (Richter, D. chem. Ges., 1057-1398, 1886).
Il émet à la température ordinaire des vapeurs violettes très sensibles et dont l'odeur
rappelle celle du chlore. Les vapeurs de l'iode en se condensant sur un corps froid
donnent de petits cristaux très brillants qui se déplacent lentement, par suite des varia-
tions de température, d'un point à l'autre du vase dans lequel l'iode est renfermé.
L'iode n'est pas hygroscopique, il se dissout dans 6 582 parties d'eau à 6° 3 et dans
3 730 p. à 15" (Pitze). Cette solution s'altère peu à peu à la lumière et fournit de l'acide
iodhydrique. Cette solubilité de l'iode dans l'eau augmente lorsqu'elle lient simultané-
ment en solution certains corps solubles, acides ou sels. 11 y a souvent lieu de remar-
quer, en même temps, la formation d'une combinaison entre l'iode et le cor[)s soluble.
On sait, par exemple, que les iodures alcalins permettent do dissoudre dans l'eau une
quantité considérable d'iode par suite de la formation de polyiodures. Pour Jakowkin et
Dawson, il y aurait avec l'iodure de potassium formation d'un Iriiodure se dissociant
suivant les mêmes lois que les sels ordinaires. Dans certains cas, on envisage même la
formation d'un polyiodure [Journ. Chem. Soc, lxxxi, 524, 1902).
L'alcool dissout l'iode en prenant une coloration brun foncé (teinture d'iode); si l'on
additionne cette solution alcoolique d'une forte quantité d'eau, l'iode se précipite en
partie sous forme d'un précipité brun. L'iode est également très soluble dans l'éther,
l'essence de pétrole, le chloroforme, l'acétone, le sulfure de carbone. Suivant les dis-
solvants, il donne tantôt une solution brune ou une solution violet pourpre. L'étude de
la solubilité de l'iode à différentes températures montre que pour les solutions d'iode
avec l'acétone, le chloroforme, le sulfure de carbone, il ne s'agit pas d'un simple phé-
nomène physique, mais qu'il se forme en réalité une combinaison chimique.
Les huiles grasses, l'huile d'olive, l'huile de ricin dissolvent également de fortes pro-
portions d'iode; dans ce cas encore il y a réaction chimique et non simple solubilisa-
tion.
On ne connaît pas de modifications allotropiques proprement dites de l'iode; cepen-
dant, les travaux des différents expérimentateurs qui ont étudié les diverses solutions
iodées et les variations de leur spectre d'absorption sont concordants pour faire
admettre des condensations moléculaires de l'iode qui sont, du reste, en rapport avec
la variation du poids moléculaire constatée dans ces diverses circonstances. On admet
IODE. 587
pour l'iodo les moh'cules P, l ' et I^ se traduisant non seulement par des propriétés
physiques, mais même, comme l'ont montré A. Gautieii et Giiarpy, par des propriétés
chimiijues dillérentes.
L'iode possède toutes les propriétés chimiques du chlore et du brome, mais avec une
intensité moindre. Son afiiiiité pour l'oxyfièno est supérieure à celle do ces deux élé-
ments; pour rhydrof,'ène, an contraire son afiinité est plus faible et la formation d'HI
est endotliermique (40 cal). C'est un agent oxydant faible en présence de l'eau, mais il
ne possède pas de pouvoir décolorant.
11 se combine avec les métalloïdes de sa série et fournit le pentailuorure d'iode'
IFl ', le protochlorure d'iode ICI et le trichlorure d'iode ICI', seul stable et seul utilisé
comme antiseptique ; le bromure d'iode lUr.
Avec l'ammoniaque, il donne de l'iodure d'azole, poudre noire détonant au choc
et de l'iodhydrate d'ammoniaque.
Parmi les combinaisons qu'il fournit avec l'oxygène, il faut surtout citer l'acide
iodique lO'H qui se prépare par action de l'iode sur le chlorate de potasse en présence
d'acide nitrique à chaud. Ce corps est surtout intéressant en raison de la propriété
qu'il possède d'abandonner son oxygène à un grand nombre de corps réducteurs en
laissant déposer de l'iode.
Mélangé au soufre, à haute température, l'iode donne naissance à un iodure de
soufre S-l- seul employé en médecine.
Réagissant sur les oxydes des métaux alcalins ou alcalins terreux, l'iode donne nais-
sance à des iodures et à des iodates; ces derniers se décomposent facilement par calci-
nation, donnant naissance aux iodures correspondants. On obtient également des
iodures par action de l'iode sur les métaux lourds.
Composés organiques de l'iode. — L'iode fournit avec les différents composés
organiques des combinaisons moléculaires nombreuses soit par addition, soit par
substitution. Ces divers corps peuvent être classés de la façon suivante d'après leur
constitution chimique.
I. Éthers iodhydriques à fonction simple dérivant de l'alcool. — Parmi eux on doit
ranger les iodures alcooliques du type de l'iodure d'éthyle, les graisses iodées, l'iodo-
forme, le diiodoforme.
II. Ethers iodhytlriques dérivant des phénols. — Ce groupe est fort nombreux et doit
être divisé en corps cà fonction simple : type iodocrésol (traumatol) et corps à fonctions
complexes; parmi ces derniers nous avons à considérer :
A. Corps à fonction acide : type acide diiodosalicylique.
B. Corps à fonction aminé : type iododiphénylamine, tétraiodopyrrol, iodantipyrine.
C. Corps à fonction lactone : type tétraiodophénolphtaléine.
D. Corps à fonction sulfone; type diiodothymolsulfoiii(iue.
E. Corps à fonctions phénol, élher, cétone ; type caléchine iodée, tannins iodés.
Les corps de ce groupe, quoique fort employés en médecine, sont encore peu
connus; ils peuvent être comparés aux acides iodogalliques ou pour la catéchine à une
— C —
combinaison moléculaire de corps contenant un résidu || assez stables pour ne pas
être décomposés par l'action de la lumière et de l'air, mais cependant assez labiles
pour pouvoir être dédoublés assez facilement dans l'économie.
F. Corps à fonctions aminé, acide, phénol. Parmi les corpn de ce groupe, il faut
citer l'iodotyrosine qui se forme pendant le traitement des albuminoïdes par l'iode
et dont l'étude physiologique n'est pas faite. L'iodothyrine pourrait également à la
rigueur être rangée parmi les corps de ce groupe.
III. Éthers hijpoiodeu.v des phénols: types aristols.
. Au point de vue pharmacodynamique, tous ces corps iodés organiques peuvent se
diviser en deux grands groupes. Les uns sont susceptibles de se dédoubler plus ou
moins facilement dans l'économie et peuvent posséder, par suite de la mise en liberté
de Liode, l'action pharmacodynami(iue des iodiques en général ; c'est le cas de la
plupart d'entre eux. Les autres ne se dédoubletit que partiellement et agissent par
leur molécule tout entière en produisant des effets thérapeutiques et toxiques totale-
588 IODE.
ment différents de ceux des iodiques vrais. Le type des corps de cette catégorie est
riodoforme. La plupart de ces diilerents corps sont doués de propriétés antiseptiques
remarquables et ne sont du reste employés que comme antiseptiques externes, car
ils donnent d'ordinaire naissance par dédoublement, soit à des corps irritants, soit à
des substances modifiant ou entravant l'action de l'iode mis en liberté; seules les
graisses et huiles iodées, et les substances iodotanniques sont susceptibles d'être utili-
sées par voie gastrique.
L'iode est également susceptible de se combiner à l'amidon pour donner naissance
à ce que l'on a appelé l'iodure d'amidon. D'après Bondonneau {Bull. Soc. Chim., xxviii,
432, 1877), ce corps serait un composé défini répondant à la formule (C- H-''0*"^P). D'après
les auteurs modernes, cette formule devrait être modifiée et l'iodure d'amidon pur ren-
fermant d'après ToHL {Chem. Zeit., xv, 1523) 18,5 p. 100 d'iode a pour formule
(]24 jjioQ^" r d'après Seyfert et Rouvier. La formation d'iodure d'amidon a été utilisée
pour déceler la présence d'iode en petite quantité, la coloration bleue du produit étant
fort intense et caractéristique. Il ne faut pas oublier que la sensibilité de la réaction
dépend de la température et que cette coloration bleue disparaît par la chaleur, la pré-
sence des borates empêche également partiellement la production de celle colora-
tion qui est, au contraire, accrue par la présence de sulfates de magnésie ou de potas-
sium (Memecke, Chem. Zeit., xvii, 157, 1894). La coloration bleue de l'empois d'amidon
disparaît en présence d'acide indique ou de nitrate d'argent, mais dans ce dernier cas
l'acide chlorhydrique la fait réapparaître.
Chautfé en tube scellé à lOO» avec de l'eau, l'iodure d'amidon se décompose en
donnant naissance à du glucose et à de l'acide iodhydriqae.
L'iode ne peut être enlevé à l'amidon par les solutions d'iodure de potassium, de
benzine, de sulfure de carbone, mais bien par l'alcool.
Action de l'iode sur les matières protéiques. — L'iode se combine avec
une extrême facilité à tous les corps protéiques, et son extrême diffusion dans les
tissus végétaux et animaux permet de supposer que la variété des protéides iodés
naturels doit être très considérable; cependant fort peu d'entre eux nous sont connus
et, lorsque nous voulons faire agir, in vitro, l'iode sur ces matières, nous obtenons de»
produits instables qui se dédoublent rapidement et nous ne constatons, en définitive, la
fixation de l'iode que sur les produits ultimes de leur désagrégation.
I. Action de l'iode sur les albumines. — Lorsqu'on met une solution iodoiodurée au
contact d'une solution d'albumine d'œufs, par exemple, on constate qu'il se produit une
absorption d'iode par celte molécule complexe : la coloration brune du mélange dispa-
raît en partie, progressivement, l'iode n'est plus décelé par les réactifs ordinaires. En
même temps, on constate dos modifications des propriétés physico-chimiques de l'albu-
mine : son point de coagulation s'abaisse, mais sa déviation polarimétrique ne change
pas; elle se coagule au bout de (|uel(jue temps et présente une léaction acide. Elle se
coagule plus rapidement par dialyse. Précipitée, après dialyse, elle se présente sous
forme d'une poudre brun clair, friable, non hygroscopique, insoluble dans l'eau, soluble
dans les alcalis, précipitée de ses solutions par les acides mais se redissolvant dans un
excès. Elle donne les réactions xanthoprotéiques et du biuret, mais elle ne fournit plus
les réactions de Millon et d'ADAMiuEwicz. Ce corps ne cède plus son iode par action de
l'acide azotique seul; mais, par fusion avec l'azotale de potasse, une forte quantité d'iode
peut être mise en liberté.
D'après Hormeister {Zeitsch. f. physiol. Chcmie, xxiv, 159, 1897), il se fixerait deux
molécules d'iode pour une molécule de soufre contenue dans la molécule de l'albumine.
Cet auteur a obtenu avec de l'albumine d'œuf une fixation de 0 p. 100 d'iode. Kurzajeff
avec le sérum a ^\\é 12 p. 100 d'iode.
11 s'est produit pendant cette réaction une véritable décomposition de la molécule
et il n'existe plus qu'un mélange de divers produits de dédoublement comme l'indique
nettement la perte des réactions de Millon et d'ÀDAiiKiEwicz. Schultz a également
démontré que dans ce mélange le soufre a été partiellement oxydé, sans que pour cela
la teneur en oxygène ait été modifiée.
II. Action de l'iode sur les albumines et les peptones. — Les différents expérimenta-
teurs, n'ayant pu obtenir en partant des albumines iodées que des mélanges de corps
IODE. 589
incrisfallisahles coiilenaiit de l'iode en proporlioii variable, ont essayé d'ioder les corps
plus simples contenus dans les pejjtones. Oswald {Beilrdfie Z. chon. l'hysiol. n. Path.
m, 301-4-16, f)i4-521, 1903) étudia raclion de l'iode sur les prolalbumoses et hétéroal-
bumoses isolées de la peptone de Witte par la mélliode de Pick. Il obtint par action
d'une solution iodurée en réaction légèrement alcaline des iodalbumoses qui,dialysées,
puis précipitées par une solution d'acide acétique dilué, se présentent après fillration
et lavage à l'alcool sous l'orme d'une poudre Jaunâtre qui contient une quantité variabb^
d'iode, 10,2it-i4,08 p. 100, suivant le corps employé. L'iode y est fortement combiné et
n'est mis en liberté ni par l'ébullition à l'eau, ni par l'action combinée du nitrate de
soude et de l'acide sulfurique ; il faut opérer une fusion potassique pour le mettre en
évidence.
Traitant comme les albumoses les peptones brutes précipitées par le sulfate d'am-
moniacine et dialysées, Oswald obtint également une combinaison iodée soluble dans
les alcalis, précipitable par les acides dilués, renfermant après dialyse 20,34 p. 100
d'ioilo combiné et ne donnant plus la réaction du biurel. Cette formation d'iodopeptone
s'obtient plus diflicilement que celle d'iodalbumose et sa précipitation se fait fort mal,
on n'en peut retirer aucun composé cristallisable. Sous l'influence de l'iode, la molécule
des peptones est encore plus lapidement décomposée que celle des albumoses. Les pro-
duits de décomposition sont plus nombreux, et c'est à cela qu'OswALo attribue la préci-
pitation iîicomplète des composés iodés par les liqueurs acides.
(iiLUKUT et (Ialiîhun {Coiujyè:^ internat, de Méd., 1900) ont prétendu avoir obtenu par
action de l'iode sur la peptone en solution aqueuse, au bain-marie, une combinaison
iodée délinie renfermant 10,5 p. 100 d'iode. L'iode ainsi lixé serait séparé par l'acide
azotique et par le percblorure de fer acide, mais non par les acides minéraux forts.
Étant donnés les travaux d'OswALD et de Schuidï et ce que nous savons de la consti-
tution chimique des peptones, il nous est impossible d'admettre ces affirmations. Ces
auteurs ont, en effet, montré que, pour obtenir des produits à peu près constants, il faut
Qpérer en solution iodo-iodurée, ù basse température et en présence de bicarbonate de
soude pour fixer l'acide iodbydrique au fur et ù mesure de sa production. En opérant
avec de l'iode et à chaud, ("lALimux pousse jusqu'à ses dernières limites l'action oxydante
de l'iode sur la molécule albuminoïde. Aussi se forme-t-il dans celte opération une
grande proportion d'iodure et d'iodate d'ammonium. En tout cas, ce produit complexe
ne peut être comparé avec la peptone iodée d'OswALo qui renferme 20,34 p. 100 d'iode
et ne contient pas de produits ammoniacaux.
III. Action de l'iode sur la caséine et la gélatine. — Oswald, poursuivant ses études
sur les composés albuminoïdes iodés, a également étudié les iodocaséines et iodogéla-
tines en employant la même méthode. 11 a obtenu avec la caséine une poudre blanc
jaunâtre, insoluble dans l'eau et les acides, soluble dans les alcalis et l'alcool bouillant,
renfermant 11, 43-13, 4o p. 100 d'iode. La teneur en iode n'est pas constante, elle est
voisine de celle des iodoprotalbumoses obtenues par digestion pepsique : la caséine, du
reste, d'après les recherches d'ALEXANDER, fournit par digestion presque uniquement
cette sorte d'albumose.
.\ntérieurenient à ces recherches, divers auteurs s'étaient occupés de la question.
LiEituEicii lier. d. chem. Geaell., 1877, 1824; Centrait)!, f. med. Wissen., [SU , 274) avait
prépan' une iodocaséine contenant 8 à 9 p. 100 d'iode. Vaubel et Ulum [Centralbl. f.med.
Wissenseh., 1873, 380; Manch. med. Wochensch., 1898, 107) en avaient décrit une qui ne
titrait que 5,7, 7 p. 100 d'iode. Lkimnois [Journal de Chimie et Pharm., 1896, 203), au
contraire, avait fixé jusqu'à 20 p. 100 d'iode, mais cette teneur était inconstante.
Ces différents résultats proviennent de ce que les auteurs ont opéré avec des produits
dillérents et surtout avec des méthodes différentes, et l'on sait maintenant d'une façon
certaine que la température à laquelle se fait la réaction et le temps de présence des
divers éléments jouent un rôle capital pour la formation de ces divers produits iodés.
La gélatine iodée ne fut étudiée que par Oswald et par Sciiwahz, mais leurs résultats
ne peuvent être comparés : ce dernier opérait avec de l'acide iodbydrique et obtenait
ainsi, d'emblée, des produits avancés de désintégration de la molécule qui lui permet-
taient de fixer une forte quantité d'iode, tandis qu'OswALD obtint une iodoglutine ne
renfermant que 1,34, 2 p. lOOdiode.
590 IODE.
IV. Mécanisme de l'action de l'iode sur les matières albuminoïdes. — Cette étude, qui
présente une grande importance pour la pharmacodynamie pour permettre d'interpréter
l'action de l'iode et des iodiques sur la nutrition, a été tout d'abord tentée par Hinz,
mais elle a été surtout élucidée par les travaux de C. H. L. Schmidt, qui s'est attaché ù
cette question pendant quatre années consécutives {Zeitsch. f. physiol. Chemie, xxxiv,
194-206, 1901 ; xxxv, 386-375, 1902; xxxvi, 343-390, 1903; xxxvii, 350-353, 1904).
D'après lui, l'iode mis en présence des matières albuminoïdes donne presque immé-
diatement naissance à de l'acide iodhydrique. C'est cette mise en liberté d'acide qui est
la cause de l'acidification de la solution albumineuse et qui provoque rapidement sa
coagulation. Cet acide se conduit alors comme un agent à la fois d'oxydation, de réduc-
tion et de dédoublement, soit par simple soustraction d'hydrogène, soit par action de
l'eau oxygénée mise en liberté. Cette eau oxygénée provient de la polymérisation de
deux hydroxyles d'après l'équation 21 -|- 2H-0:= 2HI + H-0- et agit suivant l'équation
2II20- =2H-0 4- 0-. Cet acide iodhydrique s'attaque surtout à la portion aromatique
de la molécule albuminoïde et son action se continue tant qu'il n'est pas éliminé.
Il se produit parallèlement des. réactions contraires, qui permettent l'utilisation de
l'iode jusqu'à ce que ce corps soit définitivement fixé à l'étal stable sur les produits
de désintégration de la molécule albuminoïde. Ces réactions peuvent s'exprimer théo-
riquement par les schémas suivants :
21 -1- H^O = HI -h lOH et 2I0H = 21 -J- 0 -K H^O
HI + ROH = RI-|- H20 et lOH + ROH = RI -j- H20 -|- 0
C'est-à-dire que, constamment, l'iode à l'état de liberté tend à décomposer l'eau et
que les produits de ces décompositions réagissent à leur tour les uns sur les autres
pour régénérer l'iode. Tous ces phénomènes s'accompagnent d'un changement conti-
nuel dans les conditions d'éqiiilibi'e des milieux, et cela jusqu'à ce que tout l'iode ait été
utilisé pour l'obtention de combinaisons stables, soit par addition, soit par substitution.
C'est pour éviter l'action ultérieure de cet acide iodhydrique sur ces combinaisons
d'addition ou de substitution formées d'emblée par l'iode que l'on est obligé d'opérer
en milieu alcalin, de manière à former des iodures alcalins au fur et à mesure de la
production d'acide iodhydrique libre; on a alors, par exemple :
HI + NaOH = NaI + U'O
et IOH-hiNaOH = NaI-f-H20,+ 0 '
Mais on voit également se produire, comme l'a démontré Bixz :
Nal 4- H^O -f C02=K;0'NaH + HI
et 2HI + 0 = H0 + 21
de même, on peut avoir
21 + 2NaOH = NaI + lONa + H^O
et 3IONa=;2NaI + 103Na
et 5NaI -|- lO^Na + 311^0 + 6C02 = 6C03NaH + 61
Étant données ces diverses réactions, il y a lieu, lorsqu'on étudie ces albumines iodées,
de faire état des conditions de temps et de température qui peuvent favoriser plus ou
moins l'une ou l'autre de ces réactions et conduire à la production de dérivés plus ou
moins simples.
Schmidt, étudiant les produits ultimes de l'action de l'iode sur les albumines, a pu y
reconnaître qualitativement et même quantitativement les corps suivants: acide iodhy-
drique, iodoforme, acide carbonique, acide acétique, iodure d'ammonium, iodate
d'ammoniaque, para-iodopyrocatéchine, alanine.
Si le dédoublement a été poussé moins loin, on peut retrouver du phénol et du
paracrésol, produits de la réduction et du dédoublement de la tyrosine, de l'acide
iîenzoïque, du glycocolle, de l'acide hippurique, produit de dédoublement de la phényl-
alanine.
Il a également pu constater que l'azote aminé de la molécule se détachait sous
IODE. 5f»l
forme d'iodure d'ainmonium ou d'iodale avec une faciliU' d'autant plus grande que la
solution d'iode est plus concentrée et que la température est plus ('levée. Même lors-
(|u'on opère à froid, en présence de bicarbonates alcalins, on constate que l'action de
l'iode s'cxeree d'une façon fort intense et que la molécule tout entière subit des modi-
fications profondes étudiées surtout par Hokmeisteh et Oswald. Ce dernier auteur, s'ap-
puvant sur l'étude des iodalbumoses et des iodopeptones, a poussé l'analyse plus loin et
a recherché sur (juelles parties de la molécule l'iode s'était fixé {Beitr. ziir Chem.
Physiol. u. Vath., ni, 391-410, 514-521, 1903J. 11 reconnut que, s'il est exact que l'iode se
fixe surtout sur le noyau aromatique de l'albumine et eu particulier sur la tyrosine, il
n'en est pas moins vrai que ce noyau n'est pas le seul fixateur d'iode et que dans les
hétéroalbuinoses qui ne contiennent que très peu de tyrosine, c'est sur le groupement
phénylalaniue que se {\\e surtout ce métalloïde. Mossk et CaulNi'.uherg (Zeiisc/i. /". p/jj/sio/.
Chemic, xxxvii, 427, 1903) ont pu confirmer expérimentalement la vérité de cette
hypothèse. En ce qui concerne la fonction de l'iode sur la tyrosine, Oswald put la pré-
parer lui-même, et, plus récemment encore, 11. L. Wheeleu et (i. S. Jameson {Am. Chem.
Journ., xxxni, 365, 190o)en traitant par de l'iode en excès et à la température ordinaire
une solution de tyrosine dans deux molécules de soude ou de potasse ont obtenu une
diiodotyrosine oîi la chaîne carboxylée est en 1 ; OH en 4; et les deux atomes d'iode eu
3 el. en 3; et qui posséderait toutes les propriétés de l'acide gorgonique retiré par
Dreciisel du Gorgonia CavoUnii.
Action physiologique de l'iode. — I. Action locale. — L'iode ou sa vapeur mis en
contact avec les muqueuses donne naissanceà des phénomènes irritants età de l'inflam-
mation. Dans la bouche, il détermine une saveur piquante et chaude et peut donner
lieu à des effets caustiques. Les vapeurs d'iode répandues dans l'air, puis inhalées par
les voies respiratoires, provoquent des picotements, de l'âcreté et excitent la toux. On
peut voir se produire de la bronchite et même des hémoptysies chez les sujets prédis-
posés. Les conjonctives et la muqueuse nasale réagissent de même vis-à-vis des vapeurs
irritantes d'iode.
Introduit dans les voies digestives, l'iode produit une saveur acre et brûlante et pro-
voque la salivation; arrivé dans l'estomac, il donne naissance à une sensation de cha-
leur à l'épigastre et excite l'activité de l'estomac. Des doses excessives déterminent des
douleurs épigaslriques intenses et de la diarrhée; la phlogose gastro-intestinale peut
aller jusqu'à l'escharilication et provoquer la mort.
Appliqué sur la peau sous forme de teinture d'iode, l'iode la colore en jaune, qui
tire à l'acajou après des badigeonnages répétés. Si l'application a été suffisante, on
éprouve une sensation de chaleur, puis, des picotements et même, sur des peaux fines,
on peut constater de l'intlammation. Cette action irritante est toute superficielle. Au
bout de quelques jours, l'épiderme se détache en fines écailles jaunes et tombe lente-
ment. Parfois, il peut survenir des phlyctènes : placé sur la peau à l'état solide, l'iode
peut déterminer la production d'une eschare superficielle. Schide, après un badigeon-
nage avec de la teinture d'iode sur la peau d'un lapin, a constaté, au bout de quelques
heures, la présence de nombreux leucocytes dans le tissu cellulaire sous-cutané, dans le
cborion, dans les interstices musculaires et môme sous le périoste sous-jacent. Au
bout d'une semaine, les leucocytes se montrent en pleine régression, sont remplacés
par de fins globules graisseux et les éléments cellulaires avoisinants prennent part à la
dégénérescence.
L'action locale exercée par l'iode se complique toujours d'une action générale, parce
qu'en raison de sa volatilité et de sa diffusibilité, une certaine portion de ce métalloïde
pénètre dans l'organisme et détermine alors son action diffusée. Cette absorption est
facilitée, en outre, par les modifications que l'iode fait éprouver à l'épiderme ainsi que
par la combinaison qu'il contracte avec les albuminoïdes et qui le fait pénétrer sous
cette forme dans la circulation.
Quand on applique de l'iode sur la peau, une partie passe à l'état de vapeurs et peut
être inhalée et absorbée par les muqueuses respiratoires; une autre partie est absorbée
par la peau elle-même à l'état de vapeurs; enfin une certaine quantité peut être
absorbée à l'élat de combinaison albuminoïdique ou à l'état d'iodure formé par l'at-
taque des albuminoïdes.
592 IODE.
Mis en contact du pus des surfaces ulcéreuses, l'iode coagule les matières albumi-
noides en s'unissant à elles en un composé albuminoïde.
II. Action antiseptique de l'iode. — Le pouvoir antiseptique de l'iode participe à la
fois de son action locale et de son action diffusée. Ce pouvoir antiseptique est fort élevé
et l'iode constitue un antiseptique précieux, autant par son action stérilisante propre-
ment dite que par son action antiloxinique sur les produits d'élaboration cellulaire et
par linlluence (ju'il exerce sur la vitalité et l'activité des leucocytes.
L'iode mélallique, maintenu en solution aqueuse par addition d'iodure de potas-
sium, possède un pouvoir antiseptique très considérable. Une dose de 2b centigrammes
d'iode ajoutée à un litre de bouillon suffit pour le rendre imputrescible. Les recherches
de Tarmer et Vignal ont montré qu'une dose de 90 centigrammes d'iode par litre de
bouillon était suffisante pour empêclier la prolifération du streptocoque et du staphy-
locoque, mais qu'il fallait atteindre une dose de 1 gr. 20 par lifie pour tuer une culture
de streptocoque âgée de 24 heures.
A la dose de 3 grammes par litre, le pouvoir antiseptique de l'iode est comparable
à celui du sublimé et l'on obtient la destruction du streptocoque en l'espace de huit
minutes dans du bouillon, celle du vibrion septique en vingt minutes sur des tissus
imprégnés d'une solution albumineuse, puisséchés à basse température dans un exsic-
cateur.
Les diastases sont également fort influencées par ce métalloïde, et leurs propriétés
sont considérablement amoindries, sinon totalement abolies par contact avec des solu-
tions variant de 1 p. 1 000 à 1 p. 2400. Cette action est avantageuse lorsqu'il s'agit de pro-
duits élaborés par des bactéries pathogènes, mais elle est souvent fâcheuse lorsqu'il
s'agit des diastases normales de l'organisme. Aussi les troubles gastro-intestinaux
succèdent-ils souvent à son emploi.
Davaine fut l'un des premiers à attirer l'attention sur le rôle antiseptique de l'iode
tant au point de vue de l'action locale que de l'action diffusi'e. Dans ses recherches sur
la pustule maligne, il a monlré que, en présence de solutions très étendues d'iode
(i p. 2 000), les bactéridios charbonneuses perdaient leur virulence au bout d'une demi-
heure. Les expérimentations cliniiiues de A. Richet(C. R. Ac.Sc, 1883) ont confirmé ces
faits et montré que les injections locales de solutions iodées sont susceptibles d'enrayer
complètement l'infection lorsque les spores et les bactéridies ne se sont pas encore
diffusées dans le sang, et que, si l'administration de l'iode à l'intérieur n'est pas, comme
l'a montré Colli.x, toujours susceptible d'arrêter le développement de la maladie, elle
agit néanmoins en diminuant la toxicité des produits toxiques fabriijués par les bactéries.
L'atténuation de la toxicité di-s bouillons de culture et des sérums par l'iode est un
fait à l'heure artuelle bien connu et l'on s'est servi de cette proftriété pour obtenir
l'atténuation des bouillons de culture des bacilles du tétanos ou de la diphtérie.
III. Action générale de l'iode en nature. — Administré à l'intérieur, à doses médica-
menteuses et en solution fortement étendue, l'iode, soit à l'état de teinture d'iode, soit
à l'état de solution iodo-iodurée, agit d'une façon très analogue à celle des iodures;
mais, si ces médicaments sont injectés directement dans les tissus ou les cavités de
l'organisme, il exerce un certain nombre d'effets généraux distincts de ceux auxquels
donnent lieu les iodures de potassium ou de sodium employés de la même manière.
L'inhalation de vapeurs iodées détermine rapidement de la céphalée, des bourdonne-
ments d'oreilles, des vertiges, des éblouissements, de l'engourdissement transitoire.
Chez les ouvriers qui manient habituellement l'iode, on voit fréquemment survenir une
intoxication chronique caractérisée surtout par des troubles de nutrition déterminant
rapidement de l'amaigrissement et la cachexie.
Les expériences de Buhm sur des chiens ont montré que ces animaux supportaient
sans éprouver de troubles notables l'injection intra-veineuse de 0 gr. 02 à 0 gr. 03 d'iode
libre par kilogramme, mais, à partir de cette dose, ils présentaient des accidents
toxiques semblables à ceux que détermine l'injection d'une dose toxique d'iodure de
sodium, avec cependant cette difTérence qu'on voit, avec des fortes doses, se produire de
la coagulation du sang et une transformation de l'oxyliémoglobine en hématine.
Lorsque les doses ne sont pas exagérées, les accidents ne commencent à se manifester
que quatre ou cinq heures après l'injection; on constate surtout de la faiblesse gêné-
IODE. — lODOFORME. 593
ralisée, des troubles respiratoires et, au bout de douze à vingt-quatre heures, la mort
survient par paralysie généralisée précédée de convulsions aspliyxiques. D'après
NoTHNAGEL et RossuACH, les troubles respiratoires rappellent ceux qui surviennent dans
l'empoisonnement par les acides dilués.
Dans les intoxications par l'iode, on constate également une congestion beaucoup
plus intense des poumons et la production d'hémorrasiies. Lortat-Jacob a fortement
insisté sur ces faits qui, d'après lui, dillérencieiit nettement l'action de l'iode de celle des
iodures. iNoiu.na(;kl avait déji noté chez les animaux intoxiqués la production d'exsudals
pleurétiques sanguinolents.
Les reins sont également fort touchés; l'urine est d'ordinaire colorée en rouge par
des globules sanguins, et à l'autopsie on trouve les t^buli contorti remplis de globules
sanguins en état de dégénérescence plus ou moins profonde.
Chez l'homme, l'administration à l'intérieur de teinture d'iode à doses élevées pro-
voque tout d'abord une sensation de constriction et de brûlure à la bouche et à la gorge,
puis bientôt des vomissements avec douleur stomacale lancinante. Si l'estomac contient
des aliments amylacés, les matières sont colorées en bleu sombre.
Le pouls devient rapidement petit et accéléré; le malade est pâle, déprimé, forte-
ment dyspnéique,il présente des selles diarrhéiques et sanguinolentes, puis tombe dans
le coUapsus et meurt d'ordinaire entre douze et trente heures.
Lorsqu'on injecte de la teinture d'iode ou une solution iodo-iodurée dans les cavités
naturelles, on voit se produire des phénomènes assez analogues, et on peut constater
la présence de l'iode dans les nuUières vomies par suite de l'élimination de ce
métalloïde par la muqueuse stomacale. Même dans les cas d'intoxication peu graves, à la
suite de badigeonnages iodés sur la peau, le rein est assez fortement touché; il existe
presque toujours de la dysurie et de l'albuminurie plus ou moins intense, surtout chez
les enfants.
D'après Lewin et Poughet {Toxicologie, p. 142), on admet comme doses léthales pour
l'iode 3 à 4 grammes, pour la teinture d'iode 21 à 30 grammes.
Lewin {Die NebeniiHrkungen der Arzneimittel, Berlin, IS93, 342) a signalé, à la suite
de l'emploi de petites doses d'iode longtemps continuées, la production d'une cachexie
iodique qui se manifeste par une coloration livide de la peau, de l'amaigrissement, de
la fonte de la graisse et quelquefois même par de l'atrophie des organes glandulaires,
des troubles digestifs, des palpitations, de la faiblesse générale pouvant aller jusqu'à la
paralysie des extrémités.
J. CHEVALIER.
lODOFORIVIE. — L'iodoforme ClIF, découvert en 1820 par Serullas, fut
surtout étudié par Dumas et Bouchardat qui en préconisèrent l'emploi en médecine
(J. de Pharm., (2), xxiii, 1 ; (3), iv, 18). Ce corps prend naissance dans un grand nombre
de circonstances : on le prépare en faisant réagir l'iode en présence d'un alcali ou d'un
carbonate alcalin sur de l'alcool méthylique, de l'alcool éthylique, de l'éther. On
l'obtient encore en faisant réagir l'iode en présence des mêmes agents sur les matières
albuminoides.
11 se présente sous forme de tables horizontales ou de paillettes nacrées, d'un beau
jaune de soufre, douces au toucher, et possédant une odeur forte safranée caracté-
ristique. Sa densité est très voisine de 2. 11 est insoluble dans l'eau à laquelle il
communique cependant son odeur et sa saveur, soluble à froid dans 80 parties d'alcool
à 90°, dans 12 parties d'alcool bouillant et dans 6 parties d'éther. Il est également
soluble dans 14 parties de chloroforme, dans la benzine, le sulfure de carbone, la
glycérine, les matières grasses et les huiles essentielles.
Il fond à 128° en donnant un liquide brun et se volatilise sans laisser de résidu
solide. Pendant cette opération, il se décompose partiellement en donnant de l'acide
iodhydrique et iodique. La solution alcoolique de potasse à l'ébullition le transforme
en formiate alcalin.
Lorsqu'il est solide, il est à peu près inaltéré par l'action de la lumière, mais, lors-
qu'il est en solution, celle-ci sous l'influence des rayons solaires ne tarde pas à se
colorer en rouge violet intense, avec mise en liberté d'iode. D'après Humbert, l'iodo-
DICT. OE PHYSIOLOGIE. — T. IX. 38
594 lODOFORME.
forme serait le composé sodique le plus sensible à la lumière (J. de Pliann. et Chim., (3),
XXIX, 3o2).
Ses solutions dans les matières grasses sont également rapidement décomposées.
Pouvoir antiseptique. — Riohini {lodoformorjnosie, 1863) reconnut son pouvoir
•désinfectant et ses propriétés thérapeutiques relatives à la résolution des engorgements
ganglionnaires, au traitement de la tuberculose. Son action désinfectante et analgésique
locale sur les plaies, l'accélération de la cicatrisation qu'il détermine, son influence modi-
ficatrice sur les plaies ulcéreuses et aloniques Curent surtout mises en évidence par les
travaux de Moretin [Arcli. de Mcd., 1836), de Dkm.vrquay, de Humekrt, de I.allikk, de
Besnier. L'École de Vienne confirma ces divers travaux, et la publication des observa-
tions de MoLESCHOTT {Wien. med^ \Voch., 1878, 24, 26), celles de Mosetig-Moorufoi-
[Wien. med. Woch., 1880-1881, Wien. med. Presse, 1890-1891), celles de Migkumcz
{Wien. med. Woch., 1881) amena une vulgarisation rapide et exagérée de l'emploi de
l'iodoforme dans le pansement des plaies, et le fit utiliser en quantités telles que de
nombreux et graves accidents d'intoxication ne tardèrent pas à se montrer, jetant le
discrédit sur son emploi.
En même temps, les recherches des bactériologistes infirmaient le pouvoir anti-
septique remarquable que l'on avait accordé un peu empiriquement à cette substance;
Heyn et RovsiNG {Fortsch. dcr Medizin, 1887) ont pu constater que de la poudre d'ittdo-
forme mélangée à une culture pure de Stapftylococcus pyogenes aurcus n'empêchait pas
de nouveaux ensemencements de donner des résultats positifs même après un mois, et
qu'un tampon de gaze iodoforinée laissé vingt-quatre heures dans ht vagin préala-
blement désinfecté d'une femme saine était pénétré de microbes vivants jusqu'au
centre. Ces constatations suscitèrent un grand nombre de recherches de contrôle.
Neisser {Vivchotv's Archiv, 1867, Sov.) put démontrer que la plupart des bactéries
pathogènes ne sont pas tuées, mais seulement affaiblies, par l'iodoforme; seule, la
spirille du choléra asiatique est tuée par un contact intime avec ce corps; quanta la
bacléridie charbonneuse, sa multiplication est simplement retardée, et ce retard est
d'autant plus prononcé que la proportion d'iodoforme employé est plus considérable.
Les Staplii/lociiccu^ pijor/. aurcus et altius (N'kisser, Luijbert, Saenger, Kunz), le Strcpto-
coccus de l'érysipèle (Kronecker) et d'autres espèces pathogènes inoculées seules ou
mélangées ;i de l'iodoforme, même en quantité considérable, donnent le même résultat.
Cependant la vitalité des colonies est modifiée, et c'est ainsi que le Staphylococcus
aurcus ne produit plus de matières colorantes en présence d'iodoforme.
Les résultats cliniques obtenus à la suite de l'emploi de l'iodoforme par Bernatzik, par
GouGUENiiEiM {Bull. rjén. de Thérap., civ, 435) sur les processus tuberculeux divers avaient
fait jieuser qu'il exerçait une action spéciale soit sur le bacille tuberculeux, soit sur sa
toxine et Kusneu et Fraenkel {BulLgcn.de Thérap., cvu,22't) déclarent que l'iodoforme est
un antituberculeux. Les expériences de Baumgarten, de Rovsing, de Troja etTANVL ont
montré que l'iodoforme en poudre était incapable de détruire ce bacille et des tuber-
cules pulmonaires frais et broyés avec 'i fois leur volume d'iodoforme ont fourni par .
inoculation aux anîTnaux des résultats positifs avec évolution ultérieure normale.
De même Venturi et Gamaleia {Arch. de Méd. Expér., 1871, 799) ont constaté que l'iodo-
forme ne possède pas d'action constante sur les toxines de la tuberculose. Par contre,
l'iodoforme peut modifier la virulence des bacilles qui déterminent une maladie expé-
rimentale atténuée. Déplus, dissous dans l'huile d'olive, il lue le bacille en 3 jours,
grâce à sa décomposition partielle avec mise en liberté d'iode.
Le pouvoir antiseptique de l'iodoforme sur les microbes de la putréfaction peut être
plus important; c'est ainsi qu'il est susceptible d'arrêter la putréfaction pendant
trois jours, mais cela provient surtout de ce qu'en présence des albunioïdes, il se
décompose partiellement.
En résumé, il est exact que les propriétés antiseptiques de l'iodoforme in vilro soient
très faibles, mais on ne saurait nier les résultats pratiques satisfaisants qu'il a donnés et
•donne encore, à l'heure actuelle, lorsqu'il est utilisé convenablement. Pour expliquer
cette différence d'action, il faut admettre que dans l'organisme l'iodoforme se trouve
dans des conditions telles que sa décomposition ou sa combinaison avec certains prin-
cipes immédiats des cellules puissent s'effectuer, et ce fait est prouvé par l'état sous
lODOFORME. 595
lequel il s'élimine. Bi.nz a montré que sous l'indiienre combinée des corps gras, de la
chaleur, de l'eau, îles alcalis faibles, il se dédoublait, tout au moins partiellement. De
RuYTER {Lanç/enbcck's Archiv^ xxxvi, 984, 1887) a mis en évidence l'action analogu-e
exercée par les bactéries elles-mêmes et sur les combinaisons qu'il est susceptible de
contracter avec les plomaïnes et les toxines qu'elles sécrètent. C'est pour ces raisons que
Frieolandhii l'appelle un antiseptique indirect.
Ses propriétés physico-cliiiniques jouent également un rôle pour l'obtention de ces
résultats Ibérapeutiques; sa forme pulvérulente, sa tendance à l'absorption et à la
fixation des liquides, ses propriétés coagulantes font de l'iodoforme un agent dessic-
cateur et prolecteur qui met les surfaces des plaies totalement à l'abri de l'air. C'est
ainsi un agent excellent pour empêcher l'infection, mais totalement insuffisant pour la
faire disparaître.
Action locale. — Localement, l'iodoforme n'exerce aucune action irritante ni sur
la jieau ni sur les muqueuses, ni sur les ulcérations cutanées; cependant, chez quelques
individus, le contact prolongé de l'iodoforme peut déterminer de l'érythème et môme
des éruptions eczématiformes (Lk Dantec, Fifield, Goodell). Le collodion saturé
d'iodoforme déterminerait sur la peau un effet analogue à celui de la teinture d'iode.
Appliqué .sur la plaie, il détermine pai'fois une sensation douloureuse passagère, à
laquelle fait bientôt suite une anesthésie durable (Moresin). Mis en contact direct avec
un muscle, il diminue, puis abolit, si la quantité est suffisante, la contractiiité électro-
musculaire (HuMMO, Arch. de PhysloL, 1883, 29o). Il peut être absorbé par Testomac,
l'intestin, le péritoine en quantité assez considérable sans provoquer d'irritation ou
d'hyperhémie (Nothnagel). Cependant, Dujardin-Be.\umetz le considérait comme un
irritant de l'estomac.
Absorption. Localisation. Élimination. — L'iodoforme est absorbé faiblement
par la peau saine, très facilement par la peau dénudée de son épiderme et par les
muqueuses. Cette absorption est surtout active par la surface des plaies, surtout de celles
qui contiennent une certaine quantité de graisse dans laquelle l'iodoforme se dissout.
Dans la circulation et sous l'influence des alcalis, il se transforme partiellement en
iodure et en iodate, mais la majeure partie passe à l'état de combinaisons organiques
encore mal connues et c'est sous cet état qu'il exerce son action toxique si différente
de celle des autres composés iodés. C'est sous cette forme qu'il se localise, comme la
montré Harxagk (Berl. klin. Woch., 297, 1882. 723; 1883), dans le système nerveux
central, le foie et les reins.
Dans un cas d'intoxication, cet auteur a pu doser 08'",0203 d'iode pour 100 dans le
cervelet et 0^', 043 p. 100 dans le cerveau, mais il ne put en retrouver dans le foie, tandis
que chez un chien il put doser Oe'',072 d'iode pour 100 parties de foie et 08^'',02î) pour
100 parties de cerveau.
Pour A. MoGYES, et pour Binz, l'iodoforme se combinerait aux albuminoïdes pour
former une albumine iodée, mais outre que le fait n'est nullement prouvé, il est en
contradiction, comme le fait remarquer Pouchet, avec les phénomènes toxiques fort
différents de ceux des iodures qui donnent naissance à ces composés; dans tous les cas
il ne reste pas à l'état d'iodoforme libre, qui n'a jamais pu être décelé ni dans le sang, ni
dans l'urine. Cependant, une petite quantité s'élimine en nature par les voies respira-
toires : le fait a été signalé par Righini, puis vérifié sur des chiens par UuM.yo.
L'iodoforme s'élimine rapidement par toutes les sécrétions; on peut déceler l'iode
dans l'urine, la salive, le mucus bronchique et nasal, la bile, le lait, les matières fécales.
C'est par l'urine que s'élimine la majeure partie de l'iodoforme. Lorsque ce
médicament est toléré par l'organisme, on le retrouve dans ce liquide à l'état d'iodure
de sodium, quelquefois à l'état d'iodate : mais, lorsque des accidents toxiques se décla-
rent, une faible partie s'élimine seulement sous cette forme et le restant ne peut être
décelé qu'après destruction de la matière organique de l'urine dans laquelle il est
dissimulé.
Dans le cas du malade de Schwarz, étudié par Harnack, un cinquième de l'iode
éliminé se trouvait à l'état d'iodure, le reste était en combinaison organique; et il put
retrouver dans l'urine du malade une quantité d'iode correspondant à 0,C9 d'iodure de
potassium par liUe.
o96 lODOFORME.
Lorsqu'on veut pratiquer celte recherche, il faut d'abord faire l'extraction de l'iode
des iodures décomposés par le nilrile de soude et l'acide sulfurique, puis évaporer
J'urine et détruire la combinaison organique par la potasse en suivant la méthode
indiquée par Bourcet voir Iode).
Action générale, toxicité. — La loxicit"' de l'iodoforme est variable suivant les
espèces animales et le mode d'administration. D'après Rummo, la dose d'iodoforme
moyenne mortelle pour les grenouilles de taille ordinaire est de 0e'',02. Pour les cobayes
il faut, pour amener la mort dans un espace de deux à trois jours, administrer l*-'',50 à
2 i^rammes d'iodoforme soit en ingeblion stomacale, soitjen injection intrapéritonéale.
Chez les lapins, la mort survient au bout de deux à trois jours après administration
de lK'",2o à 1^''^4■S d'iodoforme par kilogramme. Pour obtenir la mort d'un chien au
bout de deux à trois jours il faut lui administrer par voie stomacale ou par voie d'in-
jection intrapéritonéale O''''",40 d'iodoforme pai- kilogramme de poids.
Chez la grenouille, environ une dfmi-heun> après l'injection du médicament, on
constate de la paresse musculaire, l'animal est nioin.'- agile, saute avec difficulté et
nage lentement, mais il peut encore i)as.ser du décubitus dorsal à la station normale.
Cet affaiblissement s'établit progressivement, les sauts sont plus difficiles, les membres
postérieurs ne sont plus ramenés à l'altitude normale avec la même vivacité, puis la
marche devient analogue à celle d'un crapaud, l'n peu plus tard, l'animal devient plus
torpide, il ne saute ni ne nage ; si on le met sur le dos. il ne fait que des elforls insuffi-
sants pour changersa position; mais, si on l'excite électriquement, il exécute encore des
mouvements spontanés. Enfin, l'animal devient tout à fait inerte ou peut à peine
exécuter quelques faibles contractions spontanées. La sensibilité diminue, mais moins
que la motililé. Même dans la période d'inertie complète, on peut voir se produire des
mouvements réllexes assez limités lorsqu'on tai! subir à l'animal une excitation suKi-
sante; les mouvements du cœur sont, à celle période, considérablement ralentis, mais
n'ont pas perdu de leur énergie. La motricité et l'excitabilité musculaire ne sont que peu
altérées. Quelque temps après l'apparition de la paralysie motrice et de la parésie de
la sensibilité on voit apparaître d'abord dans le membre où l'on a [«ratiqué l'injection,
puis progressivement dans le corps tout entieidela contracture. 11 arrive un moment où
l'animal est immobile, rigide, les jneiubres jio.>téjieurs en extension forcée, les membres
aatérieurs rigides, serrés contre le tronc, les muscles de l'abdomen et de la poitrine
contractures. Ordinairement on observe de l'opislothonos et de l'orthostolhonos. Dans les
niuscles qui se trouvent en contraction Ionique on peut observer des trémulations fibrii-
laires ou des contractures isolées se présentiinl irrégulièrement. L'excitabilité réflexe
est alors augmentée. Celte rigidité musculaire se montre même après section de la
moelle cervicale et l'animal meurt en état de rigidité complète; le cœur est arrêté en
diastole.
Chez les mammifères, l'iodoforme injecté sous la peau s'absorlie mal et ne détermine
que de l'anesthésie locale. Il faut, pour obtenir des accidents toxiques, l'injecter dans
l'estomac ou dans le péritoine, ou encore faire subir à l'animal des inhalations prolon-
gées au moyen d'un dispositif approprié. Dans ces conditions, comme l'a établi Rummo,
on voit se produire un ensemble de phénomènes que l'on peut diviser en trois périodes.
Dans la première, l'animal présente de la faiblesse générale avec aneslhésie géné-
rale peu marquée, la marche est ébrieuse, les réflexes cutanés et tendineux sont dimi-
nués, les pupilles rétrécies. Il fuit la lumière el le bruit, va se coucher dans un coin
sombre et se met à dormir. Sous l'influence d'une excitation il se réveille et essaye de
marcher, mais ses membres fléchissent souvent, il tourne dans un cercle éti'oit, tantôt
d'un côté, tantôt de l'autre, se heurte aux obstacles, puis il s'arrête, s'assied, enfin il se
couche.
La seconde période de l'intoxication est caractérisée par de la paralysie spasmodique.
Les membres antérieurs de l'animal .sont contractures, de sorte que leurs mouvements
de flexion deviennent impossibles. L'animal s'appuie sur les grift'es de ces membres au
moindre effort qu'il fait pour marcher, et eu même temps il croise ses pattes l'une sur
l'autre. Les membres postérieurs sont étalés en dehors, de manière à élargir la base de
sustentation. Il présente des tremblements à la suite des mouvements intentionnels,
de l'exagération des réflexes tendineux, de la trépidation spontanée el provoquée. La
lO DO FOR ME. 597
sensibilité générale est peu modiliéo, l'inUillif^ence est conservée, la pupille un peu
dilatée; Plus lard, l'animal est dans l'impossibilité de se tenir debout sur ses (|uatre
membres; ses membres antérieurs peuvent encore le supporter, mais ses membres
postérieurs sont toujours affaissés.
Le phénomène qui caractérise le début de la troisième période consiste dans des
cris répétés, puis presque aussitôt se manifestent des contractions tétaniformes, intenses,
générales, avec opistothonos. L'excitabilité réflexe est augmentée et toutes les exci-
tations augmentent l'intensité <les contractions tétaniques. Elles ne disparaissent
pas par la chloroformisation, mais diminuent simplement d'intensité; la section trans-
versale de la moelle cervicale après l'établissement de la respiration artificielle ne les
influence pas. Au milieu des contractions toniques, à longs intervalles, se manifestent
des contractions cloniques des membi'es antérieurs. Pendant cette période, l'animal
présente de la tendance à la rotation autour de son axe antéro-postérieur et de la ten-
dance à culbuter, la respiration est difficile, les pupilles sont dilatées. La mort survient
dans un accès convulsif violent et ne peut être évitée par la respiration artificielle.
A l'autopsie des animaux dont l'intoxication a évolué en deux ou trois jours, on
constate un certain nombre de lésions intéressantes.
A l'ouverture, le corps dégage une forte odeur d'iodoforme. Le cœur est en systole,
presque vide, présentant parfois des ecchymoses sous-endocardiques. La fibre muscu-
laire est granuleuse et le tissu conjonctif est envahi par des granulations graisseuses.
Les poumons sont asphyxiques, ils montrent de l'infiammation des bronches, de l'œdème
et de l'hypertension, quelquefois de la broncho-pneumonie diffuse [et des infarctus,
surtout à la base.
Les muqueuses gastro-intestinales sont peu modifiées, légèrement hyperémiées, l'in-
testin est d'ordinaire rempli de mucus. Le foie est jaune, chagriné; à l'examen micro-
scopique il montre des dégénérescences graisseuses. Toutes les cellules du lobule
hépatique présentent des granulations graisseuses, mais les cellules périphériques en
contiennent beaucoup plus que les cellules du centre de l'îlot.
Les reins sont fortement congestionnés et présentent [de la glomérulo-néphrite.
La pie-mère cérébrale, la substance grise du cerveau, de la moelle et du bulbe sont
fortement hyperémiées. On constate au microscope des altérations de la substance
grise de la moelle et surtout des grandes cellules ganglionnaires multipolaires des
cornes antérieures.
Action sur le système nerveux. — Gomme le montrent les [accidents toxiques
déterminés par l'iodoforme, cette substance possède une action élective sur le système
nerveux. 11 agit surtout sur les centres nerveux et secondairement sur les troncs des nerfs
et sur les muscles. Dans une première période, il exerce une influence dépressive sur
les éléments anatomiques des centres nerveux sans agir sur les nerfs périphériques ni
sur les muscles. Il produit d'abord la diminution, et, peu après, l'abolition complète de
la motilité volontaire, surtout chez les animaux à sang froid; en même temps, il déter-
mine de l'anesthésie plus ou moins complète et de la diminution des l'éllexes avec nar-
cose. Enfin, il produit l'affaiblissement de l'excitabilité des nerfs et de la contractilité
musculaire.
Dans une seconde période il exagère, comme un excitant physique, l'excitabilité des
centres nerveux et produit la contracture et les convulsions toniques (Rummo).
Chez l'homme, dans les cas légers d'intoxication on peut constater de la céphalalgie
persistante, de l'affaiblissement de la mémoire, une humeur changeante, de la tristesse,
de l'inquiétude, de l'insomnie.
Dans les cas graves, à ces phénomènes s'ajoutent du délire, quelquefois furieux, des
hallucinations, de la loquacité, parfois des mouvements convulsifs; cette excitation
cède d'ordinaire à la morphine.
Chez les enfants, ces phénomènes se rapprochent des symptômes de la méningo-
encéphalite.
Ces accidents ont été bien étudiés par H. Sghwrrin {Dissert. Berlin, 1902) et par
G. De.xcks {Dissert. Kônigsberg, 1903).
Action sur la circulation. — Chez les grenouilles, parmi les troubles cardiaques
produits par l'iodoforme, le plus intéressant à noter est la diminution du nombre des
5«J8 lO DO FOR ME.
coiilraclions ventriculaires qui aboutit à l'arrêl en diastole. Les injections d'iodolorme
augmeiïtent à un certain moment l'énergie des systoles des ventricules et celles-ci sont
toujours régulières et amples ; très rarement on note des irrégularités passagères avec
de fortes doses.
Les modilicalions cardiaques surviennent avant tout autre symptôme fonctionnel.
Lorsque la diminution du nombre des contractions cardiaques est assez avancée, la
systole ventriculaire s'allonge et le tracé rappelle celui de la vératrine.
L'atropine ne modifie pas le ralentissement du cœur produit par l'iodoforme. Le
cœur ralenti séparé de l'animal se remet à battre avec une fréquence plus considérable
sans cependant atteindre la normale. Après section du bulbe, on n'observe plus de
troubles cardiatiues ; l'action de l'iodoforme s'exerce donc principalement sur le centre
du pneumogastrique, l'iniluence sur la fibre musculaire cardiaque et les ganglions
intrinsèques du cœur est tout à fait secondaire.
Chez les mammifères, avec des doses faibles, on observe un ralentissement diïs batte-
ments cardiaques avec une légère augmentaion de la tension sanguine sans diminution
de l'énergie et sans irrégularité des contractions ventriculaires.
Avec des doses plus fortes, à cette période succède de l'accélération des battements
cardiaques et des irrégularités coïncidant avec l'augmentation de fréquence et l'irré-
gularité des mouvements respiratoiies et l'établissement des convulsions.
Tous ces phénomènes ne se montrent pas après section du pneumogastrique. La
respiration s'arrête toujours avant le cœui'.
Chez l'homme, dans les cas d'intoxication le pouls et l'activité cardiaque se sont
montrés ordinairement afTaiblis: pouls petit et très fréquent (150-180 pulsations^i. Schede
a observé de véritables accès de parésie cardiaque dans une intoxication à évolution
lente. L'augmentation de fréquence du pouls est l'un des premiers signes qui puissent
faire soupçonner chez l'homme l'intoxication iodoformique. Les troubles circulatoires
s'accompagnent toujours de dyspnée.
Hoffmann a constaté la diminution des globules rouges chez les lapins soumis à
l'usage de l'iodoforme. Chez les syphilitiques traités par ce médicament, on a, au con-
traire, constaté une augmentation du nombre des hématies.
Les globules blancs sont tués par l'iodoforme aussi bien in riro qu'ùi vitro (Xotunagel).
Actioii sur le système digestif. — L'action exercée par l'iodoforme sur le sys-
tème digestif est faible et il faut atteindre des doses fortes pour voir se produire des-
troubles marqués. Chez le chien, ce n'est qu'avec des doses de 4 à 5 grammes que l'on
voit apparaître des vomissements, le dégoût des aliments, les selles diarrhéiques et
dysentériques. L'iodoforme, au ^ébut de son action surtout, augmente les diverses
sécrétions salivaire, gastro-intestinale, biliaire.
La plupart des malades ne sont qui' peu impressionnés par l'odeur et le goût extrê-
mement désagréables de l'iodoforme; un grand nombre s'y habituent même rapide-
ment; pour un petit nombre cependant, ce médicament est si désagréable qu'il
détermine une anorexie persistante et même des vomissements. Dans les cas d'intoxi-
cation, l'anorexie est la règle, et souvent même on voit apparaître du catarrhe
gastrique.
La sécrétion urinaire n'est pas modifiée sensiblement par des doses modérées
d'iodoforme. Des doses fortes, au contraire, provoquent une diminution de la quantité
d'urine éliminée, et on voit apparaître bientôt de l'albuminurie et même de l'héma-
turie. Dès que l'albumine apparaît dans l'urine, on voit disparaître l'élimination de
l'iodoforme à l'état d'iodure (Rummo), ou du moins celui-ci diminue considérablement
et est remplacé par un dérivé iodé organique encore mal connu.
Intoxication. — L'iodoforme a provoqué à la suite de son emploi, soit à l'intérieur,
soit à l'extérieur, un grand nombre d'intoxications. L'intensité de l'action toxique de
l'iodoforme est très variable suivant les sujets : les enfants sont peu sujets à celte
intoxication; au contraire, les vieillards, les hépatiques, les rénaux y sont particuliè-
rement prédisposés. L'empoisonnement peut survenir sur-le-champ ou dans l'espace
de quelques jours; il persiste souvent pendant des semaines et se termine par la mort
dans un grand nombre de cas. G. Degks a montré que, sur 108 cas qu'il a pu relever, il
y en eut 13 légers, 44 graves et 48 mortels. En ce qui concerne les doses, on ne peut
lODOFORME. 599
rien fournir de précis. Oberlander cite un cas de mort en 7 jours, après absorption de
5 grammes d'iodoforme. I.ewin rapporte un cas de fjtuérisoa après ingestion de
8 grammes.
l.es syniplùmes de l'intoxication iodoformique sont à peu près semblables dans les
différeiites formes, mais ils se présentent avec une acuité bien différente.
l.KwiN et PouciiET {Traité de Toxicologie, 388) distinguent une forme bénigne et une
fornio grave.
Forme bénigne. — Les manifestations toxiques consistent en un léger malaisi^, des
nausées, de la céphalalgie, quehiuefois des vomissements, la sensation d'une saveur
et d'une odeur particulières fort désagréables, se produisant notamment lors du contact
d'un métal (signe de l'argent de Ponget) avec la muqueuse de la bouche. Ce signe n'est
nullement caractéristique de l'intoxication et il se produit chez des individus qui ont
absorbé dt^s doses très faibles d'iodoforme. On constate souvent de l'anorexie. L'em-
barras gastrique est d'ordinaire assez constant, avec langue sal)urrale, répulsion pour
les aliments, mais sans élévation de température.
Ces phénomènes s'accompagnent souvent d'une excitation intense, avec mobilité
extrême, insomnie presque complète et délire noclurne. Pendant le jour, au contraire,
les malades présentent un état particulier d'apathie et de mélancolie que l'on a vu
aboutir à la lypémanie. Chez les alcooliques, on voit se produire du délire, chez les
aliénés des accidents luéningitiques clironiques. Les malades sont en proie le plus
souvent à de la tristesse et à de l'inquiétude. Le pouls est faible, fréquent (110-120).
Il existe une dissociation nette de la température et du pouls.
Sous l'influence des pansements iodoformés, on voit se produire des éruptions
variant de la simple irritation à l'exanthème aigu généralisé, qui est accompagné de
phénomènes généraux. Ces éruptions sont polymorphes et douloureuses. Le plus sou-
vent, ce sont desérythèmes papuleux montrant comme l'eczéma des vésicules externes,
parfois des éruptions confluentes rappelant la rougeole ou la scarlatine. Ces éruptions
surviennent presque toujours chez des sujets présentant une prédisposition ou ayant
présenté des affections cutanées antérieures. Il est nécessaire, pour qu'elles se produi-
sent, qu'il y ait une lésion cutanée quelconque (plaie, compression, irritation pro-
longées). Ces éruptions peuvent être polymorphes chez le même individu. Tous les
symptômes de l'intoxication disparaissent rapidement par suppression du pansement
ou des causes d'absorption d'iodoforme. L'apparition, la marche, la succession de ces
accidents présentent une extrême irrégularité.
Forme grave. --Elle est cai'actérisée par les mêmes symptômes présentant seu-
lement un caractère plus aigu. L'anorexie est presque complète et le simple contact
des aliments avec l'estomac détermine le vomissement; le patient se plaint de brûlure
gastrique. La dénutrition est rapide, elle s'accompagne d'amaigrissement.
Le caractère particulier de cette intoxication grave est déterminé par les troubles
nerveux qui éclatent pendant la nuit. Ils consistent en hallucinations et en alternatives
de coma et de délire maniaque et même furieux : le sujet se croit persécuté ou en
butte à un danger imminent. Pendant la journée, le malade est abattu, prostré, son
intelligence altérée, il est en proie à la tristesse, à des crises de larmes, à la crainte
de la mort.
Les périodes d'excitation et de dépression peuvent se succéder pendant des jours et
des semaines, puis, on voit apparaître une modification brusque vers la guérison, ou,
au contraire, les accidents s'aggravent. Le pouls est petit, dépressible, accéléré. Lors-
qu'il devient ondulant et rapide au point de ne pas pouvoir être compté, c'est un signe
d'une extrême gravité. Il existe en même temps de la dyspnée. On note souvent de
l'élévation de température (39-40").
Il existe de la néphrite avec oligurie, albuminurie et hématurie parfois. Dans
les cas mortels, on voit le collapsus s'exagérer: la respiration prend le type de Chev.ne-
STOKEset la mort survient par syncope cardio-pulmonaire.
Les lésions anatomiques sont les mêmes que celles que nous avons signalées à
propos des animaux et consistent surtout en une dégénérescence graisseuse du cœur,
du foie et des reins.
J. CHEVALIER.
600 lODURES.
lODOGORGONIQUE (acide). — Drechsel a appelé iodogorgonique
un acide qu'il a pu extraire du squelette axial de Gorgonia Cavolinii. Ce corps répond
à la formule de l'acide amidiodobutyriqiio (C*H*'2NI0"-). Mais Duechsel suppose que c'est
le produit d'altération dune iodo-albumine par la baryte; il a extiait cet acide de la
(jorgoninc, matière azotée que Krukenber(; avait appelée cornéine et qui contient 8 p. 100
d'iode. Les parties molles de la gorgoniiie ne contiennent pas d'iode (Drecusel. Beitr.
zur Chemie einiger Secthiere. Z. B., 1896, xxxiii, 90-103)/
lODOSPONGI N E. — E. Harnack a appelé iodospongine une substance iodée
qu'il a extraite de l'éponge commerciale. On traite l'éponge par un contact prolongé
avec de l'acide sulfurique à 40 p. 100. Le résidu insoluble est dissous dans de la soude
diluée, puis précipité par l'acide sulfurique. Le précipité, lavé et desséché, est de l'io-
dospongine.
Sa composition moyenne a été la suivante :
Iode 8.20
Carbone 45.01
Hydrogène .j.95
Azote 9.0.2
Soufre 6.29
Oxygène 24.93
ce qui donnerait une formule brute
C''6H8" Az'oS^O"
(Harnack. Uebcr das lodospongin, die iodhalligc ciiveissartige ' Siibstanz ans dcm Bades-
chwamm (Z. p. C, xxiv, 1898, 412-424).
lODOTHYRINE. — Composé ulbuniinoïde iodé qu'on a extrait du corps
thyroïde (v. Thyroïde).
lO DURES. — Les iodures se préparent par action de l'iode sur les alcalis ou
les carbonates solubles; lorsque les bases sont insolubles on fait agir directement l'iode
sur le métal. Un grand nombre d'entre eux sont utilisés en thérapeutique; ils agissent
à la fois par l'iode et par le métal par suite du dédoublement qu'ils subissent dans
l'organisme; un certain nombre d'entre eux, comme l'iodure de fer, les iodures de mer-
cure, riodure de plomb, doivent être considérés surtout comme des ferrugineux, des
mercuriaux et, lors de leur administration, l'action de l'iode est pour ainsi dire masquée
par celle du métal; aussi ne nous occuperons-nous pas d'eux, et étudierons-nous seu-
lement ceux qui agissent réellement comme iodiques, quoique, comme nous aurons
l'occasion de le faire remarquer, l'inlluence du radical métallique est toujours impor-
tante à considérer et confère à l'iodure une caractéristique spéciale et une activité
particulière. Les plus utilisées sont l'iodure de potassium, l'iodure de sodium, l'iodure
d'ammonium, l'iodure de strontium et l'iodure de rubidium.
lodure de potassium Kl. — Obtenu par l'action de liode sur la potasse caustiiiue,
ce corps se présente sous forme de cubes ou de trémies incolores, inaltérables à l'air
sec, transparents si le sel est pur, légèrement blancs et opaques lorsqu'ils renferment
du carbonate de potasse. Sa saveur est salée, piquante et désagréable.
Il fond au rouge sombre et se volatilise au rouge vif. Il est très soluble dans l'eau :
iOO p. d'eau dissolvent 128 p. de sel à 0°; 142 p. à -|- 18°, et 224 p. à Fébullition de la
liqueur saturée -t- 117°. Il se dissout également à froid dans 18 parties d'alcool à 90°,
dans 6 parties d'alcool bouillant et dans 2 p. et demie de glycérine.
11 doit être conservé à l'abri de la lumière et de l'humidité. Roblneau et Rollin
ont montré que l'oxygène de l'air l'altérait en présence de l'eau et que la lumière favo-
risant cette attaque, il se produit de l'iodate. La solution aqueuse d'iodure de potas-
sium dissout l'iode en se colorant fortement; il paraît se former une combinaison
moléculaire instable répondant à la formule KL' (Stellingfler et Johnson).
L'iodure de potassium doit être exempt d'iodate et donner 1 gr. 414 d'iodure d'argent
par gramme pour pouvoir être considéré comme officinal.
lO DURES. t)01
lodure de sodium Nal. — Préparé comme l'iodiire de potassium, ce corps cristal-
lise en cubes à la température de 40°; h froid, il se dépose en longs prismes clinorliom-
biques qui sont constitués par uu bydrate Nal + II-O, fondent à une douce chaleur,
sVnieurissentà l'air sec, mais tombent en déliquium au contact de l'air humide. L'iodure
anhydre est seul officinal; il doit renfermer Si,.') p. 100 d'iode.
Anhydre ou hydraté, l'iodure de sodium s'altère rapid(Miient au contact de l'air. Il est
très soluble dans Teau : 100 p. d'eau dissolvent 17.3 p. de s(;l anhydre. Il se dissout éga-
lement dans l'alcool.
lodure d'ammonium AzHi. — Obtenu par précipitation de l'iodure ferreux par le
carbonate d'ammoniaijue, ce sel se présente sous forme de cubes anhydres et blancs,
déliquescents, très altérables à l'air, de saveur salée et un peu amère, désagréable, très
solubles dans l'eau el dans l'alcool renfermant 87 p. 100 d'iode.
lodure de strontium Sri-. — Ce sel cristallise en tables hexagonales renfermant
Sri- 4- ClI-0. Il est instable et facilement déliquescent. 11 est peu utilisé en raison de s'a
préparation difficile. 11 ne doit pas renfermer de baryte dont les composés solubles sont
toxitjues.
lodure de rubidium Rbl. — Ce sel se présente sous forme de cubes brillants, de
saveur fortement salée et faiblement amère, légèrement déliquescents, solubles dans
l'eau: 100 p. d'eau dissolvent 132 p. d'iodure. Son emploi a été préconisé par Hugo Erd-
MANN {Phunnaccul. Zciliiiuj, 1893, 3i)3-3o9). Ch. Hichet, longtemps auparavant (C. R. Ac. Se.
CI, 669, I88.i), avait montré que le rubidium, assez analogue au potassium au point de
vue de son action physiologique, était un peu moins toxique que ce dernier et qu'au
point de vue thérapeutique il était susceptible de remplacer avantageusement le
potassium. •
Malgré les résultats thérapeutiques satisfaisants, l'emploi de ce seine s'est pas géné-
ralisé et l'iodure de potassium est toujours le plus employé, de préférence à l'iodure de
sodium et à l'iodure d'ammonium qui ne se dédoublent qu'imparfaitement dans l'éco-
nomie et sont plus rapidement éliminés.
Absorption. Élimination. — Les divers iodures, et l'iodure de potassium en parti-
culier, peuvent être absorbés par toutes les muqueuses. Ces sels se caractérisent, en effet,
par une extrême difi'usibilité.
L'iodure de potassium, appliqué sur la peau, n'est pas absorbé, ou son absorption
est négligeable, cependant une petite portion d'iode peut être mise en liberté au
contact des sécrétions acides de la peau et grâce à la présence des bactéries banales qui
sont susceptibles, comme l'a montré Storvis {Leçons de Pharmacothérapic, m, 189,
1905) de favoriser la décomposition des iodures en milieu acide. Decuambre, Karute.^u
et Warlam avaient déjà constaté la décomposition partielle des pommades à l'iodure de
potassium, mais leur absorption est totalement insuffisante et il faut s'en tenir à l'opi-
nion de RiGHiNi (Bull. gén. de Thérap., in, 149, 1846), qui considérait les pommades
iodurées simples comme dénuées de toute action.
L'absorption se fait facilement par la voie pulmonaire et Mknœre {Th. Paris, 1873) a
montré qu'après quelques inspirations profondes devant un pulvérisateur contenant
une solution d'iodure de potassium, à 1 p. 100, il a pu déceler l'iode dans l'urine au
bout de trois à cinq minutes.
Les muqueuses digestives absorbent particulièrement bien les iodures, ainsi que le
démontre la rapidité de leur élimination lorsqu'ils ont été ingérés par cette voie.
Après administration par la bouche la majeure paitie est absorbée dans l'estomac;
une petite portion, comme le voulaient Kijss et Larger {Th. Strasbourg, 1870), est éga-
lement résorbée par l'intestin grêle. Les expériences de Demarquav avaient déjà
montré que l'absorption par cette voie était rapide; mais que, l'iodure exerçant une
action irritante sur la muqueuse, ce médicament ne pouvait être administré sous forme
pilulaire.
Pour éviter l'intolérance gastrique qui se produit parfois chez certains sujets, Mknière
{Thèse, Paris, 1873) avait préconisé l'emploi des iodures par la voie rectale, et il avait
constaté expérimentalement que cette absorption s'effectuait aussi rapidement, sinon
plus, par cette voie que par la voie gastrique.
Lemansry elMAi.N {Bidl. Soc. Thcrap., 1893. 310) et Briquet {Le traitement iodurc, Paris,
602 lO DURES.
1897) ont confirmé ces résultais, et on peut dire qu'en moyenne, après administration de
l'iode par le tube digestif, l'iode se montre dans la salive au bout de quatre ù huit
minutes et dans l'urine au bout de quatre à dix minutes.
Cette absorption se fait en nature. D'après Kammeuer et Putzeis {Virchow's Arch.,
Lx, S21) les acides du suc gastrique ne sont pas capables de modifier la nature de
l'iodure de potassium; l'acide chlorhydrique concentré n'a lui-même presque aucune
influence sur ce sel. D'après d'autres auteurs, l'acide chlorhydrique donnerait naissance
à un iodhydrate et à un composé albumineux iodé. En tous cas, il n'y a jamais d'iode
mis en liberté. Peuka.n, Nothnagel et Rossbach l'ont constaté chez les animaux pour
l'iodure de potassium. KuLz(Zei<sc/i. f. BioL^ xxui, 460, 1887) avait admis la formation
d'acide iodhydrique dans l'estomac après absorption de fortes doses d'iodure de sodium;
mais Drechsel {Zeitsch. f. Biol., xxv, 396, 1888), continuant ces expériences, conclut à
l'insuffisance des preuves données à l'appui de cette décomposition possible des iodures
dans l'estomac.
Introduits dans la circulation générale, les iodures, quelle que soit leur concentration,
ne précipitent pas l'albumine et le globule rouge du sang est doué vis-à-vis d'eux
d'imperméabilité (Gri.njs, A. ij. P., lxui, 86).
La plupart des expérimentateurs, Henrijean et Corin, Pouchet, Chevalier et Tschayan,
qui se.sont occupés récemment de l'action physiologique des iodures, admettent, après
Kamuerer et BiNz, que ces corps sont dédoublés en partie dans l'écoiioniie et qu'ils déter-
minent leur action pharmacodynamique en grande partie grâce à oette mise en liberté
temporaire de leur iode, qui se fixe exclusivement sur les leucocytes et les albumines de
néoformation. En dehors des faits pharmacodynamiques dont elle ])ermet l'interpréta-
tion rationnelle, celte décomposition repose sur quelques données chimiques. Struvi
avait montré qu'une solution très diluée d'iodure de potassium se décompose sous l'in-
fluence d'eau oxygénée, mais seulement en présence d'acide carbonique. Kammkrer et
Bmz ont pensé que le même phénomène se passait dans l'organisme vivant où l'oxy-
gène, en présence de la cellule vivante, était susceptible de jouer le rôle de l'eau oxy-
génée [Virchow's Avchiv, xxxxvi, lxii, 124).
HiNz exprime tout d'abord cette réaction par la formule suivante :
2KI + C02 + 0 = K-îCOi + 21
mais Kamuerer [Virchow's Arch., ux, 459) fait remarquer que si cette réaction était
exacte, l'iode réagirait sur le carbonate pour former un iodate et Bmz modifie son inter-
prétation de la façon suivante :
2KI + 2C02 + H^O + 0 = 2KHC03 + 21
le bicarbonate étant inerte vis-à-vis de l'iode.
Voulant fournir une preuve expérimentale de ce pouvoir de dédoublement de la cellule
vivante, il montre que le suc de protoplasma vivant d'un végétal mis au contact d'une
solution diluée d'iodure de potassium, en présence d'acide carbonique sous pression,
détermine la mise en liberté d'une partie de l'iode, et que, si l'on emploie dans les
mêmes conditions le suc d'un protoplasma tué auparavant, il n'y a aucune décomposition.
Gaglio a cependant montré que cette expérience était sujette à caution, que la chlo-
rophylle seule était capable de dédoubler liodure, et que le protoplasme vivant est
incapable de libérer l'iode de l'iodure de potassium (Jahresbericht. f. Thierchemie, 1887,
93). BiiNz a essayé d'écarter cette objection en prétendant qu'on ne peut opérer avec du
protoplasraa enfermé dans les membranes cellulaires, mais que certains champignons,
et en itarticiûler \e Mycodenna aceti, sont susceptibles de dédoubler l'iodure; il est vrai que
dans ce dernier cas la présence des divers composés acides peut favoriser cette réaction.
Les expériences sur l'élimination des divers constituants des iodures ont une impor-
tance beaucoup plus considérable.
On sait que, par exemple, à la suite de l'administration de l'iodure de fer, de l'io-
dure de calcium, de l'iodure d'ammonium, l'élimination du radical électro-positif com-
biné à l'iode se fait par d'autres émonctoires et dans des conditions différentes de
celles de ce métalloïde.
Les expériences de Kletzi\skv et Bill [Amer.Journ. of Sciences, xii, 87; Journ. Chem.
lODURES.
603
Soc, I, 731) sur la différence du temps nue mettent i s'éliminer les deux éléments
composants de l'iodure et du bromure de potassium, ont montré que chez l'homme, à
la suite de l'absorption de 1 ou 2 grammes d'iodure de potassium, on voit au^'menter,
pendant les premières vinijl-qualre heures, le chill're des sels de potassium éliminés
par l'urine dans des proportions telles que tout l'e.xcédent de potassium introduit avec
l'iodure semble ètie éliminé, tandis que, durant le môme temps, il n'y a guère que
60 p. 100 de l'iode introduit qui ait été éliminé par cette voie. Pour Stokvis {Leçons
de Phannacotliérapie, m, 188), ces recherches ne sont pas concluantes, car, dit-il, tous
les sels facilement diffusibles qui s'éliminent par le rein entraînent d'autres sels alca-
lins; or, comme nous ne connaissons aucun sii.'ne certain auquel on pourrait recon-
naître dans l'urine le potassium qui dérive de l'iodure de potassium ingéré dans l'esto-
mac, on ne peut mettre le surplus des sels de potassium éliminés exclusivement sur le
compte de l'iodure.
IssERsoHN {Diss. Berlin, 1873) a étudié l'élimination des constituants de l'iodure de
lithium; cette base étant étrangère à l'organisme, il était facile de dissocier le phéno-
mène, et il montre que cet iodure, en raison de son élimination, est dédoublé dans l'éco-
nomie. L'iode et le lithium furent retrouvés ensemble pendant vingt-quatre heures, puis
le lithium seul pendant quarante heures. Ces recherches furent reprises par Monni-
KE.NDAM {Diss. Amstenfain, 1886), qui put constater que l'élimination du métal précède
le commencement et persiste après la fin de l'élimination de l'iode.
Quoique ces diverses expériences ne soient pas à l'abri de toute critique, il paraît
cependant certain que les iodures sont décomposés et que l'iode se localise à l'état dissi-
mulé dans certains tissus.
C'est grâce à cette dissimulation que Rosembach et Pohl avaient prétendu que l'iode
ne se rencontre jamais parmi les exsudats intlammatoires séreux ou purulents de la
plèvre et du péritoine, ni dans les articulations normales ou enflammées {Berl. klin.
Woch., 1890,813) : mais Lughl, puis Weintrand {Berl. klin. Woch., 1871,321) ont montré
que ce métalloïde est mis nettement en évidence, si l'on prend soin de détruire les
matières organiques par une fusion potassique.
Verhoogen {Th. Bruxelles, 1893) a recherché comment se répartissait l'iode à la suite
des injections d'iodure de sodium; il fournit le tableau suivant :
I
II
lïl
IV
Poids du chien
10 kg.
20 gr.
2 heures 1/2
Ob-,726
0«%167
UKM77
0i--,080
0'<%0o4
0k%041
0>--%937
9 kg.
20 gr.
2 heures.
0''-185
Ob-,261
0';%221
0^-%209
0t-'%064
0!5%939
4'-B,9U0
8 gr.
Immédiat.
0s%188
0^'',034
Q^''%353
Ob-,010
Otf%003
0i-%012
0'-'Sl62
fj kg.
10 gr.
2 heures.
Ob',086
0esl05
OK',134
0B%026
0p',0i2
3b%472
Injection de 2e' Nal par kg., soit.
On tue l'animal après
Foie " , en iodure.
Rein —
Sang _
Rate —
Moelle osseuse —
Muscle —
Urine de la vessie —
et il conclut de ses expériences que l'iodure de sodium traverse rapidement l'organisme
pour s'éliminer par l'urine, sans se localiser.
D'après Buchheim et IIeubel {Arclt. f. experim. Pnth. uPharm., m, 104, 1875), ce sont
les reins, les glandes salivaires et les poumons qui localisent les quantités les plus consi-
dérables d'iodure de potassium. Le foie, la rate, les glandes lymphatiques et les mus-
cles n'en contiennent que peu; le pancréas en renferme des tiaces, le cerveau n'en
renferme pas. Santesson a contrôlé ces recherches {Diss. Dorpal., 1860) et il a observé
que les glandes salivaires isolées n'ont pas la môme affinité pour l'iodure que lors-
qu'elles font partie de l'organisme vivant, et qu'après section des nerfs elles en renfer-
ment moins que lorsque les nerfs sont intacts.
60^
lO DURES.
Depuis qu'on a attiré l'attention sur la loralisation de l'iode dansJa glande thyroïde,
on a pu remarquer que sa teneur en iode augmentait à la suite de l'absorption
des iodures. Baumann, .puis Monery [Thèse de Lyon, 1903), ont insisté sur ce fait.
BiNz fait remarquer que les divers tissus ne sont pas capables d'enlever l'iode aux
iodures, que le cerveau, en particulier, ne peut le faire, mais (|ue les tumeurs gom-
meuses de cet organe le peuvent très bien ; c'est ce qui expliquerait les différences que
présente l'intensité de l'action de l'iode vis-à-vis des différents organes.
Les conditions réelles de cette décomposition des iodures dans l'économie nous
sont donc encore inconnues," et il semble qu'elle s'effectue avec une intensité très'
variable suivant les individus et que c'est cette aptitude particulière à la mise en liberté
de l'iode qui constitue l'idiosyncrasie de l'individu pour l'iode. L'état de santé ou
de maladie influence également d'une manière sensible ce phénomène, et Sciiulzk,
BrcHRACH, SwEiFEL out pu Constater un retard plus ou moins considérable de l'élimi-
nation de l'iode dans les maladies fébriles. La nature des albuminoïdes avec lesquels
ils se trouvent en contact influe beaucoup sur cette mise en liberté ; et l'action de
l'iode libre sur ces corps leur communique une iabilité plus considérable, se traduisant
par une fonte des tissus pathologiques ou par l'élimination des albuminates de plomb
et de mercure (Nelsens, Pouchet, An.nuschat).
Quoi qu'il en soit, cette utilisation de Fiode est toujours faible à la suite de l'admi-
nistration des iodures, et la majeure partie du produit s'élimine plus ou moins rapide-
ment par l'urine et les autres émonctoires sans s'être localisé dans les divers organes
et sans avoir pu, par conséquent, exercer son action pharmacodynamique réelle, en
réalisant simplement l'action d'un médicament salin. C'est en raison de ce fait qu'on
est obligé de faire ingérer aux malades une grande quantité d'iodure pour qu'en réa-
lité,une faible portion seulement soit absorbée réellement et localisée par les tissus.
L'élimination des iodures se fait d'ordinaire rapidement par lurine, mais elle est
influencée par un certain nombre de facteurs divers, comme l'activité rénale, l'état
du rein, l'état des fonctions intestinales, la forme sous laquelle le composé iodique a été
administré et la dose employée.
Chez le même chien, à la suite de l'injection hypodermique de 20 centigrammes
d'iodure de potassium pu solutions dans divers liquides, Issersohn a constaté :
NATrUIO 1)K LA SOLT'TION,
DURKK
I> K i/ 1': r, I M I N A T I O N .
QUANTITÉ
H I.I MIN KK.
Dissous dans l'eau
12 heures.
() jours,
(i —
4 —
1/4
1/3
1/3
La presque totalité.
Dissous dans le sérum s;iiii;uiii .
Dissous dans une solution albumineusc
Dissous dans l'eau : après néphrite jiar l'acide
cliromiquc . .
Deuogorv MoKRiKwiTCH {Prcssc médicale, 189G, 44) a fait d'intéressantes recherches
relatives à l'influence des différents aliments et du jeûne sur l'élimination d'iodure de
potassium par le rein. Il trouve que l'élimination est retardée par le jeûne, tandis
qu'elle est accélérée par le régime carné par rapport à l'élimination pendant le régime
végétal, et cela aussi bien chez l'homme que chez le chien.
Chez l'homme, 30 centigrammes de Kl sont éliminés en 34 heures avec le régime
carné, et en 31 heures avec le régime végétarien.
Chez le chien, 15 centigrammes sont éliminés en 46 heures avec le régime carné, en
62 heures avec le régime végétarien et en 85 heures pendant le jeûne.
La durée de l'élimination de l'iodure de potassium varie beaucoup avec les doses
employées, mais les différents auteurs donnent des chiffres très dilTérents. Wilander
a constaté l'élimination totale de Os'",0o de Kl en 24 heures; celle de Os'",50, en
36-50 heures.
L'élimination de 1 gramme se fait en 24 heures pour Geissler, en 24-48 heures
pour Michel de Calvi et Rou.n, en 3 jours pour Rabuteau.
I O D U R E s. 60r>
L'élimination de G iframiness'efîeclueégaltMUfiit en 3 jours ( Roux); cfiUe do 10 grammes,
en 10 jours (Rauutkau, Dic MolÎ'Ines).
Lakay lui-même {Thèse Paris, 1893) ne conchiL pas et indique celt(! élimination de
l'iodure par l'urine comme très variable suivant 1(!S condilious i'xp('rimentales, non
seulement en ce qui concerne la durée de l'éliminalion, mais la quantité éliminée
par cette voie, quantité qui peut varier de 35 à 90 p. 100 de la quantité absorbée.
Lorsque le rein est sain, ce pourcentage est fort élevé, mais dans les cas de néphrite
il s'abaisse d'autant plus que le rein est plus fortement touché.
Ce même auteur a reconnu que, lorsque la quantité d'iodure de potassium ingérée
était faible cl la proportion de chlorure de sodium éliminée par l'urine normale, il y
avait échange complet, tout l'iode s'éliniiiiant à létal d'iodure de sodium, le |)0ta3sium
à l'état de chlorure. Quand la quantité d'iodure absorbée est moyenne et voisine de la
dose de chlorure de sodium, le partage est limité, et il s'élimine d'autant plus
d'iodure à l'état de sel de potassium que ce sel se trouve lui-même en proportion plus
élevée et vice versa.
Si l'iodure de potassium est administré à haute dose (15, 20, 30 grammes par jour),
il s'élimine presque tout entier sans décomposition, et la proportion cornispondant au
chlorure de sodium est seule transformée, cette quantité étant essentiellement variable
suivant les individus.
En ce qui concerne les autres iodures, on peut dire, d'après les recherches de Gubler,
de Carat, d'IssERsoH.x, que les iodures de sodium et d'ammonium s'éliminent plus rapi-
dement que ceux de potassium, de strontium, de rubidium. L'iodure de lithium paraît
s'éliminer plus lentement que les autres.
Les iodures s'éliminent également par la salive, ils y font rapidement leur appari-
tion et on peut, d'ordinaire, les y retrouver au bout de4à 8 minutes aptes l'absorption;
quelle que soit la voie d'introduction, cette élimination se prolonge et dure plus
longtemps que l'élimination urinaire. De même, on retrouve les iodures dans le suc
gastrique. Qulnke a décelé l'iode dans ce liquide après absorption rectale d'iodure et
BiNz admet son élimination par la muqueuse intestinale, quelle que soit sa voie d'absorption
{Arch. f. exper. Path. u. Pharm., viii, 319, 1878; xiii, 13, 1881).
Prévost et Binet {Rcv. méd. de la Suisse Romande, 1888) ont constaté sa présence dans
la bilei' trente minutes après l'ingestion, mais cette élimination se termine bien avant
celle qui s'efl'ectue par l'urine.
Le mucus nasal et la sueur contiennent toujours de petites quantités d'iodure
(Binet, Th. Paris, 1884).
L'éliminalion des iodures s'effectue également par les larmes; Righi.m le premier
a constaté ce fait et cette élimination rend impossible l'emploi de certaines pommades
ou collyres secs sur l'œil (calomel).
- Enfin, les iodures passent à travers le placenta et peuvent se retrouver dans les
urines des nouveau-nés; on l'a décelé dans le mucus utérin. Ils s'éliminent par le
lait. Celte élimination est toujours peu considérable. Fehlixc; {France Médicale, 1894)
n'a pu la constater qu'au bout de vingt-quatre heures.
Le Breton et Péligot, donnant 10 grammes d'iodure à des vaches, ont trouvé que
la teneur du lait en iodure était très variable et qu'elle ne dépassait pas 25 centi-
grammes par litre.
Action locale sur la peau et les muqueuses. — L'iodure de potassium appliqué
sur la peau saine et propre ne donne lieu à aucune irritation et n'est pas absorbé.
Employé en injections hypodermiques, il détermine seulement une forte sensation de
cuisson (Gilles de la Touretie, Progrès Médical, 1883, 35).
Si l'on administre à un homme sain, pendant des semaines et des mois, des doses
moyennes d'iodure de potassium, on n'observe, en dehors du goût salé et de la soif,
aucun trouble de la muqueuse des voies digestives. Lorsque ces troubles se manifestent,
c'est que l'iodure de potassium contenait de l'iode libre ou des iodates. Buciuieim admet
que l'on peut faire usage d'iodure pendant des années, sans éprouver aucun trouble du
côté des voies digestives. U n'en est pas de même de la conjonctive, des muqueuses
nasale, buccale, pharyngienne et bronchique et l'emploi plus ou moins prolongé de
l'iodure de potassium provoque sur ces muqueuses l'apparition de phénomènes inflam-
606 lODURES.
matoires qui sont sous la dépendance de l'éliminalion ioduréc par ces différentes voies.
Toxicité. — L'iodure de potassium ingéré est fort peu toxi(iue et on cite des cas
oïl l'on a pu faire absorber jusqu'à 20 et 30 grammes d'iodure de potassium sans pro-
voquer le moindre inconvénient. Par contre, on a vu se produire des accidents d'intolé-
rance avec des doses beaucoup moindres; aussi faut-il toujours tâter la susceptibilité
du malade, en employant au début des doses faibles.
Les animaux supportent très facilement l'ingestion stomacale de doses relativement
élevées d'iodure de potassium. On peut observer des accidents à la suite de l'ingestion
de 3 grammes par kilog. Cbez le lapin, on obtient la mort avec des doses vadant de
1 gr. 30 à 3gr. 80 par kilog.
Par voie d'injection intra-veineuse, la mort se produit cbez le chien par œdème du
poumon en 10 ou 12 heures, à la suite de l'injection de 0 gr. 25 par kilog. en solution
isotonique (Poughet); avec des doses plus fortes, la mort survient beaucoup plus rapi-
dement et est due en partie à l'action toxique du potassium sur le cœur.
L'iodure de sodium est beaucoup mieux toléré et la mort ne se produit guère qu'avec
des doses de 1 gramme par kilo, administrée par voie veineuse Chevalier, Tsghavan,
Thèse, Paris 1906).
Les autres iodures, comme l'ont fait remarquer He.nruean et Cori.n {Anh. Internat,
de Pharm. et Thérap., ii, 408, 1890}, possèdent une toxicité surtout en rapport avec
l'action physiologique du métal avec lequel liode est combiné.
Action des iodures sur la circulation. — L'étude de cette question a fait l'objet
de nombreux travaux et a suscité de grandes discussions. Rose (Arcli. f. pathol. Anat.,
XXXV, 12) admettait une suractivité du cœur et la production d'un spasme vasculaire
généralisé sous l'inlluence de l'iode ; mais il s'agit, bien plutôt, comme le faitremar(]uer
Bœhm, de phénomènes réllexes dus ù l'action de l'iode libre dans la solution utilisée
par cet expérimentateur.
BoGOLEPOKK {Arbeiten aus d. pharmaceuti Lab. zu Moskau, 1876, r2o) admettait,
d'après des observations microscopiques, que l'iodure de potassium provoquait la dila-
tation des vaisseaux périphériques par la chute de pression sanguine et le ralentisse-
ment du pouls. Il n'a pas constaté de paralysie cardiaque.
SoKOLOwsKY a constaté que des doses modérées d'iodure de potassium injectées chez
le chien, tantôt accéléraient le cu-uret faisaient baisser la tension sanguine, tantôt, au
contraire, ralentissaient lo pouls sans provoquer d'abaissement de la tension. Avec des
doses fortes, il a observé de la vaso-dilatation périphi-rique et de la paralysie du cœur,
sans modifications notables des appareils modérateurs.
BoEHii {Arch. f. exp. Path. u. Phann., v, 329) n'a observé aucune modification
circulatoire chez les chiens auxquels il a injecté de l'iodure de sodium, et pour lui, les
iodures n'auraient aucune action vasculaire.
HucHARD et Eloy [Gaz. hebdoin., 1889, 770) ont constaté que des doses physiolo-
giques d'iodures alcalins abaissent considérablement la tension sanguine au bout de
13 à 30 minutes. Pour eux, ces médicaments dilatent les vaisseaux et augmentent la
vitesse du courant sanguin.
G. SÉEet Lapicque {C. li. Ac. Méd., 8 oct. 1888. — Sem. Méd., 1880, 381) admettent
également que les iodures déterminent une vaso-dilalation qui peut durer plusieurs
heures et qui est précédée d'une phase pendant laquelle la pression se trouve au con-
traire au-dessus de la normale (phase du potassium). Pour eux, la chute de la tension
sanguine est indépendante d'une action sur le cœur. La force du cœur pourrait, au
contraire, être accrue, à cause, d'une part, de la diminution des résistances périphé-
riques et, d'autre part, de l'irrigation plus complète du myocarde. (G. Sée., Thérap.
Physiol. du cœur, ii, 94.)
Lapicque [C. R. Soc. BioL, 1892, 78) a modifié cette interprétation à la suite de nou-
velles expériences. L'abaissement de la tension sanguine ne serait pas due à une para-
lysie des vaso-moteurs, car ils réagissent normalement lorsqu'on asphyxie l'animal.
De même, l'accélération du pouls ne serait pas due à une diminution de toxicité du
pneumogastrique, car ce nerf réagit d'une faeon normale et conserve son excitabilité
jusqu'à la fin de l'intoxication. L'abaissement de la tension sanguine serait surtout d'ori-
gine cardiaque, l'impulsion systolique est, en effet, renforcée par des doses faibles et
lODURES. 607
affaiblie par des doses élevées. L'iode exercerait donc sur le cœur une action tonique,
puis déprimante, indépendante de toute action médullaire.
Laborde (C. R. Ac. mm. 1890, 4 niars) confirme les observations de G. Sée et de
Lapicque, en ce qui concerne l'iodure de potassium et n'attribue à l'iodure de sodium
qu'une action insignifiante ou même nulle sur la pression.
Prkvost et Bi.NET [Revue médicak de la Suisse Romande, 1890, ^09) ont étudié, dans
une série d'expériences fort bien conduites, l'action de l'eau iodée, des solutions iodo-
iodurées et des solutions d'iodures sur l'appareil circulatoire. Ils ont constaté que l'eau
iodée et les solutions iodo-iodurées, employées à faibles doses, ne modifiaient pas sensi-
blement la pression sanguine, tandis que l'iodure de potassium, injecté à petites doses
dans les veines, déterminait une augmentation de pression et à doses fortes provo-
quait une dépression qui pouvait amener rapidement la mort de l'animal. Si les acci-
dents ne sont pas très prononcés, la pression peut regagner son niveau normal, pour
s'abaisser à nouveau dans la suite progressivement. L'ingestion ne modifie pas sensi-
blement la pression.
L'injection intra-veineuse de solutions d'iodure de sodium est beaucoup moins dan-
gereuse que celle d'iodure de potassium, mais elle agit de la même manière si les
doses sont plus élevées. Après une phase d'augmentation plus ou moins prononcée de
la tension, on observe une phase d'abaissemetit progressif au milieu de laquelle peuvent
survenir les accidents toxiques. Dans une de leurs expériences, le traitement ioduré
prolongé a déterminé un abaissement durable de la tension, mais le fait est inconstant.
IIenrijean et Corin, dans leur important mémoire sur l'Action physiologique et thé-
rapeutique des iodures [Archives internationales de Pharmacodynamie et Thérapie, ii, o3o-
539, 1896), ont étudié l'action des divers iodures sur l'appareil circulatoire et attirent
l'attention sur ce fait que ces différents composés agissent sur la circulation, à la fois
parleur élément iode et par leur élément métal, les effets de l'un pouvant être masqués
par l'action de l'autre. Lorsque le radical métallique est peu actif, l'action de l'iode
seule apparaît ; et dans l'immense majorité des cas, comme l'ont montré divers auteurs
précédemment cités, elle se traduit par un abaissement de la tension sanguine.
Si quelques auteurs, comme Boehm, Prévost et Blnet, n'ont pas constaté cette baisse
de pression, cela tient soit à l'emploi de doses trop faibles, soit à ce que les expériences
n'ont pas été prolongées assez longtemps.
Tous les auteurs qui jusqu'ici avaient constaté cette baisse de pression l'avaient
attribuée soit à une vaso-dilatation, soit à une faiblesse cardiaque. La vaso-dilatation
n'a jamais pu être prouvée scientifiquement et les auteurs ont pu, au contraire, mettre
en évidence une vaso-constriction.
De même, ils montrent le maintien intégral de l'énergie cardiaque sous l'influence
de l'iodure de sodium. Pour eux, l'abaissement de la tension sanguine provient unique-
ment d'une diminution de la masse totale du sang, qui est prouvée par une augmenta-
tion du nombre des hématies. Le relèvement ultérieur de la pression est dû à des phé-
nomènes de vaso-constriclion et à la rentrée du sérum sanguin par les lymphatiques,
cette rentrée s'accompagnant parfois d'une légère hydrémie.
Barbera (.4. g. P., lxviii, 434) et De Cvon [A. g. P., lxx, 175) ont particulièrement
étudié l'action de l'iodure de sodium sur le système nerveux cardiaque et ont mis en
évidence l'action dépressive exercée par ce médicament sur les appareils modérateurs
du cœur et, en particulier, sur le pneumogastrique, qui n'est plus excité que diffici-
lement par les courants induits intermittents il y a une action excitante simultanée sur
le système nerveux sympathique du cœur et des vaisseaux, à laquelle il faut attribuer
le3 spasmes vasculaires qui produisent la vaso-constriction. De Cyo.n a également montré
que l'iodure de potassium possédait une action antagoniste de celle de la muscarine
sur les appareils nerveux cardiaques.
Barbera a mis en évidence une action du même genre entre l'iodure de sodium et le
phosphate de soude.
Il est intéressant de signaler que ces auteurs ont pu constater que Viodothyrinê de
Bauman.v possédait une action cardiaque précisément inverse de celle des iodures.
PoucHET, dans son livre Viode et les iodiqucs (Paris, Doin, 1906), donne le l'ésultat
d'un certain nombre d'expériences faites dans son laboratoire qui permettent de relier
h08 lODURES.
et de coordonner ces dilTt-renles éludes eu appareuce contradicloires par suite de la
diversité des inodes opératoires employés, des doses fortes et des solutions trop concen-
trées, d'ordinaire utilii^ées, et du peu de durée des observations. Comme il le dit lui-
même (C. R. Ac. MécL, 2Gdéc. 1905), il faut considérer d'une façon très distincte, d'une
part, les résultats thérapeutiques, d'autre part les résultats physiologiques ou plutôt
pharmacodynamiques obtenus avec les diverses préparations iodées.
L'iode et les iodures administrés à doses thérapeutiques à des individus sains ne
niodifienl pas sensiblement leur tension sanguine. Au contraire, dans divers e'tats
pathologiques ils provoquent un abaissement de la tension sanguine et des modifica-
tions importantes du rythme cardiaque, mais seulement dans des cas bien déterminés,
et, à ces doses médicamenteuses, l'action exercée i)ar l'iode et les iodures est surtout
le résultat des modifications (jue cet agent thérapeutique exerce sur le système lym-
phatique et sur le sang dont il diminue la viscosité, provoquant ainsi une amélioration
de la circulation capillaire périphérique.
Dans tous les autres cas où l'iode et les iodures agissent comme hypotenseurs, c'est
à la suite d'un commencement d'action to.\ique et en produisant une action dépressive
s'exerçant directement sur le cœur lui-même et déterminant une action perturbatrice
sur les vaso-moteurs centraux.
D'accord avec De Cyon, lUnREnA, Laudemiacii, il pense que l'iode est réellement un
agent hypertenseur à doses thérapeuli(iues; et, à doses fortes ou toxiques, un hypoten-
seur par suite de son action dépressive sur le cœur.
Lorsqu'on étudie l'acliou de l'iode chez les animaux, on constate des phénomènes
diflérents suivant que l'on emploie l'iode à l'état libre ou en solution dans Tiodure de
sodium, l'iodure de potassium, ou les combinaisons organiques d'iode.
Avec les solutions iodo-iodurées employées à doses faibles, on observe une légère
accélération des contractions cardiatjues accompagnée d'une faible augmentation de
l'énergie, sans changement de pression sanguine. Si les doses sont fortes et deviennent
toxiques, on voit alors se produire de l'accélération plus considérable des contractions
cardiaques qui diminuent d'énergie, et en même ten)p5 la tension sanguine s'abaisse;
un peu plus tard on voit apparaître des troubles vaso-moteurs, caractérisés par l'appa-
rition de longues et lentes oscillations de la pression coïncidant avec des alternances
d'accélération et de ralentissement des contractions myocardiques dont l'énergie subit
également des oscillations.
A une période plus avancée de l'intoxication, ces divers phénomènes s'exagèrent,
puis l'accélération s'accroît, la pression sanguine tombe de plus en plus, et à la période
prémortelle on voit se produire de l'arythmie avec ralentissement cardiacjue.
L'action dépressive toxique de l'iode sur le cœur est nettement mise en évidence
sur les animaux à sang froid. Les premiers phénomènes sont dus à l'action irritante
inévitable de la substance sur le myocarde et les accélérateurs du cœur, puis, lorsqu'ils
se sont atténués, on voit survenir une période où l'iode agit comme tonique et pendant
laquelle le cœur bat normalement avec une légère augmentation d'énergie. Avec des
doses faibles, celte action se maintient longtemps, puis tout rentre dans l'ordre.
Si les doses sont fortes et toniques, cette période est courte, et on assiste bientôt à
des phénomènes de dépression cardiaque profonde : la contraction myocaidique s'ef-
fectue de plus en plus difficilement et le cœur meurt bientôt en systole, complètement
inexcitable.
Avec l'iodure de potassium les choses ss passent un peu différemment en raison de
la présence du potassium dans la molécule.
Chez les animaux à sang froid, on voit d'abord se produire une phase de dépression
circulatoire due à l'irritation causée par cet agent sur le cœur tout entier; puis, plus
tard, au contraire, une phase de renforcement des contractions cardiaques dont l'énergie
devient de beaucoup supérieure à la normale, tandis que le rythme en est légèrement
accéléré. Cette^phase est due à l'action combinée de l'iode et du potassium qui agissent
tous deux comme stimulants. Mais à partir de cet instant l'action du potassium devient
prédominante et on retrouve nettement les mêmes phénomènes que ceux provoqués par
le chlorure de potassium. L'énergie des contractions persiste, mais on voit se manifester
de l'arythmie : la fréquence des battements diminue, puis l'énergie elle-même décroit
lODURES. 609
progressivonuMit et linalement le cœur s'arrôlt-, contracture', iiioxcitable. Pendant toute
ciHlo période l'action de i'ioile s'exerce, mais elle est inas<iuée [)ar celle du potassium, plus
énergiquement toxi(iue.
Chez les animaux à sang chaud, la scène est (;ncore plus complexe : le rôle du
potassium est prépondérant pendant la première période, l'action de l'iode est prédo-
minante ultérieurement.
Dès le délmt, on constate une accélération passagère et une diminution di- l'énergie
cardiaque, avec augmentalion légère de la tension sanguine, phénomènes dus à une
action irritante de la solution; puis on voit se produire rapidement une chute progres-
sive de la tension sanguine avec ralentissement des contractions cardiaiiues qui devien-
nent plus énergiques. A cette période, également passagère, fait suite une réascension de
la pression, le rythme et l'énergie cardiaque restant sensiblement constants, puis sur-
viennent des périodes alternées de ralentissement et d'accélération.
Justju'ici l'inlluence du potassium est prédominante, mais iMentôt l'acliori toxique
de l'iode se f;iit sentir et l'on voit survenir un abaissement lent et progressif de la pres-
sion : les pulsations s'accélèrent, mais diminuent d'énergie.
Un peu plus lard, l'accélération va en s'accenluant et l'énergie diminue encore, de
même que la pression sanguine ; on voit alors se manifester les lentes oscillations que
nous avons signalées avec l'iodure de sodium, cl la fin de l'intoxication se termine
d'une facjon identique.
Pour voir apparaître celte succession de phénomènes il faut em|»loyer des solutions
d'iodure de potassium fortement diluées et isoioniques : sinon on voit se produire bru-
talement la mort comme avec, le chlorure de potassium, ainsi que l'ont constaté Hen-
RIJEAX et CORIN.
PoucHET synthétise ainsi l'action pharnuicodynamique de l'iode administré à doses
toxiques.
Pression artérielle et rijthmc. — ImméJiatement légère accélération, puis, la pression
restant constante, on observe du ralentissement avec augmentation de l'énergie car-
diaque. Ensuite, la pression ne variant pas sensiblement, on note une diminution
d'énergie, le nombre de pulsations restant d'abord à peu près invariable. Un peu plus
tard surviennent de l'accélération, une diminution encore plus accentuée d'énergie et
une baisse assez considérable de la pression. Au cours de cette période on voit des
oscillations de troisième ordre signalant la perturbation des vaso-moteurs.
Tension artérielle périphérique. — La pression monte d'abord légèrement, puis l'ede-
vient normale pour remonter ensuite un peu; elle finit enfila par baisser parallèlement
à la tension centrale en subissant les mêmes variations.
Tension veineuse. — La tension veineuse subit une augmentation lente et progres-
sive jusqu'au moment où l'on constate une diminution d'énergie et raccélération des
contractions cardiaques : alors elle baisse progressivement.
Mécanisme de l'action des iodures sur la circulation. — A la suite de rinjection de
doses faibles et répétées, on constate un abaissement plus ou moins prononcé et pro-
longé des tensions artéi'ielles centrale, (lériphérique et veineuse avec une légère accélé-
ration des contractions cardiaques sans diminution d'énergie. Celte énergie des contrac-
tions cardiaques reste invariable même au moment où se montre le minimum de
pression; par suite, cette baisse de pression, lorsqu'elle se produit, n'est pas la consé-
quence d'une diminution d'énergie du myocarde et d'autre part, à cet instant, on voit
se produire une vaso-constriction périphérique, mise nettement en évidence par Henri-
JEAN etCoRiN. En conséquence, ni une action dépressive sur le cœur, ni une action para-
lysante sur les vaso-moteurs ne peuvent êlre indiquées poui- expliquer cette chute de la
pression sanguine, et elle ne peut se produire que grâce à la diminution du volume du
sang vérifiée expérimentalement par ces mêmes auteurs.
Sous l'influence des iodures, il se produit des modifications considérables dans la
viscosité du sérum sanguin qui transsude dans le tissu cellulaire et les espaces périlym-
phaliques et détermine une diminution considérable du volume du sang, se traduisant
objectivement par une augmentation du nombre des hématies par millimètre cube,
s'observant même avec une chute de pression insignifiante et faible. Dans l'une de leurs
expériences Hk.nruean et Coiun ont trouve à l'état n(jrmal 6 2oOOOU hématies, puis, trois
DICT. t)E PlIYSIOI-OlilK. — T. IX. 39*
610 lODURES.
heures après l'injeclion d'iodure, 9 400 000 ht-maties, et, vingt-quatre heures après,
4125000 hématies; par conséquent, dans une première période, il y a eu diminution du
volume du sérum sanguin, puis, dans la seconde, augmentation qui, d'après nos recher-
ches, est passagère et contre-balancée assez i-apideraent par l'augmentation de l'élimi-
nation urinaire qui s'établit alors.
Si les actions nerveuses exercées par l'iode et les iodures sont faibles et difficiles à
mettre en évidence, les modifications subies j)ar le sérum sanguin sont des plus nettes
et en <lehors de l'action lymphagogue provoquent les variations de volume du sérum
sanguin : il faut également faire intervenir la diminution de viscosité de ce liquide, cons-
tatée en particulier par Oswald Muller etRYOxicHi Inad.v (D. mcd. Woch., xxx, 1731, 1904.
Wien. klin. Woch., 1905, 905).
Cette diminution de la viscosité du sang favorise considérablement la transsudalion
du sérum, le passage et l'accumulation du liquide dans les cavités séreuses, et facilite
dans certains cas la production d'œdème du tissu cellulaire sous-cutané et même
d'œdème pulmonaire. Les résultats expérimentaux contradictoires signalés par les
différents auteurs qui constatent, les uns une augmentation de pression, les autres une
diminution, s'expliquent facilement par la prédomiu mce soit de la vaso-constriction,
soit de la diminution du volume du sang. Avec les différents iodures, suivant la pro-
portion plus ou moins considérable d'iode mise en liberté par dédoublement, et leur
diffusibilité, les modifications du volume du sang pourront être plus ou moins accen-
tuées et l'abaissement de la tension sanguine sera proportionnel à la diminution de ce
volume.
• C'est à cette période de Iranssudation, soit par suite de la mise en liberté d'une
forte proportion d'iode, soit par suite de l'action irritante exercée sur les parois vascu-
laircs par une solution saline trop concentrée, qu'on verra se produire des accidents
tels que les hémoptysies, le purpura, les exsudats pleurétiques sanguinolents, qui ont
été parfois signalés comme des phénomènes d'iodisme et sur lesquels Lortat Jacou a
insisté.
Avec l'iode en nature, le résultat est toujours le même : on observe un abaissement
lent et continu de la tension sanguine et une accélération cardiaque sous l'influence
de doses modérées, plutôt faibles ; cette chute dure de une à deux heures au plus, la
pression artérielle passe par un minimum, puis remonte et, au bout de quelques heures,
atteint et même dépasse légèrement la valeur de la tension normale.
Ce relèvement de la tension sanguine est le résultat non seulement de la vaso-con-
striction, mais surtout de la rentrée du sérum dans les vaisseaux sanguins.
L'action de l'iode et des iodiques sur le système nerveux cardiaque est encore
obscure sur bien des points : DeGyon, Barbara, Pouchet et Chevalier ont montré qu'elle
pouvait se schématiser en une action excitante s'exerrant sur le sympathique et spé-
cialement sur les vaso-moteurs, tandis que les vaso-dilatateurs et les nerfs modérateurs
du cœur montraient, au contraire, une diminution plus ou moins accentuée de leur
excitabilité.
La diminution d'excitabilité des dépresseurs et des pneumogastriques, très nette à la
suite de l'emploi de doses toxiques, ne se fait que peu sentir avec des doses modérées.
Ce phénomène, comme du reste l'exagération d'excitabilité des nerfs du système sym-
pathique, sont bien plus d'origine périphérique que d'origine centrale.
Action lymphagogue et lymphoïde. — Certains auteurs et en particulier
Storvis [Leçons de Pharmacothérapie, ni, 196, Haarlem, 1905) prétendent que « l'iode
des iodures n'exerce pas comme tel plus d'influence sur l'action physiologique du
sel que le chlore du sel marin » et que les modifications circulatoires obtenues expé-
rimentalement par HeiNruean et Corin sont uniquement déterminées par l'action
saline des iodures et peuvent être en tous points comparées à celles obtenues par
Brasol à la suite d'injections intra-veineuses de sucre [Archiv fur Physiologie, 1884,
212) et par d'autres sous l'influence d'injections de sel marin. Cette manière de voir est
un peu exagérée et, s'il est vrai que l'anhydrémie et l'hydrémie alternées qui se mon-
trent sous l'influence des iodures constituent un syndrome commun se produisant
dans ces divers cas, il n'en est pas moins vrai qu'il se présente avec une intensité tout à
fait particulière avec les iodures et que l'iode des iodures constitue un agent lympha-
lODURES. <>M
gogiio (lo promior ordri'.aîïissani non senU-nn-nl, en aiiicnifiiitanl, le volume «lo la lyniplio,
inaiseni'XtM(;ant ('i^altMiient une action t'xoilanle sui' lo lissu lyinplioïdiMlans lequel il a
tendance à se lixer presque exrhisivenient, comme l'ont montré d'aliord |{. IIkin/ [lin-
lin, kliii. Woch., IS90. lise), puis, [.outaï .Iagûb [Tlirat: l'uris, t".t02) <|ui a repris ultérieu-
rement 1rs nn'nies expériences.
Celle liypeiaclivité du tissu lymplioïde déterminée par l'iodo se manifeste surtout
par une liy|>erleueocytose mononucléaire persistante et caractéristique qui ladin'érencie
nettenuMil des réactions polyniicléaiies que déterminent d'aulrcs sulistan( es telles que
les sérums, les saponines, les acides nucléiniques.
Dans un certain nombre de cas, F.oitTAT Jacou a vu se produire une siirproductinn ilc
cellules lymphatiques allant jusqu'à encombrer les tissus et à donner aux f,'anj,'lions un
aspect de nappe réticulée diffuse. Avec des doses faibles d'iodures, et pendant un temps
très court, on observe une simple stimulation. Avec des doses fortes ou trop prolongées,
on peut voir survenir de la sclérose plus ou moins prononcée, manifeste surtout dans
la raie et le système i;ani;linniiaire. Dans tous les cas, l'activité du tissu lympboïde des
^-an.i^lions et de la late est conservée : on note souvent de la conijestion, de la réaction
plus ou moins accusée des cellules llxes du réticulum et l'absence des cellules éosino-
phdes. I/iode peut donc être considéré, ainsi que le fait remarquerPoucuKT, comme un
médicament s*pécitique du lissu lymphoïde [L'iode et les indique», 63, Paris, 1900). Ces
diflerents phénomènes se manifestent avec tous les iodiques, mais avec des modalités
dilTérentes suivant leur constitution chimique. Les iodures déterminent dans les
intoxications aifAUës une véritable éosinophilie ^aiii^lionnaire et splénique; l'iode libre
fait, au contraire, disparaître l(!s éosinophiles du tissu lympboïde.
Du côté des séreuses, cpie l'on considère comme une dépendance du système lym-
phatique, les iodures déterminent une desquamation épithéliale intense.
Les leucocytes paraissent chargés de la répartition de l'iode dans l'organisme, et
Heinz avait attiré l'attention sur la diapédèse et l'augmenlation de l'activité fonction-
nelle des globules blancs sous l'inlluence des iodures. Lortat Jacob a étudié de plus
près cette leucocylose et a montré que l'iode constituait en définitive un efficace agent
de mononucléose, ce qui permet d'expliquer son action antitoxique.
L'action lymphagogue déterminée par les iodures est toujours beaucoup plus pro-
noncée que celle obtenue avec l'iode, les composés organiques à iode dissimulé et les
iodotannins, et cette dilTérence tient surtout à ce fait que les iodures sont des composés
salins beaucoup plus facilement diffusibles, et que, comme l'ont montré les expériences
déjà anciennes d'IJKiiJENHAiN et de De Vries, les composés les pins diffusibles sont éga-
lement ceux qui excitent le plus la transsudation du st-rum à travers les parois des
capillaires.
On sait également que pour les sels, dans une même série de métaux et pour une
concentration déterminée, les sels les plus lymphagogues sont ceux qui possèdent le
poids moléculaire le moins élevé. Ces différentes notions permettent d'expliquer pour-
quoi les iodures déterminent plus facilement des pbénomèties d'iodisme que les autres
composés iodés.
Les travaux de Moussu [Recherches sur roriijiiic de la li/mphe, Paris, 1901) et d'AsciiER
sur la lymphe ont montré que son écoulement était en rapport très étroil avec l'acti-
vité physiologique des tissus et que cette lymjthe était élaborée on beaucoup plus
glande quantité par les tissus en activité qui en puisent les éléments dans le sang.
Les tissus vivent non pas dans le sang, mais dans le plasma qui les enveloppe après
avoir traversé les capillaires par transsudation ou exosmose. L'atmosphère plasmatique
(|ui baigne les tissus est interposée entre deux réseaux ca|>illaires et se renouvelle
continuellement sous la jioussée dtîs forces osniotiipics (jui l'enlèvent aux capillaires
sanguins et la font pénétrer dans les capillaires lymphatiques. L'iode et les iodiques
auginentent la tension osmoticiuo du plasma cellulaire ([ui se charge d'une plus grande
iiuantilé de matériaux de désassimilation, par suite de l'augmentation des échanges
qu'ils déterminent, et c'est l'une des raisons pour lesquelles ce sont de puis.sants lym-
phagogues.
Les modifications circulatoires (pi'ils provoquent et, en particulier, les variations de
pression sanguine, (jui ont é-té mises en évidence par Pouciiet et Chevalieh. viennent
612 lODURES.
encore aider cette action lymphagogne, car l'écoulement du plasma sanguin hors des
capillaires ne dépend pas seulement de l'aclivilé des tissus, mais des modifications cir-
culatoires liées aux processus de nutrition, et il semble bien que ces modifications cir-
culatoires se traduisent surtout par des varialions incessantes de vitesse et de pression
dans les vaisseaux périphériques.
On a voulu attribuer aux iodiques une action particulière s'exerçant sur les parois
des capillaires, celte action n'est rien moins que prouvée, et une telle hypothèse est, du
reste, inutile pour permettre d'expliquer les divers phénomènes observés.
L'action stimulante des processus de désa.ssimilation provoquée par l'iode suffit
pour tout expliquer, et, en ce qui concerne l'action propre des iodures dont les efîels
lymphagoyues sont encore plus intenses, leur dillusibilité plus considérable, leur poids
moléculaire plus élevé, leur dédoublement permettant la mise en liberté d'une certaine
quantité d'iode constituent un ensemble de phénomènes largement suffisants pour
écarter toute autre hypothèse.
Action sur la respiration. — Étant donnée l'impoitance des modifications circula-
toires déterminées par les io<lures, celles-ci retentissent forcément sur la respiration.
Sous l'inlluence de l'activité plus considérable de la circulation, il y a une amélioration
des fonctions du poumon : d'autre part la déplélion sanguine pendant la période de
transsudation détermine de l'hypersécrétion bronchique provoquant la liffuéfaction des
exsudais visqueux, leur plus facile expulsion et la pénétration plus facile de l'air dans
les alvéoles pulmonaires. Ces diverses causes réunies améliorent la circulation pulmo-
naire, diminuent les stases veineuses, facilitent les échanges gazeux, l/élablissement de
la leucocytose et la résorption ultérieure du sérum extravasé dans les espaces péri-
lympliati([ues contribuent également à la résorption des exsudais et à l'atténuation des
toxines bactériennes.
On a également voulu invoquer pour interpréter l'action énergique des iodures une
action s'exerçant sur le système nerveux central. Sodlier {Traité de Thérapeutique, l,
406, Paris, 1901) admet que l'iode s'éliminant par la muqueuse pulmonaire excite les
extrémités du vague et détermine une action impulsive sur le centre respiratoire.
Laborde (C. R. Ac. Méd., 4 mars 1890) admet que les effets pulmonaires des iodures
sont dus à leur action sur le système nnrviMix central et, en particulier, sur la portion
bull)o-myélitique de ce système. Aucun fait ne peut permellre d'accepter cette manière
de voir basée sur l'action produite par l'iodoforme qui agit d'une façon totalement dif-
férente de celle des iodures.
Des doses élevées déterminent rapidement de la congestion pulmonaire intense avec
tendances aux hémorragies et apparition d'une forte proportion de leucocytes éosino-
philes. L'iode en nature est moins congestionnant que les iodures, et parmi eux c'est
l'iodure de potassium qui présente le maximum d'action. Les doses toxiques chez les
animaux produisent de l'œdème du poumon.
Henrmean et CoRiN ont étudié l'action des iodures sur les échanges respiratoires et
ils ont constaté une augmentation considérable du quotient respiratoire qui dépasse
parfois l'unité.
Action sur l'appareil digestif. — Quel que soit leur mode d'administration, en
raison de leur élimination par la muqueuse gastrique, les iodures peuvent déterminer
des troubles des fonctions digestives. Il peut tout d'abord se produire des phénomènes
d'irritation gastro-intestinale, mais on constate, même avec des solutions diluées, de la
perte de l'appétit et des troubles de la digestion proprement dite qui sont dus à l'action
dépressive, et même parfois inhibitrice, exercée par ces substances sur les ferments
pepsique et pancréatique. Menrijean et Corin {loc. cit., p. 397) ont montré que l'iodure
de sodium en solution à 2,63 p. 100 entravait la digestion pepsique et que la digestion
pancréatique était retardée seulement avec des solutions à 3,96 p. 100.
Action sur les sécrétions. — Les iodiques déterminent l'hypersécrétion de la
plupart des glandes et, en particulier, celle des glandes salivaires, buccales, pharyn-
giennes, nasales et lacrymales; cette hypersécrétion exagérée est l'un des symptômes
les plus caractéristiques de l'iodisme. Elle est liée intimement à l'élimination de l'iode
par ces différentes sécrétions. La sueur n'est que peu ou pas augmentée, mais l'iode
s'élimine également par cette voie. La sécrétion gastrique est exagérée avec produc-
lODURES. 613
tion d'iiyperclilorliydrin ^IIwem, Leçon>i de Thcrapcutiquc, 4* sér., 240-6Go, 1893).
En ce qui concerne la bile, Prkvost et Bi.net iliev. Méd. de la Siiisae Romande, 1888)
ont montré que les- iodures diminuaient cette sécrétion ; Rutheiu onn les regardait comme
indifférents.
Rabuteau {Traité de Pharmacologie, 231) a signalé une augmentation du sperme déter-
minée par l'emploi des iodures et une exagération de la sécrétion des glandes utéro-
"vaginales.
Le même auteur considérait les iodures comme entravant la sécrétion lactée et sus-
ceptible même de déterminer son arrêt.
En ce qui concerne la sécrétion uriiiaire, les avis sont très partagés; quelques
auteurs, comme Bassfeuxd, prétendent que les iodures diminuent la quantité d'urine
«xcrétée; pour d'autres, comme Rahuteau, Pelikan, Ar.xetu, l'effet est nul, du moins pour
les doses faibles; mais la majorité de ceux qui se sont occupés de cette question
admettent que les iodures sont diurétiques. ((iuiiLER, Ricord, Bradley, G. Am'uso,
Riforma Medica, 1891, 22. — A. IIaig, Mcd. Chir. Transact., lxxvi, 113. — Wolkoff et
Stanizki, Wratch, 1893, 128.)
Action sur le système nerveux. — L'action exercée par les iodiques sur le sys-
tème nerveux parait être en rapports très étroits avec les modifications circulatoires, et
les troubles convulsifs et paralytiques, signalés par quelques observateurs comme Bene-
DicRT et K. SoKOLOwsKi, sc sout produits uniquement chez les animaux avec de fortes
doses d'iodure de potassium : ces accidents sont dus uniquement au potassium.
On a signalé, à la suite de l'emploi de doses toxiques de composés iodiques, une
céphalalgie violente, des douleurs contusives, de la prostration, des vertiges, de la titu-
bation, de l'agitation, de l'insomnie, de l'affaiblissement de la mémoire, de l'hébétude.
Certaines manifestations se produisant fort souvent avec des doses élevées d'iodures,
telles que : tremblements généralisés ou localisés, convulsions toniques ou cloniques,
atténuation de la réflectivité, paraissent devoir être attribuées, d'après Pouchet, à une
action spéciale exercée sur les éléments anatomiques du tissu nerveux. Binz avait déjà
pu noter la coagulation du protoplasme de cellules ganglionnaires fraîches en présence
de solutions d'iodures alcalins.
Mais, à côté de ces phénomènes, les hémiplégies et les paralysies alternes qui ont été
constatées à la suite d'intoxication par l'iodure de potassium doivent être attribuées à
une apoplexie séreuse résultant de la transsudation du sérum sanguin. Les accidents
désignés sous le nom d'ivresse iodique peuvent également facilement s'interpréter par
des modifications de la circulation cérébrale et bulbaire.
Action sur la nutrition. — Pendant longtemps, les expérimentateurs et les théra-
peutes n'ont point été d'accord sur cette action. Rahuteau signale, à la suite de l'emploi
de l'iodure, une diminution de l'urée et de la quantité d'urine excrétée et Binz, Hermann,
CoRRADi ont successivement admis ce résultat. Au contraire, Samoilow {Trav. du labor.
du P' Anrep., 1876, 27-33) conclut de ses recherches que l'iodure, pris à petites doses,
diminue l'excrétion de l'urine et l'augmente à doses plus considérables. Après lui,
Darier {Th. Paris, 1883), Smirnow, Duchène ont pu constater une augmentation de l'éli-
mination urinaire sous l'influence de doses moyennes d'iodures.
Les divergences d'apprécialion de l'action des iodures sur la nutrition proviennent
surtout de ce fait que les différents auteurs ne se sont pas placés dans des conditions
identiques, et qu'ils n'ont pas, d'ordinaire, envisagé le problème en entier, mais qu'ils
se sont contentés de rechercher la variation d'un élément particulier. De plus, ils n'ont
pas tenu compte de l'action propre due à l'élément combiné à l'iode, et, comme l'ont
montré Henrijean et Corin, l'action de l'élément électro-positif peut être prédominante
-et masquer ou faire varier en sens inverse l'action propre de l'iode.
On sait maintenant d'une façon certaine que l'iode agit d'une façon intense sur la
nutrition en lui imprimant une suractivité remarquable. On constate une augmentation
des échanges et des processus de désassimilalion. Étant donné l'activité des iodures
vis-à-vis des albuminoïdes, il faut nécessairement, pour expliquer cette action, que
l'iode soit mis en liberté et qu'il se fixe sur les albuminoïdes de l'économie pour donner
naissance à des albumines iodées douées d'une labilité plus considérable que les albu-
mines normales. Cette combinaison de l'iode s'effectue de préférence avec certaines
61 i lODURES.
albumines, en particulier, avec celles du fissu Ivmphoïile et aussi avec celles des tissus
pathologiques ou de néoformation. Nous ne reviendrons pas sur ce que nous avons dit
de l'action de l'iode sur la molécule albuminoïde, de nombreux travaux ont montré
que, par suite des processus d'oxydation et de réduction qu'il met en œuvre, toute
molécule albuminoïdique iodée est vouée à une destruction rapide par suite même de
la fixation de l'iode. C'est cette albumine iodée circulante qui, d'après Polchet, dissé-
mine l'ioile dans tout l'organisme et y joue le rùie d'élément étrann-er, excitant d'abord
une abondante leucocytose, puis ultérieurement, une leucolyse qui joue également un
rôle important, dans les processus de désassimilation. La décomposition des albumines
iodées s'accompagne d'une mise en liberté d'iode capable de constituer à nouveau une
combinaison avec une nouvelle molécule d'albumine et la proportion d'azote éliminé
par l'urine est toujours de beaucoup supérieure à celle de l'iode capable de provoquer
par sa coml>inaison la désintégration de l'albumine représentée par ce chiffre
d'azote.
Les recherches d'HExniJEAN et Cori.n sont à peu près les seules sur lesquelles nous
pouvons nous baser pour apprécier les détails de l'action des iodures sur la nutrition.
Ils ont montré que lazote total urinaire augmentait toujours, mais que les chiffres
de l'élimination de l'urée ne s'accroissaient pas proportionnellement, et que, dans cer-
tains cas, ils étaient même légèrement diminués par rapport à la normale.
Dans la plupart des cas, l'acide phosphori(iue éliminé augmente dans le même sens
que l'azote total. La constance du rapport entre ces deux éléments dans l'élimination
urinaire permet de penser que la désassimilation porte sur des tissus ne différant pas
de ceux qui s^mt intéressés normalement et qu'il ne s'agit là que d'une simple exa-
gération da la désassimilation normale.
On constate également une augmentation considérable de l'élimination des chlo-
rures, cette quantité peut être double ou même triple de celle éliminée normalement,
ce qui concorde absolument avec l'action lymphagogue des iodures suivie de diurèse
appauvrissant le sang en eau et en sels solubles.
L'iodure de lithium possède, en raison do la présence du lithium, une action légère-
ment dilTt^rente, et avec lui, on ne voit pas se produire une augmentation de l'élimina-
tion de l'azote et des phosphates, mais seulement une augmentation des chlorures
(He.xrijean et Corin).
La dissociation rapide des albuminoïdes et spécialement des albumines patholo-
giques ou de néoformation sous l'inlluence des iodiques se traduit donc par une désas-
similation incomplète avec élimination du groupement azoté de cette molécule et loca-
lisation partielle du groupement gras provenant également de cette décomposition. Ce
fait explique facilement les dégénérescences graisseuses constatées chez les animaux
soumis pendant un certain temps à l'action des iodiques.
Cette influence désassimilatrice de l'iode ne s'exerce pas seulement sur les albu-
minoïdes constitutifs des tissus, mais aussi sur leurs produits de dédoublement incom-
plets et sur les toxines autogènes ou hétérogènes de l'économie qu'il oxyde et détruit.
Cette destruction chimique vient suppléer et aider à l'action des leucocytes macro-
phages dont il stimule la genèse et l'activité. C'est ainsi que, comme le fait remarquer
LoRTAT Jacob, les iodiques, par leurs réactions sur les séreuses, sur le sang, sur les
organes lyraphoïdes, par leur excitation sur les processus de désassimilation, consti-
tuent de précieux agents d'immunisation et de défense de l'organisme dans les infec-
tions.
Cette désassimilation des albuminoïdes et la combustion incomplète de leur noyau
gras est prouvée par l'étude des échanges respiratoires sous l'intluence des iodiques.
Henrijeax et Corin ont constaté une augmentation persistante du quotient lespiratoire,
qui, même chez l'animal à l'état de jeune, devenait supérieur à celui de l'animal en
pleine digestion. Après un certain temps ce chilfre revient à la normale et peut même
tomber au-dessous.
Chez les animaux soumis à un jeûne prolongé, le quotient respiratoire atteint après
la suppression des iodures une valeur inférieure à celle relevée chez le même animal
dans les mêmes conditions lorsqu'on ne lui a pas administré d'iodure. Cette chute du
quotient respiratoire indique que l'animal, après avoir utilisé les hydrates de carbone
lODURES. — ION. 615
de son aliint'iUalion, oonsonime eiisuito les alliuminoïties en même temps que l'intcn-
silé des combustions va en diminuant (Poui.iiiCT,.
La inodiliealion des échanges respiratoires ne retentit pas sur la production de laciia-
leur, parce que la formation endolliermiqne de la fçraisse, puis sa combustion ultérieure,
expliquent la compensation qui s"t'-lai)lit au point de vue de la production de oliaieur,
Kn résumé, à la suite de sa combinaison avec la molécule albuminoïde, l'iode favo-
rise sa désassimilation : elle se dissocie en un fjroupement azoté qui s'élimine par
l'urine et en un groupement gras qui se brûle nlti-ricurement, augmentant au début le
([uotient respiratoire, puis, le ramenant ultérieurement à la normale ou légèrement
au-dessous.
J. CHEVALIER
ION. — Lps conceptions anciennes S'Ur le mode d'action des sels en biologie ont
été profondément rénovées depuis une vingtaine d'années. Les acquisitions de la
chimie physique ont modilié nos idées sur l'état des substances salines dans les solu-
tions et ont eu fatalement leur répeicussioii en physiologie, .\ussi longtemps que l'on a
cru que les sels se dissolvaient exclusivement n l'étal de molécules, on a tout naturelle-
ment admis qu'ils agissaient comme tels sur les protoplasmas. A l'heure actuelle, con-
formément à la conception émise par AnnuENius en 1887, on admet que les sels en
solution se dissocient, fout au moins partiellement, en leurs radicaux constituants et
que ceux-ci sont libres dans le solvant. Dès lors, il est permis de penser que ces radi-
caux dissociés ou ions interviennent pour une part propre dans l'action biologi(]ue
exercée par les sels. Deux problèmes se posent |)Our le biologiste, qui intéiess<,'nt parti-
culièrement la physiologie et la pharniacodynamie générales. Le premier consiste à
déterminer s'il intervient réellement des actions d'ions dans les actions qualitatives
cellulaires exercées par les éleclrolytes, qu'il s'agisse d'action physiologique ou d'action
toxique. Le deuxième, plus important encore, consiste à déterminer si la valeur quanti-
tative de la réaction n'est pas jtistement comntnndce essentiellement par une action d'ion.
Ce sont là les problèmes qui seront examinés dans cet article. On y exposera, et
surtout ou s'elTorcera de démontrer, l'intervention des ions en biologie.
Il va de soi que nous ne ferons ici aucune étude spéciale de l'action qualitative
respective d'ions divers sur les diverses fonctions. Cette étude spéciale trouve dans ce
dictionnaire sa place naturelle à l'article concernant chaque élément susceptible d'agir
à l'état d'ion (calcium, potassium, sodium, etc.). Le rappel des données physiques sera
de même réduit à l'exposé des faits fondamentaux qui relient la théorie [diysique des
ions aux conceptions biologiques actuelles sur les réactions cellulaires vis-à-vis des
électrolytes.
DÉFINITION DES IONS. - LEUR RÔLE EN PHYSIQUE ET EN CHIMIE.
En 1805, Croitui ? avait émis l'opinion (jne les molécules d'un sel en solution sont
formées d'atomes liés entre eux, les uns chargés positivement et les autres négative-
ment. I,e passage du courant libérerait à l'anode les atomes porteurs d'électricité
négative et à la cathode ceux qui sont chargés d'électricité positive.
F.\RAt)AV (1835) a distingué les corps dont les solutions conduisent l'électricité ou
électrolytes et ceux dont les solutions ne conduisent pas l'électricité ou non-électroh/tcs.
Les acides, les bases, les sels, résultant de la combinaison de ces acides et de ces bases,
sont des électrolytes. Beaucoup de substances organiques — ainsi le sucre, l'urée —
sont des non-électrolytes. Le passage du courant à travers un électrolyte s'accompagne
de la libération, aux électrodes, de chacun des radicaux constituants de la molécule de
l'électrolyte, c'est-à-dire des ions de F.vkadav. A l'anode va l'anion, à la cathode va le
cathion. Dans le cas des sels métallitjues, les métaux sont les cathions; les acides, les
anions. Une relation définie relie le passage de l'électricité et la décomposition chi-
mique : la libération d'un ion-gramme d'un corps monovalent exige toujours une même
quantité d'électricité, soit environ 90,580 coulombs. La libération d'un ion-giamme d'un
corps polyvalent exige cette quantité d'électricité, multipliée par la valence du corps.
Crotthus et Faraday admettaient que les radicaux de sels dissous sont, avant le pas-
616 ION.
sage du courant, liés entre eux dans les molécules. Clalsii s, en 1857, a critiqué cette
opinion : si une pareille liaison entre les atomes était réelle, la dissociation de la molé-
cule en atomes chargés électriquement exigerait un certain travail et, par conséquent,
il existerait pour un sel déterminé une limite inférieure d'intensité du courant au-
dessous de laquelle l'électrolyse ne serait plus possible. Or, Blff a montré qu'il y avait
toujours électrolyse, quelque faible que fût le courant. Clausius s'appuie sur ce fait
pour affirmer que les atomes sont libres avant tout passage de courant : celui-ci ne fait
que les orienter vers tel ou tel pôle.
Cette opinion a été reprise et développée par Aruhe.mls qui, le premier, en a com-
pris la véritable portée et a montré combien la théorie de la dissociation des électro-
lytes dissous pouvait être féconde pour l'interprétation de phénomènes physico-
chimiques, difficiles à comprendre sans elle.
Les études des physiciens avaient fait connaître une série d'anomalies apparentes
relatives à la pression osmotique, à la cryoscopie, à l'ébullioscopie. Pour les corps
organiques non salins, tels que le sucre et l'urée, il est remarquable de constater, par
exemple, que la pression osmotique de leurs solutions est rigoureusement proportion-
nelle à la concentration moléculaire, exprimée en molécules-grammes, de chacune
d'elles. Pour les électrolytes il n'en est plus ainsi. Le calcul de la pression osmotique
conformément à la loi de proportionnalité donne toujours un chiffre inférieur à celui
trouvé par l'expérience. Arrhemus montra que. pour interpréter clairement le phéno-
mène, il suffit d'admettre que la solution d'électrolyte, soit de NaCi, par exemple, n'est
pas constituée exclusivement par des molécules complètes, intactes, mais bien, dans le
cas considéré, à la fois de molécules NaCl et de molécules dissociées en leurs ionsNa et
Cl. Les ions, libres de se mouvoir dans le liquide, exercent dès lors, au même titre que
les molécules complètes, des actions propres physiques, chimiques, fonction de leur
masse, de leur charge électrique, de leur nature spécifique. Ainsi la théorie d'ARRHEMUS
a permis, dans le domaine physique, de comprendre et de classer une série de phéno-
mènes jusque-là chaotiques, en même temps qu'elle devenait l'inspiratrice de mé-
thodes nouvelles d'études et ouvrait un champ de recherches assez vaste pour consti-
tuer une science autonome, une science pcc se, comme disait Clalde Bernard de la
physiologie '.
La chimie de son côté a largement bénéficié de la lln'orie des ions. L'hypothèse
de la dissociation électrolytique a donné l'explication de la <■ force » énigmalique des
acides; l'expérience a montré que les acides minéraux, acides forts, avaient une con-
stante de dissociation élevée, tandis que les acides organiques, acides faibles, avaient
une constante de dissociation beaucoup moindre. Les. réactions courantes de l'analyse
minérale se sont éclairées à la lumière de la conception d'ARRHENius. Les réactions de
précipitation sont devenues de claires réactions d'ions. Si NaCl est précipité par AgNO',
et non l'hypochlorite ni le chlorate de Na, pas plus que le chloroforme ni le chloral,
c'est que, de ces corps divers, les deux derniers ne sont pas ionisés et l'hypochlorite et
le chlorate contiennent des ions différents de l'ion Cl : la réaction de précipitation est
donc bien une réaction de l'ion chlore. La nature des métaux <■ dissimulés » s'est trouvée
aussi, du même coup, expliquée : c'est que ces métaux n'entrent pas alors dans la
constitution du corps à titre d'ion métallique, mais font partie d'un ion complexe, doué
de réactions propres. La théorie des ions a montré encore que le processus, par lequel
se fait en chimie le déplacement d'un acide faible par un acide fort, ne tient pas à une
affinité particulière entre l'acide fort et le métal, mais bien à la faible dissociation
électrolytique de l'acide du sel. L'étude générale des phénomènes de neutralisation,
des indicateurs, des solubilités, des vitesses de réaction, a enfin révélé constamment
des faits, conséquences naturelles de la théorie de l'ionisation.
RÔLE DES IONS EN BIOLOGIE.
En présence du bénéfice immédiat et considérable que la physique et la chimie
générales ont donc tiré de la théorie de l'ionisation, il serait vraiment superflu de
1. « Physiologia non posthac ancilla medicinse, sed scientia per se » (Cl. Bernard).
ION. tilT
recherclier dos raisons |iai'lifulièrt'S à l'iiillutMicc tixeicéc pai- colle in»'int; tlnjoiic dans
les études des plit-nomônes bioloiiiques, puisque aussi bien ceux-ci ne Ionique traduire
les réartions physiques ot cliiniiquos qui se passent dans les êtres vivants. L.-C. Maii,-
LARit a très judi.it'usenu'iit t'-crit: ^ Pour qui connaît le grand rôle, chez les êtres vivants,
des matières minérales d'abord, puis dos acides or;.'ani(iues et des bases organiques si
nombreuses qui résultent des mutations do la vie, il est évident « priori que les réac-
tions d'ions doivent être im[)ortantes dans c(; domaine. »
Les sels, les bases et les acides ne sont, d'ailleurs, pas les seuls constituants chi-
miques de l'ëconomie susceptibles de s'ioniser. Les éludes de Huedk; et celles do Win-
KELBLKCH, conOmiées et développées par Walkkr et Tu. Paul, ont montré que certaines
xanthines et les amiuo-acides peuvent subir la dissociation électrolytique. Ces corps
sont des éloclrolyles ampholères qui, dissous dans l'eau, s'ionisent et donnent des
bydrogénions et dos liydroxylions. En outre, certains de ces éloctrolyles (caféine)
forment avec les acides et les bases des sels qui se dissocient. Gamgke (1902), Hardy
(190;), WooD et Hardy (1909), Pauli et Handowsky (1909) ont obtenu avec des albu-
mines mises en présence d'acides et de sels des composés nouveaux qui subissent la
dissociation électrolytique. Ces résultats tendent donc à élargir encore considérable-
ment le rôle des ions dans les phénomènes de la vie.
Aussi bien de nombreux travaux ont-ils été publiés sur cotte question. .Mais ce que
l'on peut dire du plus grand nombre d'entre eux, c'est qu'ils ne constituent pas des
preuves tlémonstralives directes que l'on abien atl'aire à des actions d'ions. Par un abti^
fâcheux du langage beaucoup d'expérimentatouf s emploient le nwt ion pour désigni^r le
l'adical d'un sel, aohs avoir préalablement établi que ce radical agit à l'état isolé, après dis-
sociation de la molécule primitive. De tels travaux peuvent prouver, à la vérité, l'in-
(luence physiologique ou toxicologique des constituants métalliques de divers sels, au
même titre que les travaux anciens et, d'ailleurs, fondamentaux do S. Rincer: la théorie
des ions interprète leurs résultats, mais ceux-ci ne démontrent pas celle-là. Or, toute la
question est justement et seulement, ici, de démontrer l'intervention efTeclive des ions
en biologie.
Notre point de vue restant essentiellement démonslratif, nous ne nous arrêterons
pas davantage aux recherches où les auteurs prétendent introduire, j)ar élcctioUj^c des
sels à l'état d'ions au sein des plasmas et des tissus de l'organisme animal. Qu'il y ait
là une méthode thérapeutique douée d'une valeur propre, c'est un point de vue parti-
culier ijui n'est pas en jeu ici. Ce qu'il importe de déterminer, c'est le degré de certi-
tude qu'une telle méthode fournit sur la réalité et la grandeur des actions d'ions. Or
il est clair que les résultats observés se prêtent, quand il s'agit d'actions à distance sur
un organe profond, à une interprétation complexe. Cette complexité d'interprétation
résulte du fait que l'expérimentateur ignore complètement si les ions introduits sont
restés réellement libres ou si, au contraire, ils sont entrés, après pénétration intra-
organique, soit partiellement, soit totalement, dans de nouveaux groupements molécu-
laires. Ce n'est donc k\\x arbitrairement que la réaction observée peut être lapportée,
dans ce cas, à une action d'ion libre.
Parmi les travaux vraiment probants, au point do vue (jui nous occupe, il convient
«le citer tout d'abord ceux dont les résultats, encore que les auteurs ne les aient pas
interprétés à la lumière de la théorie d'.\RRHE.NiL's, n'en sont pas moins une bonne
démonstration en faveur de l'intervention des ions en biologie.
Nasse, en 1869, a étudié l'action nocive pour le muscle de solutions équimoléculaires
de divers acides. Ceux-ci peuvent se ranger comme il suit, par ordre de toxicité
décroissante : acides azotique, sulfuriquc, chlurlnjdrique, oxalique, acétique, vinique,
phosphoriquc, arsénieux, arsénique, borique. Si l'on consulte les tables de dissociation
électrolytique, on voit que les acides les plus toxiques sont'aussi les plus dissociés. Il
existe donc un rapport direct entre l'intensité de l'action pharmacodynamique et le
nombre des hydrogénions libres.
Pkeffer, dans ses recherches sur les tactismes, a démontré (jue tous les sels de
l'acide malique attirent les anthérozoïdes des mousses, tandis que les élhers maliques
sont dépourvus de la même action. Ces faits sont clairs, au point de vue de la dissocia-
lion électrolytique : les sels, qui la subissent, 'révèlent les propriétés de l'ion malique:
618 ION.
les éthers, qui ne s'ionisent pas, ne présentent pas, en consi'quence, l'action propre à
cet ion. r,otte interprétation, qui explique les résultats obtenus, n'était toutefois pas
alors dans l'esprit de l'auteur (W. iM-EFiEii, Pflatizcnplij/slolofjic, I-II, W. Engfxm.wn,
1807-1904].
Dreser, au contraire, en 1893, rapporta nettement à l'ion l\'^ l'action de divers com-
posés merruriqnes sur la levure de bière, sur des grenouilles et des poissons. Pour la
levure de bière les phénomènes sont f)articulièroinent nets ; le cyanure et le sulfocya-
nure mercuriques, la mercurisuccininiide, empêchent la fermentation du sucre à des
doses correspondant à 1 p. 1000 de lli^Cl-. Le mercuritiiiosulfatc do K, en revanche, ne
l'entrave pas à des doses éiiales ou supérieures : le résultat est en rapport direct avec
la concentration des ions 11^', bien moindre dans ce derni(;r cas.
Plus lai'd, Kahlenbeu(. et True clierchcrent, de leurcùté, une relation entre les ions
des corps et leur pouvoir toxique sur des organismes végétaux. Ils déterminèrent les
doses d'acides, de bases, de sels métalliques qui étaient toxiques, en solutions très
diluées, pour les plantules du Lupinii^ albus. Les résultats montrèrent que la dilution
limite, compatible avec la vie de la plantule, était la même pour les divers acides
forts. La dilution t'-tant très étendue 1 molécule-firamme dans G 400 lilresi, la dissocia-
tion était vraisemblablement totale, et les solutions renfermant, dès lors, un nombre
d'ions II en proportions équivalentes, il était nalnicl de rapporter à cet ion leur même
valeur toxique. La dose to.xique était aussi la même pour tous les sels de cuivre , à des
dilutions extrêmement étendues et dont la dissociation pouvait être considérée comme
totale : là encore l'actipn toxique était donc une action de l'ion Cu. Ces expériences
prouvent toutefois seulement la toxicité des ions, mais non davanlai:c. IIeald a fait des
expériences de même ordre que KAHLENUEur. et True : elles ont porté sur Pisum sativuiHy
Zea mah, Cucurbita pepo, et ont donné des résultats absoUunent superposables à ceux
des précédents expérimentateurs. Des expériences de même type ont été encore réa-
lis<'es par Stev.sns et Clark.
Les recherches poursuivies par Paul et Kro.mg, en 189G et 1897, api)orlèrent des
données réellement nouvelles sur la part prépondérante que prenaient les ions libres»
comparativement aux mrmes alomcf^ des molôculcs non dissociées, dans la détermination
et la grandeur d'une action toxique chimique
Dans leurs recherches, Krônig et Paul se proposèrent pour Imt de déterminei
l'action sur diverses bactéries [B. antfiracis, Streptococcus pyogenes aureus) de solu-
tions antiseptiques de coticcntration rigoureusement connue, et dans des milieux de
composition parfaitement déterminée. Ces conditions sont, on le comprend, extrême-
ment importantes il connaître, enraison de l'intluence qu'elles e.\ercent sur les phéno-
mènes d'ionisation. Kronig et Paul ont étudié les sels des métaux lourds, une série
d'acides, des alcalis, divers agents d'oxydation, le phénol, la formaldéhydo. Ils ont net-
tement montré que la puissance antiseptique était fonction du degré d'ionisation,
croissait et décroissait avec celui-ci. Pour les sels mercuriques, en particulier, l'action
antiseptique dépend de la concentration des ions Ilg, et bien peu, ou pas du tout, des
molécules non dissociées. Des sels, qui ont très sensiblement la même constante de
dissociation, tels que HgCl- et HgBr-, ont le même pouvoir antiseptique pour une
même concentration moléculaire. Le cyanure de mercure, beaucoup moins dissocié, a
une puissance antiseptique moins forte. L'addition de NaCl à une solution de HgCl-, en
établissant, par l'apport d'un même ion Cl et conformément à la loi des masses, un
nouvel équilibre physique entre ions et molécules, fait rétrocéder la dissociation du
chlorure mercurique, c'est-à-dire baisser la concentration des ions Hget,du même coup,
le pouvoiranliseptique initial de la solution de HgCl'-. C'est par un mécanisme analogue
de rétrocession secondaire des ions Hg que l'addition de HCl à une solution de HgCl-
diminue, comme l'on sait, la puissance antiseptique de celle-ci, que renforce, au con-
ti'aire, l'adjonction d'un acide organique faible, tel que l'acide tartrique. Les résultats
des recheiches de PAULet Kronig ont donc démontré d'une façon nette le rôle prépon-
dérant qui revient aux ions dans l'action to.'îique exercée par les antiseptiques chi-
miques vis-à-vis des bactéries.
Peu après la publication des travaux de Kronig et Paul, J. Lœb faisait paraître ses
premières recherches sur les actions d'ions. Elles étaient relatives à diverses actions
ION. 61i»
|iliysi(iiic.s ou ln\i,iiios iiih'rcssaiil Ir muscle isol6 de gronouille. Ellcsont montré (\iw,
les sululions tics acides l'orls IlCl, UNO', II-SOS assez foiicmciit dissocicos pour roii-
fcrmor le même nomlirc d'ions II, [troduisonl la même aiigmniitalion d'eau du muscle.
De mcm.-.dcs solutions de l.ases l.iOll. .\aOil, KOll, ' ,. SrfOIl -, '/ •î''i(f>'l)- ont lamcm<-
1,'rantlcur d'inllucncc, à ('palili' (i"o.\liydriles iouisi's OU. D'autre [jart, l'i'ludc des varia-
lions d'excital)ilité du muscle, sdiis j'iiilluence d'une immersion de durée détermim'e
dans des solutions diverses de s(ds alcalins et alcaline-terreux, (Hablit (jue la toxicité
des diverses solutions salines est en rapport avec la vitesse de migration des ions, tout
comme dé[icMdcnl de ce même fadeur leur (^onduclihilit*' électrique et leiii- vitesse de
din'usion.
Depuis lors, .1. L(i:it a poursuivi, seul ou avec ses élèves, la iemarqual)le sé-iie de
recherches universelleiiuMit connues, qui trouvent une interprétation si satisfaisante
ilu point de vue de la théorie de. la dissociation électrolytique. Ces recherches ont
marqué rimportance du rôle des ions métalliques dans la nutrition et le maintien de
l'excitabilité des cellules animales ou végétales, la nécessité de mettre en présence,
pour constituer un milieu nutritif, un mélange de cathions monovalents et de calhions
|)olyvalents, l'existence d'un é([uilihre à réaliser entre les ions de valence diverse et à
fonctions antagonistes, tous phénomènes qui constitu(!nt, suivant l'expi'ession même
de J. LfKii, les hases fondamentales do la « dynamique de la vie ».
Vers la même éiiocpie à laquelle J. Lu:b publiait, ses premiei's travaux sur les actions
d'ions, L. Maillard avait déjà commencé une série de recherches extrêmement précises
sur l'intervention des ions dans les phénomènes biologiques. Grâce à la longue durée,
de ses expériences Maillard fut le premier, en particulier, à éliminer toute inlluence
propre de la pression osniotique dans les résultats observés. D'autre part, c'est à la
balance qu'il a demandé la mesure rigoureuse des variations de son réactif d'étude.
Le problème que s'est proposé Maillard a consisté à élever un pied de Peniciliiiim
glaticiim dans chacun des ballons d'une série contenant tous un milieu nutritif très
simple, sans intluence propre sur les phénomènes d'ionisation, et auquel on ajoutait
des proportions variables de SO'*Cu, soit pur, soit additionné d'un sel à même anion,
Na-SOK L'addition de Na-SO' faisait régresser la dissociation de SO'Cu, et constituait
ainsi un moyen de diminuer la quantité des ions Cu libres, sans pour cela touchera la
quantit(' brute de SO''Cu introduit. L'expérience était poursuivie des semaines et des
mois; au bout de ce temps, les cultures étaient pesées. Les résultats furent extrême-
ment nets : le poids de récolte fourni par chaque pied du champignon se trouva inver-
sement proportionnel àla quantité de Cu ionisi- de la solution, quelle que fût d'ailleurs
la quantité du cuivre total. C'est donc à l'ion Cu que l'on doit rapporter la toxicité du
sulfate de cuivre pour le Pénicillium glaucum.
L'influence directe des ions métalliques et surtout leur prépondérance dans la
toxicité des sels était donc définitivement démontrée, en dehors de toute intervention
des phénomènes osmoliques.
Les résultats obtenus par les expérimentateurs précédents ont poussé les physiolo-
gistes à vérifier l'intervention des ions dans les réactions présentées par les animaux
supérieurs. Hichauds (1898) s'est posé la question de savoir si la sensation gustative
produite par les acides mis en contact avec la langue est d'autant plus intense que
l'acide est plus dissocié. Cet expérimentateur a trouvé qu'il en est bien ainsi pour des
solutions équimoléculaires d'acides lavlrique, citrique et acétique. Mais d'autres acides
donnent des résultats qui ne cadrent pas avec les faits précédents. Kahlenbkri;, au
cours de recherches analogues, est arrivé aux mêmes conclusions que Iîiciiards.
On peut dire que c'est Sabbata.m qui le premier a fourni, dans nn ensemble impor-
tant de travaux, des preuves très démonstratives de l'inlervenlion des ions chez les
animaux supérieurs et chez les mammifères en particulier. SAïuiATAM a montré que
le Ca à l'état d'ion est indispensable pour la coagulation du sang chez le chien. En effet,
différentes causes susceptibles de diminuer le degré d'ionisation des sels de ce métal
peuvent produire l'incoagulabilité. (^est ainsi (jue les sels de Ca, à de très grandes
concentrations, rendent le sang incoagulable : en effet, dans les solutions très concen-
trées de ces sels, leur dissociation rétrocède et leCa n'est plus dans le sang à l'état d'ion.
Certains faits observés après addition au sang de sulfate et de bicarbonate de sodium
620 ION.
plaident également en faveur de la nécessité' du Ca ion dans la coagulation. On sait,
<l'une part, que si Ion ajoute à du sang oxalaté un peu de sulfate ou de bicarbonate de
sodium, la coagulation se produit. D'autre part, si à du sang ordinaire on ajoute une
très grande quantité de sulfate ou de bicarbonate de sodium, la coagulation n'est plus
possible. Ces faits, en apparence paradoxaux, peuvent s'expliquer grâce aux notions
actuellement acquises sur la dissociation électroiytique. Dans un litre de sang normal,
on a, comme concentration du Ca on gramme équivalent, des valeurs oscillant entre
0,002 o9 et 0,00i 34. Or, la concentration du Ca dans un litre de solution saturée de
sulfata de calcium ou de bicarbonate de sodium est de :
Bicarbonate O.OnGO
Sulfate 0,03000
C'est grâce à cette solubilité faible, mais suffisante, du sulfate et du bicarbonate de
Ca que le sulfate et le bicarbonate de soude, en petite quantité, font coaguler le sang
oxalaté. Mais, si l'on ajoute une grande quantité de ces sels au sang oxalaté, il n'y a pas
coagulation du sang. Dans ces conditions, en effet, le sulfate ou le bicarbonate de
calcium formés se trouvent dans une solution contenant un sel à même radical
(SO* et CO') que le sel de calcium. Cette addition fait rétrocéder l'ionisation de Ca, et le
sang ne se coagule pas. Le calcium est donc nécessaire à l'état d'ion pour produire la
coagulation du sang.
Dans une autre série de rechercbes SADBATA.Nia déterminé, cliez le lapin, le chien et
la grenouille, la dose minima mortelle de nitrate d'argent, de sulfate de cuivre et de
sublimé. Il a noté que, s'il injectait en même temps que cette dose minima mortelle
du tbiosulfate de sodium, les accidents caractéristiques de l'argent, du cuivre et du
mercure n'apparaissent pas. Or, on sait que le tbiosulfate de sodium empêche l'ionisa-
tion du nitrate d'argent, du sulfate île cuivre et du sublimé. Donc, dans les conditions
ordinaires, la toxicité do ces substances est duo principalement au fait qu'elles se
trouvent à l'état d'ion.
BiAL (1902) a étudié l'action toxique des acides sur la levure de bière dans ses rela-
tions avec la dissociation électroiytique de ces acides. Celte toxicité est très fortement
diminuée par addition (à la solution de l'acide) d'un sel neutre à même anion que
l'acide lui-môme. Ce fait est mis nettement en lumière par le tableau suivant :
Poids
de levure récolté
dans un temps
Substances contenues dans la solution. déterminé.
gr.
HCOGH 0,01 « i
HCOOH 0.01» + llCOONa 0,3/( 'M
C1I->C00H 0,02oh; 12
CI13C00H 0,025n + CH!COONa 0.023n 45
L'addition d'un sel neutre à même anion fait n'trocéder la dissociation électroiy-
tique des acides : ceux-ci agissent donc sur la levure de bière à l'état ionisé.
C. H. Neilson et 0. IL Rrown (190.') ont étudié l'influence des ions sur les processus
catalytiques. On sait que la mousse de platine et l'extrait de rein décomposent l'eau
oxygénée. La libération d'oxygène sous l'influence de ces agents est considérablement
diminuée si on ajoute du sublimé dans le milieu de réaction. Cet effet empêchant du
sublimé est très amoindri si on met dans l'eau oxygénée, en même temps que l'extrait
rénal et le chlorure mercurique, un sel contenant l'ion Cl. Or on sait que, dans ces
conditions, la dissociation du sublimé rétrocède ; ce sel a donc un effet empêchant plus
considérable à l'état d'ion qu'à l'état de molécule.
De ces recherches relatives à l'action des ions sur les processus eatalytiques, il convient
de l'approcher celles de Sœrexsen (1909) sur l'invertine, lacatalase et la pepsine. Cet expé-
rimentateur a constaté que les divei's acides influencent ces ferments, non proportion-
nellement à l'acidité de titration, mais en raison directe de la concentration des ions H.
V. Pachon et h. Bcsquet (1907) ont abordé l'étude du rôle des ions en biologie d'une
manière tout à fait diflérente de leurs devanciers, et dans des conditions particulière-
ment correctes et démonstratives. En effet, pour prouver une action d'ion, divers desi-
FON.
651
derala tloivent retenir l'atltMilioti des expérimentateurs. En dehors des conditions
d'équilibre osmolique qui doivent exister entre la solution dï'tude et le réactif vivant
destiné à en traduire l'inlluence, il y a deux conditions essentiellement importantes à
réaliser pour la bonne conduite d'une démonstration réellement probante d'action d'ion.
Tout d'abord l'ion d'étude intluenranl doit avoir un sens d'action très nettement défini.
D'autre part, l'orjiane iniluencé doit pouvoir traduire l'impression reçue en dehors
de toute perturbation étranijère. C'est dire que, dans le cas de l'expérimentation animale,
il doitôtre placé dans des conditi<ins telles qu'il soit à l'abri de toute influence or(/nni-
qnc ou extérieure pouvant modifier secondairement, par mécanisme réflexe ou direct,
son fonctionnement. L'organe doit donc être isolé. Aussi bien les organes en survie se
prèfent-il? particulièrement — et même se prétent-ils seuls — ù des études d'action
d'ion, ou du moins, à des mesures quantitatives d'action d'ion ou de toute substance
chimique : l'organisme entier de l'animal vivant ne saurait convenir à la rigueur obligée
de déterminations de cet ordre. La multiplicité des relations organiques fonctionnelles
et l'existence de mécanismes réaclionnels compensateurs, d'une part, la difficulté ou
même l'Impossibilité de localiser les ofTets de la substance d'épreuve, d'autre part, sont
autant de causes qui, en créant tout un jeu de réactions secondaires, s'enchevôtrant et
s'influençant réciproquement les unes les autres, empêchent toute détermination exacte
de la yrandeur iVinflucnce directe d'une sid)stancc définie sur le fonctionnement d'un organe
déterminé. L'ov^ane isolé se prête seul, en définitive, à la solution d'un tel problème.
Après avoir ainsi fixé l'électivité de la méthode de l'organe en survie comme
méthode de mesure quantitative d'une réaction biologique à un agent déterminé, Pachox et
BusQUET ont choisi, d'une part, comme ion d'étude influençant le cathionK, en raison de
la constance et de la netteté de son action dépressive sur le cœur. Ils ont choisi, d'autre
part, comme organed'étude à influencer lecœurisolé du lapin, en raison des conditions
actuellement bien acquises qui rendent l'expérimentateur assez complètement maître
de la régularité du fonctionnement de cet organe hors de l'organisme.
Le cœur isolé de lapin est entretenu en survie, grâce au procédé classique d'irriga-
tion coronaire de Lvngendorff, par la circulation de liquide de Rincer, additionné de
glucose et saturé d'oxygène, suivant l'indication complémentaire de Locke. Le dispo-
sitif expérimental approprié, essentiellement composé d'un système conjugué de bal-
lons contenant les liquides en circulation sous pression d'oxygène et maintenus dans
un thermostat à 40°, permet de faire circuler alternativement à travers le cœur soit la
solution physiologique de Ringer-Locke ', soit cette même solution additionnée d'un sel
déterminé de potassium. Un manomètre et un thermomètre, disposés convenablement,
donnent la pression (0™,03 à 0™,04 Hg) et la température (3So-38°) du liquide de circu-
lation à l'entrée dans le cœur. Celui-ci est relié à un myographe à poids de Marey.
Les sels de potassium, dont Pachon et Busquet ont étudié comparativement la gran-
deur d'action toxique cardiaque, sont les suivants : chlorure, bromure, iodure, nitrate,
chlorate, ferro-cyanure, forminte, acétate, lactate. Ils ont tous été administrés à même
concentration moléculaire. Le tableau ci-dessous donne les poids de chaque sel respec-
tivement contenus dans un litre de solution de Rinoeu-Locke. Les diverses solutions
équimoléculaires correspondent à 1 gramme de KCl par litre, jsoil au titre 1/74, îj normal.
Tableau des sels de K expérimentés.
Poids
molë-
Formiilo. culairo.
KCl 14,ri
KBr 119
Kl 166
KNO^' 101
KG103 122
Poi.Is
dissous
corres-
pondant
àOP',52 K.
gr.
1
1,58
2,21
1,34
1,62
Formiilp.
KH<'e(CN)«, :î aq
HCOOK ....
dit — GOOK. .
CHi — CIlOll — COOK
Poids
dissous
Poids
corrps-
molo-
poudant
ciilairo.
à 0lï^52 K
gr-
gr.
422
1,40
84
1,12
98
1,30
128
1,7(1
1. La formule utilisée dans les expériences a été la suivante : NaCl, 9 grammes; KCl, CaCl-,
NaHCO^ de chaque Ok',20 ; glucose, 1 gramme; H-0, q. s. pour un litre.
«
624
ION.
4-
+
4-
Résultats. — L'expérience mon-
tre que ces divers sels de potassium,
en solution au même titre nor-
74,5
mal, ne présentent pas iine grandeur
équivalente d'effet toxique sur le co;ur
isolt- du lapin.
Les uns exercent une action d'arrêt
total : les ventricules arrêtés d'abord,
avant les oreillettes, sont relâchés,
leurs cavités très distendues, et les
battements rythmiques ne reprennent
que si, après avoir suspendu l'arrivée
du liquide toxique, on fait circuler de
iHiuveau à traveis le cœur la solution
jibysiologique de Ringek-Lockk. C'est
ainsi que se comportent le chlorure, le
nilrale, Viodure et . le bromure, consti-
tuant donc le groupe le plus toxique.
D'autres sels, au contraire, tels
que le f'erroci/anure et le chlorate,
produisent un ralentissement du
rythme cardiaque et une diminution
surtout très notable de la force des
contractions du cœur, mais ne par-
viennent pas à déterminer l'arrêt
complet des battements.
D'autres enfin, comme \e fonniale,
Vacctate, le lactatc, produisent un
ralentissement inappréciable du
rythme et seulement une diminution
de la force des contractions, dans des
proportions moindres (jue les précé-
dents.
En présence de tels résultats,
démontrés par des graphiques très
explicites que nous donnons, si on
les examine au point de vue de la
dissociation électrolyti(jue,on ne peut
pas ne pas être frappé du rapport
étroit entre la grandeur d'action
toxique cardiaque et celle du coeffi-
cient de dissociation des sels expéri-
mentés. Aux sels à acides minéraux,
dont le coefficient de dissociation est
le plus élevé (KCl, KNO^ Kl, KBr),
correspond le maximum d'action
toxique pour le cœur. Aux sels dont
le coefficient de dissociation est
moindre [KCIO^ K'^Fe (GN)e] corres-
pond une action déjà atténuée. Enfin,
aux sels à acide organique, dont le
coefficient de dissociation est encore
moins élevé (formiate, acétate, laclate),
correspond l'action dépressive car-
diaque la plus faible, par rapport aux
sels précédents.
UICT. IlE l'HÏSIOLOGIE — TD.Mh IX
40*
ION. 627
Toutefois il y a lieu (ruxaminer si, dans la détenniiialioii «lélînitivc du résultat
observé, n'intervient |>as, pour une paît propre, l'anion du sel potassique. Aussi bien
Pachon et BusQCET ont-ils étudié, à ce point de vue, les divers sels de Na de même anion
que les sels de K expérimentés. Il importait, en particulier, de rechercher si, dans le
cas des sels les plus toxiques (KGF, Kl, KFJr, KNO^), l'anion ne possédait pas une action
propre s'aioulant à celle du K, et si, dans le cas des sels de toxicité moindre (2" et
'M groupes), l'anion ne masquait pas, grâce à une action de sens inverse, les effets
dépressenrs et diaslolitjues du cathion K.
Paciion et BusQUKT ont donc répété les expériences faites avec les divers sels de K,
en substituant à ceux-ci, dans chaque cas particulier, les doses équimoléculaires du sel
correspondant de Na.
Dans ces conditions, ils ont pu constater, d'une part, que les chlorure, iodure, bro-
mure, nitrate de Na, au titre ::^j-r. normal dans le liquide de Rinoer-Locke, ne mani-
festent pas d'action dépressive vis-à-vis du cœur. D'autre part, les chlorate, fer rocyanure,
1
formiate, acétate et lactate de Na, au titre -— ; normal en solution de Ri.nger-Locke,
74,5
non seulement ne produisent pas d'effet renforçant, comme cela a été démontré déjà
)>our le formiate par G. Fleig, mais encore sont susceptibles, comme le lactate, ainsi
que l'a indiqué Backman, de produire, au contraire, un effet dépiesseur.
Dès lors, dans les résultats, tout rôle propre de l'anion, aux concentrations molécu-
laires expérimentées, doit être mis hors de cause pour expliquer l'échelle de toxicité
cardiaque des divers sels de potassium. Pachon et Biisquet peuvent légitimement con-
clure. En résumé, l'étude dune série de sels de potassium, dans lesquels le cation K
exerce seul ou d'une façon prépondérante une action définie sur le cœur, montre que la
grandeur de l'action toxique dépressive est variable pour les divers sels administrés à
même concentration moléculaire. Ces sels se groupent suivant une échelle de toxicité,
qui est en rapport étroit avec celle de leur dissociation électroly tique. Toute influence
propre de l'anion, aux concentrations moléculaires expérimentées, doit être mise hors
de cause. Il apparaît donc bien que c'est la teneur des solutions en potassium ionisé
qui règle l'intensité de la réaction biologique, indépendamment de la teneur brute des
solutions en potassium. En définitive, c'est la démonstration directe, sur un organe com-
plet en fonctionnement physiologique, des rapports qui relient l'intensité des réactions biolo-
giques à la grandeur des phénomènes d'ionisation.
L'intervention des ions dans le fonctionnement du cœur isolé, démontrée^par
Pachon et Busquet, a été confirmée par les recherches ultérieures de Camis sur la
caféine et la tuéobromine. Cet expérimentateur a fait circuler alternativement dansée
cœur isolé, d'une part, du liquide de Ringer-Logre et, d'autre part, du liquide de Ringer-
LocKE additionné de caféine ou de théobromine. On sait que ces substances sont des
électrolyles dissociables. Camis a constaté que leur action toxique cardiaque est tout à
fait parallèle à leur degré d'ionisation.
De points très divers de l'horizon biologique sont donc venues des preuves indubi-
labl' s de l'intervention des ions chez les êtres vivants. Au plus haut degré cette notion
intéresse la physiologie générale, puisque les liquides qui circulent au contxct des élé-
ments anatomiques contiennent de nombreux électrolytes, dont l'action sur les cellules
est directement fonction de leur dissociation. Il est également d'une importance capi-
tale, au point île vue de la pliarmacodynainie et de la thérapeuticiue, de savoir que
t'inlluetice exercée par les agents médicamenteux est considérablement modifiée sui-
vant les conditions de dissociation électrolytique dans lesquelles se trouvent leurs élé-
ments au sein d'une solution ou d'un mélange donné. Enfin la toxicologie peut tirerdela
théorie d'ARuiiENu;:^ des suggestions tout a fait inattendues relatives à l'antidotisme. On
connaissait depuis longtemps des contrepoisons agissant par suite d'un antagonisme
chimique ou physiologique vis-à-vis du toxique; il est permis, à l'heure actuelle, d'ad-
mettre l'existence d'antidotes qui aiiissent en faisant régresser l'ionisation du poison
absorbé, ou en immobilisant l'ion libéré.
628 ION.
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V. PACHON ET H. BUSQUET.
IPÉCA. — (Voy. Émétiae, v., Îi0-i'i3).
IRIS. 6^29
IPOHINE. — Substance mal déterminée, oxlrailc i)ai' IIaihwica et C;i;igeu de
poisons do tlèclios {Arch. Phann., 11)01, 49T\ Kilt; est associée à l'auliaiine, la stry-
chnine et la brueine. Son action serait analo{^uo à Cflle de la di^itoxine.
L'Ipo^ qui sert do poison de llèciies aux Dayas do Uornéo (S/n/cAxns Wnllichiiina,
Sirychnos tieuti\ Slnjclnios Maingaijl) contient surtout de la sti ycliiiiiio.
IPOMEINE. — (C'^H'^-O"^). Glycoside extrait de Ipomira paiuluntta. Avec les
acides il donne de l'acide ipoméique (C'41''-0'*'). Une ébuUition prolongée donne de
Tacide valérianiqiie. Il aurait des propriétés purgatives, moins que la convolvuline, plus
([uo la .lalapine (I'oit.iikt, Prùch de pharma(:olo;/ie, 1007-772).
IRIDINE. — (Hycoside de la racine d'iris de Florence (C*Ml-"0''). Elle se
dédouble en glycose et iritiénine (C^H'^O**).
IRIGENINE. — Ui'sultant do l'hydrolyse de l'iridine. En liydrolysant l'iii-
génidine, on obtient de l'acide iridique et de l'irétol.
IRIS. — En avant du corps ciliaire, la tunique moyenne de l'œil quitte le con-
tact avec la tuni(iue oculaire externe, et en est séparée par la chambre antérieure. A
cette partie de la tunique moyenne on donne le nom d' « iris ». L'iris est donc une
membrane qui tlott au sein des liquides intra-oculaires. Périphériquemcnl attachée au
corps ciliaire par son « bord ciliaire », la membrane est percée d'une ouverture cen-
trale, ronde (chez l'homme), la « pupille « ou prunelle, entourée par le « bord pupil-
laire » de l'iris.
Les rôles physiologiques de l'iris peuvent être rangés sous les trois chefs suivants :
1° C'est une membrane pigmentée, plus ou moins opaque, et à ce titre elle contribue
à constituer le globe oculaire en chambre claire du physicien, la lumière ayant accès
vers l'intérieur de l'œil à travers la pupille;
2° L'iris est une membrane qui se distend et se contracte, modifiant incessamment
le calibre de la pupille, selon qu'il y a inlérôt à ce que la lumière pénètre dans l'œil en
quantité plus ou moins grande (adaptation), et selon que les images rétiniennes des
objets extérieurs doivent être plus ou moins nettes (rôle dioptrique) ;
3° Par sa faie antérieure, l'iris joue un rôle absorbant important vis-à-vis de l'hu-
meur aqueuse.
Nous rangerons les matériaux sous les rubriques suivantes :
i" Quelques détails anatoniiques;
2" Couleur de l'iris;
3° La pupille, sa forme, sa grandeur. Pupillométrie ;
4" Le réflexe rétino-pupillaire ;
5° Le nerf oculo-moteur commun est le nerf sphinctéro-moteur. Tonus du muscle
sphincter de la [lupille. Nature du ganglion ciliaire. Origine mésencéphalique des libres
nerveuses pupillo-constrictrices;
6° Voies optiques réflexes;
7" Centre réllexe spliinctéro-moteur. Réaction pupillaire hémianopique;
8° Réaction pupillaire associée h la convergence;
9° Fibres nerveuses pupillo-dilatatrices. Tonus du ganglion ceivical supérieur. Centre
cilio-spinal, son tonus. Pupillo-dilatation paradoxale;
10" Le ner f trijumeau et la pupille ;
11" Le réllexe pupillo-dilatateur dit douloureux;
12° Effets pupillaires de l'excitation du cerveau : a) excitation artificielle; b) activité
psychique;
13" Mécanismes iridiens des mouvements pupillaires. Muscle sphincter. Muscle dila-
tateur de la pupille. Rôle de l'élasticité iridienne dans la dilatation pupillaire. Rôle des
vaisseaux iridiens dans les mouvements pupillaires. Tassements et chevauchements des
tissus de l'iris lors dos dilatations pupillaires. Théories mixtes de la dilatation pupil-
laire. Théorie de Gruenhagen. Théorie de Fr. Franck. Théorie d'A.\GELUcci;
14" La pupille dans le sommeil;
630 IRIS.
15° La pupille dans l'agonie;
IB" La pupille dans l'asphyxie;
17" La pupille dans la narcose;
18° Mydriaiiques et myoliques. Atropine, (^ocyïne. Esérinc. Pilocarpinc.
19° Rôle absorbant de l'iris.
1° Quelques détails anatomiques. — L'épaisseur de l'iris varie dans des limites
très larges, selon le dej^ré de contraction ou d'étalement de la membrane. Le bord
pupillaire repose sur le cristallin, qui le repousse un peu en avant, au-devant de
l'insertion ciliaire. L'iris glisse donc sur le cristallin lors des variations incessantes du
diamètre pupillaire. Entre le bord iridien et le cristallin, il y a une fente virtuelle pour
le passage de l'humeur aqueuse hors de la chambre postérieure dans la chambre anté-
rieure. Au devant de l'iris il y a la chambre antérieure; derrière elle la chambre pos-
térieure, remplies toutes les deux d'humeur aqueuse. L'iris plonge donc continuelle-
ment dans l'humeur aqueuse.
Anatomiquement, l'iiis est composé de deux parlies tii-s distinctes, dilïérant aussi
par leur origine embryogénique : l'une île provenance épiblastifjue, ectodermique, ou
encore rétinienne, et l'autre d'origine mésoblaslique.
La partie épiblastique ou rétinienne de l'iris est donnée par une double couche de
cellules épilhéliales pigmentées, qui en tapissent la face postérieure, passant l'une dans
l'autre contre le bord pupillaire. On donne quelquefois le nom d' <i uvée » iridienne à
celle double couche épithéliale pigmentée. Ces deux couches représentent le segment
antérieur de la vésicule 0[>ti(]ue secondaire. La couche superficielle, postérieure, est
composée de grosses cellules polyédriques. Les cellules de l'assise profonde, en couche
continue chez l'embryon, sont plus ou inoins clairsemées chez l'adulte. Celle dernière
couche donne naissance au muscle sphincter de la pupille et aux fibres de la couche
de Bruch, c'est-à-dire du dilatateur de la pupille de certains auteurs.
La partie mésoblaslique de l'iris constitue la majeure partie de ce qu'on appelle le
corps ou siroma de la membrane. Ce stronia (de môme que la choroïde) est en réalité
une expansion de l'arachnoïde du cerveau. 11 est composé de vaisseaux nombreux, puis
d'une gangue cellulo-lîbreuse reliant les vaisseaux, et dont la constilulion varie beau-
coup d'une espèce animale à l'aulre. C'est un assemblage de cellules réticulées, pigmen-
tées, à prolongenienis plus ou moins transfoiniés en fibrilles. Ce tissu est très lâche.
Si l'on en excepte les deux limitantes (où le tissu est plus condenséV il constitue avec
les vaisseaux une éponge vasculaire très lâche. Suivant le plan médian de l'iris, ce tissu
est même tellement raréfié cluz l'homme qu'on est en droit de parler d'une fente
interstitielle (incomplètes qui divise l'iris en deux feuillets, un antérieur et un posté-
rieur. On pourrait considérer aussi les vaisseaux iridiens comme suspendus à peu près
librement dans une fente centrale plus ou moins parfaite, délimitée par les deux limi-
tantes. La face antérieure de l'iris est taf)issée par un endolhélium. Elle porte (chez
l'homme) vers le bord ciliaire et vers le bord pupillaire des ouvertures ou stomates qui
livrent accès à l'humeur aqueuse vers la fente interstitielle, aux fins de résorption.
Vers le bord pupillaire et jusque tout contre ce bord, les plans postérieurs de l'iris
renferment un muscle indiscutable, à libres coniracliles lisses (chez les mammifères),
disposées circulairement autour de la pupille. Ce « muscle sphincter de la pupille » a
chez l'homme une étendue (radiaire de 0™'"40 à 0"™80, selon l'état de contraction de la
pupille. Il est moins large quand la pupille est dilatée. L'épaisseur du muscle est de
Ommjo environ. Chez les carnassiers notamment, le muscle sphincter est notablement plus
développé (que chez l'homme); il occupe jusqu'au tiers de toute l'étendue iridienne. Il
est très développé chez la loutre et le castor, mais chez les herbivores et les rongeurs
il n'atteiut pas le développement qu'il a chez l'homme. — Chez les oiseaux et les rep-
tiles, ses éléments contractiles sont striés.
11 résulte des recherches de Nussbaum ainsi que de celles de v. Szili, que nous avons
pu confirmer, que le muscle sphincter dérive, embryogéniquemenl, de la rétine iri-
dienne, c'est-à-dire de l'ecloderme, à peu près comme les fibres musculaires (lisses) des
glandes sudoripares. Dès le quatrième mois lunaire, le feuillet antérieur de la rétine
iridienne produit contre le bord pupillaire et en avant une évagination, dont les cellules
se transforment en fibres musculaires lisses.
IRIS. ()3I
Un point toujours très cJisciilt'' est celui dos libres iiiusrulaiies lisses di?posûes
radiairemeut dans l'iris, et dont l'action serait de dilater la pupille, alors ((ue le
sphincter la resserre. Ce serait un « muscle dilatateur de la pupille ». l/cxis-tence d'au
tel dilatateur paraissait k certains auteurs nécessaire pour expliquer divers faits physio-
logiques, tandis que d'autres physiologistes croyaient pouvoir se passer d'un muscle
dilatateur. Le combat pour ou contre l'existence d'un dilatateur date de loin. Henlk,
le premier, crut pouvoir prendre comme tel une couche postt'rieure ilc l'iris, (lécrit(;
par Hiu't.ii, et qui se distingue du stronia iridieii par une slrialion radiairo très mani-
feste. La membrane ou couche de Hiuch esl immrdialeuKMit sous-jacente à la rétine
indienne. — En fait d'auteurs plus anciens, partisaî)s dun muscle dilatateur, citons
Merkel, et en fait d'adversaires du dilatateur, Gruemiagex, Hoé, Michel, Fucn.s, etc.
Le combat continuait, avec des fortunes diverses, lorsque Grvnfellt (élève de Vial-
leton) vint renforcer notablement l'opinion favorable à l'existence d'un dilatalcnr, en
démontrant qu'embryogéniquenient la membrane de Hri en di'rive du feuillet antérieur
de la rétine iridienne. Cette provenance avait été, à la vérité, piessenlie i)ar Mi ïzils;
mais Crvnfellt-Vialleton ont le mérite d'avoir déinonlré la réalité de la chose. Depuis
lors, (jRYNFELLT-ViAi.LEro.N Ont été conlirméspar divers auteurs Heeriord V. Szili, Levi.n-
soHN, etc.), et l'origine rétinienne, c'est-à-dire épiblastique, des fibres de la membrane
de Bruch ne fait plus de doute. On ne discute plus que sur des points 'de détails, sur
le plus ou moins d'indépendance des libres de la membrane de bRucii entre elles,
sur le plus ou moins d'indépendance chez l'aduKe, des fibres de la couche de Brucii
vis-à-vis de leur sol d'origine, c'est-à-dire vis-à-vis des cellules de la couche anté-
rieure de la rétine iridienne, sur la coiitinuilé ou la non-continuité de celte couche elle-
même, etc.
Le grand intérêt de cette filiation de la couche de Bruch réside en ce fait que le
muscle sphincter de pupille, dont la nature contractile esl indiscutable, dérive, lui aussi,
de la rétine iridienne. Dès lors la nature contractile des fibres de la membrane de Bruch
est très probable, attendu surtout que depuis longtemps on a relevé une analogie d'ap-
parence entre les fibres de la membrane de Bruch et les fibres contractiles lisses. En
fait, tous les auteurs qui ont démontré que la membrane de Bruch dérive de la rétine
iridienne en admettent aussi la nature musculaire.
Bien que les voix contestant la nature musculaire de la couche de Bruch soient,
depuis Grynfellt-Vialletox, devenues quelque peu hésitantes, elles ne sont pas deve-
nues muettes (p. ex. Gruenhagex, Axgelucci). Frugiuele notamment conteste que les
éléments de la membrane de Bruch présentent les réactions micro-chimiques des fibres
musculaires lisses.
Mais la question de la contractilité de la couche de Iîruch ne peut être [deinement
discutée à fond que lorsque nous aurons pris connaissance de plusieuis autres faits,
d'ordres divers.
Grvnfellt voit dans la membrane de Bruch une membrane contractile composée
d'éléments imparfaitement distincts. Chez les divers mammifères, le muscle dilatateur
et le muscle sphincter seraient, d'après lui, développés sensiblement l'un en raison de
l'autre. Chez le phoque et la loutre par exemple, animaux à muscle sphincter très déve-
loppé, le dilatateur serait aussi très épais. Chez l'homme, l'épaisseur du dilatateur est
de i-2 a; chez les primates, elle est de 2-3 ;j.; chez le chien, de 13 a; chez le renard,
de 20 [i.; chez les rongeurs, de 1-8 a; chez les cheirophères de i ;jl.
Une question importante est celle de l'élasticité de l'iris, et des fibres élastiques y
contenues, attendu que certaines théories sur le mécanisme des mouvements de l'iris
ont recours a cette élasticité. — Il résulte des recherches de Kiribuchj que l'iris est
extrêmement pauvre en éléments élastiques. Plus exactement, le lissu propre, la
couche de Jhtucn et les vaisseaux en seraient totalement dépouivus. Seul le muscle
sphincter renfermerait quelques rares et minces fibres élastiques.
Souvent on invoque aussi la contractilité des vaisseaux d(î l'iris comme facteur pro-
ducteur de mouvements iridiens. Le fait est que les vaisseaux iridiens sont par extra-
ordinaire totalement dépourvus d'éléments contractiles. Cela est bien établi pour
l'homme, les Primates et les Carnassiers. Il y en aurait qufdques traces chez le cheval
(Muenk). — Au contraire, les vaisseaux de la choroïde, les rameaux perforants des
0)32 IRIS.
artères ciliaires antérieures, les artères ciliaires longues, et le grand cercle artériel de
l'iris, c'est-à-dire les artères afférentes de l'iris, sont munies de tuniques musculaires-
bien développées.
2° Couleur de l'iris et apparences de sa face antérieure. ^ La teinte glo-
bale d'un iris, telle qu'elle apparaît à l'œil nu, et à une certaine dislance (1 mètre),
varie considérablement d'un individu à l'autre. Il y en a de sombres, de clairs. Les
sombres peuvent être très foncés, ou d'un brun plus clair. Les clairs sont plus ou
moins grisâtres, mais toujours teintés à des degrés variables de jaune, de vert, de bleu.
Ces différences de teinte sont dues au développement plus ou moins prononcé du
pigment, surtout de celui du stronia. En lui-même, ce pigment semblerait toutefois en
faire varier la teinte depuis le noir jusqu'au gris. D'où viennent donc les teintes jau-
nâtres, verdâtres et bleuâtres? Pour la plus large part, ce sont des couleurs d'interfé-
rence. Cependant le mécanisme intime de leur production n'est pas tout à fait élucidé.
Les iris bleus sont ceux dont le stroma renferme peu ou pas de pigment. La couleur
bleue naît, en effet, chaque fois que nous regardons un fond obscur (ici le pigment réti-
nien) à travers un milieu translucide (ici le stroma iridien). Par exemple, si nous regar-
dons des montagnes obscures à travers une épaisse couche d'air, celle-ci est teintée do
bleu. La couleur bleue des veines de la peau semble être du même ordre de phéno-
mènes ; en partie cependant, elle serait une couleur de contraste.
Les iris de tous les enfants nouveau-nés sont bleuâtres. Leur couleur fonce ensuite
et devient de plus en plus sombre, grise, noirâtre, par suite du développement pro-
gressif du pigment dans le stroma iridien. Nul ou à peu près à la naissance, ce pigment
commence à apparaître au neuvième mois de la grossesse, et se développe ensuite pen-
dant les deux et trois premières années de la vie extra-utérine. Quant à la rétine iri-
dienne, elle est pigmentée dès la naissance.
Chez le vieillard, la teinte de l'iris repasse au grisâtre, probablement parce que le
stroma iridien se tasse, devient plus dense.
Chez les albinos, le pigment ne se développe ni dans le stroma, ni dans l'épithélium
postérieur de l'iris — pas plus d'ailleurs que dans le reste de l'œil, dans la choroïde,
par exemple. Leur iris paraît rougeâtre, et la pupille en rouge intense, non en noir.
Voici l'explication de ces apparences de la pupille. Dans un œil pigmenté, la lumière
ne pénètre en quantité dans l'œil qu'à travers la pupille. Et, d'après la loi des foyers
conjugués (voir Dioptrique et Ophtalmoscopie), cette lumière retourne à travers la
pupille à la source lumineuse. Un œil observateur placé à côté de la lumière n'est
donc pas. touché par les rayons qui émergent de l'œil : la pupille observée lui paraît
noire. Dans un œil non pigmenté, la lumière pénètre de tous côtés, à travers l'iris, la
lérotique el la choroïde. Il en résulte qu'au jour cette rétine est éclairée dans toute son
étendue, et que des rayons émergeants se dirigent, au sortir de la pupille, dans toutes les
directions, notamment vers l'œil observateur, auquel la pupille observée paraît rouge.
Quant à la couleur rougeâtre de l'iris des albinos, elle est due à l'absence totale de
pigment dans l'iris, qui laisse donc passer des rayons renvoyés par le fond de l'œil
sur sa face postérieure. Et toutes ces lumières renvoyées sont rouges, parce qu'elles
ont passé à travers les nappes sanguines de la choroïde et de l'iris.
En général, la quantité de pigment iridien est d'autant plus grande que le corps de
l'individu est plus pigmenté dans son ensemble. Les iris sont noirs chez les nègres et
chez les Européens bruns, à cheveux noirs. Les races blondes ont des iris clairs. Tou-
tefois, on rencontre pas mal d'iris bleus chez les Afghans (bruns et à cheveux noirs).
En Europe aussi, on peut trouver exceptionnellement des iris clairs, bleus, chez des
bruns et vice versa. Ces anomalies semblent dénoter des croisements entre races blonde
et brune. Il semble en être de même des « yeux vairons », l'un étant clair, l'autre
sombre.
En regardant un iris de près, sa couleur n'apparaît plus uniforme, mais on y dis-
tingue des détails multiples, notamment une zone interne, pupillaire. large de 1 à2 mil-
limètres, relativement plus sombre dans les iris clairs, et relativement plus claire dans
les iris sombres. On y distingue, surtout à la loupe, une foule de détails extrêmement
variables d'un individu à l'autre, à tel point que Bertillon a songé à s'en servir pour
identifier les individus. Il y a des reliefs multiples et des enfoncements, des espèces
IRIS. 633
tle niches. Dans la znnc externe, oiliaiie, on voit ^ént'ralernent mit; ou deux saillies
ciiculaires, {jui se prononcent pendant la dilalaticn» de la pupille. Certains des enfon-
cemenls de la zone |»iipillairtî sont de véritables stomates conduisant dans la fente
interstitielle de l'iris.
Au microscope cornécn, on voit une série de côtes ou cordons grisâtres, parallèles,
radiaires, passant d'une zone dans l'autre, et dont la plupart renferment des vaissseaux
radiaires situés dans le feuillet antérieur de l'iris. — Dans la zone ciliaire surtout, on
aperçoit chez pas mal de sujets des taches tranchant en noir sur le fond plus clair. Ces
nivvi semblent tenir à une accumulation locale plus dense du pig'ment du stroma. Ils
|»euvent rappeler plus ou moins des formes d'objets divers, de caractères d'impres-
sion, (jui souvent ont IVappé l'imagination du public.
Au bord pupillaire, il y a chez l'homme un liséré brun noir. C'est la rétine iri-
dienne qui se réfléchit un peu sur la face antérieure de la memi rane. — Chez certains
animaux (cheval, etc.), ce liséré se développe en des formations plus volumineuses, en
des verrues proéminentes à la face antérieure de l'iris.
Le parenchyme de l'iris des Oii^eaitx renferme des gouttes graisseuses rouges,
jaunes ou violettes, qui contribuent à donner à la membrane sa couleur, le plus souvent
éclatante. Kile semble du leste d'autant plus claire que le milieu où l'oiseau vit est plus
lumineux. Quant à la couleur elle-même, celle des oiseaux chanteurs est brune, celle de
Rapaces est jaune, et celle des perroquets et des oiseaux aquatiques rouge.
Les iris des Poissons sont généralement d'un blanc plus ou moins argenté, couleur
due à la présence de cristaux de guanine dans une espèce de « tapis » cellulaire. D'avant
en arrière on y trouve une couche endothéliale, puis une couche fibrillaire, plus profon-
dément les cellules remplies de guanine (l'argentine), et enfin le tissu propre de l'iris
renfermant des cellules étoilées pigmentées et contractiles, de véritables chromatophores
dont les contractions modifient la couleur iridienne sous l'inlluence de l'éclairage
ambiant, tout comme la peau d(^s poissons change de couleur dans les mômes cir-
constances.
3° La pupille, sa grandeur et les variations de cette grandeur. Pupillomé-
trie. — Pour certaines constatations, il suffit d'observer à Toeil nu pour apprécier la
grandeur de la pupille et les variations de cette grandeur. Mais dans beaucoup de
circonstances, ce moyen est insuffisant. L'œil en efletest lui-même d'une mobilité très
grande et il entraîne la pupille; de plus, souvent le bord pupillaire de l'iris no tranche
guère sur la pupille. Or, le diamètre pupillaire varie incessamment à l'état de veille, et
ce sont ces variations, souvent rapides et peu excursives, qu'il s'agit de noter. Pour la
mensuration prompte et exacte de la pupille, on a inventé de nombreux « pupillo-
mètres », instruments qui servent à déterminer la « grandeur apparente » de la pupille,
vue à travers le ménisque positif constitué par la cornée et l'humeur aqueuse. Celte
grandeur apparente étant connue, on calcule au besoin la grandeur réelle (voir
Dioptrique, p. 107).
Des pupilloniètres assez rudimentaires font comparer la pupille avec des ouvertures
circulaires de grandeurs diverses percées dans un écran (Foi.i.in), ou servent à viser sur
la pupille au-dessus d'une règle graduée, ou à travers un disque en verre portant une
graduation (Lalre.ntk, Galezowski).
Des instruments plus sérieux sont ceux de Coccius, de Doveu, de Landolt, etc., dont
toutefois aucun ne répond à tous les desiderata. On trouvera chez Landolt des détails
sur les divers pupilloniètres. Celui de cet auteur est encore uu des meilleurs. Il se sert
de deux prismes identiques superposés, l'arête de l'un correspondant à la base de
l'autre. La pupille, regardée à travers les deux prismes, paraît double. Pour une certaine
distance des prismes à l'œil, les deux images se louchent. A l'aide de l'angle des prismes
et de la distance des prismes à l'œil, lorsque les doubles images se louchent, on calcule
la grandeur réelle de la pupille. L'avantage de cet instrument est que les mensurations
ne sont pas influencées par les mouvements de \\v[\.
La méthode photographique a été inaugurée par Belarminow avec grand succès
pour l'étude expérimentale de ces phénomènes sur l'animal ^voir plus loin).
Pour certaines observations, par exemple, celles des variations pupillaires dépendant
de la respiration ou des pulsations cardiaques, on se sert avec avantage de la méthode
634 IRIS.
endoscopi(jue. A travers un mince liou piciiu; clans un <''cran opaque el placé dans Ir
foyer antérieur de r<iMl (à li{ mm. environ au-devant de la cornée), ou regarde sur une
surface uniformément éclairée, par exemple, le ciel. On voit un cercle clair, l'image
diffuse de la pupille. Ce cercle s'élargit si l'on couvre le second d'il; il se rétrécit si l'on
découvre le second œil (réflexe lumineux, voir plus loin). On y peut voir des variatioiis
pupillaires synchrones avec la respiration, et même avec les pulsations cardiaques.
La pupille n'est pas toujours percée au centre de l'iris; il n'est pas rare de la vciir
un peu excentrique, le plus souvent vers le nez.
Les deux pupilles sont généralement égales — à l'état physiologique naturello-
ment — : il ya •< isocorie ». L' '< anisocorie » n'est pas cependant très rare. Dans ce
cas, le plus souvent les yeux diffèrent également sous d'autres rapports, sons celui
de la réfraction.
La grandeur de la pupille peut varier entre des limites très larges, depuis lui milli-
mètre, et moins, de diamètre, jusqu'à égaler presque l'étendue cornéenne. Une pupille
resserrée est dite « miotique >•, en " miose » ; la pupille dilatée est dite en « mydriase ».
De plus, à l'état de veille, celte grandeur varie presque constamment, par le fait de
toutes sortes dinlluences incessamment variables, et dont les unes tendent à la res-
serrer (par une dilatation de liris), les autres à la dilater (par un resserrement de l'iris).
A un moment donné, son diamètre est l'expression d'un équilibre très instable entre
ces deux sortes d'intluenct s. Il suffit du renforcement ou de l'affaiblissement d'un
quelconque de ces facteurs pour faire varier le diamètre pupillaire.
Pour réaliser un équilibre pupillaire un peu stable, il faut donc maintenir cons-
tantes les influences en question. Il faut notamment éviter toute activité cérébrale,
toute excitation nerveuse quelconcjue, toute variation de l'éclairage; de plus, il faut que
l'éclairage ait été maintenu constant de|)uis un certain temps. Dans ces conditions, le
diamètre pupillaire est toujours le même chez le même individu, l'éclairage ambiant
pouvant d'ailleurs varier entre certaines limites assez larges.
A un éclairage moyen, la pupille a toujours la même grandeur chez le même
individu. Or, dans des conditions identiques, rien n'est plus variable que la grandeur
pupillaire considérée chez divers individus. Ces différences sont réglées notamment
par l'âge.
La pupille du nouveau-né est très petite, presque punctiforme, même dans l'obscu-
rité. Après quelques mois, le diamètre pupillaire auL'menlr>, et cela progressivement
avec l'iige. Vers trois à quatre ans, il atteint un maxinuim. Dès l'adolescence, il diminutî
de nouveau progressivement avec l'âge. Chez le vieillard, l'ouverture pupillaire est
redevenue très petite, surtout chpz les hypermétropes, à tel point qu'elle juue le rôle
de trou sténopéique (voir Dioptrique, p. 108), et permet quelquefois la lecture sans l'aide
de verres convexes, malgré' l'hypermétropie.
Chez l'enfant, les inlluences pupillo-dilatatrices n'agissent guère; les cérébrales
n'agissent même pas du tout. Le rétrécissement chez le vieillard semble tenir en majeure
partie à la perte de l'élasticité de l'iris, eu vertu de laquelle les inlluences dilatatrices
produisent un moindre elTet.
De ce qui précède, il ne faudrait pas cependant inférer que la pupille a la même gran-
deur chez tous les individus du même âge. Comme nous allons le voir, cette grandeur
dépend de trop d'éléments variables d'un individu à l'autre', pour qu'il en soit ainsi.
C'est la zone pupillaire de l'iris qui varie le plus eu étendue radiaire, lors des varia-
tions pupillaires. La portion ciliaire varie moins; les saillies circulaires de sa face anté-
rieure se prononcent lors de la dilatation.
On se fait difficilement une idée du chevauchement des tissus et de leur tassement
en cas de dilatation maximale de la pupille. Nous y reviendrons plus loin. Ces mouve-
ments sont rendus possibles, mécaniquement, grâce à la suspension libre de l'iris dans
les espaces aquifères intra-oculaires, qui jouent ici le rùle d'espaces séreux, à peu près
comme l'espace pleural vis-à-vis du poumon. Les mouvements d'expansion et de re-
trait de l'iris ressemblent du reste beaucoup à ceux du poumon.
Lorsque la pupille n'est pas fort dilatée, le bord pupillaire de l'iris et une zone
avoisinante plus ou moins grande de la face iridienne postérieure glissent sur le cris-
tallin. Ce dernier pousse même un peu le bord pupillaire en avant, et tend la membrane
IRIS. 635
à la manière d'une lenle. Liiis est ainsi soubMui, tendu plus ou moins, el la pupille un
pou (.lilalée. Aigres exiraclion du ciistalhn, cette tension cesse, et l'iris peut trenihloter
lors des mouvements de Td'il ; la pupille est alors plus resserrée; de plus ses divers
mouvements sont moinsexcursifs. Lors([ue la pupille est fort dilatée, le bord pupillaire
a quitté le contact avec le cristallin; de là l'utilité de l'atropine dans les inflammations
de l'iris : la mydriase empêche la formation d'adhérences entre l'iris et le ci'istallin,
adhérences qui peuvent avoir des conséquences graves.
Im pupille chez loi diverft (inimaiix. — Chez les divers vertébrés, sauf de rares excep-
tions, la pu[)ille est rondo à l'état de dilatation (à l'oliscurilé), et dans la plupart des
espèces elle reste telle à l'étal de resserrement, à la lumière. Dans certaines espèces,
elle prend toutefois, lors du resserrement, la forme d'un ovale ou d'une fente. Celte fente
est horizontale chez les herbivores, la marmotte, la baleine, le kangourou, les raies,
les requins et beaucoup de serpents. Elle est verticale chez le chat et beaucoup de car-
nassiers, le crocodile, quelques serpents, le geeko. Chez la grenouille et la salamandre,
la pupille miotique est plus ou moins rho)ubiquc; celle du dauphin est cordée. Chez
VAnablep$, un poisson, la puitille est séparée en deux par un pont cornéen horizontal
et opaque. Chez d'autres poissons, la pupille dépasse temporalement les limites du
cristallin, de sorte que de la lumière pénètre dans l'œil sans passer par le cristallin.
Les mouvements pupillaires sont plus ou moins énergiques selon les espèces animales.
Très prononcés chez les Singes et les Carnassiers, ils le sont peu chez les Herbivores,
les Solipèdes, les Rongeurs. En général, ils le sont d'autant plus que le muscle sphincter
de la pupille est plus développé. Chez les Oiseaux et les Reptiles, dont les fibrescontrac-
tiles iridiennes (circulaires et radiées) sont striées, les réactions pupillaires sont excur-
sives et rapides. Chez les Batraciens et les Poissons Téléostéens, elles sont peu pro-
noncées, alors qu'elles sont bien énergiques chez les Raies et les Requins.
A la clarté, les pupilles des Raies, des Requins et des Crocodiles, ainsi que celles de
certains serpents (vipère, boa) et du geeko, sont resserrées en fentes linéaires tellement
étroites qu'on peut se demander si elles laissent passer de la lumière (Th. Béer). Ce sont
là des animaux à moeurs nocturnes, qui reposent le jour et chassent de préférence la
nuit, alors que la pupille est largement dilatée. 11 en est du reste plus ou moins de
même des hiboux et même du chat (animal nocturne également), ainsi que des Cépha-
lopodes (Th. Reeu). Chez tous ces animaux, la pupille se resserre du reste fortement
(plus que chez l'homme) sous l'influence d'une très faible lumière. La lumière d'une
allumette suffit pour contracter en fente minime la pupille du requin dilatée dans
l'obscurité.
4" Le réflexe lumineux ou réflexe rétino-pupillaire. — La pupille se resserre
momentanément si l'éclairage de \\v\\ vient à augmenter ]>assagèrement; elle se dilate
pour quelque temps si l'éclairage vient à diminuer passagèrement; puis elle revient à
son diamètre primitif.
Si l'augmentation ou la diminution de l'éclairage est durable, la variation pupillaire
est encore passagère, aussi longtemps que l'éclairage se maintient entre certaines
limites. Ce n'est que lorsque les variations durables de l'éclairage sont excessives, que
la pupille reste modifiée d'une manière permanente, et cela d'autant plus que l'éclai-
rage a varié davantage. Dans l'obscurité, la pupille de l'homme éveillé est fort dilatée;
elle reste resserrée datis un éclairage excessif.
Les limites de cet « éclairage moyen », sont respectiveinenl 100 et i 100 bougies
(ScHiRMER), c'est-à-dire assez larges. Une variation de l'éclairage venant à se produire,
le mouvement pupillaire commence environ une demi-seconde plus tard, puis il s'exé-
cute, mais le resserrement plus rapidement que la dilatation. La constriction n'exige
que trois dixièmes de seconde, tandis que la dilatation demande une demi-seconde.
Dans les limites de l'éclairage moyen, ces durées sont entre elles environ comme 2 : '.i,
tout au plus comme 1 : 2.
On procède avec avantage à ces déterminations en Icrmanl un (cil. taudis ({u'on
couvre et qu'on découvre alternativement l'autre. On peut aussi y procéder par la voie
entoptique.
Tout autres sont les temps exigés pour que la pupilli- revienne à son diamètre
nornml, lors des vaiiations darablcA de 1' « éclairage moyen «. Qu'on vienne, par
0315 IRIS.
exemple, à augmonler l'éclairage (entre 100 el 1 100 bougies), les deux pupilles se res-
serrent, puis mettent cinq minutes environ (Schirmkr) pour reprendre leur diamètre
initial. Qu'on vienne au contraire à diminuer l'éclairage, les pupilles dilatées mettent
20 à 23 minutes pour revenir à leur diamètre initial. Ici, c'est donc le resserrement qui
demande plus de temps que la dilatation.
On remarquera de plus que lorsque, par suite d'une variation de l'éclairage, la
pupille exécute un mouvement rapide, elle dépasse toujours le but, ou plutôt elle exé-
cute autour de son nouvel équilibre une série de petites osc///a<to«s (jui vont diminuant
en excursion, et auxquelles on donne le nom de hippus.
Les mouvements pupillaires qui s'exécutent en dedans des limites de l'éclairage
moyen réalisent une espèce d'adaptation de l'a'il àdes éclairages variables; ils tendent
en effet à ramener l'éclairage du fond de l'œil vers l'intensité la plus favorable à la
vision. Cette adaptation pupillaire doit être mise en rapport avec l'adaptation rétinienne.
On sait en quoi consiste la dernière, l'adaptation rétinienne (voir Rétine). Si l'on
passe d'un endroit plus ou moins obscur dans un autre plus éclairé, au premier abord
on voit fort mal; l'acuité visuelle remonte ensuite. De même si l'on passe d'un endroit
clair dans un obscur. Dans l'un et l'autre cas, un mécanisme rétinien adapte la rétine
au nouvel éclairage. En cas d'augmentation de l'éclairage, la sensibilité aux différences
d'éclairage diminue, tandis qu'elle augmente en cas de diminution de l'éclairage. Cette
adaptation est réellement indépendante du diamètre pupillaire.
Mais l'adaptation rt'-linienne est f.irl lente à se produire; elle y met 13 à 23 minutes,
c'est-à-dire précisément le temps qu'il faut à la pupille pour revenir à sa grandeur ini-
tiale. Avant que l'adaptation rétinienne ne se soit produite, les mouvements pupil-
laires ont rapidement, dans une certaine mesure, remédié passagèrement aux inconvé-
nients visuels résultant de la non-adaptation de la rétine à l'éclairage ambiant. Cette
adaptation pupillaire se produit brusquement, en une fraction de seconde, contre 13 à
2;» miimtes exigées par l'adaptation rétinienne. L'ne fois la dernière obtenue, l'autre, la
provisoire (et moins exacte, la pujiillaire), n'a plus de raison d'être : la pupille revient
à son diamètre initial.
De ce qui précède, il résulte donc ce fait curieux i|ue, selon l'étal momentané de
l'adaptation létinieiine, un même éclairage peut soit dilater, soit resserrer la pupille;
soit un u'il adapté pour un éclairage de 400 bougies; sa pupille se resserre pour
300 bougies; si au contraire, l'œil ic'est-à-dire la rétine) est adapté pour 000 bougies,
sa pupille se dilate pour 300 bougies.
Le re!>scrrement pupillaire sous l'influence de la lumière est un acte réflexe, au moins
cliez les vertébrés supérieurs. Les éléments de ce réilexe sont assez bien connus. La
voie nerveuse centripète en est le nerf optique, le centre réilexe est le noyau d'origine
du nerf oculo-moteur commun, la voie centrifuge est nerf oculo-moleur commun, et le
muscle en cause est li- sphincter de la pupille. Le réflexe continue à se produire chez
l'animal privé des hémis[théres cérébraux.
Le réflexe rétino-pupillaire est bilatéral. — Chez l'homme, l'éclairemeut d'un œil
resserre les deux pupilles. Si donc on veut mettre le réflexe en évidence, il faut com-
mencer par couvrir les deux yeux : en découvrant ensuite l'un, on voit sa pupille
(dilatée préalablement dans l'obscurité) se resserrer. Pour observer le resserrement
réflexe, on peut aussi mettre l'examiné dans une faible obscurité, puis éclairer forte-
ment un œil : à l'aide d'un ophtalmoscope, ou d'une lentille convexe, on concentre brus-
(juement sur un œil la lumière d'une lampe placée à côté du sujet examiné. — Pour
l'étude de certaines de ces questions, l'observation entoi)tique de la pupille a rendu des
services.
On distingue donc le réflexe pupillaire direct et l'indirect : le premier est produit par
l'éclairement de l'œil dont la pupille se contracte, le second par Téclairement de l'autre
œil. La section d'un nerf optique supprime dans cet œil le réflexe direct, et laisse per-
sister l'indirect. La section d'un nerf oculo-moteur les supprime tous les deux dans
l'œil correspondant.
La réaction pupillaire indirecte est égale à la directe. — D'après Bach toutefois, le
photo-réflexe provoqué par l'éclairement d'un œil ne serait éf»al sur les deux yeux que
si on l'examine à un éclairage instantané; si l'on éclaire plus longtemps un seul œil
IRIS. 637
ou plus fortemont un œil, la pupille do cet œil serait un peu plus petite que l'autre.
Sauf cette dernièro réserve ily adonc généralenienl « isocorie s à moins queles deux
yeux différent sous d'autres rapports, par exemple pai- leur réfraction. Nous savons que
l'œil myope a généralement la pupille plus grand'*, et que l'œ'il liyperniétrope Ta plus
petite que l'œil emmétrope.
A part ceci, on peut dire que I' <( hétérocorio » dénote généralement un trouble, soit
dans les neifs moteurs de la pupille (ou dans leurs noyaux d'origine), soit dans les
muscles iridiens. Elle ne peut pas résulter d'un trouble dans la voie centriptMe 0[)tiqiie.
— Bach toutefois, suivant ce qui est dit i)lus haut, prétend qu'en cas d'atrophie d'un
nerf opti(iue, la pupille de ce cAté serait un peu plus dilatée que sa congénère. Nous
pouvons confirmer le fait.
Signalons enfin que le miosis (bilatéral) provoijué par l'éclairenient d'un œil aug-
mente encore un peu si on découvre le second œil.
Les divers éléments rétiniens n'ont pas un égal pouvoir pupillo-constricteur. Pour
être bien eflicace. la lumière doit tomber sur le centre rétinien, sur la fovca ou au
moins sur la macula lutca. Sur la périphérie rétinienne, ce pouvoir diminue rapidement
et semble faire totalement défaut à l'extrèmo périphérie.
En ce qui regarde le pouvoir pupillo-moleur des diflérentes lumières, il est le plus
fort pour les rayons jaunes.
La fhoto-réactlon piipillaire chez les animaux. — Chez tous les animaux, avons-nous
dit, on constate le photo-réflexe pupillaire. Chez tous aussi existe la pboto-réaction
pupillaire directe. 11 n'en est pas ainsi du photo-réflexe indirect : le réllexe n'est bila-
téral que chez les animaux à entre-croisement incomplet des libres des nerfs optiques,
tels les singes, les carnassiers. Le lapin fait toutefois exception à cette règle : bien que
l'entre-croisement soit partiel chez lui, la pboto-réaction pupillaire indirecte fait défaut.
Chez les oiseaux, les reptiles, les poissons et les batraciens, animaux à entre-croisement
complet des nerfs optiques, le réflexe n'est pas bilatéral, il n'est que direct.
D'après certains auteurs, la photo-réaction pupillaire des oiseaux pourrait consister
soit en un resserrement, soit en une dilatation pupillaire. Une lumière apparaissant dans
la partie nasale du champ visuel resserrerait la pupille (du môme côté), dans la partie
temporale : elle dilaterait la pupille.
La photo-réaction pupillaire est ilonc un réllexe. On n'en constate plus de trace sur
l'œil énucJéé. Cela n'est toutefois vrai que chez les vertébrés supérieurs (mammifères et
oiseaux). Chez certains poissons, l'anguille, le Lophius, etc., ainsi que chez les batra-
ciens, et, parait-il, chez certains reptiles, la réaction de la pupille à la lumière est
réflexe, comme chez l'homme, et mi-paitie un effet local, produit par une action que
la lumière exerce sur l'iris (Browx-Skquard, H. Muelleu, Steixach, Nepveu). — L'œil
excisé de l'anguille étant placé en pleine lumière, sa pupille se resserre; dans la partie
qui est à l'obscurité elle se dilate si elle a été prénlablement resserrée par l'exposition
à la lumière. — Des traces du phénomène se produisent même sur l'iris excisé.
Et comme la membrane ne renferme pas, dit-on, de cellules nerveuses, on admet
qu'il s'agit là d'une action exercée par la lumière sur les éléments contractiles eux-
mêmes. — L'éclairage localisé en un point de l'iris, à l'aide d'une lentille par exemple,
n'est toutefois actif que s'il tombe sur le bord pupillaire de l'iris (Stei.nach), qui renfernn'
le sphincter. Il survient d'abord une conlraclion locale, à l'endroit éclairé, et qui s'étend
ensuite sur tout le pourtour de l'iiis.
Dans l'iris doué de cette réaction lumineuse locale, les fibres musculaires du
sphincter renferment dans leur substance contractile des granulations pigmentaires
noires. Steixach suppose que ce serait en agissant sur ces grains noirs que la lumière
exciterait la substance contractile.
Il y a lieu de rappeler à ce propos que d'après des expériences de it'Anso.WAL, la
lumière constitue dans certaines circonstances un excitant pour les muscles.
G. Mark.nghi prétendit récemment que chez le lapin auquel on a coupé le nerf
opti(jue, le réflexe rétino-pupillaire (direct) serait conservé dans une certaine mesure.
Il suppose un rapport nerveux direct entre la rétine et l'iris. Scureibek estime que les
variations de la pupille observées réellement dans les conditions indiquées par Marengui
sont un réllexe oto-iridien, dû à ce qu'on soulève cl soutient l'animal par les oreilles.
G38 IRIS.
Pn'cisons maintenant im peu mieux les Irois parties intervenant dans le réflexe
rétino-sphinctérien, à savoir le nerf- moteur, la voie centripète et le centre réflexe.
5" Le nerf oculo moteur commun est le nerf sphinctéro-moteur. — Il résulte
des recherches de tous les auteurs, non seuleaient que le nerf III est le nerf moteur du
muscle sphincter de la pupille, mais encore que c'est le seul nerf sphinctéro-moteur.
Ces voies motrices passent toutes par le ganglion ciliaire ou ophlalmi(iui% puis gagnent
l'intérieur de l'œil par des nerfs ciliaires courts.
A première vue, rien ne paraît plus simple que la recherche du nerf animant un
muscle : sa section doit paralyser le musclf> (en l'espèce, dilater la pupille), et l'excita-
tion de son bout périphérique doit contracter le muscle (c'est-à-dire ici resserrer la
pupille).
La démonstration des propositions [uécédentes s'o.-t toutefois heurtée sur le terrain
iridien à de nombreuses difficultés, qui n'ont été vaincues que récemment. Voici comment.
Pour un nerf moteur ordinaire, la voie nerveuse motrice périphérique est consti-
tuée par un seul axone, étendu depuis le noyau d'origine cérébro-spinal du nerf jusqu'au
muscle. Mais les voies sphinctéro-molrices, analogues en cela à toutes les voies motrices
sympathiques, ne sont pas aussi simples. Les voies motrices sympathiques naissent
toutes dans la substance grise de la moelle, mais, dans leur trajet elles sont interrom-
pues par des cellules nerveuses, c'est-à-dire que ces voies motrices sont composées de
deux (ou de trois) neurones superposés, articulé-s entre eux. Les voies motrices sympa-
thiques sont interrompues dans les ganglions sympathiques. De même toutes les voies
sphinctéro-motrices sont interrompues dans le ganglion ciliaire. Elles sont composées
chacune de deux neurones moteurs, l'un plus central, étendu depuis le noyau (mé-
sencéphalique) de l'oculo-moteur jusque dans le ganglion ciliaire, l'autre périphérique,
étendu depuis ce ganglion jusqu'au muscle. Les cellules du pri'mier neuione sont cer-
laini's cellules du noyau d'origine du nerf III, les cellules du second neurone sont celles
du ganglion ciliaire. Les deux s'articulent ensemble, à la manière hahituelle, dans le
ganglion ophtalmique.
Souvenons-nous maintenant que les cellules nerveuses cessent leurs fonctions, sous
l'influence d'un arrêt de la circulation par exemple, bien avant les flbres nerveuse?, et
nous comprendrons les résultats pnpillaires extraordinaires, contradictoires même,
obtenus par les auteurs qui ont expérimenté sur le nerf III.
La section du nerf III dans le crâne, outre qu'elle paralyse tous les muscles striés
innervés par ce muscle, dilate la pupille, souvent après un resseiremenl initial (trau-
matique?) survenant à l'instant de la section. La pupille est maintenant immobile ou à
peu près; le réflexe lumineux est totalement supprimé. Il en est de même, chez l'homme,
de la pupillo-constriction synergique avec la convergence, en cas de paralysie du
nerf III. Enfin, les réflexes pupillo-dilatateurs (périphériques et cérébraux) sont abolis.
— Les mêmes effets résultent de l'extirpation (et de la paralysie nicotinique du
ganglion ciliaire, ainsi que de la section des nerfs ciliaires courts. Seulement la dila-
tation est alors plus forte que dans le cas de paralysie ou de section du tronc du
nerf III. Le ganglion ciliaire exerce-t-il donc un certain tonus automatique sur le
sphincter ?
Les effets pupillaires de l'excitation électrique du bout périphérique du nerf III ont
donné lieu à beaucoup de discussions. Herbert Mayo ^1823) le premier a obtenu un
resserrement de la pupille par l'excitation du ti'onc du nerf. Mais ni Cl. Hernard, ni
Lo.NGET n'obtinrent des résultats identiques. Aux mains de Cl. Behnard, l'excitation du
tronc ne donna^'pas d'elTet pupilhiire, tandis que celle des nerfs ciliaires courts produisit
une constriction pupillaire énergique. D'autres auteurs (Ballit et Consiglio, Axgelucci)
trouvèrent l'excitation du nerf inefficace, ou à peu près, si elle est portée dans l'espace
interpédonculaire; mais ils obtinrent une forte constriction de la pupille en excitant
le nerf dans le sinus caverneux. Angelucci soupçonna que dans ce dernier cas, l'excita-
tion aurait en réalité porté sur les nerfs ciliaires courts.
Langendorff enfin montra qu'une excitation intracranienne de l'oculo-moteur
comnmn, sur l'animal bien vivant, fait contracter tous les muscles innervés par le
nerf, y compris le sphincter de la pupille. Mais, très tôt après la mort, la même
excitation, tout en contractant les muscles striés innervés par le nerf, est sans efTet sur
IRIS. H39
les muscles intra-oiulaires, lisses, lo nuiscle ciliaire et le coiistricleur de la pupille.
Dans CCS deriiit'ies ciiconslaiices (inoii par liérnoria;;ie, par cxemiiio), l'excilalioii des
nerfs courls coiitraclo t'iicorc forlciiieut la pupillo. — Ces résultais oblonus par I.angkn-
DORi'i- serublenl le mieux ix-sumer les choses. Elles sont conformes à tout ce que nous
savons de la moipliologie des voies sphiuctéro-motrices. Chez l'homme aussi, la para-
lysie complète du nerf III, par un processus siégeant sur son trajet extra-cérébral,
dilate fortement la pupille, et en produit l'immobilité.
I,es résultats si variables de l'excitation du nerf III s'expliquent (MI cg que le f,^inglion
oplitalmiquf, comme d'ailleurs tous les ganglions, cesse ses fonctions très tôt aj)i'ès
l'arrêt de la circulalion, longtemps avant les libres nerveuses. Enlin, l'empoisonnement
du seul ganglion ciliaire par la nicotine (Lanulky et Dickinson, Kanglev et Anukusohn,
liANOENDORi-K, Mari.na), OU cucore l'injection de nicotine dans l'orbite, aux environs du
gan;;lion (Hirschberg, Marina), chez les mammifères supérieurs, a les mêmes effets
pnpillaires que la section du nerf oculo-motcur commun.
Ce faisceau de faits démontre que les voies spliinctéro-motriccs se com|)Oitent
absolument comme n'importe quelle voie motrice du grand sympalhiijue.
Toutes les voies motrices sphinctériennes sont donc interrompues dans le ganglion
ophtalmique. Au delà du ganglion, elles suivent la voie des nerfs ciliaires courts, qui an
nombre de cinq ou six abordent l'œil par son pôle postérieur, autour du nerf opti(]ue.
D'après Fr. Franck, il se pourrait que l'un ou l'autre de ces nerfs n'en renfermât
pas. Il résulte aussi des recherches de Cl. Bernard, confirmées par d'autres auteurs,
que chaque nerf ciliaire innerve seulement un segment du sphincter, celui situé de
son côté, absolument comme les nerfs ciliaires sensibles innervent chacun un segment
correspondant (de la cornée notamment).
Nature du ganglion ophtalmique ou ciliuiie. — Nous avons à rendre compte de
diverses expériences qui ont abouti à la conclusion que les voies sphinctéro-molrices
présentent toutes une interruption cellulaire dans le ganglion ophtalmique. En second
lieu se pose la question de savoir si toutes les cellules du ganglion appartiennent à des
neurones sphinctéro-moteurs, si peut-être quelques-unes ne sont pas intercalées sur
le trajet des fibres sensibles. Cela nous mène à la question de savoir si le ganglion doit
être envisagé tout ou partie comme un ganglion sympathique, ou bien comme l'homo-
logue d'un ganglion intervertébral, p. ex. du ganglion de Casser.
a) D'abord, toutes les voies sphinetéio-motrices passent par le ganglion, car son
extirpation produit les mêmes phénomènes pupillaires que la section du nprf lll (ou
de tous les nerfs ciliaires courts).
b) Les voies sphincléro motrices du tronc nerveux sont toutes interrompues dans
le ganglion : cela résulte des expériences d'AroLANT, confirmi'es par Marina et (.odath.
Apolant trouva que la dégénérescence descendante des fibres du tronc, consécutive à la
section du nerf III dans l'espace interpédonculaire, se propage jusqu'au ganglion, mais
ne dépasse pas cette limite, ne s'étend pas dans les nerfs ciliaires courls. Les axones
sphinctéro-moteurs, issus du noyau de l'oculo-moteur, ne dépassent donc pas le gan-
glion. Inversement, l'éviscération de l'œil ou la section des nerfs ciliaires (Marina, Bach)
n'est suivie de dégénérescence rétrograde que jusqu'au ganglion.
Nous avons dit que l'injection de nicotine dans l'orbite, ou son application directe
sur le ganglion, produit passagèrement les mêmes effets pupillaires que l'ablation du
ganglion ou la section du tronc du nerf III. Or, d'après les recherches de Langlev et de
ses élèves, la nicotine n'entame pas le fonctionnement des libres nerveuses, mais elle
abolit celui des cellules nerveuses. Après empoisonnement du ganglion ciliaire, l'exci-
tation du tronc du nerf III ne resserre plus la pupille, tandis que l'excitation des nerfs
ciliaires a encore cet effet.
Ces deux ordres d'expériences prouvent l'un et l'autre que toutes les voies sphinc-
téro-molrices sont interrompues dans le ganglion.
c) Certaines cellules du ganglion n'appartiennent-elles pas à des fibres sensibles,
qui rejoindraient le ganglion par sa longue racine? — De telles fibres pénètrent certai-
nement dans le ganglion; mais, au dire de .Miguel notamment, elles le traverseraient
sans être interrompues par des cellules.
Cependant, Beunuedier, après avoir cautérisé chez le singe les plans antérieurs de la
640 IRIS.
cornée, sans perforer la membrane, trouva un certain nombre de cellules du ganglion
en chromolyse. Il conclut donc que certaines cellules au moins du ganglion ciliaire
seraient du type intervertébral. A cela Bach re'pond que cette expérience ne prouve
rien. D'abord, la cautérisation de la cornée est suivie de graves altérations iridiennes
(inllammation de l'iris), qui pourraient intéresser les fibres nerveuses motrices. En
second lieu, un certain nombre de cellules du ganglion le plus normal présentent
toujours l'apparence chromolytique. Après cette même cautérisation de la cornée (chez
le lapin et le chat) Bach n'a pas trouvé de différence entre le ganglion correspondant
et le ganglion normal.
Soit dit en passant, la seconde de ces remai'ques de Bach tend à enlever aussi toute
force démonstrative à l'expérience d'A.NGELucci, qui a trouvé de la chromolyse dans
une petite partie des cellules du ganglion ciliaire, soit après section du trijumeau, soit
après enlèvement du ganglion de Yasser, soit enfin après extirpation du ganglion
sympathique cervical supérieur.
Ce qui précède ébranle fortement l'opinion de ceux qui, avec Schwalbe, voient dans
le ganglion ophtalmique l'homologue d'un ganglion intervertébral. Les ganglions
intervertébraux sont en eiïet afTectés à des nerfs sensibles, et leurs cellules sont uni-
polaires ou bipolaires. Or les cellules du ganglion ciliaire ne sont ni uni- ni bipolaires.
Elles sont multipolaires (Retzius, d'Erchia, Michel), analogues à celles des ganglions du
grand sympathique.
Michel a au surplus étudié, par la méthode de Golgi, les arborisations terminales des
fibres du nerf III autour des cellules du ganglion.
Le ganglion ophtalmique serait donc sympathique, et exclusivement moteur, affecté
aux voies sphinctéro-motrices. — Il est d'autant plus développé dans la série que le jeu
pupillaire est plus intense. Chez les carnassiers, surtout le chat, il est très développé.
Il est certain aussi que la plupart des fibres sensibles de l'œil passent à cAté du gan-
glion, par les nerfs ciliaires longs.
Tel paraît être le cas chez l'homme, le singe et le chat. Cependant la question
ne semble pas dt'-finitivement résolue pour tous les vertébrés, ni même pour les mam-
mifères inférieurs. D'après Holtzmann, les cellules du ganglion ciliaire du lapin, des,
oiseaux, de la grenouille et des poissons osseux seraient toutes du type sympathique.
Chez le chien, on trouverait les deux types. Enfin, il faudrait surtout avoir égard aux
ganglions ciliaires accessoires qui (d'après Antonklli, h'Erchia, Callemaerts, Holtz-
mann) sont, en nombre variable, intercalés sur le trajet des nerfs ciliaires de tous les
mammifères (y compris l'homme), en grand nombre chez le lapin; il faudrait voir de
quel type sont leurs cellules.
Spécialement en ce qui regarde l'oiseau, l'excitation du nerf 111 produit du myosis
encore en cas d'empoisonnement par la nicotine. C'est la preuve que les cellules du
ganglion ciliaire y sont toutes du type intervertébral (Angelucci).
Signalons aussi ce fait que l'atropine ne dilate la pupille que chez les animaux dont
le ganglion ciliaire est du type sympathique.
lIoLTZMANN a démontré que embryogéniquement un ganglion supraverlébral pri-
mitif se scinde en deux, le rameau postérieur (ganglion intervertébral) et le rameau
antérieur, viscéral (ganglion sympathique). Qu'en ce qui regarde le ganglion ciliaire,
cette subdivision n'aurait pas lieu, et que tantôt l'une, tantôt l'autre partie prédomine-
rait.
Point d'origine mésencéphaliquc des fibres nerveuses splunctéro-molrices, pupillo-con-
strictrices. — Tout nous porte donc à admettre que les voies sphinctéro-motrices sont
renfermées dans le nerf III dès son origine interpédonculaire. Dès lors se pose la question
de l'origine cellulaire de ces fibres. — L'analomie pure est impuissante à la résoudre,
par la raison que les fibres en question ne se distinguent en rien des autres, dans le
tronc du nerf. Les méthodes indirectes, d'ordre physiologique notamment, ont cepen-
dant servi à démontrer que ces fibres prennent leur origine dans la partie antérieure
du noyau d'origine du nerf III, celle qui arrive jusque dans le plancher du troisième
ventricule; on a même déterminé avec quelque rigueur la partie de la tète do ce
noyau qui constitue cette origine.
Rappelons d'abord que le noyau du nerf III est une colonne cellulaire bien distincte,
IRIS. 641
étendue longitu<linaIoment sdus l'aquodur. do Svlvius fclioz rhomnio au-dovanl), au
niveau des tubercules (iiiadrijumeaux antérieurs, et un peu jusque dans le troisit>me
ventricule. Les deux colonnes (la droite et la gauche) se touchent sur la ligne médiane
par leurs extrémités distales; leurs extrémités proximales divergent un peu. C'est là le
double « noyau principal » de Voculo-moteur commun. Dans ces derniers temps, on a
décrit dans son voisinage plus ou moins immédiat des amas cellulaires qu'on a tenté
d'attribuer au système du nerf III. a) A l'endroit où les deux noyaux principaux com-
mencent à diverger, Pkhlia a décrit sur la ligne médiane un noyau médian, à
grandes cellules analogues à celles des deux lutyaux principaux, et plus ou moins con-
fondu avec ces deux derniers : c'est le noyau de Peklia, qui certainement donne nais-
sance à des fibres radiculaires du nerf 111, 6) En avant, dans l'espace compris entre les
deux noyaux principaux et les débordant en avant, il y a de chaque côté le noyau
d'EDiNGKR-WESTi'HAL, à pctitcs cellulcs. Il se confirme de plus en plus que c'est là l'ori-
gine des libres sphinctéro-motrices (ainsi que des fibres innervant le muscle ciliaire).
D'aucuns (Levi.nsoh.n) subdivisent même en deux ce noyau d'EDiNGER-W'KSTPHAL, et voient
dans le segment antérieur seul l'origine des fibres sphinctéro-motrices. c) Au-dessus de
l'exlrémité antérieure du noyau principal, il y a le noyau de Dakksciiewitsch, double
également, et à petites cellules. On s'accorde aujourd'hui à lui refuser toute con-
nexion avec le nerf III (V. Bechtewew, Kœlliker, Bern'heimer, Bach, etc.).
On sait aussi depuis longtemps que les cellules de rextrémité distale du noyau du
nerf III donnent naissance aux libres du nerf pathétique. Il était donc naturel de se
demander s'il n'y a pas dans le noyau une localisation anatomique des divers muscles
innervés par le nerf III, en ce sens qu'un segment bien déterminé du noyau serait
afférent à un seul muscle. Les observations cliniques semblaient exiger une telle localisa-
tion, car souvent des paralysies de muscles oculaires isolés (innervés par le nerf III)
semblaient dues à des processus « nucléaires ». Spécialement les paralysies isolées des.
nmscles ocnlaires intrinsèques, ainsi que les paralysies isolées des muscles extrin-
sèques de l'œil s'observent assez souvent, et passent pour être nucléaires. On ne se
figure en effet guère qu'un processus pathologique intéressant le tronc du nerf puisse
paralyser uniquement, soit les muscles intrinsèques, soit les muscles extrinsèques.
Ajoutons que, dans les cas en question, on pouvait exclure un siège périphérique,
intra-orbitaire, du processus pathologique.
Les recherches physiologiques de Hensen et Vœlkers ont été le point de départ de
tout un mouvement et ont posé la question des localisations musculaires dans le noyau
du nerf III. Après avoir enlevé les tubercules quadrijumeaux (chez le chien), ils
excitent la région du noyau du nerf III, et obtiennent des contractions dans les divers
muscles oculaires. Les effets pupillaires (et les contractions du m. ciliaire) s'obtiennent
surtout en excitant la tête du noyau, dans le plancher du troisième ventricule. De plus,
on sait que les fibres du nerf III se détachent du noyau sur une étendue assez longue,
puis convergent en éventail, ces diverses fibres n'étant pas encore réunies en tronc
au sortir de la substance cérébrale, dans l'espace inlerpédonculaire. Or, les deux
auteurs trouvèrent que les filets antérieurs étaient plus spécialement affectés aux
muscles intrinsèques de l'œil. Ainsi s'expliquait donc plus ou moins ([ue la paralysie
des seuls muscles intrinsèques de l'a^l pourrait être nucléaire.
Les conclusions de Hensen et Vœlkers furent confirmées parla plupart des auteurs
(AÎJGELuccr, Rer.nheimer, LEViNsoHN,etc.) qui les suivirent dans cette voie expérimentale.
Berniieimer réussit à faire la contre-épreuve de ces expériences en détruisant (chez le
singe) le seul noyau d'EDiNUER-WESTPiuL; le résultat fut la dilatation et l'immobilité
delà pupille homonyme.
Berniieimer essaya de déterminer encore par une autre voie l'origine cellulaire plus
exacte des fibres sphinctéro-motrices, mais ici ses résultats furent moins concluants.
I! excisa (chez le singe) tous les muscles extrinsèques de l'œil, puis constata au Nissl
une dégénérescence cellulaire dans les deux noyaux principaux, et non pas dans le
noyau d'EûixcER-WESTPHAL, ni dans le noyau de Perlia. D'autre part, après exentéra-
lion de l'œil, seuls étaient dégénérés ces deux derniers noyaux. Berniieimer est donc
d'avis que les fibres motrices intra-oculaires proviendraient et du noyau antérieur, à
petites cellules — les fibres sphincfériennes — et du noyau de Perlia — les fibres du
il*
DICT. DE PHYSIOI.OOIK. — T. IX. *'
642 IRIS.
muscle ciliaire. — Selon toutes les apparences, Bernheimer se trompe en ce qui regarde le
noyau de Perlia. Quant aux dégénérescences consécutives à l'exentéralion de l'cil, il y
a lieu de relever que la dégénérescence ascendante des fibres motrices intra-oculaires
devrait être arrêtée par le ganglion ciliaire. En fait, Marixa, Bach, van Biervliet, etc.,
n'ont pas rencontré de chromolyse dans le noyau du nerf III (des mammifères) à la
suite de l'exentéralion du contenu de l'œil.
Rappelons ici que dans un cas d'ophtalnioplégie externe, c'est-à-dire de paralysie de
tous les muscles extrinsèques de l'œil, à l'exclusion des muscles intra-oculaires, West-
phal trouva intact le seul noyau à petites cellules qui porte aujourd'hui son nom; il
l'attribua donc aux muscles intérieurs de l'œil. Des observations analogues furent
publiées par d'autres auteurs. — On fit observer à ce propos que la tète du noyau d'ori-
gine du nerf III est nourrie par une autre artère cérébrale que le corps du noyau, ce
qui expliquerait la possibilité d'une lésion dégénérative d'un seul des deux territoires.
Ajoutons encore que, dans le tronc du nerf III, les fibres sphinctéro-motrices-soiit
toutes directes, sortent du noyau du même côté — contrairement à ce qui existe pour
les racines plus distales du nerf III, qui renferment chacune des fibres directes et des
fibres croisées venues du noyau du côté opposé. L'anatomie pure fait déjà voir que, de
fibres issues de la tête du noyau, aucune n'est croisée.
Chez l'oiseau, dont les fibres musculaires iridiennes sont striées, Bach a constaté,
après exentération du contenu de l'œil, de la chromolyse dans le noyau principal, et
nullement dans ce qu'il considère comme l'analogue du noyau d'EDi.xGER-WESTPHAL des
mammifères supérieurs : ce noyau n'y serait donc pas afférent aux muscles intra-ocu-
laires. Chez les oiseaux (voir plus haut], les voies nerveuses pupillo-constrictrices ne
paraissent pas interrompues par le ganglion ciliaire; l'exentération du contenu de l'a'il
pourrait donc retentir sur les origines mésocéphaliques de ces fibres. Mais d'autre part
dpjà chez les mammifères, on constate d'une espèce à l'autre de très grandes diffé-
rences dans la constitution du noyau d'origine du nerf III. De sorte que c'est un pro-
cédé fort douteux que d'identifier les détails analomiques de ce noyau chez l'oiseau avec
ceux de l'homme, alors que cette identification est déjà très douteuse entre mam-
mifères.
6° "Voies optiques réflexes. — Le nerf optique est la voie centripète du photo-
réflexe sur la pupille. Chez l'homme, l'atrophie des deux nerfs optiques dilate la
pupille et supprime ce réflexe. Chez les animaux, la section des deux nerfs optiques
dilate les deux pupilles et les immobilise. Le degré de la dilatation dans ces circon-
stances est à peu près celui dû à la paralysie complète de l'oculo-moteur commun.
L'effet pupillaire de la section (ou de [la paralysie) d'un seul nerf optique diffère
selon l'espèce animale. Chez les poissons, les batraciens, les reptiles, les oiseaux et les
mammifères inférieurs, y compris le lapin, la section d'un seul nerf optique dilate et
immobilise (quant au photo-réflexe) la pupille du même côté, et laisse intacte la gran-
deur de la pupille et la réaction sur l'œil opposé (par éclairement de cet œil). Chez les
mammifères supérieurs, — le chien, le chat, le singe, — y compris l'homme, la paralysie
ou la section d'un seul nerf optique ne dilate aucune pupille et laisse le photo-réflexe
pupillaire intact, quel que soit l'œil qu'on éclaire.
On rencontre quelques voix discordantes avec ce qui précède quant à la grandeur
de la pupille après section d'un nerf optique chez les mammifères supérieurs. Chez le
chien et le chat, la pupille du côté du nerf optique coupé se dilaterait légèrement. Cela
semblerait indiquer que le photo-réflexe direct serait plus fort que le photo-réflexe
cioisé. Mais on a fait observer que, lois de la section du nerf optique dans l'orbite, on
intéresse fatalement les nerfs ciliaires courts, moteurs du m. sphincter, et par là on
diminue le tonus exercé toujours sur le sphincter par le centre sphinctéro-moteur
mésocéphali({ue. Cependant, certains auteurs prétendent que fréquemment, en cas
d'atrophie complète d'un seul nerf optique chez l'homme, la pupille homonyme se dila-
terait légèrement (Bach). Il faudrait en conclure que, tout en étant bilatéral, le photo-
réflexe pupillaire direct serait un peu plus fort que le photo-réflexe croisé.
Des expériences à signaler ici sont celles qu'a exécutées Bernheimer sur des singes.
Après section du chiasma optique sur la ligne médiane, tout comme après section (chez
le singe) d'une bandelette optique, B. vit persister, normaux, les photo-réflexes pupil-
IRIS. tl 13
lairos. La conclusion s'impose : il y a déoussation des voies réilcxes dans le ciiiasnia,
mais celle décussalion est parliclle, tout comme celle des voies opli(|UPS visurllrs. La
voie rt^ilexe croisée, aussi bien que la directe, influence les deux nerfs spliincltMo-mo-
teuis VA, à moins de faire riiypolli^se absolument gralnile, et d'ailleurs invraisenihlalde,
d'un se ond entre-croisement parliel de ces voies, (jui s'opérerait plus liaul, dans la suh-
slance du mésocépliale, il faut admeltre, ou bien que les deux centres pnpillo-C(Mistrii:-
teins i^le droit et le {^aiu'lie) sont reliés fonctionnelleuKMil, ou bien (|ue eiuKiue moitié
du cenUv est reliée aux deux nerfs s|)liincléro-moleurs radiculaires. On sait (|iie la
piupai t des (ilets du nerf oculo-uioleur renferment des libres provenant des deux
no.vaux. Mais il ne semble pas en être ainsi des libres pupillo-molrices qui, toutes,
paiaissent être directes. D'aftrès les anatomistes, les filets nerveux issu> de la t^'-'e du
noyau ne renferment pas de fibres croisées.
(In pniirrait, à la vérité, sonyer h une Iroisiènie possibilité, à la liifiircation (n-elle)
des fibres optiques dans le cliiasnui notamment. Si l'une des deux bifurcation< d'une
fibre ri'llexe se rendait ilans la bandelette droite, et l'autre dans la bandelciie liaiiclie,
cela "xpliquerait que le réflexe est bilatéral. Mais cette liypotbèsc ne saurait rtn- invo-
quée, attendu que, chez les mammifères supérieurs, y compris l'homnie, i'interniplion
d'une bandelette optique n'abolit ni le réflexe direct, ni l'indirect.
Des observations et des expériences qui précèdent, il résulte «loiic que clnz le
chien, le cliat, le singe et l'homme, les voies optiques réflexes subissent dans le clii.isma
une décussation partielle, tout comme les voies optiques visuelles. Chez le laiiiii, au
cor.traire, les mammifères inlérieurs, les oiseaux, les re]ililes, les baiia<-iens el les
poissons, ces voies passent toutes dans le chiasma sur la lif^ne médiane, inur dé(-nssa-
tion y est complète. On sait du reste à n'en pas douter, rien que par l'anatomie, que,
chez les oiseaux, les reptiles, les poissons et les batraciens, le nerf optique pas^^e dans
le chiasma tout à fait à la ligne médiane. Il est connu aussi que chez les mammifères
inf(Mieures, sauf le lapin, la décussation des nerfs optiques est complète dans le
chiasma. Chez le lapin donc, il y a dans le chiasma décussation partielle des fibres
visuelles — avec énorme prédominance du faisceau croisé — et décussalion complète
des voies optiques réflexes.
Indiquons ici que, suivant une opinion autrefois très répandue, les voies optiques
visuelles seraient en même temps réflexes, qu'elles passeraient tout ou jiarlie par les
tubercules quadrijumeaux, où elles provoqueraient le réflexe lumineux, puis elies se
rendrai'Mit dans l'écorce cérébrale par les bras conjonctivaux (antérieurs). Aujoui d hui,
on pourrait invoquer les collatérales nombreuses qu'émettent dans les tubercubs jua-
dri junieaux antérieurs les fibres qui pénètrent jusqu'ici. Ces voies seraient donc r<'llexes
et visuelles à la fois. Cela cadrerait nTème avec ce que nous savons des voies dites
sensibles dans la moelle épinière.
Cependant, on tend aujourd'hui à admettre que, chez l'homme, les voies optiques
qui gagnent la région des tubercules quadrijumeaux antérieurs sont purement réllexes
de[)uis leur origine rétinienne, et nullement visuelles. Suivant A. Key et Retzius. puis
GuDUEN, le nerf optique renfeim'U'ait deux espèces de libres : les unes grosses, les
autr-s lin'-s; et, d'après Cudden, les grosses serviraient aux rétlexes. Son opinion
manque tout<'fois de base solide. Schirmer va plus loin. Il prétend — sans r.iison
sufiNante — que les fibres opticfues rétlexes naîtraient dans la rétine, non pas des
cônes i*t des bAtonuets, mais des cellules dites anacrines des couches rétiniennes.
Lh nature partiellement ascendante des fibres du bras conjonclival antérieur devient
du r ste de plus en plus douteuse. Suivant Pavlow et van CiEHUcnrh'N, ces fibres, en
tant qu'elles sont en rapport avec l'écorce cérébrale, conduiraient toutes, au moins
chez le lapin, de l'écorce vers les tubercules. Les voies opli(iues qui se rendent dans
les tuberiiiles ne pourraient donc pas être visuelles.
lle-ste encore la vieille assertion d'après laquelle l'enlèvement ou la dp.>-tniction des
tuberculi's quadrijumeaux antérieurs chez le lapin, ou des lobes optiques chez les
oiseaux, rendrait aveugle l'œil du côté opposé. A cela, nous répondrons que, certai-
nement chez l'oiseau, et peut-être aussi chez le lapin, la région des tubeirules quadrir.
jumeaux est le centre de photo-réflexes nombreux sur le corps, sur les muscles de la
vie de relation, mais que dans ce genre de question, il n'est pas permis do ■•onchue do
644 IRIS.
l'oiseau ou du lapin à l'iioninie, ni à d'autres mammifères supérieurs (voir aussi un
peu plus loin).
Différents autpurs ont réellement poursuivi des fibres du nerf optique qui se
détachent des autres radiations optiques au niveau du corps genouillé externe, puis se
rendent soit dans la substance grise des tubercules quadrijumeaux antérieurs, soit aux
environs du noyau du nerf III, soit même plus bas. Ces fibres toutefois ne servent
probablement pas aux réflexes pupillaires lumineux. Topol.vnski en efïet obtint des
mouvements combinés des deux yeux et des pupilles en excitant électriquement le nerf
optique depuis l'œil. H obtint le même effet en excitant la bandelette optique, ou bien
la profondeur du bras conjonctival antérieur, jusqu'à sa rencontre avec le congénère
sur la ligne médiane.
C'est à Bernheimer, encore une fois, que revient le mérite d'avoir poursuivi, par
des recherches variées, ces voies optiques réilexes ;i partir de la bandelette jusque dans
le mésocéphale. Il le fit en premier lieu moyennant des études embryologiques chez
l'homme. A un cerlain stade du développement (à la naissance), les voies optiques
réflexes sont seules myélinisées; on peut donc les poursuivre dans le mésocéphale,
grâce à leur myéline. En second lieu, iJ. énucléa un œil chez le singe, puis il poursuivit
au Marchi les fibres réilexes. Il put se convaincre ainsi que les voies optiques réflexes
sont différentes des voies optiques visuelles. Que les premières se détachent des secondes
un peu avant le corps genouillé externe, passent à côté et un peu sous le corps
genouillé interne, se dirigent ensuite en dedans, puis en bas et, par un trajet assez
compliqué, arrivent jusque contre le noyau de l'oculo-moteur commun. Il constata dans
ce genre de recherches aussi i|ue chez les mammifères supérieurs, chaque nerf optique
envoie des fibres réilexes oux deux moitiés du mésencépliale.
7" Centre réflexe sphinctéro-moteur ou rétino-pupillaire. — Oii donc s'opère
la transmission de l'influx nerveux centripète (dans le nerf optique) aux voies cenlri-
fuges sphinctéro-motrices ? Il est certain que la région dos tubercules quadrijumeaux
joue le rôle de centre pour le réflexe lumineux. Au dire d'une foule d'auteurs, l'extir-
pation des hémisphères cérébraux, ou encore la section de la moelle allongée en arrière
des tubercules quadrijumeaux, même si elle passe par les tubercules postérieurs d'après
Bechterew, laisse persister le réflexe rétino-pupillaire.
Il faudrait donc admettre que la partie ainsi délimitée du mésencéphale, c'est-à-dire
le niveau des tubercules quadrijumeaux antérieurs, renferme un centre pour le réflexe
rétino-pupillaire, ou, comme on dit généralement, pour le réflexe pupillo-constricteur,
Lien que ce dernier terme le cède en précision au premier.
De nombreux travaux d'ordres divers se sont attaqués à la question. — Signalons
d'abord que, touchant l'emplacement de ce centre réflexe, Bach a récemment fait
entendre une voix discordante. Il a eu premier lieu prétendu qu'un centre pour la
pupillo-constriction se trouverait dans l'extrémité supérieure de la moelle cervicale,
ensuite que dans la partie distale du calamus scriptorius se trouverait un centre
arrestateur de la pupillo-constriction. Les développements et les expériences de Bach se
heurtent à de nombreuses objections et ne peuvent prévaloir contre les faits démon-
trant que le véritable centre pour le réflexe sphinctéro-moteur se trouve au niveau des
tubercules quadrijumeaux antérieurs. Or, au niveau de ces tubercules nous avons le
noyau de l'oculo-moteur commun, dont la partie antérieure émet les fibres sphinctéro-
motrices, la voie motrice du réflexe rétino-pupillaire. D'autre part, comme nous venons
de le voir, les voies optiques réilexes, centripètes, ont été poursuivies jusque dans le
voisinage immédiat, sinon dans le noyau en question. Ce noyau, ou plutôt sa partie
qui émet les fibres pupillo-constrictrices, se signale donc à l'attention comme centre
du réflexe rétino-pupillaire.
En opposition avec cette conception se trouve une opinion autrefois très répandue
basée sur les expériences de Flourexs, Budge, etc., et d'après laquelle les tubercules
quadrijumeaux eux-mêmes renfermeraient un centre réflexe pupillo-constricteur, soit
que ce soit là le seul centre de ce genre, soit qu'il soit d'un ordre supérieur, ayant sous
sa dépendance le centre constitué parle noyau du nerf III.
D'après cette conception, les tubercules quadrijumeaux antérieurs renfermeraient
aussi un centre pupillo-dilatateur.
IRIS. <i45
Cette opinion fut baséo piimilivemeiit sur dos exi>ériences (Flouue.ns, elc.j d'extir-
pation des tubercules, à la .suite desquelles on avait observé la dilatation et l'iminu-
bilité des pupilles. Klle tut ensuite corroborée par des exiiérieiices pratiquées cbez des
niaminifères, et consislaiit en des excitations électriques des tubercules.
Knoll est un des premiers qui ait observé des mouvements pupillaires, toujours
bilatéraux, par l'excitation électrique des tubercules quadrijumeaux.
Mais déjà cet auteur vil le réllexe lumineux persister après destruction de la seule
substance grise des tubercules.
Viennent ensuite les rechercbes d'AoAMLK, aux mains duquel l'excitation de la
partie postérieure des tubercules antérieurs donna une constriction, et l'excitation de
la partie antérieure des mêmes éminences une dilatation, toujouis des deux pupilles.
ScHU'F obtint une dilatation (des deux pupilles) en excitant la partie postérieure des
tubercules antérieurs, ou encore les tubercules postérieurs. Ferrier et Hhal'nstein
signalent une mydiiase bilatérale à la suite de l'excitation des tubercules postérieurs
aussi bien que des antérieurs. An'gelucci prétend n'avoir obtenu d'effet pupillaire
qu'en agissant sur les tubercules antérieurs : leur partie postérieure dilaterait, et leur
partie antérieure resserrerait la pupille.
La plupart de ces auteurs virent du reste survenir en même temps des mouvements
combinés des deux yeux, surtout lorsque l'excitation portait sur des parties plus dis-
taies de cette région.
Les mêmes effets bilatéraux ont été obtenus par certains auteurs (Hensen et Voel-
KERs, Angelucci, ctc.) lorsquc après extirpation des tubercules ils excitaient électrique-
ment les parties sous-jacentes, qui comprennent notamment le noyau d'origine du
nerf III. El alors les effets pupillaires, consistant toujours en une constriction, étaient
surtout prononcés lorsque l'excitation portait sur la tête du noyau de l'oculo-mo-
teur. Ber.nheimer porta encore plus directement l'excitation sur le noyau du nerf IIL
Après enlèvement des tubercules, il sectionna le mésocéphale suivant le plan médian,
puis il porta les électrodes aux différents endroits de la surface de section. Le résultat
de l'excitation fut une pupillo-constrîclion du seul côté homonyme au noyau excité,
mais seulement lorsque l'excitation portait sur la tête du noyau.
Surtout dès les expériences de Hense.v et Voelkers, pratiquées sur des chats et des
chiens, surgit le soupçon et même la conviction que les effets pupillo-constricleurs de
l'excitation électrique des tubercules quadrijumeaux seraientdus en réalité àce que l'exci-
tation aurait porté soit sur le noyau, soit même sur les fibres radiculaires du nerf IIL
Cela devient à peu près évident si on se souvient d'autre part que d'après Knoll,
Re.nzi, Topolanski, Gudden, Rer.nhei.mer, Levlxsohn, etc., la destruction expérimentale
des tubercules antérieurs ne supprime pas le réflexe rétino-pupillaire — contrairement
à ce qu'avaient trouvé Flourens et Budge —, et que ce même réflexe n'était pas sup-
primé chez l'homme dans un cas de cécité avec destruction des tubercules antérieurs
(Bechterew). Si à ce faisceau de faits on ajoute ce que nous avons dit plus haut de
l'origine des fibres sphinctéro-molrices, et surtout de l'effet pupillo-paralytique de la
destruction du noyau d'EoiNGER-WRSTPHAL, on ne peut guère se soustraire à la convic-
tion que le centre mésocéphalique pupillo-constricteur nous est donné dans le noyau
d'origine du nerf III, plus exactement dans le segment antérieur, à petites cellules, dit
aussi noyau d'Eoi.NGER-WEsri'HAL. Il semblerait même (d'après Levi.nsohni que ce
serait la partie antérieure de ce noyau à petites cellules, plus ou moins séparée (analo-
miquement) de la partie postérieure, qui jouerait ce rôle physiologique, en même
temps que le rôle anatomique de noyau d'origine des fibres sphinctéro-motrices.
Pour ce qui est des dilatations pupillaires bilatérales qu'a provoquées l'excitation
électrique de la partie postérieure des tubercules antérieurs, et qui prouveraient l'exis-
tence en ces lieux d'un centre pupillo-dilatateur, il semble qu'il s'agisse là aussi d'une
diffusion du courant électrique dans la profondeur. Les auteurs en question n'ont pas
même pris la précaution de couper le grand sym[ialiuque dans leurs expériences.
A la vérité, plusieurs anatomislcs (.Mey.nkrt, Koelliker, Van Gkhuchten, Mahaim, etc.)
décrivent des fibres du nerf optique pénétrant jusque dans les tubercules quadri-
jumeaux antérieurs. V\n Gehuchten relève, d'autre part, que les axones des cellules des
tubercules descendent (après entre-croisement) dans le faisceau longitudinal postérieur.
<U»> IRIS.
Maïs ces fibres servent pro])ablement à d'autres buts qu'aux réflexes pupillaires.
Bailleurs, une l'ouïe d'auteui s, et en dernier lieu Ber.nueimer, comme nous venons de le
voir, ont poursuivi, cbez les mammifères supérieurs, jusque contre la tête du noyau
du nerf III, des fibres du nerf optique différentes des voies visuelles, corticales, et
qui ne passent pas par les tubercules quadrijumeaux.
On ne saurait du reste être trop prudent dans l'extensinn aux vertébrés supérieurs
et à l'homme des faits de ce genre établis chez les animaux inférieurs. Il se peut très
bien que, conformément à ce qu'a dit Flourens, l'extirpation des tubercules quadriju-
meaux cbez les oiseaux dilate et immobilise les pupilles. Nous avons déjà dit que chez
ces animaux, les tubercules quadrijumeaux (ou leur niveau) sont le siège d'un centre
pour des pbolo-rétlexes nombreux sur les muscles de la vie de relation, et qu'un
oiseau auquel on a enlevé les hémisphères célébraux se gère visuellement à peu près
comme un animal normal, aussi longtemps qu'on laisse intacte la région des tuber-
cules quadrijumeaux. 11 faut se souvenir aussi que, chez l'oiseau et le lapin, l'expéri-
mentation pliysiologique n'a pas encore mis en évidence un centre corlico-visuel
comparable à celui des mammifères, et qu'un tel centre n'existe certainement pas
chez les vertébrés inférieurs, dont certains (les poissons, par ex.) sont dépourvus
d"écorce cérébrale. Surtout lorsqu'on parle de sensations visuelles, il n'est pas permis
de conclure du lapin ou de l'oiseau à l'homme. Quoi d'étonnant dès lors que, sous
le rapport du réflexe pu pillai re aussi, |il y ait des différences sensibles dans la série
des vertébrés?
C'est le moment de dire un mot do la rcaction pupiUalre hémianopique des cliniciens.
Nous avons vu que l'extirpation des In'-misphères cérébraux ne supprime pas le réflexe
rétino-pupillaire ; a fortiori en est-il de même pour les lésions de certaines parties du
cerveau, par exemple, du centre psycho-visuel. Par contre, une lésion des conducteurs
optiques, soit dans le nerf, soit dans la bandelette, peut troubler ce réflexe ; elle le tiouble
réellement le plus souvent. Une cécité partielle ou totale de siège hémisphérique laissera
le réflexe lumineux intact, à l'opposé des cécités partielles et totales dues à une lésion
basale, du nerf, du chiasma ou de la bandelette optique. La cécité corticale (par exemple
dans l'urémie) laisse donc le réflexe pupillaire intact. La destruction d'une bandelette ou
d'un seul centre corfico-visuel produit de Ihémianopie (les deux moitiés homonymes
des deux champ? étant aveugles). Une lumière placée dans la partie aveugle du champ
visuelle n'est pas aperçue, elle ne provoque pas non plus le réflexe pupillaire si la
cause en est une lésion d'une bandelette, tandis qu'elle provoque ce réflexe si le siège
de la lésion est hémisphérique.
Tonus du centre pupillo-constricteur. — La section du nerf optique ayant
toujours pour elFet de dilater la pupille du même côté, si l'autre œil est obscurci, nous
devons admettre que les flbres optiques rétloxes entretiennent toujours un certain
degré d'innervation tonique dans le centre réflexe sphinctéro-moteur. L'existence de ce
tonus du centre pupilfo-constricteur ressort d'ailleurs aussi d'observations multiples,
signalées plus loin.
Au point de vue de l'analyse des faits physiologiques, il importe de ne pas
confondre ce tonus nerveux avec le tonus du muscle sphincter. Ce dernier, le tonus
musculaire, est le plus souvent l'expression du tonus nerveux, mais il ne semble pas.
qu'il y ait entre les deux un parallélisme complet. C'est ainsi qu'en cas d'excitation,
artificielle du « bout céphalique » du grand sympathique au cou, ou eu cas d'instillation
d'atropine dans l'œil (dilatation maximale de la pupille), le tonus musculaire semble
anéanti, alors que le tonus nerveux n'a probablement pas varié.
A un moment donné, le tonus nerveux est la résultante de plusieurs influences; les
unes l'augmentant, les autres la diminuant. Les fibres optiques réflexes l'augmentent,
le produisent si on veut, tandis que l'excitation d'un nerf sensible quelconque, ainsi
que l'activité cérébrale, le diminuent. Ces influences opposées, agissant toutes sur le
centre pupillo-constricteur, en modifient incessamment le tonus, à l'état de veille,
et modifient le diamètre pupillaire, les unes en le diminuant, les autres en l'agrandis-
sant, toujours' par l'entremise du nerf oculo-moteur commun. Nous verrons que les
modifications habituelles, normales, de la pupille, les dilatations aussi bien que les
constrictions, s'obtiennent tout ou partie, non pas par l'intermédiaire des flbres
IRIS. SU
luipillo-dilalatrices du i^raml symp'>llii'l"<'. ninis par les lilucs spliiiirtérd-nmli icos
du iiorf III. Kn ce sens, oo dernier est donc aussi un nerf piipill<i-dil;italrur iinpniianl,
celui qui a^çit lo |»lus souvent, lors des pupillo-dilalations les plus normiiles, et (jui In-s
souvi-nt ont été mises à l'aclif des lihrc'S pupillo-dilataltices du ncrl' i,'rand sympalliique,
soit nitMiie, n\.ais bien ù tort, à l'ailif de libres pupillo-dilataU ices centiiî'uycs dans le
nerf III Ini-niôine.
On a p'Misé aussi à un lonns iiciveux piipillo-constricteur exerc.i'' i)ar le f;anglioM
ciliairc. I\ien de délinild n'est fucoie venu conlinni'r celle idée Kit. Fiianck enfin admet
que le j^aiiglion tiliaire jouerait le rôle de ccnlr.' ri'lb'xe.pfuir la pnpilln-dilalalion.
8'' Réaction piipillaire associée à la convergence. — La pu[(ill(' se resserre
l'iiaqu'' fui^ que nous regartluiis de près, elle se dilate si nous regardons de loin. I.a
signilii'alion physiologique ou rufililé de ces mouvements pupillaires semble ôtre
d'augmenter la netteté des images n'Iiniennes. nellelé dont le hesnjn sf fait sentir
surtout dans la vision de près.
Ces mouvemenls pupillaires sont le fait du spliincler de la pupille, qui se contracte
dans la constriclion pu|Mllaire et se relâche dans la pupillo-dilalation. Les inllueiices
pupillo-dilalatrices proprement dites n'y sont pour rien. I, a preuve en est qu'en cas de
paralysie complète de l'oculo-motcur comnmn (chez l'iiommej, celle réaction pupillaire
associée à la couvergence, ou, comme on dit aussi, « consensuelle », fait complètement
défaut. Il n'en leste plus de Iracc
Lorsquenousportonsle regard d'un pointa unauin- plus rap[iroclié,nous convergeons
ou nous augmentons la convergence, nous accommodons et nous resserrons les deux
pupilles. Le plus souvent on se figure que l'accommodation et la pupillo-constriclion
sont associées à la convergence; ce dernier mouvement, le fait de muscles striés, serait
plus volontaire que les deux autres, dus à des muscles lisses. Cependant, on sait que
l'accommodation est dans une certaine mesure indépendante de la convergence.
On s'est posé la question de savoir si cette pupillo-constriction est associée à la
convergence, ou bien à l'accommodalion, ou encore aux deux à la fois. — E. H. Webkr
ainsi que Drouin avaient soutenu que la réaction pupillaire en cause était liée à la con-
vergence et non à l'accommodation. — Do.nders, à la suite d'expériences sur l'homme,
conclut que la convergence et l'accommodation iullui'ut toutes les deux sur la
pupille.
Il est facile de démontrer que la convergence a cet elfet. Pendant qu'on continue à
fixer le même point, on met devant un œil un prisme à base tempoiale, ce qui aug-
mente la convergence sans modifier l'accommodation. Or, dans ces circonstances, les
deux pupilles se resserrent.
11 est plus difficile de l'aire varier l'accommodalion, au moins dans une mesure suffi-
sante, sans faire varier la convergence. Do.nders crut avoir démontré que l'accommoda-
tion inilue sur la pupille en faisant regarder le même point, d'abord aux yeux nus, puis
munis de verres sphériques, qui ne changent pas la convergence, mais modifient l'ac-
commodation. Avec des verres négatifs — qui augmentent l'accommodation — il vit les
pupilles se resserrer; avec des verres positifs, qui suppléent à l'accommodation, il vil
les pu[»illes se dilater. Cependant ces dernières expériences ne semblent pas bien
concluantes, notamment parce que les variations de l'accommodation, et partant celles
de la pupille, sont peu pronomé«'s dans ces circonstances. L'opinion de Donders fut
cependant confirmée par la plupart des auteurs.
Survinreiit alors les expériences de Marina sur l'animal. Chez des chiens, il détacha
de l'œil les tendons des muscles droit externe et droit interne, puis il intervertit leurs
insertions scléroticales. Ou encore il intervertit de même le droit interne avec le grand
oblique (qui tourne l'oiil en dehors et en bas). Au dire de Marina, les animaux opérés
apprirent bientôt à diriger normalement les yeux, et la convergence aurait été accom-
pagnée d'une pupillo-constriction, bien que maintenant elle fût le fait du droit externe
ou du grand oblique. L'innervation de la pupillo-constriction dans la vision de près
serait donc indépendante de l'innervation du droit interne dans la c<mvergence.
11 y a beaucoup à redire aux expériences de .Mari.na. D'abord l'assertion de l'auteui ,
disant que les mouvemenls oculaires seraient redevenus noiraaux semble en contra-
diction avec l'observation clinique journalière faite chez l'homme. En second lieu,
648 IRIS.
comme nous allons le dire, en dehors du singe, il est douteux que les animaux
resserrent la pupille (et convergent toujours) dans la vision de près.
Vervoort a récemment repris les expériences de Dondeus, en les modifiant, et il en
tire la conclusion que l'accommodation et lapupillo-réaction synergiques à la conver-
gence seraient, ainsi que E. H. Weber l'a dit, absolument indépendantes l'une de
l'autre, et que la pupillo-réaction (comme d'ailleurs l'aicommodalion) ne dépendrait
que de la convergence.
Certains auteurs remarquent que l'accommodation et la pupillo-constriction dépen-
dent de muscles lisses; donc, disent-ils, ces deux mouvements sont involontaires, tandis
que la convergence, due à des muscles striés, serait volontaire. Dès lors, il serait natu-
rel de considérer la pupillo-constriction (comme l'accommodation) liée, associée à la
convergence. — Nous avons montré ailleurs que cette aflirmation doit être reçue
cumgrano salis. Nous avons relevé la nature rétiexe de la convergence, et nous avons
fait voir qu'elle n'est pas plus consciente que la pupillo-constriction, et qu'enfin chez
le vieillard borgne depuis la naissance et privé de toute accommodation, on peut se
demander tout aussi bien si la convergence n'est pas liée à la pupillo-consliiction.
Il est probable que l'association de ces trois mouvements de la vision de près repose
sur un mécanisme congénital, mais que dans des circonstances extraordinaires cette
association permet un petit relâchement dans les liens physiologiques, sans que cepen-
dant cette indépendance soit absolue. Le fait désigné sous le nom d'accommodation
relative, prouve qu'il en est ainsi au moins pour l'accommodation.
La réaction pupillaire consensuelle de la pupille existe-t-elle aussi chez les ani-
maux? Une expérience démonstrative à cet égard est malaisée. Cependant le singe
paraît en être pourvu. Chez le lapin au contraire, animal qui ne converge pas, la pupille
semble ne pas bouger dans la vision de près (Steinach). Le chien dispose d'une certaine
vision binoculaire, mais sa pupille paraît se dilater dans la vision de près. C'est que pro-
bablement chez le chien et le lapin, l'acuité visuelle, c'est-à-dire la netteté des images
rétiniennes semble ne jouer dans la vision de près qu'un rôle très accessoire (Nuel). —
Chez les vertébrés encore plus inférieurs, la convergence véritable paraît faire défaut.
Somme toute, les résultats d'expériences touchant ces questions ne peuvent guère
être appliqués à l'homme et vice versa.
A ce propos, il convient de dire un mot du symptôme pupillaire de Iîoiîertson. Dans
certaines maladies du système nerveux central — de la moelle épinière — la réaction
pupillaire à la lumière et le pupillo-réflexe douloureux sont supprimés, tandis que
la réaction associée à la convergence existe encore. La pupille reste le plus souvent
nn peu dilatée et immobile lors des variations de l'éclairage. Le noyau d'origine des
fibres sphinctéro-motrices, ces fibres elles-mêmes et le muscle semblent intacts. L'in-
nervation de la convergence (ou celle de la vision de près) retentit normalement sur le
noyau mésocéphalique sphinctéro-nioteur, tandis que les voies centripètes pour le
réflexe rétino-pupillaire n'ont plus cet effet.
Citons ici \a. pupillo-constriction qui survient lors de toute constriction énergique des
muscles orbiculaires des paupières, même lorsqu'on empêche mécaniquement les pau-
pières de se fermer. Cette pupillo-constriction est-elle liée à l'innervation de l'orbi-
culaire, ou plutôt à la convergence qui se produit dans les mêmes circonstances?
90 Fibres nerveuses pupillo-dilatatrices. — Sous le nom de fibres nerveuses
pupillo-dilatalrices, on comprend des fibres périphériques, centrifuges, dont l'état d'activité
dilate la pupille. Cette définition exclut notamment les nerfs centripètes dont l'état
d'activité dilate la pupille par l'effet d'une action réflexe. Nous en excluons aussi les
libres nerveuses centrales, également centrifuges à certains égards (centripètes à d'autres),
et dont l'état d'activité dilate la pupille en exerçant une inhibition sur le centre pupillo-
constricteur mésocéphalique (réflexes cérébraux pupillo-dilatateurs).
Comme point de départ de la question des fibres pupillo-dilatatrices, il y a l'obser-
vation de PouRFOUR DU Petit (1727) qui, après avoir sectionné le tronc sympathique (et
le nerf vague) au cou, vit la pupille du même côté se resserrer. En réalité (Valkntin),
la section produit d'abord du même côté une dilatation de la pupille, suivie bientôt
(après une minute) d'un resserrement permanent, qui toutefois diminue après des jours.
Serafino Bn-Ti, puis Cl. Bernard complétèrent l'expérience de du Petit, en excitant le
IRIS. * •!'»'»
bout piMiphtMiquc supriipur) du nerf coiiiiô : le résultat de la lélanisation est une dila-
tation iiidiiiiKilr do la pupille du même cùlé, plus l'orte que celle qui lésullo d<' la simple
sectiou de l'ot-iilo-moteur eommun ; chez le chat, elle laisse visible, à côté du limbe
conjonclival, ;\ peine un millimètre de l'iris, alors qu'après section du 3'' nerf l'iris reste
visible dans la largeur d'au moins deux millimètres.
Comment interpréter ces résultats? I.a section d'un nerf moteur provoque ordinai-
rement la paralysie du muscle (|u'il innerve, et l'excitation du bout périphérique du
nerf coupé provoque la conlraclioii de ce même muscle. D'après cela, la conclusion
s'impose (jue le faraud sympalhi(iiie cervical renferme des fibres dont la paralysie res-
serre la pupille, et dont l'iHal d'activité' la dilate; ce sont donc des libres pupillo-dila-
tatrices.
BuDGR poursuivit à rebours les fibres en question, à l'aide de l'expérimentation, alin
de découvrir leur provenance. Il trouva que la section de certains rameaux communi-
cants et leur excitation ont sur la pupille les mêmes elTets que les expériences sij^nalées
sur le grand sympathique. Il conclut ainsi que chez le lapin les fibres pupillo dilatatrices
quittent la moelle é[)inière par les racines antérieures des septième et huitième paires
cervicales, et des deux premières paires dorsales. Elles gagnent ensuite le grand sym-
pathique par les rameaux communicants correspondants.
On ne tarda pas à faire observer que ces expériences s'expliquaient à la rigueur par
les actions vaso-motrices résultant de la section et de l'excitation du grand sympa-
thique au cou.
Cl. Hkrnard alors montra que ces libres pupillo-dilafatrices, tout en étant mélangées
dans le tronc du nerf f-ympathique aux fibres vaso-motrices pour la tête (pour l'oreille
notamment), ne sont pas ce[)endant partout mélangées avec elles. Il a été confirmé en
cela par François Franck, Angelucci et d'autres. Il résulte de toutes ces recherches (]ue
déjà au sortir de la moelle, les fibres pupillo-dilatatrices ne suivent pas exactement les
mêmes voies que les nerfs vaso-moteurs pour la tète. Telles paires dorsales (les pre-
mières) renferment des fibres pupillo-dilatatrices et pas de fibres vaso-constrictrices
(Cl. Ber.nardV Elles convergent ensuite vers le premier ganglion thoracique, d'où elles
remontent dans le grand sympathique cervical, qui renferme également les fibres vaso-
constrictrices poui- la tète.
Les fibres pupillo-dilatatrices sortent de la moelle par des voies un peu différentes
selon les espèces animales, peut-être même selon les individus. D'après Fr. Franck,
celles du chien sortent par les quatre dernières paires cervicales et les deux ou trois
premières dorsales. D'après Braunsteix, celles du chat sortent par les deux dernières
cervicales et les deux premières dorsales. Chez l'homme, d'après M™*" Dkjerine, le ra-
meau communicant de la première paire dorsale en renferme certainement. Oppenheim
a confirmé le fait, en ajoutant que la deuxième paire dorsale n'en renferme pas, et
qui- la huitième cervicale en renferme. On ne sait rien des autres paires cervicales.
Dans l'anneau de Vieussens (chez le chat et le chien) les fibres pupillo-dilatatrices
passent par l'anse antérieure, alors que l'anse postérieure renferme les fibres vaso-
motrices pour la tête. Les fibres papillo-dilatatrices convergent ensuite vers le pre-
mier ganglion cervical inférieur, d'où elles remontent dans le grand sympathique cer-
vical, de concert avec les fibres vaso-constrictrices pour la tête, et mélangées avec
elles. On discute un peu sur leur trajet au-dessus du ganglion supérieur. Ce qui est
certain, c'est que (chez l'homme et les mammifères supérieurs) toutes pénètrent dans
le crâne, et rejoignent le trijumeau dans le ganglion de Casser. Il ne semble pas que
ce soit par les rameaux sympathiques qui enlacent la carotide interne (filets vaso-mo-
teurs). Cl. Bernard, Fr. FRA^'CK, Axgelucci et Braunstein décrivent un filet émergeant
du ganglion supérieur qui reste indépendant [des filets carotidiens et qui renferme
au moins beaucoup de fibres pupillo-dilatatrices, peu au pas de fibres vaso-motrices.
Il pénètre dans le crâne et rejoint le ganglion de Casser.
Fr. Franck croyait avoir découvert une action pupillo-dilatatrice au nerf qui accom-
pagne l'artère vertébrale. Le fait a été contesté.
Au delà du ganglion de Casser, toutes les fibres pupillo-dilatatrices suivent la voie
de l'ophtalmique, et, plus loin, celle des nerfs ciliaires longs, qui les conduisent à l'œil
sans qu'ils passent par le ganglion ophtalmique. .Après section du nerf ophtalmique ou
650 IRIS.
des nerfs ciliaires longs, l'excitation du grand sympathique no dilate plus la pupille,
[/extirpation du ganglion ophtalmique n'annule pas l'effet pupillo-dilatateur de l'excita-
tion du nerf grand sympathique. Enfin, l'excitation des nerfs ciliaires longs (bouts péri-
phériques) produit une dilatation pupillaire, et cela, d'après Gregorow, sans ell'et vhso-
constricteur. Le nerf trijumeau d'autre part ne renferme pas à .'on origine de fibres
de ce genre (voir plus loin). Enfin, d'après Braunstein (contre Fr. Franck), les nerfs
ciliaires longs innerveraient chacun seulement un secteur de l'ii'is, celui qui lui cor-
respond topographiquemeut.
Chez la grenouille aussi, les libres pupillo-dilatalrices quittent la moelle par les
racines antérieures. La chose est disculée pour l'oiseau, dont le grand sympathique,
d'après certains autejirs (Zeglixski, Jegorow), ne renfermerait pas de fibres pupillo-dila-
talrices. Chez l'oiseau, l'excitation du grand sympathique agit sur les vaisseaux de la
tête, mais pas sur la pupille. Celle-ci se dilaterait par l'excitation d'une certaine branche
ciliaire du nerf trijumeau. Vcliua.n t-l GuuKNnAGEv au contraire virent qvuî chez les
oiseaux l'excitation du grand sympathique dilate la juiiulle.
Les voies nerveuses pupillo-dilatalrices paraissent donc bien être distinctes des
voies vaso-constrictrices. Dans le même sens parle le fait que l'etîet pupillaire de
l'excitation du grand sympathique persiste encore une ou deux minutes après que
l'animal a été tué par hémorrhagie. On a aussi invoqué, pour prouver cette indépen-
dance, le défaut de synchronisme entre la dilatation pupillaire et l'augmentation de la
pression sanguine qui résultent toutes les deux, en qualité de réflexes, de l'excitation
d'un nerf sensible (Ari.t, Fr. Franck). Mais cette expérience ne prouverait rien en
l'espèce s'il se confirmait que, comme le .«outient Braunstein (voir plus loin), cette dila-
tation pupillaire n'est nullement le fait des fibres pupillo-dilatalrices du giand sympa-
thique, mais d'une inhibition exercée sur le noyau d'origine des fibres pu|iillo-couslric-
trices.
Toutes les voies pupillo-dilatalrices présentent une interruption cellulaire dans les
ganglions sympathiques; elles sont composées d'au moins deux neurones superposés.
L'empoisonnement par la nicotine resserre la pupille et supprime tout effet pupillaire
de l'excitation du grand sympathique (Langley, Andersox, Dickson). L'apidication du
poison sur le seul ganglion cervical supérieur a le même effet; c'est là ({ue toutes ces
voies sont interrompues. Et comme, en cas d'empoisonnement général (comme d'ailleurs
en cas d'empoisonnement local), l'excitation des rameaux émergeant du ganglion supé-
rieur dilate encore la pupille, on doit conclure qu'au-dessus du ganglion les voies en
question ne présentent pas de seconde interruption cellulaire; les axones des cellules
du ganglion supérieur s'étendent jusqu'à la destination périphérique de ces voies.
Tonus du ganglion cervical supérieur. — On admet généralement que le
ganglion cervical supérieur entretient toujours un certain degré d'excitation tonique
des fibres pupillo-dilatatrices. Ce ganglion ne serait donc pas un simple lieu de
passage pour les voies pupillo-dilatatrices, mais l'intercalation des cellules aurait
encore une signification physiologique. Cette opinion se base sur le fait bien connu
que la section du tronc sympathique a un effet myotique moindre que l'extirpation du
ganglion cervical supérieur ou son empoisonnement par la nicotine. Après section du
tronc, l'extirpation du ganglion supérieur resserre encore un peu la pupille. On sait
qu'il en est de même des fibres vaso-constrictrices pour la tête; le ganglion supérieur
exerce également sur elles un certain tonus.
Le fait qu'après la section du grand sympathique l'extirpation du ganglion supérieur
resserre encore davantage la pupille, Schiff l'avait expliqué par l'hypothèse de fibres
pupillo-dilatatrices rejoignant le grand sympathique en sortant de la moelle par les
premières paires cervicales. L'hypothèse de Sciiiff est controuvée.
Centre cilio-spinal. — Budge a créé la notion d'un centre réflexe cilio-spinal, c'est-à-
dire d'une partie de la substance grise dans laquelle toutes sortes d'innervations se
réfléchiraient sur les fibres pupillo-dilatatrices. Chez des lapins, après avoir dénudé la
moelle à l'union des portions cervicale et dorsale, il sectionnait doublement la moelle,
au-dessus de la sixième cervicale et en dessous de la quatrième dorsale, puis, faisant
passer à travers le tronçon de moelle ainsi isolé un courant galvanique, il observait
une dilatation des deux pupilles, pourvu que les deux nerfs sympathiques fussent
IRIS. <)ol
iiilacis. Venail-ii à coiipiM l'un de ces lieiix iiuil's, alors la pupilk- iic se dilatait ({u*; du
côté ofi le grand sympathique était intact. L'excitation des set;mcnls niéduUaiies situés
en aval et en amont dos sections n'avait pas d'elTet pupillairc. D'autre part, il extirpait
des portions des cordons latéraux de la moelle : il ne se proilniuiil une pupdlo-dilata-
tion nue si l'exrilation ()orlail entre la sixiènif vei'lèhre cervicale et la quatrième
dorsali'.
Aujourd'hui, ces expériences ne semblent guère concluantes pour établir l'exis-
tence d'un centre réllexe pour la pupillo-dilatatiou. Klles prouvent tout au plus
que des voies nerveuses pupillo-dilatatricos descendent par des cordons latéraux et
sortent de la moelle entre les deux limites indi(iuées. Ensuite, il n'est pas du tout
prouvé que l'ellel pupiiiaire observé ne soit pas le résultat d'une action vaso-motrice.
D'ailleurs, ce qui prouve combien peu les idées sur le centi-e 'cilio-spinal sont peu
neltes, c'est que Duduk. Ini-inér)ie a parlé d'un second centre pupillo-diiatateur, silué
plus haut dans l'axe cérébro-spinal, et que divers auteurs (Scmi-'K, Balogii, Oeiil) eu
reculent la limite supérieure plus haut, voire mèuie jusque dans les hémisphères
cérébraux.
C'est, selon toutes les apparences, grâce à l'autorité de Cl. Behnard que l'idée d'un
centre cilio-spinal est si tenace. Cet auteur démontra clairement [lour la première l'ois
que l'excilation de n'importe quel nerf sensible provoque une ililatatiou des deux
piq^llfs, pourvu, dit-il, (juc le grand sympalhique et les paires raciiidiennes qui porteni
les libres pupillo-dilatatriccs soient inlacts; venait-il à couper un nerf sympatbi(|un, il
supprimait du coup de ce côté le réllexe pupiiiaire. .Nous verrons que l'elîet pupiiiaire
de l'excitation d"un nerf sensible est bien réel. Ce qui est erroné, c'est que ce réllexe
soit suppri(né par la section du grand sympathique. Or ce dernier point seul impli-
quer.iit l'existence du centre de Rudoe.
Les opposants nombreux du centre de Budge font valoir uotatnment que la section
de la moelle très haut, même contre les tubercules (juadrijumeaux, supprime le
réflexe pupiiiaire provoqué par l'excitation du nerf sciatique notamment, que ce réllexe
disparaît après section du nerf oculo-nioieur commun et persiste après section du nerf
grand sympathique au cou, qu'il est donc produit (au moins en majeure partie) par une
inhibition exercée sur le nerf oculo-moteur et nullement par une excitation des fibres
pupiilo-dilalatrices du grand sympathicjue. Les choses se passeraient donc, d'apiès ces
auteurs comme si les diverses voies sensibles, productrices du nHlexe pupillo-dilataleur,
allaient agir sur un centre pupillo-diiatateur situé dans le mésencéphale. Et comme la
voie centrifuge du réllexe est le nerf oculo-moteur, il est naturel d'admettre que ce
centre est précisément le centre pupillo-constricteur, le noyau d'origine du nerf
pupillo-constricteur, dont l'activité tonique est modérée, diminuée par l'excitation des
nerfs sensibles.
En l'état actuel de la science, ces hypothèses et ces discussions n'oni plus la même
valeur qu'autrefois. Elles partent eu effet toutes plus ou moins d'une observation
inexacte quant au mécanisme des réflexes pupillo-dilatatcurs. Sur le même fondement
erroné reposent la plni>art, sinon toutes les assertions relatives à des fibres neiveuses
pupillo-dilatalrices quittant la substance cérébrale par des nerfs céiébraux, par le nerf
trijumeau notamment (voir plus loin), et provenant ou non du centre cilio-spinal.
Et cependant, puisqu'il y a des fibres pupillo-dilatalrices sortant de la moelle à
l'union des régions cervicale et dorsale, il semble qu'il doive y avoir un centre
cilio-spinal, en principe, pour des raisons théoriques, pour autant que toute innervation
centrifuge suppose un tel centi-e. En leur qualité de fibres centrifuges, elles doivent
prendre naissance de cellules des cornes antérieures, situées pas trop loin du niveau
de la sortie des fibres, et ces cellules doivent constituer ici une espèce de centre pupillo-
diiatateur spinal, d'ordre inférieur si on veut. — Par la méthode de Gudden, Hoebex a
étudié la disparition des cellules dans la moelle après section du grand sympathique.
Celles de la corne antérieure situées contre le sillon médian avaient disparu dans la
région dite " cilio-spinale >k II semble qu'en partie au moins ces cellules donnent nais-
sance aux libres vaso-constrictrices.
Nous admettons vnlontiers que, chez des vertébrés inféiieurs, ce centre cilio-spinal
puisse jouir d'une certaine indi'pendance fonctionnelle. Mais il est plus que probable
652 IRIS.
que chez l'homme cette indépendance n'existe plus, pas plus d'ailleurs que pour aucun
centre réflexe spinal.
GuiLLEBEAu et LucHsiNGER SG sont donué beaucoup de peine, mais vainement, pour
mettre en évidence, chez des mammifères, au moins une certaine indépendance du
centre cilio-spinal. Ils ont observé une trace minime du réflexe pupillo-dilatateur chez
des lapins et des chats empoisonnés par la strychnine, et auxquels ils avaient
sectionné la moelle au haut du cou.
Tonus du centre cilio-spinal. — La section du grand sympathi(iiie resserre
toujours la pupille. Celle-ci est donc toujours plus dilatée que cela serait le cas sans
l'action du grand sympathique cervical. En second lieu, la section simultanée des nerfs
grand sympathitiue cervical et oculo-moteur commun dilate la pupille moins que la
section du seul nerf TH. Les partisans du centre cilio-spinal admettent donc souvent un
tonus des fibres pupillo-dilatatrices du grand sympathique, qui proviendrait du centre
de BuDGE. — L'on ne sait pas dans quelle mesure ces elTets de la section du grand
sympathique cervical sont l'effet de la section des fibres vaso-motrices.
Dilatation pupillaire paradoxale. — L'extirpation du ganglion cervical a donc un
effet pupillo-constricteur immédiat plus prononcé que la simple section du tronc sym-
pathique. A un autre point de vue cependant, à celui de la durée du resserrement pupil-
laire, l'extirpation du ganglion parait moins efficace que la section du grand sympa-
thique. En cas de seclion du sympathique, le resserrement pupillaire diminue dans la
suite, après des jours, mais cette pupille reste toujours plus petite que celle du côté où
le grand sympathique est intact. Au contraire (chez le chat, le lapin), en cas d'extirpation
du ganglion supérieur, la pupille, après s'être resserrée, se dilate après un ou deux
jours, et cette dilatation augmente ensuite jusqu'à égaler et même à surpasser celle du
côté opposé. Cette dilatation [tupiilaire « paradoxale » doit s'expliquer (Langendorff) de
la manière suivante. En cas de section du tronc sympathique, la dégénérescence secon-
daire des fibres pupillo-dilatatrices s'arrête au ganglion supérieur, où toutes sont inter-
rompues. En cas d'enlèvement du ganglion, toutes les fibres dégénèrent jusqu'à la
périphérie. Et c'est cette dégénérescence qui constitue une cause d'excitation, ainsi
que du reste cela se passe après la section d'autres nerfs moteurs.
Sous le même nom de o dilatation paradoxale de la pupille », Misl.vwski décrit le phé-
nomène suivant. Chez un animal (chat) narcotisé et curarisé, il coupe le nerf III et le
grand sympathique, puis il instille de Tésérine dans le sac conjonctival (pour resserrer la
pupille). Si alors il excite le bout central du nerf scialique, il voit la pupille se dilater.
MisLAWsKi invoque ici la veinosilé du sang, qui exciterait les fibres musculaires pupillo-
dilatatrices. LEWANDONSKYet AiNDERso.x y voicut également un effet de la veinosité du sang.
Enfin, à la suite de la téfanisation d'un grand sympathique, on peut voir la pupille
du côté opposé se resserrer (Dogiel). Il s'agit là d'un réflexe lumineux (bilatéral), pro-
voqué par la dilatation pupillaire directe, du côté du nerf tétanisé.
10» Le nerf trijumeau et la pupille. — La branche ophtalmique du nerf triju-
meau renferme donc les fibres pupillo-dilatatrices qui lui viennent du grand sympa-
thique. Ces fibres rejoignent le nerf trijumeau au niveau du ganglion de Casser. De
longues discussions, qui durent encore, se sont élevées autour du point de savoir si le
nerf trijumeau renferme oui ou non des fibres pupillo-dilatatrices dès son origine, dès
sa sortie de la substance cérébrale.
La preuve convaincante que le nerf trijumeau ne renferme pas de fibres pupillo-
dilatatrices (ni de fibres pupillo-constrictrices) dès son origine paraît ressortir de l'ex-
périence suivante (Angelucci, après d'autres auteurs). Après section, chez le chien, et
du nerf III et du grand sympathique du même côté, la pupille correspondante est,
comme nous l'avons dit, moyennement dilatée. De plus elle est absolument immobile;
elle ne varie plus sous l'influence de la lumière, ni à la suite d'excitations sensibles
(du nerf sciatique par exemple), même si préalablement on l'a resserrée par l'ésérine
et si l'on a empoisonné l'animal par la strychnine. L'asphyxie elle-même ne modifie plus
cette pupille.
Toutefois cette preuve n'est pas suffisante, car après section du nerf III, la pupille
ne réagit plus non plus à la lumière ni à des excitations sensibles, et néanmoins le
grand sympathique renferme des fibres dont l'activité dilate la pupille. Pour résoudre
IRIS. 653
la questioi), il faut voir si la section du nerf fut re le gaiiylion de (i.\ssHii et sa sortie de
la substance céréhrale, |»uis l'excitation du bout périphérique, u'inlluencent pas la
pupille.
Déjà Magenuie (1824) recomuil que la section du trijumeau dans le crâne resserre
moyennement la |)upille de ce côté. Iîl'dgk, Valkmi.n et Ci.. BiaiNAru) obtinrent le même
lésultaL Ils observèrent de plus que le resserrement est passager, alors que celui
obtenu par la section de la branche ophtalmique ; n'nfeirnant les fibres dilatatrices
venues du f,'rand syinpatbiipie), est permanent, {{uaunsikin, plus récemment, observe
qu'au moment de la section du trijumeau (toujours en deçà du ganglion de (jAsser),
il se produit une dilatation initiale très passagère des deux pupilles, puis — seulement
sur la pupille du côté opéré — le resserrement (plus durable) dont parlent les auteurs
lU'écédents.
Ce resserrement pupillaire se développe graduellement, puis diminue de même et a
disparu en majeure partie au bout de vingt-quatre heures. Passé ce temps survietment
généralement les altérations dites <i trophiques » de la cornée, et les phénomènes se
compliquent. Retenons que le myosis dure inliniment plus longtemps que le réflexe
lumineux.
Enfin la section du trijumeau ne modifie en rien les eiïets de la section et de l'exci-
tation des nerfs III et du grand sympathique. Elle ne supprime aucun rédexe pupil-
laire.
Quanta l'excitation électrique du bout périphérique, il est difficile de la localiser
sur le seul segment situé en deçà du ganglion de Casser. Modérée, elle ne produit aucun
effet pupillaire. Plus forte, elle dilate la pupille, mais cet elTet est, selon toutes les
apparences, dû à des courants dérivés surles fibres pupillo-dilatatrices venues du grand
sympathique.
Le résultat pupillaire des excitations du bout périphérique parle donc contre l'exis-
tence de fibres dilatatrices ou constrictrices dans la racine du nerf trijumeau. Pour ce
qui est du resserrement pupillaire d'intensité moyenne, et persistant pendant vingt-
quatre heures et plus, il a exercé la sagacité des auteurs, sans que cependant on soit
arrivé à une explication absolument satisfaisante.
J. MCller et de Graefe voulurent y voir une excitation ré/le,ve des fibres sphinctéro-
motrices. A l'appui de cette manière de voir, on pourrait alléguer ce lait d'observation
journalière que les irritations de la cornée ou de la conjonctive membranes innervées
par le trijumeau) provoijuent une constriction pupillaire. On est même allé jusqu'à
prétendre que l'excitation des fibres sensibles du trijumeau provoquerait un réflexe
pupillo-constricteur, alors que l'excitation de tous les autres nerfs piovoque un réflexe
jiupillo-dilatateur. Mais Cl. Ber.naud a obtenu encore l'effet pupillo-conslricti^ur de la
section du trijumeau après section du nerf orulo-nioteur commun.
Stellwag vo.n Cario.n, observant encore (tout comme Cl. Ber.xari)}, l'eflet pupillo-
conslricteur d'une excitation de la cornée après section du nerf oculo-moteur commun,
en a même inféré que l'excitation des fibres du trijumeau pourrait se réfléchir sur les
fibres sphinctéro-motrices à l'intérieur de l'œil, par l'intermédiaire de cellules ner-
veuses intra-oculaires, qui ainsi joueraient le rôle de centre réllexe piipillo-constric-
t'-ur intra-oculaire. — Cette interprétation de faits d'ailleurs birn constatés est aujour-
d'hui encore admise par certains auteurs.
L'elTet pupillo-constricteur de l'excitation de la cornée ou des branches terminales
du nerf trijumeau est réellement réllexe, mais, selon toutes les apparences, il est dû à
une vaso-dilatation réflexe dans l'iris, comparable à la rougeur qui se produit dans un
organe quelconque à la suite d'excitations (mécaniques).
Enfin, l'effet primaire, réllexe et très passager, de l'excitation du trijumeau est, lui
aussi, une pupillo-dilatation. Cl. Heiî.naro a vu que l'excitation des filets terminaux du
trijumeau produit d'abord une dilatation passagère de la pupille, puis seulement un
resserrement. La dilatation initiale est certainement un réllexe pupillaire douloureux
ordinaire (dû à une inhibition exercée sur l'oculo-moteur, taudis que le resserrement
secondaire est dû à une action réflexe vaso-dilatatrice iridienne, analogue à celle que
produiiait une excitation de la cornée. De môme aussi l'elTet pupillo -dilatateur,
inili.il et très passager, de la section du trijumeau, signalé par Brac.nstei.n, est un
6oi IRIS.
réilexe douloureux ordinaire, de rnèine (jue la dilalalion pupillaire oblemie par
Fr. Franck par l'excilalion du bout central d'un nerf ciliaire lony.
Mais nous sommes ici en plein dans la question des réflexes pupillaires douloureux,
qui n'ont rien à voir directement avec les nerfs constricteurs et dilatateurs de la
pupille, et dont nous parlerons plus loin. Il a fallu cependant en parler, parce que les
auteurs (Budge, Balogh, Vulpian, Guttmann, Fr. Franck, etc.) qui admettent des libres
pupillo-dilatatrices dans le nerf trijumeau (que d'aucuns font même provenir du contre
cilio-spinal) le font généralement sur la foi d'expériences de ce cenre, qui, nous l'avons
déjà dit, ne prouvent rien. Par exemple, après extirpation du gan;,'lion ceivical supé-
rieur, ils voient persister la dilatation pupillaire réflfxe, et, après avoir éliminé les
autres nerfs crâniens comme porteurs de fibres pupillo-dilatatrices, ils concluent que
le nerf trijumeau doit en renfermer à son origine. Ils ignorent que ces réflexes sont dus
à une inbibition exercée sur les fibres nerveuses pupillo-constrictrices.
Des expériences encore un peu énigmatiques sont celles d'EcKHAROT et Gruenhagen,
faites sur le lapin. Ils excitent le côté latéral de la moelle allongée depuis la sortie du
nerf trijumeau jusqu'à l'origine de la moelle cervicale, c'est-à-dire ils excitent la racine
descendante du nerf trijumeau, et ils produisent ainsi un resserrement piipillaiio du
même cAté. L'elTet se produit encore après section du grand sympathique et si la pu[)ille
est dilatée au maximum pai- l'atropine. Les mêmes excitations ne produisent pas le
même efTet chez le chion. Eckiiarut et Gruenhagen en concluent que, chez le lapin, le
nerf trijumeau renferme dès son origine des fibres pupillo-constrictrices. SPAurrzA et
CoNsiGLio sont du même avis.
Signalons enfin pour mémoire que, sans raison suffisante, Oehl et Guttmann font
naître des fibres pupillo-dilatatrices dans le ganglion de Gasser.
I.a conclusion s'impose: chez les mammifères supérieurs au moins, le nerf trijumeau
ne renferme à son origine ni fibres dilatatrices ni fibres conslrictrices de la pupille. Reste
cependant à expliquer la constriction pupillaire modérée de vingl-quaire heures et
plus après section du tronc du nerf trijumeau. On invoque ici, avec Schiff, la suppres-
sion des réflexes pupillo-dilatateurs que le nerf trijumeau entretiendrait normalement
toujours un peu. Il est à remarquer que, d'après Budge et Cl. Bernard, l'effet se pro-
duirait encore après section du nerf III. On pourrait songer aussi à des fibres vaso-dila-
tatrices contenues dans l'origine du trijumeau, et qui seraient coupées avec lui.
1 1° Le réflexe pupillo-dilatateur dit douloureux; son mécanisme nerveux. —
L'excitation électi'ique, mécanique, etc. d'un nerf sensible quelconque, le nerf optique
excepté, a pour ellet de dilater les deux pupilles. Il s'agit d'une action réflexe — bila-
térale également — sur la pupille, appelée souvent " réflexe pupillaire douloureux >■,
bien que l'excitation du nerf sensible n'ait pas besoin d'être douloureuse pour agir sur
la pupille.
Le plus étudié de ces réflexes est celui qui est dû à l'excitation du nerf sciatique. On
sectionne ce nerf, puis on en excite le bout central. A chaque excitation, les deux pupilles
se dilatent. Un simple attouchement tactile de la peau, absolument indolore, y suffit.
L'excitation des organes viscéraux a le même efîet. L'effet est tellement constant qu'il
peut servir d' « esthésiomètre » (Schiff), c'est-à-dire de moyen pour juger si, chez un
animal curât isé ou anesthésié, le système nerveux fonctionne encore ou non. Ce moyen
est plus facile à observer que l'augmentation de la pression sanguine qui se produit le
plus souvent, mais pas toujours, dans les mêmes circonstances.
Le même effet pupillo-dilatateur est obtenu par l'excitation de n'importe quel neif
centripète, y compris les filets du grand sympathique, les cordons postérieurs de la
moelle et les nerfs des organes des sens, notamment du nerf acoustique.
Le nerf optique seul fait exception. Seulement on n'est pas sûr que l'efîet pupillaire
d'une excitation du nerf acoustique n'est pas due à une activité cérébrale. Chez un
animal curarisé, la voix de son maître, par exemple, dilate les deux pupilles. Mais, chez
le même animal, la vue de son maître, ou d'un foust menaçant, dilate également les
pupilles. Or, le réflexe pupillaire d'une excitation du nerf optique est une constriction.
La dilatation pupillaire obtenue dans les circonstances indiquées par la vue d'un objet
est le résultat d'une excitation compliquée, dite psychique, de l'écorce cérébrale. i\ous
consacrerons un paragraphe à part aux effets pupillaires de l'activité cérébrale.
IRIS. 655
Surfit alors !;i qiioslion importnnlo du mécanisme nerveux dos réllexes j)Ui)illo-
dilataft'iMS |>rovoqui''s par l'cxiilalion dos nerfs sensiMos. Il s'agirait de poursuivre
l'inllnx nerveux le lon^' dos nerfs cfntripôlcs, à travers les centios nerveux, puis, le cas
échéant, à tiavers les libres centrifuges, pupillo-dilatalriees.
Pour ce qui est des nerfs centripètes provocateurs de ces réllexes, nous savons quel
est le nerf excité dans un cas donné. Souvent on s'adresse au nerf s<Matique. Quant aux
voies centrifuges, l'idée initiale fut (ju'clles passaient par les libres ptipillo-dilata-
liicos du grand sympatliitiiie. Vuliman a le premier vu que la section du grand sympa-
tliitiiie au cou ne supprime pas le réflexe puitillo-dilatateur. Il en conclut uu^-me —
erronénient — ù l'existence de libres pupillo-dilatatrices, sortant de la substance céré-
brale avec le nerf trijumeau.
Le fait est que la pui>illo-dilatation réflexe résulte exclusivement d'une frénation
exercée sur les fibres pupillo-constriclrices du nerf oculo-moteur commun. Elle est com-
plètement supprimée après section du nerf III, et persiste après section du seul grand
sympathique.
Les auteurs ne manquent toutefois pas qui prétendent (ju'après section du nerf III,
il persiste une trace de la dilatation réflexe. Aussi importait-il d'employer ici des men-
surations pupillaires très exactes. C'est ce que fit Bellabminofk, et à sa suite Br.\u.nstf,i.n,
en introduisant la photographie dans ce genre de recherches.
Toutefois, avant de rendre compte de leurs recherches, signalons les conclusions
remarquables auxquelles Reciiteukw était arrivé avant eux, par une évaluation plus
grossière des phénomènes.
Rechterew fait d'abord observer que généralement la dilatation pupillaire réflexe
est modérée, chez l'homme aussi bien que chez l'animal, à moins que chez ce dernier
l'excitation soit très forte, auquel cas elle est accompagnée d'une forte élévation de la
pression sanguine. Elle ne se produit franchement qu'à un éclairage assez fort, à effet
fortement constricteur de la pupille. Pendant que la pupille est ainsi contractée, la
dilatation réflexe est très sensible. Une excitation douloureuse, d'après R., ne saurait
produire une dilatation plus forte que celle que présente l'œil à l'obscurité. Après sec-
tion d'un nerf optique, une excitation douloureuse ne dilate plus la pupille de l'œil
dont le nerf optique est coupé, et cela, bien que la dilatation ne soit pas maximale
(comme celle après une forte atropinisation, ou par tétanisation du sympathique cer-
vical). De tout cela, il résulterait que l'excitation douloureuse non excessive ne produit
qu'une influence d'arrêt sur le réflexe lumineux. Rechterew y voit donc la preuve que
les excitations douloureuses n'agissent pas sur la pupille en excitant les fibres pupillo-
dilatatrices du grand sympathique, mais en modérant le tonus du sphincter de la
pupille.
Cette dernière conclusion est absolument confirmée par les recherches de Rei.lar-
MiNOFF et de Rraunsteix.
Jusqu'à Rellarminoff, la mensuration des phénomènes en question était insuffisante.
L'ceil nu et les nombreux pupillométres servaient, dans une certaine mesure, à mesurer
les dimensions de la pupille. La détermination de temps en dedans lesquels se pro-
duisent et évoluent les phénomènes ne pouvait être que rudimentaire. Rellarminoff
imagina une disposition expérimentale qui permet d'enregistrer par la photographie,
et de la manière la plus exacte, la grandeur de la pupille, la durée des variations pupil-
laires, ainsi qu'un phénomène concomifant quelconque, tel que le temps, la pression
sanguine.
Il braque un objectif photogra[)hi(jue sur l'iris, de préférence celui du chat, dont
l'iris est clair. Dans ces conditions, l'iris produit sur une pellicule sensible une impression
photographiiiue qui tranche sur celle de la pupille, noire. Il emploie un rouleau de
pa[>ier sensible qui se déroule pendant l'expérience. La pupille donne dans le négatif
une bande claire, sur laquelle on lit les variations du diamètre pupillaire, avec le temps.
C'est la méthode graphique idéale.
Rellarminoff, et à sa suite Rraunsteln, distinguent de celte manière d'abord le type
de la dilatation pupillaire « directe >, par excitation du grand sympathique, et le type
de la dilatation « réflexe », par excitation du nerf sciatique. Les deux diffèrent sensi-
blement.
656
IRIS.
8 S
vvuvuvvvvv\nnnnnrinnnnnn/v
La figure i06 représente, d'api'ès Braunstein, le type de la dilatation directe (chez le
chat curarisé). En a est la pupille resserrée par suite de la section du sympathique. De
m en n, tétanisation du sympathique pendant deux secondes. Après une période latente
de 0,41 secondes, la pupille commence à se dilater. Le maximum de la dilatation arrive
après 1,8 secondes. Après
cessation de l'excitation, la
pupille, dilatée au maxi-
mum, se resserre d'abord
plus vite, puis plus lente-
ment et "graduellement. La
durée totale représentée est
de 20 secondes, après les-
quelles la pupille n'est pas
encore revenue à son dia-
FiG. 106. — Dilatation directe do la pupille de chat curarisé, par excitatiou jjjètre primitif,
(tétanisation) du nerf sympathique préalablement sectionné (Braun- , ^ , rv- x l
g^g^j^v ' j 1 H F ^ La figure 10/ représente
la dilatation du type réflexe,
par excitation du nerf sciatique. En a, pupille après section du nerf sciatique. De m
en n, pendant 2 secondes et demie, tétanisation du nerf sciatique. Après une période
latente qui n'est guère plus longue que celle du type direct, la pupille se dilate, mais
de façon là réaliser deux maximums de la dilatation. Le second maximum n'arrive
qu'après sept secondes. Elle
diminue ensuite graduelle-
ment et lentement.
Pour atteindre son maxi-
mum, la dilatation réflexe
met donc un temps notable-
ment plus long que la dilata-
tion par excitation du grand
sympathique.
Bien que les deux auteurs
ne le disent pas, on ne peut
se défendre de l'idée que le
phénomène de la dilatation réflexe soit complexe, le premier maximum étant dû à
une cause, le second à une autre.
La figure 108 donne en 6 et c les pupillo-dilatations, chacune après l'application au
nerf sciatique d'une seule secousse induite. La dilatation est moindre que dans le cas
précédent; elle commence
après une période latente
de 0,4 sec.
Lafigure 109 représente la
dilatation réflexe, due à
l'excitation du nerf sciati-
que, mais après section du
grand sympathique cervical
du côté de l'iris photogra-
phié. La période latente est
FiG. 108. — Dilatations pupillaires par l'application, au nerf sciatique, sensiblement pluS allongée
de secousses électriques isolées. que dans l'excitation directe ;
la dilatation rapide, initiale,
de la figure 107 (sans section du sympalhique)fait défaut, ainsi que le retrait qui suit la
cessation de l'excitation. Le maximum de la dilatation obtenue est moindre que
lorsipie le grand sympathique est intact.
Après extirpation du ganglion cervical supérieur la dilatation réflexe du côté de
l'extirpation présente (Braunstein) une période latente encore plus allongée; la dilata-
tion est moindre que dans le cas de section du tronc sympathique, mais elle conserve
les caractères de la dilatation réflexe. Le type de la dilatation n'est pas altéré si eu
TirwnArirv'\nnnrinrirum^
FiG. 107. — Dilatation pupillaire du type réflexe,
par excitation du nerf sciatique.
vinnnnnjvvvinnnnnnnnnr^
IRIS.
657
S S
^r\nr\nr\iv\nr\r\r\nnn^
iiii'iiii" U'iii|)> If tioiK- (In lu'il' liiniiiic.m csl. coh\u'- mui .uiiric tic son ^an^lion).
Dans r('.\|)(''ri<'ncc do. la (i,^^n•o ll(», ty|)(« d'uiHî dilatation rrllexe (t,li<'/. lo clial) par
liManisation du nci rscialiiiue, I.'um-.nsikin a en nicnic Icmps rnic^i.sln'' la incssion saii-
};uiiu' (couilie h), (■elle
pressit)!! ( oninionoc à njoii-
ter longtemps après (|tie la
pn|)ille (vsl déjà fort dilati'-c.
i.f inaxinuini de la pression
saiignino coïncide assez sen-
sililenienl avec le niaxi-
niiiin lie la dilatation luipil-
Liiie. n«Ai.NSTi;i.\ eslinir
toutefois que le second
maximum survient un peu j,,,^ „,^ _ Diia-ad,,., rctloxo.lohi|.up,lle,i.ar loUn.sationdu ..cf .c.ati.,.i«
plus tôt, au temps C, une lo nc-rf sympathiciuo ayant olo iin<alal)lciii(-til sectionné.
petite fraction de seconde.
Après section du grand sympatliiijne, l'augmi-nlaiion rt'llexr di- la [ircssion san-
guine commence exactement avec la dilatation impillaire ({{kllarmi.noi'I).
Dans un pliotogramme (fig. 111) reproduisant la dilatation rédexe de la pnpiih; die/
un c!ii(;n curaijsé, à la suite
d'un IVoltenient doux de la
palIr antérieure, la pression
sijuguint; n'a pas varié; la
pupille s'est dilatée, la forme
di" la dihitalion se ra|)i)ro-
clianl, par sa durée notam-
ment, du type direct.
Enfin, après section du
nerf III et forte télanisation
du nei-f srialique, les pliolo-
grammes ne présentèrent pas
trace de dilatation pupillaire.
l'Ui. 110.— Dilatation pupillaii-o i-6tlexc, par télanisation du nerf scia- D'après leS résultais de SCS
li((ue avec grapiii.iuo siinultanù do la pression sanguiuo. En /(, expériences, tels qu'ils SOdt
■vvvvvvvvvvvuYvvnnjvinnnn^^
w»w,1CMWB«w»^lMlMWl^<»M^jutlw>^sv<^>w«>^W(>«»yrt^■^ll1«^MMrrl)f1M»Mfl».^w^^|^i^■^■^^l^•r»^
graphique de la pression sanfruine. • ' i ■ ■
" ^ ' ' "= consignes dans ses pnolo-
grammes, Hraunstein en dé-
duit que la dilatation pupillaire réilexe (douloureuse) se produit par l'intermédiaire
du seul nerf 111, par le moyen d'une inhibition exercée sur l'origine de ce nerf. Le
grand syniphati(iue n'interviendrait qu'en modiliaiil la forme de la pupillo-dilala-
tion. liiuu.NSTEiN admet que
le nerf grand sympathique
exerce normalement sur l'iris
un tonus pupillo-dilataleur,
en vertu duquel la dilatation
réilexe suiviendrait un peu
plus vite et serait plus forte
si le grand sympathique est
coupé. C'est là la seule in-
Iluence que Buaiwstei.n ac-
corde au grand sympathique
S' S
v\ruv\nAnnniv\/vvvir\AnnnnArui^^
Fiii. 111. — Dilalalion roUexo de la pu|)ille (d'un chien curarisé),
par rrottcmcat d'une patte.
sur la pupillo-dila tation
réflexe, douloureuse.
Les modalités des divers
pliotogrammes obtenus par Uellauminoki' et HuALWsria.N sont loin d'être expliquées dans
tous leurs détails. HiiLLAHMixorp, voyant qu'en cas de section du grand sympathi<|ue la
dilatation pupillaire réflexe (douloureuse) se développe parallèlement avec l'augmen-
tation de la pression sanguine, admet que dans ces conditions la diastole pupillaire
mCT. DE PllYslULOGlE. — T. IX. 42*
658 IRIS.
réllcxe dépendrait des actions vaso-motrices. Sous cette forme absolue, l'opinion de
Bellariu.noff ne saurait être maintenue, attendu que cette diastole résulte d'une dimi-
nution du tonus du centre sphinctéro-moteur.
Pour ce qui est du tonus pupillo-dilatateur entretenu, d'après Braunstkin, par le
grand sympathique, il se pourrait que ce ne fût là rien autre chose que le tonus vaso-
moleur que le grand sympathique exerce sur les vaisseaux intra-oculaires, et quLest
une des forces pupillo-dilatatrices agissant continuellement (voir pi. loin). En vertu de
la suppression de ce tonus vaso-constricteur dans les vaisseaux afférents de l'iris, toute
pupillo-dilatation due à une autre cause doit évoluer plus lentement et être moins
excursive.
Ainsi s'expliquerait peut-être aussi qu'en cas d'intégrité du grand sympathique la
pupillo-dilatation réflexe paraît être double (fig. 107).
12° Effets pupillaires de l'excitation cérébrale, soit artificielle, soit natu-
relle, psychique. — L'activité cérébrale, psychique, notamment l'attention, la
frayeur, la joie, etc., dilate les deux pupilles. Un geste menaçant, l'appel du nom de
l'animal en expérience, etc., ont cet effet. Il ya des personnes qui peuvent contracter
en quelque sorte à volonté leurs pupilles. Elles n'obtiennent toutefois cet efl'et qu'en
contractant en même temps les muscles droits internes, c'est-à-dire en convergeant.
Pendant le sommeil naturel (et artificiel), les pu|)illes sont très resserrées, à cause,
dit-on, de la suppression de l'activité cérébrale. Au moment du réveil, spontané ou
non, il se produit toujours une notable dilatation de la pupille : mise en activité de
l'appareil cortical pupillo-dilatateur.
Dans les affections irritatives du cerveau, les pupilles sont dilatées. Elles se rétré-
cissent fortement dans les paralysies du cerveau.
D'autre part, l'excitation expérimentale (électrique, 'par exemple) de certains terri-
toires de l'écorce cérébrale dilate les deux pupilles, chez l'homme aussi bien que chez
l'animal. No\is verrons qu'il s'agit là dune espèce de i< réflexe coitico-pupillaire », ana-
logue au réflexe douloureux. On tend à supposer que ce réflexe cortico-pupillaire et la
pupillo-dilatation résultant des activités psychiques sont produits par l'activité des
éléments corticaux.
Si maintenant on se rappelle les réflexes pupillaires dits douloureux, on constate
qu'en somme la pupille se dilate sous l'influence de l'activité de n'importe quelle partie
du système nei'veux, à l'exception du nerf optique cl des parties qui président à la con-
vergence. On comprend dès lors que la pupille soit souvent un excellent réactif pour
juger de l'intégrité fonctionnelle de n'importe quelle partie du système nerveux, et que
ScHiiF en ait pu proposer les mouvements comme un « esthésiomètre » universel.
Insistons un peu sur ces actions pupillo-dilatatrices cérébrales, surtout au point de
vue de leur mécanisme nerveux.
Influence pupillo-dilatatrice des excitations artificielles de l'écorce cérébrale. —
D'après les observations d'une foule d'auteurs (Scuu-r et Foa, Bochefontaine, Fa. Franck,
(jRiiisHAGEN, MisLAWSKi, Braunstein, Angelucci, Kotschanowski, Ferrier, etc.), l'excitation
électrique de l'écorce cérébrale produit une dilatation bilatérale delà pupille.
C'est surtout l'excitation de l'écorce dite « psycho-motrice », ou encore celle de
l'écorce affectée à la sensibilité tactile qui produit ces effets. C'est chez l'homme et le
singe l'excitation des circonvolutions centrales (surtout de l'antérieure), chez le chien,
celle de la circonvolution sigmoïde, mais aussi celle de l'écorce occipitale (centre corti-
co-visuel) qui a cet effet. — Dans des conditions mal définies (courants plus forts,
excitation de l'écorce occipitale?) l'effet est au contraire une constriction des deux
pupilles.
La forme de la pupillo-dilatation ainsi obtenue, par tétanisation de l'écorce ne res-
semble pas à celle de la pupillo-dilatation réflexe, elle a beaucoup d'analogie avec la
pupillo-dilatation directe, par excitalion du grand sympathique.
Notons dès maintenant que l'excitation de ces mômes territoires corticaux donne
lieu également à des effets vaso-constricteurs qui augmentent très sensiblement la
pression sanguine générale.
Ces effets pupillaires sont bien dus à l'excitation de l'écorce, et non à celle de
parties plus profondes, de la base du cerveau par exemple, car on les obtient à l'aide
IRIS. 659
de cdiirajils liiuluils lellcnuMil t'aiblos tpi ils ne [tioiluiseiit plus cet elVet après enlève-
ment, piiisn'ap[)liialioii(lo l'érorce. Fit. Fuanck disliii;^ue du reste entre les elTels pupil-
laires produits par une faible excitation de récoree, obtenus sans convulsions et sans
aiii^inenlalion île la pression sanf,'uine généiale, et ceux produits par une jilus forte
excitation, donnant lieu en môme temps à des piiénomènes »îpilepli(iiies et à une aug-
mentation de la pression sanguine. Nous entemlons parler ici uniiiuement des premiers.
Après enlèvement de récorce, on obtient des effets pupillaires analogues en excitant
les parties sous-jacenles, plus profondes; probablement on excite ainsi des libres
oui partent de l'écorce. Certains auteurs ont cependant observé ce.s elVets en localisant
l'excitation le plus possible dans les masses grises du corps oplo-slrié, surtout dans la
li'te du tioyavi caudé.
Pour ce qui est des voies périphéri(iues corticofuges par les(|uelles se luoduit (.et
ellet, il semble y avoir analogie complète entre cet elîet cortical et le réllexe douloureux,
c'est-à-dire ([ue la voie centrifuge en serait le neif III. Suivant KERniKR, Bochepontaink,
Grunuagkn, Hensk.n cl Voei.kkrs, Knolt., Hessau, Mislawski, Hraunsteiv, Angelucci,
F*AHsoNs, etc., l'etTet se produirait encore après section du grand sympathique au cou,
et disparaîtrait par la section du nerf 111. Il faudrait donc admettre (|ue la tétanisation
de l'i'coroe aux endroits signalés exerce une frénation sur le centre pupillo-constricteur
mésoci'plialique. Kii etïet, l'etl'et persiste après section de la moelle cervicale et même
après section de la moelle allongée en arrière des tubercules quadrijumeaux.
Au concert précédent se mêlent toutefois quelques voix un peu discordantes.
D'après Katschanowski, la Iransnnssion se ferait exclusivement par les fibres pupillo-
dilalatrices du grand sympathique, et, d'après Fr. Franck, la section du nerf III accélé-
rerait même l'effet. Ces observations restent provisoirement énigmatiiiues.
Naturellement, la section du grand sympalhicjue au cou diminue l'effet pupillo-
dilatateur de la tétanisation de l'écorce, à cause du rétrécissement pupillaire que cette
section produit également. La congestion de l'iris qui en résulte doit à elle seule pro-
duire cet effet.
L'extirpation de l'écorce cérébrale dite tactile, tout comme l'extirpation d'un hémi-
sphère (de mammifère) produit du mj'osis sur le côté muiilé, ainsi que de la congestion
et de l'hypeithermie de la face du même côté iBrown-Séquaud, Brau.nstein). C'est ce
qui explique qii'en cas d'extirpation de l'écorce dite tactile, Schiki et Foa ont vu que le
réllexe douloureux pupillo-dilalateur était diminué, ce qui les avait portés à admettre
un centre pu|)illo-dilatateur situé dans le cerveau.
Chez l'animal nouveau-né', l'effet pupillaire eu question, par tétanisation de l'écorce,
ne se produit pas.
Nous avons dit plus haut que, dans des circonstances mal définies, la tétanisation de
l'écorce resserre les deux pupilles. D'apiès Levinska, cet effet serait obtenu sur les ter-
ritoires corticaux (lui, ti-l l'écorce occipitale, provoquent la convergence. Ce serait peut-
être la pupillo-constriction associée à la convergence.
D'après A.NGEi.Lccr, chez les oiseaux, la tétanisation de l'écorce cérébrale produirait
toujours un resserrement de la pupille du côté opposé. De plus l'effet ne serait pas sup-
primé dans l'empoisonnement par la nicotine
Influence pupillo-dilatatrice de l'activité cérébrale normale, dite psychique. — Des
excitations cérébrales visuelles ou acoustiques (vision du poing menaçant, audition du
nom de l'animal, etc.) provocjuent. chez le chien ou le chat curarisé, une pupillo-dilata-
tioii bilatérale. D'après [{uai'.nstein, elle est du même type que celle qui est due à la
tétanisation de l'écorce cérébrale. Elle n'est accompagnée d'aucune variation de la pres-
sion sanguine. Elle est supprimée dans l'œil dont le nerf oculo-moteur commun a été
coupé, même depuis une année; elle persiste après section du nerf grand sympathique.
Enfin, d'après Braunstei.n, elle disparaît quand on a enlevé les régions de l'écorce dont
la tétanisation dilate les pupilles.
Braunstei.n conclut donc (jue cette diastole pupillaire est le lésultat du même mé-
canisme nerveux que la pupillo-iliiatation due à la tétanisation de l'écorce. Elle
différerait de la dilatation réllexe, douloureuse, qui, elle, n'est pas supprimée par
l'extirpation de l'écorce. Elle serait le résultat du fonctionnement môme de l'écorce,
d'une activité dite psychique.
tibo iris;
Sur le mémo môcaiiisme cortical paraît reposer la pupillo-dilatation qui se produit
lors (ruiio activité psychique quelconque, telle que l'attention, la frayeur (voir pi.
loin). Chez i'Iiorame, la paralysie du nerf oculo-moteur commun la supprime.
Réflexe cérébral de Haab. — Signalons ici une curieuse observation de li.\.\B, qui
toutefois serait peut-être mieux rattachée au réflexe pupillaire. Supposons les yeux
regardant dnns un espace obscur; les pupilles sont donc dilatées. On place dans la péri-
phérie du champ visuel un corps assez large et moyennement éclairé, une feuille de
papier ])lanc. Chaque fois que, sans que le regard change, l'attention se porte sur la
feuille de papier, les pu[)illes se contractent; elles se dilatent si l'attention quitte
l'objet.
Le resserrement pupillaire pendant le sommeil (sur lequel nous reviendrons plus loin),
ainsi que la forte pupillo-dilatation au moment du réveil réel ou au moment du demi-
réveil, par suite d'une excitation quelconque, sont expliqués de la manière suivante.
Pendant le sommeil, il y a suppression, ou au moins forte diminution de l'activité de
tous les appareils provoquant normalement la dilatation pupiHaire : écorce cérébrale et
nerfs périphériques. Lors du réveil, et l'écorce cérébrale, et les nerfs périphériques
sensibles reprennent leur activité. — Pendant le sommeil, le réflexe lumineux (pupillo-
constricteur) se produit, mais naturellement diminué, en raison de la petitesse de la
pupille.
Dans les maladies cérébrales, la dilatation pupillaiie bilatérale est regardée comme
un symptôme d'excitation des hémisphères, de l'écorce, tandis que le resserrement, et
surtout l'abolition du réflexe douloureux, est un signe fâcheux de paralysie du cerveau.
Lors de la chloroformisation, les jmpilles sontdilatées dans la période dite d'excita-
tion ; elles sont resserrées plus ou moins dans la période de relâchement, de narcose
véritable. Une grande étroitesse des pupilles, et surtout l'abolition du réflexe douloureux,
doit faire craindre quelque syncope chloroformique.
Si la mort [survient réellement, quelle qu'en soit d'ailleurs la cause, les pupilles se
dilatent fortement — probablement par anémie et constriction des vaisseaux iridiens
(arrêt des pulsations du cœur et vaso-constriction universelle); puis, après quelque
temps, elles se resserrent définitivement, par suite probablement de l'écoulement {posl
mortem) de l'humi-ur aqueuse hors de l'œil.
13° Mécanismes iridiens des mouvements pupillaires. — Nous avons, dans ce
qui précède, appris à connaître les conditions extra-iridieunes qui font varier la pupille,
autrement dit les mécanismes nerveux de ces mouvements; nous avons parlé d'in-
fluences nerveuses pupillo-constrictrices et pupillo-dilatatrices, et nous avons déterminé
les voies nerveuses périphériques centrifuges par lesquelles ces innervations gagnent
l'iris, au sortir de l'axe cérébro-spinal. Il nous reste à déterminer les facteurs iridiens
(musculaiies, mécaniques) qui resserrent et dilatent la pupille, sous l'influf^nce notam-
.menl des facteurs nerveux signalés dans ce qui précède.
Il résulte de toutes les recherches qu'à un moment donné la pupille se trouve en
une espèce d'équilibre instable, résultant de multiples influences dont les unes, « systo-
liques », tendent à la resserrer, et les autres « diastoliques », tendent à la dilat"r. Un
renforcement d'une irdluencesystolique resserre la pupille, un affaiblissement d'une in-
fluence systolique dilate la pupille. Un renforcement dune influence diastoiique dilate
la pupille, sa diminution resserre la pupille.
En fait d'influences systoliques, il y a :a) le muscle sphincter qui, en se contractant,
resserre la pupill \ b) la pression sanguine générale, en tant qu'elle se propage au sang
de l'iris.
Les influences diastoliques sont : a) le muscle dilatateur de la pupille, b) les actions
vaso-constrictrices intra-oculaires, c) la pression intra-oculaire, d) l'élasticité du tissu
iridien.
Pour ce qui est du muscle sphincter, son intervention est mise hors de doute dans la
plupart des circonstances oîi le diamètre pupillaire varie. Les etfels pupillaires de ses
contractions et de ses relâchements se comprennent parfaitement. La paralysie de son
• nerf moteur, du nerf III, chez l'homme, ou sa section, chez l'animal, dilate la pupille
(mais pas tout à fait au maximum). A ce propos, il faut se rappeler qu'un muscle con-
tracté préalablement ne s'allonge pas activement lors de la cessation de sa contiaction;
IRIS. 6HI
les expéiiences (le (iitiKMi \i.k\, iL'iidaiit à lii-moiilier un ;ill(Hi;;:enienl ;n lif du spliiiicler,
no sont pas coiivaiiifaiiles.
Muscle dilatateur de la pupille. — Depuis loii;;lenips on a cssayi' d'('Xpli(|uer
les dilalalions (nipillaiies pai- riiy|»olIiùst! d'un muscle donl les conlractions auraient
pour elTft de dilater la pu|)il!e; nolaninient à la suite des recherches de Pinir, Ak.nuld,
Vale.ntin et Hii'ii, qui déinoiilrèrent l'inlluencî pnpillo-conslriclrice de la section du
grand svnipaliùcjne cervical et l'influence pupillo-dilalatrice de l'excitation du bout supé-
rieur du nerf coup^. (^es effets ne semblaient pouvoir s'expliquer (|ue par l'hypothèse
d'un muscle pupillo-dilatateur, à libres disposées radiairemciit dans l'iris.
Le problème des dilalalions pupillaires se i>osa avec plus d'instance encore lorsque
Cl.. I5KUNAIUI ^et à sa suite, Kh. Fit \nckj eut démonln- (|ue les voies pupillo-dilatalrices
du urand sympathique suivent des voies un peu dilTérentes de celles des voies vaso-
constrictrices destinées à certaines parties de la tèle. Dès maintenant, on supposai!
souvent, mais à tort, que des pupillo-dilatalions très diverses résullaienl de l'activité
de ces « libres pupillo-dilalatrices » du grand sympathique.
Faisons observer toul de suite que l'existence de fibres pupillo-dilalulrices dans le
i^rand sym|)athique n'iin[)li([ue pas falalement celle d'un muscle dilatateur de la |)upille.
A notre connaissance, Cl. Bkunakd nolamment ne s'est jamais expliqué calégori(|ue-
ment sur ce poinl.
Cependant riiypolhèse d'une simple influence d'arrêt, exercée sur le muscle sphinc-
ter par le grand sympathique, n'expliquerait pas (|ue la fétanisation de ce nerf dilate
la pupille plus forlemenl que la paralysie du nerf III.
Les palhologisles surtout n'onl cessé d'être partisans d'un muscle dilalateur : cer-
tains effets mécaniques de la dilatation pupillaire sous l'iulluence de l'atropine ne leur
semblaient pas explicables par un simple relâchement du muscle sphincter.
Entre temps, des fibres musculaires, disposées radiairement dans l'iris, furent
décrites par Koelliker, Todd et Bowm.\n.\, V.\lknti.n et d'autres. Mais aux assertions
d'analomistes affirmant l'existence d'un tel muscle s'opposaient les nombreuses asser-
tions d'analomistes niant un tel muscle. De plus, les anatomistes partisans du muscle
dilatateur ne s'aci'ordaient pas sur l'emplacement des fibres contractiles dans l'iris.
On peut circonscrire le débat entre anatomistes, et écarter toutes les assertions (Koel-
LiKKR, BuDGE, DoGiEL, ctc), controuvées aujourd'hui, d'un tel muscle situé dans le slroma
lui-même de l'iris, avec ou sans rapports avec les vaisseaux. Muenck toutefois, toul
récemment, attribue aux cellules éloilées du stroma iridien une contraclililé, en vertu
de laquelle la pupille se dilaterait.
Les discussions actuelles tournent autour de la nature de la couche iridienne dite
de Biucii, couche striée radiairemeant et située immédiatement au-devant de l'épi-
thélium pii;menté de l'iris. C'est cette même membrane de Buucii qui, d'après nos expé-
riences, se comporte à l'égard de la pénétration d'encre de Chine i voir plus loin) d'une
manière tout autre que le stroma de l'iris.
Il est incontestable que la membrane de Buuch possède une striation radiaire régu-
lière. On y rencontre aussi quelques noyaux plus ou moins allongés radiairemeni,
surtout à sa face postérieure. Ce qui est certain aussi, c'est que les fibres constitutives
de la membrane de Bruch ne présentent pas les réactions du tissu élastique ni d'ail-
leurs celles du tissu musculaire lisse^.
De très longues discussions se sont élevées entre anatomistes pour savoir si (confor-
mémeul à la manière de voir de He.nle, Merkel, I\v.\nofi-, Uolget, Juleu, Gauhielujès,
ViALLETO.N, Grvnfelt, VON S/.iLLV, ctc, ctc.) la couchc de Henle est une couche muscu-
laire, ou bien si icomme le disent Grue.nhagen, A.ngelugci, Schwalbe, Fl'chs, Boé,
KoGA.NEï, ÏESTUT, Retterer, Debierre, Berger, etc. ) les fibres en question n'ont pas la
signification d'éléments contractiles.
L'n argument très sérieux en faveur de la nature contractile de la membrane de
Brlt.h a été apporté récemment par Vialleto.n et Cryni-elt, confirmé par la plupart
des auteurs récents. Ces auteurs démontrèrent que la membrane de Buuch dérive,
embryologiquement parlant, du feuillet antérieur de la rétine iridienne, qui d'autre
part donne également naissance à un muscle bien authentique, au sphincter de la
pupille (NussBAiM, V. Szilli).
66i> IRIS.
Gomme argument anatomique en faveur de l'existence d'un muscle dilatateur de la
pupille, chez les mammifères, on fait valoir aussi que l'iris des oiseaux (et celui des
reptiles) renferme des fibres musculaires disposées radiairement, et caractérisées
absolument comme telles en ce qu'elles sont striées. Certaines de ces libres occupent
même l'emplacement (sous-épithélial) de la membrane de Bruch chez les mammifères
(Gabrielidès).
On a d'autre part cherché à établir l'existence d'un muscle pupillo-dilatateur en
expérimentant plus ou moins directement sur l'ii-is, E.-H. Weber obtint une contraction
de la pupille, en excitant électriquement le centre de la cornée, et une dilatation en
appliquant les électrodes sur le bord scierai de la cornée. Koelliker excisa la zone
pupillaire de l'iris, c'est-à-dire le muscle sphincter, et alors l'excitation électrique
de l'iris donna une dilatation de celte pupille artificielh}, dépourvue de muscle
sphincter. D'après Heese, cette pupille artilicielle (chez le chat) se dilaterait encore
sous l'influence de la tétanisation du grand sympathique, même chez l'animal tué par
hémorragie.
Laxgley et Andersox ont dernièrement repris l'expérience de E.-H. Weber, chez le
chat vivant. Une excitation électrique (tétanisation) circonscrite, portée sur la scléro-
tique à un ou deux millimètres du bord scléro-cornéen, attire la pupille de ce côté, la
dilate partiellement, et plisse, fronce la surface antérieure de l'iris autour du point
excité, les plis étant peipendiculaires au rayon iridien dans lequel est portée l'exci-
tation. Ces déformations semblent aux deux auteurs ne pouvoir s'expliquer ni par la
rétraction élastique de l'iris, ni par une contraction des vaisseaux iridiens.
L'anatomie pure, jointe à l'embryogénie, apporte donc des arguments en faveur de
la contractilité radiaire de la membrane de Bruch. Ce|)endant ces arguments ne sont
pas absolument dirimants. Quant aux preuves plutôt physiologiques de cette contrac-
tilité, elles impressionnent certainement par leur nombre; mais aucune n'est absolu-
ment convaincante; les faits en question, d'autres encore, ont été expliciués plus ou
moins, comme nous le verrons, par l'élasticité du tissu iridien et des vaisseaux, jointe
au relâchement du muscle sj)bincler. Voyons donc les elfels iridiens de ces deux
facteurs, puis nous reprendrons la question du muscle dilatateur.
Rôle de l'élasticité indienne dans la dilatation pupillaire. — La dilatation pupillaire
(non maximale) consécutive à la paralysie ou à la section du nerf III est donc expliquée
par certains auteurs comme un effet du tonus d'un muscle pupillo-dilatateur. Les
auteurs (déjà Hall, en 1849) qui n'admettent pas de muscle dilatateur supposent que
l'élasticité propre au tissu iridien tend à retirer toute la membrane vers son insertion
périphérique, à produire une assez forte mydriase. Ils admettent que le muscle
sphincter resserrerait la pupille, à l'enconlre de l'équilibre élastique de l'iris; ce
nmscle développerait ainsi dans la membrane une tension qui, si elle n'était contrariée
ni par la contraction du muscle sphincter, ni par la pression du sang dans les artères
iridiennes, suffirait pour retirer vers la périphérie les tissus, même à plisser les vais-
seaux. Cette tension élastique ne demanderait donc que le relâchement du muscle
sphincter pour dilater la pupille. Une action vaso-motrice exercée par le grand sym-
pathique serait toutefois capable d'augmenter encore un peu la dilatation pupillaire,
qu'elle rendrait maximale. Et, pour expliquer que la seule tétanisation du grand sym-
pathique au cou dilate la pupille au maximum, ils admettent que cette tétanisation, en
même temps qu'elle a un effet vaso-constricteur sur les vaisseaux, exercerait une action
frénatrice, paralysante, sur le muscle sphincter.
GruEiNhagen, le défenseur principal de la théorie dite de l'élasticité iridienne, s'est
donné beaucoup de peine pour démontrer, sans y être parvenu toutefois, que cette
force, retirant l'iris vers son insertion périphérique, est notable. — Langley et Andersox
toutefois croient pouvoir nier que l'iris dilaté (quand la pupille est resserrée) radiaire-
meiit développe dans ce sens une tension élastique bien sensible. Ils excisent un
secteur de l'iris et le distendent radiairement; après cessation de la distension, le sec-
teur ne se rétracte absolument pas, — MueiNck lui aussi énumère une foule de faits
tendant à démontrer que, abandonné à ses propres forces mécaniques, l'iris (y com-
pris les vaisseaux) exsangue est une membrane absolument flasque, et que le myosis
pupillaire, non la mydriase serait plutôt l'expression des seules forces élastiques de l'iris.
IRIS. 663
Pour d'aucuns, la inydriase alropiiiiciue (voir plus loin), qui peut t>lre maximale,
supposerait une large intervention de l'élasticité iridieiine. Cet alcaloïde en e lie l n'a
pas (l'action bien manifeste sur le calibre des vaisseaux; il se borne, selon It's appa-
rences, à paralyser le muscle sphincter, il est vrai qiu; d'autres auteurs expliquent cette
mydriase maximale en admettant que l'atropine, tout eu paralysant le muscle sphinc-
ter, exciterait le muscle dilatateur. Celttî hypothèse est bien improbable, car elle
attribue à l'atropine des actions opposées sur des éléments anatomiques de même
nature.
Rôle des vaisseaux iridiens dans les mouvements pupillaires. — Sur le cadavre une
injection artilicielle de sang dans les vaisseaux resserre la pupille (Rou(;et). D'autre
part, il est certain que sur le vivant la réplétion des vaisseaux sanguins iridiens dis-
tend la membrane et resserre la pupille, et qu'une diminualion de la réplétion des
vaisseaux iridiens dilate la pupille. Il importe de ne pas oublier que l'une et l'autre
variation vasculaire peuvent être obtenues par deux mécanismes 'différents. Ce sont :
o) des variations de la pression sanguine dans les vaisseaux iridiens, et b) des actions
vaso-motrices dans les vaisseaux afl'érents à l'iris, les vaisseaux iridiens étant dépourvus
de libres musculaires.
Une augmentation de la pression du sang dans tout l'arbre artériel ou seulement
dans les vaisseaux de la tète resserre les pupilles; une diminution de la même pression
dilate la pupille. On a obtenu cet elYet pupillo-constricteur sur l'animal fraîchement
tué par hémorragie, en injectant un liquide dans l'artère carotide. Chez l'animal ou
l'homme avec la tète penchée en bas, la pupille se resserre elle se dilate dans la posi-
tion inverse. Ces variations du diamètre pupillaire deviennent même très prononcées
chez le lapin auquel on a sectionné le grand sympathique cervical, opération qui élimine
les iimervations vaso-motrices qui tendraient à maintenir constant le calibre des
vaisseaux iridiens.
Les petites variations du diamètre pupillaire synchrones avec la respiration et avec
le pouls, qu'on peut observer entoptiquement, sont des exemples de variations pupil-
laires dues aux variations respiratoires de la pression du liquide sanguin. Le resserre-
ment pupillaire après ponction cornéenne est dû à la suppression (à la surface iridienne,
c'est-à-dire à la surface des vaisseaux iridiens) d'une pression de 2;j millim. de mercure
qui contre-balancait plus ou moins l'effet pupillo-constricteur de la pression sanguine.
Après suppression de la tension oculaire, le sang se précipite dans les vaisseaux, les
distend et resserre la pupille.
Certains auteurs croient pouvoir éliminer l'induence des actions vaso-motrices sur
le diamètre pupillaire en remarquant que les vaisseaux iridiens sont dépourvus de fibres
musculaires. Or, les artères afférentes à l'iris sont parfaitement munies d'une tunique
musculaire. Il en est ainsi notamment du grand cercle arti-riel de l'iris, chez l'homme
et les animaux. Dès lors, étant donné la tension intra-oculaire (de 2.") millim. mercure)
qui pèse sur la face externe des vaisseaux iridiens, les actions vaso-motrices bornées
à ces vaisseaux afférents doivent avoir sur les vaisseaux iridiens, en principe, et peut-
être au même degré, les mêmes effets que des actions vaso-motrices dans les vaisseaux
iridiens eux-mêmes.
Lorsque la pupille est dilatée, les vaisseaux iiidiens sont pliés(voir plus loin), même
très fortement. Alors toute augmentation de la pression sanguine dans les vaisseaux
ainsi incurvés doit tendre à les redresser, et par là à disttuidre l'iris.
Les petites oscillations pupillaires synchrones avec la respiration et avec les sys-
toles cardiaques semblent relever de ce mécanisme.
Il ne faudrait cependant pas s'exagérer l'influence qu'exercent ^sur la pupille les
variations vaso-motrices intra- oculaires et les variations de la [)ression sanguine géné-
rale. En fait, bien peu d'auteurs conçoivent la i)ossibilité d'expliquer les variations un
peu étendues de la pupille parles seules actions vaso-motrices; la plupart ont recours
en même temps, pour expliquer les fortes pupillo-dilatations, soit à l'activité d'un
muscle dilatateur, soit au moins au relâchement du tonus sphinctérien et à l'élasticité
du stroma iridien.
La mydriase quasi maximale due aux instillations de cocaïne est généralement
envisagée comme résultant en partie d'une vaso-constriction des vaisseaux afférents à
6G4
IRIS.
J'iris. Généralement on admet
• : ■■ W7 ^kf' Vs'-^", ■>?'v- is
•yi V."s i,- • - . •"' — • <v
■J?
illi
liOSK
ils?
•-,d'i
aussi qu'une vaso-constriciion des vaisseaux aiTt'ienls à
l'iris contribue à produire la pupillo-dilalalion
maximale en cas de tétanisation du grand sym-
pathique.
Tassements et chermtcliementades tùf^iia de Virix
lors des dilatations pitpUlnires. — Il est temps de
constater de visu les conséquences mécaniques
intra-iridiennes du resserrement et des dilata-
lions pupillaires; ainsi pourrons-nous avoir
quelques données sur les forces en cause.
La figure 112 montre en A un iris de chat dis-
. •',"> ♦
me -
•^'•'■. ••'»*'■ 1*^*
.•:«.■•/■■•■--: rV.?;.Vi^i.?v
' m. S ■■
A B
Fi>, 112.
Aspects divers do la coupe transversale de l'iris de chat, selon que la pujiille est dilatée ou resserrée.
A, Iris en cas do pupille resserrée; B, Iris en cas de pupille dilatée.
tendu, en cas de pupille resserrée; en B est un tel iris retiré vers la périphérie, en
cas de pupille dilaiée, mais pas au maximum. Dans Tiris contracté, les tissus sont
IRIS.
665
Scù
plissés, il y a des côtes saillantes en av.inl. Les vaisseaux sont plies île môme, avec des
concavités ouvertes en ariii're.
I,f>s cellules de la n'Iine iridienne se tassent de mAine; lem- hauteur augmente; la
rangée antéiieure devient plus apparente.
De tout le stroma iridien, la seule couche
de Hnucii ne se plisse pas.
D'après cela, ce serait dans la couche de
5 niiucu que siège la force pupillo-dilatatrice
(élastique ou contractilej, car c'est certai-
in-iifj»ï^\- iienient à sa rétraction uue sont dus les che-
^)i^ vauchements, les plissements et les tasse-
0)
13-
Ki(i. 113. - Iris humain. Aspects de sa coupe transversale, selon que la pupille est resserrée ou dilatée.
A, Iris en cas de resserrement pupillaire; B, Iris en cas de dilatation pupillaire.
ments dans les autres plans iridiens. A examiner la direction dominante de la librilla-
tion iridienne, la contraction s'exercerait surtout vers une zone située h l'union du quart
externe, ciliaire, avec les trois quarts iiupillaires de la membrane.
Ne quittons pas ces figures sans remarquer qu'à son extrémité antérieure le
muscle ciliaire (du chat) se bifurque, et ([ue la lamelle interne se dirige en droite ligne
666 IRIS.
vers la lamelle postérieure de l'iris. Ne se pourrait-il pas que dans leurs expériences,
où Langley et Anderson appliquent le courant induit en somme au niveau du muscle
ciliaire, ils fissent contracter ce dernier, dont la lamelle interne retirerait vers elle la
lamelle iridienne postérieure, ce qui contribuerait à plisser la surface iridienne anté-
rieure de la manière signalée plus haut?
L'observatioii précédente s'impose également à propos de l'expérience de Koellikf.h,
signalée plus liant, celle de l'iris (de chat) privé de son sphincter, et où une excitation
du centre cornéen dilate cette pupille artificielle.
La figure 113 présente deux iris humains, l'un (A) dilaté (pupille resserrée), l'autre
(B) resserré (pupille dilatée).
Les changements ne sont pas aussi excessifs que dans l'iris de chat, mais ils sont de
môme nature, c'est-à-dire qu'ils tendent à faire placer dans la couche de Bruch la force
pupillo-dilatatrice. La loupe binoculaire fait voir sur le vivant que les côtes saillantes
circulaires à la périphérie de la face antérieure se prononcent davantage lorsque la
pupille se dilate, et s'effacent plus ou moins lorsqu'elle se resserre.
D'après ce qui précède, ce serait dans la couche de Bruch que siège la force
pupillo-dilatatrice; c'est à sa contraction que seraient dus les tassements, les chevauche-
ments et les plissements des couches autres que la couche de Bruch. Ces tassements
parlent même sérieusement en faveur de la contractilité de la couche de Bruch, puis-
qu'elle est dépourvue de fibres élastiques capables de produire une telle rétraction.
Cependant, les préparations de ce genre ne suffisent pas à elles seules pour prouver
péremptoirement que la couche en question est réellement contractile.
Objections aux théories expliquant la piipillo-dilatation soit par la seule élasticité de
Viris, soit par les seules actions vaso-motrices. — Ce qui parle contre la nature purement
élastique de la force pupillo-dilatatrice, c'est d'abord que des expériences directes,
faites sur l'iris isolé, prouvent que la membrane prend et conserve toutes les formes
qu'on lui octroie; ensuite, des recherches récentes (Kiribuchi) ont fait constater l'ab-
sence absolue d'éléments élastiques dans la membrane de Bruch, comme du reste dans
tout le tissu iridien (à l'exception du muscle sphincter).
Cependant, la membrane de Bruch ne présente pas non plus franchement les réac-
tions du tissu musculaire lisse (Frucuiele).
11 estd'autre part certain que la seule élasticité des vaisseaux iridiens ne saurait les
plier, comme cela est indiqué dans les figures ll2et 113, ni tasser les tissus comme cela
est indiqué dans les mêmes figures. Il est facile de voir au microscope cornéen chez
l'homme à iris bleus, lorsque la pupille est resserrée, que les vaisseaux de la lamelle
iridienne antérieure sont radiaires et à peu près droits, et que, si la pupille est dilatée,
ils s'inlléchissent latéralement. En fait, ils s'inlléchissent aussi d'avant en arrière.
MuENCK fait observer que, si la force pupillo-dilatante siégeait uniquement dans la
couche de Bruch, on ne comprendrait pas pourquoi l'uvée iridienne reste visible au
bord pupillaire lorsque la pupille est dilatée. Du bord pupillaire, on voit généralement
un liséré brun, dû à 1' « eclropion do l'uvée » en cet endroit. Or, dit Muenck, si la mem-
brane de Bruch était la seule force qui retire l'iris vers la périphérie, cet « ectropion
de l'uvée « devrait disparaître ou être moins apparent lorsque la pupille est dilatée. Or,
en fait, le liséré brun est aussi visible, voire même plus visible que si la pupille est
dilatée. L'auteur en infère qu'il doit y avoir une force dilatante, non seulement dans
la couche de Bruch, mais aussi dans les plans iridiens antérieurs. Il admet donc une
certaine contractilité des cellules étoilées dustroma iridien.
Théories mixtes de la dilatation pupillaire. — Il n'y a plus guère d'auteur qui, à
l'exemple de Hall (1849), expliquerait les dilatations pupillaires (comme mécanisme
iridien) par la seule élasticité de l'iris, jointe au relâchement du muscle sphincter.
Tous invoquent plus ou moins les actions vaso-motrices. Les partisans du muscle
pupillo-dilatateur sont plus exclusifs. Pour eux, le tonus de ce muscle suffirait pour
expliquer les phénomènes sans le secours de l'élasticité iridienne.
D'un autre côté, il n'y a plus guère d'auteur qui, à l'exemple de Sàlkowski, remplace
dans le mécanisme iridien l'élasticité de cette membrane aussi bien que l'acLioii du
muscle dilatateur par les effets de la seule constriction des vaisseaux iridiens. Tous, du
moment qu'ils sont adversaires du muscle dilatateur, invoquent en même temps que
IRIS. tirtT
les actions vaso-motrices, lélasticitt' iridienno à cùté ihi ielà«lioineiit du iniisclo
sphincter.
Théorie (le (jrucnhajen. — l.a tliéorie de liiu emi.MjKN renferme les aftirmations sui-
vantes :
1*^ Le jeu habituel, normal, de la pupiih; est obtenu prestiue exclusivement parla
contraction et le relâchement diin seul muscle, du sphincter de la pupille. La force
qui dilate la papille, le muscle s|iliiiicter étant relilché, consiste (dans le jeu naturel
des fondions) pour la plus lar^'c part dans la tension élastique de la portion ciliaire
de riris, mise en action continuellement par le tonus du muscle sphincter. Pour une
part, au moins dans des conditions particulières, la dilatai ion est obtenue par la
contraction tonique des parois vasculaires de l'iris;
2° La dilatation pupillaire consécutive à la tétanisation du i^'rand sym[>athique cer-
vical est due : a) à une aciiou d'inhibition exercée par cette tétanisation sur le muscle
sphincter de la pupille; h) à l'élasticité du tissu iridien; et c) h une contraction énoi-
gique des vaisseaux de l'iris;
3" En tant (juc, lors des dilatations pupillaires, le grand sympathique développe um-
force dilatatrice active (no!i élasliijue simplement), elle est le fait des muscles vas-
culaires;
4" La section du nerf oculo-moteur commun fait cesser le tonus sphinctérien, et
c'est l'élasticité iridienne seule qui dilate alors la pupille. Le surcroît de dilatation
qu'on peut obtenir en tétanisant le grand sympathique, est le fait de la lontraction
vasculaire ;
0° La contraction radiaire d'un segment de l'iris de lapin qu'on provoque par la
faradisation directe, est due aux vaisseaux. Il en serait de même d'après (iiiuENHAGENj
des plissements de la surface iridienne antérieure de l'iris du chat vivant obtenus par
Langley et Anderson, en tétanisant la région scléro-cornéenne, — un point sur lequel
nous ne saurions partager l'opinion de Gruenhagen.
Un physiologiste qui a plaidé énergiquement contre rcxistence d'un muscle dilata-
teur de l'iris est Gaskell. 11 rappelle que les fibres musculaiies longitudinales de
l'intestin, dilatatrices du tube intestinal, ont pour nerf moteur le grand sympathique,
et pour nerf d'inhibition, le nerf pneumogastrique, tandis que les fibres circulaires,
constrictrices du tube intestinal, ont pour nerf moteur le nerf pneumogastricjue, et
pour nerf inhibiteur, le grand sympathique. De même aussi, le nerf oculo-moteur com-
mun serait le nerf moteur du muscle sphincter, taudis que le grand sympathique en
serait le nerf d'arrêt. La dilatation pupillaire habituelle serait obtenue par l'inhibition
exercée sur le muscle sphincter par le grand sympathique, jointe à l'élasticité iri-
dienne; les contractions vasi^ulaires n'y seraient poui' rien.
Théorie de Fr. Franck. — Fr. Franck est lauLeur qui s'est le plus évertué à accu-
muler les faits tendant à df'montrer (pie l'efiet pupillo-dilatateur de la tétanisation du
grand sympathique est indépendant de l'action vaso-constrictrice du même nerf, et
néanmoins il n'est pas partisan d'un muscle pu[tillo-dilatateur.
D'après lui aussi, les fibres pupillo-dilatatrices exerceraient une frénation sur l'appa-
reil pupillo-constricteur. ('et auteur a confirmé et complété les expériences de Cl. Ber-
nard qui démontrent que les fibres pupillo-dilatatrices du grand synifiathique sont
indépendantes des fibres vaso-constrictrices poui' la tète. 11 a vu l'excitation du grand
sympathique dilater la pupille ch^z l'animal à peu près exsangue par hémorragie.
Enfin il trouve que certains filets terminaux du sympathique dilatent la pupille sans
resserrer les vaisseaux oculaires, et que l'excitation d'autres de ces filets resserre les
vaisseaux oculaires sans dilater la pupille.
Théorie (l'A ngelucci. — Anoelucci confirme les faits avancés i>ar Fn. Franck et pro-
fesse, quant à la dilatation pupillaire, une opinion analogue à celle de cet auteur. La
couche de Bruch, dit-il, est bien une couche sid i/nteria, mais il est douteux que, malgré
son aspect myoïde, ce soit une force musculaire en absolue antithèse avec le muscle
constricteur. Il pense que la raydriase se fait plutôt grâce à l'élasticité propre des
tissus iridiens, dès que le constricteur de la pupille relâche son activité. Le grand
sympathique exercerait néanmoins toujours une influence pjpillo-dilatatricc distincte
de toute diction vaso-motiice. Mais cette action serait tonique et n'interviendrait pas
668 IRIS.
particulièrement dans les impillo-dilatalions réllexes, c'est-à-dire dans les dilatations
pupillaires habituelles.
Théorie de Cli. Lafon. — A la dernière heure, une nouvelle théorie vient d'être
émise par Ch. Lafon. Il est adversaire d'un muscle dilatateur et n'admet qu'une seule
force contractile indienne, le sphincter. Pour ce qui est de l'innervation de ce muscle,
il fait revivre une idée émise déjà par Van Gehuchten (abandonnée depuis par son
auteur) et d'après laquelle le fjan^lion ciliaire serait le vrai et unique centre mo-
teur pour l'iris, sur lequel le nerf III agirait pour l'exciter, et le grand SA'mpalhique
pour le modérer. Lafon admet donc que les fibres pupillo-dilatatrices du grand sym-
pathique passeraient par le ganglion ciliaire, ce qui est contraire à ce qui est dit plus
haut. Il admet aussi que le réilese pupillo-dilataleur douloureux passerait par le nerl
grand sympathiijue.
Braunstein a montré très clairement que les pupillo-dilalations normales résultent
d'une inhibition exercée sur le nerf sphinctéro-moteur. Néanmoins il admet que le
grand sympathique exerce continuellement un tonus pupillo-dilatateur, indépendant
des actions vaso-motrices.
L'accord est donc loin d'être réalisé parmi les physiologistes, en ce qui regarde
soit le mécanisme iridien de la pupillo-dilalation, soit surtout le muscle dilatateur
de la pupille. Il y a toujours et malgré tout des partisans et des opposants de ce
muscle. Il est à remarquer que les partisans du muscle dilatateur sont presque tous
récents et, de plus, que leurs recherches sont surtout de nature anatomo-embryolo-
gique et portent sur l'histogenèse de la couche iridienne de Brucii. En principe, des
recherches de ce genre sont cependant insuffisantes pour établir définitivement la
nature contractile d'une formation anatomique; il faut, à cet elfet, le concours de
l'expérimentation physiologique.
Quant aux opposants du muscle pupillo-dilatateur, on voudra bien remarquer qu'ils
se basent surtout sur des expériences physiologiques, et de préférence sur l'ensemble
des faits physiologiques. Ils relèvent des faits qui ne semblent pas s'accorder avec
l'hypothèse d'un muscle pupillo-dilatateur. A la vérité, bon nombre de ces travaux
datent d'un peu loin, et leurs auteurs n'ont plus pris la parole en la question depuis
les travaux récents sur l'histogenèse de la couche de Bhuch, travaux si confirmatifs de
l'existence d'un muscle dilatateur de la pupille. 11 ne faudrait pas cependant conclure
de ce silence que tous se soient transformés en partisans du muscle dilatateur.
Gruenhagen notamment a déclaré récemment que, pour être résolue, la question
demande encore des recherches ultérieures. Angelugci lui aussi a maintenu son pre-
mier point de vue.
Une considération de nature à faire hésiter quelque peu les partisans du muscle
pupillo-dilatateur est la suivante. Il résulte des travaux signalés dans ce qui précède,
notamment de ceux de Braunstein, que les fibres contractiles pupillo-dilatatrices ne
semblent pas intervenir dans les mouvements pupillaires habituels, physiologiques,
c'est-à-dire ni dans la dilatation pupillaire due à une diminution de l'éclairage, ni dans
la dilatation accompagnant le regard au loin, ni dans la dilatation réflexe, dite doulou-
reuse, ni enfin dans les dilatations dues à l'activité cérébrale. Elles n'interviennent pas
davantage dans les petites variations pupillaires synchrones avec la respiration et avec
les pulsations cardiaques. De sorte que nous aurions là un muscle qui dans le jeu régulier
des fonctions n'agirait jamais, et qui en quelque sorte n'existerait que pour rendre
possibles ceitaines expériences physiologiques, de laboratoire. Ce serait en quelque
sorte un luxe sans utilité aucune !
Il est vrai que Schiff, Angelugci et Braunstein parlent d'une espèce de tonus pupillo-
dilatateur exercé continuellement par le grand sympathique cervical par le moyen
des fibres de la couche de Bruch. Mais leurs idées à cet égard ne semblent pas très
nettes. Le sympathique cervical, dit Angelugci, représente l'équilibre (iridien) plutôt
que le facteur d'une fonction qui peut s'exercer indépendamment de celui-ci.
Braunstein est encore moins explicite au sujet du tonus pupillo-dilatateur exercé par
le grand sympathique, moyennant des fibres pupillo-dilatatrices.
S'il n'y avait pas les expériences de Fr. Franck démontrant que l'influence pupillo-
dilatatrice du grand sympathique est indépendante de l'action vaso-motrice pour la
IRIS. <it>y
lètc, nous adiuoUrions ooiiinio cerlain que ce tonus |iu|>illci-(liliilalcui' ti'esl licn autre
chose que le tonus vaso-constricteur, exené r«-ellenu'ut pai- le u'rami syni[)athiiiue, et
dont un etl'et indiscutable est de maintenir la pupille plus ou moins dilatée. Supprimez
celte action vaso-conslriclrice (par e.xemple par inhalations de nitiite d'amyle) et les
pupilles se resserrent. Dans une (lueslion aussi rondamenlale, l'on ne saurait user
d'une trop st'-vère criti(iue. Ne se pouirait-il pas que les libres pU[)illo-dilatalrir.es du
grand syinpallii(|ue fussent en réalité des fibres vaso-motiices pour l'intérieur de l'œil?
l)ans les cxpi-riences telles [«[ue celles de Ku. Fha.nck, on juye des pupillo-«onstiictions
de la tète en inspectant le tégument externe et la conjonctive oculaire. .Ne se pourrait-
il pas que les nerfs vaso-constricteuis pour l'iris, organe qui dérive de l'arachnoïde
cérébral, suivraient dans le grand sympathique cervical un tiajet un peu dillérent de
celui des vaso-moteurs pour le tégument de la ti;te? I.a question est accessible ù l'ex-
périmentation jdiysiologique.
14'^ La pupille dans le sommeil. — Nous avons vu que la pupille est resserrée
pendant le sniumi'il et se tlilale au moment du réveil. En aucune circonstance phy-
sioloL'iiiue (Ml n'observe une élroitesse aussi prononcée de la pupille (jue [tendant le
sommeil, à moins que le muscle sphincter ne soit fortement contracté fet exce[)lion
faite pour le nouveai-né . Or, pendant le sommeil, en l'absence de toute excitation
du nerf optique, on doit se figuier l'appareil nervoso-musculaire sphinctérien en
repos.
Théoriquement, la pupille devrait même être dilatée pendant le sommeil, parce
ijue ('/) les yeux sont portés en divergence (et en haut), 6) parce que la lumièi'c n'atfit
plus sur la ri-tine. Inversement {a) l'absence d'excitation aux nerfs centripètes, et (6),
la diminution de l'activité cérébrale ten lent à resserrer la pupille. I.ursque les deux
sortes d'inllU'.Mices et de plus le tonus vasculaire sont supprimés par la section de
nerfs sympathique et oculo-moteur com < un, la pupille est très sensiblement dilatée.
Peut-on supposer (avec Plotri.s, Ve.nnkmw et (]h. I-afo.n) que pendant le sommeil il
y ait une contraction tonique du muscle s-pliincler? 11 est vrai que d'autres sphincters
(le vésical, l'anal par exemple), sinon tous, semblent contiactés pendant le sonmieil.
Il y a cependant à remarquer que l'utilité d'un tonus de ces spbincters se comprend,
puisqu'il doit s'opposer à l'écoulement du contenu d'un organe viscéral. Et rien de
pareil n'existe pour la pupille, dont le resserrement n'entrave pas du tout l'écoulement
de l'humeur aqueuse à travers la pupille.
Pour J. MuELLER, le myosis pendant le .«ommcil résulterait d'une contraction du
muscle sphincter, synergique avec la convergence des yeux. — Eu fait, [lendant le
sommeil, les yeux sont tournes en haut, mais en divergence (Brau.xsteinj.
De tous temps, les partisans d'un muscle pupillo-dilalateiir ont supposé (lue pendant
le sommeil ce muscle serait relâché par le fait de la su[>pression de l'activité cérébrale.
D'autre part on a pensé à un relâchement des vaisseaux iridiens. L'une et l'autre
hypothèse fait intervenir le grand sympathique cervical dans la productioii du myosis
dans le sommeil. Bouchard notamment suppose que des substances « somnigères »,
formées dans le sang, paralysent les nerfs vaso-constricteurs de l'iris, par une action
centrale. Cette hypothèse est acceptée, avec certaines variantes, par Berceu et l.ii:wv.
Or les deux hypothèses, celle de la paralysie de fibres nerveuses [tupillo-dilata-
trices aussi bien que celle de la paralysie vaso-motrice, sont réfutées par les deux laits
suivants : a) En cas de paralysie complète du nerf oculo-moteur commun, chez
l'homme, la niydriase paralytique persiste dans le sommeil; b) la mydiiase atropinique
(due au relâchement du muscle sphincter, voyez plus bas) ne diminue pas pendant le
sommeil.
Pour d'aucuns (Langlev, etc.), le myosis du dormeur serait une conséquence hydro-
statique de la congestion du cerveau qui existerait dans le sommeil. Mais la congestion
du cerveau (jui existerait pendant le sommeil n'est rien moins ([ue prouvée; et d'ail-
leurs, les congestions des vaisseaux de la tète de l'ordre de celle dont il pouirail être
question ici ne produisent qu'un myosis très modéré.
Baelma.n.v et WiTKowsKi mettent le myosis pendant le sommeil sur le compte de la
suppression, ou au moins de la diminution des influences pupillo-dilatatrices rèllexes
(douloureuses et cérébrales;. .Vu mo.iieut du réveil, ces iniluences, les cérébrales
670 IRIS.
surlout, entreraient brusquement en action, d'où niydiiase très rapide. Il est vrai que
les deux auteurs supposent que ces inlliiences agissent en activant les fibres pupillo-
dilalatrices du sympathique cervical. Aujourd'hui ils n'hésiteraient probablement pas
à admettre qu'elles exercent une inhibition sur le centre sphinctéro-moleur.
Tout bien considéré, nous penchons vers l'explication de Uaelma.\n et Witkowski.
Nous inclinons cepemlant à admettre en même temps un certain degré de tonus du
muscle sphincter, entretenu par le noyau sphinctéro-moleur. Nous pensons aussi qu'il
faudrait répéter les observations sur l'état de la pupille pendant le sommeil, en cas de
paralysie (chez l'homme ' du nerf Uï, pour voir si dans ces cas il ne se produit pas un
certain relâchement des vaisseaux iiidiens pendant le sommeil, relâchement qui se
traduirait par un certain rétrécissement de la pupille.
i'.\° La pupille dans Tagonie. — Aux approches de la mort, pendant l'agonie,
les pupilles sont contractées. Au moment même de la mortelles se dilatent, pour ensuite
se contracter lentement, sur le cadavre. I. 'explication du myosis de l'ag'onie semble être
analogue à celle du myosis dans le sommeil : suppression ou forte diminution des
influences pupillo-dilalatrices réflexes et cérébrales, jointe à un certain degré de tonus
du muscle sphincter. La dilatation au moment de la mort semble être due en grande
partie à la constriction des vaisseaux iridiens, et au retrait du sang hors de ces
vaisseaux, sous l'influence de la pression intra-oculaire qui persiste un petit temps après
la mort. La constriction pupillaire après la nn^rl semble due à l'hypotonie intra-ocu-
laire résultant de l'écoulement de l'humeur aqueuse hors de l'œil, écoulement qui
continue encore après la mort et diminue la pression hydrostatique à la surface
externe des vaisseaux iridiens.
1G" La pupille dans l'asphyxie. — Dans l'asphyxie expérimentale commençante,
réparable, la pupille se dilate assez fortement. La mydriase asjihyxique continue à se
produire en cas de section du grand sympathique cervical aussi bien (ju'à la suite de la
section du nerf oculo-moleur commun (Vulpi.\n, Iîraunstein, etc.). La section des
deux nerfs la supprime tout à fait. La dilatation pupillaii e asphy.\ique est donc un
processus compliqué. Elle résulte d'une part d'une influence de frénation, exercée sur
le noyau de l'oculo-moteur commun, et d'autre part d'une mise en activité des
éléments nerveux pupillo-dilatateurs du grand sympathique, notamment des fibres
nerveuses vaso-constrictrices de l'iris. En réalité l'asphyxie produit uneforte excitation de
tout le centre vaso-constricteur de la moelle allongée (vaso-constriction généralisée). Les
partisans du muscle pupiUo-dilatateur parlent d'une excitation du centre cilio-spinal,
produisant la contraction de ce muscle. D'après Grunhagen et Coun, chez le lapin atro-
pinisé, la ligature des artères cérébrales (convulsions) dilate la pupille, mais seulement
si le grand sympathique est intact.
Notons que la mydriase asphy.xique est, avec celle (]ui résulte de la tétanisalion du
grand sympalhiquo, la seule que nous puissions mettre à l'actif du sympathique cer-
vical. L'une et l'autre constitue un phénomène absolument anormal, car l'asphyxie est
un processus de mort, non de vie (.Morat, voir Asphyxie, p. 729 . D'autre part, quoi de
plus anormal que la létanisation du nerf symf)atliique.
17° La pupille dans la narcose. — Nous n'envisagerons h ce point de vue que
la plus étudiée des narcoses, la chloroformique (voir Chloroforme). Dans la première
phase de la narcose chloroformique, phase dite d'excitation, la pupille est plus ou
moins dilatée; puis il s'établit un myosis très prononcé; la pupille devient puncti-
forme. Pendant ce myosis le réflexe pupillo-dilatateur par excitation d'un nerf sen-
sible persiste. On relève (B.udi.\, Coyxe, etc.) la signification omineuse de la suppression
des réflexes pupillaires dans la narcose ; cela dénote la paralysie du mésocéphale et
un danger de mort imminente. Schiff va même jus ju'à prétendre que tout resserre-
ment pupillaire est un signe de danger. C^tte opinion est excessive.
Quant au mécanisme intime de ces phénomènes pupillaires, la mydriase de la
période d'excitation pourrait être attribuée à une excitation cérébrale (voir Ânésthésie,
p. ul6), à effet pupillo-dilatateur. Quant au resserrement dans la période d'anesthésie
véritable, il semble être du même ordre que le myosis dans le sommeil naturel, c'est-à-
dire dû à la suppression des influences pupillo-dilatatrices réfle.xes et cérébrales,
jointe à un certain degré de tonus du sphincter.
IRIS. 674
18" Mydriatiques et myotiques. — Cerlaines substances, appliquées localement
sur l'œil, de préférence en solution sur l'œil (l'introduction directe dans l'œil compliquant
les choses) dill'usant à l'intérieur à travers la cornée, vont agir sur l'iris et dilatent la
pupille. r,o sont des substances « mydriatiques », produisant la <( mydriase ». Le proto-
type en est l'atropine. l/lioiuatrt>|)ine et la cocaïne afçissenl de même, mais moins
énergiqut'uient; leur elTel est moins durable. D'autres substances produisent dans les
mêmes circonstances un resserrement pupillaire: ce sont des substances •■ myotiques»,
produisant** lemyo.sis» ou ** la myose ». L'ésérine et la pilocarpine sont deux myotiques
eflicaces. L'ésérine est un peu plus active, mais en clinique on la délaisse pour la pilo-
carpine, parce que son emploi prolongé irrite la conjonctive.
Les mydriatiques et les myotiques passent donc par diffusion à travers la cornée,
dans riiumcur a([ueuse, et vont directement agir sur l'iris.
L'action physiologique de ces substances est expliquée dans des articles spéciaux.
Nous les envisageons ici seulement au point de vue des mécanismes des dilatations et
des rétrécissements pupillaires; nous en faisons en quelque sorte une pierre de touche
des diverses conceptions sur ces mécanismes.
L'atropine (voir Atropine) produit son action mydriatique en paralysant le muscle
sphincter de la pupille. En effet l'atropine n'augmente plus la mydriase obtenue par
la section du nerf oculo-moleur commun, et vice versa la section du nerf oculo-moteur
n'augmente pas la mydriase atropinique ( Ancklugci).
On rencontre l'assertion (Ruetk, cité par DoNDKas) (juechez l'homme, en cas de para-
lysie du nerf oculo-moteur commun, avec dilatation pupillaire, l'atropine augmenterait
encore un peu la mydriase. En présence des résultats concordants obtenus expérimen-
talement chez le lapin, le chien, le chat, le singe (Angelucci, etc.), il faudrait croire
que dans ces observations cliniques la paralysie était incomplète. Donders en avait
conclu que l'atropine excite aussi les forces pupillo-dilatatrices (le muscle dilatateur).
Dans tous les cas l'atropine ne produit pas la mydriase en resserrant les vaisseaux
iridiens, car l'effet se produit encore sur l'œil énucléé (les vaisseaux iridiens étant
vides de sang). D'autre part, la cocaïne augmente la mydriase atropinique non maxi-
male. Or la cocaïne semble produire la mydriase uniquement par son action vaso-
constrictrice locale.
De tout cela il faut conclure que l'atropine paralyse le muscle sphincter, tout comme
la section du nerf 111, ou l'injection de nicotine dans l'orbite.
Néanmoins, l'atropine dilate la pupille au maximum, sensiblement plus que ne le
fait la paralysie ou la section du muscle sphincter. Elle semble donc faire plus que
paralyser le muscle sphincter. Mais quoi? 11 y a là un point insuffisamment expliqué.
Le point d'attaque du poison n'est pas en dehors de l'œil (puisqu'il produit encore
sou effet sur l'œil énucléé). Il ne s'attaque pas non plus au muscle sphincter lui-même,
mais aux extrémités périphériques, musculaires, des fibres nerveuses sphinctéro-
motrices. En effet, si l'atropinisation n'est pas excessive, un courant induit, appllcjné
au centre cornéen, resserre encore la pupille. Dans les mêmes circonstances (atropini-
sation modérée) l'ésérine resserre encore la pupille, ce qui, semble-t-il, ne pourrait se
produire si le muscle lui-même était paralysé. — Ajoutons toutefois que l'atropine fait
cesser le myosis ésérinique, ce qui semble parler contre l'hypothèse d'après laquelle
l'atropine agirait sur les extrémités nerveuses, tandis que l'ésérine agirait sur le muscle
lui-même. C'est là un point obscur. L'atropine paraîtrait d'ailleurs agir aussi sur le
muscle, si son action est très forte. Car en cas d'atropinisation excessive, l'ésérine ne
resserre plus la pupille.
DoNDERs, croyant que l'atropine augmente encore la mydriase due à la paralysie
complète du nerf III, suppose que le point d'attaque du poison serait donné dans les
cellules nerveuses intercalées dans l'œil sur le trajet des nerfs ciliaires. Or, nous
avons vu (jue l'atropine agit sur l'iris lui-même, (jui ne renferme pas de telles cellules.
On comprend dès lors que, dans un œil atropinisé, la faradisation du nerf oculo-
moteur commun ne diminuf plus la mydriase bien que le muscle sphincter lui-même
ne soit pas paralysé; on comprend qu'après section du nerf III l'atropine n'augmente
pas la mydriase.
Suivant Angelucci, dans un œil atropinisé, tout comme eiî cas de paralysie oculo-
6Ti IRIS.
motrice, la tétanisalion du grand sympathique n'augmenterait plus la mydriase. Cela
est contesté, notamment par I.ittauer, et en effet ces deux catégories d'influences
pupillo-dilatalrices ne s'adressent pas à un seul et même élément iridieu pupillo-
dilataleur.
Dans l'œil atropiiiisé, le réflexe lumineux fait défaut. Toutefois il persiste un peu
lorsque l'atropinisation n'est pas maximale, ou lorsqu'elle est en voie de disparaître.
— Dans les mêmes circonstances la réaction pupillaire synergique avec la convergence
fait défaut égalem^'ut. — Enfin la mydriase atropinique persiste dans le sommeil.
L'atropine ne dilate pas la pupille des oiseaux, des poissons, ni celle de la grenouille.
Nous avons dit que Holtzmann soutient que l'atropine n'a pas d'effet pupillo-dilalateur chez
les animaux dont le ganglion ciliaire est de nature intervertébral. C'est là un rapproche-
ment intéressant, mais non une explication véritable, bien entendu.
La cocaïne (voir Cocaïne) dilate la pupille, même très fortement, à peu près au
degré maximal, en môme temps qu'elle insensibilise l'iris. La mydriase cocaïnique est
certainement due à un autre mécanisme que la mydriase atropinique; elle résulte
de la conslriction des vaisseaux iridiens. En général la cocaïne resserre toutes les
petites artères, et d'ailleurs cela est confirmé par les faits suivants. La mydriase
cocaïnique augmente sensiblement par l'atropine; etla mydriase atropinique non maxi-
male augmente par la cocaïne. En cas de paralysie du nerf oculo-moteur commun
chez l'homme, la cocaïne, à l'opposé de l'atropine, augmente encore la mydriase. La
forte mydriase cocaïnique maximale n'augmente plus par la tétanisalion du grand
sympathique; elle augmente encore si elle n'est pas maximale (Angelucci).
La mydriase cocaïnique ne se produit plus sur l'œil énucléé (à iris exsangue),
L'ésérine aussi bien que l'atropine agit très bien sur un œil cocaïnisé, et cela se
coujprend, puisque la cocaïne s'adresse à un autre élément iridien que l'atropine (et
que l'éséiine'. Enfin les réflexes pupillaircs, tant les lumineux que les douloureux, per-
sistent dans l'œil cocaïnisé; ils ne semblent pas même diminués lorsque la mydriase
n'est pas maximale. Nouvelle preuve que l'appareil nervoso-musculaire sphincléro-
moleur n'est pas atteint par la cocaïne.
Le fait que la cocaïne peut dilater la pupille à peu près au maximum est pour beau-
coup d'auteurs un argument parlant fortement contre l'existence du muscle pupillo-
dilatateur.
Vésérlnc (voir Physostigmine) produit son effet myolique en faisant contracter le
muscle sphincter. Elle est donc anlagonisle de l'atropine. Son action ]se produisant
encore sur l'œil excisé (dont les vaisseaux iridiens sont exsangues), elle ne résulte
pas d'une action vaso-motrice.
Après stction du nerf oculo-moteur commun, ou injection de nicotine dans l'orbite
(Angelucci), l'ésérine fait contracter encore la pupille, bien que plus difficilement et plus
lentement qu'à l'état normal. C'est qu'elle ne trouve plus le muscle sphincter en con-
traction tonique. — Dans un œil ésériné, la section du nerf oculo-moteur ne dilate pas
la pupille, ou seulement très peu, en tant que la contraction dépend du tonus sphincté-
rien. — Après section du grand sympathique cervical, l'ésérine augmente encore le res-
serrement pupillaire. C'est que la section du grand sympathique met en aclivité un
autre mécanisme iridien que l'ésérine.
De ce que l'ésérine resserre encore la pupille atropinisée (à muscle sphincter
paralysé), on peut conclure qu'elle porte son action sur le muscle lui-même, alors que
l'atropine ne paralyse que les extrémités des fibres nerveuses sphinctéro-motrices. De
même aussi l'ésérine contracte la pupille en cas de sertion du nerf III.
Certains auteurs admettent à tort que l'ésérine paralyserait le muscle dilatateur, en
même temps qu'elle excite le muscle sphincter. Si le muscle existait, ce serait néan-
moins là une supposition invraisemblable et gratuite, que rien ne nécessite. Elle a été
imaginée pour expliquer que l'ésérine resserre la pupille dilatée déjà par la section du
nerf lil : l'ésérine, ne pouvant plus faire contracter le sphincter paralysé, devrait
resserrer la pupille en paralysant l'une ou l'autre force pupillo-dilatatrice (muscle
sphincter ou vaisseaux iridiens). La fausseté du raisonnement est évidente.
Une mydriase atropinique non excessive cède pour quelques heures à l'ésérine.
Inversement, le myosis de l'ésérine cède à l'atropine. Cela parle quelque peu contre
IRIS.
673
riiypothèsc d'apit'S huiuello l';itro[>ino paralyserait les exLiéinilés nerveuses, tandis qui
l'ùsérine exciterait le muscle lui-m<^ine.
L(i piliKdrpiiii' fiiliii païaît ai,'ir sur la pu|Mlle à la niaiii("'re de l'csiTine.
RÔLE ABSORBANT DE L'IRIS.
Il it'sullo de nos travaux, exécutés de concert avec F. IJknoit, que, chez l'homme
surtout, l'iris est par excellence un organe éliminateur de l'iiumeur aqueuse hors de la
chambre antérieure, et que ce rôle est
des plus importants. Nos devanciers
admettent à peu près sans exception
(lUf seul le canal de Sculk.mm serait une
voie d'élimination de l'humeur aqueuse.
D'après nos expériences, le quart, peut-
être le tiers, en sort de l'œil par la voie
de l'iris. Ce liquide aborde la membrane
par sa face antérieure; il pénètre en-
suite dans les fentes interstitielles de
l'iris, puis est repris par les vaisseaux
iiidiens '. Pour comprendre ce rôle
éliminateur de l'iris, il faut se rappeler
le système des fentes interstitielles de
l'iris humain, et les ouvertures de ces
fentes à la face iridienne antérieure.
Le plan mitoyen de l'iris est occupé
par une fente ou un système de fentes
interstitielles traversées par les vais-
seaux iridiens, (jui s'accumulent par-
ticulièrement en cet endroit. Les vais-
seaux sont suspendus dans la fente,
entourés d'une mince couche de tissu
tibrillaire. Des fibres du slroma dis-
crètes traversent l'espace de la fente
et relient les vaisseaux au stroma plus
dense.
En deux endroits ces fentes intersti-
tielles communiquent avec la chambre
antérieure, à la périphérie (s) et vers
le bord pupillaire.
Ce système des fentes interstitielles Fk,. ii4
de l'iris et des stomates à la face anté
Ouverture (ou stomate) par laquelle, chez
l'honimo. la fonte interstitielle de l'iris communique avec
la chambre antérieure. Sel, sclérotique: c, S., canal de
rieure, décrit par Fucus, est plus ou Schlemm; s, ouverture dans la péripliérie de l'iris.
moins développé selon les individus.
FucHsinclinaitày voir un système éliminant la lymphe de l'iris dans la chambre antérieure.
La figure 115 représente l'iris (humain) injecté d'encre de Chine de la manière
suivante. Deux à trois heures avant l'énucléation (d'un œil sain, mais devant être
enlevé pour cause de néoplasie autour de lui), nous injectâmes dans le litrcum, contre
le pôle postérieur du cristallin, une goutte d'encre de Chine (stérilisée par la chaleur,
puis liltrée). L'encre diffuse lentement en avant, à travers la pupille, dans la chambre
antérieure, d'où elle tend à être véhiculée hors de l'œ'il par l'humeur aqueuse. Celle-ci
passant à travers les fentes interstitielles plus facilement que les grains d'encre, on peut
prévoir qu'aux endroits de cette élimination du liquide l'encre sera retenue comme par
un filtre, et que des amas et des traînées noires signaleront dans les tissus les voies
d'élimination tle l'humeur aqueuse.
1. Une autre partie de l'humeur luiueuso est reprise par les viiisscaux du corps ciliairc, et
une Iroisièinc par le canal do Sciile.m.m. CVoir Œil.)
DICT. DE PUYSIOLOGir. — TCME IX.
674
IRIS.
Pour ce qui regarde l'iris humain, l'encre se dépose à sa surface antérieure en une
couche mince, et, de plus, elle y pénètre par la face antérieure par deux traînées denses
en deux endroits: à l'extrême périphérie a et vers le bord pupillaire6, par les sto-
mates siués en ces deux endroits. A partir d'ici, elle remplit dans toute l'étendue de
l'iris la fente interstitielle décrite plus haut, et imprègne la lame de tissu située en
arrière de cette fente, en respectant toutefois absolument la mince lame de tissu située
sous l'épithélium postérieur, c'est-à-dire la membrane de Bruch. Partout en ces endroits
l'encre s'accumule surtout autour des vaisseaux (veineux).
Notre conclusion est que l'humeur aqueuse s'insinue par les voies indiquées,
c:^ëw^
FiG. 115. — Coupe à travers un œil humain auquel on avait injecté une goutte d'encre do Chine derrière le
cristallin une heure avant l'énucléation. — 5c/., sclérotique ; C, cornée; cS, canal de îSculemm; Cr,
cristallin; H, membrane hyaloïde ; a et è, deux stomates de la surface antérieure do l'iris.
jusque dans les vaisseaux iridiens, surtout dans ceux (capillaires) qui sont situés contre
la face postérieure de l'iris. Elle passe à travers une espèce de long filtre, qui retient les
grains d'encre. La paroi vasculaire est un dernier filtre à passer, particulièrement dense,
et qui retient la presque totalité des grains plus fins qui ont pénétré jusqu'ici. Il
résulte aussi de nos recherches que des grains d'encre très fins sont charriés jusque dans
la lumière vasculaire, où le courant sanguin les emporte.
L'iris joue un rôle absorbant analogue chez le chien, le chat, le lapin et la poule
(NuEL et Benoit), et probablement chez tous les vertébrés supérieurs. Il y a cependant
sous ce rapport des différences à signaler. Chez le chien, les choses se passent en
somme comme chez l'homme. Chez le chat, le l'ôle absorbant est réservé presque
exclusivement à la périphérie iridienne, qui à cet effet est parsemée de stomates à
l'instar d'une écumoire. Chez le lapin, le rôle absorbant de l'iris est moindre, mais il
n'en est pas moins réel; Nuel et Cornil ont trouvé dans la zone pupillaire un petit
nombre de stomates. L'iris de la poule (fig. 116) absorbe très sensiblement par sa faee
IRIS.
675
0.9.
Sel
/ '.',•
antérieure. Les vaisseaux absorbants sont accumulés contre cette surface, alors que
chez les maminirères, ces vaisseaux sont sitiu'-s plus piofondément.
(Pour les voies dt'liininalion de l'humeur aqueuse autres que celles de l'iris, voir
l'article Œil.)
La pénrtration do
l'humeur a(iueuse dans
l'iris et dans les vais-
seaux iridiens a lieu
par une espèce de fil-
tration; la vis a tergo
de cette filtration est
la tension oculaire, de
25 mm. de mercure,
c'est-à-dire certaine-
ment supérieure à
celle qui est dans les
veines.
La progression de
l'humeur aqueuse dans
l'iris semble être favo-
risée par les contrac-
tions du muscle sphinc-
ter de la pupille. Il faut
se l'appeler ici la fente
interstitielle de l'iris
(fig.li3,p.66Lietfig.M4,
p. 073) qui partage la
membrane en deux la-
melles, une antérieure
et une postérieure. Le
muscle sphincter est
situé dans la dernière,
contre le bord pupil-
laire. S'il se contracte,
il fait plus ou moins
bâiller la fente lym-
phatique interstitielle.
S'il se relâche, surtout
si la pupille est dilatée,
la fente interstitielle
est plus ou moins
obstruée. C'est par ce
mécanisme qu'on peut
expliquer comme quoi,
dans les yeux prédis-
posés au glaucome
(c'est-à-dire à devenir
durs), les instillations
d'atropine [)rovoquent
un accès de glaucome,
parce qu'elles entra-
vent l'élimination de ^"^'' ^^'^' " *^'' ^^ l'ipeon auquo! on avait injccU; derrière le cristallin une
.,, goutte d'cncro do Chine une heure avant lonucléation, — Sd, sclérotique;
1 numeur aqueuse, q cornée;/, iris; 6V, cristallin; c. S., canal do Schlemm.
tandis que les instil-
lations d'é^erine (niyotique) combattent le glaucome, parce qu'elles favorisent celte
élimination.
La face postérieure de l'iris ne révèle pas trace d'absorption pour l'humeur aqueuse.
676 IRIS.
Chez aucun de nos animaux en expérience, l'encre ne montrait la moindre tendance à
se déposer à la face postérieure de l'iris.
La fonction résorbante de Tiris a été à peu près complètement méconnue par nos
devanciers. Le seul qui l'ait franchement reconnue est Nicati. Mais ses expériences
consistaient à injecter chez l'animal du ferro-cyanure de jiotassium et à le déceler
ensuite chimiquement. Elles ne convainquirent guère, principalement parce que le
ferro-cyanure est une substance diffusible; son emploi pour ce genre d'expériences est
passible du reproche général que nous allons formuler contre les expériences faites à
l'aide de substances diffiisibles.
Divers auteurs (Leber, etc.) ont injecté dans la chambre antérieure, tant sur le
vivant que sur le cadavre, des substances soit diiïusibles, soit non diffusibles. Cette
manière de procéder est suffisante pour montrer l'élimination par le canal de Schlemm;
elle est impuissante pour déceler l'élimination par l'iris. En procédant ainsi, on
inonde la chambre antérieure de masses colorées au sein desquelles il est difficile de
se retrouver; on change du tout au tout les conditions hydrostatiques qui existent aux
deux surfaces de l'iris, et probablement on entrave l'élimination par cette membrane.
Au lieu que par notre procédé d'expérimentation 0:1 réduit à un minimum les troubles
apportés à l'écoulement normal des liquides et on fournit aux courants liquides à peu
près normaux peu à peu de petites quantités de substance colorée.
Certains auteurs avaient avant nous injecté, sur le vivant, de l'encre de Chine dans
lecorps vitré. En ont-ils injecté trop, de manière h augmenter la pression intra-oculaire?
Ou bien ont-ils attendu trop longtemps après l'injection pour examiner l'œil, auquel
cas l'encre infiltre diffusément tout l'iris?
D'autres ont injecté des substances diffusibles dans le vitreum. Or elles diffusent un
peu au hasard des rencontres, et nullement dans les seules voies d'élimination de
l'humeur aqueuse.
On a aussi incorporé dans le sang des substances diffusibles qu'on allait ensuite
rechercher dans l'œil, soit sur le vivant, soit après énucléation. La remarque relative
aux substances diffusibles injectées dans le vitreum trouve son application ici. Elle
enlève à ces expériences à peu près toute force démonstrative au point de vue des voies
d'élimination de l'humeur aqueuse.
Nous rencontrons ici en premier lieu les expériences d'ULRicii, qui injectait sous la
peau du ferro-cyanure de potassium et qui le décelait ensuite chimiquement comme bleu
de Prusse. Ulrich déduit de ses expériences que l'humeur aqueuse, sécrétée parle corps
ciliaire, passe à travers la racine de l'iris, puis arrive dans la chambie antérieure. —
Or on ne voit jamais passer à travers la racine de l'iris des substances non diffusibles
injectées (sur le vivant) derrière l'iris.
Viennent ensuite les expériences remarquables d'EaRLiCH à l'aide de la fluorescéine.
Si au lapin on injecte dans les espaces lymphatiques, sous la peau, ou dans les veines,
de la tluorescéine (par exemple, 3 à o centimètres cubes d'une solution aqueuse à
20 p. 100), on voit, après dix à vingt minutes, apparaître dans la chambre antérieure,
derrière la cornée, une ligne verdâtre verticale et bien délimitée. La ligne augmente,
diminue, disparait, s'élargit, se rétrécit. En haut et en bas, elle peut atteindre l'angle
cornéo-iridien, se diviser en deux. Cela diminue, puis disparaît au bout de deux
heures.
Ehrlich fut d'avis que la direction (verticale) de la ligne observée par lui serait
liée à des points déterminés de la chambre antérieure, et que cette ligne était
l'expression d'un courant sécrétoire normal, issu de la surface antérieure de l'iris.
Mais bientôt on reconnut que la ligne est toujours verticale, quelle que soit l'orien-
lation qu'on donne à l'œil; elle apparaît aussi si l'on injecte directement des traces
de fluorescéine dans la chambre antérieure. Elle n'est donc pas liée à des points
spéciaux de la chambre antérieure ou de l'iris, mais sa direction dépend de la
pesanteur.
Th. Leber fit observer qu'en général les expériences d'injection de substances diffu-
sibles — et la fluorescéine en est une — ne sauraient rien prouver quant à l'endroit de
la sécrétion ou de l'absorption de l'humeur aqueuse. Injectées dans le courant sanguin,
elles pénètrent dans les liquides intra-oculaires partout oii ceux-ci confinent aux parois
IRIS. (177
vasculaires. Ce serait donc par dilliisiou t|ii(' la lluor('s(;(''iii(' (xMirtre dans riiniucur
aqueuse, mais ("ela ne prouverait uiillomfMit (juc normalement riinmeur aqueuse est
sécrétée par la surface antérieure de l'iris.
Reste toujours à expliquer lu forme de la ligne d'KnuMcii. Klant dontH' qu'elle est
toujours verticale, on se Pigiirait que riiumcni- a([u<Mis(' qui renfernio Ar la fluorescéine,
descendrai! jiarco (lu'elle est plus louide.
L'explication est dt'-fectueuse à plus d'un point de vue. l'ouniuoi la ligne descend-
elle contre la face postérieure de la cornée? Ouelqucfois m(''ni(', comme Nicati l'a
montré, la ligne est néi,'alive, c'est-à-dire que les parties latérales sont colorées.
L. Ti iiCK vient de montrer que l'apparence de la lif,'ne d'EnnLii;u est due à cette cir-
constance que la cornée et les plans antérieurs de l'humeur aqueuse sont moins chauds
(même de 4") que les couches profondes de l'humeur aqueuse. Il en résulte des
dilférences de densité qui provoquent normalement dans l'humeur aqueuse un courant
comme celui de la ligne d'EuRLicii : le liquide froid descend derrièn; le diamètre
vertical de la cornée, et puis remonte latéralement et au-devant de l'iris. La présence
de la tluorescéine rend le courant visible TOrck reproiluisit identiqu(;ment la liiîue
en appliquant contre une glace verticale un verre de montre rempli de liquide, et en
chauffant un peu la plaque.
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E. NUEL.
IRRADIATION. — v. Rétine.
IRONE. — (C'^ir-'"'0) Principe odorant de l'iris, distillant à 144". Cliauiïée avec
l'acide iodhydriqiK', file donne de Virène (C'^H'*), bouillant à 113".
I RRITABI LITE. — Historique. — L'Iiisloiri! de l'ir lilahilité nous montre le
sort cruiio tloclrine qui, conçue d'abord sous une tonne naïve, puis ontiaîm'e par de
nouvelles recberclies dans une voie fausse, est reveime tînsuite, après de longues luttes,
à sa signification primitive; et, finalement, dans sa forme la plus générale, arrive
à n'être plus qu'une expression qui se comprend par sa définition môme.
II y a deux siècles et demi que la notion de l'irritabilité a été introduite dans la
pbysiologie par le médecin philosophe Glisson; et alors, comprise d'une manière tantôt
plus étroite, tantôt plus vaste, tantôt plus spéciale, tantôt plus générale, elle a donné
lieu à des erreurs qui ont duré pendant un siècle jusqu'à ce qu'tiulin, de nos jours,
laborieusement, après de durs combats, elle a été ramenée à une formultî clairi;, qui
constitue le premier pas vers une analyse plus profonde des faits fondamentaux qui la
constituent.
L'antiquité savait déjà que beaucoup d'êtres vivants peuvent, par des excitations
extérieures, être à chaque instant mis en activité. Glisson (1597-1677) reconnut le pre-
mier dans ce fait une propriété générale de tout être animal, et désigna cette propriété
sous le nom d'irritabilité (1). D'après lui, la vie consiste dans l'irritabilité. La conception
de Glisson était, malgré ses distinctions et définitions raffinées et artificielles, assez
claire et profonde, mais bientôt le vitalisme introduisit une erreur dans cette notion
de l'irritabilité. Bordeu et Barthez remplacèrent la vieille conception claire de l'irri-
tabilité en partie par l'idée d'une irritabilité générale, en partie par l'idée de la force
vitale. Barthez considérait comme la cause générale de la vie une force vitale à laquelle
il reconnaissait, pour se manifester au dehors, des forces sensitives et des forces mo-
trices. Ainsi déjà étaient différenciés le concept de la sensibilité et celui de la motilité.
Même Barthez séparait déjà la sensibilité en consciente et inconsciente. Bordeu rattacha
la sensibilité générale à la propriété générale de toute substance vivante, en compre-
nant exactement sous ce terme ce que Glisson avait appelé l'irritabilité, mais cependant
sans priver chaque élément vivant de sa sensibilité propre, distincte de la sensibilité
générale.
Alors la confusion devint complète. Irritabilité, sensibilité, contractilité, force vitale,
étaient des mots fatidiques à l'aide desquels les dilférents auteurs, avec plus ou moins
de succès, cherchaient à se comprendre les uns les autres. Presque exclusivement
c'est à la physiologie des muscles et des nerfs que chacun s'appliqua surtout pour édi-
fier sa doctrine, ce qui devait conduire à un incurable exclusivisme.
Au milieu de cette lutte où dominait cette conception erronée, Haller, malgré ses
efforts passionnés pour être impartial et clair, n'a pas pu cependant dégager la notion
d(i l'irritabilité de la confusion où elle était plongée. Même par ses propres recherches
il s'est perdu en de multiples contradictions. Il distingue la sensibilité de la contrac-
tilité (2) : Sala fibra muscularis contruhitur vi viva : sentit solus nervus et qux acceperunt,
animales parles, il n'y a que le muscle qui possède l'irritabilité, sans que cependant
son irritabilité soit identique à sa contractilité : A vi irrilabili, muscido propria, vim
contractilem fibrae animali communem separare.
En elfet, dit-il : volendi porro eam vim qtiidem perpetuo vivam adesse et sœpe nullo certe
qui noOis nulus sit, stimula externo indi(/am in mutum enimpere a stimula tamcn quoties
quicrit facillime revocari. Et il continue en disant : in eo motu distin.vi stimulum qui pos-
sit parrus esse et motum ab eo stimulo natum qui possit esse marimus. H prouva ainsi qu'il
est nécessaire de séparer complètement la contractilité et l'irritabilité.
Mais en Angleterre on était porté à maintenir la conception primitive de Glisson
sur l'irritabilité; ainsi John Brown admet pour les nerfs et les muscles une même
680 IRRITABILITE.
incitabililé (3), et il déclare que cette incitabilité, c'esl-à-dire la propriété de réagir aux
excitations extérieures, est une propriété générale de toute la nature vivante, propriété
caractéristique qui sépare les organismes vivants des êtres privés de vie. Déjà aussi
BnowN avait bien reconnu l'effet paralysant des excitations trop fortes ; et, cherchant
dans cette voie, il avait trouvé un certain nombre de faits importants; mais il a été
trop loin dans la généralisation de ces lois de l'irritabilité, en admettant que toutes les
excitations ont d'abord une action stimulante, et que les excitations paralysantes ne
sont que secondaires, toujours consécutives à une excitation primitive de très courte
durée.
J. MuLLER a fait un pas important dans l'histoire de l'irritabilité, en indiquant avec
précision un fait que déjà Bordeu avait remarqué, et qu'il avait exprimé par le mot
sensibilité propre ou particulière. C'est ce que J. MCller appelle l'énergie spécifique (4)
de la substance vivante. Chaque objet vivant, chaque muscle, chaque glande, chaque
organe sensoriel possède son énergie spécifique, c'est-à-dire qu'il réagit à sa manière,
très différemment, selon sa nature, aux excitations les plus diverses ; par conséquent,
la qualité de la réponse est tout à fait indépendante de la qualité de l'excitation. Peu
importe que le muscle soit excité par le galvanisme, par des agents chimiques, par
des irritants mécaniques, par des stimulations internes qui lui viennent des autres
organes; peu importe, en un mot, la nature de l'irritant qui le touche, il réagira tou-
jours par un mouvement; le mouvement est donc à la fois l'afTection et l'énergie du
muscle. De même, peu importe l'excilant qui agit sur l'œil, qu'il soit contusionné,
lacéré, comprimé, électrisé; qu'il reçoive des excitations sympathiques venant des
autres organes, en un mot, quelles que soient les diverses causes extérieures, le nerf
optique ne répondra jamais à toutes ces excitations fortes ou faibles qu'en provoquant
une sensation lumineuse. Il en est de même de toutes les réactions organiques. Ce
mode de réaction aux excitants extérieurs est la propriété caractéristique de toute
substance vivante.
Ainsi, après un long détour, revenant à la conception primitive de Glisson, on
considérait l'irritabilité comme une propriété générale de toute substance vivante, et
on ne voyait plus dans la contraclilité et la sensibilité que des modalités spécifiques de
l'irritabilité répondant à l'énergie spécifique des muscles, des nerfs, des organes des
sens.
Un progrès notable a été fait dans la théorie de l'irritabilité par la découverte de
la structure cellulaire des organismes; puisque l'on avait trouvé dans la cellule l'unité
vivante fondamentale, naturellement l'irritabilité devait être aussi la propriété générale
de la cellule. On sait que Virchow a introduit cette notion féconde dans la pathologie.
ViRCHOw, en considérant l'irritabilité comme la base des modifications vitales de la cel-
lule, a cherché la cause des maladies dans les réactions de la cellule aux excitants (îi). H
distingua des modalités différentes dans la réponse de la cellule aux excitants. L'exci-
tant pour la cellule peut être un changement de sa fonction spécifique, un changement
de son activité nutritive, un changement aussi dans son activité formatrice. Aussi Vir-
chow a-t-il admis une excitabilité fonctionnelle, une excitabilité nutritive, et une
excitabilité formative, triple distinction qui a joué jusqu'à présent un plus grand rôle
dans la pathologie que dans la physiologie.
Une nouvelle série d'expériences importantes sur l'irritabilité est due à Cl. Ber-
nard. Le grand physiologiste français a attribué l'irritabilité au protoplasma, et il
a réussi à prouver expérimentalement que, de même que le proloplasma est le sub-
stratum général et s'pécial de la vie, de même l'irritabilité est une propriété spéciale et
générale de la vie. H a montré que, par certaines substances, l'éther, l'alcool, le chlo-
roforme, chez tous les êtres vivants, plantes, animaux ou êtres monocellulaires, les
processus vitaux étaient arrêtés, mais qu'ils pouvaient reparaître après qu'on les avait
soustraits à l'action de ces substances. Toutes les manifestations de la vie et toutes
irritabilités sont suspendues par la narcof,e, due, comme Cl. Bernard l'a supposé, à la
semi-coagulation du protoplasma (6).
Le concept de l'irritabilité s'est donc, dans le cours du siècle précédent, de plus en
plus éclairci et précisé, et les physiologistes ont, par conséquent, la tâche d'analyser
jusque dans leurs plus petits détails les mécanismes par lesquels sont excitées les sub-
IRRITABILITE. 681
stances vivantes; mais ou n'y ai rivera qu'on faisant ilt:s rocliorches, de plus en plus
pénétrantes, sur les processus normaux de la substance vivante et sur l'action des
excitants (jui viennent à la frapper.
L'Excitant. — Do lout teni[)s, les physiologistes ont employé l'excitation comme
le procédé méthodique pour connaître les processus vitaux, et de plus en plus, au furet
à mesure du développement de la physiologie, cette étude a été considérée comme de
plus en plus indispensable ot fructueuse. Aussi la nécessité est-elle devenue tou-
jours plus grande de donner au terme excitant une signillcation plus précise. D'après
l'usage quotidien, ou ne se représentait, en général, l'excitant qiiiî d'après un nombre
limité d'expériences et surtout d'après les slimulauls extérieurs employés pour exciter
les nerfs et les organes des sens, les muscles et les glandes. Mais le domaine de l'expé-
rimentations'est agrandi; on a fait de la physiologie comparée, de sorte que les vieilles
définitions de l'excitant (lesquelles n'avaient jamais d'ailleurs été bien précisées parune
définition) sont devenues aujourd'hui tiop étroites, et que nous avons besoin, non seu-
lementde limiter la notion de l'excitant, mais encore de l'étendre <le maniorequ'il com-
prenne l'ensemble (h; toutes lesirritations. Aussi le concept de l'iiritant n'ost-il à définir
que dans son rapport avec le concept de la vie.
Comme tous les phénomènes de ce monde, le phénomène de la vie est déterminé
par une série de facteurs, et, comme pour tous les phénomènes compliqués, le phéno-
mène vital, très compliqué, est constitué par un très grand nombre de facteurs. Si
l'on pouvait déterminer, complètement et exactement pour un organisme donné, ces
facteurs extérieurs et intérieurs dont dépendent les conditions de la vie et qui tiennent
.sous leurs dépendances les phénonièiies vitaux, alors on aurait éclairé la nature cer-
taine du processus vital, et l'explication serait absolument scientifique, caria fonction
vitale est, comme toute fonction, identique à la somme des conditions dont elle dépend.
II est, en effet, évident que chaque modification des conditions de la vie doit entraîner
une modification de la fonction vitale. Or les excitants doivent être considérés
comme des modifications dans les conditions vitales d'un organisme. Si donc on veut
comprendre Cexcitation dans sa forme la plus générale, il faut nécessairement définir Vcx-
cito.nt comme étant un changement dans les conditions de la vie (7). On pourra modifier
cette définition comme on voudra; le sens restera le même, dès que l'on pourra appli-
quer la conception de l'irritabilité à tous les cas particuliers qui peuvent se présenter.
A vrai dire, on avait depuis longtemps compris cet étroit rapport entre l'excitation
et les conditions vitales, sans cependant s'être expliqué clairement à ce sujet. Ainsi
J. MuLLER avait décrit les conditions extérieures de la vie comme des excitants inté-
graux.
On s'est trompé lorsqu'on a confondu ces excitants vitaux avec les autres excitants
qui n'entrent pas essentiellement dans la composition des corps organiques et n'aug-
mentent point leur force. Un excitant mécanique, qui modifie l'état de notre peau sen-
sible, provoque une pression et, par conséquent, un phénomène physiologique, une
sensation, mais il ne renforce pas nos forces organiques. Au contraire, les excitants
nécessaires à la vie concourent à la formation de la matière organique.
On voit là déjà un effort vers plus de clarté : on a reconnu les relations étroites de
l'excitant avec les conditions de la vie, et, d'autre part, on a senti la nécessité de les
séjiarer Tune de l'autre, mais la séparation n'a pas été faite au point même où elle le
devait être logiquement. De fait, on tomberait toujours dans des difficultés et des
contradictions en voulant séparer ces deux idées, l'excitant et la condition vitale, si on
les considérait comme des facteurs absolument distinctii. On ne peut séparer d'une
manière irréprochable la nature de l'excitant et celle d'une condition vitale que si l'on
admet que le même facteur peut, dans certains cas, être une condition vitale, et, dans
d'autres cas, un excitant. Tous les organismes qui peuvent vivre dans dos conditions
vitales différentes montrent cela clairement. Par exemple, des organismes facultative-
ment anaérobies vivent sans oxygène, et alors chaque apport d'oxygène agit sur la vie
anaérobie comme un excitant. Les bactéries du choléra, par exemple, ont une forte
chimiotaxie positive pour l'oxygène. Si de tels organismes vivent ^en présence con-
stamment de l'oxygène, alors l'oxygène devient pour eux non plus un irritant mais une
condition vitale. L'expérience prouve que le même facteur, l'oxygène, n'agit comme
682 IRRITABILITÉ.
excitant que relativement à un certain état de la substance vitale, lorsqu'elle vit
anaérobiquement, mais que, lorsque cette substance vitale est en vie aérobie, elle af,'it
comme une condition vitale. Inversement, la privation d'oxygène agit sur la vie aérobie
comme excitant, alors que dans la vie anaérobie c'est une condition d'existence. Aussi,
pour savoir si tel ou tel facteur doit être considéré comme un excitant, faut-il faire
entrer en ligne de compte tel ou tel état donné de l'organisme. S'il est une des condi-
tions nécessaires pour le maintien de la vie dans cet organisme, c'est une condition
vitale de l'organisme: si, au contraire, il modifie l'état de cet organisme, il constitue
un irritant de cet organisme.
Il est évident que l'état d'un organisme ne peut se modifier que si, dans les condi-
tions extérieures ou intérieures de son existence, il se produit quelque changement :
car, quand on parle de l'état actuel d'un organisme, c'est une expression qu'on emploie
pour indiquer le système total des diverses conditions auxquelles est soumise son
existence. En d'autres termes, tout changement dans les conditions vitales d'un organisme
est un irritant de cet organisme.
Il résulte de cette définition que les conditions de la vie ne peuvent être considérées
comme étant des excitants en soi. Elles ne deviennent des excitants que relativement à
tel ou tel état de l'organisme. Aussi bien, quand on tient compte de cette relation,
est-on amené à considérer parfois des irritants comme des conditions vitales, tantôt
quand ils se prolongent pendant longtemps (adaptation à des changements persis-
tants des conditions extérieures), tantôt quand ils sont fréquemment répétés (actions
dites trophiques des excitations fonctionnelles). Mais, dans les deux cas, l'irritant est
une condition vitale pour un autre état de la substance vivante lorsqu'il agit en tant
qu'irritant. Il devient une condition vitale pour le nouvel état dans lequel il a mis
l'organisme vivant. Mais c'est toujours d'après sa relation avec l'état actuel que nous
pouvons savoir s'il s'agit d'une condition vitale ou d'un irritant.
Quoique ces données, au point de vue des principes théoriques, soient tout à fait
claires, on doit reconnaître cependant qu'elles sont fort compliquées. D'abord, cette
complication tient à ce que le nombre des facteurs qui déterminent les conditions de
la vie est considérable, et même plus considérable qu'on ne peut le voir tout d'abord. A
côté des conditions vitales générales, absolument nécessaires à tous les organismes
vivants, il y a des conditions vitales spéciales, qui règlent la vie de chaque organisme
différencié des autres.
11 y a aus.si à la fois des conditions vitales extérieures, c'est-à-dire le milieu ambiant
dans lequel est placé un organisme ; et des conditions vitales intérieures qu'il n'est pas
facile d'étudier et que, cependant, il ne faut nullement négliger pour aucun organisme.
Ce qui rend la complication encore plus grande, c'est que ces conditions vitales
intérieures ne sont pas stables, mais qu'elles changent constamment. On comprend alors
que, même si aucun changemeut ne survient dans les conditions extérieures auxquelles
est soumis un organisme, c'est-à-dire si tout est identique dans le milieu ambiant, il
peut très bien se faire que l'état de l'organisme ne reste pas identique. Chaque état
actuel est conditionné par un état précédent, depuis la période ovulaire jusqu'à la mort
de l'être. C'est ce changement perpétuel qui constitue le développement. On peut donc
dire que ces conditions vitales internes sont des conditions de croissance, et appeler
excitants de croissance les conditions qui déterminent les changements évolutifs de
l'être. A ces processus successifs, tantôt lents, tantôt rapides, qui font de l'organisme un
être vraiment protéiforme, viennent se superposer les excitants dus aux variations dans
les conditions extérieures. Il s'ensuit que la même irritation extérieure peut provoquer
des réactions très différentes sur le même être, quand il est dans un état différent de
son évolution. Môme lorsque ces changements évolutifs sont tellement lents que nous
pouvons, pratiquement, les négliger quand l'observation porte sur un espace de temps
très court, il ne faut pas cependant commettre l'erreur de la négliger complètement. Ils
sont là, et toute analyse un peu profonde des excitations doit compter avec eux. L'étude
des irritations et de tous les processus vitaux n'est jamais, au point de vue de cette
mutation évolutive perpétuelle, que relative.
Puisque chaque modification dans la complexité des excitations internes ou externes
agit comme un irritant, il est évident que chaque organisme dépend du conilit de ces
IRRITABILITE. 683
multiples excitalions. Il est donc très important, pour los bion comprendre et étudier,
de les grouper d'une nianirie mt-tlioilique.
UiH> preniiiTc division touto simple consiste ù les grouper d'aprt'S les cliangemenis
chimiques qu'ils déterminent dans IV-tre.On aura donc des excitants c/imuV/ucs (c'est-à-
dire (jui modifient la constitution chimique des organismes et la prof»ortion de jeurs
éléments chimiques), osmotiqucs (changements de la pression osmoti(}ue), t.hermique>i
(changements de la température), mcccmiques (changements dans la pression méca-
ni(iue), plioliqitca (changeinenls dans toutes les radiations lumineuses), électriques (chan-
gements dans les conditions électriques). Les excitations tant internes (ju'externes
peuvent, d'ailleurs, toutes rentrer dans cette classilication. On peut aussi pousser la
division plus loin, ou inversement la condenser, si cela est nécessaire ; car elle est, dans
une certaine mesure, arbitraire. Enfin, on peut faire rentrer dans la classification tous
les facteurs qui modifient les coiulitions vitales des êtres, par exemple les poisons qui
sont des agents absolument étrangers aux organismes.
Outre les tlillëreiioes dans la qualité de l'excitant, il faut considérer aussi, comme
ayant une aussi grande importance, d'autres modalités de l'irritant: l'intensité, la
durée, la forme et la fréquence.
A. L'intensité de l'irritant est représentée par l'ensemble des changements qu'il
produit dans l'organisme irrité. C'est la modification de l'organisme qui mesure
l'intensité de l'irritation. Si l'intensité est au-dessous de certaines limites, l'irritation
sera sans elfet appréciable, et on n'observera aucune réaction, ("e n'est qu'à partir d'une
certaine intensité de l'irritant {seuil de Vcvcitalion) qu'on pourra constater l'efl'et de
l'irritation, eflel qui ira, en général, en croissant avec l'intensité de l'irritant jusqu'à
atteindre un certain maximum. Toutes les intensités de l'irritant qui seront au-
dessous de ce maximum seront dites sous-maximales; toutes celles qui dépassent le
maximum sont sus-maximales. Ces différences doivent être établies si l'on veut bien
comprendre certaines irritations, et les interférences entre les diverses irritations. Si des
irritations dont l'intensité est au-dessous du seuil ne provoquent pas de réaction
extérieure appréciable, il ne faudra pas en conclure qu'elles soient sans effet. Par des
méthodes analytiques plus sensibles, et surtout par l'étude des interférences, ou peut
voir que des irritants faibles (au-dessous du seuil de l'irritation) exercent encore une
action sur la substance vivante. Dans certains cas (muscle cardiaque, animaux
strychnisés), il semble que telle intensité de l'excitation, qui est efficace, puisse
toujours provoquer une réaction maximale, sans que l'intensité de la réaction
s'accroisse à mesure que croît l'intensité du stimulanl. Alors le seuil de l'excitation et
le maximum se confondent. Au-dessous du seuil, il n'y a rien: au-dessus du seuil
c'est toujours la réaction maximale. On a exprimé ce phénomène en disant que c'est
tout ou nen. Mais on peut se demander si cette loi de tout ou rien se réalise jamais
strictement.
B. La durée de l'excitation est mesurée par la durée du changement produit dans
les conditions vitales. Les conséquences d'une irritation peuvent être très difi'érentes
selon la durée de l'irritation. Des irritations brèves, instantanées, n'ont en général,
quand leur intensité ne dépasse pas beaucoup celle des excitations physiologiques
moyennes, qu'une action plus ou moins passagère. Si l'excitation dure longtemps, deux
cas peuvent se présenter. Ou bien l'organisme s'adapte à l'irritant, et l'irritant devient
une condition vitale nouvelle pour l'organisme (et cela ne s'observe guère que dans
le cas d'excitations de faible intensité); ou bien l'état de l'organisme est modifié par
l'efl'et de l'irritant qui prolonge son action. Tel est le cas des processus de dégénération
dus à des excitations prolongées, et qui finalement aboutissent à la mort. Presque
toutes les maladies chroniques sont dans ce cas; car la maladie, c'est la vie avec des
conditions vitales différentes.
C. La forme de l'excitation est aussi très importante. Elle est déterminée par la durée
des variations d'intensité. II faut surtout tenir compte, si l'on représente les variations
d'intensité par une courbe, de l'ascension et de la descente de la courbe. Ce sont ces
variations qui représentent les excitations les plus fortes (ouverture et fermeture du
courant constant). Les effets de l'excitation sont moindres quand l'intensité d'un
excitant se prolonge sans se modifier. Cependant il ne faut pas négliger les effets d'une
68t IRRITABILITE.
pareille excitation. L'effet plus fort au début ou à la fin d'uiie excitation est essentiel-
lement détermint' par l'ascension ou la descente rapides de la courbe des intensités. Si
la variation est très lente, autrement dit si l'intensité varie très lentement, il se peut
que l'effet apparent soit nul, et qu'on paraîtra rester au-dessous du seuil de l'excitation.
D. L'effet d'une excitation est déterminé aussi par la fréquence de l'excitation. Si
l'excitation est unique, elle peut produire des effets tout à fait différents de ce qu'elle
produira si elle est répétée. Et les effets seront tout à fait différents selon la rapidité
avec laquelle vont se succéder les excitations uniques. Cette considération est de
spéciale importance dans l'histoire des excitations rythmiques, comme par exemple de
celles que dégage le système nerveux, ou de celles que nous produisons artificiellement
avec des courants faradiques ou des rayons lumineux intermittents. Si l'on excite par
des courants isolés, séparés par un intervalle suffisant pour que l'effet de chaque
excitation isolée ait totalement disparu lorsque survient la seconde, l'effet de chaque
excitation isolée est le même (tonus des muscles sphinctériens; rythme du cœur). Si
au contraire des excitations isolées se succèdent rapidement, alors il se produit des
phénomènes d'interférence, et on observe des effets tantôt plus marqués (tétanos),
tantôt diminués, tantôt faisant complètement défaut (fatigue, inhibition).
Effets immédiats ou primaires de Texcitation. — Les faits de l'irritabilité
propre à la substance vivante ainsi que les effets de cette irritabilité ne peuvent
arriver à notre compréhension que d'après la connaissance que nous avons des
processus mêmes de la vie, car l'excitation et l'excitabilité sont déterminées par l'état
même de la matière vivante. 11 est donc tout d'abord ne'cessaire d'indiquer, ne fût-ce
que brièvement, quelle est la nature de la vie, d'après les connaissances actuelles. Il faut
donc envisager les processus chimiques de la matière vivante. Car c'est par l'analyse
chimique que nous pénétrons le plus profondément dans la matière même de la vie
et que nous faisons Jes [différenciations les plus délicates; naturellement on devra se
rappeler que tout phénomène chimique de la matière marche parallèlement avec un
phénomène dynamique et un fait morphologique.
Ce qui aujourd'hui caractérise la substance vivante, c'est le Sloffwechsel (l'échange
matériel) c'est-à-dire ce fait que la substance vivante subit des transformations
chimiques perpétuelles, pendant que d'une part des aliments sont changés en matières
vivantes et que d'autre part la matière vivante est décomposée en substance plus simple.
Par ses matières albuminoïdes la substance vivante peut donner toute une série de combi-
naisons chimiques extraordinairement compliquées. Chez les plantes cette synthèse
des albuminoïdes se fait aux dépens d'éléments nutritifs simples par une longue série
de transformations chimiques, dont le point de départ est une matière inorganique de
constitution simple. Chez l'animal la synthèse se fait plus rapidement aux dépens de
mate'riaux organiques. Les combinaisons complexes de la matière vivante se désagrègent
de nouveau en donnant des produits simples que rejette l'organisme comme étant les
produits de l'échange matériel. Les nombreux et divers éléments de tout cet échange
matériel sont très étroitement liés les uns aux autres, et ils se pénètrent récipro-
quement comme les engrenages dans un appareil d'horlouerie. Comme jusqu'à présent
on ne peut les connaître exactement pour aucun organisme, nous pouvons les diviser
en groupes distincts, et avec Hering indiquer lous les processus constructifs de la
substance vivante comme étant des processus d'assimilation (anabolisme), tandis que
la somme des processus de destruction sera appelée désassimilation (catabolismej.
Si nous ne tenons pas compte des changements lents que produit le développement
dans les êtres, nous pouvons dire, si nous ne les étudions que pendant un temps limité, que
les deux phases de l'échange matériel pour toute substance qui vit sont en équilibre l'une
avec l'autre, et que le rapport de l'assimilation à la désassimilation est égal à l'unité :
c'est ce qu'on appelle l'équilibre de l'échange matériel. Cet équilibre des échanges
[Sloffwechsel Gleichgewicht] esl, comme tout phénomène chimique d'équilibre, déterminé
par la loi des masses, de sorte qu'après qu'il a été écarté de sa position primitive il
y revient de lui-même après quelque temps ; ainsi par exemple, quand la masse deé
éléments nutritifs est accrue ou diminuée, c'est l'assimilation qui croît ou diminue, et
alors la phase des assimilations s'élève ou s'abaisse dans la même mesure qu'exige le
nouvel équilibre matériel. Réciproquement, si la phase de désassimilation s'élève ou
IRRITABILITE. 685
s'abaisse, alors rassiinilaliim monte ou d(''croit dans la même projection. C'est ce (jne
Herino a appelé rétiuilibie auloniali(iuo des échanges inob'culaires 8), leijuel ne repré-
sente qu'un cas parlicuiier, mais un cas très compliqué, de i'i'quilibre chimique des corps.
Pour rendre compréhensible cet échange moléculaire, Hkrmann (9), Pflugeu (10),
Veuwor.x (H) et d'autres auteurs ont fait cette hypothèse qu'au point central de tout
cet échange chimitiue se trouve une substance albuminoide {Ekoeissvcrbindung), très
complexe et extraordinairement labile : le biogcne (Vkuwoiin), qui se d(''Compose de lui-
même porpéluellement et se rt'i;énère sans cesse de nouveau comme une calalase ou
un enzyme. La masse même du biogène dépend de la loi des masses, elle croît (;l décroît
avec l'alimentation et conditionne la régulation automatique de ['('change mahriel.
Alors, dans l'hypothèse du biogène, les deux phases de l'échange matériel pour la
substance vivante peuvent être représentées d'une matière simple et schématique
comme étant une combinaison chimique, unique et complexe, qui se refait et se défait, tous
les processus chimiques de la vie n'étant que la destruction ou la reconstruction de cet
hypolh»' tique biogène.
Dans les organismes aérobies l'oxygène joue un rôle essentiel au point de vue des
échanges chimiques : la destruction de la substance vivante dépend au plus haut degré
de l'apport d'oxygène. La diminution ou l'absence d'oxygène diminuent l'intensité des
échanges, dirigent l'évolution chimique de la matière vivante dans d'autres directions
que les directions normales et finalement l'amènent à la mort.
Sur ce rôle de l'oxygène les oiunions des divers auteurs ne concordent pas.
D'après Pi-lCger, Verwokn et d'autres, l'oxygène pénètre, comme élément chimique,
dans la molécule du biogène et caractérise sa constitution chimique si bien qu'il donne
au biogène sa très grande labilité et lui permet alors de donner de l'acide carbonique
et de l'eau aux dépens de ses éléments hydrocarbonés dépourvus d'azote.
D'après Voir (12), Detmer (13) et d'autres, la molécule du biogène se détruit d'abord,
puis ses produits de destruction s'oxydent jusqu'à ce qu'ils arrivent à leur dernier terme
d'acide carbonique et d'eau. Que la molécule du biogène puisse sans oxygène se désa-
gréger aussi et donner des produits plus complexes de destruction comme l'acide
lactique ; que, plus lard ces produits de destruction puissent être à leur tour oxydés
et donner de l'acide carbonique et de l'eau, cela n'est pas douteux. Mais on peut se
demander si, dans les conditions normales, quand l'oxygène est en quantité suffisante,
la molécule du biogène en présence de l'oxygène donne d'abord des produits complexes
de destruction, ou, sans passer par ces phases, donne immédiatement avec l'oxygène
de l'acide carbonique et de l'eau.
Quoi tju'il en soit, dans l'une ou l'autre hypothèse, Vivritahilité de la matière vivante
pour tous les organismes aérobics dépend à un haut degré de la consommation d'oxygène.
L'effet général de tous les irritants doit toujours être étudié dans ses relations avec
l'échange matériel. Il consiste toujours en ceci que l'échange chimique propre à chaque
matière vivante se trouve aussitôt modifié par l'excitant. Ce changement peut être de
deux sortes, selon que l'excitant va altérer l'échange chimique normal dans sa rapidité
ou sa qualité.
Les changements de la rapidité des échanges sont dus à des excitations qui ne pro-
voquent (ju'une irritation peu prolongée dans les oi'ganes. Ce sont les excitations
diverses qui, en déterminant des narcoses isolées et passagères des cellules, provoquent
une réponse dans les organes secondaires (contractions musculaires, sécrétions glan-
dulaires, productions de lumière et d'électricité). A ce groupe appartiennent toutes les
excitations que nous pouvons provoquer expérimentalement par des excitations passa-
gères artificielles. Les changements de rapidité dans les échanges peuvent consister
soit en une accélération des phénomènes chimiques — et alors c'est une excitation; —
soit en un ralentissc.-ment de ces mêmes phénomènes — et alois nous disons que c'est
une paralysie. — Dans les deux cas, les irritants ne fout que modifier dans le sens
positif ou dans le sens négatif la rapidité du chimisme normal. D'ailleurs, le plus souvent
il ne s'agit pas d'un changement de tout le chimisme cellulaire, simultanément dans
ses parties excitées ou paralysées par l'excitation. L'efi^et primaire de l'excitation n'agit
tout d'abord que sur certaines i)arties de la concaténation chimique, et c'est seulement
à la suite de cette altération que secondairement sont atteints les autres anneaux do la
686 IRRITABILITE.
chaîne. Ainsi par exemple les irritants qui provoquent une contraction musculaire
n'ont d'effet primaire que sur la phase de désassimilation, et c'est seulement comme
effet secondaire qu'ils augmentent les processus d'assimilation jusqu'à ce que l'équi-
libre des échanges se soit du nouveau rétabli quand l'irritant a cessé d'agir. Comme les
divers membres de cette chaîne des échanges se pénètrent étroitement les uns des
autres, il peut se faire que les plus diverses excitations puissent provoquer, pour l'en-
semble des phénomènes chimiques de l'échange, excitation ou paralysie, et même
produire l'arrêt complet, exactement comme la marche d'un appareil d'horlogerie
peut être accélérée, ou ralentie, ou même complètement arrêtée, en touchant les diffé-
rentes roues et les différents engrenages.
De même il est clair que les excitants les plus divers peuvent provoquer des effets
presque tout à fait identiques, parce qu'eu agissant d'une manière passagère c'est
toujours le même spécial élément de la chaîne chimique dont ils ont accéléré ou
ralenti le processus.
C'est en cela que consiste la loi que J. Muller a appelée la loi de Vénergk spéci-
fique. Les excitants les plus divers, portant sur une même et seule substance vivante,
ne peuvent jamais provoquer qu'un accroissement ou une diminution de sa fonction
spécifique ; pour les muscles, c'est le mouvement; pour les glandes, la sécrétion; pour
les organes des sens et le système nerveux central, une sensibilité spécifique.
Réciproquement le même et unique irritant, agissant .sur des matières vivantes
différentes, va provoquer des effets très différents dépemlant chacun de la nature
spécifique de la substance irritée.
Cette énergie spécifique est une propriété générale de toute matière vivante, seu-
lement l'action des irritants n'est pas toujours une excitation de sa propriété spéci-
fique, comme l'a admis J. Miller, mais peut aussi en être la paralysie. D'ailleurs, si
cette énergie spécifique est bien une propriété commune à toute matière vivante, on n.e
peut pas dire (ju'elle en soit la caractéristique exclusive, car on la retrouve égale-
ment dans la matière inorganique et privée de vie. Ainsi dans tout système, qui comme
chez les êtres vivants contient une énergie potentielle enfermée dans un système labile
(matières explosives, ressorts tendus), par des cliocsde genres très différents, la fonc-
tion spécifique de ces appareils peut être soudainement dégagée.
Une goutte de nitro-glycérine fait explosion toujours en donnant les mêmes com-
posés chimiques et en produisant toujours les mêmes effets: qu'elle ait explosé par
des irritations mécaniques, électriques ou thermiques. De même, dans les systèmes
organiques où il y a une série de changements chimiques qui se succèdent réguliè-
rement, la rapidité de ces phénomènes chimiques peut être augmentée ou diminuée
par les actions les plus dilférentes. L'action de la mousse de platine sur l'eau oxygénée
peut être paralysée par le sublimé, parle sulfure d'ammonium et par beaucoup d'autres
substances tout aussi bien que les phénomènes vitaux d'un organisme par l'éther, l'al-
cool et le chloroforme. On trouve des analogies nombreuses dans les systèmes non
vivants et les systèmes vivants par cette action des irritants qui paralysent ou excitent
le décours des phénomènes chimiques. Il n'y a donc pas là un phénomène caractéristique
de la vie. L'irritabilité de la matière vivante n'est qu'un cas particulier de cette loi très
générale que les actions les plus diverses peuvent altérer la vitesse d'un procès chi-
mique dans le sens positif ou dans le sens négatif.
Les autres effets des excitations sont les changements qualitatifs dans les échanges
normaux. Sous l'influence de l'excitant, l'échange spécifique d'un organisme vivant
change à ce point qu'il se produit certaines actions chimiques et certaines substances
qui étaient auparavant étrangères à l'être vivant. A ce groupe de faits appartiennent
les excitations du développement et surtout les processus pathologiques cellulaires qui,
sous l'influence d'excitation prolongée, aboutissent à des dégénérescences graisseuses,
mucoïdes, aniyloïdes et calcaires. Il est très vraisemblable que ces changements
qualitatifs que développent les excitations sont les conséquences d'un changement d'in-
tensité dans les échanges de certaines chaînes chimiques. Par exemple certaines sub-
stances étrangères à la vie normale de la cellule se forment et s'amassent dans la cellule
parce que l'oxygène est en quantité insuffisante pour brûler certaines combinaisons
complexes et en faire de l'acide carbonique et de l'eau. Naturellement le mécanisme
IRRITABILITE. 687
do ces actions, par suite de nos connaissances insuffisantes sur l'échange chimique intra-
cellulaire normal, no nous est pas connu encore d'une manière satisfaisante. Mais, si
riiypolhèse indiquée plus haut était exacte et pouvait s'api)liquer à tous les cas divers, le
schéma général de l'elTet des excitations deviendrait d'une extrême simplicité. L'elVet
primitif de chaque excitation serait uniquement d'accélérer ou de ralentir la vitesse des
pi'ocessus chimiques cellulaires, soit pour leur ensemble, soit pour une partie secon-
daire. Tout autre effet seraitla conséquence de cet effet primitif.
L'irritabilité de la substance vivante serait donc essentiellement la propriété de répondre
aiw excitations par une accélération ou un ralentissement de ses échanrjes chimiques spéci-
fiques et dans certaines conditions par un changement qualitatif dans cesprocessus chimiques
eux-mêmes.
Effets médiats ou secondaires. — Quoique assurément la plupart des change-
ments qualitatifs que des excitations prolongées provoquent dans le chimisme normal
de la cellule soient des conséquences secondaires d'un changement de rapidité dans
les processus chimiques, cependant, en réalité, le nombre des effets secondaires de
l'excitation est encore bien plus considérable. En effet, chaque excitation, même brève,
après avoir provoqué une réaction primaire, est suivie d'une réaction secondaire, la-
quelle, si l'excitant n'a pas été trop fort et n'a pas provoqué de lésion durable, permet
à l'oryanisme de revenir rapidement à l'état primitif, mais Joue un grand rôle par suite
de différents processus importants.
Limitons-nous étroitement aux expériences que nous possédons sur la question :
à savoir aux actions excitantes et aux actions paralysantes.
La plupart des excitants ont pour effet primaire des phénomènes de désassimilation.
Comme excitants dont l'effet primaire est un phénomène d'assimilation, nous ne
connaissons guère jusqu'à présent que les faits d'alimentation plus active.
D'autre part, pour les excitations paralysantes, on connaît celles qui agissent sur
l'assimilation comme sur la désassimilation.
Les effets secondaires des excitations de désassimilation ont une grande importance
dans la vie des organismes. Si un excitant a produit une excitation de désassimilation,
l'état de la cellule ainsi excitée sera, pour un temps très court et pour un intervalle de
temps déterminé, différent ; de sorte que l'effet d'une seconde excitation ne sera pas
identique à celui de la première. La réparation automatique de l'état chimique cellulaire
nécessaire pour que le trouble déterminé par un excitant qui a amené la désassimilation
soit dissipé et que l'équilibre chimique soit rétabli, exige naturellement un certain
temps. Avant que la cellule soit complètement revenue à son état normal, la somme des
substances capables de désassimilation a diminué, par suite de la destruction d'une par-
tie de ces substances par l'excitant.
Alors une seconde excitation qui se produira [pendant ce moment très court n'aura
pas le même effet que la première. Cet effet secondaire dé l'excitation apparaît avec la
plus grande netteté dans ce qu'on appelle la. période réfractaire.
Marey{14) le premier a pu l'observer sur le cœur. Immédiatement après chaque sys-
tole, qu'elle soit due à l'impulsion physiologique normale ou à une excitation artifi-
cielle, le cœur ne répond plus aux excitations.
A. Broc.v et Ch. Righet (1 o) ont montré ensuite qu'il y a une période réfractaire analogue
dans les centres nerveux du cerveau chez le chien. Us ont vu que, chez des chiens
narcotisés, pendant un temps qui est de 1/10 de seconde, après chaque excitation la par-
tie du cerveau qui avait été excitée est devenue inexcitable. Zwaardemaker (16) a observé
une même période réfractaire pour le réflexe de l'occlusion des paupières chez l'homme
et pour le réfiexe de la déglutition chez le chat. De fait il est tout à fait vraisemblable
qu'en se mettant dans de bonnes conditions on pourrait trouver une même période
réfractaire pour les autres nombreux appareils vivants.
Il est très important pour la théorie de cette période réfractaire de savoir que sa
durée dépend de la consommation d'oxygène. Verworn (17) a pu montrer, en étudiant les
centres médullaires de la grenouille, que l'on peut prolonger autant qu'on veut, par la
privation d'oxygène, la durée de cette période jusqu'au point d'arriver presque â
i'inexcitabilité complète et qu'on peut, en rendant de l'oxygène, la ramener à quelques
fractions de seconde.
688 IRRITABILITE.
Pr)ur le nerf, dont la période réfractaire dans les conditions normales, est extrê-
mement courte, puisqu'on l'a évaluée de 1 à 5 1000 de seconde, Frùulich (18) a pu, par
la privation d'oxygène, la prolonger jusqu'à 1/10 de seconde.
Ces expériences montrent donc que la période réfractaire est un effet secondaire de
l'excitation, qui peut dans une certaine mesure être annihilée par l'apport d'oxygène.
Après la période réfractaire la substance vivante est devenue irritable de nouveau.
En d'autres termes les changements provoqués par l'excitation dans la cellule vivante
sont pendant la période réfractaire réparés par l'oxygène.
C'est par l'oxygène que pendant la période réfractaire se fait la rcslilutio ad inte-
grum. C'est là une donnée de grande importance, car elle nous montre que la
période réfractaire est une sorte de phénomène de fatigue, et peut être comparée aux
autres processus de fatigue.
Dans la rcstitutio ad inteyruin, il est encore un point très important à étudier; c'est
la durée de cette réparation même.
Au début les processus de réparation sont très rapides; mais plus lard, et surtout à la
fin, ils sont très lents, de sorte qu'un premier degré de réparation est très rapidement
obtenu, mais que la réparation complète est relativement très lenle. Autrement dit, le
retour à l'excitabilité normale après la période réfractaire est tel que des excitations
fortes et moyennes redeviennent très rapidement efficaces (si même elle n'étaient pas
toujours restées efficaces), tandis que des excitations faibles ne redevietidront efficaces
qu'assez longtemps après ces mêmes excitations premières.
Aussi est-il nécessaire d'introduire, dans le concept de la période réfractaire, sa rela-
tion avec l'intensité de l'excitant. Il faut donc distinguer une période réfractaire rela-
tive et une période réfractaire absolue.
La période réfractaire sera dite absolue dans le cas où des excitants même d'intensité
maximale sont inefficaces. Dans la période réfractaire relative on voit les excitants faibles
inefficaces, alors que les excitants forts sont efficaces. Pour la vie physiologique des
organismes cette période réfractaire relative joue un rôle important; elle explique com-
ment beaucoup d'organismes peuvent être fatigués par des excitations faibles limites,
tandis qu'ils se fatiguent plus difficilement pour des excitations fortes. C'est là un fait
paradoxal à première vue, mais que l'on comprendra bien si l'on se rend compte du
temps nécessaire à la réparation après une excitation de désassimilation. Langendorvi'
et WiNTERSTEiN (19* n'out pas connu cette condition de la période réfractaire relative, ce
qui les a conduits à de fausses conclusions.
Les processus de fatigue ont été surtout étudiés sur les muscles, sur les centres ner-
veux, et récemment sur les fibres nerveuses. On les observe quand des excitations répé-
tées provoquent des phénomènes de désassimilation, si bien qu'entre deux excitations
il n'y a plus assez de temps pour que la cellule se répare, c'est-à-dire pour qu'elle pro-
duise les substances nécessaires au maintien de son équilibre primitif. Joteyro (20) a mon-
tré pour le muscle, Verworn (21), pour les centres nerveux, Baeyer (22), Frohlich (23),
FiLLiÉ (24) et Thœrer (25) pour les fibres nerveuses, que ce qui conditionne la réparation
c'est l'oxygène : la diminution d'excitabilité qui caractérise la fatigue et qui finalement
aboutit à la paralysie complète ne peut être complètement supprimée que par l'apport
d'oxygène. Toute fatigue indique une déficience relative d'oxygène. La période réfrac-
taire est une forme de la fatigue, mais d'une fatigue qui disparait très vite quand il y a
de l'oxygène. Par la présence de l'oxygène la réparation est immédiate, de sorte que
l'excitabilité revient tout de suite à son niveau initial. Chaque phénomène de fatigue
ne se prolonge que jusqu'à ce que la perte d'oxygène consommé par Texcilation pré-
cédente ait été compensée, et jusqu'à ce que l'équilibre ait été atteint.
Il résulte évidemment de cela que les processus de réparation consécutifs à une
excitation de désassimilation dépendent essentiellement, quant à leur durée, de la
quantité d'oxygène qui est à leur disposition. Moins il y a d'oxygène, et plus le besoin
d'oxygène est grand, plus alors la réparation prend de temps. Ce phénomène apparaît
avec la plus grande netteté quand on regarde la courbe de l'irritabilité. L'examen de
la portion descendante montre que les processus de restitution deviennent insuffisants.
La portion descendante de la courbe de l'irritabilité se ralentit encore à mesure
qu'augmente la fatigue. Ou peut déjà voir trace d'un phénomène analogue après
IRRITABILITÉ. ii89
Teffet d'une première excitation; mais le itlirnDmt'ne apparaît plus nettement a|très
chaque excitation suivante.
("lomme l'Hoiii.ir.u (20) l'a montr»', ce ralentissement des proc^essus de rf'paratiuii
ex[ili(iue un fait (jui au premier al)Oi(l est paradoxal, c'est-à-dire que dans certains états
de latigueil va en apparence une augmentation dans l'activité de la contraction muscu-
laire. Cela peut être vu nettement sur le muscle. Si les excitations se suivent avec une
vitesse suffisante pour qu'après chaque excitation isolée le muscle n'ait pas le temps
de se reparer intégralement, alors, après chacune de ces excitations, le faible résidu
du trouble produit dans ré(juilibre musculaire va en augmentant, et chaque excitation
consécutive se produit toujours à un niveau de plus en plus haut. 11 s'ensuit donc que
les contractions du muscle devieiment, jusqu'à une certaine limite, de plus en plus
élevées, c'est-à-dire que l'excitabilité paraît augmenter. La courbe du muscle dite en
escalier montre distinctement cette apparente augmentation de l'irritabilité. Mais en
réalité il ne s'agit pas là d'une augmentation de l'excitabilité ou de la contractililé du
muscle; c'est au contraire un phénomène de fatigue dû essentiellement à une éléva-
tion de la courbe de l'excitation et en particulier à un ralentissement dans la réparation
par l'oxygène.
Quant aux processus qui diminuent le travail musculaire à mesure que la fatigue
augmente, et quant au rôle chimiciue que joue l'oxygène dans la réparation de l'iiiita-
bilité, les vues des divers auteurs sont naturellement très <livergentes. D'après Pkli-
GRii (10) et Verworn (H) le degré d'irritabilité de la substance vivante est dû à l'oxy-
gène, car par l'oxygène la chaîne des hydrocarbonés non azotés de la molécule du
biogène peut alors se détruire en donnant de l'acide carbonique et de l'eau. Cette
action chimique se produit même dans l'état de repos de la cellule et augmente par le
fait des excitations; mais, s'il y a défaut d'oxygène, comme c'est le cas quand un orga-
nisme est privé d'oxygène par l'asphyxie ou lorsque la ration d'oxygène est
devenue insuffisante par suite des excitations répétées (fatigue), alors cette partie de
l'échange moléculaire que Verworn a appelé l'échange fonctionnel ou échange dû à
une impulsion externe [Betriebstoffioechsel] — échange Ibnclionnel que l'on peut jusqu'à
un certain point opposer à l'échange cytoplastique dû à la structure même de la
cellule [Bausloffœcchsel) — subit un changement qualitatif. Les molécules du biogène,
[tar suite de cette déficience d'oxygène ne peuvent plus se décomposer en acide
carbonique et en eau, mais donnent des produits carbonés plus complexes et en
particulier de l'acide lactique.
Si cette conception est exacte, le fait que l'inexcitabilité va alors en croissant avec
la fatigue dépend de ce que la molécule du biogène ne peut plus s'oxyder, même si
l'oxygène lui est apporté et que par conséquent elle se détruit plus lentement et plus
difficilement. D'autre part, il s'accumule des produits complexes de déchets des
échanges, comme l'acide lactique et ces autres substances que Ua.nke (27), Mosso (28iet
d'autres auteurs ont appelées produits de fatiijue, lesquels ont un ell'et paralysant. De
fait il peut arriver, comme Verworn et LipschCtz (20) l'ont montré pour les centres ner-
veux, et FiLLiÉ (24) pour les fibres nerveuses, qu'avec des liquides indiflérenls, absolu-
ment privés d'oxygène, on peut ramener just[u'à un certain point l'irritabilité, encore
qu'on ne puisse pas la rétablir complètement et que ce soit toujours pour peu de
temps. Cette réparation ne peut donc être due qu'à rentraînement par le lavage des
substances de fatigue ou des produits asphyxiques. Mais, comme nous l'avons déjà dit,
il ne peut y avoir de réparation complète de l'excitabilité que par l'apport d'oxygène.
Selon cette conception, d'un côté l'oxygène, en brûlant les substances de l'asphyxie
et de la fatigue, empêche les effets paralysants de ces substances et, d'autre part, la
pénétration de l'oxygène dans la cellule vivante lui rend la possibilité de s'oxyder en
acide carbonique et en eau, oxydation qui se produit soit spontanément, soit après
l'action d'un excitant beaucoup plus facilement et avec un plus grand dégagement
d'énergie que la non-oxydation de la molécule avec formation de produits complexes.
Ces vues sur le rôle de l'oxygène ne sont pas conformes aux idées (|ue Voit (12^ depuis
longtemps avait déduites de ses études sur la nutrition, Detueh (13^ de ses études sur la
physiologie botanique, conceptions auxquelles s'est rallié récemment Winterstein (3(1\
D'après Voit, les combinaisons albuminoïdes labiles de la substance vivante se dédpu-
DICT. DE PUYSIOLOOIE. — TOME IX. ^^
690 IRRITABILITE.
Mont sans oxydation en divers fragments, et ces produits de dédoublement sont ensuite,
par l'oxygène, oxydés en acide carbonique et eau. D'après cette hypothèse, les phéno-
mènes d'asphyxie et de fatigue seraient dus à l'accumuhition de ces produits organiques
qui sont paralysants. L'excitabilité reviendrait avec le retour de l'oxygène qui, en
oxydant ces substances, dissipe leurs effets paralysants.
Ainsi, d'après Voit, le processus chimique cellulaire est essentiellement le même;
qu'il y ait ou qu'il n'y ait pas d'oxygène, mais par le défaut d'oxygène les produits de
celte destruction chimique s'accumulent dans la cellule sans pouvoir par l'oxydation
disparaître sous la forme d'acide carbonique et eau. Il s'ensuivrait que l'irritabilité ne
dépend que de la quantité de ces produits de la destruction cellulaire. S'il y en a peu,
comme dans l'état de repos, alors l'irritabilité est grande; s'il y en a beaucoup, comme
dans l'asphyxie et la fatigue, alors l'irritabilité est faible. Quoiqu'on puisse pour l'une
ou l'autre hypothèse apporter .des arguments très divers, on n'a pas pu encore donner
do prouves dirimantes à l'appui de l'une ou de l'autre.
Un autre efl'et particulier des excitations de désassimilation, c'est la conduction des
excitations locales. Quelle (|tie soit la forme de telle ou telle substance vivante l'excitation
qui a porté sur un point s'étend plus ou moins loin au delà de ce point. Aussi l'exci-
tation primaire déterminée par un irritant extérieur devient-elle une excitation secon-
daire pour les i»arties voisines pour jouer à son tour le rôle d'un excitant. Cette excitation
secondaire de la partie voisine agit encore elle-même comme un excitant pour la cellule
(jui lui est contiguë et ainsi de suite. D'ailleurs les différentes formes de substances
vivantes se comportent d'une manière très dillérente au point de vue de la conduction
de l'excitation. Pour presque toutes les formes de la substance vivante on voit que l'in-
tensité de l'excitation va on décroissant à partir du i)oint même de l'excitation (décré-
ment), jusqu'à ce que (inalement toute excitation ait dis|iaru. Ainsi se comportent, par
exemple, comme l'a montré Verworn (31), les pseudopodes des amibes nus. La loi de
décrément de l'excitation est très différente dans les différentes formes cellulaires; chez
les unes l'excitation s'éteint très près du point excité, chez d'autres à grande distance.
L'extension de l'excitation dépend jusqu'à un certain degré de l'intensité qu'a eue
l'excitation primitive. Des excitants forts s'étendent plus loin que des excitants faibles.
A l'inverse de ces formes où il y a un décrément de l'excitation, sont les formes où
l'excitation ne décroit pas. Ce sont celles qui sont spécialement chargées de conduire
les excitations dans le corps des animaux, c'est-à-dire les fibres nerveuses. Les libres
nerveuses ne présentent pas de décrément; mais au contraire conduisent les excitations
sans que celles-ci perdent leur intensité dans tout le trajet parcouru à travers le tronc
nerveux. La vitesse de la conduction, très variable suivant les différentes formes vivantes,
est maximale dans la fibre neiveuse. On admet, depuis les recherches de Heuuioltz,
qu'elle est de 2'J mètres par seconde dans les nerfs de la grenouille. Dans les nerfs des
homéothermes et spécialement de l'homme les chiffres oscillent entre 25 mètres
(Schelske) et 225 mètres (Koiilr.\usch) par seconde.
Les dernières recherches très précises de Piper (3L^j qui, expérimentant avec le gal-
vanomètre à corde, a pris comme indice la variation électrique du nerf, nous donnent
pour 'a vitesse de conduction dans le nerf médian de l'homme environ 120 mètres par
seconde.
D'après les derniers travaux d'ENOELM.v^N, de Nicol.vï et de Pii-kr, la vitesse de
conduction dans les neifs est indépendante de l'intensité de l'excitation.
Quant à la question si souvent débattue ilu mécanisme même de cette conduction,
elle n'a pas encore malheureusement de clarté suffisante. On peut regarder toutefois
comme certain que le processus de la conduction des excitations est essentiellement le
même pour toutes les formes de la matière vivante et que les différences ne reposent
que sur certains caractères spécifiques des différentes cellules vivantes. Il faut surtout
se rapporter aux fibres nerveuses dans lesquelles l'excitation se propage sans qu'il y
ait de décrément de l'onde d'excitation. Le principe général de la conduction, c'est
probablement l'hypothèse de Pfluger ^10), d'après laquelle la destruction d'une molé-
cule labile provoque la destruction de la molécule voisine, comme c'est le cas pour les
matières explosives ou pour une traînée de poudre, mais on ne peut dire si la trans-
mission de l'excitation d'un segment à un autre est due à la chaleur, comme c'est le cas
IRRITABILITE. ()<)|
pour les matirivs explosives, ^uaiid on sonye à la f,'rciiulc (iiuuilité d'eau que contien-
nent les cellules vivantes et aux pi-opoilions relativement faibles des parties excitables,
c'est-à-dire de la molécule bio?;ène, cette hypothèse d'une transmission par la chaleur
paraît bien douteuse, et même faut-il peut-être la repousser complètement. D'ailleurs,
au lieu de la chaleur, il y a rélectricilé, laquelle depuis longtemps, sous la forme de
courant il'action, accompagne la conduction dans les nerfs, et c'est peut-être cette élec-
tricité qu'il faut admettre comme étant le principe innn(''diat de la conduction des
excitations.
Dans la théorie de IIermann (33) et Boruttau (34), il est admis que de petits courants
électriques locaux provoquent dans le segment consécutif, par le choc électrique, un
courant semblable, ce qui paraît remarquablement expliquer la conduction nerveuse. \
la vérité, même avec cette hypothèse, bien des points restent encore à élucider. En tous
cas il est un fait certain, fait récemment mis en pleine lumière par Froulicii et que l'on
ne pourra jamais trop opposer aux anciennes liypothèses, c'est qu'il n'y a jamais conduc-
tion sans irritabilité. Les expériences de Werigo (3:;), de Dendri.nos (36) et Fuohlich (37)
ont montré que dans les nerfs la conduction dépend de l'irritabilité. Mais toutes les
causes qui diminuent l'excitabilité locale au-dessous d'une certaine limite amènent
aussi un décrément de l'onde d'excitation. Le décrément devient d'autant plus grand
que l'irritabilité a été plus diminuée, de sorte que l'onde d'excitation, si l'on consi-
dère un segment de suffisante longueur, s'est complètement éteinte dans ce segment.
Tout aussi intéressants sont les effets secondaires des excitations paralysantes.
Presque toutes les formes chroniques des maladies sont les conséquences secondaires
de phénomènes paralytiques survenus dans la chaîne moléculaire des cellules. Il s'agit
là de données ayant une grande importance pratique, mais malheureusement on a fait
seulement les premiers pas dans leur étude. Toutefois cette étude a été déjà commencée,
ce qui nous permet quelques considérations importantes. Par suite de l'étroite dépen-
dance dans laquelle se trouvent mutuellement les éléments isolés de la chaîne molécu-
laire des cellules, il est clair que tout ralentissement ou tout arrêt dans un des pro-
cessus partiels de l'échange moléculaire va entraîner un changement dans l'échange
moléculaire tout entier, et il est clair aussi que, selon la nature de l'excitant, les excita-
tions paralysantes primaires vont porter sur des points très différents de la chaîne molé-
culaire. Il s'ensuit, si l'excitation dure quelque temps et dépasse une cerlaine intensité,
qu'il se produit une altération inguérissable des mêmes parties de la matière vivante,
altération qui finalement entraîne la mort cellulaire. De même que, dans un rouage
d'horlogerie, l'arrêt prolongé d'une des nombreuses roues qui s'engrènentmutuellement
va arrêter, par suite de l'étroite dépendance de toutes les parties, le mécanisme tout
entier, de même, dans le mécanisnie chimique, beaucoup plus compliqué, de la matière
vivante, l'arrêt d'une partie entraînera celui de toutes les autres. Par exemple, si l'on
modifie la vitesse de la réaction d'un des anneaux de la chaîne en abaissant fortement
la température, alors on coagulera certaines substances colloïdes qui sont en dissolu-
tion; de même, si l'on enlève l'eau ou l'oxygène ou tout autre aliment de la cellule, il
y aura une paralysie secondaire plus ou moins rapide de tout l'échange moléculaire :
tout au moins prendra-t-il alors une direction funeste qui conduira la cellule à la mort.
On a étudié à ce point de vue avec plus de détail encore, sans que les explications
soient bien satisfaisantes, le mécanisme de la paralysie par privation d'oxygène. Si dans
les organismes aérobies les processus d'oxydation sont arrêtés par la privation d'oxy-
gène, on n'a cependant agi que sur une partie de tout l'échange moléculaire, et cependant
on a provoqué des effets secondaires graves qui pervertissent l'échange moléculaire
tout entier. Il se produit alors des substances dues à des combustions, incomplètes
comme l'acide lactique, l'acétone, d'autres produits de la série grasse, et finalement
diverses substances azotées qui résultent de la destruction protoplasmique. L'échange
moléculaire prend alors des directions anormales qui vont toujours en s'exagéi'ant,
jusqu'à ce que toute la substance vivante ait été détruite, l'état stationnaire n'étant
atteint que lorsque la cellule est morte. Donc, en enlevant de l'oxygène à un organisme
aérobie, on ne peut pas le mettre dans un état d'équilibre nouveau ni le maintenir à
volonté dans l'état anaérobie, comme pour certains organismes que la soustraction
d'eau maintient en état de vie latente et laisse longtemps capables de revenir à la vie
692 IRRITABILITE.
quand on leur rend de l'eau. Gela n'est pas possible, parce que, par l'enlèvement d'oxy-
gène, les relations entre les divers éléments chimiques de la cellule continuent à se
modifier, et ou sait qu'il y a une étroite relation entre l'échange moléculaire et les pro-
portions des éléments chimiques qui composent la matière vivante. Alors s'accumulent
les produits asphyxiques, c'est-à-dire les produits de combustion incomplète, identiques
pendant les premiers stades de l'asphyxie avec les produits de la fatigue, et ils paralysent
les phénomènes chimiques dont ils sont eux-mêmes les produits, de sorte que la des-
truction de la cellule est continue, et prend d'autres formes jusqu'à ce qu'enfin la
substance vivante soit morte.
Le développement est à certains égards analogue au processus morbide, car il
semble être la conséquence d'une paralysie portant sur un des anneaux de la chaîne
moléculaire. Cette paralysie doit survenir très souvent et se produire sous l'influence
des conditions extérieures les plus diverses, car l'intégrité de la vie cellulaire chez les
organismes aérobics est liée si étroitement à une cpnsommation d'oxygène suffisante
que les multiples causes qui peuveni l'inlluencer, c'est-à-dire la diminuer, réussissent
à troubler mortellement tout l'échange moléculaire. Nous avons vu que la fatigue
et la période réfractaire^ laquelle est un cas spécial de la fatigue, sont l'effet d'une
relative déficience en oxygène. Winterstkin (38) a montré aussi que la paralysie par
la chaleur est la conséquence secondaire d'oxydations insuffisantes. De même la nar-
cose, comme il ressort des expériences de Winterstei.n (39) sur les centres nerveux, de
Fhoulich (40) et IIeato.n (41) sur les nerfs périphériques, dépend de l'arrêt de tous les
processus d'oxydation.
Les changements qne les anesthésiques, éther, alcool, chloroforme, produisent dans
la substance vivante et dont naturellement nous ne connaissons pas la nature, provo-
quent deux actions importantes : l'une, c'est qu'il ne peut plus y avoir d'absorption d'oxy-
gène, même quand loxygène est fourni en (juantité considérable; l'autre, c'est un alfai-
bli^scment delà conductibilité, affaiblissement d'autant plus intense que i'anesthésie est
plus profonde, par conséquent la phase de désassimilation n'est pas influencée par la
narcose primitivement, mais secondairement, et la variation de son décours dépend de
la diminution des processus d'oxydation, de sorte que finalement il se produit un effet
analogue à l'asphyxie comme après la privation d'oxygène; et il y a paralysie de la con-
ductibilité qui empêche l'extension de l'excitation. L'excitabilité même ne semble pas
priniitivement atteinte par les narcotiques, comme l'ont montré les expériences de
Hkato.n sur les nerfs; si nous avons coutume de dire que l'excitabilité est suspendue
pendant I'anesthésie, c'est surtout parce qu'il y a un fort décrément dans la conducti-
bilité après une excitation. L'excitation que provoque un excitant dans un tissu anes-
thésié reste limitée dans le voisinage très proche de la région excitée. Ainsi I'anesthésie
est déterminée par ces trois éléments essentiels : suspension des processus d'oxydation,
continuation des processus de désassimilation et arrêt de la conduction (42). On peut
donc espérer que nous serons bientôt en état de caractériser avec plus de précision la
nature des changements que les anesthésiques produisent dans la substance vivante.
Comme effet secondaire des excitations nous avons encore la régulation automa-
tique des échanges, signalée précédemment, qui se produit après toute modification
passagère de l'équilibre moléculaire. L'effet primitif d'un excitant est de troubler
l'équilibre chimique de la cellule : la réparation de ce trouble après que l'excitant a
cessé est l'effet non immédiat, mais secondaire, de l'excitation. Or cette réparation
spontanée qui survient après toute modification modérée et passagère de l'équilibre
chimique de la cellule, réparation qui peut être comparée à la réparation après la
fatigue ou à la convalescence après une maladie, joue un rôle fondamental dans le
maintien de la vie des organismes. Elle repose sur les relations quantitatives des sub-
stances chimiques cellulaires, et par conséquent, ainsi que nous l'avons déjà remarqué,
elle n'est qu'un cas particulier de l'équilibre chimique. Pourtant, si on la compare à
un système chimique en équilibre, comme par exemple acide acétique et alcool pour
la formation des éthers acétiques, le cas de l'équilibre chimique cellulaire, d'ailleurs
IRRITABILITE. H93
Iteaucoup plus coiiipliqui'', est assez ililTiM'ciit, d'abord parce qu'il y a louli' une loiif^ue
cliaine do processus cliimii]ues qui s'engrènent les uns les autres sans être dans l'en-
semble réversibles, mais n'ayant ([ue certains anneaux de la cliaine qui soient réver-
sibles, et ensuite parce que les produits de la réaction snnt continuellement enlcv(';s
au fur et à mesuro de leur production et que de nouvelles quantités de substances
réagissantes sont continuellement apportées. Mais, comme nous ne connaissons les
différents anneaux de la cliaîne des échanges que d'une manière ti'ès ap|)roxiriialive
iHuir tout organisme vivant, quel qu'il soit, alors naiurellemcnt U^ mécanisme intime
de cette régulation automaticiue nous reste complètement fermé. Du moins pouvons-
nous dire que, lorsque dans un des segments de cette longue chaîne avec processus
chimiques s'engrenant les uns les autres il y a une ])has(i d'assimilation, c'est qu'il se
passe un processus chimique réversible dépendant d'un système d'équilibre chimique;
et cela nous fait comprendre le principe d'après lequel se produit la régulation auto-
mati(|ue des échanges.
Kniin il y a un dernier groupe d'effets secondaires ((ui n'a encore été observé que
pour les agglomérations cellulaires et pour lesquelles il faudrait savoir par des expé-
riences nouvelles si on ne l'observerait pas sur des cellules isolées, à savoir que l'tic-
croissement de la substance vivante est déterminé par les excitations fonctionnelles. Le fait
que la masse de substance vivante pour un tissu ou un organe dépend de sa réponse
fonctioimelle est connu depuis longtemps pour les muscles, les centres nerveux, les
glandes, etc. Un muscle qui des centres reçoit fréquemment des excitations de désassi-
milation, c'est-à-dire qui subit des excitations provoquant son activité, augmente
dans une certaine mesure. Un muscle qui ne reçoit pas ces excitations de désassimila-
tion, comme par exemple après une lésion de son nerf moteur, montre une atrophie
d'inactivité. L'hypertrophie par le travail, et l'atrophie par l'inactivité sont des vérités
banales de la pathologie. Cette hypertrophie par activité, c'est-à-dire l'augmentation de
la masse du protoplasma pour les cellules nerveuses, répond, d'après Verworn (43), à
tous les phénomènes de mémoire.
Mais on peut se demander quel rapport doit exister entre des excitations fonction-
nelles fréquentes et l'augmentation de la quantité des éléments soumis à cette excita-
tion fonctionnelle. En d'autres termes, comment une excitation de désassimilation
fréquemment répétée peut-elle avoir pour conséquence une augmentation de la quantité
de masse vivante? On ne peut guère adopter d'autre explication mécanique que
celle-ci : après chaque excitation de désassimilation, la régulation automatique de
l'équilibre est une phase d'assimilation qui dépasse quel(|ue peu la désassimilation
précédente, de sorte qu'il se forme plus de substance vivante qu'il n'en avait été' déiruil
dans la phase de désassimilation. Si cela se reproduit souvent, l'augmentation sera
appréciable, et les nouvelles excitations ramèneront un nouvel état d'équilibre, dans
lequel la quantité de substance vivante sera chaque fois un peu plus grande. Il y a
donc une étroite relation entre l'échange fonctionnel, c'est-à-dire l'échange portant
sur les éléments qui répondent à l'excitation fonctionnelle, éléments que nous savons
être presque exclusivement des substances non azotées, et l'échange cytoplasiique,
c'est-à-dire la destruction et la reconstruction des grou[)es azotés de la matière vivante.
Il y a une étroite dépendance entre les relations pondérales des éléments chimiques
de la substance vivante et les quantités de matières alimentaires apportées à ces sub-
stances. Il faut donc admettre avec Vrrworn que cette relation entre l'échange fonc-
tionnel et l'échange cytoplastique dépend de l'augmentation de l'aliment qui suit
chaque excitation de désassimilation.
De fait, on sait depuis longtemps que des organes auxquels on demande un travail
fort ont une circulation sanguine plus active. On ne peut donc pas douter qu'il s'agit
là d'un mécanisme régulateur, encore que nous ne puissions nalurellement avoir que
des présomptions sur sa nature; mais il est établi que, dans toute agglomération cellu-
laire, chaque excitation de désassimilation a pour conséquence une augmentation dans
la quantité dei aliments apportés au tissu excité, ce qui modifie les relations pondé-
rales et les effets cliimi(iues, et c'est assez pour nous rendre compréhensibles ces elTels
secondaires de l'excitation, rjuc nous appelons hypertrophie de travail et atrophie
d'inactivité.
09/t IRRITABILITÉ.
Interférences des excitations. — Gomme les tissus vivants peuvent être soumis
à l'action d'excitants divers, on comprend que les effets de deux excitations peuvent
interférer ensemble. De plus, les organismes subissent aussi bien des oxcilalions exté-
rieures que des excitations intérieures, provoquées par l'excitation d'autres parties de
Tori^anisme, par exemple celle des nerfs sur les autres organes. Par suite de la sélec-
tion naturelle, dans les organismes plus développés, ces excitations ont pris une
"rande prépondérance. On comprend donc qu'il y a des effets d'interférence, qui, par
la sélection et dans l'intérêt de l'organisme, sont dirigés dans des directions détermi-
nées • et il est alors évident que certaines interférences, comme les processus de som-
mation, les excitations toniques ou inbibitoires, appartiennent aux plus importants
phénomènes de la vie. On peut regarder l'histoire des interférences des excitations
comme un des domaines les plus importants de toute la physiologie. Mais son étude
méthodique n'est que de date toute récente, quoiqu'on trouve des documents à cet
égard dans toute l'histoire de la physiologie. Naturellement, l'analyse des interférences
des excitations n'est possible que lorsque d'abord l'analyse des excitations isolées a
pu être approfondie. Heureusement, depuis quelques années, la physiologie générale a
fait sur ce point, des progrès notables, de sorte que nous sommes aujourd'hui en état
de pénétrer le mécanisme des interférences des excitations beaucoup plus qu'il y a
dix ans.
D'abord, il est clair que deux excitations ne peuvent interférer entre elles que si
la seconde excitation saisit l'organisme pendant le temps qui s'écoule depuis le moment
où la première excitation a agi jusqu'au moment où celte première excitation a cessé
complètement toute action. Il ne peut naturellement pas y avoir d'interférence en
dehors de cet intervalle de temps ; par conséquent, les deux excitations n'ont pas besoin
d'être simultanées; par conséquent, il y a des excitations qui peuvent interférer entre
elles lorsqu'elles se suivent, pourvu qu'elles aient en commun un temps pendant lequel
elles agiront sur l'organisme. Pour l'analyse de toute interférence entre les excitations,
il faut tenir compte d'un certain nombre de facteurs, sans lesquels on ne pourrait les
comprendre; d'abord, il faut connaître la nature des excitations au point de vue de
leur intensité, de leurs formes et de leur durée. Il faut savoir comment chacune de
ces excitations interférentes agit isolément, et, par consé(juent, déterminer ses effets
primaires aussi bien que ses effets secondaires, jusqu'à ce qu'ils aient complètement
disparu. Enfin, il faut savoir dans quelle phase de l'action d'un excitant agit l'autre
excitant. Par là, il est évident que des recherches fructueuses ne peuvent être faites
que sur des systèmes organiques bien connus, et avec des méthodes appropriées. Nous
résumerons brièvement ce qui a été fait jusqu'à présent dans l'étude générale de ces
lois sur l'interférence.
Ce qu'on connaît le mieux, ce sont les effets d'interférence provoqués par deux
excitations de désassimilation.
Pour ces études, on a surtout pris le muscle, avec ou sans son nerf, et les organes
nerveux centraux, en adoptant l'électricité comme source d'excitation. Je rappellerai
seulement les anciennes expériences sur la sommation et l'inhibition des excitations,
par Hf.lmholtz, Schiff, Heidenhain, Kronegker et Stirling, Ch. Richet, von Kries, We-
DENSKY, Exner et bcaucoup d'autres, mais surtout les travaux plus récents de A. Broca
et Cil. RiCHET, Verworn, Sherrington, Hoffmann, Zwaardemaker et Lanz, Fruhlich, Stei-
NACH et d'autres. Tous ces auteurs ont apporté de nombreuses contributions à cette
étude, quoique cependant les interprétations et les hypothèses consécutives à ces expé-
riences soient notablement divergentes.
Quand deux excitations de désassimilation provoquent des effets qui interfèrent,
deux modes d'interférence sont possibles, selon que l'excitation seconde tombe à telle
ou telle phase de la réaction à l'excitation première. Or, dans le cours de la réaction
consécutive à une excitation de désassimilation, nous pouvons distinguer deux phases :
la première, c'est la destruction chimique, ou désassimilation proprement dite; la
seconde, c'est la phase réfractaire, qu'il y ait une période réfractaire absolue ou rela-
tive. La période réfractaire, c'est le moment pendant lequel se produit la restitutio
ad intignim, moment pendant lequel il y a retour à l'excitabilité normale, d'abord rapi-
dement, puis lentement. Si la deuxième excitation frappe le système organique exacte-
IRRITABILITE. 695
ment en ni^mc temps que la première excitation, il y a alors sommation dos oflcts. Le
rt'-sultat est donc In même que s'il y avait une seule excitation forte.
Comme li\s deux excitations n'unies ne forment rpTun cxcitatit unique, ou compiend
tout de suite que celte sommation ne peut s'exercer (|iie lorsipie les deux excilanls ne
Sdut pas maxinia.
Des excitants iiui sont au-dessous du seuil de l'excitaliou peuvent aussi additionner
leurs effets, de sorte qu'aloi's leur elTet appaient se produit.
Si la seconde excitation frappe le système vivant pendant la période réfractaire qui
suit la première excitation, le résultat dépendra du rapport entre l'excitabilité à ce
moment et l'intensité de l'excitant. Si, au moment où at;it la seconde excitation, l'exci-
tabilité du système est trop faible pour que la deuxième excitation ne soit pas, en léa-
lité, au-dessus du seuil des excitations, alors celUt seconde excitation reste sans eiïet,
et il se produit, au contraire, un phénomène d'inhibition. Cette analyse nous donne la
clef des phénomènes d'inhibition qui sont si longtemps restés mystérieux, phénomènes
qui jouent un rôle fondamental dans toute la vie du système nerveux. Déjà, depuis
longtemps, Schiff(44) avait considéré les processus d'inhibition comme dus à un épuise-
ment passager, puis, après discussion approfondie de son hypothèse, il l'avait finale-
ment tout à fait rejetée (4"J) ; mais Vf.hwoun est revenu à l'idée d'après laquelle les pro-
cessus d'inhibition s'expliquent par l'existence d'une phase réfra(;laire. l/hypotlièse de
Gaskell (46), Hkring (4") et xMelzf.h (48), qui voient dans riuhibition une excitation d'as-
similation, présente, comme l'a montré VEawoRX (49), la plus grande difficulté; car, en
dehors des cas de suraliiîientation, il n'est point d'excitant, et spécialement d'excitant de
courte durée, capable de provoquer primitivement dans les tissus vivants la phase d'as-
similation. Des recherches faites sur la phase réfractaire absolue, et la phase relative,
recherches faites après asphyxie sur la moelle des grenouilles sirychnisées, ont conduit
ensuite Verworn à ne voir dans les processus d'inhibition qu'une forme de la phase
réfractaire. Par conséquent, il ne peut être question d'excitations d'assimilation,
mais d'une paralysie de nature désassimilatoire. Sur la grenouille strychnisée, la
nature des processus d'inhibition est particulièrement facile à l'econnaître, parce que,
quand l'animal est partiellement privé d'oxygène, on observe une phase réfractaire
absolue. Tous les phénomènes sont alors amplifiés. Si l'on prend une grenouille strych-
nisée mise par l'asphyxie dans un état tel que la phase réfractaire, après chacjue
décharge nerveuse de la moelle, s'est beaucoup allongée, et qu'on excite cette gre-
nouille par des excitants séparés par un intervalle plus petit que la durée de la phase
réfractaire, on voit que la seconde excitation demeure sans effet (50).
Il en est ainsi pour une série d'excitations rythmiques qui se succèdent à des
intervalles convenables. Pendant toute la durée de l'excitation rythmique, la moelle,
comme Friedemann (;il) l'a montré, reste inexcitable de cette manière. C'est là le para-
digme le plus simple des processus d'inhibition. Ce que nous appelons ici la phase
réfractaire absolue, c'est, comme l'a montré Fromlich {'M) pour l'inhibition des centres
nerveux, qui ne sont pas rendus hyperexcitables par la strychnine, l'expression d'une
relative phase réfractaire.
Les procédés d'inhibition du système nerveux dans l'organisme normal dc'pendcnt
peut-être seulement du degré de leur fatigabilité vis-à-vis des excitants faibles. Comme
l'excitabilité complète pour les excitations limites ne se répare que relativement tard
pendant le cours de la phase réfractaire, alors toute excitation limite qui frai)pe la cel-
lule vivante avant que se soit terminée la phase réfractaire doit être inefficace. Los
impulsions excitaloires partant du système nerveux central, d'un côté, et, d'autre côté,
des séries d'excitations isolées représentent des excitations assez faibles. Si dans une
cellule ganglionnaire il y a interférence de deux semblables séries d'excitations faibles
isolées, alors la fréquence de ces excitations isolées augmente, et il se peut qu'une de
ces excitations isolées tombe pendant la période réfractaire qui suit l'excitation précé-
dente. En analysant quelques types de ces actions inhibitoires, FnoHLicii a pu prouver
que les expériences réalis(;nt ce principe.
Tout autre est l'action de l'interférence, quand, ai)rès une première excitation,
l'excitabilité de la substance vivante se trouve être à ce moment de la péiiode réfrac-
taire où tombe l'excitation seconde, telle que la seconde excitation a dépassé le seuil
fi96 IRRITABILITE.
de l'excitalion. Dans ce cas il se produit un élal qui a rcru antérieuromei)t dos noms
difîércnls [Bahnung, chemin tracé; (Exner'i, Fôrderiintj, favorisation), mais qu'il vaut
mieux appeler, avec Frohlicu (oS'i, un apparent accroissement de l'excilabilité. Cet appa-
rent accroissement fait alors qu'une série d'excitations isolées, égales entre elles, donne
l'apparence d'une série d'excitations de plus en plus fortes. Il faut rattacher à ce phé-
nomène le phénomène dit de l'escalier qu'on observe dans les contractions muscu-
laires rythmiques. On remarque la disposition pour un apparent accroissement de
l'excitabilité chez des centres nerveux refroidis qui répondent par des excitations
toniques centrifuges, si l'on applique des excitations rythmiques ceniripétales, et on
remarque aussi ce fait chez le nerf qui, au début de la narcose, de l'asphyxie, de la
fatigue, répond aux excitations tétaniques par des réponses plus fortes.
Comme l'ont montré Horuttau (54), Frouligh (55), Reinf.ke (56) etTHOR.\ER(o7), ce ren-
forcement apparent de chaque excitation après une excitation antécédente prolonge la
durée de chaque excitation : donc l'excitabilité n'est pas augmentée, mais diminuée.
L'apparent accroissement de l'excitabilité dépend réellement d'un ralentissement paraly-
tique de tous les processus de réparation. Après chaque excitation — dans le cas d'une
série d'excitations successives, — les processus de réparation se ralentissent par le fait
de la fatigue, et alors l'excitation frappe la substance vivante alors qu'elle est dans un
état de plus en plus grand d'excitation résiduelle. De sorte que le point de départ de
la réponse se fait à un niveau de plus en plus élevé, ce qui donne à la réponse l'appa-
rence d'être de plus en plus forte. Ce sont là des conditions de plus en plus favorables
à la sommation des excitations isolées et par conséquent à la production d'une exci-
tation tonique.
L'excitation tonique représente comme une excitation prolongée unique, résultant
de la sommation d'excitations isolées qui se succèdent rapidement. Il est clair que les
conditions pour la sommation, et par conséquent pour l'excitation tonique, sont d'autant
plus favorables que l'efTet des excitations isolées est plus prolongé. A ce point de vue,
les diverses formes de substances vivantes se comportent de manières très diverses.
Un nerf, dans les conditions physiologiques normales, n'a presque pas de sommation,
parce que le décours complet de son excilation est extrêmement court, sa période
réfraclaire après des excitations fortes étant de 0,001 à 0,005 de seconde. Les cenires
nerveux, au contraire, donnent facilement la sommation, parce que, pour eux, le
décours d'une excitation est beaucoup plus long que dans le nerf. Les muscles lisses
avec leur réaction lento donnent très facilement la sommation, et ils ont une forte
tendance à répondie par des contractions toniques. Mais même les substances vivantes
qui réagissent vite et qui se réparent vilo, qui par conséquent, comme lo norf, n'ont
pas de sommation à l'état normal, peuvent donner des sommations quand leur état
physiologique est modifié par ses influences qui ralentissent le décours d'excitation.
C'est le cas du froid, de l'asphyxie, de la fatigue, de la narcose. Aussi, sousces inlluences,
le nerf donne-t-il, comme on l'a déjà vu, un courant d'action plus fort après une
excitation tétanique que le nerf normal. Pour la genèse du tétanos musculaire, outre
le changement d'élasticité que provoquent les excitations successives, il y a encore un
autre point à considérer. Frohlich a montré que les ondes de contraction se suivent
parfois si rapidement que l'onde précédente n'a pas pu parcourir toute l'étendue
du muscle depuis son point de départ jusqu'à son arrivée, au moment oîi se produit
l'excitation seconde. On observe alors une superposition de deux ou de plusieurs ondes
de contraction selon la longueur du muscle et selon le point du muscle excité. Mais
c'est là une condition extérieure pour ainsi dire, qui n'a rien à faire avec la tension
que provoque une excitation isolée, tension qui dépend de l'apparent accroissement de
l'excitabilité. On observerait encore la superposition des excitations, même s'il n'y avait
pas de tension résiduelle dans le décours des excitations isolées. Plus on étudie cet
apparent accroissement d'excitabilité, plus on constate qu'il est répandu dans la
nature. 11 sera donc nécessaire d'analyser minutieusement tous les cas dexcitabilité
accrue pour savoir si cet accroissement d'excitabilité n'est pas apparent, au lieu
d'être réel.
H s'agit d'un accroissement réel d'excitabilité dans les cas où une excitation est
représentée par une augmentation de température, tandis que l'autre excitation est
IRRITABILITE. 697
l\'Xoitaiil t'Iciii'iiiiio. De fait, ri'xcilaliilih-, iK.iir rt'xrilant élcr.lri((UO, est aiiuinniitt'o
par réchaulTemonL du système vivant, et l'excitaiil luovoiiuc uiio rt''ponse plus foilo
que lorsque la température est plus basse.
Coulrairement à l'interférence des excitants de slimulalioii, les interférences de
doux oxcilatiuns d'inhibition, ou de deux excitations, dont l'une est stimulante et l'autre
inliibantf. n'ont pas encore été étudiées d'une maniéic. UM'-tliodiquc. Nous savons
seulement qu'en {général, par les excitations inhibiloires, l'excitabilité est dimi-
nuée pour les excitations de stimulation. Tel est le cas du défaut d'o.xygène, qui
paralyse. Tel est aussi le cas de la narcose. Mais le mécanisme (;st alors très diffé-
rent suivant les anneaux de la chaîne des échanges qui ont été atteints par l'agent
paralysateur. Nous avons vu par exemple que, dans l'anesthésie, l'action inhibitoire
n'agit pas primitivement sur la phase désassimilafoire des échanges. Il est plus pro-
bable, sans qu'on puisse le prouver, que l'action paralysante dans la narcose se pro-
duit pendant la période de repos des échanges, car pendant la narcose les tissus sont
encore excitables par des excitations de désassimilation. Dans la narcose la conduction
de l'excitation subit un si fort décrément qu'on ne peut plus déceler aucune réponse
extérieure. C'est en cela que consiste l'apparente inexcitabilité des cellules anes-
thésiées.
Pour l'analyse plus complète de l'interférence se produisant entre des excitalions
inhibitoires, ou entre une excitation de stimulation et une excitation inhibitoire, il
faudrait avant tout pénétrer l'action de chacune de ces excitations isolées sur la chaîne
de ces échanges, et c'est alors seulement qu'on pourrait déterminer les conditions de
ces interférences, mais il n'est pas douteux que les relations sont alors beaucoup plus
compliquées que dans le cas relativement simple où il y a interférence de deux exci-
talions qui provoquent toutes deux une désassimilation et agissent dans le même sens
sur les mêmes anneaux de la chaîne des échanges.
Le degré d'irritabilité et ses conditions. — Depuis longtemps la physiologie
étudie l'irritabilité en supposant tacitement que c'est un processus simple et unique.
Alors le degré d'irritabilité est mesuré par la grandeur du résultat dû à une excitation.
Mais bientôt une analyse plus profonde nous montre que la grandeur des effets consé-
cutifs à une excitation est le résultat de beaucoup de processus très divers. Donc, dans
l'intérêt d'une connaissance plus exacte de la physiologie générale des excitations, il
faut serrer de plus près la notion de l'excitabilité et nettement difTérencier les éléments
qui la composent. Ce ne sera possible complètement que dans l'avenir, mais il est
nécessaire dès maintenant de donner le commencement de cette étude.
Quand nous jugeons du degré d'irritabilité d'un système vivant, d'après la grandeur
du changement que produit en lui une excitation de désassimilation, le seul critérium
que nous puissions en avoir, c'est la grandeur des échanges moléculaires ou la gran-
deur des mutations d'énergie : mouvement, chaleur, électricité : nous n'avons jtas
d'autre indication. Mais il est clair que cette grandeur des résultats de l'excitation
est déterminée par l'ensemble des processus de désassimilation, en d'autres termes
par la quantité des éléments chimiques capables de désassimilation et se désassiini-
lant sous l'influence de l'excitation impulsive.
On peut alors se représenter le phénomène sous une forme schématique, en
disant que l'effet primitif de l'excitation désassimilaloire, c'est la destruction de
molécules très fragiles, molécules bioyènes de Verworn. L'hypothèse reste la même,
quelle que soit la nature de cette excitation de désassimilation.
Par conséquent, dans un système vivant, le nombre des molécules qu'une excitation
décompose dépend de deux variables : d'une part le degré de fragilité des molécules
capables de se détruire, d'autre part l'extension de cette destruction primaire pro-
duite par l'excitant, autrement dit la conduction des processus de destruction. Or ces
deux facteurs sont soumis l'un et l'autre à une série de conditions diverses.
Le defjré de fraçjiUtc de la molécule du biogène dépend en première ligne de sa
constitution chimique. II faut admettre que la constitutioiî chimique des combinaisons
très compliquées de la substance vivante doit être extrêmement dilférente dans les
différentes cellules, quoique nous n'ayons aucune preuve décisive pour faire cette sup-
position. EU cependant il est extrêmement vraisemblable que les did'érences d'excita-
698 IRRITABILITE.
bililé que témoignent dans les conditions physiologiques les différentes formes de la
matière sont déterminées au moins en partie par une constitution chimique très dif-
férente. Pour la même forme de substances vivantes le degré de fragilité de la molécule
biogène est soumis à de grandes variations d'après la température. On connaît les lois
d'après lesquelles la destructibilité cellulaire augmente par l'élévation, diminue par
l'abaissement de la température extérieure. Par conséquent l'irritabilité de ce système
vivant doit, dans de certaines limites, augmenter quand la température s'élève, dimi-
nuer quand la température descend, comme l'expérience le prouve. En outre, il
semble que certaines substances chimiques déterminées, peut-être parce qu'elles
se rapprochent de la molécule du biogène, peut-être parce qu'en entourant cer-
taines chaînes latérales de la molécule biogène elle modifie sa fragilité. Il s'agit
là de mainte action toxique augmentant l'excitabilité comme par exemple la strychnine
vis-à-vis des cellules nerveuses des cornes postérieures de la mopUe épinière.
Ce sont encore là des points bien obscurs : et d'ailleurs il y a sans doute «ncore
d'autres facteurs pour influencer le degré de fragilité de la molécule biogène.
N'oublions pas que nous sommes à peine en état d'en faire une différenciation plus
méthodique.
La conduction de la destruction moléculaire, c'est-à-dire l'extension secondaire de
l'excitation à partir du point excité, quand l'état de fragilité de la molécule est iden-
tique, est essentiellement une fonction de l'état des substances contenues dans l'orga-
nisme vivant. Évidemment les différentes formes des organismes vivants se compor-
tent à cet égard d'une manière très différente. Cependant, pour le même organisme,
les rapports quantitatifs des substances y contenues peuvent notablement varier, et
expérimentalement être modifiées; en outre les conditions peuvent être aussi très
différentes pour changer la propagation d'une excitation localisée.
La quantité d'eau contenue dans les cellules joue un grand rôle pour déterminer son
irritabilité : cette quantité d'eau est réglée dans l'état physiologique par les actions
osmotiques des substances dissoutes dans la cellule. Mais ces actions peuvent être
modifiées par tout changement dans la pression osmotique du milieu où est plongée
la cellule. De là résulte ce fait général que, dans de certaines limites, la conduction
de l'excitation diminue quand augmente la quantité d'eau, alors qu'elle augmente
quand la quantité d'eau diminue. Dans le premier cas (augmentation d'eau), le décré-
ment de l'excitation qui se propage à toute la cellule est si considérable que les
excitations les plus fortes ne paraissent plus pouvoir provoquer de réponses percep-
tibles. Dans l'autre cas (diminution d'eau), on observe de notables augmentations
d'excitabilité. Les muscles et le système nerveux central nous donnent des exemples
très nets de ces deux phénomènes.
D'autres substances peuvent agir aussi comme l'augmentation de l'eau, et alors
il n'est pas possible de savoir quelle est la part relative de l'action mécanique due
aux changements dans les proportions des constituants cellulaires et de l'action chi-
mique due aux affinités chimiques des substances ambiantes pour les produits cellu-
laires. Nous savons que, s'il s'accumule des produits de fatigue ou d'asphyxie,
dus à des oxydations incomplètes, la conduction de l'excitation subit un si fort décré-
ment qu'aucune réponse à l'excitation n'est plus perceptible. La physiologie générale
du système nerveux nous en donne de très bons exemples. Nous savons aussi que,
dans l'anesthésie, si l'excitation ne provoque plus de réponse perceptible, c'est parce
que la conduction de l'excitation a très fortement diminué, grâce à la pénétration
de l'anesthésique dans la cellule. Cependant la fragilité de la molécule n'a pas dis-
paru dans l'anesthésie, puisqu'on peut alors faire croître les échanges de désassi-
milatioM par des excitations plus fortes. Là encore la conduction de l'excitation est
fonction des proportions de l'anesthésique dans l'organisme vivant; car l'anesthésie
devient plus ou moins profonde selon que l'organisme contient plus ou moins de la
substance anesthésique, ce qui dépend de la pression partielle que cette substance
exerce sur les cellules. De la même manière, la propagation de l'excitation va dépendre
des proportions de beaucoup d'autres substances, les unes contenues normalement
dans l'organisme, les autres, comme les poisons et d'autres .substances chimiques,
introduites expérimentalement.
IRRITABILITE. 6!t9
Les exompli's i|uo nous venons de ilonni'f nionln-nl siillisaniniont (jue lout (•liiinj,'e-
rnenl, si faible i|u'il soit, dans les pio(»or(ions ([nanlilalivt's des substances (•oiitenues
dans la colliilf vivante va iniluencer la distribution de l'excilation dans le corps de cotte
l'tdlule, et paiconsétinenldétcrniinei' son degré d'excitabilité. Toute excitation qui tioul.io
r*'([uilibro pliysiologic|ue des substances cliimiqiics intra-cellnlaires va par conséquent
Mindilier son excitabilité à l'excitalioii suivante. Le fait d'une période réfraclaire rela-
tive ou absolue, ainsi (jue le fait de la fatii;ue, piouvenl cela très nettemenl. C'est seu-
lement après ({ue ré([ui[il)re entre U's pro|)orlions normales de substances vivantes s'est
rt'tabli par l'auloinatisme cbimicct-ceiliilaire qui a ramené l'é-tat pliysiolo^'itiue, c'est
seulement alors (juc la cellule revient à son excitabilité primitive.
Ainsi le degré d'irritabilité — ou l'excitabilité — d'un système vivant, est fonction
de deux grands facteurs : d'une part, le degré de fragilité de la molécule capable de
desiruction; d'autre part, les proportions pondérales des matières contenues dans ce
système. Toutcbangeiuent tians l'un ou l'autre de ces facteurs modifie aussi l'excitabilité.
Quant à leur différenciation, l'expérience snivanlo, portant sur des matières miné-
rales, nous en donne sous une forme très simple mie comparaison. Si, pour avoir une
substance capable do se décomposer, nous prenons de l'iodure d'azote, nous voyons
qu'une parcelle de ce corps, lorsqu'il est desséché, se décompose spontanément, décom-
position qui répond à la phase de désassimilation des échanges. D'autre part nous
verrons une énorme fragilité de celte molécule et une extraordinaire aptitude à avoir
une excitation qui se prolonge sans décrément dans tout le système à partir du point
excité. La fragilité de la molécule d'iodure d'azote varie avec la température comme
varie la fragilité de la substance vivante. La propagation de l'excitation dans la molé-
cule d'iodure d'azote peut être complètement suspendue par l'introduction d'autres
substances, de même que chez les êtres vivants la conduction de l'excitation peut être
paralysée par la déshydratation, les narcotiques, les produits de fatigue. 11 suffit de chan-
ger les proportions de substances en mouillant l'iodure d'azote avec de l'eau, de
l'alcool, de l'éther ou un liquide quelconque, pour suspendre complètement son exci-
tabilité; et alors il ne répond plus aux excitants. Dans ces comiitions on voit facile-
ment quelles minimes quantités d'eau sont suffisantes pour déterminer une inexcilabi-
lité complète. Il ne faut qu'une trace d'humidité sur cet iodure d'azote pour le rendre
absolument incapable d'exploser, et cependant la destructibilité de la molécule d'iodure
d'azote ^n'est pas modifiée, puisqu'il peut se décomposer encore, même quand il est
conservé dans l'eau, et sa décomposition va plus loin que la destrurtion de la substance
vivante dans l'anesthésie.
Ainsi cet exemple nous fournit de nombreuses analogies avec l'excitabilité de la
substance vivante. Comme toutes les excitations agissent sur les cellules vivantes en
modifiant soit le degré de labilité de la molécule destructible (excitations thermiques
et chimiques), soit les relations pondérales des constituants cellulaires (la plupart des
excitations), on comprend que l'effet primaire de tout excitant doit être une stimu-
lation ou une paralysie du processus vital normal. Par conséquent tous les excitants
agissent en ralentissant ou en accélérant le processus normal de la vie.
MAX VERWORN.
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lass von 0. Langendoref herausgegeben von H. Winterstein {A. g. P., cxxvii, 1909). — 20.
JoTEYKO. La fatigue et la respiration élémentaire du muscle, Paii-s, 1896. — 21. Max Ver-
WORN. ErmUdung, Erschôpfung und Erholung der ncrvôsen Centra des Riickenmarks {Arch.
f. Anat. u. Physiol., Physiol. Abth., Suppl. 1900); — Die Biogcnhypothese, léna, 1903. —
22. H. van Baeger. Das Sauer'iloffbedûrfniss der Nerven {Zeitschr. f. allgem. Physiol., u,
1903). — 23, Fr.-NV. Fruhlich. Das Sauerstoffbedûrfniss der Nerven {Zeitschr. f. allgem.
Physiol., m, 1904). — 24. Fillié. Studien iiber die Erstickung und Erholung der Nerven
in Flïtssigkeiten [Zeitschr. f. allgem. Physiol., viii, 1908). — 25. Tiiùr.ner. Die Ermûdung
des markhaltigen Nerven (Zeitschr. f. allgem. Physiol., vin, 1908); — Weitere Untersu-
chungen iiber die ErmUdung des markhaltigen Nerven : Die ErmUdung inLuft und die schoin-
bare Errcgbarkcitssleigerung (Zeitschr. f. allgem. Physiologie, x, 1910); — Weitrre Untcr-
suchungcn, etc. : Die Ermûdung und die Erholung unter Ausschluss von Sauersloff. Ibid.,
1910). — 26. Fr.-NV. Fruhligh. l'ber die scheinbare Stcigerung der Leistungsfiihighcit des
quergestreiftcn Muskels im Beginn der Ermûdung ; Muskcltreppe, etc. (Zeitschr. f. allgem.
Physiologie, v, 1905). — 27. Ranke. Untersuchungen iiber die chemischen Bedingungen der
ErmUdung des Muskels (Arch. f. Anat. u. Physiol., 1863 et 1864). — 28. Mosso. Die ErmU-
dung (Deutsche Originalausgabe, Leipzig, 1892). — 29. Alexander Lipsghutz. Ermûdung
und Erholung des Riickenmarks (Zeitschr. f. allgem. Physiologie, vin, 1908); — Voit. L. c.
— Detmer. L. c. — 30. H. Winterstein. tber den Mechanismus der Gcwebsathmung
(Zeitschr. f. allgem. Physiologie, vi, 1907). — 31. Max Werworn. Psychophysiologische
Proti'itensludien. Experimentelle Untersuchungen, léna, 1889); — Zell physiologische Stu-
dien am rothen Meer (Sitzungsber. d. kônigl. Preuss. Akad. d. Wissensch. zu Berlin, xlvi,
1896). — 32. Piper. Cher die Lcitungsgeschwindigkeit in den markhaltigen menschlichen
Nerven (A. g. P., cxxiv, 1908). — Weitere Mittheilungen iiber die Geschwindigkeit der
Erregiingsleitung im markhaltigen menschlichen Nerven, Ibid., cxxvn, 1909. — Pflïgeii.
L. c. — 33. L. Hermann. Handbuch der Physiologie, n, i, 193, Leipzig, 1879; — Unter-
suchungen zur Lehre von der electrischen Nerven und Mtiskelreizung . IV. tber wellcnartig
ablaufende galvanische Vorgânge am Kernleiter (A. g. P., xxxv, 1885). — 34. Bordttau.
Neue Untersuchungen iiber die am Nemen unter der mrkung erregender Einflïisse auftre-
tenden electrischen Erscheinungen (A. g. P., lviii, 1894); — Ibid., lix, 1895; lxiii, 1896;
— Die Théorie der Nerrenleitung, Ibid., lxxvi, 1899; lxxxi, 1900; lxxxiv, 1901 ; xc,
1902; cv, 1904. — 35. Werigo. Zur Frage ûber die Beziehung zivischen Erregbarkeit und
Leitungsfàhigkeit des Nerven (A. g. P., lxxvi, 1899). — 36. Dendrinos. ï'ber das Leitungs-
vermôgen des motorischen Froscfmerven in der Aethernarkose (A. g. P., lxxxviii, 1902). —
37. Fr.-W. Frohlich. Erregbarkeit und Leitfàhigkeit des Nerven (Zeitschr. f. allgem. Phy-
siologie, lu, 1903). — 38. Winterstein. Uber die Wirkung der Wdrrne auf dtm Biotonus
der Nervencentren (Zeitschr. f. allgem. Physiologie, i, 1902; — Wiirmelahmnng undNar-
kose, Ibid., v, 1905. — 39. Winterstein. Zur Kenntniss der Narkose (Zeitschr. f. allgem.
Physiol., 1, 1902). — 40. Fr.-W. Fruhlich. Zur Kenntniss der Narkose des Nerven (Zeitschr.
f. allgem. Physiologie, m, 1903); — Frohlich et Tait. Zur Kenntniss der Erstickung und
Narkose der Warmbluternerven (Zeitschr. f. allgem. Physiologie, iv, 1904), — 41.Trevor
IRONE. — ISOPYROINE. 701
B. IIkvta.n. Ziir Kcnnlniss dcr Narkose [Zeitsc/ir. f. albjcm. l'Injsiolo'jie, \, iWJ). 42. Max
Vkrworn. l'bcr Narkose [Deutsche ined. Wochenschrift, 1909). — 43. Max Verworn. Die
cellularphysiologisc/io Grundla(je des Oednchtnisses {Zeitsch. f. allyein. l'hi/siol., vi, 1907).
— 44. M. Scuii'i'. Lehrbuch der Physiologie des Menschen, Lalir, 18.")8. — 45. M. Sciiiii-.
Altes und Neiies iibcr Ilerzueiven {MolescholCs l'ulersuchuiujen, xi, 187."J). — 46. TIaskri.!,.
On the structure, distribution atid l'ormation of the nerres which inncrvate the viscéral aud
vascular systei» {Journ. of Physiolmjy, vu, 188o); — On the innervation of the heart,
uith especial référence lo the heart of the torloise, Ibid., iv, 1884. — 47. K. Hkki.ng. 'Aur
Théorie der Vorgiinge in der Icbendigen Substanz (Lotos, ix, Prag, 1888). — 48. Melt/.kr.
Inhibition (yciv-Yurk Med. Journal, 1899). — 49. Max Verwoh.n. Die Vorgunije in den
Elementen des Ncrvensysteins {Sainmelreferat von XV intern. med. Kongrcss zu Lissabon,
avril 1906, et Zeitschr. f. alhjem. Physiologie, vi, 1907). — 50. Max Verwoh.n. Zur Kenniniss
der physiologischcn Wirkungcn des Strychnins (Arch. f. Anat. u. Physiol., ^ihysiolng.
Abth., 1900). — Ermudung, Erschôpfung und Erholung der ncrvôsen Centra des lliickcn-
mark'i [Ibid., Snppl., 1900). — 51. Tiki)E.ma.\.\. Untersuchungen iibcr das ubsolute llefrac-
tdrstadium und die Hcmmungsrorgânge im Rùckenmark des Strychninfrosches [Zeitschr. f.
allgem. Physiol., \, 1910). — 52. Fr.-W. Frohlich. Die Analyse der an der Krebsschcrc
auftretenden Hemmungen [Zeitschr. f. allgem. Physiologie, vu, 1907); — Der Mcchanis-
mus der nervosen Hemmungsvorgangc {Mcdiz.-naturiv. Archiv, 'i, 1907); — Beitrngc zur
.{nnlyse der Reflexfunction des liitckcnmarks mit besondercn Bcriicksichtigung von Tonus,
liahnung und llemniung {Zeitschr. f. allgem. Physiologie, ix, 1909). — 53. Fr.-W. Fhoii-
Licii. Das Princip der scheinbaren Erregbarkeitssteigerung [Zeitschr. f. allgem. Physiol., ix,
1909). — 54. BoRUTTAU. Die Actionsstrôme und die Théorie der NeiTcnleitung [A. g. P.,
Lxxxiv, 1901) ; — BoRUTTALi et FrOhlich. Elcctropathologische Untersuchungen iiber die
Veriinderung der Errcgungswelle durch Schadigung des Ncrven, [Ibid., cv, 1904). —
55. Fr.-W. Frohlich. Ûbcr die scheinbarc Steigerung der Leistungsfàhigkcit des c/uerge-
strciften Muskels im Reginn der Ermudung [Muskeltrcppe], der Kohlcnsaurewirkung, und
der Wirkung anderer Narkotica [.Ether, Alkohol) [Zeitschr. f. allgem. Physiol., \, 1905).
— 56. Fr. Reinecke. i'ber die Entartungsrcaction und eine Reihe mit ihr venrandtbar
Reactionen [Zeitschr. f. allgem. Physiol., vm, 1908). — 57. Thok.xeu. Die Ermïulung des
markhaltigen Nerven [Zeitschr. /'. allgem. Physiol., viii, 1908). — Weiterc Untersuchungen
iiber die Ermudung des markhaltigen Nerven : Die Ermudung in Luft und die scheinbare
Erregbarkeitssteigerung [Ibid., x, 1910); — Weitere Untersuchungen iiber die Ermudung
des markhaltigen Nerven: Die Ermïulung und die Erholung tinter Ausschluss von Sauersl'i/f
[Ibid. x, 1010).
IRONE. — (Gi^H'^eO). Principe odorant de l'iris, distillant à 144". CliaiilTée avec
Vacide ioilhydrique, elle donne de l'irène [C^'^E^^], bouillant 113°.
ISANIQUE (acide). — (C'^H=""0^) Substance que Hébert a extraite des
graines oIéa(L;ineuses d'ungueko (Congo).
ISATINE. — (C'H'AzO-). Produit de l'oxydation (par l'aciile nitrique ou l'acide
cbioinique) de l'indigotiue : C**!! 'A-'^-f-O^iC^H-'AzO-. C'est une substance cristallisable
de couleur rouge jaunâtre. Chauffée avec la potasse, elle donne de l'acide isatiijue
(C^H^zO^).
ISOALSTONINE. — (C'*H«0). Substance extraite du suc laiteux de
VAlstonia costulati, analogue à la gutta perciia (Borm'oi. Par la potasse elle donne de
l'alstol G-*H^*0). L'isoalstonine est soluble ù chaud dans l'alcool, tandis que l'aUtonine
est insoluble.
ISODU LCITE. — V. Rhamnose.
ISODYNAMIE. — V. Aliments.
ISOPYROINE. — (C^H^AzO») Alcaloïde extrait de VIsopyrum thalictroides.
702 ISOTONIE.
ISOXONIE. — I. Aperçu sur l'isotonie. — II. Introduction de la doctrine
de l'isotonie dans les sciences médicales par l'étude des globules rouges.
Échelle chromatique. Résistance globulaire. — III. Les règles de l'iso-
tonie, expliquées par la théorie de la pression osmotique (Van't HoflF) et de
la dissociation électrolytique (Arrhenius). — IV. Faculté des hématies
de supporter beaucoup d'eau ; importance de cette faculté pour la vie.
La solution saline << physiologique ». — V. Autres observations sur la solu-
tion saline « physiologique ». a) Le volume des globules rourjes et d'autres cellules ; b)
Coufivmntion de la théorie mentionnée par la méthode de l'abaissement du point de congéla-
tion, cryoscopie ; c) Méthodes pour évaluer la pression osmotique de très petites quantités de
liquide ; d) La solution saline physiologique à la licmière des observations faites sur la per-
inéaliililé. Une solution «aline isotor.iqiic au milieu propre d'une cellule n'est pas encore la
solution" physiologique » c'est-à-dire indifférente. —VI. Tendance dans la série ani-
male à garder la pression osmotique constante. Développement phylogéné-
tique de cette propriété. — VII. Importance de la pression osmotique ou
de l'isotonie dans la vie normale et pathologique. Quelques exemples.
a) Force motrice de la pression osmotique. Formation de la lymphe: h) Résorption dans les
cavités séreuses et non séreuses. Douleur et anesthésie locale; c) Règles diététiques en cas de
troubles gastriques; d) Diag?iostic et traitement des troubles circulatoires. Diagnostic de l'in-
suffisance des reins. Indication de la néphrectomie. — VII. Bibliographie.
Pour bien savoir ce qu'on entend par le mot d'isotonie, il faut remonter à 1882,
lorsque le botaniste Hugo de Vries l'introduisit dans la science.
C'était alors déjà un fait connu que toutes les substances solubles dans l'eau pos-
sèdent la propriété de l'attirer; par conséquent cela devait s'appliquer aux substances
contenues dans la cellule véjUîétale. Mais on ne connaissait guère la force avec laquelle
cette attraction se produit. C'est le grand mérite de Hugo de Vries d'avoir indiqué une
méthode exacte do la mesurer, métiiode pouvant également servir à l'évaluation de la
force attractive d'un grand nombre d'autres substances, qui ne se trouvent pas dans
le suc cellulaire.
I. - APERÇU SUR L'ISOTONIE.
La cellule végétale se compose d'un corps cellulaire et d'une membrane. Admettons
que la couche externe du corps cellulaire (le protoplaste) soit perméable à l'eau, mais
imperméable aux sels. La membrane est supposée être perméable à tous lés deux.
Qu'est-ce qui ai^rivera, si l'on place la cellule dans l'eau? Alors le corps cellulaire,
ou plutôt son suc, l'attirera: la cellule se gonflera.
Mais si au contraire on place la cellule dans une solution saline concentrée, le
corps cellulaire perdra de l'eau jusqu'à ce que la force hydrophile du contenu cellulaire
se soit mise parfaitement en équilibre avec celle de la solution saline ambiante.
La perte d'eau est cause que le protoplasme, en se rétractant, se détache de la
membrane cellulaire, phénomène qu'on appelle plasmolyse.
Il va sans dire que la plasmolyse sera d'autant plus prononcée que la solution
saline ambiante sera plus concentrée.
Si l'on cherche maintenant, pour la même cellule et pour des substances différentes,
les concentrations qui produisent un commencement de plasmolyse, on voit qu'entre
ces concentrations il existe des rapports très simples.
D'abord 07i constate que les concentrations des substances appartenant au même groupe
chimique sont proportionnelles aux poids moléculaires.
Supposons, par exemple, que, pour une espèce quelconque de cellules, la solution
de NaCl, provoquant un commencement de plasmolyse, soit de 0,50 p. 100, on trouvera
pour le KAzOs une valeur de 1,01 p. 100, pour le KBr une valeur de 1,19 p. 100 et pour
le Nal une valeur de 1,5 p. 100. On remarque que NaCl, KAzOs et KBr et Nal, tous sels
alcalins d'acides monobasiques, appartiennent au même groupe chimique et que leurs
poids moléculaires sont de 58,5, 101, 119 et 150.
Un autre groupe de combinaisons chimiques est celui qui contient un radical acide
bivalent, tel, par exemple, K^SOv et Na^SOi, C'est également ici que les concentrations,
provoquant un commencement de plasmolyse, sont proportionnelles aux poids molé-
culaires des substances.
ISOTONIE.
703
Prenons enlhi un dml aulio groupo do snltslancos; celui des sucres, comme sac-
charose, lactose, izlui'ose. Ici encore les concentrations »jiii opèrent un commi-nciincnt
de piasmolyse sont proportionutilles aux poids moléculaires. Si, par exemple, clie/
une espèce quelcomiiie de cellules, une solution de sucr<! de canno de ti,8i p. 100
provoque un commencement de piasmolyse, une solution de glucose de 3,00 p. 100
produira le même phénomène. Kn eflet, les poids moléculaires de saccharose et de
glucose sont de Vi2 et 180; par conséquent c'est le môme rapport. En général on
peut e.\i»rinier le résultat ainsi : Chaque molécule du mihne groupe attire l'eau accc la
tniUnc force.
Hugo dk Viiiks, à t[ui nous devons ces faits importants, a appelé les solutions, i|ui
dans la môme cellule provotiuent un commencement de [)lasmolyse, l('.so^<?i/7»t'.sl (de
(lao; et de Tjuo;), parce qu'elles produisent dans les cellules nue tension égale.
Donc une solution de saccharose de 6,8t p. 100 est isotonique avec une solulion de
glucose de 3,60 p. 100; une solution de NaCl 0,58;j p. 100 avec une solution de Iv.NOj. de
1,01 p. 100 et avec une solution de KBr de 1,19 p. 100, etc., ou autrement dit : une molécule
de saccharose attire l'eau t> r-
avec la môme force qu'une "■ ^ ^
molécule de glucose; une
molécule de NaCl possède
la même force attractive
pour l'eau qu'une molé-
cule de KNOa, KBr,NaI,etc.
Maintenant la question
est de savoir quel rapport
il existe entre la force
hydrophile de deux molé-
cules de groupes diffé-
rents? Est-ce qu'une mo-
lécule de saccharose a la
même puissance attrac-
tive pour l'eau qu'une
molécule de KNO3?
L'expérience nous apprend qu'il n'en est pas ainsi. Cependant de Vries trouva des
rapports très simples.
Si l'on preud 3 pour la force hydrophile d'une molécule KNO:!, celle de la molécule de
saccharose est de 2, celle delà molécule K-jSOi de 4; et celle d'une molécule de citrate de
potasse est de 0. Ces nombres 2, 3, 4 et 5 sont appelés par l'auteur Coefficients isotoniques.
D'après de Vries, ils expriment le rapport des forces avec lesquelles la molécule
d'une substance attire l'eau.
On comprendra qu'ils nous oITrent un moyen simple de calculer la concentration
d'une solution de sel, isotonique à une concentration connue d'une autre substance.
En voici un exemple : On veut savoir quelle est la concentration d'une solution de
glucose, isotonique à une solution de NaCl de 0,9 p. 100.
Le coefficient isotonique du NaCl est de 3; celui du glucose, de 2. Donc 2 molécules
de .\aCl (poids moléculaire ;i8,3) sont isotoniques à 3 molécules de glucose (poids mo-
léculaire 180). Par conséquent une solution de 2 x o8,o grammes de NaCl par litre
est isotonique à une solution de 3 x 180 grammes par litre. Donc la concentration
2 ^is.o "^ ^ ^ 180 = 5,13 p. 100.
FiG. 117. — A, Cellules noi-malcs m, membrane; B, Commencement de pias-
molyse; en p lo protoplaste s'est détaché de la membrane; C, Pias-
molyse considérable.
cherchée de la solution de glucose =
II. — INTRODUCTION DE LA DOCTRINE DE LISOTONIE DANS
LES SCIENCES MÉDICALES PAR L'ÉTUDE DES GLOBULES ROUGES.
ÉCHELLE CHROMATIQUE. RÉSISTANCE GLOBULAIRE
Après la publication de ce remarquable travail de de Vries, il me sembla
intéressant d'examiner si les règles de l'isotonie se manifesteraient aussi dans la
■0^
ISOTONIE.
cellule animale. Dans ce but on commença par l'étude des globules rouf^es du
sang (1883).
Voici rexpérience fondamentale qui servit de point de départ à toutes ces recherches :
expérience grâce à laquelle la chimie physique a fait son entrée dans le monde
médical :
Dans neuf éprouveltes, ou verse 20 centimètres cubes d'une solution de KNOa de
1.08 p. 100, 1.06 p. 100, 1.04 p. 100, i.02 p, 100, 1 p. 100, 0,98 p. 100, 0.96 p. 100 et
0.94 p. 100; puis on ajoute cinq gouttes de sang de bœuf défibriué et on laisse reposer.
Au bout de quelque temps on constate que dans les premières éprouveltes les globules
rouges se sont déposés au fond et n'ont communiqué au liquide aucune teinte, con-
trairement à ce qui s'est passé dans les auti'es éprouveltes, où l'on observe que le
liquide au-dessus des globules déposés est devenu rouge et cela d'autant plus que la
solution est plus faible. Dans la solution de KAzOs de 1.02 p. 100 les corpuscules gardent
leur matière colorante, tandis qu'ils en perdent une quantité minime dans une solu-
tion de 1 p. 100.
Si, d'autre part, on cherche non seulement pour le nitre, mais encore pour d'autres
sels, deux limites de concentration, l'une où les globules rouges ou hématies tombent
au fond et laissent encore le liquide incolore; et l'autre où le liquide restant m^ontre
une couleur rouge, alors on remarque que les solutions moyennes entre ces
deux limites de concentration sont isotoniques, dans le sens que de Vries donne à
ce mot.
Le tableau suivant donne un aperçu de quelques expériences faites à cet elfet. On
ne parle ici que de substances employées par de Vries dans ses recherches.
Comme le montrent les deux dernières colonnee, les nombres s'accordent d'une
manière satisfaisante.
DOSE
DOSE
SOLUTIONS
QUI, d'après
\ LAQUELLE
A LAQUELLE
les recherches
les globules
les globules
de DE Vries,
SUBSTANCES.
rouges
rouges
commencent
MOYENNE.
sont
isQtoniques
se précipitent
à donner
avec
dans un liquide
une teinte .
une solution
incolore.
un pou rouge.
de nitre
de 1,01 p. 100.
p. 100.
p. 100.
p. 100.
p. 100.
Nitrate de potasse (KNO:)). . . .
1,01
1,00
1,01
0,01
Chlorure de sodium (NaCl) . . .
0,6
0,58
0,59
0,585
Sulfate de potasse (IvoSOi) . . .
1,10
1,06
1,11
1,305
Sucre de canne (Ci2H220ji). • •
6,29
5,63
5,96
5,13
Acétate de potasse (CH3COOK!.
1,072
1,003
1,03
0,98
Oxalate de potasse /COOKX .. .
1,27
1,18
1,225
1,245
VCOOK/
Sulfate de magnésie (MgS04). .
1,84
1,72
1.78
1,80
Chlorure de calcium fondu (CaCl-) .
0,853
0,974
0,823
0,832
Ajoutons encore ici un tableau, donnant un aperçu des résultats obtenus avec des
sels, que de Vries n'a pas compris dans ses recherches. Dans la dernière partie de ce
tableau sont calculées les concentrations de sels isotoniques avec une solution
HAzOade 1.01 p. 100.
On verra que les chiffres obtenus avec les hématies s'accordent exactement avec les
nombres qui d'après les règles de de Vries, ont été calculés comme isotoniques avec une
solution de HAzOa de 1,01 p. 100.
SOTONIE.
705
DOSK
DOSK
CALCLLH
A i.Ai.an-.i.i.i-;
A I,A(jUKI,I.K
eOMMK
les globules
ios plol)ules
isotiiniipii'
."^UEJSTANCK.S.
rouges
se précipitent
dans lin lif|uiilo
incolore.
rouf^cs
coniniencenl
A donner
une (crlainc
teinte.
MOYKNNK.
avec une
solution
(le KAzO,
■ \r I.OI p. 100
|.. 100.
p. 100.
p. 100.
p. 100.
Induré de iKiliissiiiiii (Kl. . . .
1,71
i,;;7
1 M
l,Bfi
lodure de sodium (Nal)
l,o4
l,'<7
i,:;i
1 ,;io
Bromure de potassium (KBr) . .
1,22
1 , 1 :t
1,17
1,19
Bromure de sodium (NaBr). . .
i.oi;
0.9S
1.02
1,03
Chlorure île magnésium (MgCIj.
Za>1
1 ,;is
1,87
l,.-i7
1,7:;
i,:;!.-;
1.81
1 ,;i22
1,83
Chlorure de baiyum i^BaClj.Zao).
Ces données établies pour le sang de bœuf, on les trouva éfjalement exactes pour le
sang d'homme, de cheval, d'oiseau, de poisson et de grenouille. Toutefois les chiffres
absolus dillV-raient. Ou trouva, par exemple, dans une série d'expériences relatives au
poulet, on moyenne un commencement dr dégagement de substance colorante dans une
solution de NaCl de 0.V6 p. 100 et pour la grenouille dans une solution de NaCI de
0.21 p. 100. Nous disons « en moyenne » ; car, pour une même espèce animale, la con-
centration à laquelle les globules rouges commencent à dégager de la matière colo-
rante n'est pas toujours identique. Néanmoins les écarts d'un individu à un autre ne
sont pas très grands.
Avant de finir ce paragraphe, qu'il soit permis de faire deux remarques.
D'abord nous voulona faire ressortir L' importance de ce fait, que les poids moléculaires,
dont la conception repose tout entière sur des hi/pothèses d'ordre chimique et plu/sique, se
laissent déterminer par deux méthodes bioloqiques différentes. C'est lu une des meilleures
preuves que nous marchons dans la bonne voie.
l,a deuxième remarque se rapporte à une application de « l'échelle chromatique »,
pour l'évaluation de la. résistance des globules rouges en divers états physiologiques et
pathologiques.
Tous les agents capables de détruire les globules rouges peuvent être utilisés pour
mesurer leur résistance. On n'a en eflet qu'à établir, pour les divers cas, à quel degré
un agent peut être appliqué sans qu'il fasse perdre aux corpuscules leur matière
colorante : on évalue ainsi la résistance de ces derniers. Beaucoup d'agents ont été
essayés (congélation, pression, décharges électriques, etc.), mais aucun de ces agents
n'a trouvé jusqu'ici une application aussi fréquente que les solutions salines diluées.
Kn ell'et, non seulement il résulte de l'expérimentation que les globules sanguins
se montrent très sensibles vis-à-vis de ces solutions, mais on sait (jue les dill'é-
rences déconcentration de solutions salines jouent un rtMe impurlant dans l'organisme
animal.
Le premier ([ui ait signalé l'usage des solutions salines diluées est Juha.nn Dunc.mv
(1867). Cet auteur observa que dans la chlorose les globules sanguins perdent de la
matière colorante dans une solution saline où les corpuscules du sang de l'homme
normal la gardent encore. Mais c'est à M.\i,.\ssi:z qu'on doit des recherches systéma-
tir[ues dans cette voie. En 1872. cherclianL avec Potai.n à trouver un bon liquide de
dilution pour la numération des globules rouges, il remarqua qu'il existe des diffé-
rences entre la rapidité avec laquelle les globules d'origine diverse, provenant par
exemple de l'homme normal et de l'homme malade, se détruisent dans une seule et
même solution diluée. Plus la destruction des globules sanguins est rapide, plus on
peut considérer leur résistance comme faible. F.,a méthode consistait à faire des numé-
rations successives et à intervalles de temps déterminés d'un mélange de sang et de
solution saline tiès diluée et à titre constant. I.,a sérit; des chiffres obtenus par les numé-
rations successives permet d'établir un tracé, qui, en donnant la courbe de destruction
hier. UE l'IlYSlULOGlE, —
706
ISOTONIE.
des globules, indique leur résistance." Après Malassez, ce fut Chanel, qui, travaillant
sous la direction de Lépine, en 1880, pratiqua des évaluations de résistance, également
par le procédé de numération, mais exécutées d'une autre manière.
Les deux méthodes ont peu attiré l'attention du public médical jusqu'en 1895; on
les trouve rarement citées, même dans la littérature française, et tout aussi rarement
appliquées. Nous ne pouvons guère citer ici que les noms de Havem et de Renaut
Sous ce rapport, la méthode de Landois n'a pas joui d'une vogue plus grande. Cet
auteur a proposé de diluer une petite quantité de sang avec une solution de 'chlorure
de sodium à 0.3 p. 100 et d'examiner au microscope combien d'eau il faut ajouter pour
obtenir la destruction de toutes les hématies.
Un accueil plus favorable fut réservée notre méthode de Ic-chelle chromatique, que
^^^^^^^ nous avions employée avec succès depuis 1883 pour étudier les lois de
^^^^^^P l'isotonie dans l'organisme animal, et qui plus tard fut utilisée par Vo.\
3 P l.iMiJKCK d'abord (1890), puis par une série d'autres observateurs, pour
évaluer la résistance des globules rouges du sang de l'homme malade.
Elle consiste à chercher la solution saline la plus diluée, dans laquelle
tous les globules sanguins, même les plus vulnérables, conservent
encore leur matière colorante.
On a fait une série d'évaluations d'après ladite méthode, grâce
à l'exécution facile du procédé, grâce à l'exactitud»; avec laquelle on
peut établir des différences minimes, et surtout grâce aux faits remar-
(jual)les que la méthode dite des globules rouges a mis au jour relati-
vement à la grande imiiortance de la pression osmotique dans l'or-
ganisme animal.
Nous ne discuterons pas les résultats obtenus par ce procédé, ni
leur valeur pour la clinique; nous ne donnerons pas non plus une
analyse des facteurs qui jouent un rôle dans la soi-disant résistance
des hématies vis-à-vis des solutions salines; ce n'est pas ici le lieu.
(Ju'il nous soit permis de renvoyer pour cela à notre article dans le
joninal de Phytiiolugic normale et palholiKjique, 1900, p. 889. Seulement
nous voulons attirer l'attention sur quelques améliorations d'ordre
technique, surtout parce que la méthode s'emploie encore pour plu-
sieurs autres raisons qui se rattachent plus étroitement à notre sujet.
Nous employons, maintenant, à la place des tubes à réaction, des
tubes en entoinioir dont le goulet capillaire est fermé en bas et exac-
tement calibré en lUO parties volumétriques égales. La partie ca'ibrée
a environ une longueur de 48 millimètres et a un contenu exact de 0,04
centimètres cubes. La partie en entonnoir a à sa partie supérieure un
diamètre de 10 millimètres et un contenu de -!- 3 centinu'tres cubes.
Elle peut être fermée iiu moyen d'un couvercle en ébonite, muni d'un
anneau de caoutchouc. Ce couvercle permet d'agiter et de mélanger intimement le
liquide avec le sang. De cette façon on empêche l'évaporation, de sorte que la solution
saline garde sa concentration (190."j). La longueur totale du tube (y compris la partie en
entonnoir) est de -f- 93 milliuiètres (lig. 118).
Tous les tubes possèdent les mêmes dimensions ; seulement les longueurs de la
partie calibrée montrent une petite différence entie elles. En exigeant que le contenu
volumétrique du goulet gradué soit toujours exactement de 0,04 centimètres cubes, une
raison d'ordre technique oblige de permettre une petite marge dans la longueur. On
met dans la partie évasée en entonnoir 0,06 centimètres cubes de sang, qu'on mesure au
moyen d'une pipette capillaire graduée, puis on ajoute 2 centimètres d'une solution de
NaCl, dont la concentration diminue progressivement. Après avoir fermé le tube par le
petit couvercle en ébonite, mélangé intimement le sang avec la solution saline, et
abandonné les tubes à eux-mêmes durant une demi-heure, on les centrifuge. De'jà au
bout de cinq minutes, même en cas de faible rapidité du centrifugeur ( i 000 tours par
minute), les globules ont été déposés et les parties en entonnoir ne renferment qu'un
liquide transparent, dépourvu de globules. Si l'on place ces tubes dans une étagère
contre un fond blanc et qu'on les regarde à la lumière incidente, on peut exactement
VC7
FiG. 118.
Hémaiiniètro.
ISOTONIE.
707
observer dans quel tube commence l;i sortie de matière colorante, et dans quel tube
cette sortie ne s'est pas encore opérée.
On peut réunir dans une caissette tous les ustensiles nécessaires à cet effet; elle
renferme douze tubes en entonnoir, deux pipettes capillaires, une étagère avec fond
blanc pour les tubes capillaires et un dispositif qu'on peut mettre en avant, et qui
permet d'y déposer de petits tubes à réaction. La ligure 3 montre cette seconde éta-
gère disposée pour l'expérience. On y voit filtrer du sang défibrine', opération ayant
pour but d'écarter la fibrine. Après qu'on s'en est servi, on peut rabattre l'étagère.
Dans un petit tiroir, il y a de la place pour les difîérents ustensiles.
La figure 119 a montre la caissette fermée; et la figure 11!) h, ouverte.
La manière d expérimenter, que nous venons de décrire, jjrésenle plusieurs avantages :
[" Elle exige peu de temps; en eOet, on n'a pas à attendre, comme lorsqu'on se sert
des tubes à réaction ordinaires, que les globules saijguins soient descendus spontané-
FiG. 119. — Disposiiif pour la mesure de l'isotouie.
ment de + 1 centimètre, ce qui prend en général environ 2 beures, mais on peut
activer considérablement le dépôt par l'appareil centrifuge;
2° La quantité de sang est minime, et on peut la restreindre encore en enlevant le
li(iuide incolore de la partie évasée et en remplaçant celui-ci par une solution plus
faible jusqu'à ce qu'une teinte rougeâtre devienne apparente ;
3° On peut toujours employer un ou plusieurs des tubes pour la détermination
d'autres valeurs (voir ci-dessous).
4° — Et ce point présente une importance capitale — si tous les expérimentateurs
veulent employer des tubes ayant la forme et les dimensions décrites et prendre les
mêmes volumes de solution saline et de sang que ceux que nous venons d'établir, on
obtiendra des résultats qui pourront être comparés mieux qu'on n'a pu le faire jus-
qu'ici. En effet, si l'on emploie toujours les mêmes tubes, l'épaisseur de la couche
liquide sera toujours la même; ce qui est un facteur très important dans la détermina-
tion de la sortie de matière colorante. Et quant au rapport entre le volume du sang et
celui de la solution saline, il est facile de comprendre qu'une teinte rouge deviendra
d'autant plus apparente, qu'il existe un plus grand nombre de corpuscules de la résis-
tance mininmra, c'est-à-dire plus de sang dans le mélange. La proportion de sang n'est
donc pas mdifférente pour la fixation de la limite. La dilution proposée est de 0,05 ce.
de sang sur 2 centimètres cubes de solution saline, c'est-à-dire de i sur 40. L'expé-
rience a prouvé que cette dilution n'est ni trop faible, ni trop forte. C'est à cette dilu-
tion (^u'on a fait adapter les dimensions des tubes (1900).
IM— LES RÈGLES DE L' ISOTONIE EXPLIQUEES PAR LA THÉORIE DE
LA PRESSION OSMOTIQUE VAN'T HOFF) ET DE LA DISSOCIATION
ÉLECTROLYTIQUE ARRHENIUSi.
On se rappelle que les recherches sur la plasmolyse (1882) avaient amené à cette
conclusion que 3 molécules de sucre de canne ont la même attraction pour l'eau
10^ ISOTONIÉ.
que 2 molécules de Na(^,l (à proprement parler dk Vhies ne trouvait pas le chiflYe i,
mais 1,88; cependant il choisit le chiffre 2 pour avoir un chiffre arrondi). Mais pour
quelle raison une molécule de NaCI ]>ossédait une plus i,'rande force attractive sur l'eau
qu'une molécule de sucre de canne, voilà ce qui restait une énigme. Il fut réservé aux
théories de Van t'Hokf-Aurhe.mus (1887) de la résoudre.
D'après Van t'Hofi' toutes les molécules, de quelque nature qu'elles soient, ont la
même force attractive sur l'eau.
Mais on remarquera immédiatement que cela ne concorde pas avec la réalité; car je
viens de dire que 3 molécules de sucre de canne correspondent à 2 molécules de
.\aCl. En effet cette théorie de Van t'Uoi f avait besoin d'une extension, et cette exten-
sion, nous la devons à Aurhe.mus.
D'après ce savant suédois, dans chaque solution sainte aqueuse le sol est entière-
ment ou partiellement dissocié en ions. Ainsi dans une solution de chlorure de sodium,
le NaCI est dissocié en Na et CI'; dans une solution de sulfate de potasse, K2S0i est
dissocié en 2 K- et SO;". Plus la solution est diluée, plus le pourcentage des molécules
dissociées sera grand.
Or, Van t'IIofi prouva qu'un ion exerce la même force attractive sur l'eau qu'une
molécule de sel non dissocié, de sorte i|ue la dilution d'une solution saline renforce
relativement sa puissance hydrophile.
Dans les solutions de ?<aCl employées par de Vriks et par moi, une partie des molé-
cules de NaCI était dissociée en Na- et Cl'. Par conséquent le nombre des particules
hydrophiles avait augmenté, et augmenté à un tel degré que 1,88 molécules de NaCI
donnaient naissance à 3 particules (molécules non dissociées -f ions) que nous avons
proposé de nommer ensemble : moUons. D'après la théorie d'ARRUKML's les substances
qui ne conduisent pas le courant électrique, ne se dissocient pas en se trouvant en
solution aqueuse. A cette catégorie de substances appartiennent les sucres. En dissol-
vant donc 3 molécules de sucre de canne, il ne se produira aucune augmentation de
particules. Ainsi on pourra comprendre que 1,88 molécules de NaCI peuvent repré-
senter la même force attractive pour l'eau que 3 molécules de saccharose : une partie
du NaCI subissant une dissociation électrolylique en Na* et Cl', le saccharose ne se
dissocie pas.
Mais, dira-t-on, comment savoir que dans le cas présent 1,88 molécules de NaCI
se sont changées en 3 molions, ou, autrement dit, que 1 molécule de NaCI s'est chan-
gée en 1,6 molions? La réponse est que les méthodes purement physico-chimiques l'ont
démontré.
Relevons d'abord la méthode de la conductibilité électrique.
D'après la conception d'AïuiuENius, aucune substance non dissociée ne conduit le
courant électrique. Ce sont exclusivement les ions, qui possèdent cette propriété. Donc,
une solution de sucre de canne ne conduit pas le courant électrique, une solution de
NaCI par contre le conduit, non au moyen des molécules de NaCI, mais grâce à ses ions
libres, Na- et Cl'. Par conséquent la valeur de la conductibilité sera une mesure pour
la concentration des ions libres, c'est-à-dire, pour la dissociation électx'olytique. Ce
n'est pas la place ici de décrire la technique de la méthode. Relevons seulement qu'on
emploie celle de Kohlrausch, méthode simple et très exacte (Voir, pour la description,
avec exemples; 11ambur(;er, Osmotiscker Driick und Jonenlehrc, 1, 1902).
En pratiquant cette méthode, on a trouvé, en effet, que dans la solution de NaCI,
employée par de Vries, une partie des molécules de NaCI se dissocie à un degré tel que
de n molécules prennent naissance 1,0 n molions. On remarque donc que la dissocia-
tion est partielle. Car, si toutes les n molécules de NaCI s'étaient dissociées, on aurait
obtenu 2 n particules. Une telle dissociation ne se produit que quand la solution est
extrêmement diluée.
Une confirmation toute semblable et aussi très nette a été apportée par une autre
méthode physico-chimique, savoir celle de l'abaissement du point de congélation. C'est
un fait depuis longtemps connu que la température de congélation d'une solution
aqueuse est plus basse que celle de l'eau. La substance dissoute exerce une influence
inhibitrice sur la congélation de l'eau : comme on sait, dans une solution aqueuse, géné-
ralement ce n*est que l'eau qui gèle; néanmoins on parle du point de congélation « de
ISOTONIE. 70!»
la solution <>. La cause de cettt! iiillueiice doit se trouver dans co l'ait quo les particules
salines, grâce ù l'allraetion (iii'ellra exercent sur les particules (ïeau, ont pour rùle d'cm-
pêclier les dernières de se juxlapuser et par conséiiuetil de revêtir l'état solide.
D'après la conception de Van i IIoi'k, toutes les molécules non di^sociées et tous les
ions, de n'importe quelle nature, possèdent une force attractive pour l'eau parfaite-
ment égale; par conséquent leur force inhibitrice sur la congélation ne difîérera pas
non plus. Plus grand est donc le nombre des molions dissous, plus difficile sera la ron-
fjélation et plus la tt»mpéral\ire doit être basse |)our amener cette dernière.
Il en résulte que la détermination de l'abaissement du point de congélation doit
oll'rir un moyen simple pour évaluer la quantité des molions dans un certain volume
d'une solution.
lin pratiquant cette méthode, on trouve en eflet que pour préparer la solution saline
d'un ordre de concentration que dk Vuies a employé, on n'a qu'à dissoudre n molé-
cules do NaCl pour obtenir un liquide qui contient 1,0 n molions; ce liquide amène le
même abaissement du point de congélation qu'une solution de saccharose, contenant
dnns le même volume 1,0 n molécules de celte substance.
On voit que les coefticients isotoniques se laissent interpréter d'une façon toute
naturelle par la théorie de V.w'r Hokf-Aukhenius.
C'était un hasard heureux que les concentrations nécessaires pour les corpuscules
rouges des animaux au sang chaud, fussent du même ordre que celles employe'es
pour la plasmolyse des cellules végétales. Sans cela on n'aurait pas retrouvé les coef-
ficients isotoniques chez les hématies avec une exactitude si frappante. Car en admet-
tant qu'ils se basent sur la dissociation éleclrolytique et qu'ils en sont même l'expres-
sion, nous comprendrons qu'ils ne peuvent représenter des valeurs fixes, comme i»f. V'iues
se le figurait; ils varient avec la concentration.
Mais, lorsque dk Vkies publia ses recherches sur la plasmolyse (1882) et 1Ia.\ibuiu;rr
les siennes sur l'échelle chromatique des corpuscules rouges (1883), la théorie de Van't
Hoff-Arrhknius n'avait pas encore été énoncée. Celle-ci date de 1887.
Toutefois, on lit quelquefois que les recherches mentionnées de de Vries et de Hamhlh-
GKu sont un fruit de la dite théorie. Il n'en est pas ainsi. Il serait plutôt vrai de dire
que ces recherches ont contribué beaucoup à sa fondation.
On peut ajouter qu'avant 1892 on cherchera eu vain l'exposé de cette théorie dans la
littérature médicale; en effet, on verra qu'entre 1883 et 1892, une quantité considé-
rable d'études physico-chimiques sur le sang, la lymphe, la résorption ont été faites
sans son secours. Cependant, personne ne voudra prétendre que la théorie de Van't
Hoi-k-Arrhenius n'ait pas été de haute importance pour les sciences médicales; non
seulement elle a beaucoup contribué à intéresser le monde médical à la chimie phy-
sique, mais aussi ell(;-mème a rendu des services d'une grande portée, et assurément
elle en rendra encore bien d'autres.
Avant de finir ce paragraphe, il nous reste encore à nous justifier de nous être
étendu sur les coefficients isotoniques, quoiqu'ils aient été résolus dans la théorie de
Van't Hoki-Arrhenius. D'abord ils gardent un intérêt historique et encore un intérêt
purement expérimental; puis ils offrent un moyen simple de calculer la concentration
d'une solution isoionique avec une solution connue d'une autre substance. Il est vrai
que le calcul ne garantit pas des résultats très exacts; mais, d'autre part, il est très
simple et on peut l'exécuter sans disposer de tableaux, comme pour le calcul au moyen
de l'abaissement du point de congélation ou au moyen de la conductibilité électrique.
D'ailleurs ces tableaux sont encore loin d'être complets, et même il y a des substances
sur lesquelles il n'existe pas de données du tout. Nous faisons usage des coefficients
isotoniques encore très souvent.
Peut-être est-il utile d'en donner un exemple. Soit la question : quelle est la
concentration d'une solution de Na.jSO; isotonique avec une solution de KNOs de
l,ip. 100?
Le poids moléculaire de KNO3 est de 101 ; celui de Na^SO^ de 142. Or, si une molé-
cule de KNOj était isotonique avec une molécule de .NaiSOt, une solution de KNO;-,
142
1,4 p. 100, correspondrait à une solution dr .Na^SO; de -— X 1,4 p. 100 — l.'.iT p. 100.
71(1
ISOTONIE.
Cependant le Na^SOt possède le coefficient isotonique 4 et KNO3 le coefficient 3. Par
conséquent, la solution de Na-iSOt isotonique avec une solution de KNO3 de 1,4 p. 100
est de 1,97 x .3/4= 1,48 p. 100.
Comme nous avons dit, la méthode ne réclame pas une grande exactitude, mais
pour bien des cas elle suffit.
Ajoutons enfin un petit tableau des coefficients isotoniques :
Pour les composés organiques sans métal (p. ex. saccharose), 2.
Pour les sels alcalins monoatomiques (p. ex. NaCl), 3.
Pour les sels alcalins biatomiques (p. ex. K2S0i), 4.
Pour les sels alcalins triatoraiques (p. ex. Na^BoOi), ÎJ.
Pour les sels alcalins-terreux monoacides (p. ex. MgCli), 4.
Pour les sels alcalins-terreux biacides (p. ex. MgSOv), 2.
Pour mieux retenir ces chiflres, ou n'a qu'à se rappeler que le coefficient isotonique
d'un sel est égal à la somme des coefficients partiels des parties constituantes.
Les coefficients partiels sont :
Pour chaque radical acide, 2.
Pour chaque atome d'un métal alcalin, 1.
Pour chaque atome d'un métal alcalino-torreux, 2.
La règle s'applique aussi aux sels acides.
Ainsi on calcule pour l'oxalate acide de potasse 1 + 2 = 3.
Mais jusqu'ici nous n'avons pas encore parlé de ce qu'on entend par le terme de
pression oamotique.
Soit un vase cylindrique renfermant une solution de sucre de canne de 1 p. 100.
Au-dessus du liquide est disposé un piston, consistant en une membrane semi-per-
méable, c'est-à-dire en une membrane
qui laisse passer l'eau, et non pas b; sucre.
Au-dessus de ce piston membraneux, ver-
sons de l'eau distillée.
Qu'arrivera-t-il?
D'après la conception de Van't Hoff, il
existe une analogie parfaite entre les
corps dissous et les corps gazeux. C'est un
fait connu que les molécules gazeuses ont
une grande tendance à s'écarter les unes
des autres. Qu'on s'imagine un moment
qu'au lieu d'une solution de sucre il se
trouve en A un gaz. Par la tendance des
molécules gazeuses à s'écarter les unes
des autres, elles exercent une pression
contre les parois et aussi contre le piston.
Le piston s'élèvera avec une force qui peut
être évaluée en plaçant des poids sur C.
D'après la loi d'AvoGADRo, la pression du gaz sur le piston dépendra seulement de la
quantité de molécules gazeuses dans l'unité de volume; elle est absolument indépen-
dante de la nature du gaz.
D'après Vax't Hoff, les particules dissoutes ont également tendance à s'écarter
les unes des autres et dans le cas présent elles exerceront également une pression
contre les parois et contre le piston qui s'élèvera. Cette élévation est due au fait que
des molécules aqueuses traversent le piston semi-perméable de B vers A; par
contre, la membrane semi-perméable du piston oppose une barrière infranchissable au
sucre.
Or Van't Hoff a appelé la pression qu'exercent les particules dissoutes, la pression
osmotique.
Tout comme pour les gaz, la valeur de cette pression est exactement proportion-
nelle au nombre des molécules dans un volume donné et est indépendante de leur
nature.
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FiG. 120. — Théorio de la pression osmotique.
ISOTONIE. 714
D'après celte loi, un rertain nombre de moldcules de NaCl, dissoutes dans un litre
d'eau, devrait exercer la même pression osniotique que l<^ mt^ine nombre de nioi^'culesde
sucre dans un litre d'eau.
L'expérience apprend cependant qu'il n'en est pas ainsi. En ell'et, la pression osmo-
tique de la solution de XaCl se montre plus élevi'e que cette loi ne le fait supposer.
Ce grand désaccord disparut par la théorie d'AnniiKNius, d'après laquelle la solution
aqueuse de NaCl est totalement ou partiellement dissociée en ions.
Et Van't Hoff parvint à établir que dans la pression osmotique la part de chaque
ion est exactement équivalente à celle d'une molécule non dissociée.
Jusqu'ici nous avons attribué la turgescence do la cellule végétale o\i animale dans
l'eau à l'attraction qu'exerce le contenu de la cellule sur l'eau. En appliquant cette
interprétation à notre expérience ci-dessus, nous dirons: le sucre de canne a attiré
l'eau de B ; donc le volume de A a augmenté.
Mais la théorie de Van'ï Hoi'K envisage ce processus d'une autre manière : la pres-
sion des molécules de sucre contre le piston semi-perméable élève celui-ci. Pour com-
penser le vide ainsi produit, des molécules aqueuses de R doivent traverser la mem-
brane semi-perméable et se rendre en A.
De même la pression des particules {molécules + ions) contre la couche externe du
protoplasme fait gonfler la cellule.
Néanmoins on emploie encore souvent, au lieu de l'expression pression oamotique,
l'expression fautive : force attractive sur l'eau ou force hydrophile, probablement parce
qu'ainsi la représentation des phénomènes semble plus commode. Du reste, l'ancienne
dénomination ne comporte pas de difficultés, et la mesure de la force qui fait gonfler la
cellule est tout à fait la mènif^ dans les deux cas.
IV. - FACULTE DES HÉMATIES DE SUPPORTER BEAUCOUP D'EAU;
IMPORTANCE DE CETTE FACULTÉ POUR LA VIE. LA SOLUTION
SALINE « PHYSIOLOGIQUE -.
Nous venons de constater que pour chaque sel il existe une solution limite, dans
laquelle les globules rouges ne perdent pas leur matière colorante. On pourrait croire
qu'ils s'y maintiennent tout à fait à l'état normal.
Un examen approfondi montre qu'il n'en est pas ainsi : les globules s'y gonflent,
mais non pas au point de permettre à l'hémoglobine de sortir.
L'examen microscopique des hématies de la grenouille a été le point de départ de
la démonstration de ce fait important. En les examinant dans les solutions de NaCl de
dilférentes concentrations, on ne les trouva inaltérées que dans une solution àO,6 p. 100;
dans les solutions plus fortes ou plus faibles, elles subirent des altérations. Mais la
solution-limite, dans laquelle elles commencèrent à perdre de la matière colorante, est
une solution de NaCl à 0,21 p. 100, tandis que dans une solution à 0,22 p. 100, les cor-
puscules gardèrent leur hémoglobine. Alors nous avons énoncé l'hypothèse que la
solution de NaCl à 0,0 p. 100 doit être isotonique avec le sérum.
Si cette déduction fut exacte, on jtouvait donc supposer que le sérum de grenouille
devait être étendu de la même quantité d'eau que la solution de NaCl de 0,0 p. 100
pour produire le dégagement de la matière colorante des globules rouges. Car, pour
obtenir la solution de NaCl 0,21 p. 100, il faut étendre une solution de 0,0 p. 100 avec
environ 200 p. 100 d'eau.
En effet, lorsqu'on étend \e scruin de grenouille avec cette quantité d'eau (200 p. 100)
on obtient un liquide qui possède également le pouvoir de produire un commencement
de perte de matière colorante.
Ce fait comporte une triple signification :
i" D'abord il conduit à cette conclusion remarquable qu'o/t peut étendre le sérum
avec beaucoup d'eau, avant quil ne se dégaije de la matière colorante. Et cela n'est pas
seulement le cas pour le sang de grenouille, mais aussi pour le sang de l'homme, de
cheval, de bœuf, d'oiseau, de poisson, etc. On peut, par exemple, diluer le sang de
l'homme et du bœuf de 00 p. 100 à 90 p. 100, le sérum d'oiseau de 130 p. 100 à
712 ISOTONIE.
200 p. 100, le sérum de poisson de 100 à 145 p. 100 d'eau, avant qu'ils ne soient capables
d'enlever à leurs propres globules sanguins un peu de substance colorante.
On ne peut dénier à ce fait une importance capitale, quand on songe que, dans la
vie normale, la teneur en eau du liquide sanguin est soumise à des variations très
marquées, survenant souvent d'une façon brusque. On n'a qu'à se rappeler les amples
masses d'eau qui se mélangent à la masse sanguine. Or, si une dilution aqueuse relati-
vement excessive du plasma devait provoquer la sortie d'bémoglobine, c'en serait vite
fait de la vie bumaine, car autant l'hémoglobine est utile et nécessaire à l'existence
pendant quelle est renfermée dans les globules, autant elle est nuisible et dangereuse
dès qu'elle se trouve à l'état libre dans le plasma sanguin. Les reins s'altèrent;
il se produit de l'ictère de par le fait que l'hémoglobine libérée exagère la sécrétion
biliaire du foie et qu'il s'opère une résorption de bile. Les globules dépourvus de leur
hémoglobine adhèrent en masse les uns aux autres, et amènent l'obstruction des capil-
laires avec toutes ses conséquences.
2" Les observations mentionnées nous ont conduit à Vélaboralion d'une méthode d'évalua-
tion de la puissance attractive du sérum et dautres liquides organiques et inorganiques, sur
/■eaM(1884).
Voici cette méthode, exposée en quelques mots :
On désire par exemple évaluer la force attractive sur l'eau du sérum de sang de
cheval :
Six tubes à réaction contiennent "i centimètres cubes de sérum en question; on y
ajoute, au moyen d'une burette graduée, successivement 3,1 — 3,0 — 2,9 — 2,8 — 2,7 —
2,0 centimètres cubes d'eau. A chaque mélange on ajoute 3 gouttes de sang défibriné,
et Ton agite.
On verse ensuite dans G autres tubes à réaction successivement 8 centimètres cubes
de solution de NaCl à 0,02; 0,01; 0,00; 0,:i9;0,;i8; 0,57 p. 100; on ajoute à chacune de
ces solutions 3 gouttes de sang défibriné et on agite.
Après quelques heures, ou, en se servant de l'appareil centrifuge, après quelques
minutes d'attente, on voit que le dépôt des globules rouges s'est opéré dans tous les
tubes à réaction. Le liquide qui surnage est libre de toute matière colorante dans trois
tubes à réaction, notamment dans ceux auxquels on a ajouté à 5 centimètres cubes
de sérum 2,6, 2,7, et 2,8 centimètres cubes d'eau. Le liquide est au contraire rougeàtre
dans le tube où on a versé 2,9 centimètres cubes d'eau, et devient dans les tubes sui-
vants d'autant plus rouge que l'eau ajoutée l'a été en quantité plus forte.
Si l'on examine parallèlement les tubes renfermant les solutions salines, on trouve
que dans la solution 0,59 p. 100 il n'y a pas sortie d'hémoglobine, mais bien dans celle
2 9-1-28
de 0,58 p. 100. Le mélange 5 centimètres cubes sérum + — — 5-^^- centimètrescubes
d'eau est isotonique à une solution de NaCl * p-^ x 0,585 = 0,92 p. 100
Nous reviendrons encore sur cette méthode.
Les résultats mentionnés confirment l'opinion que le milieu naturel des globules
rouges de la grenouille, c'est-à-dire le plasma, ou, ce qui revient au même, le sérum,
est isotonique avec une solution de NaCl de 0,6 p. 100.
Naguère on désignait cette dernière solution sous le nom général do solution physio-
logique, en la considérant comme totalement indifférente non seulement vis-à-vis des
globules et des tissus de la grenouille, mais encore vis-à-vis de ceux de tous les autres
animaux quels qu'ils soient.
On comprend maintenant que l'indifférence d'une telle solution à 0,6 p. 100 n'existe
que pour les globules et les tissus de la grenouille. Les corpuscules du cheval, du
bœuf, de l'homme et d'autres mammifères au contraire y subissent un gonflement sen-
sible ; mais le gonflement fait défaut dans une solution de ± 0,9 p. 100, solution qui
est, en effet, isotonique avec leur sérum sanguin.
La solution de NaCl 0,0 p. 100 n'est isotonique qu'avec le sérum sanguin de la
grenouille.
L'erreur de considérer cette solution de 0,6 p. 100 comme favorable à la vitalité des cel-
lules des mammifères dérive probablement de l'habitude que l'ou a de choisir la gre-
ISOTONIE. 7iâ
nouille pour l'expiTinuMitation pliysioloyiijue. (ierlfs, nous le ré()étons, poui lu gre-
nouille c'est une solution appropriée; mais non pour les Mammifères.
Ajoutons que nous avons appelé luipevisotoniques (ou hypertoniques) les solutions
salines dont le pouvoir li'atlraclion sur leaii est supérieur à cflui ilu sérum à examiner
et /n/piriotoniijuf^ (mi hypotoniqucs), celles dont le pouvoir osmotique est moindre que
celui du même st'riirn (ISSi),
V. - AUTRES OBSERVATIONS SUR LA SOLUTION SALINE
PHYSIOLOGIQUE.
La théorie, exposée dans le paragraphe précédent, sur la solution saline dite
physiologique a été confirmée par des expériences faites dans deux sens différents : par
la détermination du volume des globules rouges et par la déteiniination du point de
congélation du sérum.
a. Le volume des globules rouges et d'autres cellules. — Les considérations
qu'on vient délire sur la solution saline physiologique, avaient, dans les années 189.'J-
1895, provoqué une discussion. Les frères |{LKinTnKij avaient indiqué une méthode quan-
titative pour l'évaluation du volume des éléments corpusculaires dans le sang et, pour
cette méthode, ils se servaient d'une solution saline de 0,0 p. 100, en la supposant
entièrement nulifl'érente vis-à-vis des glohules du sang du cheval, du ho^uf et du porc.
Contrairement à cette opinion, j'appelai l'attention sur les considérations dont il a été
question, et, de plus, par des déterminations directes de volume, je démontrai que les
globules sanguins de ces animaux, dans une solution saline de 0,6 p. 100, n'ont pas le
même volume que dans leur propre sérum. A cet efl'et je mélangeai des quantités
égales de sang avec leur propre sérum, ensuite avec une solution saline hypisotonique
et hyperisotonique, et encore avec du sérum qui avait été étendu avec de l'eau. Kt je
constatai qu'après avoir centrifugé, le volume du dépôt était le plus grand là où on
avait employé des solutions hypisotoniques et le ])lus petit là où on s'était servi de
solutions hyperisotoniques. Ces faits ressortent clairement de la série d'expériences
que voici ;
Volume du dépôt
corpusculairo dans
Sauf!; de cheval. 40 ce. do sang,
ce. ce. ce.
1 ,40 de sang -(- 40 de sérum 13,5
2 — +40 de NaCl à 0,6 p. 100 15
.'} — + UO de sérum + 10 ce. d'eau. ... 14,1
4 — + 40 de NaCl à 1 p. 100 13,1
Dans une solution saline de 0,G p. 100 le volume était donc plus faraud que dans le
sérum, mais une solution de NaCl do 1 p. 100 provoqua le rétrécissement des globules.
La réponse de Blehitreu (1893) m'amena à faire de nouvelles déterminations dans
ce sens, en me servant de solutions hypisotoniques et hyperisotoniques de NaCl, Nal,
KNOa et de sucre de canne. Elles donnèrent toutes des résultats concordants.
Je veux encore alléguer à l'appui une série d'expériences qui montre d'une façon
directe que dans une solution de NaCl de 0,9 p. 100 le volume des globules est égal à
celui qu'ils ont dans du sérum normal. Les expériences ont été faites dans les tubes en
entonnoir, décrits plus haut; en outre le volume du liquide était considérable relative-
ment à celui des globules; de sorte qu'on peut dire que les éléments corpusculaires se
trouvaient réellement dans ces liquides et non dans un mélange de solution saline et
d'une quantité forte de sérum.
Vulunie du dépôt
0'''',06 de sang de clieval. corpusculaire,
ce. ce.
3 de sérum 36
.3 de NaCl à 0,9 p. 100 3G
3 de NaCl à 0,(i p. 100 41,5
3 de sérum -i- 0",G d'eau (20 p. 100) 39,25
3 de sérum+ 1",2 fi'eau 40 p. 100) 42,5
3 de sérum + V,lj d'eau 50 p. 100) 44
7J4 ISOTONIE.
Hkdin, en opérant sur des matières plus considérables, a confirmé les résultats de
mes déterminations (1895), de même Gryns, G. Eykman et Koeppe (1895 et 1897) (Voir
P. NoLF, dans son article Hématies, viii, 260).
Ajoutons encore que pour plusieurs autres cellules isolées (globules blancs, 1898;
cellules épithéliales, 1899; spermatozoïdes, 1898, cellules des glandes lymphatiques,
1902) nous avons trouvé que dans des solutions liypertoniques elles se rétrécissent
et que dans des solutions bypotoniques elles se gonflent; que les résultats, pour des
morceaux de foie et de rein et même pour le rein tout entier, étaient les mêmes que
pour les cellules isolées de ces organes (1901). .
Plus tard J. Demoor a effectué, pour différents organes (le foie, le cerveau, le poumon
etc.) des déterminations de volume très nombreuses et très exactes en suivant la mé-
thode pléthysmographique, et il est arrivé à des résultats identiques (1904-1907).
b. Confirmation de la théorie mentionnée par la méthode de l'abaissement
du point de congélation. Cryoscopie. — (^est un fait déjà connu depuis longtemps
(Blagdem, Raoult) que la température de congélation d'une solution aqueuse est plus
basse que celle de l'eau pure. La substance dissoute exerce une intluence inhibitrice
sur la congélation de l'eau (évidemment dans une solution aqueuse l'eau se congèle,
néanmoins on dit : « Congélation de la solution »). La cause de cette influence inhibi-
trice doit être cherchée dans ce fait que les particules dissoutes, grâce à l'attraction
qu'elles exercent sur les particules d'eau, ont pour rôle d'empêcher ces dernières de se
juxtaposer, et par conséquent de revêtir l'état solide.
Or, d'après la théorie de Van t'IIoff, les molécules non dissoutes et les ions de toute
nature exercent sur l'eau une force attractive parfaitement égale. Par conséquent leur
force inhibitrice sur la congélation ne différera pas non plus. La force inhibitrice
totale (de toutes les molécules et de tous les ions ensemble) sera donc proportionnelle
au nombre de ces particules. Par conséquent plus le nombre de ces particules que nous
avons proposé de nommer molioiis, est grand, plus la congélation sera difficile et plus
la température devra être basse pour produire le phénomène. Il en résulte que la déter-
mination de l'abaissement du point de congélation doit offrir un moyen simple pour
évaluer la quantité des molions dans un certain volume de solution; pour évaluer, en
d'autres termes, la force hydrophile de cette solution.
C'était Dreser qui en 1892 fit la première application de la méthode dans le domaine
de la physiologie, en déterminant la force hydrophile de l'urine au moyen de l'abaisse-
ment du point de congélation. La méthode des corpuscules sanguins ne lui paraissait
pas applicable. A la fin de son travail, il propose de pratiquer plus généralement la
méthode de congélation, surtout parce qu'elle est applicable dans tous les cas.
Cependant Dreser oublia d'examiner si cette méthode, pour les différentes espèces
de liquides animaux, par exemple pour les liquides alhumineiix ou séreux, produirait
de bons résultats. Est-ce que les résultats obtenus par la méthode cryoscopique s'accor-
deraient avec ceux qu'on trouve par la méthode des corpuscules rouges ou par celle des
cellules végétales? Jusqu'à quel point s'étendrait l'exactitude de sa méthode?
En effet, nous pouvions constater que la détermination du pouvoir hydrophile (ten-
sion osmotique) des liquides séreux (sérum, exsudât, lait, etc.) donnait des résultats
très satisfaisants et qu'il existait une concordance très nette entre les chiffres obtenus
par les deux méthodes (1894). Voici un exemple :
Il s'agit de déterminer la solution de NaCl isotonique avec un sérum sanguin de
cheval.
1° Parla méthode des corpuscules rouges; par la méthode cryoscopique.
Ad. ■/, — Les corpuscules sanguins employés commencèrent à montrer un dégage-
ment de matière colorante dans une solution deNaCl de 0.65 p. 100. — 5 centimètres cubes
du sérum durent être étendus de 2,6 centimètres cubes d'eau, afin d'opérer un dégage-
ment de matière colorante au même degré. Le pouvoir hydrophile du sérum primitif,
non dilué, s'accorde donc avec celui d'une solution de NaCl de — — ^^ X 0.65 = 0.988
o
p. 100.
Ad. 2. — L'abaissement du point de congélation fut établi par trois expériences avec
la même portion de liquide.
ISOTONIE. 715
[.es abaissements moulèrent à (>.;;0I", 0.001" et O.liOiî". Moyenne O.îiQô".
Ce nombre sacconle avec une ^ioliition de NaCl Tr7.,r-, X 1 p. 180 == 0.983 p. 100.
O.oOd
On voit que les (bnix nombres O.OS.T et 0.088 s'arcordent parfaitement.
Ce n'^tilliit proitruit de nouveau <iuc /es conclusions de non recherches sur Visotonie den
ghibules rouf/es aiuiient été exactes.
Qu'il nons soit permis, à propos de ces considérations, de faire quelques remarques
sur la méthode cri/oscopique, métliode qu'on emploi»' arlnidlemeat dans la grande majo-
rité des cas où l'on a à d(''leiininer' la force liydiopliile ou tension osmotique d'un
liquide quelconque.
D'abord une question de nomenclature.
l*ar exemple, on a déterminé le'point de congélation d'une urine, et on a trouvé pour
l'abaissement A = dépression, — 2,14.
Maintenant, il s'agit de calculer la concentration en molions : quelle en est la valeur?
Or, nous savons que toute mob'-cule et tout ion, (luelle que soit la nature de la substance
dissoute, abaissent toujours le point de congélation du dissolvant de la même quantité.
On a établi qu'une solution de sucre de canne, renfermant une molécule-gramme par
litre (c'est-à-dire, une molécule exprimée en grammes), effectue une dépression con-
stante de — 10,85. Par conséquent, toute autre molécule ou ion produira la même dépres-
2 14
sion. Comme l'urine avait une A = — 2°, 14, elle contiendra -^- = 1,1S molions
1 , o5
(molécules + ions par litre).
Autrefois on avait l'babitude d'exprimer les résultats de la façon suivante :1a concen-
tration moléculaire de l'urine est de 1,1 a. J'ai proposé de ne plus parler ici de concentra-
tion moléculaire, mais bien de concentration osmotique. Cette proposition a reçu un accueil
favorable. En effet le calcul ne donne pas seulement la quantité de molécules présentes
dans le liquide, mais [aussi le nombre des ions y compiis. Il vaut mieux réserver l'ex-
pression de concentration moléculaire h la quantité de molécules-grammes qu'on dissout;
par exemple : on dissout cinq molécules-grammes de NaCl par litre. Alors la concen-
tration molécidaire de NaCl est de cinq. Mais dans la dissolution le nombre des parti-
cules augmente par la dissociation d'un certain nombre de molécules. Ce qu'on obtient
alors, nous voulons l'appeler concentration osmotique, parce que cette valeur représente
la mesure des propriétés osmotiques, auxquelles les ions participent aussi bien que
molécules non dissociées.
Parfois il est utile d'exprimer le A encore d'une autre façon: il s'agit, par exemple,
de cherclier la solution de NaCl ayant la même dépression que le liquide en question.
Alors on calcule de la manière suivante : une solution de NaCl à 1 p. 100 a une dépres-
sion de — 0,589°, par conséquent une dépression de 2,14 correspond à une solution de
NaCl de 2,14 : 0,389 = 3, 08 p. 100. Cependant ce calcul n'est pas parfaitement correct;
il implique deux fautes. D'abord le nombre 0,589 a été obtenu par la méthode cryos-
copique de précision (Haoult, Nrrnst et Abegg), méthode qu'on ne peut pas employer
pour les évaluations de liquides organiques, parce qu'on ne dispose pas de quantités
considérables. Les méthodes qui s'imposent pour les liquides physiologiques et patho-
logiques produisent d'autres valeurs, balançant entre — 0,588 et — 0,61 3°. Il y a plu-
sieurs facteurs qui y jouent un rôle : la construction de l'appareil, la température du
milieu réfrigérant, la manière d'agiter le liquide à examiner, etc. C'est pour cela que
j'ai proposé de déterminer pour chaque série d'expériences, la dépression d'une solu-
tion de NaCl de 1 p. 100 et d'opérer d'une manière tout à fait semblable en évaluant la
dépression des liquides à examiner.
La deuxième faute qu'on commet en pratiquant le calcul mentionné consiste en ce
qu'on suppose qu'il y a une proportionnalité entre la concentration osmotique du
liquide et la dépression de la solution de NaCl de 1 p. 100; en d'autres termes, si la
dépression de cette solution est de 0,589, on n'a pas le droit de dire qu'une solution de
NaCl de 2 p. 100 indiquera un abaissement de 2 x 0,589°. En effet la dépression sera
plus petite, parce que, dans une solution plus concentrée, la dissociation électrolytique
est moins prononcée que dans une solution plus faible. Donc, en réalité, dans notre
exemple, la valeur de 3.58 est trop petite.
716 ISOTONIE.
On comprend que cette manière de calculer produira seulement un résultat correct,
si la dépression du liquide ne diffère que peu de la dépression de la solution de NaCl
de 1 p. 100. S'il y a une grande différence comme dans l'exemple mentionné, il vaut
mieux rechercher directement dans un tableau, quelle solution de NaCl s'accorde avec
l'abaissement trouvé. Et, si l'on ne dispose pas d'un tel tableau, on peut calculer cette
concentration de NaCl, au moyen des coeflu ients de dissociation (Voyez Osmolicher
Druck und Jonenlehre, I, 128).
Quelques remarques sur la technique de la cryoscopie. — Je ne décrirai pas tous les
appareils qu'on a préconisés pour la détermination du point de congélation. (irâce à la
forme très simple que Beckmann a su donner à son appareil ( 1888\ celui-ci trouve depuis
longtemps une application presque générale.
L'appareil de Beckmann comprend une éprouvette cryoscopiqueS, munie d'une tubu-
lure latérale B. On fixe dans le grand tube, au moyen d'un bouchon, un thermomètre don-
nant le centième de degré et un agitateur consistant en un anneau de platine (fig. 5).
L'éprouvette cryoscopique étant ainsi montée, on la fixe au moyen d'un bouchon
dans une éprouvette plus large M, qui forme simplement autour d'elle un matelas
d'air destine à ralentir et à modérer l'action du milieu réfrigérant.
Le liquide réfrigérant est alors versé dans le vase extérieur L, enveloppé de
feutre. S'il s'agit d'opérer sur une solution aqueuse physiologique ou pathologique, on
emploie un mélange de glace et de solution concentrée de sel marin en proportions
oonvenables'pour obtenir un froid qui oscille autour de — 2°, 5.
On agite constamment le liquide à examiner : on observe attentivement le lliermo-
gène et on voit le mercure baisser, baisser lentement : lorsque la température de congé-
lation est atteinte, le liquide ne se congèle pius, mais reste en surfusion, et la colonne de
mercure descend encore. Mais, à un moment donné, la congélation se produit et immé-
diatement, brusquement la colonne de mercure remonte : on note le maximum de cette
ascension : c'est la température de congélation cherchée.
Je viens de dire qu'on doit agiter constamment. Précaution importante si l'un veut
avoir des résultats exacts. J'ai donc construit un dispositif qui permet d'aijiter mécani-
quement; il consiste en un moteur à air chaud (appareil peu coûteux), et un excentrique.
C'est là une première amélioration; grâce à cette modification, l'opérateur ne se fatigue
pas et peut abandonner un instant l'appareil, si la température de congélation tarde à
s'établir. (Fig. 121.)
La deuxième amélioration a pour but d'empêcher le mélange de l'air de l'éprouvette
cryoscopique avec l'air de la chambre, par les mouvements de l'agitateur. On voit qu'un
tube de caoutchouc très mince réunit 'la tige mobile de l'agitateur et le tube de verre
dans lequel l'agitateur se meut. Autour de la tige et dans le tube de caoutchouc se
trouve une spirale de cuivre qui par sa tension fait descendre l'agitateur. C'est le
moteur qui le lève périodiquement. Mais, comme le tube de caoutchouc est fermé aux
deux bouts, il ne permettra pas à l'air d'entrer ou de sortir. Cette disposition présente
encore l'avantage que la perte de gaz, dissous dans le liquide à examiner, se réduit à un
minimum. Cette perte de gaz pourrait entraîner des fautes graves, s'il s'agit d'acide
carbonique, comme par exemple dans l'examen des eaux minérales.
Grâce à ces deux améliorations, la méthode a gagné considérablement en exac-
titude.
On a apporté à l'appareil de Beckmann plusieurs modifications. Ainsi H. Friedenthal
a proposé (1899) de réduire les dimensions du réservoir qui reçoit le liquide à examiner,
de manière qu'une quantité de 6 centimètres cubes suffise déjà. En outre il a supprimé
le matelas d'air et ainsi il établit un contact direct du liquide à examiner le mélange
réfrigérant, ce qui présente l'avantage d'accélérer beaucoup le refroidissement. Le
mélange ne se compose pas de neige ou de glace et de sel de cuisine mais de nitrate
d'ammonium, sel qui, par l'addition d'eau, produit un refroidissement. Ce refroidisse-
ment n'est pas plus grand qu'il ne faut pour congeler le liquide à examiner. D'après
CoHN cependant, l'usage de l'appareil de Friedenthal présente des inconvénients. Un autre
appareil, plus compliqué, plus coûteux aussi, mais donnant des résultats beaucoup plus
exacts est celui de Dekhuvzex (1908). Cet auteur s'est surtout attaché à ce que la tempé-
rature du mélange réfrigérant soit constante. 11 y parvient en plaçant le vase de verre
ISOTONIE.
717
qui coiiliciil «o iiiulaii;^i', dans un aiilrc vase de vci rc de iiiriiie loriiio. Kiitic los deux
réservoirs il reste alors un espace rempli d'air, [^e indauj^e rétrigiManl sr coinpose
d'une solution de sel niaiin pur et de petits morceaux di- ^'lace. Kn second lieu la couche
d'air, qui, dans l'appaieil de Bkckmann, enveloppe li' liquide à examiner a été remplacée
|)ar un espace vide d'air 'd'après DkwahK
c. Méthode pour évaluer la pression osmotique de très petites quantités de
liquide. — La métliode cryosccqticiue n'est pas tout à l'ait sans inconvénirnls.
Klle exii,'e 0 i"! 10 centimèlrcs cubes de li(iuidf au moins; c'est une i|uantité (jne l'on
n'a pas toujours à sa disposition. Dernièrement, j'éprouvai cette diriiculh- en devant
établir, pour l'usage ophtalmologique, les concentialions les plus appro|irit'es à la théra-
peutique des yeux. Il me semblait que comme telles devaient être considérées de.s
solutions isotoniques avec le liquide naturel, c'est-à-dire avec le liquide lacrymal.
Mais jusqu'ici la pression osmotique de ce liquide n'avait été évaluée (jue par voie
indirecte, par Massahï. Sa méthode oonsi.stait à déterminer la concentration de la
FiG. 121. — Appareil cr^oscopiiiuo.
solution qui, instillée dans le sac conjonctival, ne provoquât pas de douleur. Pour le
NaCl, il trouva ainsi une solution de 1,4 p. 100; les concentrations plus fortes et plus
faibles étant douloureuses. M.\ssart admettait donc que la solution salée de 1,4 p. 100
devait être isotoniijue avec le liquide lacrymal. D'une mensuration cryoscopique de
larmes il ne pouvait être question; en elïet, il n'est pas possible de recueillir 6 à 10 centi-
mètres cubes de larmes. Or je suis parvenu à créer une méthode d'évaluation de la
pression osmotique, utilisable aussi pour d'autres li([uides, comme pour le liquide
céphalo-rachidien, la lymphe etc., méthode qui n'exige que 5 centimètres cubes; à la
rigucuj- même -2,1) centimètres cubes suffisent.
La méthode repose sur le principe suivant, déjà mentionné; le volume des corpus-
cules rouges dépend de la pression osmotique de la solution ambiante; deux solutions
qui délenninent le même volume des corpuscules sdiiguins dUine mi'me quantité de sang,
sont isoioniques. Ce principe a été utilisé de la nianière suivante. On met le liquide
en question, soit 12 centimètre cube, dans un tube en entonnoir, dont le goulot
capillaire est fermé en bas et exactement calibré en 100 parties volumétriques égales,
La partie calibrée a un contenu exact de 0,02 ou 0,04 centimètres cubes. D'autres tubes,
de forme et de dimensions identiques, contiennent également 12 centimètre cube
dunesolution de NaCl à. 0,8, 0,9, 1, 1,2, 1,3, 1,4, 1,15, 1,6 p. 100. Dans tous les tubes on
verse 0,04 centimètres cubes de sang délibriné. Après une demi-heure d'attente,
le contenu des corpuscules (;st en équilibre osmotique avec le liquide ambiant : les
tubes sont placés dans un appareil centrifuge et soumis à la force centrifuge jusqu'à
718 ISOTONIE.
ce que les dépôts ne changent plus de volume. Or il est évident que la pression osmo-
tique du liquide à examiner sera égale à celle de la solution de sel marin, dans
laquelle le volume du dépôt globulaire ne variera pas.
Par exemple : dans le tube où se trouve le liquide à examiner, le dépôt globulaire
est de 71; la solution de NaCl, dans laquelle le dépôt globulaire est également de 71.
possède une concentration de 1,2 p. 100. Le liquide à examiner sera donc isotonique
avec une solution de NaCl à 1,2 p. 100.
Je ne parlerai pas des finesses d'exécution et des chiffres de nature à démontrer
l'exactitude de la méthode. Le liquide lacrymal s'est montré isotonique avec une solu-
tion de NaCl de 1,4 p. 100, et la solution d'acide borique, isotonique avec la dernière, est
de 2,5 p. 100.
Il est très intéressant de constater que c'est là précisément la concentration d'acide
borique employée empiriquement depuis longtemps avec succès pour le lavage des
yeux. C'est un heureux hasard; car la solution de 2,5 p. 100 est une solution saturée
à la température ordinaire, puisqu'on ne peut dissoudre une plus grande quantité
de substance.
Inutile de dire que la méthode n'est pas applicable à des liquides hémolytiques,
comme par exemple à la bile.
(!) La solution saline physiologique au point de vue de la perméabilité. —
Une solution saline, ixolonique au milieu propre d'une cellule, n'est pas encore une solu-
tion physiologique, c'est-à-dire indifférenle. Comme nous l'avons vu plus haut, on peut
trouver une concentration de NaCl où les corpuscules sanguins gardent le même volume
que dans leur propre sérum. Pour les cellules sanguines des mammifères cette con-
centration oscille autour de 0,9 p. 100. On serait donc porté à qualilier cette solution
de «solution physiologique ». Seulement, en poursuivant les expériences, on constate
que cette solution est loin d'être indifférente. Elle laisse intact, il est vrai, le volume
des cellules sanguines, mais elle fait subir des altérations à leur forme et à leur com-
position chimique.
Pour ce qui est de la forme, on voit que les disques biconcaves deviennent des
globules, ce qui, le volume restant constant, en diminue le diamètre. En vain, on
cherchera une solution saline qui ne provoque pas cette altération de la forme. Même
la lymphe, que l'addition d'une faible quantité d'eau a rendue isotonique au liquide
sanguin, change les disques en globules (Hambuugeh, 189o). Le tabh-au suivant le fera
voir.
Corpuscules rouges du sang de cheval.
Diamètre moyen.
Dans leur propre sérum 6,4 ;;.
Dans NaCl à 2 p. 100 5,1
— 1,5 p. 100 5,4
— 0,9-2 p. 100 5,7
— 0,7 p. 100 6,1
Dans leur propre sérum 7,3 \j.
Dans 10 ce. de sérum + 0",5 d'eau 7,2
— + 1 oc. d'eau 7
— + 2 oc. d'eau 5,44
— + 6 ce. d'eau 5,41
Dans la lymphe d'un vaisseau lymphatique du cou. 5,6
Ce n'est pas seulement la forme, mais c'est encore la composition chimique de la
cellule sanguine qui, sous l'influence d'une solution de NaCl isotonique au sérum, subit
des altérations. Ainsi j'ai trouvé que, sous l'action d'une solution de NaCl de 0,9 p. 100,
le chlore pénètre dans les corpuscules sanguins et qu'il en sort sous l'action d'une solu-
tion isotonique de NaN03, (1890). Cela se constate surtout quand les corpuscules con-
tiennent beaucoup d'acide carbonique (1891).
KoEPPE a présenté une explication très plausible de ce phénomène.
Il se figure que, lorsque des corpuscules sanguins séjournent dans une solution de
NaCl, il se produit un échange d'ions. Ainsi des ions-Cl pénétreront dans les corpus-
cules à condition qu'une quantité équivalente de CO3 en sorte. El, en effet, on constate
ISOTONIE. 719
que, lorsqu'on mot îles fcupusculcs cliari^t'-s di; CO- clans une solution de NaCJ, celle-ci
est rendue alcilint- par .N'a- COi. (Jiiand les corpuscules contiennent i)eu de COj,
rechange avec les ions-Cl est plus restreint.
De môme, quand les corpuscules sont introduits dans une solution de Na NO3,
des ions-NOi y pénétreront, tandis (|ue des ions-COn et des ions-PO* en sor-
tiront.
Il ny a pas lonj^lcmps encore on ('lait d'avis que les cellules sanguines n'étaient
l»ormcaltles ipTaux anions, et non aux luttions, tels que K, .\a, Ca, Mg. Cette opinion se
fomlait sur les expériences de (iOuiiKii (iSOÎl). Ce savant lit |)asser COa à travers une
suspension de glot)ules sanguins contenus dans une solution dr. îSaCl, et alors il vit, il
est vrai, passer du chlore dans les globules, mais leur teneur t^n K et la teneur en Na
du milieu ambiant, selon lui, ne changea pas. C'est ce que lui a[)prirent les détermi-
nations quantitatives de ces métaux.
Cette conclusion a été acceptée sans i)lus, et d'autant plus volontiers que l'expé-
rience nous apprend que dans des conditions normales, le K se trouve principalement
dans les corpuscules, le Na dans le sérum, et cela étant, pourquoi l'échange ne se
produirait-il pas quand les corpuscules sont perméables? En outre, on admettait encore
tacitement que les cellules sanguines sont également imperméables à Ca et à Mg.
Cependant des expériences sur l'inlluence de Ca sur la phagocytose m'avaient
appris que celle-ci est considérablement renforcée en ajoutant au sérum de très faibles
quantités, par exemple, de 0,005 p. lOOdeCaCU (IIamiuîroek et IIekma, 1907). La Chimio-
taxie aussi augmentait dans une forte pro[)ortion en ajoutant un peu de CaCl^ à un extrait
de bactéries mis dans une solution de i\aCl (Hamhuriiek, 1'J08). De plus, on savait déjà
que l'action hémolytique exercée par les solutions salines très diluées sur les corpus-
cules rouges est mitigée par l'addition de très faibles quantités de Ca. Ainsi, je fus
amené d'abord à examiner rigoureusement et par voie directe, si les globules rouges
sont perméables à Ca. Et, en effet, j'ai pu fournir la preuve décisive que les corpuscules
sont perméables à Ca et qu'ils le sont même dans deux sens : il peut y avoir entrée et
sortie de Ca. A cette occasion, j'ai pu constater encore que, contrairement à l'opi-
nion générale, les globules rouges normaux contiennent du Ca. Nous avons trouvé
que cette opinion erronée était due à des fautes commises dans les évaluations quan-
titatives du Ca. (Hambuhger, 1908). Ajoutons qu'au moyen d'analyses quantitatives on a
également réussi à montrer la perméabilité des globules rouges à Mg, K et Na (Hambur-
(;er et BuBANovic^.
En ce qui concerne K et Na, on se demande pourquoi les déterminations de
CùRBER ont conduit ce savant à un résultat opposé. D'abord on doit prendre en
considération que la méthode d'évaluation quantitative de ces deux métaux est loin
d'être exacte, de sorte qu'il faut prendre de grandes quantités de sang : c'est ce que
Glrbf.r a négligé. En outre, en faisant passer de l'acide carbonique par la suspen-
sion de corpuscules sanguins dans une solution de NaCI, il n'a pas tenu compte
des changements du volume de sa solution. A vrai dire, le fait qu'après Taclion de
CO2, il ne trouva pas altérée la concentration du Na nous porterait précisément à
conclure qu'il y a eu passage de Na. Toute réilexion faite, je suis persuadé que les cor-
puscules, dans une solution de NaCl de 0,9 p. 100 subissent encore des altérations
par rapport à leur^ kations, phénomène que nous avons déjà établi de différentes
manières en qui regarde le Ca.
Une solution saline phi/siolotjique dans le sens strict du terme, c'est-à-dire une solution
saline à tous égards indifférente vis-à-vis des corpuscules sanguins n'existe donc pas. Ce qui
en approche le plus, c'est une solution qui, isotonique au sérum, contient encore,
outre NaCl, les autres sels qui se trouvent dans le sérum et qui les contient en quantité
suffisante pour faire équilibre avec les globules sanguins. Cette opinion concorde avec
ce que Lokb cX d'autri;s, dans ces derniers temps, nous ont appris sur l'influence
qu'exercent des traces de dilléreiits sels sur la vie.
Parmi le grand nombre d'exemples nous n'en citerons que quelques-uns.
Si l'on porte des œufs de Fundulus — petit poisson marin — éclos dans l'eau de
mer, dans une solution de NaCl, isotonique à ce milieu naturel, les alevins meurent.
Cependant, je le répète, la solution de NaCl est isotoniijue avec l'eau de mer. Mais si
720 ISOTONIE.
l'on ajoute à celte solution de NaCl pure un peu de MgCl2, les animaux restent
vivants pendant quelque temps. Si l'on ajoute CaClo, ils vivent beaucoup plus long-
temps, et si l'on ajoute encore un peu de KCl, ils résistent complètement au nouveau
milieu. Pour expliquer ces faits remarquables, il faut savoir que les cellules animales
contiennent une catégorie de substances, nommées par Pauli et LoEh ions-protéides; ce
sont des combinaisons chimiques de protéides (albumine) et d'un ion métallique.
lien existe de différentes sortes ; on y trouve des protéides de Na, K, Ca, Mg, etc.
Or, qu'arrivera-t-il quand une cellule, contenant de telles protéides, est mise en
contact avec une solution de NaCl pure? Il se produira alors un échange entre le K du
protéide et le Na du sel marin. Du potassium passera dans la solution de sel marin et
en échange une quantité équivalente de sodium passera dans la cellule. Le même
échange se produira avec le Ca et le Mg de la cellule, de sorte qu'au bout de l'expérience
la solution de NaCl ambiante contiendra du chlorure de potassium, de calcium et de
magnésium. Mais en même temps la cellule subira une modification dans sa composition
chimique; en effet une partie des protéides de K, de Ca et de Mg se transformera en
protéides de Na; le contenu subira une sorte de désintégration. Si, au contraire, on
ajoute à la solution de NaCl, K, Ca et Mg dans des concentrations correspondantes aux
K, Ca et Mg protéides, contenues dans les cellules, il ny a plus de raison pour que le
le K, Ca et le Mg en sortent. Il y a équilibre.
Encore un autre exemple. Celui-ci se rapporte aux organes à libres musculaires
lisses, tels que Vinteslin grêle, l'uretère, Vo:sopha(je, Vutérus.
La plupart des expériences relatives à ce sujet ont été faites sur lintestin grêle;
mais les résultats sont les mêmes avec les autres organes ici mentionnés.
Quand on extirpe l'intestin grêle d'un animal qu'on vient de tuer et qu'on plonge
cet intestin dans une solution de NaCl à 0,9 p. 100 pure, on constate des mouvements
péristaltiques; mais ceux-ci ne tardent pas à cesser tout de suite. En ajoutant un peu
de sels de Ca et de K, les contractions se manifestent de nouveau et persistent pendant
des heures. Magnus et Hkdon (1903-1905) ont enregistré ces mouvements, et ont obtenu
des tracés si réguliers et si beaux, qu'on croirait avoir affaire à un organe in situ, dans
des conditions parfaitement physiologiques. En effet, ce procédé permet d'étudier
d'une manière très simple l'inlluence de toutes sortes de médicaments sur les mouve-
ments intestinaux. On n'a qu'à ajouter à la solution saline le médicament en question
et à enregistrer les contractions, tant des fibres circulaires que des fibres longitu-
dinales.
Je viens de dire que les autres organes à. fibres musculaires lisses montrent les
mêmes phénomènes. D'une lapine grosse, on extirpe l'utérus, on le plonge dans une
solution de NaCl, contenant un peu de KCl, CaCL et MgCI^; des contractions se pro-
duisent, et les petits animaux naissent.
Cependant la quantité des sels ajoutés au sel marin n'est pas chose indifférente ; mes
explications sur la désintégration des ions-protéides l'établissent clairement. En effet,
les sels doivent être ajoutés au soi-disant « sérum artificiel » en quantité telle qu'elle
maintienne en équilibre les ions-protéides, la quantité relative de ces dernières n'étant
nullement équivalente dans les différentes cellules.
IIkdon, par exemple, constata que l'intestin plongé dans une solution dont la teneur
en CaCb s'élève au-dessus de 0,1 p. 100, ne montre aucune contraction, mais reste
fortement raccourci et définitivement immobile. La môme solution au contraire, conte-
nant, au lieu de 0,1 p. 100 de CaClj, la moitié de cette quantité, se montre un liquide très
favorable aux mouvements intestinaux.
D'autre part, la quantité d'un sel qui convient à un organe, ne convient pas à un
autre. En d'autres termes, la composition du milieu le plus favorable au maintien de
l'irritabilité n'est pas la même pour les divers organes contractiles. Par exemple, le
bicarbonate de soude est inhibiteur pour l'uretère, à la dose oîi il est excitateur pour
l'intestin.
Un autre exemple, montrant V insuffisance de la solution de NaCl pure et le rôle des
ions ou des ions-protéides dans la vie, est le fonctionnement du co'Ur.
Un cœur de tortue cesse de battre quand on le plonge dans une solution de NaCl
pure; mais, si l'on ajoute à cette solution un peu de KCl et de CaCl:>, il se remet à fonc-
ISOTONIE. Tîl
tioiiner (J. I.okh, I,an(;kni)oiii k et IIueck, IIowkll). Ces études sur le cimir di' loitiic oui
provoqué dos reclierclics lonlinnatives suri»* cœur des maiiiinirères, ot notaniineut les
expériences remarquables de Kii.iahko. Ce savant russe est parvenu à faire revivre le
Cd'ur d'individus morts depuis 24 heures et plus, en faisant passer par le système coro-
nairt< une solution de NaCl additionnée d'une petite quantité de CaCh, de KCl et do \a
HCOj. Sans cette addition l'expérience ne réussit pas.
C'est un mérite de HiNdK.n d'avoir fixé le rôle de chaque ion dans le foncliomieiiient
tlu C(pur. D'après ses recherches, la chaux est d'une jurande importance pour la systole,
tandis (|ue la potasse favorise la diastole.
Enell'et, le Ca-ion renforce la systole. I.ANr.KNDunn et IIlkck démontrèrent clairement
ce fait sur l'animal vivant (1903^. Us injectèrent dans le courant circulatoire une quan-
tité de solution de CaCli!, capable d'augmenter de 0,0'6 p. 100 la teneur du plasma
sanguin si le sel injecté y restait entièrement. Après l'injection, ils constatèrent un
renforcement consitli'rable des contractions et une élévation très prononcée de la pres-
sion sanj,'uine. A juste titre, ils recommandant aux praticiens de ne plus injecter des
solutions de NaCl pur en cas de faiblesse cardiaque par suite de perte de saii/?; mais
d'y ajouter toujours un peu de CaClj et d(! KCl. Pour l'homme, il est r(iCommandable
d'injecter la solution suivante (pour un litre), en grammes :
NaCl 8
NaHCO:,. ... 0,2
CaClj 0,24
IvCl 0,42
On voit clairement qu'une solution de NaCl à 0,9 p. 100, tout en laissant inaltéré le
volume des cellules, n'est pas une solution indifférente. Elle détruit la composition chi-
mique des cellules, car elle exerce une iniluence désinlégrante sur des substances de?
plus importantes, c'est-à-dire sur leurs ions-protéides. Aussi Loeu |ieut-i[ avec raison
parler de la « toxicité d'une solution de NaCl pure ».
Nous devons ajouter que le danger d'une telle solution n'est pas de même degré
pour la vitalité de toutes les cellules. Par exemple, nous avons vu que les phagocytes
montrent une phagocytose presque aussi grande dans le NaCl à 0,9 p. 100, que dans
leur sérum. Tout dépend ici de la perméabilité et des conditions dans lesquelles celte per-
méabilité peut se manifester. De ces conditions, nous avons traité ailleurs. [Arcli. int. de
Physiol., 1010.)
VI. — TENDANCE DANS LA SÉRIE ANIMALE A GARDER LA PRESSION
OSMOTIQUE CONSTANTE. DÉVELOPPEMENT PH YLO G É N ÉTI Q U E DE
CETTE PROPRIÉTÉ.
L'individu tend à garder constante la pression osmotique des cellules constituantes
de son organisme. C'est là un fait primordial. Quelles que soient les conditions dans
lesquelles on met, par exemple, les globules rouges, qu'on les place dans des solu-
tions salines faibles ou fortes, les substances constituantes de leur contenu ne modifient
que très peu leur force hydrophile (Hamuurger, 1889).
On pourrait croire (jue ce fait doit être attribué à une imperméabilité aux matières
dissoutes de la couche extérieure de ces cellules. Mais l'expérience prouve qu'il n'en
est rien; au contraire, la perméabilité est assez considérable, et la possibilité d'échanges
nutritifs l'exige. La vérité est qu'il se produit un échange entre les matières consli-
tuantes des globules et celles du milieu où ils se trouvent et <|ue cet échange de sub-
stances se produit dans des rapports presque isoioniques. Les globules rouges perdent
de leur contenu, mais ils prennent parallèlement au milieu ambiant une quantité iso-
tonique d'autres substances. Cependant il s'agit d'expériences m vitro. Un |u»itit impor-
tant donc, est de savoir si les hématies en circulation se comportent iTiiiie Ih< on
identique.
A cet elTet, nous devons déterminer comment les globules se comportent lorsque
DICT. HE l'IlYSIoLOt.It. — TUME IX. 4fi
72-2 ISOTONIE.
le plasma sanguin est chargé de liquides hyper- ou hypo-isotoniques. Mais comment réa-
liser ces conditions? On pourrait injecter dans le courant circulatoire, des solutions
hyperisotoniques ou hypoisotoniques. Mais les expériences de Dastre et Loyk ont claire-
ment démontré la rapidité avec laquelle les substances étrangères ou surabondantes
sont éliminées du courant sanguin (1889). Il s'agit donc d'abord de savoir jusqu'à quel
point on pourrait, par l'injection intraveineuse, réaliser de pareilles modiflcations du
milieu.
Nous avons injecté à un cheval 7 litres d'une solution de Nao SO4. Celte solution
serait capable dédoubler le pouvoir osmotique du plasma, si les vaisseaux constituaient
un système absolument imperméable aux sels et à l'eau. Mais qu'arrive-t-il? Déjà durant
l'injection, nous vîmes le cheval éliminer une grande quantité d'urine; puis il se fit
une évacuation d'une grande quantité de fèces liquides ; les glandes salivaires et lacry-
males sécrétèrent une quantité considérable de liquide, et dans toutes les sécrétions
on retrouva une forte proportion de Na^ SO4.
Puis, en examinant à diverses reprises le sérum sanguin, alin de savoir si le Na^
SOi le rendait encore hyiierisotônique, nous pûmes constater que déjà quelques
minutes après l'injection le phénomène d'anisotonie avait déjà cessé d'exister. Pour-
quoi? Était-ce parce que le sang avait repris sa constitution primitive? Non, car, lorsque
le pouvoir osmotique du sérum était déjà revenu au taux normal, le sérum n'avait
nullement encore récupéré sa composition primitive et renfermait encore une grande
quantité de Na2 SO4, que la méthode d'évaluation de la force hydrophile aurait pu
déceler avec grande certitude. Y avait-il donc une diminution d'autres substances?
Certes, le sel marin, par exemple, se trouvait dans le sérum à un taux de concentration
plus faible qu'auparavant. 11 se produit donc un équilibre, dont le seul but est de
garder constante la pression osmotique du sérum. Plus tard, quand la pression osmo-
tique a depuis longtemps récupéré sa valeur normale, la constitution chimique primi-
tive se rétablit.
Le même phénomène s'observe après l'injection de solutions diluées hypoisoto-
niques, par exemple, d'une solution de Nao SO4 à 1/2 p. 100. (M voit ici, une fois de plus,
la restitution du pouvoir osmotique primitif, avant que la composition normale ne soit
récupérée. En cas d'anhydrémie produite artificiellement, c'est encore le même phéno-
mène qui se présente.
Nous injectâmes, par exemple, hypodermiquement à un cheval des solutions de
pilocarpine et d'éserine, ce qui provoqua une active sécrétion salivaire; environ
10 litres de salive furent recueillis à l'heure. 11 est évident qu'à la suite de cette séci'é-
tion exagérée la densité du sang devait augmenter, de même que le pouvoir osmotique.
Mais ce phénomène n'eut qu'une durée fugace : la pression osmotique revint aussitôt
à son taux normal. A ce moment toutefois, le sérum était loin d'avoir déjà retrouvé sa
composition primitive.
Enfin on constate encore le même fait quand, par des saignées considérables (chez
le cheval on peut aller jusqu'à des soustractions de 12 à 19 litres de sang), on provoque
de l'hydrémie : ici, encore une fois, malgré l'importante variation de composition du
sérum, le pouvoir osmotique revient presque immédiatement à sa valeur normale. Il
résulte de ce fait que le système vasculaire possède la propriété de maintenir constante
la pression osmotique du plasma, malgré les sensibles variations constitutives du
sang (1890).
Malgré les modiflcations de la composition chimique du plasma sanguin provoquées
par la pléthore hydrémique, l'anhydrémie et l'hydrémie, la force hydrophile du contenu
des hématies reste constante (1890).
Cependant toutes les espèces animales ne présentent pas cette invariabilité marquée
de la pression osmotique des humeurs. Chez certains poissons, notamment les poissons
cartilagineux (sélaciens), la pression osmotique s'harmonise avec celle du milieu et
change avec celui-ci. Ainsi Bottazzi a constaté que le sérum des Sélaciens, habitant
le golfe de Naples, a une dépression de A — 2,30°; c'est-à-dire la dépi-ession de l'eau
de mer.
Mais il en est autrement du sérum des Téléostéens du golfe de Naples. Dans cette
espèce, déjà plus élevée et plus développée que les Sélaciens, la pression osmotique
ISOTONIE. 753
allfiiil environ la moitié do celle tle l'eau de iiioi . \n, une certaine indépendance se
t'ait déjà jour.
Ace point de vue M. Dekhuyzen d'Utrecht, lors de son expédition scienlifujuo sur
le Zuiderzée (lOOti), a fait des expériences très intéressantes. En étudiant la pression
osnuiliiiue de l'eau de mer et de divers poissons (|ui l'habitent, il a constaté que plusieurs
poissons appartenant à la classe des Telcostccns, s'enfuient d(;s endroits où rèj^'ne une ten-
sion osuiotique (jui ne leur convient i)as. Or, l'eau du Zuiderzée, comme M. Dkkmuyzk.n
l'a établi, est soumise au même endroit à des oscillations considérables de pression
osuiotique; c'est surtout le cas pour la région des embouchures de rivières. 11 a trouvé
que ces changements sont parfois très brusques; il parle de <i tempêtes osmoliques ». Il
en résulte que la répartition du monde des poissons peut avoir un tout autre aspect
aujourd'hui que demain. Inutile de relever son importance pratique pour les pêche-
ries, importance qui s'attache aux courants et à tout«îs autres influences, détermi-
miiiant la pression osmolique momentanée d'une rét^ion.
Des vertébrés plus élevés encore que les léléosléens, qui, tout en habitant la mer
dans les conditions normales, ont néanmoins le pouvoir de respirer [)ar des poumons,
possèdent une pression osuiotique encore plus indépendante du milieu extérieur. La
tension osmolique de ces animaux est presque identique à celle des vertébrés |exclusi-
vement terrestres.
Enfin la pression osmotique du plasma sani,'uin des mammifères, tels que l'homme,
est absolument indépendante de leur milieu ambiant.
Apparemment la propriété de ijardcr la pression osmotique constante et indépendante
du milieu ertérieur s'est développée dans le rè(jne animal par voie phi/loyénétique.
Lko.\ FredkiuC(j, à qui nous devons des recherches très intéressantes sur ce point, a
exprimé ainsi cette loi :
« A mesure que l'organisme se perfectionne, le milieu intérieur s'isole de plus en
plus du milieu extérieur, les surfaces d'échange (branchie, intestin) devenant de moins
en moins perméables (1904). «
(Voir sur ce sujet aussi les travaux de Quinton, Roi)n-:n.)
Vil.— IMPORTANCE DE LA PRESSION OSMOTIQUE OU DE L'ISOTONIE
DANS LA VIE NORMALE ET PATHOLOGIQUE.
QUELQUES EXEMPLES.
a) Force motrice de la pression osmotique. Formation de la lymphe. —
Partout où les molécules albuminoïdcs se dt'com[)Osenl en molécules de structurr plus
simple, il se produit une augmentation du nombre des molécules; et cette augmentation
provoquera un courant d'eau vers l'endroit de la décomposition. C'est ainsi que les
tissus attireront de l'eau à travers les capillaires sanguins (Roth). Il n'y a pas de doute
•jue nous avons alfaire ici à un des facteurs de la formation de la lymphe. Et il ne
faut |ias croire que la force dont il s'agit ici est une (|uantité négligeable. Quand deux
liquides séparés par une membrane ont une dépression ne différant guère «[ue d'un
millième de deijré, cette différence provoque le passage de l'eau d'un côté à l'autre avec
une force correspondant à un décimètre d'eau, et cette force égalise à peu près la pres-
sion sanguine dans les capillaires, c'est-à-dire, la pression par laquelle le sang se
meut dans les capillaires.
En effet, à quelle solution de NaCl correspond ce millième de degré de dépression?
Une solution de NaCl à 1 i». 100 [irovoque un abaissement de 0,6° : par conséquent un
milliènii- de degré correspond à peu près à une solution de NaCl de ' x 1 p. 100
= 0,017 p. 100. Donc, (juand dans l'organisme deux liquides voisins ont seulement une
différence de teneur en NaCl d'à peine 0,002 p. 100, la tendance vers l'équilibre osmo-
liiiue ou autrt;ment dit vers l'isotonie représentera une force motrice encore plus grande
(jue celle de la pression sanguine dans les capillaires.
Or, grâce à l'assiniilalion et à la d('s;issiniilalion, il se produit sans cesse et partout
des dilférences de concentration; on n'exagère donc nullement en disant que la près-
7J4 ISOTONIE.
slon osmolique, ou la tendance vers l'isotonie présente une force motrice des plus importantes
et des plus efficaces dans l'économie animale.
b) Résorption dans les cavités séreuses et non séreuses. Douleur et anes-
thésie locale. — Quand on injecte dans les cavités abdominale, pleurale ou péricur-
dicjue une solution saline concentrée, le liquide injecté attire bientôt hors des vaisseaux
sanguins une certaine quantité d'eau, qui rend la solution injectée isotonique avec le
sérum. Si, au contraire, on injecte une solution faible liypoisotonique, celle-ci cédera
de l'eau au courant sanguin jusqu'à ce qu'elle soit en équilibre osmotique avec le st'--
rum. Ainsi dans les deux cas on constate une tendance vers l'équilibre osmotique, et,
tandis que cet équilibre s'établit, il se produit une résorption du liquide (H.\muur(;er,
1891). La même tendance se manifeste après l'injection de liquides anisotoniques dans
les tissus sous-cutanés et sous-muqueux. Ici encore ces liquides finissent par devenir
isotoniques avec le sérum sanguin.
Or on a observé que, tant que le liquide est hyper- ou hypoisotonique, l'individu accuse
de la douleur; celle-ci disparaît quand l'équilibre osmotique est rétabli, en d'autres
termes, quand le liquide injecté est devenu à peu près isotonique avec le sérum sanguin.
Il n'est pas douteux qu'en cas d'hyperisotonie la douleur doit être attribuée à une
perte d'eau des éléments nerveux; en cas d'hypoisotonie la douleur se produit par la
turgescence de ces éléments.
HiTTER explique ainsi la douleur des inllammations aiguës. Auparavant on admet-
tait que la douleur était due (exclusivement à la pression mécanique des exsudais sur
les nerfs. Uittek pense que l'état hyperisotonique du sérum de l'exsudat est encore une
cause de douleur. En eil'et, il a évalué l'abaissement dupoint de congélation d'un grand
nombre de produits d'indammation aiguë, et il a trouvé des valeurs presque toujours
beaucoup plus élevées que celles du sérum sanguin. Dans tous ces cas les patients
accusaient une douleur très vive. Dans les abcès froids chroniques au contraire, où la
douleur faisait défaut, on trouva l'abaissement du point de congélation identique à
celui du sérum sanguin.
Les observations de Brau.n et de Hkintz sur l'anesthésie locale sont en parfaite con-
cordance avec les recherches de Ritter.
Braun et Heintz injectèrent dans la peau, c'est-à-dire dans le derme, des solutions
salines de diverses concentrations. Une solution de NaCI, à 0,9 p. 100, ne provoqua pas
de douleur; des solutions plus fortes ou plus faibles furent douloureuses. Us expérimen-
tèrent surtout avec les solutions faibles. Celles-ci causèrent des douleurs ti'ès vives,
mais passagères, bientôt suivies d'un état anesthésique. A vrai dire, ce fait avait déjà
été constaté par Schleich et utilisé par lui pour ses injections bien connues. Comme on
sait, il prescrit une solution de NaCl à 0,2 p. 100, solution considérablement hypoisoto-
nique. Ce n'est que pour prévenir la douleur de l'injection qu'il ajoute de la cocaïne.
Or Brau.n [a proposé de prendre, au lieu d'une solution de NaCl de 0,2 p. 100, une
solution de 0,9 p. 100, (jui ne provoque ni la douleur, ni l'anesthésie, et de confier l'anes-
thésie exclusivement à la cocaïne.
Cette proposition comporte deux grands avantages: d'abord l'injection d'une solu-
tion contenant seulement 0,2 p. 100 NaCI provoque souvent des œdèmes, qui, après
la résorption de la cocaïne, causent une douleur prolongée. En second lieu, il est
rationnel d'éviter autant que possible des substances pernicieuses aux tissus. En pas-
sant, je fais remarquer qu'à ce point de vue on comprend qu'une solution de NaCl même
à 0,6 p. 100, injectée dans des tissus hyperesthésiques, soit douloureuse.
Il vaut mieux suivre la prescription de Braun en dissolvant la cocaïne dans une solu-
tion de NaCl à 0,9 p. 100. La cocaïne elle-même a une force hydroi>hile minime et par
conséquent négligeable.
c) Règles diététiques en cas de troubles gastriques. — La pression osmotique
n'est |»as sans importance dans la diététique en cas de troubles gastriques. Strauss a
combattu quelques symptômes à! hyper acidité par l'administration de sucre de canne
en solution très concentrée. Ce moyen, depuis longtemps, lui a rendu de grands ser-
vices. La inanière dont se comporte une telle solution dans l'estomac est facile à com-
]»rendre. La paroi stomacale n'est que peu perméable au sucre, très perméable au
contraire à l'eau. La solution concentrée, soit de 15 p. 100, étant hyperisotonique vis-à-vis
isoTONiE. -û:>
(lu plasiiKi s;ini;niii, ou alliit'ia df I'imu; pac {•oiisi'iini'iit !•' suc L'ashuiuo se dilu"', cl i^ii'
cette dilutiou il piMil sou li} poiaciilili'.
lluf autn' apftiicatiou à la |ialliii!iiirio de l'cslnuiat^ est (c'Ilrii. Il i>\ i .iiimiricl
d'i'vitor i|uo daus l'iii'Hiffisdnci' de Ut inolilité de l'c'slonidr, loviiiiui' uc soit cjiar;:!'' d'un
• outi'iui surahoudaul. l'ar cousi-iiucut, ilfaut prosciiic la noiiii itun» cl Icslioissons
liypi'iisotouiiiues; car la l'oict; liydrophilc de celles-ci tdaut plus élevéi- que (elle du
séiiiui saui^uiu, elles alliierout de l'eau, et la masse inijérée aui;nH;ulera de \idiiuie.
C'eslaiusi (pioudoil ('viler les boissous alcooliques. Par exeuijde, le viu haueullialei
a une ilépiessiou de — "i", le viu de Bordeaux de — 4"; la bière d'exporlalion (Sclnil-
llieiss), di' — 2". Donc, 1 4 litre de viu de Hoideaux attirera environ deux litres d'eau;
car ce n'est (ju'après cette dilution (pie le liquide est devenu isotouii|ue aveir le sérum
sanyuin; en d'autres termes, l'équilibre osmoti((ue entre le contenu de l'estoniac et
le sérum sanguin de sa paroi ne s'établit ([u'après une pareilb; dilution.
Le lait a une dépression concoidant sensiblement avec celle du sérum sauguiM.
A ce point de vue, le médecin a intérêt à connaître les ilépressions approximatives
des boissous.
I.e vin attire l'eau; cbacuu le sait par expérience. .\[)rès une libation nu peu
copieuse de ce li(juide, on a suif.
d) Diagnostic et traitement de troubles circulatoires. Diagnostic de l'in-
auffisance des reins. Indication de la néphrectomie. — h'aboid Je ferai quebiues
remarques sur le diagnostic el le traitement des troubles circulatoires.
De par l'alimentation, la quantité des molécules de notre corps s'accroît, non seule-
ment de toutes les particules ingérées comme telles, mais en réalité d'un nombre
beaucoup plus considérable, puisque beaucouj) de molécules subissent une décompo-
sition. Or cette augmentation amèueraitun notable accroissement de la pression osmo-
ti(iue du sang, si les reins n'éliminaient jias les inarticulés superllues. Kn effet, les reins
exercent une influence |»répondérante dans la régulation de la pression osmoti(|ue. Ce
fait est prouvé d'une façon irn^'utabb,' par l'absence de toute régulation, après ligature
des artères rénales ou extirpation des deux reins. En ces cas, la pression osmotique du
sérum sanguin augmente considérablement (IIamiujuc.ku, 1895). 11 est évident que le
même pbénomène devra se produire, (juand les reins deviennent insuffisants par suite
d'altérations morbides.
.Mais l'insuflisance rénale n'est pas la sevile cause d'élévation delà pression osmo-
tique du sérum sanguin. Alex, von Kohânvi constata cette même élévation daus les
troubles circulatoires des cardiaques avec défaut de compensation. Ici la teneur consi-
dérable en acide carbonique est seule en jeu. Or vo\ Korânvi a donné une métbode
pour diagnostiquer ces deux causes de l'augmentation (1897).
Dans ce but le savant bongrois a utilisé nos recbercbes (1891) et celles de vo.n Lim-
HF.CK (I89'')i sur l'iulluence de l'acide carbonique sur le sang. Nous avons trouvé qu'en
mélangeant ce gaz avec le sang, il se produit une modification dans la distribution des
substances constitutives des globules et du sérum. I.e sérum cède de l'eau et du cbloie
aux corpr.scule-;. Donc ces derniers se gonflent et s'enrichissent eu c.blore; par contre
ils s'appauvrissent en alcali, dont ils cèdent uiu> partie au sérum.
Puis la pression osmotique augmente.
Et enfin, chose très importante, tous ces chaugemenis sont réversibles. En effel, en
liaitant par l'oxygène le sang préalablement mélangé avec l'acide carbonique, l'c'lat
juiniitif se rétablit, et le sang récupère sa composition antérieure. Comme je l'ai dil,
VON KoHÂ.NYï a utilisé ces recbercbes pour distinguer l'augmentation île la pressitui
osmotique due à des troubles circulatoires, d'avec celle que cause linsuflisance rénale.
Il lui a suffi de soustraire au patient un peu de sang, de soumettre ce sang à un cou-
lant d'oxygène et de noter le point de congélation. Si, après le passage de l'oxygène, la
dépression revient à sa valeur normale, on peut dire que la ci/anose est la cause de smi
augmentation. Si au contraire le passage d'oxygène n'a aucum^ influence, il existe une
iusiif'/isaiici; des reins.
Si la dépression n'est que partiellement modifii'-e, nous avons une combinaison des
deux troubles, cest-à-dire à la fois un enricbissement ilu sang en COj et une insufli-
sanee rénale.
726 ISOTONIE.
En second lieu, vos Kokânyi a ulilisr nos recherches dans un but thérapeutique. Si
la dépression du sérum sanguin d'un cardiaque est augmentée, l'auteur hongrois fait
respirer de l'oxygène, et il a constaté qu'il s'opère dans le courant circulatoire le phé-
nomène qu'on observe in vitro. Le sang recouvre sa composition normale. En effet, le
plasma (sérum) récupère l'eau, que sous l'influence de l'acide carbonique il avait cédé
aux corpuscules; cette dilution entraîne une diminution de viscosité; la circulation
s'améliore. Cette amélioration de la circulation se fait sentir dans deux sens; d'abord
le sang dans le système coronaire accomplit mieux sa fonction nutritive que lorsque le
courant sanguin est ralenti par la grande viscosité du plasma; le cœur bat avec plus
d'activité. En second lieu, l'amélioration de la circulation se manifeste dans la fonction
des reins; la diurèse devient plus abondante, ce qui est encore favorisé par l'enrichisse-
ment du sérum en NaCl.
Et que voit-on à la suite de l'amélioration de l'activité cardiaque et rénale? Une
disparition des œdèmes.
Von Korânyi a constaté que l'influence favorable des inhalations d'oxygène persiste
encore longtemps après.
On voit ainsi que d'un côté l'évaluation de la pression osmotique du sérum sanguin donne
le diagnostic différentiel entre le ci/nnose et l'insuffisance rénale; on voit d'autrepart qu'elle
a fourni une thérapeutique rationnelle des troubles circidatoires d'origine cardiaque.
La détermination de la pression osmotique du sérum sanguin présente encore un
autre intérêt. On l'a utilisée pour établir les indications de l'extirpation rénale.
Depuis longtemps on sait que l'absence ou la maladie d'un rein peut être compensée
par l'autre rein, celui-ci étant normal. Vox Korânyi, Richteb et Roth ont irréfutable-
ment démontré (18991 une pareille compensation de la fonction régulatrice de la pres-
sion osmotique. Ces auteurs virent que, chez les lapins dont un des reins est extirpé, la
dépression du sérum sanguin reste inaltérée, mais qu'elle s'élève bientôt, lorsque le
rein sain, resté dans le corps, a subi une lésion importante. Si par conséquent la dé-
pression du sérum sanguin dépasse la valeur normale, les deux reins doivent être
malades, et, d'après Klmmkl, à qui nous devons les premières recherches sur ce point
important, on fera bien de s'abstenir d'une extirpation, à moins qu'il n'existe une raison
majeure.
Si au contraire la dépressi-on du sang est normale (et cette valeur chez l'homme
d'après Kummel est de 0,55°-0,.j7°), on est autorisé à retrancher le rein malade.
l/examen comparatif de Vurine de chîique rein nous permet d'i'tablir nettement la
valeur fonctionnelle de chacun d'eux. Or on peut recueillir l'urine séparément, soit
en cathétérisant les deux uretères, soit en appliquant le diviseur de Luys.
KiJMMEL a publié tant de résultats si bien documentés qu'il semble presque téméraire
de mettre en doute, par des remarques ou par des objections, l'exactitude de sa thèse.
Cependant on se demande comment il est possible que cet auteur trouve toujours
0,55-0,07° comme point de congélation du sang de l'homme normal ; car la pression
osmotique aux diverses heures du jour est soumise à d'assez grandes oscillations et peut
sans doute dépasser ces limites.
D'ailleurs ce fait ne peut nous étonner. En effet, l'ingestion de nourriture détermine
une augmentation de la pression osmotique du sérum. Celle-ci reste plus élevée encore
quelques heures après le repas. Au premier abord, ce fait semble être en contradiction
avec tout ce que nous avons dit de la rapidité avec laquelle la tension osmotique
revient à son taux normal. Mais il ne faut pas oublier que la résorption des aliments ne
se produit pas tout d'un coup. La plupart des matières ingérées doivent subir un chan-
gement préalable au contact des sécrétions glandulaires, avant leur résorption. Ensuite,
après absorption de ces substances parle courant circulatoire, elles se décomposent au
sein des tissus en nombre de sous-produils qui présentent ensemble une pression osmo-
tique plus grande que les substances alimentaires dont elles dérivent. Ainsi se produit
un transport régulier de molécules vers le sang, s'effectuant encore bien longtemps
après le repas. Si l'on considère les multiples variations de la composition de notre
nourriture, on comprend facilement que l'heure à laquelle on prélève le sang ne peut
être indifférente. Cependant il est possible de créer des circonstances réduisant ces
oscillations à un minimum.
ISOTONIE. 727
ScHocTK a fait sons ma direction des recherches dans cette voie (1903). En pre-
mier lieu on proscrit une diète composée d'umfs et de lait, et on permet à la personne
en observation d'en consommer la quantité qui lui est nécessaire. C'est un régime
qui a l'avantage de ne pas produire de très grandes oscillations dans la dépression du
sang. En serond lieu, et c'est la chose principale, on prélève le sang le matin, à jeun,
donc à un moment où on a le droit de supposer que la piession osmoti(|ue, altérée
par la nourriture de la veille, s'est rétablie à son taux normal. En expérimentant de
cette manière on trouve une dépression oscillant entre (),.")(i° et O.IiS". Mais, si l'on
néglige ces précautions, les oscillations sont beaucoup plus grandes. Évidemment
l'examen de la fonction rénale des malades exige les mômes précautions. Or, chose
remarquable, les publications de KCmmkl ne font nulle part mention d'une précaution
quelconque, en ce qui concerne le temps où il prélève le sang.
Je pourrais ajoutera ces exemples plusieurs autres. C'est ainsi que je pourrais men-
tionner le rôle prépondérant de la force hydrophile des malii-rcfi albiuninoidc^; du plasma
sanguin des vaisseaux péritonéaux et pleuraux, dans la résorption des malières salines
dans les cavitcs séreuses (Starlixo). Je pourrais citer l'intluence de la pression osmo-
tique dans la genèse de l'hi/dropisie et l'usage qu'on a fait de la déternunation du point
de congélation du sérum sanguin, pour établir la mort par submersion (Cahkaha), etc.
Mais je ne veux plus étendre cet article. On n'exagère pas en disant que la doctrine
de l'isotomie, éclaircie par la théorie de la pression osmotique et celle des ions, a déjà
rendu de grands services dans le domaine de la physiologie et de la pathologie, et sans
doute en rendra encore plusieurs autres.
(Voir pour les détails : Hamburger. Osmotischer Druck und lonenlehre in den medi-
cinischen Wissenschaflen. — Lehrbuch physikalisch-Chemischer Methoden, Wiesbaden,
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Krankheiten [Prag. med. Wochenschr., 1890, n"* 28 et 29); — i'ber den Einfluss des
respiratorischen Gaswechsels auf die rothen Blutkorperchen [A. P. P. xxxv, 1895, 309); —
Gru7idniss der kiinischen Pathologie des Blutes (2 Aull., 1896, 165). ' — J. Loeb. Uber die
Entstehung der Activitàts hypertrophie der Muskeln {A. g. P. lvi, 1894, 270) — Physiolo-
gische Untersuchungen iiber lonenivirkungen. 1° Mitheilung. Versuche am Muskel{A. g. P.,
LXix. 1898, 1); (2 Mittheilung, A. g. P., lxxi, 1898, 457) ; — Uber die Aehnlichkeit der Fliissig-
keitsresorptïon in Muskeln und in Seifen [A. g. P., Lxxv, 1899, 303);— Oh the nature of the
process of fertilization and the unfertilized egg of the sea urchin {Americ. .Journ. of
PhysioL, ui, (3), 1899, 135); — Furthcr eiperiments on artificial parthenogenesis and the
nature of the process of fertilization [Americ. Journ. of Physiolog., iv, 1900,434); — Vber
den Einfluss der Werthigkeit und môglicher iveise der elektrischen Ladung von lonen
auf ihre antitoxische Wirkung {A. g. P., lxxxviii, 1901, 68; — Experiments on artificial
parthenogenesis in Annelids [Chaetopterus) and the nature of the process of fertiliza-
tion [Aineric. Journ. of PhysioL, iv, 1901, 423; — Studies on the physiotogical effecls
of the valency and possibly the electrical charges ofions. L The toxic and antitoxic effects
of ions as a function of their valency and possibly of their electrical charge {Americ.
Journ. of PhysioL,\\, i90'2, 441). — Loeper. Mécanisme régulatear de la compositiondu sang
(Paris, G. Steinheil, 1903). — Loye et Dastre. Noucelles recherches sur l'injection de
l'eau salée dans les vaisseaux {A. P., 1889, 253). — R. Magnus. Vergleichung der diure-
tischen Wirksamkeit isotonischer Lôsungen [A. P. P., xliv, 1900, 396. — Malassez. Les
ISOTONIE. 731
pn'miéirf< rccht'i'chrs giir hi idsislmicc (lf>i i/lofuilrs: rotigcs tlii sanij (Mcmoivcn de la Soc.
(le Biol., 1S7;K l.li et ('i>inplt;s retidu'i de lu Suc. du liiol., ISO"), 2); — Sur les Kiduliniia
mlées dites ])lii/xi,dtitiii/ae>i{(\ II. Suc. liiol., m, iSOG, HOi). — E. M.\ii.\(;liano et Gastem.i.no.
L'ber die htmiaaine Nehrobiose der rotlien lUiiIkiirperclien, Kowohl iu nornuilem ivi<' (im-h
in patholoyiscliein Zustaude, uiid ihreii acniiolixj indien and klinisclien WeriU {Zcihdir. f.
klin. Med., 1892, 415). — Massart. Sensibilité et adaptation des on/anismcs A la concentra-
tion des solutions salines [Archir. de liiol., ix, 1889, 51.")). — Morua.n. The action of sait
solutions on tlie unfertilized and fertilized e<jrjs of Arbacia nnd of other animais {Arcli.
fïir die Entu'icklumjsmechanik, viii, 1899, 448). — ■ A. Mosso. f ber vcrschiedene
Jiesistenz der Jilutkôrperchen bei l'crschiedenen Fischarten {02 Versamml. deutsc/ier
yaturf. und Aerztc in Heidelbenj, 21 sept. 1899 et liiol. Cenlralbl., x, 1890,570); —
OvF.RïON. Osmotische Eigenscliaften. der Zellen in ihrer Bedeutung fiir die Toxikoloyie
und Pharmakologie {Zeitschr. f. physik. Chemie, xxii, 1897, 189). — Oui.ow. Einige Versuche
i'ibcr die liesorption in der Bauchhohle [A. g. P., i.xix, 1895, 170). — Pfkifkkr et Sommer.
iber die Résorption wasseriger Salzldsungen aus dem nunischlichen Magen unter physiolo-
gischen und patliologisclten Verltnllnissen {A. P. P., XLiii, 1900, 93). — Quixton. Ilypolltcse
de l'eau de mer, milieu vital des organismes élevés {Compt. rend. Soc. Biol., 30 oct. 1897,
935); — Communication osmotique chez l'invertébré marin normal entre le milieu intérieur
de l'animal et le milieu extérieur {C. R., 26 nov. et 3 déc, 1900, 905). — Raoult. Sur la
tension de vapeur et sur le point de congélation des solutions salines {C. R., lxxxvii, 1878,
167); — Sur le point de congélation des liqueurs alcooliques (C. R., xc, 1880, 865) ; — Loi
de congélation des solutions aqueuses des matières organiques (C. R., xciv, 1882, 1517); —
Recherches sur le partage des acides et des bases en dissolution par la méthode de congéla-
tion des dissolutions (C. R., xtjvi, 1883, 560); — Bestimmung des Gefrierpunktes ivdsseriger
Lôsungen von grosser Verdiinnung, Anwendung auf den Rohrzucker [Zeitschr. f. phys.
Chemie, ix, 1892, 343); — ï'ber Prdzisionskryoskopie sowie einige Anwendungen derselbcn
auf wàsserige Lôsungen {Ubersezt. R. Luther) [Zeitschr. f. physik. Chemie, xxwi, 1898, 617); —
RiCHTER et RoTH. Experimentelle Beilrâge zur Frage der Nieren insufficienz [Berl. klin.
Wochenschr., 1899, 657-683). — Sid.nky Ringer. Action of lime-, potassium- and sodium
salts on skeletal muscles [Journ. Physiol., vu, 20, 1887). — Ritter. Die natiirlichen schmcrz-
linderden Mittel des Organismus [Arch. f. klin. Chirurgie (lxviii, 1902, 429); — F. Rodier.
— Observations et expériences comparatives sur l'eau de mer, le sang et les liquides internes
des animaux marins {Travaux du laborat. de la Société scientif. et station zoologique d'Ar-
cachon, m, 1899, 103); — Sur la pression osmotique du sang et des liquides internes 'chez
les poissons sélaciens {C. K., Lxxxr, 1900, 10 déc, 1008);— Roth. Ûber die Permeabilitàt
der Capillârwand und deren Bedeutung fur den Austausch zioischen Blut und Gewebsflii-
sigkeit [Archiv f. {Anat. u.) Physiologie, 1899, 416). - Rotii et Richter. E:iperimentelle
Beitrdge zur Frage der Niereninsufficienz {Berl. klin. Wochenschr., 1899, 657-683). —
RoïH et Strauss. Vntersuchungen ûber den Mechanismus der Résorption mul Sécrétion in
menschlichen Magen {Zeitschr. f. kliii. Med., xxxvij, 1899, 144). — Sabenejew et Alexa.\-
DROW. ï'ber dus Moleculargeioicht des Eieralbumins {Zeitschr. f. physik. Chemie, ix, 1892,
88). — D. Schoute. Het physischchemisch onderzoek von menschelyk bloed in de Ktiniek
{Diss. Groningen, 1903). — Sommer et Pkeikfer, Uber die Résorption tvdsserigenSalzlôsungen
aus dem menschlichen Magen unter physiolog. und patholog. Yerhdltnisse [A. P. P. xlik,
1900, 93). — Si'iRO et Haake. Uber die diuretische Wirksamkeit dem Blute isotonischer
Salzlôsungen [llofmeister's Beitrdge zur Chem. Physiol. und Path., u, 1902, 149). —
Starling et TuBBY. ()/i absorptiotb from and sécrétion into the serons cavities (J. /*., xvr,
1894, 140). — Starling. The influence of mechanichal factors on lymph production (J. P.
XVI, 1894, 224); — On the mode of action of lymphagogues {J. P., xvii, 1894, 30); — Arris
and Gale lectures on Dropsy {The Lancet, 9, 16 et 23 may 1896) ; — On the absorption of
fluids from the connective tissue spaces (J. P., xix, 1896, 312); — The production and
absorption of lymph {Textbook of Physiol., 1898, i, 235); — The globular functio7is of the
kidney (J. P., xxiv, 1899, 317). — Strauss et Roth. Untersuchungen iiber den Mechanismus
der Résorption und Sécrétion im menschlichen Magen {Zeitschr. f. klin. Med., xxxvii, 1899,
144). — Strauss. Zur Funktion des Magens {Verhandl. d. xviii, Congr. f. inn. Med., 1900,
556). — Tammann, Thdtigkeit der ISiere im Lichte der Théorie des osinotischen Drucks
{Zeitschr. f. physik. Chemie, xx, 1896, 180). — Tangl etBuRGAKSKi. Physikalisch-Chemische
732 ISOTONIQUE — IVAINE.
Uulersuckungen iibcr die molccularcn Concentration^verlMltnhsc des lihUes (A. (j. P., lxxii,
dH98, 531). — Urcelay. De la résistance des globules rowjes {Diss. in. Paris, 1395). —
Vaquez. Des méthodes propres à évaluer la l'ésistance des ijlobules rouges {li. B., 1898,
159); — Des méthodes propres à apprécier l'état des fonctions rénales {La Presse méd.,
1900, n" 14, 64). — Hugo de Vries. Analyse der Turgor (Proc. Verb. d. k. Ak. v. W. te
Amsterdam, 27 oct. 1882); — Methodon zur Analyse der Tiirgorkraft [Priugsheimer Jahrb.
f. wissensch. Botanik, xiv, 1884, 427); — Osmotische Vfisuche mit trijenden Memljranen
{Zeitschr. f. physik. l'hernie, ii, 1888, 14o); — Willehdinu. Hamburger's BlufkOrperchen-
methode in ihren Beziehungcn zu den Gesctzcn des osmotischen Dnicks(Diss. Giessni.i89~).
— WiNTEK. De la concentration moléculaire des liquides de l'onjaitismc (Arch. de Physiol.,
1896, 114).
ISOTONIQUE (Contraction). - v. Muscles.
IVAINE. — Substance très amère, extraite de VAchillea moschatu (C^'-H^-O^).
J
JABORANDINE. — (C-H'^z^oi) ProJuit d'oxydation de la pilocarpine.
V. Pilocarpine.
JABORINE. " (C"H"'Az02) Substance nialdérinie. extrailiMlu jaborandi, en
môme temps que la pilocarpine. V. Pilocarpine.
J ACARANDINE. — Matière tinctoriale jaune voisine de la lute'oline, qu'on
extrait de l'ébône vert \Excalcarbi ijlandulosa et Jacdranda ovalif'olia}. (C'-'*H-*0'"). On la
trouve associt^e à l'excalcarine (C'H'-O').
J A LAPINE. — Substance extraite de la résine de jalap [Exogonium Jalapa nu
Ipomaca orizabcnsis). C'est un glycoside, homologue de la couvolvuline, qui répond à la
formule C'^H-^^O'". On peut l'extraire aussi de la scammonée (Convolvulux scamnionia).
Klle est peu soluble dans l'eau, mais soluble dans l'alcool et dans rélher;elle se dissout
sans s'altérer dans l'acide acétique. Sous l'action des acides étendus bouillants, elle donne
du glycose et du jalapinol (C^^H^-O"). Elle est identique au corps qu'on appelait scam-
monine. On obtient, en traitant b' jalapine par les bases, de l'acide jalapique ou scani-
monique (C**H"*'0'^), et, en traitant le jalapinol par ces mêmes bases, de l'acide jalapi-
nolique (C'^H^^O'). Les propriétés drastiques, purgatives, irritantes du jalap et de la
scammonée sont dues à laconvolvuline, laquelle a été d'ailleurs beaucoup plus étudiée,
plutôt qu'à la jalapine elle-même.
JAMBOSINE. — (C»oH»^NO') Alcalo'ide extrait par Gkrard (1884) de l'écorce
du Myrtus jainbo>^a.
JAPACONITINE. — (C'MP''.\0") Extraite par Paul et Kinozett (1877) de
l'Aconit (lu .lapon. Propriétés physiologiques presque identiques à celles do l'aconitine.
On peut extraire aussi de cette plante un autre alcaloïde très voisin, la japaconine
(C-'H*'>îO"^). (DfNSTON, W. H. Contribution to our knoioledye of thc aconite atkaloids.
On japaconitinc and the alkaloids of Japanese aconite. J. Chcm. Hoc, 1900, lxxvm, 45-65.)
JASMONE. — (C"H'*0). Un des principes odorants de l'essence de jasmin
(.3 p. 100). C'est un corps qui bout à 207".
J ASM AL. — C'est le principe odorant de l'essence de jasmin. On le considère
comme l'étlier môthylénique du phénylglycol (bouillant à 101°) (C'H'-O'').
JATRORRHIZINE. — (C-^oH'SiNO-')- (Feist, t907, Arch. dcr Pharnu, ccxi.v.
386.) Alcaloïde incomplètement isolé des racines de Jatrorrhiza palmala).
JECORINE. — Corps sulfuré et phosphore encore mal défini, que Drechsel
a retiré du foie de cheval (V. Lécithines). (Drkcmsei,, J. f. pnikf. Chem., 1886, xxxni, 425.)
JEQUIRITY. — Graines de X'Abiua prccatorius. On en a extrait l'abline, dont
les propriétés sont voisines de la riciiie. (V. Ricine.''
734 JERVINE — JOHANSSON.
JERVINE. — (C2«H"N0^) Alcaloïde extrait par Simon eu 1837 du Veratniin
album. Cristaux fondaut à 238°. Peu toxique. (V. Vératrine.)
JOHANSSON (J.-E.), professeur de pliysiologie ù Stockholm.
A. Physiologie. — i884f. — Undensôkniny of fànjsinnet i blinda flàckens narmaste
omyifning {La perception des couleurs autour de la papille du nerf optique) {Uppsala
âkarfôrenings fôrhandlingar, xix, 1-3).
1885. — Ueber das Verhalten des Scrumalbumins zn Sdurcn und Ncutralsalzcn (Z. P. C,
IX, 310-318).
1889-1890. — En collaboration avec R. Tigerstedt : 7Mr Kenntniss der Wirkunrf des
Nerv. vagus auf das fierz. [tlijgiea Festband.) — Ueber die gegenseitigcn Beziehungen des
Herzens und der Gefâsse {S. A. P. \ i, 331-402; ii, 409-437).
1890. — Studier ôfver inflytandet pa blodtrycket af retning af ryggmargen och af nerv.
splanclmieus med induktionsslay af olika frekvens och intensitet] [L'influence 'de l'irritation
des vasomotcurs sur la pression artérielle, la fréquence et l'intensité de l'irritation vai'iées)
{Svenska Vctcnskapsaakdemicns Uandlingar, xvi, iv, n" 4, 1-78).
1891. — Die Reizung der Vasomotoren nuch der Liihnning der cercbrospinalen Herz-
nerven (A. P., 103-156).
1892. — Die lUngbdnder der Nervenfaser (A. P., 41-52).
1893. — Ueber die Einuùrkung der Muskeltdligkeit auf die Atmung und die Ilerztàtigkeit
{S. A. P., V, 20-66). — E.vstirpation af pankreas {L'extirpation du pancréas) {Hygiea, 1-16).
1896. — Om innerôrats betydelse for kroppejxs jdmvikt {L'influence du labyrinthe sur
l'équilibre du corps) {Hygiea, 190-221). — Ueber den Einfluss der Temperatur in der Umge-
bung auf die Kohlensaureabgabc des menschlichcn Korpers (S. A. P., vu, 123-177). — En
collaboration avec Tigerstedt, SodiNÉn et Landergren : Beitrdge zur Kenntniss des Stoff-
wechsels bcim hungernden Menscticn (S. A. P., vu, 29-96).
1897. — Ueber das Verhalten der Kohlensdureabgabe und der Kôrpertemperatur bei
môglichsl vollstàndiger Ausschlicssung der MuskeltUtigkeit {Nord. med. Arkiv, n" 22, 1-14).
— Einige Beobachtungen iiber den Einfluss, welchen die Korpcrbeschaffenheit der Mutter auf
diejenige des reifen Kindes ausûbt (S. A. P., vu, 341-379).
1898. — Ueber die Tagesschwankungen des Stoffn^echsels und der Kôrpertemperatur in
niichternem Zustande und vollstdndigen Muskelruhe (S. A. P., viii, 8;)-142). — Ein ncues
stativ fiir operative Tierversuche {S. A. P., viii, 143-146).
1901. — Untersuchungen ùber die Kohlensdurcubgabe bei MuskeUdtigkeit (S. A. P.,
XI, 273-307).
1902-1903. — En collaboration avec G. Koraen : Untersuchungen ùber die Kohlensdure-
abgabe bei statischer und nci/ativer Muskeltdligkeit (.S. A. P., xiii, 229-250). — Wie wird
die Kohlensdureabgabe bei Muskelarbeit von der Nahrungs-zufuhr beeinflusst? (S. A. P., xiii,
231-268). — Die Einwirkung vcrschiedener Variabeln auf die Kohlensdureabgabe bei posi-
tiver Muskeltdtigkeit (S. A. P., xiv, 60-81).
1904. — Die chemische Vi'drmercgulation bei Mcnschen \S. A. P., xvi, 88-93). — Die
Kohlensdureabgabe bei Zufuhr vcrschiedener Zuckerartcn (S. A. P., xvi, 263-272). — Magnus
Giistaf Blix. Minnesord. {Hygiea.)
1906. — En collaboration avec Helu;ren : Eiueissumsatz bei Zufuhr von Kohlehydraten.
Festschrift fur Olof HAiiiiARSTEiN.
1908. — Untersuchxingen ùber den Kohlehydratstoffuechsel {S. A. P., xsi, 1-34).
1909. — Chemie 'der Atmung, in Lehrbuch der Physiologie des Mcnschen von N. Zuntz
und A. Lœwy.
1910. — Methodik des Energiestofftvechsels. Handbuch der biochemischen Arbeitsmethoden,
herausgcgeben von E. Abderhalden. — Fysiologiska institutionen . Karolinska mediko-kirur^
giska institutets historia.
B. Statistique médicale. Sociologie. — 1901-1909. — Bidrag tillSveriges officiella
statistik. K. Hàlso- och sjukvurden, I Medicinalstyrelsens underdâniga berdttelse {Rapport
officiel de l'Administration médicale de Suède),
1901-1910. — Bidrag till Sveriges officiella statistik. G. Fângvârden, Fûngvdrdssty-
i, Skandinatisclies Archiv fur Physiologie,
JOHANSSON. 735
relscns undeniânn/a berdttelse, V Hdlsovurden {Rapport officiel de l'Administration péniten-
tiaire, V. Etat sanitaire'.
1907. — Rcdoyorelse for undcrsôkningar angnende behofvct af vârdanstalier fur lung-
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suédoise contre la tuberculose, 52-73).
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nellcs parmi les femmes jjrostituées) (Social Tidsclirift, 172-177). — Lungsnlsdndligheten i
Srcrige {Mortalité par la phtisie) {Lungsotskommitténs Betdnkande i/). — The frcquency
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Swcden, 195-200). — • Sammanstâllning af dôdsorsaker {Causes des décès) {Hygiea, 525-
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1910. — Snrskildt ijttrande. lieglementerings-kommitténs Befânfcanrfe, /, 525-585. — Sta-
tistisk utreding angnende rcglcmentcringen i Stockholm, 1859-190'j (Recherches statistiques
sur la réglementation) [licgl. Komm. m, 1-183). — Reglcmenterinyssi/stemets brister och oln-
gcnheter samt dess ittrecklingsmiijligheter {Les défauts et les inconoénients du système de la
réglementation) {Regl. Komm, m, 184-204). — Samhdllets reaktion mot prostitutionen {La
réaction de la société contre la prostitution) {Regl. Komm, m, 204-238). — Undersokning
rôrande frekvensen af smittosamma konssjukdoinar iriket {Enquête sur l'étendue des mala-
dies vénériennes en Suède, 1905) {Regl. Komm, m, 2, 1-15). — De smittosamma kô)issjuk
domarnas utbredning i Sverige, 1822-1906 {Les maladies vénériennes en Suéde, 1822-1906)
{Regl. Komm, m, 3, 1-39.
1912. — Die Sterblichkeit im Sduglingsalter in Schweden. Handbuch der Sduglingspur-
torge, herausgegeben von Julius Springer.
K
KAIRINE. — 109. iV. Quinoléine.)
KAMALA. — Substance employée comme ténifuge. On l'extrait d'une euplior-
Liacée du yenre Ecldniis.
KINOINE. — (C'*H'-0'^). Substance extraite du F<ino suc du Pterocarpiis mar-
mpiitm, do la côte de Malabar). Traité par IIC-I, le Kiiio donne une partie insoluble rouge
(rouge de Kino) et une partie soluble, incolore, qui est la Kinoïne. Chauffée à 120", la
Kinoïne donne du rouge de Kino (C-^'H^^O").
KOSEINE. — Pavesi et Vke (18;j8i ont extrait des fleurs du kousso {Ifaijcnia
abyssiiiica une substance cristallisable, dont l'étude a été reprise par Leiciisenbi.ng,
1893 {Arch. der Pharin., ccxxxii, îiO). Elle parait peu active. Koudakoif et Siiktz ont pu
extraire le principe actif qu'ils ont nommé Koussine (C^^H'^^O"). D'après Leichse.nri.ng, on
pourrait isoler encore d'autres principes, non actifs, c'est-à-dire non vermifuges, la
protokoséine et la koiissidine (C-''H'*0^ et C^'H**0"). Mais ce sont des produits peu
déterminés, et d'ailleurs peu actifs (V. I.obech, Arch. der Pharm., 1901, ccxxxix, 672).
— Dacco.mo et Malag.mm, Alciine notizie inlorno alla Kosino Orosi, 1896, xx, 361-371). —
Feltz (L.). Des principes actifs contenus dans les fleurs du kousso {Bull, des Se. pharmacol.,
1901, m, 93-102).
KOSSEL (A.), professeur de physiologie à l'Université de lleidelberg.
Abréviations.
C = Berichte der deutschcn chemischen (iesellschaft;
Z = Zeitschrift fiir physiolofjische Clicmie.
A = Archiv fiir Auatomic und Physiologie. Physioloyische Ablhcilung.
Zcitsch. fiir physiologische Chemie.
de I à XX = 1877-1895;
de XX à XL = 189b-1903;
de XL à LX r=r 1903-1909.
DiiS Gewehe des menschlichcn Kôrpers und ihre mikroskopische Untersuchung von tich^
rens, Kossel und Schiefferdecher. Braunuchiveig, 1891 ; -— Leitfaden fiir mcdicinisch-che-
mische Curse, Berlin, 6 Edit.
Zur Kenntniss der Arsenioirkungen (A. P. C, 187o); — Ein Beitrag ziir Kenntniss der
Peptone {A. g. P., xiii, 309); — Veber die Peptone und ihr Vcrhiiltniss zu den EiioeisskÔr-
pern. [Ibid., xxi, 279); — Ueber die chemischen Wirkungen der Diffusion (Z., ii, 158); —
Ueber die chemische Zusammensetzung der Peptone (Z. m) ; — Chemische Wirkungen der
Diffusion (Z., ii); — Ueber das Nuclein der Hefe (Z., ni, 284 et iv, 291); — Ueber das
Verhallen von Phénol àthern im Thierkdrper Z., iv, 297); — Ueber die Hcrkunft des Hypo-
KRONECKER. 737
xantltins in den Onjunvn (Z., v, lii2) ; — Uebcr die Verbreitiing des Ih/po.vanthins iin Tliicr-
und l'/lanzi'nrficJi{Z., v, 267) ; — Vehcr die Nuclcini' und ilire 8'pr//^<»;/5p/w/j<c<<.', Strasslmig,
1881); — Vclter Xaut/iin und lli/iHhrantfiin (Z., vi, 422) ; — Z«r Chimie des Zclllierns{Z, vu,
7); — Zur Clicmie dcr (jejniditen Sclniefelsdureii \Z., vu, 292); — Uebcr (iiuinin (Z., vin,
404); — Ueber eine peptonarligen licstandlheil des Zellkerns{Z., viii, ■■»M); — licilrdije zur
Clicmie des Zellkcrns (Z., x, 248); — Ueber Adenin {Z., x, 2bO) ; — Uebcr Adcnin U {Z ,
XM, 241); — Ueber Theoplii/llin (Z., xiii, 2',»8) ; — Neue Méthode zur Verseifuny von Fe^t-
sdurcestern (avec Ohkrmullkr, Z., xiv, 539) ; — Ueber die Chorda dorsalis (Z. xv, 331), —
Ueber Adenin und Hi/poxanthin (avec G. Hru.n'hs) (Z., xvi, 1); — Ueber die Verseifun/ von
Estern durrh Nafriumaikoholat (avec Krucer) (Z, xvi, 321); — Uebcr einiijo licstanilthcile
des Serrenmnrcks (avec Freitacî), (Z., xvii, 431); — Selbslthdtige Blutrjitspuinpe (Z., xvii,
644), (avec Hyi-si; —Zur Erinneruiu/ an Hoppc-Sci/ler (avec Haumann) (Z., xxi, 1); —
Ueber die basischen Stof/'e des Zellkcrns (Z., xxii, 170); — Ueber die Bildung von Thymin
nus Fischsperma (Z., xxii, 188); — Darsfcllung und Spaltungsproducte der Nucleinsdure
(avec Neumann) (C. xxvii, 2215); — Ueber die chemische Zusammcnsctzung der V.elle {A.,
1891, 181-186); — Ueber die Nucleinsdure (.1., 1893, 157-164); — Ueber das Dulcin [A.,
1893, 389-390); — Weilerc lieitrâge zur Kennlniss der Nucleinsâure {A., 1894, 194-200);
— Bcitrage zur l'husiologic der Kohlehydratc [A., 1894, 530-538); — Ueber Nucleinsdure
und Thyminsdure (avec Neijman.n) (Z., xxii, 74); — Zur Erinnerung an E. JMaumann (Z.,
xxiii, 1); — Ueber die Constitulion der einfachsten Eiiveisskiirpcr (Z., xxv, 165); — Uebcr
die liildung von Arginin aus Elastin (Z., xxv, 551) (avec Kutscher); — Zur Kenntniss der
Trypsinivirkiing (avec Matthews), (Z., xxv, 190); — Ueber die Darstellxing iind den Nach-
H'ciss des Lysins (Z., xxvi, 586) ; — Weitere Milthcilungcn ilherdie Prolamine (Z, xxvi, 588) ;
— Ueber das Thymin (avec Steudel), (Z, xxix, 303); — Bemerkungen zii Bang's Arbeit iiber
das Nuclcohiston (Z., xxx, 520) ; — Beitrage zur Kenntniss derEiH'cisskiirper{a\ec Kutschek',
(Z., xxxr, 165); — Beschrcibung ciniger Apparale [Z., xxxiii, 1); — Ueber eincn basisdien
Bestandtheil thierischer Ze/Zen (avec Steudel), (Z.,xxxvii, 177); — Uebcr das Vorkommendes
Uracils im Thierkorpc) (avec Steudel), (Z., xxxvii, 245) ; — Ueber das Cytosin (avec Steu-
del), (Z., xxxvii, 377); — Weitere Untersuchungen iiber das Cytosin (avec Steudel) (Z.,
xxxviii, 49); — Zur Analyse der Hexonbasen {avec Patten) (Z., xxxviii, 37); — Zur Kenn-
tniss des Salmins (Z., xl, 311) ; — Beitrag zum System der einfachsten Eiiocisskdrper (avec
Dakin) (Z., XL, 565); — Uebcr die Arginase (avec Dakin) (Z., 321); — Ueber Salmin und
Clupfin (avec Dakin) (Z., XLi, 407); — Weitere Untersuchungen iiber f'ermentative llarnstoff-
bildung (avec Dakin) (Z., xlii, 181) ; — Weitere Beitrage zum System der einfachsten Eiweiss-
kôrper (avec Dakin) (Z., xliv, 342); — Einige Bemerkungen ùbcr die Bildung der Pro-
tamine im Thierkôrper {Z., xliv, 347); — Ueber Protaminc und Histone (avec Pringle)
(Z., XLix, 301); — Ueber Clupcon (avec Weiss) (Z., lix, 261); — Ueber die Wirkiing von
Alkalien auf Proteinstoffc (avec Weiss) (Z., lix, 492 et lx, 311); — Uebcr das Agmatin (Z.,
Lxvi, 257); — Synthèse des Agmatins unter den Spaltungsproductcn der Proteinsto/fe (avec
Weiss) (Z., lxviii, 160); —Uebcr die Einwirkung von Alkalien auf Proteinstoffc (avec
Weiss) (Z., lxviii, 165) ; — Zur Chemie der Protaminc [Z., lxix, 138); — Die Problème der
Biochemic {Rectoratsredc,Heidclberg, 1908); — Uebcr die chemische Beschaffenheit des Zell-
kei'ns [Nobcl-Vortrag gehalten in Stockholm am 12 Decembcr 1910, Mùnch. med. Woch.,
1911); — Ueber den gegenwdrtigen Stand der Eiweisschemie (C, xxxiv, 3214); — Sur les
jvotamincs et la constitution des matières albuminoidcs {Bidl. de la Société chimique de
Paris : conférence faite devant la Société chimique dans sa réunion annuelle le 30 mai 1903,
XXIX).
KRONECKER (Hugo), professeur de physiologie à Berne.
Bibliographie. — De ralionc quà musculorum defatigatio ex laborc eorum pcndcat
(Diss., Berlin, 1863). — Ueber die Gesetze der Muskclermiidung [Ber. d. Berl. Akad., 1870);
— Uebcr die Ermùdung und Erholung der quergestreiften Muskeln {Arb. a. d. phys.
Anstalt zu Leipzig, 1871). — Ueber die Form des miminalcn Tetanus (Mon. Ber. d. Berl.
Akad., 1877). — Ueber die Genesis der Tetanus {A. P., 1878) (avec W. Stirling); — Ueber
die sogenannte Anfangszuckung (A. P., 1878) (avec W. Stirling);— Effets du travail de
certains groupes musculaires sur d'autres groupes qui ne font aucun travail (C. R., 1900,
cxxxi, 492-493) (avec Cutter); — Historischc Daten ueber die Théorie der Muskelkontraktion
DICT. DE PHYSIOLOGIE. — T. IX. 47
738 KRONECKER.
[Featsch. f. Rosenthal, Leipzig, ]90C>, 197-206); — Compamhon entre la sensibililé dit nerf
et celle du téléphone [B. B., 1900, 38-39); — On the propar/ation of inhihitory excitation
in the medidla ohlongata {Proceed. of the Hoi/. Soc, 1881-1882) (avec Meltzer); — De
l'excitabilité du ventricule pendant l'inhibition [Arch. intern. de Pht/sioL, 1904, ii, 211-222);
— La conduction de l'inhibition à travers le cœur du chien (avec F. Sp.vlitta)[(.4;'c/i. intern.
de Physiol., 1904. ii, 223-228); — The propagation of impidses in the Ilabbit's heart {Report
Brit. Aasoc. f. Adv. Se, 1899, Londoii, 1900, 89o) ; — Ueber die Summation elcklrischer
Hantreize '{a.\ec W. Stirling) [Ber. d. K. Sachs. Ges.d. Wiss., 1874); — Bemerkunr/ ûber
die Bcijriffe Summation im Reizen und Staigerunr/ dcr Erregbarkcit im Anschluss an die
Mittheilung v. Prof. v. Basch: iiber die Erholung der Errcgbarkeit des Herzcns durch wie-
dcrholte elektrische Reize [Ber. d. K. sachs. Ges. d. Wiss., 1880); — Ueber die Ermùdung
tetanisirter quergestrcifter Muskeln [Berl. physiol. Ges., A. P., 1880, 438). — Die vnllkùrliche
Miiskelaktion {A. P., 1878, avec Stanley Hall); — Das charakterische Merkmal dcr Herz-
muskelbewegung {.Tubelland f. Garl Ludvvig, 1874). — Die Unfdhigkcit der Froschherzspitze
elektrische Reize zu summiren {Rerl. physiol. Ges., 1879); — Das Coordinationsccntrum der
Herzkammerbcuegung (Berl. Ak. der Wiss., 1884, et D. med. Woc'i.,J1884, avec F. Sghmey);
— Ueber Stôrungen der Coordination des Herzkammersschlages (1897, 1-76). — Ueber Stô-
rungen der Coordination des Herzcns [Corr. Bl. f. schveiz. Aerzte, 1898, xxviii, 299-303);
— Ueber die Aenderungen der Leislungsfàhigkcit und 'der Errcgbarkeit des ermùdenden
Froschherzens{A. P., 1883, 266) (arec Th. Mays); — Sur le rétablissement des 2iulsations
du cœur en fibrillation (C. R., cxlii, 1907, 997-999) ; — La cause des battements du cœur
(C. R., 1907, cxLV, 693); — Trémulations fibrillaires du cœur de chien (B. B., 1891, 257-
258); — L'extension des états fonctionnels de V oreillette au venir icide se fait-elle par voie
musculaire ou par voie nerveuse? {C. /{., 1905, cxl, 529-531); [ — Ueber die Vorgdnge
beimSchlucken [Berl. physiol. Ges.) [A. P., 1880, 446-447) (avec S. Meltzer); — Ueber den
Schluckact und die Rolle der Cardia hei demselbcn (avec S. Melizer) (A. P., 1881, 465-
466); — Ueber den Schluckmechanisinus und dessen nerrose Hemmungcn (Monatsb. d.
Berl. Acad., 1881)100-106, (avec S. Mf.lt/er) ; — Dcr Schluckmechanismus, seine Errcgung
undseine Hemmung (avec S. Meltzer) {A. P., 1883, SuppL, 358-362) (V. aussi Wien.med.
Woch., 1884, xxxiv, 715; 748; 779, 315); — Innervation de l'œsophage (avec F. Lusohk.r)
{A. i. B., XXVI, 1896, 308-310, et Atti. d. R. Ace. dei Lincei, 1896); — Die Schluckhewe-
gung [Veroff.d. Ges. f. Heilk. in Berlin, 1885, 1-56);— A;-/. Déglutition du Dict. de Phy-
siologie; — Discussion iiber Schluckgeraiische gegen Ewald [Berl. med. Ges., 1883); —
Einflussder kànstlichen Athmung auf den Blutdruck im Aortensystem [Corr. Bl. f. schweiz.
Aerzte, xviii, 1888, 7 fév.); — Ueber den Ei7ifluss der Ucbung auf den Stoffivechsel (avec
M. Gruber) [Corr. Bl. f. schiveiz. Aerzte, xvm, 18H8, 7 août); — Altes und Neues ueber
das Athmung scentrum [D. med. Woch., 1887, n"* 36 et 37); — Ueber den Einfluss der
Bauchfiillung auf Athmung und Kreislauf {Corr. Bl. f. schweiz. Aerzte, 1888, xvm, 7 août);
— Ueber die Auslôsung der Athcmbeivegungen {Berl, physiol. ges., A. P., 1880, 441-446)
(avec Marcrwald); — Ueber die Bewegungen des Utérus [A. P., 1883, 263); — Die Berg-
krankheit (1 vol. 8° Berlin et Vienne, 1903) ; — Thermische Untersuchungcn{Berl. physiol.,
Ges., 1878) (avec Ghristiani); — Ein neues Vcrfahrcn, die mavimale hincntemperatur
von TIticren zu messen Berl. j^hysiol. Ges., 1878) (avec M. Meyer) ; — Ueber die Bildung von
Serumalbu?ninen im Darmkanal {Z. B., 1888) (avec Popokf) ; — Kritisches und Expcrimen-
tellcs uber lebensrettende Infasionen von Kochsalzlosu)ig bei Hunden {Corr. Bl. f. schweiz.
Aerzte, 1886, xvi, 447; 480, 400); — Ueber die den Geweben das Korpers gunstigen Flussig-
keiten {D. med. Woch., 1882) ^ — Kochsalzwasser Infusion (D. med. Woch., 1884); —
— Ueber den Tonus des Pfortadersy stems (Ber. d. nat. forsch. Ges., Heidelberg, 1889); —
Comment agissent des irritations de la peau sur la formation des globules rouges du sang?
(A. i. B., xxvii, fasc. 3) (avec Marti); — EinigeBemerkungen iiber die Nebenivirkungendes
Antifebrins {Therap. Monatshefte, 1888, ii, 426-428); — Chloroform oder Aether-Narkose
{Corr. Bl. f. schveiz. Aerzte, 1890, xx, 710-717); — Ueber die Leistungen von Hùrthle's
Tonographen {C. P., 1901, xv, 401-405); — Ueber graphische Methoden in der Physiologie.
Ein telegraphischer Kymometer {Zeitsch. f. Instrumentenkunde, 1, 26-33, 1880); — Ein
Elektromyographion (Z. B., 1886, v, 285-290); — Zum Geburtstage Albrecht von Hallers
{D. med. Woch., 1908, xxxiv, 1813-1815); — Ein eigenartiger deutscher Naturforsher : zum
Anderiken an Willy Kiihne {Deutsche Revue, 1907, 99-112).
KUHNE. 739
KUHNE (Willie) (is:n-l',t00i,ct''lèbre iiard'excollents travaux de physiologie
et de chimie [)hysiolo,:^i(iiii'. longtemps professcMir à Heidelhcr;^.
Abréviations
A — Reichert'ii Archii' fiir Anatoinie uttd PlnisioliK/u-.
A. A. P. — Virclioir'a Archiv fur pallioloijische Analoittir ivid J'In/siDloi/ii'.
H. — Verlnindluni/rn dcr nalur hisloi'i^ic/ieii meilicinii^clic Vcrrins. zxi llciilrlbrrii.
Veber ktinatlich erzciigfcn Diabetea bci Froachen {(iiittinf/en Nachrkhler, 1800, 217-319);
— Ucbi'r eiue neiic Ziirkcrprobe {Henle und Pfeiffcr 'AelUchr., 18."i7, viir, 139-140); — Zuv
Métamorphose der Beritsteinaniire {A. A. P., iS'M, xii, 390-401); — lieitrwje ztir Lehrc von
Ictenis {A. A. P., ISÎiS. xiv, 3IO-3">fi); — Uebcr die chemisclic Ucizunçi dcr Mxt^kehi und
Nerven [Berl. Monatabcr.. 1859, I8(i-190); — l'cbcr ilic S('lbsli'n)di;/e ïïeizbarkcil dcr Munlud-
fasern {lierl. Monatsber., 181)9, 220-229); — Pic Endif/uw/ircisc dcr Nervcn in dcn Miiskcln
und das doppclsinniçie Lcituni/wcrmotjen der molorischcn JScrretifaser [Berl. Monahber.,
18o9, 395-4021; — Uebcr die (jerinribare Substnnz dcr Muskeln {Berl. Monatsbcr., 18.">9,
493-497) ; — Ueber die Bildung dcr lUppursâure nus Bonzo'niiure bei flcisclifrcssenden Thie-
ren (avec W. Hallwaciis) {A. A. P., 1857, 380-290); — Sur l'irritation chimique des nerfs
et des muscles {C. B., iSl\9, xlviii, 400-409 et 470-078; Mcm. Soc. BioL, 1859, 81-82); —
Uebcr directe iiud indirecte Muskelrcizungmittcht chemischer Agent icn (A., IS.'iO, 213-2.13);
Vebcr Muskclzurl;unr/cn ohnc Bcthciliijung der Ncrrcn {A., 181)9, 314-333); — • Ucber soge.
nannte idiomuKculare Contraction {A., 18!)9, 418-420); — TJntersuchiiwjeii iil)er Betrer/uni/en
und Veranderunrjen der contractilcn Substanz [A. 18o4, 504-041 ; 748-835) ; — Hech. stir les
propriétés physiologiques des muscles {Ann. des se. nat., {Zoo!.], xiv, 1800, 113-110); —
Ueber die Wirkungen des Americanischen Pfeilgiftes [A., 1800, 477-510); — Notiz zur
Gcschichte der ki'instlichen Diabetex [A., 1860, 261-202); — Ueber die chemischc Reizung der
Muskeln und Nerven und ihre Bedrutung far die Jrritahilitdlsfrage [A., 1800, 315-334); —
Note sur un iiourel organe du sj/^U'uic nerrcu.r \C. /{., 1861, lu, 316-317); — Eine lebende
Nematode in eincr lebenden Muskcifaser beohachlrt (A. A. P., 1803. xxvn, 222-224) ; — Ueber
die Endigung der Nerren in dcn Muskeln {A. A. P.. 1803, xxvii) 508-533); — Die Muskcls-
pindcln.Ein Beitrag zur Lehre von der Entwickelung der Muskeln und Nervenfascrn (A. A.
P., 1863, xxviii, 528-538); — Bemerkiingen betrcffend den. Aufsatz des Jferrn Metchnikoff
iibcr dcn Stiel der Vorticellcn [A., 1803, 400-411); — Sur la terminaison des nerfs moteum
dans les muscles de quelques aniinaux supérieurs et de V homme [C. R., 1804, lviii, 1025
1027); — Der Zusammcnhang von Nero und Muskelfascr {A. A. P.. 1864, xxix, 433-449); —
Ueber die Endigung der Ni'rvoi in. den Nerrenhiigeln der Muskeln (A. A. P., 1804, xxx,
187-220); — Sitr les plaques nerveuses des fibres motrices (C. R., 1865, lxi, 050-052); —
■ Ueber das Vorkommen zuckcrbildender Subztanzen in pathologischen Neubildungen [A. A.
P., 1865, XXXII, 530-542); — Ueber den Farbstoff der Muskeln [A, A. P., 1805, 79-94); —
Ein ein fâches Verfahren die Réaction hdmoglobinhaltiger Flùssigkeiten zu priifon [A. A.
P., 1865, XXXIII 95-96); — Zîo- Erkcnnung des Kohlenoxydsim Blute {A. A. P.. 1805, xxxiv,
244-245); — Zur Lehre ron den Endplatten der Nervenhiigel [A. A. P., 1865, xxxiv, 412-
422); — Das Vorko7nmen und die Ausscheidung des lliunoglobins ans dem Blute (^1.^4. /'.,
1865, xxxiv, 423-46); — Ueber den Einpass der Gase auf die Flimmerhcujegung {Arch.
mikr. Anal., 1860, ii, 372-377); — Zur Chemie der ami/loidenGewebsenlartung (A. A. P.,
1865, xxxiii, 66-76) (avec Hudnefk); — Ucber-Ozon im Blute A. A. P., 1865, xxxiii, 96-
110) (avec G. Scholz); — Veber die Verdauung der Eiweissstoffe durch den Pankreassaft
iA. A. P., 1867, XXXIX, 130-172); — Ueber Indol aus Eiweiss {Berl. chem. (rcs., 1875, 206-
210); — Die Verdauung als hisfologische Méthode {lleidelb. nat. med. Verh., 1877, i, 451-
456) (avec A. Ewai.di; — Ueber das Verhalten verschiedcner organisirter und ungeformter
Fermente (Heidcib. nat. nicd. Verh.. 1877. 104-198); — Ueber das Sekret des Pankrcas [llei-
delb. nat. uicil. Verh., 1877, 233-235); — Weilere Mitiheilungen uber Verdauungsenzi/me
und die Verdauung der Albumine {lleidelb. nul. med. Verh., 1877, 236-242); — Ueber die
Absondereng des Pankrcas {Hcidelb. nat. med. Verh.. 1877, 443-450) (avec A. S». Lea); —
Ueber einen ntucn Bestandtheil des Nervensystems (Hcidelb. nat. med. Ve/7*., 1877, 457-464)
(avec A. Ewai.d'i ; — Z»/ Photi>chemie der Mctzhaut \Ueidel1,. nat. med. Verh.. 1877, 484-
740 KUHNE.
492 et Annales de (Chimie, 1877, xi, 111-122); — Photographie de la rétine ou optu<jraphie
[Ann. de chimie, xi, 1877, 122-127); — Sur le rouge de la rétine {Ann. de chimie, xi, 1877,
127-130);— On the stable colours ofthe retina{J. P., I, 1878, ip9-130) (avec W. Aybes); —
Addition to Ihis article {J. P.. i. 1878, 189-192); — Veber diè Verbreitung ciniger Enzyme
im Thierkôrper (Heidelb. nat. med. Vcrh., 1880. 1-6); — Ueber das Verhalten des Muskels
zum Nerrcn {Heidelb. nat. med. Verh., 1880, 227-246); — '/.ur Physiologie des Sehepithels
(J. P., 1880, III, 88-92) (avec H. Sewall); — Ueber Hemialbumose im Harn (Z. B., xix,
209-227) ; — Ueber die nachsten Spaltungsproducte der Eiweisskôrper (Z. B., 1883, xix,
ir»9-208) (avec R. Chittendem); — ]>ie Verbindungen der Nervenscheiden mit dcm Sarko-
lemm (Z. B., 1883, xix. 501-534); — Ueber motorische Nervenendingung (1886, 97-110;
212-214); — Ueber elcktrische Vorgunge im Sehorgan (1886, 1-9) (avec J. Steiner); — Die
motorische Nervenendingung, besonders nach Beobachtungen an Muskelquerschnitlen von D.
med. B. van Syckel aus Neic York (1886, HZ-ilil); — Ueber das Neurokeratin. {Z. B., 1890,
XXVI, 291-323) (avec R. Ciiitte.nden) ; — On the origin and the causation nf vital movement
[Proceed. of the Hoy. Soc, 1888, xliv, 427-448); — Sccunddre Errcgung vom Muskel zum
Maskel (Z. B., 1888, xxiv, 383-422 et 1889, xxvi, 203-220); — Myosin nnd Myosinosen (Z.
B.. 1888, xxv, 358-367) (avec R. Chittb.ndkn) ; — Kieselsàhre als Nàhrboden fier Organismen
(Z. B., 1890, IX, 172-179; — Erfahrungen ueber Albumosen und Peptone (Z. B., 1892,
XXIX, 1-40); — Untersuchungen ûber die Protéine des Tuberculins (Z. B., 1893, xxx, 221-
253) ; — Zur BarsteUung des Sehpurpurs (Z. B., 1895, xxxii, 21-28) ; — Ueber die Bedeutung
des Sauerstoffs fiir die vitale Benegung (Z. B., 1897, xxv, 43-67 et 18lt8,xxxvi, 425-522).
Myologische Untersucliungen (Leipzig. 1810); — Untersuchungen uber das Protoplasma
tmd die Conlractilitàt [\\\, 158 pp., Leipzig, 1864); — Lehrbuchder }diysiologischen Chemic
(Leipzig', Engelmann, 1866-1868, l""*" édit.)) — Untersuchungen des physiologischen Institut
der Univcrsitat Ueidelberg (1, i, 1877); — On the photochemistry of the rctina and on
Visual purple {ira.à. par M. Foster, 1878, viii, 104 p., Londoa, Macrnillan); — Ueber Etkik
und Naturwissenschaft in der Medizin (12°, Braunschweig, Meyer, 1899); — Die deutschc
Medizin, in Théorie und Praxis (8", 103 pp., Braunschweig, Appelhaus, 1900).
LAB (Ferment lab). — Zymase contenue dans le suc gastrique, coagulant la
caséine (voy. Estomac).
LABURNINE. — Substance très toxique extraite des graines et gousses de
Ci/lisus Labiirnnm. De ces mêmes graines on extrait aussi la cytisine, qui cristallise
(azotate, cliloroplatinale, auroplatinate).
LACCAIQUE (Acide). Matière colorante rouge extraite du lac-dy<-.
(C'«H'208).
LACCASE. — Ferment oxydant contenu dans l'arbre à laque (V. Oxydases).
LACRYMAL {Appareil).
L'étude de la physiologie de l'appareil lacrymal comprend :
1° La physiologie des glandes lacrymales.
2" La physiologie des voies lacrymales d'excrétion.
PHYSIOLOGIE DES GLANDES LACRYMALES. — SÉCRÉTION LACRYMALE
Le liquide lacrymal ou les larmes sont le produit de sécrétion non seulement des
glandes lacrymales proprement dites, mais encore des autres glandes des culs-de-sac
conjonctivaux.
Le produit de sécrétion des larmes est un produit mixte, absolument comme la
salive qui est un produit non seulement des glandes salivaires proprement dites,
parotides, sous-maxillaire, sublinguales, mais encore des nombreuses petites glandes
disséminées sui- toute la superficie de la muqueuse linguale et buccale.
On a pu observer isolément le produit de sécrétion des glandes lacrymales princi-
pales dans les cas assez rares de fistule de ces glandes. Mais il est impossible de
séparer le produit sécrété par les nombreuses glandules conjonctivales, car il est très
peu abondant.
Dans tous les cas, il est démontré que l'ablation des glandes lacrymales proprement
dites, glande palpébrale et glande orbitàire, ne larit pa;; la sécrétion lacrymale et
n'empêche pas la lubréfaction de r(eil.
Celte étude physiologique comprendra les divisions suivantes :
i" Physiologie comparée de la sécrétion lacrymale;
2° Disposition des organes sécréteurs des larmes chez l'homme;
Apparition de la sécrétion lacrymale chez le nouveau-né;
llisto-physiologie.
3° Le produit de sécrétion des larmes, leur constitution et leur rôle physiologique.
4" Physiologie de l'innervation des glandes lacrymales.
"•» Les excitants de la sécrétion lacrymale et les actions inhibilrices.
Physiologie comparée de la sécrétion lacrymale. - L'appareil lacrymal est
742 LACRYMAL.
destiné à élaborer et à éliminer un liquide salin à la surface de l'œil. Son rôle est
absolument indispensable chez un très grand nombre de vertébrés. Ce liquide salin, ou
larmes, est en effet destiné :
1° A empêcher la dessiccation de la surface du globe et ù maintenir la transparence
de la cornée ;
2" A favoriser le glissement des voiles palpébraux qui, intimement appliqués à la
surface de l'œil, ne peuvent se mouvoir convenablement sans l'interposition d'un
liquide lubrifiant.
On peut ajouter un troisième rôle : celui de traduire les émotions par des pleurs.
Mais cette étude est à peine ébauchée chez les animaux et n'est possible que chez
certaines espèces. Le rôle des larmes nous permet de concevoir que le développement
de l'appareil lacrymal est absolument subordonné au genre de vie de l'animal et au
développement des paupières.
Chez les animaux à vie aquatique et en particulier chez les poissons, l'œil n'a pas à
craindre la dessiccation comme celui des vertébrés aériens; aussi ne trouve-t-on chez
ces animaux ni paupières ni appareil lacrymal.
Les replis cutanés observés chez certaines espèces, Orlltayoviscus mola (Cuvier)
Squales, etc., ne sont que des ébauches de paupières n'ayant aucune valeur
physiologique.
Chez les Amphibiens, les Anoures ne posséderaient en général aucun vestige
d'appareil ni aucune fonction de ce genre; les Urodèles possèdent le long de la paupière
inférifure un organe glandulaire très petit dont le rôle paraît extrêmement restreint.
Cet organe est plus développé chez les Serpents et se spécialise en s'atrophiant à la
partie moyenne et en s'hypertrophiant au niveau des angles de l'œil. Ainsi divisé en
deux portions, il forme deux glandes distinctes : l'interne est la glande de H\RDKKet
l'externe est la glande lacrymale. La glande de Hardeu paraît liée à la troisième pau-
pière, qui devient la membrane clignotante, et Joue un rôle imporlant chez les Oiseaux.
Chez les Reptiles, le rôle de la glande lacrymale et de la glande de IIauder est difficile à
intei'préter. Les Ser[)ents et les Ascalabotes possèdent au devant de l'œil une membrane
transparente qui représente les deux paupières exactement soudées.
Les Trigonocépliales et les Crotales (jui sont les plus redoutables par leur venin
possèdent des glandes orbitaires très développées. Chez la Vipère à fer de lance, les
Serpents à sonnettes, ces glandes sont plus volumineuses que le globe oculaire. Elles
se confondent avec les glandes salivaires, extrêmement développées, chargées d'éla-
borer le venin.
« La glande lacrymale des Serpents est du moins aussi volumineuse (|ue le globe
de l'œil, et souvent elle se prolonge beaucoup en arrière de l'orbite sous le muscle
temporal antérieur. Chez la Couleuvre, elle est fort graiule (Clo^ckt), mais elle est en
général moins développée chez les Serpents venimeux(DuvER.\EV, A»?!, (/es Se. A'a(.,1832,
XXVI, id., xxx). Chez la Tortue franche, elle est très grande et son canal évacuateur est
simple (A. Albers, Mcm.dc VAcad. de Munich, 1809, 1)». (Note de Milne-Edwards, Anat.
el Physiol. comp., xii, 119.)
Chez certains Serpents, les paupières soudées entre elles forment un sac clos, ouvert
seulement au niveau du canal lacrymal.
Chez d'autres, l'œil est soudé à la membrane palpéhrale, qui desquame à chaque
mue de l'animal; il n'a nullement besoin d'être humecté.
Les Tortues marines (Chéloniens) ont des glandes lacrymales qui offrent « un déve-
loppement monstrueux » (Widersheim) qui est peu en harmonie avec l'habitat et le
genre de vie de ces animaux.
La glande de Harder atteint son maximum de développement chez les Oiseaux, où
elle recouvre presque toute la face antérieure de l'œil.
Chez les Mammifères, elle tend à s'atrophier ; mais en revanche la glande laci'ymale est
très développée.
Chez ces derniers la glande de Harder n'est développée que chez ceux qui possèdent
fine membrane clignotante. (Lapin, Chien, etc.)
^a glande lacrymale de certaines espèces occupant la portion supéro-externe de
J'orbite js'étend parfois très loin en arrière et en dehors et se confond avec la glande
LACRYMAL. 7i3
parotide. Il est souvent diflicilc de les st'parer lorsque l'on interviciil ;iu poiiil de vue
expérinuMilal sur ces {,'landes.
Tous les Mammifères possèdent en général une fonction lacrymale très développée
Mais néanmoins ceux d'entre eux qui mènent une vie aquatique, les Mammifères niarins,
ont cette fonction très atropUiée. Chez les Cétacés l'appareil lacrymal n'existe pas, il
n'y a que quelques glandes conjonetivales, et la j^lamle de Hakdek. « Les i,'landes lacry-
males ne manquent pas comiilèlement dans cet ordre de Mammifères aquatiques, ainsi
qu'on le supposait jadis, mais elles sont peu développées et contenues en entier sous
l'épaisseur des paupières. Chez les Marsouins et les Dauphins; elles y forment un anneau
complet (Raap, Die Cetacœcn) et elles présentent une disposition analogue chez le
Narval (Stanmus kt Siehol». Mnn. d'Anat. comp., ii, 439). (Note de Milnk-Eowahus, Anat.
et Physiol. coinp., XII, 117.) Chez, le Phocjuc, la glande lacrymale est très atrophiée. Il
en est de mémo chez l'Hippopotame et chez la Loutre vulgaire.
Chez le chien, le chat, et les animaux les plus habituellement utilisés dans les labo-
ratoires, les glandes lacrymales sont bien ditlérenciées, et if est facile de les atteindre
dans la portion supéroexterne de l'orbile, soit par la voie trans-palpébrale, soit par la
voie conjonctivale.
Elles fournissent sous l'inlluence des divers t;xcilants une abondante sécrétion.
Disposition des organes sécréteurs des larmes chez l'homme. — Les glandes
de l'homme peuvent être réparties en plusieurs groupes :
1" Les glandes lacrymales proprement dites : glande lacrymale orbilaire, glande
lacrymale palpébrale.
2» Les glandes du fornix ou acino-larsales : glandes de Krause, glandes acineuses
des culs-de-sac, groupe palpébral supérieur et inférieur, glandes de Wolfring, glandes
de CiACCio, glandes acino-tarsales.
3° Le groupe des cryptes glanduleux; glandes de Henle, glandulae-mitcosœ de
Krause, glandules sous-conjonctivales de Sappev, cryptes (/kmduleux de Henle (Du-
brelilh). Glandes de Manz. Cryptes glanduleux de Manz (Dubreuilh).
Les schémas ci-contre (fig. 123 et 124) faits d'après la thèse de Dubreuilh donneront
une idée de la situation et de l'importance respective des divers groupes glandulaires.
Fig. 122.
1, glandes deJMeibomius; 2, glande lacrymale orbitaire; 3, glande lacrymale palpébrale;
4, glandes du fornix; 5, glandes acino-tarsales; 6 et 7, cryptes glanduleux.
Le dernier groupe des cryptes glanduleux est contesté en tant que glande. Mais, comme
le fait remarquer Dubreuilh, où commence la glande? où finit l'invaginationépithéliale?
Au point de vue physiologique, la question ne doit pas être discutée, attendu que les
cellules de l'épithélium conjonctiral sont des cellules sécrétoires. La cellule muqueuse,
qui est si répandue au niveau de l'épithélium conjonctival, n'est-elle pas une glande uni-
cellulaire? A plus forte raison si un groupe de cellules s'est invaginé pour former une
crypte glandulaire. Tous ces éléments sécrétoires contribuent à former ce que nous
avons appelé le liquide lacrymal mixte.
lU LACRYMAL.
On doit donc considérer ces formations comme faisant partie de l'appareil glandu-
laire lacrymal.
Nous devons ajouter que les glandes des paupières elles-mêmes, glandes de Meibo-
MTUS, glandes de Zeiss, glandes de Moll, ajoutent peu ou prou de leur sécrétion
propre au liquide lacrymal proprement dit. Mais leur sécrétion se mélange difficile-
ment à celle des glandes conjonctivales.
Il n'en est pas de même de certaines glandules de la caroncule. La glande aciiio-
tubuleuse de la caroncule a la même structure que celle? de Kravse et de Wolfrini;.
Apparition de la sécrétion lacrymale chez le nouveau-né. — On sait depuis
fort longtemps que les nouveau-nés ne peuvent éliminer des larmes. Les cris de dou-
leur que poussent les enfants en naissant ne sont pas des pleurs. Cette notion est même
très ancienne, puisque Aristote, au dire de Frf.richs (in Wagner's HmuWiich), aurait déjà
affirmé que les nouveau-nés ne pleurent pas avant le quarantième jour.
Au moment de la naissance, il y a bien une sécrétion conjonctivale chargée de
FiG. \2X
Coupe scli<^matique îles glandes lacrymales.
lubrifier l'œil et d'empêcher la dessiccation de la cornée. Mais cette sécrétion ne se
mélange pas avec la véritable sécrétion des pleurs.
On a essayé de donner des raisons de celte absence de larmes au début de la vie.
On a dit que les cris de ienfant empêchent que les larmes ne soient sécrétées et élimi-
nées. La meilleure raison est qu'au moment de la naissance l'appareil sécréteur des
larmes et l'appareil éliminateur, c'est-à-dire les voies lacrymales, sont incomplètement
développés.
La glande fœtale au point de vue microscopique présente des canaux peu ramifiés
et des tubuli sans lumière. A la naissance, la consistance de la glande est analogue à
celle du tissu graisseux de l'orbite, Kirschtein et Axenfeld sont d'avis qu'à ce moment
la glande n'est pas encore prête à fonctionner. Les cellules ont ime structure spéciale
et ne renferment pas de matériaux de sécrétion.
KiRSCHTEiN a voulu préciser le fait et savoir exactement à quel moment apparaissait
une sécrétion liquide chez l'enfant nouveau-né. Il a eu recours à trois méthodes diffé-
rentes :
1° Interrogatoire des mères. Méthode indécise et qui lui a donné peu de résultats.
2'' Il a eu recours à l'irritation de la conjonctive sur une série d'enfants. Le résultat
est plus certain. La sécrétion est abondante.
3" Il a irrité aussi 1;^ muqueuse nasale au moyen de diverses substances et de sternuta-
LACRYMAL. 745
loiies, par le cliatouillempiil de la caroncule avec un houl de impier. La sérrélion est
aussi énergique.
Aii^'o dos onfaiiis. Noiiibro Motli. I. M.tli. H. Mrili. III.
1 à 10 jours 46 0 0 0
n à 20 — 32 0 0 7
21 à 30 — 31 1 0 13
1 mois à 1 mois 1/2 .... 41 14 4 3
1 mois 1/2 à 2 mois .... 53 3S 11 ,'j3
2 à 3 mois 44 12 31 44
On voit que dans la majorité des cas l'apparition des larmes a lieu au bout de 1 mois
et demi et peut aller jusqu'à deux mois.
Parmi des enfants plus âgés, de 3 mois à [\ mois et demi, Kirscmtkin en a trouvé qui
ne pleuraient pas.
i/indicalion donnée jadi.s par Aiu.'^roiK se trouve donc entièrement conllrmée. Il ne
s'af;it là que de la sécrétion réflexe. A quel moment apparaît la sécrétion psychique?
C'est un point délicat à trancher d'une manière absolue. I, 'enfant ne commence guère
à pleurer pour traduire ses émotions avant le 5'' ou 0" mois.
Histo-physiologie. — Les glandes lacrymales appartiennent au groupe des glandes
acino-tuhuleuses. I.'acinus comprend une membrane vitrée doublée immédiatement par
des cellules en panier de Boll et sous-jacente au.v cellules sécrétantes.
C'est grâce aux travaux de Fr. Boll, Beicuel, Ai.tmann, Nicol.vs, Sulgku, Zimmkrm.\n.\,
KoLossow, NoLL et Pl'gusi-Allkgr.\, (Iarxier et Bouin, que l'histologie fine a pu être
étudiée.
L.^NGLEY (1879) est le premier qui se soit occupé des moditications de la glande
lacrymale pendant son activité. Après lui Reichel (1880), Nigol.xs (1892), Garnier (1897)
s'en sont occupés. Les travaux sur ce sujet se sont niulti|)liés dans la suite (Noll, Ko-
Lossow, Puglisi-Allegra et Woronow, de 1900 à 1904).
Dans un récent travail, admirablement documenté et très bien rédigé, Georges iJu-
BREUII.H a exposé l'état actuel de la question {Th. de Lyon, 1907).
A l'état frais, la glande lacrymale renferme trois sortes de cellules (Noll) :
1" des cellules granuleuses à grains très réfringents ;
2" des cellules à grains peu réfringents;
3° des cellules obscures.
Après fixation, il existe deux types de cellules avec de nombreux intermédiaires :
1" des cellules claires ;
2" des cellules sombres.
La cellule comprend un piotoplasma et un noyau. Les travaux récents lui ont at-
tribué une structure complexe dans le détail de laquelle nous ne pouvons entrer. Nous
ne donnerons qu'un très bref aperçu de cette question qui intéresse l'histo-physiologie.
Le protoplasma comprend une zone mate filamenteuse, l'ergastoplasme situé à la
base de la cellule. Les grains ont été bien étudiés par Nicolas (1892). Les grains de ségré-
gation sont fuchsinophiles. Mais il existe d'autres granulations dilîérentes d'aspect qui
ont également de l'affinité pour la fuchsine. Nicolas a bien montré les relations des
grains avec les vacuoles de sécrétion. Cette transformation est commune à toutes les
glandes et en particulier aux glandes salivaires. Les vacuoles sont moins abondantes
dans la lacrymale que dans la parotide.
Gar.meu et BoLi.N' (1897) y ont décrit en outre des vacuoles à sécrétion lipoide.
ZiMMEUMA.N.N divisc la cellule en trois zones :
i° Zone basale finement striée. Ergastoplasme.
2° Zone moyenne où se trouve le noyau.
3" Zone supérieure présentant deux corpuscules, le diplosome, situé au sein d'une
sphère de protoplasma et radié (cenlrosplièrei.
Ce rapitle aperçu était nécessaire [lour comprendre l'histo-physiologie que nous
avons surtout en vue d^. résumer ici.
Les expéiiinentateurs ont examiné les glandes, soit après l'excitation électrique du
nerf lacrymal, soit après injection de pilocarpine,
74t) LACRYMAL.
a) Excitation électrique du nerf lacrymal. Noll et Puglisi-Allegha arrivent au
même résultat. Par l'excitation rapide il y a disparition d'un grand nombre de cellules
claires. Par l'excitation prolongée il y a disparition de presque toutes les cellules
granuleuses et claires, élargissement de l'acinus, apparition à la base de la cellule d'une
striation lamellaire du protoplasma .
6) Injection de pilocarpine. Phéiionièiies analogues. Des coupes laites de quart
d'heure en quart d'heure après l'injection montrent la marche que suit l'épuisement
de la cellule, qui va plus loin qu'après l'excitation électrique. Apparition de vacuoles
larges. Lumière de l'acinus très agrandie.
c) Excitations d'origine nasale et conjonctivale. Dans ce cas, on a un mélange de
cellules sombres et claires. L'épuisement ne va jamais aussi loin qu'avec la pilocarpine
et l'excitation électrique.
Après ces résultats, il est facile d'établir le cycle sécrétoire.
!• Le cycle sécrétoire commence par la phase que Renaut a appelée la phase de
« mise en charge de la cellule glandulaire ». Elle se caractérise histologiquement par
la variation de cbromaticité du noyau (Hegai'i;), par l'affinité chromatique du proto-
plasma péri-nuclèaire, par la striation de l'ergastoplasme, l'apparition de vacuoles et
de grains. 11 se fait une maturation des grains (grains de ségrégation).
2" A cette première phase fait suite la pbase de lepos de Garnier. Les filaments
ergastoplasmi([ues dispaiaissent. Les grains sont mi'lrs et plus clairs : ils sont prêts à
être expulsés.
3» C'est ensuite que vient la phase d'excrétion exo-cellulaire. Les cellules en panier
de BoLL entrent en jeu, exprimant le protoplasme comme une éponge. On admet que les
grains se dissolvent dans le liquide des vacuoles et que ce liquide passe par osmose à
travers l'exoplasme cellulaire.
Le cycle sécrétoire tel que nous venons de le forniuler est très simplifié. En réalité,
comme le fait remarquer Georges Dubreuilh, les phénomènes sont plus compliqués.
II existe un cycle nucléaire et uu cycle protoplasniique. Non seulement les acini, mais
les cellules d'un même acinus sont à des stades sécrétoires très voisins. Il s'établit
entre les diverses cellules d'un même acinus une véritable loi d'alternance.
La cellule glandulaire jouit d'une action de choix sur les matériaux destinés à con-
stituer sa mise en charge. Dubkeuilh résume ainsi les divers actes de la cellule glandu-
laire : l°acte d'intussusception élective consistant dans l'absorption du plasma imbibitif
riche en matériaux de sécrétion; 2" acte de ségrégation consistant dans le choix de ces
matériaux; 3° acte de maturation dû à l'action du protoplasma ;4''enfin, acte d*excrétion.
Le produit de sécrétion : les larmes. Leur constitution et leur rôle physio-
logique. — Le liquide recueilli directement dans les culs- de-sac conjonctivaux est,
avons-nous dit, un li<|uide mixte, absolument comme la salive buccale. Il comprend
tous les divers produits de sécrétion des glandes et glandules lacrymales, mais encore
le produit de sécrétion des cellules de la muqueuse conjonctivale.
Nous possédons plusieurs analyses du liquide lacrymal. La première a été faite par
Frerighs.
Cette première analyse a été faite sur un œil sain, après excitation électrique de la
conjonctive.
La deuxième analyse provient d'un œil atteint d'ophtalmie chronique.
Résultats. Analyse I. Analyse II.
Eau 99,06 98,70
Parties solides 0,94 1,30
Les parties solides comprennent :
Débris épithéliaux 0,14 0,32
Albumine 0,08 0,10
Chlorure de sodium, phosphates alcalins,
phosphates terreux, graisses et matières
extractives 0,72 0,88
On a pu réaliser l'analyse du liquide lacrymal sécrété par la glande proprement
dite. Dans des cas de fistule cutanée de la glande, le liquide, étant sécrété en dehors du
LACRYMAL. 747
sac coujoiiclival, à l;i surface dos téguments, ixmt tHrc recueilli ùp.iit. Mais ces cas sont
exceptionnels.
D'autres analyses sont dues à Leuch et à Ma(;aaiu). {Arc/iiv f. Opiitli., l. II, a. 2,
p. 137; — A. A. 1»., 1882.)
Analystes. clo Ijckcii. do Maua\ru.
Eau 982,0 981,2
Alljuiuhioïdos, traces de iiuiciue et, graisses. ."l.O 14, G
Chlorure de sodium 13,0 ) , ^^
Autres sols minéraux 0,2 ) '"
La composition chimique doit varier suivant les sujets dans certaines limites qu'il
est difficile d'apprécier. De même, chez un même sujet, les substances sécrétées doi-
vent varier, suivant l'état de la glande, l'âge, etc. Nous n'avons aucune donnée bien
certaine sur ce point.
Les glandes lacr^-males peuvent éliminer, comme les autre glandes, des substances
médicamenteuses, telles que l'iodur e de potassium.
Les larmes sont toujours alcalines. Il est facile de s'en rendre compte en humectant
dans le sac conjonctival une bandelette de papier rouge de tournesol. Est-il vrai que,
sous l'intluence des maladies diathésiques, phtisie,[rhumatisme, et à la suite des fièvres
graves, les larmes, d'alcalines, peuvent devenir acides? Le fait est douteux. Nous avons
examiné par le tournesol un très grand nombre de sujets; jamais nous n'avons obtenu
de réaction acide par ce procédé.
Nous trouvons rapporté dans le Traité d'ophtalmologie de ue Wecker et Laxuolt,
p. 1022 : « On y signale (dans les larmes) dans quelques formes intenses d'ictère une
coloration jaunâtre si foncée que le linge en est taché (Wellek), et dans quelques
formes de scorbut, la coloration rougeâtre (Lanzoni, Rosas, Hasner) peut être due tout
simplement à l'extravasalion d'une petite quantité de sang dans le sac conjonctival,
provenant de petites excoriations de la muqueuse (Hasner). Ce sont là des faits mal
observés.
Une fauL-il penser des larmes de .sa«j/ ? La glande lacrymale peut-elle sécréter, sous
l'iiilluence de certaines causes inconnues, un liquide hémorragique? Le fait est mal
prouvé. Le plus souvent, les larmes de sang sont dues à une hémorragie conjonctivale,
aune rupture vasculaire de la conjonctive des culs-de-sac ou des paupières. On sait
combien la moindre trace de sang colore facilement le liquide lacrymal.
En résumé, le produit sécrété par la glande lacrymale est un liquide absolument
clair comme de l'eau de roche. 11 a une saveur saline due à la présence de NaC4l. Les
larmes peuvent être considérées comme une solution salée se rapprochant plus ou
moins de la solution dite physiologique.
La quantité sécrétée est naturellement très variable suivant les causes d'excitation.
Mais, à l'état physiologique, la quantité suffisante pour lubrifier le sac conjonctival et le
globe oculaire a été évaluée par Magaard à 6 gr. 4 par vingt-quatre heures, et pour les
deux yeux, soit 3 gr. 2 pour chaque glande. Nous ne possédons à ce sujet que des
données incertaines, La quantité de li({uide sécrété varie avec la susceptibilité de
chaque sujet. Certains présentent de l'épiphora par hypersécrétion d'origine réllexe.
Mais, en général, le larmoiement chronique dépend, le plus souvent, d'une gène ou de
l'obstruction des voies lacrymales. Ces deux termes : U'.rmoiement, épiphora (du grec
ér.i, sur çc'pwjje coule) devraient avoir un sens différent. Larmoiement devrait s'entendre
de l'hypersécrétion fonctionnelle, et épiphora devrait signilier épanchement des larmes
en dehors des voies naturelles par obstruction lacrymale.
Les expériences de Magaard relatives à l'évaluation de la quantité de larmes sécré-
tées portaient sur des sujets atteints d'ectropion total des paupières. Il ne s'agissait
donc pas de sujets normaux, et il est probable que l'irritation de la conjonctive éversée
entretenait déjà un larmoiement hypersécrétoire.
Ahlstroem recueille, avec une canule le liquide d'une fistule lacrymale. 11 trouve un
chiffre voisin de celui de Magaard. D'autres auteurs, Boch, Van Genderen Stort ont
fait également des recherches analogues. Mais toutes ces recherches ne sont pas à
l'abri des mêmes critiques faites aux premiers résultats de Magaard.
748 LACRYMAL.
>« En s'udressant à des sujets qui avaient subi l'extirpation du sac lacrymal et chez
lesquels on ne constatait aucune irritation oculaire, Schirmer constata que, chez des per-
sonnes gordant la chambre et s'ubslenant de tout mouvement pouvant provoquer un
afilux de larmes (bciillement, etc.), il fallait attendre une heure à deux heures et demie
pour voir se former une larme assez grosse pour s'écouler au dehors, (lomme, pendant
le sommeil, la sécrétion se tarit, on peut compter au ntaxinuim sur une production de
0 gr. 40de larmes pendant les seize heures de veille, et oecliilTre paraît souvent devoir
être réduit de moitié. En tenant compte de l'évaporalion, des expériences comparatives
ont permise l'auteur de fixer la production réelle des larmes au chiffre de 1/2 à 3/4 de
gramme, à l'abri, bien entendu, de toute excitation venue du dehors. » (Kalt in Traité
de L.\r.RANGE et Valude.) (Schirmer. Stxidien zur Physiol. u. Pathol. (1er Thrancnabsondc-
rimg. Arch. de Grsefe, 51, 3, 1903.)
Mesure de la capacité sécrétoire de la glande lacrymale. — Rien n'est plus
variable, avons-nous dit, que la quantité de larmes émises, suivant les sujets et surtout
les causes d'excitation .sécn-toire.
Fj'analomie nous montre d'ailleurs une assez grande variation dans les dimensions
et le volume des glandes.
Mais on peut avoir des données suffisamment comparables entre elles en faisant
sécréter la glande jusqu'à épuisement. Plusieuis procédés ont été employés :
Procédé de Koster : Il place dans les culs-de-sac coiijonctivaux l'extrémité d'une
bandelette de papier buvard de 10 à 20 centimètres de long. La conjonctive est excitée
localement de même que la pituilaire à l'aide d'un pinceau. 11 trouve que, chez certains
individus, la bandelette s'imbibe sur une longueur de 8 à 9 centimètres, tandis que chez
d'autres cette longueur atteint l'",50 à 2 mètres.
De plus, la quantité varie chez un même individu d'un jour à l'autre. En outre, les
glandes des sujets atteints de paialysie faciale complète donnaient des quantités
de liquide supérieures à celles de glandes d'individus sains à sécrétion de faible
degré.
Kostkr affirme que chez un môme individu le pouvoir sécréteur est sensiblement b;
même des deux côtés.
Procédé et evpcrienccs de Schirmer : Schirmer utilise des bandelettes de 12 centi-
mètre de large sur 3 centimètres ."J de long. Durée d'une expérience, IJ minutes. Une
glande normale doit imbiber d centimètre 5 au minimum.
Schirmer trouve au contraire des dilférences notables d'un cril à l'autre. Chez les
jeunes sujets, la sécrétion est plus abondante que chez les vieillards. On apprécie ainsi
une diminution de sécrétion dans le cas de paralysie faciale. .Mais dans le cas d'hyper-
sécrétion pathologique la méthode est infidèle.
Rôle du système nerveux. — Le rôle du système nerveux dans la sécrétion
lacrymale a été très longtemps obscur. On voyait là un problème de physiologie
complexe, et les expérimentateurs se contentaient d'hypothèses.
Aujourd'hui nous possédons un ensemble de faits bien liés, et, de l'examen de toutes
les expériences tentées et ayant subi l'épreuve du contrôle, on peut tirer quelques
conclusions fermes.
Il ne s'agit pas simplement de savoir si l'on doit rattacher la sécrétion des larmes
soit exclusivement au trijumeau, soit encore au facial, soit au sympathique. En adoptant
une théorie exclusive, on se heurte, à l'heure actuelle, à 'des faits contradictoires.
La sécrétion lacrymale est complexe; les excitants en sont très divers. Il est natu-
rel de supposer que son innervation sera nécessairement compliquée.
La dilficulté est de bien dissocier, au point de vue expérimental, tous ces phéno-
mènes nerveux.
Au point de vue fonctionnel une première division s'impose : elle est fournie par la
diflérence qu'il y a entre la sécrétion normale, minima, destinée à la simple lubré-
faction de l'œil, et la sécrétion anormale, maxima, psychique, qui constitue les pleurs.
U y a nécessairement des variétés nombreuses de larmoiements et de pleurs qui
possèdent des arcs nerveux réllexes ou conscients assez variés. Les faits, en apparence
contiaires, signalés par les expérimentateurs vont nous servir à établir précisément lîv
variété de ces voies nerveuses.
LACRYMAL. 749
Pour une analyse claire des plit'-nonu'iii's, nous grouperons les obseivalions sotis
trois paiap:raplies en suivant l'ordre historique :
l. At'lion et rcMc du I ri jumeau.
H. Action et rôle du lacial.
m. Action et rôle du syni|)atlii(|Me.
I. Action et rôle du trijumeau. Nous allons succiiiclenient passeï' en revue
la série des faits sur laquelle on se base pour explitiuer cette action :
1" L'anatoiuic nous montre tout d'abord que le nerf lacrymal vient de l'ophtalmique
de WiLLis.
2" Expérienccfi de Mac-knom-; : Excitation du nerf lacrymal. « Chez riiommc mt'-me il
piqua plusieurs fois le nerf l;u"rymal et obtint une elfusion telle de liquide qu'il croyait
avoir ouvert le robinet des larmes » (1839).
3" Autre expérience de Magendih; : Section intra-cranienne du trijumeau. Kératite
neuro-paralytitiue, attribuée à la suppression des larmes. On sait que cette interpréta-
tion n'est pas la seule. La kératite est peut-être consécutive à l'insensibilité de la cornée
(section des nerfs sensitifs) ou encore à la section des nerfs trophiques.
4" Expériences de Claudk Bkh.naud :
a) Section intra-cranienne du trijumeau. 11 observe des troubles de la cornée, note
de la sécheresse de l'œil et finalement s'établit la kératite neuro-paralytique.
6) Après arrachement du ganglion sympathique supérieur, section du trijumeau.
Pas de troubles oculaires; l'œil reste humide deux jours après.
c) Autre section de la V" paire. L'œil reste humide. Cl. Heunard s'exprime ainsi :
» Après la section, l'œil paraît sécréter moins. »
d) Autre expérience sur le lapin : l'œil est terne et sec.
5° Expérience de Czermak (1860) : Il décapite un animal et, excitant le trijumeau,
aussitôt après il obtenait une exagération de sécrétion des larmes.
6" Expérience de Herzexstein : Excitation du lacrymal et du sous-cutané malairc.
Exagération de la sécrétion.
Section du nerf lacrymal. Écoulement qu'il considère comme paralytique.
1° WoLKERZ : Excitation du trijumeau chez le Chat, sécrétion abondante, excitation
du sous-cutané malaire. Même résultat.
8" Demtcuenko : Excitation du temporo-malaire, pas d'action sur la sécrétion. Après
ligature de la carotide, l'irritation amène une sécrétion moins abondante.
9" TÉruAciiiNE : 1'"'' expérience. — Excitation du lacrymal, sécrétion exagérée.
2"^ expérience. — Section du lacrymal. L'œil est encore plus humide (sécrétion para-
lytique).
3* expérience. — Excitation du sous-cutané malaire; sécrétion augmentée, mais
moins que par l'excitation du lacrymal.
4*^ expérience. — Excitation intia-cranienne du trijumeau, exagération de la sécré-
tion; mais il est nécessaire d'avoir une excitation forte.
10° Les observations faites chez l'homme à l'occasion des interventions opératoires
sur le ganglion de Casser (Gasserectomie) ne donnent pas de résultats bien probants au
point de vue lacrymal. Les cas où il est survenu des troubles sécrétoires sont relative-
ment peu nombreux, peut-être parce que toutes les observations de sécheresse de l'œil
et surtout de kératite neuro-paralytique n'ont pas été publiées. Dans ce cas, le ganglion
a dû être enlevé en totalité ou bien les débris qui en restaient ont di'i dégénérer
complètement. Les chirurgiens ont reproduit chez l'homme l'expérience de Magendie
signalée plus baut.
Mais le plus souvent les gasserectomies sont restées partielles. On sait, en effet, que
la partie la plus inaccessible du ganglion est son extrémité, ou sa corne interne qui se
trouve logée dans la paroi même du sinus caverneux. C'est précisément cette corne
interne qui donne naissance à l'ophtalmique de Willis. Il est probable ([ue, dans les faits
cliniques où l'on n'a noté aucun trouble sécrétoire, l'intégrité parfaite de l'œil ainsi
que parfois même le retour tardif de la sensibilité conjonctivale, se rapportent à des
extirpations incomplètes.
IL Action et rôle du faciaL — En 1893, GoldziEHEr, de Buda-Pesth, soutint le pre-
mier le rùle prépondérant du nerf facial dans l'innervation des glandes lacrymales
750 LACRYMAL.
A l'appui de son opinion, il cito un certain nomhro d'ohsfrvations de paralysie faciale
suivie d'abolition des pleurs.
En 1894, Jendrassik cite des cas analogues.
En 1895, Tribondeau essaie une étude expérimentale (Journal de Médecine de Bor-
deaux, 3 novembre 189")).
La section du facial extra-craiiien n'a aucune action sur la sécrétion lacrymale.
L'œil est au contraire plus humide par cause réllexe, irritation due au lagophlalmos
paralytique, ou bien par suite de réversion paralytique des points lacrymaux; paralysie
de l'orbiculaire des paupières et de ses faisceaux lacrymaux ar)térieur et postérieur
(muscle de Duverney).
Tribo.ndeau a dû pour cela agir sur le facial intra-cranien.
Ayant essayé tour à tour sans succès le procédé de Jolyet (section au névrotome à
travers l'occipital), le procédé de Cl. Bernard (section du facial par la caisse du tym-
pan\ il a adopté une technique perfectionnée qui réalise avec plus de succès le but
poursuivi dans le procédé de Cl. Bernard. Il consiste dans la possibilité d'atteindre
arec moins de danger le facial jusque dans le conduit auditif interne à travers la fenêtre
ronde. Aussi appelle-t-il son manuel opératoire : prorMê de la fenêtre ronde.
Lakkay a repris cette étude, avec Truiondeau d'abord, et a exposé ensuite, dans sa
thèse inaugurale, les résultats de .ses expériences (T//. f/r Bordeaux, 1896 .
Cet intéressant travail renferme tout au long la techniiiuc expérimentale de l'auteur,
Laffay a encore amélioré le procédé de Trirondeau et a fait lui-même de nouvelles
expériences. Il a opéré chez le chien et le lapin.
Expériences de Lai fay. — Trois expériences sur le chien.
Voici le résumé de l'expérience III : Chien chloralosé. Section du facial intra-cranien.
Le lendemain véritable ophtalmie purul(>nte ; quinze Jours après suppression de la
sécrétion lacrymale du ct^tù opéré. Injection de pilocarpiue : du côté droit non opéré,
sécrétion abondante; du côté opéré, état normal : Excitation du bout périphérique du
lacrymal : pas de sécrétion. Excitation du sous-cutané malaire : pas de sécrétion, tandis
que l'œil droit sécrète abondamment.
Expériences sur le lapin. Le facial est arraché dans sa partie intra-rocheuse. Le gan-
glion géniculé est souvent arraché en même temps. Suppression de la sécrétion du
côté opéré. Injection de pilocarpiue : sécrétion lactescenle faible. Excitation du lacry-
mal, pas de sécrétion.
Laffay rapporte en outre les expériences suivantes :
Expériences de Vulpian et Journiac [Académie des Sciences, 1879). Karadisalion de
la caisse du tympan : sécrétion abondante d'abord lacrymale, puis lactescente (chez le
lapin).
Chez deux autres lapins, après arrachement du facial intra-pétreux, sécrétion lai-
teuse faible.
Laffay a observé encore le fait suivant. Sur un chien ayant subi la section inlra-
craniennè du facial depuis trois semaines, la faradisation de la caisse détermine une
sécrétion abondante.
Expériences de Vuliman sur les origines bulbaires du facial : au niveau même du
plancher du4« ventricule, à travers l'espace occipito-atloïdien, Vuliman dilacère la région
occupée par le noyau du facial. La paralysie faciale est complète. Il observe une sécré-
tion coDJonctivale purulente.
Deux autres faits montrent : le premier, une sécrétion muco-purulente ; le' second,
un commencement de lésion cornéenne.
Il s'agirait de savoir quel est le trajet exact des filets sécrétoires qui arrivent ainsi
au facial. Il y a là un point à éclaircir. Les nerfs sécrétoires appartenant au facial ne
peuvent atteindre la glande lacrymale que par l'intermédiaire du lacrymal. Ils sont
obligés d'emprunter la voie nerveuse d'une branche du trijumeau. Il est très probable
qu'ils abordent le trijumeau au niveau du ganglion sphéno-palatin. Mais aucune expé-
rience physiologique n'^ permis jusqu'ici de déterminer le rôle que joue ce ganglion.
Les travaux de Cl. Bernard, ceux de Prévost et Jolyet, 1868, ne fournissent aucune
donnée bien nette à ce sujet. Campos a tenté de vérifier le rôle que pouvait jouer le
grand nerf pétreux superficiel et il a constaté qu'après sa section la sécrétion n'était
LACRYMAL. 7;il
pas suppriiiit'e. Au sujet, drs (ilcls proveiiaiil <lii facial, nous ou soinmos ilniic, rôduils à
tirs iiy|H»llii"'S('s.
IH. Action et rôle du sympathique. — I.e nMe tlu syuipalliiiiun a élé ('(udié depuis
longtemps, cl il n'esl pas douleux (lu'il ne soil extit'^niciuoul iuipnrlaul dans la s(Vré-
tion dos lannos. La diflicultô est do dissocier l'actiou dos fiiols syuipatlii(iuos [)lus
spécialemeul cliargt'-s do la vaso-inotricité et de ceux (\m joiiisserit ilo propriétés
purement sécréloiros. C'est pour cela (|ue l'étude de la circulation de la friande lacry-
male est absolument insô|)aral)lo do celle de son inuorvation. ICnnniéions les faits expé-
rimentaux :
/" Expérience de Pouuroni du Pktit. — C'est l'oxpérience classique <le la section du
cordon corvical du i^rand sympalliiquo. Myosis, hypotonie du plohe oculaire. Hétrécis-
sement do la lento [)alpébrale. Projeclion de la tioisiônio paupière. KH'cls sécrétoires
sur la conjonctivo el sur los 4,'landes de l'orbite.
i" Expérience de Cl. Beknahd. — " Lapin. Ablation du tçanglion cervical supérieur.
Deux jours après, section du facial dans sa porlion intra-pétreuse. Mort 7 jours après
la promière intervention. On remarqua, dans les derniers jours de la vie du lapin, que
l'u'il du cOité où le ganglion cor v i cal su pt' rieur avait (Hé enlevé, était humide et larmcjyant.
On avait également observé qu'il y avait un écoulement sur la narim- du môme côté. »
Cette expérience serait en faveur de fibres fréno-sécrétoires dans le cordon sym-
|)alhique.
3° WoLi'EHz, — Excitation du sympathique cervical. Exagération de sécrétion, même
après section du lacrymal.
■i" Demtchenko. — Excitation du sympathique cervical. Exagération do la sé(;rétion
lacrymale et de la sécrétion conjonctivale après l'extirpation de la glande). Excitation
du sympathique d'un côté : sécrétion d'un liquide épais, visqueux et filant. Excitation
du lacrymal : liquide clair et limpide.
0° Ueich. — Cet auteur a fait 13 expériences pour critiquer les résultats de celle de
CzERMAK, puis 11 expériences pour montrer que l'excitation faible du trijumeau ne
donne rien. Il faut des excitations fortes et dans ce cas le courant a pu difi'user sur
d'autres nerfs.
Autre expérience de Rkigii : Après section inlra-cranienne du trijumeau, il obtient
une sécrétion réilexe des larmes en excitant la muqueuse des fosses nasales.
Les expériences de Reich tendent à démontrer non seulement que le trijumeau n'a
aucune action sécrétoire directe, mais même encore n'est pas indis[)ensable dans la
conduction des excitations centripètes nécessaires à la sécrétion.
Il conclut à l'action prépondérante du sympathique.
6'° Tki'li.\chink formule la môme opinion.
7'* Expérience d'AiiLoiNO. — 1'" expérience : chèvre et bo'uf. Section du sympathique
cervical.
Hyperémie et hypersécrétion de l'œil. L'hypersécrétion dure de 20 à 40 jours.
Conclusion : Existence de fibres fréno-sécrcloircs sijnipallnques. «
2'' ex[)érience : Section du sympathi(iuo gaucho depuis 40 jours.
Section du sympathi(iue droit.
Injection de pilocarpine : liypersécrcHion plus abondante du côté droit.
Conclusion : Existence de libres excilo-sécréloires sympathiques. Arloim; a démontré
l'existence de ces fibres (^hez certains autres animaux et a de plus reconnu que la
prédominance des unes sur les autres variait suivant les espèces.
(S'° Expériences de Lakfay et Veuoer. — i'" expérience : Lapin. Section du sympa-
thique droit et excitation : hypersécrétion lacrymale.
Conclusion : Prédominance de fibres excito-sécrétoiros.
2' Expérience : Section du sympathique droit : hyperémie et larmoiement du côté
correspondant. Quinze jours après, injection de pilocarpine : hypersécrétion plus abon-
dante du côté sain.
3'' Expérience : Facial arraclu'-. Quinze jours après arrachement du symf>athi(|ue du
même côt(', l'ieil reste encore lubrifié et liumi<lo. Huit jours après, injection de pilo-
carpine, hypersécrétion très augmenté-e du côté sain. iMi côté lésé, liijuide blanchâtre
lactescent.
752 LACRYMAL.
4* Expérience : Lapin. Facial gauche extirpé depuis trois semaines.
Excitation du syinpatliique droit : hypersécrétion. Excilation du sympathique gauche :
rien. Arrachement des bouts supérieurs des sym|)athiiiiies : mort trois jours après.
Avant la mort de l'animal, on a pu voir, du cùté droit, l'excitation de la muqueuse
nasale et oculaire provoquer une sécrétion abondante; du côté gauche, parles mêmes
excitations, on obtient une sécrétion visqueuse et épaisse. Dans le dernier jour, la comt-e
est louche et altérée, l'œil est terne et sec.
Tous les faits que nous avons énumérés jusqu'ici sont relatifs aux voies nerveuses
périphériques, et l'on peut conclure que le Irajet des fibres sécrétoires est multiple. 11
peut très bien se faire qu'il varie suivant les espèces. Ne voyons-nous pas, d'ailleurs,
au point de vue anatomiciue, la disposition des rameaux du trijumeau varier sensi--
blement d'une espèce à l'autre? C'est ce qui explique probablement que les résultats
obtenus chez un animal ne puissent être appliqués à un autre.
Dans le cas de la lubréfaction normale de l'œil, il est probable que les fibres d'ori-
gine sympathique entrent surtout en jeu. Mais, dans le cas de sécrétion abondante
d'origine réflexe, le trijumeau intervient de même que le facial et il est difficile de
savoir à laquelle de ces deux paires neiveuses revient le rôle le plus important.
Il semble que dans la sécrétion d'origine psychique le facial, qui joue un rôle dans
les mouvements de la physionomie, doive être considéré comme le nerf sécrétoire prin-
cipal. Mais, même dans ce cas, il est difficile d'éliminer l'action du grand sympathique
et celle du trijumeau.
Le problème est encore plus délicat si l'on essaie de déterminer le trajet des voies
nerveuses centrales. Nous allons essayer cependant de pénétrer dans le mécanisme
intime de la sécrétion lacrymale et de savoir où se localisent exactement, non seulement
les centres réllexes du névraxe, mais aussi les centres p.sychiques.
C'est grâce aux observations cliniques (jue l'on a pu émettre (juelques opinions à
ce sujet. On sait que les malades atteints d'affections paralytiques surtout de nature
spasmodique, de contractures, ont des crises de larmes répétées ou bien des crises de
rire.
11 y a dans le bulbe une série de noyaux moteurs qui président au mécanisme de la
mimique. Ces noyaux sont en connexion avec l'écorce cérébrale, de même qu'avec la
colonne grise de la moelle dont ils sont la continuation. Ce sont les cellules de ces
divers noyaux qui entrent en jeu, en plus ou moins grand nombre, suivant la nature de
l'excitation psychique ou réllexe. Cette colonne grise, centre réllexe de la sécrétion
lacrymale, s'étend depuis Vemincnlia (cves jusqu'au niveau de la cinquième vertèbre
cervicale (Eckhabd) et correspond au centre réflexe de la contraction de l'orbiculaire
(Exner).
Cette assimilation de l'acte sécrétoire à un acte moteur a fait songer à des voies de
connexion d'origine ix-ntrale et à l'existence de centres corticaux sécrétoires. Ces
centres corticaux exerceraient une action modératrice ou frénatrice. C'est l'opinion de
Bkcwtehkw. Dans les lésions de l'écorce ou du centre ovale accompagnées de pleurer ou
de rire spasmodique, les libres appartenant au faisceau géniculé et par suite au facial
sont toujours intéressées.
Pour Beghteuew, l'influence de la couche optique sur la sécrétion lacrymale est
démontrée par l'expérimentation. Dans les crises de larmes des malades atteints de
lésions nerveuses, il y a ou bien interruption de la voie nerveuse, qui transmet les
actions d'arrêt de l'écorce, ou bien lésion irritative des centres contenus dans la couche
optique.
Brissaud semble attribuer au faisceau psychique la conduction des influences cor-
ticales sur le pleurer et le rire.
« La destruction des fibres du segment antérieur de la capsule interne donne une
paralysie de la mimique spontanée, unilatérale si la lésion est unilatérale, et bilatérale
si elle est bilatérale.
« Si cette lésion bilatérale ou médiane intéresse le faisceau moteur volontaire de la
face, faisceau géniculé, en respectant les conducteurs psycho-rétlexes, on se trouve en
présence du syndrome pseudo-bulbaire, dans lequel le masque immobile peut être
encore provoqué par la stimulation psychique au spasme irrésistible du rire ou du
LACRYMAL. 753
pleurer. Le riie et le pleurer siiasinodiiiuc s'ex|)li(|iifnt préeisi'iiient par l'iiiterruplioii
des coiiducleurs iiui relient les eeiitres cortioaiix aux noyaux hulhaires de la l'ace, la
physionomie n'est plus soumise à la volonté, et pourtant elle reste en rapport avec les
leiitres de coordination de la couche optique, mis en action par un réflexe cortical. Ce
sont lis libres inférieures du faisceau d'AnNOLU ou racine antérieure de la couche
oplii[ue ([ui conduisent les incitations de l'écorce fiontaic aux centres de cooidinatii^n
de la couche optitpie. »
I.AiiAY se demande aussi si la fonction lacrymale ne dépendrait pas du centre de
l'oculo-facial qui se distriluie à l'orhiculaire des paupières.
Depuis les travaux de Mahinesgo, on a remanié la disposition des noyaux que le facial
possède dans le bulbe. Ces noyaux sont distincts pour le facial supéiieur et pour le
facial inférieur et correspondraient à des zones corticales distinctes.
Le premier, alVocté aux muscles orliiculaire, frf)iital, sourciller, n'est pas autre chose
que l'oculo-facial. Le second, associé aux muscles de la lèvre et du menton, n'est autre
que le labio-fucial. Ils ont chacun des libres sécréloires difTt'ientes, le facial supérieur
destiné aux j^landes lacrymales, le facial inférieur aux glandes salivaires.
« Attribuer à l'oculo-facial et au labio-facial des fibres sécrétoires différentes, dit
Lai'i-ay, est une simple hypothèse, mais elle concorderait bien avec le rôle qu'on accorde
au facial supérieur, qui détient l'expression des sentiments les plus élevés de l'àme, les
plus intellectuels et les plus humains, tandis que la traduction des passions basses est
reléi^uée dans le domaine du facial inférieur.
« Je pense que les pleurs ont leur beauté (juand ils s'associent à la contraction des
muscles supérieurs; ils sont disgracieux (juand ils s'associent à la contiaction dos
muscles inférieurs; et Cratiolet nous montre de même l'amour instinctif et animal
mettant en jeu les muscles innervés par le labio-facial, tandis que l'amour humain,
l'amour intellectuel, se révèle dans les yeux et la partie supérieure du visage, où l'àme
semble directement se refléter elle-même. »
Excitants de la sécrétion lacrymale. — La sécrétion lacrymale a lieu sous l'in-
fluence d'excitations très variées. Suivant le mode d'excitation, l'effusion de larmes est
plus ou moins abondante. On peut ramener à trois variétés les modes de sécrétion
d'après les voies nerveuses réflexes ou psychiques mises en Jeu :
1° Le mode que nous appellerons simple ou normal et qui est destiné à entretenir
la lubréfaction normale de la conjonctive, l'humidité habituelle de la cornée et de l'œil;
2" Le mode réactionnel, que nous (juali lierons de défense, et qui consiste dans
l'elTusionde plus ou moins de larmes sous l'influence d'une cause mécanique, chimique,
pathologique, etc., extérieure à l'œil et agissant sur les origines réelles des filets sen-
sitifs:
3" Un troisième mode, également réactionnel, mais où la psychicité intervient. Le
point de départ peut être sensoriel; mais la conscience y joue im rôle important.
L'activité des centres supérieurs cérébraux est mise en jeu.
On voit que dans ces difTérents modes les voies nerveuses intéressées sont de plus
en plus complexes et de plus en plus élevées.
Mode simple ou normal. — L'écoulement physiologique des larmes dans les condi-
tions ordinaires se fait d'une manière extrêmement lente. Nous avons vu qu'il fallait
considérer les chiffres de Magaard comme très supérieurs à la réalité. Ce sont les
terminaisons sensibles de la conjonctive qui rendent compte aux centres réflexes de
l'tHat de siccité ou de lubréfaction de la conjonctive et de la cornée. L'écoulement des
larmes est continu, et il est iniportant de noter que cet écoulement est intimement
lié à un acte musculaire, c'est-à-dire à la contraction espacée des paupières (jui constitue
le clignement '. Il ne faudiait pas croire cependant, comme le pen.sait Darwin, que le
clignement, ou plutôt le cillement, soit la cause indispensable de l'acte sécrétoire.
F/acte sécrétoire et l'acte musculaire sont deux phénomènes intimement liés; mais il
1. Autrefois, au xvnr siècle, on eiiiiiloyail le terme de cillcnieut pour imiiinicr ces mouve-
menls rapides et inieriiiittents des paupières. Le tcimc de clignement était réserve à la contracture
de l'orbiculairc, à l'acte de cligner. Il est fàclieux que l'on ail renoncé au mot cillement. Nous
allons essayer de le remettre en usage.
KIC/I. ht: l'IlVSKil.iii.IK. — liiMh i\. 48
754 LACRYMAL.
est difficile de dire que l'un est provoqué par l'autre et réciproquement. Une même irri-
tation produit ces deux actes rétlexes. A i haque clignement ou plutôt cillement, une
nouvelle quantité de larmes se trouve sécrétée et répandue à la surface du globe oculaire.
Cette lame liquide adhérente par la tension superficielle s'évapore : un nouveau
clignement survient et amène une nouvelle nappe liquide. Le nombre et la fréquence
des cillements est en rapport avec la quantité de larmes sécrétées. Le liquide se
trouve d'abord dans les culs-de-sac conjonctivaax. A chaque battement, il est répandu
sur toute la surface de la conjonctive et de l'œil. Dans un air parfaitement pur et
immobile, sans le moindre vent qui l'agite, d'une température ni trop chaude ni trop
froide, les battements des paupières sont réduit.»! au minimum. La sécrétion lacrymale
est parallèlement très réduite, et la vitesse d'évaporation du liquide répandu à la surface
du globe dépend uniquement de l'état hygrométrique de l'air et de la tension de vapeur
d'eau de l'atmosphère. Pendant le sommeil, la sécrétion est à peu près nulle. Les pau-
pières restant closes, il n'y a pas le moindre cillement et par suite le moindre appel
sécrétoire. Dans ce cas, il est certain que les voies lacrymales n'interviennent pas pour
éliminer le trop-plein des larmes. Mais, dès qu'une des causes multiples d'irritation de
la conjonctive intervient, les cillements deviennent plus nombreux et l'on peut concevoir
tous les intermédiaires entre ce mode d'équilibre sécrétoire que nous avons qualifié de
normal et le mode réactionnel de défense.
Dans 06 premier mode nous avons vu que certains auteurs faisaient intervenir sim-
plement le sympathique céphalique comme seul nerf sécrétoire mis en jeu. Mais la
plupart s'aècordent à reconnaître que le trijumeau doit aussi entrer en action.
Mode réactionnel de défense. — Ici les excitations sont plus fortes. C'est toujours par
voie réflexe que s'accomplit ce mode sécrétoire. Les excitants sont très divers et très
variés. Ce sont : soit des excitants mécaniques — poussières, corps étrangers, particules
decharbon, frottement des paupières, vent froid, etc. — oubien des excitants chimiques
— ammoniaque, formol, acides, fumée, etc. Il faudrait passer en revue toutes les
causes susceptibles de déterminer du larmoiement. Ces excitants, de plus, peuvent
agir soit sur l'œil, soit sur les parties voisines.
Sur la conjonctive, on doit signaler surtout les inflammations aiguës et chroniques,
les corps étrangers, l'ectropion sénile, etc.;
Sur les paupières, la blépharite, les corps étrangers, le trichiasis, etc.;
Sur la cornée, les ulcérations traumatiques, les corps étrangers, les inflammations
aiguës ou chroniques, l'ophtalmie lymphatique, etc.
L'iris et le corps ciliaire peuvent être également le point de départ du réflexe sécré-
toire dans le cas d'iritis aiguë ou chronique ou d'irido-cyclite.
La fatigue oculaire, les troubles de l'accommodation, l'asthénopie accommodalive,les
vices de réfraction, l'astigmie, sont aussi la cause de ce larmoiement.
Une vive lumière (]ui éblouit la rétine et le nerf optique donne lieu à des pleurs.
En dehors de l'œil d'autres régions peuvent être le point de départ du réflexe sécré-
toire. C'est ainsi qu'au niveau des fosses nasales, les odeurs irritantes, les inflamma-
tions, telles que le coryza, s'accompagnent toujours de larmoiement. Ce sont là des terri-
toires desservis au point de vue sensitif par le trijumeau. Les irritations du naso- pharynx
sont dans le même cas.
Mais le point de départ du réflexe peut être plus éloigné. Dans la toux coqueluchoïde, dans
les quintes de toux, dans la pénétration de liquide ou de corps étranger dans le larynx
ou la trachée, dans le vomissement, on observe toujours une effusion plus ou moins abon-
dante de larmes.
Dans ce cas, on a voulu faire jouer un rôle à l'afflux de sang plus considérable au
niveau de la glande ou au niveau des centres des réflexes sécrétoires. Mais il peut très
bien se faire que d'autres nerfs sensitifs puissent être le point de départ et la voie de
transmission centripète du réflexe sécrétoire, comme par exemple dans le léflexe œso-
phago-salivaire.
Dans le bâillement convulsif, on observe également une effusion de larmes. 11 s'agit
aussi d'un réflexe, avec point de départ dans les terminaisons sensibles intra-muscu-
laires, qui s'accompagne de phénomènes vasomoteurs et sécrétoires.
Troifiième mode sécrétoire : sécrétion d'origine psychique. Ici nous devons entrer dans
LACRYMAL. 755
le domaine moins exploré de la psychologie et nidnlrer |i' rnle iniportunt que jnuont
les émolions dans la sécrétion des larmes.
Mais comment expliquer que les images ou les véritahles concepts élaltorés par nos
centres nerveux conscients réagissent sous le mode sécrétoire?
Existe-t-il d'abord des centres sécrétoires cérébraux, des centres psyclio-sécrétoires?
Dans ce cas, la ipiestion se pose de savoir si la sécrétion des larmes peut obéir à la
volonté. On sait, en effet, que certains sujets peuvent répandre des larmes à leur gré. C'est
du moins ce que tenil à faire croire tout ce que l'on a rapporté sur les pleureuses de
ranticjuité et des pays où celte profession est encore exercée. « A la Nouvelle-Zélande,
raconte un voyageur, les femmes répandent des larmes à volonté, elles se réunissent
pour gémii' sur leurs morts et se font gloire de pleurer à l'envi de la manière la plus
attendrissante, et l'on sait aussi que dans certains pays, comme la ('orse, il est une
classe de femmes qui font métier de pleureuses et doivent à l'exercice de ce ministère
une grande vénération (L.\ki'av\ >•
I.es pleurs jouent un rôb; très divers dans la traduction des émotions de l'âme.
I)ah\vin a bien analysé ce rù\e dans son ouvrage : « L'crprcsaion r/t's émotions chez
l'homme et citez len animaux. »
« Si je voulais remonter dans la série des êtres, écrit L.\i'iAv,si je voulais interroger
les animaux les plus infimes et les plantes mêmes, je pourrais trouver l'origine de la
naissance de ce langage spontané qu'où a|)pelle la physionomie ; je pourrais suivre
l'évolution des moyens employés par les différentes races d'animaux morts et vivants
pour exprimer leurs réactions émotionnelles; je pourrais saisir dans la lutte povr l'exis-
tence, cette grande loi qui régit tous les êtres organisés, le principe de ces mouvements
physiognomoniques, qui ne furent d'abord que des mouvements d'attaque et de défense;
je pourrais citer certaines espèces qui expulsent des flots de larmes pour se protéger
contre leurs assaillants; je pourrais indiquer comment le fourmilier se sert de son
liquide lacrymal pour inonder et saisir les petits animaux qui font sa proie ; je pourrais
rechercher, à l'origine des peuples, l'influence que jouèrent les larmes dans la genèse
du sentiment de la pitié, et voir par suite comment, dans les tribus barbares et adon-
nées à la guerre, ces mêmes larmes devinrent un instrument de salut, comme on dit
aujourd'hui encore que le cerf aux abois demande en pleurant sa grâce au chasseur qui
le poursuit, et puis, pendant de longues suites d'années et avec des variations infinies,
je pourrais montrer comment s'est effacé peu à peu le caractère primitif des pleurs
qui, tout en restant utiles, sont passés de l'ordre des phénomènes purement instinctifs
et animaux au rang des phénomènes psychiques. "
En somme, on voit que dans ce mode sécrétoire psychique il y a toujours association
de tout un jeu plus ou moins compliqué de phénomènes musculaires. Alors que, dans
notre premier mode sécrétoire envisagé, ce jeu est réduit à sa plus simple expression,
puisqu'il s'agit de simples cillements plus ou moins espacés, ici l'on observe tout le jeu
si varié de la physionomie.
« l'n mouvement de l'âme, a dit BiussAin», ne peut se traduire que par un acte
d'innervation centrifuge. >
I)i;cHE.N.\K i)K BouLOd.NE prétendait qu'on ne pouvait jamais voir couler les larmes de
tristesse sans que le muscle petit zygomatique entrât en contraction. Aussi appelait-il
ce muscle « le muscle du pleurer ». Il se contracte dans les larmes douces, celles de
l'attendrissement, celles des spectateurs émus au théâtre par exemple.
Dans les pleuriiiohemenls des enfants, il y a adjonction de l'élévateur de la lèvre
supérieure et de l'aile du nez.
Lorsque les larmes sont douloureuses, on voit se contracter le sourciller muscle de
la souffrance.
Les larmes de joie s'accompagnent aussi d'un jeu particulier de la physionomie.
Le plaisir ou la joie très vive, comme la douleur, donnent aux yeux un plus vif éclat
en les baignant de larmes.
<< L'expression naturelle et universelle de la joie, a dit Darwin, est le rire, el chez
toutes les races humaines le fou rire excite la sécrétion lacrymale plus énergiquement
que toute autre cause, la soufl'rance exceptée. »
Tous les sentiments tendres, le bonheur, la joie, la tendresse, de même que la sym*
756 LACRYMAL.
palhie et la pitié, amènent l'eirusion des larmes. Chose remarquable, comme le dit
Darwin, la sympathie pour la souffrance ou le bonheur de ceux que nous chérissons
tendrement provoque des pleurs, alors que nos yeux restent secs lorsque la douleur ou
la joie personnellement nous concernent.
11 est intéressant de remarquer combien, suivant les âges et suivant les sexes, ces
excitants psychiques déterminent des réactions sécrétoires variables et combien varient
parallèlement la mimique et le jeu de la physionomie.
Dès les premiers jours de la naissance, les larmes ne sont pas encore sécrétées; l'en-
tant pousse des cris, mais ne pleure pas. Ce n'est que quelques mois après que les
pleurs accompagnent le jeu de la physionomie.
A partir de ce moment, l'enfant pleure toujours abondamment. Dans la souffrance
vive, il y a des contractions musculaires énergiques. L'orbiculaire se ferme violemment,
le front se plisse, la face devient rouge et vultueuse. Les cris sont souvent suspendus un
instant pour éclater aussitôt avec une violence et une intensité inouïes. Les larmes
coulent alors en abondance. On sait combien certains enfants pleurent avec facilité.
Pendant la première enfance, non seulement ils pleurent à la moindre douleur ou
même à la moindre contrariété, mais encore ils pleurnichent sous le moindre prétexte.
A ce moment-là de la vie, il n'y a pas grande différence entre les deux sexes. Plus
tard les pleurnichements disparaissent, le garçon pleure moins souvent que la jeune
lille.
Chez l'adulte il en est de même. Mais, quel que soit le sexe, les grandes douleurs
souvent, loin de solliciter les larmes, se caractérisent par une sorte d'abattementgénéral
et une expression du visage qui a inspiré les artistes de tous les temps lorsqu'ils ont
voulu traduire dans leurs œuvres une profonde douleur. Les grandes douleurs sont
muettes, et il semble que dans ce cas les centres d'inhibition de la sécrétion lacrymale,
centres fréno-sécrétoires, soient plus particulièrement mis en action. A l'opposé de
ce qui a lieu chez l'enfant, le visage pâlit, il y a vaso-constriction en môme temps que
ralentissement du cœur et du pouls. La respiration s'arrête et devient également très
lente. On devine là l'action prédominante du sympathique qui agit surtout par ses
libres vaso-conslrictives et fréno-sécrétoires.
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MÉCANISME DE L'ÉCOULEMENT DES LARMES
Le mécanisme de l'écoulement des laj-mes comprend :
1° I/écoulement dos larmes dans le sac conjonctival.
2" l.a in-iiél ration des larmes et leur écoulenuMit dans les voies lacrymales.
I. Écoulement des larmes dans le sac conjonctival. — La répartition du
liquide lacrymal à la surface du globe oculaire se fait grâce à deu.x catégories de phé-
nomènes qui concourent au même but : les premiers, purement passifs, d'ordre phy-
sique et les autres, actifs, d'ordre physiologique.
Les premiers sont dus aux actions capillaires qui répartissent les liquides entre deux
lames parallèles. On sait en olTet que lorsque deux lamelles de verre sont juxtaposées
l'une au-dessus de l'autre, il suffit de placer une goutte de liquide au contact di\s bords
pour le voir aussitôt s'étaler entre les deux lames. C'est ce qui a lieu couramment en
technique hislologi(iue lorsque l'on essaie défaire pénétrer une goutte de colorant entre
lame et lamelle. La conjonctive palpébrale et la conjonctive bulbaire qui se continue
avec la face antérieure de la cornée réalisent ce dispositif. On con(;oit donc aisément
qu'une goutte de liquide lacrymal sécrétée au niveau des culs-de-sac conjonctivaux
s'insinue par capillarité dans tout le sac conjonctival lorsque les paupières sont fermées.
Le contact des deux paupières et de l'œil est suffisamment intime pour que le liquide
passe de dessous la paupière supérieure sous la paupière inférieure. Il n'existe pas de
petite gouttière ou de rigole entre les deux lèvres postérieures des bords paljtébraux.
Certains auteurs ont voulu faire jouer un rôle à cette petite gouttière, tout à fait pro-
blématique, dans la conduction des larmes vers les points lacrymaux.
En réalité, les deux paupières sont parfaitement adhérentes grâce aux produits de
sécrétion des nombreuses glandes des rebords palpébraux.
Ces produits de sécrétion des glandes de Meibomius, des glandes de Moll, des
glandes de Zkiss, ont une autre propriété : ils empêchent les larmes de franchir le
rebord de la paupière, dans une certaine limite bien entendu, car, lorsque les larmes
viennent à être sécrétées en trop grande abondance elles tombent facilement sur la
joue. Mais les substances graisseuses qui enduisent le reijord palpébral empêchent ce
rebord d'être mouillé. La goutte de liquide prête à franchir la barrière des cils se trouve
ainsi retenue par la seule force capillaire que dégage sa tension superficielle.
C'est dans ces conditions que les larmes peuvent être aspirées par les points lacry-
maux. Lorsque cette force capillaire est dépassée par l'afUux trop considérable «le
liquide, les points lacrymaux sont insiiftisants à absorber dans le même temps le liquide
sécrété, et alors les larmes s'écoulent sui' la joue.
La deuxième catégorie des plnMiomènes qui contribuent à la répartition des larmes
dans le sac conjonctival est constituée parles mouvements des paupières. Le cillement
bu clignement qui accompagne la sécrétion, au point qu'il semble lui être indispensable,
il pour effet d'amener à chaque battement une petite quantité de liquide à la surface de
758 LACRYMAL.
la cornée. Exposé à l'air, l'œil ne tarderait pas à devenir sec, si le cillement ne venait
pas par intermittence l'humecter.
Certains auteurs ont voulu faire jouer un rôle plus important à la contraction de
l'orbiculaire et par conséquent au cillement. ■C'est ainsi que Giraud-Tellon a essayé
d'expliquer par le mode de contraction dos libres musculaires la progression du liquide
vers le grand angle de l'œil, c'est-à-dire vers la caroncule lacrymale.
Autrefois J.-L. Petit, après avoir imaginé sa théorie géniale du siphon lacrymal, pen-
sait que les larmes s'accumulaient, pendant que les yeux étaient fermés, au-dessous des
paupières qui, en se contractant, les chassaient dans les canalicules, c'est-à-dire dans la
petite branche du siphon.
Si l'on observe attentivement les contractions des paupières, on voit que les fibres
musculaires plissent la peau très mince de cette région perpendiculairement à leur
direction. Les plis cutanés sont attirés vers l'angle interne de l'œil. C'est surtout au
niveau de la paupière inférieure que l'on observe nettement ces mouvements superfi-
ciels. Mais, si l'on regarde seulement les bords des paupières et la ligne d'implantation
des cils, on voit que les déplacements sont à peine accusés. Ce n'est que dans la partie
interne du rebord palpébral que l'on remarque un léger transport en totalité de la pau-
pière en dedans, et encore il est nécessaire d'avoir des contractions très fortes de l'or-
biculaire.
Si l'on considère, d'autre part, que l'orbiculaire est avant tout un muscle peaucier,
qu'il agit surtout sur les téguments, on comprendra que sa contraction n'agira que fai-
blement sur la conjonctive dont il est séparé de toute l'épaisseur des tarses.
Son action principale se borne à abaisser et à clore les paupières. Par ce seul fait,
d'ailleurs, il contribue à répartir les larmes sur toute la superficie de l'œil. Mais sa con-
traction contribue peu à attirer les larmes vers le lac lacrymal, surtout dans la con-
traction faible et par conséquent dans le cillement.
Dans la contraction forte, il agit comme un sphincter, mais comme un sphincter
asymétrique ayant un point fixe au niveau du ligament palpébral interne. C'est ce qui
explique que, dans cette contraction forte, tous les téguments paraissent attirés vers
l'angle interne. Mais cette attraction retentit très faiblement sur le tarse inférieur et
sur la conjonctive correspondante et encore plus faiblement sur le tarse et la conjonc-
tive supérieurs.
II. Pénétration des larmes et leur écoulement dans les voies lacrymales.
— La pénétration des larmes dans les canalicules lacrymaux et leur écoulement dans
les voies lacrymales constituent la physiologie du segment évacuateur de l'appareil
lacrymal. Avant d'en envisager le mécanisme intime chez l'homme, nous croyons devoir
jeter un coup d'œil sur la physiologie comparée de ces voies évacuatrices des larmes.
Physiologie comparée. — Les voies lacrymales suivent un développement parallèle à
celui des glandes lacrymales. Elles font défaut d'une manière à peu près complète chez
les vertébrés aquatiques. On conçoit leur parfaite inutilité chez les Poissons et chez les
Batraciens.
Chez les Serpents, où elles existent parfaitement développées, on comprendra facile-
ment le mécanisme de la circulation du liquide lacrymal en remarquant que, par suite
de l'accolement intime des deux paupières, le sac conjonctival est un sac clos de
toutes parts, sauf au niveau de l'orifice du conduit lacrymo-nasal. Les larmes s'accu-
mulent derrière la membrane transparente, formée par l'accolement des deux pau-
pières, et ne peuvent s'échapper, sous l'inlluence de la poussée du liquide, que par
l'orifice lacrymal.
Chez les Oiseaux, il existe des voies lacrymales également très développées. Aussi ne
comprenons-nous pas la phrase de R. Pertuer : « L'appareil lacrymal manque chez les
Oiseaux... » La surface du globe n'est pas balayée chez ces derniers par les paupières,
mais par la membrane clignotante. L'orifice du conduit lacrymal, souvent très large et
parfois double, se trouve situé en avant de l'insertion de cette troisième paupière.
La membrane clignotante s'étale de dedans en dehors et, par conséquent, refoule le
liquide vers l'angle externe ou postérieur de l'œil. On ne peut dire qu'elle joue un rôle
essentiel dans la pénétration du liquide lacrymal dans les voies lacrymales. Elle rempli-
rait plutôt un rôle opposé. Mais on doit remarquer qu'en étalant le liquide à la surface
LACRYMAL. 7oi»
du globe, elle en attire une nappe très mince en se repliant vers l'angle interne. Cette
nappe très mince reste adhérente à la surface Je la cornée qu'elle iubrilie. Il faut
qu'une plus grande ciuanlilé de liquide soit sécrétée pour que la face antérieure de la
membrane clignotanb' soit mouillée et (pie le li(|uide atteigne l'orilice supérieur du
conduit lacrymal.
Chez les Mammifères, la dis|tosition des voies lacryn»al(;s est à peu piès analogue à
celle de l'homme. Clie/ la plupart, il existe deu.x points lacrymaux et deux canalicules.
Quelquefois le point lacrymal est double. (]e fait a été même observé chez l'homme à
titre d'anomalie. Chez (luelques espèces, il n'existe (ju'un seul point lacrymal, jjarfois
très allongé en forme de fente (l.apin).
Les Mammifères qui possèdent une membrane clignotante ont des voies lacrymales
qui fonctionnent comme chez les Oiseaux, La troisième paupière sert surtout à l'étale-
ment du liquide à la surface du globe. Lé liquide n'est amené au contact des points
lacrymaux (jue par la tension superficielle de la goutte de liquide qui ne peut franchir
le rebord palpébral enduit de matière graisseuse. Avant d'avoir dépassé les limiter
de cette force moléculaire et vaincu cette adhérence capillaire, le liquide a déjà pénétré
dans les canalicules, et, s'il n'est pas sécrété en trop grande abondance, il s'échappe
en totalité par les voies lacrymales.
Théories sur la pénétration et sur l'écoulement des larmes dans les voies lacrymales.
Le mécanisme de la pénétration et de l'écoulement des larmes a été extrêmement
discuté. La plupart des opinions émises à ce sujet par les différents auteurs qui s'en
sont occupés, par leur caractère exclusif, ne pouvaient répondre à la totalité des objec-
tions qui leur étaient faites. Nous n'aurons pas la témérité de prétendre qu'à l'heure-
actuelle le problème est complètement résolu. Néanmoins, en passant en revue toute
la série des faits bien observés et ceux que nous avons pu nous-même mettre en
lumière, il nous paraît possible d'exposer maintenant un mécanisme de l'évacuation
des larmes très satisfaisant. Mais auparavant nous allons énumérer les diverses théories
émises en signalant, au passage, les points qui paraissent définitivement acquis. Pour
plus de clarté, nous diviserons en deux catégories les théories des dilférents auteurs :
les unes que nous qualifierons de théories physiques ou mécaniques, les autres que nous
dénommerons théories physiologiques proprement dites.
Théories mécaniques et physiques.
1° Théories basées sur la pesanteur. — Si l'on verse une goutte d'eau en avant de la
membrane clignotante chez un poulet, un faisan ou un dindon, on voit la goutte d'eau
disparaître si l'on maintient le bec de l'animal dirigé en bas.
Pour l'homme, la simple pesanteur est insuffisante à expliquer le remplissage des
canalicules, au moins celui du canalicule supérieur. A la rigueur, lorsque le niveau de
la goutte de liquide lacrymal, retenue par les rebords palpébraux, dépaaise celui de
l'orifice des canalicules dans le sac, le canalicule inférieur se remplit; mais le fait ne
se présente qu'exceptionnellement. Cela dépend en grande partie de la position donnée
à la tête.
La pesanteur n'agit vraiment que lorsque le liquide a pénétré dans le sac. En un
mot, elle peut expliquer l'écoulement des larmes, mais elle ne peut que rarement expli-
quer leur pénétration dans les canalicules.
2° Théorie du siphon dei.-L. Petit. — J.-L. Petit a publié quatre mémoires dans les
comptes rendus de l'Académie des Sciences de 17.34 à 1744. Leur lecture est des plus
intéressantes.
« Toutes ces parties (les voies lacrymales) font une même continuité de canal qui,
par sa figure et son image, mérite le nom de Siphon, et je le nommerai dorénavant
le Siphon lacrymal. Deux choses sont essentielles à ce siphon, pour qu'il {tompe les
larmes : la première qu'il soit plein de fluide, et la seconde que la branche qui trempe
dans le fluide soit plus haute que celle qui le dépose...
700
LACRYMAL.
'//
eCB
ŒIX)
« ... J'ajoule quo comme il y a une liijui'ur muoouse, qui mouille toujours la mem-
brane du nés, il y a lieu de croire que l'ailhésion des larmes avec le mucus doit encore
favoriser leur écoulement...
« Dans la |>remière partie de ce mémoire j'ai rej^ardé l'action des paupières comme
une des causes qui obligeai les larmes à couler dans les points laci ymaux ; si l'on pouvait
douter de cette vérité, on en trouverait une preuve bien sensible dans la rétention des
larmes. En effet, on ne peut pas nier que dans cette maladie les larmes n'entrent dans
le sac lacrymal; et l'on ne peut pas dire qu'elles y entrent par le mécanisme du siplion
lacrymal, puisque ce siphon est bouché : mais comme l'action des paupières est. dans
ce cas, l'unique cause capable de déterminer les larmes à entrer dans les conduits
lacrymaux, il en faut nécessairement conclure que l'action des paupières est réelle-
ment une des causes qui poussent les larmes par les points lacrymaux et dans le sac
lacrymal. »
J.-I,. Pktit admet que les larmes, accumulées dans les culs-de-sac conjonctivaux,
sont refoulées par la contraction de l'orbiculaire dans les
\ -==^ / canalicules lacrymaux.
.'}" Tlicories basées aur la capillarilr. — Si nous construi-
sons l'appareil schématique suivant, soit: en F. une lamelle
de verre à contours rodés et placée dans un plan bien
horizontal ; en T un petit tube de verie à extrémité el'lilée
et coudée de manière à représenter par cette portion très
courte les canalicules lacrymaux. I/aulre portion, beau-
coup plus Ionique et |)lus larjze, représente le conduit
lacrymo-nasal (lig. [2't .
On a là un appareil lacrymal artificiel. La lame de verre
représente la surface conjdiiclivale; et si nous la plaçons
horizontalement, c'est alin de permettre au liquide d'y être
maintenu par adhérence capillaire el grâce à la tension
superlicielle. On peut disposer, si l'on veut, au-dessus de
celle lame, une autre lame plus petite qui représentera les
paupières glissant à la surface delà conjonctive bulbaire.
Si maintenant nous laissons tomber sur la lame L.
goutte à goutte, un liquide provenant d'un petit réser-
voir R qui représente la glande lacrymale, on voit le
liquide s'étaler à la surface de la lame L, s'insinuer par
capillarité entre la lame 1. et la deuxième lame 1' plus petite, contourner celte dernière
en suivant ses bords, et enfin arriver au niveau de rexlrémité du petit tube recourbé,
qui représente les voies lacrymales. A ce moment la portion effilée se remplit el l'eau
se met à couler dans la portion descendante et longue du petit tul)e. On a, dans ce
dispositif expérimental, réalisé tout le mécanisme de l'écoulement des larmes depuis
le moment où elles sont émises par la glande lacrymale, jusqu'au point où elles sont
expulsées dans les fosses nasales.
Le petit tube de verre fonctionne comme un petit siphon, mais comme un siphon
capillaire dont l'amorçage a lieu d'une façon spontanée. Le liquide s'écoule dans la
longue branche en vertu de la loi d'écoulement des liquides dans les tubes capillaires,
c'esl-à-dire que la pesanteur le fait progresser plus rapidement. On sait en effet, que,
lorsque l'on filtre un liquide dans un entonnoir terminé inférieurement par un tube
capillaire, la filtralion est accélérée.
On objectera que les voies lacrymales normales ne sont pas constituées par un tube
ligide, tel que le verre. De plus, elles sont enduites d'une couche de mucus. Mais cela ne
peut changer en rien le point essentiel du phénomène. Assurément il ne faudrait pas
exagérer ces actions capillaires et prétendre que celte couche de mucus parfaitement
continue, depuis la conjonctive jusqu'aux fosses nasales en passant par les voies lacry-
males, attire le liquide lacrymal par le seul effet de la tension superficielle. C'est l'opi-
nion soutenue par Gad qui est partisan exclusif de ces actions capillaires. D'après lui, la
nappe muqueuse humide, qui lubrifie les voies lacrymales, se continu*^, non seulement
avec celle clu naso-pbarynx, mais même avec celle de ton! le tube digestif, de la bouche
KiG. 124.
Schéma de l'appareil lacryni.nl
LACRYMAL. 761
Jusqu'à r.inus. CeUe vasto moniltranp muqueuse ronlribuo à attiicr los larmes vers les
voies naturelles par la seule force des arlions moléculaires.
Assurément le dispositif expérimental que nous avons signalé ne repidduit pas
exarlemenl ce (jui se passe en réalité. Les phénomènes sont beaucoup plus (;oiiiplexes.
Un certain nombre de facteurs peuvent \t\ modifier sensiblement. Ou sait très bien que
la nature des parois du tube ca}»illaire, le degré do viscosité du li(|uide, sa constante
ca|iillaire, mt'me la tempéralure, interviennent pour faiie varier dans certaines limites
la vitesse de pénétration et d'écoulement des larmes dans les voies lacrymales, si
variables de l'orme et de calibre, du sujet vivant. Mais tous ces facteurs ne peuvent
influer en aucune manière sur le déterminisme et sur le principe même du phénomène
fondamental.
En somme, les théories physiques pures nous permettent de constater une série de
faits bien démontrés. Les lois de la capillarité et des actions moléculaires peuvent faire
réaliser de toute pièce un appareil aspirateur et évacuateur des larmes fonctionnant
automatiquement. II s'agira de savoir dans quelle mesure ces données de la physique
s'appliquent à la réalité, et si elles sont les seules à jouer le rôle le plus important.
Théories physiologiques.
1" Action aspirât rice des mouvements respiratoires. — Cislle théorie a été développée
par HouNAULD, Wf.hkr et Rava. Est-ce l'inspiration ou bien l'expiration qui agit le
mieux? Nous avons fait l'expérience suivante. En introduisant un embout, relié par un
tube de caoutchouc avec un manomètre, dans une narine qu'il obture complètement,
alors que l'autre narine reste libre, on remarque que, dans la respiration ordinaire, la
pression varie peu dans la fosse nasale obturée, à peine de quelques millimètres de
mercure; dans l'inspiration, il en est de même que dans l'expiration. Ces vaiiations de
pression se communiquent néanmoins aux voies lacrymales par l'orifice inférieur du
canal nasal. Nous avons démontré que cet orifice était le plus souvent perméable à
l'air. Mais il est des cas assez fré(jueuls où les voies lacrymales ont subi un certain
degré de distension, sous l'intluence d'une augmentation exagérée de pression dans le
cavum : nous avons même décrit, sous le terme d'insuffisance valvulaire du conduit
lacrymo-nasal, cet état caracte'risé par la distension pneumatique du sac lacrymal,
lorsque cette distension est suffisamment accusée pour être nettement visible. Mais,
pour provoquer la distension pneumatique du sac ou bien son évacuation, il faut de
fortes aspirations ou bien de fortes expirations, les narines étant fermées. De celte
façon, on détermine dans le cavum des variations de pression négative ou positive rela-
tivement considérables.
On voit même parfois, dans les fortes expirations, l'air s'échapper en très fines bulles
par les points lacrymaux. Voibà pourquoi il ne faut pas s'étonner des faits, signalés
depuis longtemps par Moroagni et par Bianchi avant lui, de personnes qui pouvaient
faire ressortir la fumée du tabac par les yeux, c'est-à-dire par les points lacrymaux.
Mais tous ces faits que nous signalons ne peuvent s'observer que dans des condi-
tions exceptionnelles. On ne voit pas les sujets, présentant de la distension pneumatique
du sac lacrymal, avoir des alternatives, de contraction et de distension de cette cavité,
dans les mouvements ordinaires de la respiration.il faut les rechercher le plus souvent
avec attention, en serrant les narines du sujet, de manière à les fermer complètement,
et on le priant de lenifler. Dans tous les cas, chez ces individus, l'air séjourne dans les
voies lacrymales. Mais, loin d'être une cause d'aspiration pour les larmes, il est plutôt
une cause de gêne à leur écoulement. Nous avons, en effet, souvent remarqué' (|iie ces
sujets qui présentent de l'insuffisance valvulaire et, par conséquent, une bt-ance inac-
coutumée du conduit lacryino-nasal, avaient plus souvent du larmoiement, lorsqu'une
cause quelconque augmentait leur sécrétion lacrymale.
Il faut dune conclure que le rôle des mouvements respiratoires dans la physiologie
des voies lacrymales est plutôt négatif.
Quant à imaginer que b- mouvement de l'air dans les fosses nasales, agit sur
l'extrémité inférieure du conduit lacrymo-nasal, comme le jet d'un vaporisateur sur
l'extrémité du tube aspirateur-, il s'agit là d'une pure hypothèse.
762 LACRYMAL.
2° Théories basées sur V action secondaire du muscle orbiculaire des paupières sur le sac
lacrijmal. — Les auteurs qui admettent le rôle actif du muscle orbiculaire sur les
variations de volume du sac lacrymal sont, à l'heure actuelle, les plus nombreux. Pour
eux, le sac lacrymal possède une anatomie et une physiologie distinctes.
Les fibres musculaires de i'orbiculaire en rapport avec le sac se divisent en deux
catégories. Nous les avons étudiées nous-meme et fait étudier récemment par Lepagk
dans sa thèse (Bordeaux, 1908). La première de ces catégories est située en avant
du sac et la seconde en arrière. Nous les avons dénomme'es faisceaux lacrymaux de
I'orbiculaire. Il existe des faisceaux lacrymaux antérieurs et des faisceaux lacrymaux
postérieurs. Ces derniers sont connus sous le nom de muscle de Duverney et de Horner,
bien que le me'rite de les avoir décrits pour la première fois revienne en entier à
Duverney. On a voulu isoler ces faisceaux et les décrire comme des muscles distincts
(muscle lacrymal antérieur et muscle lacrymal postérieur). Des recherches poursuivies,
il résulte que rarement les faisceaux sont en rapport avec le sac. La question est jugée
pour les faisceaux lacrymaux postérieurs d'une façon délinitivc. Pour les faisceaux
lacrymaux antérieurs, il faut une distension assez grande du sac pour que ce dernier
entre en contact avec eux. Le plus souvent, ils sont également éloignés des parois du
sac. Maintenant ils sont traversés par les canalicules, mais neprennentaucune insertion
sur eux. De plus, les canalicules étant situés en plein tarse, il est inadmissible que ces
faisceaux puissent agir sur leurs parois rigides pour les raccourcir et par suite attirer
en dehors la paroi externe du sac. Néanmoins, il y a des faits bien constatés où des
changements de volume du sac ont été notés. Mais on va voir combien ce rôle est
diversement interprété.
A) Pour Arlt, Moll et Weiikr, le sac se contracte avec I'orbiculaire. Arlt introduisait
dans les canalicules lacrymaux et les fistules lacrymales de petits tubes rigides, et il
voyait le liquide, contenu dans ces petits tubes, refoulé au dehors sous l'influence de la
contraction de I'orbiculaire. On a objecté que ces tubes rigides immobilisaient les tissus
et faussaient les ré.sultats des expériences.
On a cité alors à l'appui de cette théorie l'observation des fistules laciymales. La
goutte de larmes, située au niveau même de l'orifice de la fistule, est chassée au dehors
quand I'orbiculaire se contracte. Mais d'autres obvervateurs ont signalé exactement le
contraire.
B) En effet, Bourceot Saint-Hilaire, se basant sur quelques dissections, avait décrit
un véritable muscle dilatateur du sac lacrymal. Après lui, Malgaione, Hyrlt, Roser et
A. ScHMiD ont observé que la contraction de I'orbiculaire dilate le sac lacrymal. Le
relâchement de I'orbiculaire s'accompagnerait d'une diminution de volume du sac.
L'observation de certains cas de tistule est venue à l'appui de cette o])inion. La goutte-
lette de liquide paraissait nettement aspirée pendant la contraction. En 1892, Scimemi a
fait quelques expériences sur ce sujet. Dans son travail, il critique les expériences et la
théorie capillaire de (!ad. Il admet loutefoi'^ l'amorçage du siphon capillaire, pourvu que
la différence entre les deux extrémités du tube soit au moins de 5 millimètres et que
l'extrémité aspiratrice, dans le cas de notre expérience par exemple, soit au niveau du
liquide à évacuer.
SpiMEMi a vu la rapacité du sac augmenter de 2 millimètres cubes à chaque cligne-
ment. Elle pouvait atteindre 10 millimètres cubes et même 30 millimètres cubes dans
les contractions fortes. En attirant la paupière supérieure en haut et en dehors, on
agrandit encore davantage la cavité du sac. Nous avons essayé de reproduire les expé-
riences de SciMEMi. Nous avons opéré sur des sacs normaux et sur des sacs ectasiés, les
uns atteints de dacryocystite catarrhale, les autres présentant de la distension pneu-
matique ; nous avouons n'avoir jamais vu varier spontanément le niveau du liquide de
notre manomètre.
C) Entre les deux groupes de théories précédentes, dont les principes essentiels sont
diamétralement opposés, il y a place pour une troisième que l'on pourrait qualifier
de théorie mixte. Elle consiste à attribuer au sac lacrymal un rôle actif, non seule-
ment dans sa dilatation, mais encore dans sa contraction : c'est-à-dire que parmi les
faisceaux lacrymaux de I'orbiculaire il y aurait des faisceaux dilatateurs et des faisceaux
constricteurs. Cette opinion a été soutenue par Henke. Elle se trouve exposée comme
LACRYMAL.
763
la plus évidente ilaiis le Traite <i'Ophl(ilinnlo<iie tle iw. Wkckkk et I.andoi.t (IV, 1040).
La conlraclion de l'orhiculaire dilat(î le sac par l'action du muscle lacrymal
antérieur, muscle dilatateur. Le sac est ensuite vidé de son contenu par l'action propre
isolée du muscle lacrymal postérieur, muscle constricteur. Les canalicules sont en
inènie temps cuiu|»rimés par les faisceaux musculaires, de sorte que le contenu du sac
ne peut relluer vers le lac lacrymal.
Dans celte opinion, le sac lacrymal est considéré comme un organe essentitillenumt
actif remplissant le rôle de pontpe aspirante et foulante.
.Si ingénieuse que soit la théorie, il est difficile d'admettre cependant (jue tous les
autres faisceaux de l'orhiculaire se relâchent, alors que seuls les faisceaux lacrymaux
postérieurs du muscle de Duver.ney se contractent. De plus, ce rôle de sphincter que l'on
voudrait faire jouer aux faisceaux lacrymaux postérieurs en rapport avec les canalicules
n'est nullement démontré. Les faisceaux musculaires sont, comme nous l'avons signalé
plus haut toujours éloignés delà paroi des canalicules (jui cheminent dans l'extrémité
des tarses. Il est diflicile de leur attribuer une action quel(^on(iu(! sur le calibre des cana-
licules.
Pour résumer les faits essentiels mis en lumière par les partisans de ces diverses
théories musculaires, nous dirons que, pour le moment, le plus grand nombi'e des auteurs
admet une action dilatatrice du sac de la part de l'orhiculaire. Mais celte action dila-
tatrice existe-t-elle dans to/us les cas, chez tous les sujets? N'est-elle pas plutôt un fait
accessoire et exceptionnel?
Il est un fait qui pourrait attirer l'attention. Quand on place la pulpe du doigt sur
l'angle interne de l'œil, au niveau du ligament palpébral interne, dès que l'on contracte
fortement l'orhiculaire, il semble que le doigt soit légèrement soulevé. Mais on peut
expliquer ce phénomène de la façon suivante. Dans la contraction forte de l'orhiculaire,
la peau se plisse vers l'angle interne de l'œil. 11 s'aj^it d'un soulèvement da la peau en
un repli simplement cutané. L'orhiculaire agit comme muscle peaucier et l'avancement
du ligament n'est qu'une apparence.
Toutefois, bien que nous ne l'ayons jamais observé nous-même, nous verrons
comment, dans des cas exceptionnels, ces mouvements de l'orhi-
culaire peuvent agir sur la paroi externe du sac.
Mécanisme de la pénétration des larmes et de leur
écoulement dans les voies lacrymales. — L'anatomie des
voies lacrymales montre que la disposition du sac et du canal
nasal varie dans des proportions assez grandes suivant les sujets,
surtout au point de vue calibre. Nous avons montré nous-même,
par l'étude découpes méthodiques, que l'on pouvait, au point de
vue fonctionnel, considérer deux types de voies lacrymales :
1° Un type que nous qualifierons de classique parce qu'il
existe un segment supérieur dilaté qui peut être considéré comme
un sac lacrymal. Mais nous ferons remarquer (jue ce type-là est
beaucoup moins fréquent que le suivant;
2» Un type normal présentant un conduit plus ou moins
régulier» mais à calibre uniforme, sans distension supérieure,
figurant un sac lacrymal.
Un deuxième point anatomique important est le suivant. Sur
une coupe horizontale passant par l'angle interne de l'œil, le sac
lacrymal ouïe segment cystique du conduit est réduit aune fente
souvent linéaire. Ce segment cystique du conduit est donc orienté de la façon suivante ;
un bord antérieur, une face externe, une face interne et un bord postérieur. Il n'y a
pas de face antérieure ni de face postérieure du sac lacrymal à l'état de vacuité.
Lorsqu'il se remplit, il prend une forme d'abord elliptique, puis cylindrique. C'est alors
qu'à la rigueur on peut lui considérer une face antérieure.
La disposition normale est celle que nous représentons sur la figure 125 : en L, les
faisceaux du muscle lacrymal antérieur; en C, la fente du segment cystique du conduit;
en L', les faisceaux lacrymaux postérieurs.
La figure suivante (tig. I20j représente une autre coupe, lorsque la fente cystique est
Fui. 125. — Coupes des
voies lacrymales passant
au niveau do l'angle
interne de l'œil.
L, faisceaux lacrymaux
antérieurs: L', faisceaux
lacrymaux postérieurs;
/, ligament palpébral in-
terne ; C, cou|>e du sac.
764 LACRYMAL.
plus allongée. Les mêmes lettres désignent les faisceaux lacrymaux. On comparera ces
deux figures demi-schématiques.
Dans la disposition normale, les faisceaux musculaires forment un triangle à sinus
tourné vers le sac lacrymal. Mais ou remarquera que la fente cystique, par ses deux
extrémités, est éloignée de tout faisceau mu.sculaire; en / se trouve le ligament palpé-
bral interne qui est également éloigné de l'extrémité de cotte fente. Il n'y a pas de
sinus, ou recessus de Arlt suffisamment développé.
Dans la disposition à feute cyslique allongée, ce qui correspond à un sac lacrymal
distendu, il faut un allongement relativement considérable pour que le sac lacrymal
entre en rapport avec les faisceaux lacrymaux antérieurs. Dans ce cas, le recessus de
Ari.t est développé et l'on conçoit que la contraction de ces faisceaux agisse sur l'exf lé-
mité antérieure de la fente cystique.
Mais, quel que soit le mode de disposition anatomique des voies lacrymales, le
liquide pénètre dans les canalicules en suivant les lois de la physique pure. La péné-
tration et l'écoulement se fait d'après le principe du sipho7i capillaire à amorçage
automatique. Il suffit de se rapporter à l'expérience que nous avons indiquée plus
haut à propos des théories capillaires.
Les larmes peuvent pénétrer en l'absence de cillement.
Comme elles ne peuvent pas être sécrétées sans mouvement des
paupières, on a objecté que des sacs ectasiés, vidés la veille de
leur contenu, étaient trouvés dans le même état le lendemain
matin. On peut répondre, en elTet, que ces sacs restent vides
jiarce que la sécrétion lacrymale dis|iaraîL pendant le sommeil
et que les larmes ne peuvent être sécrétées en l'absence de tout
cillement. -
Actions adjuvantes et accessoires de la pénétration et de l'écou-
lement des larmes dans les voies lacrymales. — La dilatation du
sac lacrymal sous i'inlluence des contractions de l'orbiculaire est
voies lacrymales'— Mè- ""^ ^® ^^^ causes adjuvantes. Nous avons vu que les faisceaux
mes loitros (lu'à la fig. lacrymaux pouvaient, en se contractant, attirer, dans certains
•25. cas, en dehors l'extrémité antérieure de la fente cystique. Mais
ce phénomène ne pt'ut avoir lieu que chez les sujets qui pos-
sèdent des canaux lacrymaux développés. Or ces faisceaux peuvent manquer (Maca-
lister). Il faut une autre condition : il faut que la fente cystique soit assez allongée
pour entrer en rapport intime avec eux. Cette disposition peut seule expliquer les faits
signalés par tous les observateurs qui admettent la dilatation active du sac (Bouroeot
SAi.NT-HiLAUiE, Malg.\igne, Hvrlt, Roser, a. ScHMiD et Henke).
On ne peut concevoir une action quelconque du muscle de Dcverney, c'est-à-dire
des faisceaux laci ymaux postérieurs, sur le sac. Quelles que soient les dimensions de
la fente cystique, ces faisceaux musculaires sont toujours trop éloignés de son bord
postérieur.
Une autre cause antagoniste est fournie par l'écartement des paupières. En ellet,
il suffit d'abaisser la paupière inférieure ou d'élever la paupière supérieure pour voir
la fente cyslique sentre-bàiller et le sac lacrymal se dilater. Ce phénomène s'observe
très nettement sur le cadavre. En est-il de même sur le vivant".' Nous sommes tenté de
l'admettre d'une façon assez catégoritiue. L'action antagoniste du releveur des pau-
pières, et par conséquent l'écartement des paupières, attire beaucoup plus fortement
en dehors la paroi extérieure du sac que ne peut le faire la contraction de l'orbicu-
laire. Dans tous les cas, il est des faits, depuis longtemps signalés par Arlt, Moll et
Werer, qui tendent à faire adopter celte manière de voir.
Mais toutes ces actions musculaires contradictoires, ne pouvant se justifier que
par des dispositions anatomiques particulières, doivent céder le pas au mécanisme
essentiel dont le principe est, comme nous l'avons déjà signalé plus haut, celui du
siphon capillaire à amorçage spontané.
Obstacles à l'aspiration et à l'écoulement des larmes ' dans les voies lacrymales. —
Sans sortir du domaine physiologique, il nous faut signaler les causes diverses qui
pei+vent gêner le fonctionnement de l'appareil lacrymal.
LACRYMAL.
7()5
** l'r' HV <•*■*••
=UPl,^^
Fui. 127.-
Schéma de l'i-coulcmeiit des larmes
par le canal lacrymal.
1" liôle (les valvules. — Nous avons étudié Ja disposition des reidis vulvuluiies, si
variables et si discutés, nuo les aiuitornisles ont signalés sur le trajet des caiialicules et
du conduit lacryino-nasal.
I.e schéma ci-contie (lig. 127) donnera une idée de la rnultiitlicité de ces replis.
Qu'ils réduisent le calibre du conduit dans des piopoitions variables et qu'ils soient
des points où les causes d'obstruction complète se localiseront (l(> préférence, cela n'est
pas douteu.x. Mais ijuils jouent un n'de physiologique qu<'lcouque, rien n'est plus
contestable.
Nous n'envisagerons que le plus important de tous, celui qui se trouve au niveau
de l'orifice inférieur et que nous avons appelé
valvule de Bianciii (valvule de IIasneu ou de
Ohuveiluier). On sait le rôle qu'on a fait jouer
à ce repli dans l'oblitération com[»lète du canal
nasal. En s'appliquant (ixaclcmcnt sur la paroi
muqueuse du méat inférieur, il empêcherait
totalement l'air de relhier du cavum des fosses
nasales vers les voies lacrymales. Nous avons
examiné un grand nombre de sujets présentant
des orifices inférieurs du canal nasal très variés
comme forme et comme diamètre. Nous avons
appliqué sur ces orifices de petits tubes-ven-
touses en verre (T), comme l'indique la figure 128,
dans lesquels nous faisions varier la pression
d<i l'air. Le nombre des orifices où ce repli était
très nettement insuffisant était de beaucoup
plus élevé que celui des orifices où le repli a été trouvé suffisant. Dans une note publiée
à la Société de Biologie (juin 1909), nous indicjuioiis une proportion de 66 cas d'insuf-
fisance à 22 cas d'orifices suffisants. Cette proportion est encore bien plus élevée... Dans
certains cas oii l'orifice, étant à peine visible, paraissait devoir s'obstruer facilement, et
où le repli semblait devoir jouer plus facilement son rôle de soupape, nous avons
observé une insuffisance complète.
Nous comprenons donc que certains anatomistes aient depuis longtemps considéré
ces replis valvulaires comme déchus de l'im-
portance physiologique que certains avaient
voulu leur attribuer et que d'autres aient
qualifié de « prétendues valvules », comme
Nicolas, ces modifications irrégulières et
inconstantes de la muqueuse du conduit
lacrymo-nasal.
Mais si nous avons démontré nous-même
que l'insuffisance valvulaire était la règle au
point de vue physiologique, il en résulte que
l'air pourrait séjourner dans le conduit lacry-
mal, et, cette fois, constituer une véritable
gène, sinon un obstacle absolu à l'écoulement
des larmes. On sait, en effet, que la présence
de l'air dans les tubes capillaires, lorsque
cet air est divisé en bulles séparées par des intervalles de liquide, oppose à l'écoule-
ment une résistance considérable. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que, dans les cas
où l'air rentre facilement dans des voies lacrymales, ayant même un calibre dilate,
on observe du larmoiement comme s'il y avait une obstruction complète du canal
nasal.
Nous avons déjà signalé des sujets, atteints d'insuffisance valvulaire accusée avec
distension jineumatique du sac, qui, précisément, se plaignaient de larnioyer plus faci-
lement de l'u'il où se trouvait cette insuffisance valvulaire.
Nous n'avons pas à signaler ici les autres causes de gène du fonctionnement de
l'appareil lacrymal. H nous faudrait passer on revue tout le chapitre de pathologie ocu-
Fi... r,'8.
Aspiration par un tube T, à l'orilico
terminal lacrymal.
766 LACRYMAL.
laire relatif aux imperforations des canalicules et du conduit, à l'absence congénitale
des points lacrymaux et surtout à la pathogénie des dacryocystites.
Nous nous bornerons, en terminant cet article, à donner quelques observations rela-
tives à la physiologie de l'écoulement des larmes lorsqu'on a détruit ou altéré les
divers segments de l'appareil lacrymal.
Lorsqu'on a fendu, à l'aide du couteau de Weber, les caualicules sur toute leur lon-
gueur, il semble que les fonctions des canalicules soient définitivement altérées.
Certains auteurs ont, en effet, accusé ces dacryotomies d'être une cause de larmoiement
incoercible. Mais on remarquera que, malgré les dacryotomies, le sac lacrymal se rem-
plit de larmes. Le mécanisme fondamental de lamorçage spontané du siphon capillaire
ne peut en rien être altéré. En effet, les canalicules sont remplacés par une fente capil-
laire qui jouit des mêmes propriétés.
Dans ces derniers temps, les oculistes ont pratiqué fréquemment la destruction
complète du sac et du canal nasal. Dans ces conditions, l'appareil lacrymal est détruit
au point de vue fonctionnel.
Il semble que les sujets où Ion a pratiqué cette opération soient condamnés à un
larmoiement incurable par obstruction. Or, chose curieuse, il est loin d'en être ainsi.
On peut classer ces sujets en trois catégories.
Une première catégorie comprend tous ceux qui, après leur intervention, ne voient
pas leur larmoiement diminuer. C'est le plus petit nombre. \.e fait est même exceptionnel,
au bout d'un certain temps, après l'opération.
Une deuxième catégorie comprend des sujets qui ne larmoient que sous l'inlluence
d'une cause d'irritation de la conjonctive. Ces sujets avaient, à côté do leur larmoie-
ment par cause d'obstruction, un larmoiement de cause hypersécrétoire entretenu par
la lésion lacrymale qui a nécessité la destruction de l'appareil lacrymal.
Enfin il est des sujets qui semblent revenus à l'état normal et qui ne se plaignent
nullement du moindre larmoiement. On a voulu expliquer ces faits en prétendant que,
lorsqu'on extirpe le sac et tout l'appareil évacuateur des larmes, il y a retentissement
du côté de l'appareil sécréteur. Les glandes lacrymales s'atrophieraient. Il se produi-
rait ce que l'on observe lorsqu'on ligature le conduit excréteur des glandes : il y a
atrophie du parenchyme glandulaire; mais ces expériences ont besoin d'être confir-
mées.
Dans tous les cas il faudrait conclure de cette dernière catégorie de fiiits, assez bien
constatés, que l'appareil évacuateur des larmes est un organe paifaitement inutile. Il
ne faut pas aller jusque-là et vouloir généraliser des faits particuliers. De même que la
fonction lacrymale est extrêmement variable suivant les sujets et que la puissance
sécrétoire de la glande oITre un facteur individuel très important, de même le fonc-
tionnement de l'appareil évacuateur des larmes est subordonné à certains facteurs
individuels.
D'ailleurs nous pensons que ce fonctionnenii-nt est intermittent. Dans le premier
mode sécrétoire, qui est celui de la lubréfaclion normale de l'œil, nous pensons qu'il
ne rentre pas de larmes dans les canalicules et dans le sac. L'évaporation suffit à éli-
miner le liquide ou plutôt à provoquer un nouveau cillement et un nouvel appel
sécrétoire.
Dans les deux autres modes sécrétoires, l'appareil lacrymal entre en fonction, mais
il suffit à sa tâche lorsque la sécrétion ne dépasse pas certaines limites et qu'elle ne ren-
contre à son niveau aucun obstacle. Dans le larmoiement psychique ou dans celui
de cause externe trop vive, il n'y a qu'une très faible partie des larmes qui s'évacue par
la voie naturelle.
Or cette voie naturelle est sujette à des variations de perméabilité, non seulement
suivant les individus, mais encore suivant l'état de la muqueuse chez un même
individu. La perméabilité est un facteur éminemment variable que l'on a essayé
d'évaluer.
2° Mesure de la permcahilité des voies lacrymales. — La perméabilité lacrymale subit
certaines variations physiologiques sur lesquelles on n'est pas absolument fixé encore
aujourd'hui.
Le canal nasal est entouré d'une gaine vasculaire extrêmement riche en vaisseaux,
LACRYMAL. 767
ce qui l'a fait coinpart>r h un lissu érectile. Les variations de pression sanguine, le
degré de congestion et de turgescence de ces vaisseaux produit nécessairement une
diniinulion de calibre du conduit. Comme par ailleurs ce calibre est plus ou moins
niodilit' par la présence des bourrelets ou dos replis valvulaiies, il peut trôs bien se
produire des alrésies passagères sous cette inllucnce.
En second lieu, cette muqueuse est enduite dt; mucus ((ui |)eut s'accumuler en un
point rétréci et constituer un obstacle plus ou moins durable. Kt nous n'envisageons
pas toutes les causes inllammatoires passagères qui peuvent se propager par continuité,
de muqueuse à muqueuse, des fosses nasales aux voies lacrymales.
L'insuffisance valvulaire physiologique elle-même, en favorisant la pénétration de
l'air dans le coiulnit, modifie également la pcrnK'abilité. Il y a donc des variations in-
dividuelles très nombreuses et, chez un mémo individu, il y a des variations suivant
Tt-lat de la muqueuse. Ces nombreuses causes de variabilité rendant très délicats les
procédés employés pour estimer le degré de la jterméabilité lacrymale.
Nous nous bornerons à indiquer les quatre méthodes principales mises en usage.
l" Procédé de la seringue d'ANEL ok de Desmarres. — En injectant un liquide par les
canalicules on peut simplement constater si les voies sont obstruées. Mais, dans ces
conditions, on agit avec une forte pression. Le liquide peut soulever un repli qui
obture complètement le conduit et fait trouver une obstruction qui, en réalité, n'existe
pas.
D'autre part on peut forcer un léger obstacle muqueux peu résistant et l'on trouve
une perméabilité normale, alors qu'à l'état physiologique le canal est fonctionnelle-
lenient obstrué.
'2° Procédé rf'A.vuKNELLi. — Le mieux est de se placer dans des conditions physiolo-
giques. A.NTONELLi a utilisé une solution de fluorescéine et a mesuré le temps que le
liquide mettait à passer dans les fosses nasales. Ou peut utiliser un liquide coloré
quelconque, une solution de bleu de méthylène par exemple.
3° Procédé de Sc.hirmer. — Sghirmer a employé une solulion de salycilate de soude à
1 à 2 p. 100. Des tampons imbibés d'une solulion de perchlorure défera 1 p. 100 e'taient
introduits dans le nez et indiquaient l'instant où la solution de salicylate pénétrait
dans les fosses nasales.
4" Procédé de Kalt. — Ce dernier emploie une solution de salycilate mais rendue
physiologique. On instille une à deux gouttes dans l'œil. L'oeil est anesthésié. De plus,
le sujet est couché pour cette épreuve. Bref, il se place dans des conditions expérimen-
tales plus précises.
Néanmoins il faut avouer que ces résultats restent très variables et difficiles à
apprécier. Nous avons bien des fois essayé ces divers procédés. S'ils ne nous ont pas
donné des résultats facilement comparables, ils nous ont montré tout au moins que le
degré de perméabilité lacrymale était extrêmement variable suivant les sujets et suivant
les jours et le moment où on leur faisait subir cette épreuve.
Bibliographie. — Physiologie des voies lacrymales. — Ciiaki-Aud. Contribution à
Vétude des voies lacrymales, Paris, 1889. — Foltz. Anutomie et Phijsiolonie des condîdts
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flussigkeit. Feistsclirift an Prof. Fick, 1899. — Giraud-Teulon. Du mécanisme de iexcré-
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mit speciellen BerCtcksichtigung der Thrdnenleitung. In-8, Stuttgart, 1878). — Chemolosokk.
Prokhosdenige vozdukha cherez slyoniyc kanaltsi pri naduvanirno Jioson {Med. pi'ibar.
Kmorsk, sbornika, Samt-Péterbourg, i, 210-213, 1898). — S.vbatier. Recherches physiol.
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Feuchligkcitshaushall iin liinde/iantsack. {Deutsche med. Wochenschr., Leipz. u. BerL,
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des rhranensackes {Thèse de Marbouru, 18:>6). — Sgimemi. Sulla condultura délie lagrime
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768 LACTASE.
fications des glandes lacrymales à la nuite de l'extirpation du sac (en russe) {Nagel's Jah-
resbericht, 1898).
E. AUBARET.
LACTASE. — Ferment soluble possédant la [tropriété de di'doubler, par
hydrolyse, le sucre de lait ou lactose en glucose-d et en j^alactose :
C12H22011 + H^O = C6H1206 + C«Hi-i06
lactose galactose glucose
Dccoiirerle et individualité de la taclnse. — L'existence de ce ferment chez les êtres
vivants est restée longtemps incertaine. Dès 1889 (1), Bourquelot et Thoisier avaient
essayé de s'assurer de son intervention dans la dif,'estion du sucre de lait, et, par consé-
quent, de sa présence dans l'organisme. Us avaient soumis un glycosurique ù un régime
composé exclusivement de lail additionné de sucre de lait. Ils pensaient que, si le sucre
de lait était dédoublé par un ferment soluble, on retrouverait les deux produits du
dédoublement, galactose et glucose, dans l'urine, le glycosurique ne devant pas assi-
miler ces derniers sucres.
L'urine renfermait bien de fortes proportions de glucose, mais elle ne contenait pas
de galactost;. On pouvait admettre, sans doute, ce qui s'accordait avec Ihypothèse de
l'intervention d'une lactase, que le sucre de lait avait été dédoul)lé, et que le malade
avait assimilé le galactose, le glucose étant rejeté par les reins; mais d'autres hypo-
thèses étaient également souteiiables, en sorte que l'expérience n'avait pas résolu la
question.
Celle que publia, «luelques mois après, Heyeiunck (2), n'était guère plus démonstrative.
Cet auteur constata (jue certaines bactéries lumineuses, incapables de se développer
dans un milieu où la matière hydrocarbonée est constituée uniquement par du lactose,
s'y développaient, au contraire, facilement, en même temps qu'augmentait leur lumi-
nosité, lorsqu'on ensemençait le milieu avec le Saccharomijces Képhir ou avec le S. T//-
rocola, levures qui possèdent la propriété de provoquer la fermentation alcoolique du
sucre de laiL C'était là, selon lui, la preuve de la production, par ces Saccharomijces,
d'un ferment soluble dédoublant le sucre de lait en glucose et galactose, sucres en pré-
sence desquels — le fait avait été établi d'autre part — les bactéries lumineuses
peuvent s'accroître rapidement.
Étant donnée la complexité des conditions de l'expérience, il n'eût pas été superflu
de s'assurer tout au moins que le liquide dans lequel on avait fait fermenter le sucre
de lait à l'aide de l'une ou l'autre des deux levures pouvait exercer une action hydro-
lysante sur ce sucre de lait. C'est ce que n'a pas fait Beyerinck. Il a pourtant séparé ce
liquide, il l'a additionné d'alcool, et il a obtenu ainsi un précipité dont il a essayé
l'action, non sur le sucre de lait, mais sur un milieu lumineux renfermant du sucre de
canne. Il a, d'ailleurs, trouvé que ce précipité favorisait l'accroissement des bactéries
lumineuses, avec augmentation de leur luminosité. Et il en a conclu, un peu hâtive-
ment, (jue la lactase, dont était, pensait-il, constitué le précipité, possédait, comme l'in-
vertine, la propriété d'iiydrolyser le sucre de canne.
La nécessité d'un dédoublement du lactose par un ferment soluble, avant toute
assimilation, n'en était pas moins admise, en général, comme on admettait celle du
dédoublement des autres hexobioses : saccharose, nialtose, tréhalose ; mais tandis
qu'on connaissait l'enzyme hydrolysant de ces trois derniers sucres (3), celui du sucre
de lait restait inconnu.
C'est Emile Fischer qui, le premier, a apporté la preuve définitive que le lactose
pouvait être hydrolyse par un ferment soluble. 11 obtint cette hydrolyse en 1894, en
ajoutant à une solution du sucre de lait, soit de l'émulsine des "amandes douces (4),
soit une macération de grains de képhir, soit une macération d'une levure de lactose
préalablement desséchée à l'air (5).
Le produit retiré des amandes, connu sous le nom d'émulsine, étant, à cette époque,
considéré comme un ferment unique, Fischer devait, être conduit à rapprocher chimi-
quement le lactose des glucosides, amygdaline, salicine, coniférine, etc., que l'on savait
LACTASE. 769
être hydrolyses parce l'ermeiit. C'est ri' (|ii'il lit en rllel, au moins dans ses promièros
pultlit-alions sur ce sujet, paraissant admettre que tous ces composés sont hydrolyses
pai' un seul et même ferment.
Quehiue lem|)s aprt's, et en ri'sumant les travaux de Fischkii ((>), Moubqukloi faisait
connaître le résultat d\\\\c expérience [lersonnelh; tendant à démontrer, au contraire,
(jue l'action ilu pioduit des ainaii<les sur le sucre de lait devait Aire rapportée non pas
à l'émulsine proprement dite en tant que ferment de l'ainy^daline, mais à un enzyme
particulier, une lactase aceompai^nant l'émulsine.
Un échantillon d'émulsine des amandes douces, préparé par lui et conservé depuis
longtemps dans son laboiatoire, agissait énerfïiquement sur l'amygdalitu-, alors qu'il
était incapable de dédoul)ler le lactose.
La même année, en collaboration avec IIkiusskv (7), il montrait que l'émulsine de
VAfipenjilhis niijer et celle du Polyponts stilf'nvriis Vf., très actives sur l'.uny^'daline, sont
sans action sur le sucre de lait.
Enfin, en 1903, ces deux derniers auteurs, étendant leurs recherciies à des végétaux
variés, établissaient définitivement l'existence d'une lactase comme ferment spécifique
du sucre de lait (8). Ils montraient que l'on peut rencontrer la lactase accompagnant
l'émulsine (amandes amères, amandes de pêcher, amandes d'abricotier, semences de
poirier), l'émulsine sans lactase i feuilles de laurier-cei'ise), et la lactase sans émulsinc
(grains de ké[)hiri.
On doit donc admettre que tout liquide tiré des animaux ou des végétaux, qui pos-
sède la propriété d'hydrolyser le sucre de lait, renferme de la lactase, quatid bien même
il agirait sur d'autres composés.
Présence de lactase chez les animaux et les végétaux. — Animaux, [.a lac-
tase a été trouvée par Pantz et Vogel(9) dans la macération de l'intestin d'mi enfant
nouveau-né, et par Uohrmanx et I.appe (10), dans Finleslin de jeunes chiens, de chiens
adultes et de veaux nourris de lait, l'intestin du bœuf n'en contenant pas.
Portier (M), et ensuite Bierry et Gmo-Salazar (12) ont confirmé ces faits el constaté, en
outre, le premier, que l'intestin grêle des vieux chiens, des porc^ adultes et des oiseaux
n'en renferme point; et les seconds, que la lactase existe chez le fœtus bien avant la
naissance. La lactase a été trouvée aussi dans les fèces par Rud. Orban dans les excré-
ments des enfants allaités (13), et par Ch. Porcher dans les excréments des veaux et
des chevreaux (14).
Ainsi se trouve expliquée la digestion du sucre de lait chez les animaux qui s'en
nourrissent. Ajoutons que la lactase n'existant pas habituellement chez certaines
espèces peut y apparaître à la suite d'une alimentation appropriée. PoRTn:R et Bierrv (15)
ont, en elfet, établi que si l'on nourrit des canards avec un mélange de son et de lactose,
on trouve déjà, après vingt-cinq jours de ce régime, de la lactase dans leur intestin.
La lactase existe chez des animaux qui ne se nourrissent jamais de lait. Bierry et
fliA-iA (10) l'ont rencontrée dans l'appareil digestif de divers gastc'-ropodes appartenant
anx genres HelLv, Limax, Lymnxa, /*/«;(0c6(s, et même dans celui d'un mollusque marin,
l'aplysie.
Véfjctaiix. — Brachin (17) a fait sur l'existence de la lactase dans les végétaux un
long et intéressant travail, s'assurant, par trois méthodes ditîérentes, de l'action de ce
ferment sur le sucre de lait.
Les tableaux suivants résument les recherches de cet auteur sur ce sujet, ainsi que
celles de Bourquelot et Hkrissev, dont il a été question plus haut.
1' Végétaux dans lesquels la lactase a été trouvée accompagnée d'émulsine.
Amandi'S d'Abricotier. Prunus Armeniaca L.
— de l'Amandier. Aini/gdalus communis L. (v.kv. dulcisel amara).
— du Cerisier. Cerusus Lusilanica Lois.
— du Cerisier cultive. Cerasus vulf/aris Mill.
— du Pécher. Aniijfjdalus Pevsica L.
— du Prunellier. Prunus spinosa L.
— ilij Prunier reine-Claude. Prunus insilitia L. (var.).
MCT. DK l'IIVSIOI.OGIK. — T. IX. 49
770 LACTASE.
Si>.menccs d'Amelanchier. Amelanchier vulgaris Mœncli.
— d'Aubépine. Cratœgus oxyacantlia L.
— du Cognassier. • Cydonia vulgavis Pers.
— de l'Oranger. Citrus nurantium L.
— du Néflier du Japon. Eryohotrya japonica lAx\à\.
— du Poirier cultivé. Pyrus commuais L. (var.).
— du Pommier.' Malus commimis Link (var.).
— du Sorbier à larges feuilles. Sorhiis latifolia Pers.
Feuilles fraîclies d'Aucuba du Japon. Aucuha Japonica L.
2° Végétaux dans lesquels la lactase est accompagnée d'émulsine et de myrosine.
Semences de moutarde blanche. Sinapis alba L.
— — noire. Brassica nigra Kocli.
Feuilles fraîches de raifort. Cochlearia Armoracia L.
3° Végétaux dans lesquels la lactase a été trouvée sans émulsine.
Grains de képhir.
4° Végétaux dans lesquels l'émulslne a été trouvée sans lactase.
Semences de Fusain d'Europe. Evonymiis Europœus L.
— de Cotonéaster commun. Cotoneaster vulgaris. Liudl.
Feuilles de Laurier-Cerise. Cerasus Laurocerasus .
Aspergillus niger.
Polyporus sulfureus.
Propriétés de la lactase. — Les propriétés de la lactase ont été étudiées par
Braghin, qui s'est adressé pour cela au produit retiré des amandes de l'abricotier, que
BouRQUELOT et HÉRissEY avaient trouvé très actifs sur le sucre de lait.
La lactase, qui, d'ailleurs, existe dans ce produit mélangée à d'autres enzymes et
à des matières étrangères est détruite, en solution aqueuse, entre 75" et 80". Sa plus
grande activité se manifeste à 35°-38°.
Le fluorure de sodium, qui a été cependant employé comme antiseptique dans les
recherches de lactase par plusieurs auteurs, paralyse ce ferment. A la dose de 2 p. 100,
il diminue déjà de moitié son action.
A cette même dose de 2 p. 100, le phénol paralyse presque complètement la lactase.
Le thymol est également paralysant, mais à un moindre degré.
L'action de la lactase, comme celle de tous les ferments solubles, même oxydants,
est arrêtée par de très faibles doses d'acide sulfurique. Il a suffi, dans les expériences
de Brachin, d'ajouter Ofe'^10 de cet acide par litre, pour produire un arrêt presque
complet.
L'acide oxalique produit le même effet, à la dose de 0^'",20 par litre.
Les acides organiques sont moins actifs. Ainsi il faut, par litre, 2t''',40 d'acide acé-
tique et 7e'",50 d'acide tartrique pour arrêter l'action du ferment.
La chaux, à la dose de 0t~''",120 (CaO) par litre, suppiime toute action fermentaire de
la lactase.
Rôle physiologique de la lactase. — Il est de toute évidence que la lactase est
le ferment auquel il faut rapporter, chez les animaux, la première phase de l'assimila-
tion du sucre de lait, c'est-à-dire sa digestion. Sa présence dans le tube digestif des
nouveau-nés et des animaux qui se nourrissent de lait en est une preuve manifeste.
Mais il est à supposer que son rôle est plus étendu, autrement on ne s'expliquerait pas
sa présence si fréquente dans les organes des végétaux.
J'incline à penser que la lactase doit être, à cet égard, comparée à l'invertine. On
sait aujourd'hui que ce dernier enzyme, connu surtout pour son action hydrolysante
sur le saccharose, possède aussi la propriété de commencer, pour ainsi dire, la désa-
grégation de la plupart des autres hydrates de carbone dérivés du lévulose : gentia-
nose, raffinose, stachyose, verbascose, et cela en séparant d'un ensemble plus ou
moins complexe de molécules sacrées le lévulose lui-même. L'invertine intervient donc
constamment dans l'utilisation, par le végétal, d'hydrates de carbone variés.
LACTIQUES (Acides). 771
II est vraisemblable que la hiotase (jui, dans le sueie de lail, st'-pare le galactose du
glucose, peut aussi le « décroolier » d'hydrates de carbone plus condensr's, et dans
lesquels ces deux sucres se rencontrent unis connue ils le sont dans !« lactose. Le
galactose existe précisément dans des hydrates de carbone très répandus dans le ri'îgne
végétal : pectines, gommes, etc. La lactase concourrait ainsi à l'accomplissement des
phénomènes d'assimilation végétale au même titre que l'invertine, et sa présence chez
des animaux qui se nourrissent de végétaux se trouverait expliquée.
Bibliographie. — 1. BoiiiguEi.OT elTuoisiER. Heclierches nur l'assimilution du sticre
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f/rt-s' Vorkommen der Laktase in Diinndarn und in der Saiiglings-fdces (Prag. med. Wochen-
schrift, n" 33, 34 et 35, 1899, d'aprèsCH. Porcher . — 14. Cii. Porcher. /)e /a présence de la
lactase dans les excréments des jeunes mammifères {C. R. Suc. Biol., 1906, i, 1114).' — 15.
P. Portier et Ch. Bierry. Recherches sur l'influence de l'alimentation sur les sécrétions
diastasiques [C. R. Soc. Biol., lui, 810, 1901). —16. Ch. Bierry et Giaja. Sur la digestion
des glucosides et du lactose {C. R. Soc. Biol., 1906, i, 1039); — Digestion des glucosides et
des hydrates de carbone chez les Molluscjues terrestres (C. R. Soc. Biol., 1906, ii, 48b). —
17. A. Brachin. Recherches sur la lactase [Thèse de doctorat universitaire, Pharmacie, Paris,
1904"); — Etude critique des méthodes de recherche de la lactase (Joiirn. de Pharm. et
de Chim. ,[6], xx, 195, 1904); — Recherches sur la lactase [Journ. de Pharm. etChim., ,6],xx,
300, 1904).
EM. BOURQUELOT.
LACTIQUES (Acides) et LACTATES. — Les acides lactiques
sont des acides oxypropioniques, c'est-à-dire des acides-alcools en C'. Or les acides-
alcools en C^ ne peuvent avoir que deux formules:
CH3 — CHOH — COm et CH^OH — CH^ — CO^ll
Acide oxypropioniquo-r».. Acide oxypropioniqiie-?.
L.i première formule est celle d'un acide-alcool secondaire, la seconde celle d'un
acide-aliool [trimaire.
Acide oxypropionique-ji. — L'acide oxypropio)iique-'^ n'existe que sous une seule
forme; on l'appelle encore acide hiclique-'ij, acide éthylénelactique, acide éthylrnolactique,
3-p/'opano/oïçj<c; mais il est plus couramment désigné sous le nom d'acide hydracrylique\
il est, en effet, bien démontré à l'heure actuelle que l'acide éthylénelactique et l'acide
hydracrylique, d'abord envisagés comme deux compos<'s dilférents, constituent en
Idéalité un seul et môme corps.
La préparation de l'acide hydracrylique est purement synthétique. Elle s'effectue en
faisant réagir l'oxyde d'argent sur l'acide li-iodoiiropionique, ou encore en traitant le
chloroéthanol, CH'^CI — CH-Oll, par le cyanure de potassium et en ^liydratant le nitrile
obtenu. On pourrait aussi l'extraire du suc musculaire, comme l'a lait Wislicenus: on
précipite l'extrait de viande par l'alcool fort; les solutions alcooliques sont distillées et
le résidu est repris par l'eau; les liqueurs aqueuses, acidulées [lar l'acide sulfuriiiue,
77-i LACTIQUES (Acides).
sont agitt'cs avec de l'étlier qui eu extrait les acides orgauiques. Ou évapore l'étlier, ou
dissout l'extrait obteuu daus l'eau et ou fait bouillir la solution avec un peu de carbo-
nate de plomb; on filtre la solution et on la traite par l'hydrogène sulfuré; on chauffe
dans une capsule, pour chasser l'excès d'hydrogène sulfuré, puis on neutralise à chaud
par le carbonate de zinc. En évaporant rapidement et ajoutant de l'alcool à 90°, il se
sépare du paralactate de zinc (laclate-d de zinc^i et il reste dissous dans l'alcool une faible
quantité d'un sel soluble, diflicilement crislallisable; c'est l'éthylènelactale de zinc de
WisLiCENUs. L'hydrogène sulfuré met en liberté l'acide de ce sel.
L'acide hydracrylique est un liquide sirupeux, dédoublable au-dessus de 100" en eau
et acide acrylique :
C1120H - CII^ — C02H = H^O + CHi = CH — CO^
Il donne des sels, parmi lesquels les mieux étudiés sont ceux de sodium, de calcium,
de zinc, ainsi que le sel double de calcium et de zinc.
Par une réaction tout à fait comparable à celle qui vient d'être mentionnée pour
l'acide hydracrylique libre, les hydracrylates alcalins et alcalino-terreux se changent en
acrylates, par perte d'eau, (juand on les chaulTe au-dessus de leurs points de fusion.
Acide oxypropionique-a. — Le nom d'acide lactique est réservé d'une façon
plus spéciale à Vacide oxypropionique-ci, CH* — CH OH — CO-H, qui possède un atome
de carbone asymétrique et qui, par suite, peut se présenter sous trois états, que
distingue leur aclion sur la lumière polarisée : Vacide lactique inactif par compensation,
Vacide lactique droit, Vacide lactique c/nuche.
Le plus anciennement connu de ces acides est l'acide lactique inactif, ou acide
lactique racémique, provenant de la fermentation lactique du sucre de lait.
Acide lactique inactif. — Synonymes: Acide lactique, acide lactique ordinaire,
acide lactique de fermentation, acide cthylidènelactique, acide éthylidènolactique, acide
lactique {d+ l), acide lactique racémique, acide racémolactique, acide a-oxypropionique,
propanoloique-2. (Les deux dernières désignations appliquées dans un sens spécifique
devraient bien plutôt être exclusivement utilisées dans un sens générique, comprenant
à la fois les trois acides lactiques racémiques, droit et gauche). C'est cet acide que
désigne le terme d'acide lactique employé sans spécification particulière.
Il a été découvert, en 1780, par Scheele dans le lait aigri, et reconnu comme un acide
particulier par Berzélils. La composition en a été fixée, en 1832, par MnscDEaLiCH et
LiicBiG. Il a été étudié surtout par Wurtz et ^VlSLlCE.NUs; sa synthèse a été réalisée par
SïRECKER. Lewkowitsch l'a dédoublé en ses composants actifs en 1883.
Formation. — Il prend naissance dans un grand nombre de réactions. C'est ainsi qu'il
peut être obtenu :
«) Dans l'oxydation du glycol isopropylénique (Wurtz):
CH3 — CHOH — CH20H + 20 = H-'O + CH3 — CHOH — CO^H
Glycol isopropyl(-ni(iuc.
b) En chauffant l'acide chJoropropionique-a ou l'acide bromopropioniqui'-a avec les
alcalis (Fkiedel et Machuca) :
CH2 - CHCl — C02H + KOH = KCl + CH3 — CHOH — COŒ
Ac. chloroiiropionique-a.
c) En hydrogénant l'acide-acétone correspondant au glycol isopr<qiyléniquiî, c'est-à-
dire l'acide pyruvique (Wislicenus) :
CH3 — CO — C02H + H2 = CH3 _ CHOH — C02H
Acide pyruvique.
d) En combinant l'acétaldéhyde avec l'acide cyanhydrique, ce qui donne le nitrile
lactique et en hydratant ensuite ce dernier (Gautier et Simpson):
CH3 — COH + HCN = CH3 — CHOH — CN
Nitiilo laclique.
et
CH3 -CHOH — CN + 2H20 + HC1 = NH ICI h CH3 -CHOH — CO^H
LACTIQUES (Acides). 773
'■) Dans l'artion de l'acide azoteux sur l'aLunue ou aiide auiiuopropionitiue-a :
Cil ' - CHiNH-\ — CO-'H + NO-ilI = N2 + [120 + Cil ' — CHOU - CO^H
Alaniiii".
/■) Dans la déeomposition par la chaleur de l'acide isonialique ( Uhu.n.neu) :
CH3 — COH = (C02H)â = CH3 — CHOH — CO-Ml + CO2
Aoiilo isonialiiiue
g) Dans raclion de l'eau à 200'' sur la dichloracétone asymétrique (Ijnnkmann et
Zotta) :
CH'-CO — CHCI2 + 2H20 = 2HC1 + CH^i — CliOII — CO^H
Dichloraoétono.
/() Dans l'aclion de la lessive de potasse bouillante sur l'acide glycérique (Dkp.i s) :
'JCH-'OH — CHOH — CO2II + H2()=zzCH3_CHOH — C02H + H — C02H + C02H — C02H + 2il-i
Aciilo glycéi-i(iue. Ac. forniiqtie. Ac. oxalique.
/) Dans l'action de la pelasse fondante sur la glycérine (Herter) ;
./) Dans l'action des alcalis caustiques et chauds sur le glucose (Hoppe-Seylerj, sur
le sucre de canne (Herrman.n et Tollens), sur le lactose (Nencki et Siebeh), sur le lévulose
(Sorokin), sur l'arabinose ou le xylose (Katsuyama).
L'acide lactique, libre ou salifié, existe à l'état naturel dans un grand nombre de
produits animaux ou végétaux; dans beaucoup de cas, il provient vraisemblablement
(l'une fermentation de matières sucrées sous l'iulluence des ferments lactiques. Il a été
signalé, en dehors du lait aigii et des fromages provenant de ce dernier, dans la
choucroute, dans le vin, dans le suc gastrique, dans l'urine des épileptiques, dans les
produits d'autolyse du foie, dans les muscles des invertébrés, dans le miel, dans
l'opium, dans le tamarin, dans la petite centaurée, etc., etc. —
Préparation. — 1" On peut préparer l'acide lactique en chaufTaiit, pendant 3 heures,
à aO", aOO grammes de sucre de canne avec 230 centimètres cubes d'eau et 10 centimètres
cubes d'acide sulfurique dilué (3 parties d'acide pour 4 parties d'eau'i ; le sucre est ainsi
interverti. Après refroidissement, on ajoute par petites portions, pour éviter un échauf-
fement notable, 400 ceiUimètres cubes de lessive de soude ilessive des savonniers,
1 partie; eau, 1 partie). On chauffe ensuite à GO^-TO" jusqu'à ce que la solution cesse de
réduire la liqueur de Feblixc; on refroidit, on neutralise par l'acide sulfurique, on
précipite le sulfate de soude par l'alcool ; on sature à chaud par du carbonate de zinc,
on filtre bouillant et on sépare après un long refroidissement le lactate de zinc cristal-
lisé; ce dernier, décomposé par l'hydrogène sulfaté, fournit l'acide lactique.
2° L'acide lactique se prépare communément par fermentation.
a) On met en présence du glucose, de l'eau, du carbonate de calcium pulvérisé et du
vieux fromage; ce dernier ensemence la masse en ferment lactique. On maintient le
tout à une température de 35° à 42" en agitant fréquemment. Le glucose se dédouble
en donnant 2 molécules d'acide lactique :
C6H12O6 = 2CHS — CHOH — C02H
l/acide lactique produit réagit sur le carbonate de calcium pour donner du lactate
de calcium de telle sorte que le milieu reste sensiblement neutre. ( e ([ui permet à la
fermentation lactique de se continuer dans des conditions favorables. Au bout de
quelques jours, la liqueur se prend en masse par suite de la cristallisation du lactate
de calcium; sans attendre plus longtemps, — afin d'éviter l'établissement de la fermen-
tation butyrique et la transformation du lactate de calcium en butyrate de calcium, —
on exprime le sel et on le purifie par plusieurs recristallisations dans l'eau bouillante.
Ou met l'acide lactique en liberté par l'acide oxalique employé en quantité théorique-
ment calculée, ou encore par l'acide sulfuri((iie; dans ce cas, on peut précipiter
par l'alcool la faible quantité de sulfate de chaux restée en solution. La solution est
774 LACTIQUES (Acides).
ensuite concentrée après filtration. Pour obtenir un produit plus pur, on peut le saturer
par le carbonate de zinc àl'ébullition et faire cristalliser le lactate de zinc; ce dernier
est ensuite décomposé par l'hydrogène sulfuré.
b) Dans l'industrie, on obtient aussi l'acide lactique par fermentation des produits
de la saccharification diastasique du malt. Le moût, convenablement préparé et stérilisé
par ébuUition, est ensemencé vers 45° avec du ferment lactique pur, après avoir été
additionné de carbonate de calcium destiné à maintenir sa neutralité; après cinq à
six jours à 45°, on précipite au moyen d'une matière tannante les matières albumi-
noïdes contenues dans la liqueur; on filtre et on concentre, pour faire cristalliser le
lactate de calcium, dont on peut retirer l'acide lactique, comme cela vient d'être
indiqué.
On a aussi indiqué, comme moyen de purification de l'acide lactique, le passage
par le lactate d'aniline (Blume.nthal et Chain).
D'après Gadamer, l'acide lactique du commerce serait fréquemment mélangé d'acide
lactique droit; ou peut constater en efl'et qu'il n'est pas toujours complètement inaclif
sur la lumière polarisée.
Propriétés. — Obtenu par concentration de sa solution aqueuse, l'acide lactique se
présente sous forme .sirupeuse.
Abandonné à lui-même, à la température ordinaire, alors même qu'il retient encore
un peu d'eau, il se change peu à peu en anhi/dride lactique ou acide lactijUactique (syno-
nymes : acide dilactique, lactate de lactyle), corps résultant de l'éthérification d'une
molécule d'acide lactique fonctionnant comme alcool par une autre molécule d'acide
lactique fonctionnant comme acide :
CH^ — CHOH GOGH CH3 — CHOH. COOH
1 + 1 = I I + H20
COOH HOHC — CHï 00 — 0 — CH — CHs
Cette transformation est surtout active quand on le place dans une atmosphère
maintenue sèche.
C'est sous la forme sirupeuse, contenant quelques centièmes d'eau, que se présente
le plus souvent l'acide lactique; il en est ainsi de l'acide lactique officinal (Codex 1908),
destiné aux usages thérapeutiques; il est incolore, inodore, de saveur fortement acide,
de densité 1,24 à 15".
Si l'acide lactique, soigneusement desséché, est soumis à la distillation dans le vide,
on obtient un produit qui cristallise au bout de quelque temps. L'acide lactique pur,
ainsi obtenu, constitue de gros cristaux durs fusibles à 18°, distillant à 119°, sous la
pression de 12 millimètres (Krafft et Dyes) ; il est très hygroscopique et très déliques-
cent; aussi, reste-t-il le plus souvent à l'état de liquide surfondu, très sirupeux, de
densité 1,2485 à 15°. Il est miscible à l'eau et à l'alcool et soluble dans l'éther. Il est
sans action sur la lumière polarisée.
Oxydé par l'acide chromique, l'acide lactique donne de Vacide acétique, de l'eau et
de ['oxyde de carbone.
L'oxydation par le bioxyde de manganèse et l'acide sulfurique donne de l'aldéhyde
acétique, CH' — CHO, de l'eau et de l'anhydride carbonique.
L'acide nitrique fournit de l'acide oxalique et le permanganate de potassium conduit
à Vacide pyruvique, CH* — CO — CO-H, acide-acétone correspondant.
Inversement, l'hydrogénation à chaud par l'acide iodhydrique concentré donne lieu
à la formation d'acide propionique, CH^ — CH^ — CO-H.
Avec l'iode et les alcalis, on obtient de l'iodofoi'me CHP et de l'acide formique,
H — CO^H.
En dehors de l'acide lactyllactique signalé précédemment, l'acide lactique peut
donner naissance, sous l'influence de la chaleur ou dans des conditions variées, à
d'autres anhydrides qui sont :
Le r-lactide ou dilactide ou lactide :
CH3 — CH — C02
I I
00-^ — CH-CH3
LACTIQUES (Acides). 775
tient la formule cyclique indique bien le mode de formation résultant de lélhérilication
réciproque do doux molt'cules lacti<iuos, produisaut deux fonctions d'rtlier-sel ;
l.'acide r-'actyl-Utcti/l-lactiqur, résultan d-i 1 •; liériticatiou récipro(iue de trois molé-
cules d'acide lactique :
Cir' CH3 CH
I I i
CHOU — CO^ — CH — C02 — CH — CO^H
V acide r-dilactique ou r-dilactylique :
CH» CH3
I I
C02H — CHO — CH — C03H
engendré par les fonctions alcooliques de deux molécules d'acide lartique.
L'acide lactique peut donner naissance à des dérivés de siilstitution tels que
Vacide irichlorolactique-^^p, CGl^ — CHOU — CO-H, et l'acide ti ibromolactique-^.y^,
CBr» — CHOH — CO-Il. Ces acides lactiques trihalogénés, chauffés à 150" avec du
chloral, se condensent pour former des corps désignés sous le nom de cldoralidea ou de
bromalides :
0
CC13 — CHOH — C02H + CCP — CHO = CCI» - CH<^"^CH — CCI» -f- H^O
Acide, triclilorolactiquo. Chloral. çq2
Éthers. — L'acide lactique peut donner des étliers par sa fonction alcoolique et |)ar
sa fonction acide.
Les éthers oxydes formés par la fonction alcoolique sont relativement stables; il en
est ainsi de l'acide méthyllactique, CH* — CH (O.GIP) — CG^H on acide métlioxypro-
pionique-a, de Vacide éthyllactique, CH^ — CH (O.C^H;')) — CO-H ou acide éthoxypro-
pionique-oL.
Comme élhers-sels formés aux dépens de la fonction alcoolique, on peut citer Vacide
nilrolactique, CR' — CH (NO ') — CO^H, et Vacide acétyllactique, CH^ — CH (C^H'^O-) — GO^H
ou acide acétoxypropionique-'x.
Les éthers de l'acide lactique fonctionnant comme acide sont rapidement décomposés
par l'eau; tels sont le lactate de méthyle, CH' — CHOH — CO-CH', et le lactate d'éthyle,
CH» — CHOH — CO^C^HS. '
Sels. — Les sels métalliques neutres de l'acide lactique inactif, de formule générale
CH» — CHOH — CO^M, sont presque tous solubles dans l'eau; ils peuvent être préparés
soit par saturation de l'acide lactique au moyen des carbonates, soit par double décom-
position entre les sulfates métalliques solubles et le lactate de calcium.
Le lactate de sodium, CH» — CHOH — CO-Na, est amorphe et déliquescent.
Le lactate de calcium, (CH» — CHOH — CO^j^Ca + o H^O, est le sel qui se produit
au cours de la préparation de l'acide lactique par fermentation. Il cristallise en aiguilles
se disposant en sphéro-cristaux. H est soluble dans 9,5 parties d'eau froide, très soluble
dans l'eau bouillaute et insoluble dans l'alcool froid.
Le lactate de calcium est susceptible de subir de nombreuses fermentations, en par-
ticulier la fermentation butyrique; de là, la nécessité de ne pas abandonner trop long-
temps à lui-même le mélange utilisé au cours de la préparation de l'acide lactique, sous
peine de voir le lactate de chaux, attaqué à son tour, être l'objet de la fermentation
butyrique ; en dehors d'une grande quantité d'acide butyrique, celle-ci produit auss
de l'acide propionique, de l'acide valérianique normal et de l'alcool éthyliquc (FiTz).
Sous l'influence d'un ferment particulier, dit ferment propionique, le lactate de calcium
se détruit en donnant du propionate, du valérianate normal et de l'acétate.
Le lactate de zinc, (CH» — CHOH — CO')-Zn + SH^O, se présente sous forme de
cristaux prismatiques à base rectangle; il est soluble dans o3 parties d'eau à lii" et dans
6 p. d'eau bouillante, presque insoluble dans l'alcool.
Le lactate de zinc et d'amnioniiim,
(CH3 — CHOH — C02)^Zn + CH» — CHOH — CO^NHi + 3H^0
776 LACTIQUES (Acides).
est très soluble dans l'eau; il a pu être séparé par cristallisation en deux sels différents,
correspondant respectivement à l'acide lactique droit et à l'acide lactique gauche. Les
-méthodes propres au dédoublement de l'acide lactique inactif en ces deux acides, seront
d'ailleurs signalées plus loin à l'occasion de l'étude de ces derniers.
Le laclate de cuivre, (CH-^ — CHOH — CO^j^Gu + 2H-0, forme des prismes rhomlioï-
daux obliques, bleus, efflorescents; il est soluble dans G p. d'eau froide et dans 2,2 p.
d'eau bouillante.
Le lactate ferreux :CH'— CHOH — C0-)2Fe + 3H-0, se prépare par double décom-
position entre le lactate de calcium et le sulfate ferreux; la liqueur résultant du mé-
lange de ces deux sels est additionnée d'un peu d'alcool pour précipiter la petite quan-
tité de sulfate de chaux resté dissous, filtrée et convenablement concentrée. Il cristallise
en aiguilles jaune verdâtre, solubles dans 48 p. d'eau à lo» et dans 12 p. d'eau bouil-
lante. Il est assez souvent utilisé en thérapeutique.
Les lactates mercureux et merciiriqite,
(CH3 — CHOH — C02 2Hg2 + H20 et (CH3 — CHOH — C02)2Hg
s'obtiennent en traitant les oxydes correspondants par l'acide lactique exempt d'anhy-
ilride ((iiKiutET, 1902).
Acide lactique droit. — Synonymes : Acide sarcolactiqiie, acide paralactique, aride
lactiqite-d, acide lactique musculaire.] Isolé, eu 1808, du suc des muscles par Bebzklius,
qui l'identifiait avec l'acide lactique de fermentation, il a été nettement différencié de
ce dernier par Liebig (1847), qui l'a nommé acide sarcolactique, pour rappeler son
origine.
Il a été reconnu actif sur la lumière polarisée par Wisi.icenus en 1869 et obtenu
en 1883 par Lewkowitscu dans le dédoublement de l'acide lactique inactif.
En dehors des muscles, on l'a retrouvé dans le sang de l'hornme et des animaux
(Gaglio,1886). On l'a vu dans la bile de porc Sïrecker), dans l'urine, à la suite de l'em-
poisonnement par le phosphore ou après une marche forcée (Colas.xnti et Mosgatelli).
Formation. — a) Si l'on cultive le Pénicillium (jlaucum sur une solution nutritive
contenant du lactate d'ammoniaque inaclif (ou racémolactate d'ammoniaque), on
constate que ce sel est dédoublé en lactate droit et lactate gauche; celui-ci est détruit le
premier, de sorte qu'à un moment donné il ne reste dans la liqueur que du lactate
droit (Lewkowitsch, 1883}.
^ b) Par cristallisation fractionnée du racémolactate de zinc et d'ammoniaque, on
peut obtenir le lactate droit de zinc et d'ammoniaque, ce sel étant un peu moins soluble
que le lactate gauche correspondant (Purdie, 1892).
c) Le lactate droit de strychnine s'obtient d'une façon analogue par cristallisation
fractionnée de racémolactate de strychnine (Purdie et Walker, 1892).
d) De même, le dédoublement, par cristallisation fractionnée, du racémolactate de
quinine permet d'obtenir le lactate droit de quinine à cause de sa solubilité différente de
celle du laclate gauche (Juxgfleisch, 1904,.
e) On a vu antérieurement que l'acide lactique de fermentation n'est pas toujours
complètement inactif sur la lumière polarisée : il peut renfermer de l'acide lactique
droit en quantité prédominante par rapport à l'acide gauche. D'après Mal y, la fermen-
tation lactique de la dexlrine, du saccharose, du glucose et du lactose, opérée en pré-
sence de muqueuse de l'estomac, fournirait un grand excès d'acide lactique droit sur
l'acide lactique gauche. Il se fait de l'acide lactique droit dans la fermentation du
glucose par le Micrococcus acidi lactici {î^escki etSiEiîER, 1889) et dans celle du saccharose
par le^ Bacterium coli commune (Péré, 1898).
Préparation. — L'acide lactique droit ou sarcolactique peut être retiré de l'extrait
de viande, purifié par transformation en sarcolactate de zinc, et régénéré de ce sel par
traitement par l'hydrogène sulfuré.
Ou l'obtient beaucoup plus pur par décomposition du lactate droit de quinine,
au moyen d'un excès d'hydrate de baryte; la quinine est enlevée par des agitations
avec l'alcool amylique; dans la liqueur privée d'alcaloïde, on précipite exactement
le baryte au moyen d'acide sulfurique dilué et on filtre; l'acide lactique contenu dans
LACTIQUES (Acides). 777
la solution est ensuite Iraiisfonni' en sel de zinc qu'on purifie par crislallisalion
(JuN(;i'LEisr.n).
Propriéli'g. — Il se présente généralement sous foiine d'un litjuide siinprux, dont
les propriétés (à part le pouvoir ro(atoiro) et les réactions sont tout à fait (■(inii)aial)lcs
à celles de l'acide lacliiine inartif; il a d'ailleurs (''té obtenu à l'état crislallist'- pai- Jijm;-
ii.Eiscii et GonciioT (190;ii,-en aiguilles prisinati(jues d'un aspect nett(;meut diiïérent de
celui des cristaux d'acide lactique inactif; il fond alors vers 2.")-2G". Le pouvoir rolatoire
dimitnie quand la dilution de la solution augmente, il est dt; a„rT=-i- 3", 82 à 15°, pour
une solution contenant 10 gr., 4ÎJ8 dans lOO""'"-'. Mainicnu dans une atmosphère sèche
à l'élat sirupeux, il donne, comme l'acide lactique inactif, un acide lactyllactiqice, mais
ce dernier composé est lui-même actif sur la lumière polarisée qu'il dévie à gauche.
Le diliictidi', qu'on obtient par chauffage au-dessus de liiO", est identique à celui de
lacide ordinaire; par hydratation, on peut reproduire ce dernier acide, de telle sorte
que se trouve ainsi réalisée la transformation de l'acide lactique droit en acide lacli(iue
inactif sous l'action de la chaleur.
Sels. — Les sels de l'acide lactique droit (comme d'ailleurs les éthers-oxydes et les
élhcrs-sels) possèdent un pouvoir rotatoire opposé à celui de l'acide gén(''rateur; ils sont
donc lévogyres; ils sont en général plus solubles dans l'eau que ceux de l'acide lactique
ordinaire, sauf toutefois le sel de calcium (jui et, au contraire, moins soluble.
Le lactatc-d de calcium, (CH' — CHOH — CO- -Ca + 4H-0, se dissout dans 12,4 p.
d'eau froide; il est soluble dans l'alcool chaud.
\.e lactate-d de zinc, (CH'' — CHOH — CO-j^Zn + 2H"-0, cristallise en prismes courts
et brillants. C'est un sel qui permet de caractériser Vacide laclique-d; il contient, en
effet, une molécule d'eau de cristallisation de moins que celui de l'acide lactique inaclif.
Son pouvoir rotatoire augmente fortement quand s'accroît la dilution de la solution
acjueuse; il est de «d ^ — 1.3", 35 pour une solution, contenant O''',ol2 de sel sec de
100 centimètres cubes.
Le lactate-d de zinc et d'ammonium,
(CH3 — CHOli — C02j2Zii + CH3 — CHOH — CO-^NHi + 'iU'O
est un peu moins soluble dans l'eau que le lactate-1.
Acide lactique gauche (Synonyme. Acide luctique-l).
a) Il a été obtenu tout d'abord par Scuardinger en 1883 des produitsde fermentation,
par le Baciltus acidi Ixvolactici, k 36°, des solutions de sucre de canne, de glucose, de
sucre de lait ou de glycérine.
b) L'action du Bacterium coli commune sur le sucre de lait, la mannite, la dulcite ou
la glycérine donne lieu à la formation d'acide lactique-1 (Pkré). Il en est de même dans
la fermentation du sucre de canne par le bacille du choléra (Gosio) ou dans la fermen-
tation butyrique du lactate de calcium inacLif, le lactate droit étant détruit plus rapi-
dement que le lactate gauche.
c) L'acide lactique-1 a été obtenu à l'état pur par Jungfleisch et Godchot (1906) en
partant du laclate-l de quinine, passant par le lactatel de zinc et décomposant ce der-
nier sel par l'hydrogène sulfuré, dans des conditions un peu spéciales, analogues d'ail-
leurs à celles observées pour la décomposition du lactate-d de zinc.
Propriétés. — L'acide lactique-1 préparé tout à fait pur par ce dernier procédé forme
des cristaux analogues à ceux de l'acide laclique-d. Ils sont très hygroscopiques; ils
fondent à 20''-27". Ils possèdent un pouvoir rotatoire lévogyre, d'autant plus faible ([ue
la dilution des solutions augmente; ce fait correspond à ce qui se passe avec l'acide
laclique-d; en effet, pour l'acide lactique-1 et pour l'acide lactique-d, en opérant dans
les mêmes conditions de température et de concentration, on trouve pour a^ des valeurs
sensiblement égales et de signes contraires.
D'après Jungfleisch, l'acide lactique-d et l'acide lactiijue-1 ne seraient pas tout à
fait identiques, ne se conduisant pas d'une manière semblable dans certaines réactions;
c'est ainsi que, sous l'influence des alcalis, l'acide lactique-l se montre beaucoup plus
facilement transformable que l'acide lactique-d en acide lactique inactif (acide lac-
tique d + l).
778 LACTIQUES (Acides).
Sels. — Les solutions aqueuses des sels de l'acide laclique-1 sont dextrogyres. Men-
tionnons : le lactate-I de lithium, CH' — CHOH — CO'^Li + ^ U-0; le lactate-l de calcium
(CH' — ClIOH — C02)2Ga + 4,5 H'^O; le lactate-l de zinc,
(CH3 — CHOH — C02)2Zn + 2H'''0
le lactate-l de zinc et d'ammoniuin,
iCH^ — CHOH — C02)2 = Zn + CH» — CHOH — C02NHi + 2H20
le lactate-l d'argent, CH-' — CHOH — CO^ Ag + ^ H^O.
Recherche et caractérisation de Tacide lactique. — L" acide lactique, sous ses
diverses formes, inactive, droite et gauche, peut être décelé par le réactif d'UFFELU.vNN.
Ce réactif dont la formule est :
Perchlorure de fer officinal H gouttes
Solution aqueuse du phénol ù 4 p. 1000. . . 100 cmc.
a naturellement une coloration violet amétliyste; il devient jaune franc quand on l'addi-
tionne de traces d'acide lactique libre. Ce réactif peut d'ailleurs être remplacé par celui
de Berg,
Perchlorui'e c\e fer ofticin.il H gouttes
Acide chloi-hydriqut' H —
Eau distillée 100 cmc.
qui est sensiblement incolore et qui passe au jaune sous l'influence de l'acide lactique.
Ces réactifs permettent de retrouver l'acide lactique en présence d'acides chlorhy-
drique, acétique ou butyrique; aussi les emploie-t-on fréquemment pour la recherche
de l'acide chlorhydrique dans le suc gastrique; il faut toutefois se rappeler qu'ils carac-
térisent non seulement l'acide lactique, mais les acides-alcools en général; leur emploi
n'est donc justifié qu'en l'absence certaine de tout acide-alcool autre que l'acide
lactique.
Pour déceler avec sîlreté l'acide lactique et en reconnaître la variété, inactive ou
droite ou gauche, il faut préparer un dérivé caractéristique de l'acide lactique. Dans
ce but, c'est généralement au sel de zinc qu'on a coutume de s'adresser.
Les méthodes utilisées subissent quelques variantes suivant les auteurs; elles con-
sistent essentiellement à mettre l'acide lactique eu liberté au moyen d'un acide minéral
ou de l'acide oxalique, à extraire l'acide lactique au moyen de l'éther, à faire le lactate
de baryum par saturation au moyen de l'eau de baryte et à transformer ce dernier en
lactate de zinc; à cet effet, on peut opérer soit par double décomposition au moyen du
sulfate de zinc, soit par saturation par le carbonate de zinc, en milieu aqueux bouillant,
après extraction par l'éther de l'acide lactique mis en liberté du lactate de baryum au
moyen de l'acide phosphorique. Les liqueurs aqueuses «ontenant le lactate de zinc
laissent cristalliser ce sel par refroidissement après concentration convenable.
Le sel obtenu est e.xaminé au point de vue de sa solubilité, de sa teneur en eau, de
sa teneur en zinc (dosé à l'état d'oxyde de zinc) et de son action sur la lumière pola-
risée. En se reportant aux caractères propres à chacun des divers lactates de zinc, on
pourra ainsi caractériser comme inactif, droit ou gauche, l'acide lactique qui a fourni
le sel analysé.
Cependant il ne faut pas oublier que de nombreuses précautions doivent être prises
pour éviter qu'au cours de l'extraction de l'acide lactique il ne se produise une isomé-
risation plus ou moins complète de l'acide et aussi des déshydratations aboutissant à la
formation d'acide lactyllactique ; ces faits ne doivent pas être perdus de vue au cours
de la détermination des acides lactiques résultant de nombreuses fermentations micro-
biennes.
LACTIQUE (Fermentation). 77M
L'acide lacliciuo, en solution aqueuse ne contenant pas d'autres acidos pont être
litre par voie acidimt'-trique; mais si l'on part d'une solution concentrée, il faut se
rappeler (la'une telle solution contient {.'énéralemont de l'acide iaetyllartitjuo dont l'aci-
dité est moitié moindre que celle de l'acide lacti(jne dont il dérive; aussi, est-il lion de
procéder au litraj^e en faisant bouillir pendant environ i") minutes un poids eonnu de
la -solution à doser avec une (|uantité mesurée de solution alcaline titrée prise en excès.
L'acide lactyllactique est ainsi hydrolyse; après relVoidissement on titre l'excès d'alcali
ajouté : par différence, on a la quantité d'alcali correspondant à l'acide lacti(pie total
contenu dans la prise d'essai.
Bibliographie. — Il a semblé inutile d'indiquer ici la loiij^ue liste bibliographique
des recherches se rapportant à l'acide lactique sous ses diverses formes. Beaucoup de
ces travaux n'ont d'ailleurs pour le physiologiste qu'un intérêt tout à fait éloigné. Le lec-
teur trouvera dans les ouvrages suivants l'indication des mémoires ((u'il lui paraîtrait
utile de Consulter directement : Beilstkin, Handbuch der onjanischen Chemie, 3'- édit.,
I, 1)52-560, 1893; Err/mzwujsband, I, 221-224, 1901. — Morel, Précis de technique c/ti-
7?ji(^Hc, 252-256, Paris, 1909. — Wurtz. Dictionnaire de chimie, 2, 17")-188, 1873; l^'■ sup-
plément, 2,973; 2« supplément, 178-186, 1907.
H. HÉRISSEY.
LACTIQUE (Fermentation^. — On désigne sous le nom de fermentation
lactique la transformation, sous l'intluence de microrganismes, de certains composés
organiques se rattachant plus spécialement mais non exclusivement au groupe des
sucres, en un acide de formule C^H^O'; dans le cas présent, cette formule doit être
considérée comme exprimant indifféremment l'une des trois formes de l'acide lactique,
inactive, droite ou gauche (voir Lactiques (Acides).
La fermentation lactique se produit dans une foule de circonstances et au cours d'un
grand nombre d'opérations industrielles, telles que celles qui sont du ressort de la lai-
terie, de la distillerie, de la préparation de la choucroute. La fermentation lactique se
développe notamment dans le lait qu'on abandonne à lui-même ; plus ou moins rapide-
ment, suivant la température ambiante, le lait devient acide et se coagule sous l'in-
Uuence de l'acide ainsi iiroduit.
L'acide lactique a précisément été découvert par Scheele (HO) dans le lait aigri, en
1780. Il fut reconnu clétinitivement, en 1830, comme un acide particulier par Berzé-
LiLs (10), qui le différencia nettement de l'acide acétique, avec lequel on l'avait parfois
confondu. En 1813, Braco.nnot (16) l'avait rencontré dans la liqueur provenant de la
fermentation du riz abandonné sous l'eau, à une douce chaleur, du jus de betterave
conservé dans les mêmes conditions, de haricots et de pois bouillis dans l'eau, puis
abandonnés jusqu'à ce qu'ils soient devenus aigres, dans l'eau sure provenant du levain
des boulangers; il le considérait d'ailleurs comme un acide spécial, auquel il avait
donné le nom d'acide nancéique.
BoLTRON et Frkmy (14), Pelouze et Gklis (89) ont tlxé les conditions matérielles les
plus favorables à l'obtentiou de l'acide lactique au moyen de la fermentation. D'après
leurs rechei'ches, cette fermentation exige, pour se produire, la présence de matières
albuminoïdes en voie de décomposition, et elle ne peut continuer que si l'on empêche
le degré d'acidité de la liqueur de dépasser certaines limites. Les premiers saturaient
de temps en temps le liquide avec du bicarbonate de sodium, procédé qui a l'inconvé-
nient de forcer l'observateur à une continuelle surveillance; les seconds conseillaient
d'ajouter immédiatement du carbonate de calcium, qui, à cause de son insolubilité
dans l'eau, peut être employé en une seule fois au début de l'opération; sa présence,
même en grand excès, ne nuit en rien aux résultats, car il ne prend part à la réaction
qu'au fur et à mesure du besoin.
Vers la- même époque, d'autres chimistes, parmi lesquels il faut citer (Ioulev (42) et
Bensch (6) se sont encore occupés de la fabrication pratique de l'acide lactique ou du
lactate de calcium au moyen «le la fermentation lactique : si l'on veut préparer de
l'acide lactique à l'aide du lait, on abandonne quelque temps ce lait à lui-même, aune
douce température, et lorsqu'il devient acide, on l'additionne do carbonate de calcium.
Après un temps suffisant, on arrive ainsi à obtenir la transformation de la totalité du
780 LACTIQUE (Fermentation),
lait en acide lactique, lequel passe à l'état do sel de calcium. Au lieu de lail, on peut
se servir d'une solution sucrée additionnée d'une matière albuminoïde quelconque :
gluten, fibrine, albumine, membranes animales, etc.
Les circonstances dans lesquelles se produit la fermentation lacti(|ue comptèrent
pendant longtemps parmi les meilleurs arguments en faveur de la lliéorie de Lieuig
sur la fermenlalion. Mais, en 1857, Pasteur (88) découvrit que la fermentation lactique
avait pour cause un microrganisme particulier, qu'il désigna fout d'abord sous le nom
de levure lactique, par analogie avec la levure alcoolique.
« Si, dit Pasteur, l'on examine avec attention une fermentation lactique ordinaire,
il y a des cas où l'on peut reconnaître au-dessus du dépôt de la craie et de la matière
azotée des taches d'une substance grise formant quelquefois zone à la surface du dépôt.
Cette matière se trouve d'autres fois collée aux parois supérieures du vase, où elle
a été emportée par le mouvement gazeux. Son examen au microscope ne permet guère,
lorsqu'on n'est pas prévenu, de la distinguer du caséum, du gluten désagrégés, etc. ;
de telle sorte que rien n'indique que ce soit une matière spéciale, ni (|u'elle ait pris
naissance pendant la fermentation. Son poids apparent est toujours très faible, comparé
à celui de la matière azotée primitivement nécessaire à raccomplissement du phéno-
mène. Enfin très souvent elle est tellement mélangée à la masse de caséum et de
craie, qu'il n'y aurait pas lieu de croire à son existence. C'est elle, néanmoins, (pii
joue le principal rôle. Je vais tout d'abord indiquer le moyen de l'isoler, do la préparer
à l'état de pureté. ^
« J'extrais de la levure de bière sa partie soluble, en la maintenant (luehjue temps
à la température de l'eau bouillante avec quinze ou vingt fois son poids d'eau. I.a
liqueur, solution complexe de matière albuminoïde et minérale, est filtrée avec soin.
On y fait dissoudre environ bO à 100 grammes de sucre par litie, on ajoute de la craie
et l'on sème une trace de cette matière grise dont j'ai parlé tout à l'heure, extraite
d'une bonne fermentation lactique ordinaire ; puis on porte à l'étuvo à 30 ou 35°. Il est
bon, également, de faire passer un courant d'acide carbonique pour chasser l'air du
flacon, auquel on adapte un tube courbé plongeant dans l'eau. Dès le lendemain, une
fermentation vive et régulière se manifeste. Ce liquide, très limpide à l'origine, se
trouble, la craie disparait peu à peu, en même temps qu'un dépôt s'effectue et augmente
continûment et progressivement au fur et à mesure de la dissolution de la craie. Le
gaz qui se dégage est de l'acide carbonique pur ou \\n mélange en proportions variables
d'acide carbonique et d'hydrogène. Lorsque la craie a disparu, si l'on évapore le liquide,
du jour au lendemain il fournit une cristallisation abondante de lactate de chaux, et
l'eau mère contient des i| nanti tés variables de butyrate de cette base. Si les propor-
tions de craie el de sucre sont convenables, le lactate cristallise en masse volumi-
neuse au sein même du liipiide pendant le cours de l'opération. Quelquefois la liqueur
prend une viscosité très grande. En un mot, on a sous les yeux une fermentation
lactique des mieux caractérisées, avec tous les accidents et toute la compliration
habituelle de ce phénomène, bien connu des chimistes dans ses manifestations exté-
rieures.
« On peut remplacer, dans cette expéiience, la décoction de levure par celle de toute
matière plastique azotée fraîche ou altérée selon les cas. Ce liquide limpide, tenant en
dissolution une matière azotée, n'est qu'un aliment; et, à ce litre, son origine importe
peu, parce que sa nature se prête au développement du corps organisé qui se produit
et se dépose successivement.
« Prise en masse, la levure lactique ressemble tout à fait à de la levure ordinaire
égouttée ou pressée. Elle est un peu visqueuse, de couleur grise. Au microscope, elle
est formée de petits globules ou d'articles (rès courts, isolés ou en amas, constituant
des flocons irréguliers ressemblant à ceux de certains précipités amorphes. Les glo-
bules, beaucoup plus petits que ceux de la levure de bière, sont agités vivement, lors-
qu'ils sont isolés, du mouvement brownien >■.
Antérieurement à Pastelr, en 1847, Blondeau(II) avait expressément indiqué que les
différentes espèces de fermentations, et en particulier la fermentation lactique, « sont
dues à une seule et même cause, au développement d'un végétal mycodermique qui
a besoin, pour croître, d'une partie des éléments de la matière organique... » ; mais il
LACTIQUE (Fermentation). 7Sl
avait raUaclH" la production do la feniR'nlatiitn huliiiiic au (lt'v(!l«>|i[)<'motit du l'rnicil-
liinii f/laucum.
Pastkuu CiHisiilérait le ferment lactique conHuc une ospri- > uniinie; à llieure
actuelle, la fermentation lactique nous apparaît beautoup plus conii)liquée ([n'elle ne
le stMnblait à la suite des recherches de ce savant.
On a constaté tout d'abord qu'un grand nombre d'espèces n)ii(obi(Mines pouvaionL
[uoduire de l'acide lactique aux (lé[iens de substances oiyaniques tirs variées; en
outre, on a constaté des ditférences dans la nature el la quanlilé de l'acide lactique
formé, dilTérciicos tenant soil au microbe lui-même, soit à la malière fermcnlescible,
variables d'ailleurs avec les conditions de la < iiltuio, comnicï la température, la richesse
iiulritive du milieu, l'accès plus ou moins facile de l'air.
Diversité des ferments lactiques. — Dès 1877, Listkr (OU) a trouvé un certain
nombre de ferments lactiques susceptibles de coaguler le lait dans des temps inégaux.
Le monde des ferments lactiques s'est peuplé encore ilavantage à la suite d'un tra-
vail de Hlki'I'k (.'U), qui décrivit d'une façon plus [»récise les espèces rencoulrées, et en
particulier, établit le diagnostic du Bacillti!< acidi lactici (IIuei-i-f). microrganisme très
semblable, sinon identique, au ferment lactique de Pasieur (liaciltm^ InrtirMs), dont
l'étude avait été complétée par Bolïrodx (15) en 1878.
A la suite de ces recherches, on a étudié un grand nombre de niicrorganismes
rencontrés soit dans le lait, la crème, le fromage, soit dans les intestins des mammi-
fères, suscei)libles de fournir de l'acide lactique, et beaucoup d'auteurs ont qualifié de
ferments lacticpies lous les microbes donnant lieu à la production lactique, en se déve-
loppant dans un bouillon sucré additionné de carbonate de calcium. A ce compte, il
faudrait ranger clans le groupe des ferments lactiques un grand nombre de bactéries
qu'on n'est pas dans l'habitude d'envisager à ce point de vue; tels, par exemple, le
bacille diphtérique, le Bacillus coli communis, le bacille d'EBERTu; en effet, le premier,
cultivé dans les milieux glucoses, produit de l'acide lactique droit; le Bacillus coli corn-
mmns fournit, en assez grande aliondance, de l'acide lactique avec presque tous les
sucres; le bacille d'IiBERïH en donne peu avec le glucose, et pas du tout avec le galactose.
DucLAUx (28 ne pense pas qu'il faille appeler fermentation lactique tout processus
dans lequel on obtient de l'acide lactique à l'aide d'un microbe, pas plus qu'on ne doit
ai)pliquer indistinctement le nom de fermentation acétique à toutes les fermentations
dans lesquelles on trouve de l'acide acétique. Il faut netlement ditférencier les ferments
lactiques vrais, ceux pour lesquels on peut considérer comme réalisée d'une façon
approchée l'équation de dédoublement,
ccHi20''' = 2:ni603
qui donne un rendement de 100 p. 100 avec les hexoses ; il existe, en efîel, de ces
ferments lactiques donnant des rendements de 90, 9b et même 98 p. 100. Duclaux
SL*pare de ces ferments lactiques vrais les microbes qui ne fournissent, pai- voie aérobie
ou anaérobie, que des rendements faibles d'acide lactique, « ne dépassant pas quelques
millièmes et pouvant être considérés comme des excrétions de la vie protoplasmique,
ou comme des sous-produits d'une fermentation principale ».
A la vérité, comme Duclaux le reconnaît lui-même, les limites entre ces deux caté-
gories d'êtres sont loin d'être précises, et « lorsqu'un ferment lactique mis en présence
d'un sucre donneia des rendements de 20, 40, fiO p. 100, il sera difficile de savoir dans
quelle classe on peut le ranger ».
Quoi qu'il en soit, on a décrit, à l'heure actuelle, un nombre considérable de fer-
ments lactiques dont l'individualité n'est d'ailleurs pas toujours bien assurée; il
y a aujouid'hui tant de traits communs aux diverses espèces, qu'on ne sait pas, pour
certaines, comment les différencier sûrement les unes des autres.
Nous n'indiquerons ici qu'un certain nombre de ferments lactiques dont on trouvera,
pour quelques-uns, la descri[)lion détaillée dans divers traités de bactériologie ^Macé
(07), MiftUEL et Cambier (81), etc.).
Le ferment lactique de Pasteur {Bacillus lacticus Pasteur', suivant la description de
liouTROUx, se présente, le plus ordinairement, sous forme d'un voile placé à la surface
782 LACTIQUE (Fermentation).
du liquide où on le cultive; voile d'une faible ténacité, souvent d'épaisseur inégale, se
disloquant en lambeaux écailleux. Ce voile se montre, au microscope, constitué par
des cellules ovales disposées ordinairement par groupe de deux, mais souvent aussi en
chapelets de forme plus ou moins courbe, comprenant plusieurs individus. Les cellules
ont une largeur variant de 1 à 3 [j.; leur longueur est ù peu près le double. Au début de
la fermentation, on trouve de très grosses cellules sphériques, d'autres présentent en
leur milieu un étranglement plus ou moins profond; d'autres enfin sont divisées par
une cloison transversale. On y voit aussi des chapelets de cellules de plus en plus
petites; parfois deux de ces chapelets semblent émaner d'une même cellule sphérique
de grande dimension.
Au fur et à mesure que la fermentation s'avance, les formes du ferment se régula-
risent, toutes les cellules apparaissent bientôt sphériques et de taille égale; à la fin de
la fermentation, on ne voit plus que des cellules de très petites dimensions, réunies en
amas irréguliers, très serrées. Ce ferment donne très facilement des spores, ce qui
n'avait pas été observés par Boutrovx. il reste coloré par la méthode de Gkam. 11 se
développe rapidement sur les milieux sucrés rendus nutritifs par l'addition ou la pré-
sence naturelle de matières azotées; le milieu d'élection serait l'eau de levure glucosée.
Le développement ne se fait qu'en présence d'oxygène. Son action sur les matières
sucrées s'arrête quand l'acidité du liquide est sensiblement égale à 1 gr. 50 d'acide lac-
tique pour 100 grammes de liquide.
Le Bacillus lactis aerogenes Escheiusch a été décrit par Esciierisgh (34) qui l'a rencontré
dans l'intestin des animaux nourris de lait, des noiinissons et aussi de l'homme adulte.
Depuis, il a été retrouvé dans beaucoup d'autres milieux. Ce sont des bâtoimets courts
et épais, à extrémités arrondies, mesurant de 1 [x à 2 a de longueur, sur une largeur
variant de 0,5 [a à 1 \i. Ils se présentent isolés, réunis par deux ou en petits amas. Ils
sont toujours immobiles. Ils ne forment pas de spores. Us se décolorent par la méthode
de Gram. Certains auteurs (Wurtz et Lkudet (126), Denys et Martin (27),), se basant sur-
tout sur son action sur les animaux, ont voulu identifier ce bacille avec le ferment lac-
tique de Pasteur; Grimbert et Legros, se fondant sur l'identité des fonctions biologiques,
regardent le Pneumobacille de Friedlaender et le Dacilhis lactis aeroijenes comme appar-
tenant à la même espèce.
Le Bacillus lactis aerogenes n'est vraisemblablement qu'un représentant des nom-
breux colibacilles connus; il n'est d'ailleurs pas rangé par Duclaux dans le groupe des
ferments lactiques vrais; c'est, en tout cas, un agent de fermentation énergique des
matières sucrées; il se forme, comme produit de transformation, de l'alcool éthylique,
des acides, surtout de l'acide lactique, un peu d'acide acétique, d'acide succinique et
d'acide formique; il se dégage de l'acide carbonique et de l'hydrogène (Macfadye.n,
.NeNCKI et SlEBER (71).
Parmi les nombreuses bactéries capables de développer la fermentation lactique, en
dehors de celles déjà mentionnées, on peut citer :
Le Micrococcus ucidi lactici de Kruec.er(58) formé de cellules ovales de 1 a à 1 [j., 5 de
diamètre, coagulant le lait en 3 jours à la température ordinaire, en donnant un cail-
lot de caséine homogène qui ne se redissout pas ultérieurement.
Le Micrococcus acidi lactici de Mari'mann (70), se présentant sous formes de cellules
.volumineuses, ordinairement isolées ou réunies deux à deux. II développe d'abord dan?
le lait une coloration rouge qui disparaît au fur et à mesure de la production d'acide
lactique.
Le Spherococcus acidi lactici de Marpman.x, formant de courtes chaînes de cellules très
petites, ovales. Comme le précédent, il coloi'e le lait en rouge, puis le coagule par suite
de la production d'acide lactique.
Le Streptococcus acidi lactici de Grotenfelt (45), se présentant sous forme de longues
chaînes de cellules ovales dont le diamètre varie de 0,3 à 1 [x. Il se développe bien dans
les milieux habituels à la température ordinaire, au contact ou à l'abri de l'oxygène.
Le Bacillus limbatus acidi lactici de Marpma.nn, qui forme de fins bâtonnets, ordinai-
rement réunis par paires, immobiles, ne donnant pas de spores. Ce bacille est entouré
d'une capsule difficile à colorer; il colore le lait en rose.
Le Bacillus a (36), isolé du fromage d'Emmenthal par de Freudenreicii, le strcpto-
LACTIQUE (Fermentation). 783
coiiuf % (37), retiré par le lurine autour du kéiihir, le streptocoque de la niammite de la
\»aclie (NocAiu) et Moli.i:ueai ) (HGi, celui de la nianimile i^anprreneuse des breliis (Nocard)
(85) doivent être comptés au nombre des fermenls lacfit]ues : ils coagulent rapidement
le lait, dans leijuel on peut les cultiver facilement, et ils ilonnenl de l'acide lacticjue avec
la plupart des nialières fermentescibles.
On verra plus loin que, suivant les conditions de la culture, le même ferment peut
produire des variétés diverses d'acide lactique finactive, ^'auclie on droite), de telle sorte
qu'il paraît actuellement bien diflicile de caractériser un ferment lactique parla variété
d'acide produit dans une fermentation isolée. 11 est donc prudent de comprendre sim-
plement dans le grand iiroupe des ferments lacliciues, sans spécification déterminée,
le Micrococcus ucidi paralactici{'SE.KCKi et Sieber) (82 et 83) et le Bacillus acidi luciolactici
(SCOARDINCKK (100)).
Citons encore parmi les ferments lactiques : les ferments a, b, c, d [Bac-Guillebeau],
e [Bac. Bisclilvri), h, l, m, n, o, p, r, s, 1, 2, et a étudiés par Kayser (55 et jG) dans des
recherches sur lesquelles nous aurons à revenir; les coccus décrits comme ferments
lactiques par Li.ndnek (G2) et par Storch (116); le ferment très actif isolé par Pottevi.n
(92) du jus d'oignon sucré, non stérilisé; les ferments lactiques retirés de la crème par
EesTEiN (32); le bacille de Tate (117 , rencontré dans les poires mûres; le Bacilltts acidi
pavalactici considéré par Kosaï comme l'agent le plus important de la fermentation lac-
tique du lait, identilié par cet auteur avec les bacilles de Wei(;mann, de LEiciiMAiNN, de
Gunter et THiERFEr.DER(47), constamment retrouvé dans le lait en putréfaction par Tissier
et Gasching (119); le Streptococcus lacticus de Kruse (59), identifiable avec le Strepto-
coccus enteriditis de Hirscii-Lirrmann etVEiiterococcus de Thiercelin; les ferments trouvés
par GoRhNi (43) dans le fromage de Grana; le Streptobacillus lebcnis et le Diplococcus
lebeni.< du leben, lait fermenté d'Egypte (Risr et Khourv (103)); le ferment bulgare du
yoghourt, décrit par Coue.ndy (23) et étudié au point de vue de son action sur le lait par
G. Bertrand et G. Weisweiller (9) ; la bactérie lactique renconlée par Saito (106) au
cours de la préparation de l'eau-de-vie de patates; le Bacterium Maziin (124) trouvé par
Wei(;mann, Gruber et lluss dans le mazun arménien; le Streptothrix isolé du dadhi, lait
fermenté de l'Inde (Chatterjee (21)), etc., etc.
Ou conçoit, d'après cette énumération d'ailleurs très abrégée, qu'une assez grande
confusion doive régner dans les diagnoses de nombre d'espèces microbiennes raltachées
au groupes des ferments lactiques; aussi, plusieurs auteurs se sont-ils eflorcés df mettre
un peu d'ordre dans ce groupe en tentant la différenciation ou la classification des
divers éléments qui le composent. Sur cette question, où la clarté ne paraît pas près de
régner, nous ne pouvons que renvoyer le lecteur aux travaux de EsTEN(35),de Me. Co\-
KEv (24), de Harden (48), de Lohnis (64 et 65) (le mémoire de ce dernier est suivi d'une
longue bibliographie), de Beijerinck (3), de Makrinoff (68).
La production d'acide lactique aux dépens des sucres peut être réalisée aussi par des
champignons. D'après Eijkma.\n(31 bis) et Chrzvszgz (22), VAinijlomyccs Roiixii, cultivé en
milieux sucrés, donue de petites quantités d'acide lactique. Saito (107 i a démon! ré qu'il
en était de même pour le Bhizopus ckinensis, espèce isolée d'une levure chinoise: l'acide
lactique a été extrait, à l'état de sel de zinc, d'une culture de ce champignon dans du
moût de koji; il s'agissait d'acide lactique gauche.
Dans tous les cas, la proportion d'acide lactique produite par les champignons est
toujours faible relativement à la quantité de matière fermentescible détruite; elle n'est
en aucune façon comparable à celle qui résulte du travail des ferments lacti(|ues vrais.
Les germes de ces derniers se rencontrent partout dans la nature; aussi le lait,
<|ui. recueilli aseptiquement, peut être longtemps conservé sans coagulation, éprouve-
t-il rapidement la fermenlation lactique si on l'abandonne au contact de l'air après une
traite entourée seulement des soins de propreté usuels; il est vite ensemencé par les
germes rencontrés sur le pis de la vache ou dans les vases destinés à le recuillir, ou
bien encore tombés de l'air ou répandus par les vêtements des personnes qui le manipule.
Observations générales sur les conditions d'action des ferments lactiques.
— Même en s'en tenant aux ferments lactiques vrais, qui transforment en acide lactique
la majeure (lortion des substances sucrées mises à leur disposition, il n'est pas possible,
à moins de monographies longues et parfois fastidieuses, d'envisager séparément les
78 i LACTIQUE (Fermentation).
fermetitalions produites par cliacun de ces organismes; nous ne pouvons ici faire plus
qu'indiquer des rcsultats généraux touchant les conditions d'action des ferments
lactiques.
Substances susceptibles de subir la fermentation lactique. — Cette fermentation peut
s'exei'cer aux dépens des hydrates de carbone les plus divers : hexoses comrne le glu-
cose, le lévulose, le galactose, le mannose, pentoses comme le xylose, l'arabinose,
poljsaccharides comme le saccharose, le maltose, le lactose, le raffinose, la dextrïne,
l'inuline, alcools polyatomiques comme la glycérine, l'érylhrite, la dulcite, la mannite,
l'inosite, des giucosides comme le mélhylglucoside (Horzog et Herth (53 bis), etc. Les
recherches de Kayseu ("yij) ont montré que les ferments lactiques sont môme aptes à faire
de l'acide lactique aux dépens des peptones. Toutes les espèces ne sont d'ailleurs pas
susceptibles de faire fermenter tous les corps qui viennent d'être énumérés; ainsi,
9 espèces étudiées par Herzog et Horth ne font [)as fermenter la glycérine et le dulcite,
tandis que ces substances sont attaquées avec formation d'acide droit par le ferment
isolé du jus d'oignon par Pottevin (92); le ferment bulgare, d'après G. Bertrand et
UucHACEK ("), très actif sur lactose, ne peut utiliser ni le saccharose, ni le maltose,
parce qu'il ne sécrète ni sucrase, ni maltase et, par contre, le Bacillus Leichmanni I
(Herzog et HiiRTu) ne fait pas fermenter le lactose, sans doute parce qu'il ne contient
pas de lactase.
G. Bertrand et Veillo.\ (8) ont étudié l'action du ferment bulgare sur les acides
monobasiques dérivés des sucres réducteurs. En envisageant seulement les sucres, des
recherches antérieures avaient montré que ce ferment limite son action à certaines
espèces chimi({ues d('terminées : en dehors du lactose, qui est le sucre contenu dans
son milieu naturel, il ne transforme que le glucose, le galactose, le mannose et le
lévulose; or, le ferment bulgare n'a pas produit d'acide lactique aux dépens des acides
monobasiques, gluconique, galactoni([ue et mannoni(iue dérivés des glucoses; la subs-
titution, dans les sucres réducteurs, du groupement — COOH au groupement — CHO
suffit donc à rendre le reste de la molécule réfraclaire à la fermentation lactique; en
présence d'un mélange de lactose et de lactobionate de calcium, il y a eu entraînement
du second corps par la fermentation lactique du premier; ce fait peut s'expliquer par
le dédoublement préalable de l'acide lactobionique au moyen d'endolactase sécrétée par
le ferment; ce dédoublement donne, en effet, une molécule d'acide gluconique infcr-
mentescible et une molécule de galactose transformable en acide lactique.
Activité, puissance et rendement d'un ferment lactique. — « Imaginons, dit
DucLAix, que nous mettions en activité, au même moment, plusieurs fermentations
identiques au point de vue des conditions extérieures, mais ensemencées avec des
quantités égales de ferments lactiques différents. Si nous mesurons par un moyen quel-
conque » (cela peut se faire, par exemple, par la (létermination]de l'acidité), «la quantité
d'acide lactique produite dans les premières vingt-quatre ou quarante-huit heures, ces
quantités pourront évidemment être pris-'s comme mesure de l'activité des divers fer-
ments fonctionnant dans les mrmes conditions. »
Il faut reconnaître que la détermination de l'activité d'un ferment lactique elTectuée
dans ces conditions présente des diflicultés expérimentales telles que les auteurs ont
le plus souvent cherché à utiliser des procédés plus simples, mais assurément beaucoup
moins précis : ils ont pris par exemple, comme terme de comparaison entre divers
ferments, le temps mis par le lait à se coaguler sous l'influence de ces ferments, les
activités respectives étant considérées comme étant en raison inverse des durées de
coagulation; il est bien évident que la sécrétion éventuelle parles ferments étudiés de
présure, qui vient aider l'action de l'acide lactique, ou de caséase qui vient l'empêcher,
est susceptible de fausser notablement les résultats de l'expérience.
En règle générale, la fermentation lactique s'arrête lorsque la teneur de liquide
fermentaire en acide lactique a atteint une limite déterminée. Celte limite peut être
considérée comme mesurant la puissance de ferment correspondant; elle sera facile-
ment estimée eu déterminant l'acidité du milieu fermentaire, dans lequel on se sera bien
gardé d'ajouter du carbonate de calcium.
Quant au rendement, il est expritné par le rapport qui existe entre la quantité de
produit mis en fermentation (glucose par exemple} et celle d'acide lactique formé aux
LACTIQUE (Fermentation). 785
dépens do ce dernior; coniino nous l'avons déjà indiijué, c'est précisément siii' cctlo
notion du rendement qu'est fondée la distinction des ferments lactii(ues vrais an milieu
du groupe innomlirable des niicrooiganismes producteurs d'acide lactique.
Action de la chaleur sur les ferments lactiques et sur la fermentation lac-
tique. — Les ferments lactiques n'ont pas tous la même faculté de résistance à la
chaleur; ainsi les ferments a, h, c, r, retirés de la crème par K.vyseh, ne résistent pas à
5 minutes de cliaullaue à 60; tandis que les ferments .7 (R. de Krkudf.nrkich), s (R. de
la mannite contagieuse des vaches;, u (jus de choucroute), m (moût de distillerie),
o (bière belge), p (bière belge) et d (15. Guillebeau) du même auteur sont, au contraire,
très résistants. Celte résistance dépend et de l'acidité du milieu dans lequel les fer-
ments ont été chauffés et de l'acidité ou de l'alcalinité plus ou moins grande du lait
qui sert ensuite à l'expérience du cnnliôle de la vitalité ou de la mort du microbe.
Pour certains ferments lactiques d'ailleurs, une courte ébullition ne suffit mémo pas
pour détruire les spores : on sait que si l'on veut sûrement stériliser du lait, il est
nécessaire de Je maintenir pendant environ une demi-heuie à 110".
La température optima pour la fermentation lactique varie e'galement suivant les
microbes étudiés. Hueppe l'a fixée à 35-42°; Liebic (Gl) à ;50-3o°, Mayer (7G) à 30-40»,
Kayser à 30-30°. Cambier (18 ^6is) a isolé de la terre de jardin des ferments lactiques
énergiques qui ne manifestent leur pouvoir ferment vis-à-vis du glucose ou de la
mannite qu'à des températures relativement élevées, entre 60 et 70° : ce sont des orga-
nismes filamenteux, sporulés, immobiles, incapables de se développer visiblement sur
les milieux habituels aux températures inférieures à 30°. Hrijerunck (4) s'est basé sur la
variabilité de la température optima suivant les espèces microbiennes pour classer
les ferments lactiques vrais en deux groupes : les Lactococcus qui prdspèrent bien à des
températures inférieures à 30" et les Lactobacilhts qui aiment les températures supé-
rieures à 30°.
Influence de la dessiccation. — Kayser a déposé des gouttelettes de cultures de
divers ferments lactiques sur des bandes de papier stérile, conleniies dans des tubes
flambés. Trois lots de tubes ont été préparés ; le premier lot a été placé à Tétuve à 2;j° ;
le second lot a été conservé au frais, mais recevait l'action directe de la lumière; le
troisième lot également maintenu au frais était dans une obscurité complète. Après
trois mois, tous les ferments étaient encore vivants, car ils possédaient la proprit'lé de
coaguler le lait stérile.
Influence de l'air. — La question de l'action de l'oxygène de l'air sur l(»s ferments
lactiques a fait l'oltjet de nombreuses recherches dont les résultats apparaissent, dès
l'abord, quelque peu contradictoires. D'après Huei'pe, la présence de l'air est nécessaire
à la fermentation lactique: Ch. Richet (93) (1878) a trouvé qu'une fermentation lactique
paresseuse pouvait être considérablement activée par le passage d'un courant d'oxygène,
soit qu'on opère sur le lait, soit qu'on opère sur des mélanges de sucre de lait et de
caséine dissoute; d'autre part, Mayer a vu que la fermentation lactique était possible
en l'absence d'air. Il est indiscutable que l'oxygène de l'air agit sur la fermentation
lactique, ce qui peut expliquer l'influence en apparence singulière de la forme du vase
oîi se fait la fermentation (Ch. Riciiei) fOi). En effet, en mettant du lait dans un flacon
ordinaire d'une part, et, d'autre part, dans un tube allongé, toutes choses égales d'ail-
leurs, on voit que dans le tube allongé, qui n'ofïre qu'une minime surface à l'action de
l'air, la fermentation est moins active.
Ch. Richet (97), à l'occasion de recherches sur ce sujet, a proposé diverses modifi-
cations qui doivent être apportées aux procédés classiques d'acidimétrie, pour arriver à
une plus grande précision dans le dosage de l'acidité du lait en fermentation, autrement
dit pour appn'-cier l'activité de la fermentation lactique. Voici la méthode utilisée :
Le lait doit être additionné d(! phénolphlaléine avant la ré[)artition dans les flacons,
pour que la quantité du réactif indicateur soit exactement la même dans chaque tube;
les diEférents tubes qui contiennent le lait doivent être placés non directement à
l'étuve, mais dans une conserve remplie d'eau, à la température de l'étuve, ce qui assure
rhomogénéilé parfaite de la température dans chacun des vases. Le dosage de l'acidité
par une solution dépotasse (6 gr. par litre) donne des résultats satisfaisants; mais ou
peut obtenir mieux encore en profitant (les variations de teinte de la phtaléine, suivant
DICr. I)K l'IIVSIOI.OGIE. — T. IX. .'iO
■8li LACTIQUE (Fermentation).
que le liquide est acide, ou neutre, ou h peine ealcalin, ou fortement alcalin. Pour cela,
aprrs la fermentation, on ajoute au lait, placé dans des tubes d'environ 24 milimètres
de diamètre, la même quantité de la solution potassique; et on cherche par tâtonne-
ment la quantité de potasse nécessaire pour donner une légère teinte rosée; on classe
alors les divers échantillons fermentes suivant leur couleur, et les renseignements
obtenus sont positifs.
Dans une expérience, l'acidité du lait dosé après fermentation adonné :
Acidité en cmc.
de KOH
Nombre
Diamètre du
tube
pour 50 cmc. de lait.
Rapport
d'expériences.
en
millimètres.
Moyennes.
des surfaces.
1
21,0
12,1
100
3
22.0
12.8
105
1
22,3
12,2
108
4
23,0
13,0
113
4
23,3
13,6
118 .
5
24,0
13,39
123
On remarque que les différences d'acidité entre les laits placés dans des flacons de
diamètres différents sont à peu près du même ordre de grandeur que les proportions
des surfaces.
Pour compai;er sans dosage la marche de la fermentation dans ces laits, on peut
ado]iter une notation arbitraire basée précisément sur les teintes de ces laits après
addition d'une même quantité de potasse, en présence ae pnenoipntaléine. On prend,
par exemple, sept tubes étroits ;22 millimètres) et trois tubes larges (24 millimètres).
Après fermentation et addition de ia même quantité de potasse, on trouve :
Tubes Tul)es
' de 24 millim. de 22 millim.
Blancs 2 1
Légèrement coloi-és 1 4
Très roses 0 2
Si on donne aux blancs le coefficient 3, aux légèrement colorés le coefficient 2, aux
très ro.ses le coeficient 1, on aura, pour les trois tubes de 24 millimètres :
8
2x3 + 1 x2=:8, soit comme moyenne - ^ 2,7
et, pour les tubes de 22 millimètres :
13
1 x3 + 4x24-2xl = 13, soit comme moyenne — = 1,9
D'après Ch. Righet, quand il s'agit d'acides organiques, cette méthode d'appréciation
de la variété des teintes de la phtaléine, virant sous l'influence des alcalis, donne, dans
l'ensemble, des résultats d'une extrême délicatesse, plus précis que le dosage même;
c'est en utilisant ce procédé ou des procédés analogues que cet auteur, comme on le
vçrra plus loin, a pu constater que l'action de certaines substances chimiques s'exerce
à des doses prodigieusement faibles sur la fermentation lactique.
K.\YSER (56) avait montré en 1894, relativement à l'inlluence de la culture en surface
et en profondeur, que la nature du ferment mis en jeu est susceptible de faire varier
considérablement les résultats obtenus dans ces différents modes de culture. Il avait
constaté néanmoins, d'une part, que la culture en surface donne surtout lieu à de l'acide
volatil (acide acétique) ; d'autre part, que l'acidité fixe peut être très élevée dans les
cultures en profondeur et atteindre 85, 90 et 95 pour 100 de sucre disparu, tandis qu'elle
est, en général, beaucoup plus faible dans la culture en surface. En 1904, Kayser a
repris avec son ferment l l'étude de l'influence de l'air sur la fermentation lactique; il
a opéré, d'une part, dans des cultures en vases plats, d'autre part, dans le vide. Voici
LACTIQUE (Fermentation). 787
• luelques-uns des résulhits ohlcmis, dans lt'S(|iiels sont envisai,'t's les produits qui se
l'onneiit ù cùtt- do Tacidi! lacti(|U('. sous rinlluenci» du rotinent :
A. — Cultures faites dans le vide.
Lactose. (ilucose. Saccharose. Lcvulosc.
Acide carboiiiqiir 9,052 29,.-i0() 17,84 13,98
Alcool rj,5.o:i 2:i,2;;o 7,88 7,60
Acide lactique 72,962 37,800 29,60 23,24
Acide volatil 4,032 8,040 9,04 14,66
Mannite » » 24, SO 34,41
B. Cultures faites en présence de l'air.
I/Uetoso. filucoso. Saccharose. Lévulose.
Alcool 0,820 20,400 8,19 3,238
Acide lactique 73,128 41,000 r;0,31 50,970
Acide volatil 6,129 27,000 12,76 7,604
Maanite » » 6,14 17,549
Les chiffres indiquent les quantités de produit forniô poui- 100 parties de sucre initial.
Ces résultats montrent que si la fermentation lactique, pour certains ferments au
moins, peut s'eflectuer en dehors de l'air, il en résulte néanmoins des différences pio-
fondes dans la marche et dans les produits de la fermentation, suivant la présence ou
l'absence de cd élément.
Influence de la matière azotée. — Dans ses premières recherches sur la fermen-
tation lactique, Cn. Rh.uet (1878) avait vu que, du fait du traitement d'un lait par le
suc gastrique acide, la limite d'acidité atteinte par la fermentation lactique devenait
dans un tel lait sensiblement plus élevée ; en un mot, la puissance du ferment était
augmentée. Kayser a trouvé, d'accord avec cette observation et celle d'autres auteur.s,
que laliment azoté le plus assimilable et le plus actif pour les ferments lactiques était
la matière albuminoïde peptonisée (il a utilisé la peptone Chapoteaut et aussi la solution
de blanc d'œuf peptonisée). L'addition de peptone angmente toujours le titre en acide du
milieu de culture, que le ferment soit inerte ou vigoureux. On constate même parfois
que le titre en acidité monte au-dessus du chiffre qui correspond au dédoublement pur et
simple de tout le sucre fermentescible contenu dans la liqueur; c'est qu'alors, comme'
des expérienres directes l'ont montré, le ferment a pu produire de l'acide lactique aux
dépens de la peptone elle-même.
Les recherches de Kayser, qui a longuement étudié l'influence de l'alimentation
azotée sur la fermentation lactique et sur la composition du ferment lactique lui-même,
ont encore abouti, sur ce sujet, aux conclusions suivantes :
Les ferments lactiques préfèrent la peptone à toutes les autres matières azotées.
L'acidité lixe augmente proportionnellement, jusqu'à unecoi taine limite, avec la richesse
du milieu en peptone; les différences sont d'autant plus sensibles que le ferment est
plus exigeant. L'acidité volatile ne dépend que peu de la richesse du milieu en matière
azotée. Le rapport entre la quantité en'poids du ferment et la quantité de sucre disparu
peut être très élevé; ainsi, 1 gramme de fermant I, a donné, dans une expérience,
27e'",5 d'acide, lactique. Le même poids de ferment transforme en acide plus de sucre
par la culture en profondeur que par la culture eu surface; voici, par exemple, b's
résultats obtenus avec le fermenl n, après une fermentation de deux mois et demi :
Surface . .
Profoudem-.
Sucro
.\ci(le fixe
disparu.
produit.
16,4
13,2
20,9
19,7
Les ferments lactiques peuvent atteindre une forte teneur en azote (1") p. dOO), de
façon à ressembler à de la matière albuminoïde pure; la richesse en azote des ferments
lactiques ost précisément proporlionnelle à la richesse en azote du milieu. Le ferment
cultivé en profondeur est moins riche en azote que s'il est cultivé en surface, toutes
choses égales d'ailleurs. Le ferment cesse de se'raultiplier à partir d'un certain moment;
788 LACTIQUE (Fermentation).
sa ricliesse en azote augmente avec !a durée de la fermentation. Ainsi, dans une opi''-
ration effectuée avec le ferment m, il a été trouvé :
Apri's 3 JDiirs. AjiFcs 12 jours. Après ■)!» jours.
Poids du ferment (pour 1 000 cm-') . . . D?%342 (»t-'.30:J Ofe-,,322
Azote (pour 100 de l'ermont 9.1 10,8 11,8:J
Un certain nombre d'auteurs, Mausuall(72-7:'>') en particulier, ont constaté que l'asso-
ciation de certaines espèces microbiennes au ferment lactique est susceptible d'activer
considérablement l'activité de ce dernier; c'est vraisf'mblabloment à une action pepto-
nisante spéciale de ces bactéries sur certains éléments du milieu de culture qu'il faut
rapporter cette action favorisante.
Les ferments lactiques sont donc heureusement inlluencés par la présence de
peptone; on peut se demander toutefois si ces ferments eux-mêmes ne sont pas suscep-
tibles de sécréter des diastases capables d'opérer la dissolution des matières albumi-
uoïdes et la transformation de celb-s-ci en peptone, de manière à pouvoir ensuite utiliser
cette dernière au cours de son développement.
De Freudenreich (36-39) a conclu de ses recherches que les ferments lactiques sont,
en effet, doués du pouvoir d'attaquer la caséine et de la transformer en substances
albuminoïdes solubles et en amides; à ce point de vue, soit seul, soit avec Thôni, il
accorde aux ferments lactiques un rôle important dans le processus de la maturation
des fromages, surtout des fromages cuits.
Tous les ferments lactiques, sans exception, ne sont d'ailleurs pas susceptibles de
peptoniser la caséine et Gori.ni (43), étudiant la Jlore du fromage de (irana, classe pré-
cisément les espèces prédominantes rencontrées dans ce dernier en ferments lactiques
proprement dits, c'est-à-dire ferments du lactose, capables d'acidifier le lait sans
peptoniser la caséine et en ferments du lactose et de la caséine, qu'il appelle acido-
présamigènes peptonifiaiits, capables dacidifier et de peptoniser le lait.
Produits formés au cours de la fermentation lactique. — Il est bien évident
que l'on ne doit envisager à ce point de vue que les produits susceptibles de se pro-
duire au cours d'une fermation lactique microbiologiquement pure; ainsi, la présence
d'acide butyrique signalée par les anciens auteurs doit être évidemment rattachée à un
processus différent, celui vie la fermentation butyrique, dont les germes ont été apportés
par contamination ou par une semence impure.
Formation de divers acides lactiques. — Pendant longtemps, on a cru que
l'acide provenant des fermentations était toujours l'acide lactique inactif.
ScHARDiNGER signala le premier la formation d'acide lactique gauche dans une fer-
mentation lactique. Nencki et Sieber, qui avaient trouvé que leur Micrococcm acidi para-
lactici ne donnait que de l'acide droit, avaient pensé que cette propriété' devait caracté-
riser leur ferment.
On n'a pas tardé à s'apercevoir que l'acide formé ne ])eut servir de caractère de
différenciation, contrairement à ce que pensaient ces derniers auteurs. Pkhk (90 , à
propos de recherches sXir le Bacterium coli commune, — qui n'est pas à proprement
parler un ferment lactique vrai, mais qui cependant produit aux dépens des sucres de
l'acide lactique (d'autant plus abondamment que l'accès de l'air est plus facile), — a
vu que la liqueur fermentaire obtenue en partant du glucose d dévie à droite le
plan de la lumière polarisée, mais que, dans les mêmes conditions de fermentation, le
lévulose conduit à une solution lactique inactive. Ce résultat montre donc que, toutes
autres influences étant d'ailleurs écartées, la propriété de fournir un acide lactique de
rotation déterminée est en même temps fonction du microbe et de la matière ferraen-
tescible.
Pérk (91) a démontré ensuite qu'un même microbe peut faire des acides lactiques
opposés par leur pouvoir rotatoire, ou même consommer le glucose sans donrier de
l'acide lactique, et cela suivant la qualité et la quantité de l'azote nutritif qu'on lui
ofTre. Il a opéré sur 4 microorganismes (bacille typhique, coli-bacille /, coli-bacille d,
microbe d) possédant tous le caractère commun de donner de l'acide lactique gauche,
par l'attaque du glucose d en présence des sels ammoniacaux; en substituant, dans les
LACTIQUE (Fermentation). 789
liquides nutritifs, de la peptoiie aux sels ammoniacaux, il ;i vu (|uo le bacille typliiquo
et le coli-bacille / continuaient toujours à donner de l'acide lacliquo lévogyre, tandis
que le coli-bacille d et le microbe o donnaient alors de l'acide lactique dextrogyre.
i.i's rocliercbes de Kayskh qui ont porté sur 14 ferments différents ont été absolu-
ment coiitirmatives de celles de Picni':; elles ont abouti à celte conclusion qu'avec le
même sucre les acides lactiques produits par le inéine microbe peuvent être diflércnls
dans des milieux dillerenls. Un peut cependant remarquer que les ferments delà crème,
peu actifs pour la plupart, donnentde préférence de l'acide droit dans tous les milieux;
les ferments de la distillerie, plus puissants, donnent de préférence des acides inactifs
dans les milieux usuels au saccbarose et au maltose; mais ils peuvent donner aussi des
acides droits; le ferment n, on particulier, a paru très variable, il a donné a;issi facile-
ment de l'acide inactif que de l'acide droit.
Comme les diverses recliercbes qui pré^cèdent ont été faites sur îles ferments à ren-
dement en général peu élevé, on pourrait peut-être penser que les ferments pioduc-
teurs d'acide lactique commencent tous par donner aux dépens du sucre de l'acide
inactif; les uns, capables de détruire cet acide, brûleraient, avec des vitesses variables,
selon les conditions de la culture, l'un des deux isomères et aboutiraient ainsi à des
résidus actifs; les autres, hors d'état de consommer l'acide lactique, laisseraient intact
celui qu'ils ont une fois formé. Pottkvi.v (92) a montré qu'une telle façon de concevoir
les choses serait tout à fait erronée; il résulte en effet de ses recherches qu'un ferment
lacti(iue peut, tout en conservant ses «lualités de ferment lactique vrai, donner naissance
à un' acide actif, celui-ci représentant plus de 80 pour 100 du sucre détruit; la nature
de Vacide formé n'est sous la dépendance directe ni de la fonction chimique, ni de la
constitution de l'hydrate de carbone dont il dérive.
Gomme le dit Duclaux, tous les cas sont donc possibles, ce qui signifie que nous
n'en savons pas la loi. Cela n'est pas surprenant, parce que nous voyons que trois
inlluences au moins se superposent pour commander la nature de l'acide lactique pro-
duit: le ferment, la matière alimentaire bydrocarbonée, la matière alimentaire azotée.
Autres produits formés au cours de la fermentation lactique. — Les divers
produits qui sont susceptibles d'apparaître à côté de l'acide lactique sont assez nom-
breux; on a signalé l'hydrogène, l'anhydride carbonique, l'acide formique, l'acide acé-
tique, l'acide succinique, l'alcool éthylique, la mannile, l'acétone, etc.
Le plus important et le plus constant de ces produits, celui qui se rencontre dans
toutes les fermentations lactiques sans exception, et parfois en assez grande proportion,
est l'acide actUique. Cet acide acétique, dans beaucoup de cas, peut d'ailleurs être con
sidéré comme un produit secondaire de la fermentation lactique :
CH:î. CHOH.COOH + 02z=CtI3.COOH + H^O +C0^
Celle équation explique en même temps la formation d'aidiydride carbonii|ue.
Mécanisme de la formation d'acide lactique aux dépens des hydrates de
carbone. Diastase lactique. — On a indiqué précédemment que la formation d'acide
lactique avait été observée à partir d'un grand nombre de principes immédiats, appar-
tenant non seulement au groupe des hydrates de carbone, mais même à celui des
matières albuminoïdes. Les réactions qui aboutissent à la formation d'acide lactique
sont donc très complexes à partir de certains de ces principes et les faits observés
jusqu'ici sont trop peu précis pour qu'on puisse essayer de les formuler. Il nous faut
seulement envisager les hydrates de carbone les plus simples en C' ou multiples de C".
BouRijUELOT (12) a trouvé que le saccharose subissait la fermentation lacti(jue sans
dédoublement préalable visible; il en est de même dans beaucoup de cas du sucre de
lait et du maltose qui paraissent transformés directement en acide lactique; cependant,
le bacille bulgare (G. Bertrand et G. Wkisweiller i dédouble visiblement le lactose en
glucose et galactose avant de le transformer en acide. Il peut se faire d'ailleurs qu'il y
ait, pour tous les polysaccharidtis, dédoublement préalable, mais que celui-ci suffise
seulement ;'i la consommation par le ferment, de telle sorte qu'on n'en voie point appa-
raître les produits au cours de la fermentation.
790 LACTIQUE (Fermentation).
Lorsqu'on considèje la production d'acide lactique aux dépens des sucres>en C«, une
t'quation très simple peut l'exprimer :
Aussi l'hypothèse d'une diastase lactique dédoublante avait-elle été depuis longtemps
envisagée par un certain nombre de savants (Hoppe-Seyleu, JSiiO; Hillroth, 1877).
Kayser, qui avait soumis cette hypothèse au contrôle de l'expérience, avait été amené à
conclure de ses recherches qu'une telle diastase ne semblait pas exister.
En réalité, une telle diastase existe, d'après les recherches d'Ed. Bichner et J. Mej-
sENHEiMER (1903) et celles de Herzog (1903). Buchner et Meisenheimer (17) ont centrifugé
des cultures de Bacillus Delbrucki (Leichmann). Le dépôt a été traité ensuite par l'acétone,
puis par léther, desséché dans le vide et enfin broyé avec du sable et très peu d'eau.
En ajoutant la masse ainsi obtenue à une solution do saccharose additionnée de craie et
de toluène, il s'est formé de l'acide lactique qui a été caractérisé à l'étal do sel de
zinc. A vrai dire, les quantités d'acide lactique ainsi produites étaient faibles, mais elles
résultaient exclusivement de l'action des produits de sécrétion du ferment, car les essais
de culture faits avec les produits broyés n'ont donné aucun résultat.
Herzoo (o3) agite avec de la terre d"infusoiies des cultures pures de B. acidi lactici,
de façon à obtenir une masse facile à essorer .qui est pressée et triturée ensuite avec
de l'alcool méthylique fortement refroidi; après quelques minutes de contact, le liquide
est décanté et la masse, lavée plusieurs fois avec de l'éther, est essorée et séchée. On
obtient ainsi une matière blanche, pulvérulente, inodore, capable de transformer ja
lactose en acide lactique.
Stoklasa (114 et Ho) a annoncé en 1905 qu'il avait pu isoler une diastase lactique
de certains végétaux supérieurs, on précipitant par l'alcool et l'éther le suc de divers
organes.
La formation d'acide lactique dans l'organisme animal, en particulier dans les
muscles, doit être vraisemblablement rattachée à un processus enzymotique de même
ordre.
Mécanisme de la formation de quelques sous-produits de la fermentation
lactique. — L'acide acétique, comme on l'a déjà vu, peut être produit aux dépens de
l'acide lactique lui-même, primitivement formé. Il peut également résulter de l'action
sur le sucre de la diastase acétique, dont l'existence a été démontrée, comme celle de
la diastase lactique, jiar Bcchner et Meisenheimer. Enfin il peut provenir de l'oxydation
de l'alcool, qui se forme dans certaines fermentations lactiques et dont la production
est sans doute liée à la sécrétion, par le ferment, de la zymase alcoolique.
Pour la formation de la mannite trouvée en forte proportion dans certaines fermen-
tations lactiques, on pourrait admettre l'équation proposée par Gayon et Dubourg (40)
dans leurs recherches sur le ferment mannitique :
13C6H1206 -I- 6H20^i2C6Hi*06 + GCO^
ou encore l'une de celles proposées par Mazé et Perrier (78).
La formation d'acide propionique peut s'expliquer par décomposition directe du
sucre :
7 CeH»20« = 12C3H602 + 6C02 + 6H20
L'acide formique pouri'ait provenir d'une décomposition de l'acide lactique d'après
l'équation.
2C3H603 = C3H602 + C2Hi02 -f CH202
ou de l'oxydation de l'acide lactique :
C3H603 + 0 = C2Hi02 -H CH202
Marche de la fermentation lactique. — Duclaux a exposé au point de vue
théorique comment on peut concevoir la marche d'une fermentation lactique ; il s'est
LACTIQUE (Fermentation). 791
efforcé dv dégager quelques iilées générales de la masse; énorme des expériences
accumulées à ce sujet; nous les résumerons dans les lignes suivantes :
Ensemençons un ferment lactique vrai dans un liquide sucré, en nous assujettissant
aux deux conditions suivantes : d'abord la dose de sucre ne dépasse pas un niveau tel
cjue le ferment no puisse la faire entièrement disparaître; en second lieu, le ferment
est sans action sur l'acide lactique formé. Dans ces conditions, nous constatons qu'à
partir du moment où la multiplication du fermeni, très active surtout pendant les pre-
mières heures, est terminée, la courbe de l'action devient tout à fait régulière; si on
prend pour abscisses les temps et pour ordonnées les quantités d'acide lactique formé,
elle aura la forme générale d'une logarithmique ; le rendement en acide lactique ne
sera pas de 100 p. 100; il y aura une perte due aux matériaux absorbés par la cellule
pour sa construction ou sa nutrition ; mais cette perte ne sera jamais tiès grande; les
rendements pourront être voisins de 9!J p. 100. La courbe obtenue représentera l'activité
du ferment.
L'expérience précédente ne nous donnera, par contre, aucune idée de la puissance
du ferment; pour étudier celle-ci, il faudra répéter l'expérience en faisant dissoudre dans
le liquide une quantité de sucre telle que le ferment lactique ne puisse la transformer
tout entière. La limite d'acidité, qui mesure la puissance du ferment, sera atteinte
après un temps plus ou moins long, variable suivant les microbes considérés ; mais,
pour le même microbe, la puissance pourra d'ailleurs varier suivant la nature du sucre,
celle de la matière albuminoïde présente, la température, etc., etc. Si ion peut dire,
d'une manière tout à fait générale, que la fermentation lactique, dans les milieux
minéraux, cesse lorsque la proportion d'acide lactique produit atteint environ 0,80
p. 100, on constate cependant que, dans le lait, à 40°, cette quantité peut atteindre 1,60
p. 100 et même 4 p. 100 dans du lait dont la caséine a été préalablement peptonisée
par: du suc gastrique (Ch. nicHEx). Si on ajoute du carbonate de calcium, on pourra faire
facilement fermenter des solutions sucrées dont la teneur atteindra même 100 grammes
par litre, l'acide lactique étant saturé au fur et à mesure de sa production.
Avec certains ferments lactiques ou dans certaines conditions de fermentation,
l'acide lactique produit peut être utilisé par le ferment qui l'a formé; il joue alors le
rôle d'un produit transitoire et la courbe qui mesure l'activité d'un ferment pourra,
dans ce cas, comme l'a montré Kavser, présenter toutes les formes possibles. Ainsi le
ferment g de cet auteur se comporte dans le jus d'oignon comme un ferment lactique
vrai; il n'utilise pas l'acide lactique formé et sa puissance est assez élevée. Dans le lait
peptonisé, étendu de son volume d'eau et contenant environ 2 p. 100 de lactose, il
n'élève pas l'acidité au-dessus de 0,3 p. 100 et son activité est devenue très faible.
Quelques exemples de fermentations lactiques trouveront utilement place ici; ils
représenteront bien au lecteur, sous une forme concrète, l'allure de la fermentation
lactique. Nous emprunterons ces exemples aux recherches de Poitevin, poursuivies
avec un ferment isolé du jus d'oignon.
Exemple d'une fermentation avec le lactose. — Le lactose utilisé avait été obtenu
pur par des cristallisations successives dans l'eau; il possédait un pouvoir rotatoire de
-t-bo°,l à20o.
Des ballons contenant chacun :
Eau 200
Peptone 2
Lactose 8,86
Carbonate de chaux 12
sont ensemencés et mis à 3.'»°. Au bout de vingt-quatre heures, ils sont le siège d'un
dégagement actif d'acide carbonique; en prélevant de temps à autre un ballon, on
obtient :
Sucro Aciile volatil
Durée Jn la fermentation. consomme. .\cidc lise, (acide formiquc).
3 jours 4,66 4,4 0.10
0 — 6.;;2 6,2 0,14
12 — 8,86 8,0 0,16
702 LACTIQUE (Fermentation).
Le contenu de trois ballons pris au 12* jour a été mélangé, l'acide tixe extrait à
l'étlier. On a obtenu :
Sultc consommé 2G,.'i8
Acide fixe 26,00
Acide volatil 0,:"j
L'acide lactique est de lacide inactif; il représente 97,7 p. 100 du sucre détruit.
L'acide volatil de la culture, qui était de l'acide acétique lorsque le ferment se déve-
loppait dans la peptone seule, devient de l'acide formique lorsqu'il se produit aux
dépens du sucre.
Expérience avec le saccharose. — Le saccharose mis à fermenter en présence de
1 p. 100 de peptone se comporte comme le lactose.
lOP'J ont donné après lo jours :
Sucre détruit KM
Acide lactique 0,8
Acide volatil 0,12
Lacide est inaclif.
Expérience avec le mallose. — L'auteur a employ-' du mallose industriel purifié par
cristallisation dans Lalcooi, de pouvoir rolatoire aD=+ 140°.
Quatre ballons ont reçu chacun 200 centimètres cubes d'une solution sucrée conte-
nant 11"'", 40 de maltose, du carbonate de chaux et en outre :
*
Ballous. Poptono.
irr.
1 2
II 1
111 0.S4
IV !i.i;<i
Dans les ballons I et II, la fermentation, très rapidf au début, a paru terminée vers
le dixième jour. Les quatre ballons repris au Iiout d'un mois ont donné :
Ballons.
I
II
III
IV
Le contenu des ballons I et II mélangé a donné de l'acide inactif; le ballon IV a
donné de l'acide di'oit.
On voit nettement dans cette expérience que le ferment qui donne en présence
d'une certaine dose de peptone de l'acide inaclif, donne, avec une dose à peine plus
faible, de l'acide droit. Comme, d'autre part, le poids d'acide obtenu représente
88 p. 100 du poids du sucre consommé, il faut bien admettre qu'il ne s'est pas formé
d'abord un acide inactif dont la partie gauche aurait été utilisée par le ferment, mais
bien que le corps actif est formé directemenl aux dépens du maltose.
Action de divers agents physiques et chimiques sur la fermentation,
lactique. — L'action de la température a été envisagée précédemment; nous avons
constaté, en particulier, que l'optimum de la fermentation lactique était susceptible de
varier suivant les ferments considérés.
P. Lassablière et Ch. Richet (100 et GO) ont vu que la lumière diffuse du jour n'in-
fluence pas la fermentation lactique du lait.
Il en est tout autrement des rayons j)^iOsphorescenti ; les mêmes auteurs ont étudié
à ce point de vue l'action du sulfure de calcium phosphorescent sur la fermentation
Sucre consomme.
A
eide lixp.
Acide volatil
11,4
10.8
0.14
M, 4
10,6
0,16
o.t;
9,2
>.
3.4
3.0
0,11
LACTIQUE (Fermentation). 7!i3
Indique. Ceflo iiillui-ncc csl d'ailh'Uis^ iclaliviMin'iit faillie, cl, si l'on onipUtio un tVn-
nieiil lacliqiie Uî-s aolif, riiitlueiicc quo rolui-ci subit de la part du sulfuic de «iilciuni
peut passer inapereui' on même se jiroduire dans un st-ns dilloicnt de celtii qu'on
observe avec un Ici nniil i\t' faible activité. Plusieurs séries d'expériences faites sur du
lait non slt'-rilisc oui innntn', en elTet : 1" que le sulfure de calcium, au début, active la
IVrmcnlalion du lait unnnal; 2" que, plus tard, il ralentit cette fermentation. Des
expériences conduites sur du lait ensemencé par un ici inciil lat;tique pur ont établi
d'autre part que, suivant les conditions de Texpérimentation, on pouvait observer soit
une accélération, soit un ralentissement de la fermentation. Quoi qu'il en soit, la
moyenne des cas exposés indique que le sulfure de calcium phos[tliorescent exerce une
action sur la fermentation lactique. Des rechercbes spéciales ont démontré que l'atté-
nuation du ferment par la chaleur le rend plus sensible à celte action et retarde la
fermentation lactique.
Comme tous les microor,?anismes, les ferments lactiiiues sont détruits par les
rayons itltra-tiolcls. Cette destruction pouvant même se faire dans le lait, V. Hkmu et
Stobel (32) ont indiciué l'emploi des radiations ultia-violettes comme moyen d'obtenir
la stérilisation complète de ce li([uide, sans élévation notable de la température.
D'après SiGMUND (111), l'ozone, à moins d'être introduit à des doses assez considé-
rables, ne fait que retarder, sans l'empêcher, la coagulation du lait ; il ne saurait donc
être conseillé comme un moyen de conservation de celui-ci.
Action des antiseptiques et de divers sels métalliques sur la fermenta-
tion lactique. — De nombreux auteurs ont étudié l'action des antiseptiques sur la
fernuMjtation lactique, en se plaçant au point de vue exclusif de la conservation du lait,
de sa non-coagulation pendant un temps plus ou moins long; la question ainsi envi-
sagée, éminemment intt'ressante du côté pratique, a beaucoup moins d'importance au
point de vue théorique ; elle sort d'ailleurs du cadre proprement dit de la fermentation
lactique ; c'est avant tout une question d'hygiène alimentaire; nous ne la tiaiterons
donc pas ici. Il faut reconnaître d'ailleurs qu'elle a beaucoup perdu de son intérêt en
ces derniers temps, les moyens purement physiques étant devenus à peu près exclusi
vement les seuls procédés utilisés pour la stérilisation et la conservation du lait destiné
à l'alimentation.
I>'étude théorique de l'action de différents antiseptiques sur le ferment lactique a
été l'objet de recherches de H. Meyer (79). Cet auteur s'est servi comme liquide renfer-
mant la bactérie lactique d'un petit-lait provenant de lait spontanément coagulé entre
18 et 2b». Ce petit-lait était d'abord soumis pendant plusieurs heures à l'action de
quantités connues d'antiseptique, puis ajouté à du lait préalablement stérilisé par la
chaleur. Dans ces conditions, lorsque l'addition du petit-lait n'(''tait pas suivie au bout
d'un temps convenable de la coagulation du lait, c'est que la bactérie avait été tuée
par la dose d'antiseptique employée. Les résultats de ses expériences sont résumées
dans le tableau ci-dessous; elles donnent seulement des indications sur la résistance
aux antiseptiques du ferment lactique vivant dans le petit-lait. Les chiffres repré-
sentent le rapport de la substa'nce antiseptique (en poids pour les solides, en volume
pour les liquides) au pelit-lait en volume, qui empêche toute coagulation ultérieure du
lait stérilisé :
Bichlorurc de mercure ... 1 [inuf ,'U)l)()
Iode 1 — 1000
Acide cyaDliyarique 1 — H'-V-i
F'^sscnce d'eucalyptus .... 1 — 400
Hrome I — :{48
Kssence de mouiardc .... 1 — J"JO
Acide salicylique I — 200
.\cido sulfureux I — l-iH
.Vcide Ijenzoïquc I — l-'i
Cldorui'C de calcium ! — ■'> >
Créosote i — ."jO
Tiiymol 1 — ;iO
l'hénol I — 20
Borate de sodium 1 — 20
Henzoatc de sodium I — 10
794 LACTIQUE (Fermentation).
Avec l'alcool, la glycérine et le chloroforme, il a fallu employer des proportions de
substance supérieures à celle du petil-lait pour empêcher toute action ultérieure du
ferment. A propos du chloroforme, Cii. Riciiet {9Qhis) a montré d'autre part que l'addi-
tion au lait d'un volume de chloroforme ou de benzène n'empêche pas la formation
de l'acide lactique; elle la retarde seulement dans une certaine mesure. Si on prend
un mélange de 5 volumes de benzène et de i volume de chloroforme, on obtient un
liquide dont la densité est voisine de celle du lait, qui s'émulsionne facilement avec ce
dernier et empêche alors presque complètement la fermentation lactique.
L'action des sels métalliques et des antiseptiques a été l'objet de la part de
Gii. RiGiiET de recherches méthodiques très étendues; l'activité de la fermentation
lactique pouvant être mesurée au moyen de procédés analytiques relativement simples
(titrage de l'acidité), on comprend que cette fermentation ait été choisie de préférence
à d'autres par cet auteur, que ses recherches sur ce sujet ont conduit à des conclu-
sions d'un puissant intérêt biologique.
Gh. Richet (95) dans un travail sur l'action physiologique des métaux alcalins avait
fait les observations suivantes :
(> Il est à remarquer que les doses de 10 grammes el de 15 grammes de sel par
litre, au lieu de ralentir la formation d'acide lactique, laccélèreni dans une pro-
portion assez notable.
■< Le chlorure de lithium lui-même, qui est cependant doué de propriétés toxiques
si puissantes vis-à-vis du ferment lactique, est capable à de très petites doses de
stimuler la fermentation. ».
En 1892 (96), le même auteur étudiant l'influence de divers sels métalliques sur la
fermentation lactiquf a pu établir les faits suivants :
I. — Certains sels uK-talliques, même à très faible dose, ralentissent le développe-
ment du ferment; par exemple, le sulfate de cuivre et le bichlorure de mercure à la
dose de 0*''^001 par litre.
IL — Il y a une autre dose empêchante qui est tout à fait différente de la dose
ralentissante. Ces deux doses sont dans un rappoi-t variable pour chaque substance
métallique. Soit 100 la dose empêchante, la dose ralentissante est de 1 pour le bichlo-
rure de mercure, 10 pour le sulfate de zinc et 15 pour le chlorure de magnésium.
m. — A dose plus faible que la dose ralentissante, les métaux exercent tous (même
les plus toxiques) une action accélératrice. Ainsi le sulfate de cuivre et le bichlorure
de mercure sont accélérateurs à la dose de O^^'^OOOo par litre ; le perchlorure d'or et le
perchlorure de platine à la dose de 0*^^00o ; le chlorure ferrique à la dose de 0^''%5 et le
chlorure de magnésium à la dose de 20 grammes.
Il y a donc pour chaque poison : 1° une dose indifférente beaucoup plus faible que
celle, que l'on admet en général, et qui, pour les sels de mercure et de cuivre, est infé-
rieure à os '",00025 par litre; 2° une dose accélératrice; 3° une dose ralentissante; 4° une
dose empêchante.
IV. — L'effet toxique du poison porte moins sur l'activité chimique propre du fer-
ment que sur sa puUulation; car, en présence d'une grande quantité de germes, la
dose ralentissante est beaucoup plus forte que si l'ensemencement a eu lieu en présence
dune trace de semence.
Ch. Richet a montré en même temps quune loi biolo(jique semble se surajouter à la
loi chimique de toxicité des métaux. Ainsi certains métaux, qui sont chimiquement très
semblables, sont de toxicité très différente suivant qu'ils sont rares ou communs. Les
métaux rares, auxquels le ferment n'est pas accoutumé, paraissent plus toxiques que
les métaux communs. Un exemple très frappant est celui du zinc et du cadmium qui
sont chimiquement très proches l'un de l'autre; le sulfate de zinc à la dose de 1 gramme
n'empêche pas le développement que le sulfate de cadmium arrête définitivement à la
la dose de Ok%15. Il faut Ot^'^SO de sulfate de zinc pour obtenir le même ralentissement
que donne Oe%0075 de sulfate de cadmium. De même, la molécule d'un sel ferrique ou
d'un sel manganique est cent fois moins toxique que la molécule d'un sel de cobalt o«
de nickel.
Gh. Richet (99) a longuement poursuivi sur la fermentation lactique l'étude de la
loi biologique de la toxicité des corps simples. Il a été ainsi amené à considérer qu'il
LACTIQUE (Fermentation).
im
existait en quelque sorte quatre familles de nu-taux au point de vue de leur diffusion
dans la nature : dos métaux trt'S répandus, K, Na, Ca, M^; des métaux inodiréinent
r('-pandiis, l-'o,.\!n; dos métaux assez rares, Zn, l'b ; dos môtaux rares, Cu ; or, les toxi-
citi'-s moyennes de ces divers métaux, prises naturellement dans des conditions oxpéri-
mentales identiques et exprimées on dix-millièmes de moléculo-gramme par litre sont
voisines de 2500 pour les métaux très communs, de 500 pour les métaux modérément
réi>andtis, de 100 pour les métaux assez rares, de 25 pour les métaux rares.
Cii. Mrrc.HELL et Ch. IIichet (80) ont montré que le ferment lactique était susceptible
do s'accoutumer aux poisons; sa vitalité d'abord fortement atténuée par le poison se
relève rapiilomont pour atteindre cello d'un organisme placé dans des conditions nor-
males.
Ch. KicHET et Chassevant (20) ont déterminé pour un certain nombre de métaux (pris
à l'état de sel) la dose antûjc né tique et la dose antibiotique par rapport à la fermenta-
tion lactique; ils appellent dose antigénétique la proportion de métal capable d'empê-
cber la fermentation lactique de s'établir dans des milieux qui contiennent de nombreux
ferments ; quant à la dose antibiotique, c'est celle (jui peut arrêter la fermentation
dans des milieux contenant de nombreux ferments en pleine activité.
Les expériences étaient faites sur un petit-lait neutralisé et stérilisé, additionné de
son volume d'eau et ensemencé au moment voulu (dose antigénétique) et sur du petit-
lait en pleine fermentation lactique depuis vingt-quatre beures, neutralisé au moment
de l'expérience (dose antibiotique).
Voici le résumé des résultats obtenus; les valeurs indiquées se rapportant à
1 000 centimètres cubes :
en grammes.
Magnésium 12
Lithium 3,5
Calcium 12
Strontium 21,87
Baryum 34,3
Aluminium 1,43
Manganèse 0,704
Fer 0,448
Plomb 1,35
Zinc 0,33
Cuivre 0,189
Cadmium 0,19
Platine 0,0987
Mercure 0,0738
Nickel 0,0148
Or 0,03144
Cobalt 0,0074
Valeur
de la dose
antibiotique
(;n faisant
;énétique
Dose antibiotique
dose
— i
antigénctique
en molécules.
en grammes.
on molécules.
-^1.
0,3
36
1,5
3
0,25
7
0,3
2
0,15
32
0,4
2,3
0,123
43,75
0,23
2
0,125
68,6
0,25
2
0,026
2,05
0,037
1.4
0,0064
0,939
0,0083
1,3
0,004
.0,36
0,003
1.2
0,0036
2,3
0,0061
1,T
0,0025
0,436
0,0033
1,4
0,00J5
0,189
0,0015
1
0,000848
0,477
0,0021
2,3
0,00023
0,290
0,00073
3
0,000184
0,0738
0,000184
1
0,000134
0,0237
0,00021
1.6
0,00008
0,0648
0,000163
2
0,000062
0.0074
0,000062
1
Dans des rechercbes très étendues, basées sur un nombre considérable d'expériences
permettant de prendre des moyennes homogènes et utilisant des méthodes de dosage
de l'acidité du genre de celles décrites à propos de l'action de l'air sur la fermeniation
lactique (gamme des teintes de virage de la phtaléine), Ch. Richet (98) a pu démontrer
linllucnce indéniable de doses très faibles de substances diverses sur la fermentation
lactique. Après avoir vu que des quantités d'émanation de radium certainement très
inférieures à un millième de milligramme par litre étaient très actives sur la fermen-
tation lactique, il a pensé que de très faibles doses d'autres substances auraient peut-
être aussi un effet sensible.
En fait, le formol agit encore sur la marche de la fermentation lactique à la dose
invraisemblable d'un millième de milligramme pour 1000 litres.
La fermentation lactique du lait est modifiée par simple addition de 20 gouttes
d'eau ordinaire (à 0*'''",i825 de sel par litre) pour 1000 centimètres cubes.
T96 LACTIQUE (Fermentation).
Avec le baryum, on constate une acctUération légère de la rermentation la(Un[ue à la
dose de OK'\Oo6oOt par litre.
En appelant s la dose par litre de Os',! de sel métallique (ou 10-'), ou peut mettre
dans des liqueurs lactées (lait pur dilué de trois fois son volume d'eau) des doses de ç-,
ou «■\ ou ç*, etc., répondant à des doses de Ob'", 01, Ob^OOI, Oer^oOOl par litre, etc. On
constate une influence très nette des sels ou substances étudiés ^sels d'argent, de
cobalt, de manganèse, de nickel, de platine, de vanadium, etc.,) à la dose de <f'',
soit 1 milligramme dans 1 000 mètres cubes; il a pu même être établi avec des mélanges
de sels que la dose de ç" (mol.) répondant à peu près à ç" en poids pour la totalité
des sels est encore capable d'exercer une certaine influence.
Voici quelques conclusions générales des rechercbes de On. Riciiet relatives à cette
action de doses minuscules sur la fermentation lactique :
1. Pour des doses fortes (o"^, œ^, o'^), il se produit un ralentissement (H) de la fermen-
tation; c'est là le phénomène connu de l'action ralentissante des sels de platine, argent,
mercure, etc.
2. Pour des doses moyennes (s', ç"), il se fait une accélération (A)i du processus
fermentaire. Ce fait est devenu classique ; tout antiseptique à faible dose accélère la
feniientation.
• 3. Une dose encore plus faible détermine d'une façon constante un ralentissement
secondaire {\V;.
4. Si la dose est extraonlinairemenl faible (ç^, z^' , il se fait une accélération secon-
daire (A').
Il s'agit là de lois générales s'appliquant au.x divers métaux étudiés, sauf toutefois
au thallium qui se comporte un peu différemment aux doses caractéristiciues de l'accélé-
ration secondaire (s''). Voici par exemple les résultats obtenus avec le chlorure de
vanadium.
.\cidité.
Témoin. . . 100 ,
? «:i )
q;2 06.2 ' R
y» 09,4 )
?* !'"' / A
ç5 103,() \
9» 101,4 R'
9' 102.4 ^
5» 104,4 A'
çfl 103,5 )
^<i 100.1
Il semble qu'il y ait deux actions successives de l'antiseptique, une première action
chimique, toxique, caractérisée par le ralentissement et l'ac.cé'.éralion primaires; une
seconde action électrique (ou autie) caractérisée par le ralentissement et l'accélération
secondaires, et se produisant au moment où l'alonic se dissocierait en forces électriques
puissantes (?).
On peut se demander d'ailleurs si ces actions secondaires ne sont pas encore des
actions chimiques agissant non plus tant sur le phénomène chimique proprement dit
de la transformation diasiasique du lactose en acide lactique que sur le phénomène
biologique de la croissance du ferment.
On entrevoit, d'après ce qui précède, toute l'imporlance physiologiijue des faits
trouvés par Ch. Richet, relatifs à l'influence des doses minuscules sur la fermentation
lactique.
La facilité relative avec laquelle on peut mesurer l'activité de la fermentation
lactique a été utilisée aussi par M. Trillat (120) dans des recherches concernant
l'influence exercée sur les microbes par les fermentations putrides. Les ferments lac-
tiques exposés pendant quelques heures aux gaz dégagés de 10 centimètres cubes de
bouillon en putréfaction étaient ensuite ensemencés dans du lait écrémé, stérilisé et
étendu au tiers. Les ferments lactiques ainsi traités ont poussé beaucoup plus vite que
les témoins exposés à l'air normal; l'ambiance des atmosphères putrides essayées
(neutres, sans trace appréciable d'ammoniaque) a donc été très favorable aux ferments
LACTIQUE (Fermentation). 7!»7
lat'liiiucs; par l'ontro, si on proloiiirt^ trop lont;lemps ro.\[)osilion aux alniosplirips pré-
cétlcnles, on constate une action antis('pti(iii('.
Quelques applications spéciales des ferments lactiques. - lîn deliors du nMe
consi(lt''raltl(> Joué par les fcrnienls lactiques dans les industries se rattachant à la bras-
serie, à l.i laiterie, à la distillerie, etc., nous devons mentionner, sans y insister d'ailleurs,
certains modes d'utilisation hases sur la concurrence vitale, qu'ils sont capables d'exer-
cer avec succès vis-à-vis il'autres niicroor<;nnismes inutiles oti nuisibles. Dans heaucouj)
de cas, ils aj:,'issent surtout en créant un milieu ac'ulc. défavorable à la croissance de
nombreuses bactéries, celle de la putréfaction en particulier. .Vinsi, (lnoi.iiois (2i)) a pré-
conisé l'enseniencement des silos de fourrap-es veilsou de pul[)es industiiellesau moyen
de ferments lactiques de manière à protéger ib-liiiilivement ces produits contre l'invasion
dés microbes nuisibles.
C'est dans le but de lutter contre les microbes dani^ereux contenus dans l'intestin
que les ferments lacli(]ues sont utilisés en thérapeutique sous des formes très diverses
(laits caillés, bouillons de cuUuies, poudres, comprimés, etc.). Nous n'avons pas à traiter
cette question (|ui est du ressort purement médical; nous signalerons seulement la
difficulté d'obtenir des préparations thérapeutiques stables et durables, c'est-à-dire
contenant toujours des bacilles vivants et suffisamment actifs.
Bibliographie. — l.es lr;ivaux cités sont rangés dans Tordre ;ilpli.ilii'ti(iue des
noms d'auteurs. Les numéros correspondent aux renvois contenus dans le corps de
l'article. Nous avons intliqiié dans cette bibliographie un certain nombre de mémoires
qui, bien ([ue non cités expn^ssément dans ce dernier, jieuvent cependant présenter
quelque intérêt au point de vue de la fermentation et des ferments lactiques.
1. Barthel. Contribution à la connaissance de ta repartition des ferments lactiques en
dehors du lait {Revue (jcncrak- du lait, n°^ 10, H, 12, 1906). — 2. Beijerinck. Over mcl-
krunrgloting in melk [Koninklijhc Acad. v. Wetenschappen, avril 1907) ; — 3. Fermenta-
tion lactique dans le lait [Arch. Néerland. Se. exactes et natur., (2), xiii, 3o6-378, 1908; —
4. — Sur les ferments lactiques de l'industrie [Arch. Néerland. Se. exactes et natur., (2), vi,
212-243, 1901). — 5. G. Belonowski. Ueber die Prùdukte des Bacteriiim coli commune in
Symbiose mit Milchsdurc-bacillen und unler einigen anderen Bcdinguwjcn. [Biochcm. Ztschr.,
VI, 251-271, 1907). — 6. A. Bensch. Ueber die Darstellung der Milchsdure und Buttersdure
\Ann. derChem. u. Pharm., Lxr, 174-178, 1847. Voir une modification du procédé de Bensch,
d'après Lautemann; id., cxni, 242-244, 1860). —7. G. Bertrand et F. Dlciiacek. Action du
ferment bulgare sur les principaux sucres {Ann. Inst. Pasteur, xxiii, 402-414, 1909. — 8.
G. Bertrand et R. Veillon. Action du ferment bulgare sur les acides monohasique.s dérivés
des sucres réducteurs (C. R. Ac. des Sciences, clh, 330-332, 1911). —9. G. Bertrand et
G. Weisweiller. Action du ferment bulgare sur le lait [Ann. Inst. Pasteur, xx, 977-991,
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l'intestin de l'homme [C. R. Soc. BioL, lx, 558-560, 1906. Voir aussi d'autres mémoires
publiés dans le même recueil en février et mars 1906). — 24. Alfred Me Conkey. Lac-
tose fermenting Bactérie in f accès {Journ . ofHyg., v, 333-379, 1001); Further observations
on the différenciation of lactose-fermenting bacilli, ivith spécial référence to thosc of intesti-
nal origin [Journ. of Hyg., ix, 86, 1909). — 25. J. Crolbois. \Conservatio7i et augmentation
de digestibiiité des pulpes de distillerie et de sucrerie en fosse, ainsi que des fourrages verts
ensilés par une fermentation rationnelle par ensemencement [C. R. Ac. des Sciences, gxlix,
411-412, 1909. Voir aussi Revue scientifique, l, 53-54, 1912). — 26. P. Darbois. Résis-
tance du Micrococcus melitensis pendant la fermentation lactique dans le laitage {C. R.
Soc. BioL, Lxx, 102, 1911). — 27. Denys et Martin. Sur les rapports du Pnewnobacille
de Friedlaender, du ferment lactique et de quelques autres organismes avec le Bacillus
lactis aerogcnes {La Cellule, ix, 261-293, 1893). — 28. E. Duclaux. Traité dé Microbiologie,
IV, 415, 1902. L'article sur la Fermentation lactique, id., 311-373, est à consulter
entièrement. — 29. M, Dl'gceli. Bakteriologische Untersuchuugen ùber das armenische
Mazun [Centralb., f. Bakter., II Abt., xv, 57-7-600, 1905). — 30. J. Effront. Action
du ferment bulgare siir les substances protéiques et amidées {C. R. Ac. des Sciences,
eu, 1007-1009, 1910); — 31. Sur le ferment bulgare (C. R. Ac. des Sciences, glu,
46.3-465, 1911). — 31 bis. C. Emkmann. Mikrobiologisches ùber die Arrakfabrikation in
Batavia [Centralb. f. Bakter, \\i, 97-103, 1894). — 32. Epstei.n. Untcrsuchungen iiber Milcli-
sàuregdhrung [Arch. f. Hygiène, xxviii, 1890). — 34. Escherisch. Die Darmbacterien des
Sàuglings und ihre Beziehung zur Physiologie der Verdammg {Fortsch. der Med., 1885); et
Beitràge zur Kenntniss der Darmbacterien {Mimch. med. Wochsrf. 43, 1886). — 35. Esten.
Ferments lactiques {Compte rendu sommaire de la Vil*" réunion annuelle de la Société des
bactériologistes américains (d'après Bull. Inst. Pasteur, iv, 245, 1906). — 36. Ed. de Freu-
UECSKEICH, Des agents microbiens de la maturation du fromage {Aiin. de Micrographie, ix,
185-193, 1897) ; — 37. Les agents microbiens de la maturation du fromage d' Emmenthal [Ann .
de Micrographie, ix, 385-409, 1897].— 38. Ed. v. Freudenreich et.I. Tiiom. Ueber die in der
normalen Milch vorkommenden und Bakterien ihre Beziehungen zu dem Kiisereifungsprozesse
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schiedener Milchsàure fermente auf die Kàsereifung {Centralb. f. Bakt., II Abt., xiv, 34-43,
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LACTIQUE (Fermentation). 799
L'ailiclo loiiliciil uni' ;is.s(.v. lnumu- l)il)liom;i|iliii' . ■ 58. Km khkk. Bal;teriolor/iscli-chc-
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mune et du Bacille typhique {Ann. Inst. Pasteur, vi, 512-337, 1892); — 91..Smj' la formation
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H. HÉRISSEY.
LACTOPHENINE. — LAIT. 801
LACTOPHÉNINE. v. Phénoio
LACTOPROTEIN E. — Matière albuminoïde du lait, se coagulant par la
chaleur (V. Lait).
LACTOSE. — Voy. Lait, Lactas^, Lactique (Acide) et Sucres.
LACTOSINE. — Dexlrino contenue dans les caryopliyllées. On l'extrait des
racines du sihiio vulgaire. Elle cristallise et ne réduit par la liqueur de Feiiu.n(;
((/'*H*-0" Il-O). Traitée par les acides étendus, elle donne du lactose.
LACTUCÉRINE (C2»H^^02). — Principe cristailisable dans l'alcool qu'on
extrait du laclucariuni (suc de Lactuca altistiima). En la sapofliliant par la potasse, ou a
deux lactucérols <x et |3. C"'H"^0-. La lactucérine serait l'éther acétique de ces alcools.
LACTUCINE. — Substance cristailisable qu'on extrait du suc de laitue. Le
suc de laitue contient aussi l'acide lactuciqiœ (C'^H '^0") ; la lactucone, corps ciistalli-
sable, insoluble dans l'eau, soluble dans l'alcool et l'éther (C'"'H*^''0*) ; et l'acide lactuco-
picrique, très amer (C''*H''*0-'*), toutes formules d'ailleurs peu certaines.
LAINE. — Toison des mouton?, employée en quantité considérable dans
l'industrie.
La composition de la laine est celles des tissus épidermiques.
ScucTZK.NREur.F.R, qui en a fait une étude attenlive, iillribue aux l;iines la composition
brute suivante :
C = 50
H = 7
N = 17,7
0 = 22
S = 31
Ce qui la rapproche notablement des albuminoïdes.
Traitée par la baryte, elle donne de la leucine, de la lyrosine, de l'ammoniaque, du
pyrrol et de l'acide acétique.
Si on la dissout dans l'acide sulfurique, on précipite par neutralisation l'acide
lanuij inique, corps sulfuré, ne répondant plus, comme la laine elle-même, à la consti-
tution des matières albuminoïdes (G = 41. Az = 10. 0 = 34. S =: 3,3o).
Normalement il existe dans la toison des moutons une grande quantité de graisses
diverses. Toute laine, avant d'être employée dans l'industrie, a besoin d'être soigneuse-
ment dégraissée. Les eaux de sinntage ont été étudiées avec détails [\. Suint).
LAIT. — Le lait est un liquide sécrété par les glandes mammaires vers la lin
de la gestation et qui est normalement destiné à assurer la nutrition des jeunes mam-
mifères pendant la première période de leur existence.
Composition, quantité séci^étée, durée de la lactation, varient suivant une foule de
facteurs dont le jilus important est évidemment l'espèce.
Néanmoins, malgré les variations quantitatives observées, les propriétés du lait sont
assez générales pour permettre d'établir une étude d'ensemble. Le lait de vache étant
le plus utilisé et celui sur lequel les travaux sont les jtlus nombreux, c'est lui que nous
prendrons comme type, en indiquant au cours de ce travail les dill'érences présentées
par le lait des autres femelles laitières.
Caractères physiques. — Le lait est un liquide opaque, bleu mat ou blanc
jaunAtre, quelquefois bleuté, d'une odeur sui gencris, variable d'ailleurs suivant les
espèces et certaines conditions. Sa saveur est légèrement sucrée. Sa densité, prise
à 15°, oscilb- entre 1,028 et 1,034. Il présente très fréquemment la réaction ampboté-
rique, c'esL-à-dire qu'il rougit le papier bleu de tournesol cl bleuit le rouge. Nous
aurons d'ailleurs à revenir sur celte question de la réaction du lait frais. .\bandonné à lui-
même, il offre d'inipoptaiiles modilicalions cbiniii|ues et physi([ues. La réaction devient
DICT. VV. IMIVSIOI.OGIE. — T. IX. 51
802 LAIT.
franchement acide. Cette acidité est due h la présence de quantités croissantes d'acide
lactique formé aux dépens de la matière sucrée du lait sous l'influence de micro-
organismes; et alors les matières albuminoïdes, se trouvant dans un milieu acide, se
précipitent en partie : le lait est tourné.
I.a mobilité extrême du lait au point de vue chimiqur rond son analyse délicate, ella
première conditionpourmeneràbienune analyse quantitative et qualitative de ce liquide
organique est de le mettre à Tabri des germes extérieurs : mais ni les antiseptiques, ni
la chaleur ne peuvent être utilisés : il faut donc avoir recours à l'asepsie, cest-à-dire
obtenir un lait originairement pur de tout contage.
Le lait ainsi recueilli présente au bout d'un certain temps des modifications inté-
ressantes. Il perd l'apparence homogène qu'il avait immédiatement après la traite et se
sépare en quatre couches.
Tout au fond de l'éprouVette on aperçoit une mince couche qui tranche par sa
blancheur plus mate sur la couche supérieure. C'est un dépôt pulvérulent de phosphate
tricalcique.
Au-dessus se trouve une couche blanche plus épaisse qui paraît formée par des
particules très ténues en suspension. Cette couche, siphonnée et traitée par les acides,
fournit un précipité abondant, grumeleux, c'est la caséine.
La troisième couche est opalescente, légèrement jaunâtre; elle réduit à chaud la
liqueur de Fehling comme une solution de glucose. Elle renferme en effet un sucre
particulier, le lactoae ou sucre de lait. En outre, elle précipite par les acides, la chaleur,
elle coagule sous l'action de la présure. Elle renferme donc de la caséine et d'autres
substances albuminoïdes.
Enfin la couche superficielle est formée par la matière grasse du laiL Elle est
fornlée de globules graisseux serrés les uns contre les autres et que leur légèreté
spécifique a fait monter à la surface du lait.
Sur 1000 parties le lait renferme en moyenne 130 parties de principes solides et
870 d'eau.
Les principes solides sont les suivants :
1° Des matières albuminoïdes, 4 p. 100; 2" des matières grasses, 2,.^ p, 100; W" du
sucre de lait, 4,5 p. 100; 4° des sels minéraux, 1 p. 100. (Chlorures, phosphates alcalins
et carbonates alcalins; sulfates de chaux et de magnésie, de petites quantités de
fer, des traces de silice.)
Signalons enfin la présence de ferments solubles; des traces de matières extractives
et en particulier d'urée.
LES GLOBULES GRAS.
Examiné au microscope, le lait, et surtout la crème, présente un nombre considé-
rable de globules, à contours nets et épais, entourés d'un liséré fin et brillant, et dont
le diamètre, des plus variables, oscille enire 2, 10 et même 20 a de diamètre. Le dia-
mètre moyen est cependant assez constant sur la même espèce : il est, chez lànesse et
la vache, de 3 à 5 jji; chez la chèvi^e, de 3 [j..
Une difficile question, qui aujourd'hui encore n'est pas complètement tianchée, est
de savoir si ces globules, chargés de matières grasses, sont entourés ou non d'une
membrane : en d'autres termes, si la matière grasse est à l'état d'émulsion ou non.
Dès 1816, Treviranus considérait les globules gras comme de purs globules de graisse :
à la même époque Weber admettait qu'ils étaient composés de caséum et de beurre.
En 1829, Henle, d'après les caractères optiques des globules, les assimile à des vési-
cules adipeuses dont la membrane serait de nature cas-'-euse.
Donné, en 1837, après avoir admis tout d'abord l'idée d'une capsule de nature spéciale,
la rejetait ensuite pour ne plus voir dans les globules laiteux que des globules gras nus,
la matière grasse n'étant qu'une simple émulsion.
D'après Do.n'.né en elTet, si l'on traite le lait par Télher, on voit tous les globules
disparaître.
Dumas est conduit à admettre l'existence de la membrane en évoquant deux faits
expérimentaux: i° le lait, traité par le chlorure de sodium à saturation, laisse remonter
LAIT. 803
les globules gras el ceux-ci, après des lavages léprtr-s à l'i'an salée, renferment encore
des substances azotées, cet azote ne peut provenir que des membranes; 2" l'étlier pur
agité avec le lait ne se charge pas de matières grasses, il faut njonter des alcalis ou des
acides. Ce sont ces derniers (jui attaquent la membrane et permettent la dissolution.
Danilewski et Badenhausen isolent la matière azotée des globules; c'est le Stromei-
ireissstoff des auteurs allemands.
Bkc.iiamp, en traitant le lait par du sesquicarbonate d'amm<>uia({ue, obtient une
matière albuminoïdo spéciale (jui a|q)artienl en propre aux globules.
STorck signale une membrane gélatineuse, renfermant 14 à 15 p. 100 d'azote, inso-
luble dans l'eau, l'alcool, l'acide acétique, (jui rétiuit la li(|ueur de Femi.i.m; et le réactif
de MiLLON.
Pour tous les auteurs cités, et un grand nombre d'auteurs que nous ne pouvons
mentionner ici, le lait n'est pas une émulsion vraie, et l'opération du barattage consiste
dans la rupture desimiombrables sacs membraneux qui enveloppent la matière grasse.
La première opinion connue contre l'existence d'une membrane paraît être celle de
DuBHTiMwuT, qui en 1871 considère le lait comme une émulsion. Mais il faut arriver à
DucLAUx pour trouver un exposé complet de la question. Il a démontré l'inutilité de
Ihypothèse d'une membrane dans le mécanisme du barattage. Le lait, véritable émul-
sion, obéit aux lois de la stabilité des émulsions établies par Dlclalx.
Même quand les globules sont arrivés au contact à la surface après avoir triomphé
de la viscosité du milieu, grâce à leur densité moindre (force qui serait pour les plus
gros d'un dixième de milligramme), il leur faut encore, pour se souder les ims aux
autres, triompher de la résistance des lamelles de sérum; enfin une autre cause inter-
vient puissamment, les forces capillaires. Ce sont elles qui donnent aux globules
leur forme sphérique, qui conslituenl autour de lui une membrane élastique, mem-
brane constituée par la substance elle-même, sans modification ni de chimisme ni de
texture, et qui ne doit son élasticité qu'aux forces auxquelles elle est soumise.
Le barattage a surtout pour effet de rompre la résistance des lamelles du sérum et
d'assurer le contact des globules butyreux.
On peut donc admettre que la graisse se trouve dans le lait à l'état d'émulsion.
Tous les agents physiques et chimiques qui détruisent cette émulsion n'agissent qu'en
modiliant la différence de tension superficielle de la graisse et du séium, et non en
détruisant une membrane d'enveloppe dont l'existence n'a jamais été démontrée.
Restent quelques objections d'ordre optique ou chimique. Au microscope, chaque
globule apparaît entouré d'un liséré brillant, mais la graisse émulsionnée avec de l'eau
de Panama donne des globules avec le liséré, comme chaque fois que deux liquides de
viscosité différente sont en contact.
Quant à la non-attaque de la crème par l'éther, c'est simplement une erreur d'obser-
vation. L'éther coagule la caséine, qui englobe la matière grasse et s'oppose à la
sortie de la graisse, mais leaLement. La dissolution se fait et l'élher se charge de
matières grasses.
La membrane ne saurait être admise en tant qu'élément morphologique : il est
doncprobalde qu'il se produit autour des globules gras, en vertu des lois d'adsorption,
par une modification moléculaire, une véritable condensation de certains ('léments du
lait, par exemple des lécithines du lait, ces corps servant d'intermédiaire entre la
matière grasse normale à acides volatils et la matière protéique du plasma.
La graisse du lait est constituée par un mélange de triglycérides, combinaison
d'acides gras avec l'alcool glycérine qui abandonne une molécule d'eau. Jusqu'ici on
n'a pas démon lié dans le lait la présence d'un autre alcool : c'est sur le lait des cétacés
que cette recherche devrait être faite, quoique le passage d'alcool cétylique dans le lait
de chèvres nourries avec du blanc de baleine n'ait pas été vu.
Les termes les plus bas de la si'rie grasse, acide formicjue, acide acétique, sont en
très petite ([uantité dans la graisse du lait. L'acide butyritiue au contraire, dont la
quantité est variable suivant les saisons, forme de 1,5 à 5 p. 100 de l'acidité totale :
ses triglycérides très solubles sont facilement décelables par le goût.
CuEVREUL a montré que le beurre est partiellement soluble dans l'alcool : 100 parties
d'alcool bouilhint d'une densité de 0,822 dissolvent 3,46 parties de beurre : or l'alcool
804 LAIT.
dissout plus de Ijutyrine que d'autres matériaux du beurre, et cette proprit;té peut
servir à la séparer.
Ainsi donc le beurre est un mélange complexe de triglycérides, et il est possible
que dans chaque globule du lait tous les acides gras soient représentés; il s'agit ici très
vraisemblablement d'une solubilisation mutuelle, réciproque, variable d'ailleurs suivant
leur nature : en elfet, la solubilité de la tristéarine est considérablement augmenli'-e
par la présence d'autres triglycérides. Voy. Beurre.)
Les éthers ainsi constitués, combinaisons du radical glycérine C^H^, alcool trivaleni,
avec des acides gras appartenant à la série C°H-"0-, sont constitués principalement |iar
l'oléiue et la palmitine (oléine 30, palmitine 68). On trouve également des triglycérides
de l'acide myristique, de l'acide stéarique, de petites quantités d'acide laurique, d'acide
arachique. Bhown a trouvé dans le beurre de vache jusqu'à 1 p. tOO d'acide distéarique
(;isH2ooi qui proviendrait de l'oxydation de l'acide oléique. Outre l'acide butyriiiue il
existe de l'acide caproïque, des traces d'acides caprylique et caprinique. Koefei.d a trouvé
des acides répondant à la formule Cil-^O'^et C-'H'^O'.
La graisse contient de la lécithine, une cholestérine dont la formule serait C-'^H'-O,
ou C2^H-0, ou C-^"H«0.
La graisse du lait ne contient aucun acide libre ; dans le beurre, au contraire, si frais
soit-il, il en existe toujours, et cette quantité augmente à mesure qu'il vieillit. Cette
mise en liberté d'acides gras résulte d'une saponification de la matière grasse. La
saponification porte beaucoup plus sur les glycérides à acides volatils que sur les glycé-
rides à acides fixes :
Le poids spécifique du beurre à 15° oscille entre 0.92"i) et 0,04.
Pour le beurre du lait de femme 0,87, pour celui de chèvre 0,86.
L'indice di' réfraction à 22" est de i.V58, 1,4615 pour le lait de vache.
Le point de fusion du beurre de vache varie entre 31"! et 34°6, pour celui de
buflle 38°, pour celui de brebis 29°, pour celui de porc 28°.
I^a viscosité, d'après Kilh.ng, à 40° est 2,76 à 2,81 fois plus grande que celle de l'eau,
à 20°.
La chaleur de combustion du beurre de vache est de 9192, d'après Stuohmann.
Analyse quantitative des acides gras.
Acide butyrique .•;,4j
— caproiqu'- 2,09
capriliqiic 0,49
— capriniqiK 0.152
— laurique 2,57
— myristique 9.89
— palmitiqiie 38,61
— stéarique 1,83
— distéarique 1,04
— oléique 32,3
D'après Brown, cité par W. Raidnitz, Eri/cOnisse der Phi/siolofiic.
LES PROTÉINES DU LAIT.
Le lait contient trois protéines :
1° Une caséine : la caséine ou plutôt le caséinogène;
2° Une globuline : la lactoglobuline;
3° Une albumine ; la laclalbumine.
Caséine. — Cette substance protéique, qui jusqu'ici n'a été déterminée avec certi-
tude qu*^dans le lait, appartient au groupe des nucléo-albumines : elle se distingue des
albumines avant tout par la présence du phosphore dans sa molécule et par sa façon
d'être vis-à-vis du rcraieit-Iab. La constitulion de la caséine dulait de vache est la sui-
vante (R.VUDNITZ) :
C = o2,%-o3,3
H= 7,03- 7.07
Az = 13,6îi-15.91
S= 0,73- 0,82
P= 0,84- 0,SO
0 = 22,6.j
LAIT. 805
F-e pouvoir rotatoire i-sl (|uelqao peu variable; suivant Hoim"i:-Skm-eh, en solution
neutre il est de (a) D = — 80".
La caséine est une poudre bianclu', peu hyi;roscopiquc, de poids spécifique = 1,259,
très peu soluble dans l'eau pure et l'alcool, soluble dans les alcalis, les carbonates elles
phosphates alcalins. Elle se dissout dans l'eau de bat^te, et ses solutions peuvent tHre
neutralisées par l'acide phosphorique sans qu'il y ait formation d'un précipité. Elle no
fond pas à la chaleur, donne toutes les réactions de l'albumine, mais est peu sensible
à la réaction du sulfure de plomb. Un gramme de caséine en [)oudr(' développe
5742 calories et, d"a|)rès de récentes recherches, 5020 à 5871. On a cherché à déter-
miner son poids moléculaire en se basant sur son contenu en S et en P, et sur son noyau
albuminoïde, et on est arrivé à un chiffre compris entre 6o00 et 16000.
Les solutions de caséine ne sont pas coagulées par l'ébullilion, mais se recouvrent
d'une mince pellicult; comme le lait. Les acides étendus la j>récipitent, mais le préci-
pité est soluble dans un excès de réactif, surtout s'il s'agit de HT,!.
Pour précipiter la caséine du lait étendu d'eau, il faut plus d'acide acétique qm;
d'acide chlorhydrique; cela vient de ce que les sels formés mettent un obstacle à cette
précipitation, et que le retard est plus considérable lorsqu'il s'agitd'acétates que lorsqu'il
s'agit de chlorures. Les précipités ainsi produits retiennent très énergiquement les
acides minéraux et ne peuvent en être débarrassés que par des lavages successifs et
prolongés.
Traitée par les sels alcalins en excès, sulfate de magnésie, surtout chlorure do
sodium contenant des traces de chaux, la caséine précipite de ses solutions neutres, ou
encore du lait. Les sels métalliques, su4fate d'alun, de zinc, de cuivre précipitent com-
plètement une solution neutre de caséine.
Chauffée à 100°, la caséine, d'après Laqueur et Sackur, est dédoublée en deux corp.s.
L'un appelé par eux « caséite » est insoluble dans les alcalis dilués, l'autre, « l'isoca-
séine », est au contraire soluble. L'isocaséine est un acide quelque peu plus fort, à
d'autres limites de précipitation, à un équivalent plus petit que la caséine.
De même, l'alcool bouillant modifierait très profondément la caséine. Ce n'est que
lentement par l'ébullitiou avec HCl que la caséine est transformée en acidalbumine :
elle est au contraire rapidement attaquée par les alcalis chauds et étendus qui lui font
perdre la propriété d'être coagulée par la présure (Lundberg).
Ce qui surtout caractérise la caséine, c'est sa propriété de se coaguler par le lab, en
présence d'une certaine quantité de sel de calcium. Cette coagulation se fait aussi bien
en solution neutre, acide ou alcaline. Dans le lait bouilli le coagulum, au lieu d'être en
une seule masse, est séparé en flocons très fins.
Plus la réaction est acide, plus l'action du- ferment est rapide et capable de s'exercer
à basse température.
La caséine ne coagule pas par le lab dans ses solutions privées de sels de chaux, et
une dialyse prolongée du lait qui produit ce résultat empêche la coagulation de se
faire.
La caséine formée par coagulation du lait retient de grandes quantités de phosphate
de calcium. D'après Soxhlet et Sùldnkr, seuls les sels de chaux solubles auraient une
influence sur la coagulation, alors que le phosphate de calcium serait sans signification
aucune. Le rôle des sels de chaux dissous vis-à-vis de la coagulation par le lab, n'est
pas encore clairement élucidé, et les opinions sur cette question sont quelque peu
diverses. Lorsqu'on fait agir sur une solution pure de caséine un ferment lab aussi
bien préparé que possible, on trouve toujours après coagulation dans le filtrat une
petite quantité d'une substance albuminoïde, qui a d'autres propriétés que la caséine,
et un contenu en azote différent, 13,2 d'après Koster. La majeure partie de la caséine,
plus de 90 p. 100 quelquefois, se sépare par la coagulation à l'état d'une substance voi-
sine de la caséine, la paracaséine.
La paracaséine, le caséum soluble d'ÀRTHCs, est d'autant moins soluble dans l'eau
que la solution d'oîi on l'a précipitée était plus riche en calcium : elle n'a pas au même
degré que la caséine la propriété de maintenir en solution du phosphate de calcium :
de plus ses solutions ne sont nullemenl coagulées par le ferment-lab. La caséine du lait
de femme esl très incomplètement précipitée par les acides et le lab. Il se 'forme un
S(I6 LAIT.
caillulà (locons fins, soluble dans les acides, les alcalis, la pepsine chlorhydrique. Il
dilTère donc du caillot dense du lait de vache, peu soluble dans ces réactifs. Ces diffé-
rences ne tiennent pas à une constitution spéciale de la caséine du lait de femme,
mais à une quantité variable de sels minéraux. En effet Dogiel a montré que, si l'on
augmente la teneur en cendres du lait de femme, on obtient par l'acide acétique un
coaguhim en tout comparable à celui qu'on aurait obtenu avec le lait de vache.
D'après Biel, le lait de vache fournil à chaud en présence de sel marin un caillot
contenant :
3,75 p. 100 de chaux et 3,24 d'acide phosphorique; le lait de femme au contraire ne
donne que :
1,71 p. 100 de chaux et 1,38 p. 100 d'acide'phospliorique.
La caséine rougit le papier bleu de tournesol à la façon de l'acide carbonique sous
la pression normale de l'atmosphère, et cette réaction lui appartient en propre, et non
à des traces d'acide, comme Hammarsten l'a démontré.
Elle forme avec la potasse, la soude, l'ammoniaque, la chaux, la baryte, des caséi-
nates solubles.
D'après Bkchamp, il existerait des caséinates neutres et des caséinates acides, ces
derniers contenant deux fois plus de caséine que les autres, et faisant virer au rouge le
papier de tournesol par un contact prolongé. Les dissolutions de caséinates alcalins,
traitées par l'alcool concentré, louchissent un peu, mais ne précipitent pas.
La caséine se combine avec l'acide acétique, avec l'acide chlorhydrique, avec l'acide
lactique. (Ch. Righet.) Elle est capable de fixer jusqu'à 34 p. 100 d'acide acétique. Mais
ces combinaisons ne rappellent nullement les sels ordinaires. Traitée par HCl étendu,
la caséine se dissout, mais il se produit un précipité. Si l'on ajoute HCl concontré, il se
forme un chlorhydrate qui contient jusqu'à 9 à 12 p. 100 de HCl.
La digestion de la caséine par l'acide chloropeptique donne, d'après Salkowski, une
albumose peptonée dont on peut séparer ensuite une pseudonucléine. La quantité de
cette dernière, comme l'ont montré les recherches de Salkowsri, de HAHN,';de Marac-
zENSKi et Sebelien, est très variable, de même que son contenu en phosphore. D'après
Salkowski, la quantité de pseudonucléine produite est en rapport avec la quantité de
jcaséine et d'acide employée : par l'action de '600 d'acide chloropeptique sur 1 de caséine,
il a pu obtenir une digestion complète de caséine, sans aucune production de pseudo-
nucléine. Sous l'action de la pepsine comme de la trypsine, une partie du phosphore,
croissant avec la durée de la digestion, se sépare à l'état d'acide orlhophosphorique,
pendant qu'une autre partie de la combinaison organique reste dans les albumoses
aussi bien que dans les peplones vraies (Salkowski, Biffi, Alexander).
Après la séparation de la pseudonucléine, Salkowski, par la digestion peptique de la
caséine, a isolé un acide riche en phosphore, déterminé par lui comme un acide para-
nucléique. Cet acide, soluble dans l'eau, insoluble dans l'alcool, rotateur à gauche, a la
conslilulion suivante :
p. 100.
0 = 42,51-42,96
H= 6,97- 7,09
Az = 13,20-13,55
P= 4,0.5- 4,31
Mais cet acide se sépare des acides nucléiques en ce qu'il donne la réaction du biuret,
et faiblement la réaction xanthoprotéique.
Pour préparer la caséine, le lait de vache additionné de 4 volumes d'eau ^st traité
par l'acide acétique, de telle sorte que le mélange en contienne 0,075 à 0,1 p. 100. La
caséine précipitée est lavée plusieurs fois avec de l'eau. On la dissout dans une solu-
tion de soude de réaction neutre ou légèrement alcaline, et on précipite après avoir
étendu d'eau. On triture finement le précipité, et on recommence. Le dépôt alors
obtenu est lavé à l'eau et traité par l'alcool à 97°; puis lavé sur le filtre par l'alcool et
l'éther. Le produit est alors trituré dans un mortier jusqu'à dessiccation. Les dernières
traces d'éther sont chassées par le vide. Il ne faut employer que de faibles quantités
de soude; à forte dose la soude décompose la caséine, et, d'autre part, nécessite l'em-
LAIT. . 807
ploi de forles (|uanlit(''S d'acide acétique; car l'acétate foinié retarde la précipitation
(Hammarstkn).
Lactoglobuline. — Seiîklik.n a préparé la lactoglobuliiie en saturant le lait de
vaolie par le chlorure de sodium : la caséine est aussi précipitée. I,e li(iuide clair
séparé de ce précipité donne iin nouveau précipité lorsqu'on le sature de sulfate de
magnésie à froid. La lactoglobuline présente les propriétés générales des glolmlines,
et ne semble pas diflerer de la sérumglobuline, ainsi que le démontre l'action commune
des sérums précipitants. (Pouvoir rotatoire d'après Fhedericq — il°Q.)
La gobuline isolée par Fremann du oolosti'um avait cependant un contenu en carbone
notablement plus petit, 49,83 p. 100.
Lactalbumine. — La lactalbumine (caséine soluble de Duclaux, au moins partiel-
lement) a été pour la première fois préparée à l'étal pur par Seuelie.n. D'après cet
auteur, sa composition est la suivante :
p. 100.
0 = 52,19
H= 7,18
Az = 15,77
S= 1,73
0 = 23,13
La lactalbumine possède toutes les propriétés de l'albumine et cristallise dans le
même système que la sérumalbumine ou l'ovalbumine.
La lactalbumi'.ie est en très faible quantité dans le lait de vache, 0,'o p. 100, elle est
abondante dans le lait de brebis et surtout dans tous les colostrum. Elle se rapproche
beaucoup de la sérumalbumine, mais s'en sépare par son pouvoir rotatoire (a):=D. — 37".
Sa coagulation, qui dépend de sa concentration et de son contenu en sels, se fait
entre 72 et 84°.
Le principe de la préparation de la lactalbumine est le même que celui de la sérum-
albumine.
On sépare la caséine et la globuline par SO* Mg. Le filtrat est débarrassé des sels
cristallisés et traité par l'acide acétique jusqu'à ce que le mélange en contienne 1 0/0.
Le précipité formé est filtré, exprimé, dissous dans l'eau alcalinisée jusqu'à réaction
neutre. La solution est alors séparée des sels par la dialyse. On peut séparer la lactal-
bumine de la solution dialjsée, soit en desséchant à une chaleur modérée, soit en la
précipitant par l'alcool qu'on chasse ensuite rapidement.
La présence d'albunioses et de peptones dans le lait normal n'est pas prouvée.
Opalésine (Haduik). — Wroblenski obtint, par saturation au moyen deNaCl ou sulfate
de magnésie des eaux-mères provenant de la précipitation par l'acide acétique du lait
dialyse de jument et de femme, des substances albuminoïdes désignées sous le terme
d'opalésine.
Ces substances albuminoïdes forment des flocons glutineux ou des filaments.
Elles ne contiennent aucun groupement hydraté de G, peu de soufre et noircissent
par le plomb.
L'opalésine du lait de femme, d'après Wroblenski, répond à la formule suivante :
C = 4.5,03
H= 7,31
Az = 15,07
P= 0,8
S= 4,7
0 = 27,11
Ces opalésines sont peut-être des substances albuminoïdes spéciales qui sont chimi-
quement combinées à la caséine. Mais la caséine du lail de jument n'est pas encore
parfaitement connue, et le rapport existant entre la caséine et l'opalésine est encore
pour le moment problématique.
Lëcithine. — Qukve.n.ne avait trouvé que les cendres du beurre avaient une réaction
808 LAIT.
acide. Boucuardat et Quévenne traitt^reiit l'exliail éthéré de beurre par l'alcool bouillant,
et trouvèrent une graisse contenant 8 p. 100 de P, qu'avec «joulev ils déterminèrent
comme lécithine.
Wrampelmayek évalue d'après l'acide phospliorique le contenu en lécitbine du beurre
de vache et donne comme chiffre 0,017 p. 100. D'après Solbehg, le beurre de vache
contiendrait de 0,1 à 0,2 p. 100 de lécithine; et le beurre de chèvre, 0,15.
D'après Burow le lait de vache contiendrait 0,049 à 0,058, le lait de chienne 0,10 à
0,18, le lait de femme 0,057 à 0,06 p. 100 de lécithine.
Les chiffres de Bordas et de Uacztowski sont comparables à ceux de Burow. De lu on
ne peut pas conclure que la lécithine entre dans la composition de la gouttelette de
graisse. Jaekle a trouvé que la graisse du lait fraîche filtrée ne contient pas de lécithine
pense qu'elle existe dans le lait à l'état de lécithalbumine.
"Urée. — L'urée se. trouve en petite quantité dans le lait, 0,5 par litre; l'hypoxan-
thine, la créatine, l'acide oxalique, la créatinine, paraissent exister normalement, mais
en très petite quantité.
LA CASÉIFICATION DU LAIT.
Quand on additionne de présure le lait à une tem[)érature voisine de 35», on voit,
après une période de temps variable avec les différent laits, le lait se prendre en une
masse homogène, tremblotante. Puis le caillot ainsi formé se rétracte lentement,
exprimant graduellement le liquide qui l'imbibait. On obtient ainsi :
1° Le caillot constitué par de la caséine retenant des globules gras;
2" Le lactosérum.
Arthus a principalement insisté sur la distinction très importante entre la caséifi-
cation par la présure et la précipitation du lait pai- les acides. Le caillot de la caséifi-
cation renferme une protéine, une caséine, mais qui se distingue de la caséine et du
caséinogène. La caséine et le caséinogène purs ne laissent pas de résidus minéraux par
calcination; la protéine dU caillot laisse toujours un résidu salin. Elle est pf>u soluble
dans les alcalis ou les acides composés arec la caséinogène. Le pouvoir rotatoire des
deux substances est très légèrement différent.
Le lactosérum contient trois substances protéiques, la lactalbumine et la lactoglo-
buliiie du lait, et une nouvelle substance, la lactosérumproléose, qui provient du
dédoublement de la caséine et qui est caractéristique du lactosérum.
L'utilité des sels de chaux est démontrée par ce fait que, dans le lait additionné d'une
solution d'oxalate de potasse à 1 p. 100, la présure en milieu thermique optimum ne
provoque pas la formation d'un caséum. Toutefois la présure exerce une action sur
la caséine, ainsi que le montre l'expérience suivante : le lait additionné d'oxalate, mais
sans présure, ne précipite ni par la chaleur, ni par le chlorure de calcium, alors que ce
même lait traité par la présure donne un précipité floconneux qui est du caséum, et
qui proviendrait, d'après Arthus, d'une substance caséogène ou caséum soluble préexis-
tant dans le lait. (Voy. Estomac, Présure.)
Dans le lait normal ce caséum soluble se transforme en caséum insoluble sous
l'action des sels de chaux ;
Rôle de la présure. — Suivant la très juste observation de Lambling, la caséine est
la seule substance protéique dont la digestion au contact du suc gastrique commence
par une coagulation.
Quel est le but de cette coagulation?
On a supposé que la première phase de la protéolyse de la caséine résidait dans
cette transformation initiale, favorisant ensuite l'action de la pepsine. Mais les
recherches de Zuntz et Sternberg contredisent cette manière de voir. Opérant sur
du lait normal et sur du lait traité par la présure, ils constatent que la peptonisation
est beaucoup plus rapide pour le lait normal que pour le lait caillé. Pour Tobler lu
présure exerce une action utile, mais purement mécanique. Le caillot qui se forme
sous son action reste dans l'estomac sous un petit volume, alors que le lactosérum
s'écoule rapidement vers l'intestin; les effets protéolysants de la pepsine peuvent
ainsi s'exercer sur la presque totalité des matières protéiques contenues dans le lait
LAIT. 801)
sans que le séjour d'une masse volumineuse du liquide vienne surcliarger ou dislendn'
l'estomac.
ToiîLKU s'appuie sur les observations faites sur un chien porteur d'une fistule duo-
dénale. Si l'on doime du lait à l'animal, on voit peu de temps après l'ingestion quehjues
jels de lait non coagulé s'échapper du pylore, puis il n'apparaît plus que du lactostîruni,
de plus en plus riche en peplone, provenant de la proléolyse de la caséine coagulée.
La présence du caillot dans l'estomac est fonclion de la richesse du lait en beurre.
(Vest là un fait géin'-ral, puisque depuis Ca.nnox on sait <iue l'adjonction de graisses
refarde le passage des protéiques de l'estomac dans l'intestin.
En opposition avec les affirmations de Touler sur la digestion presque totale de la
caséine par la pepsine gastrique, il faut citer L. Gaucher, qui soutient que 90 p. 100 de
la caséine traversent l'estomac sans avoir subi une peptonisation réelh;.
Les différences entre les caséines peuvent êlre recherchées par l'étude des produiis
d'hydrolyse. C'est la méthode suivie par Abderhaldex et Schittenhelm fZ. p. C, XLVII,
4;jS). La caséine obtenue est traitée par l'acide sulfurique, puis par la baryte, et on fait
cristalliser.
Caséine. ^
Lait de vache, l^ait do chèvre. Lait de femme.
Tjrosine 4,5 4,9a 4,71
Leucine 10,5 7,4 •>
Alaninc 0,9 1,5
Proline 3,4 4,62
Phénylalanine 3,2 2,75
Acide aspartique 1,2 1,1 »
Acide glutamique 10,7 .11,25 .j,90
On voit que la proportion de tyrosine est identique dans les liois laits et que la
composition des caséines de chèvre et de vache est très voisine. On est dans la limite des
erreurs possibles pour la détermination quantitative des acides aminés.
Selmi, le premier (1846), démontra que la coagulation du lait par la présure ne
dépendait pas de l'acide lactique, en coagulant du lait alcaliuisé par la muqueuse sto-
macale du veau.
D'autre part, les modifications de la caséine du lait sous l'inlluence de l'acide
lactique, et des acides en général, et du lab-ferment, ne sont pas de même nature.
La caséine est simplement précipitée par les acides : elle est caséifiée, c'est-à-dire
dédoublée par le lab-ferment : la caséine, précipitée par les acides, est facilement
soluble dans l'acide acétique ou la soude étendus. Le coagulum déterminé par la présure
est plus compact et beaucoup moins soluble dans la soude et l'acide acétique étendus.
Enfin la caséine précipitée par les acides peut être purifiée par les lavages au point de
ne plus laisser de cendres à l'incinération, tandis que le produit de l'action du lab ren-
ferme toujours des cendres.
Plusieurs théories ont été émises pour expliquer la coagulation du lait.
Théories physiques. — La caséine qui se trouve dans le lait à l'état colloïdal passe
lentement à l'état de coagulation. Duglaux a particulièrement insisté sur la lenteur
relative avec laquelle on voit se former, dans le lait sur le point de se cailler, un préci-
pilé tout d'abord constitué par des granulations extrêmement fines et qui sous le
microscope grossissent en se soudant les unes aux autres pour former le coagulum.
Les molécules de caséine coagulée restent tout d'abord en suspension dans le liquide,
parce que « leur adhésion aux molécules du liquide les soustraient aux lois de la
pesanteur », mais si, sous l'influence d'un agent comme le chlorure de calcium ou toute
autre force coagulante, « l'équilibre entre la pesanteur et les forces moléculaires est
troublé, et, soit que l'adhésion entre le solide et le liquide ait diminué, soit, ce qui est
plus probable, que la force d'attraction entre les particules du solide ait augmenté,
celui-ci se réunit en agrégats, de plus en plus volumineux, qui deviennent visibles à
l'œil nu et se précipitent » (Duglaux).
Les travaux sur les forces électrolyliques et leur antagonisme possible avec les forces
de cohésion et de tension superficielle, permettent de mieux concevoir la théorie pro-
posée par Duglaux.
810 LAIT.
Les forces de cohésion et de tension superlicielles ont pour effet de réunir les
granules, alors que l'électrisation de contact de ces granules devient une cause interne
de dislocation.
Suivant que ces forces l'emportent, on peut observer une émulsion, oif une coagula-
. tion (force de cohésion).
Appliquant cette conception au lait, on peut admettre que la coagulation du lait est
provoquée par l'entrée en jeu d'une force opposée à celle qui change les granules en
émulsion.
Jacques Dlclaux a établi une comparaison instructive entre la coagulation du lait
et la précipitation de l'oxyde de fer colloïdal par l'addition de traces de sels. En se pré-
cipitant, l'oxyde de fer absorbe, en les précipitant avec lui, les sels dissous dans l'eau,
comme la caséine absorbe les phosphates.
Théories chimiques. — Action des sels de chaux. — Hammarsten a montré qu'une
solution de caséine, débarrassée de tous sels calciques, par le traitement à l'oxalate de
.soude, ne se coagule pas en contact avec la présure, même en milieu thermique favo-
rable, 40°. Il suffit d'ajouter des sels de cha'ix pour provoquer la coagulation.
Et le phénomène peut se manifester encore si le lait décalcifié et en contact avec la
présure, puis chauffé à 100" pour tuer les ferments, est recalcifié de nouveau.
La présence simultanée de la présure active et de la chaux n'est donc pas néces-
saire pour déterminer la coagulation, il suffit que la présure dans un contact antérieur
ait modifié la caséine pour la sensibiliser vis-à-vis des sels de chaux.
La présure du lab aurait pour action de dédoubler la caséine soluble en une protéine
soluble et une paracaséine insoluble qui en se précipitant entraîne avec elle les phos-
phates et autres sels calciques. Artiius et Paok-; ont soutenu que le coagulum était
constitué par un sel calcique de caséine.
Mais cette opinion a contre elle des analyses précises de Duclaux, de Lindet,
Amman, etc.
S'il y a dédoublement de la caséine et formation d'une protéine soluble : protéine
du sérum d'lL\MMARSTEN, albuminose d'AaTHUs et Pages, le lait caillé doit être plus riche
en matières protéiques solubles et plus pauvre en sels calciques.
Duclaux analyse compaiativement le sérum du lait filtré sur bougie Chamberlan» et
le petit-lait d'un lait caillé par la présure. Les deux liquides ont la même teneur en
protéine soluble et en phosphate de chaux. Linuet et Amman ont même trouvé que le
petit-lait était moins riche en protéines solubles que le plasma du lait normal, quand
les deux échantillons étaient (iltrés également sur bougie.
Une autre objection contre le dédoublement de la caséine a encore été apportée par
LiNDET et Amman. Une solution de caséine pure dissoute dans l'eau de chaux est exacte-
ment saturée par l'acide phosphorique, puis on le traite par la présure et on détermine
le pouvoir rotatoire de la matière azotée contenue dans le sérum, — 119° est le chiffre
trouvé pour le phosphocaséinate de chaux primitif.
Hammarsten, tout en soutenant la théorie du dédoublement de la caséine, reconnais-
sant que la» quantité d'albumine formée était très petite, admettait que le lah-ferment
n'agissait peut-être pas comme les ferments protéolytiques par un processus hydroly-
tique, mais plutôt par un processus intramoléculaire de transformation de la caséine.
Petry a poursuivi cette étude avec le caséinum d'HAMMARSTEN et l'extrait de lab-
ferment de Merck, en utilisant le toluène comme antiseptique. En déterminant la quan-
tité d'azote dans la solution filtrée, il constate que l'albumose augmente en fonction du
temps écoulé. La paracaséine n'est pas un corps stable, mais sous l'action du lab elle subit
des modifications profondes, ainsi que le montrent les recherches mêmes de Petrv. Un
mélange de caséine et de lab mis rapidement en contact avec un sel de chaux donne
un précipité instantané. Si le temps qui s'écoule entre le présurage et l'addition de chaux
augmente, le précipité diminue, pour même devenir nul. Il se formerait, sous l'action
du lab, de la paracaséine, de l'allmmose, puis des dérivés de la caséine non préci-
pités par le chlorure de calcium et l'ébuUition, et, avec le temps, une partie ou la totalité
de la paracaséine serait transformée en ces albumines.
Sloholsoff admet également que le lab possède la propriété de transformer, partiel-
lement au moins, la caséine en albumose.
LAIT. 811
SUCRE DE LAIT OU LACTOSE
Sous l'action de l'eau, il eslilétlouhlt' en ileux molécuios : glucose et galactose. Traité
par l'acide azotiijue dilué, il donne, outre certains autres acides organiques, de l'acide
mucitjue. Soumis à une action plus énergique d'acides, il fournit, à cAté de l'acide formique
et de substances aminées, de l'acide lévulique. I.e lactose ne se rencontre que dans le
lait : cependant on en a trouvé dans l'urine des femmes en couches, dans le cas d'engor-
gement laiteux; après ingestion d'une grande (juantité de ce suer»;, on l'a vu également
passer dans l'urine. j
Le sucre de lait se présente généralement sous la formo d'une pmidre cristallisée
daus le système rhomboïde avec une mob'cule d'eau de cristallisation, qui disparaît par
un chaulTage lent à 100°, plus rapidement à 130 ou 140".
Entre 170° et 180° il forme une masse brune, amorphe, le lactocaramel, C^H'"0', Il
se dissout dans 6 parties d'eau froide et 2,.") d'eau bouillante, mais est insoluble dans
l'alcool ou l'éther. Ses solutions sont dextrogyre. (a) D = + 52°5. F.e sucre de lait se
combine avec les bases ; ses combinaisons avec les alcalis sont insolubles dans l'alcool.
11 ne fermente pas sous l'action de la levure de bière : cependant sous l'action de
certains schizomycètes la fermentation alcoolique se produit, et, d'après Fischer, le
sucre de lait, par un enzyme contenu dans la levure, la lactase, serait dédoublé en glu-
cose et galactose. C'est sur cette fermentation du sucre de lait qu'est fondée la pivpa-
tion de boissons alcooliques commejle ktimys, du lait de jument; le képhyr, du lait
de vache.
Le lactose donne toutes les réactions du sucre de raisin (réactions de Moore, de
Trommer, de Rlb.ver, etc.). Il réduit l'oxyde de mercure on solution alcaline. Par le
chauffage avec la phi'-nylhydrazine acétique, il donne en refroidissant un pn-cipité
cristallisé de phényllactosazone de formule C'-'^H^-N^O". Il diffère du sucre de canne par
la réaction positive qu'il donne à l'épreuve de Mooke, à l'épreuve du bismuth : de plus,
chauffé avec l'acide oxalique anhydre à 100°, il ne noircit pas.
Il se sépare du sucre de raisin et du maltose par un autre degré de solubilité, une
autre forme cristalloïde, mais surtout parce qu'il ne fermente pas sous l'action de la
levure de bière, et que, traité par AzO^H, il donne de l'acide mucique.
Pour préparer le sucre de lait, on emploie un produit de déchet de la fabrication
des fromages, le petit-lait. Par la chaleur on sépare les matières albuniinoïdes, et on
évapore le filtrat jusqu'à consistance sirupeuse. On fait cristalliser après décoloration
sur du noir animal. Par une série de cristallisations successives, on obtient un sucre
pur en partant du lactose commercial.
SUBSTANCES MINÉRALES.
Les quantités de substances minérales contenues dans 1000 parties de lait sont,
d'après les analyses de Sôldxers,:
K20 . .
. 1,72
Na20. .
. 0,31
CaO . .
. 1,98
MgO . .
. 0,20
P203. .
. 1,85
Cl. . .
. 0,98
BuNGE a trouvé 0.0035 de Fe-0'.
Une partie de la chaux est fixée à la caséine; l'autre partie est en combinaison avec
l'acide phosphorique à l'état de ]ihosphate tricalcique, qui est solubilisé, ou retenu en
suspension, grâce à la caséine.
Dans le sérum du lait les bases l'emportent sur les acides minéraux. Le surplus
entre en combinaison avec des acides organiques qui correspondent à une quantité
d'acide citiique de 2,;> p. 1000.
Les gaz du lait sitnt principalement CO-, un peu d'Az et des traces d'O. pKLiGEK a
trouvé 10 vol. p. 100 de CO^ et0,6 vol. p. 100 d'Az à 0° et à 760 mm. de pression.
812 LAIT.
LES ÉLÉMENTS MORPHOLOGIQUES DU LAIT.
L'examen microscopique du lait permet dedillérencier des éléments morphologiques
différents, et les auteurs sont loin de s'entendre sur la valeur et la classiticalion de
ces divers éléments.
Nai.li répartit en cinq groupes ces éléments :
1° Les lipoi/lobules, les globules gras ordinaires dépourvus de protoplasma;
2" Les lipocelloïdes, les globules gras pourvus de protoplasma ;
3" Les celloides, les masses protoplasmiques indépendantes pourvues ou non de
petites gouttelettes de graisse pAles et réfringentes;
4° Les plasmoides, agrégats de globules graisseux, de taille variable, réunis par une
gangue protoplasmique ;
5° Les zonoides des lamelles minces à contours irréguliers, plus ou moins chargé»»
(le graisse.
D'après Nalli l'examen microscopique du lait permettrait de tirer dos conclusions
sur sa valeur alimentaire. Les éléments protoplasmiques sont peu nombreux dans le lait
normal, et ne sont guère représentés que par quelques lipocelloïdes de moyenne taille.
L'abondance des lipocelloïdes, surtout de grande taille, indique déjà un état suspect.
Enfin les éléments des trois derniers groupes sont caractéristiques d'un étal patho-
logique.
Les leucocytes existent dans le lait normal, et Rrussel et Hoffmann admettent que
le chiffre de 500000 leucocytes par centimètre cube de lait n'est pas exagéré.
ils ont étudié les variations de ces éléments suivant :
1" Moments de la traite. Les dernières portions du lait sont trois fois plus riches
en leucocytes que les portions initiales et médianes qui dill'èrent peu entre elles.
2° Rut, vêlage, race sans influence.
;}" Age, augmentation légère avec l'âge des animaux.
État du pis : toute inflammation, ou même simple induration entraîne presque
toujours une augmentation du nombre des leucocytes. Les streptocoques se rencontrent
fréquemment dans le lait; Russel et Hoffmann ont trouvé dans 50 p. 100 des laits
d'animaux sains des streptocoques et ne considèrent pas leur présence peu nombreuse
comme susceptible de faire rejeter le lait. Il paraît bien exister une certaine relation
entre le nombre des streptocoques et celui des leucocytes.
Dans tout lait renfermant plus de 500 000 leucocytes par centimètre cube les
streptocoques existent, alors qu'au-dessous de ce chiffre, ils se rencontrent moins
souvent, mais cependant encore dans 1-a proportion de 30 p. 100.
ÉTUDE DU LAIT DE VACHE.
Des modifications quantitatives et qualitatives du lait. — Modifications
qualitatives. — La composition du lait varie avec le moment de la traite.
BoussiNCAL'LT a douné les chiffres suivants obtenus avec six prises île lait faites pen-
dant une traite :
1,033
1,032
1,032
1,032
1,031
1,030
1,70
1,76
2,10
2,d4
3,14
4,08
(1,47
10.75
10,8.j
11,23
11, U3
12,67
Poids spécifique ....
Matières grasses ....
Substances solides . . .
On voit que la proportion des graisses et des substances solides augmente jusqu'à
la tin : il y a donc utilité de faire une traite à fond.
L'heure a aussi son influence bien marquée sur la composition du lait. Le lait du
matin est plus pauvre en beurre, celui du milieu de la journée donne le chilTre le plus
élevé. Voici les analyses correspondant à 25 analyses de lait fourni par sept vaches de
race hollandaise soumises à une alimentation normale et traites à fond.
Bourre. Sucre de lait. Caséine. Cendres. Matières fixes.
Lait du matin 25,00 52,10 27,20 6,66 114,40
Lait de midi 47,20 53,20 27,20 5,70 135,30
Lait du soir 36,30 52,24 29,60 6,53 126,23
LAIT.
81
Mais il existe des variations iiulividuolles qui ne peimetlenl pas de tirer des conclu-
sions fermes: Touchaiui et BoiWETAL observent une vaclic qui donne à midi 7,26 p. 100
de matières grasses, le soir 4,97; puis, le lendemain, 3,;{0 le malin et o,36 à midi.
Les variations du lait sont encore très sensibles selon le liavon.
Analyses de Lajoux H. \'ii,i,ii:ns kt Cor.i.iN .
TKAYON DROIT ANTKllIKi:!!..
POUR 1 LITHK.
KXTR.VIT
A 95 \
BEURRE.
SUCRE
mi i.AiT.
M.\TIÈRES
{illiiiminoïdcs.
SELS.
1
Première portion de la traite .
Milieu de la traite. . .". . . .
Dernièi-cs portions
Moyenne
g""-
100,00
116,50
113,10
11,90
21,30
43,10
51,31
53,38
51,31
31,69
36,22
33,69
gr-
5,10
5,60
5,30
116,53
25,43 .
52,00
33,76
5,33
TRAYON r)R.OIT t'OSTERlEUR.
POUR 1 LITRE.
-EXTRAIT
A 95".
BEURRE.
SUCRE
DE LAIT.
MATIÈRES
albiiminoïdes.
SELS.
Première portion de la traite .
Milieu de la traite
Dernières portions
Moyenne
gr-
106,80
126,10
145,00
gr.
12,30
31,70
54,20
51,10
51,78
52,47
gr-
37,60
- 3o,52
31,43
gr-
5,80
• 7,10
6,80
125,96
32,73
51.78
34,88
6,56
AU COMMENCEMENT DE LA TRAITE.
POUR 1 LITRE.
EXTRAIT
A 95».
REURRE.
SUCRE
DE LAIT.
MATIÈRES
albiiminoïdes.
SELS.
Pis droit antérieur
— postérieur
Pis gauciie antérieur
— postérieur
Moycnn-"
gr-
102,10
104,80
96,40
102,50
gr.
16.80
13,10
12,80
7,94
g'"-
42,89
49,05
43,34
53,38
gr-
35,61
37,05
33,66
35,48
gr-
6,80
5,60
6,60
5,70
101,45
12,66 ! 47,16
35,45
6,17
Durée de la lactation. — Pour être ti.\é sur le rendement annuel d'une bète,il ne faut
pas seulement considérer son rendement quotidien, il faut aussi se renseigner sur la
durée de sa période de lactation. Celle-ci est variable et se trouve sous la dépendance
de la race et de l'individualité. Telle femelle, après avoir allaité son fruit, donne du lait
pendant quatre mois à peine, puis sa sécrétion se tarit brusquement; telle autre ne
s'interromprait point d'en donner d'une mise-bas à l'autre, si l'homme ne jugeait à pro-
pos de la laisser en repos quelque temps avant un nouveau vêlage. Par exemple les
vaches de la Savoie, et particulièrement de la TartMitaise, proportionnellement à leur
masse, sont de bonnes laitières; après la parlurition, elles donnent une proporl'oii élevée
814 LAIT.
de lait, fhais six mois après elles tarissent. Celles de la Normandie ne montrenl point
cette chute brusque et prolongent leur période de rendement.
Une nouvelle gestation se déclarant peu après l'accouchement abrège la durée de la
lactation.
On a remarqué qu'une peau épaisse, avec des poils rudes et un écusson très échancré,
sont des indices d'une perte rapide du lait.
En moyenne on attribue une durée de trois cents jours pour la période de lactation de
la vache, deux cent quarante pour celle de la chèvre et cent trente pour la brebis. Pen-
dant ce laps de temps, le rendement journalier en lait est loin d'être uniforme, il suit
une courbe descendante. Il est au maximum pendant le mois du part, puis il va dimi-
nuant jusqu'au moment où la bête tarit ou se sèche, suivant les expressions habituelles.
Après son accouchement, alors qu'elle rend le maximum, on la dit fraîche de lait ou
fraîche au lait.
Si, en comparant le rendement du début à celui de la fin, on constate une diminu-
tion, on ne doit pas conclure que celle-ci est graduelle et comme insensible; elle se fait
un peu par à-coups, vraisemblablement sous l'influence de mille causes extérieures"
qui jouent le rôle de circonstances occasionnelles. Théoriquement, on peut diviser la
durée de la lactation d'une vache conservant bien son lait ontie les quatre périodes
suivantes :
1" période.' 30 jours à 10 litres par jour 300 litres.
2« _ 95 — 8 — 160 —
3. _ 93 — 6 — 570 —
4e _ 80 — 4 — 320 —
300 — 1 930 —
Au point de vue commercial, il faut déduire de ces 2000 litres environ .'^oo litres,
pris par le veau.
La composition du lait subit des modifications sensibles pendant la durée de la lacta-
tion. Vers la fin de la période, le poids de l'extrait sec augmente légèrement, ce qui est
dû à l'augmentation de la caséine et de la nature grasse, et aussi un peu à la diminution
du lait sécrété.
Composition du lait après le vêlage- Race de Sommenthal.
0. Je.nsen, Annuaire agricole de la Suigse, 1905.
1 mois après le vêlage.
2
4 — —
5 — —
6 — —
7 — —
8 — —
9 — —
19 — —
26 - —
29 — —
Drnsité.
Extrait.
Cendres.
Lactose.
Beurre.
Caséine
1031,8
12,44
0,69
5,05
3,70
2,98
1032.6
12.64
0,71
5,18
3,60
3,04
1032.3
12,48
0,70
4,99
3,30
3,01
1032,1
13.02
0,69
5,01
3,97
3,35
1033,0
13.63
0,70
3.10
4,25
3,. 39
1032.9
13,72
0,73
5,13
4,47
3,63
1033,5
14,37
0,73
3,02
4,89
3,84
1034,2
14,03
0,74
4,82
4,70
4,08
1034,1
14,30
0,74
4.94
4,62
4,14
1032,3
13,84
0,79
4,39
6,10
4,45
1032.9
16,09
0,80
4,80
6,40
3,71
1034,1
16,16
0,84
4.38
6,46
4.41
L'influence de l'âge est incontestable sur l'activité de la sécrétion lactée: toutefois les
éleveurs ne s'entendent pas sur l'époque réelle où le rendement favorable cesse. Chez
les vaches laitières, où les gestations se font régulièrement, on compte non par âge de
la bête, mais par nombre de mises bas. C'est ainsi que Fleischman.n donne le tableau
suivant pris avec des vaches de la race d'Algau.
Après la mise-bas :
8% la quantité annuelle de lait est de 1 880 litres
Après la mise-bas :
1'% la quantité annuelle de lait est de 1 530 litres
2e
3= — —
4. _ _
1790 —
9
1970 —
10
2 140 —
11
2 303 —
12
2 330 —
13
2120 —
14
1 650 —
1 190 —
930 —
820 —
600 —
480 —
LAIT.
Sio
Los vaches ne coniineuccnl à porter qu'à 2 ans : on iicul donc admettro (|ue l'oplimuni
de production est réalisé vers la huitième annùe pour haisser ensuite, lentement d'ahord,
puis Iti'usiiuement veis la dixième année.
l,a période de la vache laitière serait donc entre '.] et 8 ans, celle de la brebis enire
2 et 0 ans, et celle de la chèvre un peu plus, 12 ans, 7 ou S ans.
Rendement moyen annuel de 30 races bovines,
en supposant les conditions biologiques optima pour chacune d'elles.
RenJomont
Rai'cs. annuel.
IldUandaise "> 400 litre*
Diirluim :i 200 —
Flamande 3100 —
Holsteiii el Olilciibourg.
Schwit/.
IVAyr
("otenliiic
b'ribourgeoise
Montbéliarde
SimnieiUlial
D'Aiigcln
D'Algau
Jersiaise.
:i 000
2sno
2 700
2 iOO
2 400
2 300
2 200
2 200
2 18';
Norvégienne 2 000 —
Hacos.
Auvergnate
.I^inzgau . .
'laroulaise
Marztbal
lU'cssane
Fcmcline
Loui-daisc
HretoDuc
Jiitlandaise . . . .
Limousine
Charolaisc
('■asconne
Hongroise
Des Steppes russes.
(en<leinent
annuol.
2 000 Hlrcs
2 000 —
I 1)00 —
1 900 —
1 800 —
I 800 —
1 700 —
1 O'IO —
1 ;rio —
I 550 —
I 500 —
I 500 —
700 —
650 —
Mais la ([uaiitité de lait n'est pas le seul facteur dont il faut tenir compte. Suivant
qu'il s'agit de la vente du lait, du beurre ou du fromage, c'est le rendement brut ou
en beurre ou en caséine qui devra entrer en ligne de compte. Le laitier recherchera les
races hollandaise ou flamande qui donnent du lait en abondance, mais pauvre en beurre.
Le fabricant de beurre recherchera les espèces dont le lait est le plus butyreux et
qu'on appelle précisément des beurrières à cause do cela. Assurément, s'il était possible
de tout réunir dans une même race, production maxima en lait et richesse maxima de
ce lait en beurre, le choix serait tout indiqué. Il n'en est pas ainsi; d'ans les races dont
le lait est très abondant, celui-ci n'est pas de première richesse en matériaux solides et
spécialement en beurre.
En tête des races fournissant un lait butyreux se place celle de Jersey. De récentes
observations ont montré que 15 litres de lait provenant de vaches de cette race suffisent
à faire un kilogramme de beurre. Viennent ensuite la bretonne avec 20 à 22 litres,
r.\ngeln et la Hereford avec 28, celles de Scbwitz avec 29, d'Algau, du Simmenthal et
des Flandres avec .32, de Hollande avec 35 à 38 pour aboutir aux bêtes meusiennes qui
ne donnent la même quantité de beurre qu'avec 40 à 41 litres de lait.
La race a aussi une influence sur quelques qualités du beurre, et notamment sur sa
couleur. On a reconnu que, de toutes les races, la Jersiaise est celle qui fournil le
beurre le plus jaune, et comme, à tort ou à raison, le beurre le plus jaune est le plus
estimé commercialement, dans plusieurs régions on s'efforce d'avoir au moins une bête
de Jersey dans les étables, afin que, son lait étant mêlé à celui des autres bêtes, le beurre
provenant du mélange soit plus jaune qu'il ne l'eût été sans cette addition.
Le beurre étant l'élément du lait cjui a la plus grande valeur commerciale, on s'ex-
plique qu'on ait fait des recherches pour classer les races d'après leur valeur beurvicrc,
s'il est permis de parler ainsi. Le môme travail n'a 'pas été fait avec autant de soin
pour la teneur en caséine, et par conséquent la hiérarchisation des vaches en tant que
fromagères n'est pas établie comme pour les beurrières. L'observation a appris que les
races et sous-races fribourgeoise, bernoise, nronthéliarde et auvergnate donnent un
lait qui convient bien pour la fabrication du fromage et qui est, d'ailleurs, très utilisé
pour cet objet. D'après les recherches de Makch.v.xo, la classification suivante, selon la
teneur en matières protéiques, s'imposerait par ordre décroissant : races limousine,
normande, comtoise, tarentaise, salers, Durham, niézenc, de Kerry, parlhenaise, fribour-
geoise, Scliwitz, (les polders, d'Ayr, d'Aubrac, flamande, hollandaise, suédoise.
Chaleurs. — La quantité de lait fournie par une frmelle en chaleur diminue, parce
8 1() LAIT.
([u'ello s'agite, se déplace et mange moins que d'habitude; quant aux variations des ('N'--
meiits, elles sont très diverses d'un animal à l'autre.
Plusieurs personnes adonnées à l'industrie laitière affirment qu'à ce moment le lait
est modifié aussi dans sa composition, qu'il a une odeur spéciale et qu'il s'allère plus
lacilement que le lait normal. Il a été avancé qu'une partie de la caséine est nMTiplacée
par une matière albumiiioïJe particulière. Mais des analyses précises sont indispen-
sables pour pouvoir se prononcer en connaissance de cause sur ces modifications, qui
sont plutôt soupçonnées que démontrées.
Castration. — La castration d'une femelle laitière fait diminuer brusquement la
proportion de lactose de plus d'un cinquième, mais, peu à peu, elle remonte, et, trois
à quatre mois après l'opération, elle est revenue à son taux initial (Marchand).
L'influence de la castration sur la prolongation de la sécrétion lactée a été discutée.
D'après Nicolas elle serait nulle. Il prit deux lots de 7 vaches, les unes indemnes, les
autres castrées; la moyenne du lait fourni par les bêtes des deux groupes pendant les
dix mois suivants fut de 9''', 4 pour les normales, de 9''',1 pour les castrées.
Influence de la castration Diellaioy
Kxtrait.
(JenJres.
Lactose.
Beurre.
Caséine.
12,35
o,7:i
4,17
3,13
4,30
13,07
0,74
4,49
4,05
3,79
Extrait.
Cendres.
Lactose.
Bourre.
Caséine
12,97
0,74
5,30
3,40
3,53
12,90
0,79
4,26
4,54
3,31
10,30
0,81
4,29
1,86
3,34
12.07
0,84
4,77
2,91
3,55
lfi,58
0,78
4,41
7,41
3,98
Avant la castration. . . .
Après la castration . . .
Période des chaleurs {R. Montuixiardes-Rollet).
Densité.
16 octobre 1032,7
25 — lo:}0,2
26 — (chalcui^ . 10.32,2
28 — 1032.9
29 — 1J29,1
Influence du travail. — Dans certaines régions, les vaches laitières sont encore
utilisées comme bêtes de somme, la production du lait est sensiblement diminuée.
Une vache fournissant b heures de travail par Jour donnera 15 p. 100 de moins de lait
(DoRNic), 8 p. 100 iMoKGKN ct Shlech), mais c'est principalement sur l'eau que porte la
diminution.
Analyses de Volpe.
l>onsitc
Après le travail »
Après une nuit de repos. . . »
Repos .
Travail.
Avant le travail >>
Après le travail »
Le lait de vache au travail est plus acide que celui de la même bête au repos, il se
coagulerait plus facilement.
D. Gestation. — Pendant la gestation, la composition du lait se modifie. Il est acquis
que l'acide phosphorique et le beurre diminuent, tandis que le taux de la caséine
s'élève. Il y aurait diminution du sucre de lait quand la laitière est bien nourrie et reste
en bon état, tandis que la proportion resterait stationnaire si la bête s'amaigrissait. La
diminution de l'acide phosphorique trouve vraisemblablement sa cause dans la sous-
t:action d'une partie des phosjihates qui sont dirigés sur le fœtus pour aider à la con-
struction -de son squelette. Celle du beurre et du lactose est moins facile à interpréter.
Extrait. Cendres.
11,33 0,15 (?)
13,41 O.lo
Lactose.
4,04
4,55
Beurre.
3,83
4,95
Caséine
3,45
3,90
^es de MûKGK.N.
13,2 0,73
13,48 0,75
4,92
5,00
3,77
4,09
3,39
3,54
s de Gautrei.et
12,52 0.75
11,75 0.76
4,82
4,44
4,02
3,80
2,91
2,79
LAIT. 817
Les riKunellos soûl des organes malléables, qu'on peut niodifiei' dans leur l'orme,
leurs dimensions et leur rouclionnemcnt.
La comparaison du volume de la mamelle et des rendements en lait des femelles do-
mestiques avec leurs congénères vivant à Tétat sauvage ou possédées par des popula-
tions peu avancées en civilisation et qui les exploitent mal, est convaincante. Les vaches
africaines, a3iali(|ues et celles des savanes américaines, qui ne sont pas ou sont mal
exercées en vue de la production du lait, ont les mamelles peu développées, elles ne
donnent de lait que ce qui est nécessaire pour nourrir leur veau, puis le lait tarit.
L'espèce ovine offre des exemples peut-être plus probants. Partout où la brebis n'a
point été exploitée par l'homme pour la fonction laitière, elle ne fournit du lait que
pour nourrir son ou ses agneaux, et rien de plus. Mais, quand l'homme a soumis la
mamelle à une gymnastique appropriée, l'organe s'est transformé en un apparf-il
capable de donner 200 litres de lait, et au delà, dans une année.
Il n'y a pas à douter que ce ne soit la traite méthodi(iue et suivie qui a amené la
jument kirghise à être une laitière exploitée en Asie à la faron de la vache et de la
chèvre en Europe.
Non seulement les manœuvres méthodiques exécutées sur le pis l'ont amplifié et lui
ont communiqué une suractivité remarquable, mais il y a eu multiplication des portions
de glandes désignées sous le nom de quartiers avec développement de trayons correspon-
dants. 11 a été démontré expérimentalement que la glande mammaire, composée essen-
tiellement de cellules épilhéliales,peut se régénérer si quelques acini restent en place.
Puisque la régénération a lieu, rien d'impossible qu'une gymnastique convenable et
suffisamment prolongée appliquée à l'organe sain puisse en faire proliférer les cellules.
Il nous paraît même que l'évolution de la mamelle des femelles domestiques n'est pas
arrêtée. Sur des races bovines très laitières, on remarque fréquemment des trayons
supplémentaires donnant du lait. Ces trayons, au nombre de deux et parfois de quatre,
sont placés en arrière des quatre principaux; lamplificalion du pis de la vache a lieu
d"avant en arrière. Dans les races ovines non utilisées pour la production laitière, les
brebis n'ont que deux quartiers avec deux trayons, et ce nombre s'accroît dans les
races laitières où on rencontre souvent quatre tétines.
Influence de ralimentation. — Peu de questions ont donné lieu à d'aussi nom-
breux travaux : néanmoins les recherches méthodiques, rigoureusement scientifiques,
sont plutôt rares.
L'alimentation normale de la vache laitière est celle de l'herbage, et c'est pendant son
séjour au vert qu'elle donne son rendement supérieur. Si on a pu noter une diminu-
tion sensible du lait pendant les premiers jours qui suivent la mise à l'heibage, cette
diminution doit être attribuée au changement de vie à la sortie de l'élable et surtout
à l'agitation du début.
La nature même du sol influe sur la production du lait, et Vincey a pu montrer une
augmentation de 20 p. 100 de lait pour des vaches nourries dans les mêmes. prairies ,
mais après irrigation intensive.
En restant dans les mêmes conditions de stabulation, on peut déterminer l'in-
fluence des régimes différents.
0. .Iansen a ainsi étudié des lots de trois à six animaux soumis pendant cinq à
six semaines au régime sec, au régime vert, puis de nouveau au régime sec. Les
tableaux suivants, empruntés àO. Jansen, et à Brunel et Goussier qui ont fait des recher-
ches du même genre,, marquent le peu d'influence exercée par ces variations de
régime.
Influence de l'alimeatation.
Race du Simmenthal {Analyses de 0. Jansk.ni.
Matière
Densité. Extrait, Cendres. Lactose, grasse. Caséine.
Régime sec. ... ! ^ "^"^••^ ^^.^(i 0,71 o,09 3,60 2,95
' 1032,9 12,47 0.71 ■],2.l 3,70 2,98
•Régime vert. . . ^ '^^~'^ ^-G6 0,72 5,29 3,50 3,0i
negimeveu ^ ^^^^^^^ ^^^^^ ^.^^ ,^
) 1034,0 14,54 0,73 4,95 4,90 4,00
I 1034,5 14,57 0,73 4,86 5,00 4.O.;
Régime sec
DICT. DE PHYSIOLOOi;:. — lO.Mt i\. " 52
0,65
4,80
3,00
3,60
0,58
5,00
3,10
2,90
0,70
5,10
3,20
3,10
0,60
5,00
3,80
3,40
S18 LAIT.
Anal uses de Brunel et Goussieu.
Regain 1031,5 '
Ensilage et fuia 1030.0
Foin, betteraves, tourteau. . . . 1032,0 »
Regain, foin, betteraves, tourteau. 1031,5 »
Rôle des graisses. — La valeur marchande du lait oscillant avec la teneur en
beurre, les tentatives ponr enrichir naturellement le lait en matières grasses ont été
des plus nombreuses. Quand on ignorait le pouvoir de l'organisme de faire des graisses
avec des hydrates de carbone ou des protéides, on recherchait surtout l'adjonction des
substances grasses. Bolssing.mjlt, dès 1843, avait cru retrouver, dans la teneur en graisse
du lait, la totalité de la graisse contenue dans le foin de la ration, et il s'attacha à
démontrer le rapport constant entre l'activité butyreuse el la teneur en graisse des
fourrages.
L'addition des tourteaux commerciaux de coprah, de lin, de colza, d'œillelte ont
donné des résultats très discordants suivant les conditions expérimentales.
Henrigues et Ha.nser, ALBRECur. Ivellner, Wing, .Mali-ealx et Dorez ont obtenu des
résultats très divers : souvent la teneur en graisse a été augmentée, mais, la quantité de
lait ayant baissé, la production journalière était en réalité diminuée.
Le tableau suivant résume les résultats de Malpeai-x et Dorez.
Fouilles de bottcrave. KaL-iues et tourteaux.
liar litre.
par 24 heures
39,8
318
37,8
325
Lait sécrété Matières grasses. Lait sécrété Matières grasses.
en 24 heures. ■— ^^ en
litres. |iar litre. par 24 li. en gr. 24 heures.
9 36,6 330 8
9,60 34,0 332 8
Les tourteaux donnent une crème difficile à baratter, et il ne faut pas dépasser
i k. 500 de tourteaux dans la ration (juotidienne.
Il faut cependant citer les expériences favorables de IIoiikniieim qui a vu les tourteaux
de sésame et d'arachide augmenter la teneur en nialières grasses.
Rôle des hydrates de carbone et des substances azotées. — Peu de documents sur
cette inÛuence. Jordnan-Jeut.ner et Eulleu ont donné à um- vache pendant des périodes
nécessaires une ration de foin additionnée soit de farine de riz, soit de résidu d'ami-
donnerie (gluten de maïs). Ici encore on note une courbe inverse entre le pourcentage
du beurre et sa production totale; mais on ne peut guère tirer une conclusion quel-
conque. Les recherches de Stohmann, exécutées sur deux chèvres dont on faisait varier
l'alimentation, ne sont pas plus démonstratives; nous n'avons pu d'ailleurs trouver , les
quantités totales de beurre fournies.
Matière grasse
p. 100.
7 '^""^
Foin seul 3.29 2,72
Foin et amitlon 3,29 2,31
Foin et graisse 3.20 2.78
FoiD et sucre 3.45 2,17
Les documents sont encore moins nombreux et moins précis en ce qui concerne le
rôle des matières azotées. On admettait, jusqu'à ces dernières années, que la quantité
de lait et sa matière sèche étaient d'autant plus fortes que la ration était plus riche
en ma,tières protéiques. Les expériences danoises, entreprises sous le contrôle du
laboratoire d'expériences agronomiques de l'École agricole et vétérinaire de Cof^enhague
ont démontré qu'il est possible, pendant plusieurs mois, de distribuer aux vaches
laitières des rations moins azotées qu'on ne le pensait généralement, et cela sans
dommage pour la sécrétion lactée.
Hoerer, tout en confirmant ces résultats, montre qu'un régime pauvre en matières
Albumine
Lactose
p. 100.
p. 100.
L IL
I. 11.
2,08 2,35
3,98 3,97
2.19 2,78
4,16 4,14
2.29 2,77
3,75 3,67
2,45 3,04
3,40 4,04
Cendres.
Lactose.
Beurre.
Caséine
1,11
5,94
3,75
2,85
0.65
4,62
2,14
2,. 31
LAIT. 819
azotées ne peut être institué pendant plusieurs années con.sécutivos sans qu'on ol)seive
undépérissement des animaux ; il suffit d'augmenter la richesse de la ration en protéine
pour faire disparaître les troubles.
En ce qui concerne la nature des matières azotées de la ration, les recherches
danoises ont montré que la vache laitière recevant une alimentation abondante, mais
peu azotée, peul utiliser tout l'azote albuminoïde de la ration à édifier les matières
azotées du lait, en admettant toutefois que l'azote amidé de cetti; ration suffise' à son
entelien.
Influence des boissons et des aliments aqueux. — l/induence des boissons n'a
pas été étudiée avec une précision suffisante. G.vutrklkt donne deux analyses de lait
obtenu, l'un avant l'autre, après l'absorption d'un seau d'eau.
Kxtraii.
Avant 13,5
Après un seau d"eau. . . . 10,3
GoRNEviN signale l'intluence de l'eau chaude, |)rovoquant une auumenlatioii de
1 k. oOO par jour, mais il ne donne pas d'analyse.
L'action des aliments riches en eau, pulpes, drêches,aété beaucoup plus approfondie,
et trop souvent les nourrisseurs ont cherché ainsi à mouiller le lait avant la traite.
L'effet incontestable d'une nourriture aqueuse paraît dû à une augmentation de la
digestibilité des aliments divers.
Les résidus des brasseries et distilleries n'apportent pas de modifications au lail
des vaches nourries au préalable avec, des fourrages verts, par suite déjà riches en eau.
Expériences de Vlnstitut de Proskau, sur des vaches hollandaises.
Matière
Densité. Extrait. Cendres. Lactose. grasse. Caséine.
Nourries au vert » 11, 5D » » 3,23 »
Nourries aux dréches de distillerie. » 11,56 » » 3,14 »
Expériences de A. Limbaci!.
Ration contenant :
39 lit. de vinasses 12,25 lit. défait, contenant 3,16 de matière grasse.
45 — 12,07 — — 3,12 —
71,5 — 13,23 — — 3,42 —
Malpe.^ux a obtenu des résultats semblables :
Expériences de Mali'eaux.
Quantité
journalière Matière Extrait
de lait. grasse. sec. Laciosn.
Vache n"!. lit. p. 100. p. 100. p. 100.
Betteraves 17.6 3,47 12,17 5,07
Pulpes 17, S 3,37 12,08 4,83
Vache n" ").
Betteraves 11,3 3,46 12,62 5,40
Pulpes '•»,8 3,69 13,18 5,03
Lajoc.k a obtenu les résultats suivants avec le lait de vaches nourries avec des pulpes,
des drèches, des tourteaux et de la paille :
Par litre.
E.xtrait Matière Lactose
Densité. à 95" grasse. anhydre. Cendres. A
1 vache hollandaise. . . 1,0303 119,1 32,1 49,38 7,50 —0,55
1 vache hollandaise. . . 1,0303 109,6 25,0 48,78 7,90 —0,55
Lait de 20 vaches . . . . 1,0318 124,6 33,7 48,65 7,70 —0,55
Lait de 20 vaches. . . . 1,0268 130,5 58,6 42,46 7,60 —0,56
850 LAIT.
Les pulpes et les drt^ches, toujours distribuées avec d'autres aliinenls (foin, etc.), ne
niodifient pas sensiblement la composition grossière du lait, pas plus qu'elles n'élèvent
d'une façon notable son degré d'acidité.
Cependant, lorsque l'ensilage a été mal fait ou a duré longtemps, le lait a quelque-
fois une saveur spéciale, désagréable ^.Nicolas), et subit facilement la fermentation acide.
II ne faut pas oublier que la mamelle est un émoncloire important et que plusieurs
substances passent à travers la glande mammaire sans être modifiées. C'est grâce à
cette propriété que certains aliments produisent des beurres plus jtarfumés que d'autres.
Le lait produit par des vaches alinienléos avec des pulpes avariées conlient des prin-
cipes encore inconnus, que l'analyse chimique ne décèle pas, provoquant des troubles
digestifs chez les enfants qui le consomment (Marf.\n).
Rôle des sels. — Il est presque impossible de modifier la teneur du lait en sub-
stances minérales; les tentatives ont surtout porté sur les phosphates. Les analyses de
DucLAL'x ont montré que les laits vendus comme laits phosphatés par alimentation
spéciale de la vache n'avaient pas leur richesse modifiée.
l.ait ordinaire. Lait pliosphaté.
moyenne. moyenne.
Phosphate de chaux .1,30 3,40
Acide phosphorique en oxci's. . 0,62 0,65
Autres sels 3,60 3,34
Total 7,30 1,55
ScHOLTE a étudié l'influence de l'addition à la i alion de fer, de chaux, de phosphore,
c'est à peine s'il a pu obtenir une très légère augmentation de ces corps dans le lait :
les analyses minutieuses de Valdin démontrent également la fixité remarquable de la
composition des cendres. Les écarts entre les régimes les plus divers ne dépassent pas
.lO centigrammes, sur 8 grammes environ de cendres.
Des galactagogues. — On appelle galactagogues ou bien galactogénes, comme
l'indique Tétymologie de ces noms, des agents auxquels on attribue le pouvoir de
provoquer, rappeler ou augmenter la sécrétion lactée. Divers auteurs appellent ces
mêmes moyens galactopoiétiques, ou encore lactigènes, lactifères.
Les moyens galactagogues sont soit des actions mécaniques, soit des substances.
Mais, pour qu'une action ou uno substance mérite vraiment le nom de galactagogue, il
ne suffit pas qu'elle ait le pouvoir d'augmenter la sécrétion lactée. Il faut encore qu'elle
ne nuise pas à la qualité du lait sécrété. Or, comme l'a fort justement remarqué
FoNssAGRivEs, « l'abondauce du lait et sa richesse nutritive sont deux faits qui, loin
d'être corrélatifs, sont, au contraire, souvent antagonistes. Les galactogènes réels sont
donc des moyens qui exagèrent la sécrétion lactée sans augmenter en rien la richesse
du lait ».
Tour à tour vantés dans l'antiquité et au moyen âge, puis presque niés à notre
époque, par un de ces changements subits de préféience dont la science médicale a
donné plus d'un exemple, les galactogènes méritent cependant d'être étudiés.
L'action des galactogènes et des agalactiques sur la glande mammaire est encore
mal élucidée. Pour Rohrig, tous les médicaments qui élèvent la tension artérielle
augmentent la sécrétion lactée, et ceux qui abaissent la première diminuent la seconde.
C'est ainsi que la digitaline, la caféine auraient une action galactagogue; sous l'in-
fluence de la strychnine, la sécrétion deviendrait quinze ou seize fois plus abondante,
puis retomberait au-dessous de la normale; il y aurait donc là une action directe sur
les nerfs sécréteurs de la glande mammaire.
D'après d'autres auteurs, les glandes lactées étant des glandes cutanées, les substances
diaphorétiques seraient galactogènes. C'est ainsi que A. Robin, dans ses recherches
sur le jaborandi, a avancé que le jaborandi et son alcaloïde la pilocarpine ont une action
stimulante sur la fonction mammaire; mais cette action est niée par Stujipf, Ch. Cor-
NEviN, Hammerbacher et Marmé.
Pour Dolan, Hammerbacher et Neumann, la belladone et l'atropine diminuent beau-
coup la quantité du lait, qui devient alors plus riche en principes solides.
LAIT. 821
Les moyens et les mt'-clioanienls gulaclagogues peuvent se n'sumer dans le lalilcau
suivant (GniNiEwnr.ii) :
1. Traitement externe
- f 2. Tniitement interne
Succion et, trayage.
Massage.
Électrisalion.
Applications locales.
a) Nourriture.
A) Substances alimentaires. 1 ,( ^, •
' ( /)) Boisson
\ r> c- 1 . ■ T i I ( «' Vt'gélalcs
Bi Subst. modicamcnteuses. { ,; ,,• , ,
\ ' ( h) Minérales
Succion et trau(i<je. — La succion, c'est-à-dire l'action de tirer le lait hors de la
mamelle en le pompant avec les lèvres appliquées sur le mamelon, constitue l'un des
moyens galactogènes les moins contestés et certainement le moins artificiel de tous.
« L'excitant le plus puissant de la mamelle, écrivent Tarnier et Ch4Ntreuil, est la
succion prolongée du mamelon. On a même observé des cas où cette sucfion a suffi à
faire naître une sécrétion abondante de lait chez des femmes qui n'avaient pas eu d'en-
fants depuis plusieurs années, môme chez des jeunes filles.
BoucauT rapporte qu'une jeune chèvre, qui n'avait jamais été couverte, fut tétée par
un agneau, et qu'au bout de quelques jours elle avait assez de lait pour qu'on pût la
traire. Leoroux a vu une jeune chienne, entendant crier un petit chien, s'arrêter et. lu»
livrer ses mamelles; elle finit par avoir du lait et le nourrir. Belloc rapporte qu'une?
servante, ayant la garde d'un enfant nouvellement sevré, lui donna le sein pour l'em-
pêcher de crier el ne tarda pas à avoir du lait.
Ajoutons que le trayage, ou action d'exercer les tractions sur les mamelles, peut
être rangé avec la succion. Enlre Tun et l'autre, il n'y a qu'une difl'érence légère de
mécanisme : d'une part, ce sont les lèvres qui pompent le lait, d'autre part ce sont les
doigts qui l'expriment et le font jaillir.
L'excitation des glandes mammaires par le massage des mamelles est un moyen
galactogène qui semble avoir été longtemps négligé. C'est surtout en Russie que le mas-
sage a été pratiqué. Mensing, Schultz citant des cas où la sécrétion lactée ne s'est établie
qu'après le massage.
L'électrisation des mamelles a donné des résultats variables dopuis la communica-
tion de AuBEUT (18îi6).
Applications locales. — Quant aux applications locales, elles ont été préconisées par
Mac William et Bouchut qui attribuent à l'application de cataplasmes de mercuriale et
de pimprenelle sur les mamelles une réelle efficacité (?).
Substances médicamenteuses.— Pvesque toutes les substances dites galaf^togènes appar-
tiennent au règne végétal et il est impossible de citer le nom de toutes les plantes pro-
posées. Griniewitch en cite 43 et en oublie cerlainement beaucoup. Parmi i;elles qui ont
paru donner quelques résultats, il faut citer :
Galega officinalis (légumineuse), proposée en 1873 par Gillet Damitte, a, enlie
les mains de Carron de la Carrière, donné d'excellents résultats. Les recherches de
Griniewitch, tant sur les femmes que sur la vache, montrent un effet galactogène réel :
augmentation sensible de la quantité du lait produit, avec maintien de la teneur en
beurre; augmentation de poids des nourrissons.
Urticu urens a donné des résultats du même ordre.
Le jaborandi, signalé par Rœhvig comme galactagogue, n'exercerait aucune action
utile d'après Cornevi.x.
La somatose provoque une abondante sécrétion lactée (Drews, Re.\o.\), mais elle
pourrait amener une glycosurie passagère.
LES FERMENTS DU LAIT.
La question des ferments existant dans le lait au moment de sa production présente
un double intérêt théorique et pratique.
Si le lait est, suivant l'expression d'un certain nombre de médecins, un liquide
vivant grâce à ses ferments et qui par la stérilisation est transformé en un liquide
8-22 LAIT.
inerte et mort, on conçoit les différences de modalités que le lait cru ou le lait stérilisé
doivent présenter comme aliment.
Les ferments du lait peuvent être rangés, avec DLGLAUx,en cinq classes :
1° Les ferments hydrolysants;
2° Les feiments oxydants;
3" Les ferments coagulants;
4° Les ferments protéoly tiques;
5" Les ferments mal déterminés.
Amylase. — L'amylase est le premier en date. Héchamp, en 1883, le signalait dans le
lail et donnait ses propriétés; il n'existait que dans le lait de femme et exerçait sur
l'amidon une action saccharitianle aussi active que celle de la salive parotidienne.
BoLCHUT répéta l'expérience de Bkchamp et en conclut qu'ilyaentie le lail de femme
et des animaux des différences que rien ne saurait supprimer.
MoRO, en 1898, Luzzati et Biolchim, on 1901, sont arrivés aux mêmes résultats.
D'après Spolverim, l'amylase existerait aussi dans le lait de chierjne, et plus rare-
ment, mais quelquefois aussi dans le lait d'ànesse. Là elle serait peu active.
Elle fait toujours défaut dans le lait de vache et de chèvre. Le mode d'alimentation
aurait une grande influence sur sa production. Le lait d'une chèvre alimentée avec de
l'orge en germination contenait après quelques jours manifestement de l'amylase; il
contenait, en outre, un ferment dédoublant le salol.
Triboilet et Barbellion, en injectant 10 centimètres cubes de lail de femme dans
le péritoine de^ia chèvre, ont noté l'apparition de l'amylase et d'un ferment dédoublant
le salol.
Lipase. — En 1900, Maufan et Ch. Gillet monlrèrent les premiers que le lait frais
décomposait la monobulyrine en acide butyrique et glycérine; cette même réaction
n'existait pas dans le lait cuil. D'où la conclut.ion que le lait contient un ferment
capable de dédoubler les graisses neutres en acide gras et glycérine, et que c'est, par
suite, une lipase.
Cette diaslase, beaucoup moins active dans le lait île vache que dans le lait de femme,
est sans action sur toutes les autres graisses. Après Marfan, Luzzaii, Biolchim et Spol-
VERiNi conclurent, à la suite de leurs recherches, à la présence de la monobulyiinase dans
les laits de femme, de vache, de chienne, d'ànesse et de chèvre.
D'après Si'OLVERi.Ni, l'action du ferment sur la graisse du lait elle-même pourrait
commencer dans la mamelle avant la traite.
Pour répondre à l'objection de Dovon et Morel émettant l'hypothèse (ju'on pouvait
attribuer aux microbes la décomposition de la monobulyrine, Marfan recueillit du
lait, en s'enlourant de toutes les précautions et de l'asepsie la plus rigoureuse. En
faisant agir divers échantillons de ce lait sur la monobulyrine, il constata que celui
qui est complètement dépourvu de microbes agit aussi activement que les autres.
Celte preuve suffit à démontrer dans le lail l'existence d'une substance dédoublant la
monobulyrine et se comportant comme un ferment.
Salolase. — En 1901 , Nobkcourt el Merkle.n signalent le dédoublement du salol en
phénol et acide salicylique sous l'influence des laits de femme, de chienne, d'ànesse,
alors que les laits de vache el chèvre sont inactifs.
Une température de 100°, pendant une deKii-heure, supprime ce pouvoir.
Ce ferment n'est pas spécifique du lait, on le trouve dans le sérum sanguin de
l'homme, et il faut ajouter que, d'après Hanriot, il s'agirait simplement de la lipase qui
exerce son action sur tous les élhers.
Oxydase. — En 1881 Arnold signala l'action du lail sur la teinture de gaïac, mais
il attribua le bleuissement à la présence de l'ozone dans le lait frais.
KowALEwsRi, 1890, Carcano, 1896, retrouvent cette réaction, mais c'est Dupouy (1897)
qui émet le premier l'idée de l'existence d'un ferment oxydant dans le lail.
Ce sont surtout Marfan et Ch. Gillet qui donnent à celte question une importance
clinique réelle.
Si à un mélange de teinture de résine de gaïac fraîchement préparée on ajoute
deux ou trois gouttes d'eau oxygénée, la teinture de gaïac prend une teinte bleue ou
bleu-verdâtre qui résulte d'une oxydation.
LAIT. .Si>:5
La subslanco tlu lait do vaclic cru, iiui oxyde l'eau gaïacolée el la ntugit cii pré-
sence de l'eau oxygénée, a tous les caractères des ferments solubles. Elle est en effet
détruite à une température de 78" à 79». Le lait chauffé i celte température ne donne
plus de réaction, et on peut ainsi distinguer le lait de vache cru du lait de vaciie cuil.
De plus, la snlistance oxydante du lail de vache ne dialyse pas. Enfin, la plupart des anti-
septiques l'alVaiblissent sans la déiruire.
Il existe donr dans le lait de vache une diastase capal)le de provoquer une oxydation
non en présence de l'air, mais seulement en présence de l'eau oxygénée; c'est un fer-
ment oxydant indirect ou nue anaéroxydase.
Après avoir expérimenté sur le lait de femme, M.vrian et Gillet confirmèient les
faits déjà signalés par Raudnitz : que si dans le lait de vache cru la réaction est constante,
elle est dans le lait de femme très légère ou même absente, au moins dans le lail vrai;
car on l.i trouve constamment avec le colostrum.
Lactase. — De même qu'il existe dans le sang un ferment glycolytique, il existerait
également dans le lail un ferment destructeur du lactose; alors que Sfolvehi.ni, (jui le
découvrit le croit identique au ferment du sang, I^obkcourt et Merklen en font un fer-
ment laclolytique différent.
La présence d'un ferment coagulant dans le lait a été signalée par Schlossman.n,
MoRO, li.sMBUuGER (1902). Le lait de femme, non celui de vache ou de chèvre, aurait la
propriété de faire prendre en masse gélatineuse le liquide de l'hydrocèle iTébullition
serait insuffisante pour supprimer complètement celle propriété.
Par contre, Camcs a observé une action anticoagulante. En injectant o ce. de lait de
vache frais dans la saphène d'un chien, on rend le sang incoagulable, ou tout au moins
peu coagulable. Ici encore l'ébullition et même le chauflage à lli)° ne font pas perdre
au lait ses propriétés aniicoagulables.
Il y a donc lieu de se demander si cette action positive ou négative des laits sur les
liquides coagulables est réellement due à la présence d'un ferment.
Agglutination. — Bordet, pratiquant des injections intrapéritonéales de lait de
vache, vit que le sérum de ces animaux acquérait la propriété de coaguler le lait de
vache : les expériences ultérieures (Uhlenluth, \Vassehma>-n, Schutz et Mord) mon-
trèrent la spécialité de cette réaction : l'injection de lait de vache ne provoque la réac-
tion agglutinante que pour le lait de vache, et réciproquement.
La stérilisation fait-elle perdre au lait cette faculté spécifique : Schulze l'aftirme,
MoRO le nie.
Protéase. — S. -M. Rabchk et H.-L. Russel démontrèrent l'existence , soupçonnée
par Dastre de ferments proléolytiques dans le lait. On observe pendant quelques jours
un lait recueilli asepliquement et conservé à l'abri des microbes, et l'analyse montre
qu'une bonne partie de la caséine a été transformée en proléides solubles (albumine,
albumose, peptones). Cette transformation tendrait à prouver que le lait renferme
divers enzymes proléolytiques, dont les uns se rapprocheraient de la trypsine pancréa-
tique et les autres de la pepsine. Une température voisine de 100° empêcherait la
réaction de se produire. Vandevelde considère ce ferment comme une kinase, qui acti-
verait l'action des sucs digestifs sur le lait cru.
Ces observations ont été confirmées par Neumaxn, We.nder, Spolverini, alors que
Salkowski n'a pas obtenu les mêmes résultats : il a pu conserver du lait pendant treize
ans sans altération de la caséine. Austin n'a pu trouver également la preuve d'une
protéolyse dans le lait de femme.
Catalase. — La décomposition de l'eau oxygénée par le lait a été étudiée d'abord
par Radcok, puis par Raldnitz, Carrih:re et plus tard par un grand nombre d'expéri-
mentateurs. La quantité de catalase contenue dans le lait est toujours très faible, et
peut être évaluée en général à 2 000 à r>0 000 fois moins que celle contenue dans le sang
de l'animal correspondant.
Ainsi50cc.de lail de vache produisent en l'espace de 18 minutes environ 2à3 ce. d'O,
alors que 50 ce. de sang de vache, dans les mêmes condilions, en produisent 175 000 ce.
Le lait de femme a un pouvoir catalytique 4 à 5 fois plus puissant que le lait de
vache (Joller;, ce qui s'explique ])arce fait que le lait humain est plus riche en catalase
que le lait de vache.
82i LAIT.
D'après van Itallie, la oatalase du lait de femme se distingue par une plus grande stabi-
lité à la chaleur que la catalase du lait des autres animaux. La catalase du lait de
femme n'est pas détruite par une température de 60° maintenue pendant une demi-heure.
Il serait intéressant de savoir si elle est sécrétée [sezerniert] telle quelle par les cellules
de la glande, ou bien si elle est liée aux éléments cellulaires (leucocytes) du lait. La pré-
sence de catalase dans le lait pur a été attribuée aux microbes existant dans le lait
(Chick, Seligmann).
Jensen a étudié le pouvoir catalytique des microbes variés qui se rencontrent dans
le lait. Il a trouvé que les différentes sortes de bact»'ries qui composent la flore ordi-
naire du lait sont les plus riches en catalase, et il pense que la plus grande quantité de fer-
ment est d'origine bactérienne, au moins lorsqu'il s'agit de lait infecté.
Babcok avait fait la remarque que le pouvoir catalytique du lait disparaît après
quelques jours. C'est, comme l'explique Jensen, par suite de l'augmentation de l'acide du
lait elîecluée par les microbes.
Dans le lait stérile, la plus grande partie de la catalase est vraisemblablement liée aux
éléments cellulaires venus de la glande et passés dans le lait, notamment aux leucocytes.
Babever avait justement remarqué que le culot obtenu par centrifugation du lait qui
se compose principalement de leucocytes, décompose énergiquement H-O^, et que le
colostrum, qui est très riche en leucocytes, possède un pouvoir catalytique 10 à 15 fois
plus grand que le lait ordinaire.
Jensen a cherché à déterminer le contenu en catalase de diverses portions de lait
obtenues par traites fractionnées. C'est un fait connu que le lait à la fin de la traite
contient plus de graisse et de leucocytes, et il semble maintenant qu'il contient égale-
ment beaucoup plus de catalasp. Cependant, d'après von der Velden, il ne doit exister
aucun rapport direct entre la (juantité de catalase et le nombre des leucocytes, à
l'exception du cas où les cellules se trouvent en très grande quantité.
De même il n'existe aucune proportion entre le contenu en graisse et la quantité de
catalase du lait, de sorte que von der Velden incline à penser que la catalase est un
produit de sécrétion de la glande mammaire.
Babcok, et plus tard Faitclowitz, ont remarqué que la crème est beaucoup plus
riche en catalase que le reste du lait.
Reiss montra que la catalase contenue dans la crème peut en être facilement et
presque complètement extraite par l'eau. Ce fait montre que la catalase ne se trouve pas
dans l'intérieur des globules gras du lait, mais qu'elle leur adhère par des conditions
physiques.
Ferments du lait suivant l'espèce.
Fomnie. Anesse. Vache. Chèvre.
Amylasc 4- — —
Lipase + + +
F. protéolytiqut's + + 4-
F. glycolytiqiics -!- -f +
Salolase + . — —
Catalase + — —
ORIGINE DES DIASTASES.
Les oxydases proviennent des leucocytes existant dans le lait, et c'est dans le culot
du lait centrifugé qu'on les trouve en quantité. D'après Solocrini, l'alimentation joue-
rait un rôle important, les herbivores, après un régime carné perdraient leurs ferments
oxydants. Les agents figurés trouvés dans le lait ne jouent aucun rôle comme produc-
teurs de ferments oxydants (0. Jensen).
La réductase a une double origine, comme la catalase.
Origine glandulaire. — Origine microbienne. — La sécrétion d'agents réduc-
teurs est incontestable et facile à interpréter depuis les travaux d'EnuLicH, et un fait
curieux montre celte vitalité des cellules. Le pouvoir réducteur augmente à la fin de la
traite, au moment où les cellules lactifères sont à leur maximum d'activité. Ces der-
LAIT. 82a
nières portions Je l;i truite sont aussi plus riches en ^'lulmles gras, il'où celte liypotlièso
<le Jensen, que la réductase est absorbée par la membrane des éléments butyreux; mais
une partie cependant reste dans \o plasma lacté, puiscpie le sérum possède un pouvoir
réducteur très net.
La réductase glandulaire n'agit sur le bleu de méthylène qu'en présence d'un réduc-
teur (aidéhydique). La réductase microbienne agit directement.
ORIGINE DU LACTOSE.
Le lactose, dissacch.iride cunslitué par une combinaison de glucose et de galactose
avec élimination d'eau, est un sucre spi'cifKiue du lait. On ne le trouve pas en effet
dans les autres éléments des tissus de l'organisme animal et il n'a été signalé qu'à
titre de rareté dans ct^rtains végétaux : suc de s/ipjtillier (BoucH.vni)AT), glands do
chône (Braconnot).
On peut letrouver du lactose dans l'urine, mais c'est uniquement au début de la
lactation, quand le débit des glandes n'est pas assuré ou bien encore quand la lacta-
tion est brusquement interrompue. Dans les deux cas, il s'agit d'une résorption di
lactose fabriqué [tar la glande.
Cl. BERXAnr) pensait que le sucre de lait se forme dans la glande mammaire aux
dépens du glucose apporté par le sang. Eu injectant de fortes doses dans le sang de
chien ou de lapin, on retrouve le glucose dans toutes les sécrétions, à l'exception du
lait, où on ne trouve jamais que du lactose.
P. Berï (1878), partant de la conception de la glycogénie hépatique, conçut l'idée
que le lactose devait être formé dans la mamelle aux dépens d'un hydrate de carbone
hypothétique qu'il désignait sous le nom de lactogène. Mais les, tentatives d'hydrolyser
la pulpe de glandes mammaires par l'acide sulfurique ne lui donnèrent aucun résultat.
Hammarsten isola de la glande mammaire une aucléoglycoprotéide, qu'il considère
comme susceptible de doimer par dédoublement le lactose et la caséine, mais les
résultats positifs manquent.
Thierfelder et La.ndevehr considèrentle lactose comme le produit d'une fermentation.
Le premier, en soumettant à l'autolyse des glandes mammaires dans une solution salée
à la température ordinaire trouve une augmentation du pouvoir réducteur de liquide
extrait, mais il n'isole pas de lactose. Le second réussit à transformer une gomme
animale extraite de la glande mammaire en galactose, en la soumettant à l'action de
ferments inversifs ; mais c'est du galactose, non du lactose, qu'il trouve finalement.
Le lactose étant le dissaccharide du glucose et du galactose, on peut supposer que
la glande mammaire le construit par voie de synthèse, le galactose provenant de l'ali-
mentation végétale et le glucose de l'organisme lui-môme (Mh.ntz). L'essai de synthèse
entrepris par Demole sous l'action des acides fut en partie réalisé par Fischer et .\rms-
TRONG, qui, avec le ferment du képhir, obtinrent un isolactose, mais non un lactose vrai.
Basch a continu»' ces recherches; il met en contact de l'extrait glycérine de la
glande avec des mélanges de galactose et de glucose sans rien obtenir, mais en
traitant le même mélange avec de l'acide citrique, il obtient un sucre dont l'osazone
ressemble à celui du lactose au point de vue du système cristallin, mais le point de
fusion est de 0° inférieur à celui de lactosazone.
Les recherches poursuivies sur les animaux n'ont pas donné de résultats plus
positifs sur l'origine du lactose.
C'est P. Beut qui le premier eut l'idée d'étudier les échanges chez les chèvres ayant
subi l'ablation des mamelles et devenues gravides. Pendant toute la durée de la
grossesse, les urines ne renfermèrent aucune substance réductive; mais, aussitôt après
la délivrance, la glycosurie fut manifeste : P. Bert conclut que le sucre de lait est
produit {tar l'excrétion mammaire du sucre fabriqué en excès par l'organisme après
la parturition.
Ces travaux ne furent pas confirmés par Moore et Parkes, qui opérèrent dans les
mêmes conditions. D'après eux, l'urine de chèvre réduit la liqueur de I'ehlin»; norma-
lement, et le pouvoir réducteur n'augmente pas avec la délivrance.
Les expériences de Marshall et Kirkness, sur les cobayes, arrivent aux mèmts
826 LAIT.
conclusions : pas de glj'cosurie après la parturilion des femelles à mamelles enlevées.
Au contraire, les recherches de Porcher concordent avec celles de P. Bert.
Porcher, qui pendant la grossesse n'a pas vu dans les urines des chèvres de substances
réductrices, trouve, immédiatement après la jiarlurilion, 6 p. 100 de glucose, mais le
sucre diminue rapidement, il n'est plus que de 3 p. 100 cinq heures après la délivrance
et de 0,3 p. 100 le lendemain.
Le dosage du sucre dans le sang indique une hyperglycémie très nette :
Sang de la jugulaire.
Avant la délivrance 0f'.44
4 heures après 28'',8o
24 heures ltB',30
L. Porcher conclut, comme P. Bert, que le lactose est construit par la glande
mammaire aux dépens du glucose formé en excès immédiatement après la délivrance.
Une série d'observations de Porcher viennent confirmer cette hypothèse.
Chez les chèvres à mamelles enlevées, la glycosurie consécutive à la délivrance
disparaît dans les deux premiers jours et on trouve alors quelquefois du lactose
(recherche par les osazones). Chez les femmes accouchées on trouve également de la
lactosurie, quelquefois importante, de 2 à 12 grammes de lactose (Porcher et Comman-
deur). Dans le premier cas, la présence du lactose s'explique par le maintien d'un
fragment de glandes mammaires. Alors le glucose, transformé en lactose, ne trouvant
pas de voie d'excrétion, est résorbé et apparaît dans les urines. Dans le second cas,
même mécanisme : la glande, au début de ses fonctionnements, fournit plus de
lactose que l'enfant ne peut en extraire avec le lait maternel, et il y a également
résorption.
Les dosages du sucre faits simultanément dans les veines mammaires et jugulaires
indiqueraient un déficit pour la veine mammaire avant la parturition et pendant la
lactation (Kaufma.nn et Lagne).
Une alimentation riche en sucre entraîne chez les accouchées une lactosurie nette
(voN NooRDEN et Zulzer). Le même fait a été constaté par Porcher chez la chienne.
L'origine du lactose aux dépens du glucose de l'organisme paraît bien probable.
Ajoutons que Fischer, en s'appuyant principalement sur des [considérations stéréochi-
miques, admet la possibilité d'une transformation du maltose.
ORIGINE DE LA CASÉINE.
Comme le lactose, la caséine est un élément spécifique du lait. Même chez le
nourrisson on ne trouve plus traces de caséine.
Au début, la caséine étant considérée comme une modification des àlbuminoïdes
ordinaires, toutes les hypothèses avaient donc pour objet d'expliquer par une action
diastasique l'apparition de la caséine'; mais quand Luravin eut démontré le caractère
nucléinique de la caséine, les hypothèses prirent une autre direction et on vit dans
la caséine une combinaison des àlbuminoïdes du plasma avec une substance provenant
du noyau des cellules de la glande mammaire.
Première période : L'évolution diastasique {Die cnzymatische Umwandlung). —
En 1867, Kemmérich, ayant observé que si on laisse du lait de vache plusieurs heures à la
température de 38°, la quantité d'albuminoïde diminue en même temps que celle de la
caséine augmente, avait conclu à la formation de la caséine aux dépens des àlbuminoïdes
sous l'influence d'un ferment, ou tout au moins d'un produit sécrété avec le lait,
puisque la transformation se fait in vitro. Schmidt Muhlheim devait reprendre 27 ans
plus tard cette étude, et montrer que la caséine, loin d'augmenter, se transforme
partiellement (10 p. 100) en peptones.
Zah.n (1869) puis Daehnhardt (1870) font des extraits glycérines de mamelles de
cobayes, reprennent l'extrait alcoolique par une solution faiblement alcaline d'albumine
d'œuf, et laissent le tout 18 heures à l'étuve. Il se forme un précipité soluble dans la
lessive de soude, que Daeh.nhardt désigne comme une substance identique à la
caséine; mais aucune preuve sérieuse n'est donnée de cette identité.
LAIT. 827
'riiiEHFKLDKR n'oblienl rien par la dif^i-slioii du Jail; mais, en traitant de la pulpe de
glande par du sérum de lapin, il trouve une augmentation dans la (luanlilé de
substances dosées comme caséine :
Macrralion de ^'laïuii- iiiaiimiairc Iraicho \ Ji'l p. 100 de caséine.
— — 3 heures à l'ctuve. . 1,(J".I —
— — et sérum l.SS —
Les dilTérenoes sont faibles et, de l'avis môme de Thieri-eldkk, il ne peut (•lu- prouv»'
qu'il s'agisse de véritable caséine.
HiLDEBRANUT, étudiant l'autolyse de la glande, constate qu'après une exposition d'un
an il ne s'est pas produit de caséine. Mais, ayant constaté une autolyse exagén'e, pendant
la lactation, il est<disposé à admettre que ces ferments autolyliipies dédoublent les albu-
minoides du corps en molécules plus petites, qui, sous rintlueiice d'un elfet synthétique,
se reconstituent dans la glande sous forme de caséine spécifique. Tout le mécanisme
général de lassimilalion des albuminoïdes, par leur transformation en polypeptides
simples, puis leur reconstitution en albuminoïdes spécifiques, n'est-il pas actuellement
considéré comme le plus probable? Là formation de la caséine n'est qu'un cas paiticulier.
Deuxième période : Les groupements protéigues {Die Paariingshypolliesen). — De la
découverte par Lubavin du caractère nucléinique de la caséine devaient découler toutes les
hypothèses sur l'étude des dérivés des noyaux cellulaires de la glande. L'acide nucléi-
nique libéré par le travail de désassimilalion ou de sécrétion devait se combiner avec
une substance albuminoïde d'origine hématique pour former la caséine.
Basch, dirigé par cette conception, essaie la synthèse de la caséine en partant de
l'acide nucléinique obtenu de la glande mammaire et qu'il considère comme la molécule
mèi'e de la caséine. En traitant du sérum de bœuf par de l'acide nucléinique, il obtient
une substance qui possède les propriétés chimiques et physiques de la caséine et se
coagule dans les mêmes conditions. Pour Basch, l'intervention d'un enzyme n'est nulle-
ment nécessaire pour expliquer la formation de la caséine, l'acide nucléinique libéré se
combinant directement aux albuminoïdes du plasma pour donner une nucléo-albumine ;
la caséine.
Basch s'appuyait, pour établir sa théorie, sur l'absence dans la substance mère,
c'est-à-dire dans le noyau nucléinique, de bases xanthiques ou d'hydrates de carbone.
Or LoBiscH, confirmant les travaux^antérieurs de Odemus, de Mendel et Leve.n, obtient
par l'hydrolyse de la glande mammaire des xanthines, guanine, etc., et un penlose : ce
que ne donne jamais la caséine. La substance obtenue par le procédé de Basch est
beaucoup plus riche en phosphore que la caséine.
A ces hypothèses de combinaisons de molécules protéiques se rattache l'hypothèse
émise par Behring que la caséine est le produit de combinaisons d'une substance colloï-
dale soluble formée dans les cellules de la glande avec les albuminoïdes du sang.
Enfin il faut ra[ipeler les idées d'HAMMARSiEX. Il existerait dans les cellules des
glandes mammaires une nucléo-glycoprotéide qui pourrait, sous l'intluence de l'activité
glandulaire, se dédoubler en donnant les deux substances spécifiques du lait: le
lactose et la caséine.
ORIGINE DES GRAISSES.
ViRCHOW avait émis l'opinion que les matières grasses du lait résultaient d'une
dégénérescence graisseuse du parenchyme glandulaire. Cette idée, appuyée principale-
ment sur des observations d'analomie pathologique, ne fut pas admise définitivement.
i>e problème posé fut celui-ci : La graisse provient-elle des graisses introduites dans
l'organisme par l'alimentation ou des matières albuminoïdes subissant une série de
dédoublement donnant des corps azotés, des hydrates de carbone et de graisses?
L'origine protéique du beurre rentre dans l'étude si controversée de l'origine de
toutes les graisses de l'organisme. Pendant un demi-siècle, les écoles de Munich avec
Pettenkofer et Voit, de Bonn avec Pkluger, apportèrent un nombre considérable de
matériaux pour ou contre cette origine.
828
LAIT.
Pour ne citer que les travaux visant exclusivement l'origine du beurre, il faut
rappeler l'expéneiice de Voit nourrissant une chienne avec de la viande dégraissée et
obtenant un lait riche en beurre. Les critiques de Pfluger ont fortement ébranlé la
théorie protéogénique du beurre. A priori, il paraissait plus logique de chercher dans
les aliments gras l'origine du beurre, mais ici encore le problème soulève deux questions.
Les graisses introduites dans l'organisme arrivent-elles directement dans la glande
et sont-elles excrétées telles quelles avec le lait?
Les graisses, après avoir subi des modifications leur faisant perdre leurs caractères
spécifiques, sont-elles reconstituées par l'activité cellulaire de la glande ou des autres
tissus pour former un beurre caractéristique pour chaque espèce animale?
Toute une série de travaux plaident en faveur du rôle des graisses ingérées dans la
formation du beurre. On peut citer: Rosenkei.d, Henriques et H.^nsen, Stellwag,
Baumert et Falk, Ramm, Momse.n et Schumacher, Gogihdse.
Citons l'expérience de Gogihdse qui utilise la méthode de l'indice iodé, c'est-à-dire
la quantité p. 100 exprimée en poids d'iode nécessaire pour saturer les affinités libres
d'une graisse déterminée : ce nombre peut servir pour désigner la teneur en acide gras
non saturé de la graisse en question.
Les chiennes de Gogihdse recevaient pendant plusieurs joues de l'huile de lin dont
l'indice d'iode est très élevé (18° B). Or l'indice d'iode du lait de ces animaux
s'élève rapidement de 30 et passe à 80 pour se maintenir à ce taux tant que l'alimen-
tation à l'huile de lin persiste, pour descendre lentement après la fin de l'alimenta-
tion spéciale. On doit supposer que les graisses à l'huile de Im passent dans le lait,
sans doute sous 'forme de glycérides, mais non directement, en ce sens qu'une partie
tout au moins s'accumule sous forme de réserves premières s'éliminant progressive-
ment après la cessation de l'ingestion d'huile de lin. Les dépôts de graisse, le vingt-
quatrième jour après la cessation, avaient encore un indice de 47.80, alors que le lait
donnait 40,8.
En utilisant la méthode des graisses colorées par le Soudan III, Gogihdse a obtenu
également le passage des graisses colorées dans le lait.
La graisse passe-t-elle dans le lait à l'état de graisse neutre ou après avoir suivi un
dédoublement et sous forme de glvcéride? Question non encore résolue.
COMPOSITION DES PRINCIPAUX LAITS.
Lait de vache.
Analyses de lait moyen de tout un troupeau.
MOYENNE
LAIT
en usage
VACHES
hollandaises.
LAIT
de 127 vaches
normandes.
dans les
hôpitaux
Prélèvement
mélangé
MOYENNES
MOYENNES
PROVENANCK.
-
de Paris.
région
d'un troupeau.
de
de Droop
Analyses
Lait
de Reims.
—
300 analyses
et RliHMOKD,
du laboratoire
municipal
moyen
de la
Moj-ennes
Analyses de
de Kœnig.
29.707 vaches.
de Paris.
clinique
Tarnier.
de 20 analyses
da M. Lafaux.
Fleisch.m.\nn.
Suppo.sé.
Supposé.
Supposé.
Densité à + 15'.
1031,6
1031,5
1030,8
1031,0
1031,0
1031,0
Extrait sec . .
137,6
126,80
123,32
126,28
133,39
129,0
Sels minéraux.
6,39
7,18
7,29
7,73
7,21
7,57
Beurre ....
43,40
37,10
36,08
33,05
37,73
37,83
Lactose .inhjdre . .
46,68
45,30
45,98
47,42
49,69
48,45
Matières albu-
mino'ides el
extractives. .
38,93
37,22
33,97
36,08
38,76
35,13
Eau
894,00
904,70
907,48
90i,70
897,61
907,00
LAIT.
Richesse minérale du lait de vache (1 litre)
8^29
VACHE
VACHK
VACHE
VACHE
(OTKNTINE
nourrie de carottes,
trèfle et lourrage.
LOURDAISi;
nourrie de foin
d'altitude.
NORMANDE
nourrie de son,
luzerne, trèfle
cl paille d'avoino.
NORMANDR
noorrio de son,
niais et fourrage.
pr.
g'--
feT-
Rr.
("lilore
1,30
0,60
0,90
0,80
p2 06
1,40
1,50
2,50
2,30
CaO
1,20
1,20
2. »
1,80
M- 0
0.20
.)
„
0,2(1
K^ 0
2,50
»
2 M
2 „
Na^ 0
o.:;o
"
0,90
Û.GO
Lait d''&nesse.
Composition du lait d'ànesse par litre.
DENSITÉ ET CONSTITUANTS
DU LAIT.
CHIFFRES CALCULÉS
d'après ceux M. A. Gautier
iChim. biologique, p. 707).
CHIFFRES CALCULÉS
d'après les données de Ei.i.en-
BERGER, Seeliger et Klimmer
[Arch. f. Thierheilkunde, xxvii,
3 et 4).
Densilé
1 033
98,11
4,64
16,01
59,90
17,36
934,89
Supposée : 1 032
— 94,32
— 4,13
— 11,86
— 61,60
— 10,73
dout 1 de nucléone et 0,20
(le h'cithiiio.
— 937,68
Sels minéraux
Beurre
Lactose • • .
Matières allmminoïdes etrxtrac-
Eau.. .
Variation minérale
du lait d'ânesse De XX jours.
|iar litre gr.
Chlore 0,2
Acide phosphoriqué ... 2
Chaux 1,8
Potasse 0,6
Soude 0,5
Lait de chèvre.
Composition du lait de chèvre par litre.
mois.
XII' mois
jr.
gf-
0,3
0,2
1,2
0,9
1,5
0,8
0,3
o,r>
0,9
1
DENSITÉ
et
CONSTITUANTS
du lait.
CHÈVRE
de
MURCIE.
CHÈVRE
.«îCISSE.
DAPRÉS
ELLENBERGER.
DAPRÉS
HUCHO.
DAPRÉS
ABDERHALDEN.
DAPRÉS
STEINEGGER.
Densité . • . . .
Extrait sec . .
Sels minéraux. .
Beurre
Lactose
Malirres albuminindcs. .
Eau
1 032
128,75
7,50
36,30
03,66
29,09
903,25
1 032,5
115,50
8
26
.•■.2,78
28,72
917
Supposé.
1 030
156,44
9,21
66,90
43,83
34,. 30
873. .36
Supposé.
1 030
126,39
8,75
.36,14
47,48
31,02
903,61
Supposé.
1 030
30,17
40.37
32.34
Supposé.
1030
109,16
6,48
33,47
28,84
40,37
930,84
830 LAIT.
Variation minérale 1" jour. III' mois. IV' mois,
(lu lait de chèvre. gr. gr. gr.
Chlore 0,9 1,0 1
Acide phosphorique. . . 3,2 2 2,8
Chaux 2,2 1,9 2
Potas.se 1,8 1,9 0,3
Soude Û,."j 0,-5 2
Lait de bufflesse. — En Roumanie, les bufdesses sont utilisées conune laitières.
II existe deux groupes de bufflesses :
1" groupe: vêlatil après 1 an et 2-3 mois et une période de lactfi 'cn de 9 à 10 mois,
donnant en moyenne 1 100 à 1 200 litres par période.
2» groupe : vêlent tous les 2 ans, avec une lallation (juidure 14 a 18 mois, la quantité
de lait atteint une moyenne de 1 000 litres.
La quantité maxima journalière est de 9 litres avec 4 litres de moyenne, la période
de grande production dure b mois avec 5 litres en moyenne.
Lait de bufflesse.
Maximum. Minimum. Moyenne.
Densité 10,35 10,31 »
Beurre 15 5 7,8
Albumine 9,50 6,37 7,93
Lactose 4,6 3,30 2.94
Cendres 1,30 0,80 1,03
Eau 8,3 76,10 79,55
Le lait de bufflesse est plus riclie en substances grasses et en albuminoïdes que le lait
de vaclie et renferme la même quantité de lactose. Il est plus blanc et plus épais '.
Le lait de femme.
Composition du lail de femme suivant idijc de la lactation.
(Camkrer et Soldner).
A(;k uu i-.viT.
EXTRAIT
AZOTK
nKURKK.
LACTOSK
.^KI,S
.SEC.
TOTAL.
ANUYUUi:.
MINI RAIX.
gr-
8 à 11 jours HuycDiies de 1(1 cas .
124>,9£>
2,71»
32,06
03, aO
2,88
20 à 40 jours ( — de 13 cas) .
128,66
2,fft
40.31
67,22
2,26
60 à 140 jours ; — de 14 cas) .
121,55
1.77
34,4a
70,21
1,93
170 jours et plus ( — de 10 cas .
117,04
1 ,:i2
32,99
69,90
1,83
Le lait de femme. — La richesse du lait en beurre varie aux différentes heures de
la Journée, et, surtout, aux différentes périodes d'une même tétée ; elle croît constamment
du commencement à la fin de la traite. C'est en tenant compte de ces variations que
Michel a soumis à l'analyse un certain nombre d'échantillons de lait prélevés sur des
nourrices et des mères de la Maternité de Paris; il prélevait 20 centimètres cubes au
commencement d'une tétée du matin, 20 centimètres cubes au milieu d'une tétée de
midi, et 20 centimètres cubes à la lin d'une tétée du soir. L'analyse était faite sur le
mélange de ces trois prises.
L'extrait sec était obtenu à 100".
Le lactose dosé par la liqueur de FEHLixr., l'azote par la méthode de Iûeldahl, le
beurre par le procédé d'AoAM.
Les matières albuminoïdes étaient calculées non par différence, mais d'après la
quantité d'azote contenue dans le lait, en admettant que 1 gramme d'azote correspond
à 6 gr. 75 de matières proté'iques; ce dernier coefficient étant établi d'après la moyenne
(14,81 p. 100) entre les chitîres que Marris (14,6o p. 100) et Wroblewski (14,97 p. 100) ont
été indiqués pour la teneur en azote de la caséine de lait de femme. ^
1. Dracoxu. Étude sur les bufflesses laitières e)i Roumanie, Archiva veterinare, 2-5, 1909.
LAIT
S31
Ainili/srs de Mm.uel.
Du V« au XV' jour. Du II' au XII" mois.
Par liiro. gr. gr.
Densité 1 032 1 0.32,:;
Eau i)07,S'.t 908,70
Extrait sec l->i,ll 123,80
Sels minéraux 2,71 1,90
Beurre 30,20 34,68
Lactose anhydre 64,09 69,84
Azote total 2,60 1,83
Matières protéiques (caséine et albumine) . . . 17,88 12,35
Matières extractives indéterminées 9,2.') 5,03
Ces tableaux, comme ceux de P.vtein et Duval ', concordent pour montrer que la
richesse du lait en substance azotée diminue régulièrement : la diminution est trù.s
rapide dans les quinze premiers jours, puis elle se produit plus lentement ensuite,
alors (jue le phénomène inverse se manifeste pour le lactose.
Richesse moyenne du lait de femme en azote d'après son âge.
AGE DU LAIT.
AZOTE TOTAL
l'AR LrrRR.
3" jour
gr.
3.00
2,80
2,65
2,37
2,10
1,93
1,77
1,64
1,60
Moyenne de Camerer,
Moyenne de Michel.
Moyenne calculée.
Moyenne de Cambrer.
Moyenne calculée.
Moyenne de Ca.mereh.
Moyenne calculée.
8° jour à 11" jour
110 '_ à i:i" —
15' — à 20" —
,20" — à 40" —
40" — à GO" —
60" — à 140" —
140" — à 170" —
Au delà du 170"^ jour
La composition minérale du lait de femme a donné lieu à de nombreuses analyses.
Richesse en sels par litre de lait (Blauiîerg).
K2 0 = Potasse 0,690
Na-^ 0 = Soude 0,049
Ca 0 = Chaux 0,394
Mg 0 = Magnésie 0,068
Fe2 03 — Oxyde de fer 0:020
C12 = Chlore 0,294
S 0^:= Acide sulfurique 0,143
P2 0^» = Acide phosphorique 0,29 i
Sels insolubles (1,036
Composition des cendres du lait par 100 grammes de cendres.
BONGK.
SOLDNER.
Backaus ot
Cronhuim.
cornrlia dr
Lanoe.
gr.
g'--
gr-
y-
K2 0. . .
32,14
30.1
33.74
19.9
Xa-i 0. . .
11,7;;
13.7
11.91
29,6
Ca 0. . .
15,67
13,5
17,36
12,9.
Mg 0. . .
2,99
i,1
2,13
2,9
Fe2 0^ . .
0,27
0,17
0,63
0,25
p^ o:; . .
21,42
12,7
14,79
17,9
Cl
20,33
21,8
15.47
21,3
l. P.VTEiN et DuvAi., Journ. de f'/n/s. et Chimie, 1905, 193.
832 LAIT.
Variations de la richesse minérale du lait de femme suivant Tàge du lait.
CORPS DOSÉS. FKMME ACCOUCHÉE
DKPUTS |2 JOURS.
FEMME ACCOUCHÉE
DKPUIS 12 MOIS.
Chlore
gr-
0.50
0,34
0,25
0,03
0,80
0,60
0.40
0,20
0,20
0.02
o,:;o
0,40
Acide phosphori(iue
Chaux
Magnésie
Potasse
Sonde
Valeur thermogène du lait de femme. — Rubner a déterminé la valeur calorimétrique
du lait, en mesurant directement la chaleur de combustion de l'extrait.
Des échantillons recueillis chez deux nourrices ayant deux mois d'allaitement ont
fourni les résultats suivants au calorimètre (combustion totale).
Extrait sec. Calories
gr. par litre.
1 in, 50 633 RiBNER.
II 128.50 745 Rubner.
III 122,65 100 Gaus.
IV !33,14 766 Gau.s.
V 137,30 768 G.us'.
RuB.NER désigne sous le terme de reste azoté toutes les substances qui De sont pas
les sucres, les graisses et les sels minéraux, et que l'on peut grouper sous l'expression
générale de matières protéiques et extractive.^.
Ce reste dans les deux échantillons cité.s a fourni les données suivantes :
OBSERVATIONS.
QUANTITÉ
DE RESTE AZOTÉ
p. 100
d'extrait sec.
AZOTE
p. 100
IlEXTRAlr SEC.
AZOTE
p. 100
DE RESTB AZOTi-:.
CALORIES
l'OUR 1 GRAMME
de
reste azoté.
I
11,14
13,77
1,3o
1,45
12,12
10,07
6,0.j1
5,766
Il
La méthode indirecte est plus souvent employée; elle consiste à calculer séparément
la valeur calorique des trois éléments thermogènes : sucre, beurre et alburainoïdes.
Un lait de composition moyenne donnera donc :
Beurre 36 x 9,25 = 334 calories.
Lactose anhydre 70 x 3,96 = 275 —
Matières protéiques et extractives ... 17 x 4.80^=882 —
= 691 calories.
On peut admettre que la valeur thermique théorique d'un litre de lait de femme
oscille entre 700 et 750 calories, suivant sa richesse en matière grasse.
Mais ces chiffres doivent subir une correction, l'assimilation n'étant jamais absolue.
Michel et Porret admettent que la non-utilisation du lait de femme par l'enfant
Pour le beurre op. 100.
— les matières protéiques 6 —
— lactose U
peut atteindre 25 calories, à retrancher des 700 calories calculées théoriquement, dans
la pratique cette correction est donc inutile.
1. Gaus, JahrO. f. Kinderheilk., 1902, loi.
LAIT.
833
Pour le lait «Je vache, on peut établir des déductions analogues. Ruiineu a déleiminé
la chaleur de combustion de l'extrait sec du lait, de la caséine, du beurre et du reste
azoté.
11 admet poiu- 1 f,'ramme de beurre 9,25 calories.
— — 1 — reste azoté .... 5,67 —
— — 1 — lactose 3,95 —
On obtient ainsi avec les laits de trois qualités commerciales les chifîres suivants
LAIT
do très
BONNE QUALITÉ.
LAIT
des
HOPITAUX.
LAIT
do
UùNNK QUALITK.
Extrait sec
Cendres
43,40 X 9,25 =
48,68 X 3,96 =
38,93 X 4,8 =
37,10 X9,25 =
45,30 X 3,96 =
37,22 X 4,8 =
40 X 9,25 = 370,00
47x3,96 = 186,12 j
36 X 4,8 =172,8 |
Beurre
Lactose anhydre
Reste azoté
778
Ainsi un litre devait de vache de bonne qualité, contenant 1.30 grammes d'aliment
sec, dont 40 grammes de beurre par litre, représente 7.30 calories (chaleur de l'urée
déduite).
La non-utilisation pour* le lait de vache est :
Beurre 7,5 p. 100
Albuminoïdcs 6,4 —
Sucres 0
Ce qui pour un litre de lait moyen représente un départ de 40 calories. On arrive
ainsi au chiffre de 690 calories par litre de lait.
On voit que les valeurs thermogènes moyennes des laits de femme et de vache même
en tenant compte du coefficient d'utilisation sont presque identiques.
Parmi les caractères différentiels du lait de femme, il faut signaler en premier lieu
sou faible pouvoir coagulant comparé avec le lait des femelles laitières.
Les auteurs antérieurs ont surtout attribué ce caractère à un état particulier de la
caséine du lait de femme.
Ni la présure ni les acides ne donnent une caséiOcalion identique à celle qu'on
obtient avec le lait de vache.
Les recherches de Kreidl et Neumann poursuivies à l'aide de l'ultramicroscope ont
fait connaître un point important. Dans le lait de vache, de chèvre, etc., on découvre
des corpuscules visibles seulement à l'ultramicroscope, qui furent désignés sous le ternit'
de lactokonie et qui seraient des corps caséiques. Or, dans le lait de femme, les lacto-
konies ne se trouvent pas.
En dehors des différences quantitatives de caséine, il y aurait donc lieu de tenir
compte des différences dans l'état même de cette substance.
Précipitation par les acides. — La précipitation par les acides est des plus difficiles
à réaliser; toutefois, en prenant certaines précautions, Bianka B(n.ne.\feld a pu établir
les conditions favorables. Eu traitant du lait dilué et porté à 40° par une solution d'acide
lactique -r-, on obtient de beaux flocons de caséine, et le petit-lait est absolument trans-
parent. La coagulation ne paraît être réalisée que pour une acidité déterminée, dont le
degré varie avec l'acide employé (Engel).
Précipitation par la présure. — Le lait de femme en contact avec une solution de
p neutre de présure ne présente aucune modilication même avec l'ujtramicroscope. Il
n'en est plus ainsi en milieu acide.
DICT. DE l'IlVSIOLOOIE. — TOME IX.
53
834 LAIT.
Modification maci'oscopique. — In vitro, le lait de femme se tlislingue des autres lails,
et principalement du lait de vache, en ce qu'il ne donne pas de gros grumeaux solides,
mais simplement de petits llocons à peine visibles à l'œil nu. Ces flocons, loin de tomber
au fond du vase, restenl en suspension ou même ont une tendance à monter, au moins
dans le lait pur; car dans le lait écrémé une partie tombe au fond.
Quant à l'action de la présure qui avait été mise en doule, elle est indiscutable. I.-s
observations de Kueidl et Nelman.n ont nettement établi que, même en solution neutre,
il se produit une modification avec le lab. Les lactokonies, jusque-là invisibles, appa-
raissent alors à l'ultramicroscope. Il se produit déjà des précipitations, mais le processus
ne va pas plus loin et l'apparition des flocons n'a lieu qu'en nulieu acide.
L'action combinée du lab et de l'acide est démontrée par ce fait que la précipitalioit
se produit dans un mélange de lab et d'acide avec une acidité inférieure à celle nécessaire
pour obtenir la coagulation en milieu simplement acidulé, et Engel a montré que
Toptimuin d'acidité de R. Hinnenield est modifié quand on auil en présence du lab.
Enfin les flocons obtenus en présence du lab sont moins solubles que ceux provenant
d'un milieu simplement acidulé.
La coagulation se fait plus rapidement avec le lab, raai^ le petit-lait n'a jamais celle
limpidité que l'on obtient avec l'acide utilisé à la dose optima et l'on peut admettre au
moins pour le lait de femme comme une règle générale ijue la coagulation sera d'aulanl
jtlus parfaite qu'elle se sera pouisuivie plus lentement.
La réaction du lait de femme est amphotèro, acide à la phénolphlaléiue, alcaline au
tournesol, cette différence de réaclion i-st ;illribuablt' aux mono et dipliositlialcs, les
premieis ayant un caractère- acide, les secomls basique.
Acidité d'après Courant.
.Nciitralisatioii tto 10 vv. ili' luit.
Age Nombre
(le la lies,
nourrice. grossesses.
2.) ans 3
30 — 4
32 — 2
3(3 — .... . (1
37 - 8
3'J — 6
37 — l
13 — 10
Azote total. — L'azote total ne montre pas de grandes oscillations. Li-s ciiilTies di;
SciiLossM.\.\i\ observés sur une .accouchée entre le 9'' et le 200"= jour, indicjuent
une légère diminution régulière, allant de 0'-'", 30 pnur 100 ceutimèlres cubes de lait à
0-'',21 le huitième mois,
Microrganismes du lait. — Le nombre des bactéries du lait. — Le lait est v.n
excellent milieu de culture pour les microbes : c'est du reste ce (|ue l'on pouvait concevoir
a priori, étant donnée la composition chimique de ce liquide, sa richesse en principes
azotés et sucrés. Levures et bactéries se développent avec une très grande rapidité dans
le lait. MiQUEL, qui a fait la numération des microbes qui se développent dans le lait
abandonné à lui-même est arrivé à des chiffres fort éloquents.
C'est ainsi que, dans deux expériences, le lait trait en octofire contenait deux heures
après par centimètre culie :
Date
lie
l'allaitcmpiit
10
jours.
i
mois.
2
—
6
10
—
J-^
—
10
—
Tournesol
I'lK''iioli)hialOiuc
cm'
rm'
"/io"î!^0<-
. "/.oNHMl.
1,25
0,5:;
0,90
0,25
i,4:i
0,20
1.00
0.35
1.10
0,3:i
1.2(1
0,20
1.10
0,30
o,'.i;j
0,Ui
A l'arrivée au laboratoire.
1 heure plus tard . . . .
liaci
tories.
I
H
9OU0
'j :m
31700
11 000
36 250
13 500
35 000
13 500
40 000
30 000
60 000
93 000
67 000
230 000
120 000
251000
600 000
63;;ooooo
LAIT. 835
Enfin, dans uno oxpérience où le lait Irait le si)ir avait t'ii' abaniionnf^ la nuitidilîé-
rentes températures, le nonii>re de g'ermes, (Hii avait étt- de lOi^-lO par centimèlîre cnbo
après la traite, fut :
Le lendoiiKiin ...... :'i l,")» à 2;^» k S.'i»
Après 15 heures 1 000 iiOO 72 18:iG00 10,"] 000 000
— 18 — SOOHOO .. KiOOdOOOO
— 21 — GOeiiOOO 200 000 000 180 000 000
Ou voit coniliien est active, surtout p()ur ceilaiiies températures, la mullipiicalion
des microbes dans le lail.
Les chilîres difTèreut considérablemeni suivant li\s mélliodes employées pour les ib'-
terminalious. C'est ainsi que Rosk.n.vu et Me Cov doiip.ent les cliifïVes ci-dessous :
Lai( conservé à 26-20 " lo" 31"
Ai)r('S la traite oOO » »
2 heures 1 .-iOO ..
4 — 700 900 M 000
6 — 400 500 3S00O
8 — 7 800 600 342 000
10 — 2'.) 000 1200 50 000 000
2t — 340 000 000 80 000
SoxHLET av;ii( signab' ce fait que la puilulation des bactéries reste souvent station-
naire pendant quelques heures au début, rétrograde même dans la phase bactéricide. Buii
soutient que l'action bactéricide du lait n'est qu'une simple apparence, et elle s'expli-
((uerait par le développement du pouvoir agglutinant, qui fait que le nombre de colonies
étudié par plaques païaît plus petit.
Il a été démontré que, dans la plupart des cas, une glande mammaire normale fournit
un lait exempt de bactéries.
Néanmoins la présence d'une véritable flore microbienne a été signalée dans les
canaux de la glande mammaire par Barthels, Ward, Burre, Freudenreich, Lux, etc. et
les bacilles pathogènes introduits expérimentalement dans l'organisme peuvent arriver
jusqu'à sa glandé et êli"e éliminés avec le lait.
Des expériences de ce genre ont été faites avec le bacille du choléra des poules, le
bacille pyoryanique du rouget du porc, et ont donné des résultats absolument positifs..
(Chambuele-nt, Karlinsri etc.)
Il est évident que les bacilles passent beaucoup plus facilement s'il y a la moindre
lésion de la glande. Il semble cependant qu'il est possible que, même sans que la glande
soit malade, des bactéries puissent provenir du sang et s'éliminer par les glandes.
D'une manière générale, le nombre de bactéries ([u'on trouve dans la glande est
excessivement petit dans les conditions normales, et les causes les plus importantes de
l'infection du lait tiennent à la malpropreté de la mamelle ou du pis, aux poussières d(^
l'air de l'étable, à la malpropreté des vases dans lesquels le lait est recueilli, aux mains
et aux iiabits des laitiers, à la qualité du foin, et très souvent à la flore bactthienne des
aliments ({u'on donne à l'animal, ou même de l'herbe de la prairie où il se trouve.
Un lait recueilli aseptiquement contient surtout des micrococcus jaunes et blancs.
D'après des recherches faites par différents auteurs, un lait ainsi recueilli contient
en moyenne 9.") p. 100 de microco(]ues, dont 53 p. 100 sont sans action sur le lait;
38 p. 100 sont capables de denner naissance à des acides, et 7 p. 100 rendent le lait
alcalin.
Freudenkei'.k trouve, dans du lait fraîchement trait, t-0 à 20000 bactéries par cenli-
n)ètre cube.
<L\0PK, à Munich, «n a trouvé GO à 100 000; au contraire, Wiliiem, en recueillant du
lait dans des conditions a3epti({ues, à Bruxelles, n'a trouvé que 8 à 10 bactéries par cen-
timèlre cube.
Lorsqu'on nettoie soigneusement b' pis avec de l'eau savonneuse, et qu'on désinfecte
avec de l'alcool à 00 p. 100, on peut Dblenir du lait contenant au maximum de 0 à
83 microbes par centimètre cube.
836 LAIT.
1/élude de Tintluence de la llore bactt'iienne des champs, faite par Guubleh, a
montré aussi l'importance considérable de ce facteur au point de vue de la richesse
bactérienne du lait.
Ainsi cet auteur a montré que, lorsque les animaux étaient nourris à l'étable, on
trouve en décembre 18 500 bactéries par centimètre cube; en janvier 6 800; en février
13000; en avril 21000; en mai 13 000; en novembre 12500; au contraire, pendantla
période où les animaux étaient nourris dans les champs, 980 en mai, 1590 en juin, 400 en
juillet, 375 en septembre.
Fermentation lactique. — La transformation du lactose eu acide avait été reconnue
par Pelouze et Gay-Lussac en 1833, comme un phénomène d'oxydation dû à l'oxygène
de l'air.
Mais ce n'est qu'en 1857 que Pasteir démontra le rôle essentiel des microbes dans
toute fermentation. Il lit pour la fermentation lactique ce qu'il venait de faire pour la
fermentation alcoolique. En 187.'), Lister cherche à isoler par la méthode des dilutions
successives le microbe causant la fermentation lactique dans le lai(. Il décrit alors une
espèce qu'il appelle Bacillus lactis. Hueppe reprit les mêmes recherches, mais en se
servant d'une méthode plus précise et plus facile qui venait d'être indiquée par Koch :
la méthode des isolements sur milieux solides. Il isole d'abord un bacille, le Bacillus acidi
lactici, qui selon lui est l'agent universel de la coagulation spontanée du lait. Plus tard,
par les mêmes moyens, il obtient deux autres bactéries, le Micrococ-ufi lactis I et le Micro-
coccus 11. La deuxième diffère de la première par son action peptonisante de la géla-
tine. Depuis ces recherches, le nombre des ferments lactiques, aussi bien dans le lait que
dans les autres milieux sucrés, ne fait que s'accroître. En 1886, Marpmann retire d'échan-
tillons de lait recueillis à Gultingea cinq espèces parmi lesquelles trois produisent de
l'acide lactique : le Bacterium libatuin acidi lactici, le Micrococcus acidi lactici qui pepto-
nise en outre la gélatine et le Sphœrococcus acidi lactici. Vers la même époque FlGgge
décrit quatre espèces : le Bacillus I, II, III, IV. Le bacillus I serait identique au Bacillus
butyricus de Botkin. Les trois autres attaquent en même temps les sucres et les matières
albuminoïdes. Ce sont des anaérobies. Ils donnent des acides gras et de l'acide lactique.
On ne peut donc pas les considérer comme de véritables ferments lactiques. En 1888,
Wabringto.n cherche parmi les espèces connue? celles qui sont susceptibles de coaguler
le lait. Il décrit deux catégories. Dans un premier groupe se placent : le bacille de la
diarrhée infantile, le Bacterium termo, le Micrococcus urœœ, le Micrococcus gelatinosus qui
produisent de l'acide lactique. Dans un second groupe le Bacillus fluorescens liquefaciens
et le vibrion de Koch qui ne peuvent coaguler le lait que par la production de ferment
lab. Grote.nfeld (1889) isole deux nouvelles espèces: le Bacillus acidi lactici II el le Bacte-
rium acidi lactici, très voisines du bacille de Hleppe et de Listkr. 11 décrit également
un streptocoque, Streptococcus acidi lactici ne liquéfiant pas la gélatine mais didérant
cependant du Micrococcus lactici I de Hueppes et du Sphœrococcus de Marpmann. KrCgeu
parvient à retirer du petit-lait le Micrococcus acidi lactici qui liquéfie la gélatine.
EscHERicH décrivit un Bacterium lactis aerogenes, trouvé pour la première fois dans les
selles des nourrissons, qui diffère peu du ferment lactique. Dans les milieux sucrés, sa
culture donne lieu à un développement de gaz.
Waygman.n, Cohn, après avoir cherché à isoler le bacille de Hueppe, décrivent une
espèce nouvelle. En 1894, Leichman.n attribue au Bacterium lactis acidi le principal rôle
dans la fermentation lactique.
Quel est le véritable ferment lactique parmi tant d'espèces décrites?
Dans la coagulation spontanée du lait, l'acide lactique recueilli est inactif (Gunter)
alors que les bactéries de Leichmann, de Gunter comme Bacillus coli donnent un acide
dextrogyre. Kosaï a poursuivi cette étude des différents acides obtenus soit dans la
coagulation spontanée, soit en culture, il décrit : 1° le Bacillus acidi paralactici pro-
duisant uniquement de l'acide dextrogyre et qu'il identifie avec les bacilles de Weigmann,
Leighmann, Gu.nter el Thierfeldek, mais différencie de celui de Hueppe, espèce uniquement
aérobie; 2" Bacillus acidi levolactici Hallensisne donnant que de l'acide gauche et qu'il
distingue nettement du Bacillus acidi levolactici de Schardixger ; 3° le Micrococcus paralac.
tici liquefaciens Hallensis différent des autres espèces liquéfiantes décrites jusqu'alors
par Hueppe, Kruger, Fooker, Leichmann.
LAIT. 837
Il trouve enfin que le lait coaf^ulé spontani'meiit donne à -20" de l'acide droit ; à 37»
un acide inaclil'. Dans le premier cas c'est le bacille paralactique qui est l'espèce pré-
pondérante, dans le deuxième ce sont le bacille lévolactique et le coccus paralacti({ue.
Mais cette détermination de l'espèce n'aurait qu'une faible ^valeur, si le fait établi
par PoTTEViN se géliéralisait. Ce dernier a obtenu avec un ferment donnant de l'acide
inactif de l'acide droit, en modifiant simplement la teneur du liquide en peptone.
Comme tous les microrganismes les ferments lactiques voient leur activité se mo-
difier suivant les variations du milieu ambiant et notannnent ceux déterminés par leurs
propres produits de fabrication. L'acido lactique entrave l'action et Duolaux a [)artiru-
lièrement insisté sur la distinction entre l'activilé du ferment, c'est-à-dire la rapidité qu'il
met à atteindre le niveau d'acidité qui arrête la production de l'acide lactique et
paralyse la puissance du ferment, ou la grandeur du niveau d'acidité auquel il peut
résister.
L'addition de peptone augmente la puissance du ferment (Ch. Richet, Kayser) et le
rendement du sucre en acide s'élève avec la teneur en peptone. Marshalt, a montré que
l'acidité du lait est beaucoup plus rapide en présence de bactéries proté: lytiques.
Fermentation alcoolique. — Le lait n'est pas seulement attaqué par des microbes. Il
subit aussi la fermentation alcoolique sous l'intluence de certaines levures.
En 1888, DucLAUX a montré que la presque totalité de nos levures usuelles, celles
qui fabriquent nos vins et nos bières, sont incapables de faire fermenter le lactose et
qu'elles n'en transforment qu'une faible partie en alcool.
DccLAux a trouvé une levure plus petite que les levures ordinaires, ne mesurant
guère que l.a.ij à 2;j.,o; presque ronde. Cette levure transforme énergi(iueinent le sucre
de lait en alcool. La fermentation du sucre de lait est plus lente que celle du glucose ou
du sucre de canne. La température optima est comprise entre 25° et 32°.
ADAMETza signalé l'existence d'une levure qu'il a nommée Saccharoinyces /«c^w, faisani,
fermenter le sucre de lait. Cette levure se rapproche beaucoup de la levure décou-
verte par DucLAUX, peut-être même est-elle identique.
Enfin la fermentation alcoolique du lactose est produite aussi par d'autres ferments,
entre autres par ['Acti)iobacter poltjmorphus et par le Tyrolhrix clavifonnia de Duglaux.
Le sucre de lait peut aussi subir la fermentation visqueuse, production d'un mucilage
précipitable par l'alcool, sous l'influence de divers ferments VActinobactcr du lait visqueux
(DucLAUx), et un micrococcus découvert par Schmidt.
Nous étudierons plus loin les laits fermentes utilisés en thérapeutique sous les noms
divers. Képhir, Koumys, Leben, etc.
Fermentation butyrique du lait. — Quand le lactose a été transformé en acide lactique,
cet acide peut, à son tour, être transformé en acide butyrique sous l'influence du Bacilhu
butyricus ou vibrion butyrique, découvert par Pasteur.
2 (C^HCOS) = CtH802 + 2 CO^ -f- 2 H^
a. lactique, a. butyrique, a. car- Hydro-
bonique. gèno.
C/est le type d'ime fermentation anaérobie. Le vibrion butyricjue de Pasteur est un
anaérobie pur. C'est un bâtonnet mesurant 3 à 10 [jl de longueur, la de large, rectiligne,
ou légèrement incurvé. Ces bacilles sont isolés ou associés par deux. Ils forment assez
souvent des chaînes composées de o ou 6 articles inégaux. Ils sont doués d'une très
grande mobilité. La sporulation présente des caractères variés. Tantôt le spore se forme
à une extrémité du bâtonnet qui prend alors l'aspect d'une épingle, tantôt c'est au
milieu du bacille que se trouve le spore, et le microbe se renfle alors en fuseau. Cultivé
dans l'amidon ou dans le suci-e, ce bacille a la propriété de former en son intérieur une
substance particulière, la granulose qui se colore en bleu par Viode.
La fermentation butyrique, déterminée par le B. lactopropylbutyricus ne peut se faire
que par le lactose dédoublé par les ferments lactiques.
Elle s'arrête avant la fermentation lactitiue, car le bacille cesse de se développer en
milieu très faiblement acide (2/5 000).
Ferments de la caséine. — Les microbes peuvent agir sur la caséine en la caséifiant
838 LAIT.
par un ferment soluble ([u'ils sécrèteiit^uiie véritaM'' pré-sure, et en dissolvant et pepto-
nifiant cette caséine parup autre ferment solubre, la caséase.
DucLAUX le premier a fait une étude très intéressante de quelques microbes trans-
formant la caséine du lait. Parmi ces ferments de la caséine, les uns sont aérobies, les
autres anaérobies.
Ferments aérobies. — i. Tyrothrlx tennis. -— Il est formé de petits bâtonnets grêles
assez régulièrement cylindriques ayant environ (iui,G de largeur et nne longueur minima
de 3;ji. Ces bâtonnets sont mobiles, et s'amassent assez souvent en chaînettes. Ils se déve-
loppent à la surface du lait et forment en s'enclievètiant une pellicule plus friable qui
devient un semis d'innombrables spores.
Sous l'inlluence du développement de ces microbes, le lait se coagule. Puis le coa-
gulum se rddissout peu à peu en commençant par les couches supérieures et se trans-
forme en un liquide opalescent renfermant la caséine peptoniliée; le microbe sécrète
donc une présure et une caséase. Le développement continuant, le microbe attaque la
caséine peptonifiée et forme de la leucine, de la tyrosine et du valérianate d'ammoniaque
qui rend le lait alcalin. Le sucre de lait est toujours respecté par ce microbe.
2° TurothrLv filiforinis. — Aéiobie. Bâtonnets mobiles, de 0;j.,8 de diamètre, for-
mant souvent des chaînes. Il décolore le lait et le transforme en un liquide louche
avec ou sans coagulation. Il fournil de l'acétate et du valérianate d'ammoniaque. La
résistance à l'ajclion du temps est très grande, Duclaux a vu que ses spores peuvent
germer au bout de 25 ans.
3° Tyrtdhrix distortiis. — Bâtonnets granuleux ayant environ 0ji,9 d'épaisseur
et 4 à 5a de long, mobiles, formant des chaînes. Sous leur inlluence, le- lait devient un
peu visqueux par suite d'un lin piécipité de caséum : ce précipité augmente sans devenir
cohérent, et se réunit à la partie inférieure du liijuide, laissant au-dessus de lui un
sérum presque incolore. La caséine se liquéfie ensuite peu à peu, le liquide se colore
et devient gélatineux. A la fin de la culture, le liquide renferme de la leucine, de la
tyrosine, un mélange de valérianate et d'acétate d'ammoniaque et du carbonate d'ammo-
niaque.
4" Tyrothrijc geniculatus. — Ce microbe se développe en lils enchevêtrés à coudes
plus ou moins brusques qui ne forment pas de pellicule superficielle. Diamètre = 1 jj.. Ce
microbe sécrète à la fois de la présure et de la caséase, mais en quantités assez faibles.
Il se forme dans le lait de la leucine, de la tyrosine et un mélange de carbonate de valé-
rianate et d'acétate d'ammoniaque. Le sucre de lait reste intact.
5» Tijrothrix turgidus. — Articles courts et turgescents ; ces microbes manifestant
au plus haut degré le caractère aérobie. Il se forme dans le lait un coagulum qui ne
tarde pas à se dis.soudre, et le lait se trouve transformé en un liquide louche et faiblement
coloré en jaune. Le microbe absorbe de l'oxygène, et le transforme en un volume à peu
près égal d'acide carbonique. Le lait contient du carbonate et du butyrate d'ammoniaque.
Le sucre de lait reste absolument inaltéré.
6» Tiirothrix scaber. — Bâtonnets courts de la,l à 1;ji,2 d'épaisseur. Mouvements
flexueux, lents et lourds. 11 absorbe de l'oxygène et dégage de l'acide carbonique. Le
lait est transformé lentement, pour prendre peu â peu la couleur et la transparence du
petit-lait. Il est alors alcalin et à odeur faible. Il contient, outre la leucine et la
tyrosine, du carbonate et du valérianate d'ammoniaque. Ce microrganisme attaque fai-
idemeut le sucre de lait et se développe difficilement dans le lait.
1° Tyrothrix virgula. — Ce microbe ne se développe pas dans le lait mais seulement
dans le fromage, quand celui-ci a été déjà altéré par un des ferments précédents. Il se
développe bien dans le bouillon Liebig. Il se pi'ésente sous la forme de bâtonnets très
minces, isolés, ou formant des chapelets à un petit nombre d'articles. A l'origine ils sont
très raides et n'ont pas de mouvements flexueux. Au voisinage des articulations de la
<:haîne, on voit se produire un renflement qui grossit pendant que le reste du bâtonnet
s'amincit.
Le liquide où se développe ce microbe devient bientôt alcalin par la présence du
carbonate d'ammoniaque. On y trouve aussi du butyrate d'ammoniaque.
Ferments anaérobies de la caséine. — 1" Tyrothrix iirocephalam. — Ce ferment est à
la fois aérobie et anaérobie. 11 se développe dans le lait exposé à l'air sous forme
LAIT. 839
de bâtonnets cylindriques d'environ lu. de diamMrcet se m«>uvanl avec rapidil(' ; les bâton-
nets s'allongent en fils qui s'enchevtMrent et forment à la surlace des ilôts {gélatineux
transparents. Si la température n'est pas troj) élevée, les îlots iinissoiU par devenir con-
llurnts et envahissent pou à peu tout le liiiuide sans le coaguler. Quand un onairulum se
forme, il est dissous ensuite assez rapidement.
Cultivé à l'abri de l'o-xygène, le microbe détermine un dégagement gazeux abondant
qui donne au lait une odeur désagréable. Le licpiide prend une réaction nettement acide.
Ou y trouve, outre la leucine et la tyrosine, une troisii-'uie substance dont Duci.aix
n'a pu délt'rminer la nature, de l'acide valérianate uni à. un mélange oompii xe d'ammo-
niaque et d'ammoniaques composées. La quantité d'acide valérianique est d'a^'ant plus
faible que la fermentation s'est produite plus à l'abri de l'air. L'odeur est alors trè„ désa-
gréable, alliacée et putride.
2" Tyvotfn'Lv chiviformis. — C'est un anaérobie pur. il se développe bien dans le lait
en lui donnant une odeur putride. Pendant le développement de ce microbe le lait se
coagul(> d'abord, mais au bout de 2i heures le coagulum se redissoul très régulièrement
par le bas et est remplacé par un liquide à peine troul)lo. Du gaz se dégage, formé
d'environ 2 volumes de CO- contre un volume d'hydrogène.
3° Tyrothriv catenula. — C'est un microbe à polymorphisme très accusé. Il ne se
développe dans du lait exposé à l'air en grande surface que si la semence est très
abondante. On le cultive très bien à l'abri de l'air. Ce microbe se présente sous forme de
lllaments de I \x d'épaisseur, mobiles quand ils sont isolés. Les mouvements sont
beaucoup plus lents quand les microbes sont associés en chaînes d'articles.
Le développement de ce microbe s'accompagne d'un dégagement de gaz extrême-
ment abondant. Ce gaz est formé d'à peu près 3 volumes d'acide carbonique pour
2 volumes d'hydrogène, dont une portion se transforme, surtout au commencement de
la fermentation, en hydrogène sulfuré. Malgré la présence de ce dernier gaz, l'odeu»"
du liquide ne devient jamais franchement putride.
Le lait devient d'abord légèrement acide. Il se forme un précipité finement granu-
leux de caséine qui tombe au fond du vase.
Mais la caséine n'est pas attaquée par le microbe ; le sucre de lait est d'abord inat-
taqué, mais Unit par être transformé en partie. Ce microbe produit un abondant déga-
gement de gaz et de plus de l'acide butyrique. Il ne sécrète ni présure ni caséase.
DÙCL.4UX fait remarquer que tous ces ferments aérobies et anaérobies forment une
véritable société de secours mutuel. A la surface du lait pullulent les microbes aérobies
qui absorbent l'oxygène et sécrètent des diastases qui transforment la caséine. Dans la
profondeur se développent, surtout quand l'oxygène a été consommé par les aérobies,
les microbes anaérobies, qui, eux, sont de médiocres producteurs de diastases, mais qui
disloquent la molécule albuminoïde ou hydrocarbonée et donnent naissance à de véri-
tables fermentations avec dégagement de produits volatils odorants.
B.\uTHEL a étudié les bactéries anaérobies du lait suivant les procédés de Wright-
BuRRi et avec l'appareil de Botkin au courant d'hydrogène.
Il arrive à cette conclusion que les bactéries anaérobies sont très rares dans le lait
ordinaire de Stockholm.
Dans le lait normal on ne trouve ordinairement que deux espèces strictement anaé-
robies Granubobacillus saccharohutyricus immobiUs Hqiiefdcit'ns SciiALLENFnoH) et Bacillas
putrificans (Bre.xstogk). Celui-ci serait identique avec Paraplectram fœtidium (de ^YF.M;-
mann). Pendant la saison d'été les bactéries sont plus nombreuses. Mais il n'existe pas
de relations directes entre la qualité du lait au point de vue hygiénique et la teneur en
bactéries anaérobies.
Laits colorés. Microbes chromogèues. — On observe parfois de curieux changements
d'aspect dans le lait, qui perd sa couleur blanche normale et devient plus ou moins
rouge, bleu, jaune. Ces modifications, dont on ne connaissait pas autrefois la cause,
sont la résultante du développement de certains microrganismes chromogènes.
Lait jaune. — La coloration jaune du lait est due à une bactérie découverte par
Ehrenberg qui lui a donné le nom de Bacterium synxanthwn. Les microbes ont une
longueur de Ojji,? a l[x, ce sont des bâtonnets très mobiles qui diffèrent très peu du Bac-
.teriii.m termo (microrganisme saprogène très commun). Ces microrganismes produi-
840 LAIT.
sent une couleur jaune dans le lailriui devient d'abord acide el ensuite assez fortement
alcalin. Sur les pommes de terre cuites, ces microbes forment de petites masses jaune
citron.
La matière colorante est soluble dans l'eau, insoluble dans i'éther et l'alcool ; elle
n'est pas modifiée par l'action des liquides alcalins, mais est décolorée par les acides.
Elle est semblable aux couleurs d'aniline dans ses réactions ordinaires et spectrosco-
piques.
Lait bleu, liacillus cyanogenus (Fuchs). — Ce microbe se présente sous la forme de
])âlonnets mobiles de 2[i.,5 à 3[j.,5 de longueur. Souvent ces bâtonnets sont associés par
deux et en chaînes. Cultivés sur la gélatine, ces microbes forment une couche blanche
à la surface et développent dans la masse de gélatine une coloration ardoisée. Ces
bacilles peuvent être cultivés dans le lait, sur les pommes de terre, l'amidon. La
matière colorante formée varie suivant le milieu nutritif. Dans le lait, la coloration
est bleu ardoise; mais, quand le lait devient acide sous l'action du ferment lactique, la
couleur devient d'un bleu intense;
La coloration bleue du lait a été remarquée surtout en Allemagne pendant les cha-
leurs.
Lait rouge. — Plusieurs microrganismes peuvent donner au lait une coloration
rouge. C'est ainsi que R. Demme a signalé l'existence d'une levure rouge dans le lait et
le fromage. Il lui a donné le nom de Saccharomyces ruber. Cette levure peut donner lieu
à des catarrhes intestinaux chea les enfants en bas âge.
On rencontre fréquemment aussi un microbe qui se développe en masses d'un rouge
vif à la surface des milieux de culture solides. C'est le Micrococciis prodigiosim. Ce n'est
pas en réalité un coccus mais bien un bâtonnet très court mesurant de Oîj.,o à 1 [j. de
long. Il forme d'abord une coloration rouge rose et ensuite des taches rouge sang. Les
microrganismes eux-mêmes sont incolores. La matière colorante qu'ils élaborent
ressemble à la fuchsine; elle est insoluble dans l'eau, mais soluble dans l'alcool. En
ajoutant des acides, on obtient une coloration rouge carmin et avec des solutions alca-
lines une coloration jaune.
Dans le lait, ce microrganisme se manifeste par des taches rouges. Quand le lait
est coloré en masse, cette coloration est due au développement d'un autre microrga-
nisme, du Bncteriwn lactÏ!^ erythrogenes, déconveil par Hueppe. Ce sont des éléments de
l[i. à l;j.,4 de long sur 8a, 5 de large. Ils sont immobiles. On n'a pas observé de formation
nette de spores.
Sur la gélatine ils forment des colonies rondes qui deviennent jaunes et liquéfient
la gélatine qui prend une teinte rose. Ensemencés par piqûres, ils développent une
teinte rose dans toute la masse de la gélatine, et cette couleur devient beaucoup plus
intense quand la culture a lieu dans l'obscurité. Dans le lait, ces microbes produisent
une coagulation très faible de la caséine. Le sérum devient peu à peu de rouge sale
rouge vif; la caséine reste incolore. L'acidité du milieu est contraire au développement
de cette bactérie. Ce microbe sécrète deux matières colorantes, une jaune et une rouge
insolubles dans I'éther, le chloroforme et la benzine. Cette bactérie semble n'être pas
pathogène. A côté de cette bactérie, Grote.nfelt en mentionne une autre étudiée par
ScHOLL dans le laboratoire d'HuEPPE, le Bacterium mycoides roseum qui ne colore pas la
masse du lait mais forme des colonies rouges et rouges seulement quand la culture est
faite à l'obscurité. La matière colorante est soluble dans l'eau d'où on peut l'extraire par
la benzine.
DucLAUX a montré que certains microbes peuvent sécréter un ferment soluble, une
présure qui coagule le lait. Il en est d'autres, étudiés par le même auteur, qui ne se
bornent pas à coaguler le lait, mais qui de plus redissolvent, digèrent la caséine coagulée,
Cette transformation subie par la caséine est due à un ferment soluble sécrété par les
microbes, à ce que Ducladx a nommé la caséase. Les premiers agents microbiens sus-
ceptibles de produire la caséase ont été décrits sous le terme de Tyrothrix. Les unes sont
aérobies, T. tenuis, filiformes, distortus, etc., les autres anaérobies : T. iirocephalus,
claviformis, etc.
Le bouillon de culture de Tyrothrix traité par l'alcool donne un précipité renfer-
mant du lab et de la caséase.
LAIT. 841
Si l'on ensemence du lait av»^c une culluie de Tyrotfirix, ou encore (ju'on traite le lait
parle bouillon, ou encore le précipili'' lavé obtenu par action de l'alcool, au buutd'un
certain temps, le lait se coagule.
En effet, au bout do quelque temps, le caillot devient de plus en plus g''latineux et
finit par se résoudre tout entier en un liquiile opalescent.
Certains microbes sécrètent de la caséase en ^'rand excès sur la présure. Dans c<s
cas, les phénomènes de dissolution priment ceux de la coagulation, et le lait se déco-
lore en restant liquide.
La caséine est ainsi transformée en une substance non coagulable par la chaleur,
par la présure ; ne précipitant plus même à chaud par les acides, ni par le ferrocyanure
de potassium et l'acide acétique; précipitable au contraire par l'alcool en excès, par le
bichlorure de mercure, tous caractères qui rapprochent la substance formée des pep-
tones. C'est pour cette raison que Ducl.vux l'a nommée caséone.
La transformation s'arrête là, quand on fait agir la diastase seule. Si l'on fait agir les
microbes, ceux-ci continuent à transformer le milieu nutritif. Ils décomi>osent cette
caséone, et donnent naissance à des produits do transformation [dus avancés : leucine,
tyrosine, composés ammoniacaux, acides gras, etc., etc. Les iiroduils de transforma-
tion varient d'ailleurs aux points de vue quantitatif et qualitatif suivant l'espèce micro-
bienne qu'on a fait agir.
DucLAUx a particulièrement insisté sur l'action presque spécifique de chaque espèce
de tyrothrix et la transformation jusqu'au stade des acides aminés n'est réalisée que
par l'action combinée de ces différents agents. « Chacun deces êtres prenant la caséine,
à un certain point de son échelle de destruction, la fait descendre de quelques degrés;
après quoi son action s'arrête ». Le T. (enuis attaque la paracaséine insoluble, alors
que le T. catcnaln n'agit pas directement sur cette paracaséine.
La caséase agit mal en milieu acide, et c'est surtout en milieu alcalin qu'elle atteint
son maximum d'activité; d'où l'utilité d'autres agents, moisissures et bactéries, capables
de provoquer la formation d'ammoniaque et d 'amener l'alcalinisalion du milieu.
L'antique pratique de transporter dans les étables les fromages lents à mûrir a certai-
tainement sa justification dans la présence de l'ammoniaque émanée des fumiers.
Les produits obtenus sont ceux que l'on trouve dans la digestion trypsique : la tryp-
sine et la caséase se comportent donc d'une façon identique. Aussi 0. Jensen a
tenté d'introduire dans les fromages en maturation de la trypsine, espérant obtenir
ainsi des effets analogues avec ceux donnés par l'action des tyrothrix. Les fromages à
la tryçsine renferment une quantité de protéines soiubles plus forte que les fromages
témoins, mais ils présentent une amertume qui n'a pas permis de poursuivre ces
études au point de vue commercial.
La caséase ou les caséases sont-elles, nécessairement, d'origine microbienne, ou le
lait renferme-t-il en lui-même des ferments susceptibles de li(|uéfier la paracaséine?
Haucok. et RussEL ont isolé dans le lait, traité par le chloroforme ou Téther pour
immobiliser l'action des ferments, une galactase suivant leur dénomination impropre
d'ailleurs, qui serait capable de dissoudre la caséine et de pousser même le dédouble-
ment jusqu'à l'ammoniaque, Neuuann, Wender, Si'Olocrini ont également isolé un fer-
ment liquéfiant dans le lait de vache et dans le lait de chèvre.
DIGESTIBILITÉ DU LAIT. — LAIT CRU ET LAIT CUIT.
Nous avons vu qu'on pouvait retirer de l'estomac des mammifères en lactation un
f.-rment soluble, la présure, pexine, lab-ferment, qui fait subir au lait des transfor-
mations particulières se manifestant à l'œil nu par la coagulation. Dans les estomacs
des animaux adultes, on trouve un proferment qui, sous l'iiilluence de l'acide et du suc
gastrique, se transforme eu ferment actif : en présure. On croyait autrefois, et c'était
l'opinion de Likuig, que la coagulation du lait dans l'estomac était due à un acide, soit
l'acide chlorhydrique du suc gastrique, soit l'acide lactique qui se forme toujours par
la fermentation des aliments dans l'estomac.
Selmi i8i6) démontra que la coagulation du lait par la présure ne dépendait pas de
8;2 LAIT.
l'acide lactique eu coaj^ulant du lait alcalinisé, traité par la muqueuse gastrique du
veau.
Tous ces faits montrent bien que la précipitation de la caséine par des acides est très
différente de ses modifications sous l'inlluence de la présure.
Le lait qui est ingéré dans Veslomac se trouve en i>rt'sence à la fois du suc sécrété
par la muqueuse gastrique et de la salive déglutie incessamment. Le lait va donc être
easéifié.
Daprès IIammarste.n, la coagulation du lait dans Testomac se produit par le méca-
nisme snivant.
La présence d'une grande quantité de pepsine même en l'absence du lab favorise la
coagulation sous l'influence d'un acide libre.
La formation d'acide lactique dans les liquides contenant beaucoup de lab et do
pepsine est lente et nécessite plusieurs heures; le ferment lactique ne semble donc pas
intervenir dans la coagulation rapide du lait dans l'estomac. En l'absence de pepsine
et de lab, les acides seuls peuvent produire la coagulation. Hammarsten a observé ce
fait chez de très jeunes animaux dont l'estomac ne contenait ni lab ni pepsine.
Arthus et Pages font remarquer avec raison qu'on n'est jamais sûr de débarrasser
complètement la pepsine du lab qui l'accompagne toujours. Dès lors l'action de la pepsine
sur la coagulation du lait est douteuse.
Enfin, ce qtii prouve bien que la digestion gastrique du lait est bien une caséification,
c'est que, immédiatement après la coagulation, on peut constater la présentée d'un des
produits de dédoublement de la caséine de la sustance albuminoïde du i>etit-!ait, une
albimiose.
Quand le lait est coagulé, le caséum durcit et se rétracte de plus en plus sous l'inlluence
de l'acide. C'est là ce qui se reproduit in litro. Mais, dans l'estomac, la salive intervient
pour modifier le phénomène.
Au fond, les modifications que le lait subit dans l'estomac sont les mêmes cpie celles
qu'il subit m vitro sous l'influence de la présure.
Au début le lait n'est pas encore coagulé, mais il coagnle quand on le porte à lOO''.
Un peu plus tard il coagnle à 80°.
Enfin un peu plus lard on le trouve coagulé dans l'estomac. De même les agents décal-
cifiants qui empêchent la coagulation du lait in vitro retardent, mais retardent seulement,
la coagulation dans l'estomac. En effet, l'oxalate est résorbé et des sels de calcium sont
fournis par le suc gastrique et la salive.
Mais la salive aune autre action sur laquelle Arthus et Pages ont appelé' l'atiention.
In vitro la salive retarde la coagulation du lait, et ce retard se produit, que la salive
ait été ou non bouillie. Cette action n'estjdonc pas due à un ferment; mais à l'alcalinité
de la salive. Le ferment lab en efiet est gêné dans son action par l'alcalinité du milieu.
De plus, la salive modifie la forme du coaguium et sa rétraction ultérieure qui est
moins accentuée.
Enfin, fait important, la salive désagrège et dissout les grumeaux de caséum, et elle
perd cette propriété par fébullition. En outre, il se développe dans celte action de la
salive sur le caséum une odeur particulière, différente de l'odenr lactique et qu'on ne
peut qu'appeler odeur (jastriqiie. Arthus et Pages ont vu que, si on agite avec de l'éther
du lait présentant cette odeur gastrique, l'éther abandonne par l'évaporation une sub-
stance huileuse qui possède cette odeur à un très haut degré.
Quelle peut être l'action de la salive sur la digestion gastrique du lait?
La salive est alcaline : cette alcalinité combat l'action de l'acide lactique qui peut
se former dans l'estomac. Or, les acides en général ont pour effet de rendre le caséum
rélra-îtile, dur, compact. La salive s'opposera donc cà ces effets. Mais il ne faut pas non
plus qu'il y ait une trop grande quantité de salive, car le ferment lab serait alors gêné
par l'alcalinité.
En outre, la salive a pour effet de désagréger le caséum et de permettre ainsi qu'il
soit attaqua plus facilement par les sucs qui doivent peptonifier la caséine.
Digestibilité différente du lait cru et du lait cuit. — Le lait cuit et le lait cru
se comportent-ils dans le tube digestif identiquement et la chaleur ne modifie-t-elle
pas dans un sens défavorable la digestibilité du lait?
LAIT. 843
Le seu4 procédé pour s'assurer de l'innocuitt' du lait est de le soumettre èi une tempé-
rature élevée, de le stériliser. Le bacille de la tuberculose ne résiste heureusement pas
à la température de 100°, il suflit donc de faire bouillir le lait suspect. Il est nécessaire
toutefois, pour èlre certain de la stérilisation complète, que le lait reste ((iielques instants
à cette tempt-ratiire, c "cst-à-dire qu'il ne faut pas se contenter de retirer le lait quand
il monte, mais de le remettre imminliatement sur le feu après qu'il est retombé, et de
prolonger l'ébullition pendant cinq à six minutes.
Dans le procédé conseillé par Soxhlkt, le lait est porté plusieurs fois à une tempéra-
ture de 63°.
DucLAUx a donné des analyses de lait cru et soumis à l'ébullition; il faut remarquer
qu'une minute trébullition est insuffisante jioiir supprimer lo bacille tuberculeux.
Lait filtré sur la porcelaine.
Lait porté
à rcbullition
Composition du lait. Lait cru. 1 minute.
Sucre do lait 5,i:{ 5,47
Caséine 0.31 0,30
Ccndi-es 0,49 0,50
Une série de recherches ont montré qu'en l'ait le lait sultissait des modifications très
nettes par le chaufla^'e.
Il existe des modiiicatious qui, au point de vue physiologique, ont leur importanice.
L'ébullition retarde la coagulation du lait.
Stassano et Ialarico ont établi que jusqu'à 'ô'ô'^ la chaleur accélère la coagulation.
70° serait le point neutre, le lait ainsi chauffé se coagulant comme le lait ; enfin^ au-dessus
de TO" l'action retai'dante augmente avec la température.
D'après Arthus et Pages, ce retard dans la coagulation serait déterminé par ce fait
que le lait bouilli est privé d'une partie de ces sels calciques (phosphate de chaux), ces
sels se précipitant en partie par suite de l'élimination de l'acide carbonique. Il suffit
d'ajouter des sels calciques ou de faire passer un courant d'acide carbonique pour dimi-
nuer ce retard de coagulation du lait bouilli.
On ne com,prend pas comment, d'après les auteurs cités plus haut, la coagulation est
accélérée au-dessous de 70° ; à cette température, l'acide carbonique devant être
éliminé.
Les recherches de Leeds sur la digestion in vitro du lait cru et du lait cuit, tendent
à montrer que le suc gastrique et le suc pancréatique modifient moins facilement le lait
cuit, que ce dernier est par suite moins facilement digéré. Les chiffres donnés portent
sur le résidu de cette digestion de deux laits placés dans des conditions identiques.
Digestion gastrique. Digestion pancréatinue.
Lait stérilisé
Lait cru. 1 iieure à 100». Lait cru. Lait stérilisé.
Résidu 0,1. j3 0,4 i9 1,2G 2,596
Stassano et Talarico par contre trouvent que la digestibilité trypsique est augmentée
par la chaleur jusqu'à 100°.
Michel a comparé des laits crus, des laits stérilisés à llu° pendant une demi-Jieure
et à 98° pendant trois quarts d'heure.
Sous l'action de la pepsine seule en milieu chlorhydrique le lait cru est plus rapi-
dement peptonisé : cependant les chiffres donnés par Michel sont bien peu différents.
Digestion peptique de 8 heures.
Peptones par
litre.
j.'r.
Lait cru 18,73
Lait stérilisé 17,53
15
8U LAIT.
Avec la pancréatine le résultat est renversé.
Digestion pancréatique en milieu neutre.
Lait cru 21,76
Lait stérilisé 24,64
Bordas et Raczkowski ont étudié les variations de la teneur en lécithine dans les
laits soumis à l'action de la chaleur : ils ont trouvé les résultats suivants :
Lécithine
en diminutioa
grammes. p. 100.
Lait non cliauffé 0,2:j2 »
Lait chaulTé pendant 30 minutes à 60" à feu nu 0,216 14
_ _ 30 — 80° — 0,180 28
- — 30 - 95° - 0.180 28
Lait non cliaulVé 0,365
Lait chauffé pendant 30 minutes à 9o° au haiu-marie 0,310
Lait non chauffé 0,365
Lait stérilisé par chauffage pendant 30 minutes à 105-110» dans un
autoclave 0,255 30
Les lécithines brunissent, se décomposent en abandonnant de l'acide phosphorique.
Le lactose, contrairement aux chiffres de Duclaux; mais, dans le cas de chaufi'age
prolongé, est en partie oxydé, la diminution pouvant dépasser 2 grammes par litre
(Cazeneuve et Haddo.n).
Les phosphates de chaux, magnésie, fer et alumine sont partie en suspension, partie
en dissolution : le phosphate de chaux est précipité par la chaleur; mais, en présence
du lactose et des citrates, il se redissout pendant le refroidissement (Vauduin).
Dtffloth par contre admet que le maintien à 60" pendant 30 minutes amène une
précipitation de 0,30 de phosphates minéraux et une décomposition de 0,22 de léci-
thine. Le même chauffage, maintenu une heure, entraîne une précipitation de 0,00 des
phosphates et une décomposition de 0,40 de lécithine. Les altérations observées sont
proportionnelles à la durée de la chauffe, d'une part, et à l'élévation thermique d'autre
part, le premier facteur étant cependant dominant.
D'après Diffloth, les différents modes de stérilisation par la chaleur font perdre au
lait :
(Bain-marie à 60" 30'). 26 p. 100 de ses éléments phosphoriques assimilables.
Pasteurisation .... 48 — — —
Stérilisation 54 — — —
. Une autre altération porte sur les citrates. Le citrate tribasique amorphe du lait
cru est transformé en citrate cristallisé moins soluble et la précipitation peut entiViner
une perte de 66 p. 100 (OsfjSS au lieu de ie'-,08 calculé en acide citrique).
Le taux d'utilisation du lait par l'enfant, suivant qu'il est cru ou stérilisé, a donné
lieu à de très nombreuses recherches depuis les observations cliniques de Parrot.
Cambrer (1882) recherche le bilan azoté sur 6,16 d'azote apporté par le lait, il ne
trouve que 2''''',36 éliminé par les fèces et l'urine, et admettant que les 11 grammes
d'augmentation de poids de l'enfant représentent 0s^'',36 d'azote, il arrive à un déficit
de 3'', 36 explique par une élimination ammoniacale pulmonaire et cutanée, Biederi
arrivait aux mêmes conclusions, admettant même l'élimination sous forme d'azote.
Bendix a critiqué les expériences de Camerer et Biedert, affirmant qu'il n'y a pas
déficit azoté, mais bien rétention azotée. Les recherches de Raudnitz sur de jeunes
chiens, de Be.xdix sur des enfants de trois ans, ont été faites dans des conditions ne
permettant pas de tirer des conclusions sur l'utilisation comparée des laits crus et sté-
rilisés par le nourrisson.
LAIT. 855
Langk, ([ni observe des enfants de ciiKjjoursà six mois, conclut que l'assimilation
azotée est presque ideatitjue; lui aussi croit à une élimination sous forme d'azote
gazeux.
Michel, Ui.maxn, Netikr, ariivent en fait à ce résultat qne, l'utilisation du lait
naturel se rapprochant de 98 p. 100, l'utilisation du lait de vache stérilisé est de 93.
La différence, on le voit, est bien faible et justifie l'observation de Dl'claux :
« Qu'importe qu'il y ait 98 p. 100 du lait utilisé lorsque l'enfant le prend au sein, et
00 p. 100 lorsque l'enfant le prend au biberon en présence de l'avanlaye de pouvoir
remplir ce second biberon quand on veut et à beaucoup moins de frais que le premier.
Ces études chimiques sur la digestibilité du lait ne sont pas adéquates à la question à
résoudre. »
Mais si physiologiquement la question ne paraît pas avoir une importance extrême,
un organisme sain pouvant fournir facilement une augmentation de 1 p. 100 d'énergie
nutritive ou assimilatrice, il n'en est plus de même cliniquement, c'est-à-dire quand il
s'agit d'organismes en état morbide.
Pour diiïérencier le lait chaulFé à 80° du lait cru, il existe quatre moyens princi-
paux :
1° Pi'écipitation de la caséine par la coagulation spontanér, le lab ou les acides, et
détermination qualitative des albuminoïdes contenues dans le filtrai ;
2° Constatation de l'absence d'oxydase ;
'i° Constatation de l'absence de katalase;
4° Constatation de l'absence deréductase.
Alors que Bordas et Touplain' soutiennent que les réactions colorées qui se produi-
sent dans le lait cru sous l'influence de l'eau oxygénée sont dues à la caséine icaséinase
de chaux), Sarthou [affirme qu'il existe bien une anaeroxydase soluble dans le lacto-
sérum et une kalase insoluble.
Que si la caséine réagit sur la paraphényidiamine, elle est sans action sur le
gaïacol.
La caséine du lait de vache chauffé à liO" décompose encore l'eau oxygéne'e, Bordas
et ToLi'LAiN, ayant constaté que cette décomposition s'observe avec loxalate, le lactate
de fer, l'argent colloïdal, concluent qu'il faut expliquer les réactions du lait par l'état
colloïdal des substances contenues et non par des enzymes. Ils en donnent comme
preuves que si après avoir déduit l'état colloïdal du laif par la chaleur, on le rétablit
par fixation, on obtient de nouveau la décomposition de l'eau oxygénée.
Lait cru et lait cuit. — Lane Claypm a nourri 3 groupes de jeunes rats avec du pain
f l du lait. Le groupe A recevait pain et lait frais, le groupe B pain et lait porté à 96"
et le groupe C pain et lait chauffé à 120". L'augmentation de poids des trois groupes
a été respectivement après trente-quatre jours 217, 224 et 232 p. 100. Aucune diffé-
rence sensible par conséquent'^.
LE MÉCANISME DE LA LACTATION.
L'observation courante montre que, chez les mammifères, pendant la conception,
il se produit dans les glandes mammaires deux processus différents : pendant la gros-
sesse, et dès le début de la conception, un développement considérable Jes glandes,
une prolifération des appareils glandulaires restés jusque-là à l'état rudimentaire, et
quelquefois un léger écoulement de liquide par les orifices, mais ce liquide n'est pas du
lait, c'est du colostrum, chimiquement et anatomiquement différent du lait. Quand
la grossesse est arrivée à terme, ou bien encore quand l'expulsion du produit a lieu,
même avant le terme normal, jan processus de sécrétion s'établit dans la glande, qui
commence à fournir du lait.
Sous quelle influence se produisent ces deux processus, liés nécessairement l'un à
l'autre, mais cependant agissant par un mécanisme différent?
1. Bordas et Touplain. Étude des réactions dues à l'état colloïdal du lait [C. R., 1910).
2. Lank Claypm. Observations on the influence of heating upon the nutrient value of mille.
(J. of. Hygiène, IX, 2, 1910;.
846 LAIT.
Il est évident, a priori, qu'il existe un rapport étroit entre l'évolution des organes
génitaux et les glandes lactées, et que ce sont les phénomènes qui se passent dans ces
organes qui provoquent les changements observés.
Pendant longtemps les corrélations fonctionnelles entre divers organes éloignés=onl
été considérées comme le résultat de Tinlluence du système uen-eiix, et c'est unique-
ment après les découvertes sur les processus des glandes à sécrétions internes que
l'idée d'une action à distance [Fernwirhung) d'ordre linmorc^l s'est de nouveau déve-
loppée en physiologie. Nous étudierons donc saccessivement :
1" Le* rôle exercé par le système nerveux sur le développement, puis sur l'activi-té
sécrétrice de la glande lactée ;
2" Les théories cherchant à expliquer les phénomènes observés par les actions
humorales.
Influence du système nerveux. — Les premières recherches visèrent uniquement
cette question : existe-t-il des nerfs sécréteurs pour la sécrétion lactée ?
EcKHARD (1855) conclut négativement, Uohrig positivement. Kckhahd opère sur la
chèvre. Il résèque sur une certaine longueur les rameaux inférieur et moyen du nerf
spermatique externe et attend que la plaie soit guérie. L'animal étant maintenu dans
les mêmes conditions de stabulafion et d'alimentation avant et après l'énervation,
EcRHAUD constate que ni la quantité de lait sécrété ni sa densité n'ont varié. Pour
EcKHARD, l'action du système nerveux est donc nulle.
Tout autre est l'opinion de Rdukig 1876). 11 opère sur une chèvre curarisée et inti'o-
duit une sonde aspiratrice dans les canaux de la glande mammaire. Il étudie alors
l'action particulière des trois branches du spermatique externe. Le rameau [Kipillaire
est le nerf érecleur du mamelon : son excitation provoque l'érection; sa section, le relâ-
chement; mais, dans les deux cas, il n'y a aucune raodiricatiandans l'écoulement du
lait, sauf toutefois si l'excitation porte sur le bout central qui agirait alors par voie
réilexe. Après la 3ection du rameau glandulaire, la sécnUion se ralentit pour s'accé-
lérer avec l'excitation du bout périplu-rique. Des phénomènes inverses s'observeraient
avec le rameau vaso-moteur : la section entraîne une vaso-dihitation passive avec aug-
mentation de la sécrétion, alors que la vaso-constrictioti produite par l'excitation amène
la diminution de la sécrétion. Rohrig attribue l'inlluence prépondérante aux nerfs
vaso-moteurs et, par suite, à l'état de vascularisation de la glande. Les nerfs sécré-
teurs proprement dits ne joueraient qu'un rôle médiocre.
Lafio-nt (1879) expérimente sur une chienne et se préoccupe surtout des phéno-
mènes vaso-moteurs qu'il étudie en observant les variations de pression sanguine dans
l'artère mammaire. L'excitation du nerf mammaire intact amène une légère élévation
de pression et une turgescence du mamelon. L'excitation du bout périphérique, après
section, amène une chutede pression, une oonge.slion de la mamelle, et, si l'on presse
sur la mamelle, on obtient un jet de lait très abondant si on le compare à ce que
donnent les autres mamelles.
En fait, Laffont se range à l'opinion de Rohrig : action manifes'te de la vaso-dilata-
tion sur la sécrétion (ou peut-être sur l'excrétion du lait, ce point ne paraissant pas
tranché par les expériences des observateurs cités . Mais Lafko.xt, ayant constaté
qu'après la section des nerfs mammaires le lait continue à être sécrété, suppose qu'il
existe d'autres influences s'exerçant sur la sécrétion du lait.
De Sinéty (1879), qui opère sur des cobayes, arrive à la conclusion que la section des
nerfs mammaires, faite avant la délivrance, n'arrête nullement l'apparition de la sécré-
tion lactée qui se produit normalement ensuite. L'excitation directe du nerf mammaire
ne moditie pas l'écoulement du lait. De Sinéty, avec Eckhard, rejette donc toute
influence nerveuse,
Les expéi'iences de Heidenhaix et Partsch (1880), poursuivies sur des chiennes, des
chattes et des lapins, donnèrent des résultats très contradictoires.
MiNOROw enregistre ou note le nombre de gouttes sécrétées chez la chèvre et constate
que la section d'un seul nerf mammaire ne modifie pas le rendement, alors que la
section bilatérale amène pendant un certain temps une diminution de moitié dans la
quantité de lait fourni.
Une autre expérience de Mcnorow est moins nette. Après la section d'un nerf mam-
LAIT. 8 47
maire, si l'on excite un nerf sensible commi' le rrural, on observe une diminution de
la quantité du lait, mais le liquide sécrété est (lualitativement plus riche.
Basch opérait par voie indirecte; il sectionnait, chez la chienne, la lapine et la
cobaye, le nerf spermalique externe eu observant le poids des jeunes animaux laissés à
la mamelle; aucune modification appréciable ne fut observée dans le développement
des animaux nourris avec des mamelles énervées.
Le sysléme sympathique pouvant être incriminé, Ukin (I8«0; enlèvi- le plcxits iiypo-
gastriquo et le ^iinglion mésentériqui; inl'éiieur chez les lapines pleines, sans moditier
ultérieurement la lactation. Pi'isteh (1901; fait l'ablation du sympathique inférieur et
du nerf grand thoracique; Basch (1004), l'extirpation du ganglion cœliaque : tous deux
arrivèrent aux mêmes conclusions.
RiniîERT (1898), Pfister (1901) essayent des greffes de glandes niammaires, soit éloi-
gnées, soit par simple réimplantation après isolement complet. Chaque fois que la
grelïe avait repris, la sécrétion a pu s'établir avec une nouvelle parturition.
Sur le même sujet, il faut citer les observations de Goltz, Freudsbkrg et Ewald qui
virent leurs chiennes à moelle raccourcie devenirpleineset la sécrétion lactée s'établir
normalement.
De l'ensemble de ces observations on peut évidemment déduire que l'influence du
système nerveux n'est nullement indispensable pour la mise en étal de fonctionner de
la glande mammaire et pour la sécrétion ultérieure. Mais il ne faudrait pas en conclure
à l'indépendance absolue de l'appareil lacticifère vis-à-vis du système nerveux.
Parmi les expériences d'excitation directe des branches nerveuses, il en est qui e'ta-
blissent l'inlluence, soit immédiate par des nerfs sécréteurs, soit médiate par des nerfs
vaso-moteurs, des lilets nerveux mammaires sur la sécrétion lactée.
Les réflexes génito-mammaires, les réflexes de succion, la saillie contractile du
mamelon avec sortie du lait pendant le coït sont autant de faits qui justilient cette
influence psychique qui ne saurait être niée.
La clinique abonde de faits montrant l'action inhibitrice de phénomènes psychiques
sur la sécrétion lactée. Une émotion violente peut provoquer l'arrêt passager ou per-
manent de la sécrétion lactée. De même, la vue d'une mère allaitant son enfant pro-
voque chez une nourrice une poussée de lait qui se, traduit par une excrétion inopinée.
Suivant une observation qui vise un grand nombre de sécrétions, le système nerveux
•n'est pas la cause primitive du développement de- la mamelle, ni de la sécrétion du
lait, mais il apparaît comme un régulateur de cette sécrétion.
Les théories humorales. — Les théories humorales, qui cherchent à expliquer
les phénomènes successifs de la lactation par l'action de substances véhiculées dans le
sang, peuvent se diviser en deux groupes, savoir :
Les théories des excitants spécifiques {Reizslofffheorie) pu des hormones;
La théorie métabolique {Nahrslofftlieorie) qui fait rentrer les phénomènes observés
dans des lois plus générales.
a La théorie des excitants spécifiques. — Sous rinlluence des phénomènes d'évolu-
tion qui se passent dans la sphère génitale, il se produit une substance qui, entraînée
dans le circulus, ira agir sur les éléments glandulaires de la mammaire et provoquera
leur prolifération.
Cette substance excitatrice {Reizstoff, stimuline, substance de grossesse, Schivan-
ijcnchaftsAubstanz, substance placentaire, Plazentarsuhstatiz), hormone lactique) est
encore des plus énigmatiques.
BoucHAcoL'RT, frappé de ce fait que beaucoup de femelles, qui mangent avidement
le placenta après la délivrance, ont très rapidement la poussée de lait, poursuivit des
recherchi'S histologiques qui l'amenèrent à penser que dans le placenta so formaient des
éléments figurés, les boules plasmodiales, qui exerçaient une action déterminante sur
l'apparition et la sécrétion ultérieure du lait,
La théorie de la substance excitatrice que nous appellerons aujourd'hui la théorie de
rhormone repose snr une conception générale des excitants spécifiques. Suivant Star-
lim;, l'hormone {ôo\>.x'm, j'excite) se distingue essentiellement des substances alimen-
taires en ce sens qu'il n'est pas assimilable et ne renferme en lui aucune source
d'énergie. Son action est essentiellement une influence dynamique, peut-être, dans
8;S LAIT.
quelques cas, comme nous le verrons plus loin, ime influence inhibitrice, s'exerçant sur
la cellule vivaute, mais avec une action spécilique pour certaines cellules qui sont de
véritables réceptrices pour lui. Pour SrARLi.\(i, l'hormone agit comme un agent théra-
peutique, principalement comme un alcaloïde, ne donnant pas lieu à la formation
d'anticorps.
Le problème est d'expliquer comment et pourquoi la glande mammaire, ayant subi
sous l'influence de l'hormone un développement considérable, entre en sécrétion et
fournit du lait au moment même de l'expulsion du fœtus, ou plus exactement quelque
temps après.
Une première hypothèse a été émise : la glande mammaire, arrivée au terme de son
développement, mûre pour la sécrétion, fournirait à ce moment le lait nécessaire au
fœtus. Mais contre cette hypotiièse de la maturité simple s'élève l'objection que la
glande entre en activité sécrétoire aussitôt après l'expulsion du fœtus, môme quand
cette expulsion est prématurée. Et même, si le fœtus meurt dans l'utérus et séjourne
quelque temps avant d'être expulsé, la sécrétion lactée apparaît avant la délivrance.
A propos de l'hormone, nous avions dit que son action pourrait être dynamogé-
nique ou inhibilrice. C'est par une action inhibitrice que Hildeiiuandt explique l'appari-
tion de la sécrétion lactée.
HiLOEBRANDT étudic l'activité autolytique de la glande mammaire à l'état de repos et
en pleine activité, et il constate que l'autolyse est d'autant plus intense que la glande
est en pleine activité. Puis il examine et dose également l'autolyse du placenta.
Mélangeant enfin des parties égales de pulpes glandulaires et placentaires, il note
que les produits autolytiques obtenus de ce mélange ne représentent pas la somme des
deux processus autolytiques recueillis avec les pulpes séparées. Hildebrandt conclut
que le placenta exerce une action inhibitrice sur les processus autolytiques de la glande
mammaire. Identifiant alors les processus de sécrétion de la glande avec l'autolyse
observée, il arrive ù cette hypothèse que le placenta est le siège d'une sécrétion inleru'',
qui, pendant la grossesse, arrête l'autolyse et ne permet pas à la sécrétion de s'établir.
« Il s'échappe de l'œuf vivant une influence qui 'provoque le développement même de la
glande, en arrêtant en même temps l'autolyse des cellules. » La grossesse, dit-il encore,
provofjue un effet excitateur sur les organes eux-mêmes, en même temps qu'elle arrête
la mise en jeu de leur activité fonctionnelle. Quand le placenta est expulsé, la sécré-
tion interne inhibitrice n'exeri^ant plus ses efl'ets sur la glande mammaire, l'autolyse
entre en jeu et la sécrétion lactée s'établit.
L'hypothèse d'HALBAN est très voisine de celle d'IIiLDEitnA.NUT. Le placenta exerce sur
la glande mammaire, comme sur l'utérus, une double action prolectrice et hyperpla-
sique. Sous cette influence, la glande augmente de volume, mais les processus d'assi-
milation dominent tellement, qu'elle ne peut sécréter, c'est-à-dire être le siège d'une
véritable désassimilation, le colostrum étant un produit particulier. Quand la stimuline
protectrice cesse d'agir par suite de l'expulsion de l'œuf, les processus d'assimilation
cessent, dans la glande, de l'emporter sur ceux de désassimilation, et la sécrétion s'éta-
blit. Dans certains cas, la sécrétion lactée peut précéder de quelques jours la naissance,
mais on peut admettre alors que, sous des influences diverses, pendant le travail
interne qui précède l'expulsion, le placenta ne fonctionne plus normalement et
n'exerce plus alors son action d'arrêt sur la glande lactée.
L'hormone de Starli.ng rentre dans le même système, l'action anabolique devant
masquer ou inhiber les processus cataboliques. Mais ce n'est pas dans le placenta, c'est
dans le fœtus lui-même que Starli.ng place le siège de la sécrétion interne.
Dans une première série de recherches faites avec Lane Claypon, il montre que
l'ablation du système de reproduction (ovaires, trompes et utérus), faite quand l'évolu-
tion est commencée (après le 14* jour pour les lapines), n'empêche pas la sécrétion
lactée de s'établir deux jours environ après l'opération. Si l'ablation a lieu avant le
quatorzième jour, non seulement les glandes mammaires ne sécrètent pas, mais elles
régressent jusqu'à l'atrophie.
Dans une seconde série, les mêmes auteurs injectent dans le péritoine des lapines
nuUi- et multipares des extraits filtrés d'ovaires, de placenta, de fœtus. Les extraits
d'ovaire, de placenta n'amènent aucune modification dans les glandes, alors que les
LAIT. 849
extraits de fœtus, associés on uon à ceux de placenta, anuMienl un gonflement des
mamelles, une prolift'-ration de tous les éléments glandulaires; et, chez les fcmt;lles
multipares, ou obseAe, à la suite des injections ré[)é'tées, l'apiiaiition de la sécrétion
lactée.
La sécrétion lactée s'explique, d'après Starlixg, par la cessation de l'efTet stimulant
anabolique de l'hormone quelque temps après l'injection. I/auimal auquel on cesse di'
faire des injections d'extrait se trouve dans les conditions analogues à celles qui
suivent l'expulsion du fœtus.
K.NOPFELMACHEH, cspéraut pouvoir donner une démonstration de la présence de
l'hormone circulant dans le sang maternel, injecta à des femelles adultes et non cou-
vertes des quantités notables de sérum provenant de femelles de même espèce, jileines,
ou venant de mettre bas, ou encore quelques jours après la délivrance, alors que la
lactation s'établissait. Il ne put obtenir de sécrétion lactée chez les animaux injectés,
mais l'absence de recherches histologiques ne permet pas d'affirmer l'absence de réac-
tion dans les glandes. Foa oldient un accroissement de la glande mammaire d'une
lapine vierge en injectant de l'extrait de fœtus de bœuf; Keruo.v injecte de l'extrait de
corps jaune à une lapine ayant cessé d'allaiter et observe un retour de la sécrétion.
Contre la théorie de l'hormone il faut citer les expériences de Lamhhosi et Bolaffio :
des lapines vierges mises en comparaison avec des lapines pleines n'ont rien présenté
de particulier du côté des glandes mammaires. Il faut ajouter qu'elles n'ont vécu que
huit jours!
Dans les hypothèses que nous venons de citer, le siège de l'excitant spécifique, de
l'hormone, se trouve dans l'œuf, qu'il s'agisse du placenta (Hildebrandt, Haliîan) ou du
fœtus (Starling) ; mais il ne faut pas ouldier que les glandes mammaires peuvent pré-
senter un développement spécial, et donner du lait en dehors de la lactation, telle la
poussée laiteuse observée chez les nouveau-nés femelles et même mâles. D'autre part,
la glande prend un développement particulier, soit durable au moment de la puberté,
soit passager pendant la période des règles. Dans ces cas, l'hormone paraît avoir pour
origine l'ovaire. Toutes les expériences de castration ovarienne et de réimplantation
de l'ovaire tendent à montrer, en etfet, que le gonflement de la glande disparaît après
l'ablation de l'ovaire, et, au contraire, réapparaît si on a réussi la greffe (IIerah,
Kehrer, Knauer, Halban).
Le tableau ci-contre (p. 850), emprunté à Pfaundler, résume les influences et les
phénomènes observés.
Les recherches de Bouin et A.ncel ont surtout porté sur l'influence du corps jaune.
A cet elTet ils ont cherché à faire apparaître expérimentalement des corps jaunes dans
un organisme neuf, à l'exclusion des autres facteurs qui interviennent dans la gesta-
tion.
L'évolution constatée dans la mamelle, après la formation expérimentale de corps
jaune (coït stérile ou piqûre de l'ovaire) et l'arrêt de cette évolution si on détruit les
corps jaunes, conduit à considérer le corps jaune comme un organe générateur d'une
hormone cinétogène, c'est-à-dire provoquant la multiplication des éléments glandu-
laires. Cette théorie explique enfin le travail observé dans les organes mammaires à
chaque période menstruelle, travail qui s'arrête avec l'atrophie du corps jaune. Mais pour
expliquer la transformation des éléments mammaires en appareils sécréteurs, il faut
évoquer une seconde hormone, qui, toujours d'après Bouix et Ancel, proviendrait d'une
glande à sécrétion interne, logée dans le muscle utérin et qu'ils ont appelée la glande
myométriale .
b) La théorie métabolique. — Pour expliquer la montée du lait qui suit l'expulsion
du fœtus, une première hypothèse, qui peut se rattacher à celle de la nutrition, fut
émise : la suppression de la circulation utéro-placentaire provoquerait une hyperémie
compensatrice dans les glandes mammaires en voie de développement exagéré, et qu
entrent alors en activité. Cette théorie hématique, défendue par Moi.l, Freu.nd et pai'
SciiEiN (au début), soulève de grosses objections dont l'une est des plus sérieuses:
l'ablation d'un fibrome utérin n'a jamais été suivie d'une sécrétion lactée.
Mais ScHEiN a abandonné cette théorie de l'effet quantitatif du liquide sanguin pour
défendre l'efTet qualitatif. Sous le terme de théorie de nutrition [Xâhrstoffthcorie), cpie
DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME IX. '■>'*
850
LAIT.
jious désignerons sous le terme de théorie métabolique, s'est développée une hypotlièse
diiïérenle de celle de l'hormone, quoiqu'on entrevoie facilement une conception éclec-
tique entre celle-ci et celle de l'excitant spécifique.
Phénomènes physiologiques et pathologiques des excitations trophiques ou inhlbi-
trices provoquées par la sécrétion interne de la glande embryonnaire ou de ses
dérivés non différenciés sur la glande mammaire.
K T.\T.
ORIGINE
et
INFI.t;KNCE.
ACTION DYNAMOGÉNIQUE.
ACTION INIIIBITRICE.
Sens posiiir.
Sens n(-gatit'.
Sens |iosilil".
SiMiN nogatif.
Parturilion.
Placenta.
Criiissancc em-
Régression
Sécrétion
+ Ovaire?
l>rvoiinaire.Mas-
des m a-
lactée des
tiie des nouveau-
niellos a-
nouveau-
nës. Hypercmie
près l'ac-
nes.
jiar hémorragie
couche -
interstitielle.
nient.
Puberté.
Ovaire.
Iiiiimlsion de pu-
berté. Dévelop-
Iteinent desbour-
;:e(ins pectoraux
ajirès implanta-
tion des ovaires.
Absence des
transfo r-
matiousde
puberté
chez 1 e s
castrées.
Règles.
Ovaire.
Impulsion niens-
.\bsencechez
.\lic ration
Sécrétion à
tJUelle.Héniorr.i-
les cas-
dans la lac-
la fin des
gie interstitielle.
trées.
talion au
moment
des règles.
règles.
Grossesse.
Placenta.
Iriiiuilsiou de la
liégression
Retard de la
Arréi du lait
+ Ovaire".'
grossesse. Déve-
après l'ac-
sécré tion
après ré-
loppement des
couche
de 2 à 4 j.
gression
'glandes mam-
ment.
après la
de la sécré-
maires.
délivrance.
tion pla-
centaire ou
après la
naissance.
Testicules.
Impulsion delà pu-
berté sur les
glandes des mâ-
les. Gjnécomas-
tie.
Sécrétion
des glan-
des mâles
api'ès alté-
t é r a ti 0 n
fonction-
nelle des
testicules.
La nutrition du mammifère nouveau-né, par le lait de la mère, n'est que la suite de
la nutrition du fœtus en voie de développement dans l'utérus maternel. Les principes
alimentaires qui, à travers la masse placentaire, allaient se fixer sur le fœtus, gagne-
ront, celui-ci une fois expulsé, les glandes mammaires, et parviendront à l'être nou-
veau-né sous forme de lait.
Raubers émit le premier cette théorie d'une manière un peu spéciale. Les leuco-
cytes, pendant la grossesse, passent en grand nombre de la mère au fœtus, et inverse-
ment, constituent des vecteurs des principes alimentaires; quand la circulation fœtale
est interrompue, il se produit un courant intense des leucocytes vers les glandes
mammaires. Ces éléments chargés de principes nutritifs traversent l'épithélium alvéo-
laire et se détruisent dans la glande, en contribuant à la formation du lait.
Si le rôle des leucocytes, tel que le concevait Raubers, n'a pas été admis, la théorie
persiste encore, en considérant que le sang transporte des matériaux indispensables.
Pendant la grossesse, ces matériaux subissent l'attraction dominante vers l'embryon
en voie de développement, et une faible partie de ces produits se dirige vers la glande
LAIT. Sol
mammaire et provoque son liyperplasie avec sécrétion du colostrum. Quand !•; fœtus
est expulsé, la totalité des éléments nutritifs gagne la glande, et, transformés en élé-
ments lactogènes, ils provoquent la sécrétion du lait.
Sghki.x ne fait pas intervenir, pour expliquer l'absence de sécrétion pendant la gros-
sesse, une action inliibitrice quelcoiuiue : si la glande ne sécrète pas, c'est unii[uement
parce que la quantité de matériaux dérivi'-s de son côté est juste suflisante pour assurer
son développement, et ce n'est que lorsque ces îlémenls arrivent en excès, qu'il
y a sécrétion.
La théorie de Scmein ne repose sur aucune expérience directe ; sa meilleure base
consiste dans les observations de Bum;e visant les rapports étroits (|ui existent entre
les cendres du lait maternel et les cendres du fœtus, rapports qui, plus difficiles
à démontrer, doivent exister pour tous les principes de constitution.
Contre elle, Halban oppose une objection facile à réfuter; la sécrétion lactée ne se
produit pas quand le fœtus est mort dans l'utérus, alors que l'apport des matériaux
est suspendu par l'arrêt de la circulation fœtale; au contraire, à la suite de l'expulsion
d'une môle, on a obsei'vé une sécrétion lactée.
Les deux objections sont faibles. En ce (jui concerne le pi'emier cas, la mort du
fœtus n'entraîne pas nécessairement et immédiatement l'arrêt de la circulation intra-
placentaire ; cet organe continue à végéter, et, par suite, à dériver vers lui une partie
des éléments nutritifs. Quant au second cas, les études sur la sécrétion de la glande
après expulsion de môles sont encore trop rudimentaires pour permettre d'affirmer
qu'il y a bien du lait sécrété.
Ici encore, il y a tout lieu de supposer que l'éclectisme s'approche de la vérité; qu'il
existe de véritables hormones jouant un rôle particulier sur des éléments sensibilisés
devenus de véritables récepteurs, et, d'autre part, que l'activité déployée pendant la
grossesse dans la région utérine se porte immédiatement après l'expulsion du centre
d'attraction vers un autre centre qui n'est autre que la glande lactée.
COLOSTRUM.
Le colostrum est le liquide sécrété par les glandes mammaires pendant les derniers
mois de la gestation et les premiers jours qui suivent la parturition.
Ce liquide a un aspect opalin visqueux, de consistance assez épaisse, avec des fila-
ments jaunâtres. L'examen microscopique décèle la présence d'éléments figurés parti-
culiers et de globules de graisse.
DoGRAL distingue trois périodes dans la sécrétion colostrale :
1° Le colostrum de grossesse ;
2" Le colostrum qui précède avant l'accouchement l'établissement de la sécrétion du
lait proprement dit ;
3° Le colostrum conséculif à l'arrêt de la lactation.
Colostrum de grossesse. — Composition chimique du colostrum de grossesse. —
Au microscope, on distingue des cellules à protoplasma granuleux (corps granuleux
de Donné) qui seraient, d'après Stricter et Czernv, animés de mouvements amiboïdes
ou simplement de mouvements pseudopodiques, d'après Michaelis.
Chaque corpuscule du colostrum de la femme possède généralement un noyau, rare-
ment deux, et exceptionnellement trois. Le noyau se colore par des matières colo-
rantes basiques; il occupe soit le centre de la cellule, soit est déjeté à la périphérie.
Tantôt il est sphérique et bien conservé, d'autres fois il est déprimé sur un point de sa
circonférence par des gouttelettes de graisse, et, suivant que cette dépression est plus
ou moins prononcée, on peut observer les différentes formes suivantes du noyau : noyau
avec légère encoche, noyau en croissant ou en demi-lune (coifîe de Czerny), ou encore,
■et ceci se voit rarement dans le colostrum de la grossesse, les globules de graisse
envahissent le centre du noyau en même temps que la périphérie, et on ne trouve plus
que des restes de la substance chromatique pour ainsi dire à cheval entre les vacuoles.
A côté de ces corpuscules granuleux existent des cellules du type nettement poly-
nucléaire, avec un noyau replié sur lui-même, contourné, et jirésentant parfois tous
les caractères de la division mitosique (Jouv).
85;* LAIT.
Il existe donc trois types d"i!lémenls figurés dans le colo&lrum :
1" Des cellules granuleuses ; 2" des cellules polynucléaires (leucocytes) ; 3*» des cel-
lules polynucléaires en voie de caryolyse.
Colostrum après l'accouchement. — Après raccoucliement, les éléments figurés
se rclrouvetit dans le produit de sécrétion, mais leur proportion dilTère.
Le premier jour, avant que l'enfant ait tété, il semble qu'une destruction des leuco-
cytes s'est produite, car ce sont les formes en chromalolyse qui occupent parfois
presque entièrement le champ du microscope. Le nombre des leucocytes polynucléaires
a augmenté : durant la grossesse, il était très inférieur à celui des globules du colos-
trum; après l'accouchement, il lui est supérieur. Les corpuscules du colostrum ont les
mêmes caractères que ceux du colostrum de la grossesse; leur protoplasma et leur
noyau sont hien conservés. Mais ils changent d'aspect dès que l'enfant commence
à téter; les globules de graisse remplissent de plus en plus le protoplasma, qui est
réduit à un réseau très fin, dont les mailles irrégulièrement arrondies correspondent
aux globules de graisse. Le noyau également est détruit, et on peut suivre cette des-
truction progressive que nous avons décrite dans le colostrum de la grossesse, en fai-
sant toutefois observer que ces formes y sont exceptionnelles, et deviennent au contraire
la règle, dès que l'enfant a tété.
Dès le deuxième ou troisième jour qui suivent la première tétée, les corpuscules du
colostrum deviennent de moins en moins nombreux, et sont remplacés par les formes
en destruction. Quant aux leucocytes, ils disparaissent déjà dès le deuxième ou le troi-
sième jour.
L'époque de la disparition totale des corpuscules du colostrum est très individuelle;
tandis que, chez quelques femmes, déjà dès les premières tétées de l'enfant, on ne voit
que de rares globules, chez d'autres, ils persistent encore le dixième ou le vingtième
jour, et même trois on quatre mois après l'accouchement : mais on peut dire, d'une
façon générale, que vers le cinquième ou le sixième jour leur nombre devient tout
à fait négligeable.
('e fait a été observé par Trlm.vnn, qui, appelé à se prononcer dans un cas de méde-
cine légale, fit l'examen du colostrum et du lait chez dix-hnit femmes aux différents
moments de la lactation. Il en conclut que la présence des globules du colostrum ne
suffit jamais pour affirmer que l'accouchement est de date récente.
Colostrum après la lactation. — Quand la femelle n'allaite pas, on constate, les
jours suivants, des globules granuleux gigantesques. Si, par contre, l'allaitement est
brusquement suspendu, on observe dans le lait une transformation régressive curieuse.
Vingt-quatre heuresaprès la suspension de l'allaitement, on voit apparaître des glo-
bules de colostrum de dilférents diamètres et des leucocytes à noyau polymorphe.
Ensuite les leucocytes disparaissent, et, seuls, les globules de colostrum de dilTérents
diamètres persistent. L'aspect de la sécrétion correspond à son état histologique; le
liquide sécrété devient plus consistant et prend une coloration jaune.
La transformation du lait en colostrum peut être plus facilement suivie chez les
animaux. Ainsi chez le cobaye, 24 heures après l'interruption de l'allaitement, on voit
déjà des leucocytes à noyau polymorphe, dont le protoplasma contient quelquefois une
ou plusieurs gouttes de graisse; le lendemain, le nombre des leucocytes diminue, les
globules de colostrum apparaissent et, désormais, constituent seuls les éléments tigurés^
du colostrum.
Origine des globules du colostrum. — L'origine et la nature des globules gra-
nuleux ne sont pas encore élucidées. Pour les uns, les globules sont le produit de dégé-
nérescences graisseuses de la glande mammaire fonctionnant comme glande holocrine
(Ranvier, Kôlliker); pour les autres, les cellules alvéolo-glandulaires ne tombent pas
dans les canaux alvéolaires, et il y a simplement sécrétion de la graisse. La partie centro-
acineuse de la cellule se détache, alors . que le noyau persiste Rauber, Partsch,
Heide.nhein)..
Czerny arrive aux conclusions suivantes :
« Les globules de colostrum sont des leucocytes qui pénètrent dans les espaces
glandulaires dès que le lait est formé, mais n'est pas encore excrété; ils absorbent les
globules de graisse non utilisés et les transportent dans les voies lymphatiques. Ce
LAIT. 85 :>
transport se fait grâce aux mouvemonts amilio'ùlcs, qui ne leur manquent jamais. •■
11 tétait conduit à ces conclusions en faisant un examen direct du colostrum des
femmes qui n'allaitent pas et en faisant les expériences suivantes :
[" 11 injectait du lait dans le sac lyniphaliquo dorsal de la grenouille et exaiiiiiiail.
toutes les 24 heures l'aspect des leucocytes du saii;,'. 11 a pu observer ainsi tous les inter-
médiaires, ilopuis le leucocyte normal jusqu'à ceux qui étaient remplis de globules de
giaisse et qui prenaient Taspect des globules du colostrum :
:i'' CzERNY injectait l'encre de Chine sous la peau de la souris et retrouvait dans les
globules du colostrum, à côté des globules de graisse, des particules d'encre de. Chine.
l)'oii la conclusion suivante : ces globules blancs, ayant absorbé les parcelles de la
matière- colorante, sont arrivés avec la circulation dans les espaces interalvéolaires de
la glande mammaire; ensuite, grâce à leurs mouvements, ils ont péiit'-tré dans la
lumière des acini où ils absorbent des globules de graisse, pour s'y transformer en glo-
bules de colostrum'. Des expériences analogues de Louiuk ont aussi établi ce pouvoii'
absorbant des éléments du colostrum.
U.VGER-, Micii.vELis', LouRiK \ Confirmèrent ces résultats, en étudiant les coupes de
la glande mammaire, faites à différentes périodes de la gestation et de la lactation. Ces
auteurs ont décrit dans le tissu conjonctif interalvéolaire des leucocytes, dont le nombre
augmentait au fur et à mesure que la grossesse évoluait, et ces leucocytes auraient pour
rôle d'absorber la graisse non excrétée et de se transformer ainsi en globules de
colostrum.
DuçLERT^ considère les globules du colostrum comme des cellules glandulaires, ayani
subi une dégénérescence colloïde. Cette opinion est admise par Ren.\ut.
Composition du colostrum".
Age du colostrum Extrait Azote
d'après l'accouchement. soc. total.
Sr. gr.
26 à 50 heures 166,01 9,60
56 à 61 — 146,11 5,25
26 à i8 — 106,81 3,47
48 à 69 — 104,74 2,75
5 à 6 jours 120,64 3,37
5à6"— 135,19 2,51
5 jours 118.57 :;,00
Moyenne des 70 o.'jservatiuns prcccJenlcs. 128,30 4,28
Le colostrum est surtout très chargé en principes nutritifs dans le premier jour, il
s'appauvrit ensuite.
LouRiK, qui n'a jamais pu sur des coupes de mamelles trouver dans les cellules des
canaux galactophores quelques traces de globules de colostrum, mais uniquement dans
la lumière des alvéoles et des canaux, penche pour une origine leucocytaire : ces glo-
bules possèdent toutes les propriétés phagocytaires dévolues aux leucocytes, coloration
des granulations, absorption des corps étrangers, etc., mais il faut ajouter qu'on ne
trouve cependant pas les formes de passage qui doivent relier le lymphocyte originaire
avec le globule granuleux, type du colostrum.
Élimination des substances par le lait. — Mercure. — Le traitement de la
syphilis des nouveau-nés qui consiste à donner à la nourrice des préparations mercn-
rielles, avait été indiqué au xvni" siècle par Swediaur; mais, bien que la clinique eût
signalé des cas heureux, il faut arriver en 1838 pour trouver la première recherche du
mercure dans le lait. Péligot donne du mercure à une ànesse, mais ne peut le retrouver
1. CzEUNv, Loc. cit., p. 16.
2. Ungeh [Zw An. u. Ph>js. der Milchdruse, 1898 .
3. MicHAELis [lieili-arj zur Kennlniss der Milchdriisc, Arc/i. f. mxUr. An., 1897, 26.
4. LouRiK, Éléments fif/urés du colostrum et du lait. Th. in., Paris, 1901.
5. DccLERT [Élude hislologique de la sécrétion lactée). Th. de Montpellier, 1S9J.
C. Cameber et SôLD.NER [Zeitsch. f. Biol., X, 1883, 365;.
Lactose
îraisso.
anlivdre.
Cendres
gr.
gr-
gr-
42,20
42.30
4,96
40,50
56,70
4,24
17,20
58,30
3,72
20,90
52,50
4,14
29,82
56,34
3,50
47,05
60.99
2,47
24,14
63,26
3,30
31,68
55.12
3,76
854 LAIT.
dans le lait; H. Chevalier, 0. Henrv ne sont pas plus lii;ur(?ux. Oiiiila, au contraire,
retrouve le mercure et signale le cas d'une l'amille atteinte de stomatite mercurielle pour
avoir pris du lait d'une vache soumise à un traitement hydrargyrique (?). Depuis cette
époque, les résultats sont tantôt positifs, tantôt négatifs. Pehsonnk, Lewald retrouvent
le métal, alors que Dolan, Okahler, Fehu.ng n'y parviennent pas.
En 1890, Ettore Somma donna le mercure en frictions à sept femmes, et rechercha
par une méthode très sensible (chlorate de potasse et hydrogène sulfuré) la présence
du métal dans le lait. « Il n'y a pas eu, dit-il, la moindre trace de sulfure noir. » Il
essaya sur les mêmes femmes, sans plus de succès, en remplaçant les frictions par des
injections sous-cutanées.
En 1900, SiGALAS arriva à un résultat opposé. Il emploie le procédé de Meroet, 'lui
consiste à aciduler le lait de 2/10 de son volume d'acide nitrique, faire bouillir, puis,
après flltration. y placer une lige de cuivre plate et bien décapée. Après vingt-quatre
heures de séjour, la tige est mise en présence de papier au nitrate d'argent ammoniacal,
sur lequel la présence du mercure se révèle en tache apparente. De ses expériences,
il faut conclure que le mercure passe à partir du treizième jour, et il appela temps
perdu d'élimination cet espace de treize jours. C'est à la non-connaissance de ce fait
qu'il attribue l'insuccès de tant d'analyses chimiques.
Enfin, en 1906, Louise et Moutier firent à la Société de Biologie la communication
des recherches qu'ils avaient faites avec le mercure phényle, recherches couronnées
de succès. Ils administrèrent à la chèvre 20 milligr. de mercure phényle, dissous dans
i ce. d'acétate d'éthyle (dose relativement considérable; 0,17 mm. 7 de mercure phényle
correspond à 10 mm. de mercure). Ils donnèrent à la chèvre cette médication du
15 décembre au 15 mai. Pas d'intoxication, pas d'accidents, bien que la bête fût pleine.
Ils recherchaient le mercure d'abord par le procédé de Merget (indiqué plus haut) et
ensuite par le procédé électrolytique.
Ils ne retrouvèrent le mercure que di.x jours après la première injection. Il augmenta
ensuite peu à peu, et se maintint à 2 milligr. par litre, sans jamais dépasser ce chiffre.
Les dernières recherches expliquent les résultats contradictoires des auteurs anté-
rieurs. Le mercure met un temps considérable à s'éliminer: ce n'est que vers le dixième
jour que cette élimination commence, et elle se poursuit ensuite lentement, même
après cessation du traitement.
Élimination de l'iode et de ses composés. — L'élimination de l'iode et des
iodures a été discutée.
Whaler et IL Sterbercer paraissent avoir les premiers reconnu la présence de l'iode
dans le lait d'une chienne soumise au traitement ioduré. Parmi les très nombreux tra-
vaux sur cette question, nous ne j»ouvons citer que quelques cas spéciaux. Chevallier
et 0. HexNRy retrouvent l'iodure de potassium et indiquent que ces laits iodés prennent
en chauffant une teinte jaunâtre. Harmier retrouve l'iodure de potassium, mais non la
teinture d'iode. Lewald décèle le pass.ige de l'iode, mais ne constate sa présence que
dans la caséine et non dans le sérum.
Les tentatives pour obtenir un lait iodé thérapeutique donnent des résultats contra-
dictoires, mais, en général, l'iodure de potassium est retrouvé dans le lait, à la dose de
2 gr. 30. Lewald le trouve dans le lait 4 heures après, et on constate sa présence
H jours après la cessation du traitement.
En mars 1902 parut sur ce point spécial de l'élimination de l'iode une étude très
complète et très documentée de Flami.xi (48).
Il se servit pour ses expériences de l'iode métallique en solution huileuse, et en in-
jection endomusculaire.
La chèvre fut l'animal employé pour les expériences.
Au point de vue chimique, il employa le procédé suivant :
« 20 ce. étaient versés dans une capsule de platine et alcalinisés au point de donner
une réaction alcaliuée. Puis on faisait évaporer au bain-marie jusqu'à dessiccation par-
faite. On brûlait le résidu sec, on obtenait l'incinération complète, et les cendres étaient
dissoutes dans l'alcool absolu. Le résidu de cette dissolution, préalablement évaporée
au bain-marie, était à son tour dissous dans l'eau distillée et filtrée, et le filtre lavé plu-
sieurs fois. Après avoir recueilli le liquide devenu limpide dans un entonnoir à sépa-
LAIT. 8o5
ration, on y versait une certaine ([uanlité de clilorofornic ou de sulfure de carbone,
puis (luehiues j^outtes d'acide sulfuriqiie au 1/10 et quelques gouttes encore d'une
solution d'azotate de soude. Kniin, on agitait fortement l'entonnoir, iierniétiquement
clos. L'iode alors mis en liberté se trouvait absorbt' par le sulfure de carbone qui,
recueilli et lavé plusieurs fois dans l'eau, permettait de déterminer la quantité d'iode
(lu'il contenait en dissolution, au moyen d'une solution titré»; d'hyposulfite de soude.
Il reclierclui l'iode successivement dans le sérum et les matières alburninoïdes, et
put déduire de ses résultats ({ue, « de tout l'iode contenu dans le lait, une [)arti(; un peu
supérieure à la moitié se trouve dissoute dans le sérum, et le reste demeure combiné
avec les malicres alburninoïdes ».
On voit en outre par ces cliiffres que l'iode ne commence à s'éliminer que vers le
cinquième jour (0 cm. OOlo p. lOOi, puis que la proportion s'élève jus([u'à 0,010;) p. 100
le quinzième jour.
La proportion d'iode dans le lait répond à la moitié de celle éliminée par l'urine. Le
maximum constaté par litre a été de 12 centigr. p-our une clièvre de .'i.') kilogr.
Un travail plus récent de 190d (Van Ittalie) entrepris sur le lait de vache, arrive à
cette conclusion qu'avec 20 gr. d'iodure donnés 4 jours de suite, on ne trouve ptls trace
d'iodure dans le lait.
Brome et Bromures. — Peu de travaux à citer.
LoNYGLON retrouve les bromures dans le lait de la femme et ses rechercbes sont
confirmées par celles de Rosenhaupt.
Les faits cliniques plaident également en faveur du passage : érylhème bromique
chez un enfant nourri par une mère soumise à un traitement bromure intense et dis-
parition de l'érythème avec l'arrêt du traitement.
Arsenic. — Lewald avait établi que l'arsenic apparaît dans le lait au bout de dix-sept
heures, et que son élimination n'est complète qu'en soixante heures.
Spinola admit ses conclusions, et Hertwig, étudiant le lait de vaches soumises par
des vétérinaires à un traitement arsenical intensif, constata que les propriétés toxiques
du lait qui en sont la conséquence peuvent persister plus de trois semaines après la ces-
sation du médicament.
V. Tedesghi, expérimentant sur l'ànesse et la soumettant à des doses croissantes du
traitement arsenical (jusqu'à l.'j centigrammes par jour), ne retrouva pas le médicament
dans le lait.
EwALD ne l'a pas retrouvé dans le lait d'une femme qui prenait chaque jour 6 milli-
grammes de celte substance.
Brouardel et PoU';HEr, à la suite de. la mort d'un enfant nourri au sein par sa mère
empoisonnée par l'arsenic, ayant trouvé o milligrammes dans le cadavre, concluent
au passage.
Fer. — La pauvreté du lait en fer, 1 à o milligrammes par litre, a déterminé de nom-
breuses recherches ayant pour but d'augmenter cette teneur.
Chevallier et 0. He.nry citaient déjà l'oxyde de fer comme l'une des substances qu'ils
avaient pu retrouver dans le lait. Plus tard leur opinion fut partagée par Lewald,
Ro.MBEAC, Marchand, Anselm, Roselen, Bistrow, Tedesghi, Hosaus, tandis qu'elle était
mise en doute par Marmier, Me.ndès de Léon, Simon.
Fehling, qui a recherché le ferrocyanure de potassium dans les urines de l'enfant au
sein après l'avoir administré à la nourrice, ne l'a pas retrouvé (tandis qu'il le retrouvait
aisément dans les urines de la nourrice).
SciiLiNi; a, lui aussi, et dans les mêmes conditions que Fehling, recherché le ferro-
cyanure de potassium dans les urines de l'enfant; il a constaté comme lui qu'il ne
passait pas.
BisTitow, donnant à la chèvre 1 à 3 grammes de lactatede fi}r, put noter la présence
de 0 gr. 01 centigramme p. 100 de fer et vit doubler ce chiffre a[)rès quelques jours.
En même temps, il signalait une légère diminution dans la sécrétion lactée.
Mendès de Léon fit prendre à une nourrice une préparation ferrugineuse, mais ne
put retrouver le fer dans son lait.
Tedeschi donna huit jours de suite 10 grammes d'oxyde de fer dialyse, pai' la
bouche, à une ànesse et ne retrouva que des traces du métal dans le lait.
856 LAIT.
Friedreichs administra à la chèvre 0 gr. 20 à 0 gr. oO de phosphate de fer par jour,
sans rien retrouver dans le lait.
Le dernier travail para sur la question est celui de Giordam. Après avoir fait des
recherches sur la quantité de citrate de fer vert que l'on pouvait injecter sans incon-
vénient à la chèvre, il injectait dans les muscles une solution à 10 p. d(K>, à doses
croissantes, allant de 25 centigrammes à 125 centigrammes, et put ainsi décupler la
teneur en ^er (65 centigrammes).
Les dosages du fer étaient effectués par la méthode Hamblrge».
Pour Giordam, le fer ainsi éliminé devait se trouver à l'état de comhinaison orga-
nique avec les proléides.
Phosphates. — L'addition de phosphates à ralimentation peut-elle augmenter la
teneur du lait en acide phosphorique?
Les laits dits phosphatés naturels ainsi obtenus ne contiendraient aucun excès
d'acide phosphorique d'après Diclalx et Sai.nt-Yves Mknaud, et Tedkschi.
Cependant Sanso.n arrive à un résultat positif en donnant de 10 à 30 grammes de
phosphates par jour.
JoLLY, sans admettre l'efficacité des phosphates ajoutés aux aliments, croit qu'une
bonne alimentation en fourrages riches en phosphates influe nettemenl sur la richesse
phosphati(|ue du lait. En utilisant des engrais riches en phosphates et superphosphates,
on peut obtenir des laits déliassant 4 gr. 50 de phosphates, alors qu'avec une alimenta-
tion défectueuse, comme les ilrèches, la teneur tombe à i gr. 05.
Autres composés minéraux. — Les sels de plomb ont été retrouvés par Perfjua,
DoLAN, Lewald, Stimpf; ils s'éliminent en quantité infime, mais pendant un temps très long.
Les sulfates de soude et de magnésie ont été retrouvés par 0. He.nry, Pereira,Dola.n,
Harmier. Tedeschi n'a pas retrouvé la magnésie administrée pendant vingt jours aune
ânesse à la dose de 12 grammes par jour.
Le cuivre a été recherché sans succès par Tedeschi et par Bau.m et Seliler. Ils opé-
raient sur la chèvre et donnaient des doses variables, de 0 gr. 50 centigrammes à
1 gramme par jour, de sulfate de cuivre. La sécrétion lactée n'a pas été moditiée, mais
le cuivre n'a pas pu être décelé.
Le bismuth a été retrouvé par Lewald et par Chevallier et Henry. Le zinc a été
retrouvé par Pereira, Dola.n, Harmier. D'après Lewald, l'oxyde de zinc, quoique inso-
luble, s'élimine par le lait, i gramme de ce produit se retrouve dans le lait au bout de
quatre à huit heures. Après soixante heures, plus de traces. L'antimoine a été retroucc
par Lewald, Balm. Il passe d'autant plus facilement qu'il a été administré une prépa-
ration plus soliible. Le borax a f'-té retrouvé par Harmier. L'azotate de potasse n'a pas
été retrouvé (Chevallier et Henry, MARt:HAND). Les mêmes auteurs n'ont pas retroucc
les sulfures de sodium et de potassium.
La proportion de chlorure de sodium a pu être augmentée dans le lait au point de
lui donner une saveur salée. La dose donnée à une vache était de 200 grammes par
jour (Péligot). Henry et Chevallier ont confirmé ce travail. Labourdetïe employa le
chlorure de sodium pour faciliter l'absorption des médicaments qu'il voulait faire
passer dans le lait. Les auteurs ont cherché les modilications que faisait subir aux
matières contenues dans le lait l'addition d'une certaine quantité de chlorures. Les
travaux sont en désaccord.
Lesacides minéraux semblent, aux doses normales, n'avoir pas d'effet sur la sccrétion
lactée. <( On peut donc utiliser, dit Le Gendre, comme je l'ai fait souvent pour favoriser
la digestion d'une nourrice dyspeptique, la limonade chlorhydrique à 4 grammes pour
1 000, à la dose d'un tiers de verre par repas. »
Les alcalins, bicarbonates de soude, de potasse, ont donné, d'après Péligot et d'après
Henry, un lait fortement alcalin. Leurs recherches n'ont pas été reprises. Dolan a vu le
bicarbonate dépotasse donné à la mère augmenter la diurèse du nourrisson.
Le carbonate d'ammoniaque, d'après Dolan, passe dans le lait.
Alcool. — Le passage de l'alcool dans le lait de la mère a une importance considé-
rable. Les médecins signalèrent de bonne heure le danger de l'intoxicalioii
alcoolique du nourrisson; mais, si le fait était admis couramment, la démonstration
n'était pas faite.
LAIT. S.ST
Et il faut arriver en 1881 à Dolan pour trouver les premiùres roclierclies, à n'sullat
négatif d'ailleurs, du passa^-e de l'alcool.
Su Mi'K montra (jiie l'alcool aiiiiniente la richesse du lait eu niatit'n;s grasses, ne
modilie pas les (piautités d'albuiuiiioïdes ni de sucre. Il ne retrouva pas trace d'alcool
dans le lait.
Degaisnk rapporta plusieurs cas personnels d'accidents survenus chez des nourris-
sons à la suite d'abus d'alcool. Il déclara avoir observé vingt fois le fait, en vingt et un
ans de praliiiue.
Chaiu'e.ntiku à son tour cita des faits de convulsions infantiles survenus dans les
mêmes conditions.
De Aumo.M) insista sur les effets terribles que produit l'alcool, passant par cette voie,
sur un système nerveux aussi fragile que celui du nouveau-né (1889).
Kli.\gel.mann le premier fit des expériences positives sur l'animal. Il donna à une
chèvre 200 ce. d'alcool absolu et obtint une ivresse profonde. Il retrouva dans le lait
une proportion d'alcool de G gr. 35 pour 100. Au-dessous de 200 ce, ses recherches
furent négatives. Dans le lait de femme il ne put déceler l'alcool.
RosEMANN reprit les expériences de Klingelmax.n, mais cette fois sur la vache. Il arriva
aux mêmes conclusions : l'alcool ingéré à haute dose passe. Ingéré à petite dose, il ne
passe pas. La proportion éliminée dans le premier cas est de 0 gr. 2 à 0 gr. (1 p. iOO de
l'alcool ingéré.
NiCLOux l'eprit ces différentes études chimiques par un nouveau procédé de recherche,
il se servit de l'appareil de (Ikkmant (séparation de ralcot)I par distillation dans le
vide à ,oO°).
Il expérimenta sur la chienne, sur la brebis, sur la femme, et démontra le passage
de l'alcool dans le lait. Les quantités éliminées sont faibles, voisines de 0 c. c. 25 p. 100
d'alcool absolu. Sa conclusion fut celle-ci : « L'alcool passe, quelle que soit la quantité
d'alcool ingéré, grande ou petite. »
Ce travail, auquel nous renvoyons pour plus de détails, a fait époque dans la question,
et semble l'avoir jugée définitivement.
En Allemagne, la même année (1908), H. Weller (156) constata que les vaches
nourries avec les pulpes de betteraves contenant encore de l'alcool donnent du lait
contenant jusqu'à 0 gr. 96 p. 100 d'alcool.
Chloroforme. — Le passage du chloroforme dans le lait a été établi par Nicloux,
qui a dosé comparativement le chloroforme contenu dans le sang et dans le lait pen-
dant une anesthésie pratiquée sur la chèvre pendant 94 minutes (jusqu'à la mort de
l'animal). Il trouva dans le sang des quantités croissantes de 20 milligrammes, 21 milli-
grammes, 26 milligrammes, 27 milligrammes etjusqu'à 37'""',5 à la période terminale.
Au môme moment, pour 100 centimètres cubes de lait, il trouva les quantités suivantes
de chloroforme : 6 milligrammes, 12 milligrammes, 16 milligrammes, 25 milligrammes,
36 milligrammes, 40 milligrammes, 60 milligrammes. Il explique la haute dose de chlo-
roforme trouvée dans le lait par l'affinité du chloroforme pour les matières grasses du
lait.
Dans une seconde expérience, il chloroformisa une chèvre pendant une heure, puis,
cessant l'anesthésie, il rechercha le chloroforme dans la sécrétion lactée.
Il trouva à la première prise de lait 42 milligrammes pour 109 centimètres cultes de
liquide et deux heures après la fin de l'anesthésie 2 milligrammes pour 100.
On voit par ces expériences que l'administration de chloroforme aux nourrices, pour-
une petite intervention, par exemple, pourrait être l'occasion de troubles graves chez
le nourrisson. Il faudrait vider le sein et ne recommencer l'allaitement que cinq ou six
heures après la fin de l'anesthésie.
D'autre part, il est bon d'ajouter que le lait des femmes accouchées sous chloro-
forme ne parait pas subir de modifications intéressant le nouveau-né.
ChloraL — D'après Feiiling, le chloral s'élimine par le lait. Mais, même à la dose
de 2 grammes par jour, il serait sans inconvénient, si on met au moins dou.x heures
d'intervalle entre la prise du médicament et la selle.
Éther. — Reproduisant les expériences qu'il avait déjà faites avec le chloroforme,
.NicLOLx retrouva, dans la sécrétion lactée d'une chèvre soumise à l'éthérisation, des
858 LAIT.
quantitésd'éther allant de35milligrammes àl20milligrammespourl00centimètrescubes
(ie lait (l'expérience ayant duré 90 minutes). Il continua ses prises de lait après la chlo-
roformisation et constata qu'après sept heures on ne retrouvait plus de traces d'éther.
Un fait rapporté par Godey montre que certains accidents peuvent survenir à la suite
del'éthérisation pendant l'accouchement. Pendant trois jours un enfant refusa de prendre
le sein de sa mère accouch('e pendant l'anesthésie à l'éther, et eut des vomissemenls
quand il se mit à téter. On lui donna une autre nourrice; il n'eut plus de vomissements.
Opium et ses dangers. — Dès 1862, Scherer signale le passage de l'opium dans le
lait, Besassey confirme ce fait en relatant l'observation d'un enfant qui dormil 48 heures
après absorption par la nourrice de trente gouttes de teinture d'opium.
. FuBiNi et Caivtu trouvèrent à l'examen chimique la morphine dans le lait d'une
chèvre soumise à l'usage de l'opium.
Frœhner expérimenta sur la vache et ne retrouva rien dans le lait.
PiNZAM, travaillant dans le laboratoire du professeur Albertoni (de Bologne), fil
douze expériences dans lesquelles il faisait prendre à des nourrices des doses de mor-
phine variant de 3 à 5 centigrammes chlorhydrate); trente enfants prirent de ce lait
sans en ressentir aucun trouble, il ne remarqua chez eux aucun sommeil prolongé.
Dans deux autres expériences, il donna trente gouttes de laudanum, pendant trois jours
de suite, à des nourrices, sans obtenir aucun résultat sur l'enfant. Sur quatre analyses
chimiques faites dans ces circonstances, il eut quatre insuccès.
Van Itallie, ayant administré àdes vaches 8 grammes de poudre d'opium, ne retrouva
rien dans le lait.
Belladone et atropine. — Schli.ng a montré que le sulfate d'atropine en solution
au 1/100, et donné à la mère en injections sous-cutanées à la dose de 3 à 5 milligrammes,
produisait chez l'enfant de la dilatation pupillaire.
Fehling, rapportant les expériences de Preyer et les siennes propres, conclut que la
dose de 1 à li milligrammes d'atropine donnée à la mère amène, dans tous les cas, de
la dilatation pupillaire chez l'enfant, dilatation persistant jusqu'à vit)gl-qaatre heures;
mais aucun trouble n'a été observé.
HusEMA.N'N et HiLGER déclarent que l'on retrouve l'atropine dans toutes les sécrétions
de l'organisme.
Un certain nombre d'auteurs, Lille, Syd.n'ey, Rincer, Bing, Lauder-Brlnton, Pezold,
cités par Fabiini et Bonnani, ont étudié le rôle inhibiteur de l'alcaloïde de la bella-
done, sur îa sécrétion lactée. Miller, Fifield, Goolden, Harkis, Blaytman, ont confirmé
leurs recherches.
Fubini et Bonnami, employant la méthode de Uimms (fondée sur ce fait que de très
petites doses d'atropine suffisent pour rendre le nerf vague inexcitable chez le chien),
établirent le passage de l'atropine à travers la glande mammaire après quinze expé-
riences toutes positives.
Acide salicylique et salicylate de soude. — SiuurF a démontré que le sali-
cylate de soude et l'acide salicylique passaient dans le lait en petite quantité, lorsqu'on
les administrait à forte dose à la nourrice. La proportion éliminée est plus considérable
chez la femme que chez les herbivores.
Il reconnut, en outre, que ces composés diminuent la sécrétion lactée et la rendent
plus alcaline.
Schling montra qu'on n'en trouve pas si on les recherche trop tôt après leur
absorption.
Fehling, et avec lui Pauli, Horder et Herdeyens, montra qu'on les décèle plus faci-
lement dans l'urine du nourrisson que dans le lait. Le temps perdu d'élimination serait
de vingt-quatre heures.
Richter et WooDHULE contredisent ces travaux. Peut-être faut-il expliquer leur
insuccès par une recherche trop hâtive dans le lait, alors que le médicament n'y était pas
encore apparu.
Rémy déclare avoir donné le salicylate de soude à la dose de 2 grammes par jour à
une femme rhumatisante, dont Tenfant, qu'elle allaitait, augmenta normalement, et ne
présenta rien de spécial.
De l'ensemble de ces travaux, il ressort nettement que le salicylate de soude passe
LAIT. S.*)»
dans le lait en petite quantité et iiiradministié au-dessous de 3 grammes à la nourrice,
il ne peut être dangereux pour l'enfant.
I.a rhubarbe et la gratiole {Gratiola of/îcinalis L.), administrées à la nourrice,
donnent des coliques et môme purgent légèrement le nourrisson (C.szeai;x).
I/huile de ricin donne au lait une odeur et un goût spécial et lui communiquij des
propriétés purgatives (Dolan).
Le séné donne une odeur particulière et cause des coliques. .
La nicotine absorbée par les ouvrières dans les manufactures de tabac diminue la
sécrétion du lait (Saurkï), provoque des coliques et iIps accidents nervetix chez le nour-
risson (Quinouaud) et lui donne un teint terreux et des selles couleur vert-de-grià
(Delaunay).
[,a térébenthine donnée à la nourrice communique à l'urine du nourrisson l'odeur
de violette caractéristique.
Quinine. — Le sulfate de quinine n'a pas été l'etrouvé dans le lait par Chkvali.ikr et
Henry; Landerer et Ewald ont cependant constaté qu'il y passait très bien. Bukdel a
donné, dans un travail sur ce sujet, les conclusions suivantes : Rien n'est plus variable
et irrégulier que la transmission de la quinine par la lactation. La sécrétion lactée en
sera d'autant plus chargée, et son absorption d'autant plus rapide que la quinine aura
été donnée à jeun. C'est dans ces conditions principalement que la lactation peut être
dangereuse pour les nouveau-nés. Au contraire, lorsque la quinine est administrée avec
les aliments, sa présence dans la sécrétion du lait est moins abondante, moins rapide,
et par conséquent moins toxique. A mesure que les enfants s'éloignent davantage de
leur naissance, ils deviennent moins sensibles à l'influence du lait quiniuisé. Les acci-
dents surviennent très rarement chez les enfants âgés de .ïà 6 mois. Lorsqu'on se trouve
obligé d'administrer la quinine à des femmes nouvellement accouchées, on peut faci-
lement éviter ces accidents, soit en administrant (si cela est possible) la quinine aux
repas ou avec quelque aliment, mais surtout en ayant soin, trois heures environ après
l'administration du médicament, dévider artificiellement les seins de la mère, afin que
l'enfant ne puisse téter ce lait. On continuera ainsi pendant tout le temps que la mère
sei'a obligée de prendre de la quinine. « Grâce à cette dernière pratique, dit Marfan,
on pourra prescrire couramment la quinine, comme je l'ai fait maintes fois, et éviter
de se passer d'un remède excellent et quelquefois indispensable. »
Antipyrine. — I,es recherches les plus complètes sont celles de Fieux. Il a pu
constater que l'antipyrine passe en nature dans le lait des nourrices. Donnée à dose
massive : deux cachets de 1 gramme à deux heures d'intervalle, elle commence à être
décelée dans le lait Y), 6, 8 heures après l'ingestion, et n'y est plus retrouvée 19 ou
23 heures après. L'antipyrine, pendant ce laps de temps, ne passe dans le lait qu'en
proportion excessivement faible, très inférieure à 30 milligrammes p. i 000. Ce n'est
que dans des conditions exceptionnelles : 4 grammes administrés en 16 heures, qu'elle
arrive à atteindre sensiblement cette proportion.
Elle n'influe en rien sur la qualité du lait, et en particulier sur la lactose, la caséine
ou le beurre ; elle ne paraît nullement agir sur les sécrétions qui restent toujours très
copieuses, si du moins la femme continue à allaiter.
L'action sur l'enfant peut être considérée comme nulle.
ANALYSE DU LAIT.l
I. Caractères physiques. —Densité. — La densité du lait oscille autour de 1030
à lo".
Cette densité est fonction inverse de la quantité de matières grasses, et fonction
directe des autres substances.
La température influe naturejlement sur la densité, et on peut admettre pratique-
ment que la correction à faire est de O'i par degré de température au-dessous de io«,
et de 0''2 au-dessus de 15°.
BoucHARDAT et Ql'eve.nne Ont établi des tables qui donnent les corrections exactes.
860 LAIT.
Il existe un certain nombre d'instruments dits densimctres correcteurs qui per-
mettent de faire immédiatement la lecture.
Les laclodensimètres portent deux graduations : l'une, donnant la densité du lait
avant l'écrémage il 029 à 1 033' ; l'autre, celle du lait aprt'-s j'écréniage 1032 à i 030).
Toute densité de lait écrémé inférieure à 1 032 doit faire soupçonner le mouillaize.
Citons le lactodensimètre de Quevf.xne ; le plus répandu, le therniolaclimètn' de
L.VNGLois, etfectuant automatiquement la correction thermique.
Odeur et saveur. — Les propriétés organoleptiques du lait peuvent être utilisées dans
l'examen du lait. Les médecins goûtent fréquemment le lait pour apprécier sa valeur,
et, dans les grandes industries laitières, le personnel entraîné peut presque toujours
émettre un avis sûr, d'après l'odeur et la saveur du lait.
Opacité, — L'opacité du lait est due aux globules gras, d'une part, et aux substances
protéiques, principalement à la caséine en état de suspension colloïdale.
DoNNK, admettant que l'opacité est fonction de la richesse en globules gras,
a construit un lactoscope permettant d'examiner le lait sous des épaisseurs différentes.
On remplit de lait la caisse du lactoscope, on la place devant une lumière constante,
et, en faisant tourner le limbe mobile, on augmente l'épaisseur de la couche laiteuse
jusqu'à obtenir l'opacité complète.
Une graduation donne le degré lactoscopique. L'appareil n'est plus usité; Doyichk
avait proposé, pour éviter l'erreur due à la caséine, de dissoudre au préalable cette
substance par l'acide acétique.
Viscosité. — La viscosité ou frottement intérieur du lait diminuant sa mobililé esl
appréciée en comparant la durée d'écoulement de volumes égaux d'eau distillée et de
lait, les deux liquides étant pris à la même température et à la même pression, et le
coefficient relatif de viscosité du lait ipar rapport à l'eau) est le rapport des durées
d'écoulement de deux volumes égaux d'eau et de lait.
Cette propriété dépend de la nature de la solution, mais surtout des éléments en
suspension et des colloïdes; elle diminue quand la température s'élève.
Pour mesurer la viscosité du lait, on peut employer le dispositif d'OsrwALD, à large
capillaire, ou plus simplement l'appareil de Mic.vult. Ce dernier est, en somme, un
vase de Mahiotte, dont la capacité est calculée de telle façon que l'écoulement du
volume d'eau distillée qu'il contient se fasse en 100 secondes à 15°; l'écoulement du
même volume de lait se fait en plus ou moins de 190 secondes.
Le chronostillatiscope de Varenne, repose sur le même princi[)e. Weiss utilise un
appareil composé d'un vase dans lequel est un agitateur à palette; celui-ci tourne
sous l'influence d'un poids qui descend comme un poids d'horloge. Le temps que met
le poids à descendre est fonction de la viscosité du lait.
Le coefficient de viscosité du lait de vache, par rapport à l'eau, varie de 1,85 à 2,1')
(Bodgan), de 1,99 à 2,06 (Madella), de 1,60 à 2,0 (Kobler).
Tension superficielle. — La tension superficielle du lait a été mesurée au moyen de
l'ascension dans les tubes capillaires ou par la numération des gouttes fournies par
î> centimètres cubes de liquide avec le compte-gouttes normal (fournissant, à.l'l",
100 gouttes pour 5 centimètres cubes d'eau distillée . 5 centimètres cubes de lait écrémé
donnent, à 15°, 137 à 139 gouttes (Mullère ; o centimètres cubes de lait entier donnent,
à 15°, 126 à 140 gouttes (Imbert et Dccrosj.
En général, la tension superficielle des solutions aqueuses de sels minéraux est plus
grande que celle de l'eau pure. Au contraire, les solutions aqueuses de composés orga-
niques ont habituellement une tension superficielle inférieure à celle de l'eau distillée ;
les colloïdes et les graisses émulsionnées se comportent de même.
La tension superficielle de l'eau étant de 7 390 à 20°, le lait a donné, à la même
température, des chiffres variant de 5060 à 6 726 (Kobler\
Résistance électrique. — L'étude de la résistance électrique du lait, comme la cryo-
scopie, permet d'établir le mouillage du lait. Lesage et Do.xgier ont utilisé un appareil
téléphonique de Kohlrausch. Sans insister sur le montage du pont de Wheatsto.ve, il
suffira d'iiidiquer quelques points essentiels.
Une boite de résistance de 110 ohms est suffisante, avec deux éléments Leclanché.
La cuve électrolytique sert en même temps d'agitateur.
LAIT. 8f. l
,' /
La résislaucede lacuveestV = i - , et iioiir la même cellule - est constant; coninic il
's s
t'st d»''Iicat de mesurer direotemcnL l'écartemont des électrodes et leur surface, on peut
facilement calculer ce rapport en faisant une drlei mination avec une solution saline
de résistance spécillt|ue connue; connaissant V et ■;., il devient facile de calculer le
rapport - 1 que nous désignerons par A.
l/é(|uation devient al(trs V = _iA.
^ '' A lODO — «
Les solutions employées pour la détermination du coefficient de cuve A sont ordi-
nairement :
1" Azittale d'aninionium pui' à 8i» milligrammes par littc.
liésistanco spécifique ù 18" = 7710,1 ohms (Ostwai,»)
2" Chlorure de polas^iiuii pur -— , soit ù 7'-'', 4.'J6 :
RrsisiMnco s]iccilii[iie à IS" S0.-2S ohms
(OSTWAI.D.)
Lesage et DoNGiKR ont indiqué que, à 16", 7, la résistance spécifique du lait de vache
noi^mal varie de 235 à 203 ohms (résistance spécifique du sérum : 'J7 à 103 ohms).
Petersen donne comme chilTres extrêmes 204 à 255 ohms à 15"; le nombre le plus
fréquent étant 231 .
ScHXORF, dans un travail très étendu, portant sur 3 730 échantillons de lait, a trouvé
(jue la conductibilité variait de 38,09.10—^ à 62,99.10 -^■, dans 94 p. 100 des cas, la
conductibilité variait seulement de 43,10-* à 57,10-^, à 25°, correspondant à des
résistances de 175 à 258 ohms. Une adtlition de 10 p. 100 d'eau augmente la résistance
de 15 à 20 ohms.
Cryoscopie. — La cryoscopie du lait a été utilisée par Winter, dès 1895, pour recher-
cher le mouillagi! du lait.
Pour efl'ectuer une détermination, le lait bien mélangé est placé, pendant une
dizaine de minutes au moins, dans la glace pilée, de façon à l'amener aussi près que
possible de zéro. De cette façon, la détermination est plus rapide lursque le tube est
plongé dans le mélange réfrigérant.
Il faut employer 30 centimètres cubes de lait environ pour être certain d'avoir une
température constante dans tout l'échantillon. Wixter et Parmentier conseillent de
faire une première congi'dation, de récliauffer ensuite dans la main l'éprouvette du
lait, puis de re[iorLer dans le mélange; la vitesse de chute de la température passe en
quelques secondes d'un maximum ;i un minimum qu'il est difficile de saisir.
L'opération faite dans ces conditions donne; la température du début de la cottijélu-
tion, la seule qui soit constante et qui ait une signification au point de vue de l'analyse.
L'addition d'une parcelle de glace ou de givre pesant au moins quelques centi-
grammes n"a aucune action perturbatrice notable sur la concentration de la solution,
puisque celle-ci est, en proportion, beaucoup plus considérable.
Cette façon de procéder est plus exacte que celle qui consiste à laisser la surfusioii
cesser d'elle-même. Habituellement, la surfusion ne cesse ainsi que vers — 2°, ou
même — 2''5, — 3". Il est évident que, lorsque la cristallisation se fera dans celte solution
très refroidie, elle entraînera la séparation d'une quantité notable d'eau à l'état solide,
et amènera par conséquent une concentration sensible de la solution, d'où abaissement
plus prononcé du point de congélation.
l'n lait gelant à — 0'',54, avec une surfusion de 0'%20, se congelait à 0,56, quand on
laissait la surfusion cesser d'elle-même, à — 3°; la température du mélange réfrigé-
rant étant voisine de — 3°, et non de — 0", comme le recommandent plusieurs auteurs.
Le nombre lu est pris comme point de congélation, sans se pn'-occuper, comme ou
mi LAIT.
le fait en cryoscopie de pivcision, des différentes corrections, peu importantes du
reste, relatives à la pression, à la surfusion, etc.
Les nombres donn»'s par Winter pour des laits entiers ont ét<^ confirmés par la
grande majorité des auteurs.
Lait de femme. ... A = — CTio
Lait de A-ache. . . . A = — O",.")-»
Lait de chèvre. . . . A = — 0",57
Lait de brebis. . . . A = — 0o,54
Jawanc.eli, Bertozzi, en Italie, trouvent pour le lait de vjiclie A =: — 0°,S4D à — 0'',i)C;
Ho.NNEM.v, en Hollande, indique également — 0°,oyo. Ce dernier auteur constate que,
parfois, environ dix heures après la traite, A devient — 0°,o3, ce qu'il attribue à l'inso-
lubilisation d'une petite quantité de phosphate sous l'influence de l'ammoniaque pro-
duite par certaines bactéries du lait; ensuite, le point de congélation remonte par
suite de la formation lactique.
En France, Parmentier, Javal, L.\jou.\, etc., ont toujours trouvé \ = — 0°,5;t pour des
laits de mélange; alors que Bordas, (iE.M.N, Po.nsot trouvent un chiffre inférieur — 0°,li'2.
Certains laits individuels peuvent donner A = — 0°,o4, même — 0",o.3, ou paifois,
mais assez rarement, 0",ol (Wi.nter .
Hamburger admet qu'un relèvement de 0'>,00o au-dessus de — 0°,o6, adopté par lui
comme normal, indique un mouillage de 1 p. 100; ainsi 0°,.")1 indiquerait un mouillage
de 1 p. 100.
L'addition au lait de conservateurs solubles abaisse le point de congélation, en
l'éloignant de zéro. Léhullition à l'air libre, en enlevant une certaine quantité d'eau
par vaporisation, produit le même résultat. Au contraire, le chauffage du lait en vase
clos ne modifie pas le point de congélation.
L'abaissement crvoscopique est influencé seulement par les matières dissoutes
mais nullement par les matières en pseudo-solution ou en suspension. C'est dire que
la matière grasse n'influe pas, et que la caséine en solution plus ou moins colloïdale
n'a aucune action sensible; du reste, sa concentration moléculaire propre est insigni-
fiante.
Il s'ensuit donc que le lait entier, la crème et le lait écrémé ont un point de congé-
lation identique. Cependant on a signalé que l'écrémage complet par centrifugation
augmentait le point de congélation de 0"01 ( — 0'',50, au lieu de — 0°,i)o).
Dosage chimique. — Dosage de l'azote totaL — La méthode de Kjeldahl, plus ou
moins modifiée suivant chaque auteur, est toujours utilisée pour la détermination de
l'azote total.
Sans insister sur la technique classique, il suffira d'indiquer les manipulations
initiales.
10 centimètres cubes de lait sont évaporés à sec dans un ballon à l'étuve; on le
recouvre de 20 centimètres cubes d'acide sulfuriijue et l'on chauffe à ébuUition
jusqu'à décoloration, en présence ou non dune goutte de mercure, etc.
Pour calculer la quantité de matières azotées correspondant au chiffre d'azote
trouvé, on multiplie par un coefficient conventionnel qui varie suivant les auteurs ou
les Pays: 6,557 (Suisse); 6,37 (Allemagne); 6,25 (France).
Dosage séparé de la caséine. — Procédé Orla Je.vsex. — oO centimètres cubes de lait
sont aJditionnés de 100 centimètres cubes d'eau distillée, et on ajoute lentement de
l'acide acétique jusqu'à commencement de précipitation de la caséine; à partir de ce
moment on verse encore 5 centimètres cubes du même acide et dans le liquide on fait
passer pendant une demi-heure un courant d'acide carbonique.
La caséine serait seule précipitée (?). On complète à 250 centimètres cubes avec de
l'eau distillée et on filtre pour séparer la caséine précipitée.
]-)ans une partie du filtrat, on détermine l'azote par Je Kjeldahl, le chiffre a de
l'azote ainsi déterminé, représentant l'azote des albuminoïdes autres que la caséine,
est déduit de l'azote total, h, déterminé sur le lait complet, b — a représente l'azote de
la caséine et il suffit de multiplier par le coefficient adopté.
Dosage de l'albumine. — 100 centimètres cubes du filtrat ci-dessus sont traités par
LAIT.
S(i:!
30 centimèlrcs cubes d'acide sulfuriquo au quart et 20 centinRl,r''s cubes d'acide
pliosphorique au dixième. On laisse reposer douze heures, on filtre pour éliminer les
substances précipitées par acide phosplnuique. Sur 7o centimètres cubes du filtrat on
détermine l'azote par le K.ikldauu, le cliilTie obtenu c représente l'azote de l'urée, des
corps amide's, etc. Eu multipliant c par 0,3;j on obtient la quantité des corps amidés
ou corps voisins, alors que l'azote des albumine et globuline est donné par
différence d = a — c : en multipliant d par 03 i on obtient les substances albuminoïdes.
On obtient avec des laits normaux des chiffres de ce cenre (Mo.nvoisi.n) :
Azote total
— de la caséine .
— de l'albumine .
— amidé
l'^n grammes.
4,3 à 0,8
3," :i 4.3
0,90 à 0,9:i
0,13 à 0,24
P. 100.
100
77 à 81
lo,7 à 17,0
2,3 à 4.7
LiNDKT et Amman déterminent la teneur en albumine, en calculant 1<' pouvoir rota-
toire de la matière azotée du sérum obtenu par l'emprésurage.
Dosage de la caséine précipitée par l'acide acétique. — La précipitation a lieu soit
après enlèvement préalable des corps gras par l'alcool éther (procédé Aoam), soit avant
ce traitement, le précipité devant alors être débarrassé des graisses dans un digesteur
contenu par de l'éther, de la benzine ou de l'éther de pétrole.
Procédé Bokdas et Touplain (jmr centrifiiyation). — 25 centimètres cubes d'alcool
à 65" acidifié par l'acide acétique (1 centimètre cube d'acide acétique cristallisable pour
1 litre d'alcool à 6o°) sont placés dans le tube en verre taré du centrifugeur.
Verser goutte à goutte 10 centimètres cubes du lait à examiner, en évitant, autant
que possible, de remuer le mélange. La caséine en se précipitant entraîne le beurre
avec elle. Au bout d'une demi-heure au plus la précipitation est achevée. Si l'on a
alTaire à un lait frais ou présentant une acidité normale, on centrifuge et on décante
tout de suite le liquide alcoolique dans une fiole jaugée de 100 centimètres cubes. Le
précipité de caséine et de beurre est lavé, deux fois au maximum, en le délayant dans
25 centimètres cubes d'alcool à SO^-oo" environ.
On centrifuge chaque fois et on décante comme précédemment. Les liquides ainsi
obtenus servent au dosage du lactose,"au moyen de la liqueur de Fehli.ng.
L'extraction du beurre se fait sur le précipité provenant de l'opération précédente.
On fait trois épuisements à l'éther en ajoutant dans le premier épuisement 10 centi-
mètres cubes d'alcool à 96°, aux 20 centimètres cubes d'éther ordinaire employés. On
centrifuge chaque fois, et l'éther est décanté dans un vase taré à l'effet d'y être éva-
poré; on pèse le beurre après dessiccation.
D'un autre côté, il reste dans le tube du centrifugeur une caséine en poudre fine
qui se dessèche rapidement et à basse température. On la pèse dans le tube même du
centrifugeur qui a été taré préalablement et on diminue le poids trouvé de la quantité
de cendres que donne la caséine obtenue. Au lieu de peser les cendres de la caséine
obtenue, on pourra multiplier le poids trouvé par 0,925 pour avoir la quantité réelle de
caséine.
Enfin, ou complète tous ces dosages en incinérant 10 centimètres cubes de lait que
l'on évapore d'abord rapidement au bain-marie, et on calcine ensuite l'extrait.
Résultats obtenus avec du lait de vache ordinaire-
NATUliK
DU LAIT
et numéros des
f'îchantilloiis.
EXTRAIT
SliC.
CENDRES.
HIXRKK.
CASÉINE.
L.ACTOSE.
ItriAUX
l")iir 100c. c.
DE LAIT.
1
12,03
0,62
3,38
3,48
4,62
12,10
2
11,78
0,C7
3,09
3.48
4,78
12,02
3
12.10
0,70
3,30
3,75
4,o0
12.25
S6i LAIT.
Procédé Rolx (par l'acide tr ici do racé tique). — Le hiit après épuisement par le mélange
éthéro-alcool (Adam) se traile par l'acide Irichloracétique à oO p. 100. On filtre et on
pèse le filtre après lavage. Le chitlre trouvé correspond à celui que donne le calcul avec
le procédé K.ieldahl : il s'agit donc d'une précipitation totale des protéiques.
Dosage par l'aldéhyde formique (Trillat et Salton). — Dans un verre on verse 'i cen-
timètres cubes de lait, 2b centimètres cubes d'eau, on fait bouillir cinq minutes, on
ajoute y centimètres cubes de formol, nouvelle t'builition de trois minutes; puis on
traite par !i centimètres cubes d'acide acétique à 1 p. 100. On filtre et on épuise le pré
cipilé par l'acétone.
Dosage par l'iodure jnerciiro-potassiqite (Dk.mgks). — Le lait est additionné d'iodure
mercure potassique en quantité rigoureusement déterminée et le dosage des protéiques
repose sur la détermination, par La méthode cjanimétrique de la quantité de mercure
qui n'a pas été insolubilisée.
Dosage par la j^résure (Lindet). — Li.ndet s'est attaché à trouver un procédé de dosage
|)ratique. Ce (jui intéresse les fabricants de Fromage, c'est le rendement en caséine
obt(Muie par action de la présure.
Il existe un rapport entre la quantité de caséine précipitée par la présure et la
deijsité du lacto-sérum.
En parlant même du lait entier, connaissant la teneur de celui-ci en matière grasse,
la det)sité de cette matière (0,04^, on peut calculer la densité du lait supposé écrémé.
On fait cailler liOO centimètres cubes de lait, après deux heures on filtre et on prend
la densité du lacto-sérum. Un abaissement de 1° de densité ou de 1 gramme par litre
correspond à 3'^'', 50 de caséine précii)ifée.
L'n tableau donne la densité du lait écrémé suivant la teneur en beurre. Ce sont
ces chilTres (|ui serviront de base à la détfrmination de la caséine.
Dosage du lactose. — Li; dosage du lactose s'elîectue soit par réduction des liqueurs
cupropotassiques, soit par l'emploi du saccharimètre.
Procédé par réduction de la liqueur de Femli.ng. — La même prise d'essai peut servir
pour le dosage du lactose et du beurre.
Dans un tMitonnoir muni d'une pince de Mohr que l'on ferme, on place un filtre, sur
lequrl on verse 90 centimètres cubes d'une liqueur préparée en mélangeant 1000 cen-
timètres cubes d'eau et 2 centimètres cubes d'acide acétique cristallisablc On fait alors
couler lentmient, dans ce liquide, 10 centimètres cubes de lait. La caséine se coagule on
englobant toute la matière grasse. On laisse en contact quçbjue temps, puis on ouvre la
pince de .Moiin.
La liqueur filtrée contient le lactose, le filtre retient la matière grasse et la caséine.
Dans la liqueur filtrée, le lactose est dosé par réduction de la liqueur cupropotas-
sique, titrée de telle façon que 10 centimètres cubes correspondent à Off'",025 de glucose
ou à O-'jO.'JST de lactose séché.
La liqueur acétique est diluée de moitié. Soit n le nombre de centimètres cubes
nécessaires pour obtenir la décoloration do la liijueur cupropotassique, le poids du
sucre de lait sera donné par la formule :
, , 0.(1337 X 1000 67 S
Lactose pour 100 ce. de lait = X 2 =
Il est préférable de déféquer le lait avec la solution d'azotate mercurique à
40 p. 100.
On ajoute 10 p. 100 de cette solution au lait, on amène à un volume connu, on traile
ensuite par une solution de soude, sans neutraliser complètement, ot on filtre. Il peut
rester des traces de sels de mercure, et il suffit de traiter le filtrat par 1 ou 'i grammes
de poudre de zinc pour obtenir un liquide limpide donnant avec la liqueur cupropotas-
sique un virage très net (plus de teinte bleue, pas de teinte jaunâtre).
Détermination par le saccharimètre. — Il faut, au préalable, déféquer le lait par le
sous-acétate de plomb, l'acide tricbloracétique, ou l'azotate de mercure à 40 p. 100.
a) Défécation par le sous-acétate de plomb. On dilue à 1 litre 100 centimètres cubes
de sous-acétate de plomb officinal, en ajoutant quelques gouttes d'acide acétique jus-
LAIT. 865
qu'à disparition du Iroulile laiteux. A 20 ccnlimùtres cubes de lait on ajoute 20 ceuli-
inètres cubes de solvition plotnbii|ue; on ajoute, et, aprt'-s un moment, on liliie.
b) Défécation par l'acide tricbloracétique. On ajoute 2îi centimètres cubes de lait,
.■) centimètres cubes d'une solution tricbloracétique au 1/4, on renme, puis on porte
une à deux minutes au l)ain-marie; on peut filtrer aussitôt, la filtration est rapide et le
filtrat très clair.
c) Défécation par l'azotate mercurique.
On pratique l'oliservation saccbarimétriciue dans le tube de 22 centimètres cubes.
Un deiiré saccharimétrique correspondant à 2,074 de lactose [lar litre, le lai^tose par
litre est donné par la formule :
L — d y. 2,074
le l'ésultat doit être multiplié par 2 dans le cas d'emploi du sous-acétate de plomb,
augmenté de 1/5 dans le cas de l'emploi de l'atide tricbloracétique et de 1/10 avec
l'azotate de mercure.
La matière grasse. — a) Par extraction. — On pèse 10 itrainnies de lait que' l'on
mélange avec une substance absorbante appropriée, éponge déi,'raissée, sable lavé, etc.
On dessècbe le tout. Le résidu sec est soumis à l'extraction, au moyen déther absolu,
dans un appareil à extraction de Soxhlet.
b) Méthode aréométriqiie de Soxhlet. — On mesure à l'aide d'une pipette 200 centi-
mètres cubes de lait porté à 17—18°, que l'on introduit dans la bouteille à agiter avec
10 centimètres cubes de lessive de potasse (densité 1,26 à 1,27) et 00 centimètres cubes
d'étber satur('' d'eau; on secoue fortement pendant une à deux minutes, et on ramène
à la température initiale susindiquée. Pour séparer la solution élhérée de matière
grasse du restant du liquide, on se sert d'un appareil à centrifuger. La solution éthérée
est ensuite transvasée, au moyen du dispositif accompagnant l'appareil (poire de caout-
chouc et tubes de jonction), dans le tube du réfrigérant, et portée, si possible, à 17° 1/2.
Du poids spécifique de la solution déterminée à faide de l'aréomètre de Soxhlet, on
déduit, en faisant usage de tables, la teneur du lait en matière grasse.
c) Méthode de Schmidt et Bondzynskv. — On traite, dans un tube à boules spécial,
10 centimètres cubes de lait avec 10 centimètres cubes d'acide cliloihydriiiue fumant,
en faisant bouillir le mélange jusqu'à dissolution des matières albuminoïdes précipitées.
La solution, refroidie à 40° au moins, est agitée vivement dans le même appareil avec
environ 30 à 35 centimètres cubes d'étber, et le tout est ensuite placé pendant un quart
d'heure dans un bain-marie porté à 40°. Aussitôt que la couche éthérée s'est nettement
séparée du liquide inférieur, ce qui peut être facilité par l'emploi de la force centrifuge,
on lit exactement le volume de la solution éthérée, on en met 20 centimètres cubes
ilans un flacon d'EBLENMEVER taré, on évapore l'éther, on dessèche le résidu constitué-
par la matière grasse et on pèse.
d) Méthode acido-biitijr orne trique de Gerbeu. — On iniroduil dans le biityromètre
10 centimètres cubes d'acide sulfurique (poids spécifique 1,820 à 1,823), 1 centimètre cube
d'alcool arnylique et 11 centimètres cubes de lait; on bouche et on agite vivement, l.e
butyromètre bien fermé est placé pendant environ dix minutes dans un bain-marie à
60°-70°, puis centrifugé pendant au moins trois minutes. A[>rès avoir laissé de nouveau
le butyromètre environ cinq minutes dans le bain-marie ((•0°-70°), on peut lire directe-
ment sur le tube gradué la richesse du lait et du beurre.
Méthode de Li.ndet. — Repose sur la solubilité de la caséine dans la résorcine.
Le lait, très légèrement alcalinisé par quelques gouttes de lessive de soude et addi-
tionné d'un poids égal de résorcine, est placé dans un ai)pareil spécial et plongé
complètement dans l'eau bouillante pendant une demi-heure. (La hauteur de la couche
butyreusc! formée en haut ne doit pas se modifier entre deux lectures faites à dix mi-
imtes d'intervalle).
I,a graduation de l'appareil donne par simple lecture (faite au bain-marie à 100°) le
pourcentage de beurre.
Méthode Adam-Meillère. — L'appareil est constitué par un tube de veire présentant
soit deux renflements inégaux, soit un seul renflement suivi d'un tube conique. Deux
DICT. DE l'HYSIOLOGIE. — TOME IX. o'i
S66 ■ LAIT.
liiuitalions sont indiquées par des traits, l'une inférieure, correspondant à 10 centimètres
cubes, l'autre au-dessus du renllement supérieur, correspondant à 32 centimètres cubes.
On introduit le lait par aspiration jusqu'au |trait. On ferme le robinet inférieur et
par l'ouverture supérieure on ajoute ensuite dix gouttes d'ammoniaque pure, puis
de liqueur d'Ao.vM non ammoniacale jusqu'au second trait : 32 centimètres cubes ou
80 centinièlies cubes.
La liqueur employée a pour formule :
Alcool ;ï 75° .... 1 000 cent, cubes
Kthcr pur 1 100 —
L'appareil est bouché et agité vigoureusement jusqu'à disparition des grumeaux de
caséine. On profite de l'excès de pression intérieure pour expulser le lait contenu dans
le robinet : l'appareil étant retourné, on ouvre rapidement le robinet, et la petite
colonne de lait qu'il contient est chassée.
L'appareil est ensuite laissé au repos pendant cinq à dix minutes; quand la sépara-
tion de la couche graisseuse, transparente, et de la couche opaque est complète, on
soulire presque complètement celle-ci en ouvrant légèrement le robinet. On ajoute
0 centimètres cubes d'éther, et on agite vigoureusement; le mélange louchit par suite
do la précipitation de l'eau en solution dans l'éther; on attend quelques minutes
qu'elle se sépare de la couche éthérée. On décante la couche aqueuse que l'on réunit
au liquide opalescent soutiré la première fois, et il ne reste plus dans l'appareil que la
solution éthérée de matière grasse.
Cette solution éthérée est versée par la partie supérieure de l'appareil dans une
capsule de nickel ou de platine tarée, à fond plat. On laisse évaporer l'étlier, ou achève
la dessiccation à l'étuve et on pèse.
Dosage de l'extrait sec. — L'e.x trait sec représente la totalité des matériaux du lait
non volatils à la température du bain-marie.
Les méthodes varient avec chaque laboratoire, et les résultats obtenus sont nécessai-
rement très différents.
Suisse, — 10 grammes de lait sont pesés dans un récipient fermé ; on évapore à sec
et sans additiori d'aucune substance. On dessèche à 103° jusqu'à poids constant.
Autriche. — Évaporation du lait additionné de sable quartzeux : on dessèche à lO'J".
AUemayiie. — Trois méthodes : 1". Méthode à'Ai).\.M; 2° Évaporation à tO'j; 3° Formule
de Flkiscumann. Connaissant le poids spécifique D, le poids du beurre H de 100 centi-
mètres cubes de lait, la formule donne l'extrait :
E=:l,2 B +
-<^)
France. — Laboratoire de Paris.
Évaporation sur 10 centimètres cubes de lait place dans une capsule de nickel de 7
centimètres de diamètre à 95» pendant 7 heures.
Détermination par le calcul. — Nous avons cité plus haut la formule de Fleihchman.n
utilisée en Allemagne. La première formule proposée a été celle de Quesxi^vif.le :
.E = l,06 B + 2,75 D — 1
Ë, extrait ;B, poids du beurre ; D, densité.
Ces formules ne sont applicables qu'au lait de vache. La.sca a modifié la formule
pour le lait de brebis:
E = 1,173 B -I-
-(^)
Tous ces calculs reposent sur ce principe hypothétique que l'excès de poids d'un
litre de lait sur le poids d'un litre d'eau est égal au poids de l'extrait de ce même
volume moins le poids de l'eau qu'il déplace. Il suffira de rappeler que chaque auteur
utilise des données primitives différentes (Densité du beurre: 0.98 Quesneville ; 0.91
LAIT. SH7
liouRCAur) pour comprendre les critiques sévères qui ont été soulevées contre cette
méthode.
Des règles à calcul spéciales (Type Ackerm \N\,(ioBEi<TetBoR.\,etc.) permettent d'éviter
do longs calculs.
Extrait sec dégraissé. — Mkillkre a insisté sur l'utilité de cette valeur qu'il désigne
sous le trrme de consfantc de Drci.AUX elle s'obtient soit en soustrayant de l'extrait sec
tolal le poids du beurre, soit ilirectonient en évaporant le liiiuide, restant dans l'appa-
reil d"Ai)A.\t après l'extracUon du beurre (Mkillkiik).
Les lécithines. — Procédé Iîokdas-IIaczkowski. — Stoklasa avait proposé dt; traiter
le lait pur un rnélangt' d'alcool et d'éther, d'évaporer le liquide, de calciner le résidu en
présence de carbonate et de nitrate de soude pour empêcher la volatilisation du phos-
phore; le résidu est repris par l'acide nitrique et on dose le phosphore suivant les
méthodes ordinaires. D'après Boudas et Ragzkowski, le procédé donnerait des résultats
inexacts et ils conseillent la raélliode suivante.
Ce procédé consiste à extraiic les lécithines sans entraîner de notables proportions
de la matière grasse non phospliorée, et à en séparer l'acide phosphoglycérique que
l'on dose, après oxydation, à l'état d'acide phosphorique.
On verse 100 centimètres cubes de lait en agitant continuellement dans un mélange
composé de :
Alcool à or;° 100 cent, cubes
Eau (istillée 100 —
Acide acétique cristallisablo ... X gouttes
Le coagulum filtre facilement; on le lave à trois reprises (en fermant la douille de
l'entonnoir) avec chaque fois 40 à oO centimètres cubes d'alcool absolu chaud. Les
solutions alcooliques réunies sont distillées, puis la dessiccation de leur résidu est
achevée au bain-marie. Ce résidu est repris par un mélange d'alcool et d'éther à
parties égales, et on filtre. Le filtrat est débarrassé de l'éther par évaporalion, et le
résidu traité à froid par une solution alcoolique de potasse. Après quelques heures de
contact, le savon est décomposé par l'acide azotique dilué. On sépare les acides gras par
filtralion et le filtrat est évaporé à siccité.
Au résidu, on ajoute 10 centimètres cubes d'acide azotique concentré et pur, on
porte aubaîn-marie bouillant et on fait tomber dans le liquide par petites quantités du
permanganate de potassium pulvérisé jusqu'à coloration rouge persistante.
On dissout l'oxyde de manganèse par quelques gouttes d'une solution au dixième
d'azotite de sodium et on porte à l'ébullition pour chasser les vapeurs nitreuses.
L'acide phosphorique est précipité par le nitromolybdate d'ammonium; le phospho-
molybdate est dissous dans l'ammoniaque; la liqueur magnésienne détermine la for-
mation d'un précipité de phosphate animoniaco-magnésien, que l'on recueille sur un
filtre, dessèche, calcine et pèse. Le poids de pyrophosphate de magnésium multiplié par
l,5odonne le poids d'acide phosphoglycériquecontenudans tOOcentimètrescubesde lait.
Dosage de l'acide citrique. — Méthode Demgès. — L'acide citrique traité par des
oxydants comme le permanganate se transforme en acide acétonedicarbonique qui en
contact avec le sulfate mercurique donne un corps insoluble constitué par deux molé-
cules d'acétonedicarbonate de mercure et d'une molécule de sulfate de mercure.
A 10 centimètres cubesde lait on ajoute 2 centimètres cubesd'unesolutionfraiche de
métaphosphatede soudeà 3 p. 100 et 3 centimètres cubes d'une -solution de sulfate acide
de mercure ainsi obtenue:
On filtre, et à la liqueur bouillante on ajoute ([uelques gouttes d'une solution de
' permanganate de potasse à 2 p. 100. Si la coloration persiste, on éclaircit par quelques
gouttes d'eau oxygénée.
Use produit un trouble ou un dépôt d'autant plus marqué que l'acide citrique esten
excès. On compare avec des essais témoins efl'ectués sur des solutions titrées d'acide
citrique.
On peut apprécier un milligramme de différence.
Acidité du lait. — Le lait de vache a une réaction amphotère, et, suivant le réactit
employé, on peut décrire une acidité, une alcalinité du lait.
8(38 LAIT.
La réaction réelle du lait dépend uniquement de la concentration de ce liquide en
+ —
ions libres II et 0 H.
Les laits de femme et d'ànesse correspondent à une solution de soude (NaOHi de
N .
concentration ^ _ _ - . - .. , et les laits de vache et de chèvre à uno solution d'acide chlor-
oU Wv uuu
hydrique de même concentration —„^-^,^^.
•^ ^ CO 000 000
Vax Dam a trouvé une concentration en ions H égale à une acidité 0,14 à 0,32.10-"
normale.
La méthode usuelle de détermination d'acidité par addition dune solution alcaline
jusqu'à virage d'un indicateur coloré indique seulement la quantité totale d'acide ou
d'alcali contenue dans la solution; le terme de la réaction varie avec les indicateurs,
aucun no montrant la neutralité réelle.
Il est bien évident que, seuls, les principes naturellement solubies ou solubilisés
auront une action sur la propiiété que possède le lait d'être neutre, alcalin ou acide,
vis-à-vis de certains réactifs colorés.
Les substances dissoutes dans le lait exercent une action très différente sur l'acidité.
Le lactose, que le lait contient en quantités notables (45 à 50 grammes par litre), n'a
aucune iniluence directe sur le degré d'acidité du lait : il agit indirectement en favo-
risant la solution du phosphate de chaux par les citrates alcalins.
Le chlorure de sodium et quelques autres constituants des cendres n'ont aucune
action; il n'en est pas de même de certaines autres matières minérales, notamment
des phosphates.
Les phosphates existant dans le lait de vache sont : le phosphate disodique (PO'IIXa-)
«elle pliosphate tricalcique (PO^)-Ca^. Le premier seul est soluble, mais le second est
solubilisé facilement en présence du lactose par le citrate de sodium qui se trouve
dans le lait à la dose d'environ un gramme et demi par litre.
Les matières azotées du lait sont constituées par ijuolques amino-acides, une petite
quantité d'albumine et une proportion plus importante de caséine, dissoute ou en semi-
solution. A elles seules, elles représentent à peu près la moitié de l'acidité totale.
Enlin le lait venant d'être trait et non chauffé renferme encore par litre 30 à 60 cen-
timètres cubes d'acide carbonique dissous, souvent davantage.
Les corps que nous venons de signaler se comportent différemment vis-à-vis des
réactifs acides ou alcalins en présence îles divers indicateurs colorés.
Les indicateurs employés dans l'étude du lait sont le méthylorange (hélianthine), le
, lacmoïde (matière colorante isolée du tournesol), le tournesol, et, principalement, la
phénolphtaléine.
Or, pour ne prendre qu'un exemple, le phosphate monosodique (PO^H^Na/cst neutre
au méthylorange, alcalin au lacmoïde et acide à la phénolphtaléine.
Actuellement, on n'emploie guère, comme indicateur, que la phénolphtaléine, en
solution alcoolique à 2 p. 100. Le lait de vache se comporte, vis-à-vis de cet indicateur,
comme un liquide à caractère acide, auquel il faut ajouter une certaine quantité d'alcali
pour le rendre neutre.
Les différents auteurs ont employé pour exprimer l'acidité du lait des unités très
différentes.
En Suisse les degrés Soblet-Hemcel correspondent au nombre de centimètres cubes
N
d'une solution de soude 1/4 — saturant l'acidité de 100 centimètres cubes de lait. En
4
France les degrés Dorxic répondent à dix centigrammes d'acide lacliquf! par litre.
Il paraît plus logique de prendre comme type l'acide lactique qui se développe si
facilement dans le lait, au lieu de l'acide sulfurique ou de l'anhydride phosphorique.
On utilise généralement pour les titrages des solutions alcalines — soit 4.44 de
de NaOH et 6*=''' 22 de KOH, chaque centimètre cube correspondant à un centigramme
d'acide lactique.
Détermination de racidité des laits. — Le lait destiné au titrase doit être le lait mé-
LAIT. 869
langé provenant Je la traite complète; il est a^ité à nouveau avant chaque prise d'essai.
On mesure 10, SO ou 100 centimètres cubes de lait que l'on plaee dans un verre et
que l'on additionne de trois gouttes de solution alcoolique de |.hénolphta!i''ine pour
10 centimètres oubes de liquide.
Soi.DNEH, en 1888, a montré que l'addition d'eau au lait diminuait notablement le
degré d'acidité : 100 centimètres cubes de lait entier étaient saturés par 0 centimètres
cubes de sonde- en présence de la pliéii.il[ilitaléino; il ne l'allait plus que 3",;i de
4
lait additionné de 1000 centimètres cubes d'eau.
Du lait entier donne l**%943 d'acide lactique par litre ; dilué avec cinq fois son volume
d'eau distillée neutre, il ne donne plus que isr,447 d'acide lactique; dilué avec 10 fois
son volume d'eau distillée, le même lait indiiiuc seulement 1«^'",257 d'acide lactique par
litre.
11 s'agit certainement de phénomènes d'hydrolyse s'effectuant à partir dune cer-
taine dilution, avec mise en liberté d'une plus grande proportion de principes à carac-
tère alcalin. Ces phénomènes sont faciles à mettre en évidence : du lait entier litre est
ensuite additionné d'eau distillée; lorsque la quantité ajoutée est suffisante, on voit
apparaître une coloration rose très prononcée (Mo.woisin).
Le dosage doit être fait assez rapidement'; car l'acide carbonique de l'air ambiant,
et surtout de l'air expiré, peut fausser le résultat.
Recherches des ferments. — Catalase. — Le dosage toujours approximatif de
la catalase peut s'exprimer soit d'après la quantité d'oxygène dégagé, soit d'après la
quantité d'eau oxygénée décomposée.
Dans le lait frais, cette valeur oscille entre 0,002o et 0,0055.
Dans une éprouvelte à gaz de 20 centimètres cubes, graduée en dixièmes de centi-
mètre cube, et d'un diamètre intérieur de 1 centimètre, on met 15 centimètres cubes
(le lait bien mélangé, et 5 centimètres cubes deau oxygénée à quatre ou cinq volumes.
On place à l'étuve à 37", et on mesure, après un nombre d'heures déterminé, deux
iieures et six heures, par exemple, le volume d'oxygène dégagé.
J. Sarthou {Journ. de pharm. et de chim., 1910) met 10 centimètres cubes de lait avec
10 centimètres cubes d'eau oxygénée à dix ou douze volumes, et fait la lecture après
dix minutes de contact.
Sarthou donne les chitfres suivants comme résultats normaux.
La détermination de la catalase s'effectue le plus rapidement au moyen de l'équation.
7 \rt — x/
MTLOWITZ
( représente le temps.
a représente le nombre de centniiètres cubes d'O de IPO- employé.
X représente le nombre de centimètres cubes d'O de H^O- décomposé.
Dans une seconde méthode, on mélange un volume connu de lait avec une quantité
déterminée d'eau oxygénée. Après quelque temps de contact, on ajoute une quantité
connue d'iodure de potassium, et on mesure, par un titrage à l'hyposulfite de sodium,
la quantité d'iode mise en liberté par l'eau oxygénée non décomposée.
Procédé A. Bertrand. — Dans une fiole à fond plat, d'une contenance de 250 à 300 cen-
timètres cubes, on mesure 5 centimètres cubes de lait et 5 centimètres cubes d'eau
oxygénée à cinq volumes; on ajoute trois gouttes d'acide chlorhydrique concentré, et
on laisse en contact pendant deux heures, A ce moment, on ajoute 10 centimètres
cubes d'acide chlorhydrique concentré, pour détruire la catalase, et 10 centimètres
cubes d'une solution aqueuse à 10 p. 100 d'iodure do potassium. On mélange et on laisse
([uinze minutes au contact, ensuite on verse 100 centimètres cubes d'eau distillée et
quelques gouttes d'empois d'amidon. On titre alors avec une solution décinormale
d'hyposulfite de sodium, jusqu'à disparition de la coloration bleue. On obtient un
nombre A de centimètres cubes.
Dans une seconde fiole semblable, on met 5 centimètres cubes de lait et 3 centi-
mètres cubes d'eau oxygénée à cinq volumes; après deux heures, on ajoute 10 centi-
mètres cubes d'acide chlorhydrique concentré, et 10 centimètres cubes de la solution
870 LAIT.
au dixième d'iodure de polassiura. Après quinze minutes de contact, on met 100 cen-
limèties cubes dVau distillée, et on titre avec l'hyposulfite. On obtient un nombre B de
centimètres cubes.
i centimètre cul)e de la solution décinormale (24*î%8 par litre) d'byposuKUe de
sodium correspond à 08',0017 H'^0"-.
1 gramme d'iode mis en liberté correspond à 43", 8355 d'oxygène à 0°, et sous
760 millimètres.
Le chiffre de catalase, ou la quantité d'eau oxygénée décomposée en deux heures
par 100 centimètres cubes de lait, est égale à (A — B) 0 0017 x 20.
Lait conservé à lO"
c. e. de O.
2 heures après la traite. 0,4
24 — — 1,4.
48 — — 6,3
72 — — 40
Lait conservé à 23<>
c. c. (le O.
1 lieure après la traite. 0,7
3 — — 1,3
5 — — 2,8
8 — — 4,1
18 — — lf.,7
Ferment oxydant. — Arnold (1881) indique que ladditiou au lail de quelques gouttes
de teinture de résine de gaïac détermine une coloration bleue, qui disparaît (juand le
lait a été porté à 80°.
Procédé Di'POL'Y-SxoRCH. — On compte quarante gouttes de lait (2 centimètres cubes)
dans un tube stérilisé, on ajoute une goutte d'H-0^ du commerce, puis deux gouttes
dt solution de paraphénylènediamine à 2 p. 100 fraîcliement préparée.
La réaction allant du bleu au rouge bricjue apparaît tout de suite, et s'accentue par
agitation avec les laits qui renferment des ferments solubles.
Procédé Du Uoi, Kœuler et Utz. — Dans un tube à essai, mettre : 10 centimètres
cubes de [lait, puis 2 p. 100 d'H-0- à 1 p. 100 (ou mieux à 0,1 p. 100, d'après Utz;, et un
peu d'empois d'amidon très clair contenant 2 à 3 p. 100 d'iodure de potassium.
Réaction bleue.
Procédé Ar>!0Ll. — Ajouter à 10 centimètres cubes de lait i centimètre cube d'eau
gaiacolée à 1 p. 100 additionnée de 4 à 3 gouttes d'eau oxygénée à quatre volumes.
Réaction bleue.
Procédé Wilki.nson (à la benzidine). - Ajoutera 10 centimètres cubes de lait 2 cen-
timètres cubes de la solution alcoolique de benzidine à 4 p. 100, deux à trois gouttes
d'acide acétique, 2 centimètres cubes d'eau oxygénée à 3 p. 100. Le lait cru donne une
coloration bleue.
Réductase. — Dlclaux avait montré la propriété réductrice du lait frais par la déco-
loration du carmin d'indigo.
Depuis les ti-avaux de Scuardinger on emploie une solution de bleu de méthylène
additionnée d'aldéhyde forraique, de la formule suivante :
c. c.
Solution alcoclique saturée de bleu de méthylène. 5
Solution commerciale de formol 5
Eau distillée 190
MoNvoisix a recommandé l'emploi d'une solution de bleu de méthylène (chloro-zin-
cate du commerce) dans l'alcool à 80° et la substitution de l'aldéhyde éthylique de
préparation récente au formol.
Deux à trois gouttes de ce réactif colorent suffisamment 5 centimètres cubes de
lait.
L'essai est maintenu au bain-marie à 40°-4o°. Dans ces conditions, s'il s'agit d'un lait
de vache normal et cru, par exemple, la coloration bleue disparaît complètement, sauf
dans la couche superficielle en contact avec l'air, en quatre à six minutes.
Avec la solution primitive de Schardingeb, la décoloration est moins complète : elle
s'arrête à la teinte lilas, qu'elle atteint en dix à quinze minutes.
Recherches des antiseptiques. — Carbonate et bicarbonate de soude. — Ces sels
LAIT. 871
ne sont pas des conservateurs proprement dits, ils sont destinés à relarder la coa(.'U-
lation du lait en neutralisant Tacide lactique. Leur présence auf,'m<;nte le poids des
cendres dans de fortes i)roportions,. et leur examen permet de déc-ler facilement la
fraude.
Borax et fluoborate de soude. — Les cendres du lait sont Iraitc^-es après refroidis-
sement par ([uel(ines facultés d'acide sulfurique; on ajoute un peu d'alcool méthylique.
Allumant à l'aide d'une flamme bleue, on aura, au début de l'indammation, une teinte
verte dans le cas de présence de borax ou tluoborate.
Chromate de potasse. — Sa présence donne aux cendres une coloration jaune. On
traite les cendres par un peu d'eau distillée, on filtre; (juciques gouttes de ce liquide
sont ajoutées à de l'acide chlorhydrique pur coloré en bleu par une trace de carmin
d'indigo, on fait bouillir. La présence de chromate fait dégager du chlore qui décolore
le mélange.
Acide salicylique et salicylates. — La caséine est précipitée par une solution de
'bisulfate de potassium à 10 p. 100 renfermant 10 centimètres cubes d'alcool à 00" pour
100 centimètres cubes. On filtre, le liquide est traité par l'éther dans une boule à
décanter. L'élher est évaporé après séparation, |le résidu repris par un peu d'eau et
additionné de quelques gouttes d'une dissolution de perchlorure de fer très diluée. La
présence de l'acide salicylique sera indiquée par la coloration bleue.
Aldéhyde formique. — a) On saupoudre du lait avec du diamidophénol; s'il y a du
formol, il se produit au bout de quelques instants une coloration jaune; avec du lait
pur il se produit une coloration saumon.
b) Deux tubes sont à moitié remplis de lait. Dans l'un on verse î centimètre cube
d'une lessive de potasse étendue à 2 volumes d'eau, et on agite. Si la coloration du
lait ne change pas, et alors seulement, on ajoute dans l'autre tube 2 centimètres cubes
d'une solution de phloroelucine à 1 p. 100, puis 1 centimètre cube de la lessive de
potasse. La présence du formol est indiquée par la teinte rose saumon que prend le
lailu
J.-P. LANGLOIS.
Bibliographie. — La bibliographie de l'article Lait est tellement vaste qu'on ne
peut en donner ici même un résumé.
Elle a été faite très amplement et complètement jusqu'en 1900 par H. de Roths-
child. Bibliog raphia lactaria, 1 vol. in-8 de 584 p., Doin, Paris, lOOt; 1" supplément,
1901, 97 p.; 2« supplément, 1902, 10.3 p. Le nombre total des travaux indiqués est de
11 24-7. Cette bibliographie, dont il serait inutile de reproduire ici aucune partie, est
di-sposée de la manière suivante : 1° Lait, avec les sous-chapitres : Généralités; Laits
de femme, de vache, de chèvre, etc.; Physiologie ; Pathologie; Analyse; Bactériologie;
Hygiène et Législation; Fraudes et falsifications ; Diététique et thérapeutique ; Koumys
et Kéfir: Petite-lait; Lait stérilisé et lait condensé; Transmission de maladies ; Indus-
trie laitière. — 2» Allaitement, comprenant: Lactation; Allaitement en général;
Allaitement naturel; Allaitement artificiel; Laits modifiés et succédanés; Nourrices;
Biberon. — 3» Brevets relatifs au lait. — 4° Table alphabétique des noms d'auteurs.
Quant aux travaux publiés depuis 1900, nous ne citerons que ceux qui intéressent
directement la physiologie'.
1" Lait en général. — Grimmer (W.). Chemie iind Physiologie der M. {Berlin, Parey,
1010, 3ob p.;. — BouiN et A.NCEL. Développement de la glande mammaire pendant la gesta-
tion, déterminé par le corps jaune {B. B., 1909, 466-467). — Almaogia (M.). AUattamento
e fanzione tiroidea {Arch. Fisiol., 1909, vi, 462-470). — Starli.ng (E.-H.). Entwicklung der
M. Drtisen durch Injektion von Fœtalextract. (Z. P., 1907, xxi, 487). — Ostertag et Zuntz
(N.). Untcrsuehungen ùber die M. Sekretion des Schiceitws und die Emuhntnij der Ferkel
{Landioirtsch. Jahrb., 1908, xxxvn, 201-260). — Frà.nrel(S.). Ueber die M. oiner 62Jdhngen
Frau {Bioch. Zeitsch,, 1909, xviii, 34-36). — v. Wendt (G.). Ueber den Einftnss verschie-
dener Salzbeigaben au f die Zusammensetziing und Menge der M: [Skand. Arch. f. Physiol.,
1908, xxj, BO-ljrli). — TiiEHRE (A.). L. de chèvre en pleine période de lactation physiolo-
I. Par abréviation, M. signifierai A/i/c/t ou Milk. L. signifiera Lait.
872 LAIT.
gique {B. B., 1909, 209-211); — Clarke et ^'ICHOL. Case of prolonged lactation {Bril. rncd.
Jùitrn., 1902, (1), H43). — Ohler. Beobachtungen ùber die qualitativen xmd quantitative >(
Verschiedenheiten der Kuhm. itnd deren Ursachen {Mirnch. ticrarztl. Woch., 1911, lv, 377-
:w-2).
Analyses du lait. — Basgh (K.). Einù/e viskosischc Beobachlunrjen an der M. der
Memchen {Wicn. med. Woch., xxiv, 1911, 1592-159;»). — Bauer (H.). Unlermchunrjen iiher
Obcrflùchenspannungs verhdltnisse in der M. iind iiber die Natitr der lliillcn der M. fettkùgel-
chen {Bioch. Zcitschr., 1911, xxxii, 362-379). — Bloch. Procédd de dosage voiumétrique des
phosphates alcalino-terreux dans le lait {Ann. d'hyg. et de méd. colon., 1901, iv, 267-27.3).
— Bordas (F.) et Touplain. Nouvelle méthode d'analyse rapide du L. {C. IL, 1905, cxl,
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dans le lait chez la chèvre {B. B., 1907, lxiii, 468-471) ; — Vorigine du lactose [Arch. intern.
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LANGAGE (Physiologie du).
SOMMAIRE. — Généralités. — Dillerentes opératums du langage. — Définition du langage.
Les centres. — lUsmué hi.sloi'ique de leurs localisations cérébrales.
Systèmes fondamentaux de localisations. — I. Si/st'emes polygonaux. — L'audition verbale. —
La vision verbale. — L'articulation verbale. — L'écriture. — Le centre intellectuel supérieur.
II. Aes lliéories récentes sur la physioloyie du langaye. — Le centre de Broca ne joue aucun
rôle. — Il n'existe point de centres sensoriels distincts pour les impressions verbales auditives
et visuelles. — La distinction des aphasies corticales et sous-cortioales est erronée. — La
distinction de l'aphasie de Broca et de l'aphasie de Wernicke ne peut être maintenue
conformément aux errements de la doctrine classique. — Le centre 'du langage est un centre
mixte, sensori-intellectuel. — Images et centres d'images. — Mécanism.e fonctionnel des
centres du lanp:age.
Les associations des centres du langage normaux.
Centres encéphaliques du langage. — Langage automatique.
Modificateurs du langage.
Développement du langage. — Les centres du langage ont-ils actuellement, chez l'homme,
alKiiU Iciii- di'velopjienient définitif? — Sont-ils héréditaires?
Rôle de l'hémisphère droit dans le langage.
Rééducation des malades atteints dans la fonction du langage.
Conclusion. — Bibliographie.
876 LANGAGE.
GENERALITES.
Envisagée au tilie de science traitant des phénomènes dynamiques propres aux
êtres vivants, la pliysiologie devrait être, au point de vue particulier du langage, l'étude
du fonctionnement normal desorganes tant ceutiaux que périphériques présidant à sa l'or-
matinn. Mais c'est du côté des centres nerveux et non des organes périphériques que
résident tout à la fois l'intérêt et les difficultés de cette étude.
Une première conclusion se dégage de ces remarques : ignorant a priori l'organe
cérébral du langage, ou, si l'on préfère, la localisation cérébrale du langage, on se
voit forcé de faire appel à une science liée à la physiologie, mais indépendante aussi,
à la pathologie humaine. Ces sciences, la physiologie et la pathologie, se trouvent
ainsi étroitement alliées dans l'étude du langage et s'éclairent mutuellement. Nous
nous abstiendrons, en revanche, de toute incursion dans les domaines connexes, bien
que la biologie du langage puisse bénéficier queUiuefois de létude de la phonétique
ou de la linguisti(iue au même titre que de l'anatomie pathologique nerveuse et de la
psychologie.
Ainsi limitée, l'étude proposée ne laisse point d'être assez complexe, aussi n'aurons-
nous nullement ici la prétention de faire œuvre définitive. Étudier sommairement les
opérations cérébrales élémentaires du langage, en localiser les centres fonctionnels,
préciser l'évolution contemporaine de nos idées à ce sujet, établir les points encore
obscurs du problème, en un mot présenter celui-ci sous ses faces diverses, tel sera le
but poursuivi.
Diflférentes opérations du langage. — .\vaiit de nous ellorcer à jeter quelque
lumière sur l'échiquier complexe des localisations cérébrales, nous devons préciser
les différents temps physiologiques du langage. L'ne distinction évidente s'impose tout
d'abord, selon que l'on examine le mécanisme sensoriel on le mécanisiue intellectuel de la
fonction étudiée.
Pour parler, il nous faut en effet deu.x choses : recueillir les données du monde exté-
rieur dont le rappel ultérieur ou l'interpré-tation consécutive fourniront à notre pensée
les éléments indispensables à son activité, extérioriser ensuite notre pensée, c'est-à-
dire la parole intérieure, de façon à pouvoir communiquer avec nos semblables. 11
existe donc une fonction de réception, une fonction de projection ou d'extériorisation,
et enfin une fonction d'association assurant anx différents centres une facile commu-
nication entre eu.x. Si maintenant nous traduisons en langue courante les considéra-
lions précédentes, nous pourrons présenter ainsi la fonction générale du langage :
l'homme reçoit tout à la fois des impressions visuelles et auditives' banales et des
impressions spécialisées pour le langage (signes phonétiques et graphiques); il perçoit
le sens de ces différeuts signes, en garde le souvenir et peut les évoquer spontanément
ou non (langage intérieur): il peut enfin parler, c'est-à-dire traduire à son tour par
des signes phonétiques, graphiques et mimiques le jeu du langage intérieur.
Cet exposé de la physiologie du langage demeurerait incomplet si nous n'insistions
sur les différentes phases par lesquelles passe un phénomène sensoriel donné, ces
temps successifs étant identiques quel que soit l'appareil récepteur envisagé. 11 est au
début de tout acte sensitif un temps sensoriel pur qui répond à l'impression simple de
l'organe sensoriel périphérique. Immédiatement après survient Téliranlement du centre
cérébral élémentaire-, ébranlement qui se traduit par un phénomène cérébral simple,
par une sensation. Dans la sensation, l'acte intellectuel est à son minimum : il nous
permet seulement de reconnaître l'existence d'une manifestation extérieure, sans la
rattacher à sa. cause, sans rien conclure à son sujet. Puis, chez l'homme normal, s'éta-
1. Nous laissons de côté l'étude du langage artificiel des sourds-muets, intéressante à coup sûr,
mais qui ressort de la psychologie plutôt que de la physiologie.
2. Il est bien entendu que ces termes de centre élémentaire, centre supérieur, sont de simples
fleures de langage; en réalité nous ne connaissons que peu ou point la hiérarchie anatomo-phy-
siologique des différents centres cérébraux. Nous aurons du reste l'occasion de revenir sur ce ■
point.
LANGAGE. S77
blit une apinécialiou exacte du pliéiiomèue senti : luut d'uhord ce pliéiioniène est
enregistré, isolé des phénomènes connexes (perception au premier degré); dans un der-
nier (ef)ips (perception secondaire ou vraie), il est appr<';ci(^, reconnu, nettement indivi-
duaiist'-, pourvu de ces caractères sp(''ciliquc.s cjui perm<'tlf'nl par la suite di; le recon-
naître et de l'évociuer. Os dislinctions tondanicnlales sont indispensables à riîtcnir si
l'on veut ne point se perdre au milieu dos fonctions cérébraliîs multiples concourant au
langage. Un exemple ferailu resie mieux saisir ces nuances : mis en face d'un jeu de cubes
alphabétiques, un individu normal aura d'abord la sensation simple de corps peu volu-
mineux, limités par des lignes nettes, portant des traits noirs sur un fond jaune ; puis
il percevra que ces objets sont nettement distincts des morceaux de bois quelconques
qui peuvent les entourer, crayons variés, porte-plume ou lègb', et qu'ils ont une cer-
taine forme, la forme cubique. Mais l'identilicalion ne sera complète (pi'avec la
perception de l'utilité de ces cubes et la notion de leur rmploi délini. Toutes ces opéra-
tions ont naturellement, chez l'individu sain, la quasi-instantanéité de la pensée elle-
même; mais certains troubles du langage permettent de les dissocier, on le verra par
la suite.
Définition du langage. — Les considérations précédentes vont nous permettre de
reclierclier la délinitioii physiologique convenant le mieux au langage. Beaucoup dau-
teurs, depuis Locke, se sont elTorcés de la formuler, ('-elle de IIehnaud nous paraît
heureus(> ; on pourrait dédnir avec cet auteur le langage « l'art de représenter par des
signes vocaux d'origine naturelle (le cri d'abord, réllexe de la sensation vive), l'état de
conscience (iiii résulte de la perception directe ou indirecte». Cette définition est mal-
heureusement très incomplète et ne tient pas un compte suffisant des phénomènes de
réception et d'association sur lesquels se fonde le langage. Aussi croyons-nous préfé-
rable de délînir celui-ci, un enchaînement de réflexes par quoi les sensations et les émotions
se trouvent traduites par des gestes ou par des termes figurés, susceptibles de favoriser le
développement de la pensée individuelle ci réchange facile et protnpt des pensées d'un
individu à l'autre.
Nous ne pourrons malheureusement, dans cet article, élU'iier la physiologie du lan
gage conlorniément aux méthodes traditionnelles de la physiologie : les mécanismes
intimes en sont encore insuflisamment connus, et on ne peut exposer cette fonction
avec la précision que comportent par exemple la description des sécrétions salivaire
ou pancréatique. La pauvreté des documents franchement utilisables est remarquable;
l'expérimentation même nous a fourni peu de chose, et ses conclusions ne sont point for-
cément justifiées chez l'homme au même titi-e que chez l'animal. Aussi, à consulter maint
traité de physiologie existant, fùt-il de dimensions considérables, constate-t-on bientôt
que l'auteur en a été réduit, sous couleur d'exposer la physiologie du langage, à
résumer ce que nous connaissons de l'aphasie et à reproduire quelques schémas dont le
laborieux échafaudage cache mal la pauvreté scientifique. Si on néglige l'étude de
l'aphasie, ou tombe alors dans la domaine de la psychologie pure, la physiologie du
langage se confondant avec celle de la pensée, ainsi que l'admettait Max Mulleu.
.\ous nous efforcerons cependant de mettre en valeur les données suivantes : aux di-
verses fonctions du langage corres[»ond un certain nombre décentres; — ces centres
sont moins nombreux et surtout inliniment moins distincts les uns des autres qu'on ne
le croyait autrefois ; —la fonction du langage est étroitement associée à la fonction céré-
brale supérieure ou intellectuelle: — il serait particulièrement important de préciser le
rôle de l'hémisphère droit dans la physiologie du langage. — Nous n'envisagerons guère
dans les pages suivantes que le langage liguié, négligeant volontairement le langage
émotionnel et la mimique, l't'tude de ces formes de langage relevant plus de la psycho-
logie que de la physiologie proprement dite.
LES CENTRES DU LANGAGE.
Bien que l'histoire de la physiologie du langage se confonde avec l'histoire de nos
connaissances sur l'aphasie, et que celle-ci puisse paraître à l'écart de noire sujet, nous
croyons impossible de ne point esquisser ici à grands traits les vicissitudes des théories
878 LANGAGE.
scientifiques successives. Toute, une conception patiiologique, et par suite physiologique,
loLalement différente des doctrines anciennes, s'est fait Jour depuis un nombre fort
restreint d'années, et on ne saurait exposer ni comprendre clairement les localisations
et les conceptions nouvelles sans les références précises de l'évolution historique. Nous
nous défendons ici de nous écarter de notre sujet, convaincu par ailleurs que cette mé-
thode permet seule d'apporter quelque clarté en une question particulièrement touffue.
Historique des localisations cérébrales du langage. — Sans remonter jusqu'à
Gesnbr qui semble, au xvni*' siècle, avoir entrevu quelques relations entre les troubles
de la parole et les altérations des lobes antérieurs du- cerveau, il est juste de constater
qu'antérieurement aux observations originales de Buoca, une assez longue théorie de
cliniciens, au xix« siècle, a jeté les premières assises de la physiologie du langage. Gall,
dont l'œuvre magistrale fut publiée avec Spi;hzheim de 1810 à 1819, frappé de rexcellcnte
mémoire de ses camarades d'école aux yeux « pochelés », pour employer le qualilicatif
expressif du peujde, avait assigné comme localisation « au sens du langage de la pa-
role » la région sus-oi"bi taire des lobes frontaux. Nulle autre considération n'étayait
l'hypothèse du phrénologiste badois, et cependant, « tàteur de bosses » pour les uns,
« génie » pour les autres, Gall eut cette fortune singulière de susciter les recherches,
de passionner les esprits pondant plus d'un demi-siècle. Remarquons du reste que, si
les travaux de Gall ne firent point progresser davantage la science du langage, c'est
que ce savant n'avait vu dans le langage articuh' que le seul élément moral, relatif aux
mots en tant que signes leprésentatifs des idées; il avait totalement méconnu en re-
vanche le facteur» relatif aux mouvements au moyen desquels les mots sont exprimés,
prononcés, articulés, mouvements qu'il faut- former, apprendre, retenir comme les
mots eux-mêmes » (Vivent). Systématique et théoricien, idéologue et moraliste bien
plus que clinicien et physiologiste, Gall n'eut point l'heur d'orienter dans la voie néces-
saire les recherches sur la physiologie cérébrale. Au contraire, un des plus remar-
quables précurseurs de la science contemporaine, Bouillaud formulait en 182.T les con-
clusions suivantes : ■< Les mouvements des organes de la parole sont régis par un centre
cérébral, spécial, distinct, indépendant; le centre cérébral occupe les lobes antérieurs. »
Il écrivait ailleurs encore : « Peut-être la substance grise des lobes antérieurs du cer-
veau est-elle l'organe de la partie intellectuelle de la parole (parole intérieure) et la
substance blanche est-elle l'organe qui exécute les mouvements musculaires néces-
saires à la production de la parole (parole extérieure). » Critiquées ou travesties, niées
ou admises, ces conclusions fondamentales furent de 1825 à 1860 l'objet de discussions
passionnées; mais nous ne saurions entrer dans le détail de ces travaux*.
Bouillaud admettait pour le langage luie localisation bilatérale, les lobes frontaux.
De 1861 à 1865, Buoca s'elTorça de préciser le substratum anatomique du .«syndrome
clinique qu'il avait admirablement individualisé d'emblée sous le nom d'aphcmie. Les
cerveaux étudiés présentaient en général des lésions multiples; mais, pour des raisons
sur lesquelles nous reviendrons plus loin, Broca choi>iit parmi les diverses destructions
du territoire cérébral rencontrées l'une d'entre elles et localisa rigoureusement au pied
de la troisième frontale gauche le centre des mouvements d'articulation du langage. Il
parachevait enfin son œuvre et la mettait d'accord avec les faits d'apparence contradic-
toire en faisant, le premier, intervenir dans les .localisations hémisphériques le facteur
de la gaucherie ou de la dextérité : désormais le centre du langage articulé allait être
le pied de la troisième frontale, gauche chez les droitiers et droite chez les gauchers.
Les malades de Broca présentaient surtout un trouble de l'articulation du mot; la
description clinique de Trousseau, les recherches d'AnMAND de Fleury tirent pressentir,
puis établirent une première distinction entre les aphémiques qui ne peuvent prononcer
les mots et les aphasiques qui les peuvent prononcer, mais les emploient en des accep-
tions inexactes. Celte séparation, que viennent accentuer les recherches de l'école
anglaise avec Bastl\n principalement, trouve sa consécration définitive dans les travaux
de NN'ernicke.
Jusqu'à cet auteur (I874i, on avait examiné les malades, recueilli les observations,
1. V. P. Marie. Semaine médicale (28 novembre 1906) et F. Moutikr. Aphasie de Broca,
thèse de Paris, 1908, chap. L
LANGAGE. 871*
«'•luilii' les cerveaux, mais jiiuiais ciKiiie on n'avait clificlié à pousser plus avuiil l'ana-
lyse des accidents morbides en s'aitlant de l'élude des pliénonit-nes normaux. En
il'autres termes, et pour employer le langage pliysioloijiquc. altarlié au simple enre-
gistrement dos l'aits oiijectifs, les auteurs avaient envisagé suitoul les tioubles île l'ex-
tériorisation de la pensée, c'est-à-dire les .icoidents de l'articulation verbale, et, tout
en les constatant, s'étaient inlinimcnt moins préoccupés d'interpréter los troubles de
l'aiidition et de la vue. Wernicke.sc basant sur la pliysiologie psychologique de l'acqui-
sition de la parole chez l'enfant, tint le rôle du langage oral pour fondamental, et
distingua soigneusement des aphasiques purement ou principalement atteints dans leurs
fonctions motrices, ceux chez lesquels se décèle sut tout l'impôssibililé d'identifier les
impressions auditives verbales. Ces malades ne peuvent, d'après Weiimckk, comprendre
les paroles qui frappent leurs oreilles. Ils sont loquaces cependant, et le langage articulé
est conservé, mais le discours est encombré de mots employi's hors de propos ou mémo
de vocables dénués de sens; le trouble primordial de l'audition pourrait donc entraîner
des troubles consécutifs de la lecture et de l'écriture. Ce syndron)e prit le nom d'aphasie
sensorielle, parce qu'il se trouvait, selon Wernii;kk, lié étroitement à l'altération d'un
centre d'images sensorielles, auditives dans l'espèce. Ce centre sensoriel servait d'autre
part de régulateur au centre moteur, mais en demeurait parfaitement distinct; celui-
ci siégeait au niveau du pied de la troisième frontale gauche chez le droitier, celui-là
se trouvait localisé dans la première temporale : ainsi s'éclaircissaient les observations
de troubles du langage avec ramollissement du territoire sylvien sans destruction de la
troisième frontale.
Les points suivants se trouvaient acquis avec Wicr.mcke, grâce à l'analyse physiolo-
gique du langage : // exislc un centre d'imatjes sotsoricUes audilircs dans la première tem^-
porale, un centre d'images motrices verbales dans la troisième frontale; le premier de ces
centres influence et conlràle le fonctionnement du second.Ces distinctions capitales renfer-
maient en germe les dissociations infinies que l'on devait ultérieurement faire subir
aux différents temps du phénomène de la parole et aux divers syndromes aphasiques.
Poursuivant ou contrôlant les recherches de WERNrcKE, de nombreux auteurs se sont
succédé que nous ne pouvons citer ici, cette étude s'efîorcant de ne présenter de
l'historique de l'aphasie que ce qui intéresse particulièrement la physiologie du lan-
gage. Il importe toutefois de signaler combien le schéma p. 881 de Lightheim,
qu'explique suffisamment sa légende, a contribué à précipiter la dissociation des phé-
nomènes normaux et anormaux à laquelle nous venons de faire allusion. Kuss.maul
avait en effet distingué de la surdité verbale par destruction d'un centre d'images audi-
tives, facteur essentiel de l'aphasie sensorielle de Wernicke, une cécité verbale par
lésion d'un centre verbal visuel; Exxer enfin avait individualisé l'agraphie par
destruction du centre des images verbales graphiques. Ainsi se trouvaient dressés les
uns à côté des autres ces quatre centres qu'ont popularisés l'enseignement magistral
de CiiARcoT et de nombreux dessins, parmi lesquels le schéma polygonal de Grasset a
connu un succès que légitime sa simplicité lucide.
Après les premières recherches de BaocAetde l'école anglaise, après les expériences des
physiologistes sur l'excitabilité du cortex hémisphérique, après les localisations étroites
de Wehnicke et de Kussmaul, un certain flottement s'élait décelé parmi les cliniciens et
les anatomo-pathologistes. On trouvait trop souvent que les lésions à l'autopsie négli-
geaient de se conformer au schéma prévu, que plus s<mvent encore les destructions céré-
brales étaient de telle étendue que tout essai de localisation était vain, et Cii. Ricuet
pouvait en 1882 déclarer que " la circonvolution de Hhoca n'est pas au langage ce que
la rétine est à la vision par exemple, ou le testicule à la spermatogénèse ». Mais nous ne
saurions montrer ici combien furent nombreux et convaincus les adversaires des locali-
sations cérébrales de iSlo à 1885. Bientôt d'ailleurs, principalement sous l'influence de
l'enseignement de Ciiarcot en France, de Wernicke et de KussuArL en Allemagne, on
crut résoudre les problèmes et triompher des faits contradictoires en multipliant les
centres fonctionnels du langage, en schématisant à outrance les formes de l'aphasie. On
décrivit des aphasies et des centres corticaux, des aphasies et des voies d'association
transcorlicales et sous-corticales en nombre suffisant j)our satisfaire à l'ordonnanc»?
schématique des variétés cliniques los plus singulières. Les classifications purement
880 LANGAGE.
psychologiques, parlant simples et claires puisque a priori, remplacèrent INHude physiolo-
gique du langage. On A'oulut trouver un centre pour les syllahes, pour les mots, pour
les vocables monosyllabiques et pour les vocabh'S polysyllabiques; les verbes, les sub-
stantifs durent s'accommoder de régions distinctes, d'une étroite circonscription; on se
perdit au milieu des surdités, des cécités, des amnésies. La difficulté, ainsi que le faisait
récemment remarquer Dercum, augmentant de ce fait que les termes tels que cécité
verbale, surdité verbale, aphasie de conduction, aphasie transcorticale, paraphasie
mT-me impliquaient déjà des théories. Aussi Lamzenberg, dans une thèse inspirée par
HiiissAUD, pouvait-il noter avec un certain découragement que si, pour la jdupart des
phénomènes, l'exposé du siège et du mécanisme d'une fonction précède toute discus-
sion théorique au sujet de celle-ci, presque chaque observateur se voit obligé d'exposer
sa théorie du langage avant de rapporter les faits venus à sa connaissance.
SYSTEMES FONDAMENTAUX DE LOCALISATION CÉRÉBRALE
DU LANGAGE.
En dernière analyse, ces systèmes se ramènent à deux seulement. Nous distin-
guons d'une part la conception classique par excellence, la construction schématique
de >Ver.mcke-Lichtheim, Charcot et CiRasset, avec l'adaptation clinique contemporaine
qu'en présentent en termes analogues Dkjerlne et vo.n Monakow; d'autre part, la con-
ception récente que Pierre Marie a présentée en IDOG dans une série d'articles reten-
tissants, conception que jeus l'honneur de défendre dans ma thèse. Ces deux systèmes
reposent sur deux façons totalement ditVérentes d'envisager la fonction du langage.
Pour les anciens auteurs existent des centres d'images nettement individualisés,
susceptibles de destruction isolée. Pour Pikrre .Marie et pour nous-mème, les images
n'ont pas d'existence propre et ne peuvent être que pour un temps tenues artiliiiflle-
ment isolées du dynamisme mental. Nous reviendrons ultérieurement sur celte concep-
tion; qu'il nous suffise de remarquer qu'elle rend inacceptable l'existence de centres
fonctionnels isolés pour les différents temps de l'acte physiologique verbal, et qu'elle
présuppose l'imbrication étroite du mécanisme du langage et du mécanisme delà pensée
elle-même.
Nous aurions voulu, dans cette élude, procéder autrement qu'on ne l'a fait à ce
jour. Partant du phénomène extérieur, audition, vision, articulation, écriture,
nous aurions poursuivi ce phénomène jusqu'au centre cérébral qui le régit et pénétré
ainsi la texture même des dilVérents actes physiologiques du langage. Nous n'avons
pu, malgré de nombreux essais, réaliser cette ambition; et si nous prenons la peine de
mentionner un fait de cet ordre, c'est qu'il comporte un double enseignement : il nous
montre que les progrès de la physiologie cérébrale ne sont pas encore assez avancés
pour permettre avec quelque rigueur un exposé analytique de la fonction langage et,
nous le croyons du moins, il nous permet d'apprécier à quel point la complexité, l'en-
chainement des différentes opérations céiébrales s'opposent à une dissociation de leurs
éléments. Nous nous efforcerons cependant de présenter avec quelque clarté l'état de
nos connaissances à ce sujet.
Systèmes polygonaux. — Nous désignerons sous ce titre, qu'illustrent immédiate-
ment les schémas ci-contre, les théories admettant avant tout pour lé langage un assez
grand nombre de centres fonctionnels distincts. Pour les auteurs classiques, c'est-à-dire
pour la majorité des neurologistes et des physiologistes, nous le rappelons, l'acquisition
du langage se fait grâce à des centres distincts, doués d'une activité automatique qu'in-
lluence plus tard seulement le psychisme supérieur. Amenées au cerveau par les voies
sensorielles centripètes, les impressions auditives et visuelles s'emmagasinent dans des
régions spécialisées du cortex cérébral; plus tard se développeront les images motrices
ou d'articulation verbale, puis les images graphiques. Ainsi se trouvera parfait le qua-
drilatère dont les différents points nodaux et les voies d'association représenteront
l'appareil central du langage.
En d'autres termes, voici, selon ce système, comment se peut exposer la physiologie
LANGAGE.
881
du langage. L'acquisition, le développeinpnl vl le iierfertionucment ulliine du langa;i;e
sonl iiicoucevables sans l'existenco des images : celles-ci lïe sont autres que les souve-
FiG. 12'.». — Schéma de Kussmaul {187G).
a, centre idéogènc ; B, centre seu.soriel acoustique ; B', centre sensoriel optique ; B", centre utilisé chez les
sourds-muets : G, centre coordinateur des t Tmes oraux ; C, centre coordinateur des mots écrits ; a, nerl'
acoustique : o, nerf optique ; a b c d. trajet acoustico-moteur de la parole vocale ; o p q r, trajet optico-
moteur ; a b d, voie ([ui sert airlangage d'imitation des enfants ou des perroquets.
nirs, reconnaissables et évocables, des impressions sensorielles verbales, auditives pour
le langage oral, visuelles pour le langage écrit, et des mouvements nécessaires à l'arti-
Kui. 130 et 131. — Schéma de Lichl/ieim (1884).
A, centre auditif verbal ; M. centre moteur; B. Benriffcenter, centre d'élaboration intellectuelle {pari where
concepts are elaborated) ; O, centre des représentations visuelles ; E, centre d'innervation des organes
servant à l'écriture. Dés que la voie BEAB est coupée, il y a paragraphie et parapliasie.
culation verbale pour la parole, au tracé graphique pour le langage. Ces centres sont
préformés, c'est-à-dire que, dès le plus jeune âge, un territoire cérébral particulier à
chacun d'eux est prêt à enregistrer et utiliser les images spécifiques. Ils sont étroitement
reliés entre eux; mais leur dépendance n'est pas conçue de même façon par les diffé-
56
DICT. DK r'HVSIOI.OGIK. — T. I.\.
882
LANGAGE.
renls auteurs. Pour les uns, et Charcot est de ce nombre, la lésion d'un centre distinct
donne un syndrome très pur, celui de Tinsuffisance de ce centre, et de ce centre seul,
sans addition de troubles des centres voisins. Pour ces auteurs, il est vrai, ces centres
sont anatomiqueniont distincts, séparés, sur la corticalité même de rhémisphère(v. schéma
de Charcot, par des zones indilTérentes tout au moins au point de vue du langage,
leurs connexions dans la profondeur demeurant assurées par de multiples voios d'as-
socic^lion.
Pour d'autres auteurs, et les neurologistes et physiologistes modernes se rallient
ic
Fifi. 132. — Schéma de Charcot {iti Bkbnard, 1885).
, centre d'idcation ; CAM, centre auditif des mots ; CLA, centre du langage articulé ; CVC, centre visuel
des mots ; CLE, centre du langage t^crit; CAO, contre auditif commun.
pour la plupart à celte opinion (v. fig. 133), les centres corticaux du langage forment
une bande continue faisant à peu près le tour du golfe sylvien. Les centres sont
unis entre eux par un système d'association extrêmement touffu; aussi, suivant une
conception qui nous paraît mieux répondre non seulement à la complexité mais encore
à l'étroite union des différentes mentalités du langage, « toute altération de la zone
du langage en un point quelconque de sou étendue entraîne, non pas des troubles
liniilés à tel ou tel mode du langage, mais une altération de tous les modes du lan-
gage, avec prédominance de ces troubles sur le mode correspondant au centre dimages
directement atteint par la lésion » '.
1. Dejerine, Anatomie des centres nevveu.<\ II, 24S ; 1901.
LANGAGE.
8S3
Cependant, tout en reconnaissant des centres distincts, et tout en admettant le reten-
tissement des lésions de l'un de ces centres sur la fonction des aulies, aucun autour
n'admit jamais qu'une destruction d'un centre du langage pût •< ontralni'r des altéra-
tions égales pour les divers modes du langage •>. Pour certains, et cette théorie eut
FiG. 133. — Sclirma de Feirand (1891).
O, centre intellectuel ; V, centre visuel ; K, centre kinesthésique : A, centre auditif ; M, centre moteur voca! :
G, centre moteur mimique ; B, centre moteur graphique.
beaucoup de vogue au temps de Charcot, cà cette époque où l'étude subjective de la
parole intérieure suscitait une série étendue de travaux, il existait une hiérarchie des
centres liée à la forme du langage intérieur. Celui-ci ne serait pas univoque en effet :
les uns entendent leur pensée; les autres,
tout en l'entendant, ont conscience d'une
ébauche mentale des mouvements d'arti-
culation correspondant au verbe de la
parole intérieure; d'autres enfin lisent leur
pensée ou présentent en tout cas une
puissance d'évocation des images à prédo-
minance visuelle ; ainsi se trouvent éta-
blies ces trois classes dans lesquelles vient
se ranger tout individu, les auditifs pur.<,
les audimoteiirs (ce sont les plus nom-
breux) et les visuels. Il résulte de cette
théorie que chez un auditif pur la destruc-
lion du centre auditif perturbera le fonc-
tionnement des autres centres bien plus
que ne l'eût fait la destruction du centnî
visuel ; et que, chez un audi-moteur la
lésion du centre auditif déterminera une
suppression fonctionnelle presque totale
du centre moteur. Ainsi de suite, mutatis mutandis.
Plus tard, on admit non seulement une interdépendance des centres plus étroite que
par le passé, mais une hiérarchie plus rigoureuse et plus systématique. Cette hiérarchie
se fondait non plus sur la psycho-physiologi'^ de la parole intérieure, mais sur la phy-
siologie évolutive du langage, sur le mode même d'éducation et d'acquisition des
images. Les images, en effet, ■< sont daulant plus fixées, d'autant plus résistantes,
qu'elles sont d'ordre d'acquisition plus ancienne. De par l'éducation, les images audi-
KiG 133. — Sc/idnia de Grasset (IS'JiJ .
O, centre de l'idéation ; A, ecnire auditif: V, centre
visuel ; M, centre moteur verbal ; E, centre gra-
phique verbal.
884
LANGAGE.
tives se forment les premières Les images motrices d'articulation se forment ensuite
très rapidement; leur union avec les précédentes est intime, précoce, et l'union de ces
deux images constitue la base première, toujours présente, du langage intérieur. Ce
n'est que beaucoup plus tard que l'enfant apprend à rattacher aux images auditives et
motrices d'articulation l'image visuelle des mots, c'est-à-dire la transcription manuscrite
ou imprimée de la parole entendue et parlée. Quant à l'écriture, qui n'est que la repro-
duction sur le papier des images visuelles des lettres et des mots, elle est de tous les
modes de langage celui qui s'apprend en dernier lieu; aussi voit-on l'agraphie exister
dans toutes les formes d'aphasie relevant de lésions siégeant dans la zone du lan-
gage ». »
Au-dessus des centres pioprement verbaux, moteurs et sensoriels, un centre intel-
lectuel, le plus élevé dans la hiérarchie fonctionnelle, contrôle et commande. Indis-
pensable au langage volontaire et raisonnable, il peut être détruit ou inhibé sans que le
jeu des centres inférieurs soit totalement interrompu pour cela : il subsiste seulement
en ce cas un langage automatique ou réllexe comme le sommeil, l'hypnose, les états de
Fr,. 134. — Sc/«'/».( de Elder (1897).
E, centre idéo-moteur; C, centre visuel verbal ; ^ , centre auditif verbal ; Z?, centre psjxho-moteur ; D, centre
gra]iliique psycho-moteur; c', f^, a', a'. Voies sensorielles afférentes; fi', 6', Centres de rhémispliùre
droit ; rf', éi, 6', Voies afférentes motrices. Remarquer de quelle façon le centre E se trouve relié aux
autres centres : les centres graphique et le visuel ne lui sont unis qu'indirectement.
distraction, de rêverie, d'aliénation même en olTrent maint exemple. — Celte conception
d'un centre psychique, indépendant des centres proprement dits du langage, admet
implicitement une certaine indépendance du langage et de la pensée, celle-ci pouvant
exister sans que des formes verbales soient nécessaires pour la traduire.
Ainsi se peut résumer la physiologie classique du langage, physiologie qui a long-
temps trouvé dans les localisations cérébrales admises son soutien le plus efficace. Il
nous reste à étudier ces localisations et à montrer quelles variations leur ont imposées
les observations successives.
Audition verbale. — L'audition verbale est, nous le répétons, le phénomène initial
par lequel l'enfant se voit instruit des rudiments du langage; il est donc légitime de
commencer par l'étude de cette fonction notre analyse du langage.
Les mots sont, tout d'abord, perçus en tant que bruits confus, de murmures sans
signification. La perception verbale auditive se fait ù ce titre dans la sphère auditive
commune, cesl-à-dire dans l'écorce des lobes temporaux de l'un et de l'autre hémi-
sphère, tout au moins au niveau des 1 et 2 temporales. Mais, en tant que signes ver-
baux, les mots sont perçus principalement au niveau de la i temporale gauche chez les
droitiers, droite cbez les gauchers. Nous ne saurions insister ici sur les divergences
des auteurs. Signalons seulement que la zone de Wermcke, centre des impressions sen-
sorielles, mixtes, comprend la partie postérieure des première et deuxième temporales
1. Dejerine, loc. cit., 248.
LANGAGE. 8So
gauchos (parfois des première, deuxièiuc et troisit-ine Iciiiitoi.ili's), au moins la moilié
post('iioiue du <j!/rns supramaniinalis, ou lobule du pli courbe, fulln le pli courbe
ou uiinis angularis (Qik.nski, et [''lkciisic). Nous verrons plus lard ([uclle partie de ces
territoires n'clame la zone visuelle verbale Signalons seulement que c'est au cortex
du tiers postérieur de la première tcMuporale que la majorilt' des auteurs, Weu.nickk,
KussMAUL, Dejerine, localisc le centre dos images auditives verbales.
On a sérié davantage, encore les centres auditifs : à coté du centre banal et bilatéral,
fixé au tiers moyen de la première temporale ou plus récemment encore on la temporale
profonde (Flechsu;), le centre de perception des images auditives a été localisé au tiers
postérieur de la première temporale. Enfin, sur la région antt'rieure et inférieure du
gijnts angularis existerait un centre psychique, surtout mnési(|ue, des images auditives
(Henschert) ; ce centre mnésique est, il est vrai, situé par d'autres sur le unrus supva-
marginalis (Otcszewski), Pour Flechsig, l'écorce du gyrus angularis pli courbe) entier
formerait les mots avec les images des lettres.
Il convient de faire remarquer, sans aller plus loin, que, pour un très grand nombre
d'auteurs, on ne serait nullement en droit de distinguer deux fonctions de réception,
deux centres sensoriels distincts. I.es altérations de la zone de Wermcke, telle que nous
l'avons limitée plus haut, entraîneraient également un déficit verbal auditif et visuel.
Quoi qu'il en soit, les auteurs se sont accordés à reconnaître des syndromes morbides
distincts, selon qu'intervenait la conception d'un centre sensoriel commun ou de centres
distincts. Il convient également de rappeler une fois pour toutes que, divisés en une
quantité de petits centres distincts, ou répartis en deux ou trois groupes principaux
(auditif, visuel, moteur) seulement, les centres sont étroitement unis entre eux'.
C'est ainsi que si dans les lésions du centre auditif il y a des troubles de la parole
spontanée, cela tient à ce que la lésion du centre auditif trouble les processus d'asso-
ciation nécessaires à la formation du mot.
Mais le centre auditif verbal ne joue pas seulement un rôle important dans la
coordination des phénomènes du langage, il les contrôle aussi au plus haut degré.
HuGHLiiNGS Jackson, le premier, s'efîorça d'expliquer la doctrine des aphasies dans son
ensemble par un système de mécanismes frénateurs dont le jeu serait plus ou moins
faussé : Werxicke, Broadbe.nt et surtout Pick ont insisté sur cette conception, et ont
cherché à démontrer clini(iuement que les fonctions du centre moteur du langage s'ac-
complissent sous la direction du centre auditif. Celui-ci serait un véritable frein, et
on donne à cet ofTet comme preuves la logorrhée et le bredouillemont des malades
atteints de surdité verbale.
Il convient de résumer maintenant ce que nous ont enseigné les recherches cliniques
et anatomo-pathologiques des neurologisles. Dans l'immense majorité des cas, les lésions
observées à l'autopsie intéressent d'une façonassez étendue le territoire sylvien, détruisent
la corticalité cérébrale et pénètrent assez avant dans la substance blanche. On observe
le plus souvent un syndrome mixte, dit aphasie sensorielle ou de Wernicke, que caracté-
risent les troubles suivants : sans hémiplégie, sans difficulté ni incorrection de l'arti-
ticulation verbale s'observent des troubles prononcés dans l'émission verbale, logorrhée,
déformation des mots et des phrases avec emploi des termes dans* un sens qui n'est
plus le leur (paraphasie), création de vocables néoformés 'dénués",de sens (jargonaphasie),
impossibilité d'écrire spontanément ou sous la dictée, possibilité (souvent réduite) de
copier servilement un modèle eu le dessinant sans le comprendre, lecture défec-
tueuse, incomplète, parfois nulle (cécité verbale), incompréhension plus ou moins
accusée du langage oral (surdité verbale).
Certains auteurs distinguent, à côté de la forme précédente ou aphasie sensorielle
corticale, une surdité verbale pure ou aphasie sensorielle sous-corticale (un seul trouble,
la non-compréhension du langage parlé) par lésion de la substance blanche de la
première ou de la deuxième temporales, et une aphasie sensorielle Iranscorticalc, dans
laquelle le malade entendrait les mots, les reconnaîtrait en tant que signes de langage
(perception première); mais ne les identifierait plus, c'est-à-dire n'en saisirait plus le
1. Les volts d'association des centres du langage sont courtes, moyennes ou longues (fais-
ceau arqué ou longitudinal supérieur, faisceau longitudinal inférieur, faisceau uncinatus).
886
LANGAGE.
sens (perception secondaire). Ces formes, surtout théoriques, sont faciles à se repré-
senter d'après le schéma do Sahli, construit sur [les données de Lichtheim et de
Wermcke *.
La vision verbale. — Le schéma en est simple et superposable au schéma de l'audi-
tion verbale. Le développement considérable des voies et centres de la vision a per-
mis pour les fonctions visuelles des localisations plus précises et beaucoup plus cer-
taines que pour les fonctions auditives. Les impressions visuelles parviennent à la
face interne du lobe occipital, notamment aux lèvres de la scissure calcarine ; là
se trouve le centre |des perceptions visuelles primaires, non spécialisées pour le lan-
f5age. La lecture et la vision ççénérale peuvent être supprimées par une lésion bilatérale
FiG. 135. — Les centres du langage (U'aprcs Nogel et ïSauli, sur les données do Lichthkim et de Wernicke) :
Gj, centre cortical des mouvements du bras et des doigts (paralysie motrice du membre supérieur) ; Gj, centre
moteur de l'écriture (agraphie do Charcot-Exnkr) : Pi, centre cortical de la bouche et du larynx (para-
lysie motrice); Pi, centre de l'articulation verbale do Broca (aidiasie motrice corticale); Ps, centre de
reconnaissance des images verbales (aphasie motrice amnésique ou transcorticale); Ai, sphère auditive
(surdité corticale) ; Ai, centre gnosique des'mots 'aphasie sensorielle corticale acoustique); Aj, centre mné-
monique des images auditives(aphasic auditive Annésique ou sensorielle transcorticale) ;0i, centre visuel
(cécité corticale) ; Ci, centre de la reconnaissance des images visuelles falexio corticale) ; O3, centre de
la compréhension optique du langage écrit (aloxie amnésique ou transcorticale, cécité verbale avec
agraphie).
de ce centre; il y a dans ce cas cécité corticale. Quand il n'existe de destruction que
d'un seul côté (et la lésion, pour que le langage soit intéressé, doit siéger à gauche chez
les droitiers), une tésion du lobe occipital ne détermine de trouble du langage que si
elle est intense, profonde, détruisant les radiations optiques, atteignant le lobe parié-
tal. Dans ce cas il y a toujours, coïncidant avec la difficulté ou Timpossibilité de la
lecture, une hémianopsie typique. Il s'agit alors de cécité psychique, c'est-à-dire que
« l'individu a conservé la perception visuelle brute, mais qu'il est incapable d'en inter-
préter la signification » (Dejeri.ne).
Rappelons que Chargot localisait le centre de la lecture dans le lobule pariétal supé-
rieur avec ou sans participation du pli courbe [Gr.^sset)^. Quexsel le place dans la partie
inféro-postérieure du gyrus angulari$. Dejerine au contraire localise en toute l'étendue
de ce même gyrus angularis ou pli courbe, le centre des souvenirs visuels des mots,
1. La théorie veut naturellement que, dans les aphasies sous-corticales, le langage intérieur
soit intact; il est altéré au contraire dans les aphasies corticales banales.
2. Pour ExNER, Sacha, Pick, Anton, la région pariétale jouerait un rôle dans le mécanisme
optique du langage.
LANGAGE. «S7
centre i|ue Wiliihand place à la l'ace externe du lobe occipital. Eiiliii un centre psychi-
queinent supérieur, ninésique, se trouverait pour Hiî.nsciien dans la réf^'ion supéro-
postérieure du gyrus angulan's.
Cliniquenient, on distingue une cécité verbale (trcc hémianojtsic, rarement pure, le
plus souvent accompagnée d'aphasie sensorielle, par lésions du lobe occipitaFélendues à
la zone deWEiiNuîKE, — une cécité verbale pure arec aphasie [lar li'-sion isolée du pli courbe
{Dk.ikrineI, — une cécité rerbale pure (aphasie sensorielle sous-eorticalej par destruc-
tion des faisceaux d'association unissant le pli courbe gauche A la zone visuelle f^éné-
rale. c'est-à-dire par lésions du corps calleux, du faisceau longitudinal inférieur, de la
couche sagittale du lobe occipital. Des recherches récentes de Qlf.nskl et de Minuazzim
représenteraient ('gaiement le uyrus temporalis transversus comme une des zones les
plus importantes du langage; ce gyrus recevrait des fibres de projection acoustiques et
donnerait naissance à des libres d'association avec la zone visuelle verbale.
L'articulation verbale. — Le centre moteur de l'articulation des mots est localisé
depuis Mroca au pied- de la troisième frontale gauche chez les droitiers. Un certain
nombre d'auteurs, de 1861 à 1006, date à laquelle la question de la spécificité du centre
de HnocA s'est trouvée nettement posée par Pikure Mahie, se sont elTorcés de préciser
ses limites : les uns ont voulu l'étendre en avant jusqu'au milieu, ou au tiers antérieur
de la troisième frontale; les autres l'ont voulu prolonger en arrière et ont englobé
l'ihsula dans le centre de Rroc.\.
Les connexions de ce centre sont des plus importantes; ce sont elles, plutôt que ses
limites précises, qui nous intéressentau point de vue physiologique. Elles permettraient
en eflet, selon les doctrines classiques, la coordination des mouvements nécessaires à la
traduction de la pensée en mots articulés. — ^ Le centre de Broca se trouve en relations
au premier plan avec le pied de la frontale ascendante où se trouvent les centres corti-
caux des muscles du larynx, de la langue et des joues, au second plan avec les centres
bulbo-protubérantiels du trijumeau, du facial, du glosso-pharyngien, du pneumogas-
trique, du spinal et de l'hypoglosse ; il existe en effet entre les mouvements de la déglu-
tition, de la respiration, de la mimique, du chant, du sifflement et ceux de l'articulation
verbale des connexions des plus nécessaires et des plus étroites.
La destruction du centre de Broca détermine les accidents suivants (aphasie de Broca),
accidents plus ou moins intenses selon l'étendue et l'ancienneté des lésions. Le langage
articulé se trouve plus ou moins complètement aboli, réduit fréquemment à quelques
syllabes, un ou deux mots, un fragmentde phrase, une suite de sons dépourvus de sens.
L'audition verbale est atteinte de façon variable. L'écriture présente le plus souvent
d'importantes altérations par perte de la notion des mouvements nécessaires à l'art
d'écrire ou par rupture des systèmes d'association soit entre les images motrices d'arti-
culation et les images motrices graphiques, soit entre celles-ci et le centre auditif. Puis,
étant donnée la dépendance fonctionnelle étroite des centres, la si n)ple altération des
images motrices verbales peut, chez certains individus peu instruits, ayant besoin pour
lire d'ànonner sur le texte en épelanl les mots, entraîner une suppression non seule-
ment de la lecture à haute voix, mais aussi de la lecture mentale.
Lorsque les voies centrifuges du centre de Broca sont détruites, le trouble moteur
existe seul; le malade peut alors comprendre le langage écrit et parlé, écrire lui-même
spontanément, sous dicté-e ou en copiant; il ne peut en revanche articuler spontané-
ment ni répéter les phrases qui lui sont dites. Celte aphasie motrice pure ou sous-
corticale dépendrait d'une lésion de la substance blanche sous-jacente au pied de la
troisième frontale.
Enfin le centre de Broca, tout en se trouvant en relation étroite avec la sphère visuelle,
est tout particulièrement contrcMé par le centre auditif. On sait que la lésion de ce der-
nier, véritable centre d'arrêt, provoque du verbiage et de l'incohérence de la parole.
Pour tLECHsiG même, nous l'avons déjà mentionné, ce serait l'écorce du gyrus augularis
qui formerait les mots avec les lettres et relierait les images syllabiques acoustiques et
optiques avec les images motrices d'articulation à haute voix.
La rupture des voies d'association isolerait le centre de Broca, permettrait avec la
suppression du langage spontané la conservation du langage répété. Pour certains
auteurs ce syndrome dépendrait soit de la rupture des voies d'association sensori-
888 LANGAGE.
motrices, probablement sous l'insula, soit de la destruction d'un centre mnésique ou
moteur verbal supérieur placé par Armand dans l'insula.
On ne peut qu'être frappé de l'importance des altérations fonctionnelles consécutives
à la destruction isolée du centre de Broca. L'altération du foyer d'images motrices
verbales entraînerait en ellet des troubles de la compréhension auditive et visuelle du
langai:e, ainsi que des troubles de l'écriture. On a tenté de l'expliquer en faisant ressortir
l'importance du langage parlé dans le monde moderne.
Ce centre, ainsi que le faisait observer Pierre Marie dans une judicieuse exposition
du mécanisme classique du langage, était indispensable pour la parole, le mot ne pou-
vant se former que grâce aux multiples processus d'association aboutissant de toutes
les autres parties de l'encéphale à ce centre. Il était indispensable pour la lecture, parce
que, pour être compris, le mot lu, c'est-à-dire l'image visuelle, doit subir la transfor-
mation en images d'articulation. D'un autre côté, si, malgré la destruction du centre de
Broca, la parole pouvait être encore comprise, c'est que, toujours pour les classiques,
le mot prononcé par l'interlocuteur est tout formé et peut être transmis directement
par le centre auditif aux centres d'association qui en assurent la compréhension.
L'écriture. — Ex.\EH,puis Charcot, ont localisé le centre de l'écriture au pied de la
deuxième frontale gauche, à peu près vis-à-vis du centre moteur de la main au tiers
moyen de la frontale ascendante. Cette localisation est actuellement tombée eu une
juste défaveur, et peu d'auteurs la maintiennent, si ce n'est en des traités didactiques,
pour le besoin d'un exposé schématique. Non seulement en effet aucune autopsie n'a
permis de fixer un centre à la fonction étudiée, tuais pbysiologiquement il n'apparaît
nullement que celte fonction puisse être distinguée des autres fonctions du langage, de
la fonction motrice verbale entre autres. « l/écrituie, ainsi cjue l'a indiqué Weumckr,
n'est autre chose que la transcription par la main, que la copie des images visuelles
des lettres et des mots. On peut écrire avec une partie quelconque du corps, pourvu
qu'elle soit suffisamment mobile; ceci montre, partant, qu'on peut écrire avec une
partie quelconque de lacorticalilé motrice, et que, par conséquent, le centre de l'écri-
ture n'est autre que le centre de la motilité générale (Dejerine). » On a fait également
remarquer que les aphasiques étaient incapables de former des mots avec des cubes
alphabétiques, fait inexplicable si un centre moteur verbal était seul en cause; en
réalité l'agraphie est toujours associée aux autres syndromes aphasiques. Nous croyons
utile de noter encore avec Féré ' que «la représentation mentale d'un son articulé
s'accompagne de mouvements des muscles spécialement adaptés à l'articulation et que,
lorsqu'on veut représenter graphiquement un son, ou l'écrit d'aboi'd avec sa langue ».
Ceci est à rapprocher du fait qu'un nombre d'individus considérable ne saurait se repré-
senter un son articulé sans éprouver immédiatement dans les muscles des mâchoires
les sensations musculaires adéquates.
Le centre intellectuel supérieur. — Selon la conception ancienne de la physiologie
du langage, les centres de réception des impressions sensorielles, les centres d'extériori-
sation du langage intérieur étaient des groupements inférieurs, capables d'exercer une
activité tout automatique, mais so.timis pour toute manifestation oiiginale à la prépon-
dérance du centre intellectuel supérieur, siège de l'idéation et de la volition. Ce centre,
clairement apparent sur nos schémas, domine l'entre-croisement polygonal, si l'on adopte
le schéma de Grasset, et se trouve à la fois étroitement uni aux centres inférieurs et
supérieur à ceux-ci, dépendant de leur activité; mais également indépendant de ses
manifestations. En somme, le langage n'absorberait pas la pensée; il ne serait pour elle
qu'un instrument de relation, utile, mais non indispensable; les centres fonctionnels
seraient comparables aux ouvriers d'une usine dont le directeur ne peut rien sans les
manouvriers attelés à la tâche, mais demeure néanmoins indépendant de leur activité.
L'idée s'abstrait du langage, la pensée intuitive brise le moule où l'emprisonne le
verbe. On pourrait donc, remarque Stout, penser sans langage et sans signe d'expres-
sion, dans ces cas par exemple où les rapports constitutifs d'un tout idéal peuvent appa-
raître immédiatement au foyer de la conscience comme des objets offertsàune attention
vigoureuse et soutenue. L'attention aurait alors pour effet de rendre distinci, de donner
1. FÉRÉ, Sensation et mouvement. Alcan, 1900, 104.
LANGAGE. 889
à son objet iininédiat le relief d'une ima^e di-finic, précise comme le peut être une
sensation — |)eroeption actuelle. — Peul-iHre uublie-l-on en raisonnant ainsi que la
pensée intuitive, si dildcile à saisir, s'aide de symboles, et que cette imagerie mentale
est en somme un lani,'age.
(Jnoi qu'il en soit, pour rester dans le domaine approximatif de la physiologie
pme, pour les uns, comme Grasset, le centre psychique supérieur serait un centre
autonome et distinct, localisé soit au niveau du cortex pariétal, soit dans le lobe frontal
antérieur, soit dans les deux hémisphères, soit dans le gauche seulement. Pour d'autres
auteurs, le lobe préfrontal gauche, qui assurerait seul en efl'et la lourde t;\che de régir
l'automatisme des centres inférieurs, serait non pas un centre d'idéation à proprement
parler, mais srulement un centre de contrôle sur les phénomènes intelleclut^ls
(iMiELPs). Précisant celte conception, Niessl von Maye.ndouf croit V|ue les sphères
sensitives de Flechsk; sont en même temps des organes centraux de la pensée, et que,
loin d'avoir pour action l'évocation des représentations intellectuelles, les lobes
frontaux se bornent au rôle d'organes de liaison entre les divers systèmes. Il s'agit en
somme de centres physiologiques et non pas de centres au sens anatomique du mot
(Somme»). Dans le lobe frontal siège le Begriffcenlrum des Allemands, mais cette expres-
sion est un terme compréliensif désignant un ensemble de processus iju'unit le jeu
de Tiictivité cérébrale.
Ainsi, de la conception anatomique du centre psychique supérieur à la conception
nettement physiologiciue, dynamique, des phénomènes de la pensée, des intermédiaires
nuancés se rencontrent. Alors que les anciennes théories se basaient sur la conceptiont
dualiste du mécanisme central, comprenant des rouages inférieurs etun moteur puissant
qui les anime, les théories nouvelles, comme nous nous en rendrons compte plus loin,
voient essentiellement dans le langage un phénomène intellectuel intimement lié à
l'activité cérébrale envisagée dans son ensemble.
Cependant certains auteurs s'efforcent d'allier ensemble la théorie des centres
multiples, anatomiquement distincts, avec les preuves, que rend plus nettes chaque
jour l'observation clinique et anatomique, de l'élroite liaison fonctionnelle des aires
corticales. VoN Monakow admet ainsi qu'une lésion parfois fort éloignée d'un centre du
langage peut empêcher le fonctionnement normal de ce centre, et explique ainsi les
faits en opposition avec les localisations classiques. 11 y aurait en ce cas rupture
fonctionnelle des communications d'un centre avec les autres centres, inhibition
de la fonction ou, pour reprendre le mot de von Moxakow lui-même, diaschisis.
Cette évolution des théories anatomo-physiologiques nous montre que l'étude de
la physiologie du langage n'est plus comme autrefois uniquement une question de
centres, mais se montre de plus en plus l'étude même du fonctionnement et des pro-
priétés de l'écorce cérébrale | I{i':mond (de Metz)^
Les théories récentes sur la physiologie du langage. — Frappé de la com-
plexité que les théories de l'aphasie admettaient dans les phénomènes du langage et
de la multiplicité des centres, hypothèses qu'une longue suite de recherches anatomo-
cliniques lui paraissaient infirmer, Pierre Marie, en 190G, reprit à piedd'œuvre l'étude
de l'aphasie. De grosses modilicalions à la doctrine classique furent apportées par cet
auteur, modifications dont nous avons eu l'honneur de poursuivre l'exposé et la
démonstration dans différents travaux.
Les conclusions de Pierre Marie peuvent, au point de vue physiologique, être rame-
nées aux points suivants : il ni/ a point de centres sensoriels verbaux distincts pour les
impressions visuelles et pour les impressions auditives; — il n'est point de centres linùtés
corticaux, — la lésion d'un centre détermine les mêmes symptômes, qu'elle soit ou plutôt (ju'elle
semble être uniquement corticale ou strictement sous-corticale ; — la zone du lamjaije es\.
également à un très haut degré une zone intellectuelle. En d'autres termes, il n'existe ni
aphasie motrice pure par section des voies de projection du centre de Broca (la troi-
sième frontale ne jouerait du reste aucun rôle dans la fonction du langage), ni surdité
verbale pure par lésion du tiers postérieur de la première temporale, ni cécité verbale
pure par lésion du pli courbe; — les altérations du langage dans l'aphasie de Wer-
NicKE se conforment aux lois de déficit intellecluel, et un certain nombre des troubles
des aphasiques sont des désordres purement intellectuels. Dans cette théorie enlin, les
890
LANGAGE.
centres d'images ne sont plus admis, et nous exposerons brièvement notre argumenta-
tion personnelle à ce sujet.
Les considérations suivantes ont amené Pierre Marie à parfaire sa doctrine; nous
signalerons chemin faisant les conclusions originales touchant la constitution même
du syndrome anatomo-clinique de l'aphasie auxquelles ont abouti ses recherches.
Le centre de Broca ne joue aucun rôle dam le hmgage. — Les auteurs des doctiines
ayant cours sur l'aphasie (et par là même sur le langage) faisait remarquer Pierre
Marie en 1906* « se sont presque uniquement appuyés sur des idées théoriques ; plu-
sieurs même ont pris pour point de départ un schéma d'un graphisme plus ou moins
compliqué et en ont ensuite tiré une longue série de déductions. Les résultats de cette
manière de procéder ont été ceux que l'on pouvait penser; aussi toute la doctrine
actuelle de l'aphasie est-elle une doctrine essentiellement théorique et schématique, à
ce point théorique et schématique qu'elle se trouve de toutes parts eu contradiction
avec les faits. En fait d'observation, on se livra presque uuiquement à l'observation
intérieure; c'est là un bien médiocre procédé, l'auto-observé se trouvant à la fois juge
Fie;. 136. — Cerveau sur lequel Hro.a localisa l'apliémie au niveau de la S' frontale (cas Leborgnc). Noter le
ramollissement étendu de la zone lenticulaire (insula) la zone de Wernicke. Le centre de la d6i)ression cor-
respond approximativenieni au jùcd de F3 (dessiné d'après la pliotographie, faite ou 1906, do la pièce
actuellement au Musée Dujiuyiren).
et partie, et « posant », pour ainsi dire, en lui-même pour lui-même. Les résultats de
cette méthode ne se firent pas attendre : il ne fut plus question que d'images du lan-
gage, il y en eut de verbales, d'auditives, de visuelles, voire même de motrices; chaque
catégorie de ces images vint se ranger dans un centre spécial et ces centres eux-
mêmes se « mirent » en connexion les uns avec les autres ou avec des centres
supérieurs ».
Parmi ces centres, trois particulièrement étaient étroitement localisés, le premier,
le plus ancien, par Broca au pied de la troisième frontale gauche pour les images
motrices d'articulation, — le second, par WERNicKEs'inspirant des schémas de Meyxert
sur les voies auditives normales, au tiers postérieur de la première temporale, — le der-
nier en date, par Dejeri.xe, au ggrus angularis (pli courbe).
Nous examinerons plus loin de quelle façon peut être critiquée la conception des
images verbales ; nous nous en tiendrons ici aux seules données anatomo-cliniques.
La localisation de l'aphasie motrice a été particulièrement attaquée par PrERRE
Marie. Cet auteur a montré que le pied de la troisième frontale gauche avait été choisi
par Broga pour lieu de la coordination des mouvements d'articulation verbale seule-
ment parce que ce point se trouvait être le centre d'uu vaste foyer de ramollissement
ancien'.
1. Semaine médicale, 23 mai 1906.
2. On tenait en effet, à l'époque des recherches et publications de Broca (1860-1870), le
ramollissement du cerveau pour une lésion progressive, à marche excentrique, à peu près de
durée indéfinie. Chez Leborgne, prototype de l'aiihcmie ou aphasie motrice, premier malade de
LANGAGE. 891
D'uiio niiimliouso l-UuIu do tout ce qui a (Ht' publii' sur l'.ipliasie de Hnor-A, il est
ivsulU' qu'il « n'existe encore dans la littérature médicMle aucune observation d'apha-
sie do BuocA dans laquelle on ait, à l'autopsie, constaté une lésion unique, rigoureuse-
ment localisée au pied de la troisième circonvolution frontale gauche ». Une série de
faits (57 cas) montre au contraire qu'il peut y avoir aphasie de Broca avec intégrité
microscopique du i>ied de la tioisiènio frontale; en revanche, dans 27 cas, la destruc-
tion du contre do Biioca n'a, chez des droitiers, délerininé aui-un trouble du langage.
II existe môme " à l'heure actuelle une preuve expérimentale de la non-spécilicité de
la Iroisièine frontale dans la genèse des troubles a[»hasi(iues. Un chirurgien, Bi'kckiiaudt,
s'inspirant des vues théoriques les plus curieuses, a réséqué chez deux déments droi-
tiers le pied et le cap de la troisième frontale gauche : il ne s'est k aucun moment
manifesté la moindre trace d'aphasie motrice ' ».
En revanche, PiicimE Mariic a été frappé de la constance absolue de certaines lésions
n'intéressant point la troisième frontale qui se rencontrent à toute autopsie d'apha-
siijue do Biioe.A. Ces lésions sont de deux ordres, les unes intéressent la région de l'in-
sula et du noyau lenticulaire, les autres portent sur la zone de WniiMCKE. Ce sont elles,
et elles seules, comme nous le verrons plus loin, qui déterminent l'aphasie dite motrice
ou de Broca.
Les objections présentées à cette critique anatomique du plus classique et, au
moins en apparence, du mieux établi des centres fonctionnels du langage ont été fort
vives. Nous n'en retiendrons que deux. Certains auteurs admettent en eflet que l'exis-
tence d'une destruction du pied de la troisième frontale gauche sans aphasie avérée
du vivant du malade, implique l'existence d'une suppléance fonctionnelle à peu près
immédiate, ou, ce qui revient au même, d'une rééducation rapide. On ne peut qu'objecter
à cette manière de voir son caractère théorique, l'impossibilité où l'on se trouve d'en
faire la preuve effective.
On a dit surtout, pour répondre aux cas de destruction du centre de Broca classique
(à gauche chez les droitiers) avec intégi'ité du langage, que ces individus avaient dû
n'être point des draitiers, mais en réalité des « gauchers méconnus », des ambidextres
au besoin. Cet argument de la gaucherie méconnue est extrêmement important : il
constitue l'arme principale des partisans du centre de Broca, il intéresse au plus haut
point aussi la physiologie cérébrale et vaut que l'on prenne le temps de l'étudier de
près.
En réalil(', la théorie de la gaucherie cérébrale est loin d'être absolue; les aphar^ies
croisées en font foi '^.
D'autre part, « la théorie de la gaucherie cérébrale ne peut expliquer la prédomi-
nance de l'aphasie par lésions de l'hémisphère gauche. En effet, le nombre des apha-
siques par lésion de l'hémisphère droit n'est nullement en rapport avec le nombre réel
des gauchers. 11 existe en effet un gaucher sur dix personnes'. Par suite, nous devrions
rencontrer chez les hémiplégiques gauches un certain nombre d'aphasiques, un sur
dix par exemple, puisque, nous le savons, les destructions du territoire sylvien ame-
nant l'hémiplégie déterminent d'ordinaire une lésion concomitante de la zone du langage.
Cette théorie ne se vérifie pas dans la réalité. Sur 320 hémiplégies observées de 1808
Broca, le trouble du langage avait clc le premier en date, bien des années avant la mort; aussi
ce trouble fut-il attribué :'i la lésion tenue pour la plus ancienne, c'est-à-dire située au centre du
ramollissemeut, à la lésion du pied de la troisième frontale dans l'espèce. On peut, en exami-
nant au musée Dcpuytren les cerveaux étudiés par Broca, véritier aisément cette démonstra-
tion et constater en outre i[\i'aucun des hémisphères conservés n'a été sectiomit^. On se contentait
jadis en effet d'un examen assez superficiel de la corticalité hémisphérique après ablation des
méninges.
1. F. MuuTMCR. L'Aphasie. Gaz. des IIôp., 1908. Les passages entre guillemets, sans indica-
tion tjibliographique, sont empruntés soit à cette étude, soit à notre thèse.
2. C'est-à-dire les aphasies par lésion de l'hémisphère droit chez les droitiers, gauche chez
les gauchers (Cf. Bvro.m Bramwell).
3. Van Biervi.iet (v. Index bibliographique) n'admet guère que 1 p. 100 de gauchers; Souques
et LiEP.MANN admettent des chiftres analoirues aux nôtres. Critiquant nos recherches sur la gau-
cherie cérébrale, l'autein- allemand se rallie du reste à plusieurs des conclusions présentées par
nous.
892 LANGAGE.
à 1906 dans le service de Pierre Marie à Ricrtre, 160 sit'-geaient à droite, IfiO à ^aucl:e.
Soixante fois l'aphasie de Broca coïncidait avec l'hémipli'gie droite; cette aphasie, en
revanche, n'a pas été obser\ée une seule fois chez les hémiplégiques du côté gauche.
Il faut bien admettre cependant que parmi ces derniers se trouvait au moins une
douzaine de gauchers. Dès lors, il est bien extraordinaire que jamais l'aphasie n'ait
été observée en concurrence d'une hémiplégie gauche, c'est-à-dire que l'on ne saurait
admettre de parallélisme entre la gaucherie verbale et la gaucherie manuelle. 11 devient
impossible, par suite, d'invoquer une gaucherie cérébrale méconnue pour expliquer la
destruction du centre de Broca sans aphasie corollaire ».
Il n'existe pas de centres sensoriels distincts pour les impressions verbales auditives et
visuelles. — L'examen clinique des aphasiques montre que ces malades ne sont jamais
des « sourds ». En réalité ils 7ie comprennent pas' les questions posées et s'abstiennent
de répondre par déficit de l'intelligence. On n'a jamais du reste constaté l'existence du
syndrome « surdité verbale pure » avec la destruction isolée du centre de Wermcke-
Meynerï. Burckhardt, opérant sur des aliénés, a obtenu, par des résections du tiers
postérieur de la première temporale, des symptômes d'aphasie sensorielle et non de la
surdité verbale pure. Kalischer et ^oihmann, chez le chien dressé à prendre delà viande
au son déterminé d'un harmonium, constatent que la « résection unilatérale ou bila-
térale du lobe temporal entier jusqu'au ventricule latéral ne fait nullement disparaître
l'aptitude de l'animal à réagir au signal sonore ». Enfm un certain nombre d'obser-
vations analomo-cliniques ont montré chez l'homme que la première temporale gauche
pouvait, chez un droitier, être totalement détruite sans incompréhension du langage
oral.
A l'égard du centre visuel rerhal localisé au pli courbe, les termes de la critique
formulée plus haut contre un centre dos mouvements graphiques pourraient être re-
produits ici. On ne comprend pas davantage l'existence d'un centre de la lecture que
l'on ne comprend l'existence d'un centre de l'écriture; la lecture, tout comme l'écriture,
est en effet chez la majorité des hommes d'acquisition trop r<;cente pour qu'une fonc-
tion de cet ordre ait eu le temps de se centraliser en un point du cortex. Du reste, il
n'existe point de fait de cécité verbale pure avec agraphie par lésion du pli courbe, et
NiEssL VON Mayendorf a démontré anatomiquemenl qu' « une lésion corticale ou sous-
corticale du pli courbe demeure sans symptômes si les faisceaux visuels du voisinage
ne sont pas atteints ».
La distinction des aphasies corticales et sous-corticales ne saurait être maintenue. —
Anatomiquemenl, il n'existe jamais de lésions strictement limitées au cortex ou à la
substance blanche, et nulle observation probante n'a démontré l'existence de l'aphasie
motrice sous-corticale ou aphasie motrice pure, ni des surdités sensorielles pures'. Il
existe toutefois réellement un syndrome dans lequel le trouble moteur est pur, mais
ce syndrome, s'il correspond cliniquement à l'aphasie motrice pure ou sous-corticale,
dépend anatouiiquement, non d'une lésion des systèmes de projection du pied de la
troisième frontale, mais d'une lésion de la région insulo-lenticulaire.
La distinction de Vaphasie de Broca et de l'aphasie de Wernicre ?îe peut être maintenue
conformément aux errements de la doctrine classique. — Cliniquement, l'aphasie de Broca
diffère de l'aphasie de Webmcke par un point essentiel, le trouble de l'articulation ver-
bale : l'aphasique de Broc.v est plus ou moins un muet, l'aphasique de Wermcke plus
ou moins un bavard. En dehors de cette distinction fondamentale, on retrouve, chez
l'un comme chez l'autre, nuancés à vrai dire d'incroyable façon, mêmes troubles de la
compréhension du langage oral, de l'écriture, de la lecture, même déficit intellectuel.
Il ressort de ces considérations, que nous ne pouvons développer ici, que l'aphasie de
Broca, cliniquement, est l'aphasie de Wermcke plus quelque chose : la difficulté ou
l'impossibilité d'articuler. Ce trouble moteur de l'articulation en dehors de toute para-
lysie, nous l'appellerons avec Pierre Marie l'anarthrie. Cliniquement, par suite, l'aphasie
de Broca égale l'aphasie de Wernicke + Vanarthrie.
1. Celles-ci, surdité verbale pure, cécité verbale pure, bien que sous-corticales sur les schémas,
ont de tout temps été attribuées à des lésions corticales (écorce de la première temporale, ècorce
du qynis angularis).
LANGAGE. 8<J3
Anulomiquciitenl, >< chaque lois que du vivant du malade ou a constaté lapliasie
motrice pute ou anartliric, on rencontre sur le cerveau une lésion de la zone lenticu-
laire'. Chaque fois que ce trouble moteur n'est pas deuiour»' isoli', chaque fois que le
malade a présenté l'eusenihle des signes caracté-iisliques de l'aphasie de liuoc.v, on
observe sur l'héinisphère un double foyer : l'un siège dans la zone lenticulaire, l'autre
alïecle la zone de Wermckk - ou intéresse les libres qui en proviennent. » Anatomiquc-
ment, raphasie de Broca. égale la lésion de la zone lenticulaire [anavthrie) -f- la lésion de
la zone de Wkh.xicrk {aphasie de Wkrnickk).
En résumé, il n'existe qu'un centre du langage à proprement parler. Ce centre
unique occupe la zone de Wkr.nicre; ce sont ses altérations qui donnent la surdité
verbale et la cécité verbale, ou, pour mieux dire, les troubles de la comprédiension du
langage oral et du langage écrit, les troubles de l'éloculion (paraphasie et jargona-
phasie) et de l'écriture.
En avant, dans la zone lenticulaire, existe un centre dont il est difficile de préciser
la fonction exacte, mais dont la destruction se traduit par une impossibilité d'articuler
en dehors de toute paralysie; enfin, en dedans, la zone de Wermckk est étroitement
unieavec la zone visuelle, et les altérations de ces deux zones coïncident fréquemment^.
Le centre du langage est un centre nii.rtc, sensori-intellectiiel. — Les recherches précé-
dentes nous ont montré qu'aux centres étroitement localisés de jadis, les recherches
contemporaines tendaient de plus en plus à substituer des aires fonctionnelles, déli-
mitées sans doute, mais moins rigoureusement bornées que par le passé cependant. Au
centre anatomique s'est ainsi substitué le centre physiologique dont les connexions
avec les autres régions encéphaliques se comprennent plus souples, mais plus étroites
aussi que par le passé. Enfin, et c'est là l'aboutissant de l'évolution critique que nous
venons de trop brièvement résumer ici, ces rapports étroits des fonctions dans leurs
localisations à la surface du cerveau se retrouvent dans le jeu même de l'activité
mentale, et nous voyons combattue la conception purement sensorielle de la zone du
langage.
Pour Pierre Marie, les termes d'aphasie motrice, d'aphasie sensorielle surtout,
doivent disparaître; l'aphasique pour lui n'est ni un sourd, ni un aveugle pour le lan-
gage, mais seulement un malade incapable d'utiliser normalement les données de ses
sens par suite d'un certain déficit intellectuel. Ce déficit s'applique aux choses du
langage, mais il n'en demeure pas moins évident que les altérations de la fonction du
langage intéressent Tinterprétatiou intellectuelle de la perception primaire et non
l'impression sensorielle élémentaire.
Nous accorderons une certaine importance à la discussion de cette théorie, invo-
quant dans notre critique quelques arguments déjà présentés en d'autres publica-
tions.
En ce point de l'étude de la physiologie du langage, les enseignements de la jiatho-
logie humaine nous sont plus que jamais indispensables. Grâce à eux, en effet, nousper-
1. La zo)ie lenticulaire a pour limites antérieure et postérieure les plans frontaux passant par
les sillons antérieur et postérieur de l'insula; ces limites en excluent par définition la troisième
Ironlale. Elle renferme les noyaux gris, les capsules extrême, externe, interne, l'insula le cortex
rolandique.une importante étendue des faisceaux d'association du cerveau. Elle se termine en arrière
au niveau de l'isthme temporo-pariétal de Pierre Marie, pont do substance blanche resserré entre
le fond du golfe sylvien en dehors et le ventricule sphénoïdal au dedans. Toute lésion en avant
de cet isthme provoque l'anarthrie, en arriére détermine l'aphasie de Werxicke. Les régions le
plus souvent lésées dans l'anarthrie seml)ient être l'insula, la capsule externe, le noyau lenticulaire.
2. La zone de Wernickk, rappelons-lc, comprend à peu près certainement le tiers ou même
la moitié postérieure des deux prenùères temporales, la plus grande partie {ji/nis sitpramarginalis
et sans doute le gyrus angutaris.
3. En dernière analyse, Pierre Marie reconnaît les formes suivantes d'aphasie : une aphasie
intrinsèque ou ajjliasie de Wernicke par lésion du centre vrai du langage, deux aphasies extrin-
sèques, l'anarthrie (lésion de la zone lenticulaire), l'alexie pure avec hémianopsic (par lésion des
lobules lingual et fusiforme ou des radiations qui unissent la sphère visuelle avec la zone tempo-
ro-pariétale de Wernicke;. L'anarthrie et l'aphasie de Wernicke peuvent coïncider i^aphasie de
Broca), de même l'aphasie de Wernicke et l'alexie. — L'anarthrie et l'aphasie de 'Wernicke
sont des syndromes traduisant l'hémorragie ou la thrombose de la cérébrale moyenne (Sylvienne);
l'alexie dépend d'altérations portant sur le territoire de la cén-lirale postérieure.
894 LANGAGE.
cevoiis la complexité du phénomène, le caractère artificiel île certaines distinctions,
l'arbitraire des conceptions les plus ancrées dans l'entendement humain, notamment
de la théorie des images verbales.
Chez l'aphasique, « le déficit intellectuel' peut être mis en lumière à la faveur de
celte constatation d'ordre général : ce dont est inrapable le malade est complexe, ce
qu'il réussit est simple; ce (ju'il oublie intéresse les faits récents, ce qu'il conserve
est d'acquisition ancienne... Si l'aphasique perd les substantifs, ce n'est nullement par
suite de la destruction du naming-ccntre, mais simplement parce que le substantif
est d'acquisition récente dans la formation évolutive du langage. » Il comprend cer-
tains mots, les plus simples, certaines phrases, les plus courtes; s'il exécute incor-
rectement les actes commandés, il reproduit généralement ces actes tout aussi mal
quand on les exécute devant lui, sans mot dire, en le priant simplement de les répéter
ensuite.
« L'aphasique lit un mot, une lettre, une syllabe; il n'en peut déchiffrer plusieurs.
Un mot est correctement répété; un alexandrin ne l'est point. Quelques lettres sont
bien écrites; plusieurs ne sauraient l'être. Les premiers termes d'un modèle imprimé
sont exactement transcrits; les suivants sont copiés, dessinés. Un dessin très simple,
est parfois correctement reproduit, un modèle complexe déroute le malade. Une
opération simple d'arithmétique est heureusement résolue; le malade réussit
l'addition, échoue dans la soustraction^. >> Ainsi, les troubles du langage des
aphasiques sont des troubles infellecluels et ni>n des troubles sensoriels; il conve-
nait de noter ce point, puisque la physiologie du langage est à peu près uniquement
basée sur les données de la pathologie ct'-rébrale. On ne peut donc, si l'on se conforme
aux données précédentes, distinguer à la fois un ou plusieurs centres sensoriels du
langage et un centre intellectuel supérieur : il n'existe en dernière analyse qu'un centre
mixte sensori-intellectuel de réception et d'élaboration '.
Images et centres cVimages. — Des paragraphes précédents il ressort que les contres
distincts où l'on voulait parquer les images verbales n'existent point, et qu'il n'est au
reste ni déficit sensoriel auditif, ni déficit sensoriel visuel chez l'aphasique.
Nous croyons que les théories physiologiques du langage peuvent aisément se |)asser
de r «image verbale » et que celle-ci, à proprement parler, ne possède aucune existence
propre. Il est bien entendu aujourd'hui que personne ne songe plus à considérer l'image
comme un cliché, comme un phonogramme classé, enregistré par les cellules du cerveau,
et que les images immuables ont vécu. Mais telle qu'elle est, l'image, nous voulons parler
de la seule image verbale afin de placer la discussion sur un terrain bien limité et facile-
ment accessible, est-olle utile à l'explication de la fonction-langage? est-elle seulement
facilement concevable? De fait, l'image qui explique tout ne s'explique pas elle-même
(Duc.As) ; ceux qui la veulent admettre en donnent des définitions convenant au souvenir
sensoriel banal, mais non au phénomène du langage, ou bien fournissent, en invoquant
la répétition des actes et l'habitude acquise, des explications du langage qui ne sont
point des définitions de l'image verbale, A dire vrai, la vogue des images date de
l'époque contemporaine de Charcot où le jeu de l'introspection fut à la mode. Chacun
se savait ou se voulait auditif, moteur, ou visuel; le type visuel étant plus rare était
fort distingué; et l'on bâtissait sur ce qui aurait dû demeurer une fort jolie récréa-
tion psychologique des systèmes physiologiques officiels. N'alla-t-on point jusqu'à créer
un centre endophasique dont rien, même point le raisonnement, ne vient justifier
l'existence?
Actuellement du reste, les images semblent avoirperdu leur vogue; les images motrices
1. Considéré au point de vue particulier de la fonction du langage, le phénomène intellectuel
sera défini l'établissement d'un rapport entre une sensation donnée et sa valeur en tant que
signe de langage; il est également la mise en œuvre de tels signes.
2. Ajoutons que chez l'aphasique « existe un déficit considérable dans le stock des choses
apprises par les procédés didactiques ». (Pierre Marie, Semaine médicale, 17 octobre 1906.)
3. Une lésion d'un point quelconque de ce centre (zone de Wernicke) déterminera un trouble
total de la fonction du langage. Conformément à la loi générale établie par Pierre Marie et
GuiLLAiN pour tout centre nerveux, l'intensité (la quantité) seule de ce trouble varie selon
l'étendue de la lésion, et non suivant sa qualité.
LANGAGE. S!);i
verbales notainmoiit sont lombôes en tliscrt'dit. (»i» a fail ol)server à juste litre (Dli;as,
Goulot parmi l<^s anteuis les [)las récents^ qu'il n'y a pas cl'iniagi-s motrices des mou-
vements néeessaires à raiticulatioii du mot. ()n parle on no sait coinmenl, sans image
veibale »< précédant la parole et la dirigeant; nous ne iiensons jias notro parole avant
<le parler notre pensée, si penser noire parole, c'est la piéimaginer, la prononcer
d'avance intérieurement, la murmurer au dedans de nous »'. On ne peut prouvi-r
davantage, « à défaut d'images prévenantes 2, des images rétrospectives » perçues ou
formées après coup.
Ainsi, quand nous parlons, nulle image verbale ne nous aide i articub'r; ijnand
nous écrivons, nulle imago veibale visuelle ne nous trace do modèle à copier, nulle
image kineslliésique ne nous fait sentir soudain pai' avance l'acte physiologii[ue dont la
résultante sera le grapbisme projeté. Dans tous ces cas, il n'y a image que quand il y a
déjà perception ou action ; en un mot, l'image se confond étroitement avec le phéno-
mène efl'ectif, et n'en est distinguée que par lo langage philosophique. Nulle part n'ap-
paraît son jeu dans l'acte physiologique. C'est donc à tort que l'on a voulu traiter la
physiologie du langage autrement que la physiologie d'un organe quelconque; le
langage, -> dans ce qu'il a de mécanique, de physiologique, ne peut pas être, n'c.'st
pas un objet de pensée consciente, pas plus que la digestion, que la circulation 011
toute aulre fonction organique » (Ducas). De plus en plus du reste on se rend compte
de l'inutililé de la conception des images, les psychologues dissociant de moins
en moins les phénomènes de la pensée^. Aussi la physiologie serait-elle mal venue,
renonçant à se laisser guider par les données précises de la pathologie humaine, à
chercher en une dissociation théorique l'explication du phénomène du langage, lîlle
serait également mal venue à séparer l'acte intellectuel du phénomène de perception
sensorielle.
Mécanisme fonctionnel des centres du langage. — 11 est extrêmement difficile de péné-
trer la nature intime de la fonction des zones du langage. On constate queTanarthriquo
(aphasique moteur pur) semble présenter une sorte d'incoordination des muscles con-
courant à l'émission du mot articulé; beaucoup d'auteurs depuis (.ordat '■ ont du reste
défini l'aphasie motrice pure une sorte d'ataxie. Cela est-il exact? il est difficile de
l'affirmer. 11 est plus conforme en tout cas aux conceptions modernes, (juelque
théoriques et arbitraires qu'elles puissent paraître, de rapprocher le trouble do Tanar-
Ihriquedes troubles agnosiques-\
LES ASSOCIATIONS DES CENTRES DU LANGAGE NORMAUX.
Nous n'insisterons ici ni sur le langage mimique, ni sur ces associations fonctionnelles
diverses qui réalisent en quelque sorte des langues nouvelles'^. Nous rencontrerions
en étudiant ces divers phénomènes plus d'un point curieux, mais relevant bien plus de
la psychologie que de la physiologie cérébrale proprement dite.
1-2. DuGAS, J. de physiologie, 1008.
3. BER.f;soN. BiNET, Ougas, Dupont, IIamklin, etc.
4. LouD.^T iittribuaii le désordre du langage de l'aphasique à une aberration dans les
synerj;ies des nuiscles concourant à l'exécution de la parole.
5. Theorif/iit'ment l'agnosique, sans être paralysé, tout en sachant la valeur de l'acte à réa-
liser, tout en ayant rintclligence intacte (comme l'anarthriquc), rie sait pas exécuter l'acte de-
mandé. — L'aguosie est l'absence de reconnaissance inicUectuello avec intégrité de ridcnlification
primaire : un objet est individualisé en tant qu'objet, mais ne l'est pas en tant que tel ou tel
objet. De même, on peut dire que l'aphasique reconnaît le mot en tant que mot, mais ne recon-
naît plus de quel mot il s'agit. L'agnosic pure proprement dite est due à une lésion Inlatérale des
lobules lingual et fusiforme.
6. Chez les musiciens, les sourds-muets, les sténographes, les dactylographes, les télégra-
phistes, des habitudes et des liaisons nouvelles s'établissent entre les ditTérents centres. De très
importants travaux leur ont été consacrés, tant par les ncurologistes étudiant les amnésies que
par les psychologues s'intéressant au mécanisme dn langage intérieur.
896 LANGAGE.
CENTRES ENCEPHALIQUES DU LANGAGE
Langage automatique. — Nos connaissances sur les centres du langage situés en
dehors des hémisphères sont assez limitées. Laissant de côté les centres bulbaires et
mésocéphaliques des nerfs moteurs de l'articulation verbale, centres dont la lésion
se traduit par une paralysie, signalons que le cervelet paraît exercer sur la fonction
motrice du langage un certain contrôle. Ses lésions (hérédo-ataxie cérébelleuse, tu-
meurs, etc.) se traduisent généralement en elfet, par une sorte de scansion de la
parole par ailleurs lente ou pâteuse, tremblée, indistincte.
Dans le bulbe même, les centres élémentaires sont assez coordonnés pour réaliser
un certain degré de langage automatique ou réflexe. De cet ordre sont les cris instinc-
tifs du nouveau-né, les gémissements des animaux privés de protubérance et de cerveau
(Fkrk). Dans beaucoup de cas, la mimique dans son ensemble, et notamment les mou-
vements du visage, les exclamations de l'homme adulte, représentent un véritable lan-
gage instinctif (A. Milnk-Edwahds).
MODIFICATEURS DU LANGAGE.
Comme toute fonction cérébrale, le langage est influencé par les agents toxiques.
Il est accéléré, facile, brillant, puis confus et incohérent sous l'influence des stimulants
nervins, notamment de l'alcool et des essences enivrantes, des anesthésiques à dose
insuffisante pour produire le sommeil, de certains toxiques comme le chanvre indien
et la belladone. Il est ralenti, pénible et obscur sous l'influence de la fatigue et d'un
grand nombre d'intoxications aigiu's ou chroniques.
Certains troubles organiques périphériques, la surdité principalement, retardent ou
préviennent l'apparition du langage. L'insuflisance de développement du cerveau
peut enfin empêcher sa formation.
DÉVELOPPEMENT DU LANGAGE.
Le langage, chez l'homme, présente un développement progressif, mais lent. L'en-
céphale du nouveau-né est le plan d'un organe et non un organe, parfait (Hutinel).
L'enfant, avait déjcà dit ViRc.How, est un être médullaire'. La conscience objective, en
effet, ne se révèle chez l'enfant d'une façon sensible qu'au quatrième mois (Otuszewski).
La compréhension de la voix se développe dans la zone de NVer.mcke: la relation des
mots avec leurs représentations mentales débute au huitième mois dans les centres d'asso-
ciation postérieure de Flechsig. A onze mois débuteraient les associations verbales
aboutissant à l'émission vocale raisonnée (zone lenticulaire) ; enlin les associations
complexes se perfectionnant, le langage raisonnable, personnel, se développe à partir
de vingt-quatre mois.
Histologiquement, on a pu remarquer que le développement des cellules pyrami-
dales des régions psycho-molrices est incomplet chez le nouveau-né (Parrot et Mathias
Dival) et que les fibres de connexion du cortex avec les organes centraux apparaissent
tardivement, les fibres d'association intercorticale étant plus tardives encore-.
Les recherches récentes de Flechsig ont montré que l'étude de la myélinisation de la
substance cérébrale permettait de distinguer des zones de projection (centres sensoriels
vrais et centres moteurs) et des zones d'association. Ces zones sont au nombre de trois :
le grand centre d'association postérieur comprend le précuncus, les lobules lingual et
fusiforme en partie, le lobe pariétal, la troisième temporale et la partie antérieure de
la face externe du lobe occipital; — le centre d'association moyen n'est autre que
l'insula de Heil; — le centre d'association antérieur comprend la moitié antérieure de
la première frontale, la deuxième frontale presque en entier, ainsi que par la troisième
\. D'où probablement l'absence de réactions lors du développement de tumeurs cérébrales
(Bouchot).
2. Reynert et Edingek, d'après Langlois et Romme.
LANGAGE. S!t7
frontale. Or il est extrêmement intéressant de constater que ces centres d'association
ne se myélinisent qu'à partir du deuxième mois do la vie extra-utérine, que fctle inyt'-
linisation est fort lente et qu'elle se complète au niveau de i'insula bien avant d'i^trc
définitive sur le lobe pariélo-temporal. Ces données cniibryo^t'uiques nous font relrouvcr
dans le développement du cerveau des aires corticales, très voisines des zones fonction-
nelles que les données de la physiologie pathologique nous avaient jx-rniis de recon-
naître.
Les centres du langage ont-ils actuellement, chez rhomme, atteint leur
développement définitif? — Nous ne le pensons pas; nous tenons pour vraisemblable
que la zone dit lanj.'a^e, zone inteilocluelle par excellence, s'assimilera d'autres ré;:;ions
du cerveau de fonction moins spécialisée. Cette extension se fora peut-être vers le lobe
pariétal, centre d'association important. Il semble en effet, d'après de rt'centes recherches
de IhANCHi, que chez les individus particulièrement cultivés, les lésions du lobe pariétal
déterminent des altérations prononcées du langage (trouble intense de la lecture et de
l'écriture avec déficit intellectuel considérable).
Rétrospectivement, il serait extrêmement intéressant de rechercher ce qu'a pu être
jadis la fonction du langage chez l'homme primitif. Malheureusement, les documents
sont rares; et nous ne voyons guère à signaler à ce propos que les données fournies
par l'extraordinaire moulage interne qu'a su prendre Boule, du crâne désormais
célèbre de l'Homme de La Chapelle-aux-Saints. Sur ce moulage, ainsi que Boule
voulut bien nous le démontrer directement, se découvre aisément à la troisième fron-
tale un cap de dimensions considérables; le pied semble réduit ou absent. Mais c'est
plutôt de l'ensemble du cerveau, avec ses circonvolutions frustes, que naît l'impression
que l'être possesseur d'un tel encéphale devait avoir un langage articulé bien rudi-
mentaire encore (Boule et Anthony).
Les centres du langage sont-ils héréditaires? — Peu de travaux ont été
publiés sur cette question, Pour Le Dantec, les acquisitions fonctionnelles ne seraient
pas héréditaires à proprement parler; sans éducation, un jeune Français ou un jeune
Anglais ne sauraient, a priori, ni le français, ni l'anglais. Mais l'usage habituel d'une
langue pendant une longue suite de générations pourrait amener une certaine facilité
naturelle à l'égard de l'acquisition et de la prononciation de cette langue.
RÔLE DE L'HÉMISPHÈRE DROIT DANS LE LANGAGE.
Pourquoi l'hémisphère gauche est-il prédominant en général chez l'homme? Est-ce
uniquement à cause de la dextérité plus fréquente? Nous ne le pensons pas, et nous,
nous sommes expliqué à ce sujet en montrant que le nombre des aphasies par lésion
de l'hémisphère droit n'était nullement en rapport avec le nombre réel des gauchers.
En réalité, ce qu'on trouve ainsi localisé à gauche en général, est la compréhension et
l'articulation des signes ayant un caractère conventionnel (Piehhe Marie); le langage,
en tant que phénomène sensoriel ou qu'acte mécanique (émission du son), possède,
comme toutes les fonctions organiques simples, une localisation bilatérale.
Le problème n'en reste pas moins entier; nous le posons ici, espérant que des
recherches ultérieures nous renseigneront sur cette précellence de l'hémisphère
gauche sur le droit, la gaucherie cérébrale pour le langage étant infiniment plus rare
que la gaucherie manuelle ordinaire. Il serait également curieux de voir se préciser le
rôle de l'hémisphère droit au point de vue du langage chez le droitier; on a vu dans
certains cas (Pierre Marie) des lésions de la zone de Wernicke droite chez des droitiers,
déterminer un certain degré de logorrhée avec disparition de l'intonation et débit mono-
tone. De telles constatations demanderaient à être renouvelées. Peut-être l'hémisphère
droit joue-t-il chez le droitier normal une fonction de coordination et de contrôle? Il est
singulier en tout cas qu'un problème aussi attrayant n'ait à ce jour suscité aucun tra-
vail important '.
1. Pour Webek, la localisation gauche do la zone du langage serait, chez les illettrés, moins
constante, et dans les siècles passés l'individualisation des hémisphères aurait été moindre éga-
lement.
DICT. DE PUYSIOLOOIE. — T. l.\. '
898 LANGAGE.
RÉÉDUCATION DES MALADES ATTEINTS DANS LA FONCTION DU LANGAGE.
Si l'on connaît mal le rôle de l'hémisphère droit chez l'homme sain, il semble que
l'on soit un peu mieux renseigné sur ce qui survient après destruction des zones de
Wernicke ou de Pierre Marie gauches chez un droitier. Beaucoup d'auteurs admettent
que la rééducation, phénomène habituel mais très limité en général, est due à l'hémi-
sphère sain. Pour Fourmé, cet hémisphère garderait le souvenir du mot et pourrait
ainsi suppléer l'hémisphère malade, jusqu'à un certain point cependant, l'exécution
verbale étant empêchée parce que pour celle-ci est indispensable le concours des deux
hémisphères.
Il est évident que chaque hémisphère a une certaine action sur les deux moitiés du
corps ; LiEPMANN a montré que des foyers dans l'hémisphère gauche donnaient des
troubles de la main gauche. Cet auteur prend texte de cette constatation et de ses
théories sur la « phasie » et la « praxie >■, pour penser avec M. Hkrnhardt qu'il y aurait
une certaine importance prophylactique h l'égard des désordres cérébraux d'éduquer
également chez l'enfant les deux moitiés du corps.
Ces vues originales peuvent s'appuyer sur des faits précis : nous savons à n'en point
douter que chez les enfants les aphasies, l'aphasie typhique par exemple, guérissent
souvent complètement, qu'une destruction même étendue de l'hémisphère gauche
peut être compensée pour le langage par l'hémisphère sain. Il semble cependant que
les quelques faits cliniques enregistrés à ce jour touchant le bénéfice éventuel de
l'ambidextérité pour l'individu que frappe un ictus cérébral, ne témoignent guère en
faveur de l'éducation bilatérale du corps. Liei'ma.nn et Von Malaisk ont ainsi récem-
ment observé un ambidextre chez leejuel une lésion de l'hémisphère droit détermina
une hémiplégie gauche avec aphasie et dyspraxie droite. Aussi les arguments actuelle-
ment présentés en faveur de la rééducation des aphasiques par suppléance de l'hémi-
sphère opposé sans formation de centres nouveaux dans l'hémisphère détruit, offrent-ils
bien peu de valeur, du moins chez Ihomme adulte. Cette question de la néoformation,
de la suppléance ou de la rééducation des centres fonctionnels du langage demeure
entourée des plus grandes obscurités.
CONCLUSIONS.
lieux théories anatomo-pathologiques et physiologiques du langage sont donc
actuellement en })résence, l'une et l'autre groupant des partisan.s convaincus. Les uns,
localisateurs à outrance, criblent le cerveau de foyers, relient ou séparent ceux-ci selon
des vues souvent schématiques, et distinguent en général avec précision le langage de
l'intelligence générale, le mot de la pensée intuitive. Les autres, localisateurs encore,
admettent des ^ones plus vastes, à fonctions parfaitement définies, mais ne séparent
point du phénomène intellectuel, auquel ils le tiennent pour intimement soudé, le
phénomène de perception sensorielle utilisé pour le langage. L'n grand nombre de pro-
blèmes attendent du reste une solution; et l'un de ceux qui nous paraissent être les plus
curieux et les moins explorés concerne les causes de la précellence de l'hémisphère
gauche et la fon(îtion à l'état normal (ie l'hémisphère opposé.
En terminant cette étude, il importe de relever une erreur d'interprétation singu-
lière, qui remonte aux travaux récents sur la physiopathologie cérébrale. Prenant texte
de ce que quelques localisations cérébrales étaient attaquées, certains auteurs ont vu
dans telle doctrine récente l'effondrement de la théorie des localisations encéphaliques,
avec toutes ses conséquences extra-scientifiques. Il convient de remarquer que, si l'on
voit décroître les exagérations, oîi certains sont tombés (à la surface du cerveau une
mosaïque bigarrée de centres), la doctrine des localisations avec toute sa portée physio-
logique et l'enseignement médico-chirurgical qu'elle comporte a, dans ces dernières
années au contraire, acquis une importance nouvelle.
FRANÇOIS MOUTIER.
LANGAGE. 89H
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The reaction of Togi Muscle to Nicotine after dénervation {J. P., xxxvii, 285-300, 1908);
— The Effect of curari and of some other bodirs on the nicotine Contracture of trogis
Muscle [Proc Physiol. Soc, May 27, 1909, J. P.,xxxviii); — On degeneralive changes in the
nerve fiexus of arteries, et in the nerve fibres of the frogs (J, P., xxxviii, 504-512 1909);
— Some remarks Miehailoiws account of the course taken by Sympathetic Nerve fibres
[lentrbl. f. Physiol., xxiii, 344, May 1909); — On the Contraction of 'Muscle, etc. Part
IV. The effect of Cùrari and of some other substances on the nicotine responses of the
sartorius et gastrocnemius muscles of the Frog {J. P., 235-295, Oct. 1909) ; — The Sympathetic
innervation of the Skin of the Frog {Proc Physiol. Soc, July 1910, J. P.,xl). — Langley et
Orbeli). Tfie sympathetic innervation ofthe Frog {Proc Physiol. Soc, July 1910, J, P., xl).
— Inhibition fibres for the Bladder in the Pelvic Nerve. Antagonism by curari of the nico-
tine stimulation of nerve cells {Proc Physiol. Soc, July 1910, xl) ; — Note on the action of
Nicotine and Curari on the Réceptive substance ofthe frog's Rectus Abdominis Muscle {Proc
L ANC LOIS. «07
Tlierapeiit.Soc, July 1910, J. /*.,xl). — f.A.Ni;LKv el Ohiieli. Obsoiratioiifi onthe Sympathetic
(iml Sucrai Anatomic Snsl-nn of the Frotj (J. /*. , xli, •i-;iO-4H2, Dec. 110). — The oriijiu
ami course of the va>iO-inotor fibres of the Frot/s (J. /'., XLt, 483-49S, Jan. 1911). —
Lanc.ley et Orbeli. Some observât iott!< on the deycncration in the syoïpathetic uf Sacral
Anatomic nercOKs System of Amphibia following nerve section {.f. P., xlii, 11.'1-1"24,
Mardi 10 11).
LANGLOIS (J.-P.), proft^ssoiir agrégt' de |»liysiolo^Me à la Kacullt; dr
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theilunij. (Centralblatt f. Physiologie, 1887). — Variations de la thcrmouênèse dam^ la
maladie pyocyaniijue (A. P., 079, 1892; Congrès de Physiologie de Liège, 1892). — Des
variations de la radiation calorique consécutives aux sections de la moelle [li. D.,
28 nov. 1891). — Radiation calorique après traumatisme de la moelle épinière [A. de P., '.iVA,
189't; Congrès international de Home, 1894). — Note sur les récents travaux de calorimétrie
{Travaux du laboratoire de Ch. liichet, i, 342, 1892). — Art. Calorimétrie {Dictionnaire
de Physiologie). — Art. Fièvre [Dict. de Physiologie). — Fièvre {Encyclopédie scientifique,
1 vol. in-8, Doin, 1913). — Influence de la température interne sur les convulsions de la
cocaïne (C. H., 1888, cvi, 1016). — De l'influence de la température interne sur les convul-
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Études sur les capsules surrénales. — Note sur la fonction des capsules surré-
luites chez la grenouille [B. B., 292, 1891). — La mort de la grenouille après destruction
des capsules surrénales {Ibid., 835, 1891). — Sur les fonctions des capsules surrénales chez
la grenouille (A. P., 269, 1892). — Fonctions des capsules surrénales chez les cobayes {Ibid.,
465, 1892). — La fatigue chez les Addisoniens {Ibid., 721, 1892). — Action toxique du sang
des mammifères après destruction des capsules surrénales {B. B., 165, 1892). — Destruction
des capsules surrénales chez le cobaye {Ibid., 388, 1892). — Toxicité de l'extrait alcoolique
dti muscle de u renouilles privées de capsules surrénales- {Ibid., 490, 1892). — Maladie d'Addi-
son. Tracé ergographique. Diurèse {Ibid., 623, 1892). — Essai de greffe de capsules .surré-
nales sur la grenouille {Ibid., 864, 1892). — Destruction des capsules surrénales chez le
chien {A. P., 488, 1893). — Destruction des capsides surrénales chez le chien {B. B., 444,
1893). — Des gaz du sang efférent des capsules surrénales {Ibid., 700, 1893). — Lésion des
capsules surrénales dans l'infection {Ibid., 812, 1893). — Action antitoxique du tissu des
capsules surrénales {Ibid., 410, 1894). — Hypertrophie des capsules surrénales par infection
expérimentale {Ibid., 131, 1896). — Du rôle des capsules surrénales dans la l'ésistance à cer-
taines infections {Ibid., 708, 1890). — Des altérations fonctionnelles des capsules surrénales
sur la pression {Ibid., 942, 1896). — De l'Opothérapie dans la maladie d'Addison
{Presse médicale, 19 sept. 1896). — Maladie d'Addison. Art. du Dictionnaire de Physio-
logie 1895. — Physiopathologie des capsules surrénales {A. P., 51897). — Sur l'homo-
logie fonctionnelle des capsules surrénales des grenoidlles et des mammifères {B. B., 1897,
184). — Sur les fonctions des capsules surrénales {Thèse de doctorat es sciences, Paris, Alcan,
1897). — L'action des agents oxydants sur l'extrait des capsules surrénales [B. B..
29 mai 1897). — Du foie comme agent desti'ucteur de la substance active des capsules surré-
nales {Ibid., 12 juin 1897). — Du mécanisme de destruction du principe actif des capsules
surrénales [Arch. de Physiologie, 1898). — La sécrétion interne de la capsule surrénale
{Presse médicale, 4 déc. 1897). — De la non-destruction du principe actif dans le sang et la
lymphe {Ibid., 1898). — Les capsules surrénales pendant la période fœtale {Ibid., vi, 146,
25 fév. 1899!. — Sécrétion surrénale et pression sanijuine [Ibid., 210, 3 mars 1910). — La
destruction de l'adrénaline da7is l'organisme {Ibid., 9 juillet 1904, 93), — Echanges respi-
ratoires pendant la période d'hypertension adrénalique. — liespiration pendant l'hyper-
tension. — Apnée adrénalique \^.Iourn. de Physiologie, 1911, 960).
Respiration. — Influence du chloral sur les centres nerveux respiratoires [B. B.,
779, 1888.. — Influence des anesthésiques sur la force des mouvements respiratoires
(C. H., cviii, I" août 1889, 081, I" Con;,'rès de Physiologie, Borne, sept. 1889). — De
la ventilation pulmonaire [B. B., 304. 1889). — Influence des pressions extérieures sur
908 LANGLOIS.
la ventilation pulmonaire [A. P., 1891, (ii), m, i. En collaboration avec Ch. Richet).
Sur la circulation pulmonaire. — De la durée de la circulation pulmonaire (B. B.,
6 mai 1911, 683). — Adrénaline et circulation pulmonaire [Ibid.]. — Digitaline et circu-
lation pulmonaire {Ibid.). — Étude ftur le pneumothorax (Ibid., !'■■' mars 1913). — Sur la
durée de la circulation pulmonaire, l""'" mémoire : Adrénaline, Pneumogastrique [Journ. de
Physiologie, 1912, 282); 2*" mémoire : Adrénaline, Digitaline, Asphyxie {Ibid., 1912,
1113); 3'' mémoire : Anesthcsiques, Pneumothorax {Ibid., 1913, 100).
Polypnée thermique. — Variations de la densité du sang pendant la polypnée ther-
mique (B. B., 5 juillet 1902, 84G). — De la déshydratation chez le crapaud et des variation,
corrélatives de la densité du sang [Ibid., G déc. 1902, 1377). — Sur un procédé de détermi-
nation de la densité du sang (Ibid., 6 déc. 1902, 1379). — La polypnée thermique chez
Agama. Influence de la dépression barométrique {Ibid., 28 nov. 1903, 1523). — Sur la
polypnée thermique chez les poikilolhermes (Ibid., 10 déc. 1904, 559). — La polypnée ther-
mique des poikilothcrmes, des conditions iiécessaires pour sa mise en jeu. {Volume jubilaire
de Pawlow, 1904, 172-174). — La régulation thermique chez les jyoikilothermes (J. de Phy-
siologie, 1902, 249). — De la polypnée thermique chez les animaux à sang froid (C. R.,
cxxxiir, 1017, 9 déc. 1901). — La lutte contre la chaleur chez les poikilothermes [B. B.,
11 janv. 1902, 2). — A propos de la régulation thermique des reptiles {Ibid., 4 juillet 1903,
875). — Influence de l'inanition sur la polypnée thermique {Ibid., 5 mars 1904, 401). —
Ventilation et échanges respiratoires pendant la polypnée {Ibid., 8 juillet 1905, 81). —
Polypnée thermique et pneumogastrique {Ibid., 8 juillet 1905, 83). — Polypnée thermique
à type périodique {Ibid., 22 juillet 1905, 166). — Gaz du sang da7is la polypnée {Ibid.,
23 déc. 1905, 704). — Polypnée thermique arec ventilation insuffisante {Ibid.. fi janv. 1906,
37). — Polypnée thermique et capacité respiratoire du sang {Ibid.). — Polypnée thermique
et pression artérielle {Ibid., 22 juin 1907, 1167). — Étude sur la polypnée thermique,
lef mémoire : J. de Physiologie, 1906, 236 ; 2' mémoire : 1907, 640; 3" mémoire : 1907,
948). — Du refroidissement du sang irriguant le bulbe pendant la polypnée thermique {B. B.,
20 juillet 1907, 198). — La section physiologique du pneumogastrique pendant lapolypnée
{Ibid., 15 déc. 1906, 624). — Centre polypnéique et cocaïne {Ibid., 26 déc. 1908, 715). —
Apnée et polypnée adrénalique {Ibid., 13 mars 1912, 747). — Polypnée réflexe et centrale
[Ibid., 1" mars 1913).
Pharmacodynamie. — De l'injection de spartéine avant la chloroformisation {B. B.,
1894). — De l'utilité des injections d'oxyspartéine avant Vanesthésie {C. R., 29 juillet 1895).
— Contribution à l'étude des anesthésies mixtes {Archives de Pharmacodynamie) .
Toxicité des isomères de la cinchonine [B. B., 829, 1888). — Élude sur la toxicité des
isomères de la cinchonine dans la série animale {A. P., 377, 1893). — Sur l'action des poi-
sons de la série cinchoniquc sur le Carcinus mœnas {Journ. de l'Anat. et Physiologie, 273,
1889).
De l'action de l'antipyrine sur les centres nerveux {B. B., mars 1895).
Action comparée des sels de cadmium et de zinc sur la fermentation lactique {Ibid., 391,
1895). — Toxicité comparée des sels de cadmium et de zinc sur les animaux {Ibid., ^96,
1895).
Action des sels de cadmium sur le sang {Ibid., 717, 1895). — Recherches sur l'action com-
parée des sels de cadinium et de zinc {A. P., 251, 1896).
Étude sur Vouabaio {poison de flèche) {Ibid., 419, 1888).
Action physiologique du venin de la salamandre terrestre {C. R., 16 sept. 1889. En colla-
boration avec M. Phisalix).
Le nickel carbonyle dans le sang {B. B., 212, 1891). — Cacodylate de soude et capacité
respiratoire du sang {Ibid., 382, 28 nov. 1900).
Actioti des essences minérales sur le sang {Ibid., 21 juillet 1907, 70). — Hyperglobulie
par respiration de vapeurs d'hydrocarbures {Ibid., 14 déc. 1906, 626). — De l'influence du
refroidissement sur la polyglobulie expérimentale {Ibid., 13 juillet 1907, 104). — Des effets
sur le sang des vapeurs d'hydrocarbures [J. de Physiologie, 1907, 253). — Action des
hydrocarbures sur l'organisme {Revue générale d'hygiène, 1908, 154).
Lavage du sang et anesthésie {B. B., 23 juillet 1904, 228).
De la proportion des chlorures dans les tissus (J. de Physiologie et dep. gén., 1900, 742).
Étude sur les conditions physiologiques du travail dans les mines. — De la
LANGLOIS. \m
rési'itancc différente des sujets normaux ou malades dans les milieux chauds et humides
{B. H., 2 juillet 1010, 51). — licaction de l'ornaulsme aux variatious du milieu amhiaut
[Ibid., 9 juillet 1010, "îJ). — Influence de la ventilation sur l'oryanisme (Ihid., IS juin l!'U),
1033). — Les perles d'eau pendant le travail suivant les variations du milieu anihiant
{Ihid., 2 juillet 1010, 53). — Du rendement suivant les variations du milieu ambiant {Ihid.,
2 juilitM 1010, iiS). — Du quotient cvaporaloire pendant le travail (/6iV/., juillet 1012, 10).
Monographies, Ouvrages. — Éléments de phijsiolo(iie, avec 11. de Vahkjny, Doin,
Paris, 2 éditions franijaises, 1 édition espaf^nole. — La Faiiyutf. Traduction et adaptation
de l'ouvrage du prof. Mosso, Alcan, 1894. — Précis d'himiene publique cl privée, Paris,
Doin, !) éditions l'ranç;iises. 1 espagnole. — Le lait. I vol., (iaulliitT-Villars, Paris, 189.3.
TABLE DES M7VT1P:KES
DU NEUVIEME VOLUME
ra;;es.
II)Ogaine 1
Ibogine 1
Ii-htablinc 1
Iclililchidine 1
Ichtyol :i
Ichlulino 2
Icluyotoxique 2
Ictère 2
Iclvogcne 2
Igasuriae 2
Isasurique (Acide) 2
igazol 2
llicinc 2
Ilicique (Alcool^ 2
Uicique (Acide); 2
Ilixauthine 2
Illicium 2
Imiiiunito Ciiari,i;s Richet. 3
Inanition E. BARUiiiR ... 38
Indaconitinc 131
Iiidican 132
Indigotinc 132
IndiruFjinc 132
Indol (Groupe de 1). . L. C. M.mllard . 132
Inée 271
Inhibition 271
Inocarpine 271
Inosique ; Acide) 271
Inusité 271
Insectes Mau» haï 273
Intestin J.-F. Gi yon . . . 386
— (Physiologie générale). Amuard. 386
— (Mouvements). . . J. F". Giyon. 5u4
Inulasc ij76
Inuline o76
Invertine o77
Iode I. ("iiiiVAMiiR. . . 581
lodoformc J. CnEVALiiiR. . . 393
Ii)dogoi'gonique Acide) 600
lodospungine 600
lodothyrine 600
Indurés J. Cni;vALii:ii.. . 600
Ion .... V. I'achon et H. IJi syiKr. (il'i
Ipéca 628
ipohinc 62S
Ipoméine 628
Iridine 628
Irigcnine 628
Iris N'uEL. 629
Irradiation 679
Ironc 670
Irritabilité M. Verwou.n. 679
Ironc 701
Isanique (Acide) 701
Isatinc 701
Isoalstonine 701
Isodulcitc 701
Isodynamie 701
Isométrique (Contraction) 701
Isopyroïne 702
Isotonie H.J. Ha.miu rcer. 702
Isoioniquc (Contraction) 732
Ivaïne 732
Jaborandine 732
Jaborine 732
Jacarandine 732
Jalapine 732
Jambosine 732
Japaconitinc 732
Jasmone 732
Jatrorrhizine 732
Jécorine , 733
Jequirity 733
Jervinc 733
Johanson (J.-E.^ 733
Kairiue 734
Kamala 734
Kinoine • 734
Koseïne 734
Knssel (A.) 735
Kronecker (Hugo) 736
Lab 741
Laburcine 741
Laccaïque . . . . . 741
Laccase 741
Lacrymal (Appareil) . . . K. Ai hahkt. 741
Lactase 768
Lactiques (Acides) HÉRis.siiY 771
Lactiiiuc (Fermentation). . . Héhissky. 779
Lactophénine 801
Lactopvotéine 801
Lactose 801
Lactosine 801
Lactucérinc 801
Lactucine 801
Laine 801
L;iit L P- Langlois. 801
Langage (Physiologie) .... Moutier. 875
Langley 903
Langlois 907
.2 / -!'
P A M I s . — 1 Y 1'
H E N O f A H D , 19, H L t H K & S A 1 .M S - l' t K E :
30273
^^^i^^r