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Full text of "Dictionnaire des hérésies, des erreurs et des schismes, ou, Mémoires pour servir à l'histoire des égaremens de l'esprit humain par rapport à la religion chrétienne"

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1  HARVARD  COLLEGE  LIBRARyJg 


: 


'f^'-  DICTIONNAIRE 

DES  HÉRÉSIES, 

j_     DES  ERBELRS  ET  DES  mmU. 
MÉMOIRES 

yow  Mrrvlr  •  l'iilsiolrc 

\tES  ËGAREMENS  DK  I.ESI'RIT  HUMAIN 

r*R  lUPI-^T  A  l*  IIEUI.1UK  (.ll&£.TItmilt 

TOMB  SEQOm      ' 
I  tinn^.  tliiei  amjiW  \w-  mn  si  -iiigmiiiiL'u  'io  plcuouti  Jiiitb, 
Par  «.  dp  (■Eunniill,, 


PARIS, 

A.  BOÏEB,  ÉDITErB, 


■^ 


DICTIONNAIRE 


DES  HÉRÉSIES, 

m  MEURS  ET  DES  SCHISMES. 


PARIS. — TYPOtiRAPUlE  DL  COSSON,  RUE  DU  FOUR-S.U!<T  -GEHHAIN,  47. 


1 


DICTIONNAIRE 

DES  HÉRÉSIES, 

DES  ERREURS  ET  BES  SCHISMES, 

MÉMOIRES 

Pour  ieni[  à  l'hiitare 

DES  ÉGÀREMËNS  UË  L'£SPR1T  HDMAIN 

PAR  RAPronT  A  LA  iiËUciaN  cun£Tl£^'^&. 

TOME  SECOND. 

PAH    V,   DE  PBRRODIL. 


MIS, 

A.  KOÏER,   lïDlTEtK, 

Ml ,  pUce  du  rdau-HuiiL 


ihnnnfOoHMsUbniT 
Bowto  Coileclloa 

LSiy*r^    Hn,  t  R  El  ■:-«=<> 


I 


MÉMOIRES 


POUB  SEBV1B  A  L'HJSTOIHB 


DES  ÉGAREMENS 

DE  L'ESPRIT  HUMADl 

PAR  RAPPORT  A  LA  RELIGION  CHRÉTIENNE. 


JACOBEL.  Vi.f/«HiBsiTES. 

JACOBITES,  Kuiychiens  on  Monopbyihn  de  Sjrîe,  aiosi  i^  ' 
jieli'S  du  Dom  d'un  fnaieui  Eutjaliien  nommé  Jacques  BandéeoB 
A^atah,  qui  ressuscita,  pour  aiDEÎ  dire,  l'Euljrchiairisme,  pres- 
qu'éteint  ptr  le  concile  de  Clialcédoioe ,  par  les  lois  des  empe- 
reurs et  par  les  divisions  des  EutjchîeDs. 

L'élection  des  éviques  et  leurs  disputes  sur  la  religion  avaient 
purtag^  les  Eutycbiens  en  une  îutinilé  de  petites  sectes  qui  se  dé- 
clilraieul;  ils  élaioDl  d'ailleurs  sans  pasteurs,  sans  lïrèques,  et 
l>*s  chefs  de  ce  parti,  rcn fermés  dans  des  prisons,  prévoyaient 
<|iie  c'iîtait  fait  de  l'Eulychianistne  s'ils  n'ordonnaient  un  pi- 
iri^irclie  qui  réunit  les  Eutychiensel  soutint  leur  courage  au  mi- 
lieu des  malheurs  dont  ils  étaient  accables. 

Sévère ,  pulriarche  d'Autioche,  et  les  éféques  opposés  comme 
Itii  au  concile  de  Chalcédoine ,  choisirentpour  cela  Jacques  Bara 
di'e  ou  Zuntale,  l'ordonnèrent  évéqiie  d'Ëdesse,  et  lui  confùrÈPcnl 
Il  dignité  de  uiétropoliUiD  (ceaménique. 

Jacques  était  un  moine  simple  et  ignorant,  maisbrûlanldexËlei 

a  qui  crut  pou-roir  compenser,  par  son  aclivilÉ  ei  par  l'auBtérit*.  J 

il.  1 


"^  '     DICTIONMmE 

DES  HÉRÉSIES, 

IIES  ERREIRS  ET  DES  SOltiMS, 
MÉMOIRES 

ponrurrilr  *l1ilsu>1re 

DES  KGARE.MKNS  DE  LESI'RIT  IKWkVs 

rui  auniti  a  u  riuji.iiik  i:ti]iCTi[.vM:. 

TOMB  SKCÛlW. 

Var  %.  «F  PKnttODIL. 


l'AllIS, 

A.   IIOYER.    ÉDlTKrH, 


■  \ 


DICTIONNAIRE 

DES  HÉRÉSIES, 

m  MEURS  ET  DES  SCHISMES. 


PARIS. — TYPOURAPUIE  DE  COSSON,  RUE  DU  FOUR-S.UNT  -liEIlMAlN,  47. 


■  JAC  S 

parce  qu'elle  l'avaîi  absorbée ,  et  qu'elles  «'éiai^nt  confondues  eu 
une  seule  subslance,  devaieut  naiurelleinetii  supposer  que  ce 
tnème  principe  d'unioa  avait  iieii  par  rapport  tu  pain  et  nu  vin 
dans  l'eucliarkElie  ;  ils  devaient  expliquer  ces  paroles  de  la  con- 
sécralioD,  Ceci  ett  mon  enfpi,  comme  ils  expliqualitnt  cuIIk  de 
saint  Jean,  Le  Verbe  a  ité  {ail  chair,  le  Verbe  a  éSé  [ait  Aoninie:  or, 
ce  sens  est  liieu  différeui  de  rimpinution ,  puisque  dans  rimpa- 
nation  on  suppose  que  le  pain  reeie  ,  apris  la  consécration ,  tel 
qu'il  était  auparavant. 

Lorsque  les  Honophjsit^s  ou  JacoLites  ont  reconnu  qu'en  effet 
la  nature  divine  et  b  nature  humaine  n'étaient  point  conrondups , 
mais  qu'elles  étalent  disiinctes  quoique  unies,  ils  n'ont  point 
pen&é  que  le  piiîn  fût  conrondu  avec  lu  personne  de  Jésus-Cbrist  ; 
ils  ont  pensé  qu'il  lui  était  uni  personnellement ,  mais  en  deve- 
nant le  corps  de  JésuE-Clirisl  dans  le  sens  dans  lequel  Jésns-Chritt 
l'ataii  dit,  et  que  les  paroles  de  lu  consécration  oITrenl,  ce  qui 
n'est  pas  contraire  au  dogme  de  la  transiubslantiatiou  :  rien  n'o- 
bligeait les  Jacobiles  de  s'écarter  du  sens  des  catholiques  et  de 
recourir  au  dogme  de  l'impanaiion. 

Je  di&  de  plut  que ,  quand  les  Jacobites  seraient  dans  les  prin- 
cipes de  V\m[ianatian ,  on  ne  pourrait  dire  que  les  Jacoliîtes  soient 
les  premiers  auteurs  du  dogme  de  In  Iransaiibslantialion ,  et  qu'on 
soit  passé  de  la  croyance  de  l'impanatioD  ï  la  crojance  de  U 
innssnbsian  lia  lion. 

L'iupanalion  conduisait  plus  naturellement  au  sens  figuré  de 
Calvin  et  k  nier  la  présence  réelle  qu'A  reconnaître  la  transsub- 
stantiation, qui  est  une  suite  de  la  pr<>sence  réelle.  Ce  n'est  donc 
point  dans  la  croyance  des  Uonophysites  que  le  dogme  de  la 
trans5ul>staniiation  a  pris  naissance ,  comme  le  pn^iend  M,  de  la 

Les  Jacobiles  élisent  leur  patriarche ,  qui ,  après  son  élection , 
obtieut  des  princes  dans  l'empire  desquels  il  se  trouve  un  di- 
plôme qui  le  confirme  dans  l'exercice  de  sa  dignité  et  qui  oblige 
tous  les  Jacobiles  i  lui  obéit  ' . 

U  s'est  élevé  de  temps  en  tem|is  des  schismes  parmi  les  Jaco- 
biles ,  souvent  sur  l'élection  des  patriarches ,  quelquefois  sur  la 
liturgie  :  le  plus  cansidéralde  est  celui  qui  a  divisé  le  paLriar 
d'Alexandrie  de  celui  d'Anliocbe.  La  cause  de  eu  schisme  Tul  que 

*  AHcman,  Bibl.  or.,  t.  S.  DisserU  de  Uonopby«t.,  art  S. 


6  JAG 

dans  rÉglite  cl*Antioche  ob  mêlait  de  Thuile  et  du  ael  dam  I0 
pain  de  Teucharistie  :  on  trooTe  dans  les  liturgies  orientales  éê 
M.  Renaudot  et  dans  M.  Asseman  les  rites  des  Jacobites. 

11  y.  a  parmi  les  Jacobites  beaucoup  de  moines  :  les  uns  mmI 
réunis ,  les  autres  vivent  séparés  dans  des  cellules  et  dans  des  dé» 
serts,  ou  habitent  sur  des  colonnes,  d*où  ils  sont  appelés  stjlilM  ; 
les  supérieurs  de  tous  ces  monastères  sont  soumis  aux  évèquee. 

Les  gouverneurs  des  provinces  ne  donnent  pas  gratuitement  to 
diplôme  des  patriarches ,  et  leur  avarice  rend  les  dépositioDS  dft 
patriarches  très-fréquentes  ^. 

Les  Jacobites  ont  beaucoup  de  jeûnes ,  et  les  jeûnes  chei  em 
sont  très-rigoureux  :  ils  ont  le  carême,  le  jeûne  de  la  Vierge,  le 
jeûne  des  Apôtres ,  le  jeûne  de  Noël ,  le  jeûne  des  Ninivites,  et  ces 
jeûnes  durent  chacun  plusieurs  semaines  ;  de  plus ,  ils  jeûneit» 
toute  Tannée  le  mercredi  et  le  vendredi. 

Pendant  tout  le  carême  aucun  Jacobite  ne  peut  ni  boire  de 
vin ,  ni  manger  de  poisson  ,  ni  se  servir  d^huile  ;  Tinfraction  de 
ces  lois  est  punie  de  Texcommunication  ;  il  n*est  permis  de  mtt- 
ger  ni  lait ,  ni  œufs ,  les  vendredis  et  les  mercredis. 

Ils  font  consister  presque  toute  la  perfection  de  FÉvangiledans 
Taustérité  de  ces  jeûnes ,  qu'ils  poussent  k  des  excès  incrojables  : 
on  en  a  vu  qui ,  pendant  beaucoup  d'années ,  ne  vivaient  dorant 
tout  le  carême  que  de  feuilles  d'olivier  K 

Les  hommes  qui  se  dévouent  à  ces  austérités  et  qui  ont  des 
mœurs  si  pures  mourraient  plutôt  que  de  recevoir  le  concile  de 
Ghalcédoine,  et  n'ont  cependant  point  une  foi  différente  de  celle 
que  ce  concile  propose. 

Les  Jacobites  ont  donné  de  grands  hommes ,  des  historiens,  des 
philosophes,  des  théologiens.  Les  plus  éclairés  ont  été  les  plus 
disposés  k  la  réunion  avec  l'Église  romaine  :  communément  ils  se 
sont  beaucoup  moins  occupés  à  s'éclairer  qu'il  inventer  des  pra- 
tiques de  dévotion  et  à  trouver  dans  ces  pratiques  des  allusions 
pieuses  ou  des  sens  cachés ,  comme  on  le  voit  par  ce  que  M.  As- 
seman nous  a  donné  de  leurs  ouvrages  '. 

La  secte  des  Jacobites  n'a  point  été  aussi  florissante  et  aussi 
étendue  que  celle  des  Nestoriens  ;  il  y  a  eu  des  rois  nestoriens, 

^  Asseman,  ibîd. 

2  La  Crozc,  Christ  d*Ëthiopie. 

*  Asscmaoy  Bibl.  oriepit»,  t.  2t 


* 


JAN 


«t  îl  d'v  a  poiut  eu  de  rois  jacoliites  ;  on  croit  que  ccUe  secte  ua 
compte  pas  aujourd'hui  plus  île  ciii(|uanle  familles  '. 

Quelques  auleurs,  lelsque  Jacques  de  Vilri  et  Willebranti, 
appvlleut  Jacobins  les  personnes  de  la  secte  que  nous  venons  da 
(léurlre  *. 

Outre  tes  auteurs  que  nous  ayons  elles  sur  les  Jacobilea,  on 
peut  consulter  M.  Simon  et  les  auteurs  que  nous  avons  eild«  à 
l'article  CorHTES  '. 

JANSÉNISME,  système  erroné  de  Jansénius.  Yoyti  l'ariicU 

JANSÉWItStCornéiius),  évèque  U^pres. 

JVof/rt  lur  sa  tie. 

Ce  prélat ,  dont  on  a  tant  parlé  aprèi  sa  mort  h  caas«  des  er^ 
leurs  qu'il  ;iTail  répandues  dans  quelques-uns  de  ses  ouvrages , 
spécialement  dans  le  livre  inlitulË  Auguilitiui ,  vint  lU  monde  le 
Û  octobre  1683,  t  Accoy,  villagQ  du  comté  de  Lecrdum  ,  en 
Hollande.  Ses  parens ,  Jmn  Olhf  «t  Lynije  tiinArrt ,  sKisant  pn 
fortuné»,  mais  gens  de  bien  et  surtout  reeoiuniBDdflbles  par  leur 
atlachenieni  à  la  ralii^ian  cailioliqoe ,  apercevant  en  lui ,  d(«  son 
«nfance,  une  grande  emie  de  s'iuitruire  ,  des  dispotitions  pont 
J'élude,  et  espérant  de  le  voir  entrer  un  jour  dans  l'état  eeelésia»-  J 
iique ,  l'envoyèrent  à  Leerdam ,  oil  il  apprit  les  élémens  de  la  J 
grammaire,  ensuite  i  Ulrecbt,  oA  il  fit  ses  bumaDilés,  de  lA  h  ( 
Lonvain ,  oii ,  aidé  des  secours  que  lui  fournissaii  an  jeune   ' 
boDime  Tort  riche,  il  éindia  d'abord  en  rhétorique  chec  les  Jésuites, 
puis  en  philosophie  dans  un  autre  collège.  Ce  fut  dans  ce  dernier 
cours  qu'il  montra  une  aptitude  singulière  pour  les  soirnoes  ab»- 
iraites  ;   il  j  brilla  tellement  qu'k  la  fin  il  emporta  le  premiei 
rang  entre  les  maîtres  ès  arts  de  M)  promution. 
Ce  luccés  lur  valut  une  place  dans  le  collège  Adrien.  JacqnM  J 
1    Janton  ,  qui  en  était  piincipal ,  ayant  reinnrqué  dane  eet  élève  dei  ' 
^,|ai}grés  distingués  eu  théologie ,  de  l'aiiplicalion  et  un  grand  dé-    ' 
^ÊêÊ)  àe  te  aignal«r,  s'attacha  k  lui  et  conduisit  ses  études  avee  un 
^Kria  particulier.  Ce  fut  Ik  que  Jansénius  remontra  Duver};er  de 

^      t  AsueDinii,  BibL  o< 

I        '  Jacques  de  Vilr),  IlisL  d< 

lem>Sninle. 
I         '  La  crojalioc  et  la  meurs  ds*  Dallons  ilu  tevant,  par  Moni. 


le  Jérusalem.  Willebrand,  Itinéraire  (le  la 


8  JAN 

Hauranne ,  si  connu  dans  la  suite  sous  le  nom  d*abbé  de  Saint- 
Cyran ,  et  qu'il  se  lia  avec  lui  d'une  amitié  qui  fut  aussi  étroite 
que  constante.  Pensées ,  sentimens ,  desseins ,  travail ,  erreurs , 
tout  devint  commun  entre  eux.  Janson^  leur  maître,  très-engoué 
des  opinions  de  Baîus ,  quoique  déjà  condamnées  deux  fois  par  le 
saint  Siège ,  les  inspira  à  ces  deux  étudians  ^  ;  et  jamais ,  dit  un 
historien ,  leçons  ne  furent  reçues  avec  plus  de  docilité  ni  mieux 
gravées  dans  le  cœur.  On  pourrait  ajouter  que  jamais  élèves  ne 
montrèrent  plus  d'ardeur  à  soutenir  et  à  répandre  la  doctrine  de 
leur  maître. 

Cependant ,  la  santé  de  Jansénius  s'étant  altérée  à  force  d*ap- 
plication  et  de  travail ,  on  lui  conseilla  de  changer  d'air.  Duver- 
ger  le  plaça  d'abord  à  Paris ,  chez  un  conseiller  au  parlement ,  en 
qualité  de  précepteur ,  et  quelques  années  après  ,  il  l'emmena  à 
Bayonne ,  sa  patrie ,  où  Jansénius  fut  fait  principal  d'un  collège 
nouvellement  érigé  dans  cette  ville.  Là,  ces  deux  intimes  se  livrè- 
rent avec  un  zèle  presque  incroyable  à  l'étude  des  Pères ,  surtout 
de  saint  Augustin ,  dans  l'intention  et  avec  l'espérance  d'y  trou- 
ver des  armes  pour  défendre  d'une  manière  triomphante  la  doc- 
trine que  Janson  leur  avait  donnée  pour  les  vrais  sentimens  du 
docteur  de  la  grâce.  11  est  aisé  de  s'imaginer  combien  une  pareille 
disposition  dut  leur  faire  prendre  facilement  le  change  et  les  éloi- 
gner de  la  vérité.  Aussi ,  ce  fut  là ,  et  au  milieu  de  ces  lectures 
influencées  par  le  préjugé ,  que  Jansénius ,  secondé  par  son  ami 
et  vivement  pressé  par  ses  sollicitations ,  posa  les  fondemens  du 
système  qu'il  développa  dans  son  trop  fameux  Augustinus, 

Après  un  séjour  d'environ  dix  ans  en  France,  Jansénius  re- 
tourna à  Louvain ,  où  Janson ,  qui  avait  sur  lui  des  vues  particu- 
lières ,  comme  nous  le  dirons  bientôt ,  le  reçut  à  bras  ouverts  et 
lui  procura  la  principalité  du  collège  de  Sainte-Pulchérie ,  ét:i- 
biissement  qu'on  venait  de  fonder  à  Louvain  pour  y  élever  des 
théologiens  destinés  à  la  défense  de  la  foi.  Les  soins  que  lui  im- 

^  Fdler  prétend  que  ce  docteur  soutint  dans  la  suite  des  thèses  pu- 
bliques diamétralement  opposées  à  ces  erreurs.  Ce  serait  une  preuve  de 
son  retour  à  Torthodoxic  et  à  la  soumission  due  à  TÉglisc  ;  mais  ce  re- 
tour a  dû  être  tardif,  car  nous  avons  pour  garans  le  père  Duchesne, 
Hist.  du  Balan.;  Ducreux,  Siècles  chrétiens;  Toornely,  De  gratîA 
Christ.;  d*Âvrigny,  Mémdies  chronol.  ctdogroat.;Bergier,  Dict.  tbéo- 
log.y  qui  disent  que  ce  fut     on  école  que  Jansénius  puisa  ses  erreurs. 


JAN  9 

po&aii  celte  place  n'alisotbèreni  pas  tout  son  temps ,  il  pa  employa 
Ue  partie  h  cultiver  la  Uiéologie,  maie  mds  perdre  de  vue  sok 
cher  Àtigiatiaiu, 

En  1619  il  fut  promu  su  doctorat,  quoiqu'il  n'eût  pas  corn- 
plilé  les  années  d'études  ihéotogiques  prescrites  par  les  statuts  de 
la  Faculté,  mais  par  suite  d'une  dispense  honorable  que  sou  profes- 
seur lui  avait  obtenue  do  gou^emeur  des  Pa;s-Bas.  Nous  ne  par- 
lerons pas  ici  de  deux  vu;a|;es  qu'il  Bt  ^n  Espagne  de  la  part  de 
l'OniTersilâ,  pour  ea  soutenir  les  intérêts  i  la  coor  de  Madrid 
contre  les  Jésuites  ,  je  veux  dire  pour  empêcher  que  les  le';ons  de 
philosophie  et  de  théologie  remues  chez  ces  Pères  pussent  serrïr 
i  prendre  les  degrés  de  ces  facultés.  Cens  mission  eut  tout  le  suc- 
cès qu'on  en  espéruit.  Nous  ne  dirons  rien ,  non  plus ,  de  ce  qu'il 
fit  ï  Salamanque  pour  gagner  à  son  parti  les  docteurs  de  celle 
célèbre  Université.  Duchesne  assure,  d'après  Jansëui us  lut^nême 
et  d'autres  monumens,  que  l'ioquisilion ,  informée  de  ses  dè- 
□lari'hes,  allait  le  faire  arrêter  s'il  n'eût  pris  subiti*meut  ta  fuite  '. 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  fut  cependaot  nommé,  en  MÏM,  ï  une 
chaire  rojale  d'Écriture  sainte  ,  el  en  1C36  k  l'éTèchÉ  d'Yprea. 
Il  n'occupa  pas  loog-iemps  ce  si^e ,  puisqu'il  niourui  de  la  peste   < 
le  G  mat  1638,  tgè  d'environ  cinquante- trois  ans. 

On  a  de  lui  des  «iminenMir«  sur  quelques  parties  de  l'Ëiri- 
lure  sniule ,  estimés  ,  et  que  Feller  trouve  pleins  d'érudition  et 
Écrits  avec  uetleté,  Quelques  auteurs  prélendeut  que  son  Hari 
galtica*  ,  diatribe  viruleuie  contre  nos  rois ,  fut  surtout  ce  qui  lui 
gïgna  les  bonnes  grïces  de  la  cour  d'Espagne  et  lui  valut  sa  no- 
mination il  l'évéché  d'Vpres.  On  a  aussi  ses  letlresï  Duvergerde 
Uauranne,  imprimées  t  Louvain,  1651,  sous  ce  litre:  ffaJMsn» 
du  Jttnttnitau  déctnmerîe ,  ou  Leliret  de  Janiénmi  à  l'abbé  de  Saint- 
Cura» ,  depuit  1617  jutqa'en  1633.  Uais  l'ouvrage  de  cet  eut 
<;ii'il  entre  dans  le  plan  de  ce  Dictionnaire  de  faire  particulière-  , 
l'^eol  connaître  i  cause  des  erreurs  qu'il  contient  et  des  grandel  I 
isputesqu'ila  occasionées  dausI'Ëglise,  c'est  V Anguittaut. 


l'tutin  de  Jitnténiu»  dans  ce  livre, 
peniail  quetqiiefoU  lui-mtme,  » 


i(  à  cet  égard ,  re  qn'll 
OH  taint&Uge. 


Bafus,  qui  avait  passé  une  partie  de  sa  vie  dans  l'agitation  et  1 
>  IliiLdu  Balanisme,  I.  A,  p,  31Ï  et  suit.,  Cdit.  de  Douai,  at-br. 


10  JAN 

les  dispuleg  ,  tantôt  rétrtoUnt ,  Untôt  renouvelant  tes  erreun  i 
avait  répandu  sa  doctrine  dans  des  écrits  épars ,  sans  ordre,  saM 
liaison  et  sans  suite.  Jacques  Janson ,  son  élève  et  son  disciple , 
sentit  qu'un  ouvrage  où  tous  les  points  de  cette  doctrine  iérateDt 
rassemblés ,  liés,  et  formeraient  un  système  bien  cottdnU ,  bleni 
soutenu  ,  la  présenterait  sous  un  tout  autre  jour  >  et  y  gagnemil 
plus  sûrement  des  partisans.  Mais  n*ayant  pas  le  loisir  de  blllr 
lui-même  un  ouvrage  de  cette  nature,  lequel  demandait,  outre  des 
talens  rares,  une  étude  profonde  et  un  travail  immense,  il  jeta  les 
yeux  sur  Jansénius  «  son  élève ,  et  qui ,  comme  nous  TaTOns  dit , 
partageait  ses  senti  mens.  Janson  ne  pouvait  s'adresser  mlem. 
«  Esprit  subtil  et  pénétrant  ;  talent  d'embrasser  un  grand  sujet»  de 
»  l'envisager  dans  tous  ses  rapports  et  d'en  distinguer  habile* 
»  ment  toutes  les  parties,  pour  mettre  chacune  à  sa  place  ;  con* 
»  naissance  détaillée  des  opinions  qu'il  fallait  établir  et  de  celles 
»  qu'il  fallait  combattre;  habitude  de  méditer  sur  ces  objets, 
>  de  les  creuser  ,  de  les  considérer  dans  leurs  principes  et  dans 
»  leurs  conséquences  les  plus  éloignées  ;  application  constante , 
»  infatigable,  qui  savait  aplanir  ou  surmonter  toutes  les  difficultés; 
»  netteté  dans  les  idées,  facilité  dans  le  style  ;  en  un  mot,  la  réu- 
»  nion  de  tout^  les  qualités  nécessaires  au  succès  ^  >  d'un  ou- 
vrage difficile  et  de  longue  haleine  :  voilà  ce  que  Janson  rencon- 
tra dans  Jansénius ,  et  ce  qui  détermina  son  choix. 

Jansénius  se  chargea  volontiers  de  l'entreprise ,  et  il  8*y  livra, 
pendant  vingt  ans,  avec  une  ardeur  qu'on  a  peine  à  concevoir.  Si 
on  l'en  croit  sur  parole,  afin  de  mieux  en  pénétrer  les  sentlmensei 
la  doctrine,  il  avait  lu  plus  de  dix  fois  toutes  les  œuvres  du  célè- 
bre évèque  d'Hippooe ,  et  environ  trente  fois  ses  traités  contre  les 
Pélagiens' ,  merveille,  si  l'on  peut  parler  ainsi,  que  firent  sonner 

*  Siècles  chrétiens,  t.  9,  p.  64  et  suiv. 

s  Synopsis  vits  Jansen.,  à  la  tête  de  l'Âugustinus.  Il  était  de  mode 
en  ce  temps-là,  cbet  les  novateurs,  de  se  flatter  d'avoir  bien  étudié  les 
ouvrages  du  saint  docteur  de  la  grâce.  Batus  disait  les  avoh*  lus  neuf 
fois.  Avant  lui,  Calvin  se  vantait  d'en  connaître  parfaitement  l'esprit  ei 
la  doctrine.  Les  sectateurs  de  Luther  avaient  aussi  dicté  la  leçon  aux 
Jansénistes,  en  ftibant  honneur  à  leur  maître  d*avofr  rendu,  en  quel- 
que sorte,  la  vie  à  saint  Augustin  et  en  accusant  les  théologiens  ortho- 
doxes de  ne  pas  connaître  ce  père,  même  de  ne  l'avoir  pas  lu. 

Voyez  Hist.  du  Baïaa,  L  2.  De  bsresi  jansenianà»  11b.  3,  disp.  i, 
cap.  2. 


bt«Dl>aulB«gdiirnn 


JAN  11 

tieaitUcipIn  ;  naîi  merveille  qu'on  croîn 
rii|ipelle  \e»  occupa  lions  divergentes  et 
avliipli^B  que  durent  lui  dunner  lei  ronciioos  dont  il  se  trouvi 
eMtÎDuellenieot  chargé  ,  ses  diEFérens  loyagei  en  Espagne  ei  en 
FftBM ,  l«  rainiiière  de  la  parole  qu'il  eisr<,4ii  fréquemmenl  ea 
tbaire,  ma  études  théologiques ,  les  écrita  qu'il  composa  sur  di~ 
TV»  obj«ta  el  spécialeoient  sur  l'Ëcrilure  sainte  ,  la  lecture  dtrs 
antrei  Pères  de  l'Eglise,  turlom  de  ceui  qui  ont  vécu  entre  Ori- 
gèae  el  taini  AugusUa,  dont  il  parlait  si  mal  *  ,  la  rAdacliou  Ubo- 
neuse  el  pleine  de  discuisioiis  du  livre  dont  noua  parlons  ;  lea 
MtfUTemena  qu'il  se  donna,  de  concert  avei^  Duverger,  pour  ména- 
gM  k  ce  livre  un  accueil  favorable  et  de  nombreux  partisans,  etc. 
Oitoi  qu'il  en  soit ,  il  eonnajaiait  au  moins  aussi  liien  les  produc- 
tions ténébreuses  des  bérâliques  du  XVI'  el  (lu  XVII-  sièrie.  C'est 
M  que  déiiiuntrenl  las  plagiats  multipliés  qu'un  lui  a  n>procliiti 
d'y  avoir  taiis.  Kn  effet ,  le  P.  Déoliamps  prouve,  dans  son  excel- 
lent traité  D«  harrti  jnuteniaita,  que  ce  Tut  dans  ces  sourcfs  em- 
poisonnées que  iauséniua  poisa  tout  eu  qu'il  annonijait  comme  de<  i 
déconveries  jusqu'alora  inconnuei ,  la  plus  grande  partie  de  «es 
Mtertiona  kélérôdoxes ,  le*  preuves  dont  il  les  appuyait ,  les  ré- 
ponses qu'iV  ftiiaail  aux  ohi«cltona  conirairei  it  »on  système  *. 

Dupin  prétend  que Jaiitéuiu^  tairtpT'il  l',4iipiiMiNu  jiiHir  déffit' 
dre  la  doelrist  île*  cgu*um  drt  faeull/t  d»  Ik^lugU^  daLaet'ain  et 
de  Douai ,  contre  In  AriU  dtt  profktseurt  jAiiUt,  et  douê  le  def- 
efîH  de  comàaim  In  iritliaieiu  de*  Scolaitiquei  qu'il  erageU  op- 
pctfy  à  i-fux  de  Mil»  ÀuiitMin  mr  la  ijrdee  et  la  préititmatioa  '. 
^^  îioua  ne  nierons  point  ce  fait,  avoué  [tar  l'alibé  du  Horgues 


it  ces  rares  inlermediiiirM.  surtout  Ici  Grecs,  d'£lre  InlectA   I 


>  Rien  de  plus  plaisant  que  ce  nnc  ruconle  ce  Père,  dans  le  cliap.  3, 
'.  I,  deceIrailË.  Un  deses  amis,  partisan  dlslingué des  opinions uou- 
u  llu*  et  qui  connaissait  paKnitcmcnl  I  Angiistinus,  tlanl  arriTé  cliei 
lui,  eut  occasion  d'y  parcourir  avec  soin  un  outrege  de  Dumoulin  sur 
la  grtee  et  le  libre  arbitre  ;  il  j  trouva  tant  de  rapports  dans  lus  senli- 
■CMs,  deni  lï*  eipres^ons  ef  de  loole  manière,  qu'il  soutint  avec  che- 
Itarquecelteprnduclion  du  ministre  calviiiiïtt^impriméevingt  ans  avant 
le  Ihre  île  Jantiiiins,  n'en  Ëluit  qu'un  aliréeA  tout  rfcemmenl  mis  au 
)»ar,  el  on  ne  put  le  dbiuader  qu'i;ii  lui  mtllanl  iloiaullcs  yeiu  Icli- 
brquî  se  trouvait  stpar^  derauiiaye. 

•lUsl.  cciIWiil.duilia-aepliÈineHjtl,'. 


^^ 


<2  JAN 

reconnu,  en  quelque  sorte ,  par  la  faculté  de  théologie  de  Douai , 
du  moins  quant  aux  censures  dont  il  s*agit ,  et  cet  aveu  de  notre 
part  confirme  plutôt  qu*il  n*infirme  ce  que  nous  avons  avancé  tou- 
chant le  dessein  du  docteur  de  Louyain.  Mais  ce  qui  montre  en- 
core mieux  le  but  de  Jansénius  de  faire  revivre  le  Baïanisme  tout 
pur,  c'est  1*  un  manuscrit  de  sa  main ,  que  Ton  conservait  à  Lou- 
vain ,  et  qui  fut  cité  dans  le  procès  de  Pasquier  Quesnel.  Ce  ma- 
nuscrit, queDuchesne  assure  avoir  lu  en  entier,  commençait  ainsi: 
Ad  excmandoi  apophases  niagiitri  noitri  MichaelU  »  c*esl^-dire  » 
pour  excuser  ou  défendre  les  ientimem  ou  les  propoiitiont  de  notre 
mailre  Michel  *  ;  2»  le  titre  qu*il  avait  d'abord  donné  à  son  livre  : 
selon  quelques  écrivains  ,  dit  Toumely  * ,  il  Tavait  en  premier 
lieu  intitulé  Apologie  de  Batus  ;  mais  la  crainte  d'irriter  le  saint 
Siège  et  de  s'attirer  par  cela  seul  une  foule  de  contradicteurs  el 
d'ennemis  l'engagea  à  changer  ce  titre  insolent  en  un  autre 
guère  plus  modeste  et  beaucoup  plus  captieux  ,  c'est  celui  qu'on 
lit  aujourd'hui  ;  3*  la  doctrine  qu'il  enseigne  dans  l'Aic^iM/tiitM.  Le 
théologien  que  nous  venons  de  citer  rapporte  onze  propositions 
de  Baîus  que  Jansénius  renouvelle  :  les  unes  regardent  la  liberté, 
d'autres  la  possibilité  des  commandemens  de  Dieu,  quelques-unes 
les  œuvres  des  infidèles,  et  dans  le  reste  il  traite  de  Tétat  de  pure 
nature  '.  Mais  Duchesne ,  dans  le  parallèle  qu'il  fait  des  erreurs 
de  ces  deux  novateurs,  démontre  qu'il  y  a  entre  la  doctrine  de  l'un 
et  de  l'autre  une  conformité  si  parfaite,  qu'on  peut  dire  que  celle 
de  Tévéque  d'Ypres  est  comme  la  glose  qui  suit  la  lettre  de  la 
doctrine  du  chancelier  de  l'Université  de  Lonvain. 

Quoique  notre  théologien  n'ignorât  pas  que  ses  sentimens 
avaient  été  condamnés  d'avance ,  en  grande  partie/par  Pie  V  et 
Grégoire  XHl,  il  était  néanmoins  tellement  affectionné  à  son  en- 
treprise, au  rapport  de  Libert  Fromont,  un  de  ses  meilleurs  amis, 
qu'il  se  croyait  né  uniquement  pour  elle ,  et  qu'il  consentait  de 
grand  cœur  à  mourir  aussitôt  qu'il  l'aurait  achevée  *.  Cependrint 
il  chancelait  ou  craignait  quelquefois.  Plut  J'avance ,  écrivaitrii  à 
Sainl-Cyran,  plus  l'affaire  me  donne  de  ftayeur.,.  Je  n'ose  dire  ce 
que  je  pense  touchant  la  prédestination  el  la  grâce,  de  peur  qu'avant 

'  Hist.  du  Baîan.,  1.  Â. 

2  De  grat.  Christ.,  1. 1,  p.  335. 

^  Ibid.,  p.  33 L  et  seq. 

*  Synops.  vit  Jansen« 


JAN  1B 

^vtlontieioHprilft  menri,  if  »r  m'utrU-e  et  qui  esi  arrWd  à  d'an- 
tra  ,  ■.*'esi-!i-dire,  d'ilte  conitamné...  tl  avoue  qar  ti  ta  dofirine 
praeitàélre  éi'eaUe,  il  paiurail puur  uit  homme  en  diTireel  un  franc 
rtneuT...  Il  déclare  qu'il  n'atpire  plut  ù  aucune  digniW  araitém  - 
^at,  par  la  crainte  que,  «'iJ  iui  arrivait  de  produire  tet  wntimeiu , 
il  nt  révollit  contre  lui  tout  te  monde...  Il  priWoîi  que  le»  décou- 
rertesqu'ila  Culles  dans  Mini  Augiuiin  eaateroni  un  grand  ^lan- 
afnunU...  W  fera  tntorle  que  ton  livre  ne  paraîtra  qu'aprtt  ta  mori, 
afin  de  ne  point  iespoierù  voir  le  reile  de  tet  Jouri  t' écouler  dauM 
l'agilaliaii  et  le  trouble...  Eoûo,  jamait  on  ne  pourra  Ui  pertuader 
que  l'ÂugUBliiius  tait  uajour  approuvé  tet  Juge*  ;  mais  il  tinil  par 
*Vi)  consoler,  le  pouvoir  Iramontain  étant,  diuii-il,  ce  que  j'ettime 

I  ta  moindre  clwie  '.  Ainsi  parlait  l'iio  m  me  du  monde  qui  cherchait 
^lérilé  atvc  le  plus  d'ardeur  ei  de  franvhUc  ,  un  des  plus  sainU 
•1  un  des  plus  savant  prélats  qu'ail  eus  l'Eglise,  au  dire  du  parti. 
Jiaiénïus  tient  quelquero'u  un  autre  langage  dans  ton  Tameux 
MTTige:  rien  de  plus  éditiaDt  et  do  plus  respectueux  envers  le 
Hint  SiËge  que  la  déclarjtion  insérée  dans  le  livre  préli 
Mji.  20,  n°  i,  et  dans  la  conclusion  de  tout  l'ouvrage  '.  11  renou- 
vela M  soumission,  dans  son  testament,  onedciui-lieure  avant 
mort.  U^jï  <iiie){(ues  jours  auparavant  il  avait  écrit  en  ces  lern 
ù  l'rba'tn  VIU  :  •  le  me  Iromiic  asEurcmeot,  si  bpluparl 

•  qui  s/sont  appliqui^  i  pénétrer  les  senliniens  de  suint  AugeU^ 
1  lin  nescsoNtélmngenienl  mëiiris  eux-mêmes.  Si  je  parle  selon 
■  la  vérité  ou  si  je  me  trompe  dans  mes  conjectures  ,  c'est  ue  <jiie 
>  fera  connatlre  cette  pierre  ,  l'unique  qui  doive  nous  servir  de 

•  pierre  de  touche ,  contre  laquelle  se  brise  tout  ce  qui  n'a  qu'un 

•  vain  éclat  sans  avoir  lasolidité  de  la  vérité.  Quelle  chaire  coa> 

•  sulierons-noua ,  «inoo  celle  oli  la  perfidie  n*a  point  iI*acuÈt 

•  A  quel  juge  enfin  nous  en  rapporterons-nous, 'sinon  au  lieulc^^ 
g  lUDt  de  relui  >iui  est  la  voie,  la  vérité  etla  vie,  dont  U  conduits 

>t  i  couvert  de  l'erreur ,  bien  ne  permettant  jamais  qu'on  su 

rompe  en  suivant  les  pas  de  son  vicaire  en  terre!...  Ainsi,  tout 

«  que  j'ai  pensé,  dit  ou  écrit  dans  ce  labyrinthe  hérissé  dedls- 

■buIcs,  pnur  découvrir  les  véritables  eentimens  de  ce  maître  très- 

Bprofond  ,  Cl  par  ses  écrits ,  el  par  les  autres  oionumcos  de  VEr 


iiou- 


t  Voge:  HiiL  du  Baian.,  I.  i;  i 
hjM  et  seq. 
1 1  Vogtt  le»  mCma. 


Tourne)]!,  De  grol.  Clirlst., 


M 


14  JAN 

»  gliseromaine,  jerapporteauxpiedsdeTOtreSaînteté,  approQTant, 
»  improuYaDt,rétraetant,  selon  qu*il  me  sera  prescrit  par  cette  voii 
»  de  tonnerre  qui  sort  delà  nue  du  Siège  apostolique*.  » 

Il  serait  difficile  de  concilier  de  si  beaux  sentimens  envers  le 
chef  de  TÉglise  avec  oe  que  Tauteur  écrivait  à  Saint-Cyran,  et 
même  avec  ee  qu^il  dit  quelque  part  dans  son  AugusHnus  ^,  tou- 
chant la  même  autorité  »  si  Ton  ne  savait,  d*après  une  expérience 
constante,  que  les  novateurs  ont,  au  besoin,  deux  langages  diffé- 
rens  :  un  pour  leurs  intimes  et  leurs  affidés,  qui  est  la  vraie  pensée 
de  leur  cœur  ;  et  un  tout  contraire  pour  le  public ,  ou  pour  ceux 
qu*ils  redoutent ,  et  celui-ci  n*est  que  Texpression  de  la  politique 
et  du  déguisement.  Mais  puisque  ce  théologien  est  mort  dans  la  com- 
munion catholique,  et  avec  les  sentimens,  du  moins  à  Textérieur, 
d*un  enfant  de  TËglise  envers  celui  qui  en  est  le  chef  visible,  «  on 

•  doit  croire ,  dit  M.  Tabbé  Ducreux  ,  que  ,  s*il  eût  survécu  k  la 
»  publication  de  son  livre  ,  il  eût  souscrit  tout  le  premier  aux  dé- 

•  cisions  des  souverains  pontifes  qui  Font  condamné  dans  la 
»  suite  •. 

SitHème  êê  JamUntM^  ei  hêuon  dê$  propêtiUmu  emidammét» 

ëvecee  tifitéme. 

Induit  en  erreur  par  cette  maxime  de  saint  Augustin  :«//  ext  né- 
eesêaire  que  tumsagissiom  conformément  à  ce  qui  nous  plaît  le  plus  *, 
maxime  dont  il  avait  mal  saisi  le  sens  ,  et  que  cependant  il  ne 
cesse  d^apporter  en  preuve  ,  Tévéque  d'Ypres  fonde  toute  sa  doc- 
trine sur  la  délectation  relativement  victorieuse ,  c*est-à-dire  sur 
la  délectation  qui  se  trouve  actuellement  supérieure  en  degrés  à 
celle  qui  y  est  opposée.  Un  savant  nous  donne  une  idée  juste  du 
système  de  ce  prélat  en  le  réduisant  à  ce  point  capital  :  •  Que  , 
»  depuis  la  chute  d'Adam,  le  plaisir  est  Tunique  ressort  qui  re- 
»  mue  le  cœur  de  Thomme;  que  ce  plaisir  est  inévitable  quand  il 

>  vient ,  et  invincible  quand  il  est  venu.  Si  ce  plaisir  est  céleste, 

•  il  porte  à  la  vertu  ;  sHl  est  terrestre ,  il  détermine  au  vice,  et  la 
»  volonté  se  trouve  nécessairement  entraînée  par  celui  des  deux 

>  qui  est  actuellement  le  plus  fort.  Ces  deux  délectationa  ,  dit 

*  Mém.  chronol.  et  dogmatf  t.  Sf  p.  80. 
<  Hist  du  Balan. 

'  Siècles  clirét,  t  9. 

*  Sccuadûm  iil  operemur  necesse  est,  quod  ampliôs  nos  dele«tat« 


I 

I 

I 


JAN  1$ 

>  l'uaieur  i  sont  coainui  l<is  deui  Lassius  il'iiiio  balaoï-e  :  l'un  un 

•  peui  moDier  uns  que  l'uuirii  no  dosceinle.  Aiusî ,  l'Iiuainie  l'tit 

•  iaiiudbloQieiil,  quoique  toIodUi rentrât,  la  bien  ou  le  uibI  ,  «i<- 

•  loa  qu'il  Ht  dominé  jiar  la  grâce  ou  lu  cspiillU  '•  >  Voili ,  ilil 
le  t'.  d'Airignf ,  le  fond  de  l'oufrage  do  Janiiniue  ;  touies  lei 
aulres  parties  ,  spécialement  les  cinq  pruposiliong  condaïuiitSes  , 
qui  renrertneut  cumme  la  quintesseuoe  de  cet  ouvrage  ,  n'eu  soûl 
que  des  suites  el  des  corollaires. 

Aiiui,  U  Tolonlé  de  riiomine  eu  encbtiloée  ,  HtuniM  oéceiui- 
rrmenl  i  la  délecUtion  acLuellemeal  prépoodénute,  c'eil-i-dire, 
i  celle  i(UÎ  se  troure,  daas  l«  moment  déuisif  de  lu  déterui nation, 
supérieure  en  degrés  il  la  duleclaliou  opposée.  Dans  locouUit  des 
deiti  déleciatiouB ,  »'il  y  a  entre  l'une  el  l'autre  un  équilibre  par- 
fait, tu  «olonté.  dans  cette  lijpoUièse  ,  ne  peut  rien  ui  pour  la 
vertu,  ni  pour  le  vice.  Si  la  délei'litîon  terretlre  l'cDipurte  sur 
h  céleste  d'un  seul  degré,  l'homue  fait  alur»  nécetsaireiDCDi  le 
mal  1  et,  le  voDlraire  arrivant ,  il  eiubraise  nécestuiremeul  le  parti 
de  la  vertu. 

Ainsi ,  daiks  ce  ijslinie  ,  il  u'j  a  point  de  grice  suffisante  pco- 
prumrat  dite  ,  c'eai-^-ilice  de  gricc  t^ui ,  sans  se  réduire  à  l'acte 
(parce  qnc  l'homme  j  létUta  «olonUi renient  et  de  son  pro)>re 
l'hoia),  donna  néanmoins  tout  «e  qu'il  but  ntùdiateinenl  ou  im- 
nitïdialeaient  pour  pouruir  Caire  te  bien  et  résister  b  la  concupia» 
ceuce  qui  se  Tari  actueUeuienl  sentir.  Jausénius  rejette  eiprcssé- 
ment  ccLie  urAce  *,  el  efle  nepeul,  non  plus,  se  concilier  avec  sa 
ilociriuf,  uonoie  ou  le  verra  dans  le  raîsounemeat  qui  suivra  la 
deuxième  propos  Jlion  cuuduinnée. 

Ainsi,  quelt/iiei  comnumd'Bitni  dt  bieu  tant  impoitiblri  à  de» 
hammt»  jiitut  qui  veulent  kt  accomplir,  et  qui  {ont,  à  tel  effet,  det 
effort»,  ttlon  le*  force* prétrntei  gu'ilient  ;  et  la  grâce  qui  trt  leur 
rendrait  poniMtt  leur  manque  ',  car  ces  justes  pècbeut  quelque- 

'  Vojei  d'Avrigny,  Mém.  clironol.  CI  dOBOisI.,  t.  î.  p.  79  cl  luiv.; 
Fdin-,  IHcl.  blit.,  nuDiot  JadCni»;  BerK<er,DlcI.  delhéol.,  art.  Jin- 
sintWKi  Tourndj,  Tract,  de^rat.  Clirist.,  t  t,  p.  ï7Jel  seq..  etc. 

•  HInc  ctiara  claret,  cur  Aupistinus  omnem  oraninil  gralÎBm  purt 
sullicliiilem,  live  ante  Ddeffli  slve  etiiun  post  Gdem  aurerat.  Lib.  h.  De 
gral,  Chrin.,  cap.  10. 

*  Aliqaa  Deiprscepta,  hominibutjuitii  volentibus,  etconanllbusM' 
cundùm  pneseotes  quos  habcnt  vires,  mot  iinpoMibilla  i  Ucest  quoqoé 
Ulis  gntia  qua  possibilia  QauU  Preiniire  propotiiien  cutdamuM. 


16  JAN 

fois;  donc  don  la  concupiscence  est  supérieure  en  degrés  à  la 
grâce  ;  donc  ils  sont  entraînés  nécessairement  au  mal  ;  donc  ils 
n*ont  pas  la  gr&ce  nécessaire  pour  pouvoir  faire  le  bien  qui  est 
commandé,  et  éviter  le  mal  qui  est  défendu.  Car  la  petite  grâce 
qu*admet  Jansénius  ne  donne  point  un  pouvoir  relatif ,  mais  ab- 
solu ,  et  qui  n*a  aucun  rapport  à  la  concupiscence  actuellement 
sentie ,  à  laquelle  elle  est  inférieure  :  elle  ne  peut  donc  produire 
aucun  effet. 

Ainsi,  dans  l'état  de  nature  tombée,  an  ne  réiUte  jamais  à  la  grâce 
intérieure^.  Car,  résister  à  la  grâce,  c*est  la  priver  de  Teffet  qu'elle 
peut  avoir  dans  les  circonstances  où  elle  est  donnée  :  or,  ou  cette 
grâce  est  supéiieure  à  la  concupiscence  qui  se  fait  actuellement 
sentir,  ou  elle  y  est  égale,  ou  même  inférieure  :  dans  la  première 
supposition  y  elle  produit  nécessairement  son  effet ,  on  n'y  résiste 
donc  pas,  on  ne  peut  même  y  résister  ;  dans  les  deux  autres  sup* 
positions ,  elle  est  rendue  nulle  et  comme  paralysée  par  la  concu- 
piscence ,  qui ,  ou  la  retient  en  équilibre  ,  ou  remporte  sur  elle , 
et  alors  elle  ne  peut  avoir  d'effet  ;  donc  on  ne  la  prive  point 
encore  de  l'effet  qu'elle  peut  avoir  dans  la  circonstance  ;  donc 
on  n*y  résiste  pas  non  plus. 

Ainsi,  pour  mériter  et  démériter  dans  Vétat  de  nature  tombée ,  il 
n'est  pas  nécessaire  que  C homme  ait  une  liberté  exempte  de  nécessité; 
mais  il  suffit  qu'il  ait  une  liberté  exempte  de  coaction  ou  de  con- 
trainte *.  Ceci  est  évident  :  suivant  le  système,  l'homme  est  néces- 
sairement entraîné  par  la  délectation  qui  domine  ,  c'est -â-dire  qui 
se  trouve  supérieure  en  degrés  sur  la  délectation  opposée  ;  il  n*a 
donc  pas  une  liberté  de  nécessité.  Cependant  il  mérite  ou  démé- 
rite véritablement  en  cette  vie,  puisqu'il  sera  récompensé  ou  puni 
dans  la  vie  future,  ainsi  que  la  foi  nous  l'apprend,  et  que  l'auteur 
l'admet  lui-même;  donc,  pour  mériter  et  démériter,  il  suffit  d'avoir 
une  liberté  exempte  de  contrainte. 

Ainsi,  supposé,  ce  qui  n'est  pas,  que  les  Semi-Pélagiens  admet- 
talent  la  nécessité  delà  grâce  intérieure  prévenante  pour  chaque  ac- 
tion en  particulier,  même  pour  le  commencement  de  la  foi,  ils  étaient 

*  Interiori  gratis  ,  In  statu  nature  laps» ,  nunquàm  resislitur. 
Deniièmc  proposition  condamnée 

^  Ad  merendum  et  demerendum,  in  statn  naturae  laps»,  non  requi- 
rllur  in  homine  libertas  à  necessitate,  sed  sufBdt  Jiberlas  à  coacUone« 
Troisième  proposition  condamnée.     - 


l 


JAN  17 

Mf/liguti  en  ce  911'iFt  nmlof^nl  ^ue  cette  grâce  fit  telle  que  la  m- 
lenli  de  l'homme  put  g  réfuter  im  y  oMr  <.  En  eOel,  quicijiique 
oie  la  grlce  efficace  par  elle-même  euLendue  i  U  maniëre  de  Jaii- 
SÛniu9,  et  Déces&ïire  pour  opérer  réellemeal  le  bien ,  esl  héréti- 
que, suivanluel  auteur.  Or,  les  Semi-Pélagiens,  qui  enseigna  irai 
qu'on  pouvait  résister  ï  la  grloe  préveoaDte,  nécessaire  pour  cha- 
que bonne  œuTte  en  particulier,  niaieut  par-lï  même  la  grice  effi- 
cace (le  Jansénius;  iU  étaient  dont'  lii'rétiques ,  selon  lui. 

Ainsi,  c'tti  un«  erreur  leiai-pélagienne  lie  dire  que  J^iut-Cbritl 
tu  mort ,  ou  qu'il  a  répandu  ton  tang  généralement  pour  ioia  lei 
hoamet  *.  Car  Jausénius  n'admettant  pas  la  grlce  sudisanle  pro- 
prement dite,  mais  seulement  ou  une  grAce  eflicace  qui  consiste 
dans  la  délectation  céleste,  supérieure  en  degrés  ,  ou  une  petite 
grlce  qui  ne  peut  opérer  aucun  elîet ,  il  suit  de  M  que  ceux  qui 
M  perdent  n'ont  pas  eu  les  secours  sufGsans  pour  pouvoir  Taire 
leur  salut,  el  que  par  conséquent  Jësus-Chrisl  n'est  pas  véritable- 
ment mort  et  n'a  pas  répandu  sou  sang  pour  leur  obtenir  ces  m  ~ 
mes  secours. 

De  la  liaison  qui  se  trouve  entre  les  cinq  propositions  que  nom 
«enoni  de  rapporter,  avec  la  délecUitian  relativement  victoricuie, 
quieït  lab;i&e  du  sjslème  de  rétâqued'Vpres,  il  résulte  chire- 
luent  que  ces  mêmes  propositions  sont  de  ce  prélat,  etqn' elles  se 
trouvent  vérilablement  dans  le  litre  qui  renferme  son  système.  U 
serait  aisé  de  montrer  qu'elles  sont  toutes  en  etTet  dans  l'^tt^Hif  j- 
siM,  ou  quant  ï  la  lettre  même,  ou  du  moins  quant  au  sens  ;  mais  . 
après  ce  qui  ■  été  défini  sur  ce  point  par  le  jugement  du  saint 
Sié^se,  qui  esl  devenu  celui  de  l'Ëglise  entière ,  qu'est-il  besoift.  _ 
de  preuTe  ultérieure  ?  Nous  renvoyons  donc  nos  lecteurs  an 
logiens  qui  traitentde  ces  matières;  âTonrnel;,  àBailly,  etc.,  etc.^ 
qui  rapportent  les  textes  même  de  Jansénius  i  cet  égard. 

>  Semipelagiani  admîtlebanL  przienientiii  gralix  intcrioris  nécessita-  I 
ten  ad  singulos  aclus,  eiiam  ad  inilium  Ddci,  et  in  hoc  tranl  hxretiel, 
quAd  vellciil  eam  gralîam  lalem  esse,  cui  posset  humana  voluulas  rc- 
«stcre,  tel  obtempcrare.  Quatrième  pruposilioncondaoïnte. 

*  Semipdagiauum  est  dicere  Clirislam  pro  omnibus  omnlni)  bomini- 
Inu  morluum  esse,  anl  sanguinem  fudisse.  Cinquiimv  proposition 
coodamnéc. 


18  JAN 

Condamnation  de»  dnq  propositiom  ;  tem  dam  lequel  eliei  ont  éti 
eondamnéâi;  ce  qu'on  est  obligé  de  croire  en  conséquence;  vérités 
établies  par  les  bulles  sur  cet  objet. 

Les  cinq  propositions  ont  été  censurées  ainsi  qn^il  suit  : 

La  l*;  comme  téméraire,  impie  »  blasphématoire ,  frappée  dV 
nathème  *  et  hérétique  ; 

La  II*,  comme  hérétique; 

La  III*,  comme  hérétique  ; 

La  IV%  comme  fausse  et  hérétique; 

La  y« ,  comme  fausse ,  téméraire,  scandaleuse  ;  et  étant  enten- 
due en  ce  sens,  que  Jésus^Christ  soit  mort  pour  le  salut  seulement 
des  prédestinés  *,  impie,  blasphématoire  ,  injurieuse,  dérogeant  à 
la  bonté  de  Dieu,  et  hérétique  '. 

Ces  propositions  ont  été  condamnées  comme  étant  la  doctrine 
de  Véf éque  d'Ypres  *,  comme  extraites  de  son  Une  intitulé,  ^ar- 
ffustinuSf  dans  le  sens  même  de  Tauteur  ",  sens  tel  qn*elles  le  pré- 
sentent naturellement,  et  que  Tannoncent  les  expressions  mêmes 
dans  lesquelles  elles  sont  conçues  *• 

Il  suit  de  là  quMl  n*est  pas  permb  de  penser  q«e  ces  proposi- 
tions ne  sont  pas  de  Jansénius ,  et  quelles  ont  été  condamnées 
dans  un  sens  étranger,  dans  un  sens  contrair^anz  sentlmens  de  ce 

A  M.  Pluquet  ayant  traduit  ees  mots,  œnafhematê  damnatam^  par 
ceux-ci,  digtu  (Canaihème^  nous  pensons  qo*ll  s*e8t  trompé,  i*  parée 
que  sa  ? ersion  ne  rend  pas  rexpreôlon  latine  dt  la  bulle  ;  2«  parce  qne 
rhérésie  de  la  proposition  avait  été  d^à  proscrite  par  le  oondle  de 
Trente. 

2  Jansénius  enseigne  (1.  3,  De  grat  Ghrist«  c  2i)  que  saint  Augus- 
tin n*a(liuet  point  q^e  Jénii-Chritt  soit  mort,  ait  répandu  son  sang  et 
prié  pour  le  salut  éternel  des  infidèles  qui  meurent  dans  ^infidélité  ou 
des  justes  qui  ne  persévèrent  pas  ;  et  il  ajoute  que,  sulfant  le  même 
saint  docteur^  Jésus-Christ  n'a  pas  plus  prié  son  Père  pour  leur  déli- 
vrance étemelle  que  pour  ta  délivrance  du  diable* 

s  Voyez  la  bulle  d*Innocent  X,  C&m  occasione, 

A  Bref  d'Innocent  X  aux  éyéques  de  France,  en  date  du  29  septembre 
I65A. 

s  Bulte  d'Alexandre  VII,  du  15  octobre  1656,  et  formulaire  du  même 
pape. 

*  Bref  d'Innocent  XII,  adressé  aux  évéques  de  Flandres,  sous  la  date 
du  5  février  169Â,  et  bulle  de  Clément  XI,  Vineam  Domini  sabaoth. 


» 


doct«nr,  M  qu'il  a  luî-intme  rejeli  ;  Bill  il  Aii(  tro\rt  de  t» 
el  prore»»*riielwaclre  : 

I-  Que  le»  cinq  prupusitioni  dnnl  11  s'agit  »onl  hérétiques. 

S*  Qu'elle*  sobi  ilins  \'Aii§»Uiniii  de  Jnnat-niui. 

3*  Qu'ellM  loiil  condaiDDéES  et  bërtiiquM  dnns  le  seni 
priMDteai ,  et  dftn»  le  gph»  jiiéme  de  riuieur,  c'eai-ï-d 
le  sens  que  le  livre  loui  entier  offre  nilii  relie  ment. 

4'  Que  le  «ilence  respectueiit  ne  siirSt  pas  p  our  n«ndfe  !i  P 
glise  la  wium'issi  on  qu'elle  >  druit  d'exiger,  et  qu'elle   exigea 
elTet,  t  Ml  i^gird ,  de  tom  te>  Hdète*. 

Le»  Mentit  éla  biles  )iir  lee  ballei    doivent  tm  opposas  m 
erreurs  contenues  dans  les  prupositim»  condamnéca.  Ces  térilih 
soni  donc  celles-ci  : 

1.  <  L'huinnie  juste  qui  s'efforce  d'accomplir  les   pri^ceples  a  , 
»  dans  le  luonant  défi^ïf  de  ion  actioD,  lit  gr&ce  qui  Ici  Inl  rtDd 

•  Tfialitemenl  finïblt*  ;  u'est-à-dire  l'iioiiiaie  juste  qui  i 

■  d'ubteryer  U  loi  a  uu  puutoir  «ni,  réel,  délié  el  d^ijSHâ  p 

■  consenlii'  k  la  Rrtce  conime  pour  y  résister  ;  il  n'eil  puiut  ta 

■  au-dessus  de  tet  furet»  préttitlet ,  parce  que  Dieu  l'aido . 

>  meseTTÎt  (l«l'cxptewiiindeH.  Bosquet ',  soit  pour  faire  ce  qu'il 

■  peutd6ik,  suit  puur  deiaiintleT  la  gTÏcc  de  le  pouvoiri  soit  pour 

■  priiliquer  le*  préi^efAea  eu  om-oiéiiief ,  au,  pat  une  humble  du- 

•  mande,  obtenir  h  grice  de  le  f^îre  *.  • 

il.  'DansrélaldeDalureloinbt'e,  lajfrice  n'ublteiil  pas  loujnurs 

■  l'eFTel  pour  lequel  elle  est  donnée  de  Dieu,  el  qu'elle  peut  avoir 
r  rflativenient i  la coocupisïMCH qui gefailpréaenlement sentir*. 

III.  ■  Pour  mériler  ou  démériter,  dans  l'état  de  nature  totn- 

■  bée  ,  il  ne  sallit  pas  que  la  volonté  ne  aoït  point  forcée  ,  tnsis 

>  U  faut  qu'elle  soit  «leiupie  de  toute  Déceaaîié  uon-seulemeni 

>  inmualile  et  absolue ,  mais  uiètne  relative  ;  c'eat-li-dirB  ,  il  est 

■  nécessaire  que  la  volonté  puisse  actuellement  surmonter  la 

•  délectation  opposée  qui  se  fait  sentir  '.  Eu  conséqiieni??,  le  vo- 
t  lontaire,  s'il  est  nécessité ,  n'est  pas  libre  d'une  Iiberi6  qui  siif- 

•  lise  pour  le  mérite  ou  pour  le  déniérile  de  la  vie  présente  '.  > 

*  JttatiC  de  réSei.  moral, 
a  U.  delà  Giambre,  Réalité  du  Junsi'nîsme  il^montréCi 

*  Bs'lly,  Tract,  de  gral. 

*  Baillr.  ibid. 
s  TewMl;,  De  gnl,  ad  usun  lemiDar.  In-ia.  Pari>i  173». 


20  JAN 

IV.  Tout  catholique  doit  tenir  pour  faux  que  les  Semi-Péla- 
giens  aient  admis  la  nécessité  de  la  grâce  intérieure  prévenante 
pour  chaque  action  en  particulier,  et  même  pour  le  commencement 
de  la  foi;  il  doit  croire  que  si  ces  mêmes  hérétiques  eussent  admis 
de  cette  sorte  cette  grâce,  ils  n*eussent  point  été  hérétiques  en  ce 
qu*ils  eussent  youlu  qu'elle  fdi  telle  que  la  volonté  humaine  pût  » 
dans  la  circonstance,  y  résister  ou  y  obéir. 

y.  «  Jésus-Christ  a  mérité,  par  sa  mort,  à  d*autres  qu*aux  pré- 
»  destinés ,  des  grâces  vraiment  et  relativement  suffisantes  pour 
»  opérer  leur  salut,  et  ce  n'est  point  une  erreur  semi-pélagienne 
»  de  dire  qu'il  est  mort  pour  obtenir  à  tous  les  hommes  des  secours 
9  sufBsans  relativement  au  salut  ^.  » 

Réflexiom  sur  le  système  de  Jansénius. 

m 

Ce  système  est  si  révoltant,  qu*on  s'étonnerait  qu'il  eût  pu  trou- 
ver des  partisans  et  des  défenseurs ,  surtout  parmi  des  hommes 
érndits  et  distingués  par  des  talens éminens,  si  Tonne  savait,  d'a- 
près les  leçons  afflgeantesque  nous  donne  l'histoire,  à  quels  excès 
l'esprit  humain  est  capable  de  se  porter  dès  qu'une  fois  il  a  fermé 
les  yeux  aux  lumières  sages  de  la  droite  raison  et  de  la  foi.  Nous 
n'avons  pas  cru  devoir  réfuter ,  dans  cet  article ,  une  doctrine  si 
odieuse  :  les  jugemens  solennels  et  réitérés  par  lesquels  le  saint 
Siège  l'a  condamnée ,  et  que  l'Ëglise  entière  a  elle-même  adoptés, 
jugemens  qui  se  trouvent,  ou  rapportés,  ou  cités  dans  ce  Diction- 
naire *,  doivent  suffire  pour  en  inspirer  de  l'horreur  â  tout  véri- 
table fidèle,  et  pour  fixer  irrévocablement  sa  croyance  à  cet  égard. 
Si  quelques-uns  de  nos  lecteurs  désirent  s'instruire  â  fond  sur 
cette  matière,  les  secours  ne  manquent  pas:  ils  pourront  consulter 
une  foule  d'écrivains  orthodoxes  qui  se  sont  élevés  avec  force 
contre  cette  hydre,  depuis  sa  naissance  jusqu'à  nos  jours  '.  D'ail- 

^BaiUy,  Degrat. 

'  Voyez  ci-dessus,  et  Tarticle  BaIanisiib. 

*  Nous  conseillons,  entre  autres  bons  ouvrages,  le  livre  intitulé  :  De 
hœresi  jansenianâ^  par  le  P.  Déchamps,  auqud  les  Jansénistes  n*ont 
pas  entrepris  de  répondre  ;  le  Traité  de  la  grâce,  de  Toumely,  soit  odui 
que  nous  avons  dernièrement  cité,  et  qui  est  en  un  seul  volume  in-12, 
soit  celui  qu'il  dictait  en  Sorboone,  lequel  forme  deux  volumes  in-8  ; 
le  Dictionnaire  de  théologie  de  M.  Bergier,  dont  il  faut  lire  un  grand 
nombre  d'articles  ;  Touvrage  de  Bf.  de  la  Chambre,  cité  plus  haut  dans 
une  note;  Recueil  historique  des  bulles. ••.  concernant  les  erreurs  de 


» 


I 


ICO  2)1 

leurs,  quel  Mtriiomme  de  bon  sens,  (]ui,  pour  peu  <]u'ilv<!ui1lerélli-  I 
cfair,  ne  toit  pas  ,  dans  ce  désasireui  sjsiËiiie,  le  renrers^nicut  le 
ptuscomplelde  loute  l'espéra dcc  chréiienoe,  de  loute  morilerai- 
•oanable  ,  de  toute  liberié  itas  rbomme  ,  de  toute  justice  dans 

En  effet,  si  rhonime  suit  nécessairement  l'ailniit  de  la  délecta- 
tion qui  domine  ;  s'il  fait  intin  ciblent  en  t  le  bien  ou  le  toa\,  suivant 
que  cette  délectation  vient  du  ciel  ou  de  la  terre  ;  si ,  au  moment 
décisif  de  l'action ,  il  ne  peut  point  choisir  entre  le«  deux  partis 
qui  se  présentent ,  où  est  ta  liberto?  Consistera-t-elle  en  ce  qu'il 
agit  volonlatrement ,  arec  inclination  ,  sans  répugnance  et  sansy 
être  Torcé  par  un  prïocipe  eitériear  7  Celte  liberié  de  Janséuîu* 
nériie-i-elle,  dans  le  cas  dont  il  Vagit,  lenom  de  liberté  ■  Est-ce  li 
l'idée  que  nous  en  donnent  l'Ecriture ,  notre  sens  intime ,  la  rai- 
■Oo  elle-mêoie?  Eb  !  s'il  en  est  ainsi,  en  quoi  l'bomnie  est>ilen  ce 
point  élevé  au-dessus  de  la  brute?  S'il  ne  peut  vraiment  choisir 
entre  le  bien  et  le  mal  qu'il  se  sent  pressé  de  faire  on  de  laisser , 
oli  estson  mérite  ,  quand  il  opère  l'un?  son  démérite,  quand  il  se 
précipite  dans  l'autre  ?  A  quoi  bon  des  préceptes,  des  averlisse- 
mens,  des  menaces  ?  El,  dans  celle  horrible  hypothèse  ,  le  ciel  est- 
il  unetécDmpeuief  les  supplices  de  l'enfer  sont-ils  juiles»  Quoi! 
Dieu  puniraiiï  jamais  un  malinéviiable,  la  transgression,  ouplu- 
Uil  le  défaut  d'observation  d'uu  commandement  impossible  Ji  ac- 
complir ,  au  moment  même  où  l'on  y  a  manqué?  Quelle  idée  on 
nous  donne  de  Dieu!  Serait-il  notre  père?  Pourrions- no  us  l'aimer, 
espérer  en  sa  miséricorde ,  noua  confier  en  sa  bonté? 

Un  système  si  alTreux  ouvre  une  large  porte  au  désespoir,  ik 
libertinage  le  pluseOréné;  il  attaque  le  souverain  fUre  jusque  daai.ï 
(et  attributs  ;  il  détruit  les  principes  de  ta  morale  ;  il  tend  i  re»*  i 
f  erser  la  religion  par  ;c3  fondemens  ;  il  fait  de  l'homme  une  raa- 
diine,  il  suffit  donc  de  l'avoir  montré  en  lui-même  et  dans  les  con- 
*éqiicnces  qui  en  découlent  pour  l'avoir  réfuté:  c'est  un  monstre 
qui  se  décbire  et  se  décore  de  ses  propres  deuts. 
I      ICONOCLASTES,  i-'esi-à-dire,  briseurs  d'images.  Léon  Isaurie» 
Ult  le  chef  de  cette  secte,  dont  nous  allons  exposer  l'origine  etk 
Kprogrès,  et  que  nous  réfuieroDs  ensuite. 


M(  deu  dcmlPTs  siècles..,,  c 
unpa,  etc.,  de,  etc. 


is  le  concile  de  Trente  jusqu'il  notre  I 


22  ICO 

De  Voriginê  des  Iconoclastes. 

Depuis  GomtaDtin-le-Grandi  presque  tous  les  empereurs  avaient 
pris  part  aux  querelles  qui  s'étaient  éleyées  parmi  les  chrétiens,  les 
uns  par  politique,  les  autres  gagnés  par  leurs  officiers  et  par  leurs 
eunuques  :  on  les  avait  presque  toujours  vus ,  décidés  par  leurs  mi- 
nistres ou  par  leurs  favoris,  soutenir  la  vérité  ou  protéger  Terreur. 

La  part  qu'ils  avaient  prise  aux  disputes  de  religion,  les  éloges 
qu'ils  recevaient  du  parti  qu'ils  favorisaient  leur  avaient  inspiré 
du  goût  pour  ces  sortes  d'occupations.  Les  courtisans  qui  vou* 
laient  les  déterminer  en  faveur  d'un  parti ,  leur  représentaient 
qu'il  était  beau  d'interposer  leur  autorité  dans  les  querelles  de 
religion,  et  traitaient  les  querelles  des  théologiens  comme  des  af- 
faires de  la  plus  grande  importance  et  propres  h  éterniser  la  gloire 
des  empereurs  ;  en  sorte  qu'il  était  heureux  pour  un  empereur 
d'avoir  pendant  son  règne  quelque  hérésie  ou  quelque  dispute 
théologique  qui  fit  du  bruit. 

Ainsi,  après  la  condamnation  d'Eutyches  et  lorsque  tout  com« 
mençait  à  être  tranquille,  Justinien  ayant  vu  à  Constantinople 
des  moines  revenus  de  Jérusalem  ,  qui  avalent  extrait  quelques 
propositions  des  ouvrages  d'Origène  et  qui  voulaient  les  faire  con- 
damner, l'empereur  saisit  cette  occasion  pour  juger  des  matières 
ecclésiastiques ,  donna  un  édit  qui  condamnait  Origène,  Tfaéodo- 
ret  et  Ibas ,  et  fit  assembler  un  concile  pour  approuver  son  édit  *. 

Philippicus  ne  fut  pas  plus  tftt  parvenu  à  l'empire,  qu'il  prit  le 
parti  des  Monothélites  ,  laissa  ravager  les  terres  de  l'empire  par 
les  Bulgares,  et  fut  déposé. 

Anastase ,  qui  était  très-savant  et  que  le  peuple  mit  à  la  place 
de  Philippicus,  ne  prit  pas  moins  de  part  aux  affaires  ecclésiasti- 
ques, et  Ait  chassé  par  Théodose. 

Léon  Isaurien ,  qu' Anastase  avait  fait  général  des  troupes  de 
l'empire,  refusa  de  reconnaître  Théodose ,  se  fit  proclamer  empe- 
reur, et  fit  mourir  Théodose. 

Léon  était  natif  d'isaurie,  d'une  famille  obscure,  et  avait  servi 
comme  simple  soldat  ;  il  Ait  couronné  le  S  mars  716,  et  jura  entre 
les  mains  du  patriarche  Germain  de  maintenir  et  de  proléger  Ure^ 
ligion  catholique. 

^  C'est  la  dispute  connue  sous  le  nom  de  la  dispute  des  trois  diapltfe% 
qui  fui  termina  par  le  cinquième  concile  général. 


t 


ICO  )S^ 

pRT  son  ^uralion  ,  L^on  éiuit  incapable  <ie  prendre 
quwiioas  théologiqnes,  ei'vaubiicepeDitBDt,UDmine  ses  prt'flécM' d 
seun.qu'oii  du  qu'il  avait  proië^é  l'Eglise,  Tâii  des  rfiglen 
la  rdigion,  el  conteriélu  Toi. 

Il  mil  eu  de  grandet  linisons  avee  les  Juifs  et  a*ec  les  Sarra- 
sins :  ces  deui  aecles  élaienl  ennemies  des  images,  et  Léon  leur 
avait  eotendu  parler  de  l'usage  dccimagescomme  d'une  idnlllrie  ; 
il  ivïil  pu  lui-même  prendre  une  partie  de  leurs  tdies.  plus  Faeilet 
i  saisir  pour  un  soldat  que  les  subtilités  théutogiques.  Ilerutse 
ligDiler  en  abulifssni  les  images ,  et  la  dixième  année  de  son  rè- 
gne il  publi»  un  édil  par  lequel  il  ordnnnail  d'aballre  lee  images  *. 

A  h  publication  de  l'édii ,  le  peuple  de  Consianlinople  se  ré- 
volta >  el  le  palriarcbe  s'opposa  ï  son  eii^culion  ;  mai*  Léon  Dt 
iftarger  le  peuple  ,  les  images  furent  détruites  et  le  palriarclie 
Cermain  fut  déposé. 

Léon  envoya  son  édit  !i  Rome ,  pour  le  faire  exécuter  :  ( 
goire  II  lui  éiTivit  avec.beautoup  de  fermeté,  et  lui  assura  que 
{•eilples  ne  rendaient  point  aux  images  un  culte  idoittre  ;  il  l'a' 
lit  que  c'itaii  auxévfques  et  non  aux  empereurs  b  iuger  des  do| 
mes  eccléiiutïques;  que  comme  les  èiiquei  ne  se  mélenl  poilitl 
des  aff*ires  sëeutières  ,  il  faut  aussi  que  les  cnipereurt  s'abstient  J 
Dent  des  affaires  eci'léaiiEtiques*. 

Léon  ,  utile  de  la  rësisiance  Je  Grégoire,  envoya  det  tMissIu^ 
j(  Rome  pour  la  luer  ;  mais  le  peuple  découvrit  tes  assassins  el  twi 
|j|l  mourir:  toute  l'Iialie  se  souleva  alors  contreLéon,  dont  legna*  | 
fernenieni  duretlyrannique  avait  disposé  lesesprits  A  la  révolte,    i 

Ces  troubles,  pnurune  pratique  qu'il  n'appartenait  |Kiint  li  Léo 
de  coodamner  quand  elle ;iurait  été  répréhensible ,  ne  détourné' 
real  |Hiinl  cet  empereur  du  projet  d'abolir  les  images;  il  fut  ai 
'     I  vie  ï  faire  exécuter  son 


CUpéU 

nlulie. 


inCopmnymc,  QlsdeLéon,  suivit  le  projetde  son  pAre^ 


1^  pour  mieux  établir  la  discipline  qu'il  roulait  introdui 
'letConïtantiuople:  plus  de  tr  ' 

I  Les  évéquee  de  ce  concile  reconnaissent  les  six  premiers  cou* 

f*  Ccilrenvt,  Zonnre,  Censlanlin  Manant*. 

*  Greg.  S,  ep.  1.  l-ono.,  1.  7.  l:uri:n,,  ad  ai",  îï',  ili 

*  Corr.,  t.  '.  roi  c.  Coati.  '■  Mt.  a. 


U  ICO 

ciles»  et  prétendent  que  ceux  qui  autorisent  le  culte  des  images 
sapent  Tautorité  de  ces  conciles  :  ils  prétendent  que  les  images 
ne  sont  point  de  tradition  venue  de  J^us-Ghrist,  des  apôtres  où 
des  Grecs  ;  qu*on  n'a  point  de  prière  dans  TËglise  pour  sanctifier 
les  images,  et  que  ceux  qui  les  honorent  retombent  dans  le  paga- 
nisme. 

Des  raisons  ils  passent  aux  autorités ,  et  allèguent  les  passages 
de  rÉcriture  dans  lesquels  if  est  dit  que  Dieu  est  un  esprit ,  et 
que  ceux  qui  Tadorent  doivent  Tadorer  en  esprit  et  en  vérité  ; 
que  Dieu  n*a  jamais  élé  vu  de  personne,  et  qu'il  a  défendu  à  son 
peuple  de  faire  des  idoles  taillées. 

Enfin  on  a'appuie,  dans  ce  concile  ,  sur  le  suffrage  des  Pères  ; 
mais  les  passages  que  Ton  cite  ne  concluent  rien  contre  Tusage 
des  images  tel  que  les  catholiques  Tadmettent ,  ou  sont  falsifiés  et 
tronqués. 

Après  ces  raisons  et  ces  autorités  »  le  concile  de  Gonstantinople 
défend  à  tout  le  monde  d'adorer  et  de  mettre  )dans  les  églises  ou 
dans  les  maisons  particulières  aucune  image ,  à  peine  de  déposi- 
tion si  c'est  un  prêtre  ou  un  diacre ,  et  d'excommunication  si 
c'est  un  moine  ou  un  laïque.  Le  concile  veut  qu'ils  soient  traités 
selon  la  rigueur  des  lois  impériales ,  comme  des  adversaires  des 
lois  de  Dieu  et  des  ennemis  des  dogmes  de  leurs  ancêtres. 

Le  concile  de  Gonstantinople  fui  rejeté  par  les  Romains  ;  mais 
l'autorité  de  L'empereur  le  fit  recevoir  et  exécuter  dans  une  grande 
partie  des  églises  d'Orient  :  on  baimit ,  on  exila ,  on  condamna  à 
uiurt  ceux  qui  s'opposèrent  au  concile  et  à  l'édlt  de  l'empereur 
contre  les  images. 

Gomme  les  moines  étaient  les  plus  ardens  défenseurs  des  ima- 
ges ,  il  fit  un  édit  portant  défense  à  qui  que  ce  fût  d'embrasser  la 
vie  monastique  ;  la  plupart  des  maisons  religieuses  furent  confis- 
quées dans  la  capitale,  et  les  moines  furent  obligés  de  se  marier, 
même  de  mener  publiquement  leurs  fiancées  par  les  rues  ^. 

Gonstantin  mourut  en  775,  et  Léon  IV  son  fils  lui  succéda.  Le 
nouvel  empereur  fut  d'abord  occupé  par  les  guerres  des  Sarra- 
sins et  par  des  conspirations;  mais  lorsqu'il  fut  paisible,  il  renou- 
vela tous  les  édits  de  son  père  et  de  son  grand-père  contre  les  ima- 
ges, et  fit  punir  avec  la  dernière  sévérité  ceux  qui  contrevenaient 
à  ces  édits.  G'ctait  une  fureur  que  la  haine  de  cet  empereur  contre 

*  Théophane,  Gedren.,ad<  an,  Const.  49t}9t 


Il  plus  avoir  de  rom- 


I 


ICO 
ceux  qui  liODoraieut  les  images  :  il  n 

merce  ivec  rimijëratrice,  parce  qu'il  avait  trouvé  des  iiiiuges  dans 
»D  cabinet  ;  il  voulut  savoir  ceux  de  qui  elle  les  avnil  reçues  ,  e( 
les  fit  périr  dans  les  lunrmens  '. 

Léon  mourut  peu  de  temps  aprëf,  et  Constantin  Porphy rogénêie 
lui  succéda  ;  mais  comme  il  u'étaii  Igé  que  de  dix  ans ,  sa  mère 
Irène  pril  en  main  les  rênes  de  l'empire.  Irène,  qui  avaitconservé 
de  la  dévotion  pour  les  images,  voulut  rétablir  leur  culte;  elle 
écrivit  au  pape  Adrien  pour  assembler  un  concile  kNicée;  te  con- 
cile a'autrii  l'aa  787  ;  il  était  composé  de  plus  de  deux  cent  cîn- 
quRDle  èiéques  ou  archevêques.' 

On  y  lui  d'abord  les  lettres  de  l'empereur  et  de  l'impéraliicc  , 
qui  dèclarenl  qu'ils  ont  assemblé  re  concile  du  consenlenienl  des 
pairbrcbes  ;  qu'ils  laissent  une  entière  liberté  aux  évéques  de  dire 
leur  sentiment. 

Plusieursdesévéquesqui  avaient  condamné  le  culte  des  images 
reconnurent  leur  faute  ei  furent  admis  au  concile.  Outil  voir  dans 
ce  concile  que  l'usage  de»  images  n'est  point  contraire  bi  lu  reli- 
gion, comme  le  concile  de  ConstantinopleTavait  prétendu,  et  qu'il 
pouvait  être  utile  ;  on  le  prouva  par  l'exemple  des  chérubins  de 
Varclie,  pardea  passages  de  saint  Grégoire,  de  saint  Basile  et  de 
uinl  Cyrille,  qui  supposent  que  les  images  étaient  en  usage  dans 
l'Iôi^Iise  du  temps  de  ces  Pères  ;  que  par  conséquent  les  Pères  du 
concile  de  Coosiantinople  araieui  mal  raisonné  sur  les  passages  de 
l'Écriture  qui  déreodeui  de  faire  des  idoles,  lorsqi  " 
conclu  que  c'était  un  crime  de  faire  des  images. 

I>e  concile  n'avait  pas  besoin  de  pronveraulre  chose,  elles 
marques  de  UU.  Dupîn  et  Basnage  sur  l'insullisance  des 
mens  des  Pères  du  concile  ne  sont  pas  justes  *. 

e  concile,  après  avoir  prouvé  que  l'usage  des  images  n'est  point' 
inel ,  prouve  que  la  tradition  les  autorise  de  temps  immémo- 
i>l,  et  que  l(s  ebrétleus  n'adoraient  point  les  images  comme  ils 
!lKloreatDieu;maisqu'iIs  les  embrassent,  les.iiilueni  et  leur  rende  ut 
dte  1  pour  témoigner  la  vénération  qu'ils  uni  pour  les  saints 
qu'elles  représentent. 

Les  Pères  du  concile  font  voir  ensuite  que  les  passages  dont  le 
eoDcila  de  CunsUnliDople  s'auiorise  n'attaquent  que  le  culte  ido- 

'  Tbtepbane,  ad.  an.  A.  Leonis,  Cedrcn. 

»  Diipin.  ContnnerM*  du  battième  rfècle.  Basnage.  HisI 


Mint^^^ 


H  ICO 

lâtre,  el  non  pâs  \é  cnlte  que  TÉglise  chrétienne  rend  tox  images  ; 
Us  font  encore  Toir  qne  les  évéques  du  concile  de  GonsUntinople 
ont  souvent  lal&ifié  les  passages  des  Pères  qu'ils  citent. 

Le  concile  déclara  donc  qu'on  pouvait  placer  des  croix  et  des  ima- 
ges dansFÉglise  et  dans  les  maisons,  même  dans  leschemins:  savoir, 
les  images  de  Jésus-Christ  el  de  la  Vierge,  celles  des  anges  et  des 
sainis  ;  qu'elles  servent  à  renouveler  leur  mémoire  et  à  foire  naî- 
tre le  désir  de  les  imiter  ;  qu'on  peut  les  haiser  et  les  respecter, 
mais  non  fkas  les  adorer  de  l'adoration  véritable ,  qui  n^est  due 
qu'à  Dieu  seul;  qn'oa  pent  lesmBbellir,  parce  qne  Thonnear  qu'on 
leur  rend  passe  à  l'objet ,  el  que  ceux  qui  les  respectent,  respec- 
tent ce  qu'elles  représentent  *, 

Le  eoneile  de  Nicée  ne  fut  pas  également  bien  reçu  partout  : 
nous  examinerons  séparément  comment  il  fut  reçu  en  Occident. 

Constantin,  qui  ne  pardonnait  pas  à  sa  mère  le  mariage  qu'elle 
lui  avait  bit  faire  avec  une  fille  sans  naissance  ,  la  dépouilla  de 
toute  l'autorité ,  et  défendit  d'obéir  au  concile  de  Nicée. 

Nicéphore,  qni  succéda  à  Constantin  et  à  Irène ,  était  engagé 
dans  les  erreurs  du  Manichéisme ,  il  était  d'ailleurs  occupé  à  se  dé- 
fendre contre  les  ennemis  qui  attaquaient  l'empire  ;  il  négligea  la 
dispute  des  images. 

L'empereur  Léon  V,  qui  monta  sur  le  tr6ne  après  Nicéphore  et 
après  Michel,  n'eut  pas  plus  tôt  ini  la  guerre  avec  les  Bulgares  et 
avec  les  Snrrasins,  qu'il  s'appliqua  à  abolir  les  images ,  et  publia 
un  édit  pour  les  faire  6ter  des  églises  et  pour  défendre  de  leur 
rendre  un  culte. 

Mîckel-le-Bègne»  qui  le  détrôna,  était  natif  d'Armorium ,  ville 
de  Phrjgie  habitée  principalement  par  des  Juifs  et  par  des  chré- 
tiens chassés  de  leur  pays  pour  cause  d'hérésie  ;  il  avait  pris  beau- 
eovp  de  leurs  opinions  ;  il  observait  le  sabbat  des  Juifs ,  il  niait 
la  résurrection  des  morts  et  admettait  plusieurs  autres  erreurs 
eendamnées  par  l'Église  :  il  voulut  faire  examiner  de  nouveau  la 
question  des  images,  mais  les  troubles  qui  s'élevèrent  dans  Tem- 
pire  l'empêchèrent  d'exécuter  son  dessein*. 

Théophile ,  son  fils ,  persécuta  les  défenseurs  du  cuhe  des  ima- 
ges; mais  l'impératrice  Théodora,  qui  gouverna  l'empire  après  la 
mort  de  cet  empereur ,  rappela  tous  les  défenseurs  du  culte  des 

*  Conc,  t  7. 

>  CedrcB.  In  Miehaa 


I 

I 


images,  ei  banuii  les  Iconoclasm;  ella  ohaiiM  de  aon  »i<rge  Jein, 
jMiriarctiedi'Coasuiniipuple>  et  oiii  ï  m  place  H^iboftius,  moine 
tr£»-zélé  pour  le  culle  des  images  :  le  second  concile  de  Nicée , 
i]ui  avaîi  approuvé  leculM  des  iiu«gre,  eul  force  de  loi  dansuiute 
retendue  de  l'empire.  Le  parli  d<-s  tcanocliisles  TuL  enliËrenieul 
dÉlruilsoutriii]pénLriueTbéodora,Bprèia*oirBubsUlé130iD<^  <. 
L'iiupûrau-ice  ,  après  avoir  aD^nii  ce  parti ,  aluqui  le«  Uani- 
chéens,  ijui  s'éiaieui  eitrômemenl  routtipliés.  On  trouvera,  i  l'ar- 
tii'le  tlAKiciiSï,» ,  quels  noyeai  Tli^odora  employa  cooiro  les 
Manîchéeiis,  et  quels  eiTets  ces  mojeni  produigireot. 

Ce  ce  que  l'on  pentait  ilunt  l'Occident  tiir  U  culte  iet  im*tet , 
ftndatit  lc$  trouble*  de  l'OcitHl. 

L'usage  des  images  s'éiaît  établi  en  Occident  aussi  bien  qu'w 
Orient ,  miia  on  ne  leur  rendait  point  de  culte. 

Le  P.  Uabillou  conjecture  que  la  différence  des  Orientaux  et 
des  Krnçaais  ii  cet  égard  veouit  de  la  dilT^'rente  manière  dont  on 
bonorait  lea  empereurs  et  les  souverains  eu  Orient  et  eu  Occi- 
dent I. 

En  Orient,  et  communément  dansVempire  romain,  on  cAlébniL 
des  îties  en  l'honneur  des  empereurs  qui  avaient  bien  mérité  du 
peuple:  le  souvenir  des  venus  el  des  bienruits  des  empereurs 
anima  les  peuples;  la  reconnaissance  orna  les  statues,  leur 
adressa  des  remerclmens  et  des  éloges,  les  entoura  d'illomina- 
lions  :  tels  étaient  les  Iionneurs  que  l'on  rendait  tous  li!s  ans  t  la 
statue  de  Cunstaniin-le-Crand,  et  que  Julien  reprocbail  aux  chré- 
tiens comme  de»  actes  d'idol&trie  ^. 

Lors  donc  que  l'usage  des  images  Fut  établi  dans  l'Église  d'O- 
rient ,  il  était  naturel  que  les  fidèles  passassent  de  la  contempla- 
tion des  images  à  des  sentimens  de  respect  pour  les  objets  qu'el' 
les  représentaient,  et  i  des  démonstrations  eitérieurei  de  ces 
sentimens. 

Dans  l'Occident ,  où  les  arts  étaient  encore  dans  l'enfance  ,  oit 
les  princes  étaient  des  conquérans  barbares  et  preique  égaut  ï 
leur*  soldats,  on  ne  rendait  point  les  mêmes  honneurs  aux  cbels; 
ili  n'avaient  point  de  statues  de  leurs  princes  ou  commandans  ; 

■  Cedren.,  Zonar.,  Gljcas, 

'  UahUlon,  PixU  lu  &  sicc.  Bcuh!. 

'  Tbdodorel,  Bisl.,  1.  3,  c.  SA.  PbilaHorE.,  U  I,  c  i6> 


28  ICO 

on  ne  leur  rendait  point  les  mêmes  honneurs  qu*en  Orient  :  ces 
hommages  étaient  absolument  inconnus  dans  les  Gaules  ,  et  les 
images  n'y  étaient  destinées  qu'à  apprendre  au  peuple  les  points 
les  plus  importans  de  la  religion  ;  on  n*y  rendait  de  culte  qu'à  la 
croix*. 

Les  évéques  des  Gaules  trouvèrent  fort  mauvais  que  les  Pères 
du  concile  de  Micée  autorisassent  un  semblable  culte  pour  les 
images. 

Ils  étaient  surtout  offensés  du  mot  d^adoration  que  les  Pères 
du  concile  de  Nicée  avaient  employé  pour  désigner  le  culte  qu'on 
rendait  aux  images  :  ce  mot ,  employé  dans  TOrienl  pour  signifier 
un  sentiment  de  soumission  et  de  respect ,  n'était  en  usage  dans 
les  Gaules  que  pour  exprimer  l'hommage  rendu  à  l'Être  suprême. 
On  ne  crut  donc  pas  que  le  mot  adoration  fût  susceptible  d'un 
bon  sens  lorsqu'il  s'agissait  des  images ,  et  le  concile  de  Franc- 
fort ne  condamna  le  concile  de  Nicée  que  parce  qu'on  croyait  en 
Occident  que  les  Pères  du  concile  de  Nicée  entendaient»  par 
adorer  le»  images,  leur  rendre  un  culte  tel  qu'on  le  rend  à  Dieu , 
comme  on  le  voit  par  le  second  canon  de  ce  concile,  conçu  en  ces 
termes  :  «  On  a  proposé  la  question  du  nouveau  concile  des  Grecs, 
»  tenu  à  Constantinople,  pour  l'adoration  des  images,  dans  lequel 
»  il  était  écrit  que  quiconque  ne  voudrait  pas  rendre  aux  images 
»  des  saints  le  service  ou  l'adoration ,  comme  à  la  divine  Trinité, 
»  serait  jugé  anathème.  Nos  très-saints  Pères  du  concile  ,ne  vou- 
»  lant  en  aucune  manière  de  l'adoration  ou  servitude ,  ont  con- 
»  damné  ce  concile  d'un  commun  consentement*.*» 

On  ne  trouve  point  dans  les  actes  du  concile  de  Nicée  qu'il  ait 
ordonné  d'adorer  les  images  des  saints  comme  la  Trinité;  ces  pa- 
roles paraissent  donc  avoir  été  ajoutées ,  en  forme  d'explication , 
par  le  concile  de  Francfort ,  pour  faire  voir  qu'il  ne  condamnait 

^  Ainsi*  longue  le  pape  Adrien  envoya  les  décrets  du  second  concile 
de  Nicée  en  France,  les  évêques  furent  choqués  des  honneurs  qu'on 
rendait  en  Orient  aux  statues  des  empereurs;  ils  trouvaient  mauvais 
que  Constantin  et  Irène,  dans  leur  lettre  pour  la  convocation  du  concile 
de  Nicée,  eussent  pris  des  titres  aussi  fastueux  que  ceux  qu'ils  se  don- 
naient; ils  reprirent  cette  eipression  de  la  lettre  de  Constantin  et  d'I- 
rène, par  celui  qui  régne  avec  nous,  ils  trouvèrent  que  c'était  une  té- 
mérité insapportable  à  des  princes  que  de  comparer  leur  règne  à  celui 
de  Dieu.  Lib.  Carolini,  préface.  Dupin,  Bibliot,  t.  7,  p.  &72, 

S  Sirmond,  Goncil.  Galliap,  t.  2, 


I 


TCO  A« 

B  images ,  tpprouvé  par  le  concile  de  Nic^e ,  ipi'auuint 
que  les  Pères  de  ce  concile  eoleiidaienl  pur  le  uo(  adcralioii  un 
culie  de  lairie,  tel  qu'on  le  retid  i  Dieu. 

Le  concile  de  Francrorl  ne  regardait  donc  pas  comme  une  ido- 
Utrie  de  rendre  aux  images  un  culle  difl'i^renl  du  culte  de  l.itrïe  : 
OD  ne  voit  point  que  les  évéques  des  Gaules  aient  regardé  cutnme 
des  idolAlres  les  évêques  d'Italie  et  d'Orieut  qui  I 


En  eiïel,  lorsque  la  question  des  imaites  fut  apporta  dans  les 
Gaules,  on  se  divisa  :  les  uns  prétendirent  qu'il  ne  fallait  leur 
rendre  aucune  espèce  de  culte,  cl  les  autres  étaient  d'avis  qu'un 
leur  en  rendit  un'. 

Les  Pères  du  concile  de  Francfort  avaient  d'ailleurs  des  raisons 
piriicdières  de  s'opposer  au  culte  des  images ,  qui  leur  paraissait 
Douieau  :  les  Allemands,  dont  les  evéques  assistèrent  en  grand 
nombre  k  ce  concile  ,  étaient  nouvellement  convertis  à  la  foi  par 
le  ministère  de  saint  iloniface  ,  archevêque  de  Majence ,  sous  Pé- 
pin, père  de  Charlemape.  Les  évèques  allemands  CTaigna'Kmt  que 
ces  nèophjtes  ne  retombassent  dans  l'iilolfitrie  b  la  vue  des  images 
auxquelles  on  tendrait  un  culte;  c'e^l  pour  cela  qu'ils  se  conten- 
Itrent  do  les  exhorter  ï  ne  point  profaner  les  images ,  sans  beau- 
coup les  exborler  i  les  bonorcr. 

Il  est  donc  certain  que  la  conduite  des  Pères  du  concile  de 
Francfort  n'a  rien  de  contraire  â  l'esprit  du  concile  de  Nicée ,  et 
qu'ils  ne  condamnaient  point  comme  un  acte  d'idolâtrie  le  culte 
que  l'Église  rend  aux  images. 

Le  concile  de  Francfort  fut  tenu  ran79-t. 
Dans  le  commencement  du  neuvième  siècle ,  en  SU ,  on  tint  en 
France,  i  Paris,  une  assemblée  d'évéques,  les  plus  liabiles  du 
royaume,  qui  décidèrent  qu'il  ne  fallait  pas  défendre  l'usage  des 
images ,  mais  qu'il  ne  fallait  pas  les  honorer. 

G-tte  décision  du  concile  de  Paris  n'est  pas  une  condamnation 
absolue  du  culle  des  images,  comme  il  est  aisé  de  le  voir  parles 
actes  du  concile  :  les  Pères  comballcnl  le  jugement  du  concile  de 
Nic4«,  qoi  ordonne  le  culte  des  images,  et  ne  prononcent  nulle  paît 
que  ce  culle  suit  une  idolâtrie ,  comme  on  le  voit  par  les  lettres 
dont  les  députés  furent  chargés  pour  le  pape. 

Le  concile  de  Paris  n'élait  donc  point  favorable  aux  Iconoclastes; 

■  Mtbillon,  Prxr.  in  A  «c  Bcnedict. 


30  ICO 

il  les  condamna  mêmef  et  ne  refusa  d'admeltre  le  culte  des  imagef 
que  comme  on  rejette  un  point  de  discipline ,  puisqu*ils  ne  se  se* 
parèrent  point  de  la  communion  des  églises  qui  rendaient  un 
culte  aux  images. 

Les  évéques  de  France  et  d'Allemagne  restèrent  encore  quelque 
temps  dans  cet  usage  ;  mais  enfin  le  culte  des  images  étant  bien 
entendu  partout ,  et  Tidolàtrie  n*étant  plus  à  craindre ,  il  s'établit 
généralement  et  dans  assez  peu  de  temps  ;  car  nous  voyons ,  au 
commencement  du  neuvième  siècle,  Claude,  évêque  de  Turin, 
condamné  par  les  évéques  pour  avoir  brisé  les  images  et  écrit 
contre  leur  culte ,  qui  s'établit  généralement  dans  les  Gaules  avant 
le  dixième  siècle.  Voyez  rarticle  Claude  de  Tuein. 

Les  Vaudois,  qui  voulurent  réformer  l'Église  au  commencement 
du  douzième  siècle ,  les  Albigeois  et  cette  foule  de  fanatiques 
qui  inondèrent  la  France ,  renouvelèrent  les  erreurs  des  Icono- 
clastes ,  et  après  eux  Wiclef ,  Calvin  et  les  autres  réformés  ont 
attaqué  le  culte  des  images  et  accusé  l'Église  romaine  d'idoUtrie; 
tous  leurs  écrits  polémiques  sont  pleins  de  ce  reproche ,  et  les 
hommes  les  plus  distingués  de  la  communion  prétendue  réformée 
se  sont  efforcés  de  le  prouver  ^. 

Pour  mettre  le  lecteur  en  état  de  juger  si  cette  accusation  est 
fondée ,  il  ne  faut  que  comparer  ce  que  nous  avons  dit  de  i'ori* 
gine  et  de  la  nature  de  l'idolâtrie  avec  la  nature  et  l'origine  du 
culte  que  l'Église  romaine  rend  aux  images. 

Par  ce  que  nous  savons  sur  l'origine  et  les  pratiques  de  l'i- 
dolâtrie,   tout  était  sur  la  terre  l'objet  de  l'adoration,  excepté 

i  DaUsus,  L  àf  De  hnaginibua.  Spanheim,  EiercUationes  kistoricae, 
de  origine  et  progressu  controv.  loonomachia  saecnlo  8"»,  oppostia 
Maimburgio  et  Natal.  Alexandre  ;  1685,  in-4%  Forbesios,  Instit.,  U  9, 
1.  7.  Basa.,  Hist.  eccles.,  t  2,  L  22,  23.  Préservatif  contre  la  réunion 
avec  TÉglise  romaine,  par  Len&nt,  t,  i,  p.  3,  lettre  i.  De  Tidoiatriede 
l^Église  romaine,  fn-i2.  Rival,  Dissert,  historiques,  dissert.  4* 

Ce  sujet,  qui  a  (hit  pour  les  Protestans  un  motif  de  schisme,  M.  de 
Beansobre  prétendait  qu'il  ftiUait  le  traiter  en  badinant,  le  ridicule 
étant,  selon  lai,  plus  propre  à  décider  cette  question  qnc  le  sérient. 
G*est  deot  principe  quMl  est  parti  pour  nous  donner  ces  longues  et  en- 
nuyeuses plaisanteries  sur  les  fiusies  imafes  de  Jésus^Christ  et  sur  la 
Vierge,  rdne  de  Pologne  :  Tcnnui  qu'elles  causeront  à  quiconque  en- 
treprendra de  les  lire  dispense  d'y  répondre.  Voyez  la  Dibliot.  germa- 
nique, 1. 18. 


ICO 
UM.  Lee  bomniM,  prositrn^  loi  piedt  An  idoles, 
tt'BIleiidateDi  leur  bonheur  que  des  puisasocet  rliiniériques  qu'ils 
j  crujiient  allacliées  el  qu'ils  regnrdnient  comuiu  les  trairs 
causes  du  bien  et  du  niiil  :  l'Être  suprCme ,  la  source  de  \ou»  les 
biens.  De  s'offrait  pas  ï  leur  esprit. 

V*)U  le  crime  de  l'idolâtrie ,  elle  anëantiuiit  la  Providence, 
elle  empêchait  rbomnie  de  s'élever  ù  Dieu  :  les  hoDiines ,  inrecUi  ' 
de  l'idolâtrie ,  ce  rapportaient  pas  à  Dieu ,  comme  il  leur  vraie 
cause ,  les  biens  dont  il  les  comblait,  et  les  malheurs  destinés  k 
rappeler  l'homme  k  Dieu  le  cunduisaieul  aux  pieds  des  idoles  ;  ils 
ne  rcganltieot  pas  Dieu  comme  leur  deruiëre  fin ,  ils  la  lu 
dans  les  plaisirs  des  sens. 

L'idolâtrie  eropéchaic  donc  riiorome  de  rendre  ï  Dieu  le  cnlla  f 
qu'il  lui  doit  et  qu'il  exige  ;  elle  curroiupait  d'ailleurs  la  moralt,  i 
parce  qu'elle  attribuait  tous  les  Tices  et  tous  les  crimes  ii  0 
Aires  surnaturels  qu'elle  propusiii  k  l'hommage  et  au  respect  dM  1 
bomraes.  Voyons  l'urigioe  et  la  nature  du  eulle  des  images  daa  j 
l'Eglise  calholiiiue. 


Oe  l'origin»  el  de  ta  » 


ie  quf.  l'Égliie 


K.lOUtr 


Au  milieu  de  la  curruplioi 
clioisil  un  peuple  qui  lui  rendit  ud  culte  li^itinie.  Tandis  quelos 
■talions  i^laieut  ensevelies  dans  les  ténèbres  de  l'idoUlrie,  les 
Juifs  coaaaiuaieni  que  l'unirers  avait  pour  cause  une  inlelligcnoe  , 
I  loute-puïsssnte  et  souveraîuenieot  sage  ;  ils  n'adoraient  que  ci 

l'tBInlIiiip.nei 


Iligencc ,  et  le  culte  des  idoles  était  cbei  eui  le  plus  grand  d< 


La  religion  cbrélicnne  i^leva  davanUge  l'esprit  bui 
enseigna  une  morale  sublime  ;  elle  cbangea  toutes  les  idées  e 
Unile*  les  Tiies  des  bummes;  elle  leur  apprît  avec  infiniment  pli»  i 
de  clarti^   et  d'étendue  qu'une   intelligence  infiniment  sage  fl  1 
Unt^puissanle  avait  créé  le  monde ,  et  qu'elle  destinait  l'homnifl  4 
fc  un  bonheur  Siernel  ;  elle  apprit  que  tout  arrivait  par  la  volonté  i 
<ia  celte  intelligence ,  qu'un  cheveu  ne  tombait  pas  de  1b  lèie  sao» 
son  ordre ,  et  qu'elle  avait  dirigé  A  une  Gn  tous  les  êvénemena; 
elle  démontra  l'inutilité ,  l'eilravagance  et  l'impiété  de  l'idotl 
tfie  ;  elle  apprit  à  toute  la  terre  qu'il  fallait  adorer  Dieu  en  espi 
et  en  véiîté;  c'en  pourquoi  les  païen»  traitaient  les  p 


82  ICO 

chrétiens  comme  des  hommes  sans  religion  et  comme  des  athées. 
Cependant  il  est  certain  que,  dès  le  temps  des  apôtres,  les 
chrétiens  avaient  un  culte  visible  et  des  lieux  où  Us  s'assem- 
blaient pour  prier  et  pour  offrir  Teucharistie  ^. 

Les  Pères  des  trois  premiers  siècles  nous  parlent  des  lieux  où 
les  chrétiens  s'assemblaient ,  de  leurs  évéques ,  de  leurs  diacres, 
de  leurs  églises  *. 

Ainsi ,  lorsque  Origène ,  Lactance ,  M inutius  Félix ,  Âmobe , 
ont  dit  que  les  chrétiens  n'avaient  point  d'autels ,  ils  ont  voulu 
dire  qu'ils  n'avaient  point  d'autels  ornés  d'idoles  comme  ceux  des 
Païens ,  ni  d'autels  sur  lesquels  ils  offrissent  des  sacrifices  san- 
glans ,  comme  les  Gentils  et  à  la  manière  des  Juifs. 

L'ancienne  Église  n'avait  ni  images,  ni  reliques  sur  les  autels, 
dans  l'institution  du  christianisme;  au  moins  nous  n'en  avons 
point  de  preuves  authentiques ,  et  le  silence  des  Païens  et  des 
Juifs,  lorsque  les  chrétiens  leur  reprochent  l'absurdité  des  idoles, 
autorise  à  croire  qu'en  effet  les  premiers  chrétiens  n'avaient  point 
d'images. 

Elles  ne  sont  point  en  effet  essentielles  \  la  religion ,  et,  dans 
un  temps  où  tout  était  encore  plein  d'idoles ,  les  premiers  pas- 
teurs ne  voulaient  pas  exposer  la  foi  des  nouveaux  convertis  en 
leur  mettant  sous  les  yeux  des  images  et  en  leur  rendant  un  culte; 
peut-être  craignaient-ils  que  les  défenseurs  du  paganisme  ne  pu- 
bliassent que  le  christianisme  n'était  qu'une  idolâtrie  différente , 
et  qu'ils  ne  le  persuadassent  au  peuple  ignorant  et  qu'il  était 
aisé  de  tromper  dans  un  temps  où  la  religion  chrétienne  n'était 
pas  encore  assez  connue  pour  que  les  calomnies  des  Païens  à  cet 
égard  ne  fussent  pas  reçues  favorablement,  si  les  chrétiens 
avaient  eu  des  images  dans  les  lieux  où  ils  s'assemblaient  pour 
prier  et  pour  offrir  l'eucharistie. 

C'était  donc  une  conduite  pleine  de  sagesse  que  de  ne  pas  ad- 
mettre les  images  dans  les  temples  des  chrétiens  pendant  les 
premiers  siècles. 

*  Act,  c.  3,  V.  &2,  A8  ;  c  30,  v.  7. 

>  Jgnat.,  Ep.  ad  Magnes.,  ad  Philadclph.  Cicm.  Alex.  Tert.,  De  idol, 
c.  7;  advcrsùs  Valent,  c.  2.  De  coron.  miHt.,  r.  3.  Cypr.,  De  oper.  et 
eleemosyn.,  p.  308.  Ep.  5A  ad  Gomel.  Amob.i  U  A,  p.  153.  Vo^tt  les 
preuves  de  tout  ceci  plus  détaillées  dans  Bingham,  Antiqailates  eccle- 
liasticai,  I.  8  ;  dans  lîUemont,  Hisl.  des  empereurs,  t  5,  art.  6. 


ICO  83 

L»  religion  chr^llenne  Gt  de  grands  progrès  ;  ses  dogmes  fu- 
renl  annoncés  «  connus  ;  les  Pères  et  les  pasteurs  apprirent  aux 
chn'tiens  et  à  loule  lu  (erre  que  tout  était  soumis  aux  décrets  de 
l'Etre  iupréme;  que  les  hommes  ne  sont  rien  par  eux-mêmes, 
iiu'ils  n'ont  rien  qu'ils  n'aient  reçu  et  dont  ils  puissent  se  gIo> 

On  ne  craignit  plus  alors  que  les  chrétiens  tombassent  dans 
l'idolitrie  ,  qu'ils  pussent  croire  que  les  génies  gouTemaieut  le 
monde  «t  qu'on  put  penser  que  ces  génies  étaient  attachés  à  la 
toile  snr  laquelle  on  avait  tracé  des  figures. 

Alors  on  admit  dans  les  églises  des  images  destinées  à  repré- 
senter les  combats  des  martyrs  et  les  liistoires  sacrées ,  pour  in- 
struire les  simples;  ces  images  étaient  couinie  les  livres  où  tons 
les  chrétiens  pouvaient  lire  l'histoire  du  christianisme ,  et  lea 
images  n'eurent  point  d'abord  d'autre  usage  dans  les  églises. 

Les  fidèles,  touchés  des  objets  que  les  images  représentaient, 
témoignèrent,  par  des  signes  extérieurs ,  l'estime  qu'ils  avaient 
pour  ceux  qui  étaient  représentés  dans  les  images. 

Ces  marques  de  respect  né  Turent  pas  généralement  approuvées; 
il  j  eut  des  étéques  qui  regardèrent  alors  les  images  comme  des 
germes  de  auper&iition  -,  d'autres  les  estimèrent  utiles  pour  l'in- 
struction des  fidèles ,  et  il  j  en  avait  qui  regardaient  les  hom- 
mages rendus  aux  images  comme  des  elTels  d'une  piété  louable, 
pourvu  qu'ils  fe  rapportassent  aux  originaux  et  aas  satnli. 

L'usage  des  images  ne  Tut  donc  p.is  établi  d'abord  dans  toutes 
les  i^lises  ;  il  fut  permis  on  défendu ,  selon  qne  les  évéqnes ,  pour 
ns  particulières,  le  crurent  utile  ou  dangereux  par  rap- 
dispositions  de  ceux  qui  lionoraient  les  images. 

On  voit ,  par  le  neuvième  hjmne  de  Prudence  et  par  les  seiv 
de  saint  Grégoire  de  N^sse ,  par  saint  Ekisile  et  par  tous  les 
Pères  cités  dans  le  second  concile  deNicée,  que  les  images  étaient 
tn  usage  dans  l'Orient  dès  le  quatrième  siècle  ' . 

Il  est  donc  certain  que  l'usage  des  images  et  leur  culte  était 
nsex  général  dans  l'Ëglise  au  quatrième  siècle,  et  qu'il  u'ëlait 
point  regardé  comme  une  idotlirîe;  que  ceux  qui  le  défendaient 
M  eundamnaient  point  ceux  qui  l'autorisaient. 

Ce  culte  d'ailleurs  n'était  pnint  contraire  k  la  loi  qui  déreod 
d'adorer  autre  cliOM  que  Dien  ;  car  il  n'eut  pas  contraire  i  U 


iBinghami  jlnliquil,  eccles.,  U  8 


84  ICO 

raison  ou  k  la  piété  d*honorer  la  représentatioa  d*un  homme  ver- 
tueux et  respectable ,  et  Ton  ne  craignait  pas  que  les  chrétieus 
auxquels  on  permettait  d'honorer  les  images  leur  rendissent  un 
culte  idol&tre  ;  on  leur  apprenait  que  ces  saints  n'étaient  rien  par 
eux-mêmes ,  qu'ils  n'avaient  été  vertueux  que  par  la  grâce  de 
Dieu ,  que  c'était  à  Dieu  que  se  terminait  l'honneur  qu'on  leur 
rendait. 

L'Église  n'enseignait  pas  que  les  esprits  bienheureux  fussent 
attachés  aux  images,  comme  les  Païens  le  croyaient  des  génies  ; 
elle  apprenait  que  les  saints  représentés  dans  les  images  devaient 
à  Dieu  leurs  vertus  et  leurs  mérites  ;  que  Dieu  était  la  cause  et 
le  principe  des  vertus  que  nous  honorons  dans  les  saints. 

Le  culte  que  les  fidèles  instruits  rendaient  aux  images  n'était 
donc  point  un  culte  idolâtre ,  et  les  églises  qui  défendaient  le 
culte  des  images  n'ont  point  reproché  à  celles  qui  les  honoraient 
d'être  tombées  dans  l'idolâtrie. 

La  permission  du  culte  des  images  dépendait  du  degré  de  lu- 
mière que  les  pasteurs  voyaient  dans  les  fidèles  et  de  la  connais- 
sance que  ces  pasteurs  avaient  de  leurs  dispositions  particulières. 

Ainsi  Sérénus,  évêque  de  Marseille,  brisa  les  images  de  som 
église  parce  qu'il  avait  remarqué  que  le  peuple  les  adorait,  et  le 
pape  saint  Grégoire  loue  son  zèle ,  mais  il  blâme  son  action  parce 
qu'elle  avait  scandalisé  le  peuple  et  qu'elle  ôtait  aux  simples  un 
moyen  d'instruction  très-utile  et  très-ancien  :  c'était  ainsi  que 
parlait  saint  Grégoire  à  la  fin  du  sixième  siècle. 

Lors  donc  que  les  peuples  furent  bien  instruits  sur  la  nature  du 
culte  que  l'Église  autorisait  par  rapport  aux  images ,  ce  culte  se 
répandit  et  s'établit  dans  presque  toute  l'Église ,  depuis  le  second 
concile  de  Nicée. 

Le  culte  que  l'Église  catholique  rend  aux  images  n'est  donc 
pas  un  culte  idolâtre.  La  décision  du  concile  de  Trente  et  le  soin 
qu'il  prit  pour  corriger  les  abus  qui  auraient  pu  se  glisser  dans  ce 
culte ,  le  prouvent  évidemment  :  pour  s'en  convaincre,  il  suffit  de 
jeter  les  yeux  sur  l'histoire  même  du  concile  de  Trente,  par  Fra 
Paolo ,  et  sur  les  notes  du  P.  le  Gourayer  ^ 

Ge  culte  une  fois  établi,  c'est  une  grande  témérité  à  un  parti- 
culier, ou  môme  â  quelques  églises  particulières ,  de  ne  voidoir 
pas  suivre  cet  usage  et  de  condamner  ceux  qui  honorent  les 

*■  Édition  de  Londres,  t  2,  p.  683,  647,  note  8, 


K 


ICO 


35  I 


tmigH.  Les  prihendas  r^romlés  n'fiaîenl  donc  point  autorisés  h 
»e  i^Ttt  âe  l'Ëglise  romaine  parce  <|u'e1I<.'  approuvait  le  cului 
d'-s  imagi's .  puisqu'elle  n'approuvait  point  un  culte  idolâtre  :  t'esl 
pour  cela  que  les  théologiens  de  Sanmur  ue  rejettent  le  culte  des 
images  admis  par  les  catholiques  que  parce  que  Dieu  défend  de 
Ktïre  aucune  image  taillée ,  et  qu'ils  prétendent  que  ce  préleito 
■  lien  pour  les  chrétiens  comme  pour  les  JolPs. 

Mais  il  est  clair  que  ces  théologiens  donnent  trop  d'étendue  ï 
la  défense  que  Dieu  Gt  aux  Jnirs  :  il  est  clair  que  la  ilëfense  faite 
aui  Juifs  ne  défend  que  le  culte  idoUtre  et  non  point  absolumeui 
le  culte  des  images  :  tes  chérubins  placés  sur  l'arche ,  le  serpent 
d'airain ,  prouvent  que  tout  usage  des  images  n'est  pas  interdit 
par  relie  lui.  Pour  faire  à  l'Ëglise  culhotique  un  crime  du  culte 
qu'elle  rend  aux  images ,  il  faut  faire  Toir  qu'il  est  contraire  i  la 
religion ,  ï  la  piété  ou  i  la  foî,  c'est  ce  qu'on  no  peut  pron»er  : 
c'est  piinr  cela  que  rt^'^-tise  anglicane ,  les  Luthériens  et  des  Cal- 
TÏnistes  célèbres  ue  condamnent  l'usage  des  images  que  comme 
dangereux  poor  les  simples'. 

Hais,  dit  M.  Kîval ,  lorsqu'une  chose  n'est  pas  nécessaire, ni 
de  nécessité  de  principe  ditio ,  ni  de  uécessîté  de  nature ,  et 
qu'elle  est  d'ailleurs  sojetle  il  des  ubus  dangerem,  comme  l'usage 
et  le  cahc  des  images ,  le  bon  sens  ne  leut-U  pas  qu'on  la  sup- 

Je  répond.E,  1*  que  ce  n'est  point  h  un  parlioiller  ï  entre- 
prendre de  faire  c«lle  suppression ,  quand  elle  serait  raisonnable  ; 
que  c'est  àl'Kglise,  ou  qu'il  liui  abolir  dans  l'Église  toute  notion 
de  hiérarchie  et  de  subordination  ;  que  par  conséquent  les  Vaudois 
«  les  Calvinistes  sont  inexcusables  de  s'être  séparés  de  TÉglise  i 
ODse  du  culte  des  images. 

Je  réponds ,  2*  que  l'abus  du  culte  des  images  est  facile  i  pré- 
venir, et  qu'il  n'est  pas  difficile  de  faire  connatire  aux  simples 
fidèles  quelle  est  ta  nature  du  culte  que  l'Ëglise  autorise  par  rap- 
port lux  images. 
^(_)e  réponds ,  3"  que  la  suppreision  du  culte  des  images  ne  ra- 
^^Bhsnll  pu  les  Prolestins  A  l'Église,  comme  HHival  l'insinue: 

^^     *BUtoire  du  vicui  cl  du  nouveau  Testament,  par  M.  Basnagc;  Ams- 
leMam,  In-foL  Dîsserlii lions  hisloriiiucs,  par  Pierre  Bival.  disserl,  i, 
p.  m. 
iRhs),  UiiJ..p.  2T.7. 


36  JOA 

les  ministres  savent  bien  que  les  abus  dans  lesquels  on  tombe  f 
par  rapport  aux  images,  sont  faciles  à  prévenir,  et  ce  n'est  pas  ce 
qui  empêche  la  réunion. 

En  effet,  les  Protestans  sont  si  bien  instruits  sur  les  abus  du 
culte  des  images ,  qu*il  n'y  a  point  à  craindre  que  jamais  ils  y 
tombent ,  et  d'ailleurs  TËglise  condamne  aussi  bien  qu'eux  ces 
abus  :  le  culte  des  images  ne  doit  donc  pas  faire  un  obstacle  à  leur 
réunion  à  l'Église  romaine. 

On  peut  Toir,  sur  le  culte  des  images ,  Pere^ûu ,  De  traditioni' 
Inu ,  part.  3  ;  Lindanus  PanopU,  1.  3 ,  c.  23  ;  Alanuê  Copw  contra 
Magdehurgenie* ,  dial.  4  et  5  ;  Bellarm.  Naial,  Alex,  in  tœc.  8 , 
dissert.  6;  HUL  de$  conc.  généraux. 
JÉRÔME  DE  PRAGUE ,  disciple  de  Jean  Hus. 
IMPECCABLES,  branche  d'Anabaptistes.  Yoyex^  à  l'article  Ana- 
baptistes ,  leurs  différentes  sectes. 
INDIFFÉRENS ,  branche  d'Anabaptistes.  Voyez  leur  article. 
JOACHIM ,  abbé  de  Flore,  en  Calabre ,  avait  acquis  une  grande 
célébrité  sur  la  fin  du  douzième  siècle ,  sous  Urbain  III  et  sous 
ses  successeurs. 

Le  livre  des  sentences  de  Pierre  Lombard  avait  une  grande  ré- 
putation ;  mais  quoiqu'il  ait  servi  de  modèle  à  tous  les  théolo- 
giens qui  l'ont  suivi ,  il  n'était  cependant  pas  approuvé  générale- 
ment :  l'abbé  Joachim  écrivit  contre  le  livre  des  sentences  ;  il 
attaqua  entre  autres  la  proposition  dans  laquelle  Pierre  Lombard 
dit  qu'il  y  a  une  chou  immense,  infinie  ^  souverainement  parfaite, 
qui  est  le  Père ,  le  Fils  et  le  Saint-Esprit. 

L'abbé  Joachim  prétendait  que  cette  chose  souveraine  dans  la- 
quelle Pierre  Lombard  réunissait  les  trois  personnes  de  la  Trinité 
était  un  être  souverain  et  distingué  des  trois  personnes ,  selon 
Pierre  Lombard ,  et  qu'ainsi  il  faudrait^  selon  les  principes  de  ce 
théologien ,  admettre  quatre  dieux. 

Pour  éviter  cette  erreur,  l'abbé  Joachim  reconnaissait  que  le 
Père ,  le  Fils  et  le  Saint-Esprit  faisaient  un  seul  être ,  non  parce 
qu'ils  existaient  dans  une  substance  commune,  mais  parce  qu'ils 
('•taient  tellement  unis  de  consentement  et  de  volonté,  qu'ils  l'é- 
taient aussi  étroitement  que  s'ils  n'eussent  été  qu'un  seul  être  : 
c'est  ainsi  qu'on  dit  que  plusieurs  hommes  font  un  seul  peuple. 

L'abbé  Joachim  prouvait  son  sentiment  par  les  passages  dans 
lesquels  Jésus-Christ  dit  qu'il  veut  que  ses  disciples  ne  fassent 
qu'un ,  comme  son  Père  et  lui  ne  font  qu'un  ;  par  le  passage  de 


I 

I 

I 


JOA  H 

uînl  Jetn ,  qui  réduit  l'unilé  de  personoe  à  l'unité  de  témol- 
goige. 

L'abbé  Joachiru  était  donc  TritbÈisIe,  et  ne  reconnaisEait  que 
de  bouche  que  le  Père,  le  Fils  et  le  Satot-Esprit  ne  Taisaient 
qu'une  essence  et  une  subsiauce. 

L'erreur  d«  l'abbé  Joachim  Tut  condamnée  dans  le  concile  de 
Latrao-,  maia  on  ti'y  fit  pas  mention  de  sa  personne,  parce  qu'il 
avait  soumis  ses  ouvrages  au  saint  Siège  <. 

L'erreur  de  l'abbé  Joacbim  n'eut  point  de  défenseurs  ,  mais  elle 
a  été  renouvelée  par  le  docteur  Sherloli. 

Il  s'était  élevé  depuis  quelque  temps  des  disputes  en  Angle- 
terre sur  la  Trinité ,  ei  le  SocinianiEuie  ;  avait  Tait  du  progrès. 
Hais  Sherlok  prit  la  défense  de  la  foi  contre  les  Sociniens ,  et  tS- 
cba  de  faire  voir  qu'il  n'y  a  point  de  contradiction  dans  le  mjaLère 
de  la  Trinité  ;  et  comme  toutes  les  difficultés  des  Sociniens  sont 
appujées  sur  ce  que  ce  mystère  suppose  que  plusieurs  personnes 
iiubsisteol  dans  une  essence  numériquement  une ,  M.  Slierluk  re- 
cherche ce  qui  fait  l'essence  et  l'unité  numérique  de  ta  subetiii 
Comme  il  distingue  deux  sortes  de  subsunces ,  il  reconnaît  deii;| 
tories  d'unités.  _ 

\st  subitance  matérielle  est  une  par  l'union  ou  par  la  juxtapirf'l 
sitiun  de  ses  parties  ;  mais  la  substance  spirituelle  n'ajant  polnl 
de  parties,  eJlea  un  autre  principe  d'unité. 

{.'uDÎié  dans  les  esprits  créés,  c'est-ï-dire  l'uniié  numérique, 
qui  fait  qu'un  esprit  est  distingué  de  lousies  autres  esprits,  n'est, 
selon  lui  ,  que  la  perception  ,  la  connaissance  que  chaque  esprit  a 
de  lui-même,  de  ses  pensées ,  de  ses  raisonnemens  et  de  ses  ai- 
TeciioDS  (on  la  conscience). 

l'n  esprit  qui  a  seul  conuaisi^ance  de  tout  ce  qui  se  passe  en 
lui-même  est  dès  lors  distingué  de  tous  les  autres  esprits ,  et  les 
autres  esprits ,  qui  semblablement  connaissent  seuls  les  pensées , 
tODt  distingués  de  ce  premier  esprit. 

Supposons  maintenant,  dit  U.  Sherlok,  que  trois  esprits  créés 
loieut  tejlemeni  unis  que  chacun  des  trois  esprits  connaisse  aussi 

•  S.  Th.,  Opnscul.  11  Malbieu  Paris,  ad  an.  1179.  Nntsl.  Alex,  in 
sec  13.  D'Ar^cntré,  Collecl.  Jud, ,  I.  1 ,  p.  119.  Il  est  hors  di 
vraisemblance  de  prétendre,  avec  l'apolagHte  de  l'abbé  Joachin 
«Ile  doctrine  lui  a  éli  taussfmenl  imputée  i  rapologisle  n'en  donne 


j 


I 


3S  JOA 

clairement  les  altcctîons  des  deux  autres  que  les  siennes  propres  ; 
il  esl  sOr,  dit  U.  Slierlok  ,  que  ces  trois  personnes  seront  une 
chose  uuinériquemeal  une ,  parce  qu'elles  ont  entre  elles  le  mËme 
principe  d'unité  qui  se  Irouve  dans  cbacune  prise  séparément  et 

C'est  ainsi,  selon  ce  théologien,  qu'on  doit  expliquer  b  Iri- 
DÎté;  car  Dieu  (ou  l'Elsprii  infini,  et  non  pas  un  corps  iniini- 
ment  étendu]  n'a  pas  une  unité  de  parties,  parce  qu'il  esi  sans 

Ainsi ,  les  trois  personnes  de  la  Triiiilé  se  connaissent  récipro- 
quement toutes  trois  autant  que  chacune  se  connaît  ;  les  trois  per- 
sonnes ne  font  qu'une  seule  chose  numériquement,  ou  plutôt 
l'unité  numérique  ;  c'est  ainsi  que  les  facultés  de  notre  âme  fur- 
Dient  tine  substance  numériquement  une. 

C'est  par  ce  moyeo  que  l'unité  ,  qui  dans  les  esprits  créés  n'est 
que  morale,  devient  essentielle  dans  les  trois  personnes ,  qui  sont 
aussi  étroitement  unies  entre  elles  que  l'homme  est  uni  à  lui- 
même  ,  el  non  pas  comme  un  homme  esl  uni  i  un  autre  homme. 

H.  Sberlolc  conËrme  ia  conjecture  |>ar  les  paroles  de  Jésus- 
Clirisl  dans  saint  Jean  :  Je  mis  daai  mon  Père ,  et  mon  Pire  eit  en 
mot;  car,  dit-il,  il  Taut  prendre  les  paroles  de  Jtl-s us-Christ  dans 
leur  sens  propre  et  naturel  ou  dans  un  sens  métaphorique  :  or,  on 
ne  peut  les  prendre  dans  un  sens  métaphorique,  car  la  métaphore 
suppose  esseDliellement  la  similitude  qui  se  trouve  entre  des 
choses  naturelles  réellement  existantes  ou  possibles,  el  l'on  ne 
peut  dire  qu'une  expression  est  une  méthapliort  s'il  n'y  a  ni  re  peut 
j  avoir  danslanaiurerien  de  semblableïcedonil'eipressioo  donne 
l'idée. 

Or,  il  n'j  a  rien  dans  la  nature  qui  soit  dans  un  autre,  de 
manière  que  cet  aulre-lii  soit  ea  lui  ;  car  si  un  être  était  dans  un 
»aUe,  il  serait  coulonu  par  cet  autre  ,  el  par  conséquent  serait 
plus  petit ,  et  il  serait  plus  grand  s'il  contenait  l'autre  ;  ce  qui  esl 
contradictoire. 

11  faut  donc  prendre  lea  puroles  de  Jésus-Christ  dans  un  sens 
propre  :  or,  il  n'j  a  qu'une  seule  espèce  d'union  mutuellement 
comprëbensive  ;  savoir,  la  connaissance  que  vhaquc  être  a  de 
l'autre.  Si  te  Fils ,  dit  H.  Sherluli ,  a  connaissance  de  tout  ce  qui 
esl  dans  le  Père,  de  sa  volonté,  de  son  amour,  etc.,  comme  il  l'a 
de  sa  propre  volonlé ,  de  son  amour,  alors  il  cuniieut  le  Père  ;  le 
Père  est  tout  entier  en  lui ,  parue  qu'il  connaît  qu'il  a  ce  qui  est 


M 


t 


JOA  S9 

dins  là  Ptre.  Il  ea  fatii  dire  autant  de  chaque  jversoiiDe  de  la  Tri- 
njlé  i  l'égard  des  autres'. 

On  regarda  reiie  hypothèse  comDie  un  vrai  trilliéisme ,  et  elle 
fdl  attaquée  par  Ira  théologiens  anglais. 

n  est  aisé  de  voir,  I  "  que  cette  h  jpoih&se  est  un  vrai  trilbêisme 
et  qu'elle  suppose  en  effet  trois  substances  oêcessaires,  éteN 
nelles ,  incréées ,  ce  qui  est  absurde. 

2*  Il  est  faui  que  la  connaissance  parfaite  qu'une  «ubstam» 
spirituelle  a  d'une  autre  ue  fasse  de  ces  deoi  substances  qu'une 
■eule  substance  numérique  ;  car  al«rs  Dieu  ne  serait  point  en  ef- 
fet distingué  des  Suies  humaines,  ce  qui  est  absurde. 

3°  M.  Sberiok  suppose  que  deux  substances  spirituelles  peu- 
ut  aïoir  la  uiâme  conscience  ;  mais  c'est  une  ion tra diction  fur- 
Éielle  que  de  supposer  la  même  conscience  numérique  dans  pl»f 
^urs  sobsunces,  et  si  le  fera,  le  Fils  et  le  Saint-Esprit  n'ont 
numérique,  ce  sont  (rois personnes  dans  one 
'ÎKole  et  même  substance. 

i*  L'unité  de  substance  est  telle,  dans  ladivioiié,  qu'elle  s'allie 
;-4ependaot  avec  la  distinction  des  personnes  i  ur,  dans  riijpoihèse 
de  U.  Sheclok ,  il  n'j  aurait  en  elTet  aucune  distinction  entre  les 
personnes  divines  ;  il  telombe  dans  le  Sabellianisme ,  et  n'admet 
^'une  distÎDciioa  de  nom  ;  toute  autre  distinction  détruirait 
cette  uuiV  numérique  qai  eal  son  objet. 
JOACIIIMITES.  C'est  le  nom  que  l'ou 
rent  la  doctrine  de  l'abbé  Joacbîni,  non  ! 
la  morale. 

L'abbé  ioachim  visait  ï  une  perfeci 
tait  détrliatoé  contre  la  corruption  du  siècle  ;  il  était  eicessivft-  1 
menl  prévenu  pour  la  vie  érémitique  et  pour  ce  qu'on  appelle  la  | 
Tîe  intérieure  et  retirée  ;  il  ne  voulait  pas  que  l'on  «e  buruât  k  It  I 
pratique  des  préceptes  de  l'Ëvangile. 

Quelques  personnes  prirent  de  lï  occasion  de  dire  que  la  loi  df    j 
l'Évangile  était  imparfaite,  et  qu'elle  devait  être  suivie  par  une 
lai  plus  parfaite  ;  que  cette  loi  était  la  lui  de  l'esprit ,  qui  devait   ' 
être  élemetlo. 

Cette  loi  de  l'esprit  n'était  que  la  collectloi 
cette  fausse  spiritualité  dont  les  Joachlmites  faisaient  profcâsloïki 

'  Justification  de  ladoctrioe  do  la  Trinité. 


i 


r  la  Trinité,  mais  bw  I 


n  extraordinaire  ; 


L. 


40  JOV 

et  qu'ils  renrermaîent  dans  un  livre  auquel  Us  donnèrenl  le  nom 

(l'Évangile  éternel. 

Les  joschiiniles  stipposaienl  dans  la  religion  trois  époqufs:  h 
première  commençiil  au  temps  de  l'ancien  "reslainent  ;  la  seconde 
au  nouTeau  Testament  ;  maïs  le  nouveau  Tesiameni  n'étuii  pas 
une  loi  parfaite,  il  devait  finir  et  Taire  place  à  une  loi  pins  par- 
faite i  qui  sera  éternelle  :  cette  loi  est  La  morale  de  l'abbé  Joa- 
chim  ,  que  l'on  donne  dans  l'f;vangile  éternel.  Or,  on  y  enseigne 
que .  pour  prêcher  l'Ërangile  éternel ,  îl  faut  être  déchaussé  ;  que 
ni  lésus-Christ ,  ni  Ips  apttlres ,  ti'ont  atteint  la  perrecliou  de  la 
vie  conlempIaliTe  ;  que  depuis  Jésus-Chrisl  jusqu'i  l'abbé  loa- 
chim  la  vie  active  avait  été  utile  ;  mais  que ,  depuis  que  cet  abbé 
avait  paru  sur  la  terre ,  la  vie  active  était  devenue  inutile ,  et  que 
b  vie  contemplative  dont  cet  abbé  avait  donué  l'eiemplc  serait 
bien  plus  utile. 

Tels  sont  les  principes  de  l'Évangile  éternel:  il  était  rempli 
d'extravagances,  Toodées  ordinairement  sur  quelque  interpréta- 
tion mystiquede  quelque  passage  de  l'Écriture  sainle  *. 

L'Ëvangile  éternel  a  été  attribué  ï  Jean  de  Borne, seplième  gé- 
néral des  Frères  Mineurs  ;  d'autres  l'attribuent  i  Amauri  ou  h 
quelqu'un  de  ses  disrîplcs;  quoi  qu'il  en  soit,  il  est  certain  que 
plusieurs  religîeui  approuvèrent  cet  ouvrage  ,  el  quelques-uns 
d'entre  eux  voulurent  enseigner  celte  doctrine  dans  l'Université 
de  Paris,  l'anlïSi". 

L' Évangile  éternel  a  été  condamné  par  Alexandre  IV,  et  parle 
concile  d'Arles,  en  1260  3. 

JOVINIEN  avait  passé  «es  premières  annéen  dans  les  austérités 
de  la  vie  monastique,  vivant  de  pain  el  d'eau,  marchant  nu-pieds, 
portant  un  babit  noir,  et  travaillant  de  ses  mains  pour  vivre. 

11  sortit  de  son  monastiïre  qui  était  i  Uilan,  et  se  rendît  k 
Rome  :  faiîgué  des  combats  qu'il  avait  livrés  i  ses  passions  ,  ou 
séduit  par  les  délices  de  Rome,  il  ne  tarda  pas  à  se  livrer  aux 
plaisirs. 

Pour  justifier  aux  jeux  du  public ,  et  peut-être  i  ses  propres 
jeux  ,  ton  changement,  Jovinien  soutenait  que  la  banne  chère  el 

1  Natal.  Alei.  In  SBf.  13  ,  e.  R,  art.  A.  D'Argentr^,  ColIccL  Jud., 
I.  1,  p.  ISS. 


LEO 

l'ibâiinenee  nViaient  en  eltes-mâmes  ni  bonnes  ni  mauvais^!,  et  1 
qu'on  pouvait  oser  îndilTéreDinienl  de  louies  les  viandes,  pourva 
qu'on  en  u^l  aiec  action  de  grilcra. 

Comme  Jovirien  ne  se  bornait  point  au  plaisir  de  U  bonne 
chère  ,  il  préleudil  que  la  virginité  n'éuiipas  un  étal  plus  par- 
fail  qne  le  mariage  ;  qu'il  étaîl  faux  que  la  mtre  de  Notre-Seî- 
gneur  fût  demeurée  vierge  après  renfantenient ,  ou  qu'il  fallait, 
comme  les  Manichéens  ,  donner  !t  Jésus-Christ  on  corps  faniastî- 
(|ue;  qu'an  resle,  ceux  qui  avaient  été  régénérés  par  le  baptême 
uc  pnuvaieni  plus  être  vaincus  par  le  démon  ;  que  la  grâce  du  bap- 
Ii'^me  égalait  lous  les  hommes,  elque,  comme  ils  ne  nié  ritaienl  qui- 
par  elle,  eeui  qui  la  conservaienl  jouiraient  dans  le  ciel  d'une  ré- 
compense cga  le.  Saini  Augustin  dit  que  Jovinien  ajouta  !i  toutes 
ces  erreurs  le  sentiment  des  Stoïciens  sur  l'égalilé  des  péthés  '. 
Jovinien  eut  beaucoup  de  sectateurs  à  Rome  :  on  vît  une  mul- 
tude  de  personnes  qui  avaient  vécu  dans  U  continence  et  dans  la 
mortification  renoncer  ï  une  austérité  qu'ils  ne  croyaient  bonne 
i  rien,  se  marier,  mener  une  vie  molle  et  voluptueuse,  qui  neTai- 
■aii  perdre,  selon  eux  ,  aucun  des  avantages  que  U  religion  nous 

Oromet. 

■r^  Jovinien  fui  condamné  par  le  pape  Slrice,  et  par  une  assemblée 

KévéquesAMilan*, 

W  Saioiiéromeaécritcontre  Jovinien,  et  soutenu  les  droits  de  U 
virginité,  de  manière  à  faire  croire  qu'il  condamnait  le  mariage  ; 
on  ï'en  plaignit ,  et  il  Ht  voir  qu'on  l'Interprélait  mal  :  c'est  donc 
injustement  que  M.  Barbejrac  lui  reproche  de  s'être  contredit. 


n 


IKABALF..  Voyf:  Cauhaie. 
KOUAKRES.  Voye^  Quaquehs. 
LÀ 
LD 


K 


LAimOYANS.  secte  d'Anabaptistes.  Voue:  cet  article. 
LEON  ISAIRIEN.  Voi/«  IcoKocuSTia. 

Ambr,>  ep>  il,  Aog.,  in  Sab,,  c.  S.  De  hxres. 

1  Ep.  Kric.,  L  1.  Cunc,  p,  1034.  Ambr.,  ep.  A3. 


42  tOL 

LIBERTINS»  bnnche  d'Anabaptistes. 

LOLLARDS,  branche  de  Frérots  ou  de  Béguards ,  qui  eut  pour 
chef  Gaultier  LoUard. 

Malgré  les  croisades  qai  avaient  exterminé  tant  d'hérétiques  , 
malgré  les  inquisiteurs  qui  en  avaient  fait  brûler  une  infinité , 
malgré  les  bûchers  allumés  dans  toute  TEurope  contre  les  sectai- 
Tes,  on  voyait  à  chaque  instant  nattre  de  nouvelles  sectes,  qui  bien- 
tôt se  divisaient  en  plusieurs  autres,  lesquelles  renouvelaient 
toutes  les  erreurs  des  Manichéens,  des  Cathares,  des  Albigeois,  etc. 

Ce  fut  ainsi  que  Gaultier  Lollard  forma  sa  secte.  Il  enseigna 
que  Lucifer  et  les  démons  avaient  été  chassés  du  ciel  injuste- 
ment,  et  qu'ils  y  seraient  rétablis  un  jour  ;  que  saint  Michel  et  les 
autres  anges  coupables  de  cette  injustice  seraient  damnés  éter- 
nellement, avec  tous  les  hommes  qui  n'étaient  pas  dans  ses  senti- 
mens  :  il  méprisait  les  cérémonies  de  TÉglise,  ne  reconnaissait 
point  rintercessiott  des  saints,  et  croyait  que  les  sacremens  étaient 
inutiles.  Si  le  baptême  est  un  sacrement,  dit  Lollard  ,  tout  bain 
en  est  aussi  un,  et  tout  baigneur  est  Dieu  ;  il  prétendait  que  riios- 
tie  consacrée  était  un  Dieu  imaginaire  ;  il  se  moquait  de  la  messe, 
des  prêtres  et  des  évêques ,  dont  il  prétendait  que  les  ordinations 
étaient  nulles  ;  le  mariage ,  selon  lui,  n'était  qu*une  prostitution 
jurée. 

Gaultier  Lollard  se  fît  un  grand  nombre  de  disciples ,  en  Au- 
triche, en  Bohême ,  etc. 

Il  établit  douze  hommes  choisis  entre  ses  disciples ,  qu'il  nom- 
mait ses  apôtres,  et  qui  parcouraient  tous  les  ans  TAllemagne  pour 
affermir  ceux  qui  avaient  adopté  ses  sentimens  :  entre  ces  douze 
disciples,  il  y  avait  deux  vieillards  qu'on  nommait  les  ministres 
de  la  secte;  ces  deux  ministres  feignaient  qu'ils  entraienttous  les 
ans  dans  le  paradis,  où  ils  rece vaient  d'Enoch  et  d'Élie  le  pouvoir  de 
remettre  tous  les  péchés  à  ceux  de  leur  secte ,  et  ils  communi- 
quaient ce  pouvoir  à  plusieurs  autres,  dans  chaque  ville  ou  bour- 
gade. 

Les  inquisiteurs  fîrent  arrêter  Lollard,  et,  ne  pouvant  vaincre 
son  opiniâtreté ,  le  condamnèrent  ;  il  alla  au  feu  sans  frayeur  et 
sans  repentir:  on  découvrit  un  grand  nombre  de  ses  disciples,  dont 
on  fit,  selon  Trithème,  un  grand  incendie. 

Le  feu  qui  réduisit  Lollard  en  cendres  ne  détruisit  pas  sa  secte  ; 
les  Lollards  se  perpétuèrent  en  Allemagne ,  passèrent  en  Flandres 
et  en  Angleterre. 


LUC  u 

Lm  démêlés  de  ce  rojanme  avec  la  cour  de  Rnme  coDcilièri.tii 
aux  Lolhtdi  Vafteetioa  de  brancoai*  d'AngtiU ,  el  leur  leeie;  flt 
du  progrès  ;  mais  le  etergé  fil  parler  (contre  eui  In  lois  le*  plus 
sévères ,  et  le  crédit  des  coniniuiies  ne  piit  empêcher  qa'on  ne 
brAlit  les  Lollards  :  cependiDt  on  ne  les  détruisil  point  ;  ils  se 
réanireot  aux  WicléSies,  et  prAparèrent  la  mine  du  clergé  d'An- 
gleterre et  le  schisme  de  Henri  Vtll ,  tandi»  que  d'autres  l^llards 
préparaient  en  Bohème  les  esprits  pour  leserrenrsde  Jean  Hua  et 
pour  la  guerre  des  Hnniles  ' . 

LtClF'ËRIE.VS,  schismaliques  ({ni  se  séparèrentde  l'Eglise  ea- 
lliulique  parce  qne  le  concile  d'Aleiandrle  avait  reçu  i  la  péDi- 
tence  les  évéques  du  concile  de  Ricuîoi  :  voici  l'ocGasiait  àa  ce 
schisme. 

Après  ta  mort  de  Constance ,  lulien  rendit  i  ions  les  exilés  la 
liberté ,  et  les  évéques  catholiques  travaillèrent  au  rélablisiement 
delà  pjiidans  l'Église. Saint  Athan»se  et  saint  Euièbe de  Verceil 
aïsembierent  onconnleà  Alexandrie,  l'an  3tiâ  ,  dans  lequel  on 
Gl  on  décret  général  pour  recevoir  â  li  communion  de  l'Eglise 
iDuslcs  évêqnes  qui  avaient  été  engagés  dans  l'Artanigine  :  comme 
rËglised'Antiocbe  était  divisée,  un  y  envoya  Ensébe ,  avec  des 
insimciionspour  pacifier  celle  Église. 

Lucifer ,  au  lien  de  m  rendre  k  Alexandrie  avee  Eusëbe,  était 
allé  directeineul  à  Aiitioche,  et  un  y  avuit  ordonné  évéque  Pau- 
lin: ce  choix  ne  Et  qu'augmenter  le  trouble,  et  il  était  plu*  grand 
que  jamais  lorsqu'Eusébe  arriva  ;  il  fut  pénétré  de  douleur  de 
toir  que  Lncifer,  par  ta  précipitation  ,  eût  rendu  le  mal  presque 
taeurable;  néanmoins  il  ne  btlma  pas  Lucifer  ouvertement, 

Lncifer  fut  offensé  de  ce  qu'Eu^be  n'approuvait  pu  ce  qu'il 
avait  Tait  ;  Il  se  sépara  de  s»  communion  et  de  celle  de  tous  le* 
évéquec  qui  avaient  re(;u  i  Ij  pénitence  les  évéques  tombé*  dans 
r.Srianieme. 

Lucifer  s'était  rendu  illustre  dans  l'Église  par  son  mépris  pour 
le  monde,  par  son  amour  pour  les  leiires  saintes,  par  la  pureté  de 
ta  vje.  par  la  constauce  de  sa  foi  :  il  (dît  une  Imprudence,  on  ne 
l'a  ppi  audit  pas.  Il  hait  tout  te  monde;  il  cherche  un  préleile  pour 
te  séparer  de  tous  les  évéques  ',el  croit  trouver  une  jusle  raison 

'  Dopln,  qualon.  itMe,  p.  tSfl.  D'Argentré,  Colled.  juilicior,,  t.  ). 
'  Sulpic  Sever.,  I.  S,  Amliin,,  Oral,  de  obitu  tSaliri,  Aiig.  ■(■.  .''0. 
H.viTon.  In  d'aï,  adtersût  LocU^. 


44  LUT 

de  s'en  séparer  dans  la  loi  qu'ils  avaient  faiic  pour  recevoir  h  Ii 

pénilence  ceux  qui  sonl  lombes  dans  l'AriaDÎsmc. 

VoUk  comment  le  caractère  décide  souvent  un  homme  pour  le 
scliisme  et  pour  l'hérésie. 

Lucirereui  des  sectateurs,  maisen  petit  nombre;  its  étaient  ré- 
pandus dans  la  Sardaigne  et  en  Espagne  :  ces  sectateurs  présentè- 
rent une  requéteaui  empereurs  Théodose,  Valentinien  et  Arcade, 
dans  laquelle  ils  font  proression  de  ne  point  communiquer ,  noo' 
seulement  avec  ceux  qui  avaient  consenti  â  l'hérésie,  mais  encore 
avec  ceux  même  qui  communiquaient  avec  les  personnes  qui  étaient 
tombées  dans  l'Iiérésie;  c'est  pour  cela  qu'ils  sont  en  petit  nom- 
bre,  disent-ils,  et  qu'ils  évitent  presque  tout  le  monde  :  ilsassurenl 
que  le  pape  Damas ,  saint  llilaire  ,  saint  Athanase  et  les  autres 
confesseurs,  en  recevant  les  Ariens  i  la  pénitence  ,  avaient  Iralii 
la  vérité. 

Lucifer  mourut  dans  son  schisme. 

LUTHER,  auteur  de  la  réforme  conuue  sous  le  nom  de  reli);i<ia 
luthérienne.  Nous  allons  examiner  l'origine  et  le  progrès  de  celle 
réforme  ;  nous  exposerons  ensuite  le  systÈme  ihéologique  de  Lu- 
ther et  nous  le  réfuterons. 

De  l'orifitne  da  Lullu^raiiiime, 

Luther  naquit  il  Isleb ,  ville  de  Saxe  ,  sur  la  On  du  quinzième 
siècle  (1483). 

Après  avoir  aciievé  ses  études  de  grammaire  '4  Magdebourget 
i  Eiseaach  ,  il  hl  son  cours  de  philosophie  ï  Erfurt ,  et  fut  reçu 
maître  es  arts  dans  l'Université  de  cette  ville;  il  se  livra  ensuite  ù 
l'étude  du  droit,  et  se  destinait  au  barreau.  On  coup  de  tonnerre 
qui  lua  Uses  eûtes  un  de  ses  amis  changea  sa  desiinaiion  elle 
détermina  il  entrer  dans  l'ordre  des  religieux  augiislins. 

Il  étudia  en  théologioà  Witteinherg,  y  acquit  le  degré  de  doc- 
teur ,  fut  fait  prolesseur,  ei  devint  célèbre  au  commencemeul  du 
seizième  siècle. 

L'Europe  était  iranqullle,  et  tous  les  cbrélieoa  y  vivaient  dans 
la  communion  et  snus  l'obéiss-ince  de  l'Ëglise  de  Rome.  Léon  X 
occupait  le  siège  de  saint  Pierre  :  ce  pape  avait  apporté  uu  punti- 
flcai  de  grandes  qualités;  il  connaissait  les  belles-leitres ,  il  aimait 
el  favorisait  te  mérite;  il  avait  de  l'humanité,  de  U  bonté,  une  ex- 
trême libéralité,  et  une  si  i;rande  aibbilitv,  qu'où  trouvait  quelqae 


I 


I  LUT 

chose  de  pins  qn'bumaiD  dans  toutes  » 
raljté  et  n  ficililé  ï  donner  épuisèrenl  bienlâl  les  trésors  de  Ju- 
les 11,  auquel  iUuccédait,  el  absorbèrent  sesrerenus  '. 

Cepeadanl  Léon  X  ToriDaleprojet  d'acbeverlamagnifiqueéglise 
de  Sainl-Pierre,  el  accorda  des  indulgences  ï  ceni  qai  coDlribue' 
raient  aux  frais  de  cel  édifice  :  la  bulle  des  iodulgenceit  fut  expé- 
diée, et  Léon  X  donna  une  partie  des  revenus  de  celte  indulgence 
i  différentes  personnes,  leur  assignant  le  revenu  de  quelque  pro- 

Dans  ce  partage  il  fil  don  de  tout  ce  qui  détail  retenir  de  la 
Saxe  et  d'une  partie  de  l'Allemagne  i  sa  sœur,  qui  chargea  Ar- 
cliambaud  de  celle  levée  de  deniers.  Arcbambaud  en  Hi  une  ferme, 
et  les  cullecleurs  ou  fermief*  confièrent  la  prédication  des  indul- 
gences aux  dominicains. 

Les  collecteurs  el  les  prédicateurs  des  indulgences  leur  allri- 
buèrentnneeOicacité  extraordinaire,  el,  en  précbani  l'indulgence, 
menaient  une  vie  scandaleuse.  Plusieurs  de  ces  négocians  spiri- 
tuels, dit  Guichardin  ,  en  vinrent  jusqu'il  donnera  vit  prit  etk 
jouer  dans  les  cabarets  le  pouvoir  de  délivrer  les  ïmes  du  purg^  i 
tmre*. 

Luther  s'éleva  contre  les  excès  des  catlecleurs  et  des  prédica- 
teurs des  indulgences  et  contre  les  désordres  de  ceux  qui  les  pr£-  ' 
cbaîenl;  c'est  l'objet  d'une  de.fes  lellresh  l'arrhevéque  de  Majen- 
ce:  il  étudia  la  znatléredes  indulgences,  et  publia  des  ibésesdani 
lesquelles  il  censurait  amëremeni  les  abus  des  indulgences,  el  ré- 
daisail  leur  effet  presque  ù  rien. 

Tetzel ,  dominicain,  qui  était  k  la  tète  des  prédics 
dulgences  ,  fit  publier  et  soutenir  des  ibèses  contraires  dans  la    | 
Vdie  de  Francfurt ,  en  Brandebourg. 

Ces  thèses  furent  comme  la  déclaration  de  guerre:  plus 
théologiens  se  joignirent  S  Teliel  ,  el  prirent  la  plume  pour  Ik 
défense  des  indulgences  ;  la  dispute  s'écbauffa.  Lntber,  qui  était 
d'un  caractère  violent ,  s'emporta  et  passa  les  bornes  de  la  mode* 
ration,  de  la  charité  et  de  la  subordination  ;  il  fut  cilé  i  Rome  ,  el 
Léon  X  donna  une  bulle  dans  laquelle  il  déclarai!  la  validité  dea 
indulgences ,  prononçait  qu'eu  qualiti 


■Guichardin,!.  Il,  lA. 

>  Guichardin,  I.  18,  il.  li.  nsinalil  nd  an.  t.5na,  n. 
Hiil.  du  Imh.,  I.  1,  wss,  e.  Scckcndorfiur  Malmli. 


48  LUT 

Pierre  ei  dp  vicaire  de  Jésus-Christ ,  il  avait  droit  d'en  acrorder; 
que  c*éiait  la  doctrioe  de  l'ËgHse  romninc  ,  maîtresse  de  touLes 
les  Ëglises,  et  qu'il  fallait  recevoir  celle  doctrine  pour  vivre  dans 
sa  communion  :  il  donna  ensuite  une  bulle,  dan«  laquelle  il  con- 
ibtnaail  U  doclrioe  de  Luther ,  ordonnait  de  brQIer  ses  livres,  et 
le  déclarait  lui-même  hérétique  s'il  ne  se  rélraclaît  pas  dans  un 
temps  qu'il  marquait. 

Luther  appela  de  cetle  bulle  nu  concile ,  et  comme  l'électeur 
de  SaKB  avait  goûté  les  sentimens  de  Luther,  ce  docteur  eut  assez 
de  crédit  pour  faire  brûler  1  Witlemberg  la  bulledeLéon  X. 

Celle  audace,  qui  dans  Luther  étail  un  eSei  de  son  caracIËrc,  se 
trouva  par  l'événement  un  coup  de  politique.  Le  peuplc,qui  vit  brû- 
ler par  Luther  la  bulle  d'un  pape ,  perdit  machinalement  celte 
frajreur  religieuse  que  lui  inspiraient  les  décrets  du  souverain 
pontife  et  la  confiance  qu'il  avait  aux  indulgences  :  bientOt  Lu- 
ther attaqua  ,  duns  ses  prédications ,  les  abus  des  indulgences, 
l'autorité  du  pape  et  les  eicés  des  prédicateurs  des  indulgences; 
il  les  rendit  odieux  et  se  (itun  grand  nombre  de  partisans. 

Les  prédications  de  Luther  commeuçaienl  ï  Taire  beaucoup  de 
bruit,  lorsqu'on  tint  une  diète  ï  Worms  (en  1S21].  Luther  j  Tut 
cité,  etl'on  fit  un  décret  conlrelui:  dans  cedécret,  Charles-Quint, 
après  avoir  raconté  comment  Luther  lâchait  de  répandre  ses  er- 
reurs en  Allemagne,  déclare  que  voulant  suivre  les  traces  des  em- 
pereurs romains,  ses  prédécesseurs,  pour  satisfaire  il  ce  qu'il  doit 
i  l'honneur  de  Dieu ,  an  respect  qu'il  porte  au  pape,  et  à  ce 
qui  est  dû  k  la  dignité  impériale  dont  il  est  revêtu,  du  conseil  el 
du  consentement  des  électeurs,  princes  el  États  de  l'empire,  et  en 
exécution  de  la  sentence  du  pape  il  déclare  qu'il  lient  Martin 
Luiher  pour  notoirement  hérétique  ,  et  ordonne  qu'il  soit  tenu 
pour  tel,  de  tout  le  monde  ,  défendant  Ji  tous  de  le  recevoir  ou  de 
le  protéger,  de  quelque  manière  que  ce  soit;  commandant  i  tous 
lei  princes  et  Ëists  de  l'empire,  sous  les  peines  portées,  de  le 
prendre  et  emprisonner  après  le  terme  de  31  jours  expirés  ,  et  de 
poursuivre  ses  complices,  adhérens  et  fauteurs,  de  les  dépouiller 
de  leurs  biens,  meubles,  immeubles,  etc. 

Lorsque  cet  édit  eut  passé  ,  Frédéric  de  Saxe  fit  partir  secrète- 
ment Luther,  elle  fit  conduire  en  lieu  sûr;  maison  n'exécuta  point 
le  décret  de  ladièie  contre  les  partisans  de  Luther. 

Ainsi  l'Église  de  Rome,  à  laquelle  tout  était  soumis ,  qui  avait 
irmé  l'Europe  entière,  fait  trembler  les  soudans,  dépoi^  les  rois, 


ICI 


» 


% 


donné  des  royaumes;  Rome,  b  qui  tout  obéissait,  vît  sa  puissance    ' 
■'  celle  de  l'empire  échouer  coulre  Lullier  et  contre  ses  disciples. 

CeUe  espèce  de  phénomène  êuil  préparé  depuis  loag-lemps; 
W  guerres,  qui  ariient  éteint  les  arts  et  les  sciences  dans  l'Occi-  ' 
dent,  aTaient  produit  de  grands  alius  dans  le  clergé;  il  s'était 
élevé,  dans  ces  siècles  barbares ,  des  sectaires  qui  ataieni  attaqué 
ces  abus,  et  le  prétexte  de  les  réformer  avait  concilié  des  secta- 
teurs aux  Heoriciens,  aui  Pétrobusiens,  aux  Albigeois,  aux  Vau- 
dois.  elc. 

Les  foudres  de  l'Ëglise ,  lesamiées  des  croisés ,  les  bûchers  ds 
l'inquisition  avaient  détruit  toutesces  sectes,  et,  dais  l'Occident, 
tout  était  soumis  au  pape  et  uni  A  l'É\i\iie  romaine. 

Les  papes  et  le  clergé  ,  accoutumés  depuis  le  oniième  siècle  i 
tout  subjuguer  avec  l'anaihème  cl  les  indulgences  ,  ne  conoais- 
saient  presque  point  d'autre  moyen  que  la  fui'ce  pour  combattre 
l'bérésïe  ;  ils  employaient  les  foudres  de  l'Ëglisc  contre  tout  ce 
qui  s'opposait  ù  leurs  desseins  ou  1  leurs  intérêts,  qu'ils  coni 
daient  souvcut  avec  ceux  de  l'Ëglise  clde  la  relitiiun  :  ainsi , 
puis  les  guerres  descroiséâiOnaviitTu  les  papes  déposer  les  soov»- 
rainsqui  ne  leur  obèissaienl  pas  ;  des  antipapes  excommunier  les 
rois  qui  reconnaissaient  leurs  concurrens  dans  le  sauTeraiu  pon- 
tifiial,  délier  du  sermcni  de  Cdëlité  les  sujets  de  ces  souverains , 
accorder  des  ioduIgcDces  ï  ceux  qui  les  combaluaieot,  donner 
Icursrojaumesâceux  qui  les  conquerraient;  ou  avait  tu  lespeii-^J 
pies  abandonner  leurs  souverains  ,  sacrifier  leur  fortune,  pougm 
obéir  aux  décrets  des  papes  et  pour  gagner  les  indulgences. 

La  profonde  ignorance  peut  donner  une  longue  durée  i  uns-  J 
pareille  puissance  ;  elle  pourrait  même  être  immuable  parmi  det  [ 
peuples  qui  ne  raisonneraient  point  j  mais  il  s'en  Cillait  beaucoup 
que  l'esprit  des  peuples  d'Allemagne  fût  dans  cet  étal  d'imiiiobî.> 
lité  et  de  quiétude  :  toutes  les  seetes  réformatrices  qui  s'étaient  j 
élevées  depuis  les  Henriciens ,  les  Albigeois  et  les  Vaudoia, 
laienl  rffugiiïcs  en  Allemagne,  elles  y  avaient  des  partisans  ca-  I 
chés,  qui  Idchaienl  de  faire  des  prosélytes  et  qn!  répandaient  des  i 
principes  contraires  à  la  foi  et  b  Tsuiorité  de  l'Ëglise  :  les  livres  -| 
de  Wiclef,  de  Jean  Hus,  s'y  étaient  multipliés,  et  ou  les  lisait. 

I.«SKeriaires  cachés  et  une  paKie  des  ouvrages  de  Wiclef  et 
de  lein  llus  attaquaient  des  excès  mauilcsies  et  une  autorité  J 
dont  l'ibus  incommodait  presque  tout  le  monde;  ainsi  l'Egliac  dt  i 
ftomeet  le  clergé  avaient  beaucoup  d'ennemis  aecrcls. 


H  LUT 

Cet  enDemÎB  n'élaleot  poinl  des  TaDatiquei  ignorans  ,  rid!cuteB 
ou dùbsuuhéi  :  c'éuieQldesbomniMqui  raisunnaieni,  qui  préteo» 
daieol  De  point  alUquer  l'Rg1i«e ,  mais  les  abus  dont  les  Ddèles 
alitent  scHndaliBéB,  ei  qui  dâiruisaieuL  la  dUcipliae.  On  avait  vu, 
dans  les  conciles  de  Conslance  et  de  631e  ,  des  hommes  célèbres 
par  leurs  lumières  ei  par  leurs  vertus  demaniJer,  mais  inutile' 
lemeni,  la  réforme  des  abus  -,  on  lojiait  qu'on  nepouvajt  l'espérer 
et  l'ubienir  qu'en  rérurmant  les  abus  malgré  le  clergé  et  la  cour 
de  Rome  ,  mais  son  autorité  toujours  redoutable  cunlenaîl  tout 
te  monde,  el  il  y  availdans  une  inlioilé  d'esprits  uuc  espèce  d'é- 
quilibre entre  le  désir  de  la  réforjuc  et  la  crainte  de  l'aulorilé  du 

Lutlier,  en  attaquant  l'autorité  du  pape ,  les  indulgences  et  le 
clergé,  rompit  cet  équilibre  qui  produisait  ce  calme  dangereux 
que  l'on  prend  pour  de  la  tranquillilé;  il  communiqua  ï  une  infi- 
nité de  peraonueâ  l'esprit  de  révolte  contre  l'Ëglise ,  et  se  trouva 
tout  ï  coup  i  la  tête  d'un  parti  si  considérable,  que  les  princes 
d'Allemagne  crurent  ne  pouvoir  eiécuter  le  décret  de  la  diélc 
contre  Luther  saus  exciter  une  sédition. 

D'ailleurs,  plusieurs  de  ces  princes  n'avaient  accédé  i  ce  décret 
qn'avec  répugnance  :  ils  ne  voyaient  qu'avec  beaucoup  de  peine 
sortir  de  leurs  États  les  sommes  immenses  que  les  directeurs  des 
indulgences  enlevaient  ;  ils  n'étaient  pas  lâchés  qu'on  attaquât  et 
qu'un  resserrùt  la  puissance  du  clergé  qu'ils  redoutaient  el  dont 
ils  souhaïlaient  l'abaissement  :  entio  les  armes  du  Turc ,  qui  uie- 
nri^aienl  l'empire,  Urenl  craindre  qu'il'ne  fût  dangereux  d'allu- 
mer en  Allemagne  une  guerre  de  religion,  semblable  à  celle  qui 
avait  désolé  la  Bohème  un  siècle  aupuravanl. 

AÏDsi  le  temps,  ce  novateur  si  redoutable,  avait  insensiblement 
tout  préparé  pour  faire  échouer  contre  un  reliijieux  augustin  l'au- 
lorilé de  l'Église  et  la  puissance  de  Charles-Quint  et  d'une 
grande  partie  des  princes  d'Allemagne. 

lin  progrè»  de  Laitier  dfpn'o  ton  rrlour  à  Wiltemberg  juiiqtCit 

la  diilede  fiurgmùerg. 
Luther  revint  il  Willemberg;  l'Université  adopta  ses  senlimens; 

'  Voj/e:  sur  lous  ci-s  fails  k'S  tiisl.  cl  les  auU  wlé.  do  ces  d.fféien» 
lempï)  le  conr.  de  Consl.;  le  coin,  de  Fiturj;  Bussui^t,  Hisl.  du  Fr.  el 
dn  Var.;  (Julrh.,  HisL  del'Ëgl.  gall. 


li 


rilédesLWéquei,  et  l'ordrft 

e  d^ecck-tiaile  ou  de  pré- 

en  écrivint  aux  Évéques ,    i 

,  que  c'est  U   nouvelle 

c  un  iriagiiîfique  mé|irii 

lo  litre  s'appeler 


LLT 
&  ;  abolil  U  messe,  on  attaqua  l'auio 
■émede  l'épiscoput:  Luther  prit  le  iv 
icaieur  de  'Wîitemberg ,  «fin  ,  dii-il 

■  qu'ils  ne  préleDdent  cause  d'ignoranc 
>  qualité  qu'il  se  donne  1  lui-niéroe  ,  t\ 

•  d'eui  et  de  Saliin  ;  qu*il  pourrait  1  aus» 

■  gëlistepar  la  giice  de  ftieu;  queirtecert«rDemeatJégu&-Cbrîit 

•  le  Dommalt  aiasi,  et  le  tenait  pour  ecclésiaste  *.  > 

En  letiu  de  cMte  céleste  niIssioD  ,  Luther  Taisait  tout  dans  l'É- 
glise; il  pr£cbait,  il  corrigeai! ,  il  retranchait  dea  cérémoniei ,  it 
en  établissait  d'autres  ,  il  instituait  et  destituait;  il  établit  méine 
un  évéqiic  i  Nuremberg  :  son  imagination  véhémente  ëcbauDb  le* 
esprits  ;  il  l'onimuniqua  son  enthousiasme;  il  devint  l'apAtre  el  l'o- 
rude  de  la  Saxe  el  d'une  grande  partie  de  l'Allemagne  :  étonné 
de  la  rapidité  de  ses  progrès ,  il  ae  crut  en  elTet  un  homnie  ex- 
traordinaire. •  Je  n'ai  pas  encore  mis  la  main  i  la  moindre  pierre 

■  pour  la  rcDverser,di«aii-il;  je  n'ai  fait  metirele  Feu  i  aucun  mo- 

•  nastëre;  mais  presque  tous  les  monailèrei  sont  ravagés  par  nu 
^^  I  plume  et  par  ma  tioucbe,  el  on  publie  que  sans  violence  j'»i  mirf  I 
^L>  kcul  tait  plus  de  mal  nu  pape  que  n'aurait  pu  luire  aucun  roi   I 
^B*  avec  toutes  les  forces  de  son  royaume  *.  • 
^P      Luther  prétendit  que  ces  succte  étaient  l'effet  d'une  force  si 
'    naturelle  que  Dieu  donnait  ïsesécrils  et  il  ses  prédications;  i 

publiiiil ,  et  le  peuple  le  crojait  :  aiientif  aux  progrùs  de  i 
empire  sur  tes  esprits  ,  Il  prit  te  ton  des  prophètes  contre  cetnc  I 
qui  s'opposaient  il  sa  doctrine.  Après  les  avoir  eihoriés  t  l'em-l 
brasser  ,  il  les  menaçait  de  crier  contre  eui  s'ils  refusaient  d*  J 
s'y  soumettre  :  •  Ues  prières,  dit-il  i  un  prince  de  la  r 

•  Saie,  ne  seront  pas  un  foudre  de  Salmouëe  ni  un  vain  murmurç  I 
^^  »  dans  l'air  :  on  n'arrête  pas  ainsi  la  voii  de  Lulber,  et  je  son-   I 
^^^  li*iteque  Votre  Altesse  ne  l'éprouve  pas  i  son  dam  :  ma  prière 
^^Best  on  rempart  iovinrible  ,  plus  puissant  que  le  diable  même  ; 
^^B  uns  elle  11  j  a  long-temps  qu'on  ne  purlcrail  plus  de  Luther  , 
^^VM  on  ne  s'élonnura  pas  d'un  si  grand  inii^Je  '!  ° 

^^H  Lorsqu'il   menaçait  quelqu'un  des  jugemens  de   Dieu  ,  volU 

^H     *  Ep-  ad  falio  nominat.  Ord.  eplicoporum ,  opcrum  Lulheri ,  t.  3, 
M.  SOS.  HUt.  dtt  Variai.,  t.  t,  p.  30. 
*T.  7,  fui.  SOT,  50».  Hist.  des  Variai.,  I.  t,  p.  31), 
'  Epw  adCeorg.  duc.  Soi.,  i,  3,  bl.  A91. 
11. 


ÊO  LUT 

eassie^dii  qu'il  lisali  dans  les  dét-Tets  éternels  ;  sur  sa  parole,  on 
lEnail  pour  assuré,  Jaus  son  parti,  iju'il  j  aiait  deux  AQlcchrisls 
clairemeDi  marqués  dans  l'Erriture ,  le  pape  et  le  Turc  ,  dont  Lu- 
tlier  annonçait  la  ruine  prochaine.  Ce  n'était  pas  seulement  le 
peuple  qui  crojait  que  Lutherélail  un  prophète  :  les  savans,  les 
ihéologicus  ,  les  hommes  de  lettres  de  son  parti  ,  le  regardaient 
pour  tel,  unt  l'einpire  de  l'imigi  nation  et  de  l'eniLousiasine  est 
étendu*. 

L'eeclésiasie  de  Wittemberg  ne  jouissait  cependant  pas  tran- 
quillement de  son  triomphe;  sa  révolte  euniru  l'Église  occusiona 
une  foule  de  sectes  fanaiiqnes  et  sédiiieusps  ,  qui  ritagi.Tent  une 
partie  de  rAllemagne.  Carlostad  voulut  életer  dans  Wiltemberg 
une  secte  nouvelle  ;  Lutter  lui-même  fut  attaqué  dans  une  infinité 
d'écrits  :  il  répondit  I  tout ,  attaqua  le  clergé ,  prêcha  contre  la 
corruption  des  mœurs  et  traduisit  la  Bible  en  langage  vulgaire; 
tout  le  monde  lut  sa  version ,  et  tout  ce  qui  pouvait  lire  prit  part 
aux  dispuLet  de  religion. 

L'Ëcrilure  seule  était,  selon  Luther,  la  règle  de  la  foi,  et 
chacun  était  en  droit  de  l'interpréter  :  ce  principe  séduisit  un 
nombre  infini  de  personnes,  en  Allemagne,  en  Bohême  et  en 
Hongrie;  mais  c'était  surtout  dans  la  Saie  et  dans  la  basse  Aile- 
magne  que  les  sectateurs  de  Luther  s'étaîeul  multipliés  et  qu'ils 
élaieui  animés  d'un  zèle  ardent  et  capaUe  de  tout  eatr^rendre. 


Du  Lulhéiai 


e  devait  la  diile  de  Nuremberg  jiuqii'ii  la   àiile 
d'Augibourg. 


Telle  était  l'étendue  du  Luthéranisme  lorsque  les  états  d'Alle- 
magne a'assemhléreni  1  Nuremberg.  Léon  X  était  mort ,  et 
Adrien  VI  lui  avait  succédé  :  ce  nouveau  pontife  eDVUjia  ï  la  diète 
un  nonce  pour  se  plaindre  de  la  liberté  qu'on  accordait  à  Luther, 
et  de  ce  qu'on  ne  tenait  puiut  la  main  !t  l'exécution  de  l'édit  de 
Worois. 

Les  états  répondirent  que  les  partisans  de  Luther  étaient  si 
nombreux  que  l'eiécuUon  de  l'édit  de  WormE  allumerait  une 
guerre  civile.  Les  princes  laïques  dressèrent  ensuite  nn  long  mé- 
moire  de  leurs  sujets  de  plainte  et  de  leurs  prétentions  contre  la 
cour  de  Rome  et  contre  Us  eccléni  as  tiques  ;  ils  réduisirent  sj 


I  SIciduu,  I.  3.  Mdunct,,  1,  a,  ep,  65. 


Is  réduisirent  Mme- 


LUT  St 

r  iKire  i  cm!  rbeh ,  suitiuels  ils  donntrent  pour  cela  h  tîlre  3i  j 
CwfKm  prauainlno  ;  ils  enïojferent  ce  mémoire  au  pape ,  avec  peth  ] 
(eslatton  qu'ih  ne  voutaienl  ni  ne  |iouVïieal  plus  tulérerce-i  (;rien, 
K  qu'ils  ètaieni  résolus  d'employer  les  moyens  les  pi  js  propres  fe 
ti  réprimer. 
Les  princes  se  plaignaient  des  uies  qui  se  payaient  pour  \eé 
riltppnses  et  pour  les  absolutions,  de  l'argent  qui  se  lirait  des  ii>> 
dulgences  ,  de  l'Évocation  des  procès  ù  Rome ,  de  l'exemption  Aét 
eect^i^stiqncs  dans  les  causes  criminelles ,  e 

Tous  ces  griefs  se  réduisaient  i  ti^is  principatii ,  savoir  :  qae  i 
les  erclésiasiiques  réduisaient  les  peuples  en  servitude ,  qu'ils  léf  I 
'   dépouillaient  de  leurs  biens,  et  qu'ils  s'appropriaient  la  juridic-  I 
F  flon  des  magistmls  laïques*. 
I      La  ditie  fit  aussi  un  rtglemeni  pour  calmer  les  esprits  et  pour  ] 
H^-Sfifendre  d' imprimer  ou  d'enseigner  uucunu  doctrine  nouvelle. 
Les  Luthériens  et  les  calboliques  interprétèrent  ce  décret  clia> 
mn  ï  lear  avantage ,  et  prétendirent  n'enseigner  que  la  doctrini  1 
mtea  Pères  de  l'Église  ;  ainsi  ce  décret  ne  fit  qu'allumer  le  feu  de  1^  ] 
K'Ascorde  *, 

Adrien  VI  reconnaissait  la  nécesiîlË  de  réformer  beaucoup  d'à-  | 
I  bus ,  et  pïtaÎBsait  déterminé  i  travailler  ï  cette  réforme;  aialtit  J 
I   Bourut  avant  que  d'avoir  pu  l'eiécuter. 

Jules  de  Médicjs  lui  succéda  sous  le  nom 

LîWpe  enToja  i  la  diète  de  Nuremberg  un  nt 

E  Borie  de  rëforaialiOD  pour  l'Allemagne  ;  mais  o 

mit  subsister  les  abus  les  plus  dangereux,  ei 

I   nit  point  les  vœux  de  la  diète  précédente  *. 

Cependant  le  légat  engagea  F'erdinand  ,  frère  de  l'empereur,  at.l 
[plusieurs  uutres  princes  à  approuver  son  décret  de  réforme.  La  1 
^blicalion  de  ce  règlement  offensa  tous  les  princes  et  tous  Ih  J 
|t£ques  qui  n'avaient  pas  voulu  j  consentir  dans  la  diète  ;  le  m^-  I 
enlement  augmenta  par  les  lettres  impérieuses  que  Charlef-  1 
il  écrivit  1  la  diète ,  et  les  étals  de  l'empire  s'élant  assembla  1 
1  Spire,  sur  la  lïn  du  mois  dejuinlSSS,  on  délibéra  ,  par  ordrt  I 
de  l'empereur,  sur  des  lettres  de  ce  prince ,  par  lesquelles  il  len  | 
dicUnil  qu'il  allait  passer  en  Italie  pour  s'y  faire  couronner  ^  J 

■  Fasdeulus  rerum  eipetendarum,  I.  1,  p>  353, 
1  Ibid.  Stvidaii.,  1, 1,  p,  iO, 
■An,  ISIt, 


52  LUT 

pour  pT^ndre  avec  le  pape  des  mesures  pour  la  conTor^iion  d'un 

concile  :  en  allendanl ,  il  roulait  qu'on  observât  l'édil  de  Worms 

et  défendait  de  traiter  davantage  des  matières  de  religion  dans  la 

diËle. 

I.a  plupart  des  villes  répondirent  que  si  par  le  passfi  on  n'avait 
pu  observer  les  décrets  de  Worms ,  il  élail  enrore  plus  dangereux 
de  le  tenter  alors ,  puisque  les  controverses  étaient  plus  animées 
que  jamais  :  on  fit  donc  un  décret  qui  pnrlaît ,  en  substanre ,  que 
comme  il  était  nécessaire ,  pour  remettre  l'ordre  dans  les  alTaîres 
de  la  religion  et  pour  maintenir  la  liberté ,  de  tenir  un  concile  lé- 
gitime en  Allemagne  ou  d'en  procurer  un  qui  fût  universel ,  et  de 
l'assembler  avant  le  tenne  d'une  année ,  on  enverrait  des  ambas- 
sadeurs i  l'empereur,  pour  le  prier  de  regarder  avec  compassion 
l'étal  tumultueux  et  misérable  de  l'empire ,  et  de  retourner  au 
plulAt  en  Allemagne ,  pour  Taire  assembler  le  concile  ;  qu'en  at- 
tendant l'un  ou  l'autre  des  conciles ,  les  princes  et  les  états  de 
leurs  provinces  eussent  ï  se  conduire  dans  leurs  gouvernemens , 
sur  le  Tait  de  h  religion,  de  manière  qu'ils  pussent  eu  rendre  bon 
comptée  Dieu  et  !i  l'empereur. 

L'empereur  et  le  pape,  après  s'être  brouillés  et  raccommodi'-s 
plntieurs  fois,  rétablirent  enfin  la  paîi ,  que  des  inlérêls  tempo- 
rels avaient  troublée. 

Un  des  articles  du  traité  fait  entre  l'empereur  et  le  pape  Tut 
que  si  les  Luthériens  persistaient  dans  leur  révolte,  le  pape  em- 
ploierait pour  les  réduire  les  armes  spirituelles,  et  Charles>Quini, 
avec  Ferdinand,  les  armes  temporelles  )  que,  de  plus,  le  pape  en- 
gagerait les  princes  chrétiens  ï  se  joindre  à  l'empereur. 

Charles-Quint  convoqua  les  états  d'Allemagne  à  Spire ,  l'an 
lKi9.  Après  bien  des  contestations,  on  fit  un  décret  qui  portait 
qne  ceui  qui  avaient  observé  l'édit  de  Worms  eussent  i  cooti- 
nuer  ï  le  faire  et  eussent  le  pouvoir  à'j  contraindre  leurs  peu- 
ples jusqu'à  la  tenue  d'un  concile  ;  qu'ï  l'égard  de  ceui  qui  avaient 
changé  de  doctrine  et  qui  ne  pouvaient  l'abandonner  sans  crainte 
de  quelque  sédition ,  ils  s'en  tiendraient  ï  ce  qui  était  fait ,  sans 
rien  innover  davantage  jusqu'au  même  temps;  que  la  messe  ne 
serait  point  abolie ,  et  que  dans  les  lieux  même  ob  la  nouvelle 
réforme  avait  été  établie  on  n'empêcherait  point  de  la  célébrer; 
que  les  prédicateurs  s'abstiendraient  de  proposer  de  nouveaux 
dogmes  ou  des  dogmes  qui  fussent  peu  fondés  sur  l'f.criture;  mais 
qu'ils  prêcheraient  l'bvangile  selon  l'interpréta  lion  approuvée  par 


LUT 

*  l*Ëg]ise ,  sins  toucher  loi  chos«s  qai  étaieni  en  dispute ,  jusquli   1 
I  Is  déierminalion  Aa  concïli?. 

L'électeur  de  Saxe ,  celui  de  Brandebourg ,  les  ducs  de  Liine- 
I   k>Drg,  te  landgrave  de  Hesse  et  le  prince  d'Anhall ,  arec  i[ua< 
e  des  principales  villes  d'Allemagne,  d^larèrent  qu'un 
cail  déroger  au  décret  de  la  diète  prMdenle,  qui  avait  a 
cordé  ï  chacun  la  liberté  de  religion  jusqu'ï  I»  lenue  d'un  co 
Vcile ,  et  prélendirenl  iiae  ce  décret  ajant  élé  fait  du  consentement   I 
e  pouvait  aussi  être  changé  que  d'un  l'-onseniemeot  \ 
I  général  ;  qu'aibsi  ils  protestaient  contre  le  décret  de  celle  diète. 
l'Os  rendirent  publique  leur  protestation  ei  l'appel  qu'ils  tirent  dt   I 
Ite  décret  ï  l'enipereor et  au  concile  général  futur,  ou  ï  i 
Wjétte  national ,  el  c'est  de  lï  que  le  nom  de  ProMIant  Tut  dnnné  k   ] 
X  qui  faisaient  profession  âe  la  religion  luthérien 
Au  milieu  de  ces  succès  fulher  n'était  pas  sans  chagrin.  Cat-t 
tad ,  chassé  d'Allemagne  par  Luther,  s'était  retiré  en  ~  ' 
Zuingle  et  (Kculampade  aYaient  pris  sa  défense  :  leur  docirîM 
t  s'était  établie  en  Suisse  ,  et  elle  avait  passé  en  Allemagne, 
V  die  faisaii  des  progrès  assez  rapides.  Cette  doctrine  était  absotH' 
T  nenl  contraire  aui  dogmes  de  Luther  ;  i)  la  combattit  a 
I    portement ,  el  vil  les  partisans  de  la  rÉtonne  se  partager  entre  Inî  | 
les  Sacracnentaires.   On  tlcha,  mais  inutilement,  de  réconcl- 
T  ces  rérormaieurs  ;  il  n'y  eut  jamais  entre  eux  qu'un' 
politique  :  les  Sacrameotaires  el  les  Lulhérrens  se  déchiraient , 
[  «t  ces  réformaienrs ,  qui  se  préieodaienl  les  juges  absolus  des 
,   irouvaieni  dans  l'Ëcriture  sainle  des  dogmes  dia- 
ralement  opposés.  Voilii  ce  que  H.  Basnage  appelle  un  oa- 
re  de  lumière. 


'mpereur,  après  s'être  fait  couronner  i  Bologne  (  en  1330) , 

^ en  Allemagne,  et  intima  une  dièie  S  Angsbourg. 

L'électeur  de  Saie  présenta  ii  la  diète  la  profession  de  foi  des 
Proiesians  :  elle  consistait  en  deu»  parties  ;  l'une  conii-nait  le 
dogmr ,  ei  elle  étiit  en  grande  partie  confnrme  i  la  foi  c.iiholique; 
"  niait  la  nécessité  de  la  coiifessiou ,  élublissail  que  l'E- 
e  n'élail  «impusee  que  d'élus,  atirihuait  aux  seules  disposi- 
iR  des  Bdéles  les  eiïcis  des  sacremens  et  niait  la  nécessité  des 


m  DM  œatre& 


le  salut. 


S4  LCT 

La  seconde  partie  éuU  beaucoup  pliu  coalraire  ï  la  doctrÎM 
de  l'Église  :  on  j  exigeait  l'abolition  des  meMes  basses  et  «tes 
vœux  monastiquei ,  le  rélablisienienl  de  la  communion  suus  les 
deux  espëcei;  elle  déclarait  que  la  iradiliou  n'était  puiut  une 
règle  de  foi ,  et  que  toute  la  puissance  ecclésiastique  no  consis- 
tait qu'ï  prêcher  et  1  administrer  les  sacreuens. 

Les  tliéologiens  catholiques  et  les  théologiens  protestans  ne  pu- 
rent convenir  sur  ces  articles  ,  et  la  diète  se  sépara. 

Après  le  départ  des  Prutesians,  l'empereur  fît  un  éditpar  le- 
quel il  défendait  de  clianger  aucune  chose  dans  la  mes^e  et  dans 
l'adminisiratioD  des  sacremens  ei  de  détruire  les  images. 

Les  Protestans  s'aperçurent  que  l'empereur  avait  résolu  de  les 
souneilre  par  la  forces  des  armes  ;  ils  prirent  leurs  mesures  pour 
lui  résister  :  le  landgrave  de  liesse  convoqua  les  princes  protes- 
tans k  Smalcade ,  où  ils  firent  une  ligue  contre  l'empereur  ;  ils 
écrivirent  ensuite  i  tous  les  princes  chrétiens,  pour  leur  f;iire 
counattre  le*  moiils  qui  les  avaient  déterminés  k  embrasser  la  ré- 
forme, en  attendant  qu'un  concile  prononçil  sur  les  matières  de 
religion  qui  Iroublaienl  l'Allemagne. 

Luther,  qui  jusqu'alors  avait  cru  que  la  réforme  ne  devait  s'é- 
tablir que  par  la  persuabion  et  qu'elle  ne  détail  se  défendre  que 
par  la  patience ,  autorisa  la  ligue  de  Sniiilcade  '. 

«  Il  comparait  le  pape  ï  un  loup  enragé,  contre  lequel  toutle 

•  monde  s'arme  au  preniier  signal ,  sans  attendre  l'ordre  du  ma- 

■  gisttal;  que  si,  renfermé  dans  une  enceinte,  le  magistral  ledé- 

■  livre,  on  peut  continuera  poursuivre  cette  bêle  féroce  et aLU- 

•  quer  impunément  ceux  qui  auront  empérJié  qu'on  s'en  délit  ;  si 

•  ou  est  tué  dans  celle  attaque  avant  que  d'avoir  donné  k  la  béte 

■  le  coup  mortel ,  il  n'j  a  qu'un  teut  sujet  de  se  repentir,  c'est  de 

>  ne  lui  avoir  pas  enfoncé  le  couteau  dans  le  sein.  Vuilii  eemnic 

>  il  faut  traiter  le  pape  :  tous  ceux  qui  le  défendent  doivent  aussi 

■  filre  traités  comme  les  soIiiaU  d'un  chef  de  brigands ,  fussent-ilï 

>  des  rois  et  des  césars*.  • 

Les  Protestans  traitèrent  donc  le  décret  de  l'empereur  a\ec 
mépris,  et  l'un  se  vit  ft  la  teille  d'une  guerre  également  d^ingi 
reuse  aux  deux  pariis  cl  funeste  ï  l'Allemagne. 

L'empereur,  menacé  d'une  guerre  procbuine  avec  les  littc. 


I 


Y 


I  ftivu  Mipriiic»  protestaos  on  Iraïté:  ce  ttaïlé  pomit  qu'il  j 
lurait  une  paix  géa^rale  entre  l'empereur  el  lous  les  Ëiats  de 
■celfsiastlqiiea  que  laïques,  jusqu'ï  la  cODVucation 
j  d'un  coDcile  gëDéral ,  libre  el  chrf  lien  ;  que  personne ,  pour  cause 
I  ée  religion  ,  ne  pourrait  faire  la  guerre  i  un  autre:  qu'il  ;  aurait 
J  «olre  tous  upe  amitiâ  sincère  et  une  concorde  cbrétienne  ;  que  ai, 
I  iuts  un  an ,  le  concile  ne  s'assemblait  pas,  les  états  d'Allemagne 
■'asseubleraicm  pour  régler  les  afTaires  de  la  religion,  et  que 
Tempereur  suapendruit  tous  les  procès  intentés  pour  canse  de  re- 
ligion ,  par  sou  Gscal  ou  par  d'autres,  contre  l'clectenr  de  Saie  el 
GOQlre  ses  alliés,  jusqu'à  la  tenue  d'un  coucile  ou  l'assenitilâe  des 
états. 
Lorsque  Charles-Quint  eoi  cbasa'-  les  Turcs  de  l'Autriche ,  il 


1  pape  la  tenue  d'un  concile  qui 
agne.  Le  pape  consentit  i  lue" 


|>asEa  en  Italie  pour  demander  a 

pût  remédier  aux  maux  de  l'Allci 

quer  un  concile  ;  mais  il  voulait  que  les  Prutestans  proinisseni  de 

s'y  soumettre ,  et  que  les  princes  calUoliques  s'engageassent  il 

prendre  la  défende  de  l'Ë)[lisc  contre  ceux  qui  reFuseraïent  de  t'y 

soumeitre. 

Les  princes  protnians  refusërcDi  ces  conditions.  QémentVII 
inourul ,  et  Paul  111 ,  qui  lut  succéda ,  résolut  d'aesembW  un  coii' 
cîle  â  llantoue  ;  mais  les  Protestans  déclarèrent  qu'ils  ne  se  suuc 
metiraieat  point  i  un  concile  tenu  en  Italie;  ils  voulaient  d'ail- 
Jeura  que  les  docteurs  eussent  voix  délibératire  dans  le 

Le  concile,  qui  avait  été  regardé  comme  le  seul  mojea  de 
réunir  les  Protestans  !t  l'Ëglise,  devenait  donc  impraticable. 

Le  landgrave  de  liesse  n'oublia  rien  pour  réconcilier  les  hé-} 
ihériens  atec  les  Zuingtlens,  qui,  malgré  le  besoin  de 
pour  se  Muleuir  Contre  les  armes  des  princes  catholiques ,  i 
nient  de  s'attaquer. 

Ce  ftitdans  ce  temps  que  le  landgrave,  profitant  de  aoncr<3ilii 
du»  le  parti  protestant,  obtint  la  permission  d'avoir  ii  la  fois 
deux  femmes  :  cet  acte  de  condescendance  de  la  part  des  théolo- 
giens protestans  l'attacha  irrétoirablement  à  leurs  intérêts  et  le 
rendit  ennemi  irréconciliable  de  l'Ëgliso  catholique ,  qui  n'aurait 
jamais  toléré  sa  polygamie. 

Quelque  importantes  que  lussent  les  aOairea  de  la  religion, 
elltt  a' uci'u paient  pas  seules  le  pape  et  les  princes  catholiques. 

L'empereur  et  le  roi  de  France  avaient  desdesseins  sur  l'iuilie. 
et  le  pape  on  les  PTulealus  n'éwieul  pas  inutiles  pottr  ces  çroieW. 


*( 


56  LUT 

François  1"  envoya  des  ambassadpurs  &  rQssembliîe  de  Smalcade, 
pour  engager  les  Prolestans  ï  agir  de  concert  avec  lui ,  relative- 
ment  an  lieu  où  le  concile  devait  n'asBeiubier. 

D'ailleurs  Cbarles-Quinl ,  qui  vojail  que  Ifi  pape  ne  voulait  l'en- 
gager dans  la  guerre  contre  leiî  Prote^tans  que  pour  l'emp^oljer 
de  s'emparer  de  HiUn ,  disait  que  pour  justifier  cette  guerre  il 
fallait  convoquer  un  concile ,  afin  de  faire  voir  qu'il  n'avait  pria 
les  armes  qu'après  avoir  tenté  tous  les  autres  moyens. 

Le  pape  convoqua  donc  le  concile  i  Hantoue  ;  mais  le  duc  de 
Mantoue  refusa  sa  ville ,  et  le  concile  fut  enfin  indiqué  à  Trente , 
de  l'aveu  de  Charles-Quint  et  de  François  I". 

L'empire  éiaii  menacé  d'une  guerre  prochaine  de  la  part  des 
Turcs,  et  l'empereur  demandait  <lu  secours  nux  princes  p rotes- 
tans,  qui  refusuienl  coDSlammeiil  d'en  donner  î  moins  qu'on  ne 
leur  donnAl  des  assurances  d'entretenir  la  paix  de  religion  et 
qu'ils  ne  seraient  point  obligés  d'obéir  au  concile  de  Trente  :  rien 
ne  fut  capable  de  les  faire  changer  de  résolution  ,  et  l'empereur 
renouvela  tous  les  traités  faits  avec  les  Proiestans  jusqu'il  la  diète 
prochaine ,  qu'il  indiqua  pour  le  mois  de  janvier  suivant,  &  Ratis- 
bonne ,  en  IStë. 

Pendant  que  le  concile  s'assemblait ,  l'électeur  palatin  intro- 
duisit chez  lui  la  communion  du  calice ,  les  prières  publiques  en 
langue  vulgaire ,  le  mariage  des  prêtres  et  les  autres  points  de  la 
réforme. 

Ce  fui  celte  même  année  que  Luther  mourut,  i  Isleb,  oii  il 
était  allé  pour  ti'riniuer  les  dilTérens  qui  s'étaient  élevés  entre  les 
comtes  de  Munsfeld. 

Dw  Luthératiiimedepui»  la  mort  de  Lullifr  jusqu'à  la  pair  religieute. 

L'empereur  avait  convoqué  un  colloque  ï  Ralisbonne  pour  es- 
sayer de  terminer,  par  la  voie  des  conférences,  les  dispiilea  de 
religion  qui  troublaient  rAllemagne.  lorsqu'il  arriva  It  Ratis- 
bonne ,  le  colloque  était  déjà  rompu  :  il  s'en  plaignit  amèrement, 
el  voulut  que  chacun  proposât  ce  qu'il  savait  de  plus  propre  t 
pacifier  l'Allemagne.  Les  Protestans  demandèrent  un  conrile  na- 
tional ,  mais  les  ambassadeurs  de  Mavence  el  de  Trêves  approu- 
vèrent te  concile  de  Trente  et  prièrent  l'empereur  de  le  protéger. 

L'empereur  proCla  de  celte  disposition  et  ao  prépara  !i  faire  la 
guerre  aux  Prolpslans  :  Il  se  li(;uN  avec  le  pape ,  qui  lui  fournit 


» 


LUT  ST 

,   de  l'argent  et  lui  permit  àe  lever  ta  moitié  <lcs  revenus  de  l'ËgllM    > 
'd'Espagne.  Cbarles-QuinI  faisait  pourtant  publier  qu'il  ne  faisait 
poipi  la  guerre  pour  cause  de  religion  ;  maïs  l'électeur  de  Saxe 
ei  le  landgrave  de  Hesse  publièrent  un  manifeste  pour  faire  voir 
que  cette  guerre  éuit  une  guerre  de  religion,  et  que  l'emperear 
VaTait  ni  i  «e  plaindre  d'eui,  ni  aucune  juste  pr^lenli  ou  contre  eux. 
Le&  Prolesians  se  préparèrent  promptemenl  ï  la  guerre  et  mi- 
rent sur  pied  une  armée  qui  ne  put  empêcher  Charles-Quint  de 
soumettre  la  haute  Allemagne  :  l'année  suivante ,  les  Protestant    ' 
furent  défaits ,  el  l'électeur  de  Saie  fut  fait  prisonnier.  Le  land-    , 
grave  de  Hesse  pensa  alors  S  faire  la  paix;  il  vint  trouver  l'ei 
pereur  et  fut  arrêté  contre  la  parole  expresse  que  l'empereur  lui    I 
avait  donnée. 

L'empereur  leva  alors  de  grosses  sommes  sur  toute  l'Allemagne 
pour  se  dédommager,  disait-il ,  des  frais  de  la  guerre ,  qu'il  n'a- 
Tiii  entreprise  que  pour  le  bien  de  l'Allemagne. 

Le  parti  protestant  paraissait  abattu  ;  il  j  avait  cependant  encore 
des  filles  qui  résistaient  i  l'empereur,  et  les  peuples  cunaer-  à 
«aient  tout  leur  attachement  i  ta  réforme;  Charles- (Juin t  laî- 
même  avait  accordé  ï  quelques  villes  li  liberté  de  conserver  la 
religion luihËrienne ,  et  Uautîce,  duc  de  Saxe,  avait  traité  avec 
bonté  Hélanchtnn  el  les  théologiens  de  Wittemberg  ;  il  les  avait 
même  exhortés  i  contiuner  leurs  travaux. 

L'empereur  marquait  on  grand  dësîr  de  terminer  les  différend 
de  religion  qui  troublaient  l'Allemagne;  il  tint  une  diète  en  13 
dans  laquelle  il  exigea  qu'on  se  soumit  au  concile  de  Trente  ;  m 
le  pape  avait  transféré  le  concileâ  Bologne,  et  cette  translation,.] 
qui  n'svail  point  été  approuvée  par  les  Pères ,  avait  arrêté  tontâf  a 
te*  opérations  du  concile.  L'emperetir  demanda  donc  que  lo  pape  f 
fit  continuer  le  concileï  Trente,  et,  voyant  qu'il  serait  difficile  de  1 
l'obtenir,  il  chercha  d'autres  moyens  de  pacifier  l'Allemagne. 

On  remit  i  l'empereur  le  soin  de  choisir  les  personnes  les  plu  I 
propres  k  composer  un  formulaire  qui  pût  convenir  i  tous  les  pai>'  | 
lis:  ces  ibéologiens  composèrent  un  formulaire  de  religion  qui 
fut  ensuite  examiné  et  con'igé  successivement  par  les  Protestant 
M  par  les  catholiques,  auxquels  Ferdinand  le  communiquai!  pour 
tToir  leuripprobation. 

Ce  formulaire  contenait  les  objets  que  l'on  devait  croire  en  at- 
tendant que  le  concile  général  eût  toul-îi-rail  décidé  :  ee  formiii 
Uire  fut  appelé  l'Mrrim, 


I 


58  LUT 

VMerIm  rie  Charlos-QuinI  déplut  aux  ProtesUnict  aux  caiho- 
llques  :  les  Etats  proteslans  refusèrenl,  pour  ia  plupart,  dt'  le 
recevoir  ou  le  retureniavec  tant  de  restrictloos  qu'ils  l'anéuiiiis- 
silenl. 

L'empereur  trouva  bien  plus  de  difllcullâ  daoB  la  basse  Alle- 
magne :  la  plupart  des  villes  de  iiaxe  refujërent  de  le  recevoir,  et 
la  ville  de  Magdehourg  le  rejeta  d'une  manière  si  méprisante , 
qu'elle  fut  mise  au  ban  de  l'empire  el  soutint  une  longue  guerre 
qui  entretint  dans  la  basse  Allemagne  un  fea  qui ,  trois  ans  apiËs, 
consuma  les  Irophées  de  Charles-Quint. 

Malgré  le  danger  qu'on  courait  en  écrivant  contre  Vlitlerim,  on 
Vit  paraître  une  foule  d'ouvrages  conire  ce  formulaire ,  de  la  purt 
des  calholiques  et  de  la  pari  des  Protestana. 

CRpeadani  Charles-Quini  n'abandonnait  pas  le  projet  de  faire 
recevoir  Vhiterim  :  pour  y  réussir,  il  employa  les  menaces.  Ici 
caresses  ;  il  força  beaucoup  de  villes  et  d'Ëlats  k  le  recevoir,  mais 
il  révolta  tous  les  esprits, 

Le  concile  était  rétabli  ï  Trente  ;  CharleE-Quinl  crut  qu'il 
pourrait  rétablir  le  calme;  il  eniploja  tout  pour  obtenir  que  les 
Protestans  pussent  être  écoulés  dans  le  concile  ;  mais  les  Protefr- 
tans  et  tes  éiéques  catholiques  ne  purent  jamais  convenir  sur  la 
manière  dont  les  Protestans  seraient  admis  dans  l'assemblée  et 
sur  le  caractère  qu'ils  y  prendraient. 

Tandis  que  la  politique  de  Charlea-Quîot  croyait  faire  servir  al- 
lemalivement  le  pape  et  les  Protestans  k  ses  vues  el  i  ses  iniêrètt, 
loua  les  esprits  ne  soulevèrent  contre  lui,  Henri  11  profita  de  cea 
disposilions  et  l)l  un  traité  avec  Maurice  de  Saxe  el  avec  les  Pro- 
leilana  ;  il  entra  en  Lorraine,  prit  Toul ,  Ueti  et  Verdun ,  tandis 
que  Maurice  de  Saxe ,  a  la  Léte  des  Protestans  ,  rendait  la  liberté 
à  l'Allemagne. 

Charles-Quint  sentit  qu'il  ne  pouvait  résister  ï  tous  cea  enne- 
mis ;  il  Gl  sa  paix  avec  les  Proteslans  ;  il  remit  en  liberté  le  duc 
de  Saxe  et  le  landgrave  de  liesse.  Par  ce  traité  de  pail ,  conclu  b 
Passaw  I  on  convint  que  l'empereur  ni  aucun  autre  prince  ne  pour- 
rait forcer  la  cunscience  ni  la  volonté  de  p>*rsonne  sur  la  religion, 
de  quelque  manière  que  ce  fût.  Alors  on  vil  toutes  les  villes  pro- 
testantes rappeler  les  docteurs  de  la  confession  d'Augsbourg;  ou 
leur  rendit  leurs  églises,  leurs  écoles  et  l'exercice  libre  de  leur 
religion ,  jusqu'ï  ce  que  ,  dans  la  diète  prochaine ,  OD  trouvât  Un 
no^cD  d'éteindre  pour  jamais  la  source  de  ces  divisions. 


LUT  fit 

EdGd,  trois  ans  après,  on  ûi  ï  Augaboarg  la  paix,  que  l'on  ap- 
pelila  patl  religiease,  ei  l'on  ea  mil  les  aniilcs  eniru  le»  lait 
perpétuelles  de  l'eaipire. 

Les  principux  articles  sont  :  que  les  Proiestans  jouiront  de  la 
liberté  de  conscience ,  et  que  ni  l'un  dÎ  l'uuire  parti  ne  pourra 
U6pr  d'aucooe  violence  sons  prétexte  de  religion  ;  que  les  bien) 
erclésiasiiquee  dont  les  Protestans  s'étaient  salïis  leur  demeure- 
raient ,  sans  qu'on  pDl  les  tirer  en  procès  pour  cela  devant  It 
rb.inibrt  de  Spire;  que  les  évfques  n'auraient  aucune  juridiclion 
tnr  ceux  de  la  religion  protestante  ,  mais  qu'ils  se  guuverneraient 
eui-niémes  i-omme  ils  le  trouveraient  i  pnipw  ;  qu'aucun  prince 
De  pourrait  attirera  s»  religion  les  iujets  d'un  autre,  mais  qu'il 
serait  permis  aux  sujets  d'un  prince  qui  ue  serait  pas  de  la  ώuie 
religion  qu'eui  de  vendre  leur  bien  et  de  sortir  des  terres  de  sa 
domination;  que  ces  articles  subsisteraient  jusqu'il  ce  qu'un  se 
fAt  accordé  sur  la  religion  par  des  moyens  légitiuies. 

ElAi  Lath^roniime  dfpuii  la  paix  religieuse  jutqu'à  la  paix  dt 
■  Wetipbaliii. 

Ij)  dernière  ligne  des  Proieslaus  avait  été  l'écueil  de  la  puis- 
sance de  Charles-Quint  ;  le  roi  de  France,  qui  s'était  joint  aux 
Protestans,  arait  pris  les  trois  évécbés.  L'empereur,  après  avoir 
Tait  sa  paix  avec  les  Protestans ,  mît  sur  pied  une  nombreuse 
niée  et  assiégea  Metz  :  cette  entreprise  fui  le  terme  de  ses  prospé-    i 
rites ,  il  fut  obligé  de  lever  le  siège  et  résidut  de  finir  ses  joun    I 
dans  la  retraite.  Il  résigna  l'empire  h  Ferdinand,  son  frère, 
mit  Philippe,  son  fils,  sur  le  trAne  d'Espagne. 

I^e  goUTemement  dur  de  ce  prince ,  la  dureté  et  l'imprudence 
de  ses  ministres,  les  progrès  cachés  di:  la  religion  protestante  et 
rétablissement  de  l'Inquisition  ,  soulevèrent  les  Pap-Bas  contre 
Philippe ,  et  tirent  de  ces  contrées  le  tbéSire  d'une  guerre  longue 
et  cruelle  qui  détacha  p'iur  toujours  la  Hollande  de  la  monarchie 
espagnole  et  y  établit  le  eaWinisine. 

La  paiireligiensen'étouB'a  point  les  dissensions  de  rAllcmague; 
paix  ne  fui  pas  plus  i6t  conclue,  qu'on  se  plaignit  de  part  et 
'e  des  diverses  infractions  qu'on  accusait  le  parti  contraire 
ir  fniins  ;  cl  il  n'y  avait  point  de  juge  qui  pAt  prononcer  sur 
ftïufractiont  :  les  deux  partisse  récusaient  récipruqucuient. 
S  Proiesliuii  n'Ataicot  pas  plus  unis  cuire  eux  ;  ils  B'él.iieut 


«0 


LUT 
n  Luilier  ;  la  principale  différence  qu!  le* 


partagés  entre  Zuingle  i 

divi»a  d'abord  regardait  la  présence  réelle ,  que  Luther  reconaais- 
■aîtei  queZuingle  niait:  le  landgrave  de  Hesse  aviit  fait  inutile- 
ment  tout  ce  qu*ll  avait  pu  pour  accorder  ces  différends  ;  plusieurs 
d'entre  les  LutLériena  ajoutèrent  i  la  confesBiciii  d'Augsbeurg 
un  écrit  appelé  Formulaire  ie  concorde ,  par  lequel  ils  condam- 
naient la  doctrine  des  Zuiagliens;  ils  soutinrent  même  que  ces 
derniers  n'avaient  aucun  droit  ï  la  liberté  de  conscience  accordée 
k  ceux  de  la  conlessioa  d'Âugsbourg ,  parce  qu'ils  avaient  aban- 
donné cette  confessiou. 

Les  princes  luthériens  atjissaienl,  ï  la  vérité,  avec  plus  de  mo- 
dération; mais  ils  ne  recevaient  les  princes  xuingliens  dans  leurs 
assemblées  que  comme  par  grJce ,  voulant  bien  qu'ils  jouissent 
des  privilèges  qui ,  ï  proprement  parler,  ne  leur  appartenaient 
point  :  on  en  vint  enfin  jusqu'i  cbusser,  de  pan  et  d'autre ,  les 
théologiens  qui  n'étaient  pas  du  seniimenldes  princes. 

Malgré  ces  divisions ,  la  religion  protestante  faisait  du  progrès 
en  Allemagne:  lesévéquead'Halberstadt  et  deHagdebourg  l'avant 
embrassée  avaient  conservé  leurs  évécbés,  au  lieu  que  l'électeur 
de  Cologne,  qui  avait  voulu  faire  la  même  chose,  avait  perdu  le 
sieu  et  la  dignité  d'électeur,  que  l'empereur  lui  avait  Atée  de  sa 
seule  autorité,  sans  consulter  les  autres  électeurs  :  il  se  fit  alors 
une  union  entre  les  princes  calvinistes  «l  quelques-uns  des  In- 
tliériens ,  puur  s'opposer  aux  catholiques  qui  voulaient  le^  acca- 
bler; mais  cette  union  ne  produisit  aucun  effet,  parce  que  l'é- 
lecleur  de  Saxe,  niécout4!Ut  de  leur  conduite  et  irrité  par  ses 
lliûologiens  aussi  bien  que  par  les  catholiques  ,  se  persuada  que 
les  Calvinistes  ne  cherchaient  qu'a  opprimer  également  les  Luthé- 
riens et  les  catholiques. 

Les  caiboliques ,  de  leur  c&té ,  firent  une  ligue  à  WurUbourg , 
(|U'ils  appelèrent  la  Ugae  eatkuliqite ,  pour  l'opposer  ï  celle  des 
l'rotesians ,  qne  l'on  appelait  VVnian  ^vangiii^ue.  Maiimilien  de 
Bavière ,  aticleo  ennemi  de  l'électeur  palatin  ,  en  Tut  le  clief. 

1^1  empereurs  Ferdinand  I",  Maiimilien  II  et  Rodolphe  11 
(Vulenl  toléré  les  Pnileatans  pour  de  grandes  sommes  qu'ils  en 
■vaienl  tirées;  ils  leur  avaient  accordé  des  pi-iviléges,  que  Ha- 
lliiai  voulut  en  vain  leur  ôter  :  après  les  avoir  obligés  de  se  rf- 
Vùltar  et  après  avoir  été  \-aincu  ,  il  avait  été  contraint  de  confir- 
VMt  dv  nouveau  les  pritilégea  que  Rudolphe  II  avait  accurdés  aut 
Udtémlena ,  et  de  leur  laisser  l'Académie  de  Prague ,  un  tribunal 


LUT 
te  ville,  eila  liberté  de  bâtir  des  iem)ilet 


ei 


(de  judiciture  en  o 
lies  juges  délégués  pour  la  conserTdion  de  leur*  privilèges. 
Le  nombre  des  ProKsiansuugnieniaillous  les  jours:  la  maisoii  I 
l'Autriche  el  ses  alliés  résolurent  de  s'opposer  a  leur  accroisse' 
ncni,  et,  pour  j  réussir,  lireiii  élire  roi  de  Bobéme  Ferdinand  II. 
Ce  prince  avaU  beaucoup  de  zèle  pour  la  religion  catholique  ;  ce* 
pendant  il  promit  sol enuelle ment  qu'il  ne  loucberaii  point  aux 
privilèges  accordés  ptr  ses  prédécesseurs  aux  Bobëmlens ,  ei  qu'il 
De  se  mêlerait  point  de  l'administration  du  royaume  pendant  la 
vie  de  Uaihiai 

Peu  de  terops  après ,  les  Proieslans  voulurent  bltir  des  templea 
sur  les  terres  des  calholiques  :  ceui-ci  s')  opposèrent.  Les  Pro-  ' 
lesiaos  prirent  les  armes ,  eicitérenl  une  sédition ,  jetèrent  pu 
les  fenêtres  trois  magistrats  de  Prague  :  sur-le-cliamp  toute  la 
Bohême  Tut  en  armes,  et  les  Proteslans  demandèrent  du  secoun 
i  leurs  frères. 

Hathjas  étant  mort,  Ferdinand  voulut  inutilement  prendre  l'ad-  i 
miDisiralioD  de  la  Bohème  ;  les  Bohémiens  refusère 
connaître  pour  leur  roi  ;  ils  le  dét^Urèreni  déchu  de  toua  les  droiu  I 
qu'il  pourrait  avoir  sur  U  Bohème,  puisqu'il  f  avait  envoyé  dei  [ 
troupes  du  TÎvaut  de  Mailiia».  Ou  élut  en  sa  place  l'électeur  pati->  1 
tin,  qui  accepta  la  couronoe,  mais  qui  l'abandonna  bienlfil ,  eiquC  ' 
ne  put  même  conserver  ses  anciens  Etals.  Les  troupes  de  Ferdi- 
nand ne  furent  pas  moins  heureuites  contre  le  duc  de  Bniuswick , 
chef  (lu  même  parti. 

Tout  plia  doue  sous  l'autorité  impériale,  et  l'empereur  donna 
au  édit,   en  1629,  qui  portait  que  tous  les  biens  ecclésiastiqua    ! 
dont  les  Prolestans  s'étaient  emparés  depuis  le  traité  de  Passant™ 
iCraient  restitués  aux  catholiques. 

A  la  faveur  de  ces  succès ,  l'empereur  crut  pouvoir  s'emparef   1 
de  lu   mer  Baltique  ;  Walslein  entra  en  Poméraoic ,  déclara  U 
):ueTTe  au  duc  ,  sous  prétcKle  qu'il  avait  bu  ï  la  santé  de  t'empe- 
reur  avec  de  la  bière. 

Gustave- Adolphe ,  roi  de  Suède ,  vit  combien  il  était  nécessaire 
de  s*opposer  au  projet  de  l'empereur,  et  après  quel(|ues  ncgdcia- 
lûioi  tentées  inutilement  et  rejelées  par  l'empereur  avec  œéprïi, 
«  prince  déclara  la  guerre  îi  l'empereur  et  entra  en  Poméranie. 

La  France ,  ïe^  Provinces- Unies ,  l'Angleterre  ,  l'Espagne,  en 
■  mol  toute  l'Europe  prit  pan  ï  cette  guerre  ,  qui  dura   trente 

■tel  qui  linit  par  une  paii  générale  ,  dans  laquelle  les  princei 


I 


61  LUT 

et  les  Ëuts ,  tant  Luthériens  que  Zuinglieus  ou 
linreot  le  libre  eiercice  de  leur  le ligiun  ,  du  ci 
nime  de  Tempereur,  des  élecieurs,  prioces  et  t^iuis  des  deui  reli- 
gions ;  il  Tul  de  plus  réglé  que ,  daoB  les  assemblées  urdiniiires  et 
duu  la  chambre  impériale  ,  le  oonbre  des  chets  de  l'une  et  de 
l'iutre  religion  serait  égal. 

Toute  l'Europe  garantit  l'eiécntion  dece  traité  entre  les  princes 
ptotealans  etles  princes  catLoliques  d'Allemagoe. 

Le  nonce  Fabiana  Chigi  i'j  opposa  de  tout  son  pouvoir  ,  ni  le 
pape  lanocenl  X  ,  par  une  bulle ,  déclara  ces  traités  nul»,  Tïins  , 
réprouTil-s,  Trivoles,  imatides,  iniques,  injustes,  condamnés,  sans 
force,  et  que  personne  n'était  tenu  de  les  observer,  encore  qu'ils 
l\issent  foriiCés  par  un  serment. 

On  n'eut  pas  plus  d'égard  i  la  bulle  d'Innocent  qu'à  ta  pr^ies- 
l^itïon  de  son  nonce.  Vuv'i  l'Iiîstuire  de  Suède  pur  PulTendorf; 
l'histoire  du  traité  de  Wesipbalie,  par  le  P.  Bougeant. 

Du  LuthéranUmeen  Suiàe. 

La  .Suéde  était  catholique  lorsque  Luther  parut  :  deui  Suédois, 
qui  avaient  étudié  sous  lui  k  Wiltemberg ,  portèrent  sa  doctrine 
en  Suède  ;  on  était  alors  au  larl  de  la  révolution  qui  enleva  la 
Suède  au  roi  de  Danemarck ,  et  qui  plaça  sur  le  irâne  Gustave 
Wasa:  on  ne  s'aperçut  pas  du  progrès  du  Luthéranisme. 

Gustave ,  placé  sur  le  trûae  de  Suéde  dont  il  veuaït  de  chasser 
le  beau-frère  de  l'empereur,  avait  i  craindre  l'autorité  du  pape, 
dévoué  ï  Charles-Quinl ,  et  le  crédit  du  clergé  ,  toujours  favora- 
ble k  Cbristiern ,  malgré  sa  tjrannie:  d'ailleurs  ;  Gustave  voulait 
changer  le  gouvernement  de  la  Suède,  et  régner  en  monarque  ab- 
solu dans  un  pajs  où  le  clergé  s'était  maintenu  dans  ses  droits 
au  milieu  du  despotisme  et  de  la  tyrannie  de  Christiern  ,  et  qui 
Turmait,  pour  ainsi  dire,  un  monument  toujours  subsistant  de  la 
liberté  des  peuples  et  des  bornes  imposées  ï  l'autorité  rojale. 
Cuitave  résolut  donc  d'anéantir  en  Suède  la  puissance  du  pape  et 
l'autorité  du  clergé.  Luther  avait  produit  ce  doublecCTet  dans  une 
partie  de  l'Allemagne  par  ses  déclamations  contre  le  clergé  : 
Gustave  ravorisa  le  Luthéranisme  ,  et  donna  secrètement  ordre  au 
chevalier  Ajidersou  de  prot^er  Pétri  et  les  autres  Luthériens , 
et  d'en  attirer  des  nnivcrslli'S  d'Allemagne.  Voil»  la  vraie  causa 
du  changement  de  la  religion  eu  Suède  :  c'est  manquer  d'équité 


indiilgi 

le  Icdil  l'auleur  à' 


6« 


LVÎT 
[onde  discememeni  que  de  raltrilmet 
gt  Suède  par  les  officiers  de  Lfion  X, 
I  itrégé de  l'hisloire  ecclésiastique  '. 

ObiU  elles  autres  Luihériens,  assurés  de  la  protection  du  chutr   ] 
r,  travaillèrem ardemment  i l'élablisscmenl  du  Lulliéranisn 
riposaîent  tous  les  jours  avec  le  zèle  e(  l'emporlemeiii  propre    ' 
^Muleverles  peuples  contre  l'Égli.se. 

Lu  plupart  de  ces  nouveaux  docteurs  avaient  l'avantage  de  U 
■cîeDce  et  de  l'Aloquence  sur  le  clergé,  ei  méiue  ceruia  air  de  rë- 
gnlBrîté  que  duaneul  lei  premières  Ferveurs  d'une  nouvelle  re- 
ligion :  ils  étaient  écoutés  avec  plaisir  par  le  peuplei  loujoun 
avide  de  nouveautés,  et  qui  les  adopte  sans  examen  lorEqu'ellei 
ne  demaudeDl  point  de  sacrifice  et  qu'elles  nelendeul  qu'il  abail- 
»er  se*  supérieurs.  Une  apparence  de  Taveur  qui  se  répandait  im- 
perceptiblement sur  les  prédicateurs  luthériens  attirail  l'atteii'- 
lion  de  la  cour  et  de  la  première  noblesse ,  qui  ue  voyait  encore 
que  des  prélats  attaqué*- 

Peudaot  que  ces  docteurs  prêcliaieni  publiquement  le  Luihérv    , 
nisme,  Gustave,  desoncùlé,  cbercbait  avecalTeclalioa  différem 
,   prttei^tes  pour  ruiner  la  puissance  temporelle  des  évéques  et  dv 
1  clergé  ;  il  attaqua  d'abord  les  ecclésiastiques  du  second  ordre,  et 
api^  eux  les  évéquet,  llrenditsuccessivement  plusieurs  déclara- 
\   (ÎODS  coutre  les  curéâ  et  contre  les  évé4|ues ,  en  Taveur  du  peupl^.  | 
s  objets  puremenl  temporels  ,  tels  que  la  déclarKtion  q^  ■ 
péfend  aui  évéques  de  s'appruprier  les  biens  et  la  succession  àefM 
ecléaiastiques  de  leurs  dlocësesi  ce  prince  taisait  succéder  adrot  1 
«déclaration»  l'une  à  l'autre  ,  et  elles  ne  paraissaient  ' 
■'i  proportion  du  progrès  que  faisait  le  Luthéranisme. 
E  Le  clergé  prévit  les  projets  de  Gustave,  sans  pouvoir  les  arré- 
:  rbabileté  de  ce  prince  prévenait  toutes  leurs  démarches  et 
lUE  tenn  efforts  inutiles.  Il  dépouilla  luccessivemenl  le> 
tquM  de  leur  pouvoir  et  de  leurs  biens  ;  il  |irotestait  cependant 
■*il  était  irès-attacbé  1  la  religion  catliolique  :  mais  lorsqu'il  vit    i 
e  U  plus  grande  partie  des  Suédois  avaient  changé  de  religioD^  ' 
9  te  déclara  enfin  iui-niéme  Luthérien,  et  nomma  t  l'arcbeTéchi  1 
V  fUpsal  Laurent  Pétri ,  auquel  il  fit  épouser  une  demoiselle  dp  I 
■et  pareoles.  Le  roi  se  Gteusuite  couronner  par  ce  prébt,  et  bien-  I 


64  LUT 

tAi  U  Suède  deTÏDt  presque  toule  luthérienne  :  le  roi ,  les  séna- 
teurs, les  éréques  et  loute  la  noblesse  firent  profession  publique 
de  celle  doctrine.  Mais  comme  h  plupart  des  ecclésiastiques  du 
second  ordre  elles  curés  de  la  campagcie  n'avaient  pris  ce  panique 
pir  contrainte  ou  faiblesse,  on  voyait,  dans  plusieurs  Enlises  dn 
royaume,  un  mélange biiarrederérémonies  catholiques etde priè- 
res luthériennes  ;  des  prêtres  et  des  curés  mariés  disaient  encore 
la  messe  en  plusieurs  endroits  suivant  le  rituel  et  la  liturgie  ro- 
maine; on  adminislrait  le  sacrement  de  baptême  avec  les  prières 
elleiexorcismes,  comme  dans  r£g1ise catholique;  onenlerrailles 
noria  avec  les  même«prièresqu"otieroploiepour  demandera  Dieu 
le  eoulagement  des  3mes  des  Rdèles  ,  quoique  la  doctrine  du  pur- 
giloire  rôt  condamnée  par  les  Luthériens. 

I.e  roi  voulut  éublir  un  culle  uniforme  dans  son  royaume  ;  il 
convoqua  une  assemblée  géiiér.<le  de  tout  le  clergé  de  Suéde,  en 
forme  de  concile.  Le  cliancelier  présida  l'assemblée,  au  nom  du 
roi  :  les  éiêques,  les  docteurs  et  les  pasieurs  des  principales  égli- 
ses composèrent  ce  concile  luthérien.  Ils  prirent  la  confession 
rt'Augsbourg  pourrègle  de  foi;  ils  renoncèrent  solennellemeni  à 
t'oliéissance  qu'ils  devaient  au  chef  de  l'Église;  ils  ordonnèrent 
qu'on  abolirait  entièrement  te  culte  de  l'Ëglise  romaine  ;  ils  dé- 
fendirent la  prière  pour  les  morts;  ils  empruntèrent  des  églises 
luthériennes  d'Allemagne  la  manière  d'administrer  le  baptême 
el  fa  cène  ;  ils  déclarèrent  le  mariage  des  prêtres  l^ilitiie  ;  ils 
proscrivirent  le  célibat  et  le»  vœui  ;  ils  approuvèrent  de  nouveau 
l'ordonnance  qui  les  avait  dépouillés  de  leurs  privilèges  et  de  la 
plus  grande  partie  de  leurs  biens .  et  les  ecclésiastiques  qui  Grent 
ces  rï'glemeDs  étaient  presque  les  mêmes  qui,  un  an  auparavant , 
avaient  fait  paraître  tant  de  zèle  pour  la  défense  de  la  religion. 

Ils  eurent  cependant  beaucoup  de  peine  â  abolir  la  pratique  et 
la  discipline  de  t'Ëglise  romaine  dans  l'administration  des  sacre- 
meos  ;  on  entendait  sur  cela  des  plaintes  dans  tout  le  royaume  ;  en 
sorte  que  Gustave  craignit  les  effet  du  mécontentement  des  peu- 
ples, et  ordonna  aux  pasteurs  et  aui  ministres  luthériens  d'user 
de  condescendance  pour  ceux  qui  demandaient  avec  opiniâtreté 
s  cérémonies ,  el  de  u'Ëtahlir  les  nouvelles  qu'anlant 
il  des  dispositions  favorables  dans  lespeuples  '. 


•.  n.iii 


I,  IliiL 


Lik-ï.  Suce.,  Rêvoliil 


isde 


ï 


Du  LuIMranUme.  en  Donemorck. 

tts  Danois ,  aprte  avoir  rhassé  Chrisiiern  11  ,  élurent  pour  roi  I 
,^deric,  duc  de  Holstein.  Chrisiiern  revint  en  Danemarck,  où  il  | 
Jfal  bit  prisonnier  p»r  Frideric,  et  renlermé  ï  Calleobourg. 

Fricferic  enlpoursucnesseurson  lîls  Chrisiiern  lll.quiirauvadd  I 
grandes  oppasitions  au  commencemeot  de  son  règne,  ft  cause  qns  I 
Chrisuilphe,  comte  d'Oldenbourg,  et  la  ville  de  Lubeck ,  voulaient  * 
rétablir  Chrisiiern  II  dinsson  royaume;  mais  quoique  plus! 
provinces  se  fussent  déji  rendues  ,   il  surmonta  tfius  ces  obsta- 
cles par  le  secours  de  Gasinve  ,  roi  de  Suède,  et  se  rendit  maî- 
tre de  Copenbagne  en  IS3G  ;  el  parce  que  les  évèques  lui  aratenl 
été  fort  contraires ,  ils  lurent  exclu»  de  l'accommodement  général 
et  déposés  de  leurs  charges-  Le  roi  se  fit  couronner  par  un  mi- 
niïtrp  protestant  que  Luther  lui  avait  envoyé.  Ce  nouvel  apôtre 
voulut  faire  le  pape  en  Daoeniarcb:  au  lieu  de  sept  éiéquea  qui 
éuieni  dans  le  royaume,  il  ordonna  sept  iniendans  pour  remplir  i 
l'avenir  la  fonction  desévéques  ,  et  pour  faire  exécuter  les  régie- 
concernaient  l'ordre   ecclésiastique  ;  on   Ut  la  même 
ebose  dans  le  royaume  de  Nonvégn.  Tel  l'ut  l'établissement  du 
i^thérauisme  en  Dancmarct. 

Du  Luth^ranurat  en  Pologne,  en  Hongrie  el  en  Trarifylt'anie. 

Dés  l'ao  1520,  un  Luthérien  avait  p;jssé  ï  Dantzick  pour  y  éta- 
blir le  Luthéranisme  :  il  n'exerça  d'ahord  son  apostolat  qu'avec  1 
précaution ,  et  nVuseignait  que  dans  les  maisons  particulières. 
L'année  suivante  ,  un  religieux  de  l'ordre  de  saint  François  prS- 
cha  beaucoup  plus  ouveriemenl  contre  l'Ëglise  romaine  ,  et  per- 
suada beaucoupdemonde.Ces  nouveaux  prosélytes  chassèrent  les 
catholiques  des  charges  el  des  places  qu'ils  occupaient,  et  rem- 
plirent la  ville  de  troubles.  Les  ratliullques  .dépouillée  de leuni 
emplois,  portèrent  leurs  plaintes  i  Sigîsmond  I",  qui  vint  h  Dant- 
tick,  chassa  les  magistrats  intrus,  punit  sévère  ment  les  séditieux, 
el  6ia  aux  Ëvangéliques  oit  t.ulhérieim  la  liberté  de  s'assembler.    . 

Cependant  les   Luthériens   répandaient  secrètemoni  leur  doO' 

triue  dans  la  Pologne;  iU  y  faisaient  des  prosélytes,  et  ils  n'alten- 

daient  qu'un  temps  favorable  pour  éclater-  ' 

Ce  temps  arriva  sous  Sigismood-Auguste,  RUdeSigismond  I": 

>  PaSfntlair,  liilrod.  A  l'iiisi,  univers-,  I.  3,  c,  3. 


6G  LUT 

ce  prince,  arec  des  qnatilés  hrillADtes ,  était  Taible ,  voluptueux  , 
uns  uraclère ,  et  deviul  roUemenl  épris  de  RadzeTÏll  ;  il  vuulut 
l'épouser  et  la  déclarer  reine  ;  il  eut  beaoÏD  du  consente  m  eut  de« 
palatins  et  de  celui  du  sénat  ;  il  eut  des  égards  et  des  condeBcen- 
daoces  pour  la  noblesse. 

Parmi  les  seigneurs  et  les  palatins ,  plusieurs  avaient  adopté 
les  opinions  de  l.uilier  ;  î  s  firent  proression  publique  de  la  re- 
forme ;  elle  s'ÉLublii  i  Danixick ,  dans  la  Lîvunie  el  dans  les  do- 
maines de  plusieurs  palatins, 

Bientôt  la  Pologne  devint  un  asile  pour  tous  ceux  qui  profes- 
saient les  sentimens  des  prétendus  réformateurs  :  Blaiidrat ,  Liîlie 
Socio,  Otin,  Centilis,  et  beaucoup  d'autres  qui  avaient  renouvelé 
l'Arianiame,  se  réfugiÈrent  en  Pologne.  Ces  nouveaux  Tenus  atli- 
lèrent  bientôt  l'aitenlion  et  formËreul  un  parti  qui  alarma  égale'» 
menl  lea  catholiques  et  les  Protestans. 

La  Pologne  était  remplie  de  toutes  les  secles  qui  déchiraient 
le  christianisme ,  qui  se  faisaient  toutes  une  guerre  cruelle ,  mais 
qui  ae  réunissaient  contre  les  raiholiques  et  qui  formaient  un 
parti  assea,  puissant  puur  forcer  les  calliolîques  ï  leur  accorder  k 
tous  la  liberté  de  conscience;  el  sous  plusieurs  rois,  en  vertu  des 
Pacta  eonvetita .  il  était  permis  aux  Polonais  d'être  llussiles.  Lu- 
thériens, Saoramentaires,  Calvioistes,  Anabaptistes,  Ariens,  Pinc- 
loniens,  Unitaires,  Auti-Triniuires ,  Triihéites  et  Suciniens  :  lel 
fut  l'effet  que  la  réforme  produisît  en  Pologne. 

Les  Sociniens  ont  été  bannis;  les  autres  sectaires  jouissent  de 
la  tolérance  ', 

Le  Luthéranisme  s'introduisit  aussi  en  Hongrie  ,  à  l'occasion 
des  guerres  de  Ferdinand  el  de  Jean  de  Sépus,qui  se  disputaieut 
ce  rojaume  ;  il  s'j  établit  principalement  lorsque  Lazare  Simenda  ; 
étant  venu  avec  ses  troupeii  prit  plusieurs  villes,  dans  lesquelles 
il  mit  des  ministres  luthériens,  et  dont  il  chassa  les  catholiques  ; 
ils  s'unirent  quelquefois  aux  Turcs ,  qui  les  soutinrent  contre  les 
empereurs,  et  ils, ont  obtenu  le  libre  exercice  de  la  confession 
d'Augabourg. 

Dans  la  Transylvanie,  le  Luthéranisme  el  la  religion  catholique 
furent  alternativement  la  religion  dominante  :  celle-ci  j  fut  presque 
abolie,  sous  (Gabriel  Uattori,  et  die  n'a  commencé  à  s'j  établir 
que  depuis  que  l'empereur  Lùopold  s'en  est  rendu  le  maître. 

■  HisL  du  Socinienisme,  première  partie. 


LUT 

^  Le  Lmliéraiiisme  s'fliblit  ïussieoCourlando,  obil  s' 
n  fait  la  religion  natinnale. 

Ou  LuihéraHlimt  gn  France  tt  dan»  la  a\ 
l'Europe. 

La  facullé  de  diâologie  rondamna  les  erreurs  de  Luther,  pres- 
qu'ù  leur  uaiisance.  Cetic  censure  suiide,  équiuble  et  savante, 
n'arrêta  pas  la  curioEité:  on  voulut  connaître  les  seotimens  d'un 
bonue  qui  avait  partage  l'Allemagne  en  deui  fuclions ,  et  qui 
luUuil  coDire  les  papes  et  contre  la  puissance  impériale.  Un  lut 
sesuuvra^'es,  et  il  eut  des  approbateurs,  car  il  <!sl  impossible  qu'un 
boinme  qui  allaque  dps  abus  ne  trouve  pas  des  approbateurs. 

Quelijues  ecclésiastiques,  altacbési  l'évi^que  de  Meaiu ,  avaient 
adopta  quelques-unes  des  opinions  de  Lutber  ;  ils  en  firent  part  ft 
quelques  penunnes  simples  et  ignorantes ,  mais  eapables  de  t'é* 
duuller  et  de  communiquer  leur  eDtbousiasnie  :  tel  fut  Jean  le 
Clerc,  cardeur  de  laine  à  Meuui ,  qui  liit  établi  niinisire  du  petit 
canvenlicule  qui  avait  adopté  les  opinions  luthériennes,  Cet  ' 
homme, d'un  caractâre  violent,  prêcha  bleui ât publiquement,  et 
publia  que  le  pape  était  rAntechrisi  :  ou  arrêta  Jean  le  Clerc,  il 
Tul  marqué  et  banni  du  royaume  ;  il  se  retira  à  Metz  ,  oli ,  devenu 
furieux  ,  il   entra  dans  l«s  églises  et  brisa  les  images  ;   on  lui  lit 

Kn  procès,  et  il  fui  brûlé  comme  un  sucrilége. 
l«s  théulogiens  qui  avaient  instruit  le  Clerc  sortirent  de  Heaiii, 
quelques-uns  devinrent  minisirea  chez  les  réformés. 
Vn  t;enlilbomme  d'Artois  prit  une  voie  plus  sûre  pour  répandre  | 
(erreurs  de  Luther,  il  traduisit  «es  ouvrages.  Les  erreurs  lulbi- 
uines  se  répandaient  donc  principalement  parmi  les  personnes   j 
li  lisaient ,  et  les  Luibériena  lurent  d'abord  traités  avec  beau- 
coup de  ménagement ,  sous  François  1"'.  Ce  prince,  ami  des  let- 
tres cl  protecteur  des  gens  de  lettres,  usa  d'abord  de  beaucoup 
d'indulgence  envers  ceua  qui  suivaient  les  opinions  de  Luther  ; 
s  eo  lin  le  clergé,  eUrayèdu  progrés  de  ces  opinions  en  t'ranca, 

roi  des  édils  irès-sévères  contre  ceux  qui  seraient  coo-   ] 
e  Luthéranisme ,  el  tandis  que  Krançois  1"  défendaii 
estant  d'Allemagne  contre  CLaileS'Quist ,  il  faisait  brûler  en  | 
le  les  sectateurs  de  Lutber. 
•  La  rigueur  des  cliâtimens  n'arrêta  pas  le  progrès  de  l'en 

"  ciples  de  Luther  et  de  Zuingle  se  répandirent  en  Fronce  :  j 
Uvin  adopta  leurs  principes  et  forma  une  secte  nouvelle ,  qui  j 


I 

I 


(.8  LUT 

t-lotilTi  le  luili^ranismc  en  France.    Vayes    Van,    Calvims»:. 

l.e  Liilhiïranigme  lit  de«  progrès  bien  plus  rapides  elbien  plus 
(étendus  dans  les  Pajs-Bas  ,  où  il  ;  avail  une  inquisilion  ,  plus 
d'abus  et  beaucoup  moins  de  lumières  qu'en  France;  on  Si  mou- 
rir un  {;rand  nombre  de  Lulhériens  ;  ces  rigueurs  el  l'inquisilion 
causèrent  la  révolution  qui  enleva  les  Provioces-Unies  i  l'EIapa- 
gne.  Les  sectaleurs  de  Zuingle  el  de  Calvin  pénétrèrent  dans  les 
Pays-Bas,  comme  les  Luthériens  ,  el  y  devinrent  la  secte  doml- 
nanie.  Voy^rarl.  Hou.ande. 

En  Angleterre  ,  Henri  Vlll  écrivit  contre  Luther,  et  traita  ri- 
goureusement ceux  qui  adoptaient  les  erreurs  de  ce  réformateur 
et  celles  des  Sucra  m  en  la  ires  :  il  disputait  contre  eui,  et  les  Taisait 
brAler  lorsqu'il  neleâconrerlissaitpas. 

Edouard  VI  les  lulëra  et  même  \fs  favorisa  ;  la  reine  Marie,  qui 
succéda  1  Edouard,  tes  fit  briller;  Elisabeth,  qui  succéda  ï  Marie, 
persécuta  les  catholiques,  et  établit  dans  son  royaume  la  religion 
prolestante ,  qui  avait  déjï  gagné  toute  l'ËcAsse.  Voi/a  l'art.  A.-c- 

L'ilatie,  l'Espagne  el  le  Portugal  ne  Inrcnt  point  ï  l'nbri  des 
erreurs  de  Luther  ;  mais  les  Luthériens  n'y  lirent  jamais  un  parti 
considérable. 

Dussiième  iMologiqHe  de  Lulher. 

C'est  lenom  que  je  donne  ï  tacoUection  des  erreurs  de  Luther. 

Ce  théologien  attaqua  d'abord  l'abus  des  indulgences,  et  en- 
suite les  indulgences  m  6m  es.  Pour  les  combattre,  il  esamiua  la  na- 
ture et  l'étendue  du  pouvoir  que  l'Église  a  par  rapport  à  la  ré- 
mission des  péchés  ;  il  prétendit  que  lepoavuirde  délier  n'était 
pijînt  différent  de  e^tui  d"  lier,  fondé  sur  les  paroles  mêmes  de  Jé- 
suS'Chrisl:  Ce  que  voia  dfliertî  'tri  d^lié;  pouvoir  qui  ne  pouvait, 
selon  Luther,  s'étendre  qu'A  imposer  au\  lldéles  des  liens  par  les 
canons,  i  les  absoudre  des  peines  qu'ils  ont  encourues  m  les  vio- 
lant ,  ou  à  le'i  en  dispenser,  el  non  pas  ï  les  .nbsoudre  de  tons  les 
péchés  qu'ils  ont  commis  ;  car  lorsqu'un  homme  péehe,  ce  n'esl 
pas  l'Ëglise  qui  le  lie  on  qui   le  rend  coupnble  ,  c'est  la  justice 

Oe  l  Luther  coQclut  que  Dieu  seul  remet  les  péchés  ,  et  que 
les  ministres  des  sacremeus  ne  faisaïeni  qut  déclarer  qu'ils  étaient 

Luifaer  no  conclut  pas  de  là  que  l'absolution  el  la  confessioD 


LUT  8 

iniilites  :   il  voulait   eoi\iet\fr  la  confession  .  comme  u 

DjeD  pfopre  i  exciter  e 
mission  des  péchés  est  attacliée  *. 

Si  l'absolution  sacrameatelle  ne  justifie  pas ,  quel  est  donc  le 
principe  de  notre  justification? 

Il  u-Duve  dans  l'Ëcrilure  que  c'était  pur  Jésus-Cbrïst  que  tous 
Im  hommes  avaient  été  rachetés  ,  et  de  plus  que  c'était  par  la  fui 
eaJésus-Cbrist  que  Dousétions  sauvés  ;  il  conclut  deUquee'é- 
tait  par  U  foi  que  les  mérites  de  Jésus-Christ  nous  étaient  ap- 
pli()ué3. 

Mais  quelle  est  cette  foi  parlaquelle  les  mérites  deJésus-Chriet 
nous  soDi  appliqués?  Cen'est  p»a  seulement  la  persuasion  ou  la 
croyance  desmérites  de  la  religion,  ou,  comme  il  le  dit  lui-même, 
la  foi  infuse,  parce  qu'elle  peut  subsister  avec  le  pécbé  mortel. 

1^  foi  qui  nous  justiiie  est  un  acte  par  lequel  nous  croyons  que 
JésDS-Christ  est  mort  pour  noDs. 

Luther  conçoit  donc  la  satisfaction  elles  mérites  delamort  de 
Jésus-Qirist  comme  un  trésor  immense  de  grâce  ei  de  justice , 
préparé  pourlousle:s  hommes  en  général,  et  dont  les  fidèles  déter- 
minent l'application  en  formant  un  acte  de  foi ,  par  lequel  chaque 
fidèle  dit  :  le  crois  que  Jésus-Clirist  est  mort  pour  moi. 

Voili  le  principe  fondamental  ,  ou  plutût  toute  la  docti 
I.uilier  sirr  la  justification. 

Comme  la  saiisfaciion  seule  de  Jésus-Chrîsi  est  le  principe  jus* 
(ifiant ,  el  qu'il  nous  est  appliqué  p.ir  l'acte  de  foi  par  lequel  le 
fidèle  dit  :Jecroisque  Jésus-Christ  est  mort  pour  moi,  il  esldaîr 
que  les  actions  DU  les  oeuvres  de  charité,  de  pénitence ,  etc.,  sont 
innliles  pour  la  justification  des  chrétiens.  Luther  croit  pourtant 
que  lorsque,  par  cet  acte  de  foi,  le  fidèle  s'est  appliqué  réellement 
les  méritas  de  Jésus-Christ ,  il  fait  de  bonnes  teuvres  ;  mais  il 
n'est  pas  moins  évident  que,  dans  son  .système,  ces  bonnesœuvres 
sont  absolument  inutiles  pour  nous  rendre  agréables  &  Dieu  et 
pour  mériter!  ses  jeux,  quoiqu'elles  soient  faites  a  vrt  la  grSce. 

Je  dis  que  voilà  le  vrai  système  de  Luther,  tel  qu'il  l'enseigne 
eipressément  '. 

De  lï  Luther  concluait  que  chaque  Qdéte  devait  croire  ferme* 
meotqn'il  était  sauvé,  el  que  l'homme  ne  pouvait  faire  de  n 

■  Op.  Luth.,  t.  t.,  Concl.  de  induljenlils,  fol.  SI. 

'  Luth,  op.,  t,  1,  Diiput.  de  fJde,  deJuitiCe,,  de  operib, 


70  LUT 

Taises  actions  lorsqu'il  avait  él^  juslilié  par  la  foi.  Ces  conséquen- 
ces entralnÈrenl  Luiher  dans  mille  absurdili!« ,  et  dans  mille  con- 
tradictions que  M.  BosEuet  a  relevées  admirablement  '. 

Voili  le  vrai  système  ,  la  Traie  doctrine  de  Luther  ;  dans  aea 
disputes  ou  dans  ses  commentaires ,  il  a  adouci  ses  principes  sur 
rinulilitédes  bonnes  leuTres  ;  c'est  une  contradiction  ,  et  tout  ce 
que  H.  Basnage  a  dit  à  ce  sujet  ne  prouve  rien  de  plus  *. 

De  ces  principes  Luther  conclut  que  les  sacremena  ne  produi- 
saient ni  la  grâce  ni  la  justification  ,  et  qu'ils  n'étaient  que  des  si- 
gnes destinés  à  excit«r  notre  foi  et  i  nous  faire  produire  cet  scie 
par  lequel  leOdéledit  :  Je  eroii  que  Jétut-Ckr'itt  eit  tnoTl  pour  moi. 
Ce  fut  encore  par  une  suite  de  ces  principes  que  Luther  re- 
trancha du  nombre  des  sacremens  tous  ceux  qu'il  ne  jugea  pas 
propres  à  exciter  la  foi:  il  ne  conserva  que  le  baptême  et  l' eu- 
charistie. 

Ces  principes  de  Luther  sur  la  justification  n'étaient  point  con- 
traires au  seutimenlde  Luther  surles  forces  morales  de  l'homme, 
qu'il  CTO jait  nécessité  dans  toutes  ses  actions.  Luther  fondait  cette 
impuissance  de  l'homme  sur  la  corruption  de  sa  nature  el  sur  la 
certilnde  de  la  prescience  divine,  qui  serait  anéantie  ai  l'homme 
était  libre. 

De  cette  impuissance  de  l'homme  Luther  conclut  que  Dieu 
faisait  tout  dans  l'homme  ;  que  le  péché  était  son  ouvrage  aussi 
bien  que  la  vertu  ;  que  les  préceptes  de  Dieu  étaient  impossibles 
aux  justes  lorsqu'ils  ne  les  accomplissaient  pas,  et  que  les  aeuU 
prédestinés  avaient  la  grâce. 

Luther  attaqua  déplus  tout  ce  qu'il  put  attaquer  dansles  dog- 
mes et  dans  la  discipline  de  l'élise  catholique  :  il  combattait  le 
dogme  de  la  transsubstantiation,  l'infaillibilité  de  l'Ëglise,  l'anlo- 
riié  du  pape;  il  renouvela  les  erreurs  de  Wiclef  et  de  Jean  Hua 
sur  la  nature  del'^lise,  surles  vœui,  sur  la  prière  pour  les  morts. 
Toutes  ces  erreurs  sont  exposées  dans  la  bulle  de  Léon  X  et 
dans  les  arides  condamnés  par  la  Sorbonne, 

Nous  avons  réfuté  les  en'eurs  de  Luther  sur  la  hiérarchie,  dans 
l'article  d'Aérius  ;  sur  les  vœux  et  sur  le  célibat ,  dans  l'article 
Vigilance  ;  ses  erreurs  sur  l'Ëglise ,  dans  l'article  Donalistes  ;  ses 
erreurs  sur  la  transsubstanliation ,  dansl'arlicle  Bérenger;  Tussm 


I  Hisl.  dn  Variât*,  l>  t- 
>  RisL  des  ^liseï  réformées, 


LUT 


71 


delà  çpinmunion  sous  les  dcui  espaces,  dans  l'a  riicle  Hussiica;  * 
son  erreur  sur  le  pape,  ft  l'arlirle  Grecs.  II  nous  reste  h  parler  de 
soD  seDtimeDl  sur  la  justiGcaiioa,  sur  les  indulgences,  sur  les  sa- 
eremeos. 

De  lajuilifieaUm. 

n  n'j  a  peut-être  poïatde  matière  sut  laquelle  ou  ait  plus  Écrit 
depuis  Luther  -  dous  avons  expose  comment  Lutber  fut  conduit  à 
son  sentiment  sur  U  îustificiiion  ;  nous  nous  Gontenierans  de  rap- 
porter ici  ce  que  M.  Bosauet  eu  dit  dans  son  eiposi lion  de  la  doc- 
trine de  rË(;lîsecatbolîque. 

•  rfous  croyons,  premitremeiit,  que  nos  péchés  nous  sont  re- 

•  mis  gratuilemenl  par  la  miséricorde  divine  :  ce  sont  les  propres 
»  termes  du  concile  de  Trente  ,  qui  ajoute  que  nous  sommes  dits 

•  justifiés  gratuitement,  parce  qu'aucune  de  ces  choses  qui  précë- 

■  deDtlajusiificatiaa,  soit  la  Foi,  soit  les  œuvres,  nepeuvent  mé- 
t»  ijter  cette  grSee.  (Cne.  Trid.,  un.  6,  e.  9,  e.  2.) 

^F  ■  Comme  l'Ëcriture  nous  explique  la  rémission  des  péchés, 
^Kj  UntAt  eu  ditaot  que  Dieu  les  couvre  ,  laoïôt  en  disant  qu'il  les 
H^  6le  et  qu'il  W  eÔace  parla  grâce  du  Saint-Esprit  qui  dous  Tiit 
^^p  BOUveUes  créature»  ;  nous  crojons  qu'il  faut  joindre  ensemble 
^^â  ces  eipressîons,  ponr  former  l'idée  parfuite  de  la  justification 
^    »  do  pécbeur.  C'est  pourquoi  nous  croyons  que  nos  péché»,  non- 

>  senleineut  sont  couverts,  mais  qu'ils  sont  entièrement  effacés 

■  par  le  sangde  Jésus-Christ ,  et  par  ta  grâce  qui  noua  régénère; 

>  ce  qui .  loin  d'obscurcir  ou  de  diminuer  l'idée  qu'on  doit  avoir 

■  du  méritede  ce  sang  ,  l'augmente  au  contraire  et  la  relève. 

»»  Ainsi  la  justice  de  Jésu»-Christ  est  aon-sculement  imputée, 
nais  actuellement  communiquée  à  ses  tiiléles  par  l'opéralioa 
du  Saint-Esprit ,  en  sorte  que  nou-seulemenl  ils  sont  éptu'ës , 
suis  faits  justes ,  par  sa  grlce. 
•  Si  la  justice  qui  est  en  nous  n'était  justice  qu'aux  jeax  des 
bommes,  ce  ne  serait  pas  l'ouvrage  du  Saint-Esprit  :  elle  est 
donc  justice  même  devant  Dieu,  puisque  c'est  Dieu  qui  la  fait 

•  en  nous  en  répandant  la  charité  dans  nos  cœurs. 

>  Toutefois ,  il  n'eit  que  trop  certain  que  la   chair  convoite 

•  contre  l'esprit,  et  l'esprit  contre  la  chair,  et  que  nous  manquons 

>  tous  en  beaucoup  rie  choses;  ainsi ,  quoique  noire  justice  soit 
'table  par  l'infu^ionde  la  charité,  elle  n'est  point  justice  par- 

;,  i  cause  du  combat  de  la  convoitise  ;  si  bien  que  le  gémii- 


n  LUT 

.  semeni  conliniiel  d'ane  tmù  re]ieolanir  de  ses  fautes   Tait  le 

>  devoir  le  plus  nécessaire  de  lij'ustkecliréiieQiie  ,  ce  qui  uoug 

>  oblige  de  confesser  bumblemeiit,  avec  saini  Augustin,  que  noire 
.  juslice  en  cette  vie  consiste  plutûi  dans  la  rémission  des  péclics 

•  que  dan$  la  perfection  des  vertus. 

>  Sur  le  oif-rile  des  œuvres,  l'Ëglise  catholique  enseigne  que  la 
I  vie  éternelle  doit  Être  proposée  aux  eufans  de  Dieu ,  et  comme 

>  une  grSce  qui   leur  est  miséricordieusement  promise  par  le 

>  moyen  de  Noire  Seigneur  Jésus-Christ ,  et  comme  une  récom- 

■  pense  qui  en  fidèlement  rendue  &  leurs  bannes  œuvres  et  i<  leurs 
.  mérites,  en  vertu  de  celle  promesse  ;  te  sont  les  propres  termes 
I  du  concile  de  Trente.  (Sess.  6,  c.  6.) 

•  Hais,  de  peur  que  l'orgueil  humain  ne  soit  flatté  par  ropinioti 

•  du  mérite  présomptueux,  ce  même  concile  enseigne  que  tout  le 

■  prix  et  la  valeur  des  œuvres  chrétiennes  protient  de  la  grïce 

•  sanctifiante  qui  nous  est  donnée  gmluitemenl  au  nom  de  Jésus- 
K  Christ,  et  que  c'est  un  effet  de  l'influence  continuelle  de  ce  di- 
K  vin  cher  sur  ses  membres. 

•  Véritablement ,  les  préceptes,  les  promesses,  les  menaces  et 
r  les  reproches  de  l'Ëvangile  font  assez  voir  qu'il  faut  que  nous 
•■  opérioDsnotre  salut  par  le  mouvement  de  nos  volontés  ,  avec  la 
"  grâce  de  Dieu  qui  nous  aide  ;  mais  c'est  im    premier  principe 

-  que  le  libre  arbitre  ne  peul  rien  faire  qui  conduise  ï  la  félicité 

•  éternelle  qu'autant  qu'il  est  mû  et  élevé  par  le  Sainl-EspriL 

"  Ainsi , l'Ëglise  sachant  que  ce  divin  Esprit  lait  en  nous, 
"  par  sa  grice  ,  IDUl  ce  que  nous  faisons  de  bien,  elle  doit  croire 
:'  que  les  bonnes  œuvres  des  fidèles  soni  trës-agréibles  ù  Dieu 
'  elde  grande  considéralton  devant  lui,  et  c'esi  jusiemeut  qu'elle 

•  se  sert  du  mot  de  mérite,  avec  toute  l'antiquité  chrétienne, 

-  principalement  pour  signifier  la  valeur,  le  prix  et  la  dignité  de 

•  ces  œuvres  que  nous  faisons  par  la  grïce.  Hais  comme  taule  leur 
■>  sainteté  vient  de  Dieu  qui  les  lait  en  nous,  la  même  lïgtiscareçu 

-  dans  le  concile  de  Trente ,  comme  doctrine  de  foi  catholique. 
»  celte  parole  de  saint  Augustin  ,  que  Dieu  couronne  ses  dons  en 

•  couronnanl  le  mérite  de  ses  serviteure.. 

•  Nous  prions  ceux  qui  aiment  la  vérité  de  vouloir  bien  lire  un 

•  peu  au  long  les  paroles  de  ce  concile ,  afin  qu'ils  se  désabusent 
'  une  fois  des  mauvaises  impressions  qu'on  leur  donne  de  notre 
"  doctrine.  ■■  Encart  que  noui  myoas ,  disent  les  Pércs  de  ce  con- 
çue, gtir  In  tainlei  Scrituret  vilimennasl  Us  bonnet  iriivrei  que 


M 


I 


LUT  ,j 

Jêtia-Chritl  nout  promet  lui- m f  me  qu'un  verre  d'eau  donn^  à  un 
pauvre  ne  tera  pa»  privé  de  ta  récomprtue,  et  que  fApilre  témoi- 
gne qu'un  moment  de  peine  légère,  loufférle  en  ee  monde,  produira 
un  poidt  éternel  de  gloire  ;  loutefoit  à  Dieu  neplaite  que  le  chrétien 
le  fie  et  te  glurifle  en  lui-mime  et  non  en  Notre-Selgneur,  dont  la 
bonté  fit  li  grande  enveri  toiu  le»  homme»,  qu'il  veut  que  le*  dont 
qa'il  leur  fait,  Kient  leurt  méritei  !  {S«ss.  6,  c.  16  ;  lesa.  14,  c,  8.) 

Det  inàulgeaen. 

II  «i  ceriain  ,  1  •  qn'i!  y  a  des  peines  qne  les  jtute»  expient 
après  cplle  rie. 

S*  Que  le*  fidèles  prient  pour  que  ces  peines  soient  reniices , 
el  que  Dieu  écoute  leurs  prij^res;  que  les  anniOnes ,  les  morljfica- 
lîons  îles  Tivant,  sont  utiles  au  souUgeraeol  des  iioes  qui  sont 
dans  le  pui^tnire. 

3*  llestceriainque  les  justes  de  tous  les  siëcles  font  avec  l'Ë- 
glise  TÎsttile  uQP  société  unie  par  les  liens  d'une  chariiè  parfaite, 
et  dont  Jésus-Oirisl  est  le  clier;  qu'il  ;  a  dans  celle  société  un 
trésor  infini  de  mérites  capables  de  salisfaire  la  justice  divine. 

i'  Ces  moites  peu lent  obtenir,  pour  ceux  auxquels  ils  sont  ap- 
pliqués ,  le  reUchemenl  des  peines  qu'ils  sont  obligés  de  pijcr 
dans  t'aotre  vie.  C'est  uu  point  qu'il  n'est  pas  possible  de  contes- 
fer  :  on  en  trouve  la  preuve  dans  la  peine  que  saint  Paul  remit  il 
l'inccstuetu  de  Coruulie  ;  dans  l'usage  de  l'ancienne  Église,  dans 
laquelle  on  priait  les  Gdèles  d'accorder  aux  chrétiens  des  indul- 
gences qui  pussent  les  aider  auprès  de  Dieu. 

b'  Toute  la  question  des  indulgences  se  réduit  donc  ï  savoir  SÎ 
trËglise  a  le  pouvoir  d'appliquer  ces  mérites  pour  exempter  les 
l^èles  des  peines  qu'ils  ont  encourues  et  qu'ils  seraient  obligés 
■4»  subir  dans  le  purgatoire. 

6"  L'Ëglise  a  le  pouvoir  d'absoudre  des  péchés  ;  tout  ce  qu'elle 
ddie  sur  la  terre,  est  délié  dans  le  ciel;  elle  a  donc  le  pouvoir 
d'employer  (ont  ce  qui  peut  délier  les  peines  de  l'autre  vie  ;  et 
comme  l'application  des  mérites  de  Jésus-Cbrist  et  des  justes  est 
nn  inojen  de  remettre  les  peines  du  purijutuire ,  il  est  clair  que 
l'Église  a  le  pouvoir  d'accorder  des  indulgcaces. 

On  peut  voir  dans  tous  les  auteurs  qui  ont  traité  des  indulgen- 
ras  que  l'Église  a  dans  tous  les  temps  accordé  des  indulgences. 
Vê  concile  do  Trente  ne  projiose  autre  chose  i  croire  sur  les  in- 


74  LUT 

Julgeocès,  sinon  que  la  piiUsunce  de  les  accorder  a  été  donnée  k 
l'Église  par  J feus-Christ ,  el  que  l'usage  en  esi  salutaire  ;  à  quoi 
ce  concile  ^oute  qu'il  doit  £tre  retenu  avei;  modération ,  loute- 
foii,  de  peur  que  la  dÎMiipliDe  ecclésiastique  ne  soit  énervée  par 
une  excessive  facilité.  (Conc.  Trïd.  ci>nlin.  sess.  2S,  De  indalg.) 


Les  erreuTB  de  Luther  sur  les  sacremens  ont  e 
objets  :  la  nature  des  sacrcmens,  leur  sombre  cl  li 

De  la  nature  iet  lacreraent. 

Sur  laoalure  dessacremens,  Luther  et  tous  ceui 
cenfetston  d'Augsbourg  préiendeni  que  l'eBîcaciié  des  s 
dépend  deinfoidecelui  qui  les  re^it;  qu'il  n'ont  été  instîloégqae 
poar  nourrir  la  toi,  et  qu'ils  ne  donnent  ]>oini  h  griice  k  ceux  qui 
n'j  mettent  point  d'obstacle. 

Cette  erreur  de  Lutlier  est  une  snîie  de  spï  principes  sur  la 
juatiflcatton  ;  car  si  l'homme  n'est  jastilié  que  parée  qu'il  croît  que 
les  mérites  de  Jésus-Christ  lui  sont  appliqués ,  les  sacremens  ne 
sont  que  des  signes  destinés  k  eiciler  notre  foi ,  et  ne  produisent 
par  eux-mêmes  ni  la  grice  ni  la  jastiBcatiou. 

Ce  qui  sinctifie  l'homme  étant  un  don  du  Saint-Esprit ,  n'esl-il 
pas  possible  que  Dieu  ait  fait  une  lui  de  n'arcordm-  celte  gHIce, 
ce  don  du  Saint-Esprit,  qu'a  ceui  sur  lesquels  on  opi'rcrail  les 
sipes  qu'on  appelle  sacremens  ,  pourvu  que  ceux  auxquels  od 
appliquerait  ces  signes  ne  fussent  pas  dans  certaines  dispositions 
contraires  au  doo  du  Saint-Esprit  f  Cette  supposition  n'a  rien  qui 
déroge  \  la  puissance  on  h  h  sagesse  de  Dieu. 

Dans  celte  supposition ,  il  est  certain  que  ce  serait  ï  l'applica- 
tion du  signe  que  la  grâce  sanctifiante  serait  altaeht^ ,  et  que  jiar 
conséquent  ce  signe  produirait  par  lui-même  la  grïce  sanctifiante. 
Laissons  aux  écoles  h  eiaoïiner  s'ils  la  produisent  pbjsiquemcj il 
ou  moralement  ;  il  est  certain  que ,  dans  la  supposition  que  nous 
avons  faite ,  la  grJlce  serait  donnée  toutes  les  fois  que  le  signe 
serait  appliqué;  que  par  conséquent  la  grâce  sanctitiante  serait 
attachée  i  ce  signe ,  comme  TelTel  ti  sa  cause ,  au  moins  occa- 
sionelle. 

Il  ne  faut  pas  croire  que  l'Église  enseigne  pour  cela  que  les  dis- 
positions sont  inutiles  dans  la  réception  des  sacremens  ;  elle  pré- 
leod  seulement  que  les  dispositions  sont  des  conditions  néces- 


tCT 


" 


t 


■  recevoir  h  grâce  ,  el  qu'elle  o'est  p:i«  aiiaclifc  i 
coDiliiions  :  c'est  uiasi  que,  pour  toïr,  c'esl  une  coixiition  néces- 
saire d'avoir  des  jeui;  mais  quoiqu'on  ïit  des  jeui ,  ou  ne  Toit 
poisl  daas  les  ténèbres  :  il  faut  de  U  lumière  ,  qui  eil  li  vtûa 
cause  qui  nous  fait  voir. 

On  n'entend  rien  autre  chose  lorsqu'on  dit  que  les  sacremeu    ' 
produisait  U  gr&ce  u  opère  operalv ,  ei  non  pas  ex  optrt  op*- 

Celle  docuine  esl  la  doctrine  de  l'aniiquilé  chrétienne,  qui  a 
toujours  aliribué  aux  Mcreniens  une  Truie  ellicice,  une  Teriu 
produclrice  de  la  suocliticalioD  :  il  faudrait  o'aToir  jamais  lu  les 
Pères  pour  le  contester. 

Les  catholiques  croient  que  deux  des  sacremens  produisent 
dans  rime  une  manjue  iaelTaçable  qu'on  DOmme  earaclëre  :  esl-il 
impossible  que  Dieu  ait  établi  une  loi  pur  laquelle,  un  sacrenent 
étant  couréré  t  un  homme,  il  produii  dans  l'àiue  de  cet  homme 
une  eenaine  disposition  fiie  et  pcrmaneote?  C'est  ce  que  toute 
l'antiquilè  suppose  que  le  bapiëine,  la  conlirmuion  et  l'ordre 
produisent. 

Les  dispniM  das  théologiens  sur  In  nature  de  ce  caractère  n'en 
rendenipas  reii«te«ic«doDleuie, comme  Fra  Puulo  lUcbederinsî- 
nuer  :  j'aimerau  autant  qu'oD  mit  en  doute  l'eiisieDce  d'un  phé- 
nomëse  reooniui  par  tout  te  monde  purce  que  les  physiciens  ne 
s'accordent  pu  sur  b  mtiùËre  de  l'eipliquer.  Celte  tnéibode, 
pour  le  dire  en  passant ,  esl  presque  toujours  employée  par  Fra 
Paolo  ;  non  qu'il  n'en  sentit  la  Taiblease  et  l'iDJusIice,  uni»  il  sa- 
Tait  qu'elle  plairait  à  tous  les  lecteurs  superSciels. 


Du  nombre  det  lanrtmetu. 


\t  sacremens  :  le 


La conresrion d'Augebourg  nereconnatt  que  tr 
Lapl^me  ,  la  cène  et  h  pénitence. 

L'ËgUse  catholique  recoanaissaît  sept  saeremens  lorsque  Lit- 
ilier  parut  :  toutes  les  Ei;lises  schiEmatiques  béparées  del'Ëglise 
romaine,  depuis  les  Aiiens  jusqu'il  nos  Jours,  ont  conservé  le 
même  nombre  de  sacremens  ;  nous  l'avons  fait  voir  dans  les  articles 
Eutychiens,  Nesloriens,  Grecs,  Arméniens,  lacobites ,  Cophie», 
Abvisins.  La  doctrine  de  l'Église  sur  les  sacreioens  n'a  donc  pas 
(■!(■  introduite  par  le»  papes  ,  comme  les  ennemis  de  l'église 
prétendent. 


Dit  miitUire  àes  lacreinen». 

Luther  et  tous  les  rf  rormés  ont  jiréleodu  que  tous  lus  fidèles 
étaient  ministres  des  saci^mens.  Nous  n'entrerons  point  dans 
l'eiamen  de  tous  les  sophismes  qu'ils  font  pour  établir  ce  senli- 
ment  ;  nous  de  ma  microns  seulement  s'il  est  impossible  que  Dieu 
n'ait  attaché  la  gr&ce  aux  signes  qui  fout  la  partie  visible  du  sa- 
crement qu'autant  que  ces  signes  seront  appliqués  par  un  certain 
ordre  d'hommes  et  dans  certaines  circonstances  f  Si  cela  n'est  pas 
impossible ,  ce  n'est  pas  une  absurdité  dans  la  doctrine  de  l'Ë- 
glise  calboliqne  que  tous  les  fidèles  ne  soient  pas  les  ministres  des 
sacremens  :  l'Eglise  catholique  appnie  son  sentiment,  par  rapport 
aux  ministres  des  sacremens ,  sur  toute  l'antiquité  ecclésiastique. 

Luther  a  prétendu ,  non-seulement  que  tout  fidèle  était  ministre 
légitime  de  tous  les  sacremens ,  mais  encore  que  les  sacremens 
administrés  en  boufTonoant  et  par  dérision  n'étaient  pas  moins  de 
vrais  sacremens  que  ceux  qui  s'administrent  sérieusement  dans 
les  temples  :  c'est  encore  une  conséquence  qui  suit  du  principe 
de  Luther  sur  la  justiticalion ,  et  qui  est  une  absurdité. 

I>e  signe  ou  la  partie  seasitile  du  sacrement  ne  produit  la  grSce 
que  parce  que  Dieu  a  fait  une  loi  de  l'attacher  à  ce  signe  institué 
par  JésoB-Christ  ;  ce  signe  ne  produit  donc  la  grlce  qu'autant 
qu'il  est  le  signe  institué  par  Jésus-Clirisl  pour  produire  la  grâce 
dans  l'Ëglise  clirélienne  ;  il  faut  donc  que  ce  sacrement  soit  eu 
elTet  administré  dans  des  circonstances  ofi  il  sait  censé  un  rit  ou 
un  sacrement  de  l'Ëglise  chrétienne. 

Du  sacrifice  de  la  mtue. 

L'abulilion  de  la  messe  fut  un  des  premiers  objets  de  Luther: 
nous  ne  parlerous  point  ici  des  cliangemeos  qu'il  fit  dangla  messe; 
nous  ne  parlerons  que  de  l'abolition  des  messes  prlrées ,  qu'il 
condamna  en  supposant  que  les  catholiques  leur  attribuaient  la 
ïeriu  de  remettre  les  péchés  sans  qu'il  lût  nécessaire  d'j  appor- 
ter ni  la  foi ,  ni  aucuu  bou  niauvcmeiil.  Nous  ne  croyons  pas  pou- 
voir mieux  réfuter  cette  erreur  qu'en  exposant  la  foi  de  l'ËIglise 
cttbolique  sur  ce  sujet  :  nous  tirerons  cette  espositiou  de  U.  Bos- 


Les~puissanles  du  Fils  de 

,  noLfs  crujuns  avec  rat- 


■  Etant  convaincu  que  les  paroles  ti 
•  Dieu  opèrent  tout  ce  qu'elles  éuonci 


LUT  ^     TT 

»  Eon  qu'elles  eurent  leur  effet  dans  h  cène  aussiiâi  qu'elles  Turent 

,,  ei  par  une  suite  Déoessaîre  nous  reeon naissons  U' 

■  présence  réelle  du  corps  avintli  manduc 

>  Ces  ctiosee  étant  supposées ,  le  sacrifice  qui!  nous  reconoai»- 

■  sans  dans  l'eucharistie  n'a  plus  aucune  difticnlté  particulière. 

t  Nous  avons  remarqué  deux  actions  dans  ce  mystère,  qui  ne 

>  Uiiscnl  pas  d'être  distinctes,  quoique  l'une  se  rapporte  ï  l'autre: 

>  la  première  est  la  consêuraLion  ,  par  laquelle  le  pain  et  le  vin 

>  sout  chaiigùs  au  corps  et  au  sang ,  et  la  seconde  est  U  mandu- 

>  cation  ,  par  laquelle  on  j  participe. 

•  Dans  la  coosécration  ,  le  corps  el  le  sang  sont  mystérieuse' 

■  ment  sépari^s ,  parce  que  Jésus-Chrïst  a  dit  séparément  :  Ceci  eU 
mon  corpt,  ctci  ttt  mon  sang  ;  ce  qui  euferme  une  vive  et  eOi- 
nee  représentation  de  la  mort  qu'il  a  soulTerie. 

>  Ainsi  le  Fils  de  Dieu  esi  mis  sur  la  sainte  table  en  vertu  de 
^.  ces  paroles ,  revêtu  de  sigues  qui  représeuient  sa  mort  ;  c'est  ce 

■  qu'opère  la  consécration  ,  et  cette  action  religieuse  porte  avec 
il  la  reconnaissance  de  la  souveraineté  de  Dieu ,  en  tant  que 

^  Jésus-Qirist  présent  y  renouvelle  et  perpétue  en  quelque  sorte 

a,  la  mémoire  de  son  obéissance  jusqu'à  la  mort  de  la  croix  ,  si 

W*  bien  que  rien  ne  lui  manque  pour  être  un  véritable  sacrifice. 

«  peut  douter  que  cette  action  ,  comme  distincte  de  la 

•  manducalion,  ne  soit  d'elle-même  agréable  i  Dieu  et  ne  l'oblige 
is  regarder  d'un  a:il  plus  propice ,  parce  qu'elle  lui  remet  J 

>  devant  les  yeui  son  Fils  même ,  sous  les  signeà  de  cette  mort  | 
t  par  laquelle  il  a  été  apaisé. 

•  Tous  les  chrétieus  eonlesseront  que  la  seule  présence  de  Jd*  1 

•  sut-CLrist  est  une  manière  d'intéresser  très-puissanic  devant  I 

■  Dieu  ,  pour  tout  le  geore  humaio  ,  selon  ce  que  l'apûtre  dit , 

•  que  Jésus-Christ  se  présente  et  panlt  pour  nous  devant  la  Tacs 

•  de  Dieu  :  ainsi  nous  croyons  que  Jésus-Christ  (irésent  sur  Ut 

•  sainte  table,  en  cette  Bgnie  de  mort,   intercède  pour  nous  et 

•  représente  con lin uelle ment  i  son  Père  la  mort  qu'il  a  soulTerta  | 

•  pour  son  Ëglise. 

•  C*esl  en  ce  sens  que  nous  disons  que  Jésus-Christ  s'oiïre  k 

•  Dieu  pour  nous  dans  l'eucharistie;  c'est  en  celte  manière  que 

r  nous  pensons  que  celte  ablation  fait  que  Dieu  nous  devient  plus    . 

>  propice ,  et  c'est  pourquoi  nous  l'appelons  propitiatoire. 


•  Lorsque  n 


3  eonsidéroDS  ce  qu'opère  Jésus^brist  dans  ca  I 
us,  pur  la  fui,  présent  actuelli}-  J 


<    le    ¥ 


78     ,  LUT 

■  meot  Ror  la  tu'mit  table,  avec  ce»  slgiiM  de  mort .  nous  nons 

•  unÎMODS  b  lui  en  cei  eut  ;  nous  le  préseniuos  A  Dieu  comne 
B  notre  unique  victime  et  notre  unique  propitiaieiir  par  sod  sang, 

>  prolestaol  que  nous  n'avons  rien  â  oITrirà  Dieu  que  iésus-Cbrist 

•  et  le  mérite  infini  <le  sa  mort.  Nous  consicronj  toutes  nos  prières 

•  par  celte  divine  oITraiide  ;  en  présentant  Jésus-Clirist  t  Dieu , 

•  nous  apprenons  en  môme  temps  ï  nous  oiTrir  â  h  majesté  diiine, 

■  en  lui  et  par  lui,  comme  des  hosties  vivantes. 

>  Tel    est  le  sacriSce  des  chrétiens,  influiment  dilTércot  de 

•  celui  qui  se  pratiquait  dans  U  toi  ;  tacrîlicc  spirituel  et  digne  de 

•  la  nouvelle  alliance  ,  ob  la  victime  présente  n'eit  aperçue  que 

•  par  la  loi ,  oti  le  glaive  est  la  parole  qui  séparo  mjitiquement 

•  le  corpi  et  le  sang ,  oh  ce  sang ,  par  conséquent ,  n'est  répandu 

•  qu'en  nijrstère,  otI  Is  mort  n'intervient  que  par  représentation; 
"  sacrifice  néanmoins  trës-véri table  en  ce  que  Jésus-Christ  y  est 

•  véritablement  contenu  et  présenté  b  Dieu  sous  cette  figure  de 

•  mort  ;  nais  sacrifice  de  commémoration  qui ,  bien  loin  de  nous 

•  détacher,  comme  on  nous  l'objecte,  du  sacrifice  de  la  croix,  nous 

>  j  attache  par  toutes  ses  circonstances,  puisque  non-seulement 

•  il  s'y  rapporte  tout  entier,  maisqu'eneret  il  n'esieinesnbsiste 

■  que  par  ce  rapport ,  et  qu'il  en  tire  sa  vertu. 

•  C'est  la  doctrine  expresse  de  l'Église  catholique  dans  le  con- 

•  cite  de  Trente ,  qui  enseigne  que  ce  sacrifice  n'est  institué  qu'a- 

■  Sn  de  représenter  celui  qui  a  été  une  fait  accampH  en  la  croix; 

•  d'en  faire  âarer  la  mtiMirt  Juigu'i  ta  fin  des  ^ieiet ,  et  de  nou* 

•  en  appliquer  ta  vertu  salulaire  peur  la  r^Tmltstan  dei  p/eMs  que 
B  nouê  eommeltont  tout  letiaiiti.  Ainsi,  loindecroîrequ'il  manque 
I  quelque  chose  au  sacrifice  de  la  croix  ,  l'Eglise ,  au  contraire , 

•  le  croit  si  parfaitement  et  si  pleinement  sufllsant,  que  tout  ce 
»  qui  se  fait  ensuite  n'est  plus  établi  que  pour  eu  célébrer  la  mé- 

•  moire  et  pour  en  appliquer  la  vertu. 

•  Par-li  cette  même  t^lise  reconnaît  que  tout  le  mérite  de  la 

>  rédemption  du  genre  humain  est  attaché  k  la  mort  du  Fils  de 

•  Dieu  ;  et  on  doit  :>voir  compris  ,  par  toutes  les  choses  qui  ont 
»  étéeiposécs,  que,  lorsque  nous  disons  ï  Dieu,  dons  la  célébra- 

•  lion  des  divins  mystères,  Noiti  vovt  prétentoni  cette  hoêltetainle, 

■  nous  ne  prétendons  point ,  par  cette  oblatioo ,  faire  ou  présen- 

>  1er  k  Dieu  un  nouveau  paiement  du  prix  de  notre  salut,  mais 

■  employer  auprès  de  lui  les  mérites  de  Jésus-Christ  présent  et  le 

■  prix  infini  qu'il  a  payé  une  fois  pour  nousen  la  croix. 


LUT 


1>  Uesueura  de  la  religion  prétendue  réformâe  ne  croicni  point    J 
offenwr  Jésus-Cliriïl  ea  ruffraol  i  Dieu  oomme  préMnt  h  leor    I 
foi  :  ei  s'ils  crof aient  qu'il  fût  présent  en  elTel ,  quelle  rApu>    I 
i      >  goimce  Riitaièai-ils  ï  l'oOrir  comme  élant  efieciivemeat  prêtent  T 
•  Ainsi,  toute  la  dispois  devrait  de  bonne  foi  élre  réduite  i  11 
>  seule  pràience.  >  Uouuet ,  ExpotiHan  dt  ta  doctrine  ealholiqu» , 
an.  U, 

Cette  présence  réelle  est  reconnue  par  les  Luihtrieni ,  et  nous 
l'avons  prouvée  contre  les  Sacraoïeoiaircs ,  à  l'art,  BIÏriiioeii. 

Luther,  en  atiolÎMani  les  messes  privéei ,  conaerva  U  messe  et 
n'y  Cl  que  peu  de  ohangement.  L'abolition  de  lamecsefutlelk'uit 
d'une  conférence  de  Luther  avec  le  Diable,  qui  le  cooTalnquit  dt 
la  nécessité  de  l'abolir  :  oelte  conTérenca  as  (roun  dus  l'aunag*    j 
de  Luther  atir  la  messe  privée,  1 

Itéffeneni  générale$  nr  la  réform»  établit  par  ÙMther.  l 

Lorsque  Luther  itiaqua  les  indulgences ,  il  s'était  introduit  de  | 
grands  ibus  dans  l'Église  i  il  était  nécessaire  de  les  réfonneri  I 
c'est  une  vérité  reconnue  par  les  catholiques  les  plus  zélés.  Uût 
l'Ëglise  catholique  n'enseigtiait  point  d'erreurs,  et  sa  morale  était 
pure  :  on  a  déOé  cent  fois  les  Protesians  de  citer  un  dogme  au  un 
point  de  discipline  contraire  aui  vérités  enseignées  dans  les  pre- 
miers BJMles  ou  opposé  k  la  pureté  de  la  morale  évangéliquc. 

On  pouvait  donc  se  garantir  des  abus  et  distinguer  la  morale 
de  l'Lvangite  de  la  corruption  du  siècle  ,  laquelle ,  il  faut  l'a- 
vouer,  avait  étrangement  ioTetlé  lou.i  les  ordres  de  l'Ëglise ,  qui 
!ndaut  ne  fut  jamais  destituée  d'exemples  éclataus  de  vertu    I 

de  sainteté.  I 

Une  intinité  de  personnes ,  plus  savantes  que  Lutber  et  d'une 
piété  émîuenle ,  souhailaîeut  la  réforme  des  abus  et  la  demaO' 
datent  ;  mais  elles  croyaient  que  c'était  !i  l'Église  mâme  i  procu- 
rer celle  réioruie ,  et  que  la  corruption  même  du  plus  grand 
nombre  des  membrea  de  l'Église  n'auiorisait  aucun  particulier  k 
faire  celte  réforme. 

Il  n'j  avait  donc  aucune  raison  de  se  séparer  de  l'Église  lorsque 
Lulher  !<'«»  sépara,  ha  réfonne  que  Luther  établit  consistait  !i  dé- 
truire toute  la  hiérarchie  ecclésiastique,  i  ouvrir  les  cloîtres  cl  k 
lîceucier  les  moines  ;  il  enseigna  des  dogmes  qui,  de  l'aveu  de  ses 
fMUMnrs  miCDcs,  démûsuenl  le«  piincipes  de  la  morale  el  s»- 


de  1 
^V  ««uei 
M«(pei 


ir  U  prédesli- 

Le  droit  qu'il  donnait  ï  chaque  chrËlleo  d'interpréter  l'Ëcri- 
Utra  et  de  juger  l'Ëglite  fut,  sinon  la  cause ,  au  moins  l'occa- 
gion  de  cette  Foute  de  sectes  fanatiques  et  insensées  qui  désolèrent 
l'Alleniagne  et  qui  renouïelÈreni  les  principes  de  Wiclef ,  si  con- 
inifes  i  la  religion  et  kl»  tranquillité  des  États.  Veyei  l'article 

A.1ABkl>TISrES. 

Luther  entreprit  celle  réforme  sans  autorité,  sans  mission,  suit 
ordinaire ,  soit  extraordiiiiiire  ;  il  n'avait  pas  plus  de  droit  qui) 
les  Anabaptistes  1  qu'il  ri:ru1ail  en  leur  demandant  d'ob  ils 
avaient  reçu  leur  mission  ;  il  n'aTait  mis  dans  sa  réforme ,  ni  la 
charité,  ni  la  douceur,  ni  même  h  fermeté  qui  curaclérisent  un 
homme  envoyé  deDicu  pour  réformer  t'Ëglise;  son  emportement, 
sa  dureté ,  sa  présomption,  révoltaient  tous  ses  disciples  ;  il  avait 
violé  sesTffiui,  et  il  s'était  marié  scandaleusement;  il  avait  auto- 
risé ta  polygamie  dans  le  landgrave  de  Hesse  ;  ses  écrits  n'ont  ni 
dignité ,  ni  décence ,  ils  ne  respirent  ni  la  cliaritë ,  ni  l'amour  de 
la  vertu  ;  il  s'abandonne  avec  complaisance  aux  plus  indécentes 

Ce  ne  sont  point  îd  des  déclamaiiuns  :  ceux  qui  ont  lu  tes  ou- 
vrages de  Luther  et  l'histoire  de  sa  réforme ,  même  dans  les  Pro- 
teslans,  ne  m'en  dédiront  pas,  el  j'en  atteste  les  PratesUins 
modérés,  les  lettres  de  Lutlier,  ses  serinons,  ses  ouvrages,  Mé- 
lanchton  et  Erasme. 

Il  s'est  élevé  parmi  les  Luthériens  beaucoup  de  disputes;  du 
temps  de  Luther,  el  après  sa  mort,  les  théologiens  luthériens 
dressèrent  plusieurs  formules  pour  I3cber  de  se  réunir,  mais  inu- 
tilement. Indépendamment  de  ces  divisions  ,  il  s'éleva  des  chefs 
de  sectes  qui  ajoutèrcul  ou  retranchèrent  au\  principes  de  Luther, 
ou  qui  tes  modifièrent  :  tels  furent  les  Crypto-Calvinistes,  lesSj- 
nergistes,  les  Flsvianisles ,  les  Osiandrisles,  les  Indifférens,  les 
Stancaristes,  les  Hajoristes,  les  Autlnomlens,  les  Syncrétistes , 
les  Ullléuaires ,  les  Origénistes  ,  des  fanatiques  et  des  Piétisles. 
Nous  allons  en  donner  une  notion. 

Det  sectes  qui  se  sml  ^Icvift»  parmi  les  Luthérieai. 

1°  Le  Crypto-Calvinisme  ou  Calvinisme  caché  :  Mélanchton  en 
fut  la  pi'euiiëre  source  ;  changeant ,  timide,  trop  philuM>plie  d'ail- 


,  <lit  II 


LIT 

ir  lulhérien  ,  et  raisant  trop  de  c: 


81 


^  Titimainrs ,  la  correspondance  qu'il  entreiiol  itcc  Buoer  cl  [)ulliii~ 
ger  le  disposa  Irop  avantageusement  en  teur  faveur  :  ses  disciples, 
dont  il  eut  un  Ir^-grand  nombre,  adoplèrenl  ses  sentimens,  el 
h  vilte  de  n'itiemberg  Tat  remplie  de  gens  qui ,  sans  vouloir 
prendre  le  nom  de  diiîciples  de  Culvin ,  prolessaieni  et  ensei- 
gnaient ouvertement  sa  doctrine. 

La  même  chose  eut  lieu  i  Leipsick  el  daos  tout  l'élecior.it  do 
Saxe  pendant  que  les  Ëtals  de  la  brandie  Erncstine  ou  atnée  con- 
servèrent la  doctrine  de  Luther. 

Enfin  Auguste,  électeur  de  Suxe  ,  persuadé  par  plusieurs  dis- 
ciples (le  Mélancliiun  qui  trouvaietit  que  leurs  compagnons  allaii:nt 
trop  loin ,  mit  en  œuvre  des  moyens  très- efficaces  pour  détruire 
le  Calvinisme;  ces  moyens  furent  d'emprisonner  et  de  déposer 
ceux  qui  renseignaient  et  qui  le  favorisaient  :  quelques-uns  furent 
fort  long-temps  en  priMin ,  d'autres  y  moururent  ;  mais  le  plus 
grand  nombre  sortit   el  de  prison  et  du  pays. 

C'est  U.  Wakb,  docteur  luthérien ,  qui  nous  apprend  comment   ' 
les  premiers  réformateurs  traitaient  ceux  qui  ne  pensaient  pu  i 

On  n'en  nsa  pas  autrement  d'abord  en  France  envers  les  pre-   < 
s  Luthériens,  quoiqu'il  attaquassent  la  religion  callioliqua   * 

Il  que  l'bomme  pouvait  contribuer  ei 
:  Mélanchton  peut  encore  passerpour 
contraire  aux  principes  de  Luther*. 
ir  dans  laquelle  Malhias  Flavius ,  sur- 
oinié  llljricus ,  tomba  d'abord  par  précipitation  el  sans  mau- 

e  intention ,  et  dans  laquelle  il  persévéra  par  entêtement  :  il    . 
HÏt  que  le  pécbé  originel  était  la  substance  même  de  l'honinie. 
ledoclrine,  tout  insoutenable  qu'elle  est,  trouva  dessectaieurs; 

e  par  les  comtes  du  Uansfeld  '. 
\*  Les  Osiandrisitis,  disciples  d'Adrien  Osiander  ;  il  se  signala 
li  les  Luthériens  par  une  opinion  nouvelle  sur  la  justiiicatioa  : 
il  ne  voulait  pas,  comme  les  autres  Prolestsns,  qu'elle  se  fit   par    i 
l'imputatioti  de  la  justice  de  Jésus-Christ,  mais  par  l'iu 

*  Bibl.  gcrm.,  I.  i»,  art.  fl. 


ï'  Les  Sjnergisti 

idque  chose  â  sa  I 
initeur  de  celle  doctrine , 
L  3*  Le  Flavianisme, 


«I  LUT 

de  la  JUSIÎC6  ïub»l*i)tieile  de  Dieu  avec  nos  imts;  il  se  fondaii 
sur  coa  paroles  Koofeiii  répéiéei  en  Isaïe  el  en  Jéréiuie  :  Le  Sei- 
çiuur  eitvaire  JMliix. 

Selon  Osiaoder,  de  raCme  que  nous  tivong  par  la  lit  subaUs- 
lîdle  de  Dieu,  et  que  nous  aimons  par  l'amour  esseniiel  qu'il  a 
pour  lui-même,  aussi  nous  sommet;  justes  par  Injustice  essentielle 
qui  nous  est  communiquée  ;  k  quoi  il  fallait  ajouter  la  substance 
du  Verbe  incarna,  qui  était  en  nous  par  la  foi,  par  la  parole  et 
par  les  sacrement. 

Dès  le  temps  qu'on  dressa  la  confession  d'Augsbourg,  il  avilt 
Tait  les  derniers  elTorti  pour  làire  embrasser  cette  doctrine  par 
tout  le  parti,  et  il  la  soutint  atec  une  audace  extrême  ï  la  hce 
de  Luther. 

Dans  l'assemblée  de  Smiica de,  on  fut  étonné  de  sa  lémérité; 
mais  comme  on  craj^tnail  de  faire  éclater  de  nouvelles  divisioDS 
dans  le  parti,  oji  il  teuail  uu  rang  considérable  par  son  savoir,  on 
le  toléra. 

Il  avait  un  talent  tout  particulier  pour  di*erlir  Luther;  tl  fai- 
saii  le  pltiuDi  I  table  el  j  disait  de  bons  mots  souvent  très-pro- 
fanes. Calvin  dit  que  toutes  les  fois  qu'il  trouvait  le  vin  bon,  il 
faisait  l'éloge  du  vin ,  en  lai  appliquant  cetl«  parole  que  Dten 
disait  de  lui-même  :  Je  »uit  etlni  ;ulfH<«,  to»  mm  qui  wn; 
ou  ces  autres  mots  :  Voici  U  Fili  du  Dieu  vimitl. 

Il  ne  fut  pas  plus  lût  en  Prusse,  qu'il  mit  en  feu  rUaiversit^de 
K(eaîgsberg  par  sa  nouvelle  doctrine  sur  la  justification;  il  par- 
tagea bieniAt  toute  U  province  '. 

ït  Les  Indilférens,  c'esl-Ii-dire  les  Luthériens  qui  voulaient 
qu'on  conservait  les  pratiques  de  l'Ëglise  romnine. 

La  dispute  sut  ces  pratiques  fut  poussée  avec  beaucoup  d'ai- 
greur :  Hélanchton,  soutenu  des  académies  de  Leipsick  et  de  Wit- 
lemberg,  ob  il  était  tout- puissant,  ne  voulait  pas  qu'on  retran- 
cbiit  les  cérémonies  de  l'Ëglise  romaine  ;  il  ne  croyait  pas  qae, 
pour  un  surplia,  pour  quelques  féiei  on  pour  l'ordre  des  leçons, 
il  fallût  se  séparer  de  la  communion. 

On  lui  &t  un  crime  de  cette  disposition  i  la  paix,  et  on  décida, 
dans  le  parti  luthérien,  que  les  choses  absolument  indifTéretites 
seraient  absolument  retranchées,  parce  que  l'usage  qu'on  en  fai- 

>  Hiat.  des  variaL  I.  8,  art.  ià.  Seckendorf,  Hial.  du  Lulli,  Slock- 
miin,  Bibl  gcrninu,,  loc  cil. 


tvr 

sait  était  coolrure  i  la  tiberié  de  l'ÉgUscct  reoTermait,  Jigait-oD, 
iiue  espèce  de  profession  i)e  pspitiue  '. 

G'  Les  SUucarîstes,  disciples  <te  Fr9ini;ois  Stsncar,  ni  i  Uaa- 
iDUe  e(  prolesHur  tutbérien  dans  l'Académiv  de  Rojamort,  en 
Prusse,  Tan  1551. 

Osiandcr  aiait  smimd  qne  l'homiM  éuît  justifié  par  U  justice 
essentielle  de  Dieu;  Suocar,  ta  combattant  Osiander,  soutint  au 
contraire  que  Jéâus-Christ  n'était  notre  oiédiateur  qu'en  tant 
qu'homme  *, 

7*  Les  Uujoristei,  disciple*  de  George  lljjor,  professeur  dans 
l'Académie  de  Wiliemberg,  en  1536. 

UélaocliIOD  aiait  abiadonaé  les  principes  de  Lutber  sur  le  li- 
bre arbitre  ;  il  ïTaîl  accordé  quelque  force  i  U  natui'e  bumaine  et 
arail  enseigné  qu'elle  cotkcourait  daas  l'ouvrage  de  la  conversioD, 
mËnw  dans  no  infidËle. 

Major  avait  poussé  ce  principe  plus  loin  que  Mélanchton  et 
avait  eipliqué  comment  l'homjue  inSdéle  coDCUurail  k  l'ouvrage 
de  sa  conversion.  Il  faut,  pour  qu'un  inbiiële  sf  couvei'tiise,  qu'il 
prête  l'oreille  ï  U  parole  de  Dieu;  il  faut  qu'il  la  comprenne  et 
qu'il  la  reçoive:  jusque-lï  tout  est  l'ouvrage  delà  volonté;  mais 
lorsque  Vliomme  a  reconnu  la  vérité  de  la  religion,  il  demaude 
les  lumières  du  Sainl-EIsprit  et  il  les  obtient.  Uujor  renouvelait 
en  partie  les  erreurs  des  Semi-Pélagicns  et  prétendait  que  les 
(Fuvrn  élaieiu  nécessaires  pour  être  sauvé,  ce  qui  est  coutraire 
à  la  doctrine  de  Luther,  qui  convient  bien  que  les  bounes  œuvres 
MMtt  nécexiaires  camoie  preuves  ou  plutôt  comme  effet  de  la  uun- 
Waiun,  mais  noi  pas  comme  moyens  °. 
■^  8*  Les  Antinomieos,  c'est-ï-dire  opposes  ï  U  loi.  Voye*  l'arti- 
f «le  Agmcola. 

9*  Les  SjTBcré^tes,  c'est-t-dire  Pacilicateurs,  dont  Toiin  tV 

il  s'était  élevé  une  foule  de  sectes  parmi  les  nouveaui  réforma- 
teurs :  pour  des  hommes  qui  prétendaient  6tre  dirigés  par  des  lu- 
mières exlraordiuaires,  celte  division  était  le  plus  graud  des  em- 
iMrras  et  une  difficulté  accablante  que  les  catholiques  leur 
af[|Kuiient.  On  cberclia  donc  i  réunir  touLus  ces  branches  delà 


84  LUT 

Informe,  Dlaîs  itiiitilenieni  ;  chaque  sec  le  regarda  les  Pacîfica- 
leurï  comme  des  Lommes  qui  trïbissiieni  la  térité  et  qui  la  &a- 
crilJaieni  lAchement  t  l'Hiiioiir  de  la  tranquillité.  Toutes  les  sectes 
réformées  se  baîssaienl  et  se  damoaleot  les  une»  les  autres, 
comme  elles  Laissaient  et  damnaient  les  catholiques. 

George  Galixte  fui  ua  des  plus  lélés  promoteurs  du  Syncré- 
tisme, ei  il  Tut  attaqué  par  ses  ennemis  atcc  un  emportement  ev 

lO-  Le  Ilubérianisme,  ou  la  docirioe  de  Iluber. 

Huber  était  originaire  de  Berne  et  professeur  en  tliéologie  i 
Wittembcrg,  ïers  Tan  1S92. 

Lutber  avait  enseigné  que  Dieu  déterminait  les  bomme.s  au  mal 
comme  au  bien ,  ainsi  Dieu  seul  prédestinait  l'homme  au  salul  ou 
i  la  damnation,  el  tandis  qu'il  produisait  la  justice  dans  un  petit 
nombre  de  fidèles,  il  dëlerminail  les  autres  au  crime  et  ù  l'impé- 

lluber  ne  put  s'accommoder  de  ces  principes;  il  les  troura 
contraires  à  l'idée  de  la  justice,  de  la  bonié  et  de  la  miséricorde 
divine,  11  trouvait  dans  l'Ëcriture  que  Dieu  veut  le  salul  de  tous 
les  hommes  ;  que  comme  tous  les  hommes  sont  morts  en  Adam, 
lous  ont  été  vivifiés  en  Jésus-Cbrist.  Uuber  pril  ces  passages 
dans  ta  plus  grande  étendue  qu'on  pouvait  leur  donner  el  en- 
seigna, non-seulement  que  Dieu  voulait  le  salut  de  lous  les 
hommes ,  mais  encore  que  Jésus-Christ  les  avait  en  elTet  tous 
racheté»,  el  qu'il  n'y  en  avait  point  pour  lesquels  Jé5us-Chrisl 
n'eût  satisfait  réellement  el  de  laii;  eu  sorte  que  les  hommes 
n'étaient  damnés  que  parce  qu'ils  lumbaienl  de  cet  étal  de  jus- 
lice  dans  le  péché  par  leur  propre  volonté  et  en  abusant  de  leur 
liberté, 

Ilnbcr  fut  chassé  de  l'Université,  pour  avoir  enseigné  celle  doc- 

11"  Us  Origénistes,  qui  parurent  sur  la  fin  du  dernier  siècle. 
H.  Pélersen  et  sa  femme  publièrent  que  Dieu  leur  avait  révélé  quA 
les  damnés  et  les  démons  mêmes  seront  un  jour  amenés  par  la 
grandeur  et  la  longue  durée  de  leurs  peines  !i  rentrer  dans  le  de- 
voir el  ï  se  repentir  sincèrement,  it  demander  et  i  rerevoir  grlce 
de  Dieu,  tout  cela  en  vertu  de  la  morl  el  satisfaction  de  Jésiu- 

'  Bibl.  i;<'rm.  Stoclimati,  loc.  cil, 


n;t 


L 


6iJ 

tliri»!  ',  ce  qui  disllogue  te  scnlimeni  des  OrigL-nislcs  luiltijrleuig 
'àe  celui  des  Sociniens  sur  eel  objel  '. 

IS"  Les  Uilléaaires,  qui  renouvelèreal  l'erreur  des  ancicas  mUfl 
[paires.  Yogeicel  article. 

13-  Les  Piéiiates,  secte  de  décais  luiliérieDs,  (]ui  prétead 
le  le  LutUériinisme  a  besoin  d'uue  Douvellc  réforme  :  ils  s« 
liaient  illaniipës  ;  ils  ont  renouTelë  les  erreurs  des  Hillénjirei 
'et  plusieurs  autres. 

M,  Spéner,  patteur  ï  Francforl,  est  l'auLeur  de  celte  secte. 
Dans  le  leiups  qu'il  demeurait  â  Francrort-sur-le-MeiD,  eu  1670, 
ily  établit  un  collège  de  piétù  dans  sa  uialson,  d'oii  il  le  Irans- 
porla  dans  une  Ëglise. 

Toutes  sortes  de  gens,  liouinies,  remnies,  étaient  admis  i  cette 
assemblée  :  U  Spéner  raisail  un  discours  édifiant  sur  quelque 
passage  de  l'Ëcrilure,  après  quoi  il  permetlait  aux  liommes  qui 
étaient  présens  de  dire  leur  sentiment  sur  le  sujet  qu'il  avait 
traité. 

Quelques  anuées  après  (1075),  U.  Spéiier  lit  imprimi 
pr^race  il  la  léte  du  recueil  dps  sentions  de  Jean  Arnold  ;  daiM 
préface,  il  parla  forlement  de  la  décadence  de  la  piété  dam 
„  Ise  lulbérienne  ;  il  prétendit  même  qu'on  ne  pouvait 
théologien  si  l'on  n'était  exempt  de  péclic. 

U.  Sfiéoer  paisa,  en  1686,  h  Leipsick,  et  alors  se  Turmalccot-  ] 
'lége  des  amateurs  de  la  Bible,  qui  établirent  des  assemblées  par- 
[Ijculières  destinées  it  expliquer  certains  livres  de  l'Ëcriture  sainte 
la  manière  la  plus  propre  i  inspirer  de  la  piété  i,  leurs  audi- 
lears.  La  faculté  de  théologie  approuva  d'aburd  ces  assemblées  ; 
maisbientût  le  bruit  se  répandit  que  ceux  qui  parlaient  dans  ces 
assemblées  se  servaient  d'expressions  suspectes,  et  on  les  désigna, 
~  bien  que  leurs  partisans,  par  le  nom  de  Piél'Mei,  Ou  en  parla 
dans  les  chaires;  la  faculté  de  théologie  désapprouva  ces  assen 
elles  cessèrent. 
H.  Cbajus,  proiesseur  en  théologie  i  Giessen,  furma  des  v 
'kemblées,  ï  l'imitation  de  M.  Spéner. 

En  1690,  H.  Mayer,  homme  vif  et  plein  de  zèle,  proposa  no 
formalairc  d'union  contre  les  Aoti-Scripturaires,  les  faux  phi- 
losophes, les  théologiens  relâchés,  etc. 

H.  Uorbiuscl  plusieurs  autres  refusèrent  de  souscrire  ce  for-  | 


■dans 
kemb! 


ês  LUT 

maliîre,  lurtout  parce  qu'on  le  proposait  ï  l'Insu  du  magisirit  : 
sur  Mi  enlrefiiles,  il  recommaDda  le  IWra  de  H.  Poirei  sur  l'é- 
iluctiion  des  enfaos,  intitulé  la  hradence  dr.t  fuilei,  livre  daus  le- 
quel on  prétendait  qu'il  y  avait  des  principes  Tort  dangereux  ;  on 
souleva  le  peuple  contre  Horbius  et  contre  les  Piétisles,  et  Uor- 
biusTut  obligé  de  sortir  de  Hambourg. 

Cependant  le  Piétisme  se  répandait  en  Allemagne,  et,  ï  mesure 
qu'il  s'étendait,  les  points  de  contesta  lï  on  se  multipliaient;  maïs 
il  paraît  qu'il  javaitdu  malentendu  dans  toutes  ces  rontrovenes. 

II  paraît  certain  que  le  fanatisme  s'introduisît  dans  les  assem- 
blées des  Piéiistes,  qui  Turent  composées  d'hommes,  de  Teiumes 
de  tous  élnts.de  tout  âge,  parmilcsquela  il  y  avait  des  tempéra- 
IX,  mélancoliques,  qui  produisirent  des  fanatiques  et 


Les  Piétistes  en  général  toléraient  dans 
les  dîlTÉrens  partis,  pourvu  qu'on  eût  de  la  cbarilé  et  que  l'on  TOI 
bienfaisant  :  ils  cstimBÏtnl  beaucoup  plus  les  fruits  de  la  Toi  (se- 
lon la  doctrine  de  Lutlier],  tels  que  la  justice,  la  tetupérante,  la 
bienfaisance,  que  la  foi  même. 

Les  points  fondamentaux  du  Piétisme  étaient  :  1°  que  la  parole 
de  Dieu  ne  saurait  être  bien  entendue  sans  l'illumination  du 
Saint-Esprit,  et  que  le  Saint-Esprit  n'babitanl  pas  dans  l'ime  d'un 
méchant  homme,  il  s'ensuit  qu'aucun  méchant  ou  impie  n'est  ca- 
pable d'apercevoir  la  lumière  divine,  quand  même  il  posséderait 
toutes  les  langues  cl  toutes  les  sciences. 

3°  Qu'en  ne  saurait  regarder  comme  indiQérentes  certaines 
choses  que  le  monde  regarde  sur  ce  pied  :  telles  sont  la  danse, 
les  jeux  de  cartes,  les  couversationa  badines,  etc. 

On  a  beaucoup  écrit  en  Allemagne  pour  et  contre  celte  secte. 
Yove^la  Bibliothiqueffrmanique,  t.  26,  nil.ii;eiStockmaa,Ltii- 
con  ha^retium,  au  mot  PisTisTf. 

14°  Les  Ubiquiles  ou  Ubiquitaircs,  Luthériens  qui  croient 
qu'en  conséquence  de  l'union  hfpostatique  de  l'huuianilé  avec  la 
divinité,  le  corps  de  Jésus^^hrisl  se  trouve  partout  oit  la  divinité 
se  trouve. 

Les  Sacrameniaires  et  les  Luthériens  ne  pouvaient  s'accorder 
sur  la  présence  de  Jésus-Christ  dans  l'cudiarislie  :  lesSacrtmeu- 
taires  niaient  la  préseuce  réelle  de  Jésus-Christ  dans  l'eucbarislir, 
parce  qu'il  était  impossible  qu'un  même  corps  IVit  duns  plusieurs 
licui  i  la  fois. 


MAC  8Î 

ffajlré  et  qnelqup!:  autres  I,ulli£riens  répondirent  que  rtiuma- 
BÏié  de  J^us-<^hrigl étant  unie  au  Verbe,  son  corjis  était  partout 
[  avec  It  divinité. 

HéUnchlon  opposait  lui  Ubiquités  deuldiflicull^a  insoluble*: 

r  Tune,  que  cette  doctrine  coorondait  les  deux  natures  de  Jâsus- 

Cbrist,  le  faisant  immense,  nou-seuleraent  selon  la  divinité,  mais 

'   encore  selon  son  humanité  et  même  selon  sus  corps  ;  l'autre, 

_u'elle  détruisait  le  mystère  de  l'cucliarislie,  à  qui  ou  ôlail  ce 

qu*il  avait  de  particulier,  si  Jésus-CLriil,  comme  homme,  n'j 

'    filait  présent  que  de  la  m£me  maoifire  dont  il  l'est  dans  le  bois 

>  ou  dans  les  pierres. 

Nous  passons  sons  silence  d'autres  sectes  obscures  :  on  peut 
voir,  dans  un  ouvrage  do  M.  Walch,  l'histoire  plus  étendue  de 
ces  dilTérenles  soctes  formées  dans  le  suin  du  Luthéranisme,  at 
toutes  produites  par  quelqu'un  des  principes  de  ce  réformateur. 
llnefautpaï  oublier  qu'indépendamment  de  ces  petites  seclei.la 
rérorme  de  Luther  produisit  t'Arianisme  et  l'Anabaplisme,  comme 
Ou  peut  le  voir  dans  ces  articles. 


MACÉDOrill'S,  évoque  de  Cunstaniioople,  qui  nia  la  divinité 
du  Saint-EspriL 

Après  la  mort  d'Aleiandre,  évéque  de  Consiantinople,  les  dé- 
'  feijseurs  de  la  consubstauti alité  du  Verbe  élurent  pour  successeur 
[  Paul,  et  les  Ariens  élurent  Macèdnnius. 

Conslaoce  cliasja  ces  deux  cont-urrens  et  pla^a  EusËbe  de  Ni- 
[  oomédie  sur  le  siéf  e  de  Coostanlinople. 

EuiËbe  Ëlani  mort,  Paul  et  Hacédonius  furent  rappelés,  chacun 
'  par  leurs  partisans,  et  bicotût  on  vil  dans  Cunstanlinuple  des  in- 
'   Uigues,  du  Iruuble  et  des  séditions. 

Constance  envoja  Hermogène  ï  Constanlinople  pour  chasser 
Paul  :  le  peuple  l'j  opposa,  prit  les  armes,  mit  lo  feu  au  palais, 
traîna  llermogéoe  dans  les  rues  et  l'assomma.  L'empereur  se  ren- 
,  dit  il  Consiantinople,  chassa  Paul  et  priva  la  ville  de  la  moitié  du 
I  blé  que  l'on  distribuait  aux  babiuna  ;  il  ne  fît  mourir  personne, 
1  parce  que  le  peuple  alla  au  devant  de  lui  pleurant  et  demandant 
1  pardou. 

L'empereur ,  qui  attribuait  une  partie  du  désordre  i  Macédo- 
t  BÎus,  ne  voulut  point  conllrmer  son  élection,  et  lui  permit  seule- 


88  MAC 

meai  de  tenir  ses  asseuililées  dans  son  église  propre.  Les  autres 
^lïsesdemeurirenl  apparemment  aoiis  la  conduite  des  pri'lres  du 
parti  de  Psul ,  qui  revint  i  ConslaDl'mople  peu  de  temps  après  le 
départ  de  Constance,  qui  envoya  ordre  au  préfet  du  prétoire  de  le 
chasser  et  de  mettre  Macédonius  i  sa  place. 

Philippe,  préfet  du  prétoire,  fil  enlever  Paul,  et  parut  dans  son 
char,  ayant  i,  c&té  de  lui  Macédonius,  qu'il  conduisait  !i  ëou  église. 

Ce  même  peuple,  qui  avait  demandé  pardon  i  Constance,  cou- 
rut h  l'église  pour  s'en  emparer  de  force  ;  les  Ariens  el  les  catho- 
liques voulaient  s'en  chasser  réciproquement  ;  le  trouble  eilacon- 
fosion  devinrent  eiirémes:  les  soldats  crurent  que  lu  peuple  se 
soulevait,  ils  chargèrent  le  peuple  ;  on  s«  battit ,  et  plus  de  trois 
mille  personnesfurenlluées  ï  coups  d'épée,  ou  étoufli^es  '. 

Après  cet  horrible  carnage  ,  Macédonius  monta  sur  le  irâne 
épiscopal ,  s'empara  bientél  de  toutes  les  églises  ,  et  persécuta 
cniellemenl  les  Novaliens  eties  catholiques. 

La  persécution  unit  tellement  les  calûoliques  et  les  Novatiens, 
qu'ils  étaient  disposés  il  mourir  les  uns  pour  les  autres  :  la  persé- 
cution n'a  guère  manqué  t  réunir  les  partis  les  plus  ennemis  con- 
tre le  parti  persécuteur. 

Les  Novatiens  furent  principalement  l'objet  du  zèle  de  Macé- 
dnnius;  il  apprit  qu'ils  étaient  en  grand  nombre  dans  la  Paphla- 
gonie  ;  il  obtint  de  l'empereur  quatre  régimens ,  qu'il  j  envoya 
pour  les  obliger  k  embrasser  l'Arianisme.  Les  Notalieos,  infor- 
més du  projet  de  HacédoDÎus  ,  prirent  les  armes ,  vinrent  au  de- 
vant des  quatre  régimens  ,  se  battirent  avec  fureur ,  défirent  les 
quatre  régimens  et  tuèrent  presque  tous  les  soldats. 

Quelque  temps  après  ie  malheur  arrivé  dans  la  Paphlagonie, 
Macédonius  voulut  transporter  le  corps  de  Constantin  hors  de 
l'église  des  Apôtres ,  parce  qu'elle  tombait  en  ruines  :  une  partie 
du  peuple  consentait  i  cette  translation  ;  l'autre  soutenait  que 
c'était  une  impiété,  et  rcg^irdail  celte  translation  comme  un  ou- 
trage fait  ï  Constantin.  Les  catholiques  se  joignirent  à  ce  parti  , 
et  il  devint  considérable. 

Macédonius  n'ignorait  pas  ces  oppositions,  mais  il  ne  croyait 
pas  qu'un  évcque  dûty  avoir  égard  ,  et  il  fit  transporter  le  corps 
de  Constantin  dans  l'église  de  Snini-Acace  :  tout  le  peuple  accou- 

*  Soiotn. ,  I.  A,  c  11.  Socral. ,  B.  a,  c.  38.  Socralc  dit  «voir  apprit 
ce  6tt  U'un  paysan  qui  s'élail  trouvé  i  celte  oITairc. 


isîtCl  ;   le  concours  des  deux  partis  pri>duiiii  enire  les  a 
I  prils  une  espèce  de  clioc,  ils  s'échauÉ^rct 

r-le-champ  la  nef  de  l'i'glUe  ei  la  galerie  furent  remplies  dvl 
r#ing  cl  de  carnage. 

Consunce  ,  qni  était  alors  en  Occideni ,  sentît  combien  mM 
rfcomme  ducaraclère  de  Uacédouius  était  dangereux  sur  te  siég*  I 
Wàe  Conslaotinople  ;  ille  fit  déposer,  quoique  Macédoutus  persécn- ' 
~  Ullcs  catholiques,  que  Constance  voulait  dètru' 

Macédonius,  déposé  par  Constance  ,  conçut  une  haine  violents  I 
contre  les  Ariens  que  Constance  protégeait ,  et  contre  les  catholi-r 
ques  quiaraîent  pris  parti  contre  lui  :  pour  se  venger,  itrecouiiut  I 
la  dÎTinilé  du  Verbe  qne  tes  Ariens  niaient ,  et  ni»  la  divinité  du 
Saint-Esprit  que  les  cattiollques  reconnaissaient  auïsi  bien  que 
ta  diTinilédu  Verbe. 

Ainsi,  avec  des  mœurs  irréprocbables,  Macédnnius  était  un  am- 
bitieux, un  t^rau  qui  voulait  tout  subjuguer  ;  un  orgueilleux  qui , 
pour  soutenir  une  première  démarche  dans  les  plu»  petites  chosea, 
■Drail  sacrifié  l'empire  ;  un  barbare  qui  persécutait  de  saDg-froid 


tOQt  ce  qui  ne  pensait  pas  comme  lui  ou  qui  osait  lui  résister 
nfin  un  présomptueux  qui ,  pour  saiisrairi 


passion  pour  la  célérité ,  fit  une  hérésie  et  nia  la  divinité 
'   Saint-Esprit. 

Voici  les  rondemeos  de  son  opinion  : 
Les  principes  des  Ariens  combattent  également  la  divinité 
k  Terbe  et  la  divinité  du  Saint-Esprit  ;  mais  on  ne  voit  pas  qu' 
lient  eombatlu  rormellenienl  la  divinité  du  Saint-E^pril. 
HacédooluB,  au  contraire,  trouva  les  principes  des  Ariens  sans 
I  fbrce  contre  la  divinité  de  Jésus-Cbrist ,  et  s'en  servit  pourpvou- 
ÏTer  que  le  Saint-Esprit  n'était  qu'une  rréalure. 

L'Église  avait  condamné  formellement  les  hérétiques  qui  avaient 
■Usqué  la  divinité  de  Jésus-Christ.  L'Écriture  lui  donne  si  clai- 
rement  les  litres  et  tes  attributs  du  vrai  Dieu  ,  que  les  difficultés 
que  les  Ariens  entassaient  pour  prouver  que  Jésu»-Christ  était 
nue  créature  avaient  paru  sans  force  il  Hacédonius;  il  rejeta  le 
terme  de  consubatanliti ,  mais  il  reconnut  toujours  la  divinité  de 
Jésus-Christ. 

Il  ne  crut  pas  voir  la  divinité  du  Saint-Esprit  exprimée  aussi 
l^dairement  dans  l'Ëcriture  ;  il  crut  qu'elle  lui  donnait  les  caracté- 
s  qui  constituent  la  créature. 

it  Macédunius,  n'est  nulle  part  opptW 


in>  ^^ 


MAC 
Dieu  ;  t'Écriiare  n'oblige  ni  de  croire  en  taî ,  ni  do  Te  prier;  le 
rere  et  le  Fils  sont  seuls  l'objet  de  notre  culte  et  de  notre  es- 
pérance :  quand  Jésus-Christ  enseigne  aux  liommea  eu  quoi  con- 
siste Il  vie  éternelle  ei  quels  sont  les  mujeDS  d']i  arriver  ,  il  dit 
leulement  que  c'est  de  conoallre  son  Père,  et  lésus-Chrisl  son 
Fils. 

Lorsque  l'Ëcriture  parle  du  Saint-Esprit ,  elle  nous  le  repré- 
sente comme  sulwrdoniié  an  PÈre  el  au  Fils  ;  c'est  par  eui  qu'il 
existe  ,  c'est  par  eui  qu'il  est  instruit ,  c'est  par  leur  autorité  et 
parleur  inspiration  qu'il  parle  *. 

U  est  le  cunsolaieur  des  chrétiens,  il  prie  pour  eux  *  :  ces  fonc- 
tions peuvent-elles  convenir  ï  la  divinité  ? 

Enfin ,  on  ne  conçoit  pas  ce  que  ce  serait  que  celte  iroislëme 
personne  dans  la  substance  divine  ;  car,  ou  le  Saint-Esprit  serait 
engendré  ,  ou  il  ne  le  serait  pas  :  s'il  n'est  pas  engendré  ,  en  quoi 
dillSre-t-il  du  Pfere  ?  et  s'il  est  engendré ,  en  quoi  dilT^re-l-il  du 
Fils  T  Dira-t-on  qu'il  est  engendré  seulement  par  le  File  ?  alors  on 
admet  un  Dieu  grand-père  et  un  Dieu  petit-fils. 

Telle  est  la  doctrine  de  Macédonius  sur  le  Saint-Esprit:  il  nela 
publia  que  lorsqu'il  fui  déposé  ,  et  peu  de  temps  avant  que  de 
mourir. 

11  eut  des  sectateurs  ,  qu'on  nomma  Macédoniens  ou  Pneuma- 
tomaqueSj  c'est-à-dire  ennemis  du  Saint-Esprit  ;  on  les  appelait 
quelquefois  Marathoniens,  â  cause  de  Maralhooe,  éréque  de  Nieo~ 
médie,  sans  lequel  on  prétend  que  celte  secte  aurait  été  bienlât 
éteinte  ïConstaniinuple.  Uaralhouela  soutenait  par  ses  soins,  par 
son  argent,  par  ses  discours  pathétiques  et  asseï  polis  ,  et  par  un 
extérieur  composé  ,  propre  t  s'attirer  l'estime  du  peuple  '. 

Ces  deux  dernières  qualités  se  trouvaient  aussi  dans  plusieurs 
des  principaux  de  cette  secte,  tels  qu'Eluse,  Eustache,  etc.  Leurs 
mœurs  étaient  réglées,  leur  abord  grave ,  leur  vie  austère  ,  leurs 
exercices  assez  semblables  ï  ceux  des  moines ,  et  l'on  remarqua 
que  le  parti  des  Macédoniens  était  suivi  par  une  partie  considé- 
nble  du  peuple  de  Constantin opie  et  des  environs,  par  divers  mo- 
naslëres ,  et  par  les  personnes  les  plus  irréprochables  dans  les 
mœurs;  ils  avaient  des  partisans  dans  plusieurs  villes  ;  ils  rurmé- 

■  Joan.  16.  Paul.  aci.  Cor,  1,  e.  3. 

''  Ad  Rom,  8. 

*  Sotom.,  1,  i,  e.  17. 


I 


L 


MAC 

reat  plnsîears  uonislères  remplh  d'an  graocl  nombre  d'homaui  1 
et  Je  filles'. 

Les  Uicéiloniens  élaienl  priacipalemeDl  répandus  dans  [t 
Thrace  ,  dans  rilelle&poDt  et  dang  la  Bithjnie  '. 

Aprts  la  mort  de  Julien ,  JoTÎen  qui  lui  succéda  ,  et  qui  était  1 
dans  la  foi  de  Nicée  ,  voulut  la  rétablir  :  il  rappela  les  exilés  ;  ce-  j 
pendiini ,  comme  il  aimait  mieux  agir  par  douceur  que  par  auto- 
rité, il  Inissail  une  grande  liberté  à  tout  te  monde  pour  la  religion  ; 
tous  les  cbefs  de  lecte  s'inuginèreDt  pouvoir  l'engnger  dam  leur 

Les  Hacédonicns  formèrent  les  premiers  ce  projet,  et  préseutfr- 
renl  une  requête  pour  obtenir  que  toutes  les  églises  leur  AumU 
doDoées;  mais  Joiieu  rejeta  leur  requête. 

Daos  la  suite,  les  Macédoniens  se  réunirent  aux  catholiques, 
parce  qu'ils  éiaîenl  persécutés  par  les  Ariens;  ils  signeront  Icijm- 
bole  de  Nicée ,  se  séparèrent  ensuite,  et  furent  condamnés  pur  le 
coucile  deConsianlinople. 

Tbéodose  aiaii  appelé  ï  ce  concile  les  évéques  macédoniens, 
dans  l'espérance  de  les  réunir  a  ritglîse  ;  mais  ils  persévéréreitti 
dans  leur  erreur,  quoi  que  l'on  pût  faire  pour  les  détrouipCTïT 
L'empereur  employa,  nais  inulilemcnt ,  tous  les  moyens  propnril 
il  les  engager  1  se  réunir  avec  les  catholiques ,  et  les  cbassa  de  ' 
Constintinople  ;  il  leur  défendit  de  s'asiieoibler,  el  conQsqui  1 
l'épargne  les  maisons  oL  Us  s'assemblaient. 

Lcserreurs  des  Macédoniens  sur  le  Siiint-Esprit  ont  été  renoD' 
Telées  par  les  Sociniens  et  adoptées  par  Clarté  ,  Wisltion  ,  etc. 
Rous  allons  prouver  contre  eui  la  divinité  du  Saint-Esprit, 

tela  dMniU  dtt  Sainl-Eipril,  contre  In  3laci'<ioment,Ui  Soe^-_2 
nient,  Clarke,  WUlhon  eî  le» Anti-Triailaires. 

Noua  Ktpposons  id  ce  qni  est  reconnu  par  les  Macédoniens,  ïtà 
SocinieH,  Clarhe  ,  Wisllion  et  les  Anti-TrinitAires,   c' 
l'Ecriture  sainte  nous  dit  qu'il  j  a  un  Père ,  un  Fils  et  o 
Esprit  :  Dons  allons  prouver  qne  le  Saint-Esprit  est  une  persoDO^ 

•     Saint  Paul  dit  que  le  Saint-Esprit  lui  a  communiqué  la  coA-1 


Greg.  N».,  Orat.  &i.  Soiom., 
Socrat,,  L  >,  c.  IS 1 1.  5,  c.  8. 


i.  RuHn.  I 


n 


MAC 


n 


I 
I 

I 


naissance  des  mystères ,  et  il  ajoute  que  cet  esprit  li 
parce  qu'il  sonde  toutes  choses  ,  mËme  les  prorondeurs  de  Di 
c'esl^-dire  qu'il  cuopalt  les  choses  les  plus  caciices  qui  sont  en 
Dieu. 

Pour  prouver  que  le  Saint-Esprit  a  ces  connaissances ,  saint 
Paul  emploie  ce  raisonnement  :  car,  qui  ttt-ct  d«i  iiommet  qui  ia~ 
ehe  lei  ehottt  de  l'homme,  sinon  JViprit  de  l'Iumme  qui  est  rn  lui  ? 
dt  mime  nul  ne  cannait  let  choies  de  Dieu,  linan  i'eiprit  de  Dieu  ' . 
C'est-à-dire,  comme  il  n'j  a  que  l'esprit  de  l'homme  qui  puisse 
coonatlre  ses  pensées  ,  de  même  il  n'y  a  que  l'esprit  de  Dieu  ou 
Dieu  marne  qui  [misse  connaître  les  secrets  de  Dieu. 

Ce  raisonnement  de  saint  Paul  prouve  que  l'esprit  de  Dieu  est 
Dieu  lui-même  ,  comme  l'esprit  d'un  homme  est  cet  homme 
même;  par  conséquent ,  puisque  le  mol  Dieu  sigoîlic  ici  l'ËIre 
suprême,  l'esprit  de  Dieu  est  aussi  l'Être  suprême. 

On  objecte  que  saint  Paul  dit  que  l'esprit  sonde,  qu'il  cherche 
les  choses  profondes  de  Dieu,  et  que  cette  manière  de  connaître 
ne  peut  convenir  qu'à  un  être  qui  connaît  les  secrets  de  Dieu 
parce  qu'ils  lui  sont  communiqués,  ce  qui  ne  peut  convenir  qu'à 
une  créature. 

Pour  répondre  ï  celle  difficulté,  il  suffit  deremarqucr  :  1°  que 
le  même  apfllre  s'est  servi  du  même  mot  pour  désigner  la  con- 
naissance immédiate  que  Dieu  a  des  pensées  des  jjummes ,  et  que 
sainl  Paul  désigne  pourtant  Ik  une  eonnaissance  parfaite  *. 

3"  Saint  Paul  prouve  que  le  Saint-Esprit  sonde  les  choses  pro- 
fondes de  Dieu,  parce  qu'il  les  connaît  comme  un  homme  connatl 
ses  propres  pensées,  c'esi^^-dire,  immédiatement  et  par  lui-même; 
de  sortequesi  l'on  peut  dire  que  l'esprit  de  Dieu  est  un  être  dis- 
tinct de  Dieu  parce  qu'il  sonde  les  choses  profondes  de  Dieu ,  on 
pourrait  aussi  dire  que  l'esprit  de  l'homme  est  distinct  de  cet 
homme  parce  qu'il  connaît  ses  propres  pensées. 

Enân,  la  conception  du  Sauveur  dans  le  sein  de  la  sainte  Viciée 
est  une  preuve  incontestable  de  la  divinité  du  Saint-Esprit. 

L'Ange  dit  à  la  sainte  Vierge  que  son  Fils  serait  appelé  le  Fils 
du  Trèa-Iiaut  et  le  Fils  de  Dieu ,  c'est-ii-dire  le  Fils  de  l'être  qui 
existe  par  lui-même ,  et  l'ange  en  donne  cette  raison  :  •  le  Sainl- 
>  Esprit,  dit-il,  surviendra  en  vous,  et  la  puissance  du Très-ltant 

<PrimeCor.,c.î,  T,  10, 11, 


MAC 


I»  voua  couvrira  deson  ambre;  c'est  pourquoi  le  saint  curant  qtû 
B  Dallradevous,  sera  appelé  le  Fils  de  Dieu  '.  > 
n  paraît ,  par  ces  parûtes  ,  que  Jésus  est  \k  Fils  de  Dieu,  parca 
qnll  a  été  eugenriré  par  ropéraiioii  du  Saint-Esprit. 
Uais  si  le  Saint-tîsprit  n'est  pas  le  Dieu  suprême ,  s'il  est  un 
tire  distingué  de  l'Être  suprême  ,  il  s'ensuivra  que  Jêsus-Ctirist 
l'est  le  Fils  de  Dieu  que  comme  les  aiilres  bommes,  puisque  Dieu 
hî-mème  ne  l'a  pis  engendré  iuimédiatement  ;  et  le  fils  d'un  ange 
du  premier  ordre,  s'il  }  en  avait  un,  ne  serait  pas  plus  le  Fils  de 
Dieu  que  le  Gis  d'un  artisan  ou  d'un  bomme  stupjde. 

Dieu  est  le  Père  de  Jésus-Christ  d'une  manière  loule  particu- 
lière ;  c'est  pourquoi  Jésus-Ctirîat  est  appelé  le  Fils  unique  de 


Dieu  est  son  Père  ,  parce  qu'il  l'a  engendré  ImmSd 

lui-même,  sans  l'entremise  d'aucun  être  distinct  de  lui  ;  mais  Jé- 

uu-Christ  est  le  Fils  de  Dieu  ,  parce  qu'il  est  engendré  par  la 

L  Slint-Esprit  ;  d'ob  il  suit  que  le  Suint- Esprit  n'est  pus  un  étredi»- 

I  tioct  de  Dieu ,  mais  qu'il  est  Dieu  lui-même,  ou  l'être  qui  existe 

I  pir  lui-même. 

L'Écriture,  dans  cent  autres  endroits,  nous  parle  du  Sainl-Ei' 
V  prit  comme  du  vrai  Dieu  ;  nous  trouvons  dans  Isaïe  que  c'etL 
u  qui  inspire  les  prophètes ,  et  saint  Paul  nous  dit  que  c'est  le 
I  Slint-Espril  qui  a  inspiré  les  proplièles  '. 

Lorsqu'Ananie  trompe  les  apâtres ,  saint  Pierre  lui  reprocbe 
Kqa'il  meut  au  Saint-Esprit,  et,  pour  lui  Taire  sentir  la  grandeur  de 
ItOD  pécbé ,  il  lui  dit  qu'il  n'a  pas  meuli  aux  hommes ,  mais  1 

înl  Paul  parle  des  dons  du  Saint  Esprit,  il  dit  qu'il  y  > 
Hifférenies  grâces  du  Saint-Esprit ,  mais  que  c'est  le  même  Diea 
'  opère  en  tous  et  qui  lesdistribue  '. 

O'estdoncà  tort  que  M.  Clarke  assure  que  l'Écriture  ne  donne 
pis  le  nom  de  Dieu  au  Saint-Esprit. 

Hais  quand  il  serait  vrai  que  l'Ëcrilure  ne  donne  pasauSaint' 
_  £i|irïl  tu  nom  de  Dieu  ,  un  tbéologien  tel  que  H.  Clarke  pourrait- 
n  Aire  de  cette  omission  un  motir  pour  douter  de  la  divinité  du 


I 


1  Luc  1 ,  T.  35. 

*  Jtaûe  d,  Ad.  ultim.,  i 
'  AcI.  S,  V.  3. 

*  Primas  Cor.  13,  v,  4. 


i 


I 


94  MAC 

SaiDl-E«pr'ri,  tandis  qu'il  est  évident  et  qu'il  rcconnatt  luï-ménifl 
que  l'Écrilureattrtbueau Saint-Esprit  des  opératloDK  qui  n'appar- 
tieDoent  qu'ï  Dieu  T 

Mais,  dit  H.  Cbrlie,  le  iSaln (-Esprit  est  représenté  dans  l'É- 
crilnre  comme  subordonné  an  Père  eiau  Fils,  comme  leur  en- 

TOjé. 

le  répond*  que  les  passages  dans  lesquels  le  Saint-Espril  est 
représenta  comme  enïojé  du  Père  et  du  Fils  ne  prouvi^ut  point 
qu'il  floit  inrérieur  an  Père  et  au  Fils;  ce  sont  des  passages  desti- 
nés ï  nous  faire  connaître  les  opérations  du  Saint-Esprit. 

Ainsi,  jitr  exemple  ,  Dieu  voulant  éclairer  les  apâtrcs  ,  en  ré- 
pandant sur  eui,  le  jour  delà  PenlecAte,  les  dons  du  Saint-Esprit, 
l'Ëcriture  représente  cet  esprit  d'une  manière  allégorique,  soua 
l'idée  d'im  messager  que  Dieu  euToic  pour  l' instruction  des  hom- 
mes ;  et  comme  l'eDusion  des  dons  dn&iintEsprit  ne  devait  se  faire 
qu'après  l'ascension  de  Jésus-Chrisl ,  l'Ëcriture  nous  dit  que  ié- 
sua-Christ  devait  monter  su  ciel  pour  envoyer  ce  messager. 

Tout  cela  n'est  qu'une  simple  métaphore,  familière  aux  Orien- 
taux, pourdire  que  Dieu  répandait  actuellement  sur  les  Uommes 
les  dons  et  les  grâces  qui  procèdent  du  Saint-Espril,  ou  qu'il 
communique  par  son  Sainl-Esprit. 

On  trouve  dans  l'Écrilure  quantité  de  ligures  qui  ne  sont  pas 
moins  liardies  que  celle-là  :  elle  dit  que  l'I^tre  suprême  descendit 
pourvoir  ee  qui  était  arrivé;  qu'il  descendit  sur  le  mont  Sinal  ; 
qu'il  descendit  pour  délivrer  son  peuple  '. 

On  voit  par-lS  que,  quand  le  Saint-Esprit  est  comparé  i.  un 
messager  que  Dieu  ou  Jésus-Christ  envoie  ,  cela  veut  dire  sim- 
plemenique  Dieu  ou  Jésus-Christ  répand  les  dons  du  Saint-Espril. 

Lorsque  l'Ecriture  parle  de  la  descente  du  Saint-Esprit  sur  la 
personne  de  Jésus-Chrisl  sous  une  forme  corporelle ,  cela  veut 
dire  que,  quand  on  vît  celte  apparition  ,  les  dons  et  les  grices 
du  Saini-Espril  furenl  actuellemenl  communiqués  ï  Jésus-Christ. 

Lorsque  le  Saint-Esprit  descendit  sur  les  apAlres  sous  la  fi- 
gure de  langues  de  feu,  cela  veut  dire  qu'ils  reçurent  les  dons  du 
Saint-Espiit  t  mesure  que  ces  langues  se  posèrent  sur  leurs  têtes; 
c'est  ainsi  que  ces  métaphores  deviennent  aisées ,  et  il  n'en  est 
aucune  qui  prouve  que  le  Saint-Esprit  est  inférieur  S  Dieu. 

(juand  il  serait  vrai  qu'il  j  en  aurait  de  difliciles  à  expliquer , 

Ûencs.  IB,  V,  U.  Etod,  18, 19,  etc. 


■  MAC  M  I 

^^dqoes  passage*  obscun  ponnaiest^t  fanner ,  dan*  n  «prit  ' 
'nisonnable,  une  dilUi-'ulLiï  L'oiiire  l««  paEKi)(ei  de  l'Il^riiure  qui 
doitDfnt  au  Saint-Espril  le  nom  cl  Us  iltiibuti  du  vrai  Dieuf 
Comment  se  peut-il  que  des  hommes  qui  se  piquent  den'oliéir 
qo'a  la  laitoo  se  détermineot  toujours  en  faveur  des  difficultés 
qui  naÎB&eot  de  notre  igoorance  sur  la  miuiière  dont  une  chuse 
est,  coDlre  une  preuie  évidente  qui  rétablît  ! 

Qu'on  ne  nous  reprocha  pus  de  donner  un  si 
passages  de  l'Écriture  que  nous  avons  ciliïs  ;  U.  Clarke  n'a  pu 
combattre  te  sens,  et  les  PËres,  avant  ou  apr{»  Uac^osius,  leur 
ont  donné  leseos  que  nous  leur  donnuai, 

L'Ëcrilure  n'explique  point  la  manière  duaile  Sa iut-Ksprit pro- 
cède du  Père  et  du  FiU  ;  nais  nous  savons  qu'il  ne  procède  pas 
du  Père,  et  de  la  même  manière  dont  le  Fils  e&l  eugeudré  par  le 
Père. 

Personne  n'est  autorité  à  dire  que  U  génération  du  Fils  soit  la 

seule  manière  dont  le  Père  el  le  Fils  puissent  produire 

conséquent  l'ignorance  dans  laquelle  nous  sommes  liur  U  dilTô-  \ 

KDce  qu'il  j  a  «utre  la  géu^ation  du  Fils  et  la  procession  du 

SaÎDl-Esprii  n'est  pas    une  dilUcullé  qu'on  puisse  nous  opposer. 

11  n'est  pas  iiossible  de  descendre  dans  toutes  les  cliicanes  que 

les  Sociniens  ont  formées  sur  les  passages  que  nous  avons  cités  , 

et  les  raison» enieus  que  nous  avons  juints  suffisent  (wur  les  tiifu- 

'    ter.  Ceux  qui  suuhaitcronl  d'entrer  dans  ces  détails    les   trouve- 

■XOul  dans  les  (béulogieus  caïUoliques  et  prolestans. 

Kous  dirons  seulement  que  U.  le  Clerc  reconnaît  que  ces  pas- 

Bnges  ne  peuvent  s'expliquer  que  tiès-diflicilenient ,  selon  l'ttjpo- 

Fflèse  sociuienne ,  et  qu'il  n'}  conuaissaii  point  de  réponse,  car  il 

^''ea  of^se  auctuie  aux  conséquences  que  les  ualboliques  en  ti- 

'est  ce  qu'il  ne  manque  jamais  de  Elire  lorsqu'il  «'agit 

ledéfendreles  Sociiiiens. 

I  ie  ne  prétends  pas,  par  cette  remarque,  rendre  H.  le  Clerc 
•en  ;  je  voudrais  seulement  inspirer  i  ceux  qui  attaquent  les 
m  peu  plus  de  modestie  el  de  réserve  ,  en  leur  mettant 
•slnjeui  un  le  Clerc  embarrassé  et  sans  réplique,  surdes  ma- 
is oh  ils  tranchent  en  matires. 
Nous  u'eiaminerons  point  ici  les  dirticultés  par  lesquelles  OD  J 
'frétend  prouver  qu'il  répugne  qu'il  y  ail  en  Dieu  une  persunni 
divine  d'istïnguËe  du  Père  ;  uous  les  avons  etaniincca  i,  l'artidA  ] 
Atrri-TnuiTAUUts, 


96 


MAN 


MANES,  s'appelail  ordlnaireim'iil  Cubricus  ;  il  naquit  en  Pereé, 
en  £40  ;  une  femme  de  Ciésiphooie  Tort  ricbu  l'acheta  ,  lorsqu'il 
n'éialt  encore  igé  que  de  sepi  ani;  ;  elle  le  Ot  instruire  avec  beau- 
coup de  soin,  et  lui  Ui-'^a  loue  ses  biens  en  mourant. 

Cubricus ,  possesseur  d'une  grande  foriuue ,  allu  loger  proche 
le  palais,  ei  prit  le  nom  de  Hanès. 

Manës  trouva  dans  les  eiïets  de  sa  bienfaitriee  les  livres  d'un 
nommé  Scjthien  ;  il  les  lut,  et  vit  que  le  spectacle  des  biens  ei  des 
nuuz  dont  la  terre  est  le  théâtre  avait  porté  ScjiUien  ï  supposer 
que  le  monde  est  l'ouvrage  de  deux  principes  opposés ,  dont  l'un 
est  essentiellement  bon  et  l'autre  essentiellement  mauvais ,  mais 
qui  sont  ions  deux  éternels  et  indépendans.  Manès  adopta  les 
principes  de  Scjihieu,  traduisit  ses  livres,  j  lit  quelques  cbange- 
mens,  et  donna  le  système  de  Scjtbien  comme  son  ouvrage.  Nous 
n'exposerons  point  ici  ce  sjslème  ,  parce  que  nous  l'eiposons  i 
l'art.  U«!<iCFiËisHii  ;  nous  dirons  seulement  que  le  bon  et  le  mau* 
vais  principe  sont  la  lumière  et  les  ténèbres.  Manès  eut  d'abord 
peu  de  disciples. 

Trois  de  ses  disciples,  nommés  Thomai ,  Buddatei  Hermai,  al- 
lèrent prêcher  sa  doctrine  dans  les  villes  et  dans  les  bourgs  de  la 
province  dans  laquelle  Manès  n'était  retiré  après  avoir  quitté  la 
capitale:  hieoiAt,  formant  de  plus  grands  desseins,  il  envoja  Tbo- 
mas  et  Buddas en  Egypte  et  dans  l'Iode,  et  retint  auprèsde lui 
Ilermas, 

Pendant  la  mission  de  Thomas  et  de  Buddas,  le  iila  de  Sapor, 
roi  de  Perse ,  tomba  dangereusement  malade. 

Manès,  qui  était  savanldans  la  médecine,  fut  a  p|>elé  ou  alla  lui- 
même  se  proposer  pour  traiter  ce  prince  :  on  le  lui  confia. 

Les  remèdes  et  les  soins  de  Manès  furent  inutiles;  le  lilsda  roi 
mourut,  et  l'on  St  arrêter  Manès  '. 

'  Nous  tenons  originuircmcol  l'bisloire  de  Manidit^  ou  Manès  d'une 
pièce  ancicnue  qui  a  jiour  lilrc:  Acia  dispululionis  Arcbelai,  epitcopi 
Metopnlemis,  et  MaueliFilla^r«ùu^cllie. 

C'est  sous  cctiirequc  celle  pièce  a  élè  publiée  par  M.  Zaeagni,  U- 
bllotliècDire  du  Vatican.  Voyei  Monumcuta  ecclesix  gTKcœ  et  latloB, 
Rotar,  1698. 

M.  de  Vaiois  a  Inséré  presque  toute  cette  dispute  dang  ses  nolei  nir 
Socrate  ;  elle  se  trouve  dans  le  3'  tome  de  Dom  Cellier  sur  les  anteoit 
ecclésiastiques  î  dans  Kabricius,  lome  ï. 

C'est  sur  cetl'econrércQCcU'Arclielaus  que  saint  ftpiphan 


M 


I 


M  AN  DTl 

il  était  encore  en  prison  ,  lorsque  ses  dens  disciple!: ,  Tliomti  | 
et  fiudilu ,  Tinrent  lui  rendre  compte  de  leur  mission.  ElTra^és 
de  l'état  ob  ils  IrouTèrent  leur  matire,  ils  le  conjurèrent  de  pen- 
(er  au  péril  oii  il  élait.  Uaoëa  les  écouta  sans  agitation,  calnia 
leurs  inqniétudes ,  leur  6t  eoTisager  leur  crainte  comme  une  fai- 
blesse ,  raninia  lenr  courage ,  écliauBii  leur  imagination ,  se  leva , 
K  mit  en  prière ,  et  leur  inspira  une  soumission  aTeut;Ie  i  ses 
ordres  ei  un  courage  k  ré|ireuve  des  périls. 

Tbonias  et  Bu Jdas ,  en  rendant  compte  de  leur  mission  à  Mi- 
nes ,  lai  apprireol  qu'ils  n'avaient  point  rencontré  de  plus  redou- 
tables ennemis  que  les  chrétiens.  Manèa  sentit  la  nécessité  de  se 
les  concilier,  et  forma  le  projet  d'allier  ses  principes  avec  le 
christianisme  :  il  envoja  ses  disciples  acheter  les  livres  des  chré- 
tiens ,  et ,  pendant  sa  prison ,  il  ajouta  aux  livres  sacrés  ou  eu  re- 
trancha tout  ce  qui  £-tait  favorable  ou  contraire  W  ses  principes  '. 


en  STl,  Socrale  en  130,  Héracllen  sur  la  On  du  vi*  tiède  :  elle  est 
ciiee  dans  une  ancicnoe  chaîne  grcci]ue  sur  saint  Jeao.  Voget  Zasa- 
pù,  l>[xr.,  p.  11.  Fabr.,  ibid. 

M.  de  Beaiuobre  reconnaît  que  ces  acies  sont  anciens:  mais  il  croit 
que  celte  andennelÉ  ne  prouve  pas  leur  aulhonlicité  et  ne  lève  pas  les 
«iilUcul  tés  qu'il  fait  cnnlie  celle  pièce. 

Après  avoir  lu  fort  attenlÎTemcni  les  raisons  de  H.  de  Deauaobre,je 
o'ai  pasélé  de  son  avis,  elj'al  suivi  lia  aciesde  la  dispute  de  Caicari 
je  doimeiai  dans  une  note  quelques  preuves  de  l'insuOisance  des  rai- 
(  sur  lesquelles  M.  de  Beausobre  rejette,  comme  supposée,  l'bisttdre 
de  la  dignité  de  Cucar. 

*  Cet  article  est  un  des  grands  moyens  de  M,  de  Beausobre  pour 
i   pmuter  la  fausseté  des  actes  de  la  dispute  de  Cascar  :  nous  allons  eu- 

•  M.  de  Beausobre  dit  que  saint  Ëpiphane  assure  que  Manès  avait 
[   eu  les  livres  des  chrétiens  avanl  iréire  mis  en  prison,  ce  qui  prouve  la 
husselé  deffabloire  de  la  conférence  de  Cascar. 

M.  de  Beausobre  se  trompe:  saint  f.piphanc  n'esl  point  contraireBUX 
.•êtes  de  la  dispute  de  Cascar  ;  oe  Père  assure  positivement  qoe  les  db- 
iples  de  Hanis  altèrent  acheter  les  livres  des  chrétiens,  et  qu'ils  re- 
inrent  vers  leur  maître,  qu'ils  trouvèrent  eo  prison  ;  qu'ils  lui  re- 
mirent les  livres  des  ctirttlens,  et  qac  ce  fui  dans  sa  prison  que  cet 
héràiarque  ajnsla  les  livres  des  chrétiens  avec  son  système. 

M.  de  Beansobre  die  linnc  saint  Épi|)bane  au  moins  peu  ciadcmi 
ptrïsqu'il  lui  fait  dire  cipressément,  mot  pour  dk 
11> 


I 


»a  UAN 

Manès  lut  dans  les  hne&  sacrés  qu'un  bon  arbre  ne  peut  pro- 
duire (le  iii^uvai»  fruils,  u)  un  iiiauvaii  ui'bie  de  bons  huili  :  îl 
crut  pouvoir,  sur  ve  passage,  établir  U  nécessité  de  recoun^lire 

qntldil.  Faufila  pages»,  d'S,  de  sniut  Ëpipfaanc,  dcl'édilion  du 

P.  PMtn. 

1*  H.  de  BestiMibre  attaqac  l'anlhentldlé  des  actes  de  la  dispute  de 

CaKar,  par  le  Umalgnage  de  saint  ËiHpbane. 

M.  de  tleau.sobrc  avaît-H  donc  oaMié  qu'il  regardait  raini  Ëpiph.niie 

comme  un  auteur  crMule,  tam  cntictuo  el  «ans  discrmetnenl?  E-X-ce 

avec  de  pareilles  aubtrilés  qu'an  attaque  l'aullientkili  d'un  tcril  ?  au 
le  oaCme  bommc  est-U  un  auteur  grare,  ou  ua  I6iuuia  uns  autorité, 
adoD  qu'il  eairavatable  «i  conlraire  aux  opiaioDideM.  de  Benusobre  ? 
8*  U<  de  Beausobre  prouve  qu'en  eflel  Manès  aiail  lu  les  livra  dcf 
cbrttien)  avant  sa  prïHiii ,  parce  que  la  prison  de  Manès  bit  trop  cnurte 
pour  qu'il  pût  s'Instruire  dans  les  livres  di-s  dirËtiens  iissu  pour  écrire 
les  lettres  qu'il  a  lïcriies,  el  pour  se  itèrendri!  aussi  gavammeut  qu'il  le 
fait,  mtme  dauï,  la  dispute  de  Cascar. 

Hais,  )•  M.  de  Beausobre  ntr  peut  déterminer  précisément  la  durée 
de  la  prisa»  de  Mautoi  1* ,  le  progrès  <|ue  Manès  M  dans  la  Mieiice 
des  livres  saints  dépendait  du  degré  de  pénémllcni  et  de  i^gacité 
d'esprit  «le  Manès,  el  de  son  ardeur  pour  s'iosiruire  :  or,  M.  de 
Beauiobre  soutient  que  Hanès  avait  beaucoup  de  conuaîssanres  aC' 
qui»^s,  beaucoup  d'esprit  naturel,  une  grande  habitude  de  rBiwuner, 
beaucoup  de  fiénie  et  une  prodigieuse  ardeur  pour  le  célébriiéi  atec 
ces  dispwilkMw,  cM'ilinipaUible  que  Uani»  oit  acquis  les conuaissauces 
qu'il  aviût  t  Cascar,  el  qu'il  les  ail  acqinsts  pendant  six  mois  au  œoinf 
que  sa  prison  dura,  adoo  U.  de  Beausobre? 

ËnGn  si ,  ilans  la  dispute  de  Casc^ir,  Manès  parall  trt^  instruit  pour 
n'avoir  étudie  que  six  mois  les  Uires  des  dkrétieus,  comment  M.  de 
Beausobre  prélcud-il,  daui  un  autre  endroit,  que  les  actes  de  la  confia 
rencc  de  Cascar  sont  fuui ,  parce  que  Slanès  y  est  représenté  conume 
accablé  par  les  raisons  d'Aidiélails,  sans  y  faire  aucune  réponse,  quoi- 
qu'il j  en  vit  de  bounes  ù  faire,  et  que,  scloo  M.  de  Beausidire,  il  soit 
impossible  qu'un  hoiunK  comme  Uauis  soit  resté  court  dans  toute  cette 
dispute,  comme  le  portent  Isa  icles  delà  conlércuce  de  Cascar  P 

Ceui  qui  voudront  s'assurer  par  eui-m£ines  de  la  vérité  de  ce  que 
j'avance  u'ont  qu'ft  comparer  le  cbopilre  ^  du  1"  livre,  page  70,  orec 
le  diapitre  S  du  memi:  livre,  page  I.OS,  tum.  1,  de  l'Hisloire  de  Mani- 
cbée,  où  ces  coutradidious  se  trouveut  mot  pour  raoL 

i'  M.  de  Beausobre ,  pour  prouver  que  Maiiâs  caunaisseit  les  livres 
des  chrétiens  avant  sa  prison,  cite  d'UerbciDt.  qui  dit  que  Hauès  était 
prêtre  parmi  li;»  ckrClien»  de  la  province  d'Abuai. 


I 


MAN 

éanti  If  inonde  un  linn  cl  un  maiiTxfs principp  poiirprndiiî 
birnset  les  inaui '. 

Il  trouTa  dans rËerllure  qne Satae Quille  prince  dpB  léQ^lfM 
et  renaernî  de  Diea  ;  il  cnit  pouvoir  faire  de  Satan  son  princh 
mairaisanl. 

EoSn,  Manèi  vit  dans  l'Éringile  que  lésus-Cbrîst  promeiuîtfl 
k  ses  apdires  de  leur  enToyer  le  ParaeUI ,  qu'il  leur  appreDdnf{-l 
toutes  les  mérités  ;  il  ïojait  que  ce  Pararlel  n't5lait  point  encoffl 
arrivé  du  lemps  de  saini  Paul ,  puisque  cel  apAtre  dit  lui-mSine  : 
Kous  ne  conDaissoDs  qu'imparraitenieot  ;  mais  quand  la  perieutioD 
sera  venue,  tout  re  qui  est  imparfait  sera  aboli. 

Hanès  crut  que  les  c^hr6tieIl5  aitcndaient  encore  le  Paraelet  ;  il 
ae  douta  pas  qu'en  preaaol  cette  qualité  il  ne  leur  Rt  recevoir 
U  doctrine. 


e  parait  encore  en  dé^ut  k 
n  orieninui,  sur  l'auloTité 

il  aussi  ancien  que 


La  critique  de  M.  de  Beaosobre 
Igard;  Car  peut-on  proférer  les  aiii 
quel» d'Kerbelot  tapportp  ce  fait.  A 
Ktes  de  la  dispou  de  Catcar? 

0'lI<Tbelot,  une  page  aiant  qu'il  dise  que  Mines  était  prêtre 
le)  ebrétk>n«  de  la  proTÎnee  d'Ahiiai.  dit  que  cri  imposteur  ajfant  en- 
tendu dire  au  chrétieoi  que  Jésus-Christ  avait  promis  d'envojer  Bpré* 
lui  son  Paraelet,  voulut  penuodcr  au  peuple  Iguoranl  de  la  Pcne  qu'il 
était  ce  PsTScIi^t  ;  oequi,  assurément,  ne  pourrait  se  dire  de  Mauésù 
eet  bérésiarque  avait  été  prêtre  parmi  les  clirétieus   avant  de  publier 

Il  C4t  donc  clair  que  d'Herbelot,  dans  cet  article,  n'a  f^it  que  ra- 
Mosser  ce  que  différons  auteura  orlcnlaui  avaient  dil  de  Man^s,  et  que 
fUerbelot  lul-méue,  dans  l'article  Mmiis,  suppose  qu'il  n'était  point 
prêtre  avant  de  publier  mu  hérésie. 

Noui  ne  poussons  pas  plus  loin  nos  remarques  sur  cet  objet  ;  mais 
Huscrojons  devoir  avertir  que  l'Histoire  de  Manicbée,  jKirMi  deDeau- 
■obre,  laquelle  ne  peut  Stre  l'ouvrage  que  d'un  Lomme  de  beaucoup 
d'écrit  et  de  savoir,  et  qui  peut  élre  utile  &  beaucoup  d'égards,  con- 
tient cependant  dos  Inexactitudes  pour  le»  citations,  pour  la  critique  et 
pour  la  logique:  que  les  Pères  y  sont  censurés  souvent  aicc  hauteur 
El  presque  loujaun  InjustetnenL  II  faut  que  M.  de  Oeausobrc  n'ait  pas 
■entt  ce  que  tout  lecteur  équitable  doit,  selon  moi,  sentir  en  lisant  sou 
livre,  c'est  que  l'auteur  était  entraîné  par  l'amour  du  paradoxe  cl  p 
le  désir  de  II  célébrité,  deux  ennemis  iriécoiid  11  abtes  de  l'équité  et 
h  lo^qae. 

i  Maitb.,  7,  V.  18.  Episl.  ManeU  ad  Marcell, 


"m 


100  MAN 

Tel  fut  en  gros  le  projeL  que  Hauès  rornia  [)our  roiablissemeat 
de  sa  set^ie  *. 

Pendant  que  ManËs  arrangeait  ainsi  son  projet,  il  apprit  que 
Super  avait  résolu  de  te  Taire  mourir;  il  gagna  ses  t'ardes,  s'é- 
chippBi  et  passa  sur  les  terres  de  l'empire  romain. 

Hanës  s'uinoni;a  comme  un  nouvel  apQtre  eDTO^é  pour  réror- 
mer  1*  religion  et  pour  purger  la  terre  de  ses  erreurs, 

U  écrivit  en  cette  qualité  à  Marcul ,  homme  distingué  par  sa 
piété  et  considérable  par  son  crédit  et  par  sa  fortune. 

Marcel  communiqua  la  lettre  de  Manès  ï  Archélaïis,  évéque  de 
Cascar,  et,  de  concert  avec  l'évêque,  il  pria  Manès  de  se  rendre  i. 
Ciscar  pour  y  expliquer  ses  sentiments  :  Maoës  aiTiva  tt  Cascar, 
chez  Uarcel,  iiui  lui  proposa  une  capférence  avec  Arcliélaiia.  On 
prit  pour  juges  de  la  dispute  les  hommes  les  plus  éclairés  et  les 
moins  susceptibles  de  partialité  dans  leur  jugement  ;  ces  jugts 
furent  Manipe  ,  savant  grammairien  et  habile  orateur  ;  Egialée , 
très-babile  médecin:  Claude  et  Cléubnle  ,  frères,  et  tous  deux 
rh^teiu^  habiles. 

La  maison  de  Uarcel  fut  ouverte  i  tout  le  monde,  elUanlchée 
commença  la  dispute. 

Je  suis,  dit— il,  disciple  du  Christ,  apûlre  de  Jésus,  leParaclet 
promis  par  lui;  les  apAtres  n'ont  connu  qu'imparfaitement  la  vé- 
rité ,  el  saint  Paul  assure  que  quand  la  perfeelîon  sera  venue  tout 
ce  qui  est  imparfait  sera  aboli  :  delï  Uanès  concluait  que  les  chré~ 
tieni  attendaient  encore  un  prophète  pour  perfectionner  leur  re- 
ligion-, et  il  prétendait  être  ce  prophète. 

Les  Juifs,  cnnijnuait-il ,  enseignent  que  le  bien  et  le  mal  vien- 
nent de  la  même  cause;  Us  n'admettent  qu'un  seul  principe  de 
toutes  choses;  ils  ne  mettent  aucune  différence  entre  la  lumière 

*  H.  de  BcBusobre  a  prétendu  prouver  la  fansselé  des  actes  de  Cas- 
car,  parce  qu'il  en  impossible  que  Manès  ait  pris  le  titre  de  Paracict,  et 
H  prouve  cette  impossibilité,  parce  qucMunès  n'a  pu  se  dire  en  même 
temps  pnraclet  el  apètre.  [  Hiat.  de  Manich.,  I.  1,  c  9,  p.  103. } 

Hais,  1*  il  est  certain  que  les  Manichéens  croyaient  que  Man^  était 
le  Paroclel,  et  M.  Basnage  se  sert  de  ce  Tatl  pour  prouver,  contre  M.  de 
Meaui,  que  les  Manichéens  sont  dilTèrcns  des  Albigeois.  (Basuage, 
UlsL  des  êgU  rérormèen.  ) 

S<  Comme  Jésus-Chrisl  devait  envoyer  IcParaclct,  on  ne  voit  pas  que 
le  Utrc  d'apûire  soit  incompniiLle  avec  celui  de  Poracict,  car  ManicUéo 
ci  que  par  rapport  à  «a  mi^on. 


M  AN  101 

et  les  ténèbres;  ils  confomleni  le  Diea  soHveraiiit'meni  bon  avec 
le  principe  du  mal  ;  nulle  erreur  n'est  ni  plus  d^raisuanable  ,  ui 

[   plus  injurieuse  &  Dieu. 

'  JésuS'Cbrist  a  fait  connaître  aux  hommes  que  le  Dieu  suprême 
et  bienfaisant  ne  régnait  pas  seul  daus  le  monde,  que  le  prince 
des  ténèbres  eierçail  sur  les  hommes  un  empire  Ijrannique,  qu'il 
les  portait  sans  cesse  vers  le  mal ,  qu'il  allumaii  en  eux  mille  pus- 
sions dangereuses ,  leur  suttgérait  tous  les  crimes.  Jésus-Cbrisi  a 
révélé  aux  hommes  les  récompenses  destinées  à  cêu^c  qui  virent 
sous  l'empire  du  Dieu  suprême  ei  bienfaisant,  et  tes  supplices  ré- 
servés aux  mécbans  qui  vivent  sous  l'empire  au  démon  ;  enfin  , 
il  leur  a  fait  connaître  toute  l'étendue  de  la  bonté  de  l'Ëlrc  su- 

I  Cependant  les  ebréticns  sont  encore  dans  des  erreurs  dange- 
'  Kuscs  sur  b  bonté  de  l'Être  suprême,  ils  croient  qu'il  est  le 
principe  de  tout ,  qu'il  avait  créé  Satan ,  et  qu'il  peut  faire  du 
mal  aux  hommes  :  ces  fausses  idées  sur  la  boaié  de  l'Être  «u- 
préme  l'oirensent ,  pervertissent  la  morale  et  empêchent  les 
hommes  de  suivre  les  préceptes  et  les  conseils  de  l'Evangile. 

Pour  dissiper  ces  erreurs ,  il  faut  éclairer  les  hummes  sur  l'o- 
rigine du  monde  et  sur  la  nature  des  deux  principes  qui  ont  con- 
couru dans  sa  production  ;  il  faut  leur  apprendre  que,  te  bien  et 
le  mal  ne  pouvant  avoir  une  cause  commune ,  il  faut  nécessaire- 
ment suppDserdans  le  monde  un  bon  et  un  mauvais  principe. 
Ce  n'était  pas  seulement  sur  la  raison  que  Hanés  appujailson 
'  sentiment  sur  le  lion  et  sur  le  mauvais  principe;  il  prétendait  en 
I  trouver  la  preuve  dans  l'Écriture  même,  il  irouvaitsun  sentiment 
I  dans  ce  que  saint  ieau  dit  eu  parlant  du  Diable,  que,  comme  la 
I   i^ril^  n'eu  point  en  lui ,  toute*  tes  foii  yu'il  menf ,  H  parle  de  ton 
I  propre  fondt,  parce  qu'il  ett  menteur  au*ii  bien  que  ton  pire  ■ . 
Quel  est  le  père  dn  Diable ,  disait  Manës?  ce  n'est  pas  Dieu ,  car 
il  n'est  pas  menteur  ;  qui  est-ce  donc  ? 

n'j  a  qoo  deux  moyen»  d'être  père  de  quelqu'un  :  la  voie  de 
I  b  génération  ou  la  créatiou. 

Si  Dieu  est  le  père  du  Diable  par  la  voie  de  la  génération ,  le 
Siible  sera  consnbslanliet  a  Dieu:  celle  euiiséqueuce  est  impie. 
Si  Dieu  est  le  père  du  Diable  par  la  voie  de  la  création,  Ulen 
\_  fsl  UD  menteur ,  ce  qui  est  un  autre  LUspbèue. 


i.hk. 


I 


103  MAN 

Il  Taul  donc  que  le  Diable  soii  Dis  ou  crêaiurn  de  quelque  Stre 
méchiDt  qui  n'est  poiol  Dieu  ;  il  y  a  donc  uu  autre  principe  créa- 
tetur  que  Dieu. 

ArcheiaQa  allaqui  la  qualité  d'flpftlre  de  Jésus-Chrisl  que  pre- 
nait Hanès  ;  il  demanda  sur  quelles  preures  il  fondait  sa  mission , 
quels  miracles  on  queli  prodiges  il  aTail  faits ,  et  MunËs  n'en  pou- 

Par  ce  moyen ,  ArchélaHs  dépouillait  Hanfes  de  son  autorité ,  et 
rédubait  sa  docihae  i  un  sjstàme  ordinaire ,  dont  il  sapait  les 
fondemens  :  il  prouva ,  contre  Hanès ,  qu'il  était  impossible  de 
supposer  dcui  êtres  Éternels  et  nécessaires  dont  l'un  est  bon  et 
l'autre  mautais,  puisque  deux  êtres  qui  existent  par  ta  nécessité 
de  leur  nature  ne  peuvent  avoir  des  aitribuis  difTéreng,  ni  faire 
deoi  êtres  ditTérens  ;  ou  si  ce  sont  deux  êtres  ditTérens ,  ils  sont 
bornés  et  n'eiisLent  plus  par  leur  nature ,  ils  ne  sont  plus  éleroels 
et  indépe&dans. 

Si  le*  objeta  que  l'on  regarde  comme  mauvais  sont  l'onvrage 
d'an  principe  essentiellement  mniraisanl ,  pourquoi  ne  trouve-t-on 
point  dans  la  nalUre  de  mal  pur  et  sans  mélange  de  bien  T  Choi- 
sisses dans  les  objets  qui  nous  ont  fiil  imaginer  un  principe  mal- 
faisant et  coéternel  au  Dieu  snpr6me  ,  vous  n'en  irouverei  aucun 
qui  n'ait  quelque  qualité  bienfaisanie ,  quelque  propriété  utile. 

Le  démon,  que  l'on  voudrait  faire  regarder  comme  un  principe 
coéternel  î  l'Être  suprême,  est,  dans  son  origine,  une  créature  in- 
nocente ,  qui  s'e«l  dépravée  par  l'abus  qu'elle  a  fait  de  sa  liberté. 

Tele  sont  en  général  les  principes  qu'Archélads  oppose  i  Ha- 
nèa.  Tout  le  monde  sentit  la  force  de  ces  raisons,  et  personne  De 
fut  ni  ébranlé  ni  ébloui  par  les  sopfaismes  de  son  adversaire. 

A^^bélaaB  garantit  le  peuple  de  la  sédueliun  en  l'éclairant.  Quels 
ravages  un  bommc  tel  que  Uanés  n'eftt-il  pas  faits  dans  le  diocèse 
de  Cascar,  si  Archélails  n'eQt  été  qu'uu  honnête  homme  sans  ta- 
lent ou  qu'un  grand  seigneur  sans  lumière? 

Manès ,  désespérant  de  faire  des  prosélytes  dans  la  province  de 
Cascar,  repassa  en  Perse ,  0(1  des  soldats  de  Sapor  l'arrèlêrcnl  cl 
le  firent  mourir,  vera  la  fin  du  troisième  siècle. 

Telle  fut  la  Un  de  Hiin^s,  oti ,  trois  siècles  après,  Mahomet, 
bnaiique,  ignorant,  aans  lumière  et  sans  vue,  se  lit  respecter 
comme  un  prophète!  et  fil  recevoir  t  la  moitié  de  l'Asie,  comme 
une  doctrine  inspirée,  un  mélange  absurde  de  judaïsme  et  do 
chtisiiuûsiue. 


MAN 


109     ^^M 


Ittta,  éo  illlant  1a  doctrine  des  Magês  avec  le  christianisme , 
déplaisait  égalemenl  aui  Persans ,  aux  cbrétiens  et  aux  Romains  : 
toutes  les  sociétés  religieuses  dont  il  était  eaviroimè  se  soulevè- 
rent contre  lui ,  et  il  Tut  opprimé. 

Hais  lorsque  Mahomet  allia  le  christianisme  et  le  judaïsme, 
l'Arabie  elles  provinces  de  l'Orient  étaient  remplies  de  Juifs,  de 
Nesiorienl  et  d'EutJchiens,  de  Monolliéliles  et  d'autres  héréti- 
ques eillés  ou  bannis ,  qui  vivaient  paisiblement  sous  la  prolec- 
lioB  des  Arabes,  mais  qui  conservaient  contre  les  empereurs  ro- 
mains et  contre  les  catholiques  une  haine  implacable ,  et  qui , 
pour  se  venger,  favorisËrent  le  fanatisme  de  Mahomet,  secondè- 
rent ses  efforts,  et  lui  suggérèrent  peut-être  le  projet  d'être  pro- 
phète et  conquéniDl  :  tout  empire  leur  paraissait  préférable  i  ce- 
lui des  catholiques. 

D'ailleurs ,  Hanès  âlait  un  philosophe  qui  voulait  établir  ses 
dogmes  par  la  voip  du  raisonnement  et  de  la  persuasion  ;  Maho- 
met, au  contraire,  èlaîl^Du  fanatique  ignorant,  et  le  fanatique 
sans  lumières  vonrt  au  supplice  ou  au\  armes. 

Les  disciples  de  Manès  firent  pourtant  quelques  prosélytes  ;  on 
les  rechercha ,  et  ils  turent  traités  avec  beaucoup  de  ripeur  :  ils 
se  multiplièrent  cependant,  et  sii  siècles  après  Manès,  dans  dei 
temps  de  ténèbres  et  d'ignorance  ,  nous  voyons  les  Manichéens  se 
multiplier  prodigieusement  et  fonder  un  )%tat  qui  fit  trembler 
l'eiupire  de  Conslanlinople,  11  est  intéressant  de  connaître  les 
différentes  formes  que  prit  cette  secte,  sei  progrès  et  ses  eOets 
dans  l'Orient  et  dans  l'Occident. 

MANICHÉENS,  disciple»  dn  Manès  ou  sectateurs  de  sa  doc- 
trine :  les  principaux  disciples  de  Manès  furent  Uermas ,  Buddas 
et  Thomas ,  qui  allèrent  en  Egypte ,  en  Syrie ,  dans  l'Orient  et 
dans  l'Inde ,  porter  la  doctrine  de  leur  maître  ;  ils  essuyèrent  d'a- 
bord bien  des  disgr&ces ,  cl  lirent  peu  de  prosélytes.  Nous  aliéna 
d'abord  eiposer  leurs  principes  et  leur  commencement  ;  nous  ex- 
\aa  ensuite  leur  progrès. 


_«MBrai 


-Dfi. 


Les  premiers  sectateurs  de  U.inès  composèrent  divers  ouvrai 
pouT  défendra  leurs  semimens ,  et  comme  Manès  avait  prit 
yualilé  d'ap4tre  de  Jésiu>Cbrist,  on  rapprocha  autant  qu'on 


104  M  AN 

put  les  principes  philosophiques  de  Hanès  des  dogmes  du  chris- 
lianistno  ;  on  adoui;it  donc  beaucoup  le  système  de  MunËs ,  cl 
l'on  Gt  i  beaucoup  d'égards  disparaître,  au  moins  en  apparence , 
l'opposition  du  Manicliéisme  el  du  christianisme. 

D'autres  disciples  de  Manès,  lelsqu'Arisiocrile,  prétendaient 
qu'au  fond  toutes  les  religions,  païenne,  judaïque,  chréiieaoe,  eic-, 
convenaient  dans  le  principe  et  dans  les  dugmes ,  ei  qu'elles  ne 
différaient  que  dans  quelques  cérémonies  :  partout,  disait-il ,  un 
Dieu  suprême  el  des  dieux  subalternes ,  ici ,  sous  le  nom  de 
ditui,  U  ,  sous  le  nom  d'auges  ;  partout  des  temples ,  des  sacri- 
fices, des  prières,  àes  tilTrandes,  des  récompenses  et  des  peines 
dansl'auire  vie;  partout  des  démons  el  un  chef  des  démons ,  prin- 
cipal auteur  des  crimes  el  chargé  de  les  punir  '. 

Le  sjstëme  philosophique  de  Manès  et  son  sentiment  sur  l'o- 
rigine de  l'âme  aTaii  d'ailleurs  beaucoup  de  rapport  avec  la 
philosophie  de  Pfthagore  et  de  Platon  ,  ei  même  avec  les  prin- 
cipes des  Stoïciens  :  ii  croyait  que  le  bon  pritictpe  n'était  que  la 
lumière  ,  et  le  mauvais  principe  les  ténèbres ,  et  celte  lumière  ré- 
pandue dans  la  matière  ténébreuse  afiriiait  tout  ce  qui  vivait. 

Ou  voit  aisément  que  les  principes  ilu  Uanicbéisme  sur  la  na- 
ture el  sur  l'origine  de  l'àme  pouvaient  conduire  i.  des  maiïmes 
austères  et  W  une  pureté  de  mœurs  que  l'on  pouvait  regarder 
comme  la  perrection  de  la  morale  chrétienne,  ou  mener  k  un 
quiélisiiic  qui  laissait  agir  toutes  tes  passions  eu  liberté. 

Ainsi,  les  esprits  simples  ou  superficiels  ,  qui  ne  s'attachent 
qu'aux  mots  et  qui  ne  jugent  que  sur  les  premières  apparences  ; 
les  chrétiens  entêtés  de  la  philosophie  pythagoricienne ,  plutooi- 
clenne  et  stoïcienne;  les  hommes  d'un  caractère  dur,  austère, 
rigide  uu  chagrin ,  ou  d'un  lempérameni  voluptueux ,  trouvaient 
dans  le  Hanichêisme  des  principes  aatisfalsans. 

Les  premiers  disciples  de  Uanès  ne  tardèrent  donc  pas  ï  faire 
des  prosélytes,  et  ils  étaient  usseï  nombreux  en  Afrique  sur  la 
fin  du  troisième  siècle. 

Comme  les  empereurs  romains  haïssaient  beaucoup  les  Perses 
el  qu'ils  regardaient  le  Manichéisme  comme  une  religion  venue 
de  Perse ,  ils  persécutèrent  par  haine  nationale  les  Manichéens , 
avant  que  le  ehrisiianisme  HU  la  religion  des  empereurs,  el  par 

■  Formula  receptionjs  Muuichx'Dnim ,  apud  Cottclerium  in  Pclribus 
Dposlolicis, 


MAN 


105 


zèle  pour  lu  religion  ;  ainsi  les  ManicbéeDS  TureDl  persi^cutùs  pres- 
que sans  relSche  :  ils  ne  pouvaient  donc  Former  dans  lous  cet 
lemps  qu'une  se(^le  en  quelquiï  sorie  secrtte,  qui  dut  tomber  dans 
le  fanatisme,  et  des  principes  gÉnéraui  du  ManicbéiAine  tirer 
mille  dogmes  particuliers,  absurdes ,  et  une  Toule  de  pratiques  et 
de  labiés  insensées. 

De  ce  que  les  Manichéens  étaient  une  secte  persécutée ,  ils  prô- 
naient beaucoup  de  précautions  pour  n'admettre  parmi  eux  quo 
des  bommes  sûrs  ;  ainsi  ils  avaient  un  lumps  d'épreuves  ,  et  il  j 
avuil  chez  eux  des  caiécuhmènes ,  des  auditeurs  et  des  élus. 

Les  auditeurs  vivaient  l  peu  prés  uomme  les  autres  hommfs; 
pour  les  élus.  Ils  avaient  un  genre  de  vie  tout  dilTérent  et  une 
morale  trés-singuIiére  formée  sur  les  principes  rundameoiaux  du 
Uauidiéisme. 

AinM ,  cumme  dans  ce  système  le  monde  était  l'elTet  de  l'irrup- 
lion  que  le  mauvais  principe  avait  faite  dans  l'empire  de  lu  lu- 
mière, et  qu'ils  croyaient  que  le  principe  bienfaisant  n'était  que  la 
lumière  céleste,  ils  disaient  que  la  partie  de  Dieu  abanduanée 
aux  ténèbres  était  répandue  dans  tuuB  les  corps  du  oiel  et  de  It.  ' 
terre ,  et  qu'elle  y  était  esclaie  et  souillée  ;  que  quelques-unes 
de  ces  parcelles  de  lumière  ne  seraient  jamais  délivrées  de  cet 
esclavage  et  demeureraient  altacliées  pour  rëlenûlé  1  on  globe  de 
ténèbres ,  et  seraient  étcrBcllenient  avec  les  esprits  ténébrent. 

Ces  portionsde  lumière  céleste  ou  du  bon  principe,  répandues 
dans  toute  la  nature  et  renfermées  dans  divers  organes,  formaient 
les  animaui ,  les  plantes ,  les  arbres ,  et  généralement  tout  ce  qui 

Lorsqu'une  des  portions  de  la  lumière  céleste ,  et  qui  était  uns 
porlion  de  la  divinité,  lors,  dis-je,  que  cette  portion  de  la  lu- 
mière était  unie  A  un  corps  pur  lu  voie  de  la  génération ,  elle  était 
liée  !i  la  matière  be-aucoup  plus  étroitement  qu'auparavant;  ainsi 
le  mariage  ne  faisait  que  perpétuer  la  captivité  des  ilmes  ,  et  ils 
concluaient  que  le  mariage  était  un  état  imparfait  et  criminel. 

Il  y  avait  des  Manichéens  qui  croyaient  que  les  arbres  et  les 
plantes  avaient ,  aussi  bien  que  les  animaux  ,  des  perceptions  ; 
qu'ils  voyaient ,  qu'ils  entendaient ,  et  qu'ils  étaient  capables  de 
plaisir  et  de  douleur ,  de  sorte  qu'on  ne  pouvait  cueillir  un  fruit , 
couper  on  légume  ,  tailler  uu  arbre,  sans  que  l'arbre  ou  la  plante 
ressentit  dr  la  douleur,  et  ils  prélcndaient  que  le  lait  qui  sort 
comme  une  larme  de  la  ligue  qu«  l'on  arrnclie  eu  était  une  preuve 


lOG  MAN 

sensiltle;  «'mi  pourquoi  ils  ne  loulatmi  pas  qu'on  .-irrncbli  la 
moindre  hfrbe ,  pas  ni^me  \et  opines,  ei  quoique  Tagricultitre 
■oit  l'art  le  pins  innocent,  ils  le  condnmnaieiil  o^annKiiiK, pirre 
qn'on  ne  pouvait  l'eiercer  ïangcommptlretineinBnLtédeinearlrM, 
Il  temble  qu'avec  de  pareils  prineipes  les  Manichéem  deviieot 
■noorir  de  Taiin  :  ils  trouvèrent  le  moyen  d'élnder  celte  e(msé- 
qnence.  Ils  h  persuadèrent  qne  des  hommes  nssi  saints  qu'eux 
deTïient  avoir  le  privilège  de  livre  du  crime  des  aglres ,  en  pro' 
testant  cependant  de  leur  innocence  :  ainsi ,  lorsqn'tm  apportait 
du  pain  1  un  Uanichéen  élu  ,  il  so  retirait  no  peu  à  l'écart ,  fai- 
HÎt  les  plus  terribles  imprécations  contre  ceux  (]ui  Ini  apportaient 
du  pain ,  puis ,  s'ïdreasant  au  pain  ,  il  disait  en  soupirant  :  •  Ce 
■  n'est  pas  moi  qui  vous  ai  moissonné ,  qui  vous  ai  moulu  ;  je  ne 

>  vous  ai  puint  pélrî ,  je  ne  vous  ai  point  miâ  dans  le  four  :  ainsi 

•  je  suis  innocent  de  tous  les  maux  que  vous  avn  soulTerls;  je 

>  souhaite  ardemment  que  ceux  qui  tous  les  ont  bits  les  éprou' 

•  vent  eux-mêmes,  > 

AprËs  cette  pieuse  préparation  ,  l'élu  mangeait  avec  plaîstri 
digérait  sans  «crupide ,  et  se  consolait  par  l'espérance  qu'il  mil 
que  ceui  qui  lui  procureraient  i  manger  en  seraient  punis  rîgou- 


Un  mélange  bizarre  de  sensualité ,  de  superstition  e(  de  dureté 
conduisit  les  élus  des  Manichéens  1  ces  conséquences,  qui  paraî- 
tront extravagantes  ou  même  impossibles  h  tel  homme  qui  en  a 
peui-éire  plus  d'une  de  cette  espèce  k  se  reprocher. 

Parmi  les  chefs  des  Manichéens ,  il  j  en  avait  qui  regardaient  la 
nécessité  de  se  nourrir  sous  un  aspect  plus  consolant  ;  ils  croyaient 
qa'un  élu  en  mangeant  délivrait  les  pins  petites  parties  de  ta  di- 
viniié  attachées  il  la  matière  qu'il  mangeait ,  et  que  de  son  esto- 
mac elles  s'envolaient  dans  te  ciel  et  se  réunissaient  k  leur  source: 
ainsi  c'était  un  acte  de  religion  et  une  œuvre  dp  piété  sublime 
lorsqu'un  élu  mangeait  avec  excès  ;  il  se  regardait ,  non  comoM 
le  sauveur  d'un  homme,  mais  de  Dieu', 

Il  est  aisé  de  voir  que  les  principes  fondamentaux  conduisaient 
i  des  conséquences  absolument  dllférentes  et  même  opposées , 
selon  les  caractères  et  les  circonstances  :  il  y  a  de  l'appareuLe  que 
l'on  imputa  aux  Manichéens  beaucoup  de  oes  conséquenc«s  qu'ils 


k 


•FnuMBt  point  lir^es  ei 
meure  de»  Lurreurs  el 


i  U.  —  Dit  fragriê  ti  iê  i'extinelim  dtt  Mnichdetu. 

Dapuis  DiodéticD  iwqii'i  Ai>a«t>se,  tes  empereurs  romaias 
SreM  tous  lesn  effort»  pMir  iélmire  les  Uanichéene:  JU  furent 
liannis  ,  KtAi» ,  àéfomi\éi  de  kuit  biens  ,  conditaoés  b  périr  par 
ililTéreas  supplices  :  on  renouvela  souvent  ces  lois  ,  et  on  lu  eié' 
enta  rigoureuses) eut  petidiM  pr^s  de  deux  siècles  {depuis  38S 
juMpt'en  491). 

Od  eui  plus  d'indulgence  pour  eiii  sous  Anisiase ,  dont  la 
mère  était  HanicliÉeone ,  el  ils  enseignèrent  leur  doctrine  avec 
plus  de  liberté  ;  Us  en  furent  privés  sou5  Justin  et  sooa  ita  suc' 


Sous  le  réyne  de  Consianl,  |>eÙt'6Js  d'Héraclius  ,  une  femme 
nommée  CnlliDice,  el  HaDicbéenne  nrlée,  avait  deui  enfans 
iju'ellc  éleva  daos  ms  senliaiens  :  ces  enfans  se  nommaient  Paul 
M  Jeui  ;  auMttAt  ((u'iLs  Turent  en  état  de  prêcher  le  Hftaichéisnie, 
ella  les  enioja  e>  Aiminie ,  où  ils  firent  des  disciples  qui  regar- 
dèrent Paid  comme  l'autre  i{ui  leur  avait  fait  connatLre  la  vériléi 
ils  (irirenl  le  nom  de  cet  apdlrc  el  s'appelèrenl  Paulicieus  <vers  le 

UMli«ii  d"  septième  siècle). 

K  i*Uil  eui  pour  successeur  Constantin,  (|ui  se  DODUnail  S^vain. 

^  Ce  Sylvain  entreprit  de  réformer  le  Huichéisme  et  d'ajuster  le 
qstime  des  deux  principes  1  l'Écriture  sainte;  en  sorte  que  la 
doctrine  de  Sylvain  paraissait  toute  puisée  dans  l'Écrtiure  ,  telle 
que  les  calltoliques  la  reçoivent,  el  il  ne  voulait  point  reconnaître 
d'autre  rè^e  de  foi.  Il  affecbit  de  se  servir  des  termes  de  l'Ecri- 
ture: il  parbil  comme  les  oclhodoies  lorsqu'il  parlailducorps  et  du 
sangdeiéaus-Clirist,  desamort,  rlesonbaptime,  desasépulture, 
de  la  résurrection  des  morts  :  cesseciaires  supposaient,  comme 
les  or^odoies ,  un  Dieu  suprême ,  mais  ils  disaient  qu'il  n'avait 
en  ce  monde  aucun  empire ,  puisque  tout  j  allait  mal  ;  ils  en  at- 
tribuaient le  gouvernement  ï  un  antre  principe ,  dont  l'empire  ne 
s'étendait  point  au  deli  de  ce  monde  et  lloiruit  avec  le  monde. 
Ils  avaient  une  aversion  particulière  pour  les  images  et  pour  la 


rt  el  Mir  la  résurrection  de  Jésua-Chrigt ,  qu'ils  ne  cro]rnient 


108  M  AN 

poini  réclli^.  Ils  rfproehaicni  aux  catholiques  de  ilonner  daii!>  les 
erreur!  du  pieanisaie  et  d'Iionorer  les  saints  comme  des  divinilés, 
ce  qui  était  contraire  !i  l'Écriture.  Ils  prétendaient  que  c'était  pour 
cicher  aux  laïques  celle  contradiction  entre  le  culte  de  l'Ëgljie 
catholique  et  l'Iî^criture  que  les  praires  défendaient  la  lecture  de 
l'Écriture  sainte. 

Par  ces  calomnies ,  les  Manichéens  séduisaient  beaucoup  de 
inonde ,  et  leur  secte  ne  s'oBrail  aux  esprits  simples  que  comme 
nue  société  de  chrétiens  qui  fuisaient  prol'ession  d'une  perfection 
ettraordinalre. 

Sylvain  enseigna  sa  dortrine  pendant  près  de  vingt'Sept  ans  et 
se  lit  beaucoup  de  sectateurs.  L'empereur  Constantin  ,  successeur 
de  Constance  ,  inlormé  des  progrès  de  Sylvain  ,  chargea  un  oRÎ- 
cier,  nommé  Simon  ,  d'aller  saisir  Sjlvain  et  de  le  faire  mourir. 

Trois  ans  après  la  mort  de  Sylvain ,  Simon ,  qui  l'aTalt  Tait  la- 
pider, quitta  secrètement  Constantinople,  alla  trouver  les  disciples 
deSjWaia,  les  assembla  et  devint  leur  chef;  il  prit  le  nom  de  Tite 
et  pervertit  beaucoup  de  monde  vers  ta  &n  du  septième  siècle. 

Simon  et  un  nommé  Justus  eurent  une  contestation  sur  le  sens 
d'un  passage  de  l'Ëcriture;  Justus  consulta  l'évêquede  Cologne. 
Justinien  U  ,  successeur  de  Constantin  ,  informé  par  l'évèque  de 
Cologne  qu'il  y  avait  des  Hinichéens,  envoya  des  ordres  pour 
faire  mourir  tous  ceux  qui  ne  voudraient  pas  se  convertir. 

Un  Arménien ,  nommé  Paul,  s'écliappa  et  emmena  avec  lui 
deux  Sis ,  les  instruisit ,  en  mil  un  ù  la  tête  des  Hanicliéens  et  lui 
donna  le  nom  de  Timoibée  ;  après  la  mort  de  Timoihée ,  Zacharie 
et  Joseph  se  disputèrent  la  qualité  de  chef  des  Manichéens  et 
furmèreni  deux  partis  :  on  se  battit,  et  les  Sarrasins,  ayant  Tait 
une  irruption  dans  ces  contrées,  massacrèrent  presque  tout  le 
parti  de  Zachnrie.  Joseph ,  plus  adroit,  trouva  le  moyen  de  plaire 
aux  Sarrasins  et  de  se  retirer  à  Épisp.nris ,  où  son  arrivée  causa 
une  grande  joie. 

Un  magistrat  zélé  pour  lu  religion  força  Joseph  â  sortir  d'Lpis- 
paris  ;  il  se  retira  il  Antiocbc ,  oii  il  fit  une  grande  quantité  de 
prosélytes. 

Après  la  mort  de  Joseph,  les  Pauliciens  se  divisèrent  encore 
en  deux  partis  :  l'un  avait  pnur  chef  Sorgius ,  homme  adroit  et  né 
avec  tous  les  talcns  propres  it  séduire. 

1,'auire  parti  était  aitactié  ï  Buanes.  Après  beaucoup  de  con- 
Veslalions,  les  deux  partis  en  vinrent  aux  mains  et  se  seraient  dé- 


M 


■  M  AN  I 

Hni'its,  si  Tbéûiiùle  lie  li''  eùl  r^coociliés  en  leLir  rsppelanl  qu'iU 
éUîent  frères,  et  en  leur  faisant  sentir  que  leurs  divisious  les per- 

L'impératrice  Tliéoiiora  ayant  pris  les  rênes  du  gouvernement 
pendant  la  minariiil>  de  Miehel ,  en  841 ,  rétablit  le  culte  det 
images  et  crut  devoir  employer  toute  son  iiulorilé  pour  détruire 
les  Minicliéens  ;  elle  envoya  dans  tout  l'empire  ordre  de  découvrir 
les  Manichéens  et  de  faire  mourir  tous  ceux  qui  ne  se  converti- 
raient pas  :  plus  de  cent  mille  bomines  périrent  par  ditTérenles  es- 
B.pècesde  supplice». 

Un  nommé  Carbéaa,  attaché  i  celte  secte ,  ayant  appris  que 
Mit)  père  avait  été  crucifié  pour  n'avoir  point  voulu  renoncer  il  ses 
),  M  sauva  avec  quatre  mille  honiines  chez,  les  Sarrasins, 
t.â'nnit  i  eux  et  ravagea  les  terres  de  l'empire. 

Les  Pauliciens  se  bàiirenl  ensuite  plusieurs  places  fortes ,  où 
\B  les  Manichéens  que  la  crainte  des  supplices  avait  tenus  ca- 
s  se  réfugièrent,  et  formèrent  une  puissance  formidable  par 
t  nombre  ft  par  leurliaine  implacable  contre  les  empereur»  ef 
centre  les  catholiques  :  on  les  rit  plusieursfois,  unis  aux  SarrasiBi 
ou  seuls ,  ravager  les  terres  de  l'empire ,  tailler  en  pièces  les  arr 
méei  romaines.  Une  bataille  malheureuse,  dans  laquelle  Chrlso- 
cbir  leur  chef  fut  tué ,  anéantit  celte  nouvelle  puissance  que  le) 
supplices  avaient  créée  et  qui  avait    fait  trembler  l'empire  df    ' 
Constaulinople  '. 
t  Qu'il  me  soit  permisde  Gxerun  moment  l'attention  deiDon  le^-  | 
Mteor  sur  les  évènemens  que  je  viens  de  mettre  sous  ses  yeux. 
W  Hanès  enseigne  librement  sa  doctrine  il  Cascar  el  à  Diodoride; 
LArchélaOs  le  combat  avec  les  armes  de  la  raison  et  de  la  religion; 
^U  dissipe  ses  sopbîsnies,  il  fait  voir  la  vérité  du  christianisDW 
ans  son  jour,  et  Hanès  est  regardé  par  toute  la  prorince  comme 
un  imposteur;  personne  n'est,  ni  ébranlé  par  ses  raisons,  ni 
értianITÉ  par  son  lanaiismc. 
Manës  désespéré  passe  en  Perse  ;  Sapor  le  fait  mourir,  et  lei 
__disciples  de  Manès  font  des  prosélytes, 

Dioclétien  est  informé  qu'il  y  a  dans  l'empire  romain  des  dii- 
Hinès  ;  il  condamne  au  feu  les  chefs  de  celte  secte,  M 


s  llanichéens  gi 


lulli  plient. 


MAN 

Pendnni  plus  de  bÏi  cenls  ans  les  eiils ,  les  buonisseniens ,  la 
supplices  soni  employés  inuiileinent  coalre  cetie  secie  :  sous  ta 
minorilé  de  Michd ,  les  Mauichâeiis  sont  répandus  dans  luul  l'em- 
pire; h  piélë  de  Tbéudora  veut  détruire  celte  secte;  elle  la 
frappe ,  son  xèle  immole  plus  de  uenl  mille  Haaichéens  absiinés , 
et  du  ung  de  ces  malheureux  elle  toU  sortir  une  puissiinue  enne- 
miedeUreli^on  ei de  l'empire,  qui  fut  long-lenips funeste  ïl'uu 
et  il  l'lutre ,  et  qui  hlla  les  conquêtes  des  Sarrasins ,  l'agrandîs- 
seraenl  du  Mahométisme  et  la  ruine  de  l'empire. 

Si  Marcel,  dans  la  maisou  duquel  se  tint  la  conférence  entre 
HanÈset  ArchélaOs,  eût  dit  âDioclélien:  Opposez  aux  Manichéer.8 
des  hommes  tels  qu'Archélaûs,  ils  arrêteront  le  progrès  du  HanU 
chéisme,  comme  cet  évêque  aétonfTédanE  sa  prorince  cette  secte 
Daissaute  ;  le  feu  de  la  persécution  que  vous  allumez  contre  eux 
1^  sortir  des  cendres  de  ces  sectaires  une  puissance  formidable 
il  vos  successeurs.  Dioclétien  eût  regardé  Marcel  comme  nn  in- 
sensé, et  ses  courtisans  taraient  soutenu  qu'il  voulait  avilir  l'au- 
torité souveraine. 

Si  lorsque  Théodora  donnait  ses  ordres  pour  faire  mourir  tous 
le*  Manichéens ,  un  sage ,  perçant  dans  l'avenir,  eût  dit  i  l'impé- 
ratrice :  Princesse,  le  principe  du  ;tèle  qui  vous  anime  est  louable, 
mais  les  mo;fens  que  vous  employez  seront  funestes  à  l'Église  et  i 
l'empire;  ce  sage  eût  été  regardé  comme  un  mauvais  sujet  cl 
comme  un  ennemi  de  la  religion  ;  après  la  révolte  de  Carbéss,  il 
n'est  pas  sur  qu'on  ne  la  lui  eùl  pas  imputée,  et  qu'il  n'cDl  pas  été 
condamné  comme  un  Manichéen  et  puni  comme  l'auteur  des 
maux  qui  alDigèrent  l'empire. 

Après  la  défaite  de  l'armée  de  Chrisochir,  les  dÉbris  de  la  secte 
des  Haaichéens  se  dispersèrent  du  cûlé  de  l'Orient,  se  firent  quel- 
ques éiablissemens  dans  la  Itulgarie,  et,  vers  le  dixième  siècle,  se 
répandirent  dans  l'Italie  ;  ils  eurent  des  éiablissemens  considé- 
rables dans  la  Lombardîe ,  d'où  ils  envoyèrent  des  prédicateurs 
qui  pervertirent  beaucoup  de  monde. 

[  Manichéens  avaient  fait  des  changemens  dans 


leur  doctrine  :  le  sjstémi 
jours  bien  développé;  ma 
séquences  si    "' 


des  deux  principes  n'j  était  p 

I  ils  en  avaient  conservé  toutes  les  con- 

,  sur  l'eucharistie,  sur  la  sainte  Vierge 


Beaucoup  de  ceni  qui  emhrassèrent  ces  erreurs  étaient  des 
ihuusiastes,  que  la  prétendue  sublimité  de  la  morale  muuîchéeniie 


M 


■  MAN  111 

tnit  sMuits  :  tels  furent  quelques  chanoines  d'Orléans,  qot 
étaieiil  en  grande  réputation  de  piélé. 

Le  roi  Robert  en  étant  inrormé  lit  assembler  un  concile  ;  on 
examina  les  erreurs  des  nouruaux  Manicliéens  ;  les  évéqoes  firent 
^^  d'inutiles  efllirts  pour  les  détromper  ^  <  Prêchez,  répond irent-ili 
^E^^ui  Évéques ,  prÉcbez  votre  doctrine  ani  homoies  grossiers  et 
^Hï^hamels;  pour  noua,  nous  n'abandonnerons  point  les  sentimeu 
^^Ei4]ui:  rtlspril  saint  a  gravés  lui-même  dans  nos  cœurs  ;  il  nona 
^Vtttarde  que  vous  nousenvojiezau  supplice;  nous  voyons  dans  les 
^V  ■  cieui  Jésus-Christ  qui  noua  tend  les  bras  pour  nous  conduira 
^Ê  >  en  triomphe  dans  la  cour  câlesie.  • 

Le  roi  Robert  les  condamna  au  feu ,  et  ils  se  précipitèrent  dans 
les  (lammes  avec  de  grands  transports  de  joie ,  an  1022. 

Les  Maaichéens  firent  beaucoup  plue  de  progrËs  dans  le  Lan- 
guedoc et  dans  la  Provence  :  on  assemhla  plusieurs  conciles 
couire  les  Manichéens  et  on  brûla  beaucoup  de  ces  sectaires ,  mais 
sans  éteindre  la  secte;  ils  pénétrèrent  même  en  Allemagne,  et 
passèrent  en  Angleterre;  partout  iU  firent  des  prosélytes,  maïs- 
partout  on  les  combattit  et  on  les  réTuta, 

Le  Manichéisme ,  perpétué  i  travers  tous  ces  obstacles ,  dégé- 
néra insensiblement  et  produisit,  duns  le  douzième  siècle  et  dans 
le  treizième,  cette  multitude  de  sectes  qui  faisaient  profession  de 
réformer  la  religion  et  l'Ëglise  :  tels  furent  les  Albigeois,  les  Pè>  ., 
IroLrusîens,  les  Henriciens ,  tes  disciples  de  Tanchelin  ,  les  Po- 
pelicains,  les  Cathares '. 

MANICHÉISUE,  système  de  Uanès,  qui  cunsiïUit  ï  concilier   < 
avec  les  dogmes  du  christianisme  le  sentiment  qui  suppose  qoa 
le  monde  et  les  phénomènes  de  la  nature  ont  pour  causes  deux 
principes  étemels   et  nécessaires ,  dont  l'un  est  esscnliellenent 
bon  et  l'autre  essentiellement  maniais. 
Nous  allons  développer  les  principes  de  ce  système ,  et  en  faire 


irl'absurdilé,  et  et 


eM.  Bayle.àlV 


Maoès,  ■  fait  une  foule  de  difScuUés  c 
tre  la  bonté  de  Dieu , 


n  du  système  de 


la  Providence  ei 
les  difficullés  de  M.  Bayle 


f  '  Toyct,  tnr  tes  Manlehèrns  dttalie  et  des  Ganles,  Acta  coneH. 

^HMDeneniif,  Spidleic..  t.  3:  Lohe,  Conc,  I.  St  Vignicr,  BibliMlL 
Mil.,  »'  pari.,  an  lOâï,  p.  87!-  Kegiiiw  ccnlr,  Valdensf,  r.  6. 1.  4| 
itibliot.  PP.,  part.  3,  p.  750|  Conc  Turou.  3,  c.  3.  Couc  Tolos.) 
■nllIS,  can,  BiDoMMci,  Uist.  iks  tariollans.,  L  il. 


114  MAN 

etaeniirlles  de  loul  ce  qu'on  voycûL  dans  le  moDde  ,  on  les  crut 
éti'rneU,  nécesBiires  et  iuQnU. 

L'espèce  i'édutauiage  pur  lequel  t'espril  liumain  s'élail  élevé 
jusqu'ï  deux  priacipei  généraux  de  tout  disparut  alors,  M  l'Iiy- 
pothèse  des  deux  principes  commenta  i  te  généraliser  el  k  seprû- 
winler  1  l'espril  sous  une  lurme  E^stémalique. 

Il  y  a  du  bien  et  du  mal  dans  le  monde  ;  ces  deux  elTets  suppo- 
sait nécessairenieal  deux  causes,  l'une  bonne  ei  l'uutru  mau- 
vaise ;  ces  deux  causes  ou  principes  éternels ,  nécessaires  et  inQ- 
nîs,  produisent  tout  le  bien  et  tout  le  mal  qu'ils  peuvent  pro- 
duire. 

Comme  ceux  qui  avaient  imaginé  ces  deux  principes  n'avaient 
envisagé  dans  la  nature  que  les  pbéDomènes  qui  avaientdu  rap- 
port avec  le  bunlieur  des  hommes,  ils  trouvér^t  dans  l'hypolliëse 
des  deux  principes  ,  un  système  complet  de  la  nature  ;  l'imagina- 
(ion  ae  représenta  ces  deux  principes  comme  deux  monarques  qui 
se  disputaient  l'empire  de  la  nature  pour  y  faire  régner  le  bon- 
lieur  a.  le*  plaisirs  ou  pour  en  faire  un  sùjour  de  trouble  et  d'hor- 
reur ;  on  imagina  des  armées  de  génies  sans  cesse  en  guerre ,  et 
l'on  crol  avait  trouvé  la  cause  de  tous  les  phénooiènee  :  telle  éiail 
la  philosophie  d'une  partie  de  l'Orient  et  de  la  Perse,  d'où  elle  se 
répandit  ensuite  cliez  difTérens  peuples ,  oii  elle  prit  mille  li^ruies 
diSérenies'. 

Dans  beaucoup  de  nations,  l'eepril  n'alla  pas  plus  loin;  la  curio- 
n;é ,  plus  active  cbex  d'suiree  bonijues  ,  chercha  1  se  Toroier  imo 
idée  plus  distincte  el  une  notion  jilus  précise  de  ces  deux  prin- 
litiveiuent  tous  lea  biens  et  tous  les 


La  lumière  est  le  premier  des  biens  ,  elle  embellit  la 
elle  lait  croître   les  moissons  ,  elle  inaril  les  fruits  i   s: 
l'homme  ne  pourrait  ni  distinguer  les  Iruits  qui  le  n 
éviter  les  précipices  dont  la  terre  est  aemée. 

On  ne  savait  point  alors  que  le  rayon  de  lumière  qui  féconde 
les  campagnes,  élevait  dans  l'ulmospbère  des  sels  et  des  soufres, 
et  produisait  les  vents  qui  forment  les  «rages  et  les  tempêtes;  on 
jugea  qu«  la  lumière  était  un  principe  bienfaisant  et  la  source  de 
tous  les  biens. 


■  Woir.,  Manictaeism.  untc  Manich.  A 


,  DiblioL  oriesL,  L  1, 


M 


I  MAIV  IIS 

CélaîâDlaucoDtrnirelcs  (ênËbres  qui  apportaient  les  temp^^tes, 
les  orages  et  U  désolation  ;  c'éuit  des  abttncs  profonds  ei  obscurj 
de  in  terre  que  sortaient  les  vapeurs  mortelles,  les  lorrena  de 
soufre  et  de  feu  qui  ravageaient  les  campagnes  ;  c'était  dans  le 
ceutre  de  la  terre  que  résidaient  ces  puissances  redout;ib!es  qui 
en  ébranlaient  les  fondemens  :  on  ne  douta  pas  que  les  ténèbrea  , 
ou  la  matière  ténébreuse  et  obscure  ,  ne  fussent  le  principe  mal- 
faisant et  la  source  de  tous  les  maui. 

On  ne  concevait  alors  l'âme  que  comme  le  principe  du  mouve- 
meni  du  corps  humain ,  ei  l'esprit  comme  une  force  motrice  : 
comme  la  lumière  était  essentiellement  active ,  on  regarda  la  lu- 
mière comme  imesprit,  et  comme  ta  matière  ténébreuse  étailaussî 
eu  mouTemeni ,  on  supposa  qu'elle  était  sensible  et  intelligente , 
et  q^p  les  dénions  ténébreux  él^iietit  des  esprits  matériels. 

Comme  le  ciel  est  la  source  de  la  lumière,  un  conçut  le  principe 
bienfaisant  comme  une  lumière  éternelle,  pure,  spirituelle  et  heu- 
reuse,  qui,  pour  communiquer  son  bonheur,  avait  produit  d'an- 
tres intelligences,  et  s'était  formé  dans  les  cieui  une  cour  d'êtres 
heureux  et  bienfaisans  comme  lui. 

Pour  le  principe  malfaisant,  il  habitait  au  centre  de  la  nuit,  et 
n'était  qu'un  esprit  ténâireutet  matériel.  Agité  sans  cesse  etiana 
r^le,  il  avait  produit  des  esprits  ténébreux  comme  lui ,  inquiets , 
WlbuJens,  liur  lesquels  il  régnait. 

I  pourquoi  ces  esprits  étaient-ils  en  guerre  7  pourquoi  i 
ilsmèlés  ensemble?  Leur  natureétanl  essentiellement diS 
ne  deïsûent-ils  pas  rester  éiernellemeat  séparés? 
1  une   question  que  la  curiosité  humaine  ne  pouvait  man- 
quer de  faire  ,  et  voici  comment  on  la  résolut. 

Le  boa  et  le  mauvais  principe  étant  indépendans  l'un  de  l'au- 
tre occupnient  l'immensité  de  l'espace  sans  se  connaître,  et  par 
conséquent  sans  faire  d'efforts  l'nn  vers  l'antre  ;  chacun  était  dans 
l'espace  qu'il  occupait,  comme  s'il  eéi  existé  seul  dans  la  nature, 
faisant  ce  que  son  essence  le  déterminait  i  (aire ,  et  ne  délirant 
rien  de  plus. 

Le  séjour  du  principe  ténébreux  était  r«mplt  d'esprits  qui  M 
mouvaient  essentiellement  ,  parce  qu'il  n'j  a  que  le  bonheur  qoi 
soit  tranquille  ;  cl  les  mouvemens  des  esprits  ténébreux ,  sem- 
blables i  l'agitation  des  hommes  malheureux  ,  n'avaietit  ni  des- 
sein ni  règle .  la  confusion,  le  trouble,  le  désordre  et  la  discorde 
refînaient  donc  dans  son  empire.  Les  esprits  ténébreux  (\ireot  en 


H 


rifa 


116  M  AN 

guerre,  se  llvrÈrtnl  des  bslailles  ;  les  vaincus  fujaiei 


.  les  Ti 


queurs,  et  camiiie  l'enipire  de  la  lumière  et  celui  des  ténèbres 
M  louchaient,  les  vaincus,  en  TuyanL  les  vainqueurs,  francliirent 
les  limiies  de  l'enipire  des  lènèbres ,  et  passËrent  dans  l'esiiacc 
umilneui  0(1  régnaillebon  principe  '. 

La  production  du  monde  clail  l'elTet  de  cette  irruption  du  prin- 
cipe  tl^oébreux  dans  le  séjour  de  la  lumière;  et  pour  expliquer 
comment  cette  irruption  avait  produit  les  dilTérens  êtres  que  la 
monde  renferme ,  l' imagina  lion  forgea  des  Lypoihèses ,  des  ajslè- 
mes.  On  il  compiéplus  desoixantiMlix  sectes  de  Manichéens,  qui, 
réunis  djos  la  croyance  de  deux  principes,  l'un  bon  el  l'autre 
mauvais ,  se  divisaient  el  se  contredisaient  sur  la  nature  de  ces 
êtres  et  sur  la  inaaièi'e  dont  le  munde  était  sorli  du  conflit  de  ceï 
deux  principes  *. 

Les  uns  prétendaient  que  le  bon  principe  n'ayant  ni  foudii's 
pour  arrêter  le  mauvais  principe,  ni  eaux  pour  l'inonder  ,  ui  fer 
pour  forger  des  armes,  avait  jeté  quelques  rayons  de  lumière  aux 
génies  ténébreux,  qui  s'étaienl  occupes  i  les  saisir,  !i  les  fixer,  et 
qui  par  ce  moyen  n'avaient  pas  pénÉtréplusavant  dans  son  empire '. 

D'autres  pensaient  que  le  principe  bieoraisaot,  après  l'irruption 
du  prindpe  matériel ,  jugea  qu'il  pouvait  mettre  de  l'ordre  dîna 
la  matière,  et  qu'il  avait  lire  tous  les  corps  organisés  de  ce  prin- 
cipe matériel  ;  c'élait  le  système  de  f'jthagore,  qui  l'avait  trouvé 
dans  l'Orient,  ou  Manès  le  prit  aussi. 


511.- 


De  Vu, 


lianes  avait  pris  dans  les  écrits  de  Scythien  le  système  des  deux 
prineipes,  il  l'avait  enseigné,  et  s'^tail  iVil  des  disciples.  Les  dis- 
ciples qu'il  envoya  pour  répandre  sa  doctrine  lui  rapportèrent 
qu'ils  avaient  trouvé  dans  les  cbrêtiens  des  cuneiuis  redoutables  ; 
Ûanès  crut  qu'il  fallait  les  gagner  et  concilier  le  Cliristiaoîsme 
avec  le  sysième  des  deux  principes:  il  prétendit  trouver  dansl'Ë- 
crilure  tnéuic  les  deux  principes  auxquels ,  ^elon  lui  ,  bi  raison 
avait  conduit  les  philosophes. 


■  Théudoret,  Hxrel.  Kab.  l. 
SpiciltTg.  PP.,  sxc  2,  p.  39. 
>Th(adoret,ibid. 
•Ibid. 


8.  Frngmciil.  Basilid.  apud  Grabbe, 


M 


L-fci 
I  jiinaU  <fe  celle  des  rlëmons. 


MAX  111^1 

dt,=aii-il ,  nous  piirle  de  la  créaiion  de  riiojnme  tvM 


>,  Satan  p 


tAu&sil&l  que  l'Ijernaie  est  placé  dans  le  ParadJ 
■Dr  II  scène,  tient  tenter  l'homnie,  et  le  Eéduil. 
Cet  esprit  malfaisant  fait  tans  cesse  la  guerre  au  Dieu  suprême' 
«t  l'Écrilure  donne  aux  damons  le  ûlre  de  puissances ,  de  prineï>' 
plutés ,  d'empereurs  du  monde;  ainsi  l'Ëcrilunt  suppose  un  pria- 
dpeinalfaisant,  opposé  sans  cesse  3U  principe  btenfaisiint:  il  eit 
dinsle  mal  ce  tiue  Dieu  esl  dans  le  bien. 

Le  Diable  étant  méchant  de  sa  nature,  il  n'esl  pas  possible,  di- 
Mil  Haoès.  que  Dieu  l'ail  créé. 

En  vain  répundait-on  qne  le  démon  avait  étécréé  innocent,  juste 

1^  bon,  et  qu'il  était  devenu  médiant  en  abusant  de  m  liberté. 

Hanës  répliquait  que  le  dém<in  était  représeii'é  dans  rËcrilurit 

tomme  un  méchant,  incorrigible,  et  essentiDllemenl  malfaisant: 

R  prétendait  que  si  Dieu  avuit  créé  te  démon  bon  et  libre,  il  u'au- 

Pnit  point  perdu  sa  liberté  par  son  pé;:lié  ,  et  qui^  sou  inclinatiOD 

L'MturvIlc  l'aurait  ramené  au  bien  ,  s'il  avait  été  bon  dani  son  ori- 

iFlinG;  il  prétendait  qu'il  répugnait  à  la  perfection  de  Dieu  decréer 

I  in  esprit  qui  devait  être  la  cause  de  tous  les  maux  de  l'univen, 

I  perdre  le  genre  humain  et  s'emparer  de  l'empire  du  monde. 

Mants  oe  supposai!  pas  que  le  mauvais  principe  ou  le  démon 

tat  égal  au  Dieu  bienfaisant;  il  supposait,  au  contraire,  que  Dieit^ 

K^'ljtnl  aperçu  l'irnipiion  du  mauvais  principe  dans  son  empire  i 

ïjftlit  envojié  l'esprit  vivant ,  qui  avait  dompté  les  démons  et  leH 

it  eocbaluéfi  dans  les  airs  ou  relé^-ués  dans  la  terre,  ob  il  nft 

t  laissait  de  puissance  et  de  liberté  qu'autant  qu'il  le  jugeait 

■^propos  pour  ses  desseins. 

y  Ce  fut  en  usant  de  celte  puissance  que  tes  démons  formèrent 

t  et  la  femme.  Nous  n'entrerons  pas  dans  le  délait  des 

Kplicalions  que  les  Manichéens  donnent  deEphénamènrs,  et  de 

les  Juifs,  et  de  celle  des  chrétiens;  ces  explications  sont 

loi ument  arbitraires,  et  presque  toujours  absurdes  et  ridicules. 

F  Tous  convenaient  que  l'Ame  d'Adam  et  celles  de  tous  les  hom- 

M  étaient  des  portions  de  lu  lumière  céleste,  qui ,  ens'unissant 

Ircorps,  oubliaient  leur  origine,  et  qui  erraient  de  corps  en  corps. 

*  Pour  les  délivrer  ,  la  divine  Providence  se  servit  d'abord  d« 

'  Finistère  des  bons  anges,  qui  enseignèrent  aux  palriarcbes  les  v6> 

riléssa1utaireb;ce>ix-ci  les  enseignér<-nl  i  leurs  desccndans  ,  et, 

(lour  empêcher  que  cotte  lumi^e  ne  s'éteignit  euliËreinent ,  Dieu 


118  MAN 

ne  cessa  point  de  susciter ,  daoK  lous  les  i^mps  et  pami  toutes 
tes  natioDE ,  des  sages  el  des  prophètes ,  jusqu'il  ce  qu'il  aîi  en- 
Toyé  son  Fils. 

Jésus-Cbrisla  f)it  connaître  aui  botomeE  leurTérilsbleorigine, 
les  causes  de  la  captivité  de  Vime  ,  ei  les  mojeus  de  lui  rendre 
sa  première  dignité. 

Après  avoir  opéré  une  inSnilé  de  miracles  pour  confirmer  sa 
dtictrine,  il  leur  montra  dans  sa  crucilixion  mystique  comment 
ils  doivent  mortifier  sans  cesse  leur  chair  et  leurs  passions  ;  il 
leur  a  fait  voir  eucore  ,  par  sa  résurrection  mystique  et  par  son 
ascension ,  que  la  mort  ne  détruit  point  l'homme ,  qu'elle  ne  i&~ 
truit  que  sa  prison ,  et  qu'elle  rend  aux  Smes  purifiées  la  liberté 
de  retourner  dans  leur  |iairie  céleste.  Voilï  lefondement  de  toutes 
les  austérités  et  de  la  morale  des  Manichéens. 

Comme  il  n'est  pas  possible  que  toutes  les  Imes  acquièrent  une 
parbiie  pureté  dans  le  cours  d'une  vie  mortelle,  les  Manichéens 
admettaient  la  transmigration  des  âmes  ;  mais  ils  disaient  que  cel- 
les qui  ne  sont  pas  purifiées  par  un  certain  nombre  de  révolu- 
tions sont  livrées  «u  démons  de  l'air  ponr  eu  être  tourmentées 
et  pour  être  domptées  ;  qu'après  celte  rude  pénitence  elles  sont 
renvojées  dans  d'autres  corps ,  comme  dans  une  nouvelle  école , 
jusqu'à  ce  qu'ayant  acquis  le  degré  de  purification  suftisanle, 
elles  traversent  la  région  de  la  matière  el  passent  dans  la  lune  ; 
lorsqu'elle  en  est  remplie ,  ce  qui  arrive  quand  toute  sastirface  est 
illuuiaée,  die  les  décharge  entre  les  bras  du  soleil,  qui  les  remet 
k  son  tour  duns  le  lieu  que  les  Manicbéeos  appellent  la  colotme 
de  gloire. 

I.e  Saint-Epprit,  qui  est  dans  l'air,  assiste  continuel  lemenl  les 
tmes  et  répand  sur  elles  ses  précieuses  inltuences  ;  le  soleil.qui 
est  composé  d'un  feu  pur  et  purifiant ,  facilite  leur  asceusiou  au 
ciel ,  et  en  délaclu  les  parties  matérielles  qui  les  appesantissenL 

Lorsque  toutes  les  tmes  el  toutes  les  parties  de  la  subsUmce  cé- 
leste auront  éié  séparées  de  la  matière,  alors  arrivera  la  consom- 
mation du  siècle;  le  feu  malfaisant  sortira  des  cavernes  où  le  Créa- 
teur l'a  renfermé;  l'ange  qui  soutient  la  terre  dans  sa  situation  et 
dans  sQu  équilibre  la  laissera  tomber  dans  les  flauimes  et  jettera 
ensuite  celte  masse  inutile  hors  de  l'enceitite  du  monde,  dans  ce 
Iteu  que  l'Ecriture  appelle  les  ténèbres  extérieures  :  c'cst-lï  que 
les  dûmous  seruiil  relégués  pour  jamais. 

JjCs  Ames  les  plus  paresseuses,  c'est-à-dire  celles  qui  n'auront 


M 


MAN 

is  acheTé  leur  puriScfttioo  toi's<|tie  e 


«  catastrophe 


pas  acheT*  leur  punncstioo  ioi's<|tie  eetie  caïasiropne  amverï, 
auront  pour  peine  de  l^ur  négligi^iiue  la  charge  de  tenir  les  dé- 
tnoBS  resserrés  dans  leura  prisons,  afin  d'empêcher  qti'iii  n'allen* 


lent  pli 


le  royaume  de  0 


Les  Mantchéeos  rejewimit  l'anoien  Tesumei 
pose  que  le  Dieu  supréDW  produit  les  bi«M  el 
dans  le  rnoode'. 


I  Tesumeot,  parce  qn'il  sup- 
'-'-  -  Mm  maux  qu'on  Tolt 


!  m. 


'  La  prineip*t  4a  MaaicMitmt  te 


I  abtunlti. 


LesUanichéens,  elaprf^  eux  M,  Italie,  prèle nd en l  qu'en  par- 
tant des  pfat^aoDièDes  que  duus  uQVe  la  nature  la  raison  arrive  1 
deux  principes  éternels  et  nécessaires  doot  l'un  est  essentielle- 
ment bon  et  l'autre  esseulielleinent  mauvais. 

Pour  juger  si  leur  senLiment  esi  une  hypothèse  philosophique, 
supposons  pour  un  moment  que  nous  ignorons  notre  origine  et 
celle  du  monde,  et  u'admettoua  de  certain  que  notre  existence  ; 
appujés  sur  ce  phéDomène,  le  plus  inconteslahle  pour  nous,  lï- 
cbons  de  nous  élever  jusqu'ï  la  cause  primitive  qui  nous  a  donnj 
l'être. 
m^  Pour  peu  que  je  rëOécbisse  sur  moi,  je  m'aperçois  que  je  na 
i»  point  donné  l'esUtence  cl  que  je  l'ai  reçue. 
«  quelle  est  la  cause  ii  laquelle  je  dois  l'existence  f  Ta  l-eU«    i 
Fngoe  eUe-inéme,  en  sorte  qu'il  n'y  ait  dans  ta  nalu 

IB  chaîne  de  causes  «t  d'eJeis,  en  sorte  qu'il  n'y  ait  rien  qui  i 
it  été  produit? 

Cette  supposition  est  impossible;  c 
Ire  que  la  collection  des  causes  est  s 
raison,  ce  qui  est  absurde.  Mon  existence  et  celle  detouslesétreg 
quejevuis  supposent  donc  nécessairement  un  éire  éternel,  incrééi 
qui  existe  nécessaî  rente  ni  et  par  lut-mêuie. 

Je  réOéchis  sur  cet  être,  la  source  de  l'eiislence  de  (ous  les 
êtres,  et  je  trouve  qu'il  est  éternel,  infiniment  ïnlelligent,  lout- 
puissanl  ;  en  un  mot,  qu'il  a  par  sa  nature  toutes  les  perfections. 

Puisque  cet  être,  en  vertu  de  la  nécessité  de  sou  existence,  ■ 
toutes  le»  perfections,  je  conclus  qu'un  être  n^essaire  et  esi;eo- 
liellement  mauvais  est  une  absurdité,  parce  qu'il  est  impossible 
que  deux  élres  qui  ont  la  même  raison  d'exibler  soient  cependant 


'An;;,  cent.  Hinîcb.  Théodorcl,   H^i 


.  Kab. , 


,  1.  Canféreuce 


ISO  MAN 

d'une  naiiire  dill'ù renie,  puisriue  celle  différence  n'a n rail  point  de 
raiïan  sunisinte;  il  n'j  u  dunu  iju'iin  être  i^lern^l,  nécessaire,  ia- 
dépendaiit,  qui  est  la  cause  priiniiive  df  lous  les  èires  distioguéi 
de  lui. 

Je  parcours  les  cieux,  et  je  trouve  qu'ils  ont  été  formés  avec 
înlelligcnce  et  avec  dessein  par  la  niéiDe  puissance  qui  les  fait 
exister  ;  je  Irojve  que  la  puissance  infinie  qui  leur  a  dunné  l'cii»- 
lence  a  pu  seule  les  former,  en  ri>gler  les  mouïPmens  et  y  Taire 
régner  cet  équilibre  sans  lequel  la  nature  entière  ne  sérail  qu'un 
chaos  affreux  ;  je  conclus  encore  que  le  monde  est  l'ouirage  de 
riotelligence  créatrice  et  que  c'est  le  comble  de  l'.ibsurdité  de 
supposer  qu'il  est  l'eflet  du  conflit  de  deux  principes  ennemis  qui 
ont  une  puissance  égale,  el  dont  l'une  veut  l'ordre  et  l'autre  le 
désordre. 

Si  je  descends  sur  la  terre,  je  trouve  que  depuis  l'insecte  jus- 
qu'à rboDime  tout  ;  a  été  formé  avec  dessein  par  la  puissance 
créalrice  ;  que  lous  les  phénomènes  j  sont  liés  ;  je  ne  peux  donc 
m'etnpécber  de  regarder  la  terre  comme  l'ouvrage  du  crëaUiir  de 
l'univers,  el  le  Manicbéisme,  qui  en  attribue  la  production  ï  deux 
principes  ennemis,  comme  unenbsurdilé. 

Sur  celle  terre  oti  je  trouve  si  évidemment  le  dessein  el  la 
main  de  l'intelligence  créatrice,  je  vois  des  êtres  sensibles  ;  ili 
tendent  tous  vers  le  bonheur,  el  la  nature  a  placé  ces  créatures 
au  milieudelout  cequi  esl  nécessaire  pour  les  rendre  heureuses  ; 
ces  créatures  sensibles  sonl  donc,  aussi  bien  que  la  terre,  l'oii- 
iraged'un  être  bienfaisant ptnon pas  de  deux  principes  opposés, 
dont  l'un  est  bonei  l'autre  mauvais. 

I,es  animaux,  que  la  uature  semble  destiner  an  bonheur,  éprou- 
vent cependant  du  mal  :  j'en  recherche  l'origine,  el  je  trouve  que 
les  maux  sonl  des  suites  ou  des  effets  des  lois  établies  dans  la  na- 
ture pour  le  bien  général  ;  c*esl  ainsi  que  la  foudre  qui  tue  un 
animal  est  l'effet  du  vent  qui  accumule  les  soufres  répandus  dans 
l'atmosphère,  et  sanslequei  l'air  serait  meurtrier  pour  tnul  ce  qui 
respire.  N'esl-il  pas  évident  qu'un  être  mnlfîiisanl  n'aurait  point 
établi  dans  la  nature  des  lois  qui,  tendant  au  bien  général,  en- 
iTiituent  de  petits  inconvénlens  '  ? 

'  Vayei  Derliara,  Thfologie  physique;  Nieuwentit,  Wmnnslralionde 
Dieu  par  lea  merveilles  de  la  nature  ;  Examen  du  fatalisme,  t.  3,  arL  3, 
OÙ  cet  dilCculléi  ;ont  traîli^s  dans  un  grand  délai). 


M 


r 


e  peuveni jui- 


MAN 

Parmi  les  êtres  qui  liabitenlla  terre,  l'hom  nu 
jel  particulier  des  complaisanr.esitermleur  delà  oiture  :  aurune 
erËatiire  sur  U  Urre  n'a  pluitde  resBouroes  que  lui  puur  le  bon- 
beiir  ;  il  éprouve  cependanl  des  niii)lieur!>,  nuis  ils  viennent  pres- 
que Lous  de  l'abus  qu'il  fait  des  Tacullés  qu'il  a  ri>çues  de  la  na- 
ture ei  qui  étaient  destinées  ï  le  rendre  heureux.  Une  disposiiioi 
nainrelle  porte  tous  les  hommes  à  s'aimer,  à  se  secourir,  et  ot 
n'est  qu'en  étuulTaDtce  germe  de  bienveillance  qu'un  liotnme  fait  ' 
le  malheur  d'un  autre  homme.  L'Iiomme  n'est  donc  pas  l'ouvrage 
de  deux  principes  apposés,  et  t'inlelligence  qui  l'a  orée  est  une 
inlelligeaee  bienraiMote. 

AinEi  U.  Itayle  n'a  ïah  qu'un  sophisme  pitoyable  lorsqu'il  ■ 
prétendu  que  te  Uanicbéisme  eipllquait  plus  heureusement  les 
phénomènes  de  la  nature  que  le  Théisme,  puisque  eeg  phénonift- 
nés  sont  démonirés  impossibles  dons  la  supposition  des  deux  prin- 
cipes des  Manichéens. 

Le  Hanicbéisme  oe  peut  donc  être  regardé  que  ci 
ipolbèse,  et  les  maux  que  l'on  voit  dans  le  monde  n 
tider  cette  erreur. 

Les  dilTicultës  de  Hanës  contre  l'ancien  Testament  avaieni  étA 
proposées  par  Cerdon,  par  Uarciou,  par  Saturnin  ;  nous  y  avoH  1 
répiindu  dans  ces  uriicles.  Le  silence  de  l'Ecriture  sur  la  crèaiioR  J 
du  démon  ne  peut  autoriser  k  le  regarder  comme  incréé  ;  il  n'était 
fas  nécessaire  que  l'Écriture  nous  dit  qu'un  esprit  impuissant  M 
Kédiant  que  Dieu  a  relégué  dans  les  enfers  est  une  créature.  Le 
.taille  de  la  doctrine  de  Uanés  a  été  réfnlé  par  les  principes  qu'on 

établis  dans  l'article  Uatëbulistes,  oii  l'on  prodVe  la  spiriiu»- 
l'ime.    Vegei  sur  cela  i'Ej'amen  du  falatiinte,  1.  2,  oii  l'on 
que  l'âme  est  immatérielle,  qu'elle  est  une  substance  et 
s  une  portion  de  l'Ame  uuiverselle. 
F*  jlV.  —  De»  iifJicuMtit  SI.  Bnt/li'eii  favrurdti  tlaHkWittne  tt 
contre  la  tionii  ir.  biea. 

eserait  aussi  fastiiiieux  et  plus  inutile  que  decopterict  1 
LsffsililGcultésquise  réduisent  à  des  principes  simples  et  presq 
Plous  renrvrmés  d^ns  la  note  D  de  l'article  MAïticnÉens, 

DifUeuUét  de  M.  Bagle  liréet,  de  lapermhtion  du  mal. 

I*s  idées  les  plus  sûres  et  les  plus  claires  de  l'ordre  nous  ( 

K  ^enncnt  qu'un  être  qui  esislo  par  lui-même,  qui  est  nécessiifv  1 


125  MAN 

pt  éiemcl,  doit  Être  unique,  inHni,  toul-puîssint  et  doné  de  tou- 
lea  sortes  de  pprCectious  :  lïnsi,  en  coDSullanl  ces  idées,  on  ne 
trouie  rieo  di?  plus  tLsurde  que  Tfa^pothèse  des  dvax  princ^ipes 
èternelf,  nécesstireset  jndépendinsl'yndel'aiilre  ;  voîlJ  ce  qu'on 
appelle  des  ruison^  i  prïuri;  elles  nou^cundiiiseiit  nécess3iremi?nt 
h  Njeur  ceue  bjpolhëse  et  k  n'^dmeltre  qu'un  principe  unique 
de  loules  cbows. 

S'il  ne  rallait  que  celi  pour  II  boulé  d'un  système,  le  proeès 
■erail  Tidé  1  la  confusiDn  de  Zoroastre  et  de  tous  ses  secUleurs. 
Hais  il  n'j  a  point  de  système  qui,  pour  ïlre  bon.  n'iil  besoin  de 
ces  deux  cboses  :  l'une,  que  les  idées  en  soient  distinctes;  l'autre, 
qu'il  puisse  donner  raison  des  expériences  ;  il  faut  donc  voir  si  les 
phénoméDes  de  la  nature  se  peuvent  expliquer  pur  rhvpntb^se 
d'uH  seul  principe.  Si  nous  jetons  les  yeui  snr  la  terre,  nous 
UOH vans  qu'elle  ne  peut  soHir  des  mains  d'un  élre  bon  el  inlel- 
ligenl  :  les  montagnes  et  les  rocliers  la  défigurent  ;  la  mer  el  les 
lacs  es  eouvreat  la  plus  grande  partie;  elle  est  inhabitable  dans 
la  lOM  torride  et  dans  les  lones  glaciales;  les  lonoerres,  les  tem- 
pêtes, les  volcans  la  ravagent  souvent. 

Les  animaux  sonl  sans  cesse  en  guerre  et  se  d^lmlseni;  leur 
Vie  n'est  qu'uue  longue  chaîne  de  maux  et  de  douleurs,  qui  ne  se 
terminent  que  par  h  mort. 

L'bonmie  est  méchant  et  malheureux  ;  chacun  le  cnmiiitt  par  ce 
qui  se  pisse  au  dedans  de  lui  et  par  le  commerça  qu'il  est  obligé 
d'aioir  a»ec  son  prochain  :  if  snfflt  de  »i»re  cinq  ou  six  ans  pouf 
èlrs  eonvaincD  de  ces  deux  articles;  ceux  qui  TÏTenl  beaucoup 
co&naissent  eèia  encore  plus  clairement;  les  vojages  sont  des  le- 
çons perpétuelles  h-dcssos,  fis  font  voir  partonl  les  monumens 
du  mallieur  et  de  kt  méchaneeié  de  l'homme,  partout  des  prisuna 
et  des  hûpilaux,  parloul  des  gibets  el  des  mendians  :  vous  *ovez 
ici  lei  débris  d'une  ville  llorisaanle,  ailleurs  vous  u'un  puuvex  pas 
inéuie  trouver  les  ruines.  L'histoire  n'est,  â  proprement  parliT, 
que  le  recueil  des  raines  et  des  infortunes  du  genre  humain. 

Hais  remarquons  que  ces  deux  maux,  l'un  mural,  l'anlre  phj- 
»que,  n'occupent  pas  toute  l'histoire  ni  toute  l'eipérlencedes  par- 
ticuliers ;  on  trouve  partout  et  du  bien  moral  et  du  bien  physique, 
quelques  exemples  de  vertu,  quelques  exemples  de  bonheur,  el 
c'est  ce  qui  fait  la  difficulté  en  faveur  des  Uauîcbéens,  qui  seuls 
rendent  raison  des  biens  et  des  maux. 

Si  rhomme  eei  l'outragt  d'un  seul  principe  sotiTvrflineiiient 


HAN 

puissant,  peul-il  être  exposé  31 


lit 


;  maladÙMi  , 
lucbagrinlf  ] 


)tm,  SI 

m  TmiJ,  ïu  diuud,  i  h  Taini,  il  la  soif,  i  la  douleur 
[leui-il  aToir  laot  de  mauvaises  iaclîaatioDs >  jieut- 
liol  de  erimpsî  La  souveraine  sainleté  peul-flle  produi. 
créature  criminelle  f  U  souvenine  boulé  peut-elle  produi 
eréuturemalheureusef  la  souveraine  bonté,  joiniea  une  puiasaoet  1 
infinie,  ne  conible-t-elle  pas  de  bien  son  ouvrage  et   s'éloignertr 
t-«!Ie  pas  loul  ce  qui  pourrait  l'oirenser  ou  le  chagriner  î 

I  rËpondrail-«n  que  les  malheurs  de  l'homme  sont  di 
nites  de  l'abus  qu'il  fait  de  sa  liberté ,  la  louie-science  de  Uiwf   1 
9  dû  prévoir  cet  abus,  et  sa  bonté  devait  t'empécher;  et  quan^    ' 
"'leo  n'auraitpas  prévu  celabus  que  l'bomme  fait  de  »  libei^   ' 

a  dû  juger  que  do  moins  il  était  possible;  puis  donc  qu'ai 
l-vn'll  arrivât  il  se  croyait  obligé  de  renoncera  sa  bonté  patrmdif  I 
^ur  rendre  tous  tes  ejifaiis  trés-misërables,  il  aurait  dëlermioé  I 
Tliomme  an  bien  moral,  comme  il  l'a  déterminé  au  bien  phjaîr 

Îue  ;  il  n'aurait  laissé  dans  l'Ame  de  l'homiBe  auciuie  force  p«ur 
écarter  des  luis  auxquelles  le  bonheur  est  attaché. 
Si  une  liante  aussi  bornés  que  celle  des  pères  exige  aéoessaira- 
nent  qu'ils  préviennent,  autant  qu'il  leur  est  possible,  leuiiuiH^ 
'  jge  que  leurs  «ofans  pouiraient   laire  des  biens  qu'ils  leoi  1 
onnenl ,  ii  plus  forte  raison  une  bonté  infinie  et  loutc-puii 
préviendra-t-elle  let  mauvais  eJfets  de  ses  présens  :   au  lieu  ijf  1 
donner  le  franc  arbitre,  elle  veillera  tut^ours  elficaccnienl  pi 
empêcher  qu'elles  a' en  abusent. 

La  Mfflaitiiiàe  U.  Bayle  »onl  Set  tophimei. 

IjCS  difficultés  deU.  fia^'te  contre  la  bonté  de  Bien reoferment 
quatre  espèces  de  maui  incompatibles,  spImi  oe  critique,  av«c  U 
Jwnté,  la  sagesse,  ta  sainteté,  la  puissance  infloie  de  bieu  :  ces 
■MOI  idM  les  prétendus  désordres  que  l'on  voit  dans  les  phéno- 
■èncs  de  la  natnre,  l'étal  des  animaui.  les  muni  physiques  aas> 
^uels  l'homme  esisnjet,  tels  que  la  faim,  hi  soif,  et  entia  les  crimes 
Aes  hommes. 

U.  Bayle  prétend  que,  puisqu'il  se  trouve  sur  la  terre  desltua, 
des  montagnes,  puisqu'il  se  forme  dans  l'atmosphère  des  orages, 
U  faut  que  le  monde  nesoil  pas  l'ouïrage  d'un  principe  bienfaisant. 

ie  ne  vais  dans  cette  dil'Qculté  qu'un  sophisme  indigne  du  pf 
nince  philosophe. 

l'Le  iQmivaiieiUeirarraDgemealdela  matière  n'est  en  soi 


124  MAN 

boo,  ni  maurais  ;  il  n'y  aurail  de  désordre  dans  la  produclion  des 
montagnes,  des  orages,  dus  leuipfies,  cic.,qu'iiutuni  que  ces  pLé- 
nomèneB  scraieui  contraires  au  bul  que  Dieu  s'est  proposé  dans 
la  création  du  monde  phjsique. 

H.  Bajte  connali-il  ce  bul!  a-t-il  parcouru  l'immensilë  de  la 
nature ,  détailla  toutes  ses  partie»,  aperçu  leur  liaison,  leurs  rap- 
ports, démêlé  le  résultai  des  lois  qui  entraînent  avec  elles  ces  dé- 
sordres que  l'on  regarde  comme  contraires  t  la  bonlÉ  deDieuî 

Eu  ne  considcranile  ii>onde  que  du  cAté  du  physique,  puisque 
tout  est  lié  dans  le  physique,  il  Taul  le  considérer  comme  uue  ma- 
chine :  or,  la  perfection  d'une  machine  consiste  en  ce  qu'on  peut 
dériver  d'une  raison  générale,  savoir,  de  la  vue  pour  laquelle  elle 
a  été  faite,  les  raisons  qui  marquent  pourquoi  chacuue  de  ses  pur- 
lies  est  précisément  telle  qu'elle  est  el  non  pas  autrement,  et 
pourquoi  ces  parties  ont  été  arrangées  el  liées  préciséuienl  de 
celte  façon  el  non  pas  autrement. 

H  est  certain  que  In  niacitioe  sera  parfaiie  <;i  toutes  ses  parties 
sans  exception  et  leur  ordre  nu  leur  arrangement  sont  précisé- 
ment tels  qu'ils  doivent  être  pour  que  la  niacliîne  suit  parfaitement 
et  exactement  propre  iiU  vuequ'on  se  propose  en  la  fabriquant. 

H.  Bajle,  ne  conouissant  pas  lu  lin  que  Dieu  s'est  proposée 
dans  la  création  du  monde,  ignorjnt  la  destination  de  celle  grande 
machine ,  y  trouvant  des  lois  générales  qui  tendent  au  bien  el  à 
l'ordre  et  qui  le  produisent,  a-t-il  pu  combattre  la  bonté  el  la 
■agesse  de  Dieu  par  quelques  désordres  particuliers  qui  font  or- 
dre dans  If  tout ,  cl  qui  ne  ehuquejit  que  parce  qu'on  ne  voit  pas 
toute  la  nature! 

M.  Leibnilx  appliquait  au  sujet  dont  il  s'agit  l'aiiome  de  droit , 
iHeivile  ett  njij  totd  legs  infprclit  judicare  ;  il  disait  que  nous  de- 
vions juger  des  oiivra^es  de  Dieu  aussi  sagement  que  Socrale  ju- 
^it  de  ceux  d'Iléradile ,  en  UisanI  ;  Ce  qite  j'en  ai  entendu  me 
pluil,  je  eruiê  que  Urette  ni  me  plairait  pat  maiui  tije  Cenleitdaii. 

2*  Il  faut  n'avoir  jamais  porté  sur  la  nature  un  œil  philoso- 
phique pour  regarder  les  lacs ,  les  volcans  ,  etc.,  comme  des  dé- 
sordres contraires!!  la  buiilé  de  Dieu  ;  caril  est  bien  prouvé  pour 
tout  physicien  que  ces  prétendus  désordres  produisent  de  grands 
avantages  aux  animaux  qui  labitenl  la  lerre,  el  qu'ils  n'entrat- 
nent  que  peu  de  maux.  L'orage  et  le  tonnerre ,  par  exeDijiie,  ren- 
dent l'air  sa'uttiire  &  uiul  ce  qui  respire  ;  sans  le  mouvement  que 
oei  origcs  produisent  dans  l'ulinospkËre ,  l'uir  que  les  animaux 


â 


MAJN  1 

respirent  serail  mortel  pour  ilas  régions  entières,  et  l'orage  na  J 
bit  périr  qu'înBiiiment  peu  rl'animaui  '. 

La  dilliculté  que  M.  Bavle  lire  di^  l'état  an  animaux  est  plu  } 
spécieuse  el  n'est  pas  plus  «ulidi^  :  l'élal  des  animaux  nnus  eMi 
inconnu  pour  eu  fiiire  un  principe  contre  une  vérité  démonlr 
telle  que  runiié  et  la  bonté  de  Dieu.  D'ailleurs,  on  exagère  leura  1 
maux,  et  lorsqu'on  examine  leur  condi  iim.  on  trouve  qu'ils  n 
plus  de  bienii  que  de  maux.  Cliezeui  li>  bonheur  dépend  uniqus- 
inent  des  wuiiniens  qu'ils  ôprouTeni ,    et  ils  sont  beureui  s'ils 
ont  plus  de  sensations  agréables  que  de  sensations  douloureuses  ; 
el  il  partit  que  telle  est  leur  condition,  comme  on  le  voit  dans 
tous  les  auteurs  qui  ont  éeril  sur  l'histoire  des  animaux. 
,     Le  niai  pLjsi que  que  l'homme  éprouve  écliauOe  bleu  autrement 
M-  Bajie  :  SI  rbuinine ,  dit-il ,  est  l'ouvrage  d'un  principe  Rouve- 
niuenienl  bon  el  lnul-puiasant ,  peui-il  être  eijiOBé  aux  maladies, 
i,  la  doultfuf ,  au  froid,  au  chaud,  il  la  Tuiiu,  il  la  suil,  au  c' 
grinî 

Quoi  donc  !   parce  que  l'Iiomme  a  fiuid  ,  parce  qu'il   a  trop    ! 
cbaud,  parce  qu'il  a  soif,  on  se  croira  autorisé  i  nier  la  boDl  ] 

'Ëlre  suprême  !  on  méconnailra  sii  «agesse,  on  attaquera  U 
HÎsience.que  l'on  reconuatt  rependanl  comme  une  vérité  fondi 

les  principes  les  plus  clairs  et  les  plus  incontestables  de  la  ] 

Est-il  vrai ,  d'ailleurs ,  que  le  sort  de  l'honime  soil  aussi  aflU-  ' 
,jeint  qu'un  le  prétend? 

Le  besoin  de  maogeresileplus  pressant  des  besoins  de  l'homme, 

té  de  le  saiisbire.  Tout  ce  qui  peut  se  digérer  nour- 

it  l'hoinme ,  et  le  besoin  qui  JsEaisonne  le  repas  le  plus  Irugal 

délicieux  que  les  mets  les  plus  recherchfe. 
L'bomme  peut  lacilemeul  se  garantir  de  la  rigueur  des  saiso: 
Lorsqu'il  est  sans  douleur ,  il  a  hetuin,  pour  être  heureux, 
varier  ses  perceptions ,  et  le  specuicle  de  Id  nature  oQre  a  sa  cu- 
RDsité  un  fonds  inépuisable  d'aniuiîcmenis  et  de  plaisirs.  Il  y  a 
donc  dans  la  nature  un  fonds  de  bonheur  sullisant  pour  tous  les 
homme»,  ouvert  â  tous,  facile  ï  lous,  lorsqu'on  se  renferme  daus 
les  bornes  de  la  uature. 


120  AUN 

U  eal  vrai  que ,  inalgré  ces  précautions ,  Im  hommes  feront  tn- 
jeis  â  des  ninhilics  ei  anx  icoidcns  de  la  ri^en&e  ;  mais  ces  in- 
firmités ne  sont  pis  bsiippoNables ,  et.  D*enipéi:heiil  pas  que  la 
vie  ne  soi!  un  état  heureux ,  niËne  pour  le  vieilUrd  infirme ,  ptas- 
qu'il  ne  li  quîU«  qu'l  regret. 

Dans  ce  que  nous  venons  de  dire  pour  justifier  la  bonté  de 
Dieu ,  DOUE  D'»oas  considéré  rtiomme  que  comme  un  être  capa- 
ble de  sensstioDS  agréables  ou  douloureuses  et  «tleDdnnt  son 
bonbeur  ou  son  malheur  des  objets  qui  agissent  sur  ses  organes  ; 
nais  il  a  pour  être  heureux  bien  d'autres  ressources. 

La  nature  ne  fait  point  croître  les  bonirnes  sur  11  i^nv  comme 
les  champignons  ou  Comme  les  urbres  ;  elle  unit  les  pHes  et  les 
«hImis  par  les  liens  d'une  tendresse  mutaelle  :  les  soins  qtie  le 
père  donne  1  réducatJun  de  son  iils  procurent  des  plaisirs  in  G  nf- 
ment  plus  saLisTaisaus  que  les  sensations,  l.a  tendresse  et  II  l¥- 
coBoaissance  rendent  les  pères  cbers  i  leurs  rnliins  ;  ils  sont  do- 
ciles il  leur  volonté,  ils  soulagent  leurs  maux,  ils  soutiennent 
leur  vieillesse ,  ils  ofTreiH  aui  pères  un  spectacle  satisfaisant ,  ils 
las  oonsulent  des  malheurs  de  la  vieillesse. 

Une  inclisalion  naturelle  porte  tous  les  hommes  t  s'aimer,  i  se 
aecourir  :  un  malbeureux  qu'on  sonlage  procure  un  plaisir  déli- 
Qeax,  elles  soins  qu'on  donne  au  soulagement  d'un  malheareua 
lui  loDl  éprouver  un  senllment  de  reconnaissance  cl  un  retour 
vnv  son  bienfaiteur  qui  répand  dans  son  Ime  un  plaisir  qui 
adoucit  ses  maui. 

EInGn,  l'homme  s'aime,  et  l'amoar  tpi'il  *  pour  lui-même  ne  se 
liome  psB  1  se  procurer  des  sensations  vives  el  agréables ,  il  fant 
^ue  l'boranie  soit  content  de  lai-méme  ;  pour  être  bemvnx,  il 
faul  qu'il  puisse  s'approuver ,  et  jamais  l'homme  ne  sent  pins  tï- 
vewent  le  plaisir  que  procure  l'approbation  de  soi-même  que 
lorsqu'il  mérite  l'approbaiion  des  autres  hommes ,  lorsqu'il  a 
procuré  le  bonbeur  des  autres,  lorsqu'il  a  rempli  ses  devmra, 
lorsqu'il  n'a  rendu  personne  malheureux.  VoilS  aulanl  de  res- 
sources  que  la  nature  a  mises  dans  l'homme  rontre  les  malheurs 
airtaobés  i  sa  condition  ;  elles  sont  dans  le  cœurde  lous  les  hommes, 
et  ne  sont  ignorées  que  des  barbares  qui  oni  étouffé  U  voix  de  la 

(Ju'on  juge  présentement  si  l'bumme  est  l'ouvrage  d'un  être 
mallaisanl ,  et  si  ce  n'est  pas  avec  raison  qu'un  ancien  a  dit  que 
o'est  ï  tort  que  l'homme  se  plaint  de  sou  sort. 


l 


UAN  m 

Passons  «n  mal  non),  ^  fait  II  grMdeitJlBoullé  de  H.  ftayla^ 

veux  dire  les  Tices  et  les  crimes  des  hiwimes. 

Sans  doute  les  hommes  sont  Biécbam ,  et  l'on  ne  peat  jinttd» 
nec  des  couleurs  trop  lone«  leun  péchés  et  leurs  4é!iordn«  , 
parce  Bpie  le  msl  n'est  jamais  ou  presque  jamais  DéceGsairc  i  ie«r 
bonbeur  ;  mais  gardoos-none  d'imputer  ces  désordres  k  l'Être 
suprême,  ou  de  penser  qu'ils  doivent  rendre  sa  bonté  douteose. 

Ces  désordres ,  ces  crimes  sont  l'effet  de  l'atius  que  l'homme  fait 
de  sa  liberté,  et  il  n'^st  point  contraire  i  la  bonté  de  l'Etre  sd- 
prême  de  créer  un  bomme  libre  qui  puisse  se  porter  au  bien  par 
choix ,  el  qui  ait  poanani  le  pouvoir  de  ne  porter  au  mal.  Le  seiir 
timeu  de  notre  liberté,  qui  ne  peui  exister  que  d«ns  1m  «Ires 
libres ,  ce  seotimeiit,  éis-je ,  nous  fnit  trouver  un  grand  plaisir 
4*BS  la  pratiqve  ^  la  vertu  M  produit  les  remords  qui  nous  nf- 
pell^nt  ï  notre  deroir  -  la  liberté  n'est  donc  pas  un  présent  fiità 
rtiORiDie  par  un  être  malrûgaoi,  puisqu'elle  Ico^  it  nous  rendre 
aeilieurs  el  plus  heiireni. 

Il  ne  fout  pas,  au  reste  .  ref;nrder  la  terre  comme 
crime  et  sans  vertu  ;  nous  ferons  voir  plus  bas  coretien  M.  ItajM  j 
est  outré  ï  cet  égard,  el  plusieurs  auteurs  ont  prouvé  que  (ebiet)  [ 
tant  nalurri  qae  morri ,  l'emporte  dans  le  monde  sur  le 
lecteur  peut  consulter  sur  cd»  Sherlot,  Trailif  de  la  Pi 
th.  1;  Lejbmlz,  Utai*de  theodicéi- .  etc. 

Nous  venons  d'eiposor  la  ULilure  et  l'origine  des  n 
nous  olîre  le  spectacle  de  la  nature  ;  nous  avons  vo  qs'ac 
«•uses  qui  produisenl  ces   maux  n'est  l'ouvrlgc  d'un 

el  «lairaisant  ;  que  dans  l'intiitaiiea  primitiTe  el  dans  l'ii^  1 
Maliou  de  l'auteur  de  la  naliire  tout  tend  au  bien,  que  {jar  eci»  T 
le  sysICrne  des  deui  principcii  n'explique  point  les  pbè- 
DMure,  et  que  tout  ce  que  H.  Bayle  dit  si 
l'Maut  qui  sous  allligenl  sont  plus  les  déclamations  d'un  sophisM  J 
les  doutes  d'un  philosophe. 

Examett  d'une  iiulance  de  M.  Bayle. 

M.Bayle  prétend  quels  souveraine  paÎESflnce,jointe  Anne  bonté 
doit  combler  de  biens  son  ouvrage  M  éloigner  de  lui  toNl 

qui  pimrrail  r-tffeDserou  le  chagriner;  que  la  snuveraine  bonté 
devait  ôterà  l'homme  te  pouvoir  d'abuser  de  ses  facultés,  el  que 
Di«a .  en  laissant  à  l'homme  ce  pouvoir,  n'aime  pas  plus  ses  créa- 
tures qu'un  pËrequilaisseraileatrelesmainsdeson  fils  une é^ 


^B  4lernele 
^■«niiou  ( 
B.éqt.»t 
^^■ftemënes 

^m    «,«»' 

^■bËnie,' 
^^r*>qui  p 


128  MAN 

dont  il  saurait  qu'il  se  percera.  L'élat  des  saints  qui  sont  irrévoca- 
blenient  atuchéa  à  la  vertu  n'esl-i!  pus  un  élal  «ligne  de  la  sa- 
geue  et  de  la  sainleUï  de  Dieu  f 

D'ailleurs ,  il  est  certain  que  Dieu  pouvait ,  sans  blesser  la  li- 
berté de  rhomme,  le  Taire  persévérer  infailliblement  dans  l'in- 
Docence  et  dans  ta  vertu;  rien  u'empécbait  donc  que  Dieu  ne 
prévint  l'abus  que  rbotnine  fait  de  ses  facultés  el  qu'il  ne  fit  ré- 
gner dans  tuule  la  nature  l'ordre  et  le  boobeur  ;  cependant  il  j 
a  des  désordres  ,  des  maui ,  des  mèchans,  des  pécheurs  ;  il  faut 
donc  qu'une  cause  différente  de  l'Être  suprême  ait  eu  part  à  la 
production  du  monde  et  que  cette  cause  soit  malfaisante. 

Toutes  les  diUicullés  que  M.  Gajle  a  répétées  en  mille  maniè- 
res dans  son  Dictionnaire  et  dans  ses  Képonses  aui  questions 
d'un  provincial  ee  réduisent  à  ces  principes   c[ue  nous  allons 

11  «fit  clair  que  toute  la  force  de  celle  instance  porte  sur  ce  qu'd 
est  impossible  qu'un  Mre  souverainement  bon  ,  souverainement 
uïnl  et  souverainement  puissant .  permette  qu'il  y  ait  du  mal  dans 
le  monde,  parce  qu'il  est  de  l'essence  delà  souveraine  bonté 
d'empêcher  toute  espèce  de  mal. 

.  Pour  sentir  le  faux  de  ce  raisonnement ,  tâchons  de  nous  lormer 
une  idée  juste  de  la  souveraine  bonté. 

La  bonté  de  l'Etre  suprême  dont  nous  parlons  ici ,  c'est  sa 
bienveillance. 

La  bienveillance  d'un  être  est  d'autant  plus  grande  qu'il  a 
moins  besoin  de  faire  le  bien  qu'il  fait  ;  ainsi ,  comme  l'f]tre  su- 
prême se  snrGl  pleinement  ï  lui-même ,  il  est ,  si  je  peux  m'ei- 
primer  ainsi ,  infiuimeut  éloigné  d'avoir  besoin  pour  soo  bonheur 
de  créer  d'autres  êtres  et  de  leur  faire  du  bien  ;  sa  bienveillance 
i  l'égard  des  créatures  est  donc  inflnie ,  quel  que  soit  le  bien  qu'il 
leur  fait  :  voilà  en  quel  sens  la  bonté  de  Dieu  est  infinie,  et  non 
pas  en  ce  sens  qu'elle  dnit  faire  i)  oeite  ci-éalure  tout  le  bien  poa- 
siblu;  caria  bonté  infinie  en  ce  sens  est  impossible ,  puisqu'alors 
il  faudrait  que  l'Etre  suprême  donoit  ù  toutes  ses  créatures  tous 
les  degrés  de  perfection  possibles,  ce  qui  pst  .-ibaurde,  car  il  n'y  a 
point  de  dernier  d^rù  de  perfeclioD  dans  la  créature. 

L'idée  de  la  souveraine  bonté  n'eiîge  donc  pas  que  Dieu  fasse 
k  «es  créitlures  tout  le  bien  possible.  Pour  qu'il  conserve  pleine- 
ment  lu  qualité  d'élre  souveraineuienl  bienfaisant,  il  sullit  qu'il 
nWUe  tes  créatures  dana  un  éltil  où  elles  itiéTérenl  l'uiiKlencu  au 


MAN  I  n 

B^anl ,  el  dans  lequel  il  soit  meilleur  d'èlre  que  de  u'clre  ]iniii( 
du  lout;  il  n'esl  pus  néi-essuire  que  cet  Hal  soîl  l'éUil  lu  pljs 
Leureui  possible. 

Créer  riiuoime  avec  le  désir  du  boubeur,  le  mettre  au  milieu 
de  iDuies  les  ressources  propreii  U  procurer  le  bonheur ,  lui  don- 
Der  toutes  les  facultés  oëcessaire»  pour  fuîre  un  bon  usage  de  ces 
ressources,  c'est  certainement  laire  ï  rbuiiitue  un  grand  bien. 

Faire  dépendre  le  bonlieur  de  certaines  lois  que  l'homme  peut 
observer ,  mais  dont  il  peut  s'écarter  et  hors  desquelles  il  reo- 
contre  le  déplaisir  et  la  douleur ,  ii'empéche  pas  que  l'existence 
ne  soit  encore  un  grand  bienfait ,  digne  de  la  souveraine  bonté  et 
de  la  reconnaissance  de  l'humme, 

1^  qualité  d'être  souverainement  bon  n'exigeait  donc  pas  que 
Dieu  prévint  l'abus  que  l'homme  pouvait  faire  de  ses  facultés  :  la 
souïeraintï  bonté  rend  Dieu  impuissant  pour  làirc  le  ual ,  el  la 
laisse  absolument  libre  sur  l'existence  de  ses  créatures  et  sur  le* 
degrés  de  perfection  et  de  bonheur  qu'il  leur  accorde. 

L'idée  de  la  souveraine  boulé  n'exige  donc  point  que  Dieu  pré- 
vienne tuus  les  Diaux  qui  suut  des  suites  de  l'imperfection  de  ti 
créature  ou  de  l'abus  qu'elle  lait  de  ses  facultés  ;  car  alors  Dieu 
aurait  été  obli^â  de  lui  donner  un  certain  degré  de  perfection 
plutôt  qu'un  autre,  ce  qui  n'est  cepeadant  point  renicnné  dans 
l'idée  de  la  souveraine  bonté. 

Si  Dieu  ne  s'était  proposé,  dans  la  créatien  du  monde ,  que  de 

Ire  rbomme   heureux ,  ii  quelque   prix  et  de  quelque  mi- 

soit,  il  aurait  sans  doute  éi:arlé  de  lui  tous  les  mal- 

fteur«,  et  il  t'aurait  dépouillé  du  pouvoir  d'abuser  de  ses  facultés. 

Hais  est-il  contraire  i  la  bonté  de  Dieu  de  vouloir  que  l' ho mms 

rOt  heureux ,  mais  qu'il  ue  le  lût  qu'a  certaines  conditions  et  en 

tuivani  certaines  luis  qu'il  «vuiit  en  son  pouvoir  d'observer  ou  do 

A^lerl' 

K  Dieu  voyait  dans  sa  toute-puissance  une  infinité  de  mondes  pos- 

Ppiblesi  parmi  ces  lugndes,  ne  pimvait-il  pas  ;  eu  avoir  un  oji  le< 

^bonheur  des  créatures  ne  filt  point  la  fin  principale  et  dans  le- 

qud  il  n'entril  que  secondairement  r  N'est-il  pas  possible  qu'une 

des  lois  de  im  monde  ail  été  que  Dieu  n'accorderait  le  bonheur 

qu'au  bon  usage  que  l'huinrue  fenit  de  ses  facultés ,  et  que  Dteu 

e  prévtui  point  l'ubus  que  les  créatures  pourraient  faire  de  leurs 

LjbeutiésïDieu  ne  pouvait-il  pas,  sans  violer  les  lois  de  sa  bonté, 

Itvictrce  muude,  et  lacrt^turcserait-cUueudi'uitdeseplaindraï 


l'idé« 


130  MAN 

En  aerordaDt  k  M.  Bajle  oe  qu'il  >  si  souvent  répété  et  qu'il 
n's  jamais  proiivé ,  en  lui  accordant ,  dis-je,  que  ïlieu  n'a  pu  se 
dëleritiinerii  créer  le  monde  que  pour  faire  des  oréBlures  lieureu- 
Bes ,  eU-il  bwn  sér  que  sa  Bag^^^  ^  ^  sainteté  ne  lui  pre&cri- 
visscnl  point  des  lois  dans  la  distribution  du  bonheur?  I.a  bonti- 
de  Dieu  n'est-f41e  qu'une  espèce  d'instincl  qui  le  porte  II  faire  du 
bien,  sans  règle  et  aveuglément? 

La  conduite  de  Dieu ,  si  je  puis  m'exptiquer  ainiri,  ne  doit-elle 
pu  porter  le  caraelère  des  attributs  de  l'Être  suprËme  ,  le  carac- 
tère de  SB  sagesse  et  de  son  intelligence  ?  Or,  un  monde  dans  le- 
quel Dieu  n'e&l  rendu  beureni  que  des  automates,  ou  dans  lequel 
il  aurait  obéi  à  tous  les  caprices  et  k  toutes  les  bizarreries  de  la 
créature,  eAt-it  été  bien  ecnfomie  à  l'idée  de  la  sagesse  et  de  la 
grandeur  de  l'Être  suprême?  La  bonté  de  Dieu  ne  doit-elle  pas 
agir  conforménieot  aux  lois  de  sa  sagesse,  et  rendre  obaquc  être 
beureui  selon  qu'il  est  plus  ou  moins  parfailfNe  fallail-il  pas 
pour  cela  que  la  créature  fût  libre?  Ce  plan  du  inonde  esl-ii  con- 
traire ï  l'idée  de  la  souveraine  bonté? 

Enfin  ,  je  demande  i  M.  Bayle  s'il  connaît  assez  h  nBlore  de 
l'homme  pour  prouver  que  Dieu  ne  l'a  pas  créé  dans  l'état  le  plus 
propre  1  le  rendre  heureux?  Je  lui  demande  s'il  connaît  asset  les 
dessrâns  de  Dieu  pour  prononcer  que  le  monde  n'a  pm  une  Un  et 
n'aura  pas  un  dénoùment  qui  nous  fera  voirla  bonté  deDien  dans 
les  maui  même  qui  iicca«ioDent  nos  murmures?  La  permission 
du  mal  est  alors  un  mystère  et  non  pas  une  contradiction  avec  la 
bonté  souveraine  de  Dieu ,  et  l'on  ne  peut  dire  qu'en  vertu  de  sn 
aouveraïae  bonté ,  Dieu  devait  prévenir  tous  les  maux  et  éiabtrr 
u»  ordre  de  choses  dans  lequel  l'homme  n'efil  pu  devenir  mal- 
heureux. 

La  sain(«té  est ,  ans»  bien  que  la  bonté ,  nne  source  de  diffi-- 
cuUés  en  faveur  du  Manichéisme. 

Dten  n'est-il  pas  infiniment  saiol,  dil^n?  Sa  sainteté  ne  lui 
donne-l-elle  pas  nue  souveraine  aversion  pour  le  mal!  Ne  faut-îl 
pia  qu'il  ail  manqué  de  puissance  pour  l'empêcher  ou  4e  sa- 
gesse pour  clioieir  les  moireos  propres  il  le  prévenir? 

Pour  répondre  à  cette  difficulté ,  il  ne  faut  que  se  former  des 
idées  justes  de  la  sainteté  de  Dieu  ,  de  sa  sagesse  et  de  sa  puta- 
in sainteté  de  Dieu  n'est  qu'une  volonté  constante  de  ne  rien 
iaire  qui  soit  indigne  de  lui  :  or,  il  n'est  point  indigne  de  Dieu  de 


MAn 


fSf 


créer  des  hommes  qui  peuvent  abusera  lewKttpné;  raree  pou- 
fûir  est  dans  l'essence  tle  la  créalofe  même,  el  il  n'est  point  îou 
digne  lie  Dieu  de  créer  l'homme  avec  son  eswnce,  ou  il  faut  (tir« 
qu'A  est  indiijne  de  Dieu  de  créer  des  êtres  bornés. 

En  TÙo  prétendrait-on,  avec  H.  Bayle ,  que  la  sainteté  de  Dieit 
devail  au  moins  prévenir  l'abus  que  rhooime  fait  de  sa  Kberté; 
car  la  sainteté  n'éUnt  en  Dieu  que  la  volonté  constante  de  ne  rien 
faire  q«i  soït  indigne  de  hiî ,  il  faudrait  qu'il  Fnt  indigne  de  Dieu 
di.-  an  pas  prévenir  la  cbute  de  l'homme ,  et  c'eel  ce  qu'on  ne  peut 
dire  :  il  n'est  point  iodlgne  de  Dieu  de  demeurer  immobile  lors- 
que la  créature  pèche;  il  exprime,  par  son  iiumobilité,  qu'il  n'a 
pus  besoin  des  hommages  de  l'homme  ;  il  exprime ,  par  ce  moyen, 
le  jugement  qu'il  porte  de  lui-même  ;  c'eet  qu'il  eai  indépendual 
de  a»  créature. 

La  pennission  du  mal  n'est  donc  pas  contraire  ï  It  sainteté  da 
Dieu,  et  toutes  les  comparaisons  de  M.  Bajle,  (elles  que  celle  d'une 
mère  qui  mène  sa  Glle  au  bal  et  la  laisse  séduire,  pouvant  la  ga- 
rantir de  la  séduction ,  sont  des  sopliismes  qui  tirent  loule  leur 
îotce  d'un  faux  eut  de  question  que  U.  Bajle  otTre  s»nti  cesse  il 
son  lecteur  snr  L'origine  du  mal.  La  mère  n'a  aucune  raison  pour 
ne  pas  empêcher  la  séduction  de  sa  hllo  ;  il  n'en  est  pas  ainsi  de 
Dieu  par  rapport  au  péché  de  l'IioniToe. 

L'idée  de  la  bonté  humaine  n'est  pas  l'idée  d'une  bonté  pure; 
elle  est  toujours  jointe  ï  l'Idée  de  la  justice;  le  devoir  entre  tou- 
jours un  peu  dans  sa  composition  si  je  peui  m'exprimer  ainsi  ; 
c'«t  nne  espèce  de  commerce  el  une  observation  de  celle  loi  gé- 
nérale qui  veni  que  nous  basions  pour  les  autres  ce  que  nous  vou- 
drions qu'ils  fissent  pour  nous  si  nous  étions  dans  les  circon- 
stances où  ils  sont.  Le  bonheur  de  la  société  dê|K'ud  de  l'ubservatioD 
de  cette  loi  ;  la  société  est  plus  ou  moins  heureuse  selon  qne 
celle  loi  est  plus  négligée  ou  mieux  observée;  chaque  membre 
de  la  société  est  donc  tenu  ,  par  justice  ,  de  ne  point  faire  aux 
autres  ce  qn'il  ne  voudrait  pas  qu'on  lui  (It  s'il  était  placé  dans 
iet  mêmes  circonstances. 

Cette  idée  de  la  bonté  humaine  n'èsl  pas  applicable  k  la  bonté 
de  Dlea,  qui,  pour  Aire  heureux  ,  n'a  besoin  uî  de  Teiistence,  ni 
de  Tbommage  de  sa  créature. 

Ces  principes  (ont  voir  que,  par  tes  lois  de  sa  bonté.  Dieu  n'é- 
lail  point  tenu  de  créer  l'homme  dans  l'éial  des  bien b eurent,  ou 
de  doimei  aux  bowuies  dus  grices  erUcaces  puur  les  ùire  persévé- 


132  MAN 

rer  inraîllJblement  itans  h  Tenu.  On  voit  mâmo ,  par  ces  pr'mrU 
pes,  que  l>ieu  peut,  sans  violer  les  lois  de  sa  bonlé,  punir  l'honinie 
qui  viole  les  lois  que  Dieu  a  Éiablies ,  el  lui  accorder  un  temps 
d'épreuve  pendant  lequel  il  pardonne  au  pécheur  pénitent,  et 
■près  loquet  l'homme  devient  incorrigible  et  DJea  un  juge  sévère 
et  inileiible. 

Da  différent  auleari  qui  on/  répondu  aux  difficulldi  de  M.  Bayle. 

M.  Bnyle  s'était  proposé  d'f^tablirun  pyrrhonisme  universel;  il 
prélendit  que  les  sentimens  les  plus  absurdes  étaient  appiijés  sur 
des  principes  capables  d'Imposer  ï  la  raison  la  plus  éclairée,  et 
que  les  rlofiimes  les  plus  cerinins  étaient  exposés  à  des  difficultés 
instirmontubles  et  conduisaient  à  des  conséquences  absurdes: 
conséqiiemmenl  il  ce  projet ,  il  prélendit  qu'une  secte  aussi  ridi- 
cule que  celle  des  Manichéens  pourrait  faire  des  dillicullés 
qu'aucun  philosophe  ou  théologien,  de  quelque  secte  qu'il  fût,  ne 
pourrait  résoudre. 

I^  Dictionnaire  de  H.  Bayle  eut  tant  de  vogue,  ses  dilEcuIlés 
contre  la  bonté  de  Dieu  firent  tant  de  bruit,  que  les  hommes  célè- 
bres OH  lélés  pour  la  vérilé  s'empressèrent  de  répondre  :  il  n'est 
peut-être  pas  inutile  défaire  connaître  les  principes  qu'ils  oppo- 
sèrent ï  M.  Bavle. 

S  ].  — Principal  de  M.  le  Clerc  contre  les  dlfflcallA  de  M.  Bayle. 

Comme  H.  Davle,  dan;  sesdinicullés  contre  la  bonté  de  Dieu  , 
insistait  beaucoup  sur  la  longue  durée  du  mal  moral  et  physique 
dans  celte  vie  et  sur  leur  éternité  dans  l'autre,  M.  le  Clerc,  dé- 
guisé sous  le  nom  de  Théodore  Parrhase,  fît  paraltresur  la  scène 
un  Origénisle  qui  prétendit  que  tes  biens  et  les  maun  de  cette  vie 
n'étaienique  des  m  uj  en  s  destinés  il  élever  l' homme  â  la  pcrrection 
el  il  un  bonheur  éternel  '■ 

H,   Bayle  reconnut  que  l'Origénisle,  en  Taisant  succwler  une 
éternelle  béatitude  aux  tourmensque  soufTriront  les  damnés. avait 
levé  la  plus  accablante  des  dilScultés  du  Manichéisme;  nuis  qu'il 
n'avait  cependant  pas  réfuté  les  Hanichéens,  qui  répliquaient  qu'il  ' 
était  contraire  1  sa  bonté  de  conduire  ses  créatures  au  bonheur   ' 
par  les  souffrances  et  par  les  peines.  Voilà  à  quoi  se  réduisit  1» 

*  PsrrhDiiann,  L  1,  p.  109. 


ipute  de  H.  Ba^Ie  et  dp  M.  le  Clerc ,  pour  reEseniiel ,  qui  w. 
Mjé  iaas  une  foule  d'incidens  et  même  de  persounalitCa 
qnïlîrent  absolumeni disparaître l'étit  de  la  question  <• 

$11. — R/poniiededamGaudiit,cbaTlreHX,au^difflculUtiey.Boste. 

En1704,uncharlreux  de  Paris, nommé  dom  Aleiandre  Gan- 
din, donna  un  ouvrage  intitulé  :  la  Dislinrlîiin  ft  la  natare  du  bien 
et  du  mal,  rà  l'on  combat  l'erreur  de*  Manichéen) ,  lei  lentimens  de 
Montagne  et  de  Charron,  el  ceux  de  M.  Baijle. 

M.  Bajle  prélendit  que  cel  auteur  awit  très-bien  prouvé  que 
le  système  des  denx  principes  e»l  faux  et  absarde  en  lui-même  , 
et  surtout  dans  les  déoits  oii  les  Haninliéens  descendaient  ;  mail 
que  ce  n'était  pas  h  ieréfutrr,  lui,  H.  Bayle,  puisqu'il  reconnaia- 
uit  ces  vériiés,  et  prétendait  seulement  que  l'hypothèse  des  Uani- 
chéens,  quelque  absurde  qu'elle  soit,  atlaqmiit  iedogmede  l'unité 
,  ie  Dieu  par  des  objections  que  b  raison  ne  pouvait  résoudre  :  il 
le  lit  point  d'autre  réponse  3i  l'ouvrage  du  chartreui  el  la  dispute 
fta'alla  pas  plus  loin  *. 

$111. —  Principe*  de  M.  Kingnur  l'origine  du  tuai. 

M,  King  prétendit  que  Dieu  n'avait  piiint  créé  le  monde  pour 
oire ,  mais  pour  exercer  sa  puissance  et  pour  communiquer 
iiilé;  qu'étant  aouveraiuement  bon  ,  rien  n'avait  pu  être  pour 
n  molirde  créer  le  monde  ;  qu'aucun  objet  extérieur  n'étant 
par  rapport  à  lui ,  c'était  son  choix  qui  l'avait  rendu  bon  :  il 
Qeiic  l'opinion  de  ceux  qui  prétendent  que  Dieu  a  choisi  certai- 
nes choses  parce  qu'elles  sont  bonnes  ,  et  soutient  que  la  bonté 
des  choses  dépend  au  contraire  uniquement  du  choix  que  Dieu  en 
bit;  il  croit  que  si  Dieu  avait  été  déterminé  ii  agir  par  in  bonté 
^  des  choses  même.  Dieu  serait  un  agent  entièrement  nécessité  daiu 


n'était  donc  assnjétï  par  aucune  raiso 
lllulôl  qu'un  autre,  et  celui  qu'il  n  choisi  e 
lé  choisi. 
Cette  indifférence  de  Dieu  ,  par  rapport  a 

*  najic,  art.  Origine.  Rép.  aux  qnest.  d'un  pr 
^Oerv,  B)b1.  cb.,  L  S,  elc. 
■  BisL  des  ouvrages  àta  <avnns,  août  1705,  a: 


.  k  choisir  ui 
t  bon  parce  qi 


;  ear,  posé  ui 
e  poÎDlvoulc 


PI  84  MAN 

de  lui ,  n'a  lien  que  dans  ses  premières  Ôleclio; 
rots  que  Dieu  veuille  quelque  chose,  ilnepeuipasDc 
la  même  cbose. 

De  plus,  comme  Dieu  est  bon ,  en  touUqI  l'existeuce  du  monile 
il  Slussi  voulu  par-lï  mSnie  l'avantage  de cbaquc  particulier,  Diais 
autan)  qu'il  s'esi  pu  accorder  avec  le  dessein  el  les  moyensque  Dieu 
avait  choisis  pour  eiercer  sa  puissance. 

Il  n'éuii  donc  pas  eontnire  ï  la  boulé  de  Dieu  de  créer  un 
monde  oii  il  y  :i  du  mal ,  si  ce  mal  était  esseotieilemenl  lié  avec 
le  inojeii  qu'il  a  choisi  pour  exercer  sa  puissance  :  or,  M.  King 
[irëUad  que  u>us  les  maux  physiques  sont  attachés  aux  lois  que 
Dieu  a  établies  pour  SKercer  sa  puissance  ;  et  la  créature  n'a  point 

Iï  se  plaindre,  car  Dieu  n'était  point  obligé  de  créer  un  inonde 
sans  malheurs,  puisque  ce  monde  n'était  pas  meilleur,  par  rap- 
porta Dieu,  qu'un  monde  lel  que  le  nÛIre. 
Le  ma]  moral  est  une  suite  de  la  liberté  de  l'homme ,  mal  que 
Dieu  n'était  point  obligé  de  prévenir,  puisque,  par  rapport  i  Dieu, 
il  n'est  pas  meilleur  de  prévenir  cet  abus  que  de  le  permettre. 
D'ailleurs,  Dieu  n'aurait  pu  prévenir  cet  abus  qu'en  dépouillant 
l'homme  de  sa  liberté,  ee  qni  aurait  Tait  du  monde  entier  une  pure 
machine;  etU.  Kin g  prétend  qu'un  monde  oJi  tout  eOt  été  né- 
cessaire et  machinal  n'eût  pas  été  aussi  propre  i  exercer  la 
puissance  el  les  attributs  de  Dieu  qn'un  monde  oh  l'homme  est 

I  libre.. 
Eniin  ,  Dieu  ajant  choisi  pour  exercer  sa  puissance  un  monde 
oh  il  j  avait  des  créatures  libres,  il  n'a  pas  dû  changer  sonpiqf 
parce  qu'elles  devaient  abuser  de  leur  liberté,  comme  il  n'a  pas  OQ 
changer  les  lois  qu'il  a  établies  pour  le  pbjsique  parce  que  ces 
lois  entraînaient  aprèselles  des  désordres. 
Dieu  pouvait,  il  csl  vrai ,  prévenir  l'abus  que  l'homme  l'ail  de 
sa  liberté  ;  mais  il  ne  l'aurait  prévenu  qu'en  faisant  intervenir  sa 
toute- puissance  pour  déterminer  infailliblement  l'homme  au 
bien  ;  mais  alors  il  se  serait  écarté  du  plan  qu'il  s'était  formé  de 
ne  conduire  à  la  vertu  les  créatures  libres  que  |iar  la  voie  des 
peines  el  des  récompenses. 

H,  King  reconnaît  que  l'abus  constant  et  optoiMre  queThomme 
aura  lait  de  sa  liberté  conduira  les  pécheurs  incorrigibles  h  di'S 
p»inesélernelles;el.poar  lesconcilieruvec  la  bonté  de  Dieu,  il  les 
diminue  autant  qu'il  est  possible  et  les  met  sur  le  compte  de  la 
créature  ;  il  croit  qu'ellei  seront  des  suites  naturelles  de  l'obstina- 


I 


MAN  Ufi  ' 

tioD  des  pi^cheurs  (  il  croit  que  les  ilamofE  fieront  auiiot  de  fi 
doi  scaiiront  vivemeni  leur  mIsËre,  taa.h  qui  ï'applaudiroDljuitf- 
tonl  de  leur  cooduile  el  i^ui  aimcrout  mieux  éire  ce  qu'ils  seront 

ie  ne  point  être  du  tout;  ils  aimeroui  leuriïlat,  loui  ntalhâu— 

qu'ilsera,  comme  les  gens  es  colère,  les  iunoureux,  les  sm- 
biUeux,  les  curienx,  seplaîscDldacs  les  clioees  raéiue  qui  oe  lost 
qu'accroître  leur  misère. 

Cel  Étal  sera  une  suite  naturelle  de  la  perversité  des  péchevrs  ; 
les  impies  auront  Itllement  accoutumé  leur  esprit  i  de  f^ux  ji^e- 
mens  ,  qu'ÎU  n'eu  feront  plus  dësorniais  d'autres,  passant  p«npé- 
tueUemeuI  d'une  erreur  i  une  autre  ;  ils  ne  pourront  s'einpicher 
de  désirer  perpétuellement  des  djuses  dont  ils  ae  pourront  jouù, 
'  iDtld  prîfaliun  les  jettera  dans  des  déuspuirs  îiuviaGevables, 

que  l'expérience  les  rende  Januïs  plus  sagee  pour  l'aveMr, 
que,  par  leur  propre  faute,  iUauront  enliËrement  corron^ 

snleudement  et  l'auront  rendu  incapable  de  ju){er    mïim- 

M,  Itayle  ,  pour  réfuter  U.  Kiog  ,  emploie  ses  propres  prind- 

:  il  recoauall  avec  lui  que  Dieu,  trouvant  au  dedans  de  luj- 

le  une  gloire  et  une  iËlicitâ  inlioies,  n'a  pu  créer  le  aon^ 

r  sa  gloire  ;  de  là  M.  Bajie  eoncluique  Dieu  étaalbou,  il  »■- 

dû,  dans  la  cr^tiun  du  munde  ,  donner  loot  i  la  lioHi,  et 

pffaipéctier ,  à  quelque  prix  que  ce  fût,  toute  espace  de  mtd  de 

'introduire  dans  le  monde. 

Tout  étant  également  )iud  par  rapport  i  Dieu  ,  il  n'a  point  été 

:,  par  l'amour  de  lui-même  ou  de  sa  gluire ,  ti  dioisir  un 

inde  plulAt  qu'un  autre,  i  cboisirpour  gourerner  ce  monde  une 

pluiAt  qu'une  autre:  toutes  étant  égaWment  bonnes  par  rap- 

rt  ï  lai  ,  il  devait  clioîsir  celles  qui  étaient  les  plui  profteec  k 

procurer  le  bien  des  créatures,  et  cbanger  même  toutes  ces  lois 

à  mesure  que  le  bien  de  U  créature  le  demanderait  :  car  il  n'éwit 

pas  ueilleur  ,  p;ir  rappoK  t  Dieu ,    de  suivre  le  jtlan  qu'il  anit 

cboisi  qu'un  autre  *- 

Bajle  est  toujours  ici  daus  le  mémo  sophisme;  il  pné- 
que  le  monde  n'étant  point  nécessaire  t  la  gloire  de  Diaa, 
dû  consulter  que  sa  bonté  ;  mais  Dieu  n'a-t-il  donc  d'attri- 


)  De  origine  mali,  auclore  Guillelmo  Kîni;  ;  Lond,,  1701,  tn-8*, 

ip.  i,  sectS.  Appcnd.,  Dcli-g  divin. 

)  Réponxs  aux  qucstimu  d'uuprovlnnali  L  3,  &  7&. 


i 


I 


136  M.\N 

buU  que  la  boulé  ?  N'esi-il  pas  uge  el  immuable,  et  ces  altribuis 
seront-ili  snns  inHuence  daus  les  décrels  et  daus  la  conduite  de 
Dieu  UDdm  que  sa  bonté  seule  agira  V  La  bonté  de  Dieu  est-elle 
une  bienriisauce  d'insliact,  uveugle,  sans  lumière  ,  sans  sagesse , 
qui  tende  au  bien  de  la  créature  saus  auRun  égard  aux  autres 
attributs  de  l'Être  suprême?  Voilii  ce  que  M.  Bajfle  suppose  dans 
sa  réponse  à  U.  King. 

Je  ne  pjHe  point  des  questions  qui  entrërent  incidemment  dans 
Dette  coDleslatiou,  qui  sont  mutes  Intéressantes,  et  que  l'on  trou- 
vera dans  l'ouvrage  de  U,  Kiug  ,  dans  la  Réponse  aui  questions 
d'un  provincial ,  et  dans  les  remarques  que  M.  Bernard  a  laites 
sur  la  réponse  de  U.  Bayle  '. 

Parmi  ces  questions  incidentes ,  il  y  en  a  une  qui  a  pour 
objet  le  mal  moral.  M.  King  prétend  qu'il  y  a  plusde  bien  moral 


a  Jamais  pu 


;  qu'ils  sont  nés 
leurs  enn Demis  ; 
que  tout  le  bieo 
rtu.  Celui  qui  fait 
e  H.  King,  roumît  un 
:r  qu'il  est  lui-même  tel  qu'il  dé- 
minait les  hommes  un  A  un,  peut- 
I  seul  dans  cent  mille  qui  put  se 


l  perQdes , 


dans  le  monde  que  de  mal ,  et  même  si 

croire  la  doctrine  de  Hubbes,  que  tous  les  h( 

des  loups  et  des  tigres  les  uus  pour  lesaulr 

euDeoiis  des  autres,  et  que  les  autres  sont 

qu'ils  sont  naturellement  liiiix  e 

qu'ils  font  n'est  que  par  crainte 

on  semblable  portrait  des 

assez  juste  sujet  de  soupçonner  qi 

peint  les  autres  ;  m 

âtre   n'en   trouver 

reconnaître  à  l'e  pa 

Ceui-lï  mémo  qui  avancent  cette  calomnie ,  si  on  en  venait  à 
toucber  ï  leur  caractère  ,  se  donneraient-bien  de  la  peine  pour 
éloigner  de  dessus  eui  les  soupçons  ,  et  diraient  qu'ils  parlent 
du  peuple  el  du  gros  du  genre  bumaiu,  mais  non  pas  d'eux-mê- 
mes ;  et  il  est  ceruio  qu'ils  ne  se  conduisent  pas  sur  ce  pied-là 
envers  leurs  paréos  et  envers  ceux  avec  qui  ils  sont  en  relation  ; 
•'ils  le  faisaivut ,  [leu  de  gens  voudraient  les  avouer.  Observex 
quelques-uns  de  ceux  qui  déclament  si  fort  contre  les  trahitona , 
les  injustices  ,  les  fourberies  et  la  cruauté  des  bommes  ,  el  vous 
les  Terrez  cultiver  soigneusement  des  amitiés ,  et  s'acquitter  des 
différens  devoirs  auxquels  ilssont  obligés  envers  leurs  amis,  leurs 
familles  et  leur  pays  ;  Iraviiiller,  souiTrir,  lia^ariler  même  leur  vie 
pour  y  être  liUélts  ,  lorsqu'il  n'y  a  aucun  motif  de  crainte  qui  les 

>  Républ,  des  lettres,  ins,  janvier,  p,  S7. 


I 


MAN  I  s; 

-j  porte  ei  qu'ils  pouTraieni  négliger  ces  devoirs  b»ua   danger  n 
inconTénient  pour  eux-mêmes. 

Cela  vient ,  direz-vous ,  de  la  coutume  et  de  IVducaiion  :  su]h 
posons  que  cela  soil  ;  il  faut  donc  que  te  genre  liumain  u'ail  pu 
leUemeut  dégénéré  et  renoncé  au  bien ,  que  la  plus  grande  pai^  J 
lie  des  hommes  n'exerce  encore  la  bienfaisaiic 
pas  lellemeDl  bannie,  qu'elle  ne  soil  ap|iutéc  et  soutenue,  louén  • 
et  pratiquée,  pat  un  consentement  géaérd  et  par  les  suCTnigea 
du  public  ,  el  le  <riee  est  encore  honteux. 

EirectiTemenl ,  ï  peine  trouve-l-on  un  seul  homme ,  ï  moins 
qu'il  ne  toit  pressé  par  la  nécessité  ou  provoqué  jtar  des  injures. 


z  barbare  et  qi 
cetsible  1  la  [litié,  et  qui  ne  g<jûte  du  plai 
autres;  qui  ne  soit  disposé  i  lëniuigi 
l'affectioq.a  ses  amis ,  ft  ses  voisins, 
diligeut  a  s'acquitter  des  de 
prores&ioD  de  respecter  la  vf 
Erant  qu'on  le  taxe  d'être  vie 

Id'eumïner  pendant  <in  jour 
toes,  peut-être  s'en  trouvera- 
-,  ■ 

«RI 
r. 


pour  être  ioac- 
du  bien  aux 
de  lu  bienveillance  et  de 
ï  ses  pareus,  et  qui  ne  soit 
civils  eiivtirs  tous  ;  qui  ue  Tasse 
et  qui  ne  regarde  comme  un  af~ 
Si  l'on  veut  se  donner  la  peine 
cLiuns  et  celles  de  quelques  au- 
une  ou  deux  de  blâuialiles,  tan- 
et  bon  nés. 
,  qu'on  parle  d'un  seul  grand  ' 
te.  ;  qn'on  le  publie  hîeu  di- 
plus  long-temps  la  mémoire  | 
de  mille  bonnet  et  généreuses  actions ,  qui  ne  font  point  de 
lit  dans  le  monde  et  nevienaent  point  il  la  connaissance  du  pa- 
Uic,  mais  qui  demeurent  ensevelies  dans  le  silence  et  dans  l'ott- 
bli  ,  et  cela  même  prouve  que  les  pvcui&res  sont  beaucoup  plus 
nres  que  les  demiéres ,  qui  sans  cela  n'exciteraient  pas  tant  de 
•nrprise,  d'horreur  et  d'élounement. 

Il  faut  observer,  en  troisième  lieu,  que  bien  descboses  qui  sont 
innocentes  paraissent  criminelles  à  ceu\  qui  ignorent  les  vues 
de  celui  qui  agit  et  les  circonstances  oiiil  se  trouve  :  il  est  cer- 
tain que  nous  ne  pouvons  juger  de  ce  qu'il  y  a  de  bon  ou  de  mau- 
vais dans  une  aciiou  sur  de  simples  ajipareuces,  mais  par  les  in- 
tentions de  l'ime  et  par  le  point  de  vue  sous  lequel  celui  qui  agit 


>  Il  faut  remarquer, 
trime  comme  un  niei 
«antage  etquel't 


envissge  les  choses. 
"a  quatrième  lieu, 


e  Tont  par  ij 


Muvciii  mime  cIIm  paiscui  |)oui  tim  vertus  ■ 


Pan!  persécuia  l'Église,  et  lui-miîme  a 
ignorance,  el  que  c'éiaii  pour  ce  a  qu'il  ai 
combicudecboses  decelteniilurcneBefoal-ellcïpasluuE  Icsjauri 
par  ceux  qui  professent  des  religions  dUKrentes  !  ce  tant ,  je  l'a- 
voae  ,  des  pécbés ,  mais  des  péchés  d'igooraoce ,  qui  doiveol  i 
peine  ftre  comptés  parmi  les  maui  uorJUK,  parce  qu'ils  ai 
procèdent  pus  d'uoe  mauvaise  disposition  et  d'une  volonlà  cor' 
rompue. 

Tout  bomme  qui  use  de  vio'ence  o 
pour  U  ïeriu,  par  haine  contre  le  vice 
de  Dieu ,  fait  mal ,  sans  cootredit  ;  m 
boouéte  et  bon  l'eicusent  beaucoup.  Celle  cousidératioo  seule 
EulBt  pour  diminuer  le  nombre  des  niikbans,  et  celte  eicuse  ne  se 
borne  pas  â  ce  qui  regarde  la  religion  :  les  préjugés  de  parti  doi- 
vent être  pesés ,  ces  préjugés  qui  engageai  souvent  les  botomes  i 
employer  le  fer  et  le  feu  contre  ceux  qu'ils  regardent  Tomme  ies 
ennemis  publics  et  comme  des  traîtres  i  la  patrie  ;  il  a'j  i  pas 
d'erreur  plus  fatale  »u  genre  humain  et  qui  ait  eafanté  plus  et  de 
plus  grands  crimes,  et  cependant  elle  vieut  d'une  Ime  remplie  de 
droiture.  La  méprise  consiste  en  ce  qu'ils  oubLont  qu'on  doit  dé- 
fendre l'Ëtat  par  des  Toiesjusles  et  légitimes,  et  non  aux  dôpens 


itre  un  antre ,  par  amoai 
ou  par  zèle  pour  la  gloire 
s  l'ignorance  e 


de  l'humanité. 

En  cinquième  lie 
comme  méchans  b 
Le  commerce  le  pli 
fournitau  malin  un 
e  seule 


u  ,  les  préjugés  et  les  soupçons  font  regarder 
ien  des  gens  qui  ne  le  sont  réellement  point, 
is  innocent  cotre  un  Loume  et  une  femme 
sujet  de  les  soupçonner  et  de  tes  calomuiei  : 
qui  accompagne  ordinairement  une 
action  criminelle ,  on  déclare  coupable  du  fait  m£me  la  personne 
EOupgonnée;  une  seule  mauvaise  action  aulfit  pour  d^onorer 
tome  la  vie  un  bomme  el  pour  comprendre  toutes  ses  aaions  dans 
une  même  sentence.  Si  un  seul  membre  d'utie  société  tombe  dans 
n  présume  d'abord  que  les  autres  ne  valent  pu 
i:umbien  il  j  a  de  gens  qui  pas- 
sent,  fiurde  pareils  titres,  pour  IrÈs-mécbuns,  qui  sont  irËs-diETé- 
rens  de  cequ'on  les  croit.  Les  confesseurs  et  les  juges,  lorsqu'ri 
s'agit  de  cas  criminels ,  savent  parfaitement  combien  peu  de  vi- 
rlté  il  ;  a  dans  les  bruits  ordinaires  et  combien  peu  de  Fond  il  j 
ai.  y  faire. 

Sixiémeruent ,  nous  devons  dislinguer,  cl  ta  loi  même  le  fait, 
entre  les  actions  qui  vleuueot  d'une  malice  prémédilAe  et  oullet 


quelque  faute, 

mieui.  U  est  presque  incroyable  < 


I  MA.N  138 

itnqudles  ^elqoe  violente  fusion  oh  qudquc  iiMtdK  dau 
l'esprit  porieM. 

Lorsque  l'olT^nseur  rat  provoqué  et  qu'uD  traasport  subit  de  la 
piissLua  le  met  comme  hors  de  lu)  ,  il  esti'enÛD  quee^i  diminue 
bien  11  faute.  Oe  sont  li  des  cbuscs  qui  suoi  purLiienienl  cuo- 
nues  de  notre  Irès-équi table  juge,  <{ui  uod»  jugera  nû&éricor- 
dicuseineot  et  non  i  la  rigueur,  el  c'est  siins  doute  pour  oei  ru- 
sons qu'il  nous  a  défeadu  de  juger  avant  le  lamps  :  nous  ne  «oyosB 
que  l'ëcorce  des  choses,  el  il  est  Irès-pi'ssible  que  ce  que  r>ow 
regardons  comme  le  plus  grand  crime  nous  partiltiiiit  devoir  âtM 
mis  au  nombre  des  moindres  si  nous  étions  instruits  de  toiU  ce  qui 
y  a  du  rapport  et  si  noua  avions  Égard  ii  tout. 

Bien  des  vertus  et  bien  des  vices  résident  dans  l'ime  el  sont 
invisibles  aui  jeui  des  bommes;  ainsi  c'eiît  parier  k  l'aventure 
que  de  prononcer  sur  le  nombre  des  unes  et  des  avtres  ,  el  pré- 
tendre inférer  de  Ik  la  nécessité  d'un  mauvais  principe  ;  c'est  mé- 
riter d'être  regardé  comme  un  juge  téméraire  et  coupable  de  prè- 
cipita^OD)  c'est  usurper  les  droits  du  juge  su|)iiëme. 

Elnfin ,  la  conservation  et  l'accrois  s  etn  eut  du  genre  hiiroùn  etf 
une  preuve  bien  sûre  qu'il  j  a  plue  de  bien  que  de  mal  dans  le 
monde.  Toutes  les  ituione  vicieuses  ,  en  elïei  ,  tendent  k  !• 
destruction  du  genre  buniain ,  du  moins  tl  son  d^uvtiulage  M 
ù  sa  diiiiinulion ,  au  Ueu  qu'il  faut  nécessaireiuenl  le  concoun 
d'un  grand  aombrc  et  même  d'un  nombre  infini  de  boa 
actions  pour  la  conservation  de  chaque  individu  ;  si  doue 
nombre  des  mauvaises  actions  surpassait  celui  des  bonnes, 
genre  bumain  devrait  finir.  C'est  ce  dont  on  voit  une  preuve  bien 
ïensible  dws  iespajtoti  les  viceit  se  multiplient;  ie  nombre  des 
bommes  j  diminue  IOqs  lesjours ,  et  ils  se  dépeuplent  peu  à  peu; 
si  la  vertu  s'j  rétablit,  les  faabilans  y  reviennent  i  u  suite  :  c'est  là 
uue  marque  que  le  genre  buiiiuïn  ne  pourrait  subsister  si  jamais  le 
vice  était  dominant,  puisqu'il  faut  le  concours  de  plusieurs  bonnes 
ai'tions  pour  réparer  les  dommages  causée  par  une  seule  mauvaist 
uetion.  Il  ne  faut  qu'un  crime  pour  Ater  la  vie  11  un  bomme  «u  ï 
|iluaieurs  ;  mais  combien  d'actes  de  bonté  et  d'Iiumanité  doiveal 
concourir  pour  élever  et  conserver  chaque  particulier? 

De  tout  ce  qu'on  vient  de  dire,  je  me  tlatie,  dit  U.  King ,  qu'il 
parait  qu'il  y  a  plus  de  bien  que  de  mal  parmi  les  hommes,  et  que 
le  mouJe  peut  dire  l'ouvrage  d'un  Dieu  bon  malgré  l'argument 
qu'on  loude  sur  la  suppotilion  que  le  niai  l'emporte  lur  le  bien  ; 


140  HAN 

et  toDt  cda  cependant  n'est  pas  nécessiire,  puisqu'il  peut;  avoir 

dii  mille  fois  plus  de  bien  que  de  mai  dans  tout  l'univers,  quand 
mAioe  il  n'j  aurait  absolument  aucun  bien  sur  cette  terre  que 
nous  habilous.  Klle  m  trop  peu  de  cbose  pour  avoir  quelque  pro- 
portiiiD  avec  le  sjsième  entier,  ei  nous  ne  pouvons  que  porter  un 
jugement  iinporfail  du  tout  sur  cette  partie.  Elle  peut  être  l'hJt- 
pital  ou  la  prison  de  l'univers  ;  el  peul-oa  juger  de  la  bonté  et  de 
la  pureté  de  l'air  d'uu  climat  sur  la  vue  d'un  fa6pital  où  il  n'y  a 
que  des  malades?  ou  de  la  sagesse  d'un  gouvernement  sur  la  vue 
d'une  maison  destinée  pour  des  personnes  aliénées  et  où  il  n'y  a 
qoedesToust  ou  de  la  vertu  d'une  nation  sur  la  vue  d'une  prison 
oli  il  n'y  a  que  des  mall'aitears  ?  non  que  je  croie  que  la  terre  soil 
efliKtivement  telle ,  mais  je  dis  qu'on  peut  le  suppitser ,  el  touie 
supposition  qui  montre  couimeni  la  cliose  peut  être  renverse  l'ar- 
gunent  du  Manichéen,  fondé  sur  l'impossibilité  qu'il  j  a  d'en 
rendre  raison. 

Ea  atiendiuil,  je  regarde  la  terre  comme  un  séjour  rempli  de 
douceurs ,  oii  l'on  peut  vivre  avec  plaisir  et  joie ,  et  être  heureux. 
J'avoue,  avec  la  plus  vive  reconnaissance  pour  Dieu,  que  j'ai 
passé  ma  vb  de  cette  manière ,  el  je  suis  persuadé  que  mes  pa- 
rens,  mes  amis  et  mes  domestiques  en  ont  fait  autant;  et  je  ue 
crois  pas  qu'il  y  ail  du  mal  dans  la  vie  qui  ne  soil  irés-suppor- 
uble ,  Burl«ui  pour  ceux  qui  ont  des  espérances  d'un  bonheur  à 
Tenir'. 

{  IV.  — DUpvle  de  M.  Jaquetot  et  lie  M.  Bayle  ntr  l'origine  du  mal. 

U.  Jaquelol,  pour  répond»'  .lux  diltieullés  de  M.  Bayle,  pose 
pour  principe  foudamcuuil  que  Dieu  a  eu  dessein  de  former  une 
créature  intelligente  el  libre  pour  en  être  connu  et  adoré;  si  elle 
n'était  pas  libre  et  intelligente,  ce  ne  serait  qu'une  machine  qui 
agirait  par  ressorts ,  et  qui  pur  conséquent  ne  pourrai!  contribuer 
k  11  gloire  de  Dieu. 

On  doit  concevoir,  dit-il ,  que  Dieu  ayant  voulu  se  faire  con- 
nattre  par  ses  ouvrages  est  demeuré  comme  caché  derrière  ses 

•  Ce  morceau  de  M.  Krn|{  etl  tiré  des  nolci  de  M.  Law  sur  M.  King, 
dan!  la  traduction  angliiK  de  l'auvrafe  de  cet  acrbevéque  ;  quoiqu'il 
Mit  DU  peu  long,  j'ai  cru  qu'il  étuit  à  pmpus  de  n'en  rîeu  retrancher. 
yey«i  le cuntiuuateur  di:  Bajlis  ail.  KiMi> 


I  MA.\  1 

ouvrages  ,  t  peu  près  comme  ce  peintre  qui  se  leiiail  cacliii  der-    ' 
riëre  $e£  lableaui  pojr  entendre  lesjugemeDS  qu'on  en  ferait; 
aiijBJ  l«s  hommes  oiil  éié.  créés  libres  dans  celle  tus  ,  afin  de  ju- 
ger de  la  grandeur  de  Dieu  par  la  mngoilicence  de  ses  leuvreii. 

On  ne  peut  pas  accuser  Dieu  d'èlre  l'auteur  ia  mal  pour  avoir 
crM  un  êlre  libre  qui  a  abusé  du  liieafaîl  de  Dieu  el  qui  s'est 
porlé  au  mal  par  l'etTel  de  sa  libf  né  :  eelte  liberlË  de  rhotniue 
rend  le.  moDde  digne  de  Dieu,  el  il  inanquerait  quelque  chose  h 
la  perfeeiion  de  l'unÏTers  si  Dieu  n'en  atait  poinl  créé  de  tel  : 
voilà ,  selon  U,  Jaquelot ,  l'arme  ilonl  on  doii  se  servir  pour  re- 
pousser loiilcs  les  attaques  des  ennemis  de  la  l'roTidence. 

Un  être  intelligent  et  libre  esi  le  plus  excellent  el  le  plus  pur- 
fait  des  êtres  que  la  puissance  de  Dieu ,  tout  iutinie  qu'elle  est , 
pouvait  Tunner. 

La  liberté  de  l'homme  une  fois  établie ,  la  permission  du  mal 
n'a  plus  rien  de  contraire  â  la  bouté  de  Dieu  ;  les  inconvéniens 
qui  naissent  de  cette  liberté  De  peuvent  coati'ebalaneer  les  raisons 
tirées  de  la  sagesse  ,  de  la  puissance  et  de  la  gloire  de  Oieu. 

L'exemple  des  bienheureux  n'csl  pas  une  dilliculté,  comme 
U.  Bajie  le  pense  :  les  bienlieureux  sunt  daus  un  eut  de  récom- 
pense, et  les  hommes  sur  la  terre  sont  dans  un  état  d'épreiive  '• 

H.  Bajle  répondit  i  U.  Jaquelot  que  l'étal  des  bienheureux 
éiautunêt*lderi.Wnipen5e,  il  ^Uiii  plus  parfait  cl  par  conséquent 
plus  digne  de  la  sagesse  de  Dieu  que  l'èui  d'épreuve  dans  lequel   . 
il  avait  créé  l'homme. 

H^nfin ,  H,  Bayle  lui  opposa  sou  gruod  argument ,  c'estqueDieu  ^ 
pouvait  conserver  inlUillibleinenl  et  librement  l'homme  dans  le 
bien  ». 

s  deuxs'alla- 
'Ui  le  premier 

état  de  la  question ,  et  se  jetëreui  dans  des  reproches  personnels 

qui  n'intéressent  personne  '. 

La  mort  de  M.  6 a jle  termina  la  querelle,  mais  on  ne  le  crut  pu 


>  Conformité  de  1»  foi  et  di:  la  raison. 
*  Rép.  aux  quesl.  d'un  protincial,  t.  3. 
a  de  la  lliéolo^ic  de  si.   BajK'. 


g  T.  —  Hép/HUe  de  M.  de  la  Flacelle  auir  diffieultit  de  M.  Bayle. 

U,  Bajie,  dans  U>ute  celle  dispute,  s'était  appujé  sur  ce  prin- 
cipe ,  c'est  que  Dieu  n'a  pu  créer  le  monde  pour  «a  gluire,  ei  qu'il 
n'a,  été  déterminé  il  le  créer  que  par  m  bonli.  Dieu,  nnimé  par  ce 
motif Beol,  devait,  eeloa  U.  Ra^le,  rapporter toui  au  bouheur  des 
créatures,  et  par  coBséqueut  ue  produire  que  du  bien  dans  le 
monde  ;  rien  ne  devait  le  détourner  de  cel  objet,  M.  Bayle ,  en- 
fumé dans  cet  état  de  question  comme  dans  un  fort  impénétrable, 
bravail  tous  tes  ennemis  et  faisait  retomber  sur  eux  tous  les  traits 
qu'on  lui  lançait, 

U.  de  la  Placette  s'aperçut  du  sopliïsme  de  H.  Bajie  ;  il  aban- 
donna tous  les  incidens  dont  on  avait  embarrassé  la  question  ;  il 
attaqua  le  principe  de  M,  Bajie  :  il  fit  voir  que  ce  critique  n'avait 
point  prouvé  et  ne  pouvait  prouver  que  Dieu  n'avait  pu  oréor  le 
monde  que  pour  rendre  ses  créatures  beureuses. 

S'il  ;  a ,  dil-il ,  quelque  cbose  d'impénétrable ,  ce  sont  les  êt»- 
seios  de  Dieu  ;  la  raison  en  est  que  ces  desseins  dépendent  prin- 
cipalement de  sa  libre  et  absolue  volonté  :  il  fait  ce  qu'il  veut,  et 
par  conséquent  il  prend  telle  résolution  qu'il  lui  platt;  contment 
donc  pourrions-nous  le  deviner?  qui  aurait  pu,  par  exemple, 
Eoupçonner  celui  de  l'incaniation ,  s'il  ne  s'en  était  jamais  ex- 
pliqué t 

Si  Dieu  a  pu  ne  pas  se  proposer  tmiquement  pour  6n  àt  rendre 
ses  créatures  heureuses ,  looles  les  diflicultés  de  H.  Bajle  s'éva- 
nouissent ;  il  n'est  contraire  ni  i  U  sagesse ,  ni  i  la  bonté ,  d'a- 
voir pcmris  h  mal.  U.àeh  Placette  n'alla  pas  piusloin  et  n'iniu 
pas  ceux  qui  avaient  entrepris  de  déterminer  la  lin  que  Dieu  s'était 
proposée  dans  la  création  du  monde.  Tons  les  adversaires  de 
U.  Btyle,  en  osant  le  faire,  s'étaient  jetés  dans  des  abîmes  ob 
ce  critique  les  avait  oombatlus  avec  de  grands  avantages  '. 

H.  Bayle  mourut  dans  le  temps  que  H.  de  la  Placette  comnWD- 
çut  à  faire  imprimer  son  ouvrage. 

H.  de  la  Placette  s'était  contenté  de  ruiner  le  fondement  des 
objections  de  U.  Bayle  et  de  faire  voir  que  les  conséquences  qu'il 
lirait  de  la  permission  du  nul  contre  la  bonté  de  Dien  étaient  ap- 
puyées sur  des  principes  qui  n'étaient  point  prouvés  :  il  n'en  fal- 

*  Réponse  k  deux  objeclions  de  M.  Bayle,  par  de  1d  Placette; 
in-lî,  1707. 


Iiît  pas  davantage  pour  remplir  l'objet  qn'll  s'Hait  proposé,  s«- 
Toir,  de  faire  voir  que  H.  Bajie  n'opposait  poial  à  la  religion  Uea 
difficaltés  insolubles. 

S  VI.  —  Bypoîhèie  de  M.  Lettntix  paur  expliqiitr  f  origine  du  mal, 

M.  Leibniu  cral  qne,  pour  dissiper  toutes  les  inquiétudes  d» 
l'esprit  humain  sur  les  difficultés  de  H.  Bajte  ,  il  fallait  concilier 
plus  positivement  la  permission  ifn  mat  a«et  la  bonté  de  Dieu. 

Tout«8  les  mélhodesqu'an  avait  swTÏes  poor  remplir  cet  objet 
lui  parurentinsufBsantesetcondnireâdesco&séqaencesâcbeuses: 
il  prit  une  autre  voie  pour  justltler  la  Providence. 

Il  crut  que  tout  ce  qui  arrive  dans  le  inonde  étant  une  suite  du 
vhoii  que  Bieu  a  fïit  du  monde  actuel ,  il  fallait  s'élever  ï  ce 
premier  instant  o4i  Dieu  Torma  le  décret  de  produire  le  monde. 

Une  inRaité  de  mondes  possibles  étaient  présens  ï  l'imelli- 
gence  divine ,  et  sa  puissance  pouvait  égiileiuenl  les  produire 
tous;   puis  donc  qu'il  a  créé  le  monde  actuel,  il  faut  qu'il  ait 

Dieu  n'a  dcrnc  pn  créer  le  monde  présent  sans  le  préférer  k  tous 
les  autres  ;  or,  il  est  coDtrddictoire  que  Dieu  ayant  donné  l'être 
à  un  de  ces  monde»  n'ait  pas  préféré  le  plus  couronne  i  ses  at- 
tributs ,  le  plus  digne  de  lui ,  le  meilleur,  un  monde  dont  la  créa- 
lion  ait  le  but  le  plus  grand ,  le  plus  excellent  que  cet  être  tout 
pariait  ait  pu  se  proposer. 

Nous  ne  pouvons  décider  absolument  quel  a  été  ce  but  du  créa* 
leur,  car  nous  sommes  trop  borués  [lour  connaître  toute  sa  na- 
ture; cependant ,  comme  nous  savons  que  sa  bonté  l'a  porté  ï 
donner  l'existence  aux  créatures  et  que  l'objel  de  sa  bonté  ne  peut 
être  que  les  créatures  intelligentes,   nous  pouvons  dire ,  en  rai- 
sonnant sur  les  lumières  qu'il  nous  a  données  pour  le  connaître, 
qu'il  s'est  proposé  de  créer  te  plus  grand  nombre  de  créatures  in- 
telligentes ,   et  de  leur  donner  le  plus  de  connaissances ,  le  plus 
de  bonheur,  le  plus  de  beauté  que  l'univers  en  pouvait  admettre, 
^^let  conduisant  ï  cet  lieureui  état  de  la  manière  U  plus  couve- 
^^Bbtet  leur  nature  et  la  plus  conforme  ï  l'ordre. 
^^'&r  la  bonté  de  Dieu  ne  peut  jamais  aller  contre  les  lois  da 
^^Tôrdre ,  qui  font  les  règles  invariables  de  sa  conduite ,  et  la  bonté 
se  trouve  réuuie  eu  cevi  avec  la  sagesse;  c'est  que  le  plus  grand 
bonheur  des  créaturei  intelligente*  cOiisÎBUtnl  dans  la  connaissance 


iH«irit«D<ei>t  fPlf-iresupréroo.  pour  sVn  Carre  mieuncoii- 
.  M  pOBT  los  porter  t  Tidorer,  a'esl  proposé  de  leur  tnaai- 
EM  d'iTÎns  atlrîbiits ,  el  par  conséqurot  de  choisir  un  monde 
e«  il;  pùl  I*  plus  dr  caraclSre  d'une  souveraine  sagesse  el  d'une 
|i«ÙM«i-(  iiiHaie  dins  toute  son  adninisiration ,  el  en  particulier 
Im  rJmsps  matérielles  ;  le  plus  de  variété  aiec  le  plus  graud 
',  le  iciraio ,  le  temps ,  le  lieu  ,  les  miem  ménagés  ;  le  plus 
d'effets  (iroduits  par  les  lois  les  plus  simples. 

|jt  monde  actuel ,  pour  ëm  le  meilleur  des  mondes  possibles, 

doit  iire  celui  qui  répond  le  plus  exaclemenl  i  ce  but  magnifique 

créateur,  en  aorte  que  toutes  ses  parties ,  sans  eicepiion ,  avec 

tous  leurs  changemens  et  leurs  arrangt^nicns ,  conspirent  avec  la 

plus  grande  eiaolitude  fe  1»  tuë  générale. 

Piiisqu»  ce  monde  est  un  tout,  les  parties  en  sont  tellement 
liées  qu'aucune  partie  D'en  saurait  être  retrancliée  sans  que  tout 
le  reste  ne  soit  cliangé  aussi. 

Le  meilleur  monde  renfermait  donc  les  lois  actuelles  du  moa- 

vemeAl,  les  lois  de  l'uaion  de  l'Ame  et  du  corps  établies  par  l'au- 

de  la  nature ,  l'imper  foc  tion  des  créatures  actuelles ,  et  les 

lois  selon  lesquelles  Dieu  leur  répartit  les  grâces  qu'il  leur  ac- 

corde  ;  le  mal  métaphysique,  le  mal  moral  et  le  mal  physique 

trïieni  donc  dans  le  plan  du  meilleur  monde. 

Cependant  on  ne  saurait  dire  que  Dieu  uït  voulu  le  péché,  mais 

en  qu'il  a  voulu  le  monde  oli  le  péché  trouve  lieu. 

Ainsi  Dieu  a  seulement  permis  le  péi:lié:  sa  volonté  â  cet  égard 


car  une  permission  n  est 
légation  d'une  puissance 
)n  dont  il  s'agit,  et  per- 
.  liéeï  d'autres,  sans  se 
oit  en  notre  pouvoir  de 


i  rend  ce 


que  permissive ,  pour  ainsi  dire 
autre  chose  qu'une  sut^pension  ou  une  i 
mise  eu  œuvre,  empêcherait  l'actii 
e ,  c'est  admettre  une  cbosc  qui  es 
la  proposer  directement  et  quoiqu'il  s 
roJiipêcher. 

faut  pas  condur 
moodfrfi  plus  parfait  que  tous  les  autres  mondes  ;  C! 
point  les  péchés  ,  mais  toutes  les  perfections  innombrables  de  ce 
monde  auxquelles  le  péché  se  trouve  joint ,  el  qui  sans  le  péché 
haut  degré  de  perfection  ;  ce  nom  ces  perlectioDi 
<iui  élèvent  ce  monde-ci  au-dessns  de  tous  les  mondes  possibles  ; 
donc  pas  le  plus  parfait  parce  que  le  péché  j 
trouve  lieu  ,  mais  le  nioude  le  plus  parfait  est  celui  otj  le  péché  a 
conséquent  Dieu  n'a  pus  voulu  le  mal  en  lui-même;  il 


I 


MAN 


MSI 


I 


x'a  pràlesiind  personne  au  pitihé  el  au  mallieiir.  I!  »  voulu  a 
Bonde   où   le   péi'hi^  se   Irouvaîl.   Tels  son!  les  principes  que    ' 
H.  Leibnilz  établit  àam  sa  Théodio^e. 

L'ordre,  rbanuonie,  les  vertus  nui  sseni  des  désordres  Joui  on 
M  »erl  pour  obscurcir  le  dogme  de  h  ProTÎdcnce.  Laurent  Vallu 
a  fait  un  dialogue  dans  lequel  il  Teint  que  SeiLus ,  fiU  de  Tarquin- 
le-Superbe,  va  consulter  Apollon,  il  Delphes,  sur  sa  destinée. 
Apollon  lui  prédit  qu'il  violera  Lucrèce  ;  Seitus  se  plaint  de  It 
prëdiciion  ;  Apollon  répond  que  ce  n'est  pas  su  faute ,  qu'il  n'ett 
qae  devin ,  que  Jupiter  3  tout  réglé ,  el  que  c'est  i  Inï  qu'il  faut 
le  plaindre. 

Lh  Ua\t  le  dialogue,  où  l'on  voit  que  Valla  sauve  la  prescience  Je 
Dieu  aux  dépensde  sa  bonté;  mais  ce  n'est  pas  11  comme  H.  Leib— 
nitz  l'eniend  ;  il  a  coniinué  selon  son  système  la  fiction  de  Valla. 

Seitus  va  ï  Dodone  se  plaindre  !t  Jupiter  du  crime  auquel  il 
Mt  destiné;  Jupiter  lui  répond  qu'il  n'a  qu'à  ne  point  aller  ï 
Rome;  mais  Se\lus  déclare  neltemcnt  qu'il  ne  peut  renoncer  ï 
l'espérance  d'être  roi ,  el  s'en  va. 

Après  son  dépari,  le  grand-prèlre Théodore  demande  i  Jupiter 
pourquoi  il  n'a  pas  donné  une  autra  volonté  à  Sextus.  Jupiter  en- 
voie Ttiéodore  ï  Athènes  consulter  Minerve;  elle  lui  montre  le 
palais  des  Dcsiiaées,o(i  sont  les  lablcani  de  tous  les  univers  pos' 
libles ,  depuis  le  pire  jusqu'au  meilleur.  Tliéudore  voit  daos  le 
meilleur  le  crime  de  Sextus ,  d'uii  natt  la  liberté  de  Home  ,  un 
gouvernement  fécond  en  vertus,  un  empire  utile  ï  une  grande 
partie  du  genre  humain.  I 

Ces  avantages  qui  naissent  du  crime  de  Sextus  librement  vi- 
cieux ne  sont  rien  eu  comparaison  du  loial  de  ce  monde ,  si  nuui 
pouvions  le  connaître  dans  toute  son  étendue  '- 

{  VII. —  Répante  du  P.  Ualebraache  auj:  difflculléi  de  U.  Bayle. 

Le  V.  Boubours,  dans  sa  Vie  de  saint  François  Xavier,  raconte 

qu'un  bonzefît  au  saint  des  dlflicultés  sur  l'origine  du  mal.  Iji 

.  P.  BouLours  expose  ces  difGcultés,  et  dit  que  le  saint  réduisît  le 

LfcOBU  lu  silence  par  d'excellentes  raisons  dont  il  ne  rapporte  au- 


■  Essais  de  TbéodictV,  parL  3,  n,  iOSctsuîv.  On  Ironvcces  mPmes 
principes  dans  un  pclil  écril  qui  est  a  la  lin  lies  Essois  du  Thémlk-ée, 
sous  ce  lilrc  :  Causa  Dei  ossoila  pcr  ju<tiiiam, 


14a  MAN 

Un  des  amis  du  P.  Malebranche,  embarrassé  par  Tobjeclion  du 
bonze,  à  laquelle  il  ne  voyait  point  de  réponse,  pria  le  P.  Maie- 
branche  de  le  tirer  d*embarras,  et  le  P.  Malebranche  donna  Tob- 
jectionetla  réponse  dans  ses  Conversations  chrétiennes  ^ 

G>mme  le  P.  Malebranche  remarqua  que  ces  difficultés  avaient 
fait  une  impression  assez  forte  sur  plusieurs  esprits,  il  entreprit 
de  justifier  la  Providence  et  de  faire  voir  que  Dieu  est  infiniment 
saget  infiniment  juste,  infiniment  bon,  et  quUl  fait  aux  hommes 
tout  le  bien  quMl  peut  leur  faire  *. 

Lorsque  le  Dictionnaire  de  M.  Bayle  parut,  les  difficultés  contre 
la  bonté  de  Dieu  firent  beaucoup  de  bruit,  et  le  P.  Malebranche 
ne  fit  qu'appliquer  à  ces  difficultés  les  principes  qu*il  avait  établis 
dans  ses  Conversations  chrétiennes  et  dans  son  Traité  de  la  nature 
et  de  la  grâce. 

Dieu  étant  un  être  souverainement  parfait,  il  aime  Tordre,  il 
aime  les  choses  à  proportion  qu'elles  sont  aimables  ;  il  s'aime  par 
conséquent  lui-même  et  s'aime  d'un  amour  infini. 

Dieu  n'a  donc  pu,  dans  la  création  du  monde,  se  proposer  pour 
fin  principale  que  sa  gloire. 

Le  monde  et  toutes  les  créatures  étant  finis,  il  n'y  aurait  entre 
toutes  les  créatures  possibles  et  la  gloire  de  Dieu  aucun  rapport  ; 
il  ne  se  serait  donc  jamais  déterminé  à  créer  le  monde,  s'il  n'y 
avait  eu  un  moyen  de  donuer  en  quelque  sorte  à  ce  monde  un  mé- 
rite infini,  et  ce  moyen  est  l'incarnation  du  Verbe,  qui  donne  aux 
hommages  de  la  créature  un  prix  infini. 

L'incarnation  est  donc  l'objet  que  Dieu  s'est  proposé  dans  la 
création  du  monde. 

Le  péché  de  l'homme  n'étant  point  contraire  à  l'incarnation,  la 
sagesse  de  Dieu  n'exigeait  point  qu'il  ftt  une  loi  particulière  pour 
prévenir  le  péché  de  l'homme  ;  et  tout  ce  qu'on  peut  conclure, 
mais  aussi  ce  qu'on  doit  nécessairement  conclure  delà  permission 
du  péché  d'Adam,  c'est  que  le  premier  et  le  principal  dessein  de 
Dieu  n'était  pas  son  ouvrage  tel  qu'il  était  dans  sa  première  in- 
stitution, mais  que  Dieu  en  avait  en  vue  un  autre  plus  parfait  et 
digne  de  sa  sagesse  et  de  ses  attributs. 

Ainsi  la  foi  dénoue  la  difficulté,  et  Tobjection  se  tourne  en 
preuve  de  la  vérité  de  la  religion  ;  car  la  religion  chrétienne  sup- 

A  Réflexion  sur  la  prémot.  physique,  p.  925, 
'  Traité  de  la  nature  et  de  la  grftce. 


I 


MAN 


H7 


pose  r  in  «I  ruai  ion  du  Verhe;  elle  nous  apprend  que  Jésu^-Cbrist 
et  son  %lise  eslle  premier  et  le  principal  dessein  de  Dieu. 

Comme  Dieu  est  infinimenl  sage  et  coaime  la  sagesse  veut  que 
chaque  Sire  agisse  conformémeut  ï  sa  nature,  Dieu  doîl  exprimer 
dans  sa  conduite  le  jugement  iiu'il  porte  de  lui-même  ;  il  ne  doit 
donc  pas  agir  pir  des  volooliSs  particulières,  mais  par  des  volontés 
générales,  parce  que  Dieu,  agigsanlpardes  volontés  particulières, 
agirait  comme  t'U  n'avait  pas  prévu  les  suites  de  son  action  et 
comme  si  son  bonheur  et  sa  gloire  dépendaient  d'un  petit  événe- 
ment particulier. 

La  bonté  de  Dieu  n'eiîgeaîl  donc  pas  qu'il  prévint  tous  lea 
mallieiirs  des  créatures,  puisque  ces  malbeurssont  des  suites  des 
lois  générales  que  sa  sagesse  a  établies  et  que  la  bonté  de  DicQ 
n'eiigeait  rien  qui  fAt  contraire  ï  sa  sagesse. 

Dieu  n*a  pas  seulement  établi  des  lois  générales  pour  la  distri- 

bation  des  mouvemeos,  il  a  dO  suivre  des  lois  généralei  dans  la 

distribution  des  grSees  et  des  secours  qu'il  destinait  aux  honimM. 

La  sagesse  ei  la  bonté  de  Dieu  n'exigeaient  donc  point  qu'il  pré- 

tIqI  tous  les  désordres  de  l'homme  et  toutes  les  suites  de  son  p^ 

I  dié,  soit  dans  cette  vio,  soit  dans  l'autre. 

■      Pour  rendre  tous  les  hommes  iimocens  et  veriueui,  il  aurtft  | 

^ûiHu  que  Dieu,  dans  la  distribution  des  grices,  ioterroniplt  I 

lois  générales  et  suivit  des  lois  particulières  ;  il  fallait  qu'il  agft 

d'une  manière  iodipe  de  lui  et  contraire  i  ses  ailribuls. 

De  ces  principes  le  P.  Malebranche  conclut  que  Dieu  fait  i  ses 
créatures  tout  le  bien  qu'il  peut  leur  Taire,  non  absolument,  mais 
agissant  selon  ce  qu'il  est,  selon  la  Traie  et  invariable  justice; 
qu'il  veut  sincèrement  le  salut  de  tous  les  hommes  et  de  t'eurant 
même  qui  eit  dans  le  sein  de  sa  mère  * , 

Lea  principes  du  P,  Halebrnnche  sur  les  lois  générales  de  la 
Ulure  et  de  la  grke  ont  été  attaqués  par  U .  Aruaud  et  par  l'an* 
leur  de  la  Prémoiîon  pbjsique  *, 

*  ContersaL  chrétienne)  i  Traite  de  In  nature  et  de  la  grïce  ;  Rè- 
flalan  sur  la  prémotton  pb)'sique.  Abr^é  du  traité  de  la  nature  et  de 
1*  grlce,  L  a  des  Réponses  ï  H.  Arnaud. 

■Béflex.  pbiloa.  et  Ihéol.  sur  le  traité  de  [a  nature  et  de  la  grâce, 

,  B  wl,  iB-lï.  De  l'aclion  de  Dieu  sur  tes  créatures ,  etc. ,  in-d",  ou  six 

L  fn-13. 

.a  question  de  l'oiiginc  du  mal  a  été  traitée  dans  une  InGnlté  d'on< 

ngcti  dons  lesquels  on  ne  lait  qu'appliquer  les  dljlércni  prlncipei 


148  MÂR 

MARC  était  disciple  de  Valeutin  :  il  fit  dans  le  système  de  son 
maître  quelques  changemens  peu  considérables  et  peu  imporlans. 

Ce  que  saint  Irénée  nous  dit  de  ces  changemens  ne  s*accorde 
pas  avec  ce  que  Pbilastrius  et  Théodoret  nous  en  ont  laissé  ; 
peut-être  Philastrius  et  Théodoret  nous  ont-ils  donné  le  senti- 
ment de  quelque  disciple  de  Marc  pour  le  sentiment  de  Marc 
même. 

Le  sentiment  que  saint  Irénée  attribue  k  Marc  paraît  fondé  sur 
les  principes  de  la  cabale,  qui  suppose  des  vertus  attachées  aux 
mots  ;  et,  selon  Pbilastrius  et  Théodoret,  la  doctrine  de  Marc  pa- 
raissait fondée  sur  cette  espèce  de  théologie  arithmétique  dont  on 
était  fort  entêté  dans  le  second  et  dans  le  troisième  siècle  :  il  est 
du  moins  certain  qu*il  y  avait  des  Yalcnliniens  qui,  diaprés  les 
principes  de  la  cabale,  supposaient  trente  Ëons,  et  d'autres  qui 
n'en  supposaient  que  vingt-quatre  et  qui  fondaient  leur  sentiment 
sur  ce  qu'il  y  avait  dans  les  nombres  une  vertu  particulière  qui 
dirigeait  la  fécondité  des  Ëons. 

L'exposition  des  principes  de  ces  deux  sortes  de  Yalentiniens 
peut  servir  à  l'histoire  des  égaremens  de  l'esprit  humain. 

Valenlin  supposait  dans  le  monde  un  esprit  éternel  et  infini 
qui  avait  produit  la  pensée  ;  celle-ci  avait  produit  un  esprit  ;  alors 
l'esprit  et  la  pensée  avaient  produit  d'autres  êtres  ;  en  sorte  que, 
pour  la  production  de  ses  Ëons,  Valenlin  faisait  toujours  concou- 
rir plusieurs  Ëons,  et  ce  concours  était  ce  qu'on  appelait  le  ma- 
riage des  Éons. 

Marc ,  considérant  que  le  premier  principe  n'était  ni  mâle  ni 
femelle  et  qu'il  était  seul  avant  la  production  des  Ëons,  jugea 
qu'il  était  capable  de  produire  par  lui-même  tous  les  êtres,  et 
abandonna  cette  longue  suite  de  mariages  des  Ëons  que  Yalentin 
avait  imaginés.  Il  jugea  que  l'Être  suprême  étant  seul,  n'avait 
produit  d'autres  êtres  que  par  l'expression  de  sa  volonté  ;  c'est 
ainsi  que  la  Genèse  nous  représente  Dieu  créant  le  monde  ;  il  dit  : 

que  nous  avons  exposés.  Voyez  le  recueil  des  sermons  pour  la  fonda- 
tion de  M.  Boy  le;  Cosmologia  sacra,  par  M.  Grew,  1.  6.  Ce  sixième 
livre  contient  d^excellentes  choses  sur  les  fins  de  la  Providence,  sur  la 
loi  naturelle,  etc.  ;  mais  il  serait  trop  long  d*exposer  ces  principes  dans 
un  ouvrage  où  je  me  propose  principalement  de  faire  connaître  les  bons 
ouvrages  que  l'on  doit  consulter:  on  doit  mettre  dans  cette  classe 
l'ouvrage  de  M.  le  vicomte  d'Alais  sur  Torigine  du  mal* 


B>>< 


l'Que  1^  luioière  se  Tasse,  et  ta  lumiËre  se  fait.  Ci 

uoS€ei  ea  prononçant,  pour  ainsi  dire,  certains  mots  que  1' 
tuftime  anit  produit  des  èlres  distingués  de  lui. 

Ces  niOlE  D'étaieut  point  des  sons  vagues  et  dont  la  signiiication 
ftt  arbitraire;  car  alors  il  n'aurait  pas  produit  un  être  plutCll 
qu'un  autre  ;  les  mots  que  l'Etre  suprême  prononça  pour  créer 
des  êtres  hors  de  lui  exprimaient  donc  ces  êtres,  et  la  prononcia- 
tion de  ces  mois  ayail  la  force  de  lea  produire. 

Ainsi  l'Ëire  suprême,  a;f  ani  loulu  produire  un  être  semblable  k 
Jiti,  avait  prononça  le  mol  qui  exprime  l'essence  de  cet  être,  el 
ce  mol  eal  arch/,  c'est-â-dire  principe. 

Comme  les  mots  avaient  une  force  productrice  et  que  les  mots 
étjiieol  composi^de  lettres,  les  lettres  de  l'alplmbet  renrermaieiit 
■nsM  une  force  productrice  et  essentiellement  productrice  ;  eulin, 
comme  tous  les  mots  n'étaient  formés  que  par  les  conibinaisons 
des  lettres  de  l'alphabel,  Marc  concluait  que  les  v ingt- quatre  le i- 
de  l'alphabet  renrermaieni  toutes  les  forces,  toutes  les  qualh  J 
H  toutes  les  vertus  possibles,  et  c'était  pour  cela  que  Jêsu»> 
si  avait  dit  qu'il  était  Valpha  cl  l'oméga.  , 

Puisque  les  leltrcs  avaient  chacune  une  force  productrice,  VZ~M 
[ire  suprême  avait  produit  immédiatement  autant  d'êtres  qu'il  avaïlj 

de  lettres.  Marc  prétendait  que,  selon  h  Genèse,  Diei 
avait  prononcé  quatre  mois  qui  renfermaieul  trente  leltrcs,  aprtaf 
quoi  il  était,  pour  ainsi  dire,  rentré  dans  le  repos  dont  il  n'élaît 
sorti  que  pour  produire  des  êtres  distingués  de  lui-  De  Iti  Marc 
concluait  qu'il  y  avait  trente  Ëons  produits  immédiatement  par 
l'Être  suprême  et  auiiquels  rel  être  avait  abandon 


Voilii,  selon  taînl  Irênée,  quel  élait  le  sentiment  du  Valeniini 
lire. 


iupposait  que 


Selon  Philaslrius  et  Théodiiret,  Marc  faisait  aus 
les  ÈoBt  immédiatement  de  l'Ëlre  suprême,  mais  il 
l'£tre  suprême  n'en  avait  produit  que  vingt-quatre,  paici 
nombre  était  le  plus  parfait  :  voici,  ce  me  semble,  comment  Marc 
ou  quelqu'un  de  ses  disciples  Tut  conduit  ù  ce  sen^ment. 

Valeotin  avait  imaginé  les  Ëons  pour  expliquer  les  phénom^  I 
nés;  il  les  availmultipliés  selon  que  les  phénomènes  l'cxiiteaienl  :.' 
tes  disciples  avaient  usé  de  la  même  Ii1>errê,  les  uns  admettaienl  f 
trente  Ëons,  les  antres  huit  et  d'autres  un  nombre  indéGoi. 

Mais  enfin,  comme  le  nombre  des  phénomènes  élailencnul  linli  j 
13* 


160  MAlt 

il  fallait  s'arrêter  k  un  oeruin  nombre  d'Ëons,  et  Ton  ne  voyait 
pas  pourquoi  la  puissance  des  Éods  n*étant  point  épuisée  *par  la 
production  des  phénomènes,  leur  fécondité  s*était  arrêtée  tout  k 
coup  et  s'était  renfermée,  pour  ainsi  dire,  dans  les  limites  du 
monde. 

Marc  jugea  que  ce  nombre  plaisait  auxÉons,  ou  qu*il  était  plus 
propre  à  produire  dans  la  nature  Tordre  et  Tharmonie,  ou  enfin 
que  les  Ëons  étaient  déterminés  par  leur  nature  à  ce  nombre  de 
productions,  et  il  crut  qu*il  y  atait  dans  les  nombres  une  perfec- 
tion qui  déterminait  et  réglait  la  fécondité  des  Ëons  ou  qui  limi- 
tait leur  puissance. 

D*après  ces  idées,  on  jugea  qu*il  fallait  déterminer  le  nombre 
des  Ëons,  non  par  le  besoin  qu*on  en  avait  pour  expliquer  les  phé- 
nomènes, mais  par  cette  idée  de  vertu  ou  de  perfection  qu^on  avait 
imaginée  attachée  aux  nçmbres,  et  Ton  avait  imaginé  plus  ou 
moins  d'Éons,  selon  qu*on  avait  cru  qu*un  nombre  était  plus  ou 
moins  parfait  qu'un  autre. 

On  voit,  par  les  fragmens  d'Héracléon  que  M.  Grabe  a  extraits 
d'Origène,  que  celte  espèce  de  théologie  arithmétique  avait  été 
adoptée  par  les  Yalentiniens,  et  ce  fut  d'après  ces  principes  que 
Marc  borna  le  nombre  des  Ëons  à  vingt-quatre.  Voici  comment  il 
fut  déterminé  à  n'en,  admettre  que  ce  nombre. 

Chez  les  Grecs,  c'étaient  les  lettres  de  l'alphabet  qui  expri- 
maient les  nombres  ;  ainsi  l'expression  de  tous  les  nombres  possi- 
bles éuit  renfermée  dans  les  lettres  de  l'alphabet  grec  :  Marc  en 
conclut  que  ce  nombre  était  le  plus  parfait  des  nombres  et  que 
c'était  pour  cela  que  Jésus-Christ  avait  dit  qu'il  était  aîpha  et 
oméga  ;  ce  qui  supposait  que  ce  nombre  renfermait  toutes  les  per- 
fections et  toutes  les  vertus  possibles.  Marc  ne  douta  donc  plus 
qu'il  n'eût  démontré  que  le  nombre  des  Ëons  qui  produisaient  tout 
dans  le  monde  était  de  vingt-quatre  * . 

Marc  n'avait  pas  seulement  cru  découvrir  qu'il  y  avait  vingt- 
quatre  Éons  qui  gouvernaient  le  monde  ;  il  avait  encore  cru  décou- 
vrir dans  les  nombres  une  force  capable  de  déterminer  la  puis- 
sance des  Ëons  et  d'opérer  par  leur  moyen  tous  les  prodiges 
possibles  ;  il  ne  fallait  pour  cela  que  découvrir  les  nombres  à  la 
vertu  desquels  les  Ëons  ne  pouvaient  résister.  Il  porta  tous  les 
efforts  de  son  esprit  vers  cet  objet,  et,  n'ayant  pu  trouver^dans  les 

*  Philaslr.,  De  hser.,  c.  Ii2.  Théodoret,  Hxr.  Fab.,  1. 1,  c  9. 


■  MAA  I5t  1 

nombres  les  Tertus  qu'il  y  avait  supposées,  il  êut  l'an  d'opérer 
quelques  plifnouièaes  singuliers  qu'il  Qt  passer  pour  tlea  miracles. 
11  Iroiiva,  par  eiLemple,  le  secret  de  cLanger  aui  )'eui  des  spec- 
Uleurs  le  <ln  qui  sert  an  sacrifice  de  b  meGae  en  sang  :  il  avait 
deux  vues,  un  plus  grand  et  un  plus  petit,  il  mettait  le  vin  de 
tiné  11  la  célébration  du  sacriGce  dans  le  petit  rase  et  raisait  ui 
priftre;  uo  insiiot  aprâi,  In  liqueur  bouillounait  dans  le  grand  ^ 

^Tase,  et  l'on  y  voyait  du  sang  au  lieu  de  viu. 
Ce  fase  n'était  apparemment  que  ce  qu*ou  appelle  communé- 
ment la  fontaine  des  noces  de  Cana  ;  c'est  un  vase  dans  lequel  on 
verse  de  l'eau  ;  l'eau  versée  fait  monter  du  viu  que  l'on  a  mis  au- 
paravant dans  M  vase  et  dont  11  se  remplit. 

Comme  Marc  ne  faisait  pas  connaître  le  mécanisme  de  son  granj  ] 
vase,  ou  crojait  qu'en  effet  l'tau  s'y  changeait  eu  sang,  et  Ton  \ 
regarda  ce  changement  comme  un  miracle. 

Marc,  ayant  trouvé  le  secret  de  persuader  qu'il  changeait  le  vUj 
en  sang,  prétendait  qu'il  avait  la  plénitude  du  sacerdoce  et  qu'Ai 
en  possédait  seul  le  caractère. 

tLes  femmes  les  plus  illustres,  les  plus  riches  et  les  pins  belles, 
•dmiraîenl  la  puissance  de  Harc  :  il  leur  dit  qu'il  avait  le  pou- 
TDÎr  de  leur  communiquer  le  don  des  miracles,  elles  voulurent 
essayer  :  Marc  leur  fit  verser  du  vin  du  petit  vase  dans  le  grand  et 
prondnçail  pendant  cette  transfusion  la  pritre  suivante  :  Que  la 
grict  de  Vituqaieit  avant  toute»  ekvtn  cl  qu'on  nepeut  ni  eoneevoir 
ni  erpliqair  pfrfeelioitne  en  iwui  l'humme  iHlMeur  ;  qu'elle  avi/- 
mtnUiaeûBnaiiianceen  jelanl  legrainileKmettceiar  labenne  terre. 
A  peine  Marc  avait  prononcé  ces  paroles ,  que  la  liqueur  qnî 
était  dans  le  calice  bouillonnait ,  el  le  sang  contait  et  remplissait 
le  vase.  La  prosélyte,  étonnée,  croyait  avoir  fait  un  miracle; 
elle  était  transportée  de  joie,  elle  s*agilait ,  se  troublait,  s'écluuf- 
fahjusqu'ï  la  l\ireur,  croyait  être  remplie  du  Saint-Esprit,  et 
prophétisait. 

Marc ,  proGtanl  de  ces  dernières  impressions ,  disait  b  sa  prn- 
sâyte  que  la  source  de  la  grlce  était  en  lui ,  et  qu'il  la  commu- 
niquait dans  toute  sa  plénitude  ï  celles  i  qui  il  voulait  la  com- 
mnoiquer  ;  on  ne  doutait  pas  du  pouvoir  de  Marc  ,  et  il  avait  lu 
,  liberté  de  choisir  les  moyens  qu'il  croyait  propres  à  la  commu- 

■  EpiplL,llaEr,  SB, 


152^  MAR 

Toutes  les  femmes  riches,  belles  et  illustres,  s'attachèrent  à 
Marc ,  et  sa  secte  fit  des  progrès  étonnans  dans  TAsie  et  le  long 
du  RIiône  où  elle  était  encore  fort  considérable  du  temps  de  saint 
Irénée  et  de  saint  Épiphane  ;  c'est  apparemment  pour  cela  que  saint 
Iréuée  a  traité  Thérésie  des  Valentiniens  avec  tant  d'étendue  *. 

Pour  préparer  les  femmes  k  la  réception  du  Saint-Esprit ,  Marc 
leur  faisait  prendre  des  potions  propres  à  inspirer  aux  femmes 
des  dispositions  favorables  k  ses  passions  *. 

Les  disciples  de  Marc  perpétuèrent  sa  doctrine  par  le  moyen 
des  prestiges  et  par  la  licence  de  leur  morale  et  de  leurs  mœurs  : 
ils  enseignaient  que  tout  était  permis  aux  disciples  de  Marc ,  et 
persuadèrent  qu'avec  certaines  invocations  ils  pouvaient  se  rendre 
invisibles  et  impalpables.  Ce  dernier  prestige  paratt  avoir  été  en- 
seigné pour  calmer  les  craintes  de  quelques  femmes  qu'un  reste 
de  pudeur  empêchait  de  se  livrer  sans  discrétion  aux  Marcosiens. 
Saint  Irénée  nous  a  conservé  une  prière  qu'ils  faisaient  au  silence 
avant  que  de  s'abandonner  à  la  débauche,  et  ils  étaient  persuadés 
qu'après  cette  prière  le  silence  et  la  sagesse  étendaient  sur  eux 
un  voile  impénétrable  ^. 

Marc  n'était  point  prêtre ,  et ,  voulant  s'ingérer  dans  les  fonc^ 
tions  du  sacerdoce ,  il  inventa  le  moyen  de  faire  croire  qu'il  chan- 
geait le  vin  en  sang.  Le  dogme  de  la  transsubstantiation  était 
donc  établi  alors  dans  toute  l'Église ,  et  faisait  partie  de  sa  doc- 
trine et  de  son  culte;  car  si  l'on  n'avait  pas  cru  que,  par  les  pa- 
roles de  la  consécration ,  le  vin  devenait  le  sang  de  Jésus-Christ , 
le  Valentinien  Marc ,  pour  prouver  qu'il  avait  l'excellence  du  sa- 
cerdoce, n'aurait  pas  cherché  le  moyen  de  changer  le  vin  en  sang. 

Si  Ton  avait  cru  que  reucharistie  n'était  qu'un  symbole ,  Marc 
n'aurait  point  cherché  à  faire  croire  qu'il  était  prêtre  parce  qu'il 
changeait  ces  symboles  en  d'autres  corps  ;  il  se  serait  servi  de  ce 
secret  pour  prouver  qu'il  avait  le  don  des  miracles,  et  non  pas 
pour  prouver  qu'il  avait  l'excellence  du  sacerdoce. 

Marc  le  Valentinien  est  différent  du  Marc  dont  les  erreurs  occa- 
sionèrent  en  Espagne  la  secte  des  Priscilianistes  :  saint  Jérême  les 
a  confondus'*. 

^  Epipb.,  îbid.;  Iracn.,  ibid. 

3  Irsn.,  ibid. 

>  Irxn,  ibid. 

^  Corn.  ad.  Isa!.,  àk.  Pagi,  ad  an.  881. 


MAR 


153  1 


Vujei,  sur  le  svitcmo  i|ue  Marc  imagina ,  les  articles  Cabale, 

BaSILIUE,  PtRe»S.' 

MARCOSIENS,  disciples  de  Marc. 

MAItClON  fut  d'abord  un  clir^tien  zl'K-  ;  une  TalLIesie  daDB  ] 
laquelle  il  tomba  le  Bt  eieommuaieT.  Marcion,  chassé  de  l'Ë-    | 
glise,  s'attacba  ù  Cerdon ,  apprit  de  lui  le  sjsième  des  deux  prin- 
cipes, qu'il  allia  avec  quelques  dogmes  du  cbrielianisme  el  aveo 
les  idées  de  la  philosophie  p^ihagoricienne ,  plalonicieatic  M 


Pvihagore,  Platon  et  les  Stoïciens  avaient  reconnudans  l'homme 
un  mélange  de  force  et  de  faiblesse ,  de  grandeur  et  de  bassesse , 
de  misère  et  de  bonbcur,  qui  les  avait  déterminés  k  supposer  que 
l'âme  humaine  tirait  son  origiue  d'une  intelligence  sage  et  bien- 
faisante; maïs  que  cette  Smc  ,  dégradée  de  sa  diguilé  naturelle 
on  entraînée  par  la  loi  du  destin,  s'unissait  k  lu  matière  et  restait 
enchaînée  dans  des  organes  grossiers  et  terrestres. 
_      Ofl  avait  de  la  peine  i  concevoir  comment  ces  âmes  avaient  pu 
uc  dégrader,  ou  ce  que  ce  pouvait  être  que  ce  destin  qui  les  unis* 
'Wtiila  matière  :  on  n'imaginait  pas  aisément  comment  une  simple    ' 
force  motrice  avait  pu  produire  des  organes  qui  enveloppaient  les 
5mes ,  comme  les  Sloiciens  l'enselgnuient ,  ni  comment  on  pouvait 
supposer  que  l'Intelligence  suprême,  connaissant  la  dignité  de 
l'âme,  avait  pu  former  les  organes  dans  lesquels  elle  était  enve- 
loppée. 

Les  cbrétiens.qul  supposaient  que  l'Intelligence  suprême  avait  ' 
créé  l'homme  heureux  et  innocent ,  et  que  l'homme  f  tait  devenu 
coupable  el  s'était  avili  par  sa  propre  faute ,  ne  satisfaisaient  pai 
la  raison  sur  ces  dlfQcultés;  car,  1'  on  ne  voyait  pas  comment 
l'Imelligence  suprême  avait  pu  unir  une  substance  spirituelle  ï  un 
corps  terrestre. 

2*  Il  paraissait  absurde  de  dire  que  cette  InicUigeace  étant  în- 

fmiment  sage  et  touie  -  puissante  n'eitt  pas  prévu  el  emptehé  la 

chuie  de  l'homme  et  ne  J'edl  pas  conservé  dans  l'état  d'Innocence 

_  dans  lequel  il  avait  été  L-réé ,  et  dans  lequel  elle  voulait  qu'il  per- 

'  érérât. 

■  HarciOD  cml  que  Cerdon  fournissait  des  réponses  beaucoup 
4  satisfaisantes  ù  ces  grandes  difQcullés. 


L  conlr.  Marcion.  Irxn.,  I.  1,  c.  il.  Ma's 


I,  DisscrI,  PratT.  Bd 


164  MAR 

Ordoii  supposait  que  rintelligence  suprême  à  laquelle  Tâme 
devait  son  existence  était  diflérente  du  Dieu  créateur  qui  avait 
formé  le  monde  et  le  corps  de  Thomme  :  il  crut  pouvoir  concilier 
avec  œ  systèmes  les  principes  de  Pythagore  et  les  dogmes  fon~ 
damentaui  du  christianisme. 

11  supposa  que  Thomme  était  Toutrage  de  deux  principes  oppo- 
sés ;  que  son  âme  était  Une  émanation  deTétre  bienfaisant,  et  son 
eorps  Touvrage  d*un  principe  malfaisant  :  voici  comment,  d*après 
ces  idées ,  il  forma  son  système. 

11  y  a  deux  principes  étemels  et  nécessaire^  :  un  essentielle- 
ment bon  et  Tautre  essentiellement  mauvais  ;  le  principe  essen- 
tiellement bon,  pour  communiquer  son  bonheur,  a  fait  sortir  de  son 
sein  une  multitude  d*esprits  ou  dHntelligences  éclairées  et  heu- 
reuses; le  mauvais  principe,  pour  troubler  leur  bonheur,  a  créé 
la  matière,  produit  les  élémens  et  façonné  des  organes  dans  les- 
quels il  a  enchaîné  les  âmes  qui  sortaient  du  sein  de  rintelligence 
bienfaisante  :  il  les  a,  par  ce  moyen,  assujéties  à  mille  maux  ;  mais 
comme  il  n*a  pu  détruire  Tactivité  que  les  &mes  ont  reçue  de  rin- 
telligence bienfaisante ,  ni  leur  former  des  organes  et  des  corps 
inaltérables ,  il  a  tÂché  de  les  fixer  sous  son  empire  en  leur  don- 
nant des  lois  ;  il  leur  a  proposé  des  récompenses ,  il  les  a  mena- 
cées des  plus  grands  maux,  afin  de  les  tenir  attachées  à  la  terre  et 
de  les  empêcher  de  se  réunir  à  rintelligence  bienfaisante*. 

L*histoire  même  de  Moïse  ne  permet  pas  d*en  douter  ;  toutes  les 
lois  des  Juifs  ,  les  chàtimens  qu*ils  craignent ,  les  récompenses 
qtt*ils  espèrent  tendent  k  les  stlacher  à  la  terre  et  à  faire  oublier 
aux  hommes  leur  origine  et  leur  destination. 

Pour  dissiper  Tillusiou  dans  laquelle  le  principe  créateur  du 
monde  tenait  les  hommes ,  rintelligence  bienfaisante  avait  revêtu 
Jésus-Christ  des  apparences  deThumanité,  et  Tavait  envoyé  sur 
la  terre  pour  apprendre  aux  hommes  que  leur  tme  vient  du  ciel  » 
et  qu'elle  ne  peut  être  heureuse  qu*en  se  réunissant  à  son  prin- 
cipe. 

Ciomme  l*Être  créateur  n*avait  pu  dépouiller  Hme  de  Tactivité 
qu*elle  avait  reçue  de  rintelligence  bienfaisante ,  les  hommes  de- 
▼aient  et  pouvaient  s*occuper  à  combattre  tous  les  penchans  qui  les 
attachent  à  la  terre.  Marclon  condamna  donc  tous  les  plabir^qui 

*  Inro.,  ibld.  Massttet,  ibld.  Tert.  eontr.  Marclon.  Or!genian«i  t  S| 
p.  93. 


MAR 


IG£ 


n'étaient  pas  purement  spiriiueU  ;  il  lit  de  la  continence  un  devoir 
essentiel  ei  indispeasablc i  le  mariage  étail  un  criuc.et  il  i]aii> 
naît  le  buplêoie  plusieurs  fois  '. 

Uarciuii  prétendait  prouver  la  vérité  de  son  sjgitine  pnries  prin- 
cipes miaie  du  cbristiaiiisme ,  et  hire  voir  que  le  créulcur  iviït 
tous  les  ciiraclëres  du  mauvais  principe. 

Il  p  ré  tMidait  faire  vuir  une  opposition  essentiel  la  onire  l'ancien 
ei  le  nouveau  Teslameat,  prouver  que  ces  ditrârcnces  «iippMii(!nt 
ipr^n  elTcl l'ancien  et  le  nouveau  Teklamenl  avaient  deux  principes 
dirréreos,  doDll'uD  étail esseoliellement bon  ul  l'autre easeatielle- 

CoLle  doctrine  étail  la  seule  vraie,  selon  llarcion;  et  il  ajonii, 
relrancha ,  cbangeu  dans  le  nouveau  Teslameat  tout  ce  (|ui  pa- 
raissait combattre  son  lijpoihèse  des  deui  principes  *, 

Uareion  enseignait  sa  doctrine  avec  beaucoup  de  chaleur  cl  de 
véliéineace  ;  il  se  fit  beaucoup  de  disciples  :  celle  opposition  qiM 
Marciou  prétendait  trouver  entre  le  Dieu  de  l'ancien  Testament 
et  celui  du  nouveau  séduitit  beaucoup  de  inonde.  Il  jouisMit 
d'une  grande  considération  ;  ses  disciples  crojraieni  que  lui 
seul  connaissait  la  vérité ,  et  n'avaient  que  du  ni(''pris  pour  Ions 
ceui  qui  n'admiraieni  pas  Marcion  et  qui  ne  pensaient  pas 
comme  lui  :  il  semble  qu'il  ail  porté  et  établi  sa  ducirîne  dans  , 
la  Perse  *. 

Les  disciples  de  Marcion  avaient  un  grand  mépris  pour  la  vie 
ei  une  grande  aversion  pour  le  Dieu  créateur.  Ttiéoduret  a  connu 
un  Uarcionile  Igé  de  quatre-vingt-dix  ans  qui  était  pénétré  de 
b  plus  vive  douleur  toutes  les  fois  que  le  besoin  de  se  nourrir 
l'obligeait  t  oser  des  productions  du  Dieu  créateur  :  lu  nécessité 
de  manger  des  fruits  que  ce  créateur  faisait  naître  était  une  bu- 
miliatiun  it   laquelle  le  Marcionile  noaagén:ilre  n'avait  pu  s'ac- 


Les  Marciaoîles  étaient  tellement  pénétrés  de  la  digoilé  de 
leur  ime,  i[u'its  couraieut  au  marljrc  cl  recherchai  en  I  la  mort 

VTett  adversùs  Uarc  &  19.  Ep,  lIa>T.,  iS.VoMïus,  Dist.  debaplismOi  ' 

'  Les  rallions  de  Marcion  lïtaient  déduites  fort  au  long  dans  un  litrQ 
luli  les  Contndicliiins. 

ITen.lr«n.  Epipb.,  ibid,  Aurclius,  nol.  inTeri, 
«Justin.  Apol,  Kplpli.,  iliid. 


156  MâR 

comme  It  fin  de  leur  avilissement ,  et  le  commencement  de  leur 
gloire  et  de  leur  liberté  *. 

Les  catholiques,  qui  attaquaient  les  Marcionites  dans  leurs  prin- 
cipes mêmes,  et  qui,  comme  on  le  voit  dans  Tertullien,  leur  prou- 
vaient que  dans  leur  propre  système  le  mal  et  le  bien  étaient  im- 
possibles ;  les  catholiques,  dis-je,  en  combattant  les  Marcionites  , 
les  obligèrent  de  varier  et  d'admettre  tantôt  un,  tantôt  deux,  tan- 
tôt trois  principes.  Appelle  n*en  admettait  qu*un  seul  ;  Potitus  et 
Basiliscus  en  admettaient  trois,  le  bon,  le  juste  et  le  méchant. 

Marcion  avait  concilié  son  système  avec  les  principes  des  Va- 
lentiniens  sur  la  production  des,  esprits  ou  des  Éons ,  et  il  avait 
adopté  quelques  principes  de  la  magie;  du  moins  son  système  n*y 
était  pas  opposé  *. 

Il  eutbeaucoup  de  disciples,  parmi  lesquels  plusieurs  furent  cé- 
lèbres :  tels  furent  Appelle,  Potitus,  Basiliscus,  Prépon,  Pithon , 
Blastus  et  Théodotion  '. 

Réfutation  de»  principes  de  Marcion  et  des  difficultés  de  M,  Bayle 
contre  les  réponses  de  Tertullien  à  Marcion. 

Les  difficultés  des  Marcionites  se  réduisent  à  trois  chefs  :  1« 
Timpossibilité  quMl  y  ait  du  mal  sous  un  seul  principe  ;  2*  ils  pré- 
tendaient que  le  Dieu  de  Tancien  Testament  était  mauvais  ;  3»  ils 
soutenaient  que  Jésus-Christ  était  venu  pour  détruire  Touvrage 
du  Dieu  de  Tancien  Testament ,  ce  qui  suppose  nécessairement 
que  Tancien  et  le  nouveau  Testament  sont  Touvrage  de  deux  prin- 
cipes opposés. 

M.  Bayle  a  beaucoup  fait  valoir  la  première  difficulté  de  Mar- 
cion, et  n*a  pas  craint  de  dire  que  les  Pères  Tout  mal  résolue. 

^  Théodore!,  Hsret.  Fab.,  1.  2,  c«  24*  Eusèb.,  1.  5,  c  15  ;  1.  A,  c.  16. 
Eusèbe  cite  l'exemple  d*un  Marcionlte  qui  avait  été  attaché  vif  à  un 
poteau  avec  des  clous  et  brûlé  Vit,  Jurieu  a  contesté  ces  faits  sans  au- 
cune raison  :  il  a  cru,  à  son  ordinaire,  suppléer  aux  preuves  par  Tem- 
portcment  et  par  les  injures.  Maimbourg,  Bayle,  ont  très-bien  relevé 
ses  bévues.  Voyez  Maimbourg,  Hist.  du  Calvin.,  l.*i,  p.  83.  HisL  du 
pontif.  de  S.  Grég.,  1.  4.  Ferrand,  Rép.  à  Tapologie  de  Jurieu.  Bayle, 
art.  Mabcion,  note  E. 

>  Greg.  Naz.,  or.  A  in  Pentecost  Ittigius,  De  hxr.,  c.7.  Tert,  loc.  cit. 

>  Eusèb.,  1.  5,  c.  13,  Tbéodoret,  Haeret,  Fab.,  1, 1,  c  25.  Epiph., 
Hier.  44.  Aug.,  c.  33f 


ir  ce  Père  ruine 


I  MAR 

F      11  faut  que  H.  Bajie  n'ait  pas  luTcrluUien  ,  c: 
sbsoluuteDt  le  principe  TondanienUl  de  Harcion. 

Voua  reconnaissez  ,  avec  lout  le  monde  ,  diL-il  1  Harcion,  et  il 
faut  nécessairement  feconouUrR  un  èlro  éiernel ,  sans  commenco- 
ment  et  sans  bornes  dans  su  durée ,  dans  sa  puii^sanee  el  dans  ses 
perreclions  ;  c'est  donc  une  conlradiclion  que  d'en  suppoacf  deux 
qui  se  contredisent  sans  cesse  et  qui  détruisent  sans  cesse  leur  ou- 
Tfage. 

Le  monde,  que  l'on  attribue  au  mauvais  principe,  renferme  des 
traits  débouté  aussi  incompatibles  avec  la  naiuredu  mauvais  prin- 
cipe que  les  niaux  qu'on  ;  observe  sont  contraires  ï  la  nature  du 
bon  principe. 

L'ancien  Testament  même ,  que  les  Harcioniles  regardaient 
comme  l'onvrage  du  mauvais  principe ,  était  plein  de  ces  traits  de 
bonté.  le  ne  veux  pas  la  mort  du  péchenr,  dit  Dieu;  est-ce  que  je 
souhaite  que  le  pécbeur  meure  î  ne  souhaité-je  pas  qu'il  vive  eta 
qu'il  se  convertisse  ?.Le  principe  bienfaisant  ne  rejette-t-il  pas  lui-   . 
mCme  les  impies  dans  le  nouveau  Testament?  Pourquoi  ce  priit-  1 
cipe  i-i-il  tardé  si  long-temps  à  secourir  le  genre  humain,  s'il  est   ' 
Traï  qu'il  soîl  bon  et  tout-puissant ,  el  qu'un  principe  essentielle- 
ment bon  et  tout-puissant  produise  nécessairement  tout  le  bien 
qu'il  peut  produire? 

Ainsi,  dans  les  principes  mêmedea  Uarcionites,  le  Dieu  bon  ne 
fait  pas  tout  le  bien  qu'il  peut  faire  ,  et  il  punit  queliiuefois  les  J 
crimes  :  or,  tous  les  maux  que  le  Dieu  créateur  fait  dans  l'ancien  M 
Testament  sont  des  cbfttîmens  de  cette  espèce.  M 

_     Hais  si  le  principe  bienfaisant  est  tout-puiasant  et  maître  absolu    ' 
bêla  nature,  pourquoi,  disait  Marc  ion,  a-t-il  permis  que  l'homme 
^béchit!  n'est-il  pas  ignorjut  s'il  ne  l'a  pas  prévu,  ou  méclianl  si, 
Payant  pt^vu,  il  ne  l'a  pas  empêché? 

L'élre  bienfaisant,  répond  TeriuUien,  a  pu  vouloir  que  l'homme 
loi  rendu  un  hommage  libre,  et  qu'il  méritït  librement  les  récom- 
penses qu'il  destinait  à  la  vertu.  Il  a  créé  l'homme  dans  une  par- 
bite  liberté  :  ce  plan  n'avait  rien  que  de  conforme  ï  la  bonté  de 
L  Dieu,  et  ce  plan  une  fois  arrêté,  Dieu  ■  prévu  la  chute  de  l'homme,     . 
l'K  n'a  pas  dû  dépouiller  l'homme  de  sa  liberté  pour  prévenir  si 
!■  «faute.  ! 

W     U.  Bavic  a  prétendu  que  \es  Marcioniies  n'avaient  pas  su  faire 
MiKicrIa  principale  machine delcurKjstème.  •  On  ne  voit  pas,  dil- 
k»  il,  qu'ils  [loussasscnt  les  difOcultês  sur  l'origine  du  mal  ;  car  il    i 
I  U.  >•  ] 


iS4  MAR 

lembU  que  »  dès  qu*oii  leur  répondait  que  le  mul  était  venu  du 
mauvais  usage  du  franc  arbitre  de  Tbomme,  ils  ne  savaient  plus 
que  répliquer,  ou  que  s*ils  faisaient  quelque  résistance  sur  la 
permission  de  ce  pernicieux  usage ,  ils  se  payaient  de  la  pre* 
mière  réponse,  quelque  faible  qu'elle  fût. 
»  Origène,  ayant  répondu  qu'une  créature  intelligente  qui  n'eût 
pas  joui  du  libre  arbitre  aurait  été  immuable  et  immortelle 
comme  Dieu,  ferme  la  boucbe  au  Marcionite,  car  celui-ci  ne  ré- 
plique rien. 

f  11  était  pourtant  bien  facile  de  réfuter  cette  réponse  :  il  ne  fal- 
lait que  demander  à  Origène  si  les  bienheureux  du  paradis  sont 
égaux  à  Dieu  dans  les  attributs  de  l'immutabilité  et  de  l'immor- 
talité ;  il  eût  répondu  sans  doute  que  non  ;  par  conséquent, 
lui  aurait-on  répliqué  ,  une  créature  ne  devient  point  Dieu  dès 
qu'elle  est  déterminée  au  bien  et  privée  de  ce  que  vous  appelez 
le  franc  arbitre  ;  vous  ne  satisfaites  donc  point  à  l'objection,  car 
on  vous  demandait  pourquoi  Dieu ,  ayant  prévu  que  la  créature 
pécherait  si  elle  était  abandonnée  à  sa  bonne  foi ,  ne  l'a  point 
tournée  du  côté  du  bien  comme  il  y  tourne  continuellement 
les  âmes  des  bienheureux  dans  le  paradis. 
•  Vous  répondez  d'une  manière  qui  fait  connaître  que  vous  pré- 
tendez qu'on  vous  demande  pourquoi  Dieu  n'a  pas  donné  à  la 
créature  uu  être  aussi  immuable ,  aussi  indépendant  qu'il  l'est 
lui-même.  Jamais  ou  n'a  prétendu  vous  faire  cette  demande. 

>  Saint  Basile  a  fait  une  autre  réponse  qui  a  le  même  défaut  : 
Dieu  ,  dit-il ,  n'a  point  voulu  que  nous  l'aimassions  par  force, 
et  nous-mêmes  nous  ne  croyons  pas  que  nos  valets  soient  affec- 
tionnés à  notre  service  pendant  que  nous  les  tenons  à  la  chaîne , 
mais  seulement  lorsqu'ils  obéissent  de  bon  gré. 

>  Pour  convaincre  saint  Basile  que  cette  pensée  estlrès-fausse, 
il  ne  faut  que  le  faire  souvenir  de  l'état  du  paradis  :  Dieu  y  est 
aimé,  Dieu  y  est  servi  parfaitement  bien,  et  cependant  les  bien- 
heureux n'y  jouissent  pas  du  franc  arbitre  ;  ils  n'ont  pas  le  fu- 
neste privilège  de  pouvoir  pécher  *.  > 

Pous  sentir  l'injustice ,  et  j'ose  dire  la  faiblesse  des  diflicultéf» 
de  M.  Bayle,  il  ne  faut  que  réfléchir  sur  l'état  de  la  question  qui 
partageait  les  catholiques  et  les  Marcionites. 

Les  Marcionites  prétendaient  qu'il  répugnait  à  la  nature  de 


<  Bayle,  art,  Mâbcioii,  note  F, 


MAR 
[  Dieu  de  produire  une  ci-é:ilur(!  capuble  de 
I  Ortgène  répond  que  riiomme  n'était  point  essentiel leme ni  ïin- 
Inunble  puisqu'il  n'était  point  Dieu,  que  pir  conséquent  ilnerè- 
■.  h  sa  nature  d'î-ire  capable  de  pécher,  ni  a  la  bonté  de 
u  de  le  créer  «acbani  qu'il  abuserait  de  sa  liberté. 
Voili  le  fond  de  la  question;  le  Uardonite,  dans  les  dialogues 
d'Origène ,  j  va  aussi  bien  que  H .  Bajie ,  et  Adamance  1  bien 
résolu  la  dilQcuItâ  ;  car  si  l'homme  n'est  p»s  Immuable  par  sa  na- 
ture ,  Dieu  a  pu ,  saut  injustice  et  sans  mécbanceté  ,  le  créer  ca- 
pable de  pécher  et  sachant  même  qu'il  pécherait  :  la  justke  et  U 
bonté  n'exigent  pas  qu'on  donne  !t  un  être  toutes  les  perfeclions 
possibles ,  ni  même  toutes  celles  dont  il  est  susceptible,  ou  qu'on 
Lk  garJUlisse  de  tous  les  malheurs;  mais  qu'il  n'en  soudl-e  pas  qui 
,  ou  des  suites  de  sa  nature ,  ou  des  elTels  de  sa  propre 
Idipravation. 

~       '  ileUarcionite  auratt-îl  répliquée  Adamance que  ,  pour 

Itoe  impeccable,  il  n'est  pas  nécessaire  d'être  immuable  par  sa  na- 

■larc  ,  puisque  les  bienheureux  sont  impec<rahles  et  ne  sont  point 

'ttmoables. 

Adamance  lui  aurait  répondu  que  l'exemple  des  bienheunot 
I  prouie  bieu  que  Dieu  peui  faire  des  créatures  impeccables 

11  pas  qu'il  n'en  peut  faire  de  capables  de  pécher, 
[iloule  la  question. 

La  réponse  de  saint  Basile  n'est  pas  mïem  attaquée  par 
~  ijle.  Saint  Basile  soutient  qu'il  n'est  point  indigne  de  DirU 
Ffc  vouloir  que  les  hommes  se  portent  librement  à  lui,  ni  par  con- 
lé<]ueni  d'établir  un  ordre  de  choses  dans  lequel  l'homme  fut 
Ubre.et  dans  lequel  Dieu  préîlt  que  l'homme  pécherait;  l'exemple 
des  bienheureux  prouve  tout  au  plus,  comme  je  l'ai  dit,  que  Dieu 
aorail  pu  produire  des  créatures  déterminées  intariablemenl  S  la 
vertu,  et  non  pas  qu'il  ne  peut  les  créer  libres. 

•  Mais,  dit  M.  Bajle,  c'est  par  un  cflet  de  la  grâce  que  les  »* 
■  (ans  de  Dieu ,  dans  l'état  de  voyageurs ,  je  veux  dire  dans  0( 

•  iDonde,  aiment  leur  père  céleste  et  produi.^enl  de  bonnes  ceuvrei. 

•  La  grlce  de  Dieu  réduit-elle  les  iidËles  i  la  condiilou  d'un  es- 

•  cIiTC  qui  n'obéit  que  par  force  î  empéche-i-elle  qu'ils  n'aiment 

•  Dieu  Tolon  taire  ment  et  qu'ils  ne  lui  obéissent  d'une  Franche  el 
mé  lincire  tolonté?  Si  on  eût  fait  celte  question  ï  saint  Basile  el 
|v  aux  autres  Pères  qui  réfutaient  les  Marcioniles,  n'enssent-ila 

>  pas  été  obligés  de  répondre  négïtivemenl  f  Hais  quelle  est  la 


enheumt^^^H 
maW^^^H 
éuSS^^^I 

aouée  oar  [ 


^ 


160 


HAR 


>  consé<{ueDce  naturelle  et  immédiate  d*ane  pareille  réponse? 
»  N'est-ce  pas  de  dire  que ,  sans  offenser  la  liberté  de  la  créature, 
»  Dieu  peut  la  tourner  infailliblement  du  côté  du  bien?  Le  péché 
»  n*est  donc  pas  Tenu  de  ce  que  le  créateur  n'aurait  pu  le  prévenir 
»  sans  ruiner  la  liberté  de  la  créature;  il  faut  donc  chercher  une 
»  autre  cause. 

•  On  ne  peut  comprendre ,  ni  que  les  Pères  de  FËglise  n'aient 
»  pas  vu  la  faiblesse  de  ce  qu'ils  répondaient ,  ni  que  leurs  ad- 
»  versaires  ne  les  en  aient  pas  avertis.  Je  sais  bien  que  ces  matières 

>  n'avaient  pas  encore  passé  par  toutes  les  discussions  que  l'on  a 

>  vues  au  seizième  et  au  dix-septième  siècle;  mais  il  est  sûr{que  la 
»  primitive  Église  a  connu  distinctement  l'accord  de  la  liberté 
»  humaine  avec  la  grâce  du  Saint-Esprit.  Les  sectes  chrétiennes 
»  les  plus  rigides  reconnaissent  aujourd'hui  que  les  décrets  de 
»  Dieu  n'ont  point  imposé  au  premier  homme  la  nécessité  de  pé- 
»  cher,  et  que  la  grâce  la  plus  efiicace  n'ôte  point  la  liberté  à 
»  l'homme  ;  on  avoue  donc  que  le  décret  de  conserver  le  genre 
»  humain  constamment  et  invariablement  dans  l'innocence ,  quel- 
»  que  absolu  qu'il  eût  été ,  aurait  permis  à  tous  les  hommes  de 
»  remplir  librement  tous  leurs  devoirs  ^.  > 

C'est  toujours  le  même  vice  qui  règne  dans  les  difficultés  de 
M.  Bayle  :  il  prouve  bien  que  Dieu  pouvait  conserver  l'homme 
librement  et  infailliblement  dans  l'innocence  ;  mais  il  ne  prouve 
pas  qu'il  répugne  à  la  bonté  de  Dieu  d'établir  un  ordre  de  choses 
dans  lequel  il  n'accordât  point  à  l'homme  de  ces  secours  qui  le 
font  persévérer  infailliblement  et  librement  dans  le  bien ,  et  c'est 
là  ce  qui  était  en  question  entre  les  Marcionites  et  les  catholiques: 
ces  difficultés  si  formidables  que  M.  Bayle  aurait  fournies  aux 
Marcionites  ne  sont  donc  que  des  sophismes  qui  n'auraient  pas 
embarrassé  les  Pères. 

Les  Marcionites  prétendaient  que  l'ancien  Testament  nous  re- 
présente le  Créateur  comme  un  être  malfaisant,  parce  qu'il  punit 
les  Israélites ,  parce  qu'il  leur  commande  de  faire  la  guerre  aux 
nations  voisines  et  de  détruire  des  nations  entières. 

Mais,  dans  la  supposition  que  Dieu  ait  voulu  que  l'homme  fût 
libre,  était-il  contraire  à  sa  bonté  qu'il  puntt  le  crime?  N'est-il 
pas  possible  que  tout  ce  qui  est  arrivé  au  peuple  juif,  et  les 
guerres  qu'il  a  faites,  aient  entré  dans  le  plan  que  l'intelligence 

'  Bayle,  ibid.»  note  G. 


I  MÂT  IBI 

goprémc  a  formé  ?  Oui  peut  Mïoir  si  les  guerres  des  Juifs  ne  len- 
(leoi  pis  i  h  ûa  que  Dieu  s'est  proposée? 

EqIîii  ,  je  dis  qu'il  n'y  a  point  d'nppoiiitioa  enta'  l'ancien  et  le 
nouveau  Testament  :  les  luis  de  l'aucien  Testament  sont  aemm- 
woilées  au  cnraclËre  des  Juifs  et  aux  circonsiaocea  daas  le»- 
quelles  la  terre  se  trouvait  alors.  La  loi  judaïque  n'était  que 
t'oiubre  et  la  iignre  de  la  religion  cliréiienne  ;  ce  n'est  poiut  une 
contradiction  d'anéantir  la  loi  ll){urntivc ,  lorsque  les  temps  mar- 
quas par  la  Providence  pour  la  naissance  du  christianienie  sont 
arrivés. 

La  nature  de  cet  ouvrage  ne  permet  pas  d'entrer  dans  le  dii~ 
tail  des  contrariétés   que  les  Marcionilea  prétendaient  trouver 
entre  l'ancien  et  le  nouveau  Testament.  Je  remarquerai  seulement 
que  la  plupart  des  diBcullés  répnndues  dans  les  ouvrages  mo- 
dernes contre  la  religion  ne  sont  que  dijs  répétitions  de  ces  diffi- 
cultés qui  ont  été  pleinement  résolues  par  les  Pères ,  et  qui  sont   i 
irès^bien  expliquées  dans  les  commentateurs  anciens  et  i 
dcroes,  et  entre  autres  dans  Tertullienconire  Marcion,  1.  4  et  S,  | 
U>VSBOTll£E ,  disciple  de  Simon ,  fut  un  des  sept  hérétiques  1 
qui  corrompirent  les  premiers  U  pureté  de  la  foi  ;  il  niait  la  PriK  ] 
YÏdeace  et  la  résurrection  des  moris.  (  TItéodorel,  nmret.  Fab,, 
1,  1,  c.  1;  CemIU.  apott.,  1.  6,  c,  G;  Eiiieb.,  Biil.ecelei„l.  i» 
c22.) 
L  MATÉRIALISTES  ou  Matériels.  C'est  le  nom  que  Tertullien 
pilonnait  i  ceux  qui  croyaient  que  l'âme  soi'taït  du  sein  de  la  fat- 


s'était  jeté  dans  c 
h  bonté  de  Dieu  les  malheurs  et  I 
que  li's  désordres  pbysiques.  Voi/fis  cet  article. 

L'Iiabitude  dans  laquelle  sont  presque  tous  les  hommes  de 
n'admettre  que  ce  qu'ils  peuvent  imaginer  dispose  en  faveur  de 
celte  erreur;  on  prétend  mêmerappnyer  xurlea  suffrages  d'faommes 
respectables  par  leurs  lumières  et  par  leur  attachement  pour  la 
religion .  qui ,  craignant  de  donner  des  bornes  i  la  puissance  di- 
vine, ont  cru  qu'on  ne  devait  point  assurer  que  Dieu  ne  pouvait 
élever  la  matière  jusqu'i  la  faculté  de  penser  ;  tels  sont  Loke, 
..Fabricius,  etc.  *. 


a  religionis  asie- 


162  iMAT 

11  n'en  a  pas  fallu  davantage  pour  ériger  le  Matérialisme  en 
opinion ,  et  c*est  sous  ce  masque  de  scepticisme  qu*il  s^offire  com- 
manément  aujourd'hui. 

Je  dis  communément ,  car  il  y  a  des  Matérialistes  qui  sont  al- 
lés beaucoup  plus  loin  que  Loke  et  Fabricius ,  et  qui  ont  pré- 
tendu que  la  doctrine  de  Timmatérialité ,  de  la  simplicité  et 
de  rindivisibilité  de  la  substance  qui  pense  est  un  véritable 
athéisme,  uniquement  propre  à  fournir  des  appuis  au  Spino- 
sisme  ^. 

Nous  allons  opposer  à  ces  Matérialistes  deux  choses  :  1*  que 
le  Matérialisme  n*est  pas  un  sentiment  probable  ;  2*  que  Tim- 
matérialité  de  Tâme  est  une  vérité  démontrée. 

i  I*— L«  MatérialiMie  tCett  pas  un  êentiment  probable. 

LoriMiue  nous  apercevons  une  chose  immédiatement  où  que 
nous  voyons  un  objet  qui  est  lié  nécessairement  avec  cette  Chose  f 
nous  avons  certitude  qu'elle  est  :  ainsi ,  j'aperçois  immédiate* 
ment  le  rapport  qui  est  entre  deux  fois  deux  et  quatre ,  et  j'ai 
certitude  que  deux  fois  deux  font  quatre. 

De  même ,  je  vois  un  homme  couché ,  les  yeux  fermés  et  sans 
mouvement ,  mais  je  vois  qu'il  respire ,  et  je  suis  sûr  qu'il  vit  ^ 
parce  que  la  respiration  est  liée  nécessairement  avec  la  vie. 

Si  je  voyais  cet  homme  couché,  sans  mouvement  et  sans  respi- 
ration ,  le  visage  p&le  et  défiguré,  je  serais  porté  à  croire  que  cet 
homme  est  mort,  mais  je  n'en  aurais  point  de  certitude,  parce 
que  la  respiration  de  cet  homme  pourrait  être  insensible  et  pour- 
tant suffisante  pour  le  faire  vivre ,  et  que  la  pâleur  ou  la  maigreur 
n'est  pas  liée  nécessairement  avec  la  mort.  Je  serais  donc  porté  à 
croire  que  cet  homme  est  mort ,  mais  je  n'en  serais  pas  sûr ,  et 
non  jugement  sur  la  mort  de  cet  homme  ne  serait  que  probable, 
e'e8t-4-dire  que  je  verrais  quelque  chose  qui  pourrait  être  l'effet 
de  la  mort ,  mais  qui  pourrait  aussi  venir  d'une  autre  cause ,  et 
qui,  par  conséquent ,  ne  me  rend  pas  certain  de  sa  mort;  elle 
n'est  que  probable. 

Ainsi ,  la  probabilité  tient  le  milieu  entre  la  certitude,  où  nous 

^  Traité  sur  la  nature  humaine ,  dans  lequel  on  essaie  d'introduire  la 
«étkode  de  raisonner  par  expérience  dans  les  mjeu  de  morale^  t,  i, 
part.  4>  secU  5. 


i 


MAT  ISS 

■'nmiadcnn  lieu  de  douter  d'une  chose,  n  l'ignorance  absolue, 
dins lai|aelle  nous  n'avons  aucunt'  raiBan  de  la  croire. 

Vne  cljose  esl  donc  desliluée  de  tuule  probabilité  lorsque  nous 
b'ivohs  aucune  raison  de  la  croire. 

Les  raisons  de  croire  une  chose  se  tirent  de  la  nature  m^me 
it  cette  chose,  de  nos  eipéricncea,  de  nos  observations,  ouen- 
Sn  de  l'opinion  el  du  témoignage  des  autres  hommes,  et  cel 
hommes  sont,  dans  la  question  présente,  les  philosophes  ou  lei 
Pères  de  TEglise ,  dont  les  Matérialistes  se  font  un  appui ,  et 
par  lesiiuels  ils  prétendent  pronrer  qu'avant  le  quilriËme  siècle  on 

avait  point  dans  l'Église  d'idée  nette  de  la  spiritualité  de  rime. 


On  ne  trouve  rien  dani  la  nature  ùu  dam  Vettence  de  ta  matière 
qui  aatOTite  à  juger  qu'elle  peut  peiuer. 

!•  Nous  ne  voyons  point  dans  l'essence  de  la  matière  qu'eltfl 
doive  penser,  ni  dans  la  nature  de  la  pensée  qu'elle  doive  être 
matérielle;  car  il  serait  aussi  évident  que  la  matière  pense  qu'il 

^a■t  évident  que  deux  et  deni  font  quatre  ;  il  serait  aussi  éTidenl 
^'un  tronc  d'arbre,  qu'un  morceau  de  marbre  pense,  qu'il  eil 
i^ident  qu'il  est  étendu  el  solide,  absurdité  qu'aucun  HatérialisM 
■'■  jusqu'ici  osé  avancer. 

S*  Nous  ne  voyons  point  dans  la  nature  do  la  matière  qu'elle 
puisse  penser,  car  pour  cela  il  Taudrait  que  nous  connussions 
ibns  la  matière  quelque  attribut  ou  quelque  propriété  qui  eût  de 
l'inalogîe  itcc  la  pensée  ;  ce  qui  n'est  pas. 

is  connaissons  clairement  dans  la  matière  se  ré- 
t  et  ï  la  ligure  :  or,  nous  ne  vojons  dans  Ig 
is  la  iigure  aucune  analogie  avec  la  pensée  ;  c«r 
Rangent  point  la  nature  ou  l'essence 
jmnie  nous  ne  voyons  point  d'analogie  entre 
'6  de  la  matière ,  nous  n'en  pouTons  voir  entre 
la  pensée  et  la  matière  en  mouvement ,  ou  G);urée  d'une  certaine 
manière.  La  pensée  est  une  alTection  intérieure  de  l'être  pensant; 
le  mouTement  ou  la  figure  ne  changent  rien  dans  les  affectloos  in- 
térieures de  la  matière  ;  ainsi  l'on  ne  voit  entre  le  mouvement  de 
b  matière  et  la  pensée  aucune  analogie. 

De  bonne  Toi,  quelle  analogie  voil-on  entre  la  figure  carrée  os 
ronde  que  l'oa  donne  à  un  bloc  de  marbre  et  le  sentiment  inlé* 
lieor  de  ptaisir  ou  de  douleur  dont  l'ime  est  afTeciée? 


Tout 
duil  au 
mouvement  oi 
la  figure  et  le 
de  la  matière 
b  pensée  et  Is 


: 


164  MAT 

Le  jugement  par  lequel  je  prononce  qu*un  globe  d'un  pied  est 
différent  d*nn  cube  de  deux  pieds  est-il  un  carré ,  un  cube ,  un 
mouvement  prompt  ou  lent? 

Il  est  donc  certain  que  nous  ne  voyons  dans  la  matière  aucune 
propriété,  aucun  attribut  qui  ait  quelque  analogie  ou  quelque  rap- 
port avec  la  pensée;  ainsi  nous  ne  voyons,  dans  la  nature  ou  dans 
Tessence  de  la  matière ,  aucune  raison  qui  nous  autorise  à  croire 
qu'elle  peut  penser. 

Mais,  dit-on,  la  découverte  de  Tattraction  ne  peut-elle  pas 
faire  soupçonner  qu'il  peut  y  avoir  dans  la  matière  quelque  pro- 
priété inconnue,  telle  que  la  faculté  de  sentir? 

Je  réponds  à  ceux  qui  font  cette  difficulté  : 

1*  Que  Newton  n*a  jamais  regardé  Tatlraction  comme  une  pro- 
priété de  la  matière,  mais  comme  une  loi  générale  de  la  nature, 
par  laquelle  Dieu  avait  établi  qu'un  corps  s'approcherait  d'un 
autre  corps. 

2*  Les  Newtoniens,  qui  ont  regardé  l'attraction  comme  une 
propriété  de  la  matière,  n'ont  jusqu'ici  pu  en  donner  aucune  idée. 

3"*  Des  philosophes  qui  font  profession  de  ne  croire  que  ce  qu'ils 
voient  clairement  et  qui  prétendent  n'admettre  comme  vrai  que  ce 
qui  est  fondé  sur  des  faits  certains ,  tombent  dans  une  contradic- 
tion manifeste  lorsqu'ils  admettent  dans  la  matière  une  propriété 
dont  ils  n'ont  aucune  idée,  et  qui,  selon  Newton  même,  n'est 
pas  nécessaire  pour  expliquer  les  phénomènes. 

^o  Je  dis  que  l'attraction ,  regardée  comme  propriété  essentielle 
de  la  matière,  est  une  absurdité;  car  cette  attraction  est  une  force 
motrice  inhérente  et  essentielle  à  la  matière,  en  sorte  qu'elle  se 
trouverait  dans  une  masse  de  matière  qui  serait  seule  daus  l'uni- 
vers; ou  elle  est  une  force  motrice  qui  se  produit  ou  qui  naît 
dans  la  matière  par  la  présence  d'uD  autre  corps. 

L'attraction  n'est  point  une  force  motrice  essentielle  à  la  ma- 
tière, de  manière  qu'elle  se  trouve  nécessairement  dans  un  corps 
qui  serait  seul  dans  l'univers  ;  car  toute  force  motrice  tendant  vers 
un  lieu  déterminé,  ce  corps  au  milieu  du  vide  Newtonien  devrait 
tendre  vers  un  lieu  plutôt  que  vers  un  autre,  ce  qui  est  absurde , 
puisque  l'attraction,  considérée  comme  propriété  essentielle  de 
la  matière,  ne  tend  pas  plutôt  vers  un  lieu  que  vers  un  autre  ;  c'est 
donc  dire  une  absurdité  que  d'avancer  que  l'attraction  est  une 
propriété  essentielle  de  la  matière. 

On  ne  peut  dire  non  plus  que  l'attraction  soit  une  force  motrice 


MAT    ■  105 

qui  naisse  dans  la  maliùre,  ii  la  présence  d'un  aniro  corps;  car 
deui  corps  qu'on  inel  en  présence,  elquineseluucLent  point,  n'é- 
prouvent iDcun  changement  et  ne  peuTt^nl  par  conséquent  ac- 
quérir par  leur  priJsetice  une  fnrce  motrice  qu'ils  n'avaietil  pus. 

L'allraciion  n'esi  dooc,  ni  un  altrîbut  essentiel  de  la  matière, 
iii  même  une  proprii^lé  qu'elle  puisse  acquérir  :  c'est ,  comme 
NeivtoD  le  pensait ,  une  loi  générale  par  laquelle  Dieu  a  établi 
que  (leuicorpsiendraientl'un  vers  l'autre;  l'allraction  n'est  donc 
que  le  mouvement  d'un  corps  ou  sa  lendnnce  vers  un  lieu ,  el 
celle    tendance  n'a  pas  plus  d'analogie  arec  la  pensée  que  tout 

Que  l'on  juge  prtisenlement  si  l'attraction  que  Newton  a  décou- 
Terltt  peut  faire  soupçonner  que  la  matière  pourrait  devenir  ca- 
pable de  seoiir,  et  si  ceux  qui  le  prétendent  n'ont  pas  fondé  celle 
assertion  sur  un  mol  qu'ils  n'entendaient  pas ,  et  sur  une  pro- 
priété  chimérique  de  la  matière  1 

Ainsi  nous  ne  trouvons  dans  la  nature  ou  dans  l'essence  de  la 
matière  aucune  raison  de  juger  qu'elle  peut  penser. 

^2■  Nulle  expirienet  ne  nniu  autorite  h  crvire  que  la  maliire 
'  puisse  penter. 

Les  observations  et  les  expériences  sur  lesquelles  on  appuîelu 
sentiment  qui  suppose  que  la  matière  peut  penser  se  réduisent  ï 
deux  cbef^i  :  1°  les  prodigieuses  dilTérences  que  produisent  dans 
l'borome  les  diFféreos  États  du  corps;  2°  les  observations  qui  ont 
appris  que  les  Gbres  des  chairs  contiennent  un  principe  de  mouve- 
^^iwnl  qui  n'est  point  distingué  de  la  libre  même. 
^K,  Hais  les  dlITérenccs  que  produisent  dans  les  opérations  do 
^^'Ime  les  dilTéreos  états  du  corps  prouvent  bien  que  l'Jme  esL 
Unie  au  corps,  et  non  pas  qu'elle  soit  corporelle,  puisque  ces 
cbangemens  de  l'Ame,  arrivés  par  les  changemens  qu'éprouve  le 
corps,  s'expliquent  dans  le  senlîmenl  qui  suppose  l' immatérialité 
de  rime,  el  que  le  Matérialisme  est  encore  sur  cet  objet  moins  sa- 
tisfaisant que  le  sentiment  qni  suppose  l'Ame  immatérielle. 

Je  conçois  ces  changemens  dans  les  opérations  de  l'Ame ,  lors- 
que je  suppose  que  l'âme  forme  elle-même  ses  idées,  par  le  mojen 
ou  ï  l'occasion  des  impressions  qu'elle  reçoit. 
Hais  les  changemens  que  l'Âme  éprouve  sont  impossibles  si  la 
KpenséeestuDepropriélé  esseolielle  de  la  matière  ;  car  aloralouiea 


166  *    MAT 

mes  pensées  doivent  naître  du  fond  même  de  la  matière ,  et  les 
changemens  qui  environnent  la  portion  de  matière  qui  est  mon 
âme  ne  changeant  point  cette  portion  de  matière  ,  Tordre  de  ses 
idées  ne  doit  point  changer. 

De  quelque  manière  que  j*arrange  les  portions  de  matière  qui 
environnent  la  molécule  qui  pense  dans  mon  cerveau  ,  elle  sera 
toujours  intrinsèquement  ce  qu'elle  était ,  et  ses  affections  inté- 
rieures, ses  pensées ,  ne  doivent  point  éprouver  de  changement , 
si  elle  pense  essentiellement. 

I^s  Matérialistes  diront  peut-être  que  la  matière  ne  pense  pas 
essentiellement,  mais  qu'elle  acquiert  cette  faculté  par  Torganisa- 
tion  du  corps  humain.  Mais  alors  cette  organisation  n'est  néces- 
saire pour  que  la  matière  devienne  pensante,  que  parce  qu'elle 
transmet  au  siège  de  l'âme  les  impressions  des  corps  étrangers  ^ 
ou  les  coups  que  nos  organes  en  reçoivent;  et,  dans  ce  cas,  il  faut 
nécessairement  supposer  que  la  pensée  n'est  qu'un  coup  que  la 
matière  reçoit,  c'est-à-dire  que  la  matière  devient  pensante  lors- 
qu'elle reçoit  un  coup  :  ainsi  le  forgeron  qui  frappe  le  fét  fait  à 
chaque  coup  une  infinité  d'êtres  pensans.  Ce  n'est  point  ici  une 
conséquence  tirée  pour  rendre  le  Matérialisme  ridicule  ;  c'est  le 
fond  même  du  système ,  tel  queUobbes  l'a  conçu  et  défendu. 

Mais  peut-on  supposer  qu'un  coup  porté  sur  une  portion  de 
matière  en  fasse  un  être  pensant  ? 

Un  coup  porté  à  la  matière  ne  fait  que  la  pousser  vers  un  cer- 
tain c6té  ;  or,  la  matière  ne  peut  devenir  pensante,  parce  qu*elle 
tend  ou  parce  qu'elle  est  poussée  vers  un  certain  côté  ;  du  moins 
les  Matérialistes  ne  nieront  pas  qu'il  ne  peuvent  le  concevoir;  d'aîl-^ 
leurs  ,  je  leur  demande  quel  est  ce  côté  vers  lequel  il  faut  que  la 
matière  soit  poussée  pour  penser  ?  si  elle  cessera  de  penser,  lors- 
qu'elle sera  mue  en  sens  contraire  ?  N'est-il  pas  absurde  que  la 
matière,  mue  ou  poussée  vers  un  certain  côté,  devienne  pensante  f 

Quel  est  le  philosophe,  ou  du  Matérialiste  qui  admet  dans  la 
matière  une  qualité  et  une  propriété  qu'il  ne  peut  concevoir  et 
qu'il  n'y  peut  supposer  sans  être  conduit  à  des  absurdités,  ou  dd 
défenseur  de  l'immatérialité  de  l'âme ,  qui  refuse  de  reconnaîtra 
dans  la  matière  cette  même  propriété  ? 

2o  L'irritabilité  qu'on  a  découverte  dans  les  fibres  des  animaux 
est  un  principe  purement  mécanique ,  une  disposition  organique 
qui  produit  dans  les  fibres  des  vibrations  :  or,  cette  disposition 
méeânique  de  la  fibre  n'a  aucune  analogie  avec  la  pensée  ;  une 


m^- 


MAT  IdT 

poini  une  vibration  ,  gî  cela  éuii ,  un  coop  d'archet 
ou  la  main  qui  pince  la  corde  du  luth  produirait  une  inflnilé  de 
pi-riâées  dans  ces  cordes,  ou  plutAïune  infinité  d'êlres  pentans. 

ilae  les  Matérialistes  seraienicliarm^g  d'avoir  de  pareilles  con- 
séquences à  reproclieraui  dl^fenseurs  de  l'itnmal'^rLaliléde  l'Ame  1 
La  maiémlité  de  l'ime  est  donc  destituée  de  toute  pro habilita 
du  cfitii  de  l'e\périeuce  et  de  l'observation. 

r  ^  ifl  ttntimtnt  it»  pMotopket  qui  ont  eru  l'ilmt  corporttle  nt  forme 
^K  pal  uni  prvùebililt!  tu  faneur  du  Malérialltme. 

^~  Lorsqu'il  3*agit  de  faits  que  nous  ne  pouvons  voir,  le  lémoi- 
gnage  des  autres  hommes  est  h  source  de  la  probabililâ  ,  ei 
oiéme  de  la  cerLiludc.  Lorsqu'il  s'sgil  de  limples  opinions ,  leur 
sentiment  produit  une  aorte  de  probabilité  ,  parce  que  rien  n'é- 
tant sans  raison,  s'ils  ont  entendu  ce  qu'ils  disaient,  ilsont  étâ  dé- 
tenuinës  !i  leur  sentiment  par  quelque  raison  apparente, 

Uais  il  n'est  pas  moins  certain  que  la  probabilité  qui  natt  dfl 
leur  sentiment  dépend  dt  U  force  de  la  raison  qui  a  déterminé 
leur  jugement  :  eiaminons  dune  les  raisons  sur  lesquelles  les  phi- 
losophe» matérialistes  ont  appuyé  leur  sentiment, 

riusieurs  philosophes  ont  dit  que  l'ànie  était  matérielle  ou  cnr- 
poi'cllc;  mais  ils  n'ont  été  portés  ï  ce  sentiment  que  parce  qu'ils 
ne  pouvaient  imaginer  ni  une  substance  incorporelle  et  immaté- 
rielle, ni  comment  elle  pourrait  agir  sur  le  corps  :  or,  l'impossibi- 
lité d'imaginer  une  chose  n'est  pas  une  raison  de  la  croire  impos- 
sible, puisque,  dans  leur  Eeutinieni  même,  ou  ne  peut  imaginer 
ni  concevoir  comment  lii  matière  peut  penser;  et  c'est  pour  cela 
que  les  uns  regardaient  le  corps  dijns  lequel  rèiidait  la  faculté  do 
penser  comme  un  petit  corjis  citrèmcment  délié;  les  autres 
croient  que  c'était  le  sang  ,  d'autres  le  cu;ur,elc.  *. 

K Ces  philosophes  se  rapprochaient  autant  qu'ils  le  pouvaient  dâ 
natatérialilé  de  Vktae ,  lorsqu'ils  n'etaminaient  que  la  pensée , 
p>i(qil'ilr  regardaient  l'âme  comme  un  corps  de  la  deroiére  suli- 
liliid  1  ainsi  la  raison  les  élevait  i  l'immatérialité  de  l'ïme,  et  l'i- 
inagination  les  retenait  dans  le  Hatérialisnio  :  leur  suffrage  ne  fait 
iIoDo  eu  aucune  fai;on  une  probabilité  en  faveur  du  Matérialisme. 


I  Voyei  les  iliETércnlcs  ojiiii 


s  dc)  pliil< 


n Claîron,  De  legihui;  donsI'Uura.  du  Fatal., 


168  MAT 

J*08e  assurer  que  je  ne  serai  contredit  sur  ce  point  par  aucun  de 
ceux  qui ,  dans  la  lecture  des  anciens ,  se  sont  appliqués  à  suivre 
la  marche  de  l'esprit  humain  dans  la  recherche  de  la  vérité. 

M.  Loke,  plus  circonspect  que  les  anciens,  a  prétendu  que  l'é- 
tendue et  la  pensée  étant  deux  attributs  de  la  substance,  Dieu 
pouvait  communiquer  la  faculté  de  penser  à  la  même  substance  à 
laquelle  il  avait  communiqué  retendue. 

Mais  ,  i*"  ce  raisonnement  de  M.  Loke  ne  vaut  pas  mieux  que 
celui-ci  :  on  peut ,  dans  un  bloc  de  marbre,  former  un  cube  ou  un 
globe  ;  donc  le  même  morceau  de  marbre  peut  être  à  la  fois  rond 
et  carré.  Sophisme  pitoyable  ,  et  qui  ne  peut  rendre  intelligible 
la  possibilité  de  Tunion  de  la  pensée  et  de  Tétendue  dans  une 
même  substance. 

2*  11  est  certain  que  les  principes  de  M.  Loke  sur  la  possibilité 
de  Tunion  de  la  pensée  avec  la  matière  sont  absolument  contra- 
dictoires avec  ses  principes  sur  la  spiritualité  de  Dieu.  Or,  un 
homme  qui  se  contredit  ne  prouve  rien  en  faveur  des  sentimens 
contradictoires  qu*il  embrasse  ;  le  sentiment  de  M«  Loke  ne  fait 
donc  point  une  probabilité  en  faveur  du  matérialisme. 

Enfin,  si  la  matérialité  de  Tâme  a  eu  ses  partisans  ,  son  imma- 
térialité a  eu  ses  défenseurs  ;  donc  le  suffrage  forme  une  probabi- 
lité opposée  à  la  probabilité  que  produit ,  en  faveur  du  matéria- 
lisme, Tautorité  des  philosophes  matérialistes. 

Dans  ce  conflit  de  probabilités,  il  faut  comparer  les  autorités 
opposées,  et,  si  elles  sont  égales,  la  probabilité  que  Ton  prétend 
tirer  de  ces  autorités  est  nulle  ;  si  elles  sont  inégales,  on  retran- 
che la  plus  petite  de  la  plus  grande ,  et  c'est  Texcès  de  la  plus 
grande  sur  la  plus  petite  qui  détermine  la  probabilité. 

Comparons  donc  Tautorité  des  philosophes  partisans  de  Tim- 
matérialité  de  T&me  avec  Tautorité  des  philosophes  maté- 
rialistes. 

Je  trouve,  chez  les  anciens,  Platon,  Aristote,  Parménide,  etc.; 
parmi  les  modernes,  Bacon,  Gassendi,  Descartes,  Leibnitz,  Wolf, 
Clarke ,  Ëuler ,  etc. ,  qui  tous  ont  cru  Timmatérialité  de  râme,^t 
qui  ne  Tont  enseignée  qu'après  avoir  beaucoup  médité  cette  vé- 
rité, et  après  avoir  bien  pesé  toutes  les  difficultés  qui  la  combat- 
tent. Que  Ton  compare  avec  ces  suffrages  ceux  des  philosophes 
matérialistes,  et  que  Ton  prononce  en  faveur  de  qui  la  probabi- 
lité doit  rester. 

Nous  abandonnons  ce  calcul  à  l'équité  du  lecteur  ;  nous  ferons 


MAT  le»  ] 

lealeineDl  deux  inflexions  sot  ce  cunflU  d'opinions  des  Hat£ria> 
listes  et  des  pariisana  de  l'inimatérialité. 

1*  Les  phdosoplies  qui  ont  cru  l'Jme  matérielle  D'onlTait  que 
céder  au  penchant  qui  porio  les  hommes îi imaginer  tout,  et  ï  li 
paresse  qui  empêche  ta  rai&on  de  s'élever  au-dessus  des  sens.  II» 
n'avaient  pas  besoin  de  raison  pour  supposer  l'ïme  matérielle;  lia 
n'ont  pas  eu  besoin  d'examiner. 

i'  Au  contraire,  les  philosophes  qui  ont  cru  l'ime  immatérieila 
ont  vaincu  ces  obstacles  pour  éleicr  leur  esprit  jusqu'il  l'idée 
d'une  substance  simple  et  immatérielle. 

11  y  a  donc  beaucoup  d'apparence  qu'ils  ont  eu  de  forlearalsonB    ' 
pour  adopter  ce  sentiment,  et  qu'ils  n'y  ont  6l6  Torcés  que  pur  l'é- 
vidence ;  or,  quund  l'évidence  n'est  pas  entière,  l'imagination  el 
la  paresse  triomphent  des  elTorts  de  la  raison;  du  moins,  on  ne  peut 
contester  qne  les  philosophes  qui  ont  enseigné  l'immatérialité  de 
rimcn'aienteu  besoin,  dans  l'etumen  de  cette  matière,  de  faire 
beaucoup  plus  d'efforts  d'esprit  et  plus  d'usage  de  leur  raison 
que  les  philosophes  matérialistes.  I.a  présomption  est  donc  e 
Taveur  des  premiers;  et  un  homme  qui,  sur  cette  question, se  cor 
duinùt  par  voie  d'autorité  ,  ne  pourrait  plus ,  sans  absurdité,  s 
dëiermintr  eu  faveur  du  Malériallsme. 

Le*  Pères  ont  coinballa  le  Malérlalitme. 

Les  philosophes  qui  avaient  recherché  la  nature  de  l'âme  l'a-    j 
valent  envisagée  sous  des  rapports  tout  diflërens  ;  les  un;,  comme  i 
Anaximandre,  Anaiiméne ,  Leuoipe  ,  avaient  porté  leur  attention 
sur  les  effets  de  l'âme  dans  le  corps  humain  ,  et  ces  observations 
liireol  la  base  de  leur  systËme  sur  la  nature  de  l'Ame  ;  ils  ne  la 
crurent  qu'une  espère  de  force  motrice,  etjugËrent  qu'elle  était  un 

Lorsque  des  opérations  deTàme  sur  son  corps  ils  passaient  aux 
opérations  purement  intellectuelles,  ils  découvrirent  qu'elles  sup- 
jxjsuienl  un  principe  simple ,  immatériel ,  et  ils  firent  de  l'âme  un 
corps  le  plus  subtil  qu'ils  purent,  et  le  plus  approchant  de  la  si 
plicilé.  Démocrite  même  ne  put  s'empêcher  de  dire  que  la  Tacuiié  , 
de  penser  résidait  dans  un  atome ,  et  que  cet  atome  était  indivi- 
sible cl  si  m  pi  e- 
'  Les  Pythagoriciens,  au  contraire ,  qui  reconnaissaient  dans  la  ' 

t  Voyet  l'Eituneo  du  fatalisme,  I,  1,  seconde  époque. 


ITO  MAT 

iMimr0aiie  intelligence  suprême  et  immatérielle»  avaient  envisagé 
Tâme  dans  ses  opérations  parement  intellectuelles  ,  et  ils  avaient 
pensé  que  c'était  par  ces  opérations  qu'il  fallait  juger  de  la  nature 
deTàme  ;  et  comme  ces  opérations  supposent  évidemment  un  prin- 
cipe simple ,  ils  avaient  jugé  que  Tàme  était  une  substance  simple 
et  immatérielle. 

Mais  comme  cette  substance  était  unie  à  un  corps ,  et  qu'on  ne 
pouvait  méconnaître  son  inQuence  dans  les  dilTérens  mouvemens 
du  corps  humain,  on  lui  donna  un  petit  corps,  le  plus  subtil  qu'on 
put,  et  le  plus  approchant  de  la  simplicité  de  Tàme  :  ce  petit  corps, 
que  rimagination  ne  se  représentait  pas  distinctement ,  était  le 
corps  essentiel  de  Tàme  »  lequel  était  indivisible ,  et  dont  elle  ne 
se  séparait  jamais. 

Ce  petit  corps  uni  à  Tâme  était  pour  l'imagination  une  espèce 
de  point  d'appui  qui  l'empêchait  de  tomber  dans  le  matérialisme , 
et  de  se  révolter  contre  la  simplicité  de  l'âme,  que  la  pure  raison 
admettait. 

Mais  comme  ce  petit  corps  était  inséparable  de  l'âme,  et  qu'on 
n'imaginait  pas  comment  ce  petit  corps  si  subtil  pouvait  produire 
le  mouvement  du  corps  humain ,  on  enveloppa  ce  petit  corps  es- 
sentiel de  l'âme ,  on  Tenveloppa ,  dis-je ,  d'une  espèce  de  corps 
aérien,  plus  subtil  que  les  corps  grossiers,  et  qui  servait  de  moyen 
de  communication  entre  le  corps  essentiel  de  l'âme  et  les  organes 
grossiers  du  corps  humain. 

Voilà  l'espèce  d'échelle  par  laquelle  les  Platoniciens  faisaient 
descendre  l'âme  jusqu'au  corps  :  on  en  trouve  la  preuve  dans  le 
commentaire  d'Hiéroclès  sur  les  vers  d'or ,  et  dans  ce  que  dit 
Virgile  sur  l'étatdes  âmes  criminelles  aux  enfers,  c  Quelques-unes 

>  de  ces  âmes,  dit-il ,  sont  suspendues  et  exposées  aux  vents ,  et 

>  les  crimes  des  autres  sont  nettoyés  sous  un  vaste  gouffre,  ou  sont 
»  purgés  par  le  feu ,  jusqu'à  ce  que  le  temps  ait  emporté  toutes 
»  les  taches  qui  s'y  étaient  mises  ,  et  qu'on  ne  leur  ait  laissé  que 
»  le  pur  sens  aérien  et  que  le  simple  sens  spirituel  *.  » 

Les  Pères,  qui  voyaient  que  cette  doctrine  n'était  point  contraire 
à  l'immatérialité  de  l'âme  ni  aux  dogmes  du  christianisme,  l'a- 
doplèrent  par  condescendance  pour  ceux  qu'ils  voulaient  conver- 
tir ,  et  ce  sentiment  s'établit  parmi  quelques  chrétiens.  On  crut 
que  les  âmes,  après  la  mort,  avaient  des  corps,  mais  on  supposait 

*  Enéide,  1,  6,  v.  7S5,  etc. 


I  MAT  I7[ 

'  ^'elles  ëtaieol  di?s  suhsiancps  inimaiérielles  placées  dans  ces 
corps  et  unies  indissolu  blême  ni  tt  eux. 

Comine  les  anges  ont  souceni  apparu  lut  hommes  avec  ua 
corps  humain,  il  ;  eut  des  Pères  qui ,  conséqucmnienl  aiii  prin- 
cipes de  !■  philosophie  pythagoricienne  ,  crurent  qu'ils  nraient 
aussi  des  corps  iMens  '. 

Les  Pères  ont  dune  pu  dire  que  l'âme  était  corporelle,  el  n'éira 
pas  Haiérii  listes. 

D'ailleurs ,  ils  dispuulenl  quelquefois  contre  des  philoBoplie» 
qui  cro^raîenl  que  l'Âme  bumaîne  éliiil  une  (lorlion  de  l'ime  uni- 
verselle, nne  ombre,  une  certaine  venu  ou  qualité  occulte,  et  non 
pas  une  subslïiice.  Les  Pères,  pour  exp[imer  que  l'âme  était  une 
substneee  el  non  pas  une  portion  de  l'ime  universelle,  disaieut 
que  Viiae  humaine  éiait  nn  corps  ,  c'est-à-dire  une  substance  dis- 
tincte ,  qui  avait  une  existence  qui  lui  était  propre  et  séparée  de 
toulautreétre,  comme  un  corps  l'est  d'un  autre  corps  *. 

IHniln,  il  est  ceriaia  que  les  Pères  on  donné  le  nom  de  corps  k 
loulcequ'ils  croyaient  composé,  quoiqu'il  Tùl immatériel,  etqii'ilt 
admirentdans  l'anie  difTérentes  Tacullés  qu'ils  regardaient  cumnie 
ses  parties  :  ils  ont  dune  pu  dire  que  l'ime  élail  uu  corps  ;  que  Dieu, 
qui  éuit  exempt  de  toute  composition  ,  était  seul  incorportl  : 
ils  ont  pu  dire  toutes  ces  choses,  et  ne  pas  vouloirdire  pour  cela 
que  l'unie  fût  eu  effet  un  corps  matériel  '. 

Appliquons  cet  principes  aux  Pérès  dont  tes  Matérialistes  récllt- 
ment  le  suffrage. 

■      Saint  Iràiée  n'ett  point  favorable  au  tenliment  qui  luppoie 
^ta  que  la  matière-  peut  peiner. 

^^t>D  prétend  que  saint  Irénée  a  cru  que  l'Ame  était  corporelle  , 
^tarce  qu'il  a  dit  que  l'àme  était  un  souHIe  ,  qu'elle  n'était  incor- 
porelle que  par  comparaison  avec  les  corps  urossiers ,  et  qu'elle 
ressenblaii  à  un  corps  humain. 

Cette  conséquence  est  absolument  contraire  h  l'esprit  de  saint 
Irénée;  ce  Père,  dans  l'endroit  cité,  combat  la  Métempsycose  et 
prétend  prouver  par  la  parabole  du  Laxare  que  les  Smes  après  la 
mort  n'ont  pas  besoin  de  s'unir  aux  corps  pour  subsister,  parcA 

■  Cudnorlb.  System,  iulelk'clual,,  secl,  3,  c.  5, 
I*  Au|^,  Dehxrrs.,  e.  H6. 
^Crrgor.  Moral.,  I,  >,  c.  3.  Damuicen.,!,  9,  c.  1. 


172  MAT 

qu^elles  ont  une  figare  humaine  et  qu*elles  ne  sont  incorporelles 
que  par  comparaison  aux  corps  grossiers  ^ 

Les  partisans  de  la  Métempsycose  prétendaient  que  Tâme  hu- 
maine ne  pouvait  subsister  sans  être  unie  à  un  corps,  parce  qu'elle 
était  un  souffle  qui  se  dissipait  s'il  n*était  retenu  dans  des  organes. 

Saint  Irénée  répond  à  cette  difficulté  que  T&me,  après  la  mort, 
a  une  existence  réelle  et  solide,  si  je  peux  parler  ainsi,  parce 
qu*elle  a  une  figure  humaine,  et  qu'après  la  mort  elle  n'est  incor- 
porelle que  par  rapport  aux  corps  grossiers  ;  ce  qui  suppose  seu- 
lement que  saint  Irénée  croyait  que  les  âmes  étaient  unies  à  un 
corps  subtil  dont  elles  ne  se  séparaient  point  après  la  mort,  ré- 
ponse qui  n'est  rien  moins  que  favorable  au  Matérialisme. 

Le  passage  même  de  saint  Irénée  fait  voir  que  ce  Père  recon- 
naissait des  substances  immatérielles,  et  dit  que  l'&me  n'est  in- 
corporelle que  par  rapport  aux  corps  grossiers,  ce  qui  suppose 
qu'elle  est  corporelle  par  rapport  à  d'autres  substances  qui  ne 
sont  point  unies  à  des  corps.  Saint  Irénée  n'est  donc  point  favora- 
ble au  Matérialisme. 

Origine  n'a  point  douté  de  l'immatérialité  de  l'âme. 

Origène  réfute  expressément  ceux  qui  croyaient  que  Dieu  était 
corporel  :  il  dit  que  Dieu  u'est  ni  un  corps,  ni  dans  un  corps  ; 
qu'il  est  une  substance  simple,  intelligente,  exempte  de  toute 
composition,  qui,  sous  quelque  rapport  qu'on  l'envisage,  est  une 
substance  simple  ;  il  n'est  qu'une  âme  et  la  source  de  toutes  les 
intelligences. 

«  Si  Dieu,  dit-il,  était  un  corps,  comme  tout  corps  est  com- 
9  posé  de  matière,  il  faudrait  aussi  dire  que  Dieu  est  matériel,  et, 
»  la  matière  étant  essentiellement  corruptible,  il  faudrait  encore 
»  dire  que  Dieu  est  corruptible  *.  > 

Peut-on  croire  qu'un  homme  tel  qu'Origène,  qui  conduit  le 
Matérialisme  jusqu'à  ces  conséquences,  puisse  être  incertain  sur 
l'immatérialité  de  l'Être  suprême? 

Il  appuie  sur  ces  principes  l'immatérialité  de  l'âme  :  c  Si  quel- 
»  ques-uns  assurent  que  notre  homme  intérieur  qui  a  été  fait  à 
»  l'image  de  Dieu  est  corporel,  ils  doivent,  conséquemment  à 
»  cette  idée,  faire  de  Dieu  lui-même  un  être  corporeli  et  ils  doi- 

*  Iraen«,  c  7. 

'  L.  i,  De  principiis,  c  i,  t,  i,  p.  5i|  edit  BenedicU 


I 


MAT 

Il  lui  donner  une  Bytiu'  lium:ii[ii',  ce  qu'un  ne  p<?ul  t:i'» 
■  ÎDipiélù  '. 

•  S'il  ;  en  a  qui  croient  que  l'Aine  eil  un  corpn,  <iit-il  aitleun,.  i 

F  »je  voudrais  qu'ils  me  montrassent  d'oii  viendrait  i  ce  corps  Û  J 

>  fiGulcë  de  penser,  de  se  reEBOuvenir  ei  celle  de  coniempler  lot  | 

•  choses  il  ~ 

Esl-on  inceruin  de  la  spîrilualilé  de  Vime  ei  de  son  îininatA-*  1 
rialilé  lorsqu'on  élablît  de  pareils  principes? 

Qu'oppose  H.  lluel  h  ces  pussïges  pour  prouTer  qu'Origèno 
ti'aiïit  point  de  sentiment  arrêté  sur  l'immaiérialilé  de  Dieu  ei 
gurcelle  de  l'âme? 

Un  pasisage  de  la  prérace  de  son  livre  ((es  Principes,  daas  le- 
quel passage  Orîgène  dit  qu'il  faut  examiner  si  Dieu  est  corporel, 
ou  s'il  a  quelque  forme,  ou  s'il  est  d'une  nature  dilTérenle  de  celle 
des  autres  corps  ;  s'il  en  est  de  même  du  Sainl-Espril  ei  de  toules 
les  natures  raisonoableB  '. 

Dans  ce  même  endroit,  Origènc  dit  qu'il  va  traiter  tous  ces  su- 
jets d'une  manière  dîlTérente  de  celle  dont  il  en  parle  dans  ses  au- 
tres ouvrages  dans  lesquels  il  n'a  point  irjîlé  cette  matière  ï  fond 
ei  exprès.  Ce  passage  ne  veiil  pas  dire  qu'il  ne  sait  il  quoi  s'en  te- 
nir sur  ces  objets,  puisque,  dans  le  livre  même  des  Principes,  il 
établit  formellement  l'immatérialité  de  Dieu  et  celle  de  l'ûme. 

Comment  U,  Huei  a-l-il  pu  conclure  de  ce  passage  que  l'Ëglise 
n'avait  rien  délini  sur  l'immatériulité  de  l'Urne,  au  siècle  d'Ori- 
Bène  *î 

Origène  dit,  il  est  vrai,  dans  son  livre  des  Principes,  que  la  na- 
ture de  Dieu  seul,  c'est-a-dire  du  Père,  du  Tils  et  du  Saint-Es- 
prit, a  cela  de  propre,  «qu'elle  est  sans  aucune  substance  malé- 
•  rielle  et  sans  société  d'aucun  autre  corps  qui  lui  soit  uni  ".  ■ 

I  Hais  du  moins  Orîgène  suppose  que  les  âmes  sont  unies  ï  un 
corps,  dont  elles  sont pourlnnl distinguées;  il  ne  dit  pas  qu'dk'S 
•oient  matérielles  ;  comment  aurail-il  dit  que  l'âme  est  corporelle 
BU  matérielle,  lui  qui  ne  reconnaît  pour  substances  ïm ma léri elles 
que  celles  qui  ne  peuvent  être  dissoutes  ou  brûlées  et  qui  assure 
;î 
L 


'  Origcn.,  Boni.  1  in  Gènes.,  c.  i. 
*  L.  De  prittcip.,  ibid, 

n,,  lib.  Deprincip,,  p.  ilO. 
'  Oiigenian.,  I.  S,  quxsl.  De  anima,  n*  13,  p.  90. 
>L.  Deprincip.,  c  0. 


174  MAT 

que  rame  des  hommes  ne  peut  êire  réduiia  en  cendres  non  plus 
que  les  substances  des  anges  et  des  trônes  *  ? 

Pour  terminer  ce  qui  regarde  Origène»  nous  avertirons  que 
Fauteur  de  la  Philosophie  du  bon  sens  a  travaillé  sur  quelque  ct- 
tateur  infidèle  ;  car  Origène,  dans  le  lieu  même  qu*il  cite,  soutient 
précisément  le  contraire  du  sentiment  qu*il  attribue  à  cet  auteur  ; 
c*e8t  ce  qui  aurait  été  évident  pour  tout  lecteur,  si  M.  d*Argens 
avait  cité  le  passage  en  entier  *. 

TeriuUien  n'eil  point  fat)orable  au  Matérialisme, 

Terlullien  avait  prouvé,  contre  Hermogène,  que  la  matière  n*é- 
tait  point  incrcée  ;  il  fit  ensuite  un  ouvrage  pour  prouver  que 
r&me  n*est  point  tirée  de  la  matière,  comme  Hermogène  le  pré- 
tendait, mais  qu'elle  venait  immédiatement  de  Dieu,  puisque  TÉ- 
criture  nous  dit  expressément  que  c'était  Dieu  qui  avait  inspiré 
à  rhomme  un  souffle  de  vie  '• 

Enfin  Tertullien,  pour  réfuter  pleinement  ceux  qui  prétendaient 
que  Tâme  sortait  du  sein  de  la  matière  et  qu'elle  n'en  était  qu'une 
portion,  entreprit  d'examiner  les  difTérentes  opinions  des  philo- 
sophes qui  étaient  contraires  k  ce  que  la  religion  nous  apprend 
sur  la  nature  de  l'&me  :  c'est  l'objet  de  son  livre  de  l'Ame. 

Il  dit  que  beaucoup  de  philosophes  ont  cru  que  l'âme  était  cor- 
porelle ;  que  les  uns  l'ont  fait  sortir  du  corps  visible,  les  autres 
du  feu,  du  sang,  etc.;  que  les  Stoïciens  approchent  plus  du  senti- 
ment des  chrétiens  en  ce  qu'ils  regardent  l'âme  comme  un  esprit, 
parce  que  l'esprit  est  une  espèce  de  souffle. 

Tertullien  dit  que  les  Stoïciens  croyaient  que  ce  souffle  était  un 
corps  et  que  les  Platoniciens  croyaient,  au  contraire,  que  l'âme 
était  incorporelle,  1*  parce  que  tout  corps  était  animé  ou  inanimé, 
et  que  l'on  ne  pouvait  dire  que  l'âme  fût  un  corps  animé,  ni  qu^elle 
fût  un  corps  inanimé,  et  voici,  selon  Tertullien,  la  preuve  que  les 
Platoniciens  en  donnaient  : 

«  Si  l'âme  était  un  corps  animé,  elle  recevrait  son  mouvement 
»  d'un  corps  étranger  et  ne  serait  plus  une  âme  ;  si  elle  était  un 
»  corps  inanimé,  elle  serait  mue  par  un  principe  intérieur,  ce 
»  qui  ne  peut  convenir  à  l'âme  puisqu'alors  ce  ne  serait  point 

*  L.  cont.  Celsum. 

a  In  Joban.,  t  S,  p.  Siik,  edit  Hnetii. 

*  Pe  censu  animae.  Ce  livre  est  perdu. 


■  die  qui 


MAT  ] 

I  le  corps,  mais  elle-nifiuc  qui  soraii  n 
•  d'un  lieu  i  un  autre  comme  le  corps  '.  > 

Voilà,  selon  Teriullkn,  le  raisanaernent  des  PlalonicieDi  pour    ' 
prouver  que  l'âme  D'est  poiol  un  corps. 

Cet  auteur,  qui  avait  prouvé  contre  Hermogène  que  l'ïme  ve- 
nait de  Dieu,  parce  que  la  Genëie  nous  disait  que  Dieu  l'avail 
produite  eu  souMant  sur  Tbomme,  cropil  que  le  sentiment  des 
Plalunidens  ne  s'accordait  point  avec  l'explicalLOD  qu'il  avait 
donuée  de  l'origine  de  l'ime.  Il  attaque  le  raisonnement  des  Pla- 
toniciens el  prétend  qu'on  ne  peut  pas  dire  que  l'âme  est  un  corpl 
■oimé  OU  nn  corps  iDanimé,  puisque  c'est  ou  ta  présence  de 
l'ime  qui  faïl  un  corps  animé,  ou  son  absence  qui  le  JaitiDanimé, 
ei  que  l'ime  ne  peut  élre  l'elTet  qu'elle  produit;  qu'ainsi  on  ne 
peut  dire  ni  que  l'ime  soit  un  corps  animé,  ni  qu'elle  soit  tin 
corps  inanimé;  que  le  nom  à'tme  eipi'ime  sa  substauce  et  la  na- 
ture de  sa  substance,  et  qu'on  ne  peut  la  rapporter  ni  k  la  cImh 
des  corps  animés,  ni  i  la  classe  des  corps  inanimés  ;  qu'ainsi  le 
dilemme  des  Platoniciens  porte  aljsolumenl  k  fani. 

A  IVgard  de  ce  que  les  PUioniciens  disent  que  l'ime  ne  peal 
^£lre  mue  ni  extérieurement,  ni  intérieuroment,  Tertullien  pré- 
tend  que  l'ime  peut  élre  mue  in  téri  eu  renient,  comme  cela  arrive 
is  l'inspi  l'a  lion  ;  que  l'Ime  est  mue  intérieurement,  puisqn'rile 
'  produit  les  mouTcraens  du  corps  :  qu'ainsi,  si  la  mobilité  était 
l'esMiice du  corps,  les  Platoniciens  ne  pourraient  nier  que  l'ii 
ne  suit  un  corps. 

Voilà,  selon  Tertullien,  ce  que  lu  raison  peut  apprendre  am 
Platouiciens  ;  mais  l'Écriture,  selon  cet  auteur,  nous  donne  lur 
l'ime  beaucoup  plus  de  lumière  :  elle  nous  Hpprend  que  les  Ame* 
séparées  des  corps  sont  renfermées  dans  des  prisons  et  qu'elles 
eouffrenl,  ce  qui  est  impassible,  dit  Tertullien,  si  elles  ne  sont 
rien,  comme  Platon  le  prétend  ;  car,  dit-il,  elles  ne  sont  rien,  ai 
elles  ne  sont  pas  un  corps;  car  ce  qui  est  incorporel  n'est suscc]^ 
tible  d'aucune  des  affections  auxquelles  l'Ëcrilure  nous  apprend  i 
que  lee  Ames  sont  sujettes. 

11  est  donc  certain  que  Tertullien  a  cru  que  l'âme  avaitou  était 
DO  corps;  mais  1"  il  n'a  point  dilqu'elle  lût  ni  un  corps  tiré  de  11 
matière  brute,  comme  Tliiilts,  Euipédocl es,  eic-;uidu  feu,  comme 

rclile  ;  Dt  uiéue  de  l'étlier,  comme  le?  Sioit-ïens  :  l'ime  n'était   J 


'  Lib.  DcRuiniL 


176  MAT 

donc  point,  selon  TertuUien,  un  corps  matériel,  puisque  Téther 
était  le  dernier  degré  de  subtilité  possible  dans  la  matière. 

2*  Tertullien  soutientque  la  division  des  corps  en  corps  animés  et 
en  corps  inanimés  est  défectueuse  et  qu*on  ne  peut  dire  de  Tâme 
qu'elle  soit  ni  un  corps  animé,  ni  un  corps  inanimé;  ce  qui  serait 
absurde  s*il  avait  enseigné  que  Tâme  était  un  corps  ou  une  por- 
tion de  matière;  car,  si  Tâme  est  une  portion  de  matière  ou  un 
corps,  il  faut  nécessairement  qu'elle  soit  un  corps  animé  ou  un 
corps  inanimé  :  car  la  matière  est  ou  brute  et  inanimée,  ou  vi- 
vante, organisée  et  animée. 

3*  Tertullien  soutient  positivement  qu'il  y  a  un  milieu  entre  le 
corps  animé  et  le  corps  inanimé,  c'est-à-dire  la  caupe  qui  anime 
le  corps,  laquelle  n'est  ni  un  corps  animé,  ni  un  corps  inanimé, 
et  cette  cause  est  l'âme  :  ainsi,  selon  Tertullien,  l'âme  est  un 
principe  dont  la  propriété  est  d'animer  un  corps  et  qui  n'est  point 
un  corps  ;  l'âme,  selon  Tertullien,  est  donc  distinguée  de  la  ma- 
tière. 

4*  Tertullien  dit  que  l'âme  est  ainsi  appelée  à  cause  de  sa  sub- 
stance, et  il  nie  cependant  que  l'âme  soit  le  feu  ou  l'élber  ;  il  sup- 
pose donc  que  l'âme  est  une  substance  immatérielle. 

5"  Tertullien  combat  ici  le  sentiment  des  Platoniciens  qui  pré- 
tendaient que  l'âme  était  une  certaine  vertu,  une  espèce  d'abstrac- 
tion dont  on  ne  pouvait  se  faire  aucune  idée  et  qui  n'était  rien, 
selon  Tertullien  ;  il  ne  dit  donc  que  l'âme  est  un  corps  que  pour 
exprimer  qu'elle  est  une  substance,  et  c'est  pour  cela  qu'il  dit 
que  l'âme  est  un  corps,  mais  un  corps  de  son  genre.  C'est  ainsi 
que,  lorsqu'il  raisonne  contre  Hermogène  qui  prétendait  que  la 
matière  n'était  ni  corporelle,  ni  incorporelle,  parce  qu'elle  était 
douée  de  mouvement  et  que  le  mouvement  était  incorporel,  Ter- 
tullien lui  dit  que  le  mouvement  n'est  qu'une  relation  extérieure 
du  corps,  et  qu'il  n'est  rien  de  substantiel  parce  qu'il  n'est  point 
corporel  *. 

C*  Tertullien  dit  qu'il  est  vrai  que  l'âme  est  un  corps,  en  ce 
sens  qu'elle  a  les  dimensions  que  les  philosophes  attribuent  aux 
corps  et  qu'elle  est  figurée  ;  mais  il  est  certain  qu'on  peut  croire 
l'âme  immatérielle  et  la  supposer  étendue  :  ce  sentiment  est  sou- 
tenu par  des  théologiens  et  par  des  philosophes  très-orthodoxes. 

7*  Tertullien,  dans  le  livre  de  l'âme,  réfute  le  sentiment  qui  dis- 

*  Adversùs  Hermogcn,,  c.  36. 


MAT 


177 


tingue  l'esprit  Je  l'ùtne  cl  soulienl  qu'il  c^t  absunle  de  Kiippoi^er 
dam  Vâme  deux  subsLiDi-cs  ;  que  le  nom  d'esprit  n'csi  qu'un 
nom  donné  il  une  fojicliun  de  l'Ame  et  non  pas  un  être  qui  suit 
joint  i  elle,  puisqu't^Ue  est  simple  et  indïmible. 

L'i^me  e«t  une,  dit-il,  maïs  eîk  a  de&  ronciions  variées  et  mul- 
tipUèei;  liusi,  lorsque  Tertullien  dit  que  l'itne  cbi  un  corps,  il 
Cil  visible  qu'il  n'entend  rien  autre  chose,  sinon  que  l'Ame  est 
nne  eub&tapce  spirituelle  et  immatérielle,  mais  étendue  '. 

8*  Tertullien,  dans  ce  même  livre  de  l'Ame,  dit  qu'il  a  démon- 
iré  contre  HermogËne  que  l'Sme  Tenait  de  Pieu  et  non  pas  de  la 
mslière  et  qu'il  a  prouvé  qu'elle  est  libre,  immortelle,  corporelle, 
figurée,  simple  *. 

Il  est  donc  certain  que  Tertullien  d'u  pas  donné  à  l'ime  un 
corps  matériel,  mais  un  corps  spirituel,  c'esl^-iUre  une  étendue 
spirituelle,  telle  que  beaucoup  de  philosophes  et  de  ihéologieiia 
l'attribuent  ï  Dieu  :  ces  théologiens  et  ces  philosophes  ne  sunt 
taxés  de  Matérialisme  par  personne. 

TertulUet),  qui  avait  beaucoup  d'imagination  ,  regardait  les 
êtres  inéteitd us  des  Platoniciens  comme  des  chimères,  etcroyail 
que  loul  ce  qui  existait  était  étendu  et  corporel ,  parre  qu'il 
avait  de  l'étendae  et  que  nous  connaissons  les  corps  par  l'éten- 
due ;  mais  il  ne  croyait  pas  que  tout  ce  qui  éuh  étendu  lût  ma- 
tériel, puisqu'il  admet  des  substances  simples  et  des  substance* 
iadîvîsibles. 

Tertol lien  n'était  donc  point  Maiériuliste,  et  je  ne  conçois  pu  1 
commentées  commentateurs  et  des  s-ivans  distingués  n'ont  point  I 
bécité  ï  mettre  cet  auteur  au  rang  des  Matérialistes. 

L'idée  que  nous  venons  de  donner  du  sentimentade  Tertalliea 
su  la  nature  de  l'ùmeléve,  ce  me  semble,  les  dilDcultés  que  l'on 
tire  des  endroits  o(i  ce  Père  dit  que  Dieu  est  un  corps  :  nous  n€ 
liiisons  ici  que  suivre  l'explication  de  saint  Augustin.  •  Tertul- 

>  lien,  dit  ce  Père,  soutient  que  l'âme  est  un  corps  ligure  et  quB    i 

•  Dieu  est  un  corps,  mais  qu'il  n'est  pas  figuré.  Tertullien  n'a  ■ 

•  pendant  pas  été  regardé  pour  cela  comme  un  hérétique  ;  car 
■  ■  pu  croire  qu'il  disait  que  Dieu  était  un  corps,  parce  qu'il  n'est 

>  pis   néant,  parcu  qu'il   n'est  pas  le  vide,  ni  aucune  qualité  du 

•  corps  ou  de  l'Ame,  mais  parce  qu'il  est  tout  entier  partout,  r 


■Deat 


i,  c  13,  13, 14. 


17«  MAT 

»  plit  tous  les  lieux  sans  èire  partagé  et  reste  immuable  dans  sa 
>  nature  et  dans  sa  substance  ^.  » 

Si  Tertullien  n*a  pas  été  regardé  comme  un  hérétique  parce 
qu'il  a  dit  que  Dieu  ou  Tâme  était  on  corps,  ce  n*est  pas  que 
rÉglise  fût  incertaine  sur  Timmatérialité  de  Dieu  ou  sur  celle  de 
Tàme,  c'est  parce  qu*on  croyait  que  Tertullien,  en  disant  que  Dieu 
était  un  corps,  n*avait  point  voulu  dire  qu'il  fût  de  la  matière» 
mais  seulement  qu'il  était  une  substance  ou  un  être  existant  en 
lui-même. 

Gomment  donc  l'auteur  de  la  Philosophie  du  bon  sens  a-t-il  pu 
conclure  du  passage  de  saint  Augustin  qu'on  n'était  point  héréti- 
que du  temps  de  Tertullien  en  soutenant  que  Dieu  était  matériel  f 
Quelle  idée  faudra-t-il  que  nous  prenions  de  son  esprit,  s'il  n'a 
fait  en  cela  qu'une  faute  de  logique  ?  Pourquoi,  en  citant  le  pas- 
sage de  saint  Augustin,  cet  auteur  a-t-il  supprimé  la  raison  que 
saint  Augustin  donne,  pour  laquelle  Tertullien  n'a  point  été  re- 
gardé comme  un  hérétique  lorsqu'il  fit  Dieu  corporel  ?  Si  l'auteur 
est  de  bonne  foi,  sa  philosophie  n'est  pas  la  philosophie  du  bon 

SftlS. 

Saint  Hilaire  croyait  Vimmatérialité  deVâme. 

Personne  n'a  enseigné  plus  clairement  et  plus  formellement  l'im- 
matérialité de  l'âme  que  saint  Hilaire  ;  ce  n'est  point  chez  ce  Père 
une  opinion,  c'est  un  principe  auquel  il  revient  toutes  les  fois 
qu'il  parle  de  l'âme. 

Lorsqu'il  explique  ces  paroles  du  psaume  118  :  Ce  sontvot  mainê. 
Seigneur,  qui  m'ont  formé,  il  décrit  la  (brmation  de  l'homme  et  il 
dit  que  les  élémens  de  tous  les  autres  êtres  ont  été  produits  tels 
qu'ils  sont  dans  l'instant  même  auquel  Dieu  a  voulu  qu'ils  existas- 
sent ;  qu'on  ne  voit  dans  leur  formation  ni  commencement,  ni  pro- 
grès, ni  perfectionnement  ;  qu'un  seul  acte  de  sa  volonté  divine 
les  a  faits  ce  qu'ils  sont  ;  mais  qu'il  n'en  est  pas  ainsi  de  l'homme. 
Il  fallait,  selon  saint  Hilaire,  pour  le  former  que  Dieu  untt  deux 
natures  opposées,  et  cette  union  demandait  deux  opérations  diffé- 
rentes.* 

Dieu  a  dit  d'abord  :  Formons  l'homme  à  notre  image  et  à  notre 
ressemblance;  ensuite  il  a  pris  de  la  poussière  et  il  a  formé 
l'homme. 

^  Aug.,  Dclucr.,  c.  86, 


MAT  I7>| 

Dans  la  première  opéraùon,  Dieu  a  proiluii  la  onture  inténeiiK 
deriiomine;  c'est  «on  àme,  et  elle  D'upuînt  été  produite  en  riçoii- 
ntol  une  nature  étrangère.  Tout  ce  que  \e  conseil  de  la  di* itiiié  a 
produit  dans  cot  instant  i^taîl  incorporel,  puisqu'elle  produisait 
un  èlre  à  l'image  de  Dieu  :  c'est  dam  la  substance  rai<«nnable  et 
incorporelle  que  réside  notre  ressemblance  arec  la  divioiié. 

Quelle  dilTérence  entre  celle  première  production  de  la  divinité 
et  la  seconde?  Dieu  prend  de  la  punssîère,  et  il  forme  ainsi 
l'homme;  en  bçimnant  la  terre  et  1*  matière,  il  n'a  pria  nulle  part 
it  la  première  production  ;  il  l'a  faite,  il  l'a  créée  ;  pour  le  corpa, 
il  ne  lu  fait  pas,  Une  1c  crée  pas;  il  leformeet  en  prend  la  matière 
dans  la  masse  de  la  terre*. 

Si  ce  Père  parle  de  l'immensité  divine  ,  et  de  la  présence  de 
Dieu  dans  tous  les  lieux  ,  il  dit  que  l'Être  suprême  eu.  tout  en- 
tier partout,  comme  Time  unie  ï  un  corps  est  dans  toutes  tes  par- 
tie* du  corps.  L'âme,  quoique  répandue  dans  toutes  les  parties  du 
corps  humain  et  présente  i  tontes  ses  parties ,  n'est  pas  pour  i 
dirisible  comme  le  corps  :  les  membres  pourris,  coupés  ou  para- 
lytiques, n'allèrent  point  rinlégritéde  l'ime  *. 

Dieu  n'est ,  selon  ce  Père,  ni  corporel,  ni  uni  ï  nn  corps ,  et  cb  I 
n'est  point  en  formant  le  corps  de  l'homme  que  Dieu  l'a  fait  1  a 
ressemblance ,  mais  en  lui  donnnni  une  ime.  C'est  pour  cela  que  ] 
ta  Genèse  ne  décrit  ta  formation  du  corps  humain  que  long-iempa 
après  nous  avoir  dit  que  Dieu  avait  fait  l'homme  h  son  image: 
c'est  par  cette  ressemblance  de  l'âme  avec  la  nature  divine 
qu'elle  est  raisonnable,  qu'elle  est  incorporelle  et  éternelle.  Elle 
n'arien  de  terrestre,  rien  de  corporel.  C'est  loujourssur  ces  prin- 
cipes que  saÎDl  1 1  liai re  parle  de  l'Ame'. 

lin  l'ère  qui  s'est  expliqué  si  expressément  et  si  clairement  sur 
l'immatérialité  de  l'âme  ne  pouvait  être  mis  au  nombre  des  Ua- 
lèrialisles  qu'en  opposant  1  ces  pussages  d'autres  endroits  de  ce 
Père,  contraires  ï  l'immatérialité  de  l'ime  ;  il  Tallait  tirer  des  ou- 
irageB  de  ce  Père  des  doutes  raisonnes ,  ou  des  difficultés  consi- 
dérables contre  l'immatérialité  de  l'Ame. 

Cependant  M.  Uuet,  pour  prouver  que  saint  Hilaire  cro^pait 
matérielle,  ne  nous  cite  qu'un  passage  de  ce  père  i  dans  lo- 


.m 


Hllar.iaps.  118.  Litte 
■lbid..tiller.  le.n'S. 
•  la  psal,  tlO, 


.10,1 


ISO  MAT 

quel  il  dit  qu*il  n'y  a  rien  qui  ne  soit  corporel  dans  sa  substance 
et  dans  sa  création ,  et  que  les  âmes  unies  à  leurs  corps ,  ou  dé- 
gagées de  ce  corps,  ont  une  substance  corporelle,  conforme  à  leur 

nature  ^ 

Si  M.  Huet  et  ceux  qui  Tont  copié  avaient  lu  avec  attention  tout 
le  passage  de  saint  Uilaire ,  ils  auraient  vu  que  le  mot  corporel 
n*a  point  ici  un  sens  favorable  au  Matérialisme. 

Saint  Hilaire  examine  ,  dans  ce  passage ,  les  difficultés  de  quel- 
ques hommes  grossiers  qui  semblaient  douter  de  la  résurrection 
parce  qu'ils  ne  concevaient  pas  comment  on  pourrait  se  nourrir 
dans  le  ciel. 

Saint  Hilaire  leur  dit  d*abord  que  les  promesses  de  Dieu  doi- 
vent dissiper  toutes  leurs  inquiétudes  à  cet  égard.  11  tâche  en- 
suite de  lear  faire  comprendre  comment  ils  pourraient  vivre  dans 
le  ciel  :  pour  cela ,  il  leur  dit  qu'il  n'y  a  rien  qui  ne  soit  corporel 
dans  sa  substance  et  dans  sa  création  ;  ce  qui  veut  dire  que  Dieu 
n'a  rien  créé  sans  donner  h  ses  créatures  une  existence  solide,  et 
toutes  les  qualités  nécessaires  pour  qu'elles  aient  la  durée  qu'il 
leur  aura  promise. 

Cette  explication  est  conforme  au  but  que  saint  Hilaire  se  pro- 
posait ,  et  le  mot  corporel ,  corporeum ,  a  quelquefois  ce  sens  dans 
saint  Hilaire  même,  qui  dit  que  tout  ce  qui  est  composé  a  eu  un 
commencement  par  lequel  il  est  corporiiié,  afin  qu'il  subsiste  ;  et 
c'est  dans  ce  sens  qu'il  faut  entendre  ce  que  ce  Père  dit  dans  le 
même  passage  sur  le  âmes^qui,  séparées  du  corps,  ont  cependant 
une  substance  corporelle,  conforme  à  leur  nature. 

Si  saint  Hilaire  avait  voulu  dire  ,  dans  ce  passage ,  qu'il  n'y  a 
rien  qui  soit  matériel ,  voici  à  quoi  se  réduirait  sa  réponse  :  Vous 
êtes  inquiets  comment  vous  vivrez  après  la  résurrection ,  vous 
avez  tort,  car  il  u'y  arien  qui  ne  soit  matériel* 

Pour  que  saint  Uilaire  abandonnât  dans  cette  occasion  ses  prin- 
cipes sur  l'immatérialité  de  l'âme ,  il  fallait  que  le  Matérialisme 
répondu  aux  difficultés  qu'il  se  proposait  d'éclaircir  et  qu'il  ne 
fût  pas  possible  de  répondre  autrement.  Or,  il  est  certain  que  le 
Matérialisme  de  l'amené  résout  point  ces  difficultés,  et  qu'au  con- 
traire il  les  fortifie.  Si  l'âme  est  matérielle,  on  doit  être  beaucoup 
plus  embarrassé  de  vivre  dans  le  ciel  que  si  elle  e&t  immatérielle 
comme  les  anges. 

*  In  Matlbsum,  p.  632, 


MAT  t 

Saint  Ambroiie  erot/ail  l'âme  immalérielle ,  et  Von  ne  trouve  d 
e  Ffre  rien  i/ai  favorite  le  matérialiame, 

>   Saint  Ambroise  eilpique  U  création  de  l'homine  comme  sainf  1 


^^V  La  TÎe  de  Tbomme  a  commencé,  dit-il ,  lorstjDe  Dieu  a  eouIM  | 
^^■nir  lui  ;  cette  lie  finit  par  h  séparaiioQ  de  l'Sme  et  du  corps;, 
^^rmîs  le  soutnc  qu'il  reçoit  de  Dieu  n'est  point  détruit  lorsqu'il  fS 
^^'  sépare  do  coqia.  Comprenons  par-lï  combien  ce  ijiie  Dieu  a  î»\t 
immédiatement  dans  l'Iiomme  est  dilTéreni  de  ce  qu'il  a  Tormé  et  1 
figuré;  c'est  pour  cela  que  rt^riltire  dît  que  Dieu  a  Tait  l'hommoi  I 
ison  image,  ei  qu'elle  raconte  ensuite  qu'il  prit  delà  poussière  tH 
qu'il  forma  l'homme. 

Ce  qui  n'a  point  été  formé  d<!  lu  poussîirc  n'ost  ni  terre  ni  dii- 
litre ,  c'rst  une  substance  incorporelle ,  admirable,  immatérielle  ; 
E  n'est  ni  dans  le  corps  ,  ni  dans  la  matière ,  mais  dans  l'Ame  t% 
annable   qu'il  faut  chercher  la  ressemblance  de   l'homme  a 
^u  ;  l'âme  n'est  doue  point  une  ïile  mûtiire ,   elle  n'est  rien 
k  eorporel  < . 

Tesl  par  ledogmedel'inmiatirialitéderi'lnieqLi'il  élève  l'hommi 
il  le  console  des  nalhenrs  de  la  vie,  qu'il  lesoutient  contre  li 
ffcorreurs  de  la  mort  :  toute  la  morale  de  ce  Père  porte  sur  l'imm: 
^ttrialilé  de  l'âme  *. 

Sur  quel  fondement  soupçonne-t-on  ce  Pérc  d'être  Haiéri»] 
^Ibtef  Sur  un  passage  dans  lequel  ce  Père  dît  qu'il  n'y 
mpl  de  composition  matérielle  que  la  Trinité  '• 
-  En  prenant  cepassage  ainsi  détaché  de  tout  ce  qui  le  précède  ec' 
ut  ce  qui  le  suit ,  il  s'ensuiTrait  tout  su  plus  que  saint  Am- 
«  croyait  que  tous  les  esprits  créés  sont  unis  â  un  petit  corps 
ilib  sont  insé|)arable4.  Saint  Anibroisc  s'est  eipliqné  trop  claî- 
ur  l'immatérialité  de  l'Ame  pour  donner  un  antre  sei 
le  passage. 

aint  Ambroise,  dansce  passage,  ne  ditrien  de  ce  qu'oi 


Ce  Père,  en  parlant  des  sacrifices,  dit  qu'ils  si 


)t  ï  rappela 


*  Pi.  118.  Sern.  10,  n.  15,  p.  lOSli  n.  16, 18,  H«amcron,  I 
Pc.  7,  n.  10,  AO. 

1  De  Noe  cl  arcA,  r.  95,  p.  143.  De  bono  mortis,  r.  9,  n.  38. 
■  De  Abmbam,  I.  S,  c,  a,  n.  W,  p.  338, 

II.  l»S 


183  MAT 

rhomme  à  Dieu ,  et  à  lui  faire  connaître  que  Dieu ,  quoique  au- 
dessus  du  monde,  en  a  pourtant  arrangé  les  parties. 

Du  spectacle  de  la  nature,  où  il  trouve  les  traces  ou  plutôt  le 
oaractère  de  la  Providence ,  il  passe  aux  différentes  parties  du 
monde  et  de  la  terre  :  il  fait  voir  que  c'est  Dieu  qui  a  disposé  les 
différentes  parties  de  la  terre  ;  il  passe  ensuite  au  corps  humain  , 
et  dit  que  c'est  Dieu  qui  a  mis  entre  tous  ses  membres  Tharmonie 
qu*on  y  admire. 

Pour  Tâme,  elle  a  aussi  ses  divisions ,  et  oes  divisions  sont  ses 
différentes  fonctions  ;  car  Tftme  ,  selon  ce  Père ,  est  indivisible  ; 
plus  légère  que  les  oiseaux,  ses  vertus  relèvent  au-dessus  des  cieux, 
et  Dieu  ne  Ta  point  divisée  en  parties  comme  les  autres  êtres , 
parce  qu  elle  est  unie  à  la  Trinité  ,  qui ,  seule  indivisible,  a  tout 
divisé. 

C'est  pour  cela  que  les  philosophes  avaient  cru  que  la  substance 
supérieure  du  monde ,  qu'ils  appellent  l'éther ,  n'est  point  com- 
posée des  élémens  qui  forment  les  autres  corps  ;  mais  qu'il  est  une 
lumière  pure,  qui  n'a  rien  de  l'impureté  de  la  terre,  de  l'humidité 
de  l'eau,  du  nébuleux  de  l'air  ou  de  l'éclat  du  feu  ;  c'est ,  selon 
eux,  une  cinquième  nature  qui ,  infiniment  plus  rapide  et  plus  lé- 
gère que  les  autres  parties  de  la  nature  ,  est  comme  l'âme  du 
monde ,  parce  que  les  autres  parties  sont  mêlées  à  des  porps 
étrangers  et  grossiers. 

Mais  pour  nous  ,  continue  saint  Ambroise  ,  nous  croyons  qu'il 
n*y  a  rien  d'exempt  de  composition  matérielle  que  la  substance 
de  la  Trinité,  qui  est  d'une  nature  simple  et  sans  mélange,  quoi- 
que quelques-uns  croient  que  cette  cinquième  essence  est  cette  lu- 
mière que  David  appelle  le  vêtement  du  Seigneur. 

Il  est  évident  que  samt  Ambroise  confirme  ici  l'immatérialité 
de  l'âme  ,  puisqu'il  dit  qu'elle  est  indivisible  et  unie  à  la  sainte 
Trinité ,  qui  est  simple  ;  qu'ainsi  ce  Père  n'a  pu ,  deux  lignes  au- 
dessus,  dire  que  l'âme  est  matérielle,  à  moins  qu'on  ne  le  suppose 
siupide  ou  insensé. 

11  n'est  pas  moins  clair  que,  dans  ce  texte ,  saint  Ambroise  n'a 
pour  objet  que  de  combattre  le  système  de  l'âme  universelle ,  que 
les  philosophes  supposaient  répandue  dans  le  monde  comme  un 
cinquième  élément  ;  par  conséquent ,  il  ne  s'agissait  point,  dans 
cet  endroit ,  de  l'âme  humaine,  mais  d'une  des  parties  du  monde, 
que  les  philosophes  regardaient  comme  un  esprit  ;  et  saint  Am- 
broise leur  dit  qu^il  ne  reconnaît  point  pour  gouverner  le  monde 


MAT 

f  i'uvlre  uaiurij  &itii|ile  que  Dieu  ,  e\  que  iou.«  leséttimens  [|ui  Mh! 

B  Venl  i   eulrelenir  l'iiariiionie  de  U  nature  ^nnt  curpurels ,  ce  (lOt  | 

l'a  aucun  Npport  i  Vime. 

Voila  le  »eas  naiuret  du  passage  de  «aiui  Auibroise,  lequel  vnm  I 

BtiinUableiueDl  n'a  pas  élc  lu  en  entier  par  ceux  t\u\  oni 

Pce  Père  élail  Mut^rialisle. 

LeasiËcles  postérieurs  aux  Pères  doDl  nous  venons  d'' 

VV  MDlimenl  ne  fournissent  rien  doni  les  Malérialisles 

itoriser,  ou  Ce  sont  des  passages  détachés  ,  qui  peuvent  e'ei plis  I 
:t  par  ce  que  nous  (TOUS  diisur  les  diOereniifcaique  l'on  ai 

I  lacliés  aux  inuls  carpi,  ctrpiirtl. 

%\\.— L'immatériaUlé  de  l'àme  est  une  vérité iimentTft. 

Le»  philosophes  qui  prétendent  que  la  matière  peut  acquérir  )•' j 

ultë  de  peoser  supposent ,  comme  Lote,  qoe  Dieu  peut  cootn 

Kiniquer  à  U  miliire  l'uctivilé  qui  produit  la  pensive,  ou 

lolibes ,  que  U  faculté  de  penser  n'est  qu'une  certaine  fucuW 

e  de  recevoir  dai  sensitions. 

Dans  l'une  et  dini  l'autre  supposition  ,  U  malifire  sera  n£ce«t| 

B^ireineut  le  sujet  de  la  pensée  ;  ainsi ,  pour  rcluier  ces  deux  hj»  | 

Ifoilièses,  il  sufQtde  faire  voir  que  la  matière  uepeul  être  lesujat  g 

I  jela  pensée. 

Lorsque  nous  rénéchissons  sur  Dous-mèDieE ,  nous  voyons  qu 
ft  toutes  les  Impressions   des  objets  eilérieurs  sur  nos  organes   i 
Kpprochenl  vers  le  cerveau  ,  et  se  réunissent  dans  le  princi|) 
ni,  en  sorte  i|ue  c'est  ce  principe  qui  aperçoit  les  couleui^  1 
ns,  les  ligurtu  et  la  dureté  des  corps  :  car  le  principe  pensant  1 
Oipare  ces  impressions,  el  il  ne  pourrait  les  comparer  s'il  n'^ 
it  pas  le  même  principe  qui  aperi;oit  les  couleurs  et  les  sons. 
-   Si  ce  principe  était  composé  de  parties,   les  perceptions  qu'il 

lient  distribuées  i  ses  parties ,  et  aucune  d'elles  Dtt  1 
il  toutes  les  impressions  que  font  les  corps  extérieurs  sur  la 

nine  dss  partie*  du  prindpe  pensant  ne  pourrait  doM  1 
p  comparer.  La  faculté  que  l'âme  a  déjuger  suppose  donc  qu'etif'j 
It  point  do  parties  et  qu'elle  est  simple. 
I  Plaçons ,  par  exemple  ,  sur  uo  corps  composé  di!  quairfi 

,  ridAe  d'un  corclc;  cnmmc  co corps  n'«xistn  qnr  par  sl's  pH>ffl 

;  peut  aussi  apercevoir  que  par  elles;  li>  corps  coiMfl 

d  de  quatre  parties  ne  ponrnit  donc  apercevoir  m 


]  84  MEL 

que  parce  que  chacune  de  ses  parties  apercevrait  un  quart  de 
cercle  ;  or,  un  corps  qui  a  quatre  parties  dont  chacune  aperce- 
vrait un  quart  de  cercle  ne  peut  apercevoir  un  cercle ,  puisque 
ridée  du  cercle  renferme  quatre  quarts  de  cercle,  et  que  dans  le 
corps  composé  de  quatre  parties  il  n*y  en  a  aucune  qui  aper- 
çoive les  quatre  quarts  du  cercle. 

La  simplicité  de  Tâme  est  donc  appuyée  sur  ses  opérations 
mêmes,  et  ses  opérations  sont  impossibles  si  Tàme  est  composée 
de  parties  et  matérielle. 

Les  philosophes  qui  attribuent  k  la  matière  la  faculté  de  pen- 
ser supposent  donc  que  Tâme  est  composée  et  qu*elle  ne  Test  pas: 
le  Matérialisme  est  donc  absurde ,  et  Timmatérialité  de  Tâme  est 
démontrée. 

L*impossibilité  de  concevoir  comment  un  principe  simple  agit 
sur  le  corps  et  lui  est  uni  n*est  pas  plus  une  difficulté  contre 
rimmatérialité  de  Tâme  que  Timpossibilité  de  concevoir  com. 
ment  nous  pensons  n*est  une  raison  de  douter  de  Texistence  de 
notre  pensée. 

Le  Matérialiste  n*a  donc  aucune  raison  de  douter  de  rimmaté- 
rialité de  Tâme  ;  ainsi ,  ce  scepticisme ,  dont  les  prétendus  dis- 
ciples de  Loke  se  parent ,  n*aboutit  qu*à  tenir  Tesprit  incertain, 
entre  une  absurdité  et  une  vérité  démontrée  ;  et  si  Ton  construi. 
sait  des  tables  de  probabilité  pour  y  ranger  nos  connaissances, 
le  Matérialisme  n*y  trouverait  point  de  place;  il  ne  répondrait  pas 
même  au  plus  faible  degré  de  probabilité ,  et  rimmatérialité  de 
Fâme  serait  placée  à  côté  des  vérités  les  plus  certaines.  On  n'en- 
tend donc  pas  Tétat  de  la  question  lorsqu'on  prétend  que  la  ma- 
térialité ou  rimmatérialité  de  TÂme  est  une  opinion  dont  la  pro- 
babilité plus  ou  moins  grande  dépend  des  découvertes  que  Ton 
fera  dans  la  connaissance  des  propriétés  de  la  matière  ;  car,  non- 
seulement  nous  ne  connaissons  rien  qui  puisse  autoriser  cette  con- 
jecture, ce  qui  suffit  pour  rendre  le  doute  du  Matérialisme  dérai- 
sonnable ,  mais  encore  nous  voyons  qu'en  effet  la  matière  ne 
peut  être  le  sujet  de  la  pensée,  ce  qui  fait  du  Matérialisme  un 
sentiment  absurde. 

MELGHISËDÉGIENS.  On  donna  ce  nom  aux  Théodotiens,  qui 
niaient  la  divinité  de  Jésus-Christ  et  qui  prétendaient  qu'il  était 
inférieur  à  Melchisédec  :  Théodote  le  banquier  est  l'auteur  de 
cette  hérésie. 

Théodote  de  Bysance  avait  renié  Jésus-Christ,  et,  pour  dimi- 


MEL 

Duer  t'énormilé  de  EOn  «posliisîe,  il  av^Il  prélcndu  qu'il  n 
reiiii>  qu*uii  liomme  ,  parce  que  JËsus-Chrisi  n'était  qu'un  tiomnie. 
Tbéodote  le  banquier  adopta  son  sentiinent  et  préleodit  que 
Uelcbisédec  élaîl  d'une  nature  plus  excellente  que  Jiîtus-Ctirist. 
Lcï  erreurs  sont  ordinsirenieut  i  leur  uaisMucc  fort  simptci  et 
appuyées  sur  peu  d'argumens  :  lursqu'utie  erreur  devient  l'oj^  ■ 
oioTi  d'une  secte ,  se»  partisans  font  elTort  pour  \a  défeadro  ;  Im 
esprits  envisagent  tout  sous  )a  face  qui  favorise  leur  seiiliuienlj  ■ 
laîaissent  cec6ië;  on  en  bit  de  nouvelles  preuves,  et  les  plni'l 
miftcea  vroisemblnnces  se  changent  eu  principes. 

Ainsi ,  Thi^odote  le  banquier  voilant  qu'où  appliquait  t  Jcsufr*1 
Qirisi  ces  paroles  d'un  psaume  :  Vous  élet  priire  trloa  l'ordre  4t  * 
MeleliiUdee ,  crul  voir  dausce  lexle  une  raison  péreniptolre  contre 
la  divinité  de  Jésus-Christ ,  et  tout  reffurt  de  son  esprit  se  tourna 
du  e6lé  des  preuves  qui  pouvaient  établir  que  Uelcbisédec  était 
L  supérieur  ï  Jésus-CliriEt, 

Ce  point  devint  le  principe  fondameuial  du  sentiment  de  TlidO*  I 
■dote  le  banquier  et  de  ses  disciples.  On  recliercUa  tous  lesendrutUa 
■4c  l'Écniure  qui  parlaient  de  tielcliisédec.  On  trouva  que  Mofwl 
■  le  représentait  comme  le  prêtre  du  Très-lbul;  qu'il  avait  bdM  I 
l'Abraham;  que  saint  Paul  assurait  qucMelcbisédecctait sans për^  1 
is  mère ,  sans  généalogie,  sans  commencement  de  jours  et  M 
de  vie,  sacrificateur  pour  toujours. 
Ttiéudote  et  ses  disciples  conclurent  de  h  que  Melcliisé 
n'était  point  un  bomme  comme  les  autres  hommes  ;  qu'il  ù' 
'rieur  i  Jésui-Chrisl,  qui  avait  commencé  et  qui  était  mo 
,  que  MelchisiMec  ^tail  le  premier  pontife  du  sacerdoce  éter- 
nel par  lequel  nous  avions  accès  auprès  de  Dieu  ,  et  qu'il  devait 
itre  l'objet  du  culte  des  hommes.  Les  disciples  de  Tbéodote  ûreut 
donc  leurs  oblations  et  leurs  prières  au  nom  de  Melchisédec,  qu'il» 
egardaienl  comme  le  vrai  médiateur  entre  Dieu  et  les  hommes, 
It  qui  devait  nous  bénir  comme  il  avait  béni  Abraham  '. 

iliérax ,  sur  la  6n  du  troisième  siècle ,  adopta  en  partie  l'erreur 
le  Tbéodole,  et  prétendit  que  Melcbisâdec  était  le  Saint-Esprit. 
Saint  Jérôme  rérula   un  ouvrage  composé  de  son  temps  pour  i 
l^rouverque  Uulchisédec  éUiit  un  ange, 

Sur  la  Gn  du  dernier  siècle ,  un  anonyme  Ht  revii  re  en  parti 
■l'erreur  «le  1  héodolc  sur  Melchisédec. 


■  Rpipb.,  Ilirr.  35. 


lê«  MEL 

Saint  Pâttl  dit  que  le  premier  homme  était  terrestre  et  né  de  la 
terre ,  et  que  le  second  homme  était  céleste  et  né  du  ciel  *. 

De  ce  passage ,  cet  auteur  conclut  qu*il  y  a  des  hommes  ter- 
totres  et  des  hommes  célestes  ,  et  que ,  comme  saint  Paul  dit 
t[ue  Melchisédec  a  été  fait  semblable  à  Jésus-Christ ,  il  faut  bien 
que  Melchisédec  soit  aussi  un  homme  céleste  ;  ce  qui  explique 
très-heureusement ,  selon  cet  auteur,  ce  que  TÉcriture  nous  ap- 
prend ,  que  trois  mages  vinrent  adorer  Jésus-Christ.  Comme  TE- 
briture  ne  nous  apprend  rien  sur  ces  mages ,  Tauteur  anonyme  a 
cru  que  ces  trois  mages  étaient  trois  hommes  célestes ,  et  que  ces 
hommes  étaient  Melchisédec ,  Énoc  et  Ëlie  *, 

Enfin ,  dans  notre  siècle ,  des  savans  distingués  ont  prétendu 
que  Melchisédec  était  Jésus-Christ  lui-même  '. 

L*hérésie  des  anciens  Melchisédéciens  est  absolument  contraire 
à  TÉcriture,  et  même  au  texte  de  saint  Paul,  sur  lequel  on  Tappuyait. 

1*  Moïse  ne  nous  dit  rien  de  Melchisédec  qui  nous  eu  donne 
une  autre  idée  que  celle  d*un  roi  voisin ,  qui  prend  part  â  la  vic- 
toire qu*on  venait  de  remporter ,  et  qui  s*en  réjouit  parce  qu*elle 
lui  était  avantageuse. 

Si  saint  Paul  n*avait  pas  tiré  de  Taction  de  Melchisédec  des 
conséquences  mystiques  et  qu*il  n*eût  pas  vu  dans  ce  roi  un  type 
du  Messie ,  on  n*aurait  vu  dans  Melchisédec  qu*un  souverain  qui 
réunissait  le  sacerdoce  et  la  royauté,  comme  cela  était  alors  fort 
ordinaire  ;  c*est  pour  cette  raison  que  les  Juifs ,  qui  ne  reçoivent 
point  Tépîtreaux  Hébreux,  s'accordent  presque  tous  à  reconnaître 
Melchisédec  pour  un  roi  de  Chanaan;  quelques-uns  même  ont  sou- 
tenu qu*il  était  bâtard ,  tandis  que  d*autres  ont  soutenu  qu'il  était 
le  même  que  Sem  *. 

2'  Le  passage  du  psaume  110  qui  dît  que  Jésus-Christ  est 
prêtre  selon  Tordre  de  Melchisédec  prouve  que  le  sacerdoce  de 
lésus-Christ  était  d'un  ordre  différent  du  sacerdoce  des  Juifs ,  et 
que  le  sacerdoce  de  Melchisédec  était  la  figure  ou  le  symbole  de 
Jésus-Christ,  et  c'est  ainsi  que  saint  Paul  l'explique. 

Saint  Paul  se  propose  de  détacher  les  Juifs  du  sacerdoce  de  la 
loi ,  dont  ils  étaient  excessivement  enlélés  ;  pour  cet  effet ,  il  dit 

*  Primx  Cor,  15,  v.  àh* 

2  Pctavius,  Dogm.  Iheol.,  I.  3.  De  opif.  sex  dierum, 
'  Cunéus,  Républ.  des  Hébreux,  t.  1, 1.  3,  c«  3. 
^  Josephus,  De  bcUo  judaîco,  U  7,  c  18. 


MEL 

[  qu'il  y  a  110  Mcerdoce  £U|iérieur  i  celui  des  Juifs,  et  il  lt>  iirounî 
I  ftTce  qiie  Udcliis<)ifec,  qui  l'eierfait,  bénit  Abraham  et  djiaa  le 
I  4é|>ouilles  qn'il  avait  remporiéei  lur  les  roii  vaincus,  et  ani 
ft  exercé  tur  lui  et  sur  toute  sa  postérité  uue  vraie  tupëriurilé  ;  d'o 
13  coQulut  que  Jésus-Christ  étant  appelé  par  Dntiil  praire  selM  1 
I  l'ordre  de  Melchiséder ,  le  «acerduce  de  Jésus-Christ  était  supd*  1 
prieur  au  sacerdoce  de  la  loi. 

Il  est  visible  que  t'est  li  l'unique  but  que  saint  Paul  se  proposa^  I 
lit  iiue,  pour  établir  ce  aeatîment,  il  n'était  poiui  ndccMaire  ds  1 
^Ufe  âe  Helcbisédec  hd  être  supérieur  ï  Jésus-Christ. 

ainsi  qu'il  Taul  expliquer  ces  paroles  iJe  saint  Paul,  qvl  J 
f  (bot  toute  la  dilRcuIté  du  leutimeot  dus  MelcblsAdécîeDS  et  <te  | 
I  qui  ont  prétendu  que  Helohisédec  était  le  Saint-Esprit,  u 
e  on  Jésus-Chrisl  uiémi^. 
fiaint  P«il  dit ,  1  ■  que  Melcbiséjluc  éluit  suas  pbre  ,  sans  uèl 
^«1  sans  généalogie. 

Cet  apAlre,  ayant  dessein  de  montrer  que  le  sacerdoi-e  de  Jés 
~  "  it  plus  excellent  que  celui  d'Aaron  ,  le  prouve  par  le  ' 
i-iet  du  psaume  HO,  où  il  est  dit  que  le  Kessic  serait  sacritlc 
'  n  l'ordre  de  Helcbisédec.  Il  TaU  voir  que  l'on  deniaudaît, 
I  ta  loi ,  que  le  sacriQcateur  fût  non-Muleinent  de  la  tribu  de  L 
«re  de  la  famille  d'Aaron  ;  outre  cela ,  il  Fallait  qu'il 
l' Bé  d'une  femme  israétile ,  qui ,  en  se  mariant  ù  un  sac 


,  mais  qu'elle  fût  ï' 
se  vie,  il  n'était  pas  p 
A  pourquoi  les  : 
énéalogies ,  sans  quoi  3 


il  de  la  ramillc  d'Aaron. 
II  ne  fkllait  pas  qu'elle  eût  été  mariée 
nr  si  elle  avait  été  veuve  ou  de  mnuva' 
mil  lu  MtrriHcileur  de  l'épouser;  c'e! 
«  gardaient  soigneusement  leurs  g 
Il  exclus  da  sacerdoce, 
f  Bami  Paul  dit  que  Melcliisédee  ftit  «ans  pËre  sa  cri  G  ca  leur,  s 
e  qui  efti  les  qualités  que  la  loi  exigeait  dans  la  femme  d' 
triBcateur  et  sans  généalogie  sai'erdutale. 
Comme  Notre-Si^ignpur  n'était  point  de  race  sacerdotale,  t 
irsinifs  ponvaient  dire  qu'à  cause  de  cela  il  ne  pouvait  âlreii- 
criBcateur,  lainl  Paul  fait  voir  qu'il  l'était  néanmoins ,  conforma'!-  ' 
ment  â  la  préilirtion  du  psaume  IIU,  selon  l'ordre  de  Melcliisé^    | 
dcc  dans  lequel  il  n'y  avait  point  de  semblable  lui. 

Mais ,  dit-on ,  l'&riture  assure  que  Uelcliisédec  n 
mcncemeni  de  jours ,  niBudetie. 
Ceci  n'eiprimc  encore  que  in  dUTérences  vnVK  ^  ioxKtii 


18S  MEN 

de  la  loi  et  le  sacerdoce  de  Melcbisédec  :  les  lévites  servaient  au 
temple  depuis  trente  ans  jusqu*à  soixante;  on  peut  dire  que  ces 
gens-là  avaient  une  fin  et  an  commencement  de  vie  ministérielle , 
s*il  est  permis  de  parler  ainsi.  Outre  cela ,  les  souverains  sacri- 
ficateurs avaient  un  commencement  et  une  fin  de  vie  par  rapport 
aux  fonctions  du  sacerdoce  suprême ,  qu*ils  ne  commençaient  h 
exercer  qu'après  la  mort  de  leurs  prédécesseurs  et  qu'ils  ces- 
saient aussi  d'exercer  en  mourant.  Il  n'en  avait  pas  été  de  même 
de  Melcbisédec ,  qui  n'avait  point  eu  de  bornes  marquées  dans 
les  fonctions  de  son  sacerdoce,  et  qui  n'avait  eu,  ni  prédéces- 
seurs ni  successeurs ,  de  sorte  qu'on  pouvait  dire  qu'il  n'avait 
eu  ni  commencement  ni  fin  de  sa  vie  sacerdotale. 

Lorsque  saint  Paul  dit  que  Melcbisédec  étant  semblable  au  fils 
de  Dieu ,  il  demeura  sacrificateur  pour  toujours ,  il  veut  dire  que, 
comme  le  Fils  de  Dieu  n'a  eu  ni  prédécesseurs,  ni  successeurs 
dans  son  sacerdoce,  il  en  a  été  de  même  de  Melcbisédec,  qui 
fut  sacrificateur  aussi  long-temps  que  l'état  de  son  règne  le  per- 
mit; car  les  mots  à  perpétuité  y  toujours,  se  prennent  souvent 
dans  ce  sens  par  les  écrivains  sacrés  *. 

M  EN  ANDRE  était  Samaritain ,  d'un  village  appelé  Gapartaije  : 
il  fut  disciple  de  Simon  le  Magicien ,  fit  de  grands  progrès  dans 
la  magie,  et  forma  une  secte  nouvelle  après  la  mort  de  sou 
inaitre. 

Simon  avait  prêché  qu'il  était  la  grande  vertu  de  Dieu ,  qu'il 
était  le  Tout-Puissant  ;  Ménandre  prit  un  titre  plus  modeste  et 
moins  embarrassant,  il  dit  qu'il  était  l'envoyé  de  Dieu. 
•  Il  reconnaissait,  comme  Simon ,  un  être  éternel  et  nécessaire, 
qui  était  la  source  de  l'existence  ;  mais  il  enseignait  que  la  ma- 
jesté de  l'Être  suprême  était  cachée  et  inconnue  à  tout  le  monde, 
et  qu'on  ne  savait  de  cet  être  rien  autre  chose,  sinon  qu'il  était 
la  source  de  l'existence  et  la  force  par  laquelle  tout  était. 

Une  multitude  de  génies  sortis  de  l'Être  suprême  avaient,  se- 
lon Ménandre ,  formé  le  monde  et  les  hommes. 

Les  anges  créateurs  du  monde,  par  impuissance  ou  par  méchan- 
ceté ,  enfermaient  l'âme  humaine  dans  des  organes  où  elle  éprou- 
vait une  alternative  continuelle  do  biens  et  de  maux  :  tous  les  maux 
avaient  leur  source  dans  la  fragilité  des  organes ,  et  ne  finissaient 
que  par  le  plus  grand  des  maux ,  par  la  mort. 

*  Exod.  21,  i.  6.  Jérém.  5,  f.  22. 


F  M ES  (89 

Des  génies  bienfiiisans ,  toiicliiVs  ilii  luallieur  des  liomme^ , 
avaieni  placiS  sur  la  lerre  des  ressources  conire  eci  nialliciirs  ;  ■ 
mais  les  hommes  ignoraienl  ces  ressources,  et  Ménandre  assurait 
qu'il  élail  envoyé  par  les  gùùîet  bisnraisaos  pour  découvrir  aux 
hummes  ces  ressources  el  leur  apprendre  le  nojcD  de  Iriompher 
des  anges  tr^leurg. 

Ce  mojeQ  èlail  te  secret  de  rendre  les  organes  de  l'homme  inal- 
t^raljles,  el  ceseeretcoiisistiiL  dans  une  esp&cede  bain  magique 
que  Ménundfe  Taisail  prendre  àses  disciples,  qu'on  appelait  la  vraie 
résurrection,  piircc  que  ceux  qui  le  r         " 


Hénandre  eut  des  disciples  h  Anliochc ,  et  il  y  avait  encore,  du 
temps  de  saint  Justin ,  des  Hénandriens  qui  De  doutaient  pas 
qu'ils  ne  fussent  immortels.  Les  liommcs  aiment  si  passionné- 
ment  la  vie,  ils  loient  si  peu  le  degré  précis  de  leur  ddcadence, 
qu'il  n'est  ni  fort  dîRicilede  les  convaincre  qu'on  peut  les  rendre 
immortels  sur  la  terre,  ni  même  impossible  de  leur  persuader, 
jusqu'au  moment  de  la  morl,  qu'ils  ont  rei;u  le  privilège  d« 
rimmortalilé  ' . 

Ainsi ,  tous  les  siècles  ont  eu ,  sous  d'autres  noms ,  des  Mé- 
nandriens  qui  prétendaient  se  garantir  de  la  mort ,  Iuat6i  par  le  J 
mojen  de  la  religion  ,  Ianl6l  par  les  secrets  de  l'alchin  ' 
les  cbimètesde  la  cabale.  Au  coinnieDcemcnlde  uotresiècle,  uQ 
Anglais  prétendit  que  si  l'homme  mourait ,  ce  n'éuit  que  par  coa- 
lume;  qu'il  pourrait,  s'il  voulait ,  vivre  ici-ba.;  sans  craindre  la 
mon ,  et  être  iraustéré  dans  le  ciel  comme  autrefois  Énoc  et  Slie. 
L'homme,  dit  H.  Afgil ,  a  été  fait  pour  vivre;  Dieu  n'a  fait  la 
mort  qu'après  que  l'bomme  se  l'est  attirée  par  le  péché;  Jésus. 
Cbrisl  e&l  venu  réparer  les  maui  que  le  pécbé  a  causés  dans  le 
monde  et  procurer  auï  hommes  l'immortalité  spirituelle  et  cor- 

irelle  ;  ils  rec;oivent  le  gage  de  l'immortalité  corpoi'cMe  en  re- 
,  le  baptême ,  et  si  les  cbrétïens  meurent ,  c'est  qu'ils  man- 
de foi  '. 

UESSALIEINS ,  secte  de  fanatiques.  Voici  rotigîue  de  leurs  er- 

urs  el  de  leurs  extravagances. 

L'Ëvaugile  enseigne  que  pour  être  parfait  il  faut  r 


'  Inrn,.  1.  3,  c.  ïl,  Terl.,  De  pra?script„  c  S.  Euscb,,  I,  3,  c.  30, 
Jusiilia  Apol.  i.  Ane.1  De  bnr.,  c  3. 
'  Républ.  des  lettre»)  I70D,  novenibre,  arL  S,  p.  5M, 


190  MES 

à  soi-même I  Tendre  ses  biens,  les  donner  aux  pauvres  et  se  dé- 
tacher de  toat. 

Un  nommé  Sabas,  animé  d*un  désir  ardent  d*arriver  à  la  per- 
fection évangélique ,  prit  tous  ces  passages  à  la  lettre ,  se  fit  eu- 
nuque ,  vendit  ses  biens,  et  en  distribua  le  prix  aux  pauvres. 

Jésus-Christ  dit  à  ses  disciples  :  Ne  travaillez  point  pour  la  nour- 
riture qui  périt ,  mais  pour  celle  qui  demeure  dans  la  vie  éter- 
nelle *. 

Sabas  conclut  de  ce  passage  que  le  travail  était  un  crime ,  et  se 
fit  une  loi  de  demeurer  dans  la  plus  rigoureuse  oisiveté  :  il  donna 
JBon  bien  aux  pauvres,  parce  que  TËvangile  ordonne  de  renoncer 
hux  richesses ,  et  il  ne  travaillait  point  pour  se  nourrir,  parce  que 
rÉvangile  défend  de  travailler  pour  une  nourriture  qui  périt. 

Appuyé  sur  plusieurs  autres  passages  de  TÉcriture ,  toujours 
pris  à  la  lettre,  Sabas  avait  jugé  que  nous  étions  environnés  de 
démons  et  que  tous  nos  péchés  venaient  des  suggestions  de  ces 
teprits  pervers  :  il  croyait  qu'à  la  naissance  de  chaque  homme 
un  démon  s'emparait  de  lui ,  Tentralnait  dans  les  vices  et  lui  fai- 
sait commettre  tous  les  péchés  dans  lesquels  il  tombait. 

Par  le  premier  acte  de  renoncement  à  soi-même  que  Sabas  pra- 
tiqua ,  il  y  a  bien  de  Tapparence  qu'il  était  sujet  à  de  fortes  ten- 
tations de  la  chair ,  et  TËcriture  nous  apprend  que  le  démon  de 
l'impureté  se  chasse  par  la  prière.  Sabas  crut  que  c'était  le  seul 
moyen  de  triompher  des  tentations  et  de  se  conserver  sans  péché. 
Les  sacremens  effaçaient  bien  les  péchés ,  selon  Sabas ,  mais  ils 
n'en  détruisaient  pas  la  cause ,  et  Sabas  les  regardait  comme  des 
pratiques  indifférentes  :  un  sacrement  était,  selon  lui ,  comme  le 
rasoir  qui  coupe  la  barbe  et  laisse  la  racine. 

Lorsque ,  par  la  prière ,  l'homme  s'était  délivré  du  démon  qui 
l'obsédait ,  il  ne  contenait  plus  de  cause  de  péché  ;  le  Saint  Esprit 
descendait  dans  Tâme  purifiée. 

L'Écriture  nous  représente  le  démon  comme  un  lion  affamé 
qui  tourne  sans  cesse  autour  de  nous  :  Sabas  se  croyait  sans  cesse 
investi  par  ces  esprits;  on  le  voyait,  au  milieu  de  la  prière ,  s'agi- 
ter violemment ,  s'élancer  en  l'air  et  croire  sauter  par  dessus  une 
armée  de  démons  ;  on  le  voyait  se  battre  contre  eux ,  faire  tous  les 
>mouvemensd'un  honune  qui  tire  de  l'arc  ;  il  croyait  décocher  des 
bêches  contre  les  démons. 

*  Jeau  6,  y,  Î7. 


I  MU.  lUI  \ 

W  L'îinaiiinalioiult!  Sahas  nV'lait  pas  tranquille  [icndiiiil 
meit  ;  il  crnjNit  voir  réellement  lous  les  Tïnlûmes  qu'elle 
fr^il ,  et  t»!  doutait  (las  que  ses  tisioDj  ne  Tuisienl  des  rérëlaliou  : 
iUccruiproplièle.ilatLiniraiteiiliuliite  la  inutiitudc,  il  écliaula 
lei  iiDagioviions  faibles  >  il  iospiri  tet  sentimens  ,  et  l'on  vil  una 
Tnule  d'bainmcs  et  de  femuies  vendre  leurs  biens,  mener  une  vis 
oisive  ei  tagabûnde ,  prier  saas  cesse  et  coucher  péle-méle  dani 
les  rues. 
Cos  in:>llipureus  croyaient  l'atmosphère  remplie  de  dÉmons,  e4 
t  douUieiii  pas  qu'ils  ne  les  respinsscni  aveu  l'air  ;  pour  s*ej| 
ils  ie  tnoucliaienl  et  crachaient  sans  cesie  ;  tantA| 
I  les  voyait  luuer  contre  les  démons  et  leur  décocher  des  ttè* 
K,  tanlùi  ils  tombaient  en  extase  ,  Taisaient  des  prophéties  ei 
myaietit  voir  la  Trinité. 

e  se  séparèrent  point  de  la  commiiiiion  des  callioliqupH , 

p'ils  regardaient  comme  de  pauvres  gens ,  igiioraiia  el  grossiers ,  J 

'  cliercbaient  slupidemeol  dans  les  sacremens  des  forces  contnf  J 

■llai|uea  du  détnon.  '\ 

EliCS  Uess.tliens  avaietil  fait  du  progrès  h  f^esse;  ils  en  furent  ■ 

tséspar  Flovïen,  év£que  d'Anlioclie,  et  se  retirèrent  dan^t  I4 f 

laphiliu;   ils  y  furent  condamnés  par  nu  concile,  el  pissèrenf  ] 

t  Arménie,  où  Us  infeciârent  de  leurs  erreurs  plusieurs  n 

LLélorius,  évéque  de  Mélîtâne  ,  les  fit  brûler  dans  ces  mon: 
;  ceux  (^i  échap|>èrent  aai  ilainmes  se  retirèrent  chex  1 
e  évéque  d'Arménie ,  qui  en  eut  pitié  et  les  traiti  avec 

MIU.ËNA1RES.  Ou  donne  ce  nom  i  ceux  i\oi  ont  cm 
Jteus-Christ  régnernit  lur  la  tt^rre  avec  ses  saints  dans  une  noii 
Jérusalem,  pendant   mille  ans  avant  le  jour  du  jugement  : 
Il  Ibndement  de  celle  opinion. 
[  Les  prophètes  avaient  promis  aun  Juifs  que  Dieu  les  rassembla^ 
e  toutes  les  nations ,  et  que,  lorsqu'il  aurait  exercé  sei 
atm  (ur  tous  leurs  ennemis  ils  jouiriient  sur  la  terre  d'u«  1 
Eilieur  parfsil  :  Dieu  annooca  par  Isaie  qu'il  créerait  i' 

,  nne  terre  nouvelle. 
ITout  ce  qui  a  Ml-,  auparavant ,  dit  Dieu  par  la  bouche  d'Isaie  J 
Vflfscera  de  la  mémoire  sans  qu'il  revienne  dans  respnt;v 
is  réjouirez ,  et  vous  serei  éti'rn  elle  ment  pénétrés  de  joie  d 
lesclioîes  que  je  vais  créer,  parce  que  je  n'en  v»is  rendre  Jér(i> 


192  MIL 

salem  une  ville  d*allégresse  et  son  peuple  un  peuple  de  joie.  Je 
prendrai  mes  délices  dans  Jérusalem  ;  je  trouverai  ma  joie  dans 
mon  peuple  ;  on  n*y  entendra  plus  de  voix  lamentables  ni  de  tristes 
cris  :  ils  bâtiront  des  maisons  et  ils  les  habiteront  ;  ils  planteront 
des  vignes  et  ils  en  mangeront  les  fruits  :  il  ne  leur  arrivera  point 
de  bâtir  des  maisons  et  qu'un  autre  les  habite ,  ni  de  planter  des 
vignes  et  qu*un  autre  en  mange  le  fruit  ;  car  la  vie  de  mon  peuple 
égalera  celle  des  grands  arbres ,  et  les  ouvrages  de  leurs  maisons 
seront  de  grande  durée  ^. 

Mes  élus  ne  travailleront  point  en  vain ,  et  ils  n'engendreront 
point  d*enfans  qui  leur  causent  de  la  peine  ,  parce  qu'ils  seront 
la  race  bénie  du  Seigneur  et  que  leurs  petits-enfans  le  seront 
comme  eux  ;  le  loup  et  l'agneau  iront  pattre  ensemble ,  le  lion  et 
le  bœuf  mangeront  la  paille ,  et  la  poussière  sera  la  nourriture  du 
serpent  ;  ils  ne  nuiront  point  et  ne  tueront  point  sur  toute  ma 
montagne  sainte,  dit  le  Seigneur*. 

Ezéchiel  ne  fait  point  des  promesses  moins  magnifiques.  Je  vais 
ouvrir  vos  tombeaux ,  dit  Dieu ,  et  je  ferai  sortir  mou  peuple  des 
sépulcres ,  et  je  vous  rendrai  la  vie  et  vous  rétablirai  dans  votre 
pays  ;  alors  vous  connaîtrez  que  je  suis  le  Seigneur.  Je  rassemble- 
rai les  Israélites ,  en  les  tirant  de  toutes  les  nations  parmi  les- 
quelles ils  ont  été  dispersés  ;  je  serai  sanctifié  entre  eux  à  la  vue 
de  toutes  les  nations;  ils  habiteront  dans  la  terre  que  j'ai  donnée 
à  mou  serviteur  Jacob ,  ils  y  habiteront  sans  crainte ,  y  bâtiront 
des  maisons ,  y  planteront  des  vignes  et  y  demeureront  en  assu- 
rance, lorsque  j'exercerai  mes  jugemens  contre  ceux  qui  étaient 
autour  d'eux  et  qui  les  ont  maltraités ,  et  l'on  connaîtra  alors 
que  c'est  moi  qui  suis  le  Seigneur  et  le  Dieu  de  leurs  pères  '. 

Les  Juifs  qui  reconnurent  que  Jésus-Christ  était  le  Messie 
ne  perdirent  point  de  vue  ces  promesses  magnifiques ,  et  il  y  en 
eut  qui  crurent  qu'elles  auraient  leur  effet  au  second  avènement 
de  Jésus-Christ. 

Ces  hommes ,  moitié  juifs ,  moitié  chrétiens ,  crurent  qu'après 
la  venue  de  l'Antéchrist  et  la  ruine  de  toutes  les  nations  qui  le 
suivront ,  il  se  fera  une  première  résurrection  qui  ne  sera  que 

«  Epiph.,  Hsr.  80.  Theod.,  Hist.  ecclés.,  I.  i&,  c  ii.  Aug.,  De  hsor., 
c.  57.  Photlns,  Bibliol.  Coq.,  53. 
*  Isais,  c  55,  i.  i7« 
>  Ëzéchid,  c  87,  i.  12,  25,  26, 


MIL 


^^L  four  \fs  jusicfi ,  mais  que  ceuv  qui  se  (rouroront  ulurs  sur  II  * 
^^^'lerre ,  bons  ei  méchans,  seront  conservés  en  vie  :  les  bons ,  pour 
^^Bfibéir aux  jastM  ressuscites,  comuie  â  leurs  princes;  les  méclians 
^^K^ur  être  vaincus  par  les  justes  et  pour  leur  être  uESujétis  ;  que 
^^^.J£bu  s -Christ  descendra  alors  du  ciel  dans  sa  gloire  ;  qu'ensuite  la 
Tille  <le  Jènisalem  sera  rebSiîe  de  nouveau  ,  augmentée  et  embo- 
lie, et  que  l'on  rebâtira  le  temple.  Les  Uilléuaires  marrgnaieiil  1 
même  précisément  l'endroit  ofi  l'un  et  l'autre  seraient  rebfllis  et  ' 

§  l'étendue  qu'on  leur  donnerait  ;  ils  disaient  que  les  murailles  de 
leur  Jérusalem  seraient  btties  par  les  nations  étrangères ,  coit- 
.duites  parleurs  rois;  que  tout  ce  qui  jetait  désert,  et  principa- 
lement le  temple,  serait  revêtu  de  cj^prés,  de  pins  et  de  cèdres; 
qne  les  portes  de  la  ville  seraient  toujours  ouvertes;  que  run  y 
apporterait  jour  et  nuit  toutes  sortes  de  richesses.  Ils  appli- 
quaient ï  cette  Jérusalem  ce  qui  est  dit  dans  le  il'  chapitre  de 
l'Apocalypse,  et  au  temple  (ont  ce  qui  est  écrit  dans  Ëiéchiel  : 
c'est  Ib  qu'ils  disaient  que  Jësus-Cbrist  régnerait  mille  ans  sur  la 
terre  d'un  régne  corporel,  et  que,  durant  ces  mille  ans,  lesHïuls, 
les  patriarches  et  les  prophMes  virraienl  avec  lui  dans  un  con- 
tenlemenlparrait;  c'est  là  qu'ils  espéraient  que  Jésus-Clirisl  ren-  ■ 
drait  ï  se*  saints  le  centuple  de  tout    ce  qu'ils  avaient  quittAJ 
pour  lui  :  quelques-uus  prélendaieul  que  les  saints  passeraient  ojH 
temps  dans  les  fesiius,  et  que  même  dans  le  boire  et  dans  l^j 
manger  ila  iraient  beaucoup  au  delii  des  bornes  d'une  juste  mo- 
dération et  se  porteraient  à  des  excès  incroyables  ;  ils  disaienique 
ce  serait  dans  ce  règne  que  Jésus-Clirist  boirait  le  vin  nouveau 
dont  il  avait  parlé  dans  la  cène  ;  ils  préteodaient  encore  qu'il  ; 

S'ait  des  mariages,  au  moins  pour  ceux  qui  se  seraient  trouT^^ 
ma  ï  la  venue  de  Jésus-Christ;  qu'il  y  naîtrait  deseofaus;qu4l 
Iles  les  nations  obéiraient  1  Israël  :  que  toutes  les  créatures  sw^ 
Tuaient  aux  justes  avec  une  entière  promptitude;  qu'il  j  aurait   ' 
néanmoins  des  guerres ,  des  triomphes ,  des  victorieux ,  des  vaio' 
eus,  i  qui  l'on  ferait  souffrir  la  mort.  Ils  se  promettaient,  dans 
celle  nouvelle  Jérusalem ,  une  abondance  inépuisable  d'or ,  d'ar- 
gent, d'animaux ,  de  toutes  sortes  de  biens  et  généralement  tout 
ce  que  les  chrétiens  semblables  aux  Juifs,  et  qui  ne  cbercheiit 
que  la  volupté  du  corps ,  peuvent  s'imaginer  cl  désirer  ;  ils  ajou- 
taient ï  cela  qu'on  serait  circoncis ,  qu'il  j  aurait  un  sabbat  per- 
pétuel ,  que  l'on  immolerait  des  victimes,  et  que  tous  les  homniea  . 
Tiendraient  adorer  Dieu  ï  Jérusalem,  les  uns  tous  les  samcdia^'tl 
n.  17  1 


1 94  MIL 

les  autres  ions  les  mois ,  les  plus  éloignés  une  fois  Fan  ;  qne  Ton 
observerail  toute  la  loi ,  et  qu'au  lieu  de  changer  les  Juifs  en  chré- 
tiens ,  les  chrétiens  deviendraient  des  Juifs.  C'est  pourquoi  saint 
Jérôme  appelle  souvent  Topioion  des  Millénaires  une  tradition  et 
une  fahle  judaïque ,  et  les  chrétiens  qui  la  croyaient  des  chrétiens 
judaîsans  et  des  demi-Juifs. 

ils  contaient  des  merveilles  de  la  fertilité  de  la  terre,  laquelle, 
selon  eux,  produirait  toutes  choses  dans  tous  les  pays,  et  qu'ainsi 
on  n'aurait  plus  besoin  de  trafiquer  ;  ils  disaient  qu'après  que  le 
règne  de  mille  ans  serait  passé,  le  diable  assemblerait  les  peuples 
de  Scythie,  marqués  dans  l'Écriture  sous  le  nom  de  Gog  et  de 
Magog,  lesquels,  avec  d'autres  nations  infidèles  retenues  jusqu'a- 
lors dans  les  extrémités  de  la  terre,  viendraient,  à  la  sollicitation 
du  démon,  attaquer  les  saints  dans  la  Judée  ;  mais  que  Dieu  les 
arrêterait  et  les  tuerait  par  une  pluie  de  feu,  ensuite  de  quoi  les 
méchans  ressusciteraient  ;  qu'ainsi  ce  règne  de  mille  ans  serait 
suivi  de  la  résurrection  générale  et  éternelle  et  du  jugement,  et 
qu'alors  s'accomplirait  la  parole  du  Sauveur,  qu'il  n'y  aura  plus 
de  mariage,  mais  que  nous  serons  égaux  aux  anges,  parce  que 
nous  serons  les  enfans  de  la  résurrection. 

11  paraît  que  Cérinthe  donna  de  la  vogue  à  cette  opinion  qui 
flatte  trop  Timagination  pour  n'avoir  pas  de  partisans  :  on  crut  la 
voir  dans  l'Apocalypse  de  saint  Jean  qui  dit  que  les  justes  règne-» 
rout  pendant  mille  ans  sur  la  terre  avec  Jésus-Christ.  On  crut  que 
cet  apôtre  n'avait  fait  qu'expliquer  ce  qu'Ézéchiel  avait  prédit  : 
plusieurs  chrétiens  retranchèrent  de  ce  règne  temporel  la  volupté 
que  les  chrétiens  grossiers  faisaient  entrer  dans  le  bonheur  des 
saints  ;  c'est  ainsi  que  Papias  expliquait  le  vingtième  chapitre  de 
l'Apocalypse. 

Cette  opinion,  dépouillée  des  idées  grossières  dont  les  chrétiens 
charnels  l'avaient  chargée,  fut  adoptée  par  plusieurs  Pères  :  tels 
furent  saint  Justin,  saint  Irénée,  etc. 

Le  grand  nombre  des  auteurs  ecclésiastiques  et  des  martyrs  qui 
ont  suivi  l'opinion  des  Millénaires  a  fait  que  saint  Jérôme  n'a  pas 
osé  la  condamner  absolument  ;  il  aime  mieux  réserver  toutes  ces 
choses  au  jugement  de  Dieu  et  permettre  à  chacun  de  suivre  son  sen- 
timent ;  ce  qui  n'empêche  pas  qu'il  ne  la  rejette  comme  une  faus- 
seté contraire  à  l'Ecriture,  comme  un  conte  aussi  dangereux  que 
ridicule,  et  qui  devient  un  précipice  à  ceux  qui  y  ajoutent  foi. 
Saint  PhiUsUre  la  qualifie  même  d'hérésie.  Les  Orientaux,  en  écri- 


Vant  cniilro  S9Ju(  Cjrillf,  (rail(.'nl  (k  I'uIjIus  i-l  di^  M'wn 
m  d'ApolliDaIre  ;  ei  S/ini  Cyrillf,  en  luur  rËpundiPl,  dil'cltre 
^'il  ne  t'arrête  ea  nuciine  manîâre  à  ce  qu'a  crj  Apollinaire.  La 
^s  grande  partie  des  I*ëre3  oui  coinbaitu  cette  erreur,  gui  u'uvait 
fin*  de  partions  connus  du  temps  de  uiiat  Jér6me  et  de  uini 
AuguElia.  Yofit  TilIeoioDi,  t.  i,  an.  HilUnames,  p.  300. 
Ce  tentiment  e'eit  renouvelé  parmi  les  PiéiiAtcsd'AlleniagDe*. 
MONOTIIÉUTES ,  bér6li<|ues  qui  ne  reconuaiMaienI  qu'uM 
■nie  volonté  et  nne  «eule  opération  en  Jësus-Ctirist . 
Cotte  erreur  Tut  une  suite  du  Neatorianisme  et  de  l'Eutjelii»-  3 
llritine  :  nou»  alluns  eiaminer  son  origine,  ses  principes,  sei  pr»<  J 

De  l'i/rlgiae  tt  iit  principe*  du  Monotlullisme, 

Nesloriua,  pour  ne  pas  conrunilre  dans  Jésus-Ciirist  la  naïur»  J 
AÏTiiie  et  la  naiure  humaine,  avait  bouleou  qu'elles  étaient  tell»  ] 
it  distinguées  qu'elles  formaient  deu.\  personnes. 
Eutjiohes,  au  contraire,  pour  défendre  l'uniié  de  personne  cA' 
~feas-(^riat,  aTsit  tellement  uni  la  nature  divine  et  la  n: 
paiae  qu'il  les  avait  confondues. 

'  L'Egliae  a^ait  défini  contre  Ne^torins  qu'il  n'j  avait  qu'une 

le  en  Jésus-Cbrist,  et  contre  Eutjclies  qu'il  }  stait  deux 

ptures;  cependant  il  y  araît  encori'  des  Nesloriens  et  des  F      " 

:  les  Eutjchiens  prétendaient  qu'on  ne  puuiait  coodai 
Entfches  sans  rcaouveler  le  Nestoriaoisme  et  sans  admettre  di 
''  jtersonnes  en  Jésus-<lhrist  ;  letî  NetUiricns,  au  conlrairf,  i 
oaient  iju'on  ne  pouvait  cundamner  Neslorius  sans  tomber  daui  II 
SabcUianismo  et  mm  coufoudre,  couime  Euijches,  la  n 
vinM  et  l»  nature  liumainc,  cl  sans  en  faire  une  seule  substance. 
Toute  l'activiié  de  l'esprit  se  porta  sur  ce  point  capitil,  dontM 
seinlilait  devoir  réunir  Ions  les  partis  ;  on  chefcba  hgt  1 
loyt^ns  d'npliquer  comment  en  effet  ces  deni  natures  coiiiposaieM  J 
ine  seule  personne,  quoiqu'elles  fussent  très-distinguées 
^  On  erul  résoudre  celle  difSculté  en  supposant  que  la  na 
'Uine  était  r^elleoi cul  distinguée  delà  nature  divine,  mais  qu'elH 
li  était  tellement  unie,  qu'elli-  n'avait  point  d'aclion  propre 
fe  Verbe  élait  lu  seul  principe  .iclif  dans  jcâus-Clii'iM  ;  que  ^ 

'  Stocluuan,  Lcxicoii, 


196  MON 

voioDlé  humaine  était  absolument  passive  comme  un  instrument 
entre  les  mains  de  Tartiste. 

Voilà  en  quoi  consiste  le  Monothélisme,  qui,  comme  on  voit, 
D*est  point  dans  son  origine  une  branche  de  TEutychianisme 
plutôt  qu*une  branche  du  Neslorianisme  »  mais  qui  cependant 
s*accorde  mieux  avec  TEutychianisme  ;  c*est  pour  cela  qu'il  a 
été  adopté  par  les  Eutychiens,  mais  il  ne  faut  pas  le  confondre 
avec  TEutychianisme  ^, 

Le  Monothélisme  a  donc  pour  base  le  dogme  de  Tunité  person- 

*  En  effet,  les  Monothélites  rejetaient  Terreur  des  Eutychiens  ;  ils  ne 
niaient  point  qu*il  n*y  eût  deux  natures  en  Jésus-Christ,  et  en  qudque 
sorte  deux  volontés,  savoir  :  la  volonté  divine  et  la  volonté  humaine; 
mais  ils  enseignaient  que  la  volonté  humaine  de  Jésus-Christ  n*était 
que  comme  un  organe  ou  comme  un  instrument  dont  la  volonté  di- 
vine se  servait;  en  sorte  que  la  volonté  humaine  de  Jésus-Christ  ne 
voulait,  ne  faisait  rien  d'elle-même,  et  n*agissait  que  selon  que  la  vo- 
lonté divine  la  mouvait  et  la  poussait  ;  comme  quand  un  homme  tient 
à  sa  main  un  marteau,  et  qu*il  frappe  avec  ce  marteau,  on  n*attribue 
pas  proprement  le  coup  au  marteau,  mais  à  la  main  qui  a  remué  et 
fait  agir  le  marteau. 

Il  y  a  néanmoins  cette  différence  que  Thomme  et  le  marteau  qui 
frappent  ne  sont  pas  une  seule  et  même  personne. 

Les  Monothélites  disaient  aussi  qu*il  n'y  avait  qu*une  seule  volonté 
personnelle  et  une  seule  opération  en  Jésus-Christ,  parce  qu'il  n'y  avait 
que  la  nature  divine  qui,  comme  maîtresse,  voulait  et  opérait,  mais 
que  la  nature  et  la  volonté  humaine  n'agirait  point  proprement,  et 
n*était  considérée  que  comme  purement  passive,  en  sorte  qu^elle  ne 
voulait  point  d*elle-méme,  et  quelle  ne  voulait  que  ce  que  la  volonté 
divine  lui  faisait  vouloir;  c*est  pour  cela  qu*ils  disaient  qu*il  n*y  avait 
qu*une  seule  énergie  en  Jésus-Christ.  (  Voyez  les  lettres  de  Cyms,  de 
Sergius  et  d'Honorius,  dans  les  actes  du  sixième  concile  général ,  act. 
iif  13.  Colloquium  Pyrrhi  cum  Maximo,  apud  Baron,  t  8,  p.  681.) 

C'est  ainsi  que  Suarcz  de  Lugo  et  beaucoup  d'autres  théologiens  ont 
conçu  le  Monothélisme,  et  ce  sentiment  me  semble  beaucoup  mieux 
fondé  que  celui  des  théologiens  qui  regardent  le  Monothélisme  conune 
une  branche  de  l'Eutychianisme.  (  Voyez  ^  sur  ce  dernier  sentiment , 
Pétau,  Dogmat  théol,  t.  5, 1.  8,  c  A.) 

Ils  prouvent  bien  que  le  Monothélisme  conduit  à  l'Eutychianisme, 
et  que  c'est  par  ces  conséquences  qu'on  Ta  combattu  ;  mais  les  mono- 
thélites niaient  ces  conséquences,  et  ne  croyaient  pas  que  leur  senti« 
ment  y  condubtt. 


»MON 
jMlle  <l0  Jésiia-CLri&i  que  ri^^lisc  avait  iléiini  comte  Neslorius  st  | 
Éfmpossibililé  de  couccvoir  plusjimn  actions  ou  (irincîpus  t 
vus  ob  il  o'y  a  qn'uQe  seule  persiiune.  Celle  erreur  se  niiluïi 
nîsoDnement  : 

Il  ac  peuiy  avoir  dans  uae  teule  pitrsODne  qu'un  seul  priactpe 
qui  vciil,  ijui  se  dé  terni  i  ne  ;  car  la  personne  ëUnl  un  individu  qui 
existe  en  lui-même,  qui  contient  un  principe  d'action,  qui  a  une 
volonlë,  une  inielligence  distinguée  de  h  volonté  et  de  l'iniellï- 
gence  de  tout  autre  principe,  il  est  clair,  disent  les  MonolfaéUles, 
qu'on  ne  peut  supposer  plusieurs  intelligences  et  plusieurs  volon- 
tés distinguées  sans  supposer  plusieurs  personnes  :  or,  l'Ëglisedé- 
B finit  qu'il  n'y  a  en  Jésu^brisL  qu'une  personne ,  il  n'y  a  doue  en 
^n»<!hr!st  qu'un  seul  principe  d'action,  une  seule  volonté,  une 
JMule  intelligence  ;  la  nature  divine  et  la  nature  liumaine  sont 
4onc  tellement  unies  en  Jésus-Cbrist  qu'il  n'y  a  point  deux  ac- 
tions, àenx  volonté;^,  car  alors  il  y  aurait  deux  principes  agi»- 
Mns  et  denx  personnes.  J 

Les  catlioliquËS  répondaient  aux  Honotliéliles  :  1*  qu'il  y  avait  1 
^^  es  Dieu  trois  personnes  et  une  seulevolonlc,  parce  qu'il  n'y  STlit  1 
^^Ldu'une  seule  nature  ;  que  par  conséquent  c'était  de  l'unité  de  m*  I 
^^Bsre  qu'il  fallait  conclure  l'unité  de  volonté,  et  non  pas  de  l'uuitt  1 
^^f  4e  1>  [lersonne.  I 

En  effet,  si  l'unité  de  la  personne  emportait  avec  elle  l'unité  da  J 
Il  volonté,  la  multiplicité  de  personnes  emporterait  au  contrai»  "l 
ta  multiplicité  de  volontés,  et  il  faudrait  reconnaître  en  Dieu  traif  i] 
volontés;  ce  quîestfaux.  I 

2"  11  est  essentiel  à  la  nature  liuniainc  d'être  capable  de  TO|b>  J 
loir,  d'agir,  de  sentir,  de  connaître,  d'avoir  conscience  de  sot  1 
csbience  ;  s'il  n'y  avait  en  Jésns-Cbrist  qu'un  seul  principe  ijvS  ' 
sentit,  qui  connût,  qui  voulilt  el  qui  eùl  conscience  de  sou  exis- 
tence et  de  ses  actions,  l'fime  liumaine  serait  anéantie  et  confondue 
dtns  la  nature  divine,  avec  laquelle  elle  ne  ferait  qu'une  guIj- 
■tanoe,  on  il  faudrait  que  la  nature  humaine  fût  seule  et  que  par 
^^BBODséqueni  le  Verbe  ne  se  fût  pas  incarné.  lictlcmothélisme,  qui 
^^Hwsuppose qu'une  seule  volonté  dans  Jésus-Clirisl,  letombe  doua  1 
^^H^s  rEulycbiauïsme  ou  oie  l'incarnation  '-  I 

^^^B    Ainsi,  quoiqu'il  n'y  ait  en  Jéaus-Cbrisl  qu'une  seule  personne  I 
^^H^ui  agisse,  il  y  u  cepeudant  plusieurs  opérations,  et  le»  deux  nalu-  I 

^^B    '  AcL  conc;  J 


108  MON 

res  qui  composent  sa  personne  et  qui  concourent  à  une  aetioa 
ont  chacune  leurs  opérations,  et  c*est  pour  cela  qu*on  les  appelle 
théandriques  ou  divinement  humaines. 

Les  actions  théandriques  ne  sont  donc  pas  une  seule  opération  ; 
ce  sont  deux  opérations.  Tune  divine  et  Tautre  humaine,  qui 
concourent  à  un  même  effet;  ainsi,  quand  Jésus-Christ  faisait  des 
miracles  par  son  attouchement,  Thumanité  touchait  le  corps,  et  la 
divinité  guérissait. 

Voilà  la  vraie  notion  des  actions  théandriques  :  on  peut  dire 
cependant,  dans  un  sens  plus  général,  que  toutes  les  actions  et 
tous  les  mouvemens  de  Thumanité  de  Jésus-Christ  étaient  théan- 
driques, c*est-à-dire  des  actions  divinement  humaines,  tant  parce 
que  c*étaient  les  actions  d*un  Dieu  qui  reçoivent  une  dignité  infi- 
nie de  la  personne  du  Verbe  qui  les  opérait  par  son  humanité, 
que  parce  que  Thumanité  de  Jésus-Christ  n'opérait  rien  seule  et 
séparément  ;  elle  était  toujours  gouvernée  et  régie  par  l'impres- 
sion du  Verbe  à  qui  elle  servait  d'instrument. 

Si  rhumanité  de  Jésus-Christ  voulait  quelque  chose ,  le  Verbe 
voulait  qu*elle  Ta  voulût,  et  la  poussait  à  la  vouloir  selon  le  dé- 
cret de  la  sagesse  :  de  même  donc  que  Ton  doit  toujours  concevoir 
Phumanité  de  Jésus-Christ  comme  jointe  à  sa  divinité  et  comme 
ne  faisant  qu'une  même  personne  avec  elle ,  on  doit  toujours  con- 
cevoir aussi  toutes  les  opérations  de  l'humanité  comme  jointes  à 
des  opérations  de  la  divinité,  et  ne  faisant  par  cette  union  qu'un 
seul  et  même  opérant,  si  je  peux  parler  de  la  sorte. 

Ainsi  ces  opérations  sont  adorables  en  la  manière  que  l'huma- 
nité de  Jésus-Christ  est  adorable;  c'est-k-dire  que,  comme  on  adore 
par  une  même  adoration  le  Verbe  fait  chair,  on  adore  aussi,  par 
la  même  adoration,  le  Verbe  opérant  par  sa  double  nature  divine 
et  faumaiue^. 

Duprogrès  du  Monothélhme, 

Nous  avons  vu  que  le  Monothélisme  était  appuyé  sur  ce  principe 
spécieux ,  c'est  qu^on  ne  peut  supposer  deux  opérations  où  il  u*y 
a  qu'un  principe  agissant;  que  par  conséquent  il  n'y  a  qu'une  opé- 
ration en  Jésus-Christ,  puisqu'il  n'y  a  qu'une  personne. 

^Mcole,  sur  le  Symbole,  troisième  instruction.  Voyez  Damasccm, 
Deduabusin  Christo  voluntalibus.  Vasques,  vol.  5,  t.  1,  disp.  73,  c  !• 
Combefis,  Uist*  hxres.  Monot.  Pétau,  Dogui.  Uiéol.,  t  5,  L  8. 


P  MON  r-j9 

Or r^rutailMUdumealue  principe,  et  on  leréfuliit  surioutpar 
les  conn^iieacM  f lusses aui<| nulles  il  conduiMÎt. 

Mai»  hi  Hoiiothéliles  niaieai  ces  conséquences,  el  prétendaient 
que  si  l'on  reconnaissait  deux  voluniéa  on  iupposersii  deiin  prin- 
cipes d'action  eldeu%  personnes,  comme  Nestoriusl'anît  enseigné. 

de  UonothAlisme  et  le  sentiment  des  uuiholiiiues  durent  donc 
s'offrir  d'iibord  comuicdeux  opinions  tliéulogiqucs '  dans  cet  dtat 
delà  dispute,  cliacuD  faisait  laloir  son  opinion  par  lescoiis^uen- 
ces  avaougeuses  qu'il  en  tirait ,  et  les  Uonoiliélitea  préten- 
diiii^nl ,  d'une  manièrti  assez  spécieuse ,  que  leur  opinion  était 
propre  i  procurer  U  réunion  des  Nealorieus  el  dts  Euijcliîens  k 
VÈgVne. 

Ka  effet ,  le  Uonotliélisme  qui  supposait  que  la  nature  humuinrt 
cLaii  tellement  unie  à  In  nature  divine  qu'elle  lui  était  subordon- 
née dans  lonies  ses  actions  el  qu'elle  n'agissait  point  par  elln- 
uiéme ,  mAts  par  U  volonté  divine  ,  paraissait  lever  les  difflcultés  \ 
des  N'esiorieos  et  des  Euijcliiens,  puisqu'il  supposait  dans  Jésus*    ! 
Clirist  doux  natures  trëi-distinctes  et  un  seul  principe  d'action  , 
ou  un  seul  étreigissant.  En  un  mot ,  les  Neslorlens  ne  pouvaient 
reprocher  au  Uunotbélite  de  confondre  les  deux  natures,  puis- 
qu'il les  supposait  distinctes  et  suburdunnées  ;  d'un  autre  cAté , 
tvB  Eut  t  chien  s  ne  pouvaient  reprocher  au  Monothéiile  de  ■luppuser   | 
avei-NeslunusdeuïperiUnne9ilan&  Jésus-Clirisl,  puisqu'il  nesup-   1 
punit  eu  lui  qu'un  seul  priucipe  agissant,  ou  une  seule  aciîun, 

Voib  ,  ce  me  senible ,  le  cété  favorable  sous  lequel  les  MunO-'  I 
iliélîies  oITrdieut  leur  seiiiiincut,  et  ce  fut  sous  celte  t:itM  qu'll4- 
racliaa  l'envisagea  :  comme  ce  prince  suubaiiail  réunir  les  partis 
qui  avaient  décbiré  l'^-gliie  el  terminer  des  querelles  qui  uvateut 
dé|ieu|dé  l'empite,  il  marqua  beaucoup  de  gndt  (lour  le  UonothA-    ' 
iisuic  et  voulut  qu'où  l'enseignât'. 

Cjrus,  patriarche  d'Alexandrie,  assembla  unconcile,  dans  le- 
quel il  lit  déddor  qu'il  n'y  avait  qu'une  seule  volonté  en  Jésus- 
Chriit. 

Sophron«,  évéquede  Dama*  ,  et  ensuite  de  Jérusalem,  o'envî- 
«aj^eapasle  MouotliéMsuie  sous  cette  face  ;  il  ne  crut  voir  dans 
celte  nouvelle  décision  de  Cjrui  qu'un  Euljcbianisaïc  dégnisé;  il 


a  le  jugeiuci 


uriied'Mo» 


jâHutint  qu'il  y  avait  deux  volonti^'s  et  deux  opérulions  en  Jésus- 


300  MON 

Christ ,  selon  les  deux  natures  qui  sont  en  lui  ;  qu*on  ne  pouvait 
soutenir  que  la  nature  humaine  n*avait  point  d^action  sans  la  dé- 
pouiller de  son  essence ,  sans  Tanéantir  et  sans  la  confondre  avec 
la  nature  divine^. 

Gyrus  etSophrone  écrivirent  pour  intéresser,  chacun  en  faveur 
de  leur  sentiment ,  le  plus  de  monde  quUls  pourraient ,  et  il  se 
forma  deux  nouveaux  partis  dans  TÉglise. 

Sergius ,  patriarche  de  Gonstantinople ,  assembla  un  concile 
dans  lequel  on  définit  qu*il  y  avait  dans  Jésus-Christ  deux  natures 
et  une  seule  volonté  *• 

Cyrus  et  Sergius  écrivirent  au  pape  Honorius  qui,  prévoyant  les 
suites  de  cette  contestation  ,  leur  conseilla  de  ne  point  se  servir 
des  termes  d*une  seule  volonté  ou  d'une  seule  opération ,  comme 
aussi  de  ne  point  dire  qu'il  y  a  deux  volontés  ^. 

L'empereur  Héraclius ,  autorisé  par  les  conciles  que  Cyrus  et 
Sergius  avaient  assemblés  ,  fit  dresser  un  acte  de  la  décision  de 
ces  conciles,  dans  lequel  il  exposait  la  doctrine  des  Monothélites, 
et  qui  fut  à  cause  décela  appelé  Ectèse  *. 

L'Ëctèse  fut  reçue  par  beaucoup  de  monde  dans  l'Orient  ;  mais 
elle  fut  constamment  rejetée  et  condamnée  par  les  papes  et  par  les 
évéques  de  la  Bysacène,  de  la  Numidie,  de  la  Mauritanie  et  de 
toute  l'Afrique,  qui  s'assemblèrent  et  anathématisèrent  le  Mono- 
thélisme. 

Héraclius  n'avait  pas  prévu  ce  soulèvement  ;  il  en  craignit  les 
suites,  retira  son  Ectèse,  et  déclara  que  cet  édit  était  l'ouvrage  de 
Sergius  ^. 

Cyrus  de  Jérusalem  et  Sergius  de  Constantinople  étaient  morts  ; 
mais  ils  avaient  été  remplacés  par  Pierre  et  par  Pyrrhus ,  deux 
Monothélites  zélés  ;  ainsi  le  Monothélisme  se  soutenait  dans  l'O- 
rient. 

Héraclius  ne  survécut  pas  long-temps  à  son  Ectèse ,  et  il  eut 
pour  successeur  Constantin ,  son  fils  ,  qui  ne  régna  que  quatre 
mois;  il  fut  empoisonné  par  l'impératrice  Martine,  sa  belle-mère, 
qui  voulait  mettre  sur  le  trône  Héracléon,  son  propre  fils  :  le  sénat 

*  Conc.  6,  act.  il.  Baron,  ad  an.  6Sà. 
2  Ibid. 

*  Conc.  6,  acL  il.  Baron,  ad  an  634* 

*  Le  mot  Ectcsis  signifie  exposition. 
^  Thcophitnc,  c  30. 


t 


MO.^ 


'  dévouvi'il  le  vrtJLiede  riin)iérairice,  et  lui  lit  couper  la  Unique  ;onr 
coupa  le  nez  i  son  Gis  ,  el  le  sénat  élut  Cooslunt ,  lils  de  ConitaR-  ] 
liu  el  petit-fils  d'Ilérscliu: 

Pjrrhus  fui  snupçoiiiié  d'aïoir  pariicij'é  4  la  conjuraiion  de  I 
Marline;  il  s'enfuit  en  Afrique,  et  l'on  <ïlut  à  sa  pUce  Piiul,  qui 
élail  encore  ud  Honolhélite,  mais  doux  el  modéré. 

CoDâiant  voulut  soutenir  l'Eclèsc  ou  l'eapoiition  de  foi  de  son 
aïeul;  innis  il  reçut  des  députés  des  conciles  d'Afrique,  qui  lesup- 
.  pliaient  de  ne  pas  permettre  qu'on  introduisit  aucune  nouveauté 
LdiuRl'Ëglise'. 

%     Les  évéques  d'Afrique  n'élaiem  plus  sous  la  domination  de  l'enn 
Ppereur,  les  Sarrasins  s'étaient  emparés  de  celle  province ,  el  ni»- 
Aaçaieni  sans  cesse  l'empire  de  nouvelles  invasions. 

Le  patriarche  sentit  combien  il  serait  dangereux  pour  l'empe- 
reur d'aliéner  l'esprit  de  ses  sujets  et  de  troubler  l'empire  en  les 
obligeant  de  souscrire  i  l'Ectf^se  ;  il  engagea  Consiam  ï  publier 
e  formule  de  foi  qui  put  maintenir  la  paix  dans  l'Ëglise  :  celte  J 
n  été  célèbre  sous  le  nom  de  Type. 
f  L'empereur  déclarjîi,  dans  ce  Type,  que,  pour  conserver  dau  | 
'ïglise  la  paii  et  l'union,  il  commandail  ï  tous  les  évéques,  prfi 
ss,  docteurs ,  de  garder  le  silence  sur  ta  volonié  de  Jésus-Cbrin 
le  poînl  disputer,  ni  pour,  ni  contre,  pour  savoir  si  eu  Je 
il  d'j  avait  qu'une  volonté  ou  s'il  j  en  avait  deux  *. 
Âusiilût  que  le  Type  fut  connu  en  Occident ,  Martin  !•■  tii 
sembler  un  concile,  composé  de  ccnlcinq  évéques,  qui,  après  a 
eiamiaé  et  discuté  l'aOkire  du  Honotliélisme,  condamnërenl  ( 
erreur,  l'Eclèse  d'Uéraclius  et  le  Type  de  Conslanlinople  '. 

Le  jugement  du  concile  assemblé  par  le  pape  Martin  I",  ïrriu  I 
Constant  :  cel  empereur  le  regarda  comme  un  allentat  i  son  auto-  i 
rite;  il  exilaMartinenCbersunése,  et  Ql  élire  en  sa  place  Eugjme 

Pi  ue  consentit  pas  ouvertement  à  l'erreur  des  Monuthélîtea;  mai 
I  apoctisiaires  furent  contraints  de  se  réunir  aui  Monoiiiélitei, 
i  diangèrenl  de  langage  et  dirent  qu'il  y  avait  en  Jésua-Cliritt  \ 
e  el  deux  natures. 
Tandis  que  Consiaut  luiiaii  ainsi  contre  l'inllexible  fermelé  dea  | 
pes  et  des  évéques,  les  Sarrasins  pénétraient  de  toutes  paris  ] 
'C 


I.  eâs. 


I.  uo. 


20Î  MON 

dans  Tempire  ;  et  l*empereur,  qui  n^avait  point  de  forces  capables 
de  résister ,  était  obligé  de  demander  et  d*acheter  la  paix  :  il 
mourut ,  laissant  TÉglise  divisée ,  et  Tempire  partagé  en  factions 
et  attaqué  par  un  nombre  infini  d'ennemis. 

De  l'extinction  du  Monothélitme, 

Constantin ,  fils  de  Constant ,  réprima  les  ennemis  de  Tempire 
et  travailla  à  rétablir  la  paix  et  Tunion  dans  TÉglise.  11  n*y  avait 
plus  aucune  communion  entre  TÉglise  de  Constant! nople  et  celle 
de  Rome.  Pour  faire  cesser  ce  schisme,  Constantin  fit  convoquer 
le  sixième  concile  général ,  qui  est  le  troisième  de  Constantino- 
pie  ;  on  en  fit  Touverture  la  treizième  année  de  Tempire  de  Con- 
suntin,  Tan  680. 

Les  Monothélites  y  défendirent  Tivement  leur  sentiment,  et  ils 
furent  réfutés  solidement.  Macaire ,  évéque  d*Antioche ,  défendit 
le  Monotbélisme  avec  toutes  les  ressources  de  Tesprit  et  de  Té- 
rudition,  mais  cependant  pas  toujours  avec  assez  de  bonne  foi  :  il 
protesta  qu'il  se  laisserait  plutôt  mettre  en  pièces  que  de  recon- 
naître deux  volontés  ou  deux  opérations  naturelles  en  Jésus-Christ. 
Il  justifiait  sa  résistance  par  une  foule  de  passages  des  Pères,  qu*on 
examina  ,  et  que  Ton  trouva  pour  la  plus  grande  partie  tronqués 
et  altérés  :  ainsi  la  fermeté,  ou  plutôt  Topiniâtreté  inflexible,  n*est 
pas  toujours  Teflet  de  la  conviction  et  une  preuve  de  bonne  foi 
et  de  sincérité  dans  les  hérétiques. 

Le  concile,  après  avoir  éclairci  toutes  les  difQcultés  des  Mono- 
thélites ,  proposa  une  définition  de  foi ,  qui  fut  lue  et  approuvée 
de  tout  le  monde. 

Dans  cette  définition  du  sixième  concile  général ,  on  reçoit  les 
définitions  des  cinq  premiers  conciles  généraux  :  on  déclare  qu*il  y 
a  dans  Jésus-Christ  deux  volontés  et  deux  opérations  ,  et  que  ces 
deux  volontés  se  trouvent  en  une  seule  personne,  sans  division  , 
sans  mélange  et  sans  changement  ;  que  ces  deux  volontés  ne  sont 
point  contraires,  mais  que  la  volonté  humaine  suit  la  volonté  di- 
vine, et  qu'elle  lui  est  entièrement  soumise:  on  défend  d'enseigner 
le  contraire,  sous  peine  de  déposition  pour  les  évêqueset  pour  les 
clercs,  et  d'excommunication  pour  les  laïques.  La  définition  du 
concile  fut  unanime  ,  et  Macaire  s'y  opposa  seul  * . 

'On  condamna,  dans  le  concile,  Sergîus,  Pyrrhus,  Paul  et  le  pape 
Houorlus,  comme  Mouothélilcs,  ou  comme  fauteurs  du  Mouothélisme  : 


■  MON  3oa  ] 

^'l.'enip«reur,  anssItAl  apri»  le  concili;,  lionnaun  ôdiicoaire  In  ^ 
'  noiiuUièliiea  ;  il  pronfln«,'a  peine  de  ilépoïitiun  ,  ou  plulQt  de 
jiiirliilioo  contre  les  clercs  cl  conlre  les  moines;  celle  de  proactîp- 
lioii  et  de  privatiou  d'emplois  contio  les persunoes  conslituùea  ei 
cli:irgesou  en  dîgniiiïs,  ei  celte  île  banuissenieol  de  toutes  les  v!IIm 
coritrt!  les  particuliers. 

Jiistinieo  ,  qui  succéda  i  Constantin  ,  couQrma  les  lois  de  son 
père  contre  les  Uonutlii'>lites;  ajanl  été  cliasié  par  L£once,  et  rû- 
labli  pur  TrÉbellius  ,  il  voulut  se  venger  des  Labitans  de  CheniH 
nËse  ,  qui  l'avaient  mallraité  pendant  son  exil  cliex  eux  :  il  en  Qt 
passer  la  plus  grande  partie  au  lil  de  l'épèe  ;  mais  quelques-uns 
des  oranicrs,  s'étaiil  réfugiés  dans  le  pajg  des  CLaiari,  engagèrent 
ces  peuples  jk  les  venger,  s'unirent  ï  eux  ,  formèrent  une  armée , 
attaquèrent  les  troupes  itc  Justinieu,  les  délirent,  et  proclamè- 
rent Pliilippicus  empereur. 

Pliillppicus marcha  Ii  Constantinople ,  où  ilne  trouva  point  de 
résiïl.Lnce  ;  il  envoya  de  lit,  contre  Jnslinien,  un  de  ses  généraux, 
qui  Ml  Justiiiien  prisonnier,  et  qui  envoja  sa  tête  ï  Pliilippicus  •.    ^ 

l'liili|i|iicus  n'eut  pas  plus  tâl  pris  possession  du  IrAne,  qu'é- 
pouMut  hautement  lu  cause  des  MoDolhélites,  il  couvuqua  un    , 
coonle  d'évéques,  tous  Monothéliies  dans  le  co^ur,  et  par  c 
séqiieni  Ir^-disposôs  ù  révoquer  le  jugement  du  sixième  coQ< 


L'empereur  fut  dctei'miué  i  ce  parti  par  un  moini 
qui,  s'il  eu  faut  croire  Cédrénus  ,  lui  avait  prédit 
parriendrailï  l'empire,  et  qui  lui  promettait  i 


heureux 


Uonotliélite , 
utrefuis  qu'il 
'égnelungel 


julait  abolir  l'autorité  et  le  jugement  du  sixième 


ce  ilemirr  point  a  été  hitn  disputé  par  le*  défenseurs  de  (' infaillibilité 
Ou  pa|HS  Celle  diuussion  n'est  pai  de  mon  sujet  ;  on  la  trouvera  trailËe 
dan»  le  P.  Alexandre,  disserl,  S  in  siBCulum  7  i  dans  ConibeQs,  UÎMo- 
rio  monollu^lillca  ;  dans  Bellarmrn,  De  summo  pontiGce,  I.  i .  c  11 
àata  Grctter,  De  tummo  ponlilice,  lîb.  i ,  capiL  11  ;  daus  Onuphre 
in  Uonor.;  dans  Scholus,  lu  cud.  30  Dlhllntli.  Pbolii.  dans  Baron; 
doni  Binioi,  in  nolfs  in  vllam  et  epist.  Houorli,  pape,  hi seilum conci- 
llum  œcuraenicum  t  în  vilam  Agalhoni»,  pops  ;  iu  vllam  Leonis  ;  daiit 
l'élau,  Dogm.  th.,  L  5,  I.  1,  c  19,  SI; dans  Dupiu,  DiM.,  I.  Gj  daui 
une  disacrtatioD  sur  le  Monathâismc,  par  M.  l'abbé  Corgne.  Les  Pro- 
ictlans  ont  Irailé  le  même  sujet.  Charnier,  t.  1.  Forbesiu!,  t.  t ,  1.  S. 
Spanhcim,  liilrod.  ad  Ili-I.  siicrom,  I.  !.  Bnsnoge,  HisL  de  l'Église. 
'  L'an  71 L 


504  MON 

concile,  et  éublir  le  Monothélisme  :  le  crédule  empereur  exclu 
donc  de  nouveaux  troubles  dans  TÉglise  et  dans  Tempire ,  pour 
abolir  le  sixième  concile. 

La  prédiction  du  moine  ne  fut  pas  justifiée  par  Tévènement  ; 
Philippicus  laissa  ravager  les  terres  de  Tempire ,  pendant  qu'il 
s'occupait  des  disputes  de  la  religion  ;  il  devint  odieux  aux  peu- 
ples ;  on  lui  creva  les  yeux,  et  l'on  donna  Tempireà  Anastase,  qui 
n'en  jouit  pas  long-temps  ;  il  fut  détrôné  par  Théodose,  qui  le  fut 
lui-même  par  Léon  ,  qu'Anastase  avait  fait  général  de  toutes  les 
troupes  de  Tempire. 

Ce  Léon  est  Léon  Isaurien ,  qui  voulut  abolir  les  images ,  et  fut 
chef  des  Iconoclastes  :  voyez  cet  article.  La  dispute  du  culte  des 
images  fit  oublier  le  Monothélisme  ,  qui  eut  cependant  encore 
quelques  partisans ,  qui  se  sont  réunis  ou  confondus  avec  les  Eu- 
tychiens. 

MONTAN,  était  du  village  d'Ardaban,  dans  la  Phrygie  :  peu  de 
temps  après  sa  conversion  ,  il  forma  le  projet  de  devenir  le  chef 
du  christianisme. 

Il  remarqua  que  Jésus-Christ ,  dans  TÉcriture  ,  avait  promis 
aux  chrétiens  de  leur  envoyer  le  Saint-Esprit  ;  il  fonda  sur  cette 
promesse  le  système  de  son  élévation  ,  et  prétendit  être  le  pro- 
phète promis  par  Jésus-Christ  * . 

Il  est  aisé,  se  disait  Montan,  de  faire  voir  que  Dieu  n'a  point 
voulu  manifester  tout  d'un  coup  les  desseins  de  sa  providence 
sur  le  genre  humain  ;  il  ne  dispense  que  par  degrés  et  avec  une 
sorte  d'économie  les  vérités  et  les  préceptes  qui  doivent  l'élever 
à  la  perfection  :  il  a  donné  d'abord  des  lois  simples  aux  Israélites  ; 
il  les  a  fait  observer  par  le  moyen  des  peines  et  des  récom- 
penses temporelles  ;  il  semble  que  Dieu  traita  alors  le  genre  hu- 
main comme  on  traite  un  enfant  que  l'on  fait  obéir  en  le  mena- 
çant du  fouet  ou  en  lui  promettant  des  dragées  :  il  envoya  ensuite 
des  prophètes,  qui  élevèrent  l'esprit  des  Israélites. 

Lorsque  les  prophètes  eurent,  pour  ainsi  dire ,  fortifié  l'enfance 
des  Israélites  ,  et  les  eurent  comme  élevés  jusqu'^  la  jeunesse , 
Jésus-Christ  découvrit  aux  hommes  les  principes  de  la  religion , 
mais  par  degrés  et  toujours  avec  une  espèce  d'économie,  dont  la 
Providence  semble  s'être  fait  une  loi  dans  la  dispensation  des  vé- 
rités révélées  ;  Jésus-Christ  disait  souvent  à  ses  disciples  qu'il 

<  Eu9èb.,  l  5,  c,  16, 


MON  : 

kvraitcncore  des  choses  importantes  ^   cur  dire,  mais  qu'ils  i 
■'ttrent  pas  encore  en  étal  de  lEscnlendre. 

A|ir£s  les  avoir  ainsi  pri!-parés,  il  leur  promit  de  leur  tayoytft  1 
■te  Saial-Espril,  et  il  monta  au  ciel. 

'  Les  apûtre*  et  leurs  successeurs  ont  répandu  la  doctrine  de  Ji' 
nu-Chri&t,  et  l'ont  même  développée;  ils  ont,  par  ce  moyen  ,  con- 
hit  l'Ëglise  au  degré  de  Inmi^re  qui  deraît  éclairer  les  liommn  | 
^  pour  que  Jésus-ChrUt  envojlt  le  paraclei ,  et  pour  que  le  I 
it-Esprit  apprit  aux  hommes  les  grandes  rérili^  qui  étaieo 
fréservées  pour  la  maCuriiéde  l'Église. 
<   J'anuoncerai  que  celle  époque  est  venue  ,  se  disait  Montan,  et  ] 
Je  dirai  que  je  suis  lepropLèle  choisi  par  leSaint-Esprilpour  : 
Mnceraux  bommes  ces  vérités  fortes  qu'ils  n'étaient  pas  en  ^ 
d'entendre  dans  la  jeunesse  de  l'Eglise;  je  feindrai  des  extases;  ] 
j*anuoncerai  une  morale  plus  austère  que  celle  qu'on  pratique  ; 
_  je  dirai  que  je  suis  entre  les  mains  de  Dieu  comme  un  insirumeat  M 
it  il  tire  dea  sons  quand  il  le  veut  et  ('omm<;  il  le  veut  ;  par  i**] 
M  qualité  de  prophète  révoltera  moins  l'amour-propre  f 
;  je  ne  serai  point  tenu  de  justîHer  ma  doctrine  parle  J 
lojren  du  raisonnement  et  par  la  voie  de  la  dispute  ;  je  ne  senl  I 
u  même  obligé  de  pratiquer  la  morale  que  j'enseignerai  ;  tonfc  J 
"ai  mes  oracles ,  et  j'aurai  dans  l'Église  une  autorité  bu*  I 

Tel  est  le  plan  de  conduite  que  l'ambitieux  Montan  se  formt  1 
tt  qu'il  entreprit  d'exécuter.  Il  parut  agile  par  des  monvc 
oaniordinalres  ;  plusieurs  deceuiqui  l'écou talent  le  prirent  pour ■ 
n  possédé  ou  pour  un  insensé;  d'autres  le  crurent  véri ta blcmei4<1 
Ipîré  :  les  uns  l'excitaient  a  prophétiser,  tandis  que  d'autres  loi  W 
lATeDdaîent  de  parler. 

s  premiers  prétendaient  que  l'enthousiasme  de  Honiau  a'i- 
ttit  qu'une  fureur  qui  lui  Ûlait  la  liberté  de  la  raison,  ce  qui  ae 
se  trouvait  dans  aucun  véritable  prophète  de  l'ancien  et  du  noo» 
veau  leslament;  du  moins  ce  sentiment  était    conforme  ^    fk  _ 
crojance  des  Pères  :  les  autres,  au  contraire,  souteuaient  que  la    , 
repbétie  venait  d'une  violence  spiriiuelle  qu'ils  appelaient  une 

«  démence;  c'était  le  sentiment  de  TerluHien  *. 
.   Montan  prétendait  qu'il  n'était  inspira  que  pour  enseigner  une 

<  Bpipli,,  Hcr.  96. 

■  ^uéb.,  I.  S,  c.  17;  Alliaii.,  or.  &.  Tt'vl.,  De  Mori(%amia. 


200  MON 

morale  plus  pure  et  plus  parfaile  que  celle  qu'on  enseignait  et 
que  Ton  pratiquait.  On  ne  refusait  point  dans  TÉglise  le  pardon 
aux  grands  crimes  et  aux  pécheurs  publics^  lorsqu'ils  avaient  fait 
pénitence;  Montan  enseigna  qu'il  fallait  leur  refuser  pour  toujours 
la  communion  et  que  l'Église  n'avait  pas  le  pouvoir  de  les  absou- 
dre. On  observait  le  carême  et  différens  jeûnes  dans  l'Église; 
Montan  prescrivit  trois  carêmes,  des  jeûnes  extraordinaires  et 
deux  semaines  de  xéropbagie,  pendant  lesquelles  il  fallait  non- 
seulement  s'abstenir  de  viandes,  mais  encore  de  tout  ce  qui  avait 
du  jus.  L'Église  n'avait  jamais  condamné  les  secondes  noces; 
liontun  les  regarda  comme  des  adultères  :  l'Église  n'avait  jamais 
regardé  comme  un  crime  de  fuir  la  persécution  ;  Montan  défendit 
de  fuir  ou  de  prendre  des  mesures  pour  se  dérober  aux  recherches 
des  persécuteurs^. 

Les  hommes  portent  au  fond  de  leur  cœur  un  certain  sentiment 
de  respect  pour  l'austérité  des  mœurs  ;  ils  ont  je  ne  sais  quel  plai- 
sir à  obéir  à  un  prophète  ;  le  merveilleux  de  la  prophétie  platt  à 
l'imagination,  et  l'imagination,  dans  les  ignorans,  prend  aisé- 
ment des  convulsions  ou  des  contorsions  pour  des  extases  surna- 
turelles ;  ainsi  il  n'est  pas  étonnant  qu'on  se  soit  partagé  sur  Mon- 
tan et  qu  il  ait  eu  d'abord  des  sectateurs. 

Deux  femmes,  connues  sous  le  nom  dePriscille  et  de  Maximille, 
quittèrent  leurs  maris  pour  suivre  Montan;  bientôt  elles  prophé- 
tisèrent comme  lui,  et  l'on  vit  en  peu  de  temps  une  multitude  de 
prophètes  montinistes  de  l'un  et  de  l'autre  sexe  ^. 

Après  beaucoup  de  ménagemens  et  un  long  examen,  les  évéques 
d'Asie  déclarèrent  les  nouvelles  prophéties  fausses,  profanes  et 
impies,  les  condamnèrent  et  privèrent  de  la  communion  ceux  qui 
en  étaient  auteurs. 

Les  Montanistes,  ainsi  séparés  de  la  communion  de  l'Église, 
firent  une  société  nouvelle  qui  était  principalement  gouvernée 
par  ceux  qui  se  disaient  prophètes  :  Montan  en  fut  le  chef  et  s'as- 
socia dans  cette  charge  Priscille  et  Maximille. 

Les  Montanistes  pervertirent  entièrement  l'Église  de  Thiatire  : 
la  religion  catholique  y  fut  éteinte  pendant  cent  douze  ans.  Les 
Montanistes  remplirent  presque  toute  la  Phrygie,  se  répandi- 
rent dans  la  Galatie,  s'établirent  à  Constantinople,  pénétrèrent 


*  Tert.  dePudicilia,  De  monogam.,  Dejejunio, 
s  Eusèb..  L  5.  c.  S. 


>  Eusèb.,  l.  5,  c.  d. 


H  MON 

^'     jusque  ilaoï   rArri<|ue  pi   afduUirenl  Trrliillico,  (lui  s 

pouruni  d'en  ïla  lin,  mais,  à  ce  qu'il  paraît,  sans  cundamneF 
leun  erreurs. 

Les  MonLunisiea  s'uccordaienl  tous  ti  recoiinallre  qui?  le  Sninl- 
Es|iril  »ï»il  inspiré  Iw  apSires  ;  m»i»  iU  distinguaient  le  Saint- 
tlspril  du  parai'Itfi  ei  disaienl  que  le  paraclet  avait  inspira  Hoit- 
lan  et  ifiU  dit  par  su  boucbe  des  clioses  beaucoup  plus 
«iwllentes  que  celles  que  Ji^sua-CliriM  avait  enseignées  dnns  l'B-' 

HYMgile. 

^^^'Celte  dîMinction  du  parailcl  et  du  Saim-Eipril  conduisit  un 

^^■heiplp  de  Montan,  nciuimé  Ei'liinrs,  ti  rélléchir  sur  1rs  person— 

^^■lide  11  Trinité  elï  reclierilierleiu' dilTârence,  et  flchinc) lumb* 

^^^bts  te  SabcHianisnie. 

^^BC«s  d«ux  branches  se  divisèrent  ensuile  en  dilTiïrenles  petite* 

^MVriélés  qui  ne  différaient  que  par  quelque  praiiquf  ridicule  quâ  . 

^*ttacun  des  prophètes  prflendaii  lui  «voir  été  rtvilée  ;  ces  sect»  ^ 
eurem  le  sort  de  toutes  les  sociétés  fondées  sur  l'enthousiasme  Si 
séparées  de  l'unité  de  l'Ëgliàe  :  un  en  découvrit  l'iuiposlure,  c 
lurent  odieuses,  devinrent  ridicules  et  s'éteignirent.  Telles  Turr 
les  sectes  des  Tascodurgïtes,  des  Ai^cadurpitcs,  des  l'u 
chites,  des  ÂrlOlyriles.  Les  Monlanistcs  fuiviil  i-undainUcS  daitf'f 
un  concile  d'iliûraplcs  avec  Thi'udoie  II'  ciirrojeur  '.  _ 

Montan  luissa  un  livre  de  prupliélics  ;  rriscllle  et  HaLimUl* J 
bissèrent  aa»i quelques  sentences  par  éeiil. 

HiliSade  elApollone  écrivirent  contre  les  Muulanîstcs  ; 
nous  reste  do  leurs  ouvrages  que  quelques  fragniens  *. 
Il  était  aisé  de  ruiner  toute  la  doclrine  de  Uontan. 
1°  On  nu  vojait  rien  dans  Uontan  qui  fût  au-dessus  des  tuttr^  ] 
ordinaires  des  imposteurs  ;  les  convulsions  et  les  etlases  no  d<- 
inandaieol  que  de  l'eiercice  et  de  l'adresse  ;  elles  sont  quelque- 
fois l'etTei  du  tempérament;  avec  une  imagination  vive  et  un  c»< 
prit  hihte.^n  peut  se  croire  inspiré  et  le  persuader  aux  aulroli 
l'histoire  Toumil  mille  eieuiple^  de  ces  ioipostureg. 

2*  Il  CEI  faux  qu'il  doive  toujours  y  avoir  des  proplièlcs  dani 
l'Ëgliie,  ou  qu'ils  soient  nécessaires  pour  le  développement  des 
vérités  du  curistiani^mc,  puisque  Jétius-Christ  a  prontis  k  toit 
Kitlite  de  l'iMliltr  toujours  dt  sun  esprit. 


*  Itll^T»,  Di-aerl.  de  lucres,  ixe.  3,  sect.  !,  c 
'■  Etatb.,  lliïl.  GccICï.,  1.  5,  e,  48. 


23. 


208  MON 

3«  Les  prophètes  annonçaient  les  oracles  divins  de  cette  sorte  : 
Le  Seigneur  a  dit  ;  dans  Montan,  au  contraire,  c'est  Dieu  qui  parle 
immédiatement,  en  sorte  quUl  semble  que  Moutan  soit  Dieu  lui- 
même. 

4*  Montan  et  ses  premiers  disciples  menaient  une  vie  absolu- 
ment contraire  à  leur  doctrine. 

5*  Ils  prétendaient  prouver  la  véàté  de  leurs  prophéties  par 
Tautorité  des  Martyrs,  et  les  catholiques  leur  prouvaient  que 
Thémison  qu'ils  regardaient  comme  martyr  s'était  tiré  do  prison 
en  donnant  de  l'argent,  qu'un  autre,  nommé  Alexandre,  n'a  pas 
été  condamné  comme  chrétien,  mais  pour  ses  vols,  et  qu'aucun 
d'eux  n'a  été  persécuté  parles  Païens  ou  par  les  Juifs  pour  la  re- 
ligion * . 

6*  Montan  6tait  à  l'Église  le  pouvoir  de  remettre  tous  les  pé- 
chés, ce  qui  était  contraire  aux  promesses  de  Jésus-Christ  et  ^  la 
croyance  universelle  de  l'Église  ;  car,  quand  il  serait  vrai  qu'on  a 
quelquefois  refusé  l'absolution  à  ceux  qui  étaient  tombés  dans 
l'idolâtrie  ou  aux  homicides,  ce  n'était  pas  qu'on  doutât  du  pou- 
voir de  l'Église  ;  c'était  par  un  principe  de  sévérité  dont  l'Église 
permettait  d'user  et  qui  n'était  pas  même  en  usage  partout  *. 

7»  Montan  condamnait  les  secondes  noces  et  les  regardait 
comme  des  adultères;  ce  qui  était  contraire  à  la  doctrine  expresse 
de  saint  Paul  et  à  Tusage  de  l'Église. 

8*  C'est  une  absurdité  de  défendre  indistinctement  à  tous  les 
chrétiens  de  fuir  la  persécution  ;  plusieurs  grands  saints  avaient 
fui  pour  ne  pas  tomber  entré  les  mains  des  persécuteurs. 

9*  Montan  n'avait  aucune  autorité  pour  prescrire  des  jeûnes  ex- 
traordinaires ;  il  n'appartient  qu'aux  premiers  pasteurs  de  faire  de 
semblables  lois  :  ce  fut  là  le  motif  pour  lequel  on  condamna  Mon- 
tan à  cet  égard,  et  non  pas  parce  que  l'Église  ne  croyait  pas  qu'elle 
ne  pût  imposer  la  loi  du  jeûne  :  il  est  certain  que  ce  serait  anéan- 
tir toute  autorité  législative  parmi  les  chrétiens  que  de  refuser  à 
l'Église  cette  autorité.  ^ 

D'ailleurs  la  pratique  du  jeûne  et  du  carême  remonte  aux  pre- 

1  Eusèb.,  Hist  ecclés.,  1.  5,  c  18. 

'  Sirroond.,  Hist,  pœnit.,  c  i  ;  Albaspiueus,  1.  2 observ.,  c  il,  15, 
17;  Morin,  1.  9  De  pœnit.,  c  20,  soutiennent  qu'on  n*a  jamais  refUsé 
l'absolution  aux  grands  crimes,  même  publics,  lorsque  les  coupables  se 
soumettaient  à  la  pénitence  dans  les  grandes  ^Uses, 


MOS  ïOftt 

■  lQiei'3  temps  lie  ri^tjlise;  riiii  u'cst  duiiu  plu^  iNJuaii;  que  le  r 
tocbe  qae  les  l'rol«>UTLs  Tout  aux  MtlioUque&  du  renouveler 
~  :e  des  HuiiU niâtes  en  faisaut  une  lui  de  rol>6ervBlioD  du  c 

La  doctrine  même  de  Monlan  prouve  que  le  canïme  était  étabt» 
temps  de  cet  liéré^iarque  :  ModUi)  u'auraii  pas  prescrit  trois  I 
le  une  plus  graude  perfeclion,  s'il  n'avait  trauT^t  1 
carême  Établi;  comme  il  n'auruit  point  condamné  les  &ccondeSi  I 
ail  trouva  quelques  auteurs  ecclésiastiques  qui,  es    [ 
imbattaDl  les  Guosiîques,  avaient  paru  désapprouver  les  secou- 
uoees  ;  de  même  il  u'auraït  pas  fait  une  loi  de  reruser  l'absolu* 
lion  aux  grands  péchés,  s'il  n'avait  trouvé  dans  l'histoire  quelques 
faits  par  lesquels  il  paraissait  qu'où  avait  refusé  dans  quelques 
circonstances  de  réconcilier  ceux  qui  étaient  tombés  dans  l'iiloU- 
Irie  :  l'esprit  humain  ne  fait  jamais  de  sauts  dans  la  suite  du  se» 
erreurs,  ni  daus  la  découverte  des  vérités  soit  pratiques,  soit  apA- 
culaiites. 

MOSCOVITES,  Russes  ou  Roxol*;is,  étaient  sans  arts,  sam  ' 
sciences  et  plongés  dans  le  Paganisme  le  plus  grossier,  sous  j^J 
règne  de  Rurik  qui  commeoga  l'an  16%  Les  guerres  et  les  liaîsi 
de  ces  peuples  avec  les  empereurs  grecs  j  firent  eonnatlre  la  r&tS 
ligîon  chrélicDDe  et  vers  la  lin  du  dixième  siècle,  Wolodirn'  ' 
Uraiid-duc  des  Moscovites,  se  fil  baptiser  et  épousa  la  i 
'~  Bpereurs  Basile  et  Constantin. 

Les  annales  russes  rapportent  <)ueWolodimir,  avant  sa  convef*! 
était  adorateur  zélé  des  idoles  dont  la  principale  se  uommailq 
Perum  :  après  son  baptême,  il  la  fît  jeter  dans  la  rivière. 

Le  pairiarcbe  de  Consianiinople  envoya  eu  Russie  un  mctroptH 
lî[e  qui  baptisa  les  douze  Gis  de  Walodîmir,  et,  daus  un  sctit^ 
jour,  vingt  mille  Russes. 

Wolodimir  fonda  des  églises  et  des  ëcole.t;  il  parcourut  ensuite 
■es  Etats  avec  le  métropolite  pour  engager  les  peuples  h  embras- 
ser le  christianisme  :  plusieurs  provinces  se  convertirent  cl  d'au- 
persistèrent  opiniâtrement  dans  l'idolAtrie. 
Depuis  ce  temps,  la  Hoscovie  a  toujours  conserva  snns  inter- 
itiou  la  religion  chrétienne  grecque.  Les  grauds-ducsont  plu- 
lois  tenté  de  se  réunir  k  l'ttglise  romaine  :  ce  projet  se  r»' 
la  en  1717,  lorsque  leoar  Pierre-le-Grand  vint  eu  Frauca 
■ÎHÎs  il  fui  sans  elTet,  L'occusiou  de  ce  projet,  le  inémoi. 
itcurs  de  Sorbonne  el  la  réponse  des  évéïincs  do  Hosc 
18* 


210  MOS 

trouveul  dans  l«  loiue  3  de  TAualyse  des  ouvrages  de  M.  Bour- 
sier, imprimés  en  1753,  et  dans  le  tome  2  de  la  Description  de 
Fempire  de  Russie,  imprimée  en  1757. 

Le  christianisme  ayant  fait  de  grands  progrès  depuis  Wolodi- 
mlr>  le  nombre  des  archevêques  s*est  augmenté  jusqu'à  sept. 

Quoique  les  Moscovites  aient  reçu  la  religion  des  Grecs,  ils  ont 
fait  quelques  changemens  dans  le  gouvernement  ecclésiastique  et 
même  dans  la  doctrine. 

Du  gouvernement  ecclésiastique  des  Moscovites, 

Les  Moscovites  reçurent  des  Grecs  la  religion  chrétienne  :  le 
patriarche  de  Gonstantinople  établit  un  métropoUiain  à  Novogo- 
rod ,  et  dans  les  autres  villes  des  évéques  et  des  prêtres  * . 

Le  métropolitain  de  Moscovie  fut  déclaré  patriarche  de  toute 
la  Russie ,  en  1588,  par  le  patriarche  de  Gonstantinople,  et  de- 
puis ce  temps  il  y  a  eu  des  patriarches  en  Russie  qui  ont  été  re* 
connus  parles  patriarches  d'Alexandrie,  d'Anliocheet  de  Jérusa- 
lem ,  et  qui  ont  joui  des  mêmes  honneurs  qu'eux  ;  mais  il  fallait 
qu'ils  eussent  le  suffrage  de  ces  patriarches  et  qu'ils  fussent  con- 
firmés par  celui  de  Gonstantinople. 

Un  patriarche  de  Russie ,  nommé  Nicon ,  représenta  au  czar 
Alexis  Michaêlewitz  qu'il  était  inutile  d'élire  dorénavant  un  mé- 
tropolitain avec  les  suffrages  des  patriarches  orientaux ,  et  d'en 
faire  venir  la  confirmation  :  le  czar  approuva  le  dessein  de  Nicon  » 
qui  écrivit  au  patriarche  de  Gonstantinople  qu'il  avait  été  élevé  à 
sa  dignité  par  le  Saint-Esprit ,  et  qu'il  ne  convenait  pas  qu'un  pa- 
triarche dépendit  de  l'autre  ;  il  changea  en  même  temps  de  titre  » 
ei  au  lieu  que  ses  prédécesseurs  s'étaient  appelés  très-sanctifiés , 
il  prit  le  titre  de  très-saint. 

Nicon  augmenta  le  nombre  des  archevêques  et  des  évéques,  et 
fonda  quatre  grands  couvens ,  pour  lesquels  il  eut  l'adresse  d'a- 
masser des  biens  immenses ,  et  qui  lui  servirent  à  entretenir  ses 
quatre  métropolitains,  douze  archevêques,  douze  évéques,  ei 
quantité  d'autres  ecclésiastiques  qu'il  créa. 

Nicon ,  après  ces  établîssemens,  changea  les  lois  ecclésiastiques 
en  les  tournant  ^  son  avantage ,  sous  prétexte  que  les  anciennes 
traductions  étaient  remplies  de  fautes ,  ce  qui  occasiona  dos  dis- 
putes et  des  schismes  dans  l'Église  de  Russie. 

1  Description  de  Tempire  de  Russie,  par  le  baron  de  Stralembei-g , 
L  2,  c,  9.  Religion  des  Moscovites,  c.  i. 


MOS 


IAprËi  STuir  téîotmé  lui,  luis  de  l'Église ,  ^ico1J  préU'Julil 
•fance  avec  le  czar  dans  le  sénat  et  donuer  sa  voix  pour  rad(iiini»«l 
tntioD  de  l'Ëiat,  surlout  dans  les  affaires  de  justice  et  lorsi|ii'S|IJ 
rf^agisfiait  (le  Taire  de  nouielles  lois,  aaus  prétexte  que  le  palrlarekfl  1 
nilarel  avait  joui  de  ces  mèmesdrùilselaTaUcu  uaees|iËce  iTut-  f 
ipeclioo  (jénénte  sur  l'Ëlat. 
'  11  représenU  ensuite  nu  cuir  qu'il  ne  lui  courenail  pas  de  di^do^  I 
Kr  la  guerre  ï  ses  loisiiis  ni  de  Tuirc  la  paix  avec  eux  sans  cuiE=  I 
Niller  son  patriarche ,  dont  le  devoir  était  d'avoir  soin  du  sah^'  j 
du  prince  et  de  toute  la  nation  ,  qui  devait  rendre  compte  à  Dlek  T 
de  touiea  les  Smes  dr  l'Ëtat ,  et  qui  était  mlmK  capable  d'assi. 
V  czar  par  ses  saints  conseils;  mais  on  découvrit  dans  la  suite 
>tir  de  cette  deruière  représentai! ou  était  qu'il  avait 
es  considéra bli^s  du  roi  de  Pologne  pour  Licber  de  tr 
sr  l'État  par  son  autorité  ,  et  d'un  autre  cAté  pour  satisfaire 
ftnbllion  et  son  orgueil. 

:et  les  sénateurs  répondirent  i  Mctmquc  si  le  patriarche  I 
niant  avait  été  consulté  |>our  les  afTaires  lempnretles ,  on  ne  IVj 
]t  pas  Hh  \  cause  de  sa  dignité  ecclésiastique ,  mais  parce  q 
tait  père  et  tuteur  du  «ar  ;  i(u'il  avait  été  auparavant  lui-n  ' 
'uletir,  employé  dans  l'ambussade  de  Pologne  et  mieux  v 
m  lea  antres  sénateurs  dans  les  affaires  étrangères  ;  que  dq; 
hlUret  OD  n'avait  jamais  consulté  les  patriarches  sur  les  a~  ~ 
imporelles;  qu'aucun  de  ses  prédécesseurs  ne  l'avait  cti|^ 
tafimepareillcnouveaulé  ne  pouvait  tendre  qu'i  la  raine  de  l'ËI 
ne  voulut  rien  reliclier  du  ses  prétentions  ; 
la  plusieu»  sénateurs ,  noua  mille  inirigues ,  cicita  le  peupfs 
^révolte.  La  disette,  devenue  générale  dans  la  Russie,  Ta 
n desseins;  le  peuple,  luéconlent  depuis  long-temps  et  ai 
le  misère,  se  souleva,  et  le  fitu  de  h  rébellion  nu  lut  éteint  q 
If  le  ung  des  Huscovîtes. 

Lepeupleétait  rentré  dans  le  devoir,  mais  le  patrîarclie  u*él 

"a  rMuil  :  il  iw  voulut  rewmcer  il  aucune  de  ses  prétentions , 

n'osait  employer  contre  lui  la  violence  et  la  force  ;  le  pei 

était  déjt  disposé  il  la  révolte ,  et  le  factieux  Nîcon  avait  si 

4aiii«MtDléréiiun  grand  nombre  de  sénateurs  niéeoutcns, 


^■h  r«ptoBger  l'I^at  dans  d 


r  Alexis  résolut  de  terminer  c< 


désordres. 

diffère 


t  par  un  synM 


nt  :  on  fit  venir  de  Grèce ,  aux  dépens  de  l'Etat ,  (rois  p 
îriarcbett ,  vingt-n'jil  aretievéfines  et  cent  dix  UUlreN  |irdats ,  : 


212  MOS 

quels  ou  joignit  cent  cinquante  ecclésiastiques  de  Russie  (en  1667). 

Le  synode,  ayant  reçu  et  examiné  les  plaintes  du  czar,  ordonna  : 

1*  Que  Nicon  serait  dégradé  de  sa  dignité  et  renrermé  dans  un 
couvent,  où  il  vivrait  au  pain  et  à  Teau  pour  le  reste  de  ses  jours; 

2«  Que  le  patriarche  de  Russie  serait  élu ,  non  pas  séparément 
par  les  archevêques,  les  évéques  et  le  clergé,  mais,  conjointement 
avec  eux,  par  le  czar  et  le  sénat ,  et  qu'au  cas  qu*il  manquât  à  son 
devoir,  soit  en  se  rendant  coupable  de  quelque  vice  grossier  ou 
autrement,  il  serait  jugé  et  puni  par  le  czar  et  le  sénat,  selon  qu'il 
le  mériterait  ; 

3*  Que  le  patriarche  de  Gonstantinople  ne  serait  pas  regardé 
comme  le  seul  chef  de  TÉglise  grecque  ;  qu'on  ne  lui  tiendrait 
pas  compte  des  revenus  des  décimes  de  Russie ,  et  qu'il  serait 
libre  au  czar  de  lui  en  accorder  autant  qu'il  le  jugerait  à  propos; 

4*  Que  désormais  il  ne  serait  permis  à  persoune  de  vendre ,  de 
donner,  ni  de  léguer  ses  biens  aux  couvens  ou  à  d'autres  ecclé- 
siastiques; 

5«  Que  le  patriarche  ne  créerait  point  de  nouveaux  évéques  ni 
ne  ferait  aucune  nouvelle  fondation  sans  le  consentement  du  czar 
et  du  sénat. 

Les  décrets  du  synode  n'arrêtèrent  point  les  projets  ambitieux 
des  patriarches ,  et  le  czar  Pierre>le-Grand  éteignit  cette  dignité  ; 
il  substitua  au  patriarche ,  pour  le  gouvernement  ecclésiastique , 
un  synode  toujours  subsistant,  fondé  sur  de  bons  règlemens,  et 
muni  d'instructions  sufiisantes  pour  tous  les  cas  qui  pourraient 
arriver. 

Ce  synode  ou  collège  ecclésiastique  est  composé  d'un  président, 
dignité  que  le  czar  s'est  réservée  pour  lui-même  ;  d'un  vice-prési- 
dent ,  qui  est  un  archevêque  ;  de  six  conseillers ,  évéques  ;  de  six 
archimandrites ,  en  qualité  d'assesseurs. 

Lorsque  quelque  place  de  président  ou  de  conseiller  vaque,  le 
synode  et  le  sénat  nomment  deux  personnes,  et  le  czar  choisit  et 
confirme  celui  qui  lui  platt.  H  y  a  aussi  dans  ce  synode  quelques 
membres  temporels ,  comme  un  procureur  général ,  un  premier 
secrétaire  et  quelques  secrétaires  en  second. 

Lorsqu'il  s'agit  d'affaires  d'importance  ,  il  faut  les  porter  de- 
vant le  czar ,  dans  le  sénat ,  où ,  en  pareil  cas ,  le  synode  se  rend 
en  corps  et  siège  au-dessous  des  sénateurs.  Le  synode  a  aussi 
sous  sa  direction  son  bureau  de  justice  ,  sa  chambre  des  finances 
et  un  bureau  d'instruction  sur  les  écoles  et  sur  l'imprimerie. 


ILe  clerijij  de  Ruseii 
KrchevéïJLie  cl  quelque 
Lesarcbimaudrilea 
Ipiil  pri:|iosés. 
tMcF 


qn, 


t  tenl  élevéctchti  tn  UotcovUet. 


Il  s'est  déladié  de  l'Ëglise  de  Russie  une  certaine  secio  qidf  1 
lelle  Sterawersî ,  ou  les  anciens  fiilèlts ,  el  qui  donne  ai 
tHs  Russes  le  nom  do  iloscolcbiki,  c*eat-â-d!rE  liériMIquei  :  cpltS  j 
lecie  ne  s'etl  séparée  loul-à-rsil  que  dsus  le  seiziëine  siècle,  sot» 
le  patriarche  Nicoii ,  mais  elle  a  existé  long-temps  auparavant. 

La  plupart  de  ces  seciairei  ne  «avent  ni  lire  ni  écrire,  cl  ce  sont 
presque  lousdeaimurgenifieides  paysans  d'une  grandesimplicilé:' 
ils  n'ont  point  d'églises  publiques,  et  ils  lienricul  leurs  iissembiéM   ' 
dans  des  maisons  particulières, 

La  différenceentrei^ux  et  les  autres  Russes,  quant  ï  lu  crorance^.  J 
consiste  dans  les  articles  suivans  : 

!•  Ils  prétendent  que  c'est  une  grande  faute  de  dire  tj 
aUtluia,  et  ils  no  le  disent  que  deux  fois. 

S*  Qu'il  faut  apporter  sept  pains  à  la  messe  au  lieu  de  t 
3*  Que  la  croix  qu'un  imprime  sur  le  pain  di>  la  messe  doit  ûtiS'  1 
I  carrée,   parce  que  la  Iravei'se  qui  a  soutoiil  '] 
ilre-Seigneur  i  la  cruin  a  été  de  cette  figui'e. 
4'  Qu'en  faisant  le  signe  de  ta  croix ,  il  ne  fiiul  pas  joindre  le 
premien  doigts,  comme  font  les  autres  Uusses,  muisqu'i 
it  joindre  le  doigt  annulaire  et  le  doigt  auriculaire  au  )iDuee,  p« 
eilrimilés ,  sans  courber  le  doigt  index  ni  le  doîgt  du  milÎM 
les  trois  premiers  représentant  la  Trinité  cl  les  deux  derniers  J  ~ 
siis-Cbiist  selon  ses  deux  natures ,  comme  Dieu  el  liomme. 
5'  Que  les  livres  imprimi.^  depuis  le  patriarcLe  Nicon  no 
pas  Être  re<;us ,  maïs  qu'il  faut  suivre  les  andeus  et  regarder 
comme  l'Anieubrist. 
Sur  quoi  il  faut  remarquer  que  ks  livres  composés  depuis  lo 
'  irdie  Nicon  ne  changent  rien  dans  la  doctrine,  mais  expli- 
quent seulement  queliiues  mois  obscurs. 

fi*  Comme  Ips  prêtres  russes  bniveul  de  l'cau^de-vie ,  ils 

croient  Incapables  de  baptiser,  de  confesser,  de  communier. 

'egardenl  pas  le  gouvernement  temporel  comm 

ien ,  cl  Ai  prêlcndeul  que  tout  doit  Être  par 

mmu  entre  fi-Êrv». 


a  t. 

^V&ir 
^■pttriai 


214  MOS 

8*  lU  soutiennent  qu*il  est  permis  de  s'ôter  la  vie  pour  l'amour 
de  Jésus-Christ,  et  qu*on  parvient  par-là  à  un  degré  plus  émi- 
nent  de  béatitude. 

Ils  croient  tous  ces  articles  très- nécessaires  pour  le  salut,  et 
lorsqu'ils  sont  recherchés  pour  leur  croyance  ou  qu'on  veut  les 
forcer  à  suivre  la  religion  russe ,  il  arrive  souvent  qu'ils  s'assem- 
blent par  familles  de  quatre  ou  cinq  cents  dans  leurs  maisons  ou 
dans  des  granges,  oti  ils  se  brûlent  vivans,  comme  cela  arriva  dans 
le  temps  que  M.  le  baron  de  Stralemberg  était  en  Sibérie ,  oU 
plusieurs  centaines  de  Sterawersi  se  brûlèrent  volontairement. 

Les  Sterawersi  regardent  les  autres  Russes  ,  et  généralement 
toas  ceux  qui  ne  sont  pas  de  leur  sentiment ,  comme  des  impurs 
et  comme  des  païens  :  ils  fuient  leur  conversation  et  ne  mangent  ni 
06  boivent  avec  eux  dans  les  mêmes  vases.  Lorsque  quelque  étran- 
ger est  entré  dans  leur  maison  ,  ils  lavent  l'endroit  où  il  s'est  as- 
sis; les  plus  zélés  balayent  même  l'appartement  lorsqu'il  est  sorti. 
Ils  prétendent  autoriser  toutes  leurs  pratiques  par  des  livres  de 
saint  Cyrille,  qui  sont  manifestement  supposés,  mais  dont  on  ne 
peut  détacher  ces  seclaiies  superstitieux ,  d'autant  plus  opiniâtres 
qu'ils  se  piquent  d'une  plus  grande  régularité  et  qu'ils  sont  plus 
ignorans  encore  que  les  autres  Russes. 

Pierre-le-Grand  crut  qu'en  les  éclairant  on  les  convertirait  plus 
sûrement  que  par  les  rigueurs ,  qui  avaient  déjà  coûté  à  l'État  plu- 
sieurs milliers  de  sujets  ;  il  ordonna  qu'on  les  tolérât ,  pourvu 
qu'ils  n'entreprissent  point  de  communiquer  leurs  sentimens,  et  il 
enjoignit  aux  évéques  et  aux  prêtres  de  tâcher  de  les  ramener  à  la 
vraie  doctrine  par  des  sermons  édifians  et  par  une  vie  exemplaire. 

Des  religions  tolérées  en  Moscovie. 

Pierre-le-Crand  établit  une  pleine  liberté  de  conscience  dans 
ses  Ëtats  ;  ainsi  toutes  les  religions  chrétiennes ,  le  Mahométisme 
et  même  le  Paganisme,  sont  tolérés. 

La  religion  luthérienne  est,  après  la  grecque,  la  plus  étendue; 
car,  sans  parler  des  provinces  conquises ,  comme  la  Livonie ,  l'Es- 
thonie  et  une  partie  de  la  Finlande  ou  la  Carélie ,  il  y  a  deux 
églises  luthériennes  à  Pétersbourg ,  deux  à  Moscou  et  une  à  Bel- 
logorod  ,  sans  compter  les  assemblées  particulières  ,  dont  il  y  en 
I  une  elles  chaque  général  étranger,  qui  ont  tous  des  ministres 
attache^  à  leurs  hôlcis. 


MIS 


Tilte  de  Tobolsk .  ci  im  «erci 
l'uv  que  |iuur  rËducïtJuri  de  li 
el  écoles  lulhèi'ienneï  de  Itv 
Héiiénl  demeuraol  i  Moscou, 


m  leur  église  piibiii|nc  daiis  la 
libre  de  leur  reli){ioti ,  iddI  pour 
>  enfaDs.  La  direi^linii  des  église» 
i  est  confiée  ï  un  sui'iiileiidani 
i  deux  autres  lurbileiidana  âia- 
bliE ,  l'un  en  Lîvooie ,  el  l'autre  dans  IT^lliome. 

I«a  calvinistes  el  les  catholiques  romains  ont  aussi  du  églises 
publiques  h  Pétersbaurg  et  &  Moscou,  mais  il  eil  d^rcndu  i  cm 
derniers  d'attirer  indin'éremmeDt  daus  le  pavs  touiei  sortes  de  if 
tigieux. 
Les  A.nnémeDSODt  une  église  publique  et  nnévfajuei  Astractin. 
Les  UalioiDËtansrontuDirentitTnc  de  la  Russie;  ils  ont  partout, 
dans  les  ailles  et  villages  oti  ils  demeurent ,  leurs  assemblée»  et 
leurs  écoles  publiques  ;  ils  vont  en  toute  liberté  aui  lieux  consU' 
très  i  leur  dëvotioa,  comme  ils  Teratenl  k  la  Mecque,  I  Hé- 
dine,  tte.  On  leur  permet  la  polygamie  et  tout  autre  usage  de 
leur  religion. 

Les  Païens  sont  trois  fois  plus  nombreux  en  Russie  que  les 
Haliométaoft ,  mais  ils  diQËreni  considérabl émeut  enlre  eux  quant 
au  culte  et  aux  cérémonies  de  religioo. 

Ces  Païens ,  malgré  leur  ignorance ,  sont  naturellement  boni. 
On  ne  «oit  cliez  eux  aucun  libertinage,  ni  vol,  ni  parjure, ni  ivro- 
gnerie, ni  aucun  vice  grossier  :  il  est  très-rare  de  trouver  pirml 
eux  aucun  bomme  qu'on  puisse  en  accuser.  Ou  voit  parmi  ei 
actions  de  probité ,  de  désinléressemeiit  el  d'iiumanilé  que  noua  | 
admirerions  dans  les  philosophes  anciens:  on  se  trompe  dona  I 
lorsqu'on  prétend  que  les  hommes  sortent  des  mains  de  la  naluK 
ctufIs  el  avares  *. 

a  donné  il  certains  liéréliques 
es  a  ainsi  appelés,  parce  qu'il» 
prétendent  que  la  mntii  pli  cation  des  hommes  est  m'«es$air«  cl 
odionnâe  ;  ils  se  sont  confondus  avec  les  Anabaptistes. 

UUKTZEIt  ou  HcTiSTas  (  Thomas),  prêtre,  né  i  Zuikur,  ville 
^  la  Miwiie,  province  de  l'Allemagne,  en  Saxe.  Vi^h  l'article 
^^^iumisTEs,  dont  il  fut  le  chef. 
^KmUSCULIIS  (Ajidré),  était  Uthérien  et  professeur  en  théologie 


•  Description  de  l'empire  rus^en ,  i.  3,  c.  fl.  Vai/fc  aussi  la  religion 
le  ei  moderne  des  Mnscuiiln,  petit  in-13|  avec  des  lifcuret  de 
ard  ;  la  Itelntion  de*  trois  nmlinsiadra,  el  le  Vo^nttc  d'OléaritM, 


216  NAZ 

à  Francfort  sur  TOder;  il  prétendit  qae  Jésus-Clirîsi  n*avaît  été 
médiateur  qu^en  qualité  d^homme,  et  que  la  nature  divine  était 
morte ,  comme  la  nature  humaine ,  lors  du  cruciOement  de  Jésus- 
Christ.  11  enseignait  que  Jésus-Christ  n'était  point  eiïectivement 
monté  au  ciel ,  mais  qu'il  avait  laissé  son  corps  dans  la  nue  qui 
Tenvironnait  :  on  ne  voit  pas  qu'il  ait  formé  de  secte. 

11  avait  imaginé  ces  erreurs  pour  combattre  Staular,  qui  pré- 
tendait que  Jésus-Christ  n^avait  été  médiateur  qu'en  qualité 
d'homme,  et  non  pas  en  qualité  d'homme-Dieu.  Musculus,  pour 
le  contredire  ,  prétendit  que  la  divinité  avait  souffert  et  qu'elle 
était  morte  ^. 

N 

NAZARÉENS.  Ce  nom,  qui  a  d^abord  été  celui  dos  chrétiens, 
est  devenu  ensuite  celui  d*une  secte  particulière  de  Juifs ,  qui 
voulaient  qu'on  observât  la  loi  de  Moïse,  et  cependant  qui  hono- 
raient Jésus-Christ  comme  homme  juste  et  saint,  né  d'une  vierge 
selon  quelques-uns  d'eux ,  et  selon  d'autres  de  Joseph. 

Moïse  avait  donné  une  loi  aux  Juifs ,  et  prouvé  sa  mission  par 
des  miracles;  Jésus  avait  annoncé  une  loi  nouvelle,  et  prouvait 
aussi  sa  mission  par  des  miracles  :  les  Nazaréens  conclurent  qu'il 
fallait  obéir  à  Moïse  et  à  Jésus-Christ ,  observer  la  loi  et  croire 
en  Jésus-Christ. 

Ils  eurent  le  sort  ordinaire  des  conciliateurs  ;  ils  furent  ex- 
communiés par  les  Juifs  et  par  les  chrétiens ,  qui  voulaient  exclu- 
sivement être  dans  la  vraie  religion. 

Les  Nazaréens ,  au  contraire ,  persuadés  que  la  vérité  ne  pou- 
vait se  contredire,  assuraient  que  les  Juifs  et  les  chrétiens  alté- 
raient également  la  doctrine  de  Moïse  et  celle  de  Jésus-Christ. 

A  l'égard  de  la  doctrine  de  Moïse ,  disaient-ils ,  il  est  clair 
qu'elle  a  été  corrompue,  et  que  les  écrits  qu'on  nous  donne  comme 
venant  de  Moïse  n'ont  pu  être  composés  par  lui.  Croira-t-ou  en 
effet  qu'Adam ,  sortant  des  mains  de  Dieu,  se  soit  laissé  séduire 
par  une  fausseté  aussi  grossière  que  celle  que  raconte  la  Genèse  ? 
Croira-t-on  un  livre  qui  fait  de  Noé  un  i\Togne,  d'Abraham  et 
de  Jacob  des  concubinaires  et  des  impudiques  ? 

^Hospin.,  Hist.  sacram.,  part.  28,  p.  /i93,  en  1511  ;  PratéoK,  iiu 
Muscolus, 


NAZ 


aiT 


~  loiltipen  dam  ment  de  ces  ftiisseté*,  disaient  les  Nai^fL-eiis.  Iva 
livres  altribiii^s  il  MoTse  ont  des  caniclères  évident  de  supposilion, 
et  qui  ne  permcllrnl  pM  de  duuler  qu'ils  n'aicni  été  écrits  après 
Moite.  Od  lit  dans  ces  lïvrrs  que  Holse  mouml ,  qu'on  l'ensevelit 
proche  l'Logor ,  et  que  personne  n'a  trouvé  Min  tombeau  jiisqu'fi 
ce  jour;  n'est-il  pas  évident,  disaient  les  Nazaréens,  queHoIso 
n'a  pu  écrire  ces  choses? 

Cinq  cents  ans  après  Moïse ,  on  mit  la  loi  dans  le  temple  ;  elle 
y  est  restée  cinq  cents  ans ,  et  elle  a  péri  par  les  Oamroea  lors- 
que Nabuchodonosor  a  détruit  le  temple  ;  cependant  on  l'a  écrite 
de  nouveau  :  nous  n'avons  donc  pas  eneclircment  les  écrit)  da 
Muise  ;  il  faut  donc  sur  sa  doctrine  s'en  tenir  à  ce  qui  est  certain 
par  les  faits ,  c'est  qu'il  a  Tait  des  miracles  et  qu'il  a  donné  uno 
loi  ;  que  par  conséquent  celte  loi  n'est  pas  mauvaise ,  comme  li's 
chrétiens  le  prétendent  '. 

Nous  ne  connaissons  pas  mieux  la  doctrine  de  Jésus-Christ , 
K^tuienl  les  Nazaréens  ;  car  nous  la  connaissons  p^r  les  apôtres, 
fck  Jéaus-Cbrisl  leur  a  reproché  souvent  qu'iU  ne  l'entendaient 

Dans  l'impossibilité  de  trouver  la  vérité  dans  les  eiplicaiionB  1 
des  chrétiens  et  dans  celles  des  Juifs ,  quel  parti  prendre? 

Celui  de  n'admettre  que  ce  qui  est  inconlealable  et  avoué  par  "1 
lesdeni  partis ,  savoir  :  que  Hoise  était  envoyé  de  Dieu,  et  que  It  1 

donnéeestbonne;que  Jésus-Christ  est  FilsdeDi 


Pourfalrescntir  la  raiblessc  des  dilTicullés  qu'on  oppose  É  Tau tbeu-  l 
ticitéduPcnlaieuquF,  nous  remarquerons  que  le  Pcnlaleuquerearcrnw  I 
trois  sortes  de  choses  par  rapport  au  lemps:  des  Tails  arrivés  avant 
Moïse,  ûm  faits  arrivés  pcadanl  sa  vie,  et  enfin  des  laits  arrivés  après  si 

A  l'égard  desdeuiprcmièrcsesptcesdefaili,  il  cit  bien  prouvé  qu'ils 
ont  été  écrits  par  Moïse  1  et  i  l'égard  dp  «eu»  qui  ont  pu  lieu  après  sa 
mort,  n'e«-llpaspossibleqn'll  les  ait  écrit*  parun  esprit  de  prophétie? 
Hcfse  u'a-t-il  pas  prédit  beaucoup  de  choses  aui  Juifs? 

Quand  il  serait  vrai  qu'on  eOt  ajoiilé  au  Pcntaleuque  l'bistoire  de  la 

mort  de  MoIie,  n'cM-il  pas  égatemeul  injuste  et  déraisonnnble  d'en 

conclure  que  le  Pcnialeuque  a  élè  corrompu  î  Jugera^t-on  que  l'Iliade 

—B'ert  pat  l'ouvrage  d'Homère  parce  qu'il  se  scm  glis^  dans  ce  poime 


rangé re 
F  Tous  les  commentateurs  de  l'I^cri 


itr*«oln 


^S  dinicult^'S. 


218  NAZ 

qu'il  faut  le  croire  »  se  faire  baptiser  et  observer  sa  morale ,  être 
juste, bienfaisant,  sobre ,  chaste,  équitable  *. 

Les  Nazaréens  furent  rejelés  et  condamnés  par  tous  les  cliréiiens; 
ce  qui  prouve  que,  duns  ce  temps-là,  non-seulement  TLglise  croyait 
la  divinité  de  Jésus-Gbrist,  mais  encore  qu^elle  regardait  ce  dogme 
comme  un  article  fondamental  de  la  religion ,  et  M.  le  Clerc  en 
convient  *. 

Cest  par  ces  actes  de  séparation  qu'il  faut  juger  si  TÉgllse  a 
regardé  un  dogme  comme  fondamental ,  et  non  pas  par  quelques 
eipressions  échappées  aux  Pères ,  et  dont  ils  ne  pouvaient  prévoir 
Tabus. 

Cest  donc  sans  aucun  fondement  et  contre  toute  vraisemblance 
que  Toland  se  sert  de  Texemple  des  Nazaréens  pour  prouver  que 
la  doctrine  chrétienne  n'était  pas  h  sa  source  ce  qu'elle  est  à  pré- 
sent ,  prétendant  que  les  Juifs  qui  avaient  ouï  TËvangile  de  la 
propre  bouche  du  Seigneur  n'avaient  reconnu  en  lui  qu'un  sim- 
ple homme ,  ou  tout  au  plus  un  homme  divin ,  le  plus  grand  de 
tous  les  prophètes  ^. 

M.  Mosheim  a  écrit  contre  le  Nazari^cn  de  Toland,  et,  pour  le 
réfuter  plus  sûrement,  il  sape  le  fondement  de  sa  diflicullé;  il 
soutient  que  les  Nazaréens  sont  une  secte  du  quatrième  siècle. 

Les  Juifs,  selon  Mosheim,  voyant  la  prospérité  des  chrétiens 
depuis  la  conversion  des  empereurs ,  commencèrent  à  croire  que 
Jésus-Christ  était  le  Messie  :  il  avait  délivré  de  l'oppression  des 
Païens  ceux  qui  avaient  embrassé  TËvangile  ;  il  renversait  de 
toutes  parts  les  idoles  ,  et  ces  succès ,  joints  à  l'abaissement  dans 
lequel  se  trouvait  la  nation  juive ,  persuadèrent  à  quelques  Juifs 
que  Jésus  était  efiectivement  le  Christ;  mais  ces  sectaires  ne  re- 
çurent le  christianisme  qu'à  demi  ;  ils  gardèrent  leurs  cérémonies 
et  ne  reconnurent  ni  la  préexistence ,  ni  la  divinité  du  Seigneur  : 
voilà,  selon  M.  Mosheim,  l'origine  des  Nazaréens. 

La  principale  raison  qui  a  déterminé  M.  Mosheim  à  s'éloigner 
du  sentiment  de  saint  Ëpiphane  et  de  saint  Jérôme  sur  Tancien- 

t  Ex  HomiL  Clem  2  et  3.  Êpiph.  Aug.  Hier,  in  Isaiam,  c.  1.  Théo- 
duret,  Heret.  Fab.»  1.  3,  c.  1,  art«  2. 

3  HisL  ecdes. 

>  Toland,  dans  le  livre  intitulé  le  Nazaréen,  ou  le  Christianisme 
judaïque,  païen  et  mahométan  ,  etc.,  dans  lequel  on  explique  le  plan 
orij^nnal  du  christianisme  par  rîiisto'u-c  des  Nazaréens, 


rouve  ni  Hsns  m 
li  dans  EtiSL'be'. 

is  maniiue  une  grnnile 
c  ((ui  sufGl  pour  qii'oi 


!NAZ 

aetë  (Im  Nuaréeni,  c'rsl  qu'on  ne  Ips 
ai  dans  Tertullien ,  ni  dans  Origâne , 

M.  (le  BesuBobre  a  répondu ,  i*  qu'il 
quantité  des  ouvrages  de  ces  Pères , 

puisse  pas  assurer  qu'ils  n'uni  poinl  parlé  des  NaxuriVns.  I 
lippe  I  dont  U.  Hosheioi  oppose  l«  silence  ■  ne  parle  ni  des  I 
Dites,  ni  des  CériniLiens  ;  en  conclura-i-on  qu'ils  n'exifl: 
poiui  de  son  temps  F 

S"  Pour  savoir  ai  les  Ptres  qui  ont  pr^ci^di^  uinl  Ëpiplinne 
tainl  Jérûme  n'ont  point  parli-  des  Nazaréens  ,  il  ne  faut  pat  k 
lenient  examiner  s'ils  les  ont  nommés  ou  non  ,  mais  s'ils  ont  n 
porté  leur  doctrine,  s'ils  ont  parlé  d'une  secte  qui  proressait  Isa 
dogme  de»  Nazartiens;  et  c'est  ce  qu'on  ne  peut  révoquer  m] 
doute. 
Saint  Justin  insinue  qu'il  y  avait  mènje  de  son  temps  ileu 
^JM  du  chrétiens-juifs,  entre  lesquels  il  met  une  grunde  diffij 

B""»' ■ 

^^  «Origine  dit:  quand  vona  coniidèreroz  liien   quelle  e 

>  des  JuiCk  lourhant  le  Sauveur  ;  qne  tes  uns  le  croient 

>  Joseph  et  de  Marie,  et  que  les  autres,  qui  le  croient  !i  la  vérité 

>  fils  de  Msrie  et  du  Saini-Elsprii ,  n'ont  point  de  sentimens  or- 
■  thodoiet  sur  sa  divinité  ;  quand,  dis-je,  vous  ferez  réflexion 

(  Ik-dessus ,  vous  comprendrez  comment  un  aveugle  dit  il  Jiïsui  :  J 

>  Fils  de  David  ,  ajez  pitié  de  mi 
11  ne  parait  donc  pas  que  M.  Moshein  ait  été  autorisé  à  a'écar-  ^ 

ler  du  sentiment  de  saint  Ëpipbans  et  de  saint  Jérôme  si 
ctenneiA  des  Nasaréens .  et  cela  n'était  pas  nécessaire  pour  réruter 
ToliDd ,  comme  nous  l'avons  fait  voir  :  les  théologiens  anglais  ont 
écrit  contre  Toland  et  l'ont  irès-bien  réfuté  '. 

Tout  le  monde  sait  que  les  Nazaréens  avaient  leur  Évangile 
écrit  en  hébreu  vulgaire ,  qui  est  appelé  tanlût  l'Ëvangite  dus 
douze  ap6ires  ,  taniât  l'Ëvangilc  des  Hébreux ,  lantùl  l'Évangile 
mIod  saint  Matthieu.  On  a  besueoup  disputé. 


■a  disciplina 


1.  (,  c  0. 


■      ■  Drnusobrp,  Disietl.  sur  If!  NnziirÉen!,  h  la  4i 
Eucrrc  des  Russitei. 

'Thomas  Maugel,    Hemirquc)  sur  le  Naiar 


n.  Paterson,  Auti-  I 


220  NES 

temps ,  pour  savoir  si  cet  Évangile  élail  roriginal  de  saint  Mat- 
thieu et  si  le  nôtre  n*en  était  qu'une  copie  ^« 

NESTORIANISME ,  hérésie  de  Nestorius  qui  niait  Tunion 
bjposta tique  da  Verbe  avec  la  nature  humaine  et  supposait  deux 
personnes  en  Jésu8-:Ghrist. 

La  religion  chrétienne  a  pour  base  la  divinité  de  Jésus-Christ 
ou  Tunion  du  Verbe  avec  la  nature  humaine. 

Celte  union  est  un  mystère  »  et  la  curiosité  humaine  s'est  pré- 
cipitée dans  mille  erreurs  lorsqu'elle  en  a  voulu  sonder  la  pro- 
fondeur. 

Ainsi  on  vit  Paul  de  Samosate  soutenir  que  le  Verbe  uni  à  la 
nature  humaine  n'était  point  une  personne  ;  les  Manichéens 
imaginer  que  le  Verbe  n'avait  point  pris  un  corps  humain  ; 
Âpelle  croire  que  Jésus-Christ  avait  apporté  son  corps  du  ciel  ; 
les  Ariens  prétendre  que  le  Verbe,  uni  à  la  nature  humaine ,  n'é- 
tait point  consubsiantiel  à  son  Père. 

Enfin ,  Apollinaire  avait  pensé  que  le  Verbe  était  consubstan- 
tiel  à  son  Père;  mais  il  avait  enseigné  qu'il  n'avait  pris  qu'un 
corps  humain  seulement ,  en  sorte  que  la  personne  de  Jésus- 
Christ  n'était  que  le  Verbe  uni  à  un  corps  humain. 

L'Église  avait  triomphé  de  toutes  ces  erreurs  ;  elle  enseignait 
que  le  Verbe  était  une  personne  divine,  consubstantielle  au  Père, 
qui  s'était  non-seulement  unie  à  un  corps  humain  ,  mais  encore 
à  une  àme  humaine. 

La  nature  divine  et  la  nature  humaine  étaient  donc  tellement 
réunies  en  Jésus-Christ ,  qu'il  prenait  tous  les  attributs  de  la  di- 
vinité et  qu'il  s'attribuait  toutes  les  propriétés  de  l'humanité; 
ainsi  le  Verbe  était  uni  à  l'humanité  dans  Jésus-Christ,  de  manière 
que  rhomme  et  le  Verbe  ne  faisaient  qu'une  personne  :  ce  dogme 
était  généralement  reçu  dans  l'Église. 

Mais,  en  combattant  Apollinaire,  quelques  auteurs  avaient 
avancé  des  principes  contraires  à  cette  union. 

Apollinaire,  comme  nous  l'avons  déjà  remarqué,  prétendait 
que  le  Verbe  ne  s'éuit  uni  qu'à  un  corps  humain  et  que  Jésus- 
Christ  n'avait  point  d'âme  humaine ,  parce  que  le  Verbe  lui  en 
tenait  lieu  et  en  faisait  toutes  les  fonctions  dans  la  personne  de 
Jésus-Christ. 

*  Dup.,  Dissert  prélim.,  1.  il,  c.  il,  art  3,  p.  23.  Simon,  Hist  crit, 
^n  nouveau  Testament,  c.  7,  p.  7i.  Beausobre,  loc  dt.  Le  acre,  HisU 
is.,  art.  73,  103.  Ittigius,  De  haeres. 


tNES  221   I 

Théodore  de  Hopsuesie,  pour  combatlre  Apollinaire,  nvait  cher-  1 
ebé  dans  l'Ëcrilure  loul  ce  qui  pouvait  établir  que  Jéaoi-Clirist  ] 
nsil  une  ime  humaiae  distinguée  du  Verbe. 

En  réunissant  toutes  les  actions  et  timies  les  aOcctioas  qaa 
l'Écriture  attribuait  i  Jésus-Clirisl,  il  avait  cru  en  trouver  qui  i 
supposaient  qu'il  y  avait  dans  Jésus-Cbrist  une  Inie  liumaine,  et  \ 
que  \'ime  humaine  était  seule  le  principe  de  ces  actions  et  de  i 
ces  aOeciioDS  :  telles  sout ,  entre  autres,  la  naissance  et  les  souf-  , 
francM  de  Jésus-Cbrisl. 

De  là ,  Théodore  de  Mopsuesle  avait  conclu  que  IcsuS'Chriït 
irait,  non-seulement  ime  Sine  humaine,  mais  encore  que  cette 
Ame  était  distiogui^  et  séparée  du  Verbe ,  qui  l'iaslruisait  et  la 
dirigeait;  en  sorte  que  le  Verbe  Labitait  dans  l'iiouime  comme 
dans  un  temple  et  n'était  pas  uni  autrement  h  l'âme  humaine. 

Cependant  Théodore  du  Uopsuesio  reconnaissait  que  celte  union 
était  indissoluble ,  et  que  le  Verbe  uni  1  t'ânie  humaine  ne  faisil^  J 
qu'un  tout;  en  sorte  que  l'on  ne  devait  pas  dire  qu'il  y  eût  deu^  I 
fils  de  Dieu  ou  deux  Jésus-Christs.  Ê 

Le  zèle  dont  on  était  animé  contre  l'hérésie  d'Apollinaire  j  Ikl 
■tpuUtioo  de  Tliéodore  de  Mopsueste,  illustre  dans  l'Orient  para 
s  (t'épiscopat  consacrés  à  combattre  les  hérétiques,  uftfl 
mirent  pas  alors  d'examiner  scrupuleusement  les  principes  dM 
Uévéque,  ou  d'en  prévenir  les  conséquences,  et  ses  disciple»  1 
irent  ce  qu'il  avait  écrit  contre  Apollinaire  comme  une  doo-  | 
e  pure  et  exempte  d'erreur.  I 

i  Théodore  de  Uopsuesle  avait  donc  jeté  dans  l'Église  desprinci- 
M  diamâtralcment  opposés  au  dogme  de  l'union  hjpostatique  du 
bcavec  la  nature  humaine;  et  ces  principes,  pour  former  une 
velle  hérésie,  n'attendaient,  pour  ainsi  dire,  qu'un  disciple  de 
Tliéodore  de  Mopsueste  qui  les  développât  et  qui  en  tirAt  des  con- 
(équences  opposées  aux  couséquences  que  l'Égli^  lirait  de  l'union 
bvpostalique  ;   car  ce  sont  ordinairement  ces  conséquences  qui 
rapprochent  en  qui^lque  sorte  les  principes  et  qui  les  mettent  as- 
E  près  les  uns  des  autres  pour  en  rendre  la  contradiction  pal- 


Nestorius  fut  ce  disciple,  et  voici  comment  Nestor 
i  conséquences  qui  di'truisaient  le  dogme  de  l'u 


is  fut  conduit 
lion  hypost»- 


LÉglis. 


le  l'hominc  et  le  Verbe  ne  faisaient  qu'une  per-  J 


933  NES 

sonne  :  en  conséquence  de  celle  union,  on  pouvail  non-seulement 
dire  que  Jésus-Christ  était  homme  et  Dieu»  mais  encore  qu*il  était 
un  Dieu-homme  et  un  homme-Dieu  ;  ces  expressions  étaient  les 
plus  propres  à  exprimer  Tunion  hyposla tique  du  Verbe  ayec  la 
nature  humaine,  et  c*était  un  langage  généralement  établi  dans 
1  Église. 

Par  une  suite  de  cet  usage,  on  disait  que  la  sainte  Vierge  était 
mère  de  Dieu  :  cette  manière  de  parler  n*avail  rien  que  de  con- 
forme à  la  foi  de  T Église  sur  Tincarnaiion  ;  elle  est  même  une 
conséquence  naturelle  et  nécessaire  de  Tunion  hyposla  tique  de  la 
nature  humaine  avec  le  Verbe. 

Mais  cette  manière  de  s'exprimer  est  choquante  lorsqu'on  la 
considère  indépendamment  du  dogme  de  Tunion  hypostatique  et 
que  Ton  n'est  pas  bien  convaincu  de  la  vérité  de  ce  dogme.  Un 
Dieu  qui  souffre  et  qui  meurif  voilà  une  doctrine  qui  paraft  ab- 
surde toutes  les  fois  que  Ton  considère  ce  dogme  indépendamment 
de  Tuniou  hypostatique  :  on  craint  de  retomber  dans  les  absurdi- 
tés que  les  chrétiens  reprochent  aux  idolâtres  et  aux  païens. 

C'est  sous  cette  face  que  ces  manières  de  parler  devaient  s'offrir 
à  un  disciple  de  Théodure  de  Mopsueste,  et  ce  fut  en  effet  sous 
cette  face  que  Neslorius  les  envisagea  ;  il  crut  que  ces  expressions 
contenaient  des  erreurs  dangereuses. 

Lorsqu'il  fut  élevé  sur  le  siège  de  Constantlnople,  il  combattit 
ce  langage  et  l'union  hypostatique  qui  en  était  le  fondement  ;  sa 
doctrine  n'est  que  le  développement  des  principes  de  Tliéodore 
de  Mopsueste  dont  il  fit  un  corps  de  doctrine  qu'il  faut  bien  en- 
tendre pour  le  réfuter  solidement. 

Principes  du  Nestorianisme» 

On  ne  peut,  disait  Neslorius,  admettre  entre  la  nature  humaine 
et  la  nature  divine  d'union  qui  rende  la  divinité  sujette  aux  pas- 
sions et  aux  faiblesses  de  l'humanité,  et  c'est  ce  qu'il  faudrait  re- 
connaître si  le  Verbe  était  uni  à  la  nature  humaine  de  manière 
qu'il  n'y  eût  en  Jésus-Christ  qu'une  personne  :  il  faudrait  recon- 
natlre  en  Jésus-Christ  un  Dieu  né,  un  Dieu  qui  devlont  grand,  qui 
s'instruit. 

J'avoue,  disait  Neslorius,  qu'il  ne  faut  pas  séparer  le  Verbe  du 
Christ,  le  fils  de  l'homme  de  la  personne  divine  :  nous  n'avons 
pas  deux  Christs,  deux  Fils,  un  premier,  un  second  ;  cependant 


■ 

^Flv  Atvi  ntUirei  qui  forment  ce  FiU  sonl  Irès-dislingui.^s  cl  us  | 
^m  fuufeal  jaiuaU  se  lonroiidrc. 

^^  L'Ëcriture  disûngue  expressi^ment  ce  qui  contient  au  Fils  et  M  ' 
^^Upi  convient  au  Verbe  ;  lorsque  siinl  Paul  parle  de  J^sus-Clirist,  ' 
^^H  dit  :  Dieu  a  envoyé  ton  Filt,  fait  d'une  femme  ;  lorsque  le  niinB  ' 
^^^btAtre  dit  que  naui  avoiu  été  réconcilié»  à  Dieuparla  morlile  tt%  ' 
^^Rlh,  il  ne  dit  piis  par  la  morl  du  Verbe. 

^^  C'est  donc  parler  d'une  manière  peu  conforme  &  l'Écriture  que 
de  dire  que  Marie  est  mire  de  Dieu.  D'ailieurg  ce  langage  csl  un 
obsiade  ïla  coniarsiondcsPatens;  aomnient  conibnlire  les  dieux 
du  Paganisme,  en  admettant  un  Dieu  qui  meurt,  qui  est  né,  <ioi  a 
nulTerl?  Pourrait-on,  en  tenant  ce  langage,  rëfuler  les  Ariens  qui 
•ouliennenl  que  le  Verbe  est  une  cri^alurc  7 

L'union  ou  l'aisocialiou  de  la  nature  divine  avec  la  nature  liu- 
naioe  n'a  point  cbangé  la  nature  divine  :  la  nature  divii 
unie  k  la  nature  humaine  comme  un  homme  qui  veut  en  rplUTer 
un  autre  s'unit  k  lui  ;ellc  eslresifc  ce  qu'elle  était;  elle  n'a  an»  . 
cun  attribut  dilTérent  de  ceux  qu'elle  avait  avant  son  union  ;  ella  ' 
n'est  donc  plus  susceptible  d'aucune  nouvelle  di'-nomjnalion, 
mènie  apris  ioii  union  avec  la  nature  liumaine,  et  c'est  une  ab- 
surdité d'aiiiibuer  au  Verbe  ce  qui  convient  il  la  nature  liu- 
niaine. 

■      L'Iionunc  auquel  le  Verbe  s'est  uni  est  donc  un  temple  dans  le 
^1  il  habite  ;  il  le  dirige,  il  le  conduii,  il  l'anime  et  ne  l'ai 
^'nn  avec  lui  '.  voiU  la  seule  union  possible  entre  la  nature  di^  I 
Tine  et  la  nolure  humaine. 

Nesiorius  niait  donc  l'uaînn  litposlilique,  etsnppoMil  enelTel  I 
dein  personnes  en  JËsus-Christ  ;  ainsi  le  Nealorianianie  n'est  pas 
une  lugomadiie  ou  une  dispute  de  mois,  comme  l'ont  pena^  quel- 
ques savans,  iraisemblablrmenl  parce  qu'ils  liaient  prévenus 
contre  saint  Cyrille  ou  parce  qu'ils  ont  jugé  de  la  dnelrine  de  Nes- 
iorius par  quelques  aveux  équivoques  qu'il  faisait,  et  parce  qu'ils  ' 
n'ont  pisanea  exaniinA  les  priiicïiie»  de  cet  ^véque  '. 

>  Ladoir,  Ilist.  jCtUiop.  Gntilus.  Dasnage,  Amiiil-,  I.  3,  La  Croie, 
HIst.  du  chriiT.  des  Inrlcs.  Eritrellens  sur  ilivrrt  sujeli,  etc.,  part,  1. 
SuIIf*  Knljdiiinlsni.  nnlp  Kul^chrm.  Dupln,  Dlbllor.  des  anieun  du 
(pHtritmcsIËrlc. 

ÏU  but  remarquer  que  M.  Dupln  se  rerraela  sur  cet  artiole,  sur  ln)uc1  , 
^élaitca  elTel  lmm|<«.  M.  Uajlc  n'avall  pan  nwi  ^ludlË  colle  inatli^ne  ^ 
■r  jttKT  t*  ^I-  Uupiu  t'cUil  d'abord  ceuijKirlf  en  hIslorUn  ûMk, 


524  NES 

II  me  parait  claîr,  par  les  serinons  de  Nestorius  et  par  ses  ré- 
ponses aux  anathèmes  de  saint  Cyrille,  qu*il  D*admettait  qu*une 
union  morale  entre  le  Verbe  et  la  nature  humaine. 

Mais,  dit-on,  Nestorius  ne  reconnaissait-il  pas  qu*il  n*y  avait 
qu^un  Christ,  qu*un  Fils?  Le  nom  de  Christ  marque  une  personne  ; 
s'il  avait  admis  deui  personnes  dans  Jésus-Christ,  il  aurait  donc 
admis  deux  personnes  dans  une  seule,  ce  qui  est  impossible. 

Je  réponds  que  les  mots  de  C/^m/ et  de  Saw^r  n'étaient,  selon 
Nestorius,  que  des  noms  qui  marquaient  une  seule  et  même  œu- 
vre ,  savoir,  le  salut  et  la  rédemption  du  genre  humain  ;  œuvre  & 
laquelle  deux  personnes  avaient  concouru,  selon  Nestorius»  Tune 
comme  agent  principal,  qui  était  la  personne  du  Fils  de  Dieu, 
du  Verbe  éternel,  et  Tautre  comme  agent  subordonné  et  comme 
instrument,  savoir,  la  personne  humaine,  Jésus  fils  de  Marie.  Il 
disait  que  ces  deux  personnes  avaient  été  unies  par  une  seule  et 
même  aciion,  de  sorte  que  toutes  deux  ensemble  ne  faisaient 
qu'un  Jésus-Christ  ;  il  ne  mettait  entre  les  deux  personnes,  la  di- 
vine et  rhumaine,  que  la  même  union  ou  la  même  association  que 
nous  voyons  entre  un  homme  qui  fait  une  œuvre  et  Tinstru- 
ment  dont  il  se  sert  pour  la  faire  ;  en  sorte  que  Fhomme  et  son 
instrument  joints  ensemble  peuvent  être  appelés  d'un  nom  com- 
mun. 

Par  exemple,  on  peut  appeler  Thomme  qui  tue  et  Tépée  avec 
laquelle  il  tue  du  nom  de  tuant,  parce  qu'il  y  a  une  subordination 
entre  Thorome  et  son  épée,  une  union,  une  association,  telle 
qu'elle  doit  être  entre  un  agent  principal  et  son  instrument  ;  et, 
par  la  force  de  son  association,  on  peut  donner  le  nom  de  tuant 
tant  à  rhomme  qu'à  l'épée  et  à  tous  les  deux  pris  ensemble,  puis- 
que l'un  et  l'autre  concourent  à  une  même  œuvre. 

Mais  quand  vous  considérez  l'homme  et  l'épée  hors  de  cette  as- 
sociation et  du  concours  à  une  même  œuvre,  chacun  a  ses  attri- 
buts à  part  ;  de  sorte  que  nous  ne  pouvons  pas  dire  ni  que 
l'homme  soit  d'acier,  qu'il  soit  pointu,  qui  sont  les  attributs  de 
Tépée;  ni  que  l'épée  soit  vivante  et  raisonnable,  qui  senties  attri- 
buts de  l'homme  ;  parce  que,  quelque  association  qu'il  y  ait  entre 
rhomme  et  l'épée,  l'homme  et  l'épée  ne  sont  pourtant  pas  une 
seule  personne. 

11  en  était  de  même  de  Jésus-Christ,  selon  Nestorius  :  on  disait 
également  du  Verbe  et  de  l'homme  auquel  il  était  uni  tout  ce  qui 
avait  rapport  à  l'œuvre  à  laquelle  ils  concouraient,  c'est-à-dire  le 


^E:s  335  \ 

lluldes  hommes  ;  mais  torsriu'ou  les  considérait  hots  de  cet  ob- 

I  et  i  pari  de  leur  concours  au  salut  du  gpare  huuiatD,  ils  u'a- 

it  plus  rien  (lui  les  unit  ;  on  ne  (louvaii  pas  dire  du  Verbe  es 

(ppartenail  à  riioainie,  nî  de  l'iiomme  ce  qui  apparienait  au 

c'est  pour  cela  que,  selon  Nealorius,  on  ne  poniait  nag 

"e  que  Marie  ^taîi  mère  de  Dieu ,  ce  qui  suppose  lividemment 

e  Nestorius  considérait  alors  le  Verbe  el  l'homme  comme  deus 

nonnes  ;  car  s'il  n'eût  supposé  dans  Jésus-Christ  qu'une  seule 

«rsonoe,  il  est  évident  qu'il  uuraii  attribué  ï  cette  personne  tout 

»  qui  convient  i  chacune  des  deux  natures  :  c'est  ainsi  que  nous, 

i  considérons  l'humme  comme  une  personne  composée  d'un 

l'une  ime,  disons  que  l'homme  marchei  qu'il  a  un  corps, 

i*ilaun  esprit,  etc. 

,•  Keslorius  oiiiil  donc  en  elTet  l'union  hjposiaiiqnc  du  Verbe 

alure  humaine  et  supposait  deux   personnes  en  Jésut-  i 

lli'fulaiwn  du  Nrstorianitme. 

]|  est  certain  que  le  Verbe  s'est  uni  i  la  nature  humaine. 
1"  L'union  du  Verbe  avec  la  nature  humaine  n'est  pas  un  s 

icoursde  la  divinité  et  del'liumanitépour  lesalut  du  genre  | 
^  I,  tel  que  le  concours  de  deui  causes  absolument  séparées 

Itdonl  l'cITet  tend  i  produire  le  même  eDet  ;  car  l'Ëcriture  nous 
itque  le  Verhe  a  été  Tait  chair  et  que  le  fils  de  Uarin  est  Dieu, 
\f  qui  serait  absurde  si  l'union  du  Verhe  et  de  l'humanité  n'était    , 
'  m  simple  concours  des  deux  natures,  comme  il  est  absurde  do  'i 
qu'un  homme  qui  se  sert  d'un  levier  pour  soulever  un  poids   [ 
n  devenu  un  levier. 
>  S°  Cette  union  n'est  pas  une  simple  union  de  conscntemci: 
Risées,  de  désirs  et  d'inclinations  :  car,  comme  ou  ne  peut  pas  i 
'  «  que  je  produise  les  acliona  d'un  homme  parce  qu'elles  s 
Hoformcs  t  mes  inclinations,  de  même  on  ne  pourrait  pas  diM  ' 
e  Dieu  a  produit  les  actions  de  Jésus-Ctirisi,  qu'il  a  répandu  * 
ton  sang,  si  dans  Jésus-Clinsl  Dieu  n'était  mil  11  l'humanité  qw 
fW  la  conformité  des  actions  deTbomme  avec  la  nature  de  Diei 

3*  L'union  du  Verhe  avec  lu  nature  humaine  n'est  pas  une  sinh'  i 
pie  habitation  de  la  divinité  dans  l'humanité,  ni  une  simple  inlIuenM  I 
ponr  la  gouverner.  Un  pilote  est  uni  de  celte  manière  avec  ii 
ntvire,  et  c'est  ainsi  que  Dieu  habile  dans  ses  saints;  cependant  J 


ti«  NES 

un  ue  ikin  pm  cpie  le  pilule  soit  fait  le  navire,  ni  que  Dieu  soit  fiùl 
mi  sailli. 

Smi  h^M  B^ivrait  donc  pas  pu  dire  que  le  Verbe  i  été  bk 
obùr»  si  Tiuiion  du  Verbe  avec  la  nature  humaine  n*éiait  qm 
ùm^  habitation  de  la  divinité  daus  Thumanité  ou  une  simple 
Ittcuce  du  Verbe  pour  la  gouverner. 

4*  L'union  du  Verbe  avec  Thumanité  n*est  pas  une  unioe  éTm^ 
formation»  telle  qu^esi  Tunion  de  Tàme  et  du  corps  ;  car  U  4li«ii> 
ftité  n'est  pas  la  forme  de  Thumanité,  et  rhumanilé  n*est  pats 
venue  la  matière  de  la  divinité. 

tt*  Par  Tunion  du  Verbe  avec  Thumanité  le  Verbe  n  Hè 
chair»  ce  qui  ne  peut  s'entendre  qu'en  quelqu'un  de  eesscKS  :  mm 
que  le  Verbe  a  été  réellement  converti  en  chair,  ce  q«  cm  alb- 
surde  ;  ou  dans  un  sens  de  ressemblance,  savoir,  que  le  ¥ciAeaîi 
pris  quelque  oonformilé  ^  certains  égards  avec  la  chair,  ee  qeicM 
absuitlo ,  car  en  quoi  le  Verbe  est-il  devenu  semblable  h  b  ckair? 
ou  enfin  dans  ce  troisième  sens  qui  est  que  le  Verbe  a  eu  h 
soi  persounellement  la  chair,  ce  qui  est  confirmé  par  le  passage 
m^me  qui  porte  que  le  Verbe,  après  s'être  fait  chair,  a  habile 
parmi  les  hommes  et  qu'ils  ont  contemplé  sa  gloire. 

6*  Celte  nnioB  est  telle  que  les  propriétés,  les  droits,  les  ae> 
lions,  les  sonlfranoes  et  telles  choses  semblables  qui  ne  pevreel 
appartenir  qu*à  une  seule  nature,  sont  atlriboées  à  b  persomw 
dénommée  par  Taniie  nature,  ce  qui  ne  peut  se  dire  en  aocme 
manière,  à  moins  que  les  deux  natures  D*apparttenneBl  également 
à  une  seule  et  même  personne  :  tels  sont  ces  passages  où  il  est 
dit  :  Un  Dieu  a  racheté  mm  ÈgVue  par  son  $anç  ;  Dieu  u'apaimi  ^pâr- 
§né  9im  propre  FlU,  mais  1/  l'a  mis  à  mort  * . 

S'il  y  a  dans  Jésus-Christ  deux  personnes  qui  soient  également 
associées  ensemble  par  une  même  onction  et  sous-ordonnées  Tune 
à  l'autre  pour  la  rédemption  du  genre  humain,  otf  ne  peut  dire 
que  l'une  soit  l'autre,  comme  saint  Jean  dit  que  la  parole  n  été 
Âite  chair  :  on  ne  saurait  attribuer  â  Tune  ce  qui  n*appartieot  qu'à 
Tautre,  lorsqu'on  les  considère  hors  de  l'homme  et  indépendam- 
ment de  la  fin  à  laquelle  elles  concourent. 

Ainsi,  dans  le  sentiment  de  Nestorius,  on  ne  pourrait  dire  que 
le  Fils  de  Dieu  est  mort,  ni  qu'il  est  né  ou  qu'il  a  été  fait  de 
femme,  ni  qu'il  ait  été  touché  de  la  main  et  vu  des  yeux.  Ainsi, 

'  Act  2.  Ep.  ad  nom«  6. 


MES  Sâ7 

par  exemple,  lorsque  Pierre  avec  son  épée  tue  Pai|l,  on  peut  bien 
dire  que  Tépée  i  tué  Paul,  comme  on  dit  que  Pierre  a  tué  Paul  ; 
mais  on  ne  peut  pas  dire  que,  hors  de  Tégard  de  cet  effet  com- 
mun, rhomme  a  été  fait  épée,  Thomme  a  été  forgé  de  la  main 
d*un  artisan,  parce  que  ces  sortes  d*expressions  n^ont  lieu  que 
dans  Tunion  de  plusieurs  natures  en  unité  de  personne,  c*est-à- 
dire  lorsqu'une  nature  s'est  tellement  unie  à  l'autre  qu'elles  ne 
forment  qu'une  nature  individuelle  ou  un  suppôt  doué  d'intelli- 
gence, divisé  de  tout  autre  et  incommunicable. 

Mais  Jésus-Christ  réunissant  deux  natures,  comment  ea^-il  pos- 
sible qu'il  n'y  ait  en  lui  qu'une  personne  ? 

Pour  résoudre  cette  difficulté,  il  faut  se  rappeler  ce  que  c^est 
qu'une  personne. 

Une  personne  est  une  nature  individuelle  ou  un  suppôt  doué 
d'intelligence,  complet,  divisé  de  tout  autre  et  incommunicable  ù 
tout  autre.  i 

Ainsi  chaque  homme  en  particulier  est  une  personne  qui  a  ses 
actions,  ses  droits,  ses  qualités,  ses  souffrances,  ses  mouvemens  et 
Ses  seotimens,  qui  lui  appartiennent  d'une  manière  si  particulière 
qu'ils  ne  peuvent  pas  être  k  un  autre. 

De  même  un  ange  est  une  personne,  parce  que  c'est  une  na* 
ture  inlelligeote,  complète,  el  qui  se  termine  eu  soi-même,  divi- 
sée de  toute  autre  cl  incapable  de  se  communiquer. 

11  n*en  serait  pas  ainsi  du  corps  et  de  l'âme  de  l'homme  si  avant 
leur  union  ils  existaient  séparés;  car  étant  faits  pour  être  unis 
ensemble,  afin  que  de  leur  union  il  résulte  ce  que  nous  appe- 
lons l'homme,  le  corps  humain  sans  Tame  ne  peut  remplir  toutes 
les  fonctions  auxquelles  il  est  destiné,  ni  l'âme,  avant  son  union 
avec  le  corps,  faire  toutes  les  opérations  pour  lesquelles  elle  a  été 
créée  :  ainsi  ràiiie  liumaine  séparée  du  corps  ne  serait  point  une 
personne  ;  il  faut  qu'elle  soit  unie  à  un  corps,  et  c'est  l'union  de 
l'âme  et  du  corps  qui  produit  la  personne.  Deux  natures  on  deux 
substances  peuvent  donc  ne  faire  qu'une  personne  lorsque  leur 
nature  est  telle  qu'elles  ne  peuvent  remplir  les  fonctions  auxquelles 
elles  sont  destinées  qu'autant  qu'elles  sont  unies;  parce  qu'alors 
elles  ne  sont  point  une  nature  individuelle,  douée  d'intelligence  et 
complète,  divisée  de  toute  autre  et  incommunicable. 

11  est  aisé,  d'après  ces  notions,  de  concevoir  comment  la  nature 
humaine  et  la  naturedivinenesont  en  Jésus-Christ  qu'une  personne; 
car  la  nature  humaine  de  Jcsuiî-Chrisl  n'ajfaot  pas  été  formée  en  verto 


2âS  NÉS 

des  lois  de  la  nature,  mais  par  un  principe  surnaturel,  sa  pre* 
mière  et  originaire  destination  a  été  d'être  jointe  à  une  autre; 
d*où  il  suit  qu'elle  ne  se  termine  pas  en  elle-même,  qu'elle  n'est 
point  complète  comme  le  sont  les  autres  créatures  humaines  qui 
viennent  par  les  lois  ordinaires  de  la  nature,  parce  qu'elles  n'ont 
pas  cette  destination  qu'on  vient  de  marquer  dans  celle  de  Jésus- 
Christ. 

La  nature  humaine  de  Jésus-Christ  ne  pouvant  par  elle-même 
remplir  les  fonctions  auxquelles  elle  est  destinée  et  ne  pouvant 
les  remplir  que  par  son  union  avec  le  Verbe,  il  est  clair  qu'avant 
cette  union  elle  n'est  point  une  personne,  et  qu'après  cette  union 
le  Verbe  et  la  nature  humaine  ne  sont  qu'une  personne,  parce 
qu'elles  ne  sont  qu'une  seule  nature  individuelle  ou  un  suppôt 
doué  d'intelligence,  complet,  divisé  de  tout  autre  et  incommuni- 
cable. 

L'erreur  de  Nestorius,  qui  ne  supposait  qu'une  union  morale 
entre  la  nature  divine  et  la  nature  humaine,  détruit  toute  l'éco- 
nomie de  la  religion  chrétienne  ;  car  alors  il  est  clair  que  Jésus- 
Christ,  nutre  médiateur  et  notre  rédempteur,  n'est  qu'un  simple 
homme,  ce  qui  renverse  le  fondement  de  la  religion  chrétienne, 
comme  je  l'ai  fait  voir  dans  l'article  Ariens,  en  prouvant  que  le 
dogme  de  la  divinité  du  Verbe  est  un  dogme  fondamental. 

Le  dogme  de  l'union  hyposlatique  n'est  pas  une  spéculation 
inutile  comme  on  le  prétend  ;  il  sert  à  nous  donner  l'exemple  de 
toutes  les  vertus,  à  nous  instruire  avec  autorité  et  à  prévenir  une 
infinité  d'abus  dans  lesquels  les  hommes  seraient  tombés  s'ils 
n'avaient  eu  pour  modèle  et  pour  médiateur  entre  Dieu  et  eux 
qu'un  simple  homme  :  c'est  ainsi  que  tous  les  Pères  ont  envisagé 
le  dogme  de  l'incarnation  ou  de  l'union  hypostatique  ;  mais  ce 
n'est  pas  ici  le  lieu  de  traiter  cette  matière  ^. 

NESTORIUS,  évêque  de  Constantinople,  auteur  de  l'hérésie 
qui  porte  son  nom,  fut  condamné  et  déposé  dans  le  concile 
d'Éphèse. 

Il  éuit  né  en  Syrie  ;  il  s'y  destina  à  la  prédication  :  c*était  le 
chemin  des  dignités,  et  il  avait  tous  les  talens  nécessaires  pour 
y  réussir.  Son  extérieur  était  modeste  et  son  visage  pâle  et  exté- 
nué; il  fut  généralement  applaudi  et  se  fit  adorer  du  peuple. 

*  Aug.,  De  doctrin.  christ.,  1. 1,  c.  il,  12,  13,  Greg.,  Moral.,  L  6, 
C  8;  !•  7,  c  a,  Nicole,  Symbole,  loslr,  8, 


iNKS  j„,j 

Après  la  mort  de  Sisinnius.  rÉnIiae  de  Constariinople 
visa  sur  le  choix  de  sod  successeur ,  i^l  Tli<^odose-le-Jeune,  poitvl 
prévenir  les  dissensions.  spp«lii  Nesiorius  sur  te  sîù^e  de  Consiao'l 
tinople. 

La  dignité  ï  laquelle  Neslorius  l\it  élevé  échaulTa  son  léle  ;  il 
Udi*  de  l'inspirer  à  Théodose,  el,  dans  son  premier  seriuon,  il  lui 
dit  :  Donnei-moi  la  terre  purgée  d'hérétiques,  el  je  vous  donnerai 
le  ciel  :  secondei-moi  pour  eiierminer  les  hérésies,  ei  je  vous 
promets  un  secours  elGcacc  contre  les  Perses  *. 

k  peine  I^estoriiis  était  établi  sur  le  siège  de  ConsianiiDoplpj ,  1 
qu'il  chassa  les  Ariens  de  ta  capitale,  arma  le  peuple  contre  eui,  ] 
abattit  leurs  églises  et  obtint  de  l'empereur  des  édlts  rigoureu  * 
pour  achever  de  les  eïlerminer  '. 

Nestorîus,  par  son  télé  et  p^r  ses  lalens,  se  concilia  la  faTeav   | 
du  prince,  le  respect  des  courtisans  cl  l'amour  du  peuple  ;  il  ré|»  * 
L'blit  même  dans  tous  les  esprits  la  mémoire  de  saint  Chrjsostnaie 
Kque  Théophile  d'Anlioclie,  oncle  de  saint  Cjrille  d'Alexandrie, 
■  irait  rendu  odieux  et  qu'il  avait  Tait  exiler. 

Après  avoir  établi  son  crédit  et  gagné  la  coiiGance  par  un  xèl« 
finmoitéré  auquel  le  peuple  applaudit  presque  toujours,  Kesturin»  | 
r'Mcrut  ru  étal  d'enseigner  la  doctriue  qu'il  avait  reçue  de  Tbé 
e  de  Uopsueslu  et  de  donner  une  nouielle  furuie  au  christi 
me. 

Nous  avonsremarqué,  dans  l'ariicleNESTOKiANisiiE.que  le  dogi 
on  hyposlatique  était  gënëralenienl  reçu  dans  l'Ëglise 
leoce  de  cette  union,  on  pouvait  non-seulement  dir< 
lérat-CbrisI  était  homme  et  Dieu  ,  mais   encore   qu'il  était  I 
bomme-Dteu  et  un  Dieu-homme;  ce  tangage  était  généralemei 
éUbli  dans  l'Ëglise. 

Par  une  suite  de  cet  asage,  on  disait  que  la  sainte  Vierge  étaitil 
^•tère  de  Jésus-Christ,  mérc  de  Dieu, 

Nntorius  attaqua  d'abord  ces  expressions  ;  il  prêcha  que  \t  | 
uTerbe  s'éuii  incarné,  mais  qu'il  n'était  point  sorti  du  sein  de  Ift  J 
Vierge,  parce  qu*il  subsistait  de  toute  éternité. 

!■«  peuple  Tut  scandalisé  de  cette  doctrine,  entendit  le  pitriv-tj 
»:  indignation  et  l'interrompit  au  milieu  de  ion  discoun^fl 
bientôt  il  murmura,  se  plaignit,  s'échaulTa  et  euiio  se  souleva  ci  ~ 

*  Socrat.,  I.  7,  c,  ÎB. 


SSO  NES 

ire  Nestoriits,  qui  se  servit  de  son  crédit  pour  faire  arrêter,  em- 
prisonner et  fouetter  les  principaux  des  méconteos  * . 

L*innoTilion  de  Nestorius  fit  du  bruit  dans  tout  FOrient  ;  on  en- 
voya ses  écrits  en  Egypte  :  les  moines  agitèrent  entre  eux  la  ques- 
tion que  Nestorius  avait  élevée  ;  ils  consultèrent  saint  Cyrille,  et 
le  patriarche  d* Alexandrie  leur  écrivit  qu*il  aurait  souhaité  qu*on 
i^tgîtât  pas  ces  questions  et  que  cependant  il  croyait  que  Nesto- 
rins  était  dans  Terreur  *. 

Nestorius  engagea  Photins  k  répondre  à  cette  lettre  ;  il  fit 
courir  le  bruit  que  saint  Cyrille  gouvernait  mal  son  Église  et  qu*il 
affectait  une  domination  tyrannîqne  *. 

Saint  Cyrille  répondit  à  Nestorius  que  ce  n*était  pas  sa  lettre  qui 
jetait  le  trouble  dans  TËglise,  mais  les  cahiers  qui  s'étaient  ré- 
ptiidus  sous  le  nom  de  Nestorius  ;  que  ces  cahiers  avaient  causé 
UB  tel  scMidale  que  quelques  personnes  ne  voulaient  plus  appe- 
ler Jésus-Christ  Dieu,  niais  Torgane  et  Tinstroment  de  la  divi- 
nité ;  que  tout  TOrient  était  en  tumulte  sur  ce  sujet  ;  que  Nesto- 
rius pouvait  apaiser  ces  troubles  en  s*expliquant  et  en  retranchant 
ce  qu'on  lui  attribuait  ;  qu'il  ne  devait  pas  refuser  la  qualité  de 
nére  de  Dieu  à  la  Vierge;  que  par  ce  moyen  il  rétablirait  la  paix 
dans  r£glise. 

Nestorius  répondit  à  saint  Cyrille  qu  il  avait  manqué  envers  lui 
i  la  charité  fraternelle;  que  cependant  il  voulait  bien  lui  donner 
des  marques  d*union  el  de  paix  ;  mais  il  ne  s'explique  ni  sur  sa 
docinne  ni  sur  les  moyens  que  snint  Cyrille  lui  proposait  pour 
rétablir  la  paix. 

Saint  Cyrille ,  dans  une  seconde  lettre ,  exposa  sa  doctrine  sur 
l'union  hypontatique,  prévint  tous  les  abus  qu'on  pouvait  en  faire, 
et  fit  voir  que  cette  doctrine  était  fondée  sur  le  concile  de  Nicée  : 
il  finissait  en  exhortant  Nestorius  à  la  paix. 

Nestorius  accusa  saint  Cyrille  de  mal  entendre  le  concile  de 
Nicée  et  de  donner  dans  plusieurs  erreurs,  et  prétendit  qu'au- 
cun concile  n'ayant  employé  les  termes  de  mère  de  Dieu ,  on  pou- 
vait les  supprimer. 

Saint  Cyrille  craignit  que  ces  sophismes  n'en  imposassent  aux 
fidèles  de  Constantinople  :  il  leur  écrivit  pour  leur  faire  voir  que 

*  Act.  conc  Ephes. 

s  Cyrillus,  Episl.  ad  Cœleslin. 

»  Conc  Ephes.,  priro.  part.,  c,  12,  CyriJU,  Ep.  ad  Nestor,  sccunda« 


NES 


9SI 


I  ,Ile»iui'iu«  cl  aCB  parus^iii»  illvisaipiii  Jùtm- 
^^■onncïi  il  leur  conseilla  de  répondre  à  ceU) 

roubicr  rt^liee  et  de  ne  pas  obéir  ù  leur  évfque  ,  il  l«ur  con- 

■^illa  ,  dls-jc ,  de  riîpuniire  que  c'élail  cel  âv^ue  uéino  qui  cau- 

''  '  I  Irauble  el  du  scandale  ,  parue  qu'il  enseÎHDaii  dei  cLoses 

loules. 

Celle  opposiiloD  des  deui  patrJari'hes  alluma  le  fcii  de  U  dit-  I 
Eicorde  ;  il  m  forma  dcui  parus  dans  CunElanlinople  même,  el  cei   ' 
V'deux  punis  u'oublièient  rien  pour  rendre  leur  duutrlae  odieuse, 
inemis  de  Nesiorius  l'accusaient  de  nier  iiiijiredeinenl  la 
f  Avinité  de  Jésus-Cbrist ,  qu'il  appelait  seuletuenl  porle-Dîeu  et 
Lflu'il  réduirait  t  la  condition  il'uu  simple  humme. 

L«s  partisans  de  Nestorius ,  au  contraire  ,  reprocliaient  i  saint 
ECjrille  qu'il  arilissail  la  dirinlié  el  qu'il  l'abaissait  ï  toutes  )m 
EteUnnilét  buinaiiies  ;  ils  lui  appliquaient  tontes  les  railleries  des 
fPiletis,  qui  inauilaient  aux  chrÉiiens  sur  leur  Dieu  crucifié. 

UienlÛI les deui  pairiardiea  in forniâreni  toute  l'Ëglise  de  letirk  _ 
^«onteslBltons. 

Acace  de  Boeréc  et  Jean  d'Antiochc  approuvËrcnl  la  doctHm 

da  Gainl  Cyrille  et  condamnËrcnt  Neitorius  ;  mais  ils  étaient  d'avis 

^'il  ne  falUit  pas  relever  avec  tant  de  chaleur  de»  cipressions 

peu  exactes ,  et  prièrent  saint  CjriUe  d'apaiser  celle  querelle  par 

,  ,Hn  silenc«. 

Le  paiwCÉIestin,  auquel  saint  Cyrille  etNcstorius  aviientécritt  _ 
itMtnbla  un  concile  qui  approuvais  doctrine  de  saint  Cyrille  II 
[condamna  celle  de  Keaiorius  :  le  concile  ordonnait  que  si  NeslAc  I 
u ,  dii  jours  après  h  signiflcatiou  du  jugement  du  concile  ,  Dfrl 
ait  pas  la  nouvelle  duclri ne  qu'il  ivail  inlrodulle,elqi'H  1 
kB'*pprouv3t  pas  celle  de  l'Église  de  Rome,  de  l'Égliie  d'Alexan—  1 
p  drie  et  de  tunles  les  Églises  caiholiques ,  il  serait  déposé  et  priva 
de  la  eoratnunion  del'É^liseï  le  coocils  déclarait  encore  que  ceui 
qui  s'éiaieni  séparés  de  Kestorius  depuis  qu'il  euseignait  celle 
doctrine  n'étaient  point  excommuniés  >. 

^  Saint  Cyrille  assembla  aussi  un  concile  en  Egypte  :  on  y  résolut 
fexécutioD  du  jugement  prononcé  par  les  éviquei  d'Occident 
'Mntre  Nestorius,  el  l'on  députa  quatre  évéques  pour  le  lui  sigai- 
'fler.  Saint  Cyrille  ajouta  une  prulession  de  fui .  qu'il  voulait  i|ne 
Nealotius  loiuoriTll ,  ainsi  que  douxe  anatlièmea  ,  dans  lesquels  It 

'  Ce  CDUcilc  K  liot  en  ^30,  au  muit  d'aoDt. 


232  NES 

doctrine  de  Nestorins  et  toutes  les  faces  sons  lesquelles  on  pou- 
vait la  proposer  étaient  condamnées  *. 

Nestorius  ne  répondit  aux  députés  d'Alexandrie  que  par  douze 
anathèmes  qu'il  opposa  k  ceux  de  saint  Cyrille. 

Avant  toutes  ces  procédures ,  Nestorius  avait  obtenu  de  Théo- 
dose que  Tou  convoquerait  un  concile  général  à  Ephèse ,  et  les 
évèquess'y  assemblèrent  en  43i . 

Saint  Cyrille  s'y  rendit  avec  cinquante  évèques  d'Afrique  et 
Nestorius  avec  dix  *. 

Jean  d'Antioche  ne  fit  pas  autant  de  diligence ,  soit  que  son  re- 
tardement fût  causé  parla  difficulté  des  chemins,  soit  qu'il  en  es- 
pérât quelques  bons  effets;  cependant  il  envoya  deux  députés  pour 
assurer  les  évèques  assemblés  à  Éphèse  qu'il  arriverait  inces- 
samment, mais  que  les  évèques  qui  l'accompagnaient  et  lui-même 
ne  trouveraient  pas  mauvais  que  le  concile  fût  commencé  sans 
eux  *. 

Saint  Cyrille  et  les  évèques  d'Egypte  et  d'Asie  s'assemblèrent 
donc  le  22  juin ,  quoique  les  légats  du  saint  Siège  ne  fussent  pas 
encore  arrivés  *, 

Nestorius  fut  appelé  au  concile  et  refusa  de  s'y  trouver ,  pré- 
tendant que  le  concile  ne  devait  point  commencer  avant  l'arrivée 
des  Orientaux. 

Les  évèques  n'eurentpoinl  d'égard  aux  raisons  de  Nestorius  :  on 
examina  ses  erreurs  ;  elles  avaient  été  mises  dans  un  grand  jour 
par  saint  Cyrille  ;  elles  furent  condamnées  unanimement  et 
Nestorius  fut  déposé. 

Le  concile  envoya  des  députés  à  Jean  d'Antioche  pour  le  prier 
de  ne  point  communiquer  avec  Nestorius  qu'on  avait  déposé. 

Jean  d'Antioche  arriva  à  Éphèse  vingt  jours  après  la  déposition 
de  Nestorius,  et  forma  avec  ses  évèques  un  nouveau  concile  :  on 
y  accusa  Meonon  d'avoir  fermé  la  porte  aux  évèques,  et  Saint  Cy- 
rille d'avoir,  dans  ses  douze  anathèmes ,  renouvelé  l'erreur  d'A« 
pollioaire.  Sur  cette  accusation  ,  on  prononça  sentence  de  dépo- 
sition contre  Mennon  et  contre  saint  Cyrille. 

Les  légats  du  pape  étant  arrivés  dans  ces  entrefaites,  ils  se  joi- 

*  Ce  concile  tai  tenu  en  430,  au  mois  de  novembre. 

>  Socrat,  1.  7,  c  83,  Relat  ad  imper.,  S  part  Conc.  Ephes.,  act  i. 

*  Socr.,  ib.,  c.  36.  Evagr.,  1.  i,  c  3.  Nicéph.,  l  &,  c  3&«Conc.  Ephes. 

*  Act.  conc.  Ephes.,  CoUect.  de  Lupus. 


NES 

[  gnirent  i  saiot  Cyrille,  corame  leur  inslmelion  le  pormil  ;  on  leur 

DiinuiiiqQa  ce  qu'on  avait  Tait  contru  NcgtariUB  ,  et  Us  l'approu- 

renl.  L«  concile  t'cnvit  ensuite  à  l'empereur  que  les  légats  ite 

iTËglise  de  Rome  avaient  assuré  que  tout  l'Occiiienl  s'accordait 

ux  aur  l>  ductriiie  ,  el  qu'ils  arnieal  coadaoïi 

||.âoclriDe  et  la  personne  de  Nesloriiia.  Ou  cassa  ensultele  juge-  ] 

rat  de  déposiiiou  porté  contre  salut  Cyrille  et 

la  Jean  d'Antioclie  et  ses  adbérens. 

Le  jour  même  de  celle  citation  ,  Jean  d'AntiocLe  lit  arOclier  na   ] 

I  placard  par  lequel  on  déclarait  Cyrille  et  Henuon  déposés  poar 

h  uuse  d'hérésie,  et  les  autres  évéqucs  pour  les  avoir  fivoriié*. 

Le  lendemain  ,  le  concile  d'Eplièse  lit  citer  Jean  d'Anlioclifl 

pODi  la  troisièmefois  ;  on  condamna  les  erreurs  d'Arius,  d'Apolli- 

Daire,  de  Pelage,  de  Célestius  ;  ensuite  on  déclara  que  Jean  d'An- 

tîocbe  et  son  parti  étaient  sépurés  de  la  communion  de  l'Ë 


■  La  conduite  du  concile  d'Éjilit^i?  a  été  hlilmèe  par 
^derc,  la  Croie,  etc.,  mais  iD;uï[fmcnt. 

1*  Jean  d'Antioche  n'élaïl  accam|isgné  que  de  quarante  érfques,  et 
le  était  en  jtgie  en  commcnraiit  h  eismiiicr  l'atTairc  de  Ncsto- 
ta  atant  son  arrivée. 
»  1*  Jeand'Antioclie,  aprèssonarrivée,  pouvait  seraircrendreeomple 
Itce  qui  l'était  passé  dans  le  concile ,  i-t  le  désapprouver  ou  l'approu- 
'.  Les  légats  du  pape  Céleslin,  quoiqu'ils  fussent  arrivés  après  le 
it  prononcé  contre  Nealorius ,  ne  te  séparèrent  point  de  saint 
rrille:  on  leur  conmiuoiqua  ce  qu'on  avait  bit  contre  Nestoriug,  et 
le  joignirent  au  concile. 
F   S*  Jean  d'Anlîocbc  ne  put  rcproolier  aucune  erreur  au  concile  d'Ë- 
it  par  conséquent  son  sdiisnic  n'avait  pour  rondement  que  l'o- 
d'une  simple  formaliLé.  Il  cât  donc  clair  qu'il  n'avait  pas  une 
le  raison  de  rompre  l'unité,  et  que  le  concile  d'Ëpliésc  ne  poutaîl  m 
»'  de  le  condamner, 
«n  d*Antioche  n'était  pas  eu  droit  de  citer  saint  Cyrille  ï  son.-  J 

et  il  est  certain  qu'il  condamna  ce  palriurcbe  pour  des  erreu 

dans  lesquelles  il  n'élail  point  tumljé.  puisqu'il  avait  condamné ,  av 
tout  le  concile,  l'errenr  d'Apollinaire,  celle  d'Arius,  etc. 

Si  dajis  toute  cette  alTaire  il  j  a  eu  nu  peu  trop  de  vlvadlé,  il  Ai 
l'imputer  ï  Nestorius  même;  c'est  lui  qui  a  te  premier  traité  ses  ai 
lerwirc*  avec  rigueur,  qui  a  cmploj'C  li'  premier  les  paroles  injurieum 
el  outrageantes ,  comme  un  le  voit  par  la  lettre  qu'il  Ht  écrire  par  Phd 
tlu)  :  il  employa  le  premier  des  moyens  Tiolens;  ce  Tut  lai  qui  fit  in 
30" 


U4  NES 

Les  éfèqaeê  d*Ëgypte  et  ceux  d*Orient ,  apràs  B*étre  lancé  pltt- 
sieurs  ezcommunieaiioot,  envoyèrent  chacun  de  leur  côté  des  dé» 
pûtes  à  rempereur.  Les  courtisans  prirent  parti  dans  cette  affaire , 
oeoi-ei  pour  Cyrille,  ceux*U  pour  Nestorius  :  les  uns  étaient  d V 
TÎs  que  Tempereur  déclarât  que  ce  qui  avait  été  fait  de  part  et 
d'autre  était  légitime  ;  les  autres  disaient  qu'il  fallait  déclarer  tout 
nul  et  fkire  venir  des  évèques  désintéressés  pour  examiner  tout 
ce  qui  s'était  passé  à  Éphèse. 

Théodose  flotta  quelque  temps  entre  ces  deux  partis  »  et  prit 
enfin  celui  d'approuver  la  déposition  de  Nestorius  et  celle  de  saint 
Cyrille  ,  persuadé  qu'en  ce  qui  regardait  la  foi  ils  étaient  tous 
d'accord,  puisqu'ils  recevaient  tous  le  concile  de  Nicée. 

Le  jugement  de  Théodose  ne  rétablit  pas  la  paix  ;  les  partisans 
de  Nestorius  et  les  défenseurs  du  concile  passèrent  de  la  discus«> 
sien  aux  insultes  et  des  insultes  aux  armes ,  et  Ton  vit  bientôt 
une  guerre  sanglante  prête  à  éclater  entre  les  deux  partis.   ' 

Théodose,  qui  était  d'un  caractère  doux,  faible  et  pacifique,  fut 
également  irrité  contre  Nestorius  et  contre  saint  Cyrille  :  il  vil 
alors  que  ce  qu'il  avait  pris  dans  Nestorius  pour  du  zèle  et  pour  de 
la  fermeté  n'était  que  l'effet  d'une  humeur  violente  et  superbe  ; 
il  passa  de  l'estime  et  du  respect  au  mépris  et  à  l'aversion:  Qu'on 
ne  parle  plus  de  Nestorius,  disait-il  ;  c'est  assez  qu'il  ait  fait  voir 
une  fois  ce  qu'il  était  *. 

Nestorius  devint  donc  odieux  à  toute  la  cour;  son  nom  seul  exci* 
tait  l'indignation  des  courtisans ,  et  l'on  traitait  de  séditieux  tous 


venir  dans  cette  afCidre  Pautorité  impériale  i  il  est  donc  la  vraie  cause 
de  la  vivacité  qu^on  mit  dans  cette  affaire,  supposé  qu*on  y  en  ait 
trop  mte. 

Ce  D*e8f  pas  que  je  ne  croie  que  la  patience,  Tindulgence  et  la  dou- 
ceur ne  soient  préférables  à  la  rigueur  ;  Tcsprit  de  TÊglisc  est  un  esprit 
de  douceur  et  de  charité  ;  la  séTérité  ne  doit  être  employée  qu^aprîs 
avoir  épuisé  toutes  les  ressources  de  la  douceur  et  de  la  charité  indul- 
gente; mais  cependant  TÉglise  est  quelquefois  obligée  de  scanner  de 
sévérité,  et  Ton  ne  doit  pas  croire  légèrement  que  les  premiers  pasteurs 
n^ont  pas  employé  toutes  les  voles  de  la  douceur  avant  d*en  venir  ù  la 
rigueur.  Sommes-nous  sors  que  nous  les  blSmorions,  si  nous  connais- 
rions  le  détail  de  tout  co  qu^iis  ont  fait  pour  nV'trc  pas  obligés  d'user 
de  cette  sévérité? 

A  Conc,  t  4,  P«  C6d. 


NES 


sas 


ceux  qui  osaient  agir  pour  lui  ;  il  en  Tm  informiï,  cidem»n>la  h  si 
reLirârdaDsIemoaastèreoiiil  éuiiaTiint  ilepsscr  «urle  litige  do 
ConsUiitinople  ;  il  en  abiinila  permîiuion  el  panit  aussitôt ,  avec 
une  fiertÉ  sloTque, qui Del'abandoQna jamais. 

Pour  saint  Cyrille,  il  Tut  arrêté  ei  gardé  soipeusemeDt,  et  l'etn- 
percur,  persuadé  que  ce  patriarche  avait  été  déposé  par  toiil  ta 
coDcile,  était  sur  le  point  de  le  bannir. 

Le  concile  écrivit  i  l'empereur ,  lit  Toir  que  CjHlle  et  Heunon 
n'allient  poiui  été  condamnés  par  le  concile,  mais  par  trente  évé- 
quel  qui  l'aTaîent  jugé  sans  Turmes ,  sans  preuves ,  et  par  le  seul 
déiir  de  venger  Keitorius. 

Ces  leltrn  ,  soutenues  îles  pressantes  soUiciutions  do  l'abM    i 
Dalniaue,  quîéuit  tout-puissaui  auprès  de  l'impi^rulrice ,  sii9]ien-    ' 
dirent  l'exécution  des  ordres  donnés  contre  saiul  Cyrille.  Pour 
Ncsiorius  ,  l'ompercur  n'en  voulut  plus  enieiidre  parler,  ei  fît  or> 
donner  Uaiûuinli  sa  place. 

Les  évQqucB  d'Ëgypie  et  d'Orient  étaîeut  cPpi'udani  toujours 
assemblés  k  Ëpliise,  et  IrréMnciliablef . 

Tliiktdose  leur  écrivit  qu'il  avait  ThiL  tout  ce  qu'il  avait  pu 
par  »e«  nlïicicrg,  et  par  lui-même,  pour  réunir  les  espriU,  crnyant 
que  c'était  une  impiété  de  voir  l'Ëglise  dans  le  trouble  cl  de  nu  ' 
pas  faire  ion  possible  pour  rétablir  la  paix  ;  il  ajoutait  que,  ne 
l'ayant  pu  faire,  il  était  résolu  de  terminer  le  roucile  ;  que  ai  néan- 
moins  les  évf  ques  aviiienl  un  désir  Mncére  do  la  paix,  il  était  prêt 
à  recevoir  I»  ouverlures  qu'ils  voudraieni  lui  proposer,  sinon 
qu'ils  n'avaient  qu'A  se  retirer  promplement;  qu'il  acconlslt  de 
minie  lUi  Orientaux  le  pouvoir  de  se  retirer  chscun  dans  leurs 
diocèses ,  et  que  tant  qu'il  vivrait  il  no  les  coudamnerail  point , 
parce  qu'ils  n'ont  été  convaincus  de  rien  en  sa  présent*,  pei-sonua 
n'ayant  voulu  entrer  eu  conréreucc  avec  eua  sur  les  points  con- 
testés: il  linissail  en  protestant  qu'il  n'était  point  cuusednscliisme 
et  que  Dieu  savait  bien  qui  en  était  coopable  '. 

On  peut  juger  par  celle  leltre,  dit  U.  de  Tillemoni.  que  Ttiéo- 
dose  était  eni^ore  moins  saiisfalt  des  évéques  du  concile  qofl  des 
OrienlDux  ;  mais  que,  ne  voyant  du  tous  cAtés  que  des  ténèbres,  il 
le  voulait  point  juger,  et  qu'il  préférait  néanmoins  ceux  du  eon- 
ne  ayant  plus  de  leur  cAté  les  marques  de  la  cumniti 

toCulrlicr,  p.  M.  Tillpmuiil,  I,  ir<,  |<.  A^iS. 


286  NES 

Voilà  quelle  fut  la  fia  da  concile  d'Éphèse,  que  TÉglise  a  tou- 
jours reçu  sans  difficulté  comme  un  concile  œcuménique  ,  nonob- 
stant Topposition  que  les  Orientaux  y  firent  pendant  quelque 
temps,  et  sans  aucun  fondement. 

Les  Orientaux  ne  virent  qu'avec  une  peine  extrême  que  l'em- 
pereur renvoyait  dans  son  Église  saint  Cyrille  qu'ils  avaient  dé- 
posé :  Jean  d'Ântioche  assembla  un  concile  composé  des  évèques 
qui  l'avaient  accompagné  à  Épkèseet  des  évèques  d'Orient.  On  y 
confirma  la  sentence  de  déposition  portée  contre  saint  Cyrille  ; 
ensuite  le  concile  écrivit  à  Théodose  que  les  évèques ,  les  ecclé- 
siastiques et  les  peuples  du  comté  d'Orient  s'étaient  unis  pour  sou- 
tenir la  foi  de  Nicée  jusqu'à  la  mort ,  et  qu'ils  abhorraient  tous, 
à  cause  de  cela ,  les  anathématismes  de  saint  Cyrille,  qu'ils  soute- 
naient être  contraires  à  ce  concile  ;  c'est  pourquoi  il  prie  l'em- 
pereur de  les  faire  condamner  de  tout  le  monde  *. 

C'est  ainsi  que  le  schisme  commencé  à  Éphèse  continuait  dans 
l'Église  ,  ceux  du  concile  d'Orient  n'ayant  point  de  communion 
avec  ceux  qui  ne  se  séparaient  pas  de  saint  Cyrille  '. 

Cette  rupture  ne  pouvait  se  faire  et  s'entretenir  sans  beaucoup 
d'aigreur  de  part  et  d'autre,  et  les  peuples  participèrent  à  l'ani- 
mosité  de  leurs  évèques  ;  on  ne  voyait  de  tous  côtés  que  querelles , 
qu'aigreur,  qu'anathème,  sans  que  les  évèques  et  les  peuples  pus- 
sent souvent  dire  de  quoi  il  s'agissait  et  pourquoi  des  chrétiens 
se  déchiraient  si  cruellement  les  uns  les  autres  ;  les  personnes  les 
plus  proches  se  trouvaient  les  plus  ennemies  ;  on  satisfaisait  à  ses 
intérêts  particuliers  sous  prétexte  d'être  zélé  pour  l'Église,  et  le 
désordre  était  si  grand  qu'on  n'osait  seulement  passer  d'une  ville 
à  l'autre,  ce  qui  exposait  la  sainteté  de  l'Église  à  la  raillerie  et 
aux  insultes  des  Païens,  des  Juifs  et  des  hérétiques  ^. 

Quoique  Théodose  témoignât  assez  d'égalité  entre  les  Orien- 
taux et  leurs  adversaires ,  les  défenseurs  du  concile  d'Éphèse 
étaient  cependant ,  sans  comparaison  ,  les  plus  forts ,  et  par  leur 
union  avec  tout  l'Occident,  et  parce  que  l'empereur  même  et  toute 
la  cour  étaient  dans  leur  communion. 

Les  Orientaux  les  accusaient  d'avoir  mal  usé  de  ce  pouvoir  et 
de  s'en  être  servis  pour  faire  toutes  sortes  de  violences  ;  mais  ces 

*  Appendix  conc  Balus.,  p.  7&i. 
9Conc,t  A,  p.  663. 
i  Ibid. 


isr  I 

<l  poinl    Taira 


■  tirs 

^■'■ortes  (l'a  causai  ion  s  tagiies  tt  yéiiéoL's 

^■d'impression,  el  peut-ûirc  que  les  citlioliques  ne  fuissi 

^H^Boin<ii'e&  reproctirs  aux  Oiieniaiix ,  d'.v  ayant  apparemment  rien 

^n^  plus  vÉriiable  que  ce  (lue  dil  Ibas  d'EMc&se,  que,  dans  cetia 

^HmoluBian  ,  chacun  suivait  sa  voie  et  les  d^irsdeson  ciBur  '. 

^^E  C'est  donc  manquer  d'équilé  que  déjuger  les  catholiques  sur 

^^Bb  témoiguage  des MestorieDa seuls,  comme  Tait  H.  delà  Croie  *. 

^^p    Théodose  attribua  aux  dÏTÏsioDS  de  l'Église  ses  mauvais  succë* 

^^  en  Afrique  ;  il  n'oublia  rien  pourrËtablir  la  paix  ;  il  jugea  qu'elle 

dépendait  de  la  réconcilia  lion  de  Jean  d'Antioche  el  de  saiut  Cy~ 

rille  :  il  employa  donc  tous  ecs  soins  et  toute  son  autorité  pour 

procurer  celte  réconciliation  ;  il  écrivit  i  tous  ceux  qui  avaient  du 

»«tédh  sur  leur  esprit ,  et  surtout  à  saint  Siméon  Sijliie  el  & 
Acace». 
Après  mille  diOiculIés,  milledélicaiesses,  mille  précautians  pour   • 
h  religion,  pour  l'honnenr  et  pour  la  vanité ,  la  paix  Tut  c 
entre  Jean  d'Anlioche  et  saint  CjTÎIIe. 

La  plupart  desOrlcnian\iaiiiércnt  Jean  d'An liocUe  ;  mai 
toriuï  conserva  toujours  des  partisans  zélés ,  qui  nun-seuiemea 
oe  voulurent  pas  être  compris  dans  la  paix  de  Jean  d'Aotiocha^ 

lis  qui  se  séparèrent  de  sa  communion  parce  qu'il  ci 
[||tuit  avec  saint  Cjrillc. 

On  vil  donc  dans  l'Orient  même  une  nouvelle  division  ! 

[qnes  de  Cilicie  et  de  l'I^uplraiésienne  se  séparèrent  cle  Jean  d*An- 

'    '    ;  ce  palriarcLe  voulut  employer  l'aulorilé  pour  les  réduire 

ne  fit  qu'augmenter  le  mal  ;  l'empereur  défendit  aux  év^ues 

venir  en  cour  et  ordonna  de  chasser  ions  ceux  qui  ne 

pas  il  Jean  d'Anliuclic. 
Nestorius,  du  fond  de  son  monastère,  excitait  (ouïes  a 
liions ,  et  réglait  tous  les  niouveiuens  de  sa  faction  :  ni  I 

des  un»,  ni  l'exil  des  autres,  ni  sa  dc-positioo,  approuTée  pU'l 

itec  les  Églises  patriarcales ,  n'ébranlèrent  la  fermeté  de  Ne»-  J 

et,  pour  ainsi  dire  accablé  sous  I 

IM  montrait  encore  ferme  el  intrépide:  l'empereur,  qui  fut  infunn^  | 

de  ses  intrigues,  le  relégua  dans  la  Thébaïde  0(1  il  moi 

L'empereur  traita  avec  la  nèuie  rigueur  les  défenseurs  deNefl 

'  Conc,  1.  i,  p,  eee. 

*  Hénelions  sur  lu  Mahométlsmc,  p.  9. 

*  Appenil,  Conc,  I,  3,  p.  losti. 


3S8  NIC 

torim  ;  il  confisqua  les  biens  des  principaux  et  les  relégua  à  Pétra, 
dans  TArabie  ;  il  fit  ensuite  des  édits  pour  condamner  au  feu  les 
écrits  de  Nestortus,  et  pour  obliger  ceux  qui  en  avaient  des 
exemplaires  à  les  Grêler  :  il  défendait  aux  Nestoriens  de  s*assem- 
bler  et  confisquait  les  ¥iens  de  ceux  qui  permettaient  ces  assem- 
blées dans  l«urs«aisom  ou  qui  embrassaient  le  parti  deNestorius. 

L'autorité  de  Tbéodose  ne  vint  pas  à  bout  des  Nestoriens  ;  il 
les  fit  plier  sans  les  convaincre  :  une  grande  quantité  de  Nesto- 
riens passèrent  en  Perse  et  en  Arabie  ;  beaucoup  cédèrent  au 
temps  et  conser?èfent,  pour  ainsi  dire ,  le  feu  de  la  division  ca- 
ché sous  les  cendres  du  Nestorianisme ,  sans  prendre  le  titre  de 
Nestoriens  et  sans  oser  faire  rerifre  une  secte  qui  n^eut  plus  que 
des  sectateurs  dispersés  dans  Tempire  romain ,  où  les  lois  de 
Tempereur  avaient  noté  d'infamie  et  proscrit  les  Nestoriens. 

Mais  cette  bérétîe  paesa  de  Fempire  romain  en  Perse ,  oti  elle 
fit  des  progrèa  rapides  ;  de  là ,  elle  se  répandit  aux  extrémités  de 
FAsie,  où  elle  est  encore  aujourd'hui  professée  par  les  (Aaldéens 
ou  Nestoriens  de  Syrie.  Vfy^x  Tarticle  Cbaluéens. 

NIGOLAITES.  Céuit  des  hérétiques  qui  soutenaient  qu*on  de- 
vait manger  des  viandes  offertes  aux  idoles  et  se  prostituer  * . 

Saint  Irénée ,  saint  Ëpiphane ,  Tertollien,  saint  Jérôme,  croient 
que  Nicolas ,  diacre,  avait  en  effet  enseigné  ces  erreurs*. 

Saint  Clément  d'Alexandrie  et  d'autres  croient  que  les  NicolaTtes 
avaient  abusé  d'un  discours  et  d'une  action  de  Nicolas  :  ils  disent 
que  ce  diacre  ayant  une  belle  femme  et  que  les  apôtres  lui  ayant 
reproché  qu'il  en  était  jaloux ,  il  la  fit  venir  au  milieu  de  l'assem- 
blée et  lui  permit  de  se  marier.  Saint  Clément  ajoute  qu'il  avait 
avancé  qu'il  fallait  user  de  la  chair,  et  que  cette  maxime  avait 
donné  lieu  de  croire  qu'il  permettait  toutes  sortes  de  plaisirs , 
mais  qu'il  ne  voulait  dire  rien  autre  chose  sinon  qu'il  fallait  mor- 
tifier sa  chair  *• 

Le  sentiment  qui  h\i  le  diacre  Nicolas  auteur  des  erreurs  des 
Nicolaîtes  est  moins  fondé  que  celui  de  saint  Clément  :  en  effet, 
Nicolas  était  né  Gentil  et  avait  embrassé  le  ludaTsme  ;  il  avait  en- 

«  Apocalyps.,  c  S.  &  Irèn.  et  S.  Clém.  ne  leur  attribuent  point 
d'autres  erreurs.  Voyez  Irén.,  I.  i,  c  27;  Oém.  Alex.  Strom.,  1.  8. 

s  Inen.»  ibid.  Epiph.,  Her.  35.  Hacron.  ad  Heliodor.i  ep.  !•  Tcrt.« 
De  prapscript. 

*  Clém.  Alex.,  ibid.  Théodore!. 


I  ^uE 

niîie  reçu  U  fui  de  JiWus-Christ;  il  âiait  meute  un  ilr»  p\at  u 
et  des  plus  Tervens  clirÉiîviis  ;  il  fui  cboisi  par  l'Ëglise  de  Ji^rusx 
leiu,  entre  ceux  qu'on  Jugeait  èlre  pleins  du  Saint-Esprit,  pour 
être  l'un  des  sept  preiniera  diicres  ;  esi-il  vraisemblable  qu'aree 
-  CES  qualités  Niiola»  sotl  lombii  daoe  l'erreur  des  NicobiïieB  1 
I  II  <r  a  plus  (le  Truiseiublaiice  daus  le  setiiimenl  de  quelques  ltÎ> 
s  qui  croient  que  les  Nicolaîtes ,  comme  beaucoup  d'oulm 
.iquei,  out  voulu  descendre  d'un  bomme  »p()gloIiqii«,  el  ont 
Jndëieiir  senLimem  mr  uoe  expression  de  Nicolas,  qui  disait 
F  qv'il  Tallait  abuser  de  Ii  chair  :  ce  moi ,  dans  l'original ,  eei  équi- 
■'Toque  et  sïguîtie  mépriser  ou  user  d'une  inaniâre  blimoble  *. 
Un  voluptueux  proitta  de  l'i^uiToque  pour  se  livrer  au  plaisir 
rupule  ,  el  prétendit  suivre  la  doctrine  de  Mcubs. 
r.  Les  Nicolaïie.',  étant  des  voluptueux  d'un  esprit  Tulble  et  super- 
,  illiaieut  la  crojauce  des  démons  avec  les  dogmes  du 
dstianlsnie ,  et,  pour  ne  pua  irrite*  le»  démons,  ils  mangeaient 
Il  viandes  offertes  aux  idoles. 
^Cei  Nicalaltcs  vivaient  du  temps  des  apûtres;  dansh  suit«,  «t 
m  Saturnin  et  Carpocrate,  cette  secte  adopta  les  opinions  dea 
iBlii;oes  sur  l'origine  du  monde.  Voyet  le  mot  Cnostiques  *. 
I  des  iialeurs  qui  croient  que  la  secte  des  Nii'olaïles  o 
^nt  existé  ;  œ^iia  ce  sentiment  est  contnire  i  toute  l'antiquité  \ 

n'est  pas  fond^. 

kXci  comoieniJiteurs  de  l'apocalypse  ont  traité  de  riiéréùe  da 
nicolallei  :  on  voit ,  par  les  annales  de  Pltliou ,  que  vers  te  miliei 
b  tepliéme  siËcle  il  y  avuit  des  NJculaïLes  ;  mais  on  ne  dit  point 
l^les  étaient  précisément  les  erreurs  des  Nicoliiîtes  ;  on  pour- 
\  bien  avoir  donoé  ce  nom  aux  clercs  qui  cunservaiant  leun 
,  ce  qui  était  Turl  commun  dans  ce  siècle*. 
rIiOKT  était  d'Ëphése  ou  de  Smyrne:il  enseigna  que  Jésu>> 
■rist  n'était  pas  différent  du  Père;  qu'il  n'y  avait  qu'une  seule 
e  en  Dieu ,  qui  prenait  tantôt  le  nom  de  l'ère ,  taulAt  ce- 
^  de  FiU ,  qui  s'était  incarné ,  qui  était  né  de  la  Viurge  el  avait 


offert  SI 


,  l'an  210. 


'Oém.  Al«.,  ibid.  Le  Clerc,  llist.  ecclés,  Itligius,  De  liiires., 
•CCI.  t>  C  S. 

■Itvn.,  I,  ),  e.  S7.  Aug.,  De  hsT.  Pbilastr,,  De  barcs.,  c,  B3, 
Epipli..  HKr.  75. 

'CoocGuI'Ir',  1.  1,  p.  330. 


240  NOV 

Ayant  été  cité  derant  les  prêtres,  il  désavoua  d*abord  ses  éf- 
reors  :  il  ne  changea  cependant  pas  d'a?is ,  et,  ayant  trouvé  le 
moyen  de  faire  adopter  ses  erreurs  par  une  douzaine  de  personnes, 
il  les  professa  hautement  et  se  fit  chef  de  secte  ;  il  prit  le  nom  de 
Moïse  et  donna  le  nom  d*Aaron  à  son  frère.  Ses  sectateurs  s'ap- 
pelèrent Noétiens  :  leurs  erreurs  étaient  les  mêmes  que  celles  de 
Praxée  et  de  Sabellius  ^. 

NOVATIEN,  avait  été  philosophe  avant  d*étre  chrétien  ;  il  fut 
ordonné  prêtre  de  Rome  :  il  avait  beaucoup  d*esprit  et  de  sa- 
voir. 

Après  la  mort  de  Fabien ,  évêque  de  Rome ,  on  élut  Corneille  , 
prêtre  de  TÉglise  de  Rome  et  recommandable  par  sa  piété  et  par 
sa  capacité. 

La  persécution  que  TÉglise  avait  soufferte  sous  Tempereur  Dèce 
avait  fait  beaucoup  de  martyrs ,  mais  elle  avait  aussi  fait  des  apos- 
tats. Plusieurs  chrétiens  n'eurent  pas  le  courage  de  résister  à  la 
persécution  :  les  uns  sacrifiaient  aux  idoles  ou  mangeaient  dans  le 
temple  des  choses  sacrifiées ,  et  on  les  appelait  Sacri flans  ;  les 
autres  ne  sacrifiaient  pas ,  mais  offraient  publiquement  de  Ten- 
cens,  et  on  les  appelait  Encensans  ;  enfin  il  y  en  avait  qui ,  par 
leurs  amis  ou  par  d'autres  moyens ,  obtenaient  du  magistrat  un 
certificat  ou  un  billet  qui  les  dispensait  de  sacrifier,  sans  que  pour 
cela  on  pût  les  regarder  comme  chrétiens  ;  et,  parce  que  ces  cer- 
tificats s'appelaieut  en  latin  IWelH ,  on  appelait  ces  chrétiens  Li- 
bellatiques. 

Lorsque  la  paix  fut  rendue  à  rÊglise ,  sous  l'empereur  Gallus, 
la  plupart  de  ces  chrétiens  faibles  demandèrent  à  être  reçus  à  la 
paix  et  à  la  communion. 

Mais  on  ne  les  y  admettait  qu'après  qu'ils  avaient  passé  par  les 
différens  degrés  de  pénitence  établis  dans  l'Église,  et  le  pape  Cor- 
neille se  conforma  sur  cela  à  la  distipline  de  l'Église. 

Novatien  ,  par  haine  contre  Corneille  ou  par  dureté  de  carac- 
tère ,  car  il  était  Stoïcien  et  d'une  mauvaise  santé  ;  Novatien , 
dis-je,  prétendit  qu'on  ne  devait  jamais  accorder  la  communion  à 
ceux  qui  étaient  tombés  dans  Tidolâtrie ,  et  se  sépara  de  Cor- 
neille >• 
Parmi  les  chrétiens  qui  avaient  souQert  constamment  pour  la 

*  Epiph.,  Haïr.  57,  Aug.,  Haer.  Al. 

s  Euseb.!  msU,  L  6,  c  35.  Socr.,  1,  h,  c.  i3.  Epiph.,  Hser.  59. 


NOV  241 

foi  de  Jésus-Cbrist ,  beaucoup  embrassèrent  le  seutîment  de  No- 
vatien ,  et  il  se  forma  un  parti. 

No?at,  prêtre  de  Carthage,  qui  était  venu  à  Rome  pour  cabaler 
contre  saint  Cyprien ,  se  joignit  à  Novatien  et  lui  conseilla  de  se 
faire  ordonner  évéque  de  Rome. 

Novatien  se  rendit  à  son  avis ,  envoya  deux  hommes  de  sa  cabale 
vers  trois  évéques  simples  et  grossiers  qui  demeuraient  dans  un 
petit  canton  d'Italie ,  et  les  fit  venir  à  Rome  sous  prétexte  d'apai- 
ser les  troubles  qui  s'y  étaient  élevés. 

Lorsqu'ils  furent  arrivés ,  Novatien  les  enferma  dans  une  cham- 
bre ,  les  enivra  et  se  fit  ordonner  évéque. 

Le  pape  Corneille,  dans  un  concile  de  soixante  évéques,  fit 
condamner  Novatien  et  le  chassa  de  TËglise  *. 

Novatien  alors  se  fit  chef  d'une  secte  qui  a  porté  son  nom  et 
qui  prétendit  qu'on  ne  devait  point  admettre  à  la  communion 
ceux  qui  étaient  tombés  dans  le  crime  d'idolâtrie.  Novatien  et  ses 
premiers  disciples  n'étendirent  pas  plus  loin  la  sévérité  de  leur 
discipline;  dans  la  suite,  ils  exclurent  pour  toujours  ceux  qui 
avaient  commis  des  péchés  pour  lesquels  on  était  mis  en  péni- 
tence ;  tels  étaient  l'adultère ,  la  fornication  :  ils  condamnèrent 
ensuite  les  secondes  noces  ^. 

La  sévérité  de  Novatien  à  l'égard  de  ceux  qui  étaient  tombés 
dans  l'idolâtrie  était  en  usage  ;  ainsi  il  ne  faut  pas  s'étonner  de  ce 
qu'il  trouva  des  partisans,  même  parmi  les  évéques;  mais  presque 
tout  Tabandonnèrent.  11  y  avait  encore  des  Novatiens  en  Afrique 
du  temps  de  saint  Léon^  et  en  Occident  jusqu'au  huitième 
•iècle  *. 

Les  Novatiens  prirent  le  nom  de  Cathares,  c'est-à-dire  Purs  :  ils 
avûent  un  grand  mépris  pour  les  catholiques ,  et  lorsque  quel- 
ques-uns d'eux  embrassaient  leur  sentiment,  ils  les  rebapti- 
saient ^ 

Novatien  ne  faisait  que  renouveler  l'erreur  des  Montanistes. 
foife*  Fart.  Momtan. 


t  Euseb.,  ibid. 

>  Êpipb.,  ibid.  Théod.,  Hxret.  Fab.,  1.  3,  c.  5. 
*  Cypr.,  ep.  73  ad  Jubaianum.  Ambr.,  1.  i,  De  pœn.,  c.  6.  Dyon» 
Alei.,ep.  adDyon.  Rom.,  apud.  Euseb.,  1.  7,  c.  7. 
A  Photius,  Cod.,  182. 

H.  21 


U7  OECO 


O 


OEGOLAMPADEy  naquit  à  Weissemberg,  dans  la  Franconie, 
Tau  1482, 11  apprit  assez  bien  le  grec  et  Thébreu  ;  il  se  fit  moine 
lia  sainte  Brigitte,  dans  le  monastère  de  Saint-Laurent,  près 
d*Aiig8boiirg  ;  mais  il  ne  persé?éra  pas  longtemps  dans  sa  Toca- 
tion  ;  il  quitta  son  monastère  pour  se  rendre  à  Bâle ,  où  il  fut  fait 
euré.  La  prétendue  réforme  commençait  à  éclater  :  OEcolampade 
en  adopta  les  principes  et  préféra  le  sentiment  de  Zuingle  à  celui 
de  Luther  sur  TeucharisUe. 

11  publia  un  traité  intitulé  :  De  Texposition  naturelle  de  ces  pa- 
roles du  Seigneur,  Ceci  e$t  mon  corps.  Les  Luthériens  lui  répon- 
dirent par  un  livre  intitulé  :  Syngramma,  c*est-à-dire,  écrit  com- 
mun. OEcolampade  en  publia  un  second  intitulé  :  Aniiiyngrammë 
et  d'autres  contre  le  libre  arbitre ,  Tinvocation  des  saints ,  etc. 

Imitant  Texemple  de  Luther,  OEcolampade  se  maria ,  quoique 
prêtre ,  à  une  jeune  fille  dont  la  beauté  Tavait  touché  ;  voici  com- 
ment Érasme  le  raille  sur  ce  mariage  :  «  OEcolampade,  dit-il,  vient 

>  d*épouser  une  assez  belle  fille;  apparemnient  que  c'est  ainsi 
B  qu'il  veut  mortifier  sa  chair.  On  a  beau  dire  que  le  Lulhéra- 
B  nisme  est  une  chose  tragique ,  pour  moi  je  suis  persuadé  que 
»  rien  n'est  plus  comique  ;  car  le  dénoûment  de  la  pièce  est  tou* 
»  jours  quelque  mariage,  et  tout  finit  en  se  mariant,  comme  dans 

>  les  comédies  ^.  > 

Ërasme  avait  beaucoup  aimé  OEcolampade  avant  qu'il  eût  em- 
brassé la  réforme  :  il  se  plaignit  que  depuis  que  cet  ami  avait 
adopté  la  réforme  il  ne  le  connaissait  plus ,  et  qu'au  lieu  de  U 
candeur  dont  il  faisait  profession  tant  qu'il  agissait  par  lui-même, 
il  n'y  trouvait  plus  que  dissimulation  et  artifice  lorsqu'il  fut  entré 
dans  les  intérêts  d'un  parti*. 

Chauffepied  et  les  pauégyrisles  d'OEcolampade  n'ont  point  parlé 
de  ce  jugement  d'Ërasme  ;  nous  croyons  devoir  le  remarquer,  afin 
que  l'on  apprécie  les  éloges  qu'il  donne  à  la  plupart  des  réforma- 
teurs ,  dont  la  vie  privée  est  trop  peu  intéressante  pour  remplir 
des  volumes. 

*Ep.Erasm.,  I.  8,cp.  41. 

«  Ep,  Erasm.,  1. 18 ,  cp,  23  j  1.  19,  cp.  123 1 1,  30,  ep,  47, 


OPIl 

Il  bcaiicoiip  'le  p»rt  ti  U  réforn 


MS 


lie  Suiue  : 


OEtinlamitnde  i 
■ournl  Si  Itùle  en  13:il  >. 

OPHITÏS,  broDclie  (tes  Gnosiiqucs  qui  croyaient  quels  s«- 
|Mie  sV.tnit  raRDifcstée  aux  hummes  sous  h  ligure  d'un  serpent, 
ise  de  cela,  rendaient  un  culie  k  cei  anima). 
Les  Gnostiques  admeltsîent  une  foule  de  génies  qui  predni- 
.□iit  dans  le  inonda  ;  ila  honoraient  parmi  ees  génies  oeol 
rajeieni  avoir  rendu  an  genre  humain  les  services  les  pim 
BIportans  :  on  Toit  combien  ce  principe  dut  produire  dedîfisiona    i 
^rmi  les  Cnostiqucs,  et  ce  Tut  oe  principe  qui  produisit  !«■    i 
I  ^bilcR  :  on  irouie  dini  la  Genèse  qiip  ce  iitx  un  serpeni  qui  6t    ' 
Mnalire  ï  rbamme  l'arbre  de  lu  science  du  bien  et  du  mal ,  al 
j^'après  qu'Adam  et  Eve  en  earenl  niang^  leurs  yeun  s'ouvrireal 

"s  couDurent  le  bien  et  le  mal. 
f  liCS  Gflostiques ,  qui  prétendaient  s'élever  au-dessus  des  autres 
inn>eK  par  leurs  lumières ,  regardaient  donc  le  génie  ou  la  pni»- 
V  qni  avait  appris  aux  hommes  ù  manger  du  Truit  de  l'arbrA   ^ 
f  fc  science  du  bien  et  du  mal  comme  la  puissance  qui  avait  rendu  4 
n  humain  le  service  le  plus  signalé ,   et  ils  l'honoraiert  i 
s  la  ligure  qu'il  avait  prise  pour  instruire  les  bommes.  Hs  ti- 
nt nn  sei^etil  cnrernié  dans  une  cage ,  et  lorsque  le  temps  Je 
c  h  mémnire  du  senice  rendu  au  genre  humain  par  l> 
t  qui  SOUS  la  Torme  d'un  serpent  a\ait  faîl  connsim    i 
irbre  de  sdence  éliiit  venu,  ils  ouvraient  la  porte  delà  cagedt 

it  et  l'appelaienl  :  le  xerpenl  venait ,  montait  sur  la  table  ott  : 
liaient  Iet]iains,  et  s'entortillait  autour  de  ces  pains.  Voilï  ca 
Jl'ilt  prenaient  pour  leur  eucharistie  et  pour  un  sacrifice  parfait, 
[  A  pris  l'adora  ti'm  du  serpent,  ils  oFFi^ienl  par  lui,  disaient-ils, 
c  hymne  de  louange  au  Père  céleste  et  Unissaient  ainsi  leurf 
litières  *. 

Origène  nousa  conservé  leur  prière  :  c'était  un  jargon  inintelli- 
gible, ï  peu  près  comme  les  discours  des  alchimistes.  On  voît 
cependant  par  celte  prière  qu'ils  supposaient  le  monde  soumis  ï 
difTéreDieis  puissances  ;  qu'ils  crojaient  que  ces  puissances  avaient 
léparé  leur  monde  des  autres  et  s'y  étaient  pour  ainsi  dire  enfoo- 

p      <  Spond.  Annal.,   an.  1536,  n.  16,  capite  de  viia  CEcotampad.  Bo»-  I 
«M,  Hîsl.  des  Variai.,  I.  3;  Hiit  delà  rcrormc  de  Sulssf,  1.1. 

>  Origcn,,  1.  6.  cont.  Ccli.,  p.  191  et  3Qà:  I.  7,  p,  3S8;  Pbilaslr., 

e.  1.  llpipb.,  Hier.  30.  Damascen.,  c.  37,  De  bar. 


244  OSM 

cées  et  qu*il  fallait  que  rame,  pour  retourner  au  ciel,  flécblt  ces 
puissances  ou  les  trompât  et  passât  incognito  d*un  monde  à 
Tautre. 

Cette  espèce  de  Gnostiques  qui  honoraient  le  serpent  comme 
le  symbole  de  la  puissance  qui  avhit  éclairé  les  hommes  était  en- 
nemie de  Jésus-Christ,  qui  n^était  venu  sur  la  terre  que  pour  écra- 
ser la  tête  du  serpent,  détruire  son  empire  et  replonger  les  hom- 
mes dans  rignorance.  En  conséquence  de  cette  idée,  ils  ne 
recevaient  parmi  eux  aucun  disciple  qui  n*eût  renié  Jésus-Christ. 
Us  avaient  un  chef  nommé  Euphrate. 

ORfilBÂRIENS,  secte  qui  niait  le  mystère  de  la  Trinité,  la  ré- 
surrection, le  jugement  dernier,  les  sacremens  :  ils  croyaient  que 
Jésus-Christ  n^était  qu*un  simple  homme  et  qu*il  n'avait  pas  souf- 
fert *. 

Les  Orbibariens  parurent  vers  Tan  1198  :  c'étaient  des  vaga- 
bonds auxquels,  selon  les  apparences,  on  donna  le  nom  d'OrMàa- 
riens,  tiré  du  mot  latin  Oriis,  parce  qu'ils  couraient  le  monde 
sans  avoir  aucune  demeure  fixe.  Ils  paraissent  sortir  de  la  secte 
des  Yaudois  :  cette  secte  fut  proscrite  et  anathématisée  par  Inno- 
cent III. 

OHËBITESf  branche  de  Hussites,  qui,  après  la  mort  de  Zisca, 
se  mirent  sous  la  conduite  de  Bédricus,  bohémien  :  ils  s'appelaient 
Orébites,  parce  qu'ils  s'étaient  retirés  sur  une  montagne  à  la- 
quelle ils  donnaient  le  nom  d'Oreb.  Voyez  l'art.  Hussites. 

ORIGËNE,  dit  l'Impur,  était  Égyptien  de  nation  :  vers  l'an 
290,  il  enseigna  que  le  mariage  était  de  l'invention  du  démon  ; 
qu'il  était  permis  de  suivre  tout  ce  que  la  passion  pouvait  suggé- 
rer de  plus  infâme,  afin  que  l'on  empêchât  la  génération  par  telle 
voie  que  l'on  pourrait  inventer,  même  par  les  plus  exécrables. 
Origène  l'Impur  eut  des  sectateurs  qui  furent  rejetés  avec  hor- 
reur par  toutes  les  Églises  ;  ils  se  perpétuèrent  cependant  jusqu'au 
cinquième  siècle  *. 

OSl\NDRISME,  doctrine  d'Osiander,  disciple  de  Luther. 
Voyez  l'article  des  sectes  sorties  du  Luthéranisme. 

OSMA  (Pierre  d').  Voyez  Pierbe  d'Osma. 


*  D'Aiigentré,  Collect.  Jud.,  1. 1.  Eymeric,  Director.,  part.  2,  qusst. 
iA.  Spond.ad  an.  1192.  Dup.,  n.  20. 
>  Epiph.»  Haer.  68.  Baron,  ad  an.  256. 


p 

^      ■DiriPim 


PACIFICATEURS,  nom  que  l'on  dunua  ù  ceux  qui  adhéraient 
h  l'HénolicoD  de  Zenon,  Yoyfi  MuNOTHïLtrES.  Les  Antbaptisles 
prirent  lussi  ce  nom,  prétemlant  que  leur  dociriue  èublirait  sur 
la  terre  une  paix  étcnieile. 

fALàUlTES,  Itrs  mêmes  que  ks  HcsicaBles.  Voj/es  rel  ar- 

PARFAITS,  nom  que  prenaient  la  plupart  des  Lérétiqucs  qui 
prétendaient  rérunner  l'Ëglise  ou  pratiquer  quelques  Vdrtiis  ex- 

PASSAClEiNS  :  ce  mol  signifie  tout  suint  et  a  été  pris  p»r  dif- 
Cérens    fanatiques   qui    prétendaient    ï    une    sainteté    singu-    ' 

tPASSALOItYNCHITES;  c'est  ainsi  que  l'on  appelle  ceriaini  | 
rétiques  descendus  des  Monianistes  qui  croyaient  que  pour  et» 
nvé  il  était  nécessaire  de  garder  perpétuellement  le  silence  ; 
Il  lensient  continuellement  leur  doigi  sur  la  bouillie. 
[■  PASSIONISTES,  nom  donné  i  ceux  qui  prétendaient  que  Dien   i 
i  Përe  OTiit  souRert.  Voyet  Prakkas. 
P'PATRIPESSIEKS,  les  mêmea  que  les  Passionistes. 
l.  PAUL,  dit  l'Arménien,  chef  des  Manichéens  connus   SOUS  la  J 

m  de  Psuliciens.  Vouez  l'article  MintCH^ENs. 
I^PAULDE:  SAHOSATE  rut  aln»  nommé  parce  qu'il  était  de  la  ^ 
Hle  de  Samosate,  sur  l'Eupbrate,  dans  la  Syrie  eiipbraiésiennp, 

■s  la  Mésopotamie  ;  il  fut  ê*èque  d'Antiocbe  vers  l'an  262. 
t  Zéuobie  régnait  alors  en  SjrJe,  et  sa  cour  rassemblait  tous  les 
:s  célèbres  par  leurs  lalens  et  par  leurs  lumières  ;  elle  y  ap- 
pela Paul  de  Samosate,  admira  son  éloquence,  et  voulut  s'enlro- 
nir  avec  lui  de  la  religion  chrétienne. 

Celle  princesse  savait  les  langues  et  l'bisioire;  elle  préPéraït  U 
religion  juive  à  toutes  les  religions  ;  elle  ne  pouvait  croire  Im 
mystères  de  la  religion  cbréiienne  :  pour  faire  tomber  cette  ré*  J 
pugoance,  Paul  ticba  de  réduire  les  myslËres  ï  des  notions  si 
pies  et  intelligibles.  Il  dit  i  Zénnbie  que  les  trois  personnes  dft  1 
la  Trinité  n'étaient  point  trois  dieu»,  mais  trois  attribut»  se 
quels  la  divinité  s'éiail  manifesiée  aux  hommes;  que  Jésus  Cbrïsl  j 
n'était  point  un  Dieu,  mais  un  homme  auquel  la  sagesse  a'étai}  I 


346  PAU 

communiquée  ezlraordînairement  et  qu*clle  n*avait  jamais  aban- 
donué  *, 

Paul  de  Samosate  ne  regarda  d'abord  ce  changement  dans  la 
doctrine  de  l^Église  que  comme  une  condescendance  propre  à 
faire  tomber  les  pr^ugés  de  Zénobie  contre  la  religion  chrétienne, 
et  il  crut  qu*il  pourrait  concilier  avec  cette  explication  le  langage 
et  les  expressions  de  TËglise  sur  le  mystère  de  la  Trinité  et  sur 
la  divinité  de  Jésus-Christ  :  il  avait  d'ailleurs  compté  que  cette 
condescendance  demeurerait  secrète  ;  mais  elle  fut  connue,  et  les 
fidèles  s'en  plaignirent. 

L'évèque  d*Antioche  ne  s'occupa  plus  qu'à  justifier  le  change- 
ment qu'il  avait  fait  dans  la  doctrine  de  l'Ëglise  :  il  crut  qu'en 
effet  Jésus-Christ  n'était  point  Dieu  et  qu'il  n'y  avait  en  Dieu 
qu'une  personne. 

Les  erreurs  de  Paul  alarmèrent  le  zèle  des  évèques;  ils  s^as- 
semblèrent  à  Ântioche,  et  Paul  leur  protesta  qu'il  n'avait  point 
enseigné  les  erreurs  qu'on  lui  imputait  ;  on  le  crut,'et  les  évèques 
se  retirèrent;  mais  Paul  persévéra  en  effet  dans  son  erreur,  elle 
se  répandit,  et  les  évoques  s'assemblèrent  de  nouveau  k  Ântioche  : 
Paul  fut  convaincu  de  nier  la  divinité  de  Jésus-Christ  ;  le  concile 
aussitôt  le  déposa  et  l'excommunia  d'une  voix  unanime. 

Paul  de  Samosate,  protégé  par  Zénobie,  ne  quitta  pourtant 
point  son  église  ;  mais,  Aurélien  ayant  détruit  la  puissance  de  cette 
princesse,  les  catholiques  se  plaignirent  à  cet  empereur  de  la  vio- 
lence de  Paul  de  Samosate,  et  il  ordonna  que  la  maison  épisco- 
pale  appartiendrait  à  celui  auquel  les  évèques  de  Rome  adresse- 
raient leurs  lettres,  jugeant  que  celui  qui  ne  se  soumettait  pas  à 
la  sentence  de  ceux  de  sa  religion  ne  devait  plus  avoir  rien  de 
commun  avec  eux  '. 

Aurélien  ne  prit  point  d'autre  part  à  la  dispute  de  Paul  et  des 
catholiques  :  il  accorda  aux  catholiques  la  protection  que  les  lois 
doivent  ù  tout  citoyen  pour  chasser  de  sa  maison  un  homme  qui 
l'occupe  malgré  lui,  et  à  toute  assemblée  ou  k  toute  société  pour 
en  chasser  un  homme  qui  lui  déplaît  et  qui  n'observe  pas  ses  lois; 
mais  il  ne  punit  point  Paul  de  Samosate ,  il  le  laissa  jouir  tran- 
quillement des  avantages  de  la  société  civile,  et  les  catholiques 
ne  demandèrent  pas  qu'il  en  fût  privé  :  Paul  de  Samosate  ne  fut 

*  Rpiph.,  Hsres.  65.  Hlllar.,  De  synod..  p.  196. 
3  Théodoret,  Hçret,  Fab.,  l  9,  c.  8. 


I  PEL  34T 

ipe  le  chef  d'une  secte  obscure  dont  on  ne  voïaii  pax  los  moin- 
dres reâies  au  milieu  du  dnquiëine  siècle  et  que  la  plupart  n« 
BOUDaisMient  pas  même  de  oom  ;  tandis  que  l'Arianistne,  dont  un 
Gt  une  ilTaire  d'Éiai,  remplissait,  dans  le  BiMe  suWanl,  l'empire 
de  troubles  et  de  désordres. 

Saint  Lucien,  si  célèbre  dans  l'Orient  par  sa  sainteté,  par  son 
érudition  et  par  son  murij're,  resta  long-temps  attaché  k  Paul  da 
Samosaie  et  se  sépara  même  de  trois  successeurs  de  Paul  de  Sa- 

M.  de  Tillemcmt,  qui  croit  qu'on  ne  doit  pas  justifier  l'attaclie- 
nicnl  de  saint  Lucien  pour  Paul  de  Sauiosate,  dit  qu'on  peut  l'ei- 
cu»er.  ■  Suint  Lucien,  dit-il,  était  du  même  pajsque  Paul  deSa- 

•  mosate  ;  il  pouvait  avoir  encore  avec  lui  d'autres  liaisons,  avoir 

•  même  été  élevé  par  lui  au  sacerdoce;  ainsi  il  ne  sera  point 

•  étonnant  qu'il  ne  se  soit  pas  aisément  convaincu  des  feules  et 
>  des  erreurs  d'un  homme  qu'il  honorait  comme  son  père  el 

•  comme  son  érSque,  et  qui  couvrait  ai  bien  ses  erreurs  qu'on  eut 
■  de  ta  peine  kl'en  convaincre  :  que  s'il  y  en  a  qui  censurent  trop 

durement  les  Taules  que  le  respect  et  l'amitié  font  faire,  au  lien 


^^^^'en 

^K«tan 


n  Tout  peut-être  une  ploa 
mes  et  capables  de  te 

condamné  Paul  de  Sarno* 
les  en  informer,  et  il  Ait 
donc  alors  bien  dUtinct«' 
croyait  pas  que  l'oi 


la  compasslou, 
oubliant  qu'ils  sont  liu 
ime  les  autres',  i 
le  concile  d'Antiocho,  après  avo 
sale,  écrivit  i  toutes  les  églises  pou 
généralement  approuvé,  On  prolessa: 
ment  la  divinité  de  Jésus-Christ,  et 
pût  Taire  dans  ce  dogme  le  moindre  changement, 

Ix  sentiment  de  Paul  de  Samusale  n'étjiit  point  dilTérent  de  ce- 
lui deThéodato  :il  le  prouvait  par  les  mêmes  raisons;  on  le  r6- 
Tutait  par  les  mêmes  principes. 

PELAGE,  moine  anglais  qui  enseigna,  an  commencement  dn 
cinquième  siècle,  l'erreur  qu'on  noiumo  île  son  nom  le  Pétagli- 
nisnie. 

Du  eauiea  qui  ont  donné  naisMnef  à  l'erreur  de  Pelage. 


Eli*fc.glise,  presque  ïsi 

|[  biiaiiqucs  qui  avaic 


avait  été  troublée  par  une  Toula   | 

lilangc  inon&trui'ui  des  dognx 


S48  PEL 

du  chrislianisme,  des  principes  de  la  cabale  et  des  rêveries  des 
Goostiques. 

Des  schismatiques,  tels  que  les  Montanistes,  les  Novatiens,  ra- 
valent déchirée. 

Des  hérétiques,  tels  que  Noët,  Sabellius,  Paul  de  Samosate, 
Ârius,  avaient  combattu  la  Trinité,  la  divinité  de  Jésus-Christ. 

D^autres,  tels  que  Marcion,  G«rdon«  Manès,  avaient  attaqué  la 
bonté  et  Tunité  de  Dieu,  supposé  dans  le  monde  des  êtres  mal- 
faisans  etindépendans  de  TËtre  suprême,  et  prétendu  queThomme 
était  méchant  et  pécheur  par  sa  nature  ou  porté  au  mal  par  des 
puissances  auxquelles  il  ne  pouvait  résister. 

Dans  le  môme  temps,  les  différentes  sectes  de  philosophes 
avaient  attaqué  le  christianisme  dans  ses  dogmes  et  dans  sa  mo- 
rale ;  ils  opposaient  aux  chrétiens  les  principes  sur  lesquels  pres- 
que toutes  les  écoles  avaient  établi  le  dogme  d*une  destinée  inévi- 
table et  d*un  enchaînement  étemel  et  immuable  de  causes  qui 
produisaient  et  les  phénomènes  de  la  nature,  et  toutes  les  déter- 
minations des  hommes. 

Le  peuple  même  était  rempli  de  Tidée  d'une  fortune  aveugle  qui 
conduisait  toutes  choses.  Les  Grecs  peignaient  Timothée  en- 
dormi et  enveloppé  d*un  filet  dans  lequel  les  villes  et  les  armées 
allaient  se  prendre  pendant  son  sommeil.  On  portait  l'image  de  la 
fortune  sur  les  étendards  militaires;  toutes  les  nations  lui  avaient 
élevé  des  temples  et  Thonoraient  comme  la  divinité  qui  décidait 
du  sort  des  nations  et  du  bonheur  des  hommes. 

Telles  sont  les  erreurs  que  les  Pères  eurent  à  combattre  pen- 
dant les  quatre  premiers  siècles  et  dont  FÉglise  avait  triomphé. 

On  n'avait  disputé  ni  sur  le  péché  originel  ni  sur  la  nécessité 
de  la  grâce,  et  les  écrivains  qui  avaient  défendu  le  dogme  de  la 
liberté  contre  les  Marcionites,  les  Manichéens,  les  Stoïciens,  etc., 
ne  s'étaient  occupés  qu'à  combattre  les  systèmes  des  philosophes 
que  les  hérétiques  adoptaient  et  à  prouver  la  liberté  de  l'homme 
par  des  principes  admis  par  leurs  adversaires  mêmes  et  indépen- 
dans  de  la  révélation. 

En  un  mot,  ils  avaient  presque  toujours  traité  la  question  de  la 
liberté  comme  on  la  traiterait  aujourd'hui  contre  Hobbes,  contre 
GoHins.  La  nécessité  de  la  grâce  ou  la  manière  dont  elle  agit  n'a- 
vait été  de  nulle  considération  dans  toutes  ces  contestations,  et 
les  chrétiens  qui  défendaient  la  liberté  contre  ces  ennemis  pré- 
tendaient et  devaient  trouver  dans  l'homme  même  des  ressources 


pour  résister  ï 

prèle  n  il  !ii< 


PEL  249 

au  crime  vers  lequel  leurs  adversaires 
'Dlnlni!  nécessaire  ment,  Sainl  Aii(;ustiii 
dit  lui-même  qu'il  ne  hut  poial  jiirler  de  la  gvïce  ï  ccui  qui  ne 
sont  pas  clirélieus  '. 

Les  Pèr«E  qui  avaient  parlé  Je  la  liberlA,  daas  leurs  discours  on 
dans  leui'S  homélies,  pour  détruire  cette  idi^e  de  la  Torlune  et  du 
dMtin  qui  éluit  répaudue  dans  le  peuple,  ou  puur  combattre  le* 
Uarcîonites,  les  Manichéens,  etc.,  n'araieni  point  parlé  de  la 
grAce  ;  ils  avaient  tiré  leurs  preuves  de  l'Iiisloire,  du  spectacle  de 
la  nature,  de  la  raison  méuieet  de  l'expérience. 

Mais  lorsque  Ici  Pères  aTaïenl  !i  faire  sentir  aux  chrétieni  tout 
ce  qu'ils  devaient i  laLontt^et  ïlaniisérlcordede  Dieu;  lorsqu'ils 
se  proposaient  de  réprimer  l'orgueil  ou  U  vanité  ;  lorsqu'ils  vou» 
laicnt  faire  sentir  ù  l'homuie  sa  dépendance  et  lui  Taire  connaître 
toute  la  puissance  de  Dieu,  ou  enfin  lorsqu'ils  avaient  à  prouver 
aui  infidèles  les  avantages  de  la  religion  chrétienne  et  ta  nèces- 
siiédo  l'embrasser,  alors  ils  enseignaient  que  l'homme  nais-ait 
coupable  et  qu'il  De  pouvait  parlui-méme  se  réconcilier  avec  Dieu 
ni  mériter  la  félicité  qu'il  destioaiiaux  fidèles. 

Ils  considéraient  alors  l'homme  destiné  I  une  fia  surnaturelle  k 
laquelle  il  ne  pouvait  parvenir  que  par  des  avions  d'un  mérite 
surnaturel.  La  liberté  de  l'homme,  ses  forces  et  ses  ressources 
pour  les  verlusnalurelles,  ne  pouvaient  jamais  l'élever  jusqu't  des 
actions  d'an  ordre  surnaturel  ;  elles  laissaient  doncPhomine  dans 
une  impuissance  absolue  par  rapport  au  salut  ;  elles  étaient  donc 
de  nulle  considération,  et  les  Pères,  sans  se  contredire,  ont  alors 
représenté  l'homme  comme  une  créature  livrée  dès  sa  naissance 
au  crime,  attachée  par  un  poids  invincible  au  désordre,  et  dans 
uue  impuissance  absolue  pour  le  bien. 

Si  le  temps  ne  nous  avait  conservé  des  ouvrages  des  Pères 
que  les  passages  dans  les<iuels  ils  établissent  la  liberté  de  l'homine, 
nous  n'aurions  aucune  raison  de  juger  qu'ils  ont  cru  que  l'homme, 
p^iur  être  juste ,  vertueux  et  chrétien ,  eût  besoin  du  secours  do 
la  grlce  ;  et  si  tous  les  ouvrages  des  Pères  avaient  péri ,  excepté 
les  endroit!  où  ils  parlent  de  la  nécessité  de  la  grâce,  nous  ne 
pourrions  pas  juger  qu'ils  aient  cru  que  l'homme  est  libre  ;  nous 
serions  au  contraire  autorisés  i  penser  qu'ils  ont  regardé  l'homme 
comme  t'esclave  du  péché. 

■  Aug.,  Du  iiau  cl  grol.,  c.  es. 


2S0  PEL 

Les  dililérMites  manières  dont  les  Pères  avaient  parlé  de  la 
grâce  ci  de  la  liberté  devaient  donc  faire  nier  la  liberté  ou  la 
nécessité  de  la  grâce ,  pour  peu  qu'on  eût  d'intérêt  d'exagérer  les 
forces  de  Thomme  ou  de  les  diminuer  ;  car  l'intérêt  ou  le  désir 
<pie  nous  avons  d'établir  «ne  chose  anéantit,  pour  ainsi  dire,  à 
nos  yeux  tout  ce  qui  lui  est  contraire,  et  ne  laisse  subsister  pour 
BOUS  que  ce  qui  lui  est  favorable,  parce  qu'il  fixe  notre  attentioa 
sur  CCS  objets. 
C'est  ainsi  que  Pelage  fut  conduit  â  l'erreur  qui  porte  son  nom* 
Vers  la  fin  du  quatrième  siècle  et  au  commencement  du  cin« 
quième ,  une  infinité  de  monde  allait  visiter  les  lieux  saints  ;  ces 
pèlerinages  firent  connaître  en  Occident  les  ouvrages  des  Pères 
grecs. 

Ces  Pères  avaient  combattu  les  Manichéens ,  la  fatalité  des  phi* 
losophes ,  le  destin  et  la  fortune  du  peuple. 

Rufin ,  qui  avait  été  long-temps  en  Orient ,  était  plein  de  œi 
ouvrages  :  il  en  traduisit  une  grande  partie ,  et  se  concilia  par  ces 
traductions ,  par  ses  connaissances  et  par  sa  conduite ,  beaueoup 
de  considération. 

Ce  fut  dans  ce  temps  que  Pelage  sortit  d'Angleterre  pour  al- 
ler visiter  les  lieux  saints;  il  se  rendit  à  Rome,  et  y  fit  connais- 
sance et  se  lia  d'amitié  avec  Rufin  ;  il  lut  beaucoup  les  Pères 
grecs ,  surtout  Origène. 

Pelage  était  né  avec  un  esprit  ardent  et  impétueux;  il  ne  voyait 
rien  entre  l'excès  et  le  défaut ,  et  croyait  qu'on  était  toujours  au- 
dessous  du  devoir  lorsqu'on  n'était  pas  au  plus  haut  degré  de  la 
vertu  :  il  avait  donné  tout  son  bien  aux  pauvres ,  et  faisait  pro- 
fession d'une  grande  austérité  de  mœurs. 

Dans  des  caractères  de  cette  espèce  ,  le  zèle  du  salut  du  pro- 
chain est  ordinairement  joint  au  désir  d'amener  tout  le  monde  à 
son  sentiment  et  â  sa  manière  de  vivre  et  de  penser.  Pelage 
exhortait  et  pressait  vivement  tout  le  monde  de  se  dévouer  à  la 
haute  perfection  qu'il  professait  *. 

Mais  on  répondait  souvent  à  Pelage  qu'il  n'était  pas  donné  à 
tout  le  monde  de  l'imiter ,  et  l'on  s'excusait  sur  la  corruption  ei 
sur  la  faiblesse  de  la  nature  humaine. 

Pelage  chercha  dans  l'Écriture  et  dans  les  Pères  tout  ce  qui 
pouvait  ôter  ces  excuses  aux  pécheurs  ;  son  attention  se  fixa 

^  Aug.,  De  peccat.  merit.,  1,  2,  c,  16. 


iBreHemont  sur  lous  ks  eiidroils  dans  lesquels  Irs  IVres  (lûfcti- 
deut  k  liberté  de  l'Immine  conlre  les  purtisaiis  Je  lu  niiuliiû ,  ou 
reprocheal  aux  cbréliens  leur  allacliciueDl  aa  vice ,  leur  lenteur 
dans  la  earrlèro  de  tu  venu. 

Tout  ce  qui  prouvait  lu  corruption  de  l'Iiomme  ou  le  besoin  de 
la  grAce  lui  clail  écbappc',  il  crut  donc  ne  suivre  que  la  duclrîno 
des  Pérès  en  enseignaai  que  l'homme  pouvait,  par  ses  propres 
forces,  l'élever  au  plus  haut  dv^rÉ  de  perreclion,  et  qu'où  ne 
pouvuil  rejeter  sur  la  corruption  de  la  nalure  l' attache menl  aui 
biens  de  la  terre  el  l'iDdifTéreDCe  pour  la  vertu  ' . 

De  Pflage  et  de  »ft  disciplei  depui»  la  naistaiice  de  ton  erreur 
jutqu'au  lempt  ok  Jvtitn  devint  le  chef  des  l'itaçieni. 


h 


lous  venons  de  voir  le  premier  pas  que  Pi'Iage  fit  vers  l'er- 
'.  Couime  il  ;  avait  i  Rome  beaucoup  de  personnes  iosiruites 
p«r  Rulin,  qui  élaîeni  dans  ces  setitimens,  el  connue  Pelure  avnit 
beaucoup  d'adresse  el  était  très-excrcë  dans  l'art  de  la  dispute, 
il  se  fil  beaucoup  de  disciples  â  Rome  *. 

Cependant  beaucoup  de  personnes  furent  cJioquéea  de  celle 
doctrine  :  on  trouva  que  Pelage  ilullait  trop  rar^ueil  liumain  ; 
que  l'ËcriUire  nous  purUit  bien  différemment  de  l'Iionime;  qu'elle 
nous  apprenait  qu'il  u'j  avait  point  d'hoDinie  juijl«;  que  la  nature 
humaine  Était  corrompue  ;  que  depuis  le  péché  du  preoiin 
homme  nous  ne  pouvons  faire  aucune  bonne  Oiuvresans  la  grlce; 
que  c'cUil  ainsi  que  les  Pérès  nous  parlaient  de  l'homme. 

Home  ayant  été  prise  par  les  Gutbs,  Pelage  en  sortit  et  passa 
en  Afrique  *vec  Céleslius ,  le  plus  babile  de  ses  seclaleure'. 

Pelage  ne  s'arrêta  pas  long'Iemps  en  Afrique;  il  y  laissa  Cé- 
leMÏus  el  passa  en  Orient. 

Céleslius  se  fixa  b  Cartliage,  oii  il  enseignait  les  senliuiens  de 
son  maître. 

Paulin,  diacre  de  l'Ëgliae  de  Carihaee,  cita  Célestius  devant 
un  concile  assemblé  à  Carthage,  el  l'accusa  de  Miulcnir  :  1-  qu'A- 
ilnm  avait  été  créé  moricl,  et  qu'il  serait  mnrt ,  sciil  qu'il  e(ti 
pévbè  ou  non  ;  3°  que  le  péché  d'Adam  n'avait  fait  de  mal  ipi'it 

<  Ane-,  De  nul.  et  ttaU;  De  lib.  arliitr. 
^Aug.  L-p,  y»,  (.  2,  l'Uil.  llcneilict. 


959  PEL 

loi  et  non  à  tout  le  genre  humain  ;  3«  que  la  loi  conduisait  au 
royaume  céleste  aussi  bien  que  i*Ëvangile  ;  4*  qu'avant  Tavène- 
ment  de  Jésus-Ciirist  les  hommes  ont  élé  sans  péché  ;  5*  que  les 
enfans  nouveau  -  nés  sont  dans  le  même  état  où  Adam  était  avant 
sa  chute  ;  6*  que  tout  le  genre  humain  ne  meurt  point  par  la  mort 
et  par  la  prévarication  d'Adam ,  comme  tout  le  genre  humain  ne 
ressuscite  point  par  la  résurrection  de  Jésus-Ghrisl;  7»  que  Thomme 
naît  sans  péché ,  et  qu'il  peut  aisément  obéir  aux  commandemens 
de  Dieu,  s'il  le  veut. 

Le  concile  de  Carthage  condamna  la  doctrine  deCélestîus,  qui 
fut  obligé  de  quitter  l'Afrique ,  et  qui  repassa  en  Sicile  où  il  s'oc- 
cupa  à  défendre  ses  erreurs  *. 

Pelage  f  qui  était  à  Jérusalem ,  publia  différens  écrits  oh  il  ex- 
pliquait ses  sentimens  *. 

Il  avouait  que ,  quoiqu'aucun  homme ,  excepté  Jésus-Christ , 
n'eût  été  sans  péché  ,  il  ne  s'ensuivait  pas  que  cela  fût  impossi- 
ble. 11  assurait  qu'il  ne  disputait  pas  du  fait,  mais  de  la  possiBi- 
lité ,  et  qu'il  reconnaissait  que  ce  n'était  que  par  la  grâce  ou  avec 
le  secours  de  Dieu  que  l'homme  pouvait  être  sans  péché. 

Cette  doctrine  déplut  à  beaucoup  de  monde  à  Jérusalem.  Jean, 
évéque  de  cette  ville ,  convoqua  une  assemblée  à  laquelle  il  ap- 
pela trois  prêtres  latins ,  Avitus,  Vital  et  Orose  :  ce  dernier  était 
alors  h  Bethléem  avec  saint  Jérôme.  Comme  il  s'était  trouvé  en 
Afrique  dans  le  temps  de  la  condamnation  de  Célestius,  il  raconta 
à  rassemblée  ce  qui  s'était  fait  à  Carthage  contre  Célestius ,  et  il 
lut  une  lettre  de  saint  Augustin  contre  les  erreurs  de  Célestius. 

Pelage  déclara  qu'il  croyait  que  l'homme  sans  grâce  ne  pouvait 
être  sans  péché  ;  mais  que  cela  ne  lui  était  pas  impossible  avec 
le  secours  de  la  grâce.  Le  concile  renvoya  le  jugement  de  Pelage 
au  pape  Innocent  et  lui  imposa  silence  '. 

On  tint  la  même  année  un  concile  en  Palestine ,  où  quatorze 
évêques  se  trouvèrent  *, 

Héros  et  Lazare  donnèrent  à  Euloge ,  archevêque  de  Césarée , 
une  accusation  par  écrit  contre  Pelage  :  cette  accusation  contenait 

«  Aug.,  De  peccat.  origin.,  c  S,  3,  &,  ep.  80.  Conc  Carth.,  ep.  ad 
Jun.,  cp.  88,  intcr.  Aug.,  De  gestis  Pulestin.  Prosp.  conlr,  TerL 
>  Aug.,  Degrat.  christ.,  c  37.  Oros.  Apo).,  p.  G62. 
*  Oros.Apol.  * 

A  An  Âi5, 


pluiiieiirs  priiposiiiiiiH,  iluns  le»qudles  P<^l.ige  scitililaii 
ni^cessiid  de  b  grûce,  dire  qu'un  enfiDl  peui  éire  sauvé  sans  l«  I 
bapiéme .  ei  soul«nir  que  riiooimp  |ieui  vivre  iiaiis  it^ciu^, 

l'ilt^e  comparut  dans  le  concile ,  reconnut  h  nécessité  Je  la   1 
grjce,  dit  qu'il  avait  soutenu  que  Tbommc  pouvait  être  sans  pé- 
cbé  ;  mai»  il  assura  qu'il  avait  dit  que  cela  n'était  possible  que  j 
par  in  grice  :  ii  nia  i|u'il  l'ûl  jamais  dit  que  les  cnRiDs  pouvaient 
£lre  sauvés  sans  le  bapUme. 

I.c  concile  approuva  les  réponses  de  Pf  Uge ,  et  le  déclara  dîgn«  | 

de  la  communion  de  l'Ë^IIse  cniliolique  *.  f 

Avant  que  li-s  actes  de  ce  concile  fussent  publiés  ,  Pelage  écrl-  I 

'ses  amis  que  ses  sentimens  avaicni  Ëià  approuvés ,  et  1 

leilrc  publique. 

10  doutait  pas  que  Ti-laga  n'eût  trompé  les  TËrcs,  el  j 
'il  tie  nitt  intérieurement  la  nécessité  de  la  g r3 ce. 
Pour  se  justifier.  Pelage  composa  un  ouvrage  sur  le  libre  ai 
Dans  cet  ouvrage  ,  ii   reconnaissait  différentes   sortes  d« 
nécessaires  il  l'bouune  pour  faire  le  bien  ;  mais  il  donnait 
I  de  grSce ,  ou  â  ce  que  nous  appelons  les  dons  naturels  , 
teb  que  l'etislcnce,  le  libre  arbitre,  t'inleJligcuce ;  ou  aux  se- 
eitérieurs ,  tels  que  la  loi  qui  nous  dirige ,  la  révélatioK  ^ 
us  iDSlruil,  l'exemple  qui  nous  anime  el  nous  soati' 
innaissait  même  qu'il  ;  avait  des  grâces  intérieures,  i 
CTojaît  que  ces  grJces  u't^uieni  que  des  lumières  qui  éclaira icntlj 
renleodement  ei  qui  n'étaient  pas  même  ab&olument  nécessain 
pour  pratiquer  l'Ëvangile  avec  plus  de  faciliié  *. 

Les  évéques  d'Afrique,  assemblés  ï  Cartilage,  furent  iofurmétf^  ,1 
parles  lettres  de  Uéros  et  de  Lazare,  de  la  doctrine  de  Pelage  ni 
du  progrès  qu'elle  faisait  en  Urient  :  le  concile  fit  lire  ce  qui  avait,! 
élâ  fait  contre  Céleslius  environ  cinq  ans  auparavant ,  condamnt  1 
de  nouveau  Pelage  et  Cùlesiius  et  prononi;a  analtième  coniw  1 
|l  tfiut  bomme  qui  couiballrait  la  grico  marquée  par  les  prières  I 
Ades  saints ,  en  prétendant  que  la  nature  est  assex  forte  par  elltr- 1 
^néme  pour  surmonter  les  pécliés  et  observer  les  lois  de 
■  et  qui  nie  queTenfaot  soit  tiré  de  la  |>erdiiion  par  lo  bapiéuMl 
*  de  Jésus-Cbrisi.  • 
Les  évéques  écrivirent  au  pape  Innocent  pour  l'iiifurjucr  Je  ce  | 


tebt 

tE 


354  PtXi 

qu*iU  aTsient  fait  contre  Péltge  et  contre  Célestias ,  afin  qaMl  8*a- 
ntt  à  eut  pour  condamner  Terreur  de  Pelage  ^ 

Le  concile  profincial  de  Namidie,  assemblé  à  Milève,  et 
composé  de  soixante  et  un  éféques ,  condamna  aussi  Terreor  de 
Pelage  et  écrivit  an  pape  comme  le  concile  de  Garihage. 

Innocent  !«'  approuva  le  jugement  deséTêqœs  d*Afriqne,  et 
condamna  Pelage  et  Gélestius  *. 

Pelage  et  Gélestius  sentirent  bien  qu*il8  étaient  perdus  si  celte 
condamnation  subsistait  ;  Pelage  écrivit  donc  an  pape ,  et  Géles- 
tius se  rendit  à  Rome  pour  faire  lever  rexcommunication  portée 
contre  Pelage  et  contre  lui. 

Innocent  était  mort  lorsque  Gélestius  arriva  à  Rome ,  et  Zozime 
occupait  le  siège  de  saint  Pierre. 

Gélestius  lui  présenta  une  requête  qui  contenait  Texposition  de 
sa  foi  ;  il  s*étendit  beaucoup  sur  tous  les  articles  du  symbole  » 
depuis  la  Trinité  et  Tunité  de  Dieu  ju8qu*à  la  résurrection  des 
morts  f  sur  quoi  personne  ne  Taccusait  de  se  tromper  ;  puis ,  ve« 
nant  aux  articles  en  dispute ,  qn*il  traitait  de  questions  problé* 
matiques  et  qui  n'étaient  point  matière  de  foi ,  il  protestait  ne 
rien  tenir  que  ce  qu*il  avait  puisé  dans  les  sources  des  apôtres  et 
des  prophètes ,  et  néanmoins  il  déclarait  qu*il  se  soumettait  au 
jugement  du  pape  et  qo*il  voulait  corriger  les  choses  dans  les^ 
quelles  Zozime  jugerait  qu*il  s'était  trompé. 

On  ne  sait  point  comment  il  s'exprimait  sur  la  grâce,  sur  le 
péché  originel.  11  confessa  qu'il  fallait  baptiser  les  enfans  pour  la 
rémission  des  péchés ,  et  néanmoins  il  soutenait  que  la  transmis- 
sion du  péché  par  la  naissance  était  contraire  à  la  foi  et  faisait 
injure  au  créateur  ^. 

Le  pape  Zozime  assembla  des  évéqoes  et  des  prêtres ,  examina 
tout  ce  qu'on  avait  fait  contre  Gélestius  et  condamna  ses  senti  • 
mens,  en  approuvant  la  résolution  dans  laquelle  il  était  de  se 
corriger  ;  car,  dit  M.  de  Tillemont ,  «  on  peut  avoir  le  cœur  catho- 
»  liquc  ,  en  ayant  des  seulim^ns  contraires  à  la  vérité ,  pourvu 
»  qu'on  ne  les  soutienne  pas  comme  des  choses  assurées  et  qu^on 
»  soit  dans  la  disposition  de  les  condamner ,  lorsqu'on  en  con- 
»  naîtra  la  fausseté  *,  » 

*  Ep.  96,  94,  95. 
2  Ep.  91,  93. 

'  Au^.,  De  grat.  christ,  c.  50,  33.  De  peccat  merit.,  c,  5,  0,  S3t 

*  TiUcmont,  Hist.  ecclés.,  t,  13,  p.  720. 


p  PEL 

llMime  pleine  d'équiié ,  de  sagesse  el  de  charité,  doni  l'ob- 
serva lion  empL'ulie  rail  bien   des  idïui,  mais  que  l'ignoruiice  et 
l'envie  de  dominer  ou  de  faire  (oriune  s'etTorceruni  toiiji 
de    Taire   regarder    comme  l'effet    d'une    indifférent' 
nelle. 

L'indulgence  sage  et  ebr^lieone  de  Zaïme  ne  l'empêcha  pai 
d'examiner  avec  soin  les  «enlimens  de  G^lsElius;  il  lui  Qt  toutes 
les  questions  qui  pouvaient  réi:1airer  sur  su  sincérité ,  et  eoliD  il 
lui  deoiBoda  s'il  condamnait  les  erreurs  que  le  public  lui  repro- 
chait ;  Célesiius  lui  répondit  qu'il  les  condamnait  selon  le  inti- 
ment du  pape  Innocent. 

La  soumission  apparente  de  Cëlestius ,  le  fruit  que  l'itglise 
pouvait  retirer  de  ses  talens ,  la  charité  que  l'on  doit  ù  l'erreur, 
engagèrent  Ziizïue  à  ne  pas  le  condamner;  maïs  il  ne  leva  pas 
reicommunicalion  portée  contre  lui. 

Il  écrivit  aui  évéqiies  d'Afrique  ;  non ,  disaiL-il ,  qu'il  ne  sût 
bien  ce  qu'il  devait  faire  ,  mais  pour  faire  i  tous  ses  frères  l'hoit- 
neur  de  délibérer  avec  eux  sur  la  manière  dont  il  fallait  traiter 
un  homme  qui  avait  d'abord  été  accusé  devant  eux  :  il  leur  repn>< 
chait  d'avoir  agi  dans  celte  aSaire  avec  trop  de  pri^cipitation ,  et 
déclarait  que  si  avant  deux  mois  on  ne  venait  h  Rome  agir  contre 
Céleatius ,  il  le  regarderait  comme  catholique ,  après  les  déclan- 
lioDS  si  manifestes  et  ai  précises  qu'il  avait  données  '. 

Pélai^e,  dans  su  lettre  au  pape  Zoxinie ,  reconnaissait  le  péché 
originel  et  la  nécessité  de  la  grâce  plus  claii-enient  que  Célestius; 
le  pape  en  informa  aussi  les  évéques  d'Afrique. 

Aurèle ,  évéque  de  Cartbage ,  ujiant  reçu  les  lettres  de  Zoiime, 
convoqua  les  évéques  des  provinces  les  plus  voisines,  écrivit  à 
Zozime  pour  qu'il  suspendit  non  jugement  ;  l'année  luivante ,  les 
évéques  s'assemblèrent  su  nombre  de  214,  et  firent  contre  les  Pé- 
lagiens  huit  canons*. 

t  Mercator,  Commonït.,  c.  1. 

*  Us  condamnèrent  dans  ces  canoiit  : 

1°  Qnicon que  dira  qu'Adam  a  été  créé  mortel,  el  que  sa  mnri  n'a 
point  été  la  peine  do  pédié,  mois  une  loi  de  la  nature. 

>*  Ceux  qui  nient  qu'on  doit  bapliser  Ica  enfiini,  ou  qui,  convenant 
qu'on  doit  les  baptiser,  soultrnnent  néanmoins  qu'ils  naissent  sans 
peclié  originel. 

3*  Ceux  qui  disent  que  lu  grflcc  qui  ju«lifie  l'Iiomme  par  J^BUB-Cliriat 
fla(re-Sei|tneur  n'a  pas  d'autre  ellel  que  de  remetlrc  le»  pécliét  <xmr 


25G  PEL 

Les  Pères  d*Afnque  informèrent  le  pape  et  Tempereur  de  ce  qui 
t^éuit  passé  dans  le  concile  universel  d*Âfrique. 

Zoùme  approuva  les  décrets  du  concile  et  reconnut  que  Pelage 
€l  Gélestius  lai  en  avaient  imposé  :  il  les  excommunia ,  condamna 
leur  doctrine  et  adressa  cette  condamnation  à  tous  les  évéqucs  du 
monde ,  qui  Tapprouvèrent  * . 

L*empereur  Honoré,  ayant  appris  que  les  évèques  d* Afrique 
avaient  condamné  le  Pélagianisme,  ordonna  qu'on  traiterait  les  Pé- 
lagiens  comme  des  hérétiques,  et  que  Pâage,  enseignant  des 
erreurs  condamnées  par  FEglise  et  qui  troublaient  la  tranquillité 
publique,  serait  chassé  de  Rome  avec  Gélestius. 

L*empereur  ordonna  de  plus  de  publier  partout  que  tout  le 
monde  serait  reçu  à  déférer  aux  magistrats  ceux  qu*on  accuserait 
de  suivre  la  même  doctrine ,  et  que  ceux  qui  seraient  trouvés 
coupables  seraient  exilés.  Pelage  fut  chassé  de  Jérusalem ,  et 
Ton  n'a  su  ni  quand  ni  où  il  mourut. 

Des  Pélagiens ,  depuis  que  Julien  d'Éclane  fut  leur  chef  jusqu'à 

leur  extinction. 

L'empereur  avait  porté  une  loi  qui  obligeait  tous  les  évèques  à 
signer  la  condamnation  de  Pelage,  et  c'est  la  première  fois  qu'on 

mis ,  et  qu'elle  n'est  pas  donnée  pour  secourir  l'homme  aûn  qu'il  ne 
pèche  plus. 

à*  Ceux  qui  disent  que  la  grâce  ne  nous  aide  qu'eu  nous  faisant 
connaître  noire  devoir,  et  non  pas  en  nous  donnant  le  pouvoir  d'ac- 
complir les  commandemcns  par  les  forces  du  libre  arbitre,  sans  le  se- 
cours de  la  grâce. 

d"  Ceux  qui  disent  que  la  grâce  ne  nous  est  donnée  que  pour  faire 
le  bien  avec  plus  de  faiùlilë,  parce  qu^on  peut  absolument  accomplir  les 
commaudemens  par  les  forces  du  libre  arbitre  et  sans  le  secours  de 
la  grûcc. 

6"  Ceux  qui  disent  que  ce  n^est  que  par  humilité  que  nous  sommes 
obligés  de  dire  que  nous  sommes  pécheurs, 

7^  Ceux  qui  disent  que  chacun  n'est  pas  obligé  de  dire,  pardonnez- 
nous  nos  péchés,  pour  soi-même,  mais  pour  les  autres  qui  sont  péclieurs. 

8*  Que  les  saints  ne  sont  obliges  de  dire  les  mêmes  paroles  que  par 
humilité.  Aug.,  Ep.  A7.  Conc,  t  7,  p.  1021. 
,    ^  Aug.,  De  peccat  origin.,  c.  3.  Aug.  ad  Bonit,  c  &,  Ep.  &7. 
Mcrcalor  Gommonit.,  c.  1. 


- .  » 


PEL 

lia  cmpeKurs  demauder  une  signature  | 


ioiirale  aux  ii^ 


i-ll  |>«raH  que  Zoiimc  n'atieadaii  |>aa  h  lui  àe  l'empereur  pour 
Aligerlesévùttuesà  souscrire  !k  lu  condamna  lion  de  PéUgc. 

Dix-buil  évèques  d'Ilalie,  ï  la  tèle  desquels  lïlail  Julien ,  évo- 
que d'Ëeluue,  dans  la  Campanie,  reFiuërent  de  signer  la  leiire  da 
Zuzïine,  crojanine  pouvoir  condamner  en  conscience  des  p«rsrju- 
ues  absentes,  donl  ils  n'avaient  poi ni  entendu  Jeg  jusUHcatianE, 
et  qui  ataient  condamné  par  leurs  écrits  les  L-rrcurs  qu'on  leur 
impulail  ;  ils  déclarèrent  donc  qu'iU  demeureraient  dans  unu 
exacte  Deuiraliié  sur  la  condamnalion  de  l'élage. 

Julien  et  ses  adhérens  Turenl  déposés ,  et  ce  fut  alors  que  cet 
évâque  devint  le  chef  des  Pélagieus  :  il  demanda  desjuge»  eccld- 
siastiques  il  l'empercui' ,  écrivit  aux  églises  d'Orient ,  et  défendit 
p»  ses  écrits  les  senlimensde  Pelage  '. 

^mSoqs  ce  nouveau  cber,  le  Pélagîanisme  prit  une  autre  Tonne. 

Hi  Les  Pélagiens  avaient  prétendu  que  le  dogme  du  péché  originel 

f^UÎt  cnotraire  i  la  justice  et  i  li  sainteté  de  Dieu  ;  iU  avaient  dit 
que  si  la  concupiscence  était  un  mal  et  un  eOet  du  péché ,  en  un 
■nul,  que  si  les  enfans  naissaient  tous  dans  le  péché ,  eoniuie  leurt  | 
adversaires  le  prétendaient ,  il  faudrait  dire  que  te  mariage ,  qui 
est  l'efTet  et  qui  devient  la  source  de  ce  pécbé ,  est  un  mal  et  u 
désordre. 

Saint  Augustin  avait  répondu  à  cette  difUculté  dans  le  premier    1 
livre  du  mariage  et  delà  coucupiscence. 

lulien  Int  ce  livre ,  et  prétendit  que  les  principes  de  saint  i 
g nstin  conduisaient  au  Manichéisme  :  il  entreprit  de  faire  voirq 
dans  les  principes  des  calhalii|ue5  aussi  hien  que  dans  le  systimo 
des  Uanicbéens,  le  mariuge  était  mauvais  ;  que  l'homme,  dans  le 
sjslème  du  péché  originel ,  naissait  détenniné  au  mal  comme 
dans  le  système  de  lianes;  que  si  l'eufant  naissait  criminel  et  di- 
gne de  l'enfer  pour  un  péché  qu'il  n'aurait  pas  été  le  maître  d'é- 

.  viur,  il  fallait  que  le  Dieu  des  catholiques  fût  aussi  mécliaut  que 
'■  mauvais  prinûpe  des  Manichéens  *. 

pCes  dinicultés,  maniées  par  un  homme  tel  que  lulien  ,  séduî~ 
*lent  beaucoup  demimde;  mais  les  savans  écrits  de  saint  Augus- 


i  \ue.  in  Jnlian., 
' leifigt.,  ).  1,  c.  IS, 
*  Auji-inJulian. 


■.  i.  Merc 


25g  PEL 

tio,  la  vigilance  et  le  lèle  du  pape  Gélestinet  de  saint  Léon,  ané- 
tèrent  le  progrès  des  erreurs  de  Julien. 

Ce  chef  des  Pélagiens  parcourut  tout  TOrient  sans  pouToir  dé- 
tacher personne  du  jugement  et  du  sentiment  des  conciles  d'A- 
firique  :  il  fut  condanmé  ivec  Nestorius  dans  le  concile  d*Éphèse  ; 
il  se  retira  dans  le  monastère  de  Lerins,  passa  ensuite  en  Sicile, 
et  y  mourut  obseur  et  misérable  ^. 

Quelques  autres  disciples  de  Pelage  étaient  passés  en  Angle- 
terre et  y  avaient  enseigné  ses  erreurs  avec  succès.  Les  évéques 
des  Gaules  y  envoyèrent  saint  Germain,  évéqued*Auxerre,  et  saint 
Loup,  évêque  detroyes,  qui  détrompèrent  ceux  que  les  Pélagiens 
avaient  séduits  *. 

Pourquoi  le  PélagianUme  s'éteignit  sans  troubler  VÉtat. 

Telle  fut  la  fin  du  Pélagianisme,  erreur  des  plus  spécieuses ,  et 
enseignée  pardes  hommes  du  premier  ordre;  telle  fut,  dis-je,  la  fin 
du  Pélagianisme  ;  tandis  que  deux  vieillards  avares ,  deux  clercs 
ambitieux ,  une  femme  vindicative  et  riche  ,  avaient  formé  à  Car- 
thage  le  schisme  des  Donatistes,  qui  ne  s*éteignil  qu'au  bout  d'un 
siècle,  et  qui  désola  TAfrique  entière. 

Si  la  principale  utilité  de  Thistoire  consiste  à  nous  faire  con- 
naître les  causes  des  évènemens  ,  il  n'est  peut-être  pas  inutile  de 
rapprocher  les  effets  et  la  durée  du  schisme  des  Donatistes  de 
Texlinciion  subite  du  Pélagianisme. 

Lorsque  Lucille  forma  le  complot  qui  donna  naissance  au  schisme 
des  Donatistes,  le  christianisme  commençait  à  jouir  de  la  paix  et 
du  calme;  les  Chrétiens  étaient  pleins  de  zèle  et  tranquilles;  tout 
était  donc  prêt  à  s'animer;  toutes  les  âmes  étaient,  pour  ainsi  dire, 
à  quiconque  voudrait  les  intéresser  :  un  parti  naissant  devait  donc 
se  grossir  subitement,  s'échaulTer  et  devenir  fanatique  ;  ainsi  Lu- 
cille, pour  produire  en  Afrique  un  schisme  dangereux ,  n'eut  be- 
soin que  de  sa  fortune  et  de  sa  vengeance. 

Le  Pélagianisme  parut  dans  des  circonstances  bien  différentes. 

Lorsque  Pelage  enseigna  ses  erreurs,  l'Italie  était  ravagée  par 
IcsGoths  :  Rome,  assiégée  plusieurs  fois  par  Alaric,  ne  s'était  sau- 

*  Non»,  Hist.  Pelag.,  I.  2,  p.  17L 

«  Prosper.  Chronic.  Tillemont,  1.15.  HisU  litlér.  de  France,  t.  2, 
p.  258,  259. 


ré»  ^  pHhgfl  que  par  des  contributinns  immense*  ,  ei  )a  |iuls- 
wnce  d'Aliirk,  toujours  supérieure  i  celle  de  l'enipeteur  en  llïlio, 
filsail  craindre  à  Rome  de  nouTenux  malheurs  ;  lus  persnnnesleg 
plus  considérables  en  étaient  sorlies,  et  les  esprits  y  étaient  dans 
la  (Consternation  et  dans  l'abaltemeni. 

Le  schisme  desDonaiiBtes  n'était  pas  encore  éteint  entijremenl; 
il  avait  en  quelque  sorte  consumé  tout  le  fanatisme  des  espriu,  et 
le  suuveair  des  Tureurs  des  Donatistes  inspirait  de  la  craînle  et  de 
la  précaution  contre  tout  te  qui  pouvait  faire  naître  un  nouveau 

Ainsi  Célcstius  ne  trouva  point  dans  les  esprits  la  chaleur  et  le 
goiU  de  la  nouveauté ,  si  utile  el  mSme  si  nécessaire  pour  Taire 
embrasser  avec  ardeur  et  pour  faire  soutenir  avec  force  une  opi- 
nion naissante  el  apportée  par  un  étranger. 

Pelage,  qui  était  passé  en  Orient,  ne  pouvaiis'y  faire  entendre 
i|ue  par  un  truchement,  el  ne  pouvait  par  conséquent  répandre  ses 
erreurs  (acilemeut ,  ni  donner  h  son  parti  de  l'éclat  et  de  la  cé- 
lébrité. 

Saint  Augustin,  qui  depuis  lonp-lemps  était  la  gloire  et  roracle  \ 
(le  l'Afrique,  comballil  le  Pélagîanisme avec  une  force,  un  zèle  et  j 
une  supériorité  auxquels  l'adresse  et  l'habileté  de  Pelage,  de  Ce-  ] 
lesLîus  el  de  Julien  ne  purent  résister.  Le  Pélagianisme  fut  c 
damné  par  les  compiles  d'Alrique  ,  et  le  jugement  des  conciles  IHiC  i 
approuvé  par  le  pape  Zoiime  et  par  toute  l'Église.  1 

l.e  crédit  de  saint  Augustin  auprès  de  l'empereur,  et  b  cralulB  ' 
de  voir  dans  l'empire  de  nouvelles  divisions,  firent  traiter  les  Pé- 
lagiena  comme  les  autres  hérétiques  ,   cl  élouflïrenl  le  Pétagia- 
nistue  dans  l'Occident. 

Lorsque  Julien  et  les  autres  évéques  attachés  au  Pêlagiinîsnie 
passèrent  en  Orient,  ils  ;  trouvèrent  presque  tous  les  esprits  par- 
tagés entre  les  catholiques  el  les  Ariens  ,  el  vivement  animés  les 
uns  contre  les  autres. 

Le  Nestorianiiine  commençait  aussi  alors  k  faire  du  bruit  ;  ainsi 
Julien  trouva  tous  les  esprits  occupés,  livrés!)  un  parti,  et  pleins 
d'un  intérAt  qui  ne  leur  permettait  pas  û'ea  prendre  au  Pélagiu- 
oïsme  asseï  pour  le  soutenir  contre  l'Ëglise  latine  et  contre  lei 
Mb  de*  empereurs. 

Heurs ,  un  parti  ne  devient  séditieux  ()ue  par  te  nio 
■;  la  duclrinc  de  Pelade  n'était  pas  propret  échuuCIiT 
I  èletaii  la  liberté  de  l'iioratne  et  oîail  ta  conuv^ 


260  PEL 

nelle,  mais  c*était  pour  Tobliger  à  une  grande  austérité  ;  il  faisait 
dépendre  deThomme  seul  sa  vertu  et  son  salut,  mais  c'étaitpourlui 
reprocher  plus  amèrement  ses  défauts  et  ses  péchés  et  pour  lui 
6ter  toute  excuse  s'il  ne  se  corrigeait  point  :  or,  le  peuple  aime 
mieux  un  dogme  qui  Texcuse  et  qui  Thumilie  qu'un  système  qui 
flatte  sa  vanité ,  mais  qui  le  rend  inexcusable  dans  ses  vices  et 
dans  ses  défauts.  Pour  mettre  le  peuple  dans  les  intérêts  du  Pé- 
lagianisme ,  il  fallait,  en  exagérant  les  forces  de  Thomme  ,  dimi- 
nuer ses  obligations  ;  et  Pelage  s'était  proposé  tout  le  con- 
traire. 

Le  Pélagianisme  tel  que  Pelage  le  proposait ,  et  dans  les  cir- 
constances où  il  a  paru,  ne  pouvait  donc  former  un  parti  ou  une 
secte  ,  et  ne  devait  rester  que  comme  une  opinion  ou  comme  un 
système ,  se  conserver  parmi  les  personnes  qui  raisonnaient ,  s'y 
discuter,  se  rapprocher  du  dogme  de  l'Église  sur  la  nécessité  de 
la  grâce*  et  donner  naissance  au  Semi-Pélagianisme. 

PÉLAGIANISME,  hérésie  de  Pelage. 

Pelage  avait,  par  ses  exhortations,  porté  plusieurs  personnes  à 
abandonner  les  espérances  du  siècle  et  ù  se  consacrer  à  Dieu  ;  il 
était  embrasé  du  zèle  pour  le  salut  du  prochain ,  et  traitait  avec 
beaucoup  de  mépris  et  de  dureté  ceux  qui  ne  faisaient  que  de  fai- 
bles eflbrls  vers  la  perfection  et  qui  prétendaient  s'excuser  sur  la 
faiblesse  de  lu  nature  humaine  ;  il  s'emportait  contre  eux,  et,  pour 
leur  ôter  toute  excuse,  il  releva  beaucoup  les  forces  de  la  nature, 
et  soutint  que  l'homme  pouvait  pratiquer  la  vertu  et  s'élever  au 
plus  haut  degré  de  perfection. 

Ce  n'est  point  sur  la  corruption  de  la  nature ,  disait-il ,  qu'il 
faut  rejeter  nos  péchés  et  notre  tiédeur  ;  la  nature  humaine  est 
sortie  pure  des  mains  du  créateur  et  exempte  de  corruption  :  nous 
prenons  pour  une  corruption  attachée  à  la  nature  les  habitudes 
vicieuses  que  nous  contractons,  et  nous  tombons  dans  une  injus- 
tice que  les  Païens  ont  évitée  :  c'est  à  tort ,  dit  un  Païen  éclairé  , 
que  le  genre  humain  se  plaint  de  sa  nature  ^ . 

On  fut  choqué  de  cette  doctrine  ;  on  trouva  que  Pelage  flattait 
trop  l'orgueil  humain  ;  que  l'Écriture  nousparlaitde  l'homme  bien 
diiréremment;  qu'elle  nous  apprenait  qu'il  n'y  avait  point  d'homme 
juste,  que  la  nature  humaine  était  corrompue  ,  que  depuis  le  pé- 
chô  du  premier  homme  nous  ne  pouvions  faire  aucune  bonue  ac- 

'  Aug.,Ioc  cit..  Do  peccaU  mirit. 


PEL  asffl 

,  et  que  c'Élaii  ainsi  que  les  Pères  aTiiieut  parl^  i 

I.adispule  se  trouvait  par-li  réJuiie  à  trois  point»  :  on  coniea- 
lait  11  Pelage  qu'il  Tût  possible  que  rboaime  vËcùl  sans  péché  ;  on 
lui  loutenail  que  la  nalure  était  corrompue  depuis  Adam,  et  qu'il 
ne  pouvait  faire  de  bonnes  actions  sans  la  grâce. 

Ainsi,  pour  défendre  son  seniimeni ,  Pelage  Tul  obligâde  prou- 
ver que  l'bomme  pouvait  titre  sans  pëclit^ ,  que  sa  nature  n'âtaii 
point  corrompue,  el  quela  grâce  n'était  pas  nécessaire  pour  Ëritrr 
le  péché  ou  pour  pratiquer  la  vertu. 

Enlio  Pelage,  Torcé  de  reconnaître  la  nécessité  de  la  grilcc,  pré- 
tendit que  cette  grjce  n'était  que  notre  existence ,  le  libre  arbi- 
tre, la  prédicaiioa  de  l'Ëvangile,  les  bons  exemples,  les  miracles. 

Votli  les  quatre  priiidpes  qui  formèrent  le  Pélagianisme  et 
qui  conduisirent  ï  beaucoup  de  questions  incidentes  qui  ne  fu- 
rcLii  point  des  parties  csseattelles  du  Pélagianisme  ,  el  sur  les- 
quelles l'Ëglisc  n'a  point  prononcé.  Voyons  coumeat  ces  points 
furent  défendus  par  les  Pélagiens  cl  combattus  par  les  cailioli' 

r 

^^^Les  bommes  qui  prétendent  excuser  leurs  péchés  sur  lu  faiblesse 

^tie  la  nature  sont  injustes  :  rien  n'est  ni  plus  clairement  ni  plus 

<s  ,  dans  l'Écriture ,  que  l'obligation 

'  Soyeï  parfaits ,  dit  Jésus-Chrisi ,  comme  votre 

si  parfait.  Quel  est ,  dit  David ,  celui  qui  habitera 

Blans  vos  tentes  ,  o  Seigneur  ?  Celui  qui  oiarclio  sans  tiehe  ,  et 
|ui  suit  la  justice.  Faites  tout  sans  murmure ,  dit  saint  Paul,  et 
nns  hésiter,  afin  que  vous  soyez  irrépréhensibles  et  simples  , 
comme  des  eoraus  de  Dieu ,  purs  et  sans  péché.  > 
Cette  obligation  estprescriie  dans  mille  autres  enilroiis  de  l't- 
critutc  ;  si  noua  no  pouvons  pas  la  remplir,  celui  qui  nous  l'a  pres- 
crite necrinnaïssailiKis  la  faiblesse  humaine,  ou,  s'il  la  connaissait, 
Bett injuste  et  barbare  de  nous  punir;  Dieu,  dans  ce  sentiment, 

W^  JLOg.,  loc.  cit.,  De  pLCcaU  mcril, 


PUEMIÈRE  ERREUR  DE  PELAGE, 


L'homme  ptful  vivre  n 


I  pécM. 


•les  bommes  qi 

%  la  nature  si 
souvent  proscrit  ai 
d'être  parfaits. 
•  Père  céleste  e; 


ses  PEL 

ne  nous  amrtît  pas  donné  des  lois  pour  noas  sauTer,  mais  pour 
aToir  des  coupables  à  punir  *. 

Pour  réduire  la  question  à  des  termes  plus  précis ,  disaient  les 
Pélagiens ,  il  faut  demander  à  ceux  qui  prétendent  que  Thomme 
ne  peut  pas  vivre  sans  péché  : 

i*  Ce  que  c*est  que  le  péché  en  général;  si  c*est  une  chose  qu*OR 
puisse  éviter,  ou  non.  Si  on  ne  le  peut  pas  éviter,  il  n*y  a  point 
de  mal  à  le  commettre  ;  et  ni  la  raison  ni  la  justice  ne  permettent 
d*appeler  péché  ce  qui  ne  peut  en  aucune  manière  s'éviter  ;  et  si 
Fhomme  peut  éviter  le  péché,  il  peut  donc  être  toute  sa  vie  sans 
péché. 

2*  n  faut  leur  demander  si  Thomme  doit  être  sans  péché  ;  ils 
répondront  sans  doute  qu'il  le  doit ,  mais  s'il  le  doit ,  il  le  peut , 
et  s'il  ne  le  peut  pas ,  il  ne  le  doit  pas.  Si  l'homme  ne  doit  pas 
être  sans  péché ,  il  doit  être  pécheur  ;  et  ce  ne  sera  plus  sa  faute  , 
si  l'on  suppose  qu'il  est  nécessairement  tel. 

3*  Si  l'homme  ne  peut  être  sans  péché ,  c'est ,  ou  par  la  néces- 
sité, ou  par  le  choix  libre  de  sa  volonté  qu'il  pèche;  si  c'est  par  la 
nécessité  de  sa  nature ,  il  n'est  plus  coupable,  il  ne  pèche  pas  ;  si 
c'est  par  le  choix  libre  de  sa  volonté ,  il  peut  donc  éviter  le  péché 
pendant  toute  sa  vie  ^. 

Les  catholiques  combattaient  cette  erreur  par  l'autorité  de  l'É- 
criture ,  qui  nous  apprend  ,  en  mille  endroits  ,  qu'il  n'y  a  point 
d'homme  sans  péché  ;  que  quiconque  ose  dire  qu'il  est  sans  péché 
se  trompe  et  se  séduit  lui-même  ^. 

Ils  joignaient  à  Tautorité  do  l'Écriture  le  sentiment  unanime 
des  Pères  ,  qui  reconnaissaient  tous  que  l'homme  ne  peut  vivre 
sans  commettre  quelque  péché  *. 

Ce  n'est  pas  qu'il  y  ait  quelque  péché  auquel  l'homme  soit  dé- 
terminé par  sa  nature  ou  par  une  puissance  invincible  :  il  n'en  est 
aucun  qu'il  ne  puisse  éviter  en  particulier;  mais,  pour  les  éviter 
tous  sans  exception,  il  faut  une  continuité  d'attention  dont 
l'homme  n'est  pas  capable. 

*•  Pelag.,  Ep.  ad  Demctriad.  apud.  Hyeron.,  t  à,  p.  iO. 
3  DefioiUones  Cœleslii.  Garnier,  Appendlc  6.  De  scripUs  pro  haeresl 
Pelag.,  c.  3,  p.  384. 

*  Proverb.  24.  Joan.  i^  i.  i, 

*  Origen.  in  Ep.  ad  Rom.  Cydrian.,  etc.  Voyei  Vossius,  Hlst.  Pela- 
gian.  Norls.  Garuier. 


■  FEL  K 

L'Iiomme  ,  cbllgé  cte  tendre  i  une  pi^Llc-ilion  i|u'il  ne  p«ul  a 
teindre ,  fait  vers  aelle  perreclion  des  clîorts  i{ti'lt  n'auratl  )ii 
falu  ;  il  acquicrL  des  vertus  qu'il  n'auraii  pnint  lerjulseï  ;  il  Avii 
des  piïelics  qu'il  n'aurait  point  vviite  :  )a  lui  qui  oblige  riiouin 
à  U  perrei^tiun  est  donc  iiiie  loi  |>leine  de  sagesse. 

Les  Tatikes  i)ui  6ch>p|)«Di  i  ta  rigiUnce  de  t'Lumrue  ne  «oui  point 
des  crimes  irréiuissiblcH  :  les  eathoUquus ,  qui  soutiennent  que 
rbummene  peut  vivre  s;ins  péché,  ne  TmiL  donc  point  de  Dieu  un 
être  iojusu'  «1  btrbare ,  qui  oblige  l'iiuiniue  h  des  t^liuses  îBipoft- 
sibles  pour  avoir  deauuupables  k  punir. 

La  doctrine  des  catholiques  ronlrc  Pélat^e,  surriiuposgibîlilé 
dans  laquelle  rbomme  est  d'éviter  tous  les  pécbés  peuJaui  m  viei 
était  la  duciiine  de  louiu  l'Enlisé,  et  le  sentiment  de  Pelage  sur 
E'inipossibiliiii  lui  condamné  dans  les  conciles  tenus  eu  Orient, 
quelque  bieo  disposé  qu'on  (Ut  pour  la  personne  de  Péluge  diDS 
et<s  «Hemblâet.  Pelage  lui-même  Tui  obligé  de  lu  condamner;  elle 
le  fut  ensuite  par  le  concile  de  Hiiéve,  et  celte  condatnnKliou  fut 
approuvée  par  le  pape  et  par  toutes  les  Églises. 

SECONDE  EltREra  DE  PELAGE. 

^11  n'y  a  pcînt  de  péeiU  ariginel. 
Les  ealboliques  prouvaient  le  péché  originel  par  l'I^crilure,  par 
la  Iraditian,  el  enlin  par  l'expérience. 

Pelage,  pour  soutenir  son  scniimeui. contre  les  catboliqoei, 
prétendit  qu'ils  Interprétaient  inul  l'Écriture  ;  il  réclaroii  l'aulorUé 
de  la  tradition  ,  attaqua  le  dogme  du  péché  originel ,  el  préten- 
dit qu'il  éiail  alisurde  el  injurie u:t  ï  Dieu. 

Les  Sociniens  ont  renouvelé  les  erreurs  des  Pélagiens  sur  le  < 
péché  originel ,  el  les  ennemis  de  la  religion  tournent  conlr 
{oligioD même  toutes  leg  difficultés  des  Pélagiens  et  des  Sociniens. 

est  îniporlani  de  traiter  celle  qucsiion, 

eme»  ijul  itabUnenl  te  dogme  du  pécM  orifflwl. 
'  ttofse  nous  apprend  qu'Adam  a  péclié  et  qn'it  a  été  chnssé  du 
idis.  David  reconnaît  qu'il  a  été  formé  dans  l'iniquité  et  que    . 
«  l'ji  conçu  dans  le  pét^tié. 
'  lob  déclare  qwe  personne  n*e9t  exempt  de  souillure ,  non  pas  9 
e  Teorant  d'un  jour  '. 

iGenc».  PMlm.  SO,  t-  ^,  'ob.,  c  ij,  v.  h. 


U4  PEL 

Saint  Paul  enseigne  que  le  pécbé  esl  eiilré  par  un  seul  homme 
dans  le  monde,  el  la  mort  par  le  péché,  et  qu*ainsi  la  mon  est 
passée  dans  tous  les  hommes.  Tous  ayant  péché  dans  un  seul ,  il 
répète  que  c*est  par  le  péché  d*un  seul  que  tous  les  hommes  sont 
tombés  dans  la  damnation ,  que  nous  naissons  enfans  de  colère  ^. 

Nous  avons  dans  nous-mêmes  des  preuves  de  la  corruption  ori- 
ginelle de  la  nature  humaine  :  Dieu  avait  fait  Thomme  immortel  ; 
il  avait  éclairé  son  esprit  et  créé  son  cœur  droit  ;  nous  naissons 
an  contraire  ensevelis  dans  les  ténèbres ,  portés  au  mal  ;  nous 
sommes  afQigés  par  mille  infirmités  qui  nous  conduisent  enfin  à 
la  mort. 

Nous  avons  donc  des  preuves  de  fait  que  nous  sommes  cou- 
pables et  punis  à  cause  du  péché  d*Adam. 

Depuis  saint  Ignace  jusqu^à  saint  Jérôme,  qui  disputait  contre 
Pelage ,  tous  les  Pères  ont  enseigné  le  dogme  du  péché  originel  *. 

Les  cérémonies  de  FÉglise,  le  baptême,  les  exorcismes,  étaient 
des  preuves  que  la  croyance  du  péché  originel  était  aussi  ancienne 
que  rËglise,  et  cette  croyance  était  si  distincte  dansTÉglise, 
que  Julien  reprochait  à  saint  Augustin  qu'il  se  servait  contre  lui 
du  consentement  des  artisans  et  du  peuple  ^. 

Enfin  ,  encore  aujourd'hui  toutes  les  communions  séparées  de- 
puis mille ,  onze  et  douze  cents  ans ,  reconnaissent  le  dogme  du 
péché  originel  *. 

Réfitlaiion  des  rèpomeê  'des  Pélagiens  et  des  Sociniens  aux  preuves 

que  l'on  vient  d'apporter. 

1*  Les  Pélagiens  et  les  Sociniens  ont  prétendu  que  les  passages 
qui  portent  que  nous  avons  péché  dans  Adam  ne  signifient  rien 
autre  chose  sinon  qu*Adam  a  donne  h  tout  le  genre  humain  Texem- 
ple  du  péché ,  que  tous  les  hommes  Tout  imité ,  et  que  c*est  en 
ce  sens  que  tous  les  hommes  pèchent  dans  Adam. 

Mais  il  est  clair,  par  le  passage  tiré  de  saint  Paul ,  1  •  que  tous 
les  hommes  meurent  en  Adam ,  et  que  cette  mort  est  une  suite 

*  Ad  Rom.  5.  Ad  Ephes.  2. 

^On  trouve  tous  ces;  passages  dans  Vossius.  Hist  Pelag.,  part  i. 
Thés.  6. 

»  Aug.,  I.  2.  Op.  impcrf.,  c  181  ;  I.  5,  c.  131. 
^  Pcrpët.  de  la  foi,  t.  3,  à  la  fin. 


^u 


M  ilu  [irpnLk'r  liomme;  i-  i|uct  ioii<:  lo«  lioinmes  eoni  ci 
paMes  de  ce  péclu' ,  ei  qa'il  est  aussi  éipndii  que  l'empire  de  la  1 
luori  ;  que  les  enrins  qui  meurenl  ilans  le  sein  de  leur  mère  si 
i'ou]ial)lcs  de  ce  péclié ,  quoiqu'ils  nViuil  encore  Tait  aucune  ■■ 
l'iim ,  et  que  pur  coQ«isiuent  le  péciià  originel  n'est  pas  une  h 
talion  du  péciié  d'Adïm  ;  3'  il  est  clair,  par  rÉ>:riture ,  que  ne 
naisaons  enrans  de  colère ,  odieux  aux  jeux  de  Dieu ,  et  que  par    1 
conséquent  le  péché  d'origine  n'eat  pas  une  simple  privation  de»  I 
avantages  attachés  i,  l'élat  d'innocence ,  tels  que  l'immortalité,    ' 
l'empire  sur  nos  sens,  otc,  comme  les  Socinien^t  le  prétendent, 
muis  que  le  péclié  origiuci  est  un  péché  qui  aDTecte  l'âme  da 
riiomme  etquî  le  rend  odieuxï  Dieu. 

3"  Les  PéUgiens  et  les  Sociniens  opposent  i  ces  preuves  un 
passage  du  Deuiéronome ,  qui  dit  que  les  enf^ns  ne  mourront  | 
point  pour  leurs  pères ,  ni  les  pères  pour  les  enfans. 

Mais  il  s'agit  ici  d'une  loi  qui  regarde  des  enrane  nés  ;  c'est  une  j 
loi  que  Dieu  prescrit  II  des  hommes  qui  doivent  juger  d'autres  I 
hommes  :  quel  rapport  une  pareille  loi  a-t-elle  avec  les  passage»  | 
qui  prouvent  le  péché  originel? 

3'  Julien  opposait  k  saint  Augustin  uti  passage  de  saint  PanI, 
qui  dit  que  nous  comparaîtrons  tous  devant  le  tribunal  de  Jésu»^  I 
Christ  pour  Stre  jugés  selon  ce  que  cliucnn  aun  fait  de  bien  ou  dft  1 
mal  ;  d'oii  il  concluait  que  les  eufaos  qui  n'avaient  fait  ni  bien  ni 
mal  ne  compara  liraient  pas,  et  qu'ils  n'étaient  par  conséquent 
point  coupables  et  ne  seraient  point  punis. 

De  lli  naqairent  toutes  les  questions  sur  le  sort  des  enfans ,  sur 
le  genre  de  peine  qu'ils  devaient  souffrir^  questions  inutiles  pour 
le  fond  des  conleslalions  qui  partageaient  les  catholiques  et  \tt    , 
Pélagicns,  sur  lesquelles  saint  Augustin  n'osait  rien  allinner,  et  j 
sur  lesquelles  l'Eglise  ne  prononça  point. 

Haiï  Julien  ne  prouvait  rien  par  ce  passage  de  eainl  Paul , 
est  clair  que  saint  Paul  n'exclut  point  les  enfans,  et  quand  il  les 
exclurait,  il  s'ensuivrait  tout  au  plus  qu'ils  ne  soûl  coupables 
d'aucun  [léciié  actuel,  et  non  pas  qu'ils  ne  sont  point  coupables  du 
péché  originel. 

4"  Les  Pélagiens  cl  les  Sociniens  prélendenl  que  le  baptême 
n'est  puinl  donné  pour  remettre  un  pécbé,  mais  pour  associer 
■me  h  l'I^glise  chrétienne  et  lui  donner  droit  bu  bonheur  < 
destine  â  ceux  qui  vivent  di 


1,M  catholiques  répondaient  qi 


.  rCc-r 


•I  In  tr 


diiion  n 


S66  PEL 

apprennent  que  le  biptème  est  donné  pour  la  rémission  des  pé* 
ehés  et  pour  régénérer  Thomme. 
5*  Les  Pélflgiens  et  les  Sociniens  opposent  Tautorité  des  Pères* 
Mais  i  i<*  il  est  certain  que  Pelage  et  Julien  n*ont  jamais  opposé 
à  saint  Augustin  que  quelques  passages  de  saint  Chrysostome,  de 
saint  Basile  et  de  Théodore  de  Mopsueste ,  et  que  saint  Augnstin 
fit  voir  que  les  Pélagiens  n*en  pouvaient  rien  conclure  en  faveur 
de  leur  sentiment  *• 

D^ailleurs ,  ce  que  nous  avons  dit  sur  Torigine  de  Terreur  de 
Pelage ,  par  rapport  aux  différentes  méthodes  que  les  Pères  em- 
ployaient, selon  les  différens  objets  qu'ils  se  proposaient,  peut 
servir  à  répondre  aux  passages  dans  lesquels  ils  paraîtront  attaquer 
le  péché  originel,  et  à  tout  ce  que  M.  Wilby  a  recueilli  pour  sou- 
tenir qu'avant  saint  Augustin  les  Pères  avaient  témoigné  du  pen- 
chant à  la  doctrine  des  Pélagiens*. 

Difficultés  des  Pélagiens  et  des  Sociniens  contre  le  dogme  du  péché 

originel. 

Tout  ce  qu'on  peut  dire  contre  le  péché  originel,  Pelage  et  Gé- 
lestius  Font  dit  dans  leurs  disputes  contrôles  catholiques.  On  peut 
les  réduire  à  ce  qui  suit  : 

Une  créature  qui  n'existe  point  ne  saurait  être  complice  d'une 
action  mauvaise,  et  il  est  injuste  de  la  punir  comme  coupable  de 
cette  action.  L'enfant  qui  naît  six  mille  ans  après  Adam  n'a  pu 
ni  consentir  à  son  péché  ni  réclamer  contre  sa  prévarication  : 
comment  Dieu  si  juste  ,  si  bon ,  si  miséricordieux,  qui  pardonne 
h  ceux  qui  implorent  sa  miséricorde  les  péchés  qu'ils  ont  commis 
librement ,  imputerait-il  un  péché  qu'on  n'a  pu  éviter  et  auquel 
on  n'a  aucune  part  ^  ? 

*  Voyez,  sur  cela.  Remarques  sur  la  BiblîoU  de  M.  Dupin.  în-8«  ;  à 
Paris,  1692,  t  1.  On  y  prouve  que  saint  Justin,  saint  Irénée,  Terlul- 
lîen,  Origc-ne,  se  sont  très-ci airemenl  expliqués  sur  le  péché  originel. 
Voyez  aussi  la  tradition  de  l'Église  sur  le  péché  originel  ;  à  Paris,  1 692, 
tn  12. 

2  Witby,  De  Imputatione  divinû  peccati  Adami  posteris  ejus  unîver- 
8Î8;  in-8«;  Lond.,  1711. 

»  Pelag.  apnd.  Aug.,  De  nat  et  grat.,  c.  9,  30,  1.  3.  De  peccat. 
merit.,  c.  2,  3.  In  Ep.  ad  Rom.,  inter  opéra  Hycron.,  et  dans  TAp- 
pendix  que  le  Clerc  a  ajouté  à  l'édition  de  saint  Aug.,  par  les  PP, 
béiiédifititts. 


i'KL  267 

U  ne  Taul  p»s  croire  élu-ler  lu  Torce  de  ces  diniciiliés  en  n^pon- 
dani  ijue  le  p^clié  originel  s'e&t  iianstnis  â  la  poiiérilé  d'Adam  : 
nous  ne  recevons  de  nos  pères  que  le  corps ,  ei  le  corps  n'est  pat 
susceptible  de  péché;  c'est  dans  l'ime  que  r*aide  le  péché,  et 
l'âme  sort  pure  ei  inooceute  des  innins  de  Dieu  '. 

Enfin  ,  quand  il  seTiit  vrai  que  i'iine  deviendrait  souillée  par 
son  union  avec  le  corps  que  nous  recevons  de  nos  pares  ,  ceili 
souillure  ou  cette  enrruption  ne  serait  point  un  péché ,  puisque  11 
corruption  du  i-orps  et  l'uniott  de  l'Ame  au  corps  «ci-nicnl  pro- 
duites pur  des  causes  indépendantes  de  l'earani  et  qui  ont  pré- 
céda son  existence. 

Mponte. 

il  est  certain  que  ce  qui  n'existe  que  d'aujourd'hui  n'a  pu  sa 
déterminer  ni  consentir  ï  un  crime  commis  il  ;  a  six  millt:  ans. 

U:iis  les  catholiques  ne  pn^tendcnt  pas  que  l'enflnt  ait  com- 
mis le  crime  d'Adam  ou  qu'il  y  ait  consenti  ;  iU  disent  que  de- 
puis le  péché  d'Adam  tous  tes  hommes  naissent  privés  da  Ir 
grâce,  déchus  des  privilèges  de  l'élai  d'innocence;  que  letir  eSr 
prit  est  environné  de  ténèbres  et  leur  volonté  déréglée,  et  qui)  . 
cet  état  de  l'hoaime  est  la  suite  du  pécbé  d'Adam. 

Les  catholiques  ne  disent  pas  que  Dieu  haïsse  l'enfaDl ,  et  qu'î)    | 
le  punisse  pour  avoir  commis  le  péché  d'Adam ,  ou  parce  qu'i{    , 
est  coupalile  d'un  désordre  dans  lequel  il  soit  tombé  Jibremcnlj    i 
ils  disent  que  le  péché  d'Adam  causa  dans  ses  facultés  un  désor*    1 
dre  qui  se  communiqua  i  ses  enfans ,  aussi  bien  que  son  péché  |    J 
et  qui  se  transmit  i  tous  les  hommes  qui  naissent  par  la  voie  da    ' 
Il  génération  cl  qui  n'en  sont  point  garantis  par  une  grâce  spér 
ciale  :  toutes  les  dirGcultés  des  Pélagiens  et  des  Sociniens  portent 
donc  1  faux  et  n'attaquent  point  le  dogme  du  péché  originel ,  ie| 
que  r Église  l'enseigne. 

Uais ,  dira-t-ou ,  comment  le  désordre  causé  dans  les  faeultéii 
d'Adam  et  le  péché  ont -ils  pu  se  transmettre  ù  ses  enfans  f 

L'f^riture ,  qui  nous  apprend  si  clairement  le  péché  du  premier 
homme ,  et  que  son  péché  s'est  communiqué  i  sa  postérité  ,  nq  i 
nous  explique  point  comment  ce  désordre  et  ce  péché  se  sonf  i 
communiqués  i  ses  enfaus  et  ensuite  A  toute  sa  poiiérilé. 

'  Apuil  Aug.,De  nat,  et  grat.,c.  bit. 


268  PEL 

Nous  ne  pouvons  donc  expliquer  clairement  comment  se  fait  la 
propagation  du  péché  originel  ;  mais  nous  ne  voyons  point  qu^elle 
soit  impossible ,  et  par  conséquent  le  Pélagien  et  le  Socinien  ne 
peuvent  sans  absurdité  nier  le  péché  originel  ;  car  il  est  absurde 
de  nier  une  chose  enseignée  clairement  dans  l'Écriture  ,  dans  la 
tradition  et  par  TÉglise  universelle ,  lorsqu'on  ne  démontre  pas 
que  cette  chose  est  impossible. 

Mais ,  disent  les  Sociniens ,  n'est-il  pas  évident  que  Dieu  ne 
peut  punir  que  ce  qui  est  volontaire  ? 

Dieu  hait  essentiellement  le  désordre ,  et  le  péché  originel  ne 
laisse  pas  d'être  un  désordre,  quoiqu'il  soit  l'effet  d'un  péché  que 
l'enfant  n'a  pu  ni  vouloir  ni  prévenir.  Le  péché  originel  déplaît 
donc  à  Dieu ,  quoiqu'il  soit  nécessaire,  et  la  créature  dans  laquelle 
il  se  trouve  lui  est  odieuse  ;  mais  il  ne  la  hait  point  et  ne  la  punit 
point  comme  une  créature  qui  s'est  mise  volontairement  dans  le 
désordre  :  les  monstres  dans  l'ordre  physique  ne  déplaisent-ils 
pas  à  Dieu  ? 

Mais  enfin,  pourquoi  a-t-il  enveloppé  toute  sa  race  dans  sa 
chute?  Pourquoi  Dieu  a-t-il  permis  cette  fatale  catastrophe? 
Pourquoi  a-t-il  remis  entre  les  mains  du  premier  homme  le  sort 
de  sa  postérité  ? 

Je  réponds,  1°  que  l'ignorance  dans  laquelle  Dieu  nous  laisse 
à  cet  égard  ne  nous  autorise  point  à  nier  un  dogme  enseigné 
dans  l'Écriture ,  dans  la  tradition  et  par  l'Église  universelle  : 
avouons  plutôt ,  avec  M.  Leibnitz ,  que  nous  ne  connaissons  pas 
assez ,  ni  la  nature  du  fruit  défendu ,  ni  son  action ,  ni  ses  effets , 
pour  juger  du  détail  de  cette  affaire  ^ 

2*  Si  nous  voyions  eu  son  entier  le  plan  de  la  Providence,  re- 
lativement au  genre  humain ,  ces  plaintes ,  ces  questions  témé- 
raires nous  paraîtraient  déraisonnables ,  pleines  d'ingratitude  et 
injurieuses  au  Rédempteur ,  qui  a  fait  une  abondante  compensa- 
tion pour  tous  les  dommages  qui  résultent  du  péché  d'Adam  ,  en 
satisfaisant  non-seulement  pour  le  péché  originel ,  mais  encore 
pour  les  péchés  actuels  de  tout  le  monde. 

Si  nous  nous'  plaignons  de  notre  état  présent ,  c'est  parce  que 
nous  en  sentons  tous  les  inconvéniens  et  que  nous  n'en  connais- 
sons pas  les  avantages.  Les  anges  apostats  sont  tombés  sans  res- 
source ;  mais  nos  premiers  parens  ont  été  relevés  de  leur  chute  : 

*  Essais  de  Uiéodicée,  première  partie,  $  142, 


(e  ij'cbl  |)uiiil  p.ir  uoti'c  Taute  rjiic  nous  iiuiis  Irouvoi 
prfcipici!,  mais  nous  avons  un  R^JeiijjiUur  qui  nous 
sa  mon  et  par  sa  grâce. 

La  doctrine  du  péclié  originel ,  telle  qu'elle  esl  enseignée  para 
l'Église  catbolique,  ne  Taîl  donc  Dieu  ni  auteur  du  péM  ni  ii^V 
jusU ,  et  luules  les  dinicuil^  des  l'éljgiens ,  des  Sociniens ,  dtit.l 
Arminiens  et  de  Wiiby  n'ont  de  force  que  contre  l'imputation! 
au  sens  de  Lulbor  et  de  CnKin.  "m 

Les  ililGcutléK  sur  lu  permission  du  pfcliË  d'Adnm  appartieiU'V 
nent  du  Mnnicbéismc.  Yagr:  ccl  article  et  celui  de  Marciox. 

Dm  diff^rentei  tamiim  d'expliquer  le  péché  OTigihtl. 

Le  dagme  du  péctié  originel  est  d'un  cùté  si  importani  dans  h 
Kli^iun ,  el  de  l'autre  si  difficile  ï  comprendre  et  à  persuader, 
que  l'on  a  dans  tuui^  les  temps  fait  beaucoup  d'elTorls  pour  eipli- 
qucrsi  nature  el  h  manière  dont  il  se  communiquait. 

1*  On  supposa  que  les  ftmes  avaient  pécliâ  duna  une  vie  anlû- 
lieure  ï  leur  union  avec  le  corps  humain  :  celte  opinion,  ima- 
gint^e  par  les  Platoniciens ,  attritiuée  ï  Origène  et  aduplée  par  tta 
Cobalisles,  a£l^sui^ie  par  queli^ucï  niodemcs,  tels  que  Kusli 
Cbînville  el  Ilcari  Munis  '. 

C«  seotimenl  qui ,  pris  comme  opinion  phîlosopLique,  n'est 
leviintt  Imaginaiion ,  a  &.IÈ  condamna  par  rflgtisa  el  a'»- 

ique  poîul  le  dogme  du  pécLé  originel ,  puisque  ce  p6cbé  est 
' .  aux  liommes  par  Adam. 

I  a  tuppnsi}  que  loutcs  les  imes  ctaienl  renfermées  dans 

II  qiio  par  coosi'-qupnl  elles  avaient  participé  ï  son  pL^liù, 
I    Ca  sentiment,  duul  s^tïul  Augustin  n'était  pas  fort  éloigm^',  a 

A  adnptf  pur  un  grand  noml)re  Ae  lliéologiens  de  ta  confession 
I^Augtbourg  ;  cr,  au  commencement  de  noire  siMe,  U.  Wolllin  en 
n  principe  piiur  eipliqucr  lu  propagation  du  péchd  orit^i- 
Bl  par  iRiputcilion ,  dil-il,  que  tous  les  hommes  y  parlici- 

'  HujI,  Disc  sur  la  t*riI6.  Clanvillc,  Luji  oricntoUs.  Henri  Mor., 

y  S.  Oper.  Ptii>.,  p.  S6S.  In  Uercavx  Cabbatijlicai  cipo^lione  Viy- 

thoiorltc  driilBuiilmit,  de  tinlinœ  immorlalitalc.  AuIopsjcIiomBchia 

tDiilra  Cl»  qui  animas  posl  discessum  b.  car|>are  dormirc  u>muiaruiit, 

Rcnm  appiiidice  de  snlms  prxctiïstrnliD.  Tous  ces  ouiraEe*  M  troutcut 

I  Jbms  le  l'ecuell  des  pommes  plillosopliiqnct  ilc  Morus.  in<6°,  Il  Cam- 

kViitii»,  'juelqncs-uM  uni  élé  traduit)  en  franijab, 

2  3" 


970  PËL 

pent  ;  mais  \%  dépravation  leur  est  communiquée  par  la  propaga- 
tion ,  et  cette  propagation  suppose  que  les  âmes  viennent  les  unes 
des  autres. 

Avant  If.  Wolflin ,  Nicolaï  avait  enseigné  qu*en  admettant  la 
création  immédiate  des  âmes ,  il  n*est  pas  possible  d'expliquer  le 
péché  originel  ^. 

Ce  sentiment ,  qui  a  été  condamné  par  TËglise ,  est  absurde  ; 
car  Tâme  étant  une  substance  simple ,  indivisible ,  immatérielle  , 
il  est  impossible  qu^aucune  âme  sorte  d*une  autre  par  voie  d'é- 
manation. 

D'ailleurs ,  ce  sentiment  n'expliquerait  point  le  péché  originel , 
puisque  les  âmes  renfermées  dans  Tâme  d'Adam  n'auraient  point 
eu  l'exercice  de  leurs  facultés ,  et  enfin  parce  qu'Adam  ayant  ob- 
tenu le  pardon  de  son  péché ,  tous  ses  enfans  auraient  dâ  l'obte- 
nir ,  si  les  âmes  humaines  avaient  été  renfermées  dans  celle  du 
premier  homme  de  manière  qu'elles  eussent  participé  à  ses  dé- 
terminations. 

3<*  On  a  reconnu  que  les  âmes  n'ont  point  existé  avant  cette  vie, 
qu'elles  ont  été  créées  immédiatement  par  Dieu,  et  qu'elles  ne 
sont  pas  des  émanations  de  l'âme  d'Adam. 

Mais,  parmi  ceux  qui  reconnaissent  que  les  âmes  existent  par 
voie  d'émanation ,  les  uns  croient  que  toutes  les  âmes  ont  été 
créées  et  qu'elles  ont  été  unies  à  des  corps  renfermés  dans  le  corps 
d'Adam.  Les  autres  pensent,  conformément  au  jugement  de  l'É- 
glise ,  que  les  âmes  des  hommes  sont  créées  lorsque  le  corps  hu- 
main est  formé  dans  le  sein  de  la  mère. 

Le  système  de  la  génération  des  animaux  par  des  animalcules 
formés  dans  le  premier  animal  et  qui  ne  font  que  se  développer 
ne  pouvait  manquer  de  faire  adopter  le  premier  sentiment.  M  Leib- 
nilz  crut  qu'il  pouvait  expliquer  la  propagation  du  péché  origi- 
nel; il  fut  suivi  par  Rasiels,  qui  l'expliqua  avec  plus  de  détails 
que  M.  Leibnitz  *• 

Il  suppose  que  les  corps  de  tous  les  hommes  qui  devaient  ex^s- 
ter  ont  été  formés  dans  Adam ,  cl  que  Dieu  avait  uni  h  ces  petits 
corps  des  âmes  humaines ,  parce  qu'il  n'y  a  pas  de  raison  de  dif- 
férer plus  long-temps  l'union  de  l'âme  et  du  corps  ,  et  que  ce  pe- 

^  Clii*i3lophori  Wolflini  dissert.,  in-»  à  Tubingc. 
'  Essais  de  théodicéc,  première  partie,  $  90,  Traité  de  l'esprit  hu- 
main, par  M.  Rassiels  du  Vigicr»  chez  Jombert,  4716,  in-12. 


PEL 
^  lit  corps  ¥ivaiil  aussi  bien  dans  li-  premier  instant  do  sa  formalioa    \ 
m'uprès  sa  naÏEsance,  on  ne  peut  lesuppoeer  prive  d'une  Ame* 
]l  udoiel  donc,  dans  les  pelilâ  corps  humains  renfermés  dau 
ts  Âmes  huDiaJDes. 
,  Les  petiU  corps  uniii  k  ces  Ames  éuieni  unis  aux  corps  det 
"s  en  tiraient  leur  nourriture  ;  autrement  il^  se  seraieql 
uéchés. 

H  j  ajaii  donc  une  communication  entre  Adam  et  !e  nombre 

~  li  de  personnes  qu'il  contenait ,  A  peu  près  semblable  A  celle 

m  enfant  a  avec  sa  mère  aussîlAt  qu'elle  l'a  re^u  dana  sot 

;  et  comme  les  mouvemeos  de  la  mère  se  communiquent  aux 

l'raTans ,  ceui  d'Adam  se  sout  communiqués  i  tous  ceux  qui  de- 

Rp^ient  naître  de  lui. 

Suivant  ce  système,  quand  Dieu  défundit  ï  Adam  de  manger  dt| 
bail  de  l'arbre  de  la  science  du  bien  et  du  mal,  les  impressioni    . 
u  cerveau  se  communiquèrent  aux  cerveaux  de  ses  eorans, 
|i  eurent  par  conséquent  les  m£mis  iilées  ;  et  lorsqu'Adam 

é  de  manger  du  rriiit,  et  qn'il  y  consentit,  ses  enfans  jci 

[«Blireol  d'autant  pins  Tncilement  que  la  mollesse  de  li-ura  llbref  I 
les  avait  fait  moins  conserver  le  souvenir  du  précepte  ,  et  ([ue  Ij  1 
cours  de  leurs  esprits  animaux  était  favorisé  par  le  cours  des  es-  ] 
prils  animaux  d'Adam. 

Leur  péché  ftil  ù  peu  prés  pareil  i  celui  d'une  pcfîunoe  qui  I 

t^'Ëveille  en  sursaut,  ou  i  celui  des  enfans  qui  sont  eu  nourrice,  1 
jg*^!  pourquoi ,  dit  H.  Rasiels,  quoiqu'ils  soient  véritablement  1 
^aas  de  colère ,  ils  ne  sont  pis  l'objet  d'une  si  grande  culére ,  f 
MHsque  Dieu  so  contente  de  les  priver  de  sa  gloire ,  sans  les  cott^  ] 
jhmner  aux  chAtimeDs  des  pécbeurs. 
W  Celte  lijpotli£:se  est  absolument  desiituéo  de  fondement  du  cbti  . 
0»  la  raison ,  et  le  système  de  la  génération  des  animaux  par  dm 
aoimalcules  préexistans  et  formés  dès  la  crËation  du  monde ,  qot  1 
lui  sert  de  base ,  n'a  plus  guèie  de  vraisemblance  ni  de 
taieirrs. 

D'ailleurs,  il  n'explique  point  la  communication  du  péché  d'A- 
D  1  ses  descendana ,  puisque  ces  3mes  n'avaUnl  point  l'usage  | 
K<;^  U  raison  lorsqu'Adam  péclia ,  et  qu'elles  ne  pouvaient  don- 
iseniemeal  libre  :  l'eiplicalion  des  Uahomctans ,  tuulç  J 
idiculc  qu'elle  est,  parallrail  plus  raisiTuDablc  '. 


Il  AImiuHi  qu'il  Hii  imisi^  " 


■^  hnmuwlf.  I 


Î72  PEL 

Enfin  f  ce  sentiment  est  contraire  aux  décisions  de  TÉglise. 

4*  11  est  donc  certain  que  Tàme  des  enfans  d*Adam  n*a  été 
créée  que  quand  il  s*est  formé  dans  le  sein  d'Eve  un  corps  hu- 
main, et,  pour  expliquer  la  transmission  du  péché  originel,  il  faut 
expliquer  comment  le  péché  d*Adam  se  communique  aux  &mes 
que  Dieu  crée  pour  les  unir  à  des  corps  humains  par  voie  de 
génération. 

Les  théologiens  se  sont  encore  partagés  sur  celte  explication. 

1*  beaucoup  de  théologiens  ont  prétendu  que  le  péché  origi- 
nel n'est  que  le  péché  d'Adam  imputé  à  tous  ses  descendans. 

Les  théologiens  supposent  que ,  comme  Dieu ,  quand  il  établit 

par  lequel  tout  le  genre  humain  s^obligea  de  reconnaître  Dieu  pour  son 
souverain  mattre,  et  que  c*est  de  ce  pacte  dont  il  est  parlé  dans  TAlco- 
ran,  au  chapitre  intitulé  Aaraf  ;  voici  ce  qu*ou  dit  du  péché  originel  : 

c  Lorsque  Dieu  tira  des  reins  d'Adam  toute  sa  postérité,  il  adressa  à 
»  tous  les  hommes  ces  paroles  :  Ne  suisje  pas  votre  Dieu  ?  et  ils  lui 
»  répondirent  :  Oui.  »  Cet  auteur  veut  que  tous  les  hommes  aient  été 
effectivement  assemblés,  sous  la  figure  de  fourmis  douées  d^intelligence, 
dans  la  vallée  de  Dahier,  aux  Indes  ;  après  celte  convocation  généralci 
Dieu  (lit,  dans  le  même  chapitre  : 

«  Nous  avons  pris  des  témoins,  afin  que  les  hommes  ne  disent  pas  au 
»  jour  du  jugement  :  Nous  ne  savons  rien  de  ce  pacte,  et  qu'ils  ne  disent 
•  pas,  pour  excuser  leur  impiété  :  Nos  pères  ont  idolâtré  avant  nous; 
»  nous  avons  été  leurs  imitateurs  aussi  bien  que  leurs  descendans; 
»  nous  perdrez-vous.  Seigneur,  pour  ce  que  des  fols  et  des  ignorans  ont 
»  commis  contre  vous?  »  (D'Herbclol,  au  mol  Adam ,  Bibliot  orient., 
p.  àL  ) 

Les  Mahomélans  croient  en  outre  que  nous  recevons  de  notre  pre- 
mier père  un  principe  de  corruption,  qu^ils  appellent  la  graine  du  cœur, 
Famour-proprc  et  la  concupiscence  qui  nous  portent  au  péché  :  c'est 
le  péché  d'origiuc,  que  les  Muhométans  reconnaissent  élre  venu  d^A- 
dam,  notre  premier  père,  cl  ils  disent  qu'il  est  le  principe  de  tous  les 
autres  péchés. 

Mahomet  se  vantait  d'en  avoir  été  délivré  par  Tango  Gabriel,  qui  lui 
arracha  du  cœur  cette  semence  noire,  et  quo  par  ce  moyeu  il  clail  im- 
peccable. 

Selon  d'autres  Mahométans ,  le  péché  originel  vient  de  ce  que  le 
Diable  manie  les  enfans  jqgqu'à  ce  qu'il  les  ait  fait  crier.  Selon  les  Ma- 
hométans, Jésus-Christ  et  la  sainte  Vierge  furent  garantis  de  Pattouche- 
racnt  du  Diable,  et  n'out  point  eu  de  péché  originel.  (D'Hcrbelot,  Bibliot, 
orient.,  au  mot  MÉniAM,  p.  593.} 


PEI- 


373 


Abraliaiii  k'  père  des  crojuns,  avait  \.i\t  un  parla  im^r.  su  postù- 
thé  ;  (le  même  quund  il  donna  la  justice  nrigiiielle  h  Adum  cl  au 
gepre  humain ,  ootrc  premier  père  s'ougagca  ,  on  son  Dom  el  en 
celui  de  ses  descendins ,  de  la  cooserfcr  pour  lui  ai  pour  eux , 
en  observant  le  précepte  qu'il  atait  rei;>i  ;  au  lieu  que  ,  Taute  da 
l'observer ,  il  la  perdrait  autant  pour  lui  que  pour  eux  ,  et  les 
rendrait  sujets  aux  mêmes  peiues ,  m  transgression  étant  deve- 
nue celle  de  cliacuD  ,en  lui  comme  cause,  etdiins  les  autres  comme 
lu  suite  du  pacte  contracté  par  eux  :  qu'ainsi  la  mOme  transe'es- 
ston ,  qui  était  en  lui  un  péché  actuel ,  Htit  duns  les  autres  la 
péché  originel  par  l'imputatioD  qui  leur  en  est  faite,  et  que  c'est 
ainsi  que  tout  le  monde  a  péché  en  lui  lorsqu'il  a  péché. 

Ce  sentiment  fut  suuienu  avec  beaucoup  de  Torce  par  Catliarin, 
dans  le  condlc  de  Trente,  et  il  a  été  adopté  pnr  presque  tous  les 
Proleslans. 

Huis  ce  sentiment  parait  contraire  A  tout  ce  que  l'Écriture  et  11 
tradition  nous  apprennent  du  péché  originel,  ^t  ne  s'accorde  pas 
bien  avec  les  idées  de  la  justice  et  de  la  bonté  do  Dieu  ;  car  pour 
imputer  un  crime  il  faut  un  consentement  formel  ;  un  consente* 
ment  présumé  oesurBlpas,  et  les  théologiens  qui  adoptent  lesen- 
limeut  de  l'imputation  ne  reconnaissent  point  d'ai 
mentdansles  enrans  d'Adam. 

Ce  pacte  peut  avoir  lieu  lorsqu'il  est  question  de  faire  du  b 
mai»  non  pas  lorsqu'il  s'egit  de  punir  positivement. 

La  EU|ipusilion  du  pacte  fait  entre  Dieu  et  Adam  ,  laquelle  sert 
de  base  ù  ce  sentiment,  est  une  supposition  chimérique ,  dont  Ca- 
iharin  n'a  donoéaucune  preuve. 

S'  lly  ■  des  théologiens  qui  croient  que,  depuis  le  péché  d' A- 
I  corps  a  été  corrompu ,  el  que  l'àme,  sortant  pure  dos 
ins  de  Dieu  et  s'uolssant  i  un  corps  corrompu ,  contracte  la 
corruption ,  comme  une  liqueur  pure  se  corrompt  dans  un  vase 
loTecié  :  ce  sentiment ,  indiqué  par  saint  Augustin,  a  été  suivi  par 
Cr^oire  deltimini,  Cnbrie1,  etc. 

Pour  expliquer  couiuieni  le  |>éehé  da  premier  homme  a  cur- 
rompu  sou  corps,  Grégoirt'  rie  Rîminl  suppose  que  le  serpent,  en 
conversant  avec  Eve ,  dii'îtji'n  contre  oUe  son  baleine  ,  et  que  son 
souille  COQ  la  gt  eus  iiilecla  le  uurps  d'I^ve.  t^ve  communiqua  sa  cou- 
lagion  ï  Adam ,  et  tous  deux  la  commualquërent  à  leurs  enfans  , 

nous  voyons  des  maladie»  bérédilaircs  dans  certains  pjys  g 
ftdan»  vertdiuus  rumilk';.. 


274  PEL 

Mais  quand  il  serait  vrai  que  le  souffle  du  serpent  ait  porté  dans 
le  corps  d*Ève  un  principe  de  corruption ,  quel  rapport  cette  con* 
ruption  a-t-elle  avec  le  péché,  qui  est  une  affection  de  l'Âme  ?  Une 
substance  immatérielle  peut-elle  se  corrompre  en  contractant  la 
corruption  du  corps ,  comme  une  liqueur  pure  se  corrompt  dans 
un  vase  infect  Y 

3»  Il  ya  des  théologiens  qui,  pour  expliquer  la  transmission  du 
péché  originel ,  supposent  que  Dieu  avait  formé  le  plan  de  faire 
nattre  tous  les  hommes  d*un  seul  par  voie  de  génération,  etqu*il 
a  établi  une  loi  par  laquelle  il  devait  unir  une  âme  à  un  corps  hu- 
main toutes  les  fois  que,  par  la  voie  de  la  génération  ,  il  se  for* 
merait  un  corps  humain. 

Dieu  ,  selon  ces  mêmes  théologiens ,  s'était  foit  une  loi  d*unir 
au  corps  humain  né  d*Adam  une  âme  semblable  à  celle  du  pre- 
mier homme. 

Adam,  par  son  péché,  perdit  la  gr&ce  originelle;  ainsi,  lorsqu*il 
engendra  un  fils,  Dieu  unit  à  son  corps  une  âme  privée  de  la  jus- 
tice originelle  et  des  dons  de  Tétat  d'innocence. 

Estius  remarque  que  ce  sentiment ,  indiqué  par  saint  Cyrille  el 
adopté  par  saint  Anselme,  n'explique  point  la  transmission  du  pé- 
ché originel,  parce  qu'il  ne  la  fait  consister  que  dans  la  privation 
de  la  justice  originelle  ,  ce  qui  ne  suffit  pas  pour  expliquer  le  pé- 
ché originel ,  qui  est  un  désordre  ;  car  il  serait  possible ,  selon 
Estius,  qu'une  âme  fût  privée  de  la  justice  originelle  et  qu'elle 
ne  fût  cependant  pas  coupable  ou  déréglée  ' . 

Ce  théologien  croit  donc  qu'il  faut  supposer  que  l'âme  privée  de 
la  justice  originelle  est  unie  à  un  corps  corrompu,  qui  commu- 
nique le  péché  à  l'âme  qui  lui  est  unie. 

Mais  le  corps  est-il  capable  de  pécher?  Peut-il  souiller  l'âme  1 
Voilà  ce  que  ni  Scot,  ni  Estius,  ni  aucun  des  théologiens  qui  sui- 
vent ce  sentiment  ^  n'ont  pu  faire  concevoir. 

Le  P.  Malebranche  et  M.  Nicole  ont  tâché  de  l'expliquer. 

Adam,  selon  leP.  Malebranclie,  fut  créé  dans  l'ordre;  et  comme 
l'ordre  veut  que  Dieu  n'agisse  que  pour  lui,  Adam  reçut  en  nais- 
sant un  penchant  qui  le  portait  à  Dieu  ,  et  une  lumière  qui  lui 
faisait  connaître  que  Dieu  seul  pouvait  le  rendre  heureux. 

Cependant,  comme  Adam  avait  un  corps  qui  n'était  pas  inalté- 

'  Cyrill.,  De  incarnat*  Anielm.>  De  concept.  Virginia,  c,  5.  De  Uh» 
arbltr.,  c  22.  Estius.  in  L  2,  Sent.  Distinct  di,  s.  1. 


■  PKL  275 

Mbie,  Cl  qu'il  détail  ^c  norirr'tr,  il  TiilLll  qu'il  TùL  averti  du  le- 
soin  iIl'  tiiciDger   et  qu'il  pùl  disliugucr  \f^  altmens  propres  ù  le    j 
nourrir  :  il  fullïil  donc  que  les  alîmena  propres  i  entretenir  i'har-   f 
monic  dans  le  corps  d'Adam  fissent  naître  dans  ton  ftme  dei  sen- 
lïmens  agréables ,  et  que  ceui  qui  lui  étaient  nuisibles  excita»-   ' 
sent  des  sensations  désagréables. 

Mais  ces  plaisirs  et  ces  mouvemens  ne  pouiaient  le  rendre  es- 
cbte  ni  malheureux  comme  nous ,  parce  qu'étant  innocent ,  il 
fiait iDHttre absolu  desmouvemensqui  s'exciialentdanssDneorps. 

L'ordre  demande  que  le  corps  Goit  soumis  à  l'Ame  ;  Adam  ar- 
rêtait done  à  son  gré  les  mouvement  qui  s'excitaient  dans  son 
corps;  en  sorte  que  les  impressions  sensibles  ne  l'e m péc liaient 
pas  d'aimer  uniquement  Dieu,  et  ne  le  portaient  point  ï  regarder 
le  corps  comme  la  cause  on  comuie  l'objet  dont  il  devait  atten- 
dre sou  bonheur. 

Après  qu'Adum  eut  péclië  ,  il  perdit  d'un  cGté  l'empire  qu'il 
avait  sur  ses  sens,  et  de  l'autre  la  justice  originelle  :  les  impres- 
sions des  objets  extérieurs  produisirent  en  lui  des  impressions   { 
qu'il  ne  Tut  pas  le  matlre  d'arrêter,  et  qui  le  portèrent  malgré  lui 
vers  les  objets  qui  excitaient  en  lui  des  senlimens  agréables. 

I)leu  avait  résolu  de  Taire  naître  tous  les  hommes  d'Adam  ,  eL 
d'unir  une  ïme  bumuioeau  corps  humain  qu'Adam  engendrerait; 
niuiï  Dieu  ,  selon  le  P.  Malebranche  ,  ne  devait  accorder  i  celte    . 
Sme  la  justice  originelle  qu'autant  qu'Adam  persévérerait  dans 

Ainïi  Adam  et  Eve.  après  leur  péclié,  1"  avaient  perdu  l'empire 
qu'ils  avaient  sur  leurs  sens  ,  et  les  corps  excitaient  en  eux 
plaisirs  qui  les  portaient  vers  lesobjetssensibles;â*Dieu  unissait  ' 
aux  corps  qu'ils  engendraient ,  une  Sme  privée  de  la  justice  ori- 
ginelle. 

Dieu ,  selon  le  P.  Malebranche  ,  avait  établi  ane  loi  par  la- 
quelle il  devait  j  avoir  un  commerce  continuel  entre  le  cerveau    . 
de  la  mère  et  le  cerveau  de  reniant  formé  dans  son  sein  ;  en  aorte 
que  tous  les  sentiinens  qui  s'excitent  dans  la  mère  devaient  s'exci- 
I    1er  dans  l'enfant. 

^^  L'JiDie  humaine  que  Dieu  unit  au  corps  humain  qui  se  forma 

pEÉns  le   tein  d'tve  après  son  péché  éprouvait  donc  toutes  les 

'  M)pre«sions  ipi'Ëvc  recevait  Aea  objets  sensibles  ;  et  comme  elle 

était  privée  de  la  juitice  originelle,  elle  éiaii  portée  vers  les  corps, 

elle  In  llmail  comme  la  lourcc  de  son  bonhear  :  elle  était  donc 


276  PEL 

dans  le  désordre ,  ou  plutôt  sa  volonté  éUiit  déréglée  ;  le  désordre 
de  sa  Yolonlé  n'était  point  libre;  mais  il  n'était  pas  moins  un  dé- 
sordre qui  déplaisait  à  Dieu  *. 

Cette  explication  porte  cerlaincment  rcinprcinlc  du  g^nîc  de 
Malebranche;  mais  elle  est  appuyée  sur  un  fondement  bien  faible, 
je  veux  dire  la  communication  entre  le  cerveau  de  la  mère  et  le 
cerveau  de  Penfant  :  cette  communication  n*est  point  prouvée;  ces 
taches  que  les  enfans  tiennent  de  leurs  mères,  et  que  le  P.  Male- 
branche a  prises  pour  les  images  des  objets  que  les  mères  ont  dé- 
sirés ardemment  pendant  leur  grossesse ,  ne  sont  que  les  suites 
d'un  sang  extravasé  par  un  mouvement  trop  violent,  qui  peut  bien 
être  occasioné  par  une  impression  vive  que  fait  sur  les  organes 
un  objet  sensible  ,  et  qui  se  communique  au  sang  de  Tenfant, 
parce  qu'il  y  a  en  effet  une  communication  entre  les  vaisseaux  san- 
guins de  la  mère  et  ceux  de  l'enfant  ;  mais  ce  sang  extravasé  ne 
suppose  pas  que  le  cerveau  de  l'enfant  ait  reçu  les  mêmes  impres- 
sions que  le  cerveau  de  la  mère  ;  rien  ne  conduit  à  cette  supposi- 
tion '. 

Voici  l'explication  de  M.  Nicole. 

«  L'expérience  fait  voir  que  les  inclinations  des  pères  se  com- 

>  rauniquent  aux  enfans  ,  et  que  leur  âme  venant  h  ôlre  jointe  à  la 
p  matière  qu'ils  tirent  de  leurs  parens  ,  elle  conçoit  des  affections 
»  semblables  à  cellesdc  ràmcde  ceux  dont  ils  tirent  la  naissance; 
»  ce  qui  ne  pourrait  éirc  si  le  corps  n'avait  certaines  disposi- 
9  tions  et  si  Tûmc  des  enfans  n'y  participait  en  concevant  des  in- 

>  clinations  pareilles  à  celles  de  leurs  pères  et  de  leurs  mères, 
»  qui  avaient  les  mômes  dispositions  du  corps. 

»  Cela  supposé,  il  faut  convenir  qu'Adam,  en  péchant,  se  pré- 
»  cipita  avec  une  telle  impétuosité  dans  l'amour  des  créatures 
»  qu'il  ne  changea  pas  seulement  son  âme  ,  mais  qu'il  troubla  l'é- 
»  conomie  de  son  corps  ,  qu'il  y  imprima  les  vestiges  de  ses  pas- 
»  sions,  et  que  cette  impression  fut  inûniment  plus  forte  et  plus 
»  profonde  que  celles  qui  se  font  par  les  péchés  que  les  hommes 

>  commettent  présentement. 

V  Adam  devint  donc  par-là  incapable  d'engendrer  des  enfans 

*  Maleb.,  Rcch.  de  la  vérité,  1. 1,  c.  5;  l.  2,  part  1,  c  7,  Éclaire  8. 
Conv.  chr.,  Entr.  4. 

2  Voyci  Dissert,  physiq.  sur  la  force  de  rimagination  des  femmes 
enceintes,  1737,  in-8.  Lettre  sur  l'imagination  des  visionnaires. 


PEL  31T 

li  euascni  Iti  corpi;  aulremc-nl  dlspost^  qu<-  le  tien  ;  Je  snrle 
b  queles  Smcs  ÉunijoinieB,  au  moment  qu'elles  sont  créées,  k  - 
k<e«scorps  corrompus,  elles  cou iraelent  des  indinnlions  con- 
f  furtnes  aux  Iriices  el  aux  vestiges  lm|iriinés  ilans  ces  corps  ,  M 
si  qu'elles  contnc-teot  l'amour  drfminaoi  des  clôtures, 
^  ce  qui  les  rend  ennemies  de  Dieu. 

■  Uiis  pourquoi  les  Ames ,  qui  s 
Il  tonlraciunt- elles  certaines  incli 
¥  dispositions  de  la  matière? 

>  Un  peut,  pour  expliquer  cela  ,  supposer  que  Dieu  ,  en  fur- 
liant  rC'Lre  de  l'homme  par  l'union  d'une  ïme  spirituelle  avee    , 
me   matière  corporelle  ,  et  Tonlnnt  que  les  hommes  liraisent 

•  leur  origine  d'un  seul ,  avait  élablices  deux  lois,  qu'il  jugea  nâ- 

it  ccssaircs  pour  un  être  de  eelle  nature  ; 

■  La  premiËre ,  qne  le  corps  des  enrans  semît  semblable  i  ce- 
■  lui  des  pares  ,   et  aui-ait  â  peu  pr^s  les  mêmes  impressions,  k 

moins  que  quelque  cause  ùlrangire  ne  les  altérât; 

•  1^  seconde  ,  que  rSnic  unie  au  corps  aurait  certaines  inclina-    | 
lions  lors(|iie  son  corps  aurait  certaines  înipressions. 

•  Ces  deux  lois  étaient  nécessaires  pour  la  pro|>agaiîon  du  genre  I 
io ,  et  elles  n'eussent  apporté  aucun  préjudice  aux  liora-   j 

■^ea  si  Adam,  eu  conservant  son  innocence,  eût  conserré  son   i 
~  ms  l'étal  auquel  Dieu  i'av^lt  Turmé  ;  mais  l'ayant  altéra  J 
B'etcorrompupBrsonpéelu^,  Il  justice  souveraine  de  Dieu,  înGnE-^  I 
it  élevée  au-dessus  delà  nature,  n'a  pas  jugé  qu'elle  dAtpodiË  \ 
tels  changer  les  luis  établies  avant  le  péclié  ;  et,  ces  lois  subsîi- 
I  tant,  Adam  a  cunimutiîquë  ï  ses  enfans  un  corps  corrompu. 

■  Mais  comment  duit-on  concevoir  cet  amour  dominant  delà 
ITcréBiureque  l'âme  contracte  lorsqu'elle  est  jointe  i  des  corpi 

_  ■   ■    neul  d'Adam? 

i>  On  doit  le  concevoir  comme  ou  conçoit  la  grSce  justifiant^  1 
u  tes  enrans  baptisés;  c'cst-â-dire  que,  comme  l'âme  des  eo^  J 
Jhns,  par  la  grficc  qu'elle  reçoit.esl  habituellement  tournée  vert  1 
"'         J'aime  de  la  manière  que  les  justes  aiineui  Dii'u  dù^  J 
r>Dt  le  sommeil,  de  même  l'âme  des  enrans,  parcelle  inclinalioit  j 
ju'elle  CDiilracte,  devient  liabituellcmeut  tournée  vers  la  crdti'    I 
[lare  comme  sa  fin  dernière ,  et  l'aime  comme  les  mécliaiuf  1 
it  le  monde  pendant  qu'ils  dorment  ;  enf  il  ne  faut  pas  s'imftt  I 
■^nerque  nos  inclinations  périssent  par  le  sommeil;  elles  chiiv  1 
Bgeul  seulement  il'éutl,  m  c^  înclioailons  guOisent  pour  rendra  J 
11.  2A 


It8  PEL 

»  les  ans  justes,  quand  elles  sont  bonnes,  et  les  autres  méclians , 
»  quand  elles  sont  man? aises  * .  » 

M.  Nicole  ne  Regarde  cette  explication  que  comme  ce  que  Ton 
peut  dire  de  plus  probable. 

Ce  que  nous  venons  de  dire  sur  les  diflerentes  explications  du 
péché  originel  est  en  quelque  sorte  Thistoire  de  Tesprit  humain 
par  rapporta  cet  objet;  nouspouYons  en  conclure:  i*  que  la  doctrine 
de  rÉglise  sur  le  péché  originel  n*est  point  FouTrage  de  Tesprit 
humain  ,  puisque  les  difTérens  états  par  lesquels  il  a  passé  n*ont 
fait  que  varier  les  explications  de  ce  dogme ,  et  n'en  ont  point  at- 
taqué Texistence ,  ou  ne  Tout  attaqué  que  par  T impossibilité  de 
Texpliquer  ,  ce  qui  me  paraît  supposer  nécessairement  que  ce 
dogme  n^est  point  un  dogme  imaginé  par  les  hommes. 

â*  Cette  histoire  peut  servir  à  nous  faire  connaître  à  pea  près 
les  progrès  de  la  raison  humaine  depuis  Origène  jusqu'à  Male- 
branche  et  Nicole. 

TROISIÈME  ERREUR  DE  PELAGE. 
Sur  la  nécemté  de  la  grâce. 

Pour  rendre  inexcusables  les  pécheurs  qui  n'obéissaient  pas  à 
Timpétuosité  de  son  zèle,  Pelage  prétendait  trouver  dansThomme 
même  toutes  les  ressources  nécessaires  pour  arriver  au  plus  haut 
degré  de  perfection,  et  combattait  tous  les  dogmes  qui  paraissaient 
établir  la  corruption  originelle  de  Thomme,  ou  donner  des  bornes 
à  ses  Torces  naturelles  pour  le  bien  et  ne  point  faire  dépendre  en- 
tièrement de  lui  son  salut  et  sa  vertu  ;  il  nia  donc,  non-seulement 
le  péché  originel ,  mais  encore  la  nécessité  de  la  grâce. 

La  liberté  de  Phomme  était  la  base  sur  laquelle  il  établissait 
ce  dernier  sentiment. 

Dieu ,  disaient  les  Pélagiens ,  n'a  point  voulu  que  l'homme  fût 
porté  nécessairement  au  vice  ou  à  la  vertu  ;  il  l'a  créé  avec  la  li- 
berté de  se  porter  à  l'un  ou  à  l'autre  :  c'est  une  vérité  générale- 
ment reconnue,  et  que  l'Ëglise  a  constamment  enseignée,  contre 
les  Marcionites,les  Manichéens,  et  contre  les  philosophes  païens. 
Il  est  donc  certain  que  l'homme  naît  avec  la  liberté  d'être  vertueux 
ou  vicieux,  et  qu'il  devient  l'un  et  l'autre  par  choix:  l'homme  a 
donc  une  vraie  puissance  de  faire  le  bien  ou  le  mal,  et  il  est  li- 
bre à  ces  deux  égards. 

*  Nicole,  luslr.  sur  le  Symbole,  seconde  iostr.,  scct.  A,  c  2, 


PKL  m  ] 

Lu  liberLùUe  bîre  une  ubote  su|)piiïeiiiii.*ui^suirpmi!iilKiréunioa   l 
s  ei  Je  luuies  les  coiidiiiuns  nécessaires  poof  I 
I  faire  celle  cbose,  cl  l'on  n'esl  puint  libre  i>  l'égard  d'un  elTtt  iqn- 
I  les  les  toi»  qu'il  manque  une  des  uauses  ou  des  conditiuns  nalurelt    I 
BjJtPienl  requises  pour  produire  ccl  cITel. 

Ainsi,  pour  avoir  la  lilterié  de  voir  les  objcls,  il  bui  non-seu)4>  I 
Hil  ivoir  la  Tiicuhâ  de  voir  saine  et  entiËre,  mais  citioru  il  tn^y  \ 
le  l'oltjetsoU  éclairé  et  daas  une  cerlaine  distance;  ci,  quelque)  ( 
s  yaux  que  l'on  eùl,  on  n'aunît  point  la  liberlË  de  voir  cef  ' 
ts  si  l'on  éiaii  dans  les  tf^nëbrcs  ou  si  l'objet  éuil  ï  une  cjia?    ' 
9  Irop  gninde  :  puit  donc  que  l'iioaime  natl  avec  la  llberlâ 
e  fiire  le  bien  ou  le  mal,  il  reçoit  de  la  nature  et  riïunil  en  luj 
f  tomes  les  conditioas  cl  toutes  les  causes  naturellement  requises  et 
saires  pour  le  bien  ou  pour  le  mal. 
Li  grtce  ne  lui  est  donc  pas  nécessaire,  ou,  si  l'bomme  a  besoiq 
s  extraordinaire  et  difTérent  des  qualités  qu'il  reçojt 


il  natt  SI 


e  Tatulilé  inévitable,  il  e: 


d«  la  nal 
liixirté. 

Ou  se  souleva  contre  ce  senlimCDl  de  Pelage,  et  un  lui  oppos^ 
rauloriiê  del'lilcriture  qui  nous  enseigne  que  personne  ne  pei^t 
aller  ï  Dieu  si  Jésus-Cbrisl  ne  l'aiiire  )  que  nous  n'avons  rien  qua 
nous  n'ajons  rei;u,  El  que  nous  ne  devons  pas  nous  gloriOec 
l'umnie  s'il  y  avait  quelque  cboae  que  nous  n'eussions  pas  reçu  ; 
que  c'est  la  grlSce  qui  nous  sauve  par  la  foi;  que  cela  ne  vient  pi; 
de  nous,  puisque  c'est  le  don  de  Dieu  ;  que  nous  ne  sommes  paq 
capables  de  former  aucune  bonne  peosée  de  nous-inâmes,  mais 
que  c'est  Dieu  qui  nuus  en  rend  capables  '. 

A  l'autorilé  de  l'Ëcrilure  les  catboliques  joiguaîeiit  le  lèinai-> 
geage  des  Pères,  car  il  ne  Tant  pas  croire  que  les  Pèrea  qui  ont 
précédé  Pelage  aient  ilé  Pélagiens.  Sainl  Augustin  lit  fuir  que  la 
doclrine  de  l'élise  sur  la  nécessité  de  la  grïce  était  clairement 
enseignée  par  lea  Pères  des  luatre  premiers  siècles,  et  que  ces 
saints  docteurs  n'avaient  Taii  que  transmettre  ce  qu'ils  avaient  ap- 
pris, ei  cneeigner  b  leurs  enlans  ce  qu'ils  avaient  Tei:u  de  leurs 


Il  Jnban.  e,  V.  iA-  Ail  Epbe*.  3,  y.  6.  Secandw  ad  Cor,,  e.  3,  y,  s, 
■  1«  1  et  1  cont.  iul.  L.  i  ad  Douit,  C  8.  De  boua  perwv,  c,  i,  S,  IB. 


280  PEL 

«  Mais  quand  on  ne  voudrail  pas  en  croire  saint  Augustin^  lé- 
»  moin  si  irréprochable  en  cette  occasion,  sans  avoir  besoin  de 
9  discuter  les  passages  particuliers  qu*il  a  produits,  personne  ne 

>  niera  ce  fait  public  que  les  Pélagiens  trouyèrent  toute  TÊglise 

>  en  possession  de  demander  dans  toutes  ses  prières  la  grâce  de 

>  Dieu  comme  un  secours  nécessaire,  non-seulement  pour  bien 
»  croire,  mais  encore  pour  bien  prier  ;  ce  qui  étant  supposé 
»  comme  constant  et  incontestable,  il  n'y  aurait  rien  de  plus  in* 

>  juste  que  de  soutenir  après  cela  que  la  foi  de  TËglise  ne  fût 
»  point  parfaite  sur  la  grâce  *,  » 

La  nécessité  de  la  grâce  était  crue  si  généralement  que  Pelage, 
en  l'attaquant,  souleva  tous  les  fidèles  et  fut  obligé  de  le  recon* 
naître  dans  le  concile  de  Palestioe. 

Enfin  les  conciles  assemblés  contre  Pelage  et  les  sonyerains 
pontifes  ont  constamment  reconnu  la  nécessité  de  la  grâce  pour 
toutes  les  œuvres  du  salut  *. 

La  nécessité  de  la  grâce  n'était  point  contraire  à  la  liberté  : 
lorsqu'on  disait  que  la  grâce  était  nécessaire,  on  ne  niait  pas  que 
l'homme  n'eût  naturellement  le  pouvoir  de  faire  le  bien  ou  le 
mal  ;  mais  on  prétendait  qu'avec  ce  pouvoir  on  ne  pouvait  jamais 
aller  â  Jésus-Christ  ;  qu'avec  ce  pouvoir  on  pouvait  faire  le  mal, 
mais  qu'on  ne  pouvait  jamais  aller  à  Jésus-Christ  sans  la  grâce  : 
ce  dogme  de  la  nécessité  de  la  grâce  pour  les  œuvres  du  salut 
n'était  point  contraire  à  la  liberté  de  l'homme  pour  les  choses 
d'un  ordre  naturel;  ainsi  la  nécessité  de  la  grâce  n'était  point  op- 
posée à  la  liberté  qu'on  avait  défendue  contre  les  Manichéens. 

En  distinguant  soigneusement  ces  deux  objets,  on  explique 
tous  les  passages  dans  lesquels  les  Pères  paraissent  ne  pas  suppo- 
ser la  nécessité  de  la  grâce,  et  l'on  fait  voir  qu'ils  n'élaient  point 
favorables  au  Pélagianisme. 

QUATRIÈME  ERREUR  DE  PELAGE. 

Sur  la  nature  de  la  grâce,  dont  il  reconnut  la  nécessité. 

Pelage,  voyant  que  ses  seniimens  révoltaient  les  fidèles  et  qu'il 

*  Bossuct,  premier  avcrlissemcnl  sur  les  Lcllres  de  Jur.,  arl,  3à* 

*  Conc  Carthag.  1,  Conc.  52.  Conc  Milcv.  in  Ep.  ad  Innoc  Cari. 
8,  Voyez,  sur  ce  détail,  l'art.  Pelage  j  Vossius,  Noris,  Garnier,  HisU 
peJagJanac  hxrcsis. 


PEL 


aftt 


e  pouvnil  cuîilesler  l'aullipndli';  ilos  paswgps  proJuils  |iar  les 
Mliqiles,  lAclia  de  les  expliquer  «I  prûleiulil  qu'il  ne  niait  point  1 
I  Décesiîlêdo  1agr:^ce  lollc  que  l'iCc ri ture  renseignais 
Eneiïet,  digaitCiïlagc.il  rjulillnelaulbominequi  agildUli»-    ] 
a  choses  ;  le  pouToir,  lo  vouloir  ei  l'action, 
)n  est  l'elTet  de  nuire  volonlé  ;  c'esl  noire  délerminatinB   ] 
'gui  la  produit. 

i  c'esl  de  Dieu  icul  que  nous  tenons  le  pouvoir;  c'es' 
iii  seul  quo  tiens  tenons  l'existence,  noire  volonté  et  toutes 
'hcullés  ;  c'est  de  lui  que  nous  tenons  le  pouvoir  que  nous  31 

;  il  ne  nous  doîl  ni  l'oiialence  ni  | 
le  grjtce,  ei  Dieu  esl  la  cause  pi 

us  enseigne  la  nécessité  est  la  grftce  1 
is  Tait  aller  &  Ji^us-Christ  et  sans  ' 
ï  lui  ;  or  celle  grïce  n'est  ni  l'e 


'it  penser  et  de  vouloir  le  bien 

k  ces  TacuItL^s  ;  elles  sont  donc  ui 

ci  pale  de  nos  actions  et  de  nos 

La  grice  dont  l'Écriture  n 
du  Rôdempleur,  celle  qui  no 
L  quelle  nous  ne  pouvons  aile 
li  la  conservation. 
'  Pelage  Tut  donc  obligé  de  reconnaître  une  grâce  diOércnle  èm  J 
^bre  arbitre  et  de  l'existence  :  comme  celte  gr9ce  nous  Taisah  j 
bannaltre  Jésus-Christ  et  nous  conduisait  il  lui,  il  prétendit  qo,»  1 
la  ^ce  nécessaire  pour  se  sauver  âisil  la  prédication  do  l'I^vanà 
~  !,  les  miracles  que  Jésus-Christ  avail  opérés,  les  exemples  qu^  i 
it  donnés,  etc. 

Les  catholiques  prouvèrent  que  cette  grilce  était  une  aciiot 
Vleu  sur  l'entendement  et  sur  la  volonté  ;  ils  prouvèrent  ï  Pélags:  j 

en  nous  le  vouloir  et  le  faire  ;  que  la  grice  de  Je- 
^us-Qiriit  se  répand  dans  nos  coeurs,  etc.  *. 

Félnge,  pressé  par  ces  raisons,  reconnut  la  nécessité  d'une 
grlce  Intérieure  ;  mais  il  prétendit  qu'elle  n'était  nécessaire  qua 
pour  agir  plus  facilement. 

Il  M  accablé  par  tous  les  passages  qui  disent  que  nous  ne 
pouvons  rien  Taire  sans  Jésus-Clirisl,  etc. 

Les  Pélagiens,  qui  n'avaient  nli^  le  péché  originel  cl  la  nécessité 

_  de  la  grïce  que  pour  Tiiire  dépendre  de  l'homme  même  sou  salut, 

le  pouvant  méconnaître  ni  le  péché  originel,  ni  la  nécessité  d'une 

fpâce  intérieure  qui  éclaire  l'entendement  et  qui  louche  la  to- 

<  PHag.,  I.  a  De  tib.  arbltr.,  cité  par  saint  Aug.,  De  graU  cbrist. 
fc  A.  De  gestis  Palefitln.  I 
*  Aug.,  Dcgrgl.clir. 


lonté;  les  Pélagieos^  dis-je,  pour  faire  toujoun  dépendre  de 
rhomme  même  son  salut,  prétendirent  que  cette  gr&ee  intérieure 
8*accordait  aux  mérites  des  hommes  :  ils  conservaient  par  ce 
BK>yen  le  point  fondamental  de  leur  système  *. 

Cette  erreur  sur  la  grâce  fut  condamnée  par  le  concile  de  la 
Palestine  et  par  PéUge  même,  mais  de  mauvaise  foi,  conune  saint 
Augustin  le  prouve  *. 

La  foi  de  TÉglise  sur  la  gratuité  de  la  grâce  n*a  jamais  v^irié  : 
cependant  elle  ne  fut  pas  définie  expressément  dans  les  conciles 
d^Afrique,  soit  qu*on  n^ait  pas  voulu  s^étendre  sur  cette  question 
sur  laquelle  quelques  personnes  marquaient  de  Fembarras,  soit 
parce  que  de  la  gratuité  de  la  grâce  on  était  allé  jusqu*att  dogme 
de  la  prédestination  qu*il  n*était  pas  à  propos  de  toucher  '. 

On  n*a  défini  rien  de  plus  sur  la  grâce  dans  les  conciles  contre 
les  Pélagiens  :  on  ne  trouve  pas  qu'on  ait  traité  ni  la  manière 
dont  cette  gr&ce  opère,  ni  son  efficacité. 

Toutes  ces  questions  furent  des  suites  nécessaires  des  réflexions 
qu'on  fit  sur  les  écrits  de  saint  Augustin  contre  les  Pélagiens  et 
sur  la  prédestination  *, 

Pour  s*en  convaincre  il  ne  faut  que  se  rappeler  Torigine  et  le 
développement  du  Pélagianisme,  le  principe  d*où  Pelage  partit 
et  les  questions  qui  entraient  essentiellement  dans  le  plan  do  sa 
défense  :  il  est  clair  que  la  manière  dont  la  grâce  opère  était  ab- 
solument étrangère  à  ce  plan,  et,  dans  le  fond,  les  conciles  qui  ont 
condamné  les  Pélagiens  n'ont  porté  sur  cet  objet  aucun  jugement. 

L'histoire  du  Pélagianisme  et  de  ses  dogmes  a  été  bien  traitée 
par  Vossius,  par  le  P.  Garnier,  par  le  cardinal  Noris  et  par  Ussé- 
rius  dans  ses  Antiquités  de  TÉglise  britannique. 

PÉRÉENS  ou  PiàRATiQL'ES.  Voyez  ëuphrate. 

PIIOTIN,  originaire  de  Galatio,  fut  d'abord  disciple  de  Marcel 
d'Ancyre. 

Marcel,  évéque  d'Ancyre,  avait  assisté  au  concile  de  Nicée  et  y 
avait  combattu  les  erreurs  des  Ariens  :  il  écrivit  depuis  contre 
Asture  et  contre  les  autres  évêqucs  du  parti  d'Arius  un  livre  in- 

*  Aug.  cont.  Jul.,  L  4,  e.  3  et  8.  Ep.  ad  Vital  de  graL  chr.,  c.  S2, 
23.  Ep.  106,  c.  18. 

>  Ibid.  Garnier,  Uist  Pelag.,  disscrL  j!,  p.  171. 
'  Garnier,  ibid.,  dissert.  7, 

*  Ibid.,  p.  302. 


36> 
P  tllulé  :  Dt  la  toumitiian  it  Jé$ut-Chfitt.  il  unnça  dans  ce  1 
des  proposjrione  favorables  au  Sabellianisme  :  il  fut  accusi 
cette  hértsie  par  les  Eusébïens  et  condamné  par  le  concili 
ConsMiiiiDuple,  tCDU  par  les  Arien*  l'an  3116  ;  eusuile  il  fut  exilé    I 
el  obligé  de  se  réiugier  en  Occideni  dans  li?  niiuie  tvinps  que   i 
saint  Alhanasefut  obligé  de  sortir  d'Alex^indrïe  ;  te  piipe  Jules  la 
reçut  i  U  communion  et  prononça  en  sa  faveur  une  sentence  d'ab- 
solution dans  le  concile  de  Home. 

Pholia  >  qui  avait  été  disciple  de  Marcel  et  qui  avait  cru  voir 
dans  ses  ouvrages  les  sentiniens  de  Sibellius,  le»  »\ùl  adoptés  «t 
les  professa  ;  il  soutint  que  le  Verbe  n'était  qu'un  attribut  et    ' 
nia  son  union  byposiatiqne  avec  la  nature  humaine  '. 

A  peine  avait-il  commencé  de  découvrir  sun  erreur  ,  qu'elle 
fui  condamnée  par  les  évé<)ues  d'Orient  dans  un  concile  qui  sellât 
â  Aniiocbe  en  3iii,  el  par  les  évéqucs  d'Occident  en  3iG. 

Deux  ans  aprÈs,  ces  derniers  s'assemblèrent  pour  le  déposer  et 
n'en  purent  venir  i  boni  à  cause  de  l'opposiiioa  du  peuple. 

Uurcel  eut  recours  h  l'empereur  et  lui  demanda  une  l'onrérence.; 
Basile  d'Antiuclie  fut  nommé  pour  disputer  cimire  lui  :  Pliotin  fut    . 
confondu  dans  la  dispute  el  ensuite  exilé.  Il  .tïait  répandu  son 
erreur  dans  riUjrie ,  mais  il  eut  peu  de  sectateurs  ;  le  parti  aricn 
étoutTa  cette  Itérésie. 

PflOTlUS,  patriarche  de  Conslanlinople  ,   fut   l'auteur  A 
echiame  entre  l'Ëglise  de  Consiantinuple  el  l'ËgUse  romaiae. 

Uicliel  m  s'était  eoseveli  dans  les  plaisirs  et  avait  abundosni   I 
le  gouvernement  de  l'empire  i  bardas,  son  oncle.  Bardas,  auast 
voluptueux  et  plus  puissant  que  Micliel  ,  épousa  sa  nicce*. 

Ignace ,  putriarclie  de  Constantinnpie ,  cnndujuna  haulenieiit  l> 
conduite  de  Hardis  et  ne  voulut  point  rudiueiire  il  la  cornivumon 
le  jour  de  r Epiphanie. 

[tardas  ,  pour  se  venger,  gagna  des  témoins  qui  accusèreni 
Ignace  d'avoir  fait  mourir  Métliodiu» ,  son  préiléccsseur  :  U  as- 
sembla un  concile  ,  fit  déposer  Ignace  etplaca  Pluitius  sur  le  siège 
de  Cou Blantinuple. 

ius  était  riche  et  d'une  nuissance  illustre  ;  il  avait  cultivé 
,  enibrassé  toutes  les  sciences  el  s'était  rendu  rocuuunan- 


BEpipli,,  Hxr.  71.  Vincrtit  l.jriu.  Comnxir 
■fc  Soi.,  I.  à.  c.  U. 


,  r,  îlB.  Socrnl.,  I.  ), 


284  PHO 

dable  par  sa  sagesse ,  par  sa  prudence  et  par  sa  deiLtérilé  dans  le 
maniement  des  afiaires. 

Cependant  la  déposition  d*Ignace  et  Télection  de  Photios  ne 
furent  pas  approuvées  de  tout  le  monde  ;  le  peuple  se  partagea 
entre  Ignace  et  le  nouveau  patriarche ,  et  Ton  vit  bientôt  éclater 
une  sédition  * . 

Pour  calmer  le  peuple,  Tempereur  pria  le  pape  Nicolas  !<' 
d'envoyer  des  légats  à  Constant! nople ,  pour  que  Ton  juge&t  entre 
Photius  et  Ignace.  Lorsque  les  légats  furent  arrivés ,  Tempereur 
et  Photius  les  séduisirent  ;  on  altéra  les  lettres  du  pape  et  Ton 
convoqua  un  concile.  Plus  de  soixante-dix  faux  témoins  déposè- 
rent quignace  n*avait  pas  été  canoniquement  ordonné;  qu*il  était 
intrus  par  la  puissance  séculière  dans  TËglise  de  Constantinople, 
qu'il  gouvernait  tyranniquement. 

Un  seul  évéque  demanda  qu'on  examinât  la  vérité  des  témoi- 
gnages^ et  parut  en  douter.  Hfutblàmé^  maltraité  et  chassé  :  per- 
sonne n'osa  plus  parler  en  faveur  d'Ignace ,  et  il  fut  déposé  parle 
concile. 

Comment  M.  Basnage  prétend-il  après  cela  qu'on  ne  doit  pas 
crier  si  haut  contre  la  déposition  d'Ignace  et  que  les  évoques  ju- 
gèrent comme  ils  le  devaient  '? 

Le  pape  découvrit  la  prévarication  de  ses  légats  et  les  faussetés 
de  Photius  ;  il  assembla  un  concile  et  condamna  Photius  '. 

Photius,  de  son  côté  ,  assembla  un  concile  dans  lequel  de  faux 
témoins  accusèrent  Nicolas  de  difTérens  crimes  :  on  chassa  du 
concile  tous  ceux  qui  voulurent  examiner  la  vérité  des  témoigna- 
ges et  l'on  excommunia  le  pape  Nicolas.  Dans  quelle  corruption 
ne  fallait-il  pas  que  la  cour  de  Constantinople  fût  tombée  pour 
que  Photius  osât  risquer  de  pareilles  impostures  ! 

Photius  avait  trop  d'nmbiiion  et  trop  de  génie  pour  s'en  tenir 
h  l'excommunication  porlée  contre  le  pape;  il  forma  le  projet  de 
se  faire  reconnaître  patriarche  universel ,  et  de  séparer  toute  l'É- 
glise de  la  communion  de  TÉgliso  de  Rome,  dont  le  patriarche 
était  un  obstacle  invincible  ù  ses  prétentions,  et  qui  avait  joui 
jusqu'alors  incontestablement  de  la  primalie  universelle. 

11  n*y  avait  aucune  diflcrence  entre  la  foi  de  l'Église  de  Con- 

*  Nicetas,  Vita  Ignal.  Baron  ad  an.  860. 

•^  Basnage,  HisU  de  l'Église,  1.  6,  c.  6,  p.  328,  t.  1. 

*  Epibl.  Nicol.,  1,  /i,  7. 10,  13,  Anablas  lu  Nicol.,  1. 


l'HO 


2SS 


sianlino|iIe  cl  CL'lle  cle  l'i'fjlise  nimaine;  mais  qiioiqne  l'h'ljjUse 
grecque  reconnut,  comine  IT'glisu  latine,  que  le  Suinl-Esprit 
procède  du  PËre  cl  du  FiU,  clic  avait  conserré  le  sjmbote  de 
CoD&iiatinople ,  dan»  kquel  it  n'est  pas  ctprîmù  que  le  Saint- 
Etpril  procj^de  ilu  Fils. 

Celte  addition  ne  s'était  point  Wxiv  pnr  l'auiorilâ  d'un  conrile  ; 
elle  s'6iait  introduite  înseniiblemcnt  et  avait  £tË  adoptée  par 
toutes  les  Ë(;lises  du  rit  mmain. 

L'Église  erecqur  et  T^îse  latine  dilTéraicni  enroro  sur  quel- 
ques points  de  discipline  :  tel  fiait ,  dans  l'Ëglise  laline ,  l'u- 
sage lie  jeûner  le  saineili ,  de  pcrineiirc  l'usage  du  lait  et  celui  du 
frouiage  en  carâme ,  d'obliger  tous  les  prflres  au  cËlïbat ,  etc. 

Pliolius  rrul ,  i  la  faTcur  de  ces  diiTérens  objets ,  pouvoir  ro- 
présenier  l'Ëglîse  romaino  comme  une  ËglJse  engagée  dans  de* 
erreurs  et  dans  des  désurdrcH  qu'on  ne  pouvait  tolérer  :  il  écrivit 
des  lettres  h  toutes  les  Églises  d'Orient;  il  les  fit  passer  dam 
l'Occident,  et  convoqua  un  conrile  qui  se  sépara  de  la  commu:- 
nion  du  pape  et  de  celle  de  son  Église  <. 

Tout  sauiblait  concourir  au  succj^  des  desseins  de  Photius  ;    1 
il  était  iDUt-puissant  auprès  de  l'empereur  ,  il  était  savant ,  élo- 
quent ,  et  les  révolutions  auiquclles  l'Occident  avait  été  sujet  de- 
puis plusieurs  siècles  y  avaient  tenu  le  clergé  dans  l'ignorance , 
si  favorable  et  si  nécessaire  au  progrès  des  nouveautés  et  des  er- 


ie  pape  avait  d'ailleurs  des  ennemis  irës-puissans  en  Occident; 
tels  étaient  Louis,  empereur  d'Occident;  l^ouis,  roi  de  France; 
Lotliaire,  roi  de  Lorraine;  des  arobevéqocset desévèques*. 

Photius  se  trompait  ;  les  évéques  et  les  ibéologîcns  de  l'Église 
latine  réruiérent  ses  accusations,  et  personne  ne  se  sépara  du 
pape  en  Occident. 
~    En  Orient ,  l'vmpereur  Micliul  avait  Tait  assassiner  Bardas ,  et 

fait  iMé  lui-itiËute  par  Dasile-lo-llacùdunicn ,  que  Hictiel  avait 

1â  César  cl  qui  s'ùlalt  emparé  du  l'eiiipiru, 
■  PLotius  eut  le  courage  de  lui  reproclier  son  crime ,  et  lui  refusa 
^«omBunion.  Basile  Gt  enfermer  Pliotius  dans  un  mouastiire, 
I  Ignace,  écrivit  au  pape,  lit  conviHiner  un  concile  qui 

I.  in  «Il  N1coI.,I.  Hicilapud Baron. 
*  ftiKlnalil.  Aniiat.  Berlin,  llinemar.  De  divorliu  Lolliaril  et  Tli 

S-  Burou  ad  au.  <i92.  .Itenlin.  Aunal.,  ï. 


SS6  PUO 

déposa  PUolius  et  rétablit  Ignace  sur  le  siège  de  Cunstaptii)Qp)e  \» 

Ce  conpile  est  le  huitième  général  qui  rendit  la  paix  à  TÉgliie 
et  rétablit  la  communion  entre  les  Grecs  et  les  Latins.  Nicolas  I*^ 
était  mort,  et  ce  fut  sous  Adrien  II  que  ce  concile  se  tint  *. 

Photitts  ne  perdit  point  Tespérance  de  remonter  sur  le  siège 
de  Gonstantinople  ;  du  fond  de  son  monastère ,  il  tendit  des  pièges 
à  la  vanité  de  Basile  ;  il  le  flatta,  reprit  insensiblement  du  crédit 
et  de  la  faveur  à  la  cour,  obtint  un  logement  dans  le  palais ,  et 
après  la  mort  d'Ignace  remonta  sur  le  siège  de  Gonstantinople. 

L'empereur  s'employa  pour  ménager  son  raccommodement  avec 
l'Ëglise  de  Rome,  il  repriêsenta  au  pape  que  le  rétablissement  de 
Pliotius  était  nécessaire  au  bien  de  la  paix  et  pour  la  réunion  des 
esprits;  l'empereur  ajoutait  qu'Ignace  avait  lui-même  souhaité 
qu'on  le  rétablit  :  on  rapportait  un  écrit  fait  en  son  nom ,  paf 
lequel  il  le  demandait  au  pape. 

Basile,  dont  les  forces  commençaient  à  se  rétablir  en  Italie  | 
insinuait  au  pape  qu'il  délivrerait  les  côtes  de  la  Campanie  des 
incursions  des  Sarrasins  et  qu'il  rendrait  à  l'Église  de  Rome  la 
Bulgarie ,  qu'Ignace  même  avait  refusée  au  pape. 

Jean  Vlll  répondit  à  l'empereur  que  le  patriarche  Ignace , 
d'heureuse  mémoire,  étant  mort,  il  consentait,  à  cause  de  la 
nécessité  présente  et  pour  le  bien  de  la  paix,  que  Photius  fût  re- 
connu patriarche  de  Gonstantinople  ,  après  qu'il  aurait  fait  satis- 
faction et  demandé  pardon  devant  un  synode  '. 

Lorsque  la  lettre  et  les  légats  du  pape  furent  arrivés  à  Çgn- 
stantinople,  Photius  fit  assembler  un  concile  :  on  y  lut  les  lettres 
de  Jean  VUi  à  l'empereur  et  à  Photius  ;  mais  elles  avaient  été 
falsifiées  et  l'on  y  avait  retranché  ce  qui  regardait  la  personne 
d'Ignace ,  le  pardon  que  l'on  enjoignait  à  Photius ,  et  la  cundaqn- 
nation  du  concile  qu'il  avait  assemblé  et  qu'il  appelait  le  hui- 
tième. 

Le  concile  assemblé  par  Photius  le  reconnut  pour  légitime 
patriarche ,  et  condamna  le  huitième  concile  qui  avait  condanmé 
Photius  *. 

*  Baron  ad.  an.  8A7.  Gonc  8.  Dupin ,  Hist.  du  neuvième  siècle,  e.  9. 
Natal.  Alex,  in  saec.  9,  dissert,  à» 

^  EpisL  Joan.,  199. 

*  EpisL  Joan.,  199. 

*  Baron  ad  an.  879.  Natal.  Alex,  insasc*  9,  disserL  4.  PanopU  cmitr, 
Schism.  graec.,  ssec,  9,  c«  3,  p.  165. 


I 


PIR 


2ftT 


[,e  piipe  ipprii  que  la  paii  éiail  rétablie ,  ei  il  en  fi^lidm  IVi 
pHPur  et  l'hntiui  ;  m»U  lorsqu'il  copniit  &  quelles  (^undilinns  la 
paix  ''Uii  réiablie,  il  condamna  tout  ce  que  les  légats  avaient  hit. 
Marin  et  Adrien,  ses  successeurs,  coDHrmèreot  son  jugemenl 
conire  Phollus  '. 

Basile  mourui  alors,  et  Léon  VI,  snn  Gla  ,  lui  suecéds. 

1/on  avait  un  cousin  que  l'on  priiendail  que  Pliolins  avait  des- 
sein d'élever  !i  l'empire  :  on  le  dit  k  Léon  ,  il  le  crut ,  et  Rassit 
Phntius  dasièee  ite Constanlinople  .  sur  leqnel  il  pinça  sonlVÈre, 

Pliolins  se  retira  dans  un  monaslpre  ,  Où  ri  Qiill  trnnquillement 
sea  jonrs;  sa  retraite  rfublil  la  communion  entre  l'Ëglise  dé 
Home  et  l'Ëg^lise  de  Conslanlinople  *. 

yiieiquKS  auteur*  ont  voulu  jnsiiller  Pliolîus,  mai»  sans  rai- 
son :  on  ne  peut  nier  que  l'e  ^rand  homme  n'ait  mis  dans  tOulB 
sa  conduite,  par  rapport  3u  patriarcat,  une  mauvaise  Toi ,  une 
imposture  insigne  ', 

PlEfinE  DE  BRUTS  tétait  un  simple  laïque,  qui  enseignait 
qu'il  ne  fallait  point  donner  le  baptême  aux  f  nfans  ,  et  qu'il  l'tait 
inutile  i  tousceui  qui  ne  pouiaient  pas  faire  un  acte  de  foi  en  la 
recevant.  1"  Il  condamnait  l'usagedes  églises,  des  temples,  des 
antels,  et  les  fïisail  aljatlre.  2*  H  condamnait  le  culte  des  croix, 
et  les  Faisait  briser.  3-  Il  croyait  la  messe  inutile ,  et  en  défendait 
la  ctMébraLîon,  4*  II  enseignait  que  les  aumônes  et  les  prières 
étaient  inutiles  aux  morts ,  et  défendait  de  chanter  les  louanges  de 
Dieu. 

I.a  France  avait  été  infectée ,  un  siècle  auparavant,  deseneurs 
des  Uanichéens;  on  en  avait  brillé  beaucoup  dans  diS£reaies  pro- 
vinces :  l'extrême  ri{{ueur  avec  laquelle  on  les  avait  traités  tes 
rendit  plus  circonspects;  mais  elle  augmenta  leur  haine  contre  ' 
le  clergé,  qui  avait  excité  contre  eui  le  zèle  des  princes.  Le  dé- 
tic  du  se  venger  du  clergé  devint  l'ubjei  principal  de  ces  fanaii- 

■  D.-iron.  Panopl.,  loc.  cîL 

>  Ziiiiar.  Baron  ad  an  SBO.  Curopalal.  Dup.,  îbid. 

>  Tout  ce  qui  regarde  Pholins  se  trouve  dauiles  LcUrri  de  NicoliisI" 
«  d'Adrien  IL  Vecni,  I.  3,  De  proceMÎaue  ^ril.  9.  Nieelat,  ViUs 
Ignallri  dauii  Scbntiis,  Pnpf.  sur  In  BibIJOI.  de  PIidIJU»!  dans  LC4 
AHaliiu,  De  sjnudo  Phatïanl  ;  dam  Fleur;;  dans  k»  Hiivolutiani  de 
Conilnnlinople,  |iar  M.  de  Buri)(n]',  t.  S. 

Phntius  0  fiiil  un  t^rand  nombre  d'cicclleus  miiTa([PS,  sur  icsqucli  H    ' 
faiil  roniultrr  lo  n)tiU')lli»q<ie  de  Kubricius,  (.  0,  e,  38,  p.  SeO. 


288  PIE 

ques  ;  ils  furent  donc  porios  à  aitaqucr  tout  ce  qui  conciliait  de  la 
considération,  da  respect  et  de  Tautorilé  au  clergé;  ils  attaquèrent 
Tefficacité  des  sacremens ,  les  cérénionies  de  PÉglise  ,  la  diffé- 
rence que  Tordre  met  entre  les  simples  laïques  et  le  clergé,  et  en- 
lin  Tautorité  des  pasteurs  du  premier  ordre. 

Occupés  de  ces  objets ,  ils  abandonnèrent  insensiblement  les 
dogmes  du  Manichéisme ,  qu'il  était  trop  dangereux  de  défendre , 
et  attaquèrent  les  sacremens ,  le  clergé ,  les  cérémonies ,  etc. 

Les  désordres  et  Tignorance  du  clergé  étaient  extrêmes  :  tout 
était  vénal  dans  la  plupart  des  Klglises ,  même  les  sacremens 
étaient  souvent  administrés  par  des  simoniaques  et  par  des  concu- 
binaires  publics  ;  le  peuple ,  gouverné  par  de  tels  pasteurs ,  était 
enseveli  dans  une  profonde  ignorance  et  disposé  à  se  révolter  con- 
tre ses  pasteurs  ;  ainsi  tout  homme  quf  avait  une  imagination 
vive  pouvait  devenir  chef  de  secte  en  prêchant  contre  le  dergé, 
contre  les  cérémonies  de  TËglise  et  contre  les  sacremens. 

Comme  il  y  avait  beaucoup  de  ces  sectaires  répandus  dans  le 
Languedoc  et  dans  le  Dauphiué ,  ils  y  produisirent,  dans  le  dou- 
zième siècle ,  une  foule  de  petites  sectes  qui  se  répandirent  dans* 
les  différentes  provinces  de  France ,  et  qui  prirent  différentes 
formes ,  selon  le  caprice  du  chef  de  la  secte  ;  c'est  ainsi  que  Tan- 
cheliu  ,  Pierre  de  Bruys  ,  Henri ,  Arnaud  de  Bresse  ,  s'élevèrent 
et  formèrent  leurs  sectes. 

Pierre  de  Bruys  parcourait  les  provinces,  saccageant  les  égli- 
ses, abattant  les  croii ,  détruisant  les  autels;  on  ne  voyait  en 
Provence  que  chrétiens  rebaptisés ,  qu'églises  profanées.  Pierre 
de  Bruys  fut  bientôt  chassé  de  celle  province ,  passa  en  Langue- 
doc où  il  fut  arrêté  et  brûlé  vif  *. 

Les  Proteslans  font  ordinairement  de  Pierre  de  Bruys  un  saint 
réformateur  et  un  de  leurs  patriarches ,  dont  Dieu  s'est  servi  pour 
perpétuer  la  vérité  ^. 

Ce  sentiment  n'est  fondé  sur  aucun  monument  de  ces  temps. 
Comment  les  Proteslans,  qui  condamnent  les  Anabaptistes,  peu- 
vent-ils élever  si  haut  l'autorité  de  Pierre  de  Bruys ,  qui  n'est  en 
effet  qu'un  Anabaptiste?  A  quelle  exlrémité  est-on  réduit  lors- 
qu'on est  obligé  de  chercher  dans  de  pareils  hommes  le  fil  de  la 
tradition  des  Ë<^liscs  protestantes? 

«  D*ArgcntixS  Co]lcc\,  Jud.,  1, 1,  p.  13.  Dupin,  douzi^me  siùdo,  t  6. 
*  Basnage,  Uist  des  lîgl.  rrforui.,  I.  4,  h.  Pùriode,  c.  G,  p.  134, 


PtE  280 

On  a  réfuté  les  erreurs  de  Pierre  de  Bruys  sur  les  prières  pour 
les  morts ,  à  Tarticle  Vigilance  ;  ses  erreurs  sur  le  culte  de  la 
croix ,  à  Tarticle  Iconoclastes  ;  ses  erreurs  sur  la  nécessité  de  la 
sainteté  du  ministre  des  sacremens ,  à  Tarticle  Rebaptisans  ;  ses 
erreurs  sur  la  présence  réelle^  à  Tarticle  Bérenger. 

Pierre  de  Bruys  eut  parmi  ses  disciples  un  nommé  Henri. 
Voffêz  Henri  de  Brvts. 

C'est  sans  preuve  que  M.  Basnage  a  prétendu  que  les  disciples 
de  Pierre  de  Bmys  formèrent  une  secte  étendue  ^. 

PIERRE  D'OSMÂ ,  professeur  de  théologie  à  Salamanque,  dans 
un  traité  de  la  confession ,  enseigna  :  1«  que  les  péchés  mortels, 
quant  à  la  eonlpe  et  à  la  peine  de  Tautre  vie ,  sont  effacés  par  la 
contrition  du  cceur,  sans  ordre  aux  clefs  de  TËglise  ; 

2*  Que  la  confession  des  péchés  en  particulier,  et  quant  à  l'es- 
pèce ,  n*est  point  de  droit  divin ,  mais  seulement  fondée  sur  un 
statut  de  TEglise  universelle  ; 

3*  Qu*on  ne  doit  point  se  confesser  des  mauvaises  pensées  qui 
sont  effacées  par  Taversion  qu'on  en  a,  sans  rapport  à  la  confession; 

4»  Que  la  confession  doit  se  faire  des  péchés  secrets  et  non 
de  ceux  qui  sont  connus; 

5*  Qu'il  ne  faut  pas  donner  l'absolution  aux  pénitens  avant 
qu'ils  aient  accompli  la  satisfaction  qui  leur  a  été  enjointe  ; 

6*  Que  le  pape  ne  pouvait  remettre  les  peines  du  purgatoire  ; 

7»  Que  l'Église  de  la  ville  de  Rome  pouvait  errer  dans  ses  dé- 
cisions ; 

S^  Que  le  pape  ne  peut  dispenser  des  décrets  de  l'Église  uni- 
verselle ; 

9*  Que  le  sacrement  de  pénitence ,  quant  à  la  grâce  qu'il  pro- 
duit, est  un  sacrement  de  la  loi  de  nature ,  nullement  établi  dans 
l'ancien  et  dans  le  nouveau  Testament. 

Alphonse  Carillo,  archevêque  de  Tolède,  qui  avait  assemblé  les 
plus  savans  théologiens  de  son  diocèse ,  condanma  ces  proposi- 
tions comme  hérétiques ,  erronées ,  scandaleuses ,  malsonnantes, 
et  le  livre  de  l'auteur  fut  brûlé  avec  sa  chaire.  Sixte  IV  conGrma 
ce  jugement  en  1479.  On  ne  voit  point  que  Pierre  d'Osma  ait  fait 
secte*. 

>  Basnage,  HisL  des  ÉgL  réf.,  t.  4,  A.  Période,  c.  6,  p.  4Â6. 
'  Bannes,  in  secundam  secunds  quaest.  prima,  art.  40,  p.  121.  Col- 
lect  conc.  Hard.,  t.  9,  p.  1408.  D'ArgcnliA  Col.  jud.,  t.  4, 
II.  25 


3HH  Hl^ 

qups;  ilsfiirenl  ilonr  |)i)rl>-s  :'i  ;itlii(|iier  tn»!  ce  4111  coBciluiiiltti 
GOnsidi^raiîoa,  durrs|>pcl  et  <lc  raiiioriti-  au  r\et\-é;  ihtUiquhM 
IVDiuarili;  iIm  ucrcaiens ,  li-i  <-éréniUiiiN  à«  l'ËgliK  ,  U  d'iSt 
rPiirr  rjiic  l'urilrc mel  fulri-  li's  »iiii|il('M  l»ïi|ui;s  el  le  tlcrgc,  cl  ei- 
IJii  l'unliiriiô  îles  ]iïsi«urs  du  premier  ordrp. 

Ocuuiùs  de  ces  obji'ls ,  iU  abandonnèrent  îuseosibleineoi  Is 
dogrors  du  Manicliéismc ,  qu'il  Otaii  trop  dangereux  de  déTeodrc , 
et  attaquèrent  le*  ucrcmens,  le  clergé,  les  cércrooiiies,  eU. 

I.CS  désordres  et  l'ignorance  du  clerj^é  étaieat  eiirémei  :  tori 
(■tait  Téaal  djng  la  plujuiri  des  h^lises,  même  les  ucreneoi 
étaient  soQTCnt  adniinislivs  (lar  des  siinoniai)nes  et  par  de*  cône»- 
binaires  publics  ;  le  peuple ,  gouverné  par  de  tels  pasteun ,  AÙt 
enseveli  dans  une  profonde  ignorance  et  disposé  Ji  se  révolter  cMt- 
Iro  ses  pasteurs;  ainsi  tout  liomnie  «iii' avait  une  imagiailiia 
viTe  pouvait  devenir  cbef  de  seute  en  précbant  contre  le  dergt, 
cnnire  les  cérémonies  de  l'Ëglise  et  contre  les  sacremens. 

Cumoïc  il  y  avait  beaucoup  de  ces  sectaires  répandus  dans  U 
Languedoc  et  dans  le  Daupbiiié ,  ils  \  produisirent,  dan*  le  do»* 
xièuie  siècle ,  une  Toule  de  petites  sectes  qui  se  répandirent  daw 
les  différentes  provinces  de  France ,  et  qui  prirent  dilTémUi 
furmes ,  selon  le  caprice  du  chef  du  la  secte  ;  c'est  ainsi  que  Ta** 
elielin ,  l'icrre  de  Bruys  ,  Henri ,  Arnaud  de  Bresse ,  l'élerèfeni 
et  Tu  nnérenl  leurs  sectes. 

rierre  de  Brii)'s  par(»iuruil  les  provinces,  saccageant  les  à^ 
SCS,  abattant  les  croix  ,  détruisant  les  autels;  on  no  vojail  ea 
l'roveaee  que  chrétiens  rebaptisés,  qu'tfllsies  profanées.  Picfre 
de  Itrnjrs  fut  bientôt  chassé  de  cette  province,  passa  en  Langne- 
doc  ob  il  l'ut  arrêté  et  brfllé  vit  <. 

I^s  IVoleslans  font  ordinairement  de  Pierre  de  Bruys  ua  saîM 
réfunnateur  et  un  île  leurs  [iniriardies ,  dont  Bieu  s'est  serti  pov 
|H-r|>éluer  la  vérité  '. 

Ce  sentiment  n'est  fondé  sur  aucun  monument  de  ces 
Couiniont  les  Prolesians,  qui  condamnent  les  Auabaptules, 
venl-iU  élever  si  haut  l'umoriié  de  Pierre  de  Brujs ,  qat    ' 
effet  qu'un  Anahaptisu^f  A  quelle  extrémité  est-on    ""' 
t  obligé  de  chercher  duns  dapar^è^mi 
.  des  tgliscs  proteàtanlosT 


iraditii 


'  D'Areenirû.  r.o'lcrl.  JuiJ„J, 
'  Itusuiigi',  Hisl.  du*  *  '     "*"" 


PRA  291 

»  torîié  de  Josus-Christ ,  après  un  examen  particulier  et  avec 

>  connaissance  de  cause ,  nous  ne  pouvons  croire  que  nos  adver- 

>  saires  puissent  envisager  tant  de  biens  sans  en  regretter  la  perte 

>  et  sans  avoir  quelque  honte  d*une  réformation  qui  a  retranché 
9  une  pratique  si  salutaire  et  si  sainte.  > 

PÉTROBRUSIENS,  disciples  de  Pierre  de  Bruys. 

PIÉTISTES.  Voyez  Tarticle  des  seclesqui  se  sont  formées  parmi 
les  Luthériens. 

PRAXÉE  était  Phrygien  ;  il  avait  été  Montaniste ,  aussi  bien 
que  Théodote  deBysance  :  il  vint  d*Asie  à  Rome ,  et  quitta  la  sectjQ 
de  Montan.  11  avait  été  mis  en  prison  pour  la  foi  et  s*était  acquis 
de  la  considération  dans  TËgUse ,  sous  le  pontificat  de  Victor. 

Dans  le  même  temps ,  Théodote  de  Bysance ,  qui  n'avait  point 
résisté  à  la  persécution ,  dit ,  pour  excuser  sa  faute,  qu'en  reniant 
Jésus-Christ  il  n*avait  renié  qu*un  homme. 

Artémon  et  les  hérétiques  connus  sous  le  nom  d'Aloges  avaient 
adopté  ce  sentiment  et  soutenaient  que  Jésus-Christ  n'était  point 
Dieu. 

Celte  doctrine  avait  été  condamnée  par  TÉglise  ;  ainsi  TÉglise 
enseignait ,  contre  Marcion  ,  Cerdon ,  Cérinthe ,  etc.,  qu'il  n'y 
avait  qu'un  seul  principe  de  tout  ce  qui  est;  et  contre  Théodote, 
que  Jésus-Christ  était  Dieu.  Praxée  réunit  ces  idées  et  conclut  que 
Jésus-Christ  n'était  point  distingué  du  Père,  puîsqu'alors  il  fau- 
drait reconnatlre  deux  principes  ou  accorder  à  Théodote  que  Je- 
sus-Qirist  n'était  point  Dieu;  ajoutez  à  cela  que  Dieu  dit  lui-même  : 
Je  suis  Dieu ,  et  hors  de  moi  il  n'y  en  a  point  d'autres  ;  le  Père  et 
moi  nous  sommes  un  ;  celui  qui  me  voit ,  voit  aussi  mon  Père  ;  je 
suis  dans  le  Père,  et  le  Père  est  en  moi. 

Voilà ,  ce  me  semble ,  l'origine  de  Terreur  de  Praxée  :  elle 
n*est  point  née  des  disputes  sur  la  distinction  des  personnes ,  qui 
n'ont  point  eu  lieu  alors ,  et  dont  on  ne  trouve  aucune  trace  dans 
Tertullieu ,  quoi  qu'en  dise  M.  le  Clerc  *. 

Praxée  croyait  que  son  sentiment  était  le  seul  moyen  de  se  ga- 
rantir des  systèmes  qui  admettaient  plusieurs  principes  et  d'éta- 
blir l'unité  de  Dieu  ;  c*est  pour  cela  qu'on  appelait  ses  disciples 
les  Monarchiques. 

De  ce  qu'il  n'y  avait  qu'une  seule  personne  dans  la  divinité,  il 
saivait  que  c'était  le  Père  qui  s'était  incarné,  qui  avait  souffert,  etc. , 

^  Le  Clerc,  Hist.  eccles.  ad  an.  186. 


393  PRA 

et  c'est  pour  cela  que  les  disciples  de  Praxée  furent  appelés  Patrt- 
passieos. 

TertuUien  a  réfuté  Terreur  de  Praxée  avec  beaucoup  de  force  et 
de  solidité.  11  oppose  à  cette  hérésie  la  doctriue  de  TËglise  uni- 
verselle ,  selon  laquelle ,  dit-il ,  nous  croyons  tellement  on  seol 
Dieu ,  que  nous  reconnaissons  en  même  temps  que  ce  Diea  a  on 
Fils  qui  est  son  Verbe,  qui  est  sorti  de  lui,  par  lequel  toutes 
choses  ont  été  créées  et  sans  lequel  rien  n*a  été  fait  ;  que  ce  Yeri>e 
a  été  envoyé  par  le  Père  dans  le  sein  de  la  Vierge;  qu*il  est  né 
d'elle,  homme  et  Dieu  tout  ensemble ,  Fils  de  Thomme  et  Fils  de 
Dieu  ;  qu'il  a  été  surnommé  Jésus-Christ ,  qu'il  a  souffert ,  qo*il 
est  mort  et  a  été  enseveli  :  voilà ,  ajoute-t-il ,  la  règle  de  l'Ëglîse 
et  de  la  loi ,  depuis  le  commencement  du  christianisme  ^* 

M.  le  Clerc  paraît  douter  que  Praxée  ait  confondu  les  personnes 
de  la  Trinité  ;  il  croit  que  Praxée  n'a  pas  nié  que  le  Père  fût  dis- 
tingué du  Fils ,  et  qu'il  soutenait  que  cette  distinction  n'en  fai- 
sait pas  deux  substances ,  et  que  c'est  cette  dernière  distinction 
que  TertuUien  a  soutenue  contre  Praxée. 

Cette  imputation  est  injuste  :  TertuUien,  dans  tout  son  ouvrage, 
soutient  également  et  l'unité  de  la  substance  divine ,  et  la  distinc- 
tion des  personnes  diviues. 

Dans  les  chapitres  3  et  4 ,  TertuUien  dit  que  la  trinité  des  per- 
sonnes ne  préjudicie  en  rien  à  l'unité  de  la  nature  et  à  la  monar- 
chie que  Praxée  prétendait  défendre:  c'est  la  détruire,  dit-il, 
que  d'admettre  un  autre  Dieu  que  le  créateur  :  pour  moi  qui  re* 
connais  que  le  Fils  est  d'une  même  substance  que  le  Père,  qu'il 
ne  fait  rien  sans  sa  volonté ,  et  qu'il  a  reçu  de  lui  sa  toute-puis- 
sance ,  que  fais-je  autre  chose  ,  sinon  de  défendre  dans  le  Fils  la 
monarchie  que  le  Père  lui  a  donnée  ?  Il  en  est  de  même  du  Saint- 
Espriu 

Dans  le  chapitre  7  TertuUien  dit  à  Praxée  :  Souvenez-vous  tou- 
jours de  la  règle  que  j'ai  établie ,  que  le  Père ,  le  Fils  et  le  Saint- 
Esprit  sont  inséparables.  Quand  je  dis  que  le  Père  est  autre  que 
le  Fils  et  le  Saint-Esprit ,  je  le  dis  par  nécessité ,  non  pour  mar- 
quer diversité ,  mais  ordre  ;  non  division ,  mais  distinction  ;  il  est 
autre  en  personne ,  non  en  substance. 

Il  n'est  pas  possible  d'exprimer  plus  clairement  l'unité  de  sub- 
stance et  la  distinction  des  personnes  :  si  TertuUien  avait  ensei- 

*  Tert.  conl.  Praxean,  c,  2. 


PRA  29S  1 

Mé  que  les  irois  personnes  de  la  Trinité  âtaieni  trois  substances ,  J 
l  ne  pouvait  dire  qu'il  n'y  avait  point  de  divisioii  entre  elles;  I 
a  plusieurs  substances  sont  divisOes  parce  qu'elles  ei>istenl  n6-  I 
sairement  Tune  hors  de  raulrc,  I 

,   Si  Teriullien  avait  cru  que  les  trois  personnes  fussent  trois  suh-  I 
lltnce«  dilTérentes ,  il  y  aurait  eu  entre  ces  trois  personnes ,  non-  I 
Mtement  ordre  et  distinction ,  mais  encore  diversité  ;  il  eût  été  1 
[:l  que  le  Përe  et  le  Fils  Tussent  la  même  substance ,  eomme  il  I 
e  soutient  contre  Praiée  ;   ce  qui   Teraît  une  contradiction  dans  I 
jElleTertullieune  pouvait  tomber.  Cen'estpasqueleshommea  I 
Rie  puissent  se  contredire;  mais  ce  n'est  que  dans  des  conad- I 
nences  éloignées ,  et  jamais  quand  le  oui  et  le  non  se  loucbent  I 
linsi  dire ,  comme  cela  serait  arrivf  si  Terlullien  avait  parié  I 
e  M.  le  Clerc  le  fait  parler.  I 

'  M.  le  Clerc  prétend  que  ces  distinctions  que  Tertultien  met 
enlre  les  personnes  de  la  Trinité  sont  des  distinctions  qui  ne 
peuveot  convenir  qu'A  trois  substances,  parce  que  si  elles  ne  sup- 
pos<?ot  pas  que  les  personnes  sont  trois  substances  ,  elles  établis- 
sent seulement  que  les  trois  personnes  ne  sont  que  trois  modes 
ou  trois  relations  dilTérentes,  ce  que  Praxée  ne  niait  pas.  J 

1'  le  demande  i  M.  le  Clerc  sur  quoi  il  prétend  que  Praxée  re-  I 
connaissait  une  distinction  ,  même  modale,  entre  les  personnel'  I 
le  la  Trinité?  Tout  l'ouvrage  de  Terlullien  suppose  que  Pratéa  I 
Jtit  toute  dtstioctiun  entre  les  personnes  de  la  Trinité.  I 

f«*  Tertnllien,  dans  l'endroit  sur  lequel  M.  le  Clerc  fuit  cetta  1 
Hlexîon ,  dit  qu'il  fera  voir  comment  le  Père,  le  Fils  et  le  Saint-  I 
Esprit  Tout  nombre  sans  division ,  ce  qui  serait  absurde  s'il  avait  I 
cru  que  ces  trois  personnes  sont  trois  substances.  I 

3*  Je  ne  vois  rien  dans  Terlullien  qui  suppose  que  la  distinc-  1 
lion  qu'il  admet  enlre  les  personnes  de  la  Trinité  puisse  étro  1 
regardée  comme  une  distinction  modale;  les  modes  n'agissent! 
point ,  n'ont  point  d'action  propre  ,  n'envoient  point  une  autre  M 
modiGcalion ,  ce  que  Tertnllien  reconnaît  cependant  dans  les  per-  H 
sonnes  de  la  Trinité.  M.  le  Clerc  ne  pouvait  coadure  que  la  dis- 
tinclioQ  admise  par  Tertnllien  était  une  distinction  qui  suppose 
que  les  trois  personnes  sont  trois  substances,  qu'autant  qu'il  se- 
rait certain  qu'il  ne  peut  y  avoir  que  deui  sortes  de  distinctions  : 
t  modale  ou  celle  qui  se  trouve  entre  des  modificaiionsd'unesub-  J 
ince  ,  et  la  substantielle  ou  celle  qui  se  trouve  entre  des  sub-  ■ 
inces  ;  mais  c'est  ce  qu'il  ne  prouve  pas.  I 


Eipri' 


Le  res^  des  difficultés  de  M.  le  Clerc  contre  TertulUen  n'j»! 
qnVn  abus  des  comparaisons  que  Tortullien  emploie  pour  expli- 
quer la  manière  dont  les  trois  personnes  de  la  Trinité  subsistent 
dans  la  substance  divine;  comparaisons  que  Tertullien  ne  donne 
que  comme  des  images  propres  à  faire  entendre  sa  pensée  y  et 
dont  il  prévient  Tabus  en  rappelant  sans  cesse  son  lecteur  à  Tu- 
pité  de  substance. 

Ce  serait  encore  abuser  des  mots  que  de  prétendre  que  Tertal- 
lien  a  soutenu  contre  Praxée  que  les  trois  personnes  sont  troi* 
substances  parce  qu*il  se  sert  quelquefois  du  mot  de  substance 
pour  signifier  la  personne  subsistante ,  ce  qui  est  ordinaire  aox 
anciens  avant  le  concile  de  Nicée ,  et  même  après  ce  concile. 
M.  le  Clerc  n*aurait  pas  ainsi  jugé  Tertullien  s*il  eût  suivi  les 
maximes  qu*il  établit  pour  juger  du  sens  d'un  auteur.  Voyez  Tar- 
ticle  Critica, 

PRÉDESTINATIÂNISME.  Cette  erreur  renfermait  plusieurs 
cbefs  :  l"  quUl  ne  fallait  pas  joindre  le  travail  de  Tobéissance  de 
rhomme  à  la  gr&ce  de  Dieu;  2'  que  depuis  le  péché  du  premier 
homme  le  libre  arbitre  est  entièrement  éteint  ;  3  '  que  Jésus-Christ 
nVst  pas  mort  pour  tous  ;  4'  que  la  prescience  de  Dieu  force  les 
hommes  et  damne  par  violence ,  et  que  ceux  qui  sont  damnés  le 
sont  par  la  volonté  de  Dieu  ;  5  que  de  toute  éternité  les  uns  sont 
destinés  à  la  mort  et  les  autres  à  la  vie. 

Les  Pélagiens ,  forcés  de  reconnaître  le  péché  originel  et  la  né- 
cessité d'une  grâce  intérieure  qui  éclairait  Tesprit  et  qui  ^u> 
cliait  le  cœur  de  Thomme  pour  qu'il  pût  faire  une  action  bonne 
pour  le  salut,  avaient  prétendu  que  ce.tte  grâce  dépendait  de 
l'homme  et  s'accordait  à  ses  mérites  :  ils  prétendaient  que  Dieu 
serait  injuste  s'il  préférait  un  homme  à  l'autre  sans  qu'il  y  eût  de 
dilTérence  dans  leurs  mérites,  et  prétendaient  que  cette  diflerence 
ne  pouvait  s'accorder  avec  la  bonté  et  la  sagesse  de  Dieu .  ni  avec 
ce  que  l'Lcriture  nous  apprend  de  sa  volonté  générale  de  sauver 
les  hommes. 

Saint  Augustin  combattit  ces  principes  par  tous  les  passages  de 
l'Écriture  qui  prouvent  que  l'homme  ne  peut  se  discorner  lui- 
même  ;  que  Dieu  n'est  point  injuste  en  ne  donnant  point  sa  grâce 
aux  hommes ,  parce  qu'ils  sont  tous  dans  la  masse  de  perdition  ; 
que  Dieu  n'ayant  aucun  besoin  d'eux,  étant  tout-puissant,  indé- 
pendant, il  faisait  grâce  h  qui  il  voulait ,  sans  que  celui  à  qui  il 
ne  la  faisait  pas    eût  droit  de  s'en  plaindre  ;  que  celte  volonté 


PRE  295 

vague  de  donner  la  grâce  généralement  h  tous  les  hommes ,  en 
sorte  qu'il  n'y  eût  ni  choix,  nî  préférence,  déiruisail  toutes  les  idées 
que  l*Écriture  nous  donne  de  la  Providence  par  rapport  4u  salut  ; 
,  que  rien  n*arrivait  que  par  la  volonté  de  Dieu,  qui  avait  prévu  et 
déterminé  tout;  que  la  volonté  de  sauver  les  hommes  ne  devait 
pas  s'entendre  de  tous  les  hommes  sans  exception  ;  qu'il  fallait 
être  fidèlement  attaché  à  la  toute-puissance  divine ,  à  son  indé- 
pendance ,  et  enfin  qu'il  fallait  croire  que  sa  volonté  n'était  point 
déterminée  par  l'homme  ^. 

11  confirma  et  fortifia  tous  ces  principes,  dans  son  livre  De  la 
correction  et  de  la  grâce ^  De  la  prédestination  et  du  don  de  la 
persévérance. 

Dans  une  dispute^  les  argumens  font  perdre  de  vue  les  princi- 
pes, et  deviennent  eux-mêmes  des  principes,  parce  que  c'est  sur 
ces  argumens  qu'on  dispute. 

Ainsi,  l'indépendance  de  Dieu  dans  ses  déterminations,  sa  toute- 
puissance,  son  empire  absolu  sur  toutes  ses  créatures,  furent  les 
principaux  objets  dont  on  s'occupa. 

On  crut  trouver  dans  ces  principes  fondamentaux  une  pierre 
de  touche  par  le  moyen  de  laquelle  on  pouvait  juger  toutes  les 
contestations  relatives  à  la  grâce ,  au  libre  arbitre  et  au  salut  des 
hommes,  et  l'on  rejeta  comme  des  erreurs  tout  ce  qui  n'y  parais- 
sait pas  copforme. 

En  regardant  comme  un  dogme  fondamental  et  prenant  à  la  lettre 
la  corroption  de  l'homme ,  ce  que  l'Écriture  nous  dit  qu'il  n'a 
rien  qu'il  n'ait  reçu  ni  dont  il  puisse  se  glorifier,  et  qu'il  dépend 
en  tout  de  Dieu,  la  liberté  de  l'homme  parait  une  erreur. 

En  supposant  que  rien  que  ce  que  Dieu  veut  n'arrive ,  il  est 
aisé  de  conclure  qu'il  ne  veut  pas  le  salut  des  damnés,  et  qu'il 
veut  leur  damnation. 

En  reconnaissant  que  Dieu  prévoit  tout,  qu'il  arrange  tout, 
comment  supposer  dans  Thomme  la  liberté?  Cette  liberté  ne  se- 
rait-elle pas  un  vrai  pouvoir  de  déranj^er  les  décrets  de  la  Provi- 
dence, et  par  conséquent  contraire  au  dogme  de  la  louie-puis- 
sance  et  de  la  Providence  ? 

Saint  Augustin  avait  soutenu  également  et  la  loute-puissnnce 
et  la  liberté  ;  il  avait  enseigné  que  les  passages  qui  parlent  de  la 
volonté  de  sauver  tous  les  hommes  pouvaient  s'expliquer  de  tous 

'  Kpist.  ad  Si\(.,  ad  Vitalem, 


206  PRE 

les  hommes  sans  excepiion,  et  qu'il  ne  s*oppo8ait  point  k  ces  ex- 
plications, pourvu  qu*elles  n'intéressassent  ni  la  toute-poissanoe 
de  Dieu ,  ni  la  gratuité  de  la  grùce  ;  mais  il  n'avait  point  expliqué 
comment  ces  dogmes  s'alliaient;  il  s'était  écrié,  avec  saint  Paul  ; 
0  allitudo! 

Les  dogmes  de  la  liberté  et  de  la  prédestination  sont  donc  entre 
deux  abtmes^  et  pour  peu  qu'on  ait  intérêt  de  défendre  en  parti- 
culier ou  la  liberté,  ou  la  prédestination,  on  tombe  dans  les 
abtmes  qui  bordent,  pour  ainsi  dire,  cette  matière. 

Ainsi ,  il  n'est  pas  étonnant  qu'il  y  ait  eu  des  Prédestinatiens 
dès  le  cinquième  siècle ,  mais  en  trop  petit  nombre  pour  former 
une  secte. 

Nous  n'examinerons  point  précisément  quand  cette  hérésie  a 
commencé;  nous  remarquerons  seulement  qu'elle  n'est  point  ima- 
ginaire, et  qu'elle  a  été  condamnée  dans  les  conciles  d'Arles  et  de 
Lyon,  sur  la  fin  du  cinquième  siècle  *. 

Elle  fut  renouvelée  par  Gotescalc,  moine  de  l'abbaye  d'Orbais, 
dans  le  diocèse  de  Soissons  :  il  avait  beaucoup  lu  les  ouvrages  de 
saint  Augustin ,  et  il  était  entraîné  par  un  penchant  secret  rers 
les  questions  abstraites.  11  examina,  d'après  les  principes  de  saint 
Augustin  dont  il  était  plein,  le  mystère  de  la  prédestination  et  de 
la  grâce  :  uniquement  occupé  de  la  toute-puissance  de  Dieu  sur 
ses  créatures ,  il  renouvela  le  Prédestinatianisme.  11  enseigna, 
i"  que  Dieu,  avant  de  créer  le  monde  et  de  toute  éternité,  avait 
prédestiné  à  la  vie  éternelle  ceux  qu'il  avait  voulu,  et  les  autres  à 
la  mort  éternelle  :  ce  décret  faisait  une  double  prédestination , 
l'une  h  la  vie,  l'autre  à  la  mort;  2°  comme  ceux  qui  sont  prédes- 
tinés h  la  mort  ne  peuvent  être  sauvés,  ceux  que  Dieu  a  prédes- 
tinés à  la  vie  ne  peuvent  jamais  périr;  3*  Dieu  ne  veut  pas  que 
tous  les  hommes  soient  sauvés,  mais  seulement  les  élus;  4*  Jé- 
sus-Christ n'est  pas  mort  pour  le  salut  de  tous  les  hommes,  mais 
uniquement  pour  ceux  qui  doivent  être  sauvés  ;  5«  depuis  la 
chute  du  premier  homme ,  nous  ne  sommes  plus  libres  pour  faire 
le  bien,  mais  seulement  pour  faire  le  mal. 

Gotescalc  prêchait  cette  doctrine  aux  peuples,  et  avait  jeté 
beaucoup  de  monde  dans  le  désespoir  :  il  fut  condamné  dans  le 
concile    de  Mayence  ,    auquel  Raban  présidait  ;   il  fut  ensuite 

*  Noris,  Hisr.  Pclag.,  1.  3,  c  15.  Pagi,  ad  an.  &70,  Le  Prédestina- 
tianisme, par  le  P.  Duchesne,  iu-&<*,  172&. 


.    ÉDïOjÉ  ilans  le  diocèse  de  Reims  ,  oii  il  avait  reçu  t'onllna- 

Raban  ,  en  rnivo^aol  Gotcscalc  h  Ilincmiir,  lui  l'cmit  sur  sei 
erreurs  et  lui  envoja  la  décision  du  concile  :  llincmar  EonToqua 
un  (ODCile  tt  Cariai,  dans  lequel  Goiescalc  Tut  coodaniné,  déposa 
et  envoyé  en  prison. 

Goiescalc  ne  laÎMu  pas  de  se  défendre,  elllincmar  écrivit  conlre 
lui  :  OD  crul  voir  dans  les  écrits  de  Hincmar  des  choses  répré- 
liensibles.  tlulramne ,  moine  de  Corbie ,  et  Prudence ,  cvèijue  da 
Troyes,  aliaquèrenl  les  écrits  de  Hincmar,  qui  opposa  Aoiaurî, 
diacre  de  Trêves,  et  Jean  ScoL  Ërigène. 

Prudence,  évéqne  de  Troyes,  cnH  trouver  le  Pélagianiïme  dans 
les  à-'rils  de  Scot  ;  l'Ëgliae  de  Lyon  chargea  le  diacre  Flore  d'é- 
crire contre  cel  auteur.  Amolon  écrivit  en  même  temps  une  lettre 
i  Colescalc,  par  laquelle  il  paraît  qu'il  le  croyait  coupable;  il 
réfute  plusieurs  propositions  qu'il  avait  avancées,  et  blikjne  sa 
conduite  :  il  ne  pouvait  souDrir  qu'on  enseignït  qn'un  certain  ^ 
nombre  de  personnes  eùl  été  prédestiné  de  toute  éternité  aux 
peines  étemelle»,  de  manière  que  ces  personnes  ne  pussent  jamaiï 
ni  se  repentir  ni  se  sauver.  Celle  doctrine  est  ëvidemmeni  celle 
d'AmoloD,  et  U.  Basnagc  n'a  fait  que  des  sopliismes  pour  prou- 
ver que  cet  archevêque  pensait  au  fond  comme  Culescalc  '. 

Les  divisions  qui  s'élevèrent  en  France  à  l'occasioD  de  ce 
moine  ne  prouvent  donc  point  que  l'Église  de  France  fût  parta- 
gée sur  sa  doctrine  :  on  défendait  sa  personne,  et  l'on  condam- 
nait ses  erreurs  '. 

On  a  beaucoup  disputé  sur  la  réalité  de  rbérésie  des  Prédesti- 
natiens  et  sur  les  senlimens  de  Cotesealc  *. 

'  Raban,  ep.  synod.  ad  Hincmar,  t.  B.  Conc.  Mabil.  Annal.  Bcne- 
dicL,  L  S,adan.S39. 

'Korisiloc.  cit.  Vossiui,  Hisl.  PeliE,'-  1.  parl.  h,  epist.  IQS,  IQH, 
169.  17i.  ISS. 

■Natal.  Alei.  in  sxc.  5. 

'  Noris,  VoBslus,  Pagl,  loc  cit.:  Sirmond,  Prxdeslinatu*  de  novîlio 
opère  qui  inseribitur  Przdeitinalus,  auclore  F.  Piclnardo,  Pataiini, 
in-4",  pensent  qu'il  y  neudctPréclestinatienk  Uuérlus  prétend  lecon- 
iraire.  Britanoicarum,  cccics.  antiquiu  JansËnlus,  De  bœr  Pelai;., 
I.  8.  Porbèsins,  I,  S,  c,  S9.  pensent  comme  Usiérius;  il  ne  parait  pas 
que  leurs  raiwns  puissent  Lalancer  celles  du  sentiment  opposé  :  elle* 
prouvaient  tout  au  plus,  ce  me  semble,  que  le*  Prédesiinatleos  n'étaieiii 


298  PRE 

II  me  semble  qu'il  importe  peu  de  savoir  s*il  y  Avait  en  effet 
des  Prédestinatiens ,  ou  si  Ton  donnait  ce  nom  aux  disciples  de 
saint  Augustin  ;  mais  il  est  certain  que  TÉglise  a  condamné  les 
erreurs  qu*on  attribue  aux  Prédestinatiens,  et  qu*il  faut  croire 
que  le  libre  arbitre  n*a  point  été  atteint  dans  Thomme  par  le 
péché  ;  que  Jésus-Christ  est  mort  pour  d'autres  que  pour  les  pré- 
destinés ;  que  la  prescience  de  Dieu  ne  nécessite  personne,  et  qoe 
ceux  qui  sont  damnés  ne  le  sont  point  par  la  volonté  de  Dîeo. 

Saint  Augustin  a  enseigné  ces  vérités,  et  n*a  point  youla  qn*OB 
les  séparât  du  dogme  de  la  toute -puissance  de  Dieu  sur  (e  cœur 
de  rhomme,  de  la  gratuité  et  de  la  nécessité  de  la  grâce,  de  la 
corruption  de  la  nature  humaine,  et  de  la  certitude  de  la  prédesti- 
nation. Il  faut  donc  condamner  également  le  Pélagianisme,  le 
Semi-Pélagianisme  et  le  Prédestinatianisme.  L'accord  de  toutes 
ces  vérités  est  un  mystère  :  chacune  de  ces  vérités  étant  constante, 
il  est  impossible  qu'il  y  ait  entre  elles  de  l'opposition ,  et  par 
conséquent  il  est  certain  qu'elles  s'accordent,  quoique  nous  igno- 
rions le  comment. 

Il  ne  faut  pas  plus  douter  de  ces  vérités ,  dont  nous  ne  com- 
prenons pas  l'accord ,  que  de  la  vérité  de  notre  création ,  quoi- 
que nous  ne  comprenions  pas  comment  quelque  chose  peut  être 
créé,  et  quoiqu'il  soit  démontré  que  nous  le  sommes  en  effet. 

PRESBYTERIENS.  C'est  ainsi  qu'on  appelle  les  Réformés  qui 
n'ont  pas  voulu  se  conformer  â  la  liturgie  de  l'Église  anglicane. 

L'Église  d'Angleterre,  en  recevant  la  réformation,  n'adopta  aue 
certains  changemens  dans  les  dogmes ,  et  conserva  la  hiérarchie, 
avec  une  partie  des  cérémonies  qui  étaient  en  usage  sous  Henri  VIIL 

La  réformation  ne  fut  proprement  établie  en  Angleterre  que 
sous  le  règne  d'Elisabeth  :  ce  fut  alors  que  diverses  constitutions 
synodales ,  confirmées  par  des  actes  de  parlement ,  établirent  le 
service  divin  et  public  de  la  mauière  que  l'Église  anglicane  le 
pratique  encore  aujourd'hui. 

Cependant  plusieurs  Anglais  qui  avaient  été  fugitifs  sous  If  arit 
retournèrent  en  Angleterre  :  ils  avaient  suivi  la  réforme  de  Zuin- 
gle  et  de  Calvin  ;  ils  prétendirent  que  la  réformation  de  l'Ëglise 
anglicane  était  imparfaite  et  infectée  d'un  reste  de  Paganisme  : 
ils  ne  pouvaient  souffrir  que  les  prêtres  chantassent  l'office  en 

pas  asscx  nombreux  pour  faire  une  secte.  (  Voyet  mist  littér,  de  Lyon* 
pupin,  Natal.  Alex.,  Hist,  de  l'Égl.  gallicane,  t  6.) 


PRE  299 

surplis,  et  surtout  ils  combattaient  la  hiorarcliie  et  Tautorité  des 
évéqucs,  prétendant  que  tous  les  prêtres  ou  ministres  avaient 
une  autorité  égale,  et  que  TËglise  devait  être  gouvernée  par  des 
consistoires  ou  presbytères  composés  de  ministres  et  de  quel- 
ques anciens  laïques*  On  les  appela  à  cause  de  cela  Presbyté- 
riens, et  ceux  qui  suivaient  la  liturgie  anglicane  et  qui  reconnais- 
saient la  hiérarchie  se  nommèrent  Épiscopaux. 

Les  Presbytériens  furent  long-temps  dans  Toppression  et 
traités  comme  une  secte  schismatique;  ils  sont  encore  regardés 
comme  tels  par  les  Ëpiscopaux.  Voyez^  h  Tarticle  Angleterre,  les 
sectes  que  la  réforme  y  produisit  :  nous  avons  réfuté  Terreur  des 
Presbytériens  à  Tarticle  VigIlamce. 

Les  Presbytériens  ou  Puritains  s^élaient  séparés  de  TËglise  an- 
glicane parce  qu*elle  conservait  une  partie  des  cérémonies  de 
PËglise  romaine,  quMls  regardaient  comme  superstitieuses  et 
contraires  à  la  pureté  du  culte  que  Jésus-Christ  est  venu  établir^ 
lequel  est  un  culte  tout  spirituel. 

Les  Puritains  avaient  donc  simplifié  le  culte  extérieur;  mais  ils 
en  avaient  conservé  un,  et  quelques  cérémonies. 

Hubert  Brown,  ministre  d'Angleterre,  trouva  que  les  Puritains 
donnaient  encore  trop  aux  sens,  dans  le  culte  qu'ils  rendaient  à 
Dieu,  et  que  pour  Tlionorer  véritablement  en  esprit  il  fallait  re- 
trancher toute  prière  vocale,  même  Toraison  dominicale;  il  ne 
voulut  donc  se  trouver  dans  aucune  église  où  Ton  récitait  des 
prières*  Il  eut  des  disciples  qui  formèrent  une  secte,  qu'ils  regar- 
daient comme  la  pure  Église. 

Les  Brounistes  s^assemblaient  cependant,  et  ils  prêchaient  dans 
leurs  assemblées  :  tout  le  monde  avait  droit  de  prêcher  chez  les 
Brounistes,  et  ils  n'exigeaient  point  de  vocation,  comme  les  Cal- 
vinistes et  les  Puritains. 

Les  Anglicans,  les  Presbytériens  et  les  Catholiques  furent  éga- 
lement ennemis  des  Brounistes  :  ils  furent  punis  sévèrement;  ils 
se  déchaînèrent  contre  l'Église  anglicane ,  et  prêchèrent  contre 
elle  tout  ce  que  les  Protestans  et  les  Calvinistes  avaient  dit  contre 
TLglise  catholique;  enfin  ils  eurent  des  martyrs,  et  formèrent  une 
secte  en  Angleterre.  Brown  en  fut  le  chef,  et  prit  le  titre  de  pa- 
triarche de  r£glisc  réformée  ^. 

'  Boss,  Des  religions  du  monde  :  la  profane  séparation  des  Brou- 
pbtc». 


300  PRI 

Le  cbangemenl  que  les  prétendus  Réformés  firent  dans  le  culte, 
et  que  les  Puritains  ont  adopté,  u*avaitpour  principe  que  leur  haine 
contre  le  clergé  etTamour  de  la  nouveauté  :  une  partie  des  Réfor- 
mateurs a  conservé  beaucoup  de  cérémonies  de  TEglise  romaine,  et 
les  Calvinistes  sont  unis  de  communion  avec  ces  Réformés.  Ces  cé- 
rémonies n*étaient  donc  point  une  raison  de  se  séparer  de  l'Église 
romaine,  et  les  Réformateurs  n'avaient  pas  une  autorité  saffi^mte 
pour  entreprendre  de  faire  les  changemens  qu'ils  ont  faits. 

Nous  les  avons  réfutés  à  Tarticle  Vigilance,  dont  ils  ont 
renouvelé  les  erreurs  :  on  peut  voir  la  défense  du  culte  extérieur, 
par  Brueys. 

Les  théologiens  de  TÉglise  anglicane  ont  combattu  les  principes 
des  Puritains  depuis  leur  séparation  jusqu'à  présent.  Voyez  VHist, 
ecelés.  de  la  Grande-Bretagne ,  par  Collier;  on  en  trouve  un  fort 
bon  extrait  dans  la  Biblioi,  anglaise,  t.  1,  pag.  181  ;  VHUtoire 
dei  PuritaiMt  par  Daniel  Neal^  1736,  3  vol.  in-S%  en  anglais. 

PRÉTENDUS  RÉFORMÉS.  Voyez  Réformation. 

PRISGILIEIN.  Chef  d'une  secte  qui  se  forma  en  Espagne,  vers 
la  fin  du  quatrième  siècle  :  cette  secte  alliait  les  erreurs  des  Gnos- 
tiques  et  celles  des  Manichéens. 

Ces  erreurs  furent  apportées  en  Espagne  par  un  nommé  Marc, 
et  adoptées  par  Priscilien. 

Priscilien  était  un  homme  considérable  par  sa  fortune  et  par 
sa  naissance  ;  il  était  doué  d'un  beau  naturel  et  d'une  grande  fa- 
cilité de  parler  ;  il  était  capable  de  souffrir  la  faim ,  de  veiller  ; 
il  vivait  de  peu;  il  était  désintéressé,  mais  ardent,  inquiet, 
animé  par  une  curiosité  vive.  H  n'est  pas  surprenant  qu'avec  de 
pareilles  dispositions  Priscilien  soit  tombé  dans  les  erreurs  de 
Marc  et  soft  devenu  chef  de  secte. 

Son  extérieur  humble ,  son  visage  composé ,  son  éloquence , 
séduisirent  beaucoup  de  monde  :  il  donna  son  nom  à  ses  disciples, 
qui  se  répandirent  rapidement  dans  une  grande  partie  de  l'Es- 
pagne et  furent  soutenus  par  plusieurs  évèques. 

Les  Priscilianistes  formèrent  donc  un  parti  considérable  :  Hygin, 
évêque  de  Cordoue ,  et  Idace ,  évéque  de  Mérida,  s'opposèrent  à 
leur  progrès,  les  poursuivirent  avec  beaucoup  de  vivacité ,  les  irri- 
tèrent et  les  multiplièrent:  Hygin,  qui  le  premier  leur  avait  déclaré 
la  guerre,  adopta  enfin  leurs  sentimcns  et  les  reçut  à  sa  communion. 

Après  plusieurs  disputes,  les  évéques  d'Espagne  et  d'Aqui- 
taine tinrent  un  concile  à  Saragosse  :  les  Priscilianistes  n'osé- 


PRl 

[  rent   s'ei[>oser  au  jugeucni  du  concUu  et  Turcot  condamné 

lustanliuseï  Salvien  ,  deux  Évéque»  priscilUnUies,  foin  da 

re  au  jugement  du  concile,  ordooDèrealPriscilienëvèqn 

[  de  Laliile, 

X  évéqnes  opposts  aux  Pris  cil  iaoUies ,  animés  par  un  m 
nseil,  dîl  Su Ipice  Sévère  ,  s'adressèrent  aux  juges  sûculieitl 
Kpour  Taire  chasser  les  Prise ilianistes  des  villes.  Par  mille  sollîot-  T 
f  laliuns  houleuses  ils  oblinreot  de  l'eDipercur  Grstiep  ud  rescnt' J 
R  qui  ordonnait  que  tes  hérétiques  seraient  chassés ,  Don-seulejnent  I 
"  les  et  des  villes,  mais  de  tous  les  pays'. 
Les  Priscilianistes,  épouvanlés  par  cel  édit,  n'usèrent  se  dfrj 
V  feodre  en  justice  ;  ceux  qui  prenaient  le  titre  d'évêques  eédërent  1 
l^'eux-mêmes  ;  les  autres  se  dispersèrent. 

lustaDtius,  Salvien  et  Priscilien  allèrent  1  Rome  et  â  Hîlan, 
13  pouvoir  obtenir  de  voir  ni  le  pape  Damase,  ni  saint  Ambroise.  ' 
Rejeiés  par  les  deux  évéques  qui  avaient  la  plus  grande  auto- 
Mtë  dans  l'Ëglise,  ils  tournèrent  tous  leurs  efTorls  du  c6lé  de 
"ralîen,  el,  à  force  de  sollicitations  et  de  prèsens,  ils  gagnèreut 
lllCédODius ,  maître  des  offices  ,  et  obtinrent  un  rescril  qui  caa- 
nil  celui  qu'ldace  avail  obtenu  contre  eux ,  et  ordoonait  de  k 
rétablir  dans  leurs  Églises  *. 

Les  Priscilianistes  revinrent  en  Espagne ,  gagnèrent  le  procofl 
sul  Volventius,  et  rentrèrent  dans  leurs  sièges  sans  opposilioi 
Ils  étaient  trop  aigris  contre  leurs  ennemis  pour  se  cnutenier  4 
leur  rétablissement;  ils  poursuivirent  Itace  comme  periurbateM 
des  églises  et  le  firent  condamner  rigoureusement. 

Itace  s'enfuit  dans  les  Gaules,  gagna  le   préfet  Grégoi 
ordonna  qu'un  lui  amenil  les  auteurs  du  trouble ,  et  en  inrormi 
l'empereur  aSo  de  prévenir  les  sollicitations.  Muis  tout  était  * 
ntl  î  la  cour,  et  les  Priscilianistes,   au  moyen  d'une  grandtil 
e  qu'ils  donnèrent  ï  Macédooius ,  obtinrent  que  l'emperen^H 
B^til  la  connaissance  de  cette  affaire  au  préfel  des  Gaules  el  qu'ellÎB 
l'fftt  renvoyée  au  vicaire  d'F^pagne  '. 

.    Uacédonius  envoya  des  ofliciers  pour  prendre  Itace ,  qui  élaîtl 
rsïTrèves,  el  le  conduire  en  Espagne;  mais  il  leur  échappi  I 
l'M  resta  secrèlemenl  h  Trêves  jusqu'il  la  révolte  du  Maxime. 

*  Sutpicc  Sdvire,  I,  2. 

1  Ibid. 
Uhid, 


302  PRl 

Lorsque  Tusurpaleur  Maxime  fut  arrivé  à  Trêves,  Itace  lat 
présenta  un  mémoire  contre  les  Priscilianistes  :  Itace  ne  pouvait 
manquer  d'intéresser  Maxime  en  sa  faveur  et  de  Tanimer  contre 
les  Priscilianistes ,  qui  devaient  être  dévoués  à  un  prince  qui  les 
protégeait  et  ennemis  de  Fusurpaleur,  au  moins  jusqu*à  ce  quUls 
Teusseut  gagné. 

Maxime  fit  conduire  à  Bordeaux  tous  ceux  qu'on  crut  infectél 
des  erreurs  de  Priscilien ,  pour  y  être  jugés  dans  un  concile. 

Instantius  et  Priscilien  y  furent  amenés  :  on  fit  parler  Insttn- 
Uus  le  premier ,  et  comme  il  se  défendit  mal  il  fut  déclaré  in- 
digne de  Tépiscopat. 

Priscilien  ne  voulut  point  répondre  devant  les  évêques  ;  il  ap- 
pela à  Fempereur,  et  Ton  eut  la  faiblesse  de  le  souffrir  ;  au  lieu 
qu'ils  devaient ,  dit  Sulpice  Sévère ,  le  condamner  par  contumace, 
ou,  s'ils  lui  étaient  suspects  avec  quelque  fondement,  réserrer  ce 
jugement  à  d'autres  évêques ,  et  non  pas  laisser  à  l'empereur  ce 
jugement  :  voilà  tout  ce  que  nous  savons  du  concile  de  Bordeaux. 

On  mena  donc  à  Trêves ,  devant  Maxime ,  tous  ceux  qui  étaient 
enveloppés  dans  cette  accusation. 

Les  évêques  llaccet  Idace  les  suivirent  comme  accusateurs ,  et 
au  préjudice  de  la  religion ,  que  ces  évêques  rendaient  odieuse 
aux  Païens  ;  car  on  ne  doutait  pas  que  ces  deux  évêques  n'agis- 
sent plutôt  par  passion  que  par  zèle  de  la  justice. 

Saint  Martin  était  alors  à  Trêves  pour  solliciter  la  gr&ce  de 
quelques  malheureux  ;  il  employa  toute  sa  charité,  sa  prudence 
et  son  éloquence  pour  engager  Itace  à  se  désister  d'une  accusation 

3ui  déshonorait  l'épiscopat.  11  conjura  Maxime  d'épargner  le  sang 
es  coupables  :  il  lui  représenta  que  c'était  bien  assez  qu'étant 
déclarés  hérétiques  par  le  jugement  des  évêques  on  les  chassât  des 
églises ,  et  qu'il  était  sans  exemple  qu'une  cause  ecclésiastique 
hU  soumise  à  un  juge  séculier. 

Itace,  pour  prévenir  les  effets  du  zèle  de  saint  Martin ,  l'ac- 
cusa d'hérésie  :  ce  moyen ,  qui  lui  avait  réussi  contre  plusieurs 
ennemis ,  fut  sans  succès  contre  saint  Martin.  Le  jugement  des 
Priscilianistes  fut  différé  tant  qu'il  fut  à  Trêves ,  et  lorsqu'il  par- 
tit ,  Maxime  lui  promit  qu'il  ne  répandrait  point  le  sang  des  ac- 
cusés. 

Mais  pendant  l'absence  de  sâiut  Martin,  Maxime  céda  enfin  aux 
conseils  et  aux  sollicitations  des  évêques  Magnus  et  Rufus  :  ce 
dernier  fut  déposé  depuis  pour  cause  d*bércsie. 


PRI  303 

I/einpereur  auittd  dune  les  scnlimcns  de  douceur  que  saint 
Martin  lui  avait  inspirés,  et  commit  la  cause  des  Prisciliuuistes  à 
Êvodius  ,  préfet  du  prétoire. 

Ëvodius  était  juste ,  mais  ardent  et  sévère  ;  il  examina  deux  fois 
Priscilien,  et  le  convainquit  par  sa  propre  confession  d*avoir 
étudié  des  doctrines  honteuses ,  d^avoir  tenu  des  assemblées  noo« 
turnes  avec  des  femmes  corrompues ,  de  s*êire  mis  nu  pour  prier. 
Ëvodius  fit  son  rapport  à  Maxime ,  qui  condamna  à  mojrt  Prisci- 
lien  et  ses  complices. 

itace  se  retira  alors ,  et  Pempereur  commit  à  sa  place  pour  ac- 
cusateur un  avocat  du  fisc.  A  sa  poursuite,  Priscilien  fut  condamné 
h  mort,  et  avec  lui  deux  clercs  et  deux  laïques  ;  on  continua  les 
procédures  et  Ton  fit  encore  mourir  quelques  Priscilianistes. 

La  mort  de  Priscilien  ne  fit  qu*étendre  son  hérésie  et  affermir 
•ses  sectateurs,  qui  Thonoraient  déjà  comme  un  saint;  ils  lui  ren- 
dirent le  culte  qu*on  rendait  aux  martyrs,  et  leur  plus  grand  ser- 
ment était  de  jurer  par  lui. 

Le  supplice  de  Priscilien  et  de  ses  sectateurs  rendit  Itace  et 
Idace  odieux  :  on  vit  Timpression  que  leur  conduite  fit  sur  les 
esprits  par  le  panégyrique  de  Théodose ,  que  Pacatus  prononça  & 
Rome ,  Tan  389  ,  en  présence  même  de  Théodose,  et  un  an  après 
la  mort  de  Maxime.  «  On  vit ,  dit  cet  orateur,  oui ,  on  vit  de  cette 
»  aouvelle  espèce  de  délateurs ,  évêques  de  nom ,  soldats  et  bour- 

>  féaux  en  effet ,  qui ,  non  contens  d*avoir  dépouillé  ces  pauvres 
»  malheureux  des  biens  de  leurs  ancêtres ,  cherchaient  encore  des 

>  prétextes  pour  répandre  leur  sang  ,  et  qui  ôtaient  la  vie  à  des 
»  personnes  qu'ils  rendaient  coupables  comme  ils  les  avaient  déjà 
9  rendues  pauvres  :  mais  bien  plus,  après  avoir  assisté  à  ces  JQ- 
»  gemens  criminels ,  après  s'être  repu  les  yeux  de  leurs  tpurmens 

>  et  les  oreilles  de  leurs  cris ,  après  avoir  manié  les  armes  des 
»  licteurs  et  trempé  leurs  mains  dans  le  sang  des  suppliciés ,  il^ 
»  allaient  avec  leurs  mains  toutes  sanglantes  offrir  le  sacrifice.  » 

L'autorité  de  la  justice ,  l'apparence  du  bien  public  et  la  pro- 
tection de  l'empereur  empêchèrent  d'abord  qu'on  ne  traitât  ceux 
qui  avaient  poursuivi  les  Priscilianistes  avec  toute  la  sévérité  que 
méritaient  des  évéqucs  qui  avaient  procuré  la  mort  à  tant  de  per- 
sonnes, quoique  criminelles  ;  cependant  saint  Âmbroise  et  plu- 
sieurs autres  évêques  se  séparèrent  de  leur  communion.  Saint 
Martin  refusa  d'abord  de  communiquer  avec  eux  ;  mais  il  s'y  dé- 
termina ensuite  pour  sauver  la  vie  à  quelques  Priscilianistes. 


304  PRO 

Après  la  mort  de  Maxime,  luce  et  Idace  forent  prifés  de  la 
communion  de  TÉglise  ;  Itace  fut  excommunié  et  envoyé  en  exU» 
où  il  mourut. 

Itace  n*avait  ni  la  sainteté  ni  la  gravité  d*un  évéqae  ;  il  était 
hardi  jusqu^à  Timpudence,  grand  parleur,  fastueux ,  et  traitait  de 
Priscilianistes  tous  ceux  qu*il  voyait  jeûner  et  s*appliquer  à  la  lec- 
ture; cepjendant  Itace  avait  des  partisans  en  France  :  sa  condam- 
nation y  fit  du  bruit ,  et  il  se  forma  en  sa  faveur  un  parti  consi-> 
dérable. 

De  leur  c6té ,  les  Priscilianistes ,  devenus  plus  fanatiques  par 
la  persécution ,  honorèrent  comme  des  martyrs  tous  les  Prisci- 
lianistes que  Ton  avait  exécutés ,  et  leur  erreur  se  répandit  sur- 
tout en  Galice;  presque  tout  le  peuple  de  cette  province  en  était 
infecté;  un  évéque  priscilianiste ,  nommé  Sympose,  ordonna 
même  plusieurs  évéques. 

Saint  Ambroise  écrivit  aux  évéques  d^Espagne  pour  demander 
que  les  Priscilianistes  fussent  reçus  à  la  paix ,  pourvu  qu'ils  con- 
damnassent ce  quMls  avaient  fait  de  mal.  On  tint  un  concile  à  To- 
lède, et  Ton  fit  un  décret  pour  recevoir  les  Priscilianistes  à  la  paix*. 

L'indulgence  et  la  sagesse  du  concile  de  Tolède  ne  furent  pas 
capables  d'étouffer  entièrement  l'hérésie  des  Priscilianistes,  et, 
quelques  années  après  ce  concile  (tenu  en  400) ,  Orose  se  plai- 
gnait à  saint  Augustin  que  les  Barbares  qui  étaient  entrés  en  Es- 
pagne y  faisaient  moins  de  ravage  que  ces  faux  docteurs  ;  diverses 
personnes  quittaient  même  le  pays  à  cause  de  cette  confusion*. 

Quelques  années  après ,  l'empereur  Honoré  ordonna  (l'an  407) 
que  les  Manichéens,  les  Cataphryges  et  les  Priscilianistes  seraient 
privés  de  tous  les  droits  civils  ;  que  leurs  biens  seraient  donnés  à 
leurs  plus  proches  paréos  ;  qu'ils  ne  pourraient  rien  recevoir  des 
autres ,  rien  donner,  rien  acheter  ;  que  même  leurs  esclaves  pour- 
raient les  dénoncer  et  les  quitter  pour  se  donner  à  l'Ëglise ,  et 
Théodose-le-Jeune  renouvela  cette  loi  '. 

Malgré  tous  ces  efforts ,  il  y  avait  encore  beaucoup  de  Prisci- 
lianistes dans  le  sixième  siècle,  et  l'on  assembla  un  concile 
contre  eux  à  Prague  K 

*  Ambr.,  ép.  5Î. 

2  Solpice  Sévère,  loc  dt. 

s  Cod.  Théod.,  16,  tit.  5, 1.  40,  p.  160  ;  L  48,  p.  168. 

*  Collect,  conc 


PTO  30 

TROCLIENS,  branclse  de  Monianisies  attacha    ù  Proclus. 

■'ÔDi  n'avait  rien  changé  dans  la  doctrine  àe  Moulan.  Proclni  1 

I Voulut  répandre  sa  doctrine  i  Rome  ,  ei  fui  convaincu  d'erreur  ' 

PRODIAMTES  ,  auiremcDl  nEnxioTiTES ,  disciples  d'Hermiai 

§reyfz  cet  aniclc. 

PTOLOMÊE,  disciple  et  coniomporain  de  Valenlin,  reconnais-  ' 
isonmatlre  unéire  souverainement  pariait,  parquitool 
lais  il  n'adopla  pas  le  sentiment  de  Valentin  sur  l'oi  ' 
Pgîne du  monde  et  sur  la  loi  judaïque. 

Pour  expliquer  l'origine  du  mal  et  trouver,  dans  le  sjslënw  j 
'   quisupposepourprincipedetouies  chosesun  étresouTeraînefflent 
parfait,  une  raison  suflisante  de  l'existence  du  monde  et  du  md   | 
qn'oQ  yTojait,  Valenlin  faisiil  sortir  der£)tre  suprême  de: 
ligences  moins  parfaites  ei  dont  les  productions  successivement  j 
dÉcroissantes  avaient  enlin  produit  des  êtres  malfaisans  qui  avaient   1 
1  formé  le  monde,  encîti^'  des  guerres  et  produit  les  maux  qui  nous 
Uffligent. 

JésusXbrisl  assurait  que  tout  avait  iié  fait  par  lui;  ainsi  le 
Kitiment  qui  attribuait  la  création  du  monde  ù  des  principes  op- 
Mes  b  JOsus-Cbrist  était  Faux;  l'opposition  qu'on  prétendait 
hinver  entre  l'ancien  et  le  nouveau  Testament ,  et  qui  servait  ds  I 

sentiment,  disparaissait  aussitôt  qu'on  jetait  t 
lentif  sur  la  lui  de  Moïse  et  sur  les  changemens  que  Jésus-Cbriit.J 

it  bits. 
l'LeDécalogue,  qui  est  la  base  de  la  loi  judaïque,  porte  évi^ 
~  flimeni  le  caractère  d'un  être  sage  et  bienfaisant;  il  contient  II 
'^borale  la  plus  pure  et  la  mieux  accommodée  au  bonbeu 
hommes.  I^  loi  de  l'Evangile  a  perfectionné  celte  loi. 
Les  lois  particulières  qui  semblent  déroger  h  celte  bonté  dll  1 
^^  l^islateur,  telles  que  la  loi  du  talion  ou  la  loi  qui  autorise  b  j 
^^E^engeance,  sont  des  lois  qui  étaient  nécessaires  pour  le  temps, 
^^BjBt  Jésus-Christ ,  en  les  abolissant ,  n'a  point  établi  une  toi  con- 
^^■^ire  aux  desseins  du  créateur,  puisqu'il  défend  rhomicide  dani  1 
^^Ble  Décalogue. 

^^V     A  l'égard  de  la  loi  du  divorce  que  Jésus-Christ  a  abolie 
^^BVett  point  une  loi  du  Dieu  créateur,  mais  un  simple  règlement  do  ] 
^^f  police  établi  par  Moïse,  comme  lésus-Cbrist  lui-même  l'assure. 
Quant  aux  lois  cérémonielles  et  fugitives ,  Jésus-Christ ,  i,  pro-  I 


■  Eufcb.,  HisI,  eccle*.,  I. 


\  li. 


9ÙÙ  pue 

premeni  parler,  ne  les  a  pas  détruites ,  car  il  en  a  coMerwé  V 
prit,  et  n*a  rejeté  ,  pour  ainsi  dire,  que  Técorce.  Jésus-CbrUt , 
en  détruisant  les  sacrifices  de  Tancienne  loi ,  n'a  pas  dit  qu'il  nç 
fallait  point  offrir  de  sacrifice  à  Dieu  ;  il  a  dit  qu'an  lieu  d'anioMUx 
on  d'encens ,  il  fallait  lui  oiïrir  des  sentimens  et  des  sacrifices 
spirituels  :  il  en  est  ainsi  des  autres  lois. 

De  ces  principes,  Ptolomée  concluait  que  la  loi  judaîqne  et  la 
loi  évangélique  avaient  pour  principe  un  Dieu  bienfaisant  ^t  non 
pas  deux  dieux  opposés ,  et  que  le  monde  n'était  point  Tonvrage  de 
VÊtre  suprême  ;  car  il  n'y  aurait  point  eu  de  mal ,  selon  Ptolomée. 

Le  créateur  était  donc  un  Dieu  bienfaisant  placé  au  centre  di| 
monde  qu'il  avait  créé ,  et  dans  lequel  il  produisait  tout  le  biim 
possible  ;  mais  il  y  avait  dans  ce  même  monde  un  principe  injuste 
^t  mécbant^  qui  était  uni  h  la  matière  et  qui  produisait  le 
mal. 

C'était  pour  arrêter  les  effets  de  sa  mécbanceté  que  )e  Diei^ 
créateur  avait  envoyé  son  Fils. 

Ainsi  Ptolomée  admettait  quatre  principes  ou  Êons,  au  lien  de 
cette  suite  infinie  que  Yalentin  supposait  dans  le  monde* 

Mais  comment  ce  principe  malfaisant  que  Ptolémée  supposait 
et  qui  n'existait  point  par  lui-même ,  comment,  dis-je,  cet  être 
pouvait-il  exister,  si  tous  les  êtres  tiraient  leur  origine  d'un  être 
^uverainement  parfait? 

C'est  une  difficulté  dont  Ptolomée  prétendait  avoir  la  solution 
dans  une  certaine  tradition  qu'il  n'explique  pas  * . 

PUCCIâNISTES,  sectateurs  du  sentiment  de  Puccius,  quj  pré- 
tendait que  Jésus-Cbrist,  par  sa  mort,  avait  satisfait  pour  tous  les 
bommes,  de  manière  que  tous  ceux  qui  avaient  une  connaissance 
naturelle  de  Dieu  seraient  sauvés,  quoiqu'ils  n'aient  aucune  con- 
naissance de  Jésus-Christ.  Il  soutint  ce  sentiment  dans  un  livre 
qu'il  dédia  au  pape  Clément  Vlll  l'an  1592,  dont  voici  le  titre  : 
De  Chrifti  Servaloris  efficacUate  in  omnibus  et  singulishominibus, 
quateniiit  homines  $unt,  tusertio  catliolica ,  œquitatt  divinœ  et  hn- 
manœ  consentanea,  universœ  scripturœ  S.  et  PP.  consensu  spirilu 
discretionis  probata ,  adversité  scholas  asseretiles  quidem  sttffi- 
cientiam  Servatoris  Christi,  sed  negantes  ejus  salutarem  ef/kaciam 

*  Pbilastr.,  De  b»r„  c.  89.  Aug.,  De  ba:r.,  c  13.  Tertul.  adversùs 
Valenlîn.,  c.  A.  Épiph.,  lixr.,  SS.Irxn.,  U  1,  ci,  6.  Crabe,  Spicilcg., 
saec.  2,  p.  68. 


QUA  307 

in  iinguUêf  ad  S.  potUificem  Clementem  VIIL  Gûfiduç.^  1^Q2» 
i»-8»*. 

Rbétorius,  dans  le  quatrième  siècle,  avait  pensé  à  peu  près  de 
même,  et  Zuingle,  dans  le  quinzième. 

Cette  erreur  peut  être  une  erreur  du  cœur  ;  elle  est  contraire 
aux  paroles  de  Jésus-Christ  même,  qui  dit  que  personne  ne  va  à 
son  Père  que  par  lui,  et  que  celui  qui  ne  croira  pas  sera  con- 
damné *. 

Puccius  a  été  réfuté  par  Osiander,  par  Lysérus  et  par  d'autres 
théologiens  allemands,  cités  par  Stockman^. 

PURITAINS.  Voyez  Presbytériens. 

PYRRHUS.  Voyez  Momotuélites. 


QUADR13ACRAUENTAUX,  disciples  de  Vélanchtoq,  ainsi 
appelés  parce  qu'ils  n'admettent  que  quatre  sacremens  :  le  bap- 
tême, la  cène,  la  pénitence  et  l'ordre. 

QUAKERS  ;  ce  mot  en  anglais  signifie  Trembleurs  :  c'est  le 
pom  d'unesecte  d'enthousiastes  qui  tremblent  de  tous  leurs  mem- 
bres lorsqu'ils  croient  sentir  l'inspiration  du  Saint-Esprit.  L'o- 
rigine, le  progrès,  les  mœurs,  les  dogmes  de  cette  secte  singulière 
méritent  une  place  dans  l'histoire  des  égaremens  de  l'esprit  h|i- 
maio. 

De  l'origine  det  Quakers. 

Vers  le  milieu  du  dix-septième  siècle,  George  Fox,  cordonnier 
dans  le  comté  de  I^icester,  employait  à  lire  l'Écriture  sainte 
tout  le  temps  qu'il  ne  donnait  pas  au  travail  ;  quoiqu'il  sût  5 
peine  lire,  il  avait  beaucoup  de  mémoire ,  et  il  apprit  l'Écriture 
presque  entière  :  il  était  né  sérieux  et  même  atrabilaire  ;  il  qe 
voyait  qu'avec  peine  ses  camarades  se  délasser  de  leur  travail  par 
des  amusemens  qu'il  ne  goûtait  pas  et  qu'il  condamnait  avec  ai- 
greur. Il  devint  odieux  à  ses  camarades ,  ils  le  chassèrent  de  leur 
société,  et  il  se  livra  à  la  solitude  et  à  la  méditation. 

*  Stockman  Lexic.  in  nov.  Puccianist 
'  Joan.,  iàt  V.  6.  Marc,  16,  v.  16. 
3  Loc  cit. 


808  QUA 

Les  vices  et  la  dissipation  des  hommes,  le  compte  qu*ils  devaient 
rendre  à  Dieu  des  jours  passés  dans  le  désordre  et  dans  Toublî 
de  leurs  devoirs,  Tappareil  du  jugement  dernier,  étaient  Tobjet  de 
ses  méditations  :  effrayé  par  ces  terribles  images,  il  demanda  à 
Dieu  le  moyen  de  se  garantir  de  la  corruption  générale  ;  il  crut 
entendre  une  voix  qui  lui  ordonnait  de  fuir  les  hommes  et  de  vi- 
vre dans  la  retraite. 

Fox,  dès  ce  commencement,  rompit  tout  commerce  avec  les 
hommes  ;  sa  mélancolie  augmenta  ;  il  se  vit  environné  de  diables 
qui  le  tentaient  :  il  pria,  il  médita,  Il  jeûna,  et  crut  encore  enten- 
dre une  voix  du  ciel  et  sentir  une  lumière  qui  dissipait  ses  crain- 
tes et  fortifiait  son  Âme.  Fox  ne  douta  plus  alors  que  le  cid  ne 
veillât  sur  lui  d*une  manière  particulière  ;  il  eut  des  visions,  des 
ravissemens,  des  extases,  et  crut  que  le  ciel  lui  révélait  tout  ce 
qu'il  voulait  connaître  :  il  demanda  de  connaître  le  véritable  es- 
prit du  christianisme  et  prétendit  que  Dieu  lui  avait  révélé  tout 
ce  qu'il  fallait  croire  et  faire  pour  être  sauvé,  et  qu'il  lui  avait  or- 
donné de  l'enseigner  aux  hommes. 

Fox  renonça  donc  à  son  métier,  s'érigea  en  apôtre,  en  prophète, 
et  publia  la  réforme  qu'il  prétendait  que  Dieu  lui  avait  inspiré  de 
faire  dans  les  dogmes  et  dans  le  culte  des  chrétiens,  dont  11  disait 
que  toutes  les  Églises  avaient  altéré  la  pureté. 

Jésus-Christ,  disait  Fox,  a  aboli  la  religion  judaïque;  au  culte 
extérieur  et  cérémonie!  des  Juifs  il  a  substitué  un  culte  spirituel 
et  intérieur  ;  aux  sacrifices  des  taureaux  et  des  boucs  il  a  substi- 
tué le  sacrifice  des  passions  et  la  pratique  des  vertus  :  c'est  par 
la  pénitence,  par  la  charité,  par  la  justice,  par  la  bienfaisance, 
par  la  mortification,  que  Jésus-Christ  nous  a  appris  à  honorer 
Dieu.  Celui-là  seul  est  donc  vraiment  chrétien  qui  dompte  ses  pas- 
sions, qui  ne  se  permet  aucune  médisance,  aucune  injustice,  qui  ne 
volt  point  un  malheureux  sans  souffrir,  qui  partage  sa  fortune 
avec  les  pauvres,  qui  pardonne  les  injures,  qui  aime  tous  les  hom- 
mes comme  ses  frères  et  qui  est  prêt  à  donner  sa  vie  plutôt  que 
d'offenser  Dieu. 

Sur  ces  principes,  jugez,  disait  Fox,  jugez  toutes  les  sociétés 
qui  se  disent  chrétiennes,  et  voyez  s'il  y  en  a  qui  méritent  ce 
nom. 

Partout  ces  prétendus  chrétiens  ont  un  culte  extérieur,  des  sa- 
cremens,  des  cérémonies,  des  liturgies,  des  rites  par  lesquels  ils 
prétendent  plaire  à  Dieu  et  dont  ils  attendent  leur  salut.  On 


I  QITA  30»! 

ditsse  de  toutes  tes  sociétés  chr6tiennps  ceux  qui  n'obserTeu  \ 
point  ces  riies,  el  l'on  y  reçoit,  souvent  même  on  rospecie,  le»  " 
méiiisans,  les  voluptueux,  lea  vindicBiifs ,  les  méchaps.   Les 
rhrétiens  les  plus  fidèles  au  culte  extérieur  remplissent  la  so- 
ciale civile  et  l'É^^lise  de  dirisions,  de  brigandages  et  de  partis 
qui  se  liaCssent  et  qni  se  disputent  avec  fureur  une  dignité,  un  grade, 
un  hommage,  une  préférence  ;  aucune  des  sociéiés  chrétiennes  n« 
rend  donc  ï  Dieu  un  culte  pur  et  légitime  ;  toutes,  sans  en  excep-  | 
ter  les  Églises  réformées,    sont  retombées  duns  le  judaiin 
n'est-ce  pas  en  eOet  être  Juit  el  avoir  eu  quelque  aorte  réuibli  II  I 
circoncision  que  de  faire  dépendre  la  justice  et   le  salut  du  I 
b:ipiéme  et  des  sacKmens?  Les  ministres  de  l'Ëglise  sont  eu 
mes  dans  ces  erreurs,  et  ilss'y  eolretienncnt  pour  conserver  lenrsl 
revenus  et  leurs  dignités  :  la  corruption  a  donc  tellement  pénétré  I 
dans  tontes  les  sociétés  chrétiennes  qu'il  j  a  moins  d'inconvéniens  J 
à  j  tolérer  tous  les  vices  et  tous  les  désordres  qu'il  entreprendrai  ■ 
Kde  les  réformer  :  qne  reste- l-il  donc  i  faire  &  ceux  qui  veulent  sftl 
liuon  de  se  séparer  de  taules  les  Églises  cbrétienne9,fl 
!r  Dieu  par  la  pratique  de  toutes  les  vertus  dont  Ji^ 
f  Christ  esi  venu  nous  donner  l'exemple,  et  de  former  une  soc 

Mligieusequî  n'admette  que  des  hommes  sobres,  pa tiens,  mortî'"' 

FAés,  indulgens,  modestes,  charitables,  prêts  i  sacrifier  leur  re-  | 

1,  leurfortune  et  leur  vie,  plul6t  que  de  participera  la  corrup-  I 

ion  générale?  VoiU  la  Traie  Église  que  Jésus-Christ  est 

^•établir,  et  hors  de  laquelle  il  n'j  a  point  de  salut, 

Fox  prêchait  cette  doctrine  dans  les  places  publiques,  dans  lei  1 
s,  dans  les  maisons  particulières,  dans  les  lemples  ;  il  pieu-  I 
Wt,  gémissait  sur  l'aveuglenienL  des  hommes  :  il  émut,  il  toucbi, 
I  persuada,  il  se  Gt  des  disciples. 
Encouragé  par  ces  premiers  succès,  i1  voulut  faire  des  mlr^ 
;  il  prétendit  en  avoir  fait  :  ses  disciples  les  publièrent  et  en  J 
it  une  preuve  de  la  vérité  de  leur  doctrine:  mais  ils  abandon-  I 
reot  bientSl  cette  preuve  et  prétendirent  que  Fox  n'annonçait  M 
'  fu  une  nouvelle  religion,  mais  rappelant  seulement  les  hommes   ' 
i  la  pratique  de  l'Évangile,  il  n'était  pas  nécessaire  qu'il  fil  des 
miracles, 

Insensiblement  le  nombre  des  disciples  de  Fox  augmenta,  el  il 
iS  une  sociéié  religieuse  qui  n'avait  ni  culte  extérieur,  i  '  " 
_ie,  ni  ministres,  ni  prières. 
C'était  en  méditant  profondément  que  Fox  avail  été  éclairt 


3tO  gUA 

luoùères  du  eiel,  qu*il  avait  eu  des  visions,  des  exUses  :  voilà  te 
modèle  sur  lequel  il  forma  les  assemblées  religieuses  de  sa  sado^ 
Lorsque  ses  disciples  étaient  assemblés,  chacun  rentrait  profoailé- 
ment  en  lui-même  et  observait  attentivement  les  opérations  da 
Saint-Esprit  sur  son  âme  :  le  Quaker  dont  l*imaginaiioQ  était  (% 
plus  vive  sentait  le  premier.  Finspiration,  rompait  tout  à  coup  la 
silence,  exhortait  toute  rassemblée  à  se  rendre  attsnti?e  à  ee  qua 
le  Saint-Esprit  lui  inspirait,  et  parlait  sur  le  renopeemeoi  k  soi« 
même,  sur  la  nécessité  de  faire  pénitence,  d'être  sobre,  juste, 
bienfaisant;  bientôt  topte  rassemblée  se  sentait  émue,  8*écluiuf<« 
fait,  tremblait  ;  rinspiration  devenait  générale,  et  c'éuii  k  qui 
parlerait  le  plus  haut  et  le  plus  long-temps. 

Les  Quakers  ne  doutaient  donc  pas  qu'ils  ne  fussea  instmils 
extraordinairement  par  le  Saint-Esprit  ;  ils  se  regardaient  commo 
ses  temples;  ils  croyaient  sentir  sa  présence  ;  ils  sortaient  de  lenra 
assemblées  graves,  recueillis,  silencieux  ;  ils  dédaignaient  lelaste^ 
les  honneurs,  les  richesses.  Un  Quaker  ne  voyait  dans  un  Qua- 
ker qu'un  temple  du  Saint-Esprit  :  toutes  les  distinctions  de  la 
société  civile  disparaissaient  à  ses  yeux,  et  les  Quakers  se  regar* 
daient  comme  une  famille  que  le  Saint-Esprit  éclairait  et  dirt« 
geait. 

Les  Quakers,  persuadés  que  Dieu  seul  mérite  nos  hommages, 
notre  respect,  notre  admiration,  tutoyaient  tout  le  monde,  ne  sa^ 
luaient  personne,  et  refusaient  aux  magistrats  et  même  aux  rois 
toute  espèce  d'hommage. 

Mais  ils  auraient  partagé  leur  fortune  et  sacrifié  leur  repos  pour 
l'homme  auquel  ils  refusaient  le  salut  ou  qu'ils  tutoyaient. 

Ils  ne  faisaient  jamais  de  serment  parce  que  Jésus-Christ  l'avait 
défendu,  et  ils  ne  voulaient  point  payer  la  dîme,  parce  que  c'était 
un  crime  de  contribuer  à  l'entretien  des  ministres  d'une  Ëglise 
corrompue  \  mais  ils  n'empêchaient  point  de  lever  la  dtme,  parce 
qu'ils  croyaient  qu'un  chrétien  ne  doit  jamais  opposer  la  force  | 
la  force,  ou  plaider  pour  des  intérêts  temporels.  Comme  les  Quakers 
regardaient  toutes  leurs  idées  comme  des  inspirations  du  Saint-Es- 
prit, ils  regardaient  toutes  les  maximes  de  leur  secte  comme  des  de- 
voirs essentiels,  et  ils  auraient  plutôt  sacrifié  leurs  biens,  )eur  li- 
berté, leur  vie,  que  de  saluer  un  homme,  de  faire  un  serment  ou 
de  payer  la  dlme. 

Comme  tous  les  Quakers  se  croyaient  inspirés  »  il  n'y  en  e^ 
aucun  qui  ne  se  regardât  comme  un  apôtre  destiné  par  la  Pjrovi- 


f  (JIA  :lll 

4^n^t>^  i^clairprunL'p:irliiMlu  niunile  ;  rAnj-ti'lcm^sc  trouva  liicn- 
lôl  remplie  d'une  mulliliide  incrojaWe  de  Prédicnns,  qoi  troii^  I 
ïtrcnl  partout  îles  iuiagininiuiis  tlves  ot  des  esprils  lilblos  qu'ils  1 
Ei^dulsireot ;  partuut  on  tÎI  îles  oiagîMniU,  des  théologiens,  dra  \ 
laboureurs,  dee  soldats,  des  personues  de  qualité,  des  femmei, 
des  lilles  ,  s'unir  lui  Quakers,  aller  dans  les  places  publiques , 
dans  les  temples,  trembler,  prophétiser,  prêcher  contre  l'Ëglisk 
anglicane ,  troubler  le  service  des  églises ,  insulter  les 
d6cl:iiuer  aveu   emporleinent    contre  la   curruplian   < 
états. 

Tout  le  clergé  et  la  plus  grande  partie  du  peuple 
contre  cette  secte  nouvelle  ,  el  les  magistrats  cmplofèreni  leuf  ' 
autorité  pour  réprimer  l'audace  des  Quakers  :  on  les  battit , 
le*  emprisonna,  on  les  dépouilla  de  leurs  biens,  et  l'on  uv  Gl  que  1 
donner  de  l'éclata  la  secleel  multiplieriez  Quakers. 

Quoique  chaque  Quaker  se  crût  inspiré,  fox  était  cependani  i 
respeeié  eomme  le  cher  de  U  secle  et  comme  le  restaurateur  i 
du  cliri^tiaDismc  :    Il   envoja  des  lettres   pastorales  dans  touB    [ 
les  endroits  ob  tes  Quakers  avaient  fait  des  prosél;rtes;  il  écri- 
vit !i  tous  les  souTerains  du  monde ,  au  roi  de  France  ,  ï  l'em-- 
(icreur,  au   sultan,  etc.,  pour  leur  dire  de  la  part  de  Dieu    i 
qu'ils  eussent  &  embrasser  sa  doctrine  :  des  hommes ,  des  Temmes, 
des  lilli's ,  passèrent  daos  tous  les  pays  du  monde ,  pour  y  porter  1 
les  li>ttres  de  Fot  et  pour  y  prêcher  sa  doctrine ,  mais  sans  succèt.    ( 

Croniwel  régnait  alors  en  Angleterre;  il  voulut  voir  Fo\;  il  j 
en  prit  une  idée  avantageuEe  et  conçut  de  l'estioïc  pour  sa  secte  ;   \ 
mais  il  donna  un  édit  par  lequel  il  défendait  aui  Quakers  de  s'as- 
ce;nliler  publiquement,  ei  ordonuait  aux  ma  gi  si  rais  d'empêcher    i 
qu'on  ne  les  insultAi.  i 

Cromwel  ne  Tut  obéi  ni  par  les  Quakers  ni  par  leurs  ennemis;    , 
i-la  conlinuirunt  à  s'assembler,  et  l'on  continua  de  les  traiter 

piureusemenl,  mais  uns  alTaiblir  leur  zélé  et  sans  arrêter  leun    i 
tu  sorte  que,  dix  ans  après  les  premièrea  prédictions  de    > 

1  (  en  IG&O  ),  les  Quakers  tinrent  dans  le  comté  de  Bedrurt .  i 

■  assemblée  ou  un  a;node  général ,  où  se  trouvèrent  des  dé-  \ 
jÎÊii»  de  toutes  les  parties  de  l'Angleterre. 

'  es  Quakers  furent  traités  avec  beaucoup  plus  de  rigueur  après  I 
k  mort  du  CroRinel ,  loraque  les  Anglais  eurent  rappelé  Char- 
liât  II  :  le*  ennenris  des  Quiik«rs  Im  peignircui  comme  di^s  enne- 
niisdi-ri^^lse,  dd'filnti't'lu  roi;  un  ilOfendit  leurs  assemblées, 


3iS  QUA 

'et  le  parlement  ordonna  qu'ils  prêteraient  germent  de  fidèle  ta 
roi ,  sous  peine  de  bannissement  de  TAngleterre.  Les  Quakers  ne 
cessèrent  point  de  s*assembier  et  refusèrent  constamment  de  pré* 
ter  les  sermens  qu'on  exigeait  d'eux  :  les  ennemis  des  Quakers , 
autorisés  par  les  lois ,  exercèrent  sur  eux  des  rigueurs  incroya- 
bles ;  les  Quakers  n'opposèrent  à  leurs  ennemis  qu'une  patience 
et  une  opiniâtreté  invincible,  et  Ton  ne  put  ni  les  empêcher  de 
s'assembler,  ni  en  obtenir  qu'ils  prêtassent  serment  de  fidélité 
au  roi. 

Fox  était  un  fanatique  ignorant  et  atrabilaire ,  qui  n'ayait  d'a- 
bord séduit  que  la  populace  plus  ignorante  que  lui  ;  mais  comme 
il  y  a  dans  la  plupart  des  hommes  un  germe  de  fanatisme ,  Fox 
s'était  fait  des  disciples  dans  les  différons  États;  le  Quakérisme 
se  trouva  insensiblement  uni  avec  de  l'esprit  et  même  de  l'énidi- 
tion.  Les  Quakers  alors  se  conduisirent  avec  plus  de  circonspec- 
tion :  on  ne  les  vit  plus  enseigner  dans  les  places  publiques,  prê- 
cher dans  les  cabarets,  entrer  dans  les  églises  comme  des  fororâés, 
insulter  les  ministres  et  troubler  le  service  divin. 

Enfin  des  hommes  savans ,  tels  que  Guillaume  Penn,  George 
Keit  et  Robert  Barclay ,  entrèrent  dans  la  secte  des  Quakers,  et  le 
Quakérisme  prit  alors  une  nouvelle  forme.  Fox  vivait  encore  et  se 
donnait  beaucoup  de  mouvement,  mais  Penn  et  Barclay  devinrent 
en  effet  les  chefs  de  la  secte. 

Du  Quakérisme,  depuis  que  Penn  et  Barclay  V eurent  embrassé  *• 

Le  fanatisme  propre  à  faire  embrasser  le  Quakérisme  se  trouva 
dans  Penn  et  dans  Barclay  uni  k  beaucoup  d'érudition ,  à  un  es- 
prit méthodique ,  à  des  vues  élevées  :  le  fanatisme  employa  tons 
ces  avantages  en  faveur  du  Quakérisme ,  et  il  prit  une  forme  nou- 
velle. 

Les  Quakers  avaient  écrit  pour  défendre  leur  secte  ;  mais  leurs 
ouvrages  étaient  écrits  avec  emportement  et  amertume,  remplis 
d'injures  et  même  de  blasphèmes  ;  ils  voulaient  que  tout  se  sou- 
mit à  leur  sentiment.  Penn  et  Barclay  ne  prétendaient  assujétir 
personne  et  ne  réclamaient  que  les  droits  de  la  conscience  et  de 
la  liberté ,  droits  inviolables  selon  eux  en  Angleterre  K 

*  George  Keit,  excellent  philosophe  et  bon  théologien,  abandonna  la 
secte  des  Quakers  ;  c'est  pourquoi  nous  ne  parlerons  plus  de  lui. 
>  Défenses  des  anciennes  et  justes  libertés  du  peuple,  etc. 


Ql!A  318 

lU  représentèrent  les  Quakers  l'omme  une  âociétf  qui  n'aspi- 

lil  qu'à  rétablir  le  cliristiunisme  primiiirel  ï  Turmer  de  tous  lea 

kommes  ane  famille  religieuse,  et  qui  ne  voulait  ni  dominer  dana 

'Eut,  ni  assujélir  personnel  penser  coinme  elle. 

Barcliij  publia  un  caléchisme  ou  profession  de  foi  qui  atait  potu 
tête  les  principes  fondameniaux  du  ProiesianliBoie  '. 

Enfin  Barcla;  composa  ses  tbèses  lliéologiques  ;  et  le  Quské- 
JUDc,  qui  n'était  dans  son  origine  qu'un  amas  d'extravagances  et 
de  vi&îoiis,  devint  un  systËme  de  religion  el  de  théologie,  capa- 
Ue  d'en  imposer  aux  perscinnes  éclairées ,  et  trè« -embarrassant 
pour  les  théologiens  proies  tans. 

Penn  et  Barclaj'  ne  servirent  pas  le  Quakérisme  seulement  par 
nin  écrits,  ils  passèrent  en  Hollande  et  en  Allemagne  pour  j 
»ire  des  prosélytes.  Ce  fui  vers  ce  temps  {1681  )  que  Charles  11 
bnna  ft  Peni^t  i  ses  héritiers  en  propriété  cette  province  de 
'Amérique  qui  est  ù  l'ouesi  de  la  rivière  delà  Warc,  nomméei 
jduiia  le  temps  qu'elle  appartenait  aux  Hollandais,  les  nouveaux 
ijs-Bas  :  celle  concession  se  lit  en  considération  dus  services 
'in  avait  rendus,  el  de  diverses  sommes  que 
lui  devait  encore  lorsqu'il  mourut.  Le  roi  changea  le 
pays ,  el  l'appela  l'ensjlvanie  pour  faire  honneur  k 
M-  Penn  et  ï  ses  héritiers ,  qu'il  en  déclara  seuls  propriétaires  et 
gouverneurs, 

Penn  pusa  en  Amérique  pour  donner  des  lois  ï  sou  nouvel 
4Ul  :  les  consiiiu lions  fondamentales  sont  en  vingt-quatre  articles, 
4oul  voici  le  premier.  ■  Au  nom  de  Dieu ,  le  ptre  des  lumières  et 
des  esprits ,  l'auteur  el  l'objet  de  toute  connaissance  divine ,  de 
toute  fui  et  de  toui  culte ,  je  déclare  et  établis  pour  moi  el  les 
miens,  comme  première  loi  fondameniale  du  gouvernement  de 
ce  pays,  que  toute  personne  qui  y  demeure  ou  qui  viendra  s'y 
élablir  jouira  d'une  pleine  liberté  de  servir  Dieu  de  la  ma- 
nière qu'elle  croit  en  conscience  lui  être  la  plus  agré-able;  el 
tant  que  cette  personne  ne  changera  pas  sa  liberté  chrétienne 
en  licence ,  el  qu'elle  n'en  usera  pas  au  préjudice  des  iiutres 
en  tenant,  par  exemple,  des  discours  sales  et  profanes,  en  pal 
lant  aveu   mépris   de  Dieu,  de  Jésus-Cbrisl ,  de  l'Fllcrilui 


•  Caléchisme  ou  confctàon  de  foi,  dressée  el  npprouvée 
Uec  générale  des  patriarches  cl  des  spijtrcs,  sous  I 
•U»-Christ  lui-m(me. 


îJll  QUA 

»  SAinte  ou  dô  la  religion  ,  ou  en  commetlant  quelque  mal  moral , 
f  ou  en  faisant  quelque  injure  aux  autres ,  elle  sera  protégée  par 
»  le  magistrat  civil  et  maintenue  dans  la  jouissance  de  sa  susdite 
»  liberté  chrétienne.  » 

Un  grand  nombre  de  Quakers  passèrent  en  PensyWanîe  pour 
se  soustraire  aux  rigueurs  que  Ton  exerçait  sur  eux  en  Angle- 
terre, jusqu*à  la  mort  de  Charles  IL 

liC  duc  d^Torck ,  qui  lui  succéda  sous  le  nom  de  Jacques  II  « 
était  fort  attaché  à  TÉglise  romaine ,  et  forma  le  projet  de  réta- 
blir la  religion  catholique  en  Angleterre;  pour  cet  effet,  il  per- 
mit Texercice  libre  de  toutes  les  religions  ;  il  marqua  même  une 
estime  particulière  pour  les  Quakers.  Penn  jouissait  auprès  de  lui 
de  la  plus  haute  faveur  :  Penn  profila  de  son  crédit  pour  rendre 
service  surtout  aux  Quakers  et  pour  leur  ouvrir  la  porte  des  di* 
gnités  et  des  charges  ;  il  obtint  un  édit  qui  cassaiKelui  qui  pre- 
scrivait la  prestation  du  serment  à  ceux  qui  aspiraient  aux 
charges. 

Le  roi  ne  dissimula  point  son  attachement  à  la  religion  catho- 
lique y  et  Ton  ne  douta  pas  que  la  dispense  du  serment  de  fidélité 
n^eût  pour  objet  le  rétablissement  des  catholiques  dans  les  char- 
ges et  dans  les  dignités.  Les  évêques  s*en  plaignirent  ;  le  roi  ne 
répondit  à  leurs  plaintes  qu'en  les  destituant  ou  en  les  faisant  en- 
fermer :  le  peuple  ne  douta  plus  que  le  roi  ne  voulût  rétablir  la 
religion  romaine.  Toutes  les  sectes  de  TAngletcrre  furent  effrayées 
de  ce  projet,  et  les  Quakers  même,  qui  craignaient  encore  plus 
les  catholiques  que  les  Anglicans  :  tout  se  souleva  contre  Jac- 
ques II;  Guillaume ,  prince  d'Orange,  monta  sur  le  trône,  que 
Jacques  abandonna  à  son  arrivée  en  Angleterre. 

Sous  Guillaume  III ,  le  parlement  fit  une  loi  pour  accorder  le 
libre  exercice  de  toutes  les  religions ,  excepté  la  catholique  et  la 
socinienne;  depuis  ce  temps,  les  Quakers  jouissent  en  Angle- 
terre de  la  tolérance ,  et  vivent  sous  la  protection  des  lois 
H  de  rÉtat;  cependant,  comme  la  loi  du  serment  est  toujours 
en  vigueur  en  Angleterre,  et  que  les  Quakers  refusent  con- 
stamment de  prêter  aucun  serment,  ils  sont  exposés  à  être 
inquiétés  et  maltraités  par  les  magistrats  ou  par  les  collecteurs 
des  dîmes,  dont  les  malversations  sont  assez  ordinairement  im- 
punies. 


giA 

Sgiléme  (Mologique  dét  Qaakeri. 

La  souTcraine  T^liciié  dû  riiainmo  coDsUla  dant  lu  \niu  «4(1 
uinsance  de  Diau  et  de  Ji^us-CliriEl  '. 

no  oe  connaît  le  l'Ère,  eIuod  le  Fils  et  celui  auiiuel  IsJ 
tiU  l'a  réTËlé. 

La  rétélalian  du  Fils  est  dans  l'eipril  el  par  l'esprit  *. 
Ainsi ,  le  témoignage  du  l'eaprii  est  le  setd  oujen  d'acquériil 
I  h  vraie  eonoaiEsani^e  de  Dieu  :  c'est  par  ce  mojen  que  Diou  l'eit  | 
I  feii  coonalire  aux  patriarches ,  aux  proplièles ,  aux  ap6lresÉ 

Ces  révélations  de  Dieu  par  l'esprit ,  sait  qu'elles  se  fassent  pif  i 

les  voies  extérieures,  par  des  apparitions,  par  dos  songoe,  on  I 

I '^r  des  ma  ni  restai  ions  el  par  des  illuminations  inlérieures ,  st 

[ïobjel  lorinel  de  notre  Toi, 

Ces  révËlitions  iutârieures  ne  peuvent  jamais  élro  opposées  lu.  j 
imoignage  cilérieur  de  rÉcriliire  ni  i  la  saine  et  droite  ri 
ir  cette  révélation  divine  ou  celte  illunii Dation  intérieure  i 
ftideWs  et  claire  par  elle-roème ,  et  renleudeoienl  y  scquie» 
ii  Décessai  rem  col  qu'aux  premiers  principes  de  la  n' 
B  peut  donc  soumettre  les  révélations  intérieures  du  Saiot-E 
irit  >  l'examen  de  la  raison. 

'  C'wt  de  ees  saintes  rùvélations  de  l'Esprit  de  Dieu  aux  s; 
WnmBt  que  sent  procédées  les  burilures   de  vérité ,  leequelloi 
BfOnlicnneni  premièrement  un  récit  lidèle  des  actiuns  du  paupt 
!■  Dieu  en  plusieurs  siècles,  comme  aussi  plusieurs  écotioniÎ4l 
wrLiculitres  de  la  Provïdenre  qui  les  accompagnaient  i  seuondfl 
nent,  un  récit  prophétique  de  plusieurs  choses,  dont  quelque 
nncssonl  passées  et  les  autres  sout  encore  ï  venir;  en  iruisiËnifi^ 
lieu,  uuample  el  plein  récit  des  principaux  dogmes  de  lu  doclrinf  J 
du  Cbrist ,  précbée  et  représentée  en  plusieurs  excellentes  décl^  1 
niions,  exhortations  el  scnleaces,  lesquelles  nnt  élé  dites  tt  J 
ëcrilet  par  le  mouvcmenl  de  l'esprit  de  Ûieu  en  divers  temps,  ^-  J 
qoelqnes  Eglises  et  â  Ieuri>  pasteurs ,  sdou  diverses  occasiuifc  J 
I  .^tenmoini,  parce  qu'elles  ne  soni  que  ladédiratiuudclasourcfl,  J 
n  pas  la  source  elle-même,  elles  ne  doivenl  pa*  être  e: 
ne  le  principal  rondement  de  toute  vérité  et  cuniialssanqi,  J 
|i  comme  la  râglo  preniiére  de  la  fui  el  des  misurs. 

tJo»n.,17,  8. 
iMatUi.,  Il,  I».  !7, 


316  QUA 

Néanmoins  »  puisqu'elles  donnent  un  véritable  et  fidèle  témoi- 
gnage de  leur  première  origine,  elles  sont  et  peuvent  être  esti- 
mées comme  une  règle  seconde  et  subordonnée  à  l'esprit ,  duquel 
elles  tirent  Texcellence  et  la  certitude  qu'elles  ont. 

Car,  comme  nous  ne  connaissons  leur  certitude  que  par  le  seul 
témoignage  intérieur  de  Tesprit,  elles-mêmes  témoignent  aussi 
que  Tesprit  est  ce  guide  par  lequel  les  saints  sont  menés  en  toute 
vérité;  c'est  pourquoi ,  selon  les  Écritures ,  l'esprit  est  le  premier 
et  le  principal  conducteur  ;  et  puisque  nous  ne  recevons  et  ne 
croyons  les  Écritures  que  parce  qu'elles  sont  procédées  de  l'es- 
prit ,  par  conséquent  aussi  l'esprit  est  plus  originairement  et  prin- 
cipalement la  règle. 

Toute  la  postérité  d'Adam  est  tombée  et  privée  de  cette  lu- 
mière intérieure  du  Saint-Esprit. 

Dieu ,  par  son  infinie  charité ,  a  donné  son  fils  unique ,  afin  que 
quiconque  croit  en  lui  soit  sauvé  ;  ce  fils  illumine  tout  homme  ve- 
nant au  monde  ;  il  enseigne  toute  justice ,  tempérance  et  piété ,  et 
cette  lumière  éclaire  les  cœurs  de  tous  ;  car  la  rédemption  n'est 
pas  moins  universelle  que  le  péché  originel. 

U  y  a  donc  dans  tous  les  hommes  une  lumière  évangélique  et 
une  grâce  salutaire. 

Nous  ne  sommes  donc  justifiés  ni  par  nos  œuvres  produites  par 
notre  volonté ,  ni  même  par  les  bonnes  œuvres  considérées  en 
elles-mêmes  ;  c'est  par  Jésus-Christ. 

Le  corps  de  péché  et  de  la  mort  est  ôté  dans  ceux  en  qui  cette 
sainte  et  immaculée  conception  est  produite  entièrement,  et  leurs 
cœurs  deviennent  unis  et  assujétis  à  la  vérité ,  tellement  qu'ils 
n'obéissent  à  aucunes  suggestions  ni  tentations  du  démon,  et  sont 
délivrés  du  péché  actuel  et  de  la  transgression  de  la  loi  de  Dieu , 
et  à  cet  égard  ils  sont  parfaits  :  cette  perfection  admet  pourtant 
toujours  un  accroissement,  et  la  possibilité  de  pécher  demeure 
en  quelque  manière ,  lorsque  l'entendement  n'est  pas  très-soi- 
gneusement attentif  à  Dieu. 

Bien  que  ce  don  de  Dieu,  ou  cette  grâce  intérieure,  soit  suffisante 
pour  opérer  le  salut ,  toutefois  elle  peut  devenir  et  devient  la 
condamnation  de  ceux  qui  résistent  ;  de  plus,  après  qu'elle  a  opéré 
quelque  chose  dans  leurs  cœurs  pour  les  purifier  et  sanctifier,  ils 
peuvent  pourtant  en  déchoir  par  désobéissance  ;  néanmoins  on 
peut  acquérir  un  tel  accroissement  et  une  telle  fermeté  dans  la  vérité 
en  cette  vie,  qu'on  n'en  peut  déchoir  totalement  par  apostasie. 


QUA 

SI  par  ce  don  el  par  celle  lumière  de  Dieu  que  louU^a 

e  dans  le^  cbosea  spirituelles  esl  reçue  cl  rËté- ~ 

pnr  lui,  comme  il  esl  naaireslâ  et  reçu  au  fonj^ 

,  que  chaque  vrai  ministre  de  l'Ëvangile  esl  ordonné  ,  1 

I  préparé  et  assiste  en  l'œuvre  du  ministère  ;  et  c'ei 

inletparson  attraction  qu'il  fautquecha* 
r  que  évaDgélisie  et  pasteur  chrétien  soit  mené  et  commandé  daai  J 

Mil  travail  et  dans  son  ministère  de  l'ii^vangile ,  quant  an  lîi 
'   quant  aux  personnes  ï  qui,  el  quant  au  temps  qu'il  doit  s< 
I   4e  plus  ,  ceux  qui  ont  celle  autorité  peuvent  et  doivent  prêcher  1 
VËvangile  ,  bien  qu'ils  n'aient  point  de  commission  liumaîue  el 
qu'ils  soient  sans  littérature  ;  comme ,  d'un  autre  c 
manquent  de  l'autorité  de  ce  don  divin  ,  quoique  savans  et  auto-  I 
lises  parles  commissions  des  Églises  el  des  hommes,  ne  doivent 
I    être  estimés  que  comme  des  imposteurs  et  des  trompeurs,  et  nou 
Vfis  comme  de  vrais  ministres  de  l'Ëvangile. 

■  Tout  véritable  culte  et  tout  service  agréable  ^  Dieu  estolTerL 
Ipsr  son  esprit ,  qui  meut  iuléricuremenl ,  qui  n'est  limité  ni  par 
Bleslieui,  ni  parles  temps,  nipar  les  personnes;  car,  quoique  nous 
W  devions  le  servir  toujours,  en  ce  que  nous  devons  être  en  crainte 
■.devant  lui,  néanmoins  quanta  la  signification  extérieure  dans  nos 
^prières,  dans  nos  louanges  ou  dans  nos  prédications,  nous  ne  la 
W  devons  pas  Taire  oji  cl  quand  nous  voulons  ,  mais  lï  oti  et  quand  ■ 
y  noua  y  sommes  menés  par  le  mouvement  et  tes  inspirations  s»-  | 
■'crêtes  de  son  esprit  dans  nos  cœurs,  lesquelles  prières  Diett 

■  etauce  et  accepte,  ne  manquant  jamais  de  nous  y  mouvoir  quand 
B>'ïl  est  expédient,  de  quoi  lui  seul  est  le  juge  le  plus  propre.  Tout 
V luire  culte  donc,  soit  louanges  ,  prières  ou  prédications  ,  que 
H'iliomme  rend  de  sa  propre  volonté  et  h  son  loisir,  qu'il  peut  com- 
H  mencer  et  finir  ï  son  plaisir ,  soit  que  les  formes  en  soient  pres- 
Veriles,  comme  les  liturgies,  etc.,  soiiles  prières  sur-le-champ  con- 
B^es  parla  forceetparla  Tacullé naturelle  de  l'entendement, toutes 
HBe  sont  que  des  superstitions  et  une  idoifltrie  abominable  devant 
VBicn,  que  l'on  doit  rejeter  el  renier,  el  dont  il  nous  faut  séparer. 
B  Comme  il  n'y  a  qu'un  Dieu  et  une  fui ,  aussi  il  n'j  a  qu'un  bap- 
B  lême,  non  celui  par  lequel  les  ordures  du  corps  sont  ôlées  ,  mais 
B  Taltestalion  d'une  bonne  conscience  devant  Dieu,  parla  résurrec- 
m  lion  de  Jésus- Christ,  elce  bapléme-làest  quelquechose  depuret 

■  de  spirituel  ;  savoir,  le  baptême  d'esprit  et  de  teu ,   p.ir  lequel 

■  pu  II  s  sommes  ensevelis  avec  lui  ,  afin  qu'étnnt  lavés  et  puisés  do 


318  QUA 

nos  péchés  t  nous  clieniliiions  en  nouveauté  de  vie ,  doquel  le 
baptême  de  Jean  était  la  figure ,  qui  fut  pour  un  temps ,  et  nop 
pas  commandé  pour  toujours.  Quant  au  baptême  des  enfans,  c'est 
une  pure  tradition  humaine ,  dont  on  ne  trouve  ni  précepte  »  ni 
pratique  dans  toute  rÉcrilure. 

La  communion  du  corps  et  du  sang  de  Christ  est  iotériimre 
et  spirituelle  ;  c*f  st  la  participation  de  la  chair  et  du  sang  de 
Jésus-Christ ,  par  laquelle  Thomme  intérieur  se  nourrit  chaque 
jour  dans  les  cœurs  de  ceux  en  qui  Jésus-Christ  habite ,  de  quoi 
la  fraction  du  pain  par  Jésus-Christ  avec  ses  disciples  était  la  figure, 
dont  se  servaient  quelquefois  dans  TÉglise,  à  cause  des  faiblfs» 
ceux  qui  en  avaient  reçu  la  substance,  s'abstenant  aussi  des 
choses  étouffées  et  du  sang ,  se  lavant  les  pieds  les  uns  ;iux 
autres^  et  oignant  les  malades  d'huile,  toutes  lesquelles  choses  ne 
sont  pas  commandées  avec  moins  d'autorité  et  de  solennité  que 
les  premières  ;  mais  ,  puisqu'elles  n'ont  été  que  des  ombres  de 
meilleures  choses  ,  elles  cessent  pour  ceux  qui  en  ont  obtenu  la 
substance. 

Puisque  Dieu  s'est  approprié  la  domination  et  le  pouvoir  de  la 
conscience,  comme  cclui-lâ  seul  qui  la  peut  bien  instruire  et  gou- 
verner, il  n'est  donc  permis  à  personne,  quelle  que  soit  son  au- 
torité ou  supériorité  dans  le  gouvernement  de  ce  monde ,  de 
forcer  les  consciences  des  autres  ;  c'est  pourquoi  tous  les  meur- 
tres, les  bannissemens ,  les  proscriptions ,  les  emprisonnemens  et 
toutes  les  autres  choses  de  cette  nature,  dont  les  hommes  son  talDigés 
pour  le  seul  exercice  de  leurs  consciences,  ou  pour  leur  différente 
opinion  dans  le  culte  ,  procèdent  de  l'esprit  deCaînle  meurtrier 
et  sont  contraires  à  la  vérité ,  pourvu  que  personne  ne  nuis^  à 
son  prochain  ,  ni  en  sa  vie  ,  ni  en  ses  biens ,  sous  prétexte  de 
consciences ,  et  ne  commette  rien  de  pernicieux  ou  d'incompati- 
ble avec  la  société  et  avec  le  commerce  ;  auquel  cas  il  y  a  une  loi 
pour  le  défaillant,  et  la  justice  doit  être  rendue  à  chacun,  sans  ac- 
ception de  personnes. 

Puisque  toute  religion  tend  principalement  à  retirer  l'homme 
de  l'esprit  et  de  la  vaine  conversation  de  ce  siècle  «  à  l'in- 
troduire dans  la  communion  intérieure  avec  Dieu ,  devant  lequel , 
SI  nous  sommes  toujours  en  crainte ,  nous  sommes  estimés  heu  • 
reiix ,  il  faut  donc  que  ceux  qui  s'approchent  de  cette  crainte 
rejettent  et  abandonnent  toutes  ces  vaines  habitudes  et  coutumes, 
soit  en  paroles ,  soit  en  actions  ,  telles  que  sont  celles  de  tirer  le 


QUA  319 

chapean  à  m  bomme,  ou  sd  découvrir  la  tète ,  de  plier  le  jarret, 
et  telles  autres  inflexions  de  corps  dans  les  salutations,  avec  tou- 
tes ces  folles  et  superstitieuses  formalités  qui  les  accompagnent  « 
toutes  lesquelles  choses  Tbomme  a  inventées  dans  son  état  de  cor- 
ruption, pour  entretenir  sa  vanité  dans  Torgueil  et  la  vaine  pompe 
de  ce  siècle  ;  comme  aussi  les  jeux  inutiles,  les  récréations  frivo- 
les, les  divertissemens,  les  jeux  de  cartes,  ce  qui  n*a  été  inventé 
que  pour  consumer  inutilement  le  temps  précieux  et  divertir  Time 
du  témoin  de  Dieu  dans  le  cœur,  et  du  vif  sentiment  de  sa  crainte 
et  de  Tesprît  évangélique ,  duquel  les  chrétiens  doivent  être 
nourris»  et  qui  mène  à  la  société  et  k  la  crainte  sincère  de 
Dieu. 

De  ce  principe,  Barclay  conclut; 

i*  Qu*il  n*est  pas  permis  de  donner  aux  hommes  des  titres  flat- 
teurs, comme  votre  sainteté,  votre  majesté,  votre  éminence,  votre 
excellence,  votre  grandeur,  votre  seigneurie,  etc.,  ni  de  se  servir 
de  ces  discours  flatteurs  appelés  communément  complimens. 

Lss  titres  ne  font  point  partie  de  Tobéissance  due  aux  magis- 
trats ou  aux  empereurs  :  nous  ne  trouvons  point  que ,  dans  VÉ- 
criture,  aucun  de  ces  litres  aient  été  donnés  aux  rois,  aux  princes 
et  aux  nobles:  ceux  auxquels  on  donne  ces  titres  n*ont  souvent 
rien  qui  leur  réponde ,  et  nulle  autorité  ne  peut  obliger  un  chré- 
tien k  mentir. 

2*  Qu*il  n*estpas  permis  aux  chrétiens  de  se  mettre  à  genoux, 
ou  de  se  prosterner  eux-mêmes  devant  aucun  homme,  ou  de  cour- 
ber le  corps,  ou  de  découvrir  la  tète  devant  eux. 

3*  Qu*il  n*est  pas  permis  à  un  chrétien  d*user  de  superfluité 
dans  ses  vètemens,  comme  n*étant  d*aucun  usage,  si  ce  n*est 
pour  Fornementet  pour  la  vanité. 

4«  Qu'il  n*est  pas  permis  de  prendre  part  aux  jeux,  aux  passe - 
temps,  aux  divertissemens,  ou,  entre  autres  choses,  aux  comédies, 
parmi  les  chrétiens,  sous  prétexte  de  récréations ,  lesquelles  ne 
s'accordent  pas  avec  le  silence  chrétien,  la  gravité  et  la  sobrié^  ; 
car  le  rire,  le  divertissement,  le  jeu,  la  moquerie,  la  raillerie,  le 
▼ain  babil,  etc.,  ne  sont  ni  d'une  liberté  chrétienne^  ni  d'une  gallé 
innocente. 

5"  Qu'il  n'est  pas  permis  aux  chrétiens  de  jurer  sous  YÉ- 
vangile,  non  pns  seulement  pour  quelque  utilité  et  dans  leurs 
discours  ordinaires ,  ce  qui  était  aussi  défendu  sous  la  loi  mosaî- 
(}ue  ;  mais  même  en  jugement  devant  le  magistrat. 


320  QUA 

G*  Qu*il  n*e8t  pas  permis  aux  chrétiens  de  résister  an  mal ,  o« 
de  faire  la  guerre,  ou  de  combattre  daus  aucun  cas. 

Premièrement,  parce  que  Jésus-Christ  nous  commande  d*aimer 
nos  ennemis. 

Secondement ,  parce  que  saint  Paul  dit  que  les  annei  de 
notre  guerre  ne  sont  point  chamelles  ,   mais  spiritndles.  S 

En  troisième  lieu,  parce  que  Jacques  témoigne  qae  les  combats 
et  les  querelles  viennent  des  convoitises  ;  mais  ceux  qui  sont  vé- 
ritablement chrétiens  ont  crucifié  la  chair  avec  ses  affections  el 
ses  convoitises  ;  par  conséquent ,  ils  ne  peuvent  pas  s*j  abandon- 
ner en  faisant  la  guerre. 

En  quatrième  lieu,  parce  que  les  prophètes  Isaîeet  Ifichéeont 
prophétisé,  en  termes  exprès,  que  dans  la  montagne  de  la  maison 
de  rËtemel  Christ  jugera  les  nations,  et  alors  ils  forgeront  leurs 
épées  en  socs  de  charrues. 

En  cinquième  lieu ,  parce  que  Jésus-Christ  dît  que  son  règne 
n*est  point  de  ce  monde ,  et  que  pour  cette  raison  ses  serviteurs 
ne  combattent  point;  par  conséquent  ceux  qui  combattent  ne  sont 
ni  ses  disciples  ni  ses  serviteurs.  Joan,^  18  ,  36. 

En  sixième  lieu ,  parce  que  Tapôtre  exhorte  les  chréUens  à 
ne  se  point  défendre,  et  k  ne  se  point  venger  eux-mêmes  en  rendant 
le  mal  pour  le  mal  ;  mais  à  donner  lieu  à  la  colère ,  parce  que  la 
vengeance  appartient  au'jSeigneur:  ne  sois  point  surmonté  par  le 
mal ,  mais  surmonte  le  mal  par  le  bien  ;  si  ton  ennemi  a  faim , 
donne-lui  à  manger  ;  s*il  a  soif,  donne-lui  à  boire.  Rom,^  12, 19. 

En  septième  lieu  ,  parce  que  Christ  appelle  ses  en  fans  k  porter 
sa  croix,  et  non  à  crucifier  ou  à  tuer  les  autres  :  il  les  appelle 
à  la  patience ,  et  non  à  la  vengeance  ;  à  la  vérité  et  k  la  sim- 
plicité, et  non  aux  frauduleux  stratagèmes  de  la  guerre. 

Telle  est  Tidée  que  Barclay  donne  de  la  théologie  et  de  la  mo- 
rale des  Quakers,  dans  son  apologie,  quMI  termine  par  un  paral- 
lèle des  Quakers  et  des  autres  chrétiens. 

Si  donner  et  recevoir  des  titres  de  flatterie ,  desquels  on  ne  se 
sert  point  à  cause  des  vertus  inhérentes  aux  personnes,  mais  qui 
sont  pour  la  plupart  employés  par  des  hommes  impies  à  Tégard 
de  ceux  qui  leur  ressemblent  ;  si  s'incliner,  faire  la  révérence 
et  ramper  jusqu'à  terre  Tun  devant  Tautre;  si  s'appeler  à 
tout  moment  Tun  l'autre  le  très-humble  serviteur,  et  cela  le  plus 
fréquemment,  sans  aucun  dessein  de  réel  service  ;  si  c*est  Ik  l'hon- 


m  QUA  33i 

'Vienr  qui  vient  de  Dieu  ,  ei  non  pas  l'Iionneur  qui  TÎenl  d'en  has, 
.ilors  i  la  vérité  on  pourra  dire  de  nos  adversaires  qu'ils  soni  Mb- 
les,  cl  que  nous  sommes  condamiiés  comme  des  orgueilleux  et  des 
opinlitres  en  refusant  toules  ces  choses.  Hais  si ,  avec  Mardo- 
chée,  refuse rde  s'incliner  devant  l'orgueilleux  Aman,  et  avec  Eli- 
sée refuser  dedunner  des  titres  flatteurs  aux  hommes,  depeurque 
uous  ne  sojons  réprimandés  par  noire  Créateur  ;  et  si,  suivant 
l'exemple  de  Pierre  etravisde l'ange,  s'incliner seulementdevant 
Dieu,  et  non  pas  devant  nos  compagnons  de  service  ;  enUn,  si  n'ap- 
peler personne  seigneur,  ni  maître,  hormis  dans  quelques  re> 
lations  particulières,  selon  le  commandement  de  Jdsus-Chriil; 
si  toutes  ces  choses-lt,  dis-je,  ne  sont  pas  k  blâmer,  donc  nous  ne 
sommes  point  blâmables  d'en  agir  ainsi. 

Si  être  vain,  extravagant  dans  ses  babits,  se  farder  le  visage, 
se  friser  les  cbeveux,  se  couvrir  d'or  et  d'argent,  de  pierre» 
précieuses,  de  rubans  et  de  dentelles,  d'babillemens  immo- 
destes ,  si  tout  cela,  dis-je,  est  d'une  vie  cbrélieaae,  humble, 
douce  et  mortifiée  ;  alors  ,  à  la  vérité ,  nos  adversaires  sont  de 
bons  chrétiens,  et  nous  sommes  des  oi^ueilleux,  des  singuliers  et 
des  fantasques,  en  nous  conlenlant  de  ce  que  le  nécessaire  et  la 
commodité  demandent,  et  en  condamnant  comme  superflu  tout  le 

Si  courir  lesmaîsons  de  jeu,  les  bals,  les  spectacles  ;  si  jouer 
aux  canes  et  aux  dés,  danser,  chanter  et  user  des  insirumens  do 
musique:  si  fréquenter  les  places  de  ihéAtres  et  les  comédies, 
mentir,  contrefaire  ou  supposer  et  dissimuler,  si  cela  est  faire 
toutes  choses  A  la  gloire  de  Dieu,  et  passer  notre  vie  id  dans 
la  crainte;  si  cela,  dis-je,  est  user  de  ce  monde  comme  si 
nous  n'en  usons  point ,  et  ne  pas  noQS  conformer  nous-mêmes 
Il  nos  convoitises  ;  alors  nos  adversaires  sont  de  bons  cbrélîons, 
Diodestes,  moriiKés,  qui  renoncent  â  eux-mêmes,  et  nous  som- 
mesjustemeni  blâmables  en  les  condamnant,  mai&  non  pas  autre- 

Si  la  profanation  du  saint  nom  de  Dieu  ,  si  exiger  le  serment 
l'un  de  l'autre  i  chaque  occasion  ,  si  appeler  Dieu  h  témoin  dans 
des  choses  de  telle  nature  qu'aucun  roi  de  la  terre  ne  s';  croi- 
rait honorablement  appelé,  sont  des  devoirs  d'un  homme  chré- 
tien,  j'avouerai  que  nos  adversaires  sont  d'excellens  chrétiens, 
et  que  nous  manquons  ï  noire  devoir  ;  mais  si  le  contraire 
est  Tériiable,  il  faut  de  néceuilé  que  notre  obéissance  i  Dieu, 


«22  ^      QUA 

telle  que  uous  la  comprenons  ,  daus  celte  cbose-là|  lui  mU 
agréable. 

Si  Dous  ?epger  nous-mèroes,  ou  rendre  injure  pour  injuiti 
mal  pour  mal  ;  si  combattre  pour  des  choses  périssables  ;  aller  I 
la  guerre  contre  des  hommes  que  nous  n*avons  jamais  yus  «  arec 
qui  nous  n*aYons  jamais  eu  aucune  contestation  ni  qaerellt, 
étant  de  plus  tout-à-fait  ignorans  des  causes  de  la  guerrct  et  oe 
sachant  absolument,  au  milieu  des  intrigues  et  des  resseoUmem 
des  souverains,  de  quel  côté  est  le  droit  ou  le  tort,  et  néanmoins  ai 
furieux  que  de  détruire  et  de  saccager  tout,  afin  que  ce  culte  ou  on 
autre  soit  reçu  ou  aboli  ;  si  faire  ces  choses  et  beaucoup  pluadt 
cette  nature  est  accomplir  la  loi  de  Christ ,  alors  à  la  vérité  pof 
adversaires  sont  de  véritables  chrétiens ,  et  nous  ne  sommes  qii9 
de  misérables  hérétiques,  qui,  souflrant  même  d*étre  poursuivis, 
pris ,  emprisonnés ,  bannis  ,  battus  et  maltraités  sans  aucune  ré- 
sistance y  mettons  notre  confiance  seulement  en  Dieu ,  afin  qo*il 
nous  défende  et  nous  copduiseenson  royaume  par  le  chemin  de 
la  croix. 

L*apologie  de  Barclay,  qui  est  sans  contredit  le  meilleur  ou- 
vrage qu'on  ait  fait  en  faveur  des  Quakers,  a  été  attaquée  par  di- 
vers écrits  :  i**  par  Jean  Brown,  théologien  presbytérien  d'Ecosse, 
dans  un  ouvrage  intitulé  :  le  Quakérisme,  le  vrai  chemin  du  Page- 
nisme;  S*  par  Nicolas  Arnold,  professeur  en  théologie  à  Frane- 
ker,  en  Frise,  Exercitation  contre  les  thèses  ihéologiques  de  Bar- 
clay; 3*"  par  Jean-George  Bajer,  théologien  luthérien,  docteur  et 
professeur  à  léna,  dans  un  ouvrage  intitulé  :  V Origine  de  la  véri- 
table et  salutaire  connaissance  de  Dieu;  4**  par  Loltusius,  dans  sou 
Anti-Barclay  Allemand  ;  5*  par  L.  Ant.  Reiser,  dans  son  Anti-Bar^ 
clayuSf  etc. 

QUART0DÉC1MANS  ou  Quatuordécimaiis;  c'est  ainsi  qu*oii 
appela  ceux  qui  prétendaient  qu'il  fallait  célébrer  la  Pàque  le 
14  delà  luQe  de  mars. 

Une  partie  des  fidèles  croyait  qu'il  fallait  finir  le  jeûne  de  la 
Pàque  le  14  de  la  lune,  quelque  jour  de  la  semaine  qu'il  arrivât, 
et  y  faire  la  fête  de  la  résurrection  du  Sauveur,  et  c'est  ce  que 
saint  Jean,  saint  Philippe,  apôtres,  saint  Polycarpe,  saint  Méll- 
ton  et  d'autres  grands  hommes,  avaient  pratiqué  dans  l'Asie  mi- 
neure :  aussi  toute  cette  province  s'y  attachait  particulière- 
ment. 

D'autres  fidèles  soutenaient  qu*on  ne  pouvait  finir  le  jeûne  et 


OUA  323 

solenniser  la  résurrection  que  le  dimanche^  et  cette  pratique  qui 
Ta  eoGn  emporté  était  aussi  fondée  sur  la  tradition  des  apôtres, 
c'est-à-dire  de  saint  Pierre  et  de  saint  Paul  :  co  n*est  pas  que  les 
apôtres  eussent  fait  aucune  loi  sur  ce  sujet,  dit  Socrate,  ni  que 
Ton  pût  en  rapporter  aucun  écrit  ;  mais  leur  exemple  était  une 
M  très-puissante  pour  leurs  disciples. 

La  différente  pratique  qu*on  sai?ait  sur  cela  dura  long-temps 
sans  troubler  la  paix  de  TÉglise. 

Lorsque  Victor  tenait  le  siège  de  saint  Pierre,  cette  affaire  fut 
agitée  atec  beaucoup  plus  de  chaleur  qu'elle  n'a?ait  été  aupara- 
vant. 

L'Asie  mineure  observait,  comme  on  l'a  dit,  le  i4  de  la  lune  ; 
mais  elle  était  seule  dans  celte  pratique  avec  quelques  églises 
des  environs.  Tout  le  reste  de  l'Église,  dit  Eusèbe,  aTait  attaché 
au  dimanche  la  solennité  de  la  résurrection. 

11  se  tint  divers  conciles  sur  ce  sujet,  et,  s'il  en  faut  juger  par 
celui  qui  se  tint  à  Ëphèse,  ce  fut  Victor  qui  écrivit  aux  princi- 
paux évéques  pour  les  prier  d'assembler  ceux  de  leur  province  : 
ces  conciles  s^accordaient  tous  à  ne  célébrer  la  résurrection  que  le 
dimanche. 

Polycrate,  évèque  d'Ëphèse,  s'opposa  à  cette  résolution  univer- 
selle :  c'était  un  des  plus  considérables  évéques  qui  fussent  alors 
dans  l'Ëglise,  chef  de  tous  ceux  de  l'Asie. 

Victor  lui  écrivit  pour  le  prier  d'assembler  les  évéques  de  sa  pro- 
vince, en  le  menaçant  môme  de  le  séparer  de  sa  communion  s'il  ne 
serendaitau  sentiment  des  autres.  Poljcralc  assembla  efTectivement 
tes  confrères  en  grand  nombre  dans  la  ville  d'Éplièse  :  il  furenttous 
de  son  sentiment  et  conclurent  qu'il  ne  fallait  pas  changer  la  tra- 
dition qu'ils  avaient  reçue  de  leurs  saints  prédécesseurs. 

Victor  condamna  l'opposition  des  Asiatiques  à  tout  le  reste  de 
l'Ëglise;  il  menaça  même  de  les  excommunier,  et,  selon  plusieurs 
auteurs,  il  les  excommunia  en  effet;  cependant  les  Asiatiques  de- 
meurèrent dans  leur  pratique,  qu'ils  quittèrent  plus  lard ,  il  est 
vrai,  mais  qui  fut  suivie  par  les  Églises  de  Syrie  et  de  Mésopotamie. 

Constantin,  en  devenant  maître  de  TOrient  en  323,  apprit  avec 
douleur  cette  diversité  d'usages  sur  la  fête  de  Pâque  qui  vérita- 
blement ne  rompait  pas  la  communion,  mais  troublait  néanmoins 
la  joie  de  cette  grande  solennité  et  était  une  tache  dans  la  beauté 
de  rËgli&e  ;  c'est  pourquoi  il  chargea  le  grand  Osius  de  travail- 
ler i  apaiser  ce  trouble  dans  la  Syrie.  Oslus  n'en  put  venir  à  bout, 


324  OUE 

pMplusqu«derhérésied*Arius;  il  fallut  rassembler  le  concile  de 
Nicée  pour  Tune  et  pour  Tautre  dispute  :  ce  fut  Ik  où  cette  ques- 
tion fut  enfin  terminée;  car  le  concile  ordonna  que  toute  TEglise 
célébrerait  la  fête  de  Pàque  en  un  mémo  jour,  stti?ant  la  coutume 
de  Rome,  de  TÉgypte  et  de  la  plupait  des  autres  pays. 

Toute  rÉglise  se  trouva  uniforme  par  cette  définition,  ctr  les 
Syriens  y  obéirent,  et  le  concile  d*Antioche,  confirmant  celui  de 
Nicée,  déposa  par  son  premier  canon  et  excommunia  les  laïques 
qui  câébraient  la  pàque  en  particulier  a?ec  les  Juifs.  Toute  VÉ- 
glise  s*élant  donc  réunie  dans  la  pratique  de  faire  la  PÂque  le  di- 
manche, s*il  y  eut  quelques  particuliers  qui  refusèrent  de  se  sou- 
mettre k  cette  autorité  suprême,  ils  furent  traités  d^béréliques 
sous  le  nom  de  Quartodécimans,  c'est-à-dire  observateurs  do  14 
de  la  lune,  auquel  ils  voulaient  qu'on  fit  la  pâque.  G*est  pourquoi 
saint  Épipbane  et  Tbéodoret  mettent  les  Quartodécimans  au  nom- 
bre des  hérétiques,  et  le  septième  canon  du  premier  concile  de 
Gonstantinople  les  compte  entre  ceux  que  Ton  recevait  par  Tab- 
juration  et  par  Tonction.  Voyez  TWlemoni,  t.  3,  p.  102  et  suiv. 

QUESNEL  (Pasquier),  quatrième  chef  des  Jansénistes.  Nous 
dirons  ici  quelque  chose  de  sa  personne,  du  plus  important  de  ses 
ouvrages  et  des  moyens  principaux  employés  par  le  parti  pour 
faire  triompher  sa  cause. 

Notice  sur  Questieh 

Cet  écrivain  turbulent  naquit  à  Paris  de  parens  honnêtes  le  14 
juillet  1634.  Après  avoir  fait  son  cours  de  théologie  en  Sorbonne 
avec  distinction,  il  entra  en  1657  dans  la  congrégation  de  TOra- 
toire.  Son  goût  le  porta  d*abord  à  Tétude  de  rÉcriture  sainte  et 
des  Pères;  mais  il  s'appliqua  aussi  de  très-bonne  heure  à  compo- 
ser des  livres  de  piété.  Les  premiers  essais  de  sa  plume  lui  conci- 
lièrent Tcstime  et  la  confiance  de  ses  supérieurs  qui  le  placèrent 
à  la  tête  de  leur  institution  de  Paris  ,  quoiqu'il  n'eût  encore 
que  vingt -huit  ans,  et  l'on  croit  que  ce  fut  pour  l'usage  des  élè- 
ves confiés  à  ses  soins  dans  cet  établissement  qu'il  entreprit  son 
trop  fameux  livre  des  Réflexions  morales. 

Cependant  les  fonctions  de  cet  oratorien  et  l'ouvrage  dont  nous 
parlons  n'absorbaient  pas  tout  son  temps;  en  1075,  il  publia  une 
nouvelle  édition  des  œuvres  de  saiiU  L6on-le-Grand  avec  des  dis- 
sertations, des  notes,  ctc  ,  dans  lesquelles  il  ne  respectait  guère 


I 


les  pr^'rogaliïM  ui  l'aulDrilii  iln  aainl  Sîi'ge  '.  Un  irpïail  ilei^etté 
tiiture  DF  poavaii  manquer  <\'iiT^  censure  i  tlome,  En  eflet,  la 
i;on({régalio[Klel'In(/f-j:l*|iro^crivil,  le  22  juin  IGTO,  par  un  <l<^crel 
(|ui  fut  amdic  \b  17  juillt^t  suitant.  Irrillï  de  i-e(  éliront,  Qucïnp) 
s'en  vengea  dans  un  écrit  par  un  lorrenl  d'injures  eonlre  la  sacrâe 
congrégation,  contre  le  pape  tui-méme  et  contre  le  décret,  qui, 
■elon  lui,  n'éLaitpiif  un  décret,  moii  un  Meile  di/famaloirt 
traire  à  ia  loi  de  bUu  tt  aux  bonaes  mirurt,  pUin  de  fhttnetét  «t'I 
timpoiituret.  C'est  là  que  Quesiiel  nous  apprend  qu'un  cardinal 
n'ett  qu'un  pritre  ou  un  cletc  habillé  de  rauge,  comme  ai 
inquiïitenr  n'est  i  ses  jeux  qu'tin  pelil  moine.  Il  raudrait  rap- 
porter ici  toat  ce  pétulant  commentaire  pour  montrer  jusqa'ï  quel 
eicès  d'emportement  Quesnel  fut  entratni^  par  Bon  amour-propre 
trop  iWernent  blessé  *. 

Difficilement  un  homme  de  ce  caractËre,  qui  se  signalait  Ini- 
mèroe  comme  un  partisan  juré  de  la  nouvelle  doctrine,  pouvait-" 
compter  sur  une  tranquillité  parfaite  et  demeurer  long-temps  a 
repos  sous  les  yeui  de  Louis -le- Grand  et  dans  le  diocèse  (' 
II.  dellarlaj.  En  eOel,  ce  prélat,  instruit  d'une  manière  trop  coa 
tiincante  et  de  l'inHexible  opposition  de  Quesnel  ï  la  bulte  à'A 
Jnandre  VII  et  de  son  dévouement  entier  au  parti  jansénîen,  I 

Urdi  pas  i  lui  donner  de  l'inquiétude  ;  dès  l'an  16Kt,  i 

(et  de  quitter  la  capitale. 

Quesnel  se  retira  d'abord  ï  Orléans  ;  mais  il  ne  séjourna  pis 
long-temps  dans  celte  ville.  L'assemblée  générale  de  l'Oratoire, 
tenue  ï  Paris  en  septembre lft78,  avait  dressé  un  formulaire  par 
lequel  les  membres  de  la  congrégation  devaient  s'engager  à 
n'enseigner  ni  le  Jansénisme,  ni  quelques  opinions  nouvelles  en 
phïloaopbie,  opinions  dont  on  se  défiait  alors,  parce  qu'on  ne  les 
■vail  point  encore  bien  discutées.  En  1681,  par  suite  d'un  statut 

■  LeP,  Lupni,  dont  le  témoignage  ne  Tut  point  sunpcct  nui  yeux  dl 
parti,  assnre,  dans  son  litre  des  Appellalions,  dédié  Si  Innocent  Xi,  qi 
Quesnel  s'eiprime  !iur  l'autorité  du  pa|w,  dans  son  Saint  Léon,  t 
l'avaient  dit  Calvin,  deBnmlnÏB,  et  d'autres  di^tructeurs  de  la  primante 
des  -       .        - 


ip  d'ineiaetilude»  et  d'infiiltlilés. 


'On  trouve  cette  piixe  <l 
primé  A  UruMllei,  1701.  ' 'ijn  pag.  J33  ( 


asc  QUE 

nouveau  et  péremptoire,  il  fallut  ou  signer  ce  formulaire  ou  quit- 
ter la  congrégation.  Quesnel,  plus  attaché  sans  doute  aux  soi-di- 
sant disciples  de  saint  Augustin  qu*aux  scntimens  de  Descaurles, 
préféra  ce  dernier  parti  à  celui  de  Tobéissance;  mais,  en  se  reti- 
rant, il  se  réserva  le  droit  d'exhaler  sa  bile  contre  le  formulaire 
dont  il  s'agit.  «  11  y  a  dans  cet  écrit  (ce  sont  ses  propres  expree- 
»  sions)  des  puérilités,  des  choses  contraires  à  la  bonne  théologie, 
»  des  asservissemens  indignes  d'une  compagnie  de  personneti  li- 
»  bres  et  d'hounétes  gens,  des  pièges  tendus  exprès  à  la  simplicité 
9  Hk  Tinnocence  des  particuliers,  et  des  points  même  contraires  à 
»  la  piété  et  aux  bonnes  mœurs  *.  »  H  tient  encore  ce  langage  dans 
une  autre  production.  «  Or,  le  fait  de  Janséuius,  qui  est  renfermé 
»  dans  le  statut  et  dans  la  formule,  ne  peut  être  souacrii 
»  purement  et  simplement  sans  que  Ton  autorise  par  cette  sou- 
9  scription  Thérésie  monstrueuse  à  laquelle  ce  fait  a  donné  nais- 
9  sance  de  nos  jours;...  hérésie...  source  d'une  infinité  d'au- 
»  très...  (et)  qui  tend  à  renverser  les  F^tats  les  mieux  affermis  en 
9  favorisant  la  révolte...  Pourrait-on  souscrire  un  fait  dont  te 
V  fausseté  est  connue,  ou  dont  la  vérité  est  au  moitu  fart  don- 
9  teuse,  etc.  '  ?  »  11  faut  se  ressouvenir  qu'il  y  avait  long-temps 
déjà  qu'Innocent  X  et  Alexandre  VU  avaient  condamné  par  des 
bulles  reçues  dans  toute  TÉ^lise  les  cinq  fameuses  propositions, 
comme  étant  la  doctrine  de  Tévêque  d'Ypres  et  comme  extraites 
de  son  livre  intitulé  Augustinus, 

Quesnel,  ayant  quitté  rOratoire,  ne  se  crut  pas  en  sûreté  en 
France  ;  il  se  sauva  dans  les  Pays-Bas,  où  s'étant  réuni,  k  Bruxel- 
les ,  au  patriarche  des  Jansénistes ,  le  célèbre  Antoine  Arnaud , 
il  commença  dès  lors  h  jouer  un  rôle.  La  ville  que  nous  venons 
de  nommer  devint  comme  la  place  d'armes  du  parti.  De  là,  Quea- 
nel  soulevait  ses  ex-confrèrcs  flamands  contre  le  formulaire  et  le 
statut  dont  nous  avons  parlé;  de  là,  il  semait  des  troubles  dans 
jes  universités  de  Douai  et  de  Louvain  ;  de  là ,  il  révoltait  les 
prêtres  de  Flandre  contre  leurs  évéques,  le  clergé  batavc  contre 
le  souverain  pontife ,  préparant  ainsi ,  quoique  encore  d'un  peu 
loin ,  les  voies  au  schisme  déplorable  qui  aflligea  dans  la  suite 
l'Église  d'Utrecht.  Sa  plume,  aussi  féconde  qu'infatigable, 
remplissait  les  Pays-Bas  et  les  provinces  VQisines  d*écrits  per* 

*  Causa  Quesnel  1.,  p.  li, 
Mbid.,  p.  10. 


^QV^■. 
ïieux  ;  elle  éteiiduil  au  luin  de  iiomlireuaes  cDrrcsjionili 
Ee  rfpanilait  encore  sur  les  producliuui  de  quelques  TrérM, 
Dr  II»  limer  et  In  tiietlre  en  étal  de  tuirtejuunvec  avantage. 
Une  adiTÎté  si  grande  eu  elle-mCme  cl  si  séiieuse  dan»  les  ré- 
iuliuis  ne  pouvait  laî&ser  loni^-leiiips  Qiifsnel  derrière  la  toile, 
ni  manquer  de  lui  attirer  tût  ou  lard  quelque  uauvuiee  allaïre. 
Ed  elTet ,  en  1690,  sur  un  ordre  ou  seuleiucnl  un  avis  du  gouver- 
Tieur  des  Pays-Bas,  il  lui  Tallut  suriir  ,  aveu  Arnaud  ,  de  loum 
lise»  il  la  domination  du  roi  d'Espagne.  En  consé- 
mx  laleureux  cliainpious  du  Jansénisme  se  mirent 
^1  aller  de  retraite  en  retraite.  Fort  inquiets  ;  et  après  avoir  erré 
iel'|uc  temps ,  snns  pouvoir  ou  sans  oser  se  Quer  nulle  part ,  ili 
Irireiit  enDn  le  parti  de  rcnlrei  furtiveinent  dans  Bruxulleset  de 
"^  cacher  de  nouveau  avec  tout  le  soin  possible. 
.'  Ce  fut  là  qu'Arnaud  mourut,  le  8  auùt  16*11,  âgé  de  près  de  , 
t  les  bras  de  Quesnel ,  qu'il  avait ,  dii-on  ,  désigna 
cesse ur  dans  la  gestion  des afTalres du  parti*. 
'f  Personne  D'fiail  plus  en  état  de  remplacer  un  cher  si  célèbre. 

e  sauté  que  rien  ne  semblait  capable  d'altérer,  écrivant  \ 
«facilement,  avec  unciian  et  élégance;  actir,  vigilant,  pleia 
1  fermeté ,    mais  assez    souple  pour  agir  eu  sens   ditTéreu,  ^ 

l  l'exigence -,  prorond  en  spéeulalions,  fécond  en  i 
tarées ,  habile  i  observer,  •  tous  les  ressorts  qu'on  peut  mettre 
h  en  nonvemenl,  Quesnelles  faisait  agir  en  digne  chef  de  parti. 
|iSoutenir  le  courage  des  élus  persécutés ,  leur  conserver  les  an- 
frciensamis  et  protecteurs,  ou  leur  en  faire  de  nouveaui  ;  rendre 
■  ueuires  les  persounes  puissantes  qu'il  ne  pouvait  se  concilier, 
>  entretenir  sourdement  des  correspondances  purtuul ,  dans  le» 

*  Quesnel  montra  dans  cette  occasion  le  peu  de  cas  qu'il  faisait  dea 

ttlflcs  les  plus  Eacréet  :  il  administra  au  mourant  les  derniers  secourt 

Il  la  religion,  rettréme-onclionet  le  saint  Viatique,  sans  avoir  reçu  au- 

m  poutoir  de  l'Ordinaire.  Ce  fut  pcui-élre  ce  rsll  irréguller  qui  en> 

9  disciples  ï  enseigner  dans  la  suite  que  l'Ordinalian  confËn! 

^la  tbis  tous  les  pouioirs,  u'eit-n-dire  les  pouvoti-sd'ordreel  de  juHi- 

lurqao  les  Conslimtionnelsontjngf  commode  dercnofb   1 
l^er  de  nos  jours. 

Quesnel  ne  s'en  tînt  pas  là  :  il  se  lit  dans  son  appartement ,  de  m 
■e  autorité  et  malgré  le  rifus  de  permission  qui  lui  était  venu  d< 
[',  un  oratoire  domestique  où  il  célébrait  la  moue  quand  bon  lu 
L  Iwiblall. 


^ 


328  QUE 

»  cloilrcs  t  dans  le  clergé ,  dans  les  parlemens ,  dans  plusieurs 
»  cours  de  TEurope  ;  voilà  quelles  étaient  ses  occupations  conli- 
»  nuelles.  11  eut  la  gloire  de  traiter  par  ambassadeur  avec  Rome. 
»  Hennebel  y  alla ,  chargé  des  affaires  des  Jansénistes  ;  il  y  fi« 
»  gura  quelque  temps ,  il  y  parut  d'égal  à  égal  avec  les  envoyés 
»  des  têtes  couronnées  ;  mais  les  charités  (  qui  Tavaient  mis  en 
»  état  de  représenter  ainsi  )  venant  à  baisser,  son  train  baissa  de 
B  même.  Hennebel  revint  de  Rome  dans  les  Pays-Bas  en  vrai  pè* 
»  lerin  mendiant.  Quesnel  en  fut  au  désespoir;  mais,  réduitlui- 
»  même  à  vivre  d*aumônes ,  comment  eût-il  pu  fournir  au  luxe 
»  de  ses  députés  ?  » 

Un  événement  d*un  antre  genre  vint  encore  troubler  son  repos 
et  jeter  la  consternation  dans  le  cœur  de  ses  partisans.  Le  3  mai 
1703,  Quesnel  fut  arrêté  dans  Bruxelles  etconduit,  d*un  quartier 
appelé  le  Refuge  de  Forest ,  dans  les  prisons  de  Tarchevêché  de 
Malines.  Il  y  avait  environ  un  an  qu*il  avait  été  déféré  à  Rome,  et 
que  ses  amis ,  inquiets  sur  son  sort,  le  sollicitaient  &  quitter  en- 
tièrement Bruxelles.  Un  accident  si  fâcheux  faisait  trop  de  tort  aux 
affaires  du  parti  pour  qu'on  ne  se  hâtât  pas  d'y  chercher  un  re- 
mède. Quesnel  l'indiqua  lui-même,  selon  toute  apparence.  N'ayant 
ni  encre  «  ni  plume,  il  arracha  le  plomb  de  ses  croisées  pour 
écrire  furtivement  à  quelques-uns  de  ses  affidés  et  leur  désigner 
la  position  précise  de  l'endroit  où  il  se  trouvait  détenu.  Il  n'en 
fallut  pas  davantage  :  deux  ou  trois  hommes  dévoués  essayèrent 
avec  succès  de  percer  la  muraille  de  la  prison ,  et,  le  1 3  septem- 
bre 1703,  ce  nouveau  Paul,  comme  on  l'appela  dans  quelques 
écrits ,  fut  rendu  aux  vœux  et  aux  embrassemens  de  ses  chers 
disciples. 

L'évasion  de  Quesnel  ne  le  mit  pas  à  l'abri  des  poursuites  de 
la  justice  ecclésiastique.  Ses  papiers  avaient  été  saisis  avec  sa  per- 
sonne ,  et  n'avaient  pu  échapper  de  même  ;  ils  déposaient  griève- 
ment contre  lui.  D'ailleurs ,  au  lieu  de  montrer  du  repentir  et  de 
chercher  à  réparer  par  une  conduite  plus  sage  et  plus  orthodoxe, 
depuis  sa  délivrance ,  les  torts  et  les  excès  de  sa  conduite  anté- 
rieure, il  semblait  avoir  au  contraire  redoublé  d'ardeur  pour 
soutenir  le  Jansénisme.  11  fut  donc  cité  canoniquement  devant 
l'oflicialité  de  l'archevêché  de  Malines,  et,  quoique  absent,  il  fut 
convaincu  de  plusieurs  griefs  qui  réclamaient  la  vindicte.  En 
conséquence,  l'archevêque  de  Malines  prononça  contre  lui  une 
sentence  par  laquelle  il  le  déclarait  excommunié,  ordonnait  aux 


fidèles  i 


QUE  329 

'ùviier  comme  tel ,  ei  lui  inipasaÎL  à  lui-même  des  pé-  , 
tiitencex  tuédicinalei.  Celle  sentence  est  datée  du  10  DOveia~  i 
bre  1701. 

Qiiesnel  s'en  moqii)  ,  ei ,  n'fugié  en  Hollande,  il  se  relira  dam 
Amslerdum .  dont  il  fit  un  puîni  de  riiuniun  et  comme  un  nouveau 
boulevard  pour  le  parti.  Ce  fui  de  lii  qu'il  lança  des  brochures 
contre  t'archevéque  son  juge  ;  qu'il  écrivît  une  foule  de  mémoires 
contre  la  bulle  l'maenilui;  qu'ii  fatigua  par  des  réclamations  sans 
lin  les  assemblées  do  clergé  de  France ,  le  roi ,  les  msgistrals , 
et  qu'il  exhala  contre  une  société  recommandalile  le  venin  da 
celte  liaine  implacable  dont  ses  disciples  prouvèrent  bientôt  qu'ils 
avaient  largement  hérité.  Chose  déplorable  ei  qu'on  ne  saurait 
irop  répéter  comme  une  des  plus  utiles  leçons  que  l'histoire  doive 
il  la  postérité;  ce  fut  celle  baiue  étrange  qui  fit  de  Quesnel  un 
partisan  de  la  nouveauté  et  un  rebelle  à  l'aulorilË  de  l'Ëglise; 
c'est  du  nioini  ce  qu'il  déclara  lui-même  â  son  neveu  Pinson, 
aprts  lui  avoir  recommandé  de  s'attacher  ii  l'Ëglise  <lans  les  con-  | 
tcsUtioDS  du  temps. 

Ainsi,  quinze  siècles  auparavant,  un  des  plus  célèbres  apologis-  I 
tes  de  la  religion  ■  avait  abandonné  di^jï  l'Église,  irrité  ,  dit  ui 
l'^re  ,  des  procédés  de  quelques  prêtres  de  la  capitale  du  monda    i 
chrétien. 

Enfin, aprèsavoir soutenu  son  rQle trés-opiniitrément,  el  avoir   1 
leillesse  i  former  dans  Amsterdam  quelques  égliaea'  I 
léDisles  ,  Quesnel  mourut  dans  celte  ville  le  S  décembre1719,    T 
de  quatre-vingt  cinq  ans  cinq  mois  el  quelques  jours.  Il  avait 
déclaré  dans  sa  profession  de  foi  :  <  qu'il  voulait  mourir  comme 

>  Il  avait  toujours  vécu,  dans  le  sein  del'ËgUse  catholique;  qu'il 

>  croyait  toutes  les  viViiés  qu'elle  enseigne  ;  qu'il  condamnait 
•  toutes  les  erreurs  qu'elle  condamne  ;  qu'il  recounaissiit  le  sou- 
■  veraîn  pontife  pourle  premier  vicaire  de  Ji^us-Chrisl,  et  le  siège 
•■  apostolique  pour  le  centre  de  l'unité.  >  Il  n'est  pas  bcsoind'étre 
grand  théologien  pour  voir  combien  une  telle  déclaration  était  in- 
EulfisaDte,  suspecte,  el  se  conciliait  aisément  avec  tout 
l'iiuicur  avait  fait,  diict  écrit  de  mauvais  pendant  sa  vie*. 

■  Terlulllen,  qui  d'abord  embrassa  l'hérésie  de  Monlan,  el,  s'en  élant   | 
Cmuilc  d^Qlé,selit  hérésiarque. 

*  Voyti  sur  Quesnel  Causa  Qucsnclllana  cléjli  cit^;  le  Dlclionnalrq 
*S  livres  jansénistes;  Laliteaa,  llisti  de  la  coiistilul.  Unigenllus;  FcN 
ïfi" 


ISO  QUE 

De  tout  let  ouvrages  émanés  de  sa  plume  prodigieosement  fl- 
coade  ,  Dons  ne  parleroos  ici  que  de  son  Nouveau  Testament , 
parce  que  c*est  celle  de  toutes  ses  productions  qui  a  fait  le  ptvs  d6 
brait  dans  TÉglise. 

Uée  kUiorique  dei  réflexims  morales ,  w  Nouveau  TnkmmU 

doQuetnel, 

Ce  livre ,  intitulé  d'abord  :  Abrégé  de  la  morale  de  VÉwaugUe^ 
ou  Pensées  chrétiennes  sur  le  teste  des  quatre  évançélistes ,  ptral 
poar  la  première  fois  en  1671.  Ce  n'était  encore  qu'un  fort  petit 
volume  in-12  ,  qui  contenait  seulement  la  traduction  des  quatre 
Évangiles,  avec  de  très -courtes  réOexions  sur  chaque  verset.  Fé- 
lix de  Vialard ,  évéque  de  Gbâlons-sur -Marne ,  Tadopla  pour  aoii 
diocèse,  par  un  mandement  du  mois  de  novembre  de  la  naésM 
année ,  mais  après  y  avoir  fait  mettre  un  grand  nombre  de  ear- 
tons  :  aussi  n'y  trouve-t-on  que  cinq  des  101  propositions  con- 
damnées, savoir  :  la  xii%  laxiir,  la  xxx%  la  lxu*  et  la  lxv*.  Cette 
édition  fut  la  seule  qu'approuva  le  prélat  que  nous  venons  de 
nommer.  Cependant ,  quoique  ce  livre  eût  bien  changé  de  nature 
dans  la  suite,  soit  pour  la  doctrine  pernicieuse  qui  y  fut  insérée 
depuis ,  soit  à  cause  des  augmentations  considérables  qu'il  reçut 
successivement,  le  nom  et  le  mandement  du  même  évéque  ne  lais- 
sèrent pas  de  reparaître  ,  sans  sa  participation ,  à  la  télé  des  édi- 
tions nombreuses  qui  en  furent  faites  pendant  très-long -temps. 

Huit  ans  après,  c'est-à-dire  en  1679 ,  Quesnel  publia  les  antres 
parties  de  son  Nouveau  Testament ,  avec  des  réflexions  encore 
très-courtes.  Ce  nouveau  travail,  que  Félix  de  Vialard  ne  connut 
pas  S  se  réduisait  aussi  h  un  seul  volume  in-12.  Il  parut  en  1687 
une  édition  de  tout  Touvrage  augmentée  d'un  volume.  On  y  trouve 
déjà  cinquante-trois  des  propositions  condamnées.  Mais  ce  fut  en 
1693  que  Fauteur  le  domiaavec  tous  les  accroissemeus  et  toute  la 
perfection  qu'il  avait  eu  dessein  d  y  mettre.  Celte  production  gros- 
sie de  moitié  forma  alors  quatre  forts  volumes  in-S**,  qu'on  appela, 

1er,  Dict  hist.;  d*Avrigny,  Mém.  chron.  et  dogmat.;  Tourncly,  Pne- 
lect.  theol.  de  grat,  Paris,  1755;  Mém.  pour  servir  à  rhisi:  ecdés. 
pendant  le  dix-huitième  siècle,  etc. 

'  Il  connut  bien  moins  encore  les  additions  et  les  erreurs  introduites 
dam  les  éditions  qui  se  firent  après  le  premier  essai  de  Quesnel,  puis- 
que ce  prélat  mourut  en  1080,  de  raveumômcdes  auteurs  des  Hexapl». 


âamte  langage  iny&tfrîeux(luparr>,/M;ua/ri!pranit/'i'^r»'.Nouj 
ne  parlerons  pns  <!e  loulcs  les  C-dilIuns  puslûricures  ,  lesquelles 
se  DiulIijiMërent  i  riofini,  Isdi  ce  livre  eui  ci'abord  d«  vogue,  ùuat 
élevé  jusqu'aux  nues  par  les  Jansénistes ,  el  préseniaut  d'ailleurs 
en  lui  même  un  air  de  pièlé  Irès-capable  d'en  iinpoeer  el  d'y  con- 
cilier des  partisans.  Le  cardinal  de  Nuailles  approuva  l'édition  de 
1693,  après  j  avoir  faïl  Taire  quelques  légères  corrcciions  el  quel- 
quesadoncissemensï  IVgard  dVïpressions  qu'il  Ironvailirop  dures. 
Son  mandemenl,  qui  est  du  S3  juin  de  la  même  année,  melles  Ré- 
flerion»  moralet  au  rang  des  liires  les  plus  précieu;!  et  lei  plui 
instruclir».  Enfin,  ce  prélat  ajaul  été  transféré  sur  le  siège  archié- 
piscopal de  Paris,  de  l'évéché  de  ChAliins-snr-Hame  ,  ob  il  avait 
succédé  II  Félix  de  Vialurd  ,   eul  une  grande  pari  fi  l'édition  de 
1 690,  qui  parut  lous  ce  litre  ;  te  Nimreau  TrttamenI  tm  françait , 
arec  dei  réflexion*  moralet  sur  chaque  venel ,  etc.  Cette  édition    i 
avait  élé  revue  encore  par  ordre  du  cardinal  ;  mais  les  révitieurs  ^   i 
soupçonuéseui-mémesde  Jansénisme,  n'y  avaient  pas  Tait,  ibi 
oupprès.lescorrectionsnéuessaires.  Aussi esi-re de  cette iném*  1 
édition,  ainsi  que  des  éditions  de  1693  etde  169i,   que  Tureiil    i 
extraites  les  101    propusilions  condamnées,  comme  on  peulto  j 
voir  i  la  mar(>e  de  la  bulle,  oli  les  éditions  sont  citées. 

Il  suit  de  eu  que  nous  avons  dit  que  Quesnel  employa  vingt- 
deux  ansiidévelopper  niSt  polir  son  livre,  autant  de  temps  que  le 
célébreévéque  d'Ypres  avait  consacré  A  préparer  sud  fameux  Att- 
giulitiM.  On  observe  encore  d'autres  lapporls  de  ressemblance 
eiitie  ees  deux  auteurs  :  un  y  remarque ,  par  exemple,  même  zèle 
pour  leur  production  respective,  même  dessein  ï  peu  prés  dans 
leur  entreprise,  même  système  <.\v.  doctrine;  maiscequi  met  entre 
eux  une  énorme  diiïéreni'e,  c'est  que  Janeénius  mourut  soumis  « 
du  moins  extérieurement,  ï  l'EKlîse  et  danssi 
lieu  que  Quesnel  iiuilla  la  vie  acKiblé  tins  censures 
mes  de  la  même  puissance. 

Il  résulte  aussi  de  ce  qui  a  été  dit  que  les  partisans  de  Ques-   1 

ncl  ont  avani'é  sans  fundcmeiit  que  les  Réflexi/tm  morale»  avaient  j 

joui,  dans  l'Ëglise,  d'une  sorte  d'approbation  tacite  pendant  " 

pace  de  M  ans,  ï  daier  de  1 671, oli  elles commencéreullivt 

;    jour,  jusqu'en  1711,  oli  elles  furent  dénoncées  solennellement  an  j 

'  royci  la  clé  du  langage  mystérieux  des  Jansénistes  :  Gansa  Qucs-  J 


332  QUE 

saint  Siège.  La  vérité  est ,  1**  qu*il  faut  retrancher  de  tout  ce 
temps  les  22  ans  employés  par  rautcurà  développer  et  à  retou- 
cher son  élucubration  ;  puisque,  deTavcu  même  de  ses  disciples,  la 
première  édition  qui  enfui  faite,  celle  de  1671,  n^olTraity  en  quel- 
que manière,  que  le  dessein  et  la  forme  de  Touvrage,  eu  égard  à  ce 
qu'il  devint  dans  la  suite ,  et  que  la  seconde,  c'est-à-dire  rédition 
de  1G87,  moins  volumineuse  de  moitié  que  les  suivantes,  ne  con- 
tenait pas ,  k  un  très-grand  nombre  près,  toutes  les  propositions 
condamnées  *.  Ce  ne  fut  qu'en  1693  que  les  Réflexions  moraUt  se 
montrèrent  complètes,  étendues,  achevées,  et  qu'elles  présentè- 
rent le  système  du  faiseur  avec  toutes  ses  preuves ,  ses  dévelop- 
pemcns  et  dans  tout  son  jour.  On  ne  pouvait  donc  dater  que  de 
cette  époque  l'approbation  prétendue  dont  on  voulait  les  décorer. 
Or,  2o  il  s'en  faut  bien  qu'elles  eussent  réuni  dès  lors  tous  les 
suQVages.  En  1694,  un  docteur  de  Sorbonne  *,  casuiste  célèbre 
que  l'on  consultait  de  toutes  les  provinces  du  royaume ,  en  releva 
199  propositions ,  qu'il  nota  comme  dignes  de  censure,  et  les 
donna  au  public  dans  un  Extrait  critique ,  oii  il  en  montrait  le 
mauvais  sens.  En  1697,  si  l'on  en  croit  du  Vaucel  et  Willart, 
deux  hommes  distingués  dans  le  parti ,  i)  paraissait  contre  le  même 
livre ,  des  plaintes ,  des  accusations ,  des  mouvemens  assez  graves, 
suivant  ce  dernier ,  pour  devoir  engager  Quesnel  à  remettre  sa 
production  sur  le  métier  et  à  en  retrancher  tout  ce  qui  pouvait 
exciter  ces  murmures  de  la  part  des  religieux,  des  demi-savans , 
auprès  des  esprits  prévenus,  et  troubler  le  repos  des  consciences  '. 
Un  lang:)ge  de  cette  nature  n'annonce  guère  une  approbation  gé- 
nérale. D'autres  monumens  nous  offrent  encore  des  preuves  non 
moins  convaincantes  ;  nous  ne  citerons  ici  que  le  mandement  de 
l'archevêque  de  Lyon,  en  date  du  li  avril  1714,  où  ce  prélat  s'ex- 
prime ainsi  :  <  Depuis  que  ce  livre  si  captieux  a  paru  dans  l'Ë- 
»  glise ,  on  n'a  pas  cessé  d'exhorter  les  fidèles  à  se  tenir  sur  leurs 
»  gardes  et ,  suivant  l'avertissement  du  Sauveur  du  monde ,  à 

<  Nous  avons  observé  qu'on  n'y  en  remarquait  que  cinquante-trois. 

>  Le  docteur  Fromageau. 

'  Quamobrem  vidcretur  necessarium,  utoperi  dcnuô  manusadmove- 
retur...  tollendum  e\  illo  idoroncquod  rdigiosorum,  aut  sciolorum,  aut 
praeoccupatorum  qucrelis,  aut  conscientiae  anxietali  locum  uUum  prc- 
bcre  possit,  etc. 

(Lettre  de  Willart  à  Quesnel  en  date  du  12  avril  1697.) 


QUE 

T  la  prudence  du  «erpeDl,  en  fermant  les  o 


^Ki  imiter  la  prudence  du  «erpeat,  en  fermant  les  oreilles  pmir  ne 
H^.poini  entendre  la  voix  de  cet  enchanteur  si  habile  dans  l'art  de 
^EsÉduire.»  ei  en  Aijant  les  raOiaemenB  si  dangereux  en  maiiirc 
^B^ide  foi  dont  uet  ouvrage  est  rempli,  i 

'  I,es  Jansénistes  ont  encore  prétendu  ranger  le  grand  évéquc  de 
Heaui  parmi  les  approbateurs  des  Rëflexiant  moraln.  Nous  ne 
croj'ons  pas  devoir  nous  arrêter  iui  à  réfuter  celte  fausse  préten- 
tion ,  d'autant  plus  qu'elle  a  été  pleinement  détruite  par  plusieurs 
d'entre  eux.  i  Je  ne  sais  rien  de  nouveau ,  écrivait  Willarlî  Ques-  ' 

>  nel ,  le  30  janvier  de  l'année  1700,  touchant  lu  teuUsement 
■  qu'excitent  les  quatre  grand»  frire* ,  si  ce  n'est  que  H.  du  Per< 

>  ron  (Bossuel)  ■  leur  est  aussi  contraire.  •  L'abbé  Couet  adressa, 
dans  une  lettre  anonyme ,  ces  reproches  au  m/me  illualrr  prélat  '. 

•  On  connaît  bien  des  personnes  i  qui  vous  avez  dit  que  les  cinq 

>  propositions   de  Jansénius  se   trouvent  dans  le  livre  du  PCra 

>  Quesael...  et  vous  n'avez  pas  oublié,  monseigneur,  que  demie' 

>  remenl  vous  avex  avoué  ù  un  arclievgque  de  l'assemblée  que 

•  ce  livre  renfermait  ouverleinenl  le  pur  Jansénisme.  ■  Âpr&s  des 
aveux  si  formels  de  la  part  d'bommes  fort  considérés  dans  le 
parti ,  on  nous  dispensera  de  rapporter  des  témoignages  emprun- 
tés d'autorités  plus  respectables  et  dignes  de  la  plus  gi  aude  con- 
iiance  *. 

Encore  moins  exigera-t-on  de  noua  que  nous  parlions  ici  avec 
quelque  étendue  de  la  Juitiflcaiion  det  It/flexioiu  moTalet.  Ce 
n'est  pas  d'aujourd'hui  que  l'on  sait  â  quoi  s'en  tenir  touchaul 
cet  écrit.  La  complaisance  l'enfanta  :  Boasuet  le  composa  ponr  ' 
défendre  le  cardinal  de  Noailles .  son  ami ,  du  soupçon  de  Jansé' 
nisme  qui  se  répandait  sur  son  compte  ^,  et  des  inveciivea  conte- 


I  Causa  Quesnell.,  p.  3Ï5. 

'  Vogei  LaTileau,  Hïtl,  de  la  constiL  tlnigenltus,  liv.  1,  Toumely, 
PnclecL  theol.  de  gral.,  édlt.  de  1755,  etc.,  etc. 

•  Le  cardinal  de  Noaillfs  itant  monté  surle  siège  de  Parli,  les  Ques- 
nrlliites  le  prîÈrcnl  de  renouveler  pour  son  nouveau  diocSse  l'appro- 
bation qu'il  avait  donnée  déjA  aux  Réflexions  morales  pour  le  diacÏM 
deChïloni;  mail  il  s'en  défendit  d'abord,  di^claranl  qui!  de  tout  tôtct 
on  tut  leprochail  d'avoir  approurc  Vrrreur  en  approunaal  («  liere  ; 
qu'il  voulait  le  faire  examiner,  et  qu'il  était  résolu  de  l'abandonner  st 
l'auteur  n'j  faisait  lc«  changcmens  qu'on  aurait  jugés  nécessaires.  La- 
lilcau,  Hitl,  dclaïou9lit.Unie.,  I,  j,  p,  00,  iH-â".  A  Aiignon.  Eu  effet 


8S4  QUE 

nues  dans  un  libelle  injurieux  lout  récemment  mis  aa  Jour  pir 
les  Jansénistes  *.  Mais  jamais  ce  {;rand  prélat  ne  goûU  réelle* 
ment  la  production  de  Tex-oratorien ,  où ,  sans  compter  les  dé- 
fauts de  doctrioe  *,  il  trouvait  que  VimaginatUm  de  VmUettr  mmit 
irop  mit  du  iien,  et  que  les  réflexions  ne  sortaient  pas  nmtureUêmmU 
du  texte  sacré,  Bossuet  donna  ii  sou  ouvrage  le  titre  d*Af^fteir- 
mrnt ,  supposant  qu'il  servirait  comme  de  préface  à  rédition  des 
Réflexions  morales  de  1699  ;  mais  il  se  réserva  qu*OD  fertil  dans 
cette  nouvelle  édition  des  changemens  importans  et  mullipliés 
que  lui-même  indiqua.  Quesnel  en  avoue  plusieurs,  qa*il  rapporte 
et  qu'il  combat  pour  la  plupart  *  ;  d'autres  témoins,  plus  détin- 
téressés  et  plus  dignes  de  foi ,  en  portent  le  nombre  au  delà  de 
cent  ;  on  en  voit  même  qui  le  déterminent  à  cent  TÎngi.  Quoi 
qu*il  en  soit ,  averti  que  Quesnel  ne  voulait  point  enteodre  par- 
ler des  changemens  exigés ,  Bossuet  commença  à  revenir  de  To- 
pinion  avantageuse  qu'il  avait  eue  jusqu'à  ce  moment  de  sa  borne 
foi  et  du  fonds  qu'on  pouvait  faire  sur  ses  protestations  :  Ji  /M 

l'examen  eut  lieu,  mais  sans  beaucoup  de  succès.  Quesnel  noos  apprcad 
lui-même  que  les  amendemcns  proposés  par  Tévèque  de  Meaux  ne 
furent  point  faits.  Avertissement  placé  à  la  tête  de  la  Justification,  p.  xi| 
t.  3A,  édit  des  Œuvres  de  Bossuet ,  in-S" ,  Liège. 

*■  Ce  libelle  était  le  fameux  Problème  ecclésiastique ,  où  Ton  rneUait 
en  opposition  Louis- Antoine  de  Noailles,  archevêque  de  Paris,  avec 
Louis-Antoine  de  Noailles,  évêque  et  comte  de  Ghâlons,  et  Ton  deman- 
dait auquel,  de  Parchevêque  ou  de  Tévêque,  il  fallait  8*en  tenir  sur  la 
doctrine  (ee  prélat  ayant  approuvé  comme  évêque  les  Réflexions  mo- 
rales, et  condamné  comme  archevêque  l'Exposition  de  la  fbi  catholi- 
que touchant  la  grâce  et  la  prédestination,  ouvrage  de  Baroos,  oerett 
de  Tabbé  de  Saint>Cyràn,  qu*on  disait  renfermer  la  même  doctrine  que 
le  livre  des  Réflexions  )  1  Le  Problème  est  attribué  par  d'Aguesscaii  à 
D.  Thierri  de  Viaixnes,  bénédiclin  de  Saint- Vannes,  Janséniste  des  plus 
outrés,  dit  le  même  chancelier. 

>  Dans  le  J  SA  de  la  Justification ,  où  il  s'agit  de  l'état  de  pure  sa- 
ture, Bossuet  s'exprime  ainsi  :  «  On  avouera  même  avec  franchise 
»  qu'il  yen  a  (des  propositions)  qu'on  s'étonne  qui  aient  échappé  dans 
»  tes  éditions  précédentes  ;  par  exemple  celle  où  il  est  porté  que  ta 
f  grâce  d'Adam  était  due  à  la  nature  saine  et  entière.  Mais  M.  de  Paris 
»  s*étant  si  clairement  expliqué  ailleurs  qu'on  ne  peut  le  soupçonner 
»  d*avoir  favorisé  cet  excès ,  cotte  remarque  restera  pour  preuve  dei 
»  paroles  qui  se  dérobent  aux  yeux  les  plus  attentif}.  • 

>  Dans  sa  production  intitulée  :  Vains  efforts. 


gLb; 

doiii,  ri'|iiiiiilil-il,  •]*>  tel  auitur  ait/iuvrt  i 
ue  manifeUt  pat  '.  Dès  lors.  Il  n'iiisaiia  |iiii 


,  â  supprimi 


>  nQoand  M.  Boesuct  composa  cft  tarit  (lii  Ju&liUcallon),  dit  \'6\^ 

■  qoedc  Soissoni  dan»  sa  cinquièioe  instniclioii  paslorale,  n*  il 3,  >• 

•  chnrili!  lui  fiiisail  juger  fatorableaiciil  d'un  litre  dont  II  n'atoil 

■  cncon.'  p^i^rË  tout  l'arriOce.  •  Et  quoi  de  plus  capable  du  le  ninursT 
sur  lu  s«nl1mcni  de  l'eit-ontorini  que  1c  langage  que  tenait  en  eB    , 
trni|B-IA  ce  notalïtir,  <laus  «es  lettres  oslensibleii?  Nous  en  rlleroiM    i 
deux  :  l'une  adreute  a  son  pm)  Willart   sous  la  daledu  l"BTriU89Bj    , 
raiilii!  eiTojâe  au  cardinal  de  Noailles  le  17  mars  de  la  même  ann#e. 
Dans  la  |ircmièTe,  QuesncI  |MiTle  ainsi  :  i  J'ai  rf^  avec  un  prof 
»  respect  el  arec  une  parfaite  reconnaissance  ce  ([Ue  mon  digne  p»»»  ^ 

>  leur  (le  cardinal)  a  eu  la  bonté  de  tous  dire  pour  mol.  C'est  t 

■  bien  de  l'inclinalion  et  <lc  la  conliance  que  Je  me  repose  sur  lui.  et    ' 

>  qu«  je  me  tiens  assuré  de  sa  pereévéranle  bonti!  pour  les  qualra  pu- 

•  pilles  (le*  quatre  volumes  in-8°  des  Rédeiions  morales)  qu'il  a  ■< 
m  daigne  prendre  è  sa  protection.  Il  csl  vrai  que  je  me  dëOe  de  ce  IbéOr  i 
t  logien  qui  s'est  talsl  de  ce*  quatre  cnfane.  •  Ce  tliéologlen,  dont  j 
Qucsnel  se  défie,  n'ùtnit-ce  point  Itossuet  lui-mt^me?  on  ne  nous  en 
rien.  Dans  l'autre  lettret  notre  auteur  marque  encore  plui  rorieoent  | 
sa  soBmissioa,  ou  plu  lut  sa  souplesse.  ■  Manseignenr,  ^oufliei,  : 

■  \au>  plaît,  que  je  tne  jetlctt  vos  pieds,  pour  voua  demander  voira   j 

•  sainte  cl  paternelle  bénédiction,  et  en  m^Die  temps  la  permisaioa  da    [ 
1  tous  rqMscntcT,  comme  t  mon  pire  et  à  mou  juge,  avec  le  plna 

■  grand  respect,  ce  qu'il  me  semble  que  je  ne  pourrais  dissimuler  A 

>  loire  Grandeur  sans  manquer  à  mon  devoir  dans  nne  oceatloa  qui 

■  ue  me  saarait  être  indUTiTcnte.  Grtcei  Dieu,  la  pari  qne  j'y  si  (au 

■  NouTeau  Testament  avec  des  réllctlons  morales),  n'vit  pas  ce  qui  me 

■  tient  plus  à  cœur.  Comme  je  suis  tris-capable  de  me  tromper  et  da 

•  Taire  des  fautes,  je  ue  rougirais  pas  de  \ti  reconnaître,  de  les  lak 

>  elTaccr,  de  le«  rétracter  pnbliqueinenl  moi-metne.  •  Causa  (}uesndU 
p.  hi'i.  Huis  il  changes  bien  de  ton,  écrivant  à  rccur  ouvert,  le  la 
oiril  1G09,  au  infime  Willart:  •  Je  laisse  Tulrc  le  bon  abbé  dom  An- 
I  liiine  de  Saint-Bernard  (l«  cardinal  de  Noalllea);  car,  comment  bira 

>  pour  l'empêcher?  je  suis  bien  aise  de  n'être  point  coMullé,  Ce  qnl 

>  sera  bien  icru  aioué  ;  s'ii  j  a  quelque  chose  qu'on  ne  puisse  np- 
r  pmuter,  on  en  sera  quitte  pour  dire  qu'on  n'y  a  point  eu  rie  part, 
t  Pvurfiu  qu'on  ne   touche  pat  aux  euilrinlt   noUi ,  ttla  ira  iitu  ; 

>  je  sais  qu'il  (l'arclieveque  de  Paris)  avait  dit  II  de^  gca*  qa'll  svou»' 
I  rail  BOUS  le  nom  de  sa  première  abbaje  (  l'eifcbe  de  Cbolons  )  lea 

•  quatre  ft^res,  et  il  k'  devrai!  Talir  pour  rt'puuiirr  Yiniolenct  du  toit'  ^ 

•  irc^havi .•  insb JQ  tob bien  qui'  saigne  lUi  an,  ■  Ibîd.,  |>.  A1A> 


836  QLK 

écrit ,  el  il  8*éleva  contre  Je  livre  des  Réflexions  avec  plus  de 
force  qa*il  ne  Taviit  encore  fait  jusqne-là.  On  sait  comment  il 
8*en  expliqua  dans  la  suite  auprès  du  premier  président  le  Pel- 
letier et  auprès  de  madame  de  Maintenon ,  deux  persouiages  dont 
le  témoignage  mérite  une  grande  confiance^.  Enfin^  il  est  constant 
que  récrit  dont  nous  parlons  ne  parut  point  pendant  la  tie  de 
Tauteur  :  ce  fut  le  Janséniste  le  Brun  qui ,  en  ayant  obtenu  com- 
munication de  la  main  du  secrétaire  du  prélat ,  en  tira  copie,  con- 
tre sa  parole  donnée,  et  le  fit  imprimer  à  Touroay,  après  la  ré- 
duction de  cette  ville.  Il  n*est  pas  moins  certain  que  ce  fut  entre 
les  mains  de  cet  éditeur  infidèle  que  VÀvertiisement  fat  traTCsti 
en  Jasiification  *• 

On  ne  s*étonnera  donc  pas  que  Bossuet,  entraîné  par  Tamitié 
qu'il  avait  pour  le  cardinal  approbateur ,  trompé  par  les  protes- 
tations de  soumission  que  faisait  Thypocrite  fugitif  des  Pays-Bas, 
et  comptant  que  les  nombreux  cartons  qu*il  demandait  seraient 
apposés  à  Tédition  de  1699,  se  fût  attaché  à  expliquer  des  en- 

^  Le  premier  assurait  quMl  avait  souvent  ouT  dire  à  M.  de  Meaux 
t  que  les  Réflexions  du  P.  Quesnel  étaient  pernicieuses  ;  qu*elles  ren- 
•  fermaient  clairement  les  erreurs  de  Jansénius,  et  que  les  personnes 
»  qui  faisaient  profession  de  piété  ne  devaient  point  les  lire.  »  InstmcL 
pastor.  de  MM.  de  Luçon  et  de  la  Rochelle,  du  ik  mai  i7il.  Foye< 
Montagne,  sous  le  nom  de  Tournely;  PrxlecL  theol.  de  grat,  t  i, 
p.  S7i,  édiL  de  1755,  où  ce  texte  est  rapporté  en  latin. 

t  Madame  de  Maintenon  déclara  dans  la  suite  à  M.  le  duc  de  Bonr- 
»  gognc,  devenu  dauphin,  que  Bossuet  lui  avait  dit  d  elU'méme  pfic- 
»  sieurs  fois  que  le  Nouveau  Testament  du  P,  Quesnel  était  telUment 
»  infecté  de  Jansénisme  qu'il  n*était  pas  susceptible  de  correction,  • 
Hist.  de  Fènélon,  par  M.  L.-F.  de  Bausset,  8*  édit.,  t.  8,  p.  83  et  suif. 
Ainsi  pensa  Tillustre  prélat  des  Réflexions  morales,  voyant  que  Tautenr 
se  refusait  aux  amendemcns  qu'il  lui  avait  fait  proposer,  et  après  avoir 
travaillé  à  expliquer  des  propositions  qu'il  laissait,  mais  dont  Texpli- 
ration  supposait  les  corrections  demandées  préalablement. 

>  Voyez,  dans  la  5*  lettre  past.  de  Tévéquc  de  Soissons,  n*  iiS,  la 
lettre  de  M.  Tabbé  de  Saint-André  au  même  prélat,  en  date  du  h  no- 
vembre 1724.  Cette  pièce  curieuse  renferme  une  partie  des  Oiits  que 
nous  avons  avancés  touchant  la  Justification,  Ko^ez  encore,  à  ce  sujet, 
Montagne,  dans  le  traité  que  nous  venons  de  citer;  Lafiteau,  I.  1; 
Mémoires  chron.  et  dogm.,  sous  Tannée  1708,  13  juillet  ;  Mémoires 
pour  servir  ^  Thist,  cccléSt  pendant  le  dix-huitième  siècle. 


QIE  337 

ii  encore  loucher,  encore  caplïeui,  mais  susccpiiblcs  d'un 
orLhoiIoxe  el  conrorme  aux  saintes  règles.  A|irès  ces  cent 
vingt  '  ameodenieni supposés  Taiis,  ellauld'cxplicationsdonDées, 
le  prÉlut  DO  se  Irouvaii-il  pas  en  droit  de  dire  que ,  •  s'il  se  reo- 

>  contre  quelque  part  (dans  les  lléflexlons  morales)  de  l'obseu- 
•  rilê  ou  même  quelques  défiiuts ,  le  plus  souvent  dans  l'eipres- 
t  sion  ,  comme  nue  suite  inséparable  de  riiumaniié,  nous  osons 

>  bien  assurer,  et  ces  remarques  le  font  assez  voir,  que  notre  il- 
■  lustre  archev^ue  les  a  reclierchés  avec  plus  de  sincérité  que 

>  les  plus  rigoureux  censeurs  '?  •  lleureux  Quesuel ,  s'il  eût 
adopté  dans  son  cœur  et  dans  son  livre  les  correclioas  exigées  par 
Sossuet  :  Que  de  troubles  n'eùl-il  pas  épargnés  et  il  l'Église  et 
i  lui-même?  Mais  c'est  le  propre  de  l'hérétique  de  tout  promettre 
quand  il  espère  ou  qu'il  se  sent  vivement  pressé ,  et  de  manquer 
de  parole  lorsqu'il  faut  en  venir  i  l'exécution. 

Enfio ,  quand  on  n'en  aurait  pas  une  Toule  d'autres  preuves ,  la 
m  Jnilificaiioii  sulTirait  seule  pour  démontrer  invincible  ment  l'op-^ 
K  position  entière  des  seniîmeas  de  Bossuet  aux  erreurs  du  JaDS  ' 


ConDAH:«ATio:<  du  Souneeu  Tettament  de  Quemel. 


Les  soupçons,  les  plaintes,  les  murmures  el ,  pour  nous  si 
1^  l'expression  du  Janséniste  Willart,  le  soulèvement  qu'excita 
I  m  ouvrage ,  depuis  surtout  que  l'auteur  l'eut  complété  et  qu'if 
Éf  eut  mis  la  dernière  main,  éveillèrent  la  soUîcituita  des  premiers 

S:steur«  dn  l'Ëglise  de  France.  Nous  avons  déjà  rapporté  ce  que 
Bail  i  cet  égard  l'archevêque  de  Ljon  dans  son  mandement  de 
?  )71i  ;  nous  pourrions  citer  encore  en  preuve  les  archevêques  de 
I  Tienne  et  de  Narbonne ,  les  évéques  d'Amiens ,  de  Uarseille ,  de 
f  Valence,  de  Béliers,  de  Lisieux,  etc.,  qui  rendirent  ï  la  mâme 
l  époque  !i  peu  près  le  même  témoignage.  On  sait  de  deux  amis  de 
[  Quesncl  *  avec  quelle  force  révëque  deCliartres  s'élevait,  en  1699, 


*  Voye:  Lettres  iustruct.  imprimées  par  ordre  de  Mi  l'évèque  de 

e,  3<  étUL,  1715.  t.  S,  p.  53,  &A  et  55. 
1  Juilific.  des  Hencx.  moral,  p.  SQ,  CdiL  déjï  cilèe. 
►LeNoirclWlIInrt,  dans  leurs  Icllrcs  i  cet  Butcurj  le  premier, 
le  du  I  novembre  1699  ;  le  «cond,  sous  le  Î3  janvitr  1700,  te 
■r  ne  parle  que  de  l'Iiorrcur  de  l'éitque  <le  Cli 
[  quatre  frère»,  c'cjt-4-dire  contre  le  livre  des  Raiedous  raorolca, 


II. 


29 


1 


ass  QUE 

contre  la  méiiM  production ,  dans  une  visite  qo^îl  faintt  aloft  àê 
•on  diocèae  »  et  avec  quel  soin  il  6taH  ce  livre  pemicieiix  dci 
raaim  des  religieuses  soumises  à  sa  juridiction.  Un  dea  préitfs 
appelaos *  se  flattait,  en  1714,  d'avoir  commencé  déHà  m  I61l6,à 
ééioumer  de  la  lecture  ée$  Réflexions  morales  les  fld^eê  ccmfiéÊ  à 
$€ê  ioinê.  Nous  avons  encore  ^  Fordonnance  que  révéqoe  d*Apt 
[Mbiia  le  15  octobre  1703,  dans  laquelle  il  défendait  le  livre  de 
Quesnel  à  tous  ses  diocésains ,  sous  peine  d'excomnuiDÎcatMMi , 
encourue  par  ce  seul  fait.  Le  jugement  qu'il  prononça  dans  celte 
ordonnance  contre  Touvrage  de  Tex-oratorien ,  après  Tav^ir 
bit  mûrement  examiner  et  Tavoir  lu  et  relu  lui-même  avec  soin  « 
mérite  d*avoir  place  ici.  •  Nous  avons  trouvé ,  dit  ce  sage  prtiat , 
»  que,  outre  que  le  texte  de  ce  Nouveau  Testament  était  preaqiM 
»  le  nnéme  qae  celui  de  Mons ,  condamné  par  les  papes  et  par 
»  plusieurs  évoques ,  et  dont  nous  avons  nous-mème  depuis  long» 
»  temps  interdit  Tasage  à  nos  diocésains ,  Tauteur,  par  ses  pro- 
»  positions  téiftéraires ,  erronées ,  exprimées  en  termes  caplievx , 
»  équivoques ,  étudiés  et  concertés  avec  soin ,  favorise  et  foaieBte 
»  le  Jansénisme.  »  Les  évéques  de  Gap ,  de  Nevers,  et  Tardievé- 
que  de  Besançon  ',  ûrent  aussi  eutendre  leur  voix  pastorale  dans 
leurs  diocèses  contre  le  même  livre  :  le  premieren  i704 ,  les  deux 
autres  en  1707. 

Jusque-là,  Rome  avait  gardé  le  silence.  Cependant,  sî  Ton  en 
croit  un  auteur  du  parti  *,  le  Nouveau  Testament  de  Quesnel  y 
avait  été  déféré  à  Tinquisition  peu  de  temps  après  qu*il  eut  été 
achevé,  c'est-à-dire  en  1693  ou  Tannée  suivante;  mais  il  n'était 
émané  de  ce  tribunal  aucun  jugement.  Quesnel ,  à  qui  Ton  avait 
demandé  des  éclaircissemens ,  suivant  le  même  historien ,  avait- 
il  empêché  par  ses  ruses  ordinaires ,  ses  protestations  feintes  de 
respect  et  de  soumission,  par  de  grandes  et  de  belles  promesses, 
qu'on  n'eut  alors  traité  sa  production  avec  rigueur?  Quoi  qu'il  en 

*  D'Hervau,  archevêque  de  Tours. 

*  Dans  un  érrit  publié  par  un  théologien,  en  1765,  sous  ce  titre  ;  le 
P.  Quesnel  séditieux  et  hérétique  dans  ses  Réflexions  sur  le  nouveau 
Testament,  etc. 

*  François-Joseph  de  Grammont,  dont  on  peut  Toir  le  mandement 
dans  le  recueil  qu'il  donna  en  1707,  sous  cet  intitulé:  StaMa 
décréta  tjfnodalia  Insuniinœ  dicscesUf  etc. 

*  tiiei,  du  livre  des  Héflexione  morale»,  par  Lonail, 


01  K 
foil,  CItiiiieiiL  Xi,  Tiiliguâ  (li'«  (iluiiiU'n  el  ijt'i  rTimcii 
L  ^nul  de  louUs  pans,  rumpit  enlin  le  silence.  Il  tuuii 
Wjitlciatiu'n  l'ouvriige  dont  nous  noua  occupons  ;  etvojaniqueM 
Lies  consutteurs,  suii  kscardiniiux  cliargi'n  de  ce  soin , 
1  |ui<Mit  d'uHt  voix  unanime  quo  ce  livre  éUtii  pernlcieui , 
I  d'erreurs  lite-gravea ,  de  propDsUiuns  qui  seuuieat  l'héré«îe|| 
jn'il  fulUit  en  caiitéquenfio  l'Ûlcr  des  inuins  dri  tiilèlea  el  le  fraptl 
F  per  d'anDiliËtne  ,  il  ks  condumna  au  feu,  le  lil  jiiillei  1708,  pi 
un  décret  spéi'ial  dunié  eu  fiti'nie  de  btel,  l,i  raison  que  le  pipf|  1 
apporu  de  cf  jugement  éluil  que  ce  livre  présentait  le  texte  u 
41  aounegu  Trilament  vielé  it'mie  oiamire  eondamuable  ei 

conforme  à  une  outre  veriion  franfaiie  proterile  par  Cté* 
I  wutti  IX  le  20  avrii  l6(iS,  dilfUranl  en  beaucoup  dendroitt  de  la 
^  Wgaie,  qui  eti  approuvée  dan*  l'Église  par  l'utage  de  lanl  de 
lUcIti,  et  laquelle  tout  let  pditei  doivent  tenir  pour  authentique. 
M  njouUil  que  ce  même  livre  eonieuail  en  outre  an  note»  et  de»  ré- 
/lexiiia»  qui  à  la  vérité  avaient  une  apparence  de  piété,  maii  qui 
eiméuiêaient  artifiaicuietneni  à  l'éteindre,  et  offraient  une  doctrine 
^^     «  iti  propoiiiioM  léiitieuttt ,  timérairei,  pemicieuseï ,  trtoniei,  ^ 
^^L  iéià  eondamnéet  et  tentant  manifettement  l'hérétle  janténienna  S 
^H   ht  clause  qui  condamnait  au  Teu  tous  les  ciemplsiret  du  livre  m 
^^Ê  rex-uratorien  pirui   en  Franco  contraire  ï  noit  usagM,  dit  d 
^^B  liisiorien,ce  qui  empêcha  que  ce  brerne  Tut  reçu  dunslerojaume* 
^^K       Deux  années  après,  les  èvéqueg  de  Luçod  el  île  U  iti>cbelle  * 
^^B  publièrent  une  Ordonnance  et  inilnielion  patlorale.  portant  con- 
^^P  damaaiion  des  Réflexima  morale*.  Ils  avaienl  concerté  ensemble 
•    cette  ordonnance,  et  s'en  étaient  occupés  pendsut  l'espace  de 
deux  ou  trois  ans.  Ils  la  divisèrent  en  deui  parties  :  dans  la  pre- 
mière, ils  démonlrèrenl  que  les  cinq  propositions  étaient  claire- 
rlDent  contenues  dans  Vkuguitin  de  Janséaius  ,   et  renouvelées 
toutes  dans  le  livre  de  Quesnel.  Dans  la  seconde ,  ils  firent  voir 
que  ces  deux  novateurs  s'écartaient  réellement  de  la  doctrine  du 
faiotdocleur  d'Ilippone.  Cet  ouvrage,  qui  était  assex  vutuinineui, 
Ibmiail  une  espace  de  traité  de  lu  ^râce,  el  fut  loué  II  Home  jur 
]»  saint  Père  lui-même  *.  L'année  suivante,  171 1 ,  l'évêquc  de 
I  Monlofcne,  Pndect.  theiri.  degrat.,  t.  l,p.  SST.  édit,  citée. 
'  Laliiiiiu,  Hlst.  de  la  conslir.  Upig..  I.  1.  p.  B7.  édîL  déj4  rilée. 
'  Jean-Pmifols  deValderic  de  Lescare  et  EUentie  de  Chamnour. 
'  IliiL  de  la  coidUl  tlnlf.,  I.  1,  p.  lOt  et  107.  Nous  ne  parleront 


840  QUE 

Gtp  fil  un  mandement  à  peu  près  semblable  ^.  Le  roi  réfoqni 
aussi,  le  il  novembre  de  la  même  année,  le privil^e  qa*ii  mii 
accordé  pour  Timpression  des  Réflexions  morales,  et  le  même  ymè 
un  arrêt  dn  conseil  les  supprima. 

Enfin  Clément  XI ,  excité  par  sa  propre  sollicitude ,  par  lei 
plaintes  réitérées  de  personnes  zélées  pour  la  foi  orthodoxe,  sur- 
tout par  les  lettres  et  les  prières  d'un  grand  nombre  d*é?èqnes  de 
France,  et  par  les  instances  souvent  répétées  de  Louis-le-Grand , 
qui  suppliait  sa  Sainteté  de  remédier  incessamment  au  besoîa 
pressant  des  âmes  par  Tautorité  d*uu  jugement  apostolique  *, 
consentit  à  porter  une  constitution.  On  peut  voir  dans  Lafiteau 
les  précautions  qu*on  prit  en  France ,  de  concert  avec  le  pape , 
pour  que  cette  bulle  ne  renfermât  aucune  clause  contraire  aux 
libertés  de  TÊglise  gallicane  ni  aux  usages  reçus  dans  le 
royaume. 

Voilà  donc  le  Tiouveau  Testament  avec  des  reflétons  moralet 
livré  à  un  troisième  examen,  dans  la  capitale  du  monde  chrétien  ; 
mais  pour  y  procéder  d*une  manière  capable  de  fermer  la  bouche 
à  la  malignité ,  et  atin  de  ne  laisser  aucun  prétexte  à  Tindocilité 
ni  à  Texigence  scrupuleuse ,  Clément  XI  appela  à  ce  travail  pé- 
nible «  les  plus  habiles  théologiens  de  Rome ,  tirés  de  toutes  les 
»  écoles  les  plus  fameuses  et  de  tous  les  corps  religieux  qui  font 
»  une  étude  particulière  de  la  théologie.  On  comptait  parmi  les 
»  examinateurs  deux  Dominicains,  deux  Cordeliers,  un  Augustin, 
»  un  Jésuite  ,  un  Bénédictin ,  un  Barnabile  et  un  prêtre  de  la 
»  congrégation  de  la  mission  ^.  p  Par  un  choix  si  sage ,  le  pape 
prouvait  hautemen  t,  et  qu'il  ne  s'était  pas  laissé  circonvenir,  et 
qu'il  agissait  avec  toute  la  franchise  et  toute  la  droiture  conve- 
nable dans  une  affaire  de  cette  importance,  et  combien  il  était 
éloigné  de  vouloir  toucher,  en  quoi  que  ce  fût,  soit  à  la  doctrine 
du  saint  Docteur  de  la  grâce,  soit  aux  sentimens  respectables  de 

pas  des  démêlés  qu*occasiona  cette  ordonnance  entre  ces  prélats  et  le 
cardinal  de  Noailies. 

*  Montagne,  dans  le  traité  cité,  p.  868  du  tome  i*M  Dict  des  livres 
jansénistes,  t.  àt  p.  65. 

>  Voyez  le  préambule  de  la  bulle  Unigenitus.  Voyez  aussi  Lafiteau, 
1. 1,  p.  iiO  et  suiv.,  etc. 

'  Lettre  écrite  de  Rome  à  Fénélon,  en  date  du  16  septembre  1718. 
UisU  de  Fénélon  déjà  citée,  t.  8,  pag.  898  et  suir. 


I  TAoge  Je  l'école ,  soh  niÈtue  aui  opioioDK  pariiculièrcs  loléréet  J 
Il  l'Ëglise. 
^Les  théologiens  choisis  Turent  pour  rus  chacun  en  particulier' 1 
^4*exeinplaim  latins  (M  rranç^isdu  livre  de  rcx-oraIurieai.Quoi-!j 
pe  nommés  en  février171î,  il  paraît  qn'ils  ne  commencèrent  | 
s  confërenues  que  le  1"  juin  suivant.  Ils  eurent  donc  toutJ 
t  temps  nécessaire  pour  étudier  préalable mt'nt  l'esprit  de  l'oo-B 
nge  de  QiiesQcl>pouren  sonder  !i  fond  la  doctrine,  pour  i 
I  cinquante-cinq  proportions  soumises  &  leur  examen  t 
ftsnienl  été  fidélemenl  exlrailes,  quel  élail  le  Trai  sens  de  dutj 
'  elles  étaient  courormes  à  la  foi  orthodoxe  ou  si  elles  s' 
écarlaient,  et  jusqu'à  quel  point,  l-es  conférences  se  tinrent  d 
présence  de  deux  commissaires  lires  du  collège  des  cardinaux  *[*■ 
elles  durèrent  chacune  quatre  i  cinq  heures,  et  le  travail  ne  Tat  f 
achevé  qu'à  la  disL-scpiième  conrérence. 

Apris  cet  examen  préliminaire  déjà  très- 1  u  min  en  x,  Clémeni  XF I 
1  fil  l'aire  un  second  en  sa  présence.  l.D  se  iruuvérent,  Doiiii''-l 
Mlemeul  les  ihëotngiens  dont  nous  venons  de  parler,  Dcurcar^''j 
Coaui  de  lu  congrégalioD  du  saint-omce,  tous  les  consullenrtj 
1res  du  même  tribunal,  arec  le  commise.iîre,  qui  est  t 
n  Dominicain ,  mais  encore  le  général  du  même  ordre  et  n 
nndnonibredeprélals'.li  se  linlviugt-lrois congrégations, d 

le  desquelles  on  commentait  par  examiner  si  la  proposilioB  J 
K-Illïne  dont  il  s'agissait  était  fidélemenl  traduite  en  Trançais;  i 
ft.Mile  quels  en  étaient  le  sens  et  la  qualité.  Les  cent  cinquants- I 
r  tànq  propositions,  prises  dans  lesédilions  de  1U93,  lG9i  cl  11  ' 
du  Nouveau  Teilament  de  Quesnel,  furent  disculées  su 
menl  ttl  avec  une  atlention  extraordinaire  ;  il  n'y  en  ei 
pas  une  qui  ne  coOiat  au  pape  quatre  ou  cinq  heures  d'étude  p 


intcur»  réc^ns  nient  ce  Tail  ;  iDaîs  il  nous  paraît  plus  sage  M I 
rapporter  A  un  écrivain  conlemporain ,  qni  fut  employé  par  ht  I 
(ouvcroemcnl  français  auprfs  de  Clémcnl  XI ,  \k\x  d'années  après  I'^âI 
'iKmcnl  dont  nous  parlons,  cl  qui  en  donna  l'histoire,  après  svoT" 
Mirné  II  Rome ,  oA  il  fut  ù  portée  de  prendre  les  Infannations  k 

les  et  <le  s'en  entretenir  ovec  le  souverain  poulilb  luj-in( 
et  ïeriiain  esl  Lslilcau.  Voytz  son  IIi^loire,  p.  13D,  édit.  ïitée. 
'  Ces  comnlasalres  furent  les  cardinaux  Ferrari  et  Fabroni  :  mCmi 
Idire  écrite  de  Rome  ï  Féneton. 


'  Ibid. 


T.\' 


lit  QLE 

Ucalière  ^  :  aussi,  son  appHcaiion  soutenue,  la  griada 
qu*il  montra  dans  cette  affaire  épineuse  et  le  traTaîl 
qu*il  fil  à  cet  égard,  étonnèrent  beaucoup  tous  ceux  qui  ea  hami 
les  témoins  oculaires.  Un  auteur  tout  récent,  mais  très-oppoaé  à 
la  bulle  émanée  de  la  main  de  ce  grand  pontife,  assure,  diaprés  ka 
archives  de  Rome  qu*il  dit  avoir  compulsées  dans  le 
qu'elles  étaient  ^  Paris,  pendant  la  persécution  de  Pie  Yll, 
Clément  XI,  après  avoir  recueilli  les  opinions  des  coi 
le  vote  spécial  de  cinq  ou  six  cardinaux,  faisait  le  plus  aoaf— I 
un  extrait  de  ces  opinions  auxquelles  il  ajoutait  qoelquefoMi  ém 
développemens  et  des  remarques ,  puis  une  noie  abrégée  potUM 
le  vote  des  mêmes  cardinaux,  et  terminait  le  tout  par  unjugt— I 
q«*il  exprimait  d*ordinaire  en  ces  termes  :  Nés  diJUmuê  ^.  0«  «• 
pouvait  donc  exiger  plus  d'application  de  la  part  du 
pontife,  plus  de  zèle  dans  la  recherche  de  la  vérité,  plus  àm 
oautions  afin  de  parvenir  a  une  définition  digne  du  ekrâf  visiblo  de 
TÉglise,  digne  du  saint  Siège»  digne  enfin  du  respeel  et  de  lu 
soumission  des  vrais  fidèles  répandus  sur  toute  la  terre  \ 

Cependant,  avant  de  signer  sa  constitution,  le  pape  ne  négli- 
gea rien  pour  obtenir  les  lumières  célestes  de  Tesprit  de  ^érhé. 
Dans  ce  pieux  dessein,  il  alla  très-souvent  célébrer  les  divins  m ja* 

*  Même  lettre  adressée  de  Rome  à  Fénélon. 

>  Vérité  de  l*histoire  ecclés.  rétablie  par  des  monumens  authentiques, 
pages  50,  51  et  53. 

*Les  théologiens  orthodoxes  qui  montrent  le  plus  d^éloignement 
penr  ce  q«*on  appeUc  les  opinions  ultramontaines  enseignent  tous 
qu'indépendamment  de  la  question  toachant  la  foilHhiHté  ou  l*infhilti- 
bUUé  du  pape,  on  doit  se  soumettre,  au  moins  provisoiiement,  aux  js» 
gemcns  dogmatiques  émanés  du  chef  visilile  de  TÊglise  pariant  est  «•• 
thedrà,  jusqu'à  ce  qu'on  ait  le  temps  de  savoir  que  ces  jugemeos  ont 
été  adoptés  par  la  plus  grande  partie  des  évoques  en  communion  avec 
le  saint  Siège  ;  circonstance  qui  ayant  lieu ,  disent  les  mêmes  théolo- 
giens, ftiit  de  ces  jugemens  des  dénnitions  de  l'Église  universelle,  les 
Nnd,  par  conséquent,  irréformables,  absolument  obligatoires,  et  cela 
q«aiid  mèaK  des  évêques  auraient  réclamé,  pourvu  que  leur  nombns 
■oit  beaucoup  moindre  que  celui  des  évêques  qui  auraient  adhéré, 
soit  positivement,  soit  d'une  manière  tacite. 

Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  de  nous  étendre  sur  ce  point ,  et  nous  ne  fti- 
ions  celte  remarque  que  pour  mettre  nos  lecteurs  ù  portée  de  voir  que 
nous  n'avons  rien  dit,  dans  la  phrase  qui  la  précède,  dont  les  tbéolo- 
gicns  qui  soutieuucnt  celte  opinion  aient  lieu  de  se  plaindre. 


'  QVE  Ht 

Iferet  sur  le  lombeuu  Jes  *ainls  ojifilies  PiWM  «I  l'»ul  ;  il  prescrU 
vil  des  prières  publiques  dans  Hoinp  et  j  urjunna  URe  procession 
soleoitelle  à  laquelle  il  assista  lut-m^ine. 

Au  reste,  nous  ae  lonimes  entrés  dans  ce  long  détail,  qaî  ras- 
ture  autant  qu'il  édifie,  que  pour  faire  triompher  la  droiture  do 
Clément  XI  dans  celte  grande  affaire  contre  tes  calomnies  des  en- 
nemis de  ce  nge  pontire,  contre  les  aopliismes  des  déiraclt^n 
de  la  TÉrité,  et  pour  tâcher  de  rsiraeiier  i  de  meilleurs  seniimeni 
les  Ames  simples  et  droites  qui  ont  eu  leinalbeur  de  se  laisser  pré- 
venir par  des  opinions  aussi  pernicieuses  qu'elles  suni  mal  (ow 
àées. 

EnHn  CléBieat  XI  signa  la  constitution  le  8  septembre  1113,  el 
elle  fut  alTichée  dans  Rome  le  même  jour.  Dans  le  préambule,  qui 
commence  par  ces  mots  :  Va'rgeHilHt  Dei  Filial,  ayant  parl.^  <i'a- 
bord  de  l'avertissemeui  donné  par  le  Fils  de  Dieu  ï  son  Église, 
«  4%  nous  tenir  en  garde  contre  les  faux  prophètes  qui  Tieonenl 
revêtus  de  la  peau  îles  brebis  ;  (pur  odj  il  désigne  prin- 
'4Ï|MleineDt. ..  ces  miitlres  de  mvnsonges,  ces  séducteurs  pleins 
..artifices,  qui  ne  Tunt  éclater  dans  leurs  discours  les  apparen* 
^Ws  de  Uplas  solide  piété  qutt  pour  Insinuer  impercepliblemenl 
dogmes  dangereui  et  que  pour  introduire  sous  les  dehors 

)k  b  sainteté  des  sectes  qui  conduisent  les  hommes  â  leur  perte  ; 

•  sâiuisani  «ec  d'auLint  plus  de  facilité  ceux  qui  ne  se  défient 

■  pas  de  leurs  pernicieuses  entreprises,  que,  comme  des  loups  qui 

•  dépouillent  leur  pe;iu  pour  se  couvrir  de  la  peau  des  brebis, 

•  ilas'enveloppeni,  pourainsi  parler,  desmaximesde  la  loi  divine, 
B  des  préceptes  des  saintes  Ëcrituj'es  dont  ils  interprètent  mali- 
>■  cieusemeni  les  expressions,  et  de  celles  mêmes  du  nouveatt 

■  Testiimtftit  qu'ils  ont  l'iidresse  de  corrompre  en  diverse*  mauië' 

•  res  pour  perJre  les  autres  et  pour  se  perdre  eut-mémes  :  vrais 

•  Sis  de  l'ancien  père  du  mensonge,  ils  ont  appris,  par  son  eiem- 

>  pie  et  par  ses  enseigoemens,  qu'il  n'est  point  de  voie  pins  sâre 

>  ni  plus  prompte  pour  tromper  les  3mes  et  pour  leur  insinuer  1» 
eurs  les  plus  criminelles  que  de  couvrir  ces  erreurs 

l'autorité  de  la  parole  de  Dieu.  ■ 
Le  Saint-Père  continue  ensuite  de  celle  maniêro  :  «  Pénétrés 
divines  instructions ,  aossit&t  que  nous  eâmes  appris , 
dans  la  profonde  amertume  de  notre  cceur,  qu'un  ceriaiii  livre, 
imprimé  autrefois  en  langue  française  et  divisé  en  plusieurs  to- 
mes, auus  ce  Litre  :  U  -Vi'Kt'Mii  Tnlamtnt  en  fran^iii,  tfee  (tei 


K 


844  QUE 

réflexioni  moralei  $ur  chaque  verset,  etc,;  h  ParUf  1699.  Antre* 
ment  encore  :  Abrégé  de  la  morale  de  V Évangile,  dea  Aeiet  du 
apâlres ,  des  ÉpUres  de  saint  Paul,  des  ÉpUres  canoniptea  et  4e 
V Apocalypse,  ou  Pensées  chrétiennes  sur  le  texte  de  ces  Livres 
sacrés,  etc.;  à  Paris,  1693  et  1694  ;  que  ce  li^re,  quoique  noat 
Teussions  déjà  condamné  * ,  parce  qu'en  effet  les  Tentés  ealbo- 
liques  y  sont  confondues  avec  plusieurs  dogmes  faux  et  dange- 
reux, passait  dans  Topinion  de  beaucoup  de  personnes  pour  mi 
livre  exempt  de  toutes  sortes  d'erreurs  ;  qu'on  le  mettait  partoat 
entre  les  mains  des  fidèles,  et  qu'il  se  répandait  de  tous  cfttés 
par  les  soins  affectés  de  certains  esprits  remuans  qui  font  de 
continuelles  tentatives  en  faveur  des  nouveautés  ;  qu'on  Taviit 
même  traduit  en  latin,  afin  que  la  contagion  de  ses  raaumet 
pernicieuses  passât,  s'il  était  possible,  de  nation  en  nation  et  de 
royaume  en  royaume;  nous  fûmes  saisis  d'une  très-yive  douleur 
de  voir  le  troupeau  du  Seigneur,  qui  est  commis  à  nos  soins,  en- 
traîné dans  la  voie  de  perdition  par  des  insinuations  si  sédni* 
santés  et  si  trompeuses  :  ainsi  donc,  également  excités  par  notre 
sollicitude  pastorale,  par  les  plaintes  réitérées  des  personnes 
qui  ont  un  vrai  zèle  pour  la  foi  orthodoxe,  surtout  par  les  let- 
tres et  les  prières  d'un  grand  nombre  de  nos  vénérables  frèree  les 
évéques  de  France,  nous  avons  pris  la  résolution  d'arrêter  par 
quelque  remède  plus  efficace  le  cours  d'un  mal  qui  croissait  ton- 
jours  et  qui  pourrait  avec  le  temps  produire  les  plus  funestes 
effets. 

»  Après  avoir  donné  toute  notre  application  à  découvrir  la  cause 
d'un  mal  si  pressant  et  après  avoir  fait  sur  ce  sujet  de  mûres  et 
de  sérieuses  réflexions,  nous  avons  enfin  reconnu  très-dbtinc- 
tement  que  le  progrès  dangereux  qu'il  a  fait  et  qui  s'augmente 
tous  les  jours  vient  principalement  de  ce  que  le  venin  de  ce  li- 
vre est  très-caché,  semblable  à  un  abcès  dont  la  pourriture  ne 
peut  sortir  qu'après  qu'on  y  a  fait  des  incisions.  En  effet,  k  la 
première  ouverture  du  livre,  le  lecteur  se  sent  agréablement  at- 
tiré par  de  certaines  apparences  de  piété.  Le  style  de  cet  ou- 
vrage est  plus  doux  et  plus  coulant  que  l'huile  ;  mais  les  expres- 
sions en  sont  comme  des  traits  prêts  à  partir  d'un  arc  qui  n'est 
tendu  que  pour  blesser  imperceptiblement  ceux  qui  ont  le  coeur 
droit*  Tant  de  motifs  nous  ont  donné  lieu  de  croire  que  nous  ne 

<  Par  son  bref  du  13  juillet  1708. 


QUE 


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il 

■F» 

^■^ï  M, 


1  pouvions  rien  faire  de  plus  à  propos  ni  de  plus  saluLairo,  aprts 

•  avoir  jusqu'ï  présent  marqué  en  gfnéril  la  doctrine  aniGcicuM 
.  de  ce  livrp,  que  d'en  découvrir   les    erreurs   en  dflsil  cl  que 

>  deiK  meure  plus  clairement  et  plus  distin(^temcnt  devant  les 

•  yeux  de  tous  les  fidèles  par  un  extraii  de  plusieurs  proposîiioni 

>  conienues  dans  l'outrage,  ob  nous  leur  ferons  voir  l'ivraie  dan- 

•  gercuse  séparée  du  bon  grain  qui  lu  couTrait.  Par  ce  moyen, 

>  nous  dévoilerons  et  noua  mettrons  au  grand  jour,  non-eeulemrnt 

■  quelques-unes  de  ces  erreurs,  mais  nous  en  exposerons  un  griud 

•  nombre  des  plus  pernicieuses.  Boit  qu'elles  aient  été  condam- 
>>  nées,  soit  qu'elles  aient  été  inventées  depuis  peu.  • 

Eosaiie,  après  avoir  marqué  la  confiance  qu'il  met  en  Dieu  et 
l'espérance  qu'il  a  de  si  bien  faire  connaître  la  vériié ,  et  de  la  si 
bien  faire  sentir  que  tout  le  monde  sera  forcé  d'en  suivre  les  lu- 
mières. Clément  XI  revient  aux  sollicitations  des  évèques  fran- 
çais ,  qui  lui  avaient  témoigné  que ,  par  le  mojen  d'une  cunelilu- 
tion ,  il  ferait  une  cbose  irës-ulîle  et  très- né  cessa  ire  pour  l'intérêt 
de  la  foi  catholique ,  pour  le  repos  des  consciences,  et  qu'il  met- 
trait fin  aui  diverses  conlcstations  élevées  principalement  en 
France,  etc.  Après  avoir  parlé  de  nouveau  des  instances  faites  par 
Louis  XIT,  dont  il  loue  le  zèle  pour  la  conservation  de  la  foi  et 
l'extirpation  des  bérésies,  il  fait  mention  des  soins  qu'il  s'est 
donnés  dans  cette  importante  affiiire.    •  D'abord,  dit-il,  nous 

>  avons  fait  examiner  par  plusieurs  docteurs  eu  ibéologie,  en 

■  présence  de  deux  de  nos  vénérables  frères ,  cardinaux  de  la 

>  saime  Église  romaine  ,  un  grand  nomlire  de  propositions  ex- 

•  traites  avec  fidélité  et  respectivement  des  différentes  éditions 

■  dudit  livre ,  tant  françaises  que  latines ,  dont  nous  avons  parla 

>  ci-dessus  ;  nous  avons  ensuite  été  présenti  cet  examen;  noua 
appelé  plusieurs  autres  cardinaux  pour  avoir  leurs  avis, 

!t,  après  avoir  confronté  pendant  tout  le  temps  et  avec  toute 
'aitentioQ  nécessaire  chacune  det  propotHioni  avec  le  texte  d»    l 
Une,  nous  avons  ordonné  qu'elles  fussent  examinées  et  discu- 
i  tâes  irès-soî(jneusement  dans  plusieurs  congrégations  qui  se 

>  sont  tenues  ï  cet  eâTel.  > 

A  la  suite  du  préambule  que  nous  avons  cm  devoir  transcrira 
ici  presque  en  entier  parce  que  plusieurs  faits  que  nous  avons  ci-    | 
devant  avancés  s'y  trouvent  conlirmés ,  parce  qu'on  y  découvre 
les  motifs  pressans  qui  engagèrent  Clément  XI  h  donner  sa  ci 
aiiluIioD  :  qu'on  y  voit  avec  eatisfaclion  la  réponse  îi  unu  foule  J 


340  QLE 

d*objeclions  qui  fureat  failes  dans  le  temps,  el  qu*oo  MMWfdie 
eucore  de  nos  jours  contre  cette  bulle;  enfin,  ptree  qii*«B  y 
aperçoit ,  comme  d'un  coup  d*œil  général,  soit  le  dioger  da  poi- 
son que  renferme  le  livre  de  Quesnel ,  soit  rariifice  doBt  Tavlev 
s'est  servi  pour  faire  couler  d'une  manière  aussi  agréable  qve  sé- 
duisante ce  poison  dans  les  coeurs ,  le  saint  -  père  rapporte  iOl 
propositions  extraites  du  même  livre,  et  il  les  condamne  « 
»  étant  respeaivement  fausses,  captieuses,  malaonnaiitee» 
»  pables  de  blesser  les  oreilles  pieuses  ;  scandaleuiei, 
»  cieuses,  téméraires,  iujurieuses  à  T Église  et  à  sa 
»  outrageantes,  non-seulement  pour  elle,  mais  pour  les  pait- 
9  sances  séculières  ;  séditieuses ,  impies ,  blasphématoiree ,  iiis- 
»  pectes  d'bérésie ,  sentant  Tbérésie ,  favorables  aux  héréli^MS , 
»  aux  hérésies  et  au  schisme  ;  erronées ,  approchantea  de  rbéri- 
»  sie  et  souvent  condamnées;  enfin,  comme  hérétiques  eteoauae 
>  renouvelant  diverses  hérésies ,  principalement  celles  qui  soot 
»  contenues  dans  les  fameuses  propositions  de  Jansénius ,  prises 
»  dans  le  sens  auquel  elles  ont  été  condamnées.  » 

Le  saint-père  défend  en  conséquence  à  tous  les  fidèles  de  pen- 
ser, d'enseigner  ou  de  parler  sur  lesdites  propositions  autrement 
qu'il  n'est  porté  dans  sa  constitution ,  et  il  veut  que  «  quiconque 
»  enseignerait,  soutiendrait  ou  mettrait  au  jour  ces  propositions, 
9  OU  quelques-unes  d'entre  elles ,  soit  conjointement,  soit  sépt- 
»  rément,  ou  qui  en  traiterait  même  par  manière  de  dispute,  en 
»  public  ou  en  particulier,  si  ce  n'est  peut-être  pour  les  corn- 
»  battre ,  encoure  ip»o  facto,  et  sans  qu'il  soit  besoin  d'autre  dé- 
»  claration ,  les  censures  ecclésiastiques  et  les  autres  peines  por- 
»  tées  par  le  droit  contre  ceux  qui  font  de  semblables  choses.  » 

11  déclare,  en  outre,  qu'il  ne  prétend  «  nullement  approuver  ce 
»  qui  est  contenu  dans  le  reste  du  même  livre,  d'autant  plus, 
»  ajoute-t^ii,  que,  dans  le  cours  de  l'examen  que  nous  en  avons 
»  fait ,  nous  y  avons  remarqué  plusieurs  autres  propositions  qui 
B  ont  beaucoup  de  ressemblance  et  d'affinité  avec  celles  que  nous 
»  venons  de  condamner,  et  qui  sont  toutes  remplies  des  mêmes 
»  erreurs  :  de  plus ,  nous  y  en  avons  trouvé  beaucoup  d^autres 
»  qui  sont  propres  à  entretenir  la  désobéissance  et  la  rébellion , 
»  qu'elles  veulent  insinuer  insensiblement  sous  le  faux  nom  de 
»  patience  chrétienue,  par  l'idée  chimérique  qu'elles  donnent 
»  aux  lecteurs  d'une  persécution  qui  règne  aujourd'hui;  mais 
»  nous  avons  cru  qu'il  serait  inutile  de  rendre  cette  consiitslien 


>-  plus  longue  pur  un  <li'-tall  panicultpr  Hé  ces  propositions.  • 

Venant  de  luile  à  la  traduction  adoptée  par  Quesnel ,  Cl|i- 

mcDi  Xi  continue  ainsi  :  •  n&u,  ce  qiti  en  pins  intulérable  dam 

<•  cet  ouvrage,  nous  ;  avons  vu  le  leite  du  nonveau  TcRlamenl' 

•  altéré  d'une  manière  qui  ne  peut  être  trop  condamnée,  et  con- 

>  fonne  on  beauroup  d'endroits  ft  une  traduction  dite  de  Huni' 

•  qnî  a  At^  cenaurée  depuis  long-temp-i  ;  il  y  est  dilTl^reot,  et  s'é- 
I  lotipie  en  diverses  façons  de  ta  version  Vulgate  qui  eu  en  uftage 

>  dans  rf.glisB  depuis  tant  de  siècles ,  el  qui  doit  #lre  regardée 

•  comme  aiiiheniique  par  toutes  les  personnes  orthodoxes  ',  et 

•  l'on  a  porté  la  mauvaise  Toi  jusqu'au  point  de  détourner  le  seni 

■  naturel  du  leite  pour  j  substituer  un  sens  étranger  et  souvent 

•  dangereux. 

•  Pour  toutes  ces  raisons,  en  vertu  de  l'autorité  apostolique, 

•  mini  défendons  de  nouveau ,  par  ces  présentes ,  el  condamnons 

>  ilerechef  leilit  livre,  sous  quelque  titra  et  en  quelque  Inngue 
-  qu'il  ail  été  imprimé,  de  quelque  édition  et  en  quelque  version 

>  qa'ît  ail  paru  ou  qu'il  puisse  paraître  dnns  la  suite  (ce  qu'ï  Dieu 

f  ne  pliise)  ;  nous  le  condamnons  comme  étant  irés-capable  de  sé>    ' 

k»'<inir«  la  imn  limplfi  par  de*  parole»  pltinn  de  dnaeeur  el  p 
^êttMiiédtetiM»,  ainsi  que  a'eiprîme  l'apAlre,  c'est-ii-dîre 
«  tel  apparenees  d'une  instruction  remplie  de  piélé.  Condami 

■  {Mreillemeot  tous  les  autres  livres  ou  libelles,  soit  manuscrits, 

•  Mtt  imprimés ,  ou  (ce  qu'ï  Dieu  ne  plaise)  qui  pourraient  s'ini'  3 

>  primer  i)*m  la  auiie  pour  la  défense  dudit  livre  ;  nous  défen-  J 

■  dons  ï  Ions  les  tldélm  de  les  lire,  de  les  copier,  de  les  retenir  1 

•  M  d'en  faire  usage ,  sous  peine  d'eicommnnieation ,  qni  sert   T 

•  meonnift  ■p*''  forlu  pur  les  con 
Les  lot   propositions  condamnées  par  la  bulle  peuvent  se  ri^ 

dyirek  certains  chefs  qui  regartlent  la  grâce,  la  cbnrilé,  l'iïglise, 
le*  «icammunica  lions,  l'admi  ni  si  ration  du  sacrement  de  pénitence, 
la  leeture  des  livres  saints ,  etc.  Noos  n'en  donnerons  pas  ici  l'a^ 
nalysa ,  nous  r<^rV3nt  d'en  parler  ci-après  avec  quelque  étendue. 

Accfpiallim  de  la  balle  l'nigenilus. 

F.e  pape  ajnni  publié  sa  consli 
suite  pour  la  Frani^c  et  chargea  5i 


348  QUE 

Aussitôt  que  Louis  XIV  Verni  reçue ,  charmé  de  n^y  lemiFcpMr 
aucune  clause  contraire  à  nos  maximes  ou  à  nos  libertés,  il  se  hiia 
de  chercher  la  manière  qui  conviendrait  le  mieux  pour  la  faireae- 
cepter  dans  ses  États. 

Entre  plusieurs  moyens  canoniques  qu*il  soumît  ^  son  eximen , 
celui  qui  lui  parut  devoir  être  préféré  comme  étant  le  plus  expé- 
ditif  et  le  plus  propre  à  ménager  parmi  les  premiers  pasteon  une 
uniformité  de  conduite  bien  désirable  en  tout  temps  «  mais  sortovt 
dans  les  circonstances  cH tiques  où  Ton  se  voyait ,  ce  fut  de  réunir 
à  cet  effet  les  prélats  qui  se  trouvaient  déjà  dans  la  capitale  pour 
les  affaires  de  leurs  diocèses  ou  pour  leurs  intérêts  paniculios. 
On  avait  Fexpérience  d'une  mesure  toute  semblable  :  c*était  ainsi 
que  Ton  avait  accepté,  soixante  ans  auparavant ,  la  bulle  d^Iaao- 
cent  X  contre  le  livre  et  les  cinq  propositions  de  iansénios;  et 
Clément  XI  proposait  Tacceptation  faite  alors  pour  modèle  de  Tac- 
ceptation  qu'il  attendait  de  la  part  du  clergé  de  France  en  faveur 
de  sa  constitution.  L'assemblée  fut  donc  résolue. 

Elle  s'ouvrit  le  jour  désigné ,  qui  était  le  16  octobre  i7i3.  Une 
s'y  trouva  d'abord  que  vingt-neuf  prélats  ;  mais  le  nombre  s'en 
augmenta  beaucoup  dans  la  suite;  en  sorte  que,  quand  il  fut 
question  d'entendre  la  lecture  du  rapport  et  de  délibérer  sur  le 
fond  de  l'acceptation ,  on  )  compta  quarante-neuf  voix  réellement 
présentes.  Cette  assemblée  fut  aussi  Tune  des  plus  imposantes 
qu'on  eût  encore  vues  :  outre  que  tous  les  membres  qui  la  com- 
posaient étaient  revêtus  du  caractère  auguste  que  donne  la  pléni- 
tude du  sacerdoce ,  elle  avait  h  sa  tête  deux  cardinaux ,  à  la  suite 
desquels  venaient  neuf  archevêques.  Nous  ne  parlerons  pas  des 
lumières  qui  brillèrent  avec  éclat  au  milieu  de  ces  successeurs 
des  ap6tres  ;  le  savant  rapport  qui  fut  fait  en  fournit  une  preuve 
sans  réplique ,  et  l'instruction  pastorale  qui  fut  adoptée  par  U 
très-grande  majorité  des  prélats  en  transmettra  aux  siècles  à  ^enir 
un  monument  k  jamais  digne  d'éloges. 
Le  cardinal  de  Noailles  fut  nommé  président  *,  et  il  rem- 

<  Ce  prélat  avait,  comme  Ton  sait,  approuvé  les  Réflexions  morales; 
et  quoique  sollicité  depuis  long-temps  par  le  roi,  par  d*aulres  person- 
nes illustres,  même  par  quelques-uns  de  ses  collègues  dans  l'épiscopat, 
il  n*avait  pu  se  résoudre  à  proscrire  enfin  ce  pernicieux  livre  qu'après 
qu*il  eut  appris,  ou  que  le  pape  avait  lancé  sa  bulle,  ou  que  cette  bulle 
était  déjà  entre  les  mains  du  monarque  :  encore ,  dans  son  mandement 


QUK  Si 

l  uriice  jusqu'ï  h  ileniière  st^aiicc  ioili 
ce  qui  pouvait  rendre  celle  «ssemblée  si 

de  caudumnslion,  oiaîl-il  usé  de  beaucoup  de  iDénagemenl,  D'aitribusDl  | 
aucune  erreur  porticiitière  â  cet  ouvrage  de  lén^brel.  Un  délai  tl  e 
cessiTcmcnl  prolongé,  joint  h  une  conduite  qui  ne  a'ftait  pas  monlrte. 
toujours  Bssti  encmpte  d'éqniior|ue,  avait  inapiré  de  la  défiance  t  ' 
Louis  XIV  et  A  plusieurs  prêiali.  Oïl  savait,  de  plus,  qu'il  s'éli 
donné  b  de  œallieurcasci  préventions  ,  s'imagïnanl  qu'on  ne  pounufc-,  J 
Tait  avec  lanl  de  chaleur  i'teuvre  de  rei-oratorieD  que  parce  qu'il  I'b-  | 
fsil  approuvée,  el  que  loul  ce  qu'on  faisait,  soit  conlrc  les  parlin 
de  cet  hérétique,  Bail  cooire  leurs  écrils  séditieux,  D'amil  pour  b 
ultérieur  que  de  l'iiumilier  lui-même  cl  que  de  lui  dire  sentir  ii^a 
eontre'Coups,  On  conclut  de  laque,  pour  le  détourner  de  prendiv  f 
quelque  parti  singulier  el  contraire  ï  la  paix  de  l'Eglise,  il  fallait  lit-  ' 
cher  de  le  (lÉclilr  b  Torcc  d'égards  et  de  bons  procédés. 

DotH  ec  dessein,  on  le  mil  A  la  létedel'osKiDbiée,  quoique  cet  hai»<  1 
neur  apimrtlul  de  droii  ii  un  autre  prélat ,  revêtu  de  la  même  dignité.  J 
et  doyen  des  cardinaux  de  France,  ù  M.  d'Estréet,  qui  voulut  bien,  J 
céder  cl  uc  pnrallre  pas  aui  séances.  On  lui  laissa  le  dioît  des  me 
bres  qui  devaient  composer  la  commission,  sauf  que  le  roi  lui  Gt  ci 
naître  qu'il  déùroil  que  M.  île  Bisiy,  évéquedeMeaui.rcitdu  nombr*  ' 
des  coLUiuissaires,  On  touUrii  que,  pour  compléter  son  choii,  il  appelât,,  ( 
conire  la  rigle  re^ue,  un  prélat  qui  n'était  pas  présent.  L'auemblés  i 
voulut  bien  aecéUer  encore  à  sa  demande  en  unanl  id  séaaces  à  l'aiw  j 
cbetéchi^,  tandis  que  la  coutume  les  oToit  Tuées  dans  le  coi 
Gronds-Augosiias,  usage  auquel  on  eQI  souhaité  ne  pas  déroger  daut  | 
la  circonstance. 

La  commission  porta  les  égards  plus  loin  encore^  Quand  elle  eut    ! 
nrrClé  sa  résolution  de  proposer  le  projet  de  joindre  ï  la  bulle  une  , 
instruction  pastorale  commune  A  tous  les  évéques  de  France,  soit  réu- 
ni), Mil  répandus  dans  les  diocèses,  alin  qu'auimés  d'un  même  lèla   ^ 
contre  l'erreur,  ils  parlassent  tous  aussi  i  cet  f^ard  le  même  lai^agg 
nuprtsde  leurs  ouailles,  et  qu'aucun  d'eux  ne  prêtai  le  flanc  aux  traitt   ' 
cmpoiiouné)  de  l'ennemi,  qui  déjà  s'agitait  avec  fureur,  le  cardinal  da  J 
Noaîlletrut  prié  de  se  charger  de  compoKr  cette  iuilruction,  et,  a 
raisons  qu'il  allégua  pour  s'en  excuser,  le  cardinal  de  Rohan  lui  fit 
oITre  du  lui  prêter  son  nom  et  de  signer  ii  sa  place:  L'instruction  pasti>- 
rale  étant  rédigée,  on  lui  en  lil  part  :  il  trouva  que  le  style  n'en  était 
pas  asseï  lulerncl  :  on  le  supplia  de  te  rectifier  lui-mCime  et  d'y  mettre 
toute  l'aucliou  qu'il  tondrait  ;  il  désira  la  Taire  examiner  par  les  théo- 
logiens auxquels  il  avait  coutume  de  donner  sa  conHaticc;  o 
laisMi  la  plus  grande  nicllllé  :  il  ;  Gl  des  cliangcmci»  et  des  correcliona   | 


II. 


30 


350  QVK 

lennelle  et  lui  concilier  la  vénération  et  le  respect  ne  ftit  omis  ^. 
Le  roi  tonlut  aussi  que  les  prélats  fussent  tous  trôs  assurés 

à  MU  gré,  on  tel  adopta  sans  réserre  ;  il  demanda  que  des  copies  de 
crtte  Instmelion  fassent  distriboéfs  à  tons  les  membres  de  rassemblée  i 
ces  copies  forent  remises  :  il  souhaita  qu'on  prit  Pavis  de  théologtan 
choisis  dans  toutes  les  différentes  écoles  ;  on  Tassura  qn*on  araft  prèfCBtt 
Mm  intention  sur  ce  point  et  qu'on  réitérerait  en  sa  présence  s*ll  le 
dérirait. 

Il  eût  été  difficile  de  porter  plus  loin  la  complaisance  et  les  égards  t 
cependant  le  cardinal  ne  se  laissa  pas  fléchir. 

(Tétait  un  prélat  qui  réunissait  à  de  grandes  rertos  des  qualités  hi« 
flnrmeffC  prédenses;  mais,  il  faut  en  confenir  aussi,  ind)n  de  piè»eiH 
tkms  contre  les  adversaires  des  Réflexions  morales,  qu'il  regardait 
comme  ses  ennemis  personnels,  il  croyait  qu'on  loi  tendait  despiégei^ 
quand  on  lui  parlait  de  s'élever  contre  le  livre  de  Quesnel  :  entridné 
par  des  conseillers  perfides  qui  favorbaient  la  nouvelle  doctrine,  s«nh 
vent  il  devint  l'espérance,  l'appui  et  même  l'instrument  des  Jansénistes^ 
quoique  néanmoins  il  ne  partageât  pas  leurs  erreurs  ni  ne  voniftt  jfr* 
mais  se  mettre  à  leur  léte  :  enfin ,  la  conduite  qu'il  tint,  depub  ifa*H 
avait  eu  fa  maladresse  d'approuver  le  livre  futal,  conduite  pleine  d'in- 
conséquences et  de  contradictions ,  de  faiblesses,  de  défiances  et  d'en* 
létemens  à  contre-temps,  influa  beaucoup,  sans  contredit,  sur  les  maot 
déplorables  qui  long-temps  affligèrent  l'Église  gallicane  et  la  France. 

*  Le  cardinal  de  Noailles  ayant  proposé  qu'on  retranchât  de  l'as- 
semblée plusieurs  sotennités  importantes,  que  la  piété  et  une  prévoyance 
sage  avaient  Introduites  de  temps  immémorial  dans  ces  réunions 
célèbres,  les  évêques  sentirent  que  les  novateurs,  toujours  prêts  à  saisir 
les  plus  légers  prétextes,  ne  manqueraient  pas  de  chercher  dans  ee 
retranchement  un  moyen  spécieux  pour  infirmer  l'antorilé  de  i'i 
blée  et  même  pour  ranéanrir,  s'ils  le  pouvaient  ;  ils  firent,  en 
quence,  des  représentations  au  roi,  et  Louis  XIV  gagna,  en  cette 
bien ,  l'assentiment  du  cardinal  :  en  sorte  que  le  21  octolire  il  y  eat 
messe  du  Saint-Esprit,  communion  générale,  et  que  les  prélats  assis* 
térent  aux  séances  en  habit  de  cérémonie.  Ils  prêtèrent  aussi,  le  aBèase 
jour,  le  serment  accoutumé,  dont  nous  croyons  devoir  rapporter  Ici  la 
formule. 

«  Nous  jurons  et  promettons  de  n'opiner,  ni  de  donner  avis,  qn'H 

>  ne  soit  selon  nos  consciences,  à  l'honneur  de  Dieu ,  bien  et  conserva* 

>  tion  de  son  Église,  sans  nous  laisser  aller  à  la  faveur,  &  l'importnnitét 
»  à  la  crainte,  à  l'intérêt  particnlier,  ni  aux  autres  passions  humaines , 
V  que  nous  ne  révélerons,  ni  directement,  ni  indirectement ,  pour  quel* 
»  que  cause  ou  coîi^îdéralion,  ni  pour  qncique  personne  que  ce  soitt 


qu'il  ne  prétenJnit  géuer  eu  ïutune  fa^on  Icc  délib^raiions  ni  | 
cumnianiler  les  voles  particuliers  :  cV'Sl  ce  que  rccuiiiiut  eipreft-  j 
sânrnl  le  prûsident  lui-même  ,  Eoit  par  l'aveu  posilif  qu'il  eii  Si  j 
dp  vive  voix  ' ,  suit  plus  énergiquemeoi  encore  par  la  conduil^ 
qu'il  liât  Oans  l'assemblée  i  toutes  les  occusioiis  décisives. 

Les  coniDiissaires  désignés  pour  traeadler  a>u  vw\itM  qu'ili  ei-  J 
llmetaieal  lt$  plui  eanvenablei pour  C aceepiat'm»  de  la  bulle*  s' 
cupèreul ,  dès  le  21  oclobre  ,  &  préparer  leur  rapporl.  Ils  s'. 
semblaieiil  presque  tous  les  juiirs,  et  le  cardinal  de  Noaillw  I 
utsisla  irj^-frêquemcneDi  !i  leurs  coiirérciices.  Cependant  leur  tra- 
vail ne  fut  prêt  à  être  communiqué  ï  l'assemblée  qu'après  environ  I 
trois  mois  d'une  application  constante  et  laborieuse ,  preuve  dob  I 
de  rembarras  o(i  ils  s'étaient  trouvés  i  concilier  la  bulle  avec  la 
vérités  catLuliqucs  et  i  en  éclaircir les  obscurités,  comme  le  prj-  ] 
tendent  les  écrivains  opposans ,  mais  de  la  maturité  avec  laquelle  I 
ruieni  procédé  dans  une  affaire  si  sérieuse  et  du  zélequ'ilf  1 
liraient  pour  la  cause  de  la  foi. 
pQ  s'est  étonné  de  la  longueur  du  temps  que  ces  commissa 
iplojërent  i  composer  leur  rapport  i  mais  l'élonnemenl  cessera  1 
sans  doute  si  l'on  considère  qu'il  s'agissait  d'examiner  la  bulle 
pour  en  pénétrerle  sens,  de  vérifier  si  les  101  propositions  co»-  I 
damnées  se  trouvaient  de  même  dans  les  éditions  relatées  daus  la  ] 
jugement  apostolique;  de  laire  k  chacune  de  ces  prnpusitiou  1 
prise  séparément  l'application  des  notes  qui  y  convenaient  ta  I 
elles-mêmes  et  d'après  la  coDslitution  ;  d'i^ludier  en  conséque 
k  fond  le  volumineux  ouvrage  de  l'ex-uratorien  ;  d'en  bien  sa 
l'esprit,  le  sens;  de  lire  une  foule  de  mémoires,  de  brochures  I 
etde  manoscriis  adressés  de  4ilférentes  sourees  aux  prélats  conlte  j 
la  bulle,  et  d'y  répondre  d'une  manière  victorieuse.  Quelque*  i 
proposiiiuns  condaumées  présentaient ,  si  nous  osons  nous  uxprt-  | 

■  les opinions  parliculières  elles diîtibérallons et résolutlogs prises  en 
1  la  compagnie,  ilnuu  en  tant  qu'il  sera  permis  par  icclle.  •  Voyet 
Collection  des  prucés-Tcrbnui  des  assemblées  générales  du  clergé  de   { 
France,  tome  A.'asKoibléeilc  1713-!A- 

'LafltcBU,  Hlst.de  laronstil.,  1.  1,  p.  )4e,édil.  dtéejMém.  pour 
ecTT.  Il  l'hist.  ecclés.  pour  le  dii-liuUii^mc  sitcle,  tom.  1,  p.  91,  a*  édil, 

'  Ces  prtiais  Furent  le  cardinal  de  Holian,  cbeT  de  la  commission;  ds 
Dcioiii  et  DrsmarMs,  archevêques  de  Bordeaux  et  d'Aucb  i  Bnitlard 
de  Sillerr,  do  Blwy  et  de  Derlliicr,  évCque»  de  Boissons,  de  Mcaus  d 
-II'  HloU 


■Bfp' 


Zi%  QUE 

mer  aînsii  une  physionomie  apparente  d*onhodoxîe,  il  Cillait  ci 
montrer  le  Tenin  ;  d*autres  avaient  été  prises  presque  mot  pour 
mot  dans  quelques  écrits  des  Pères ,  il  était  nécessaire  de  déroîler 
Tabus  que  Fauteur  avait  fait  de  ces  textes ,  Fopposilion  de  sa  dœ- 
trine  avec  la  doctrine  des  docteurs  de  TËglise.  Enfin»  les  eomoris- 
saires  furent  obligés  de  recourir  aux  vraies  sources,  à  rËcritare 
sainte  et  à  la  tradition ,  pour  y  puiser  les  vérités  de  la  foi  qii*ib 
devaient  opposer  aux  erreurs  quUls  avaient  à  combattre.  11  est  ailé 
de  juger,  d'après  cet  exposé,  combien  un  travail  de  cette  naune 
devait  être  long ,  pénible,  et  demander  de  grandes  recherches*. 
Le  15  janvier  rassemblée  reçut  dans  son  sein  vingt-un  prélats, 
appelés  de  différens  diocèses  pour  délibérer  avec  elle.  Le  cardi- 
nal de  Rohan  commença  le  même  jour  la  lecture  du  rapport  de  la 
commission ,  qui  occupa  six  séances  consécutives,  c  Rapport  dont 
»  la  solidité,  aussi  bien  que  la  netteté  et  la  précision ,  est-il  dit, 
»  dans  le  procès -verbal ,  ont  découvert  et  mis  en  évidence  les 
»  erreurs  et  le  venin  des  propositions  condamnées ,  et  d*on  livre 
»  qui ,  sous  les  apparences  de  la  piété  et  de  la  vérité,  est  capable 
>  de  corrompre  les  cœurs  :  par  le  même  rapport,  il  a  été  prouvé 
»  clairement  qu'il  n'y  a  aucune  des  propositions  condamnées  qui 
»  ne  méritât  au  moins  quelques-unes  des  qualifications  portées 
»  dans  la  constitution ,  et  qu'il  n'y  avait  aussi  aucune  des  qualifi- 
»  cations  qui  ne  dût  être  appliquée  à  quelques-unes  des  propo- 
»  si  tiens  ^.  » 

Les  commissaires  remarquèrent  encore  que  comme  la  bulle  ne 
contenait  que  la  foi  de  TËglise  catholique,  de  même  la  forme  dans 
laquelle  elle  était  conçue  ne  renfermait  rien  non  plus  qui  fût  con- 
traire à  nos  libertés  ;  que  ce  n'était  pas  un  simple  bref  du  pape, 
ni  un  décret  émané  du  tribunal  de  l'inquisition ,  mais  une  pièce 
revêtue  de  toutes  les  clauses  et  de  toutes  les  formalités  requises 
pour  en  faire  une  constitution  apostolique;  que  loin  que  le  saint 
père  l'eût  donnée  de  son  propre  mouvement ,  il  y  déclarait  au  con- 
traire qu'il  l'avait  accordée  aux  pressantes  sollicitations  de  plu- 
sieurs évêques  de  France  et  aux  instances  réitérées  du  roi  ;  en- 
fin, que  le  livre  n'avait  pas  été  condamné  d'une  manière  vague  et 

^  Voyez  rinslniction  pastorale  du  cardinal  de  Bissy,  i7SS ,  p.  S5. 
Ce  prélat  avait  été  du  nombre  des  commissaires,  etc. 

>  Gollect.  des  procès-verbaux  des  assemblées  générales  du  clergé  de 
France,  t.  6,  p.  1256  et  suiv. 


giiK 


:|J3 


ilniiun  sigraiiJ  nombre 
fï  qu'il  avait  eus  de  le 


i u dé lei'iui née,  puisque  le  pu)ie 
de  pnipoeilioua  pour  moiilrp 
ilélrir', 

L'assemblée  fui  Irèa-sati^raile  du  rapport.  On  yjoignilla  lecture 
de  la  bulle  dont  on  avait  distribué  depuis  long-temps  des  exem- 
plaires i  tous  les  prélats,  et  le  cardinal  de  Koban  anDonçji  en- 
suite l'avis  de  la  commission. 

Cet  avis,  qui  renfermait  sept  anictes,  était  que  ■  l'assemblée 
p  déclarât  : 

•  1  *  Qu'elle  a  reconnu  avec  one  ettrénie  joie ,  dans  la  consti- 

>  Inlion  de  notre  saint  père  le  pape ,  la  doctrine  de  l'Ëglise. 

•  2'  Qu'elle  accepte  avec  soumission  et  respecUa  constitution 

•  VnigmilM  Dei  Filivt,  en  date  du  8  septembre  1713,  qui  cod- 

■  damne  le  livre  intitulé  :  le  Nouetau  Ttttameni ,  anee  det  ré- 

•  tlezUmt  mùraUt  êur  eltaque  venet,  etc..  et  les  cent  une  propo- 

■  sitious  qui  en  lonl  extraites. 

>  3*  Qu'elle  condamne  ce  même  livre  et  les  cent  ime  propos!- 
t  tioDS  qui  en  sont  tirées ,  de  la  manière  et  avec  les  mêmes  qua- 

■  liGcitioDs  que  le  pape  les  a  condamnées. 
■  i°  Qu'il  sera  fait  et  arrêté  par  l'assemblée,  avant  sa  séparation, 

^^mi  modèle  d'instruction  pastorale,  que  tous  les  évéques  qui  la 
iBCOmposenireront  publier  dans  leurs  diocèses  arcclaconslîlution 
1  traduite  en  français ,  afin  qu'étant  tous  unis  ii  la  chaire  de  saint 

>  Pierre,  c'est^-dire  au   centre  de  l'unité,  par  l'unirormilé  des 

•  mêmes  sentimens  et  des  mêmes  expressions,  on  puisse  non- 

>  seulement  étouITer  les  erreurs  qui  viennent  d'être  condamnées, 

•  mais  encore  prévenir  les  nouvelles  disputes  et  prémunir  contre 

■  les  mauvaises  interprétations   des  personnes  malintentionnées , 

•  dont  OD  a  déjï  vu  les  elîeis  par  des  écrits  qu'elles  ont  répandus 

fcd>aE  le  publie  depuis  le  commencement  de  l'assemblée. 
•  S*  Qu'elle  écrira  A  tous  messeigneurs  les  archevêques  et  évS- 
qoee  absens  qui  sont  sous  ta  domination  du  roi ,  et  qu'elle  leur 
merra  la  constitution,  un  extrait  de  la  présente  délibération 

•  de  l'assemblée  et  un  exemplaire   de  rinalruetiou  pastorale  ; 

>  qu'elle  les  exhortera  1  vouloir  bien  s'y  conformer  et  !i  défendre 
p  il  tous  les  fidèles  de  leurs  diocèses  de  lire  ,  retenir  ou  débï- 

■  1er  le  livre  des  Mftexlon*  morala  eitous  les  écrits  faits  pourn 

idéreoie ,  sous  les  peines  portées  par  la  constitution  ;  et  après 
'Bit 


'  Bisi.  de  la  cauliL  Uulg.,  1. 1,  p.  ISl. 


9  qae  la  constitution  aura  été  publiée»  la  faire  enregittrer  an 

»  de  leurs  officialités  pour  y  avoir  recours  et  pour  éu%  procédé 

»  par  les  voies  de  droit  contre  les  contrev^ans.  » 

Dans  les  articles  saivans ,  la  commission  vote  une  leUM  éê  ve- 
merctmeot  au  pape,  pour  le  «  sèle  qu*il  a  montré  dai|n  k 
9  damnation  d*un  ouvrage  d^autant  plus  dangereux  qtt*OB  y 
»  des  expressions  de  rËcrilure  et  des  SS.  Pères  pour  maloriier  lu 
»  erreurs  qu*il  renferme.  »  Elle  vote  de  remercier  aussi  W  ii  de 
la  protection  qu*il  accorde  à  TËglise ,  et  de  son  zèle  nwntil  à 
extirper  les  erreurs.  Elle  est  d^avis  qu*on  supplie  Sa  Mi^jealé  de 
donner  ses  lettres  patentes  pour  renregistrement  et  la  piiblioâlîea 
de  la  bulle  dans  tout  le  royaume  et  pour  supprimer,  aoua  lea  pei- 
nes accoutumées ,  le  livre  des  Réflexiom  vMralet ,  ainsi  qae  ims 
les  écrits  faits  pour  la  défense  de  ce  livre  *. 

Ce  fut  le  22  janvier  que  le  cardinal  de  Rohanlenninaln  kelrn 
du  rapport  et  qu*il  en  donna  les  conclusions.  11  semhbil  <|«*il  ne 
s*agissait  plus  que  de  délibérer  sur  Pavis  des  commiaaairce ,  el  b 
chose  ne  paraissait  pas  très-difficile ,  le  rapport  ayant  répandu  nn 
jour  si  lumineux  sur  tout  ce  qui  devait  occuper  en  ee  monaenl 
rassemblée.  Hais  il  s*était  formé  dans  son  sein  un  parti  d^oppo- 
sition ,  k  la  tète  duquel  s'était  mis  le  cardinal  de  NoaiUes. 

Les  prélats  engagés  dans  ce  parti  cherchaient  le  noyen  d'é* 
viter  d'accepter  purement  et  simplement  la  bulle .  Ils  oonaenlnienl 
bien  k  proscrire  les  Réflexions  morales ,  mais  non  pas  comme  In 
saint  Siège  Tavait  fait  ^,  prétendant  non-seulemeni  expliquer  sa 

i  Voyez  la  coUcetion  précitée,  t.  6,  p.  1357  et  1359. 
s  Dans  une  protestation  qu'ils  firent  le  12  janvier.  Us  disaient  i 
c  Nous  sommet  irès-èloignés  de  vouloir  favoriser  le  livre  des  Réfleaiens» 

>  ni  Tauteur;  nous  reconnaissons  que  ce  livre  doit  être  été  des  Tatirti 

>  des  fidèles  ;  nous  sommes  résolus  de  le  condamner  et  de  le  dèfiandrc 
»  dans  nos  diocèses.  > 

Cependant,  soit  qu'ils  ne  fussent  pas  toujours  d'accord  avec  eux- 
mêmes,  ou  qu'ils  pensassent  que  dans  le  fond  Touvrage  de  Quesnel, 
quoique  ambigu ,  quoique  inexact  et  dangereux  dans  les  expressions, 
était  néanmoins  susceptible  d*un  sens  partout  orthodoxe,  moyennant 
quelques  interprétations  (hvorables,  ils  avaient  résolu,  dans  unede  lears 
réunions  particulières  chez  le  président,  «  de  n^acquiescer  à  l'instme- 
»  tron  et  ù  Taccoptotion  de  rassemblée,  qu*&  deux  conditions  :  la  pre- 
»  uiièrc,  que  dans  rinslruction  pastorale  on  n*attribuerait  aucune 
»  erreur,  ni  au  livre,  ni  aux  pro|M)&itions  condamnées  comme  ejBtrmitcs 


QDK 


ui 


eonslilulion ,  mail  la  modifier  et  eu  limiter  le  mds.  Dini  celle 
vue ,  ils  saisireni  avec  empressemeDi  roccssion  de  l'inslruction 
pastorale  dont  il  était  parlé  <laDs  la  condusion  du  rapport,  pour 
t^cber  de  Taire  surseoir  &  l'acceptation ,  eapi^raut  de  parvenir  du 
moins  à  établir  entre  cette  acceplalion  et  rinstruciion  projetée 
une  relation  lrës-caractéri»^e ,  laquelle  restreignit  eirecliiemeot 
la  bulle,  (Ùi  comme  un  aveu  laïcité  de  l'obscurité  qu'on  ne  pou- 
vait s' empecherd'j  reconnaître  et  servit  amlieniiquement  de  preuve 
qu'on  ne  pouvait  l'accepter  qu'upri^i  l'avoir  dûment  expliquée.  lU 
ouvrirent  doue  l'avis  et  ils  opinèrent  tous ,  •  qu'on  devait  alten- 

>  dre  de  délibérer  «ur  le  Tuad  de  l'acceptation  que  l'insiructioa 

>  pastorale  Tût  en  élut  d'être  lue  et  approuvée  par  rassemblée.  > 
Mais  cet  avi»,  adopté  par  ueur membres  seulement  ',  Tut  rejeté: 
l'isieudilée  arrêta  qu'on  cummencerail  avant  louteschoses  par  dé- 
libérer sur  l'acceptation ,  et  renvoya  la  décision  au  lendemain. 

Le  jour  suivant,  33  janvier,  on  recueillit  les  sulTrages.  Les  pré- 
lats opposaus  •  prièrent  l'assemblée  de  trouver  bon  qu'ils  réser- 

>  vassenl  ï  opiner  sur  l'avis  proposé  par  messeigueurs  les  coifr- 
I^BÙssaires  après  que  l'inslruaigu  pïstocali;  aura  été  lue  dans 


P^id  u  lliTt  I  la  seconde,  que  l'acccplalion  ferait  viMblemenl  rcilrlctlve 
^cnrUe-méme,  et  relative  ï  celle  niËme  itnLructinn.  • 

Le  cardinal  de  NaaiUci  insista  ptusieun  Tois  sur  ces  deui  points.  Il 
y  trouvait,  en  tSet,  un  eupédieut  facile  pour  se  mettra  an  large,  et  sa 
dtHlvrer  du  reproche  Klcbeux  d'avoir  approuvé  une  production  digne 
lies  qualiGcaliont  Us  plus  Tortes.  Mais  la  bulle  tlevenait  ioulile  dans 
cri  le  b}polhé»e,  n'ajant  plus  qu'un  objet  imsKinaire  et  supposé  :  tes 
anciennes  dispulel  sur  tt  droit  et  U  fnit  eutsenl  reparu  de  nouveau, 
au  grand  samdule  des  fidèles;  un  ouviage  réellemenil  empoiscuné  et 
uieurlrier  tM  resté  entre  les  mains  des  Ames  pieuses,  auiquelles  11 
u'eilt  pas  été  difficile  de  faire  illusion  sur  la  suppresaiou  qui  en  aurait 
été  dite  :  o[i  eOL  (bumî  aux  ennemis  de  l'élise  de  iiouieltei  aruMa 
pour  combatlre  son  iaCiillibililé  dans  les  jugeœens  qu'elle  porte  sur  la 
tens  des  livres,  el  le  droit  qu'elle  3  d'autoriser  les  uns  et  d'interdire 
l'usage  lies  uulre»;  euliu,  le  mal  eill  empiré  de  jour  en  jour,  au  lieit 
de  diminuer  ni  de  ditparaStre  enliéicroent. 

*  l^s  prélats  qui  opioi-rent  ainsi  Turent  d'Hcrvau,  archevêque  de 
Tours;  de  Bèlbuue,  de  CIcrmont,  de  Noailles,  Saaneii,  de  Latigle,. 
Ucsmuréts  et  Drcnillet,  «lequel  de  Verdun,  de  Laan,  de Cbalans-iur> 
Maille,  de  Séiiet.  de  Bouline,  de  Saint-Mulu  el  de  Biivoune,  que  suiiil 
11-  tartiiuul  de  IVosiaii;^  arcbcvinue  dv  Paris. 


356  QUE 

»  rassemblée.  »  Tous  les  autres  prélals ,  au  nombre  de  quarante, 
y  compris  les  membres  de  la  commission,  votèrent  raccepUtioDi 
et  rassemblée  changea  en  résolution  Tavis  des  commissaires,  dont 
elle  adopta  les  sept  articles  dans  les  mêmes  termes  et  sons  h 
même  forme  que  cet  avis  avait  été  conçu  *.  Ainsi,  la  constitution 
Vttigenitus  fut  acceptée  suivant  sa  teneur,  dans  toute  sa  force,  sans 
modification  et  sans  restriction  :  il  suffit  de  lire  le  procès-Terlial 
rédigé  sous  les  yeux  de  l'assemblée  et  signé  de  tous  les  acceptans 
pour  se  convaincre  de  la  vérité  de  ce  fait,  et  par  conséquent  de  la 
fausseté  des  bruits  contraires  qui  furent  répandus  dans  le  temps, 
et  que  quelques  écrivains  modernes  se  plaisent  à  renouveler  en- 
core de  nos  jours  ^. 

En  conséquence  de  la  délibération  prise  par  rassemblée,  le 
cardinal  de  Noailles,  qui  présidait  toujours,  pria  le  cardinal  de 
Rohan  et  les  autres  commissaires  de  vouloir  bien  se  charger  de 
rédiger  et  l'instruction  pastorale  qui  venait  d*étre  résolue,  et  les 
lettres  qui  devaient  être  envoyées,  soit  au  saint  père,  soit  aux 
évêques  absens. 

Le  cardinal  de  Rohan  avait  prévu  qu*il  pourrait  bien  être  chargé 

*  Voyez  la  Collection  des  procès-verbaux,  L  6,  p.  1260. 

«  L^assemblée  délibéra...  pendant  trois  séances  sur  Taoceptation  de 

>  la  constitution  :  nosseigneurs  les  prélats  opinèrent  avec  une  éru- 

>  dition  qui  prouve  aisément  que  chacun  avait  travaillé  avec  la  même 
9  attention  que  s*il  eût  été  seul  chargé  de  cette  importante  affaire.  • 

Lettre  de  MM.  les  agens  généraux  du  clergé  de  France  à  nosseîgneun 
les  prélats  du  royaume,  en  leur  adressant  le  recueil  des  délibérations 
de  rassemblée  de  1713  et  1714.  Ibtd.,  pièces  justificatives,  p.  454* 

3  II  est  vrai  que  quelques  prélats,  en  très-petit  nombre,  avancèrent 
dans  la  suite  quMls  avaient  accepté  relativement  ;  mais  ils  déclarèrent 
en  même  temps  qu'en  acceptant  de  la  sorte,  loin  de  prétendre  restrein- 
dre la  bulle ,  la  modifier  et  en  resserrer  en  aucune  manière  le  sens,  ils 
n'avaient  voulu  que  Texpliquer  par  le  moyen  de  Tinslruction  pasto- 
rale; instruction  que  rassemblée  n'avait  elle-même  résolue  que  dans 
le  dessein  de  «  procurer  une  sincère  exécution  de  la  bulle,  d'en  fad- 

>  liter  aux  fidèles  Tintelligence,  et  de  les  prémunir  contre  les  mauvaises 

>  interprétations  par  lesquelles  des  gens  malintentionnés  tâchaient  d'en 

>  obscurcir  le  vrai  sens,  »  dans  une  foule  de  libelles  qu'on  n'avait  cessé 
de  répandre  depuis  le  commencement  de  l'assemblée.  Voyez  Hist.  de 
laconstit.,  1.  i,  p.  163,  et  la  lettre  de  l'assemblée  aux  évêques  du 
royaume.  CoUcct.  pièces  justifie,  pag.  449  et  450. 


OUK  357 

de  Iravaillerà  l'iiislpuclion pastorale;  il  enavail  prt^pai'i; d'aToncB 
les  maLËriaui  '.  Nous  avons  dèjï  parlé  des  égards  pleins  de  défé- 
rence qu'il  eut  !i  ce  snjet  pour  le  cardinal  deNiiaiitcs  :  il  Taudrait 
ajouter  beaucoup  encore  à  ce  que  nous  avons  dit,  si  l'on  ue  vou- 
lait rien  omettre  en  ee  poînl  ;  mais  le  cardinal  de  Noailles  avait 
arrêté  son  plan  de  résistance,  et,  p<iur  le  malheur  de  l'Ëglise  da 
France,  il  y  tint  ferme  jusque  vers  la  Du  de  sa  carrière,  jus- 
qu'en 1738,  oti,  écoulant  enfin  la  voix  de  sa  conscii'nce, 
il  y  ramena  le  calme,  en  acceptant  la  constitution  purenieut  CI  sim- 
plement et  en  révoquant  de  cœur  el  d'esprit,  comme  il  le  dît  lui- 
même,  tout  ce  qui  avait  été  publié  en  son  nom  de  contraire  à  cetts 
acceptation  sincère  '. 

Le  1"  Février,  l'instrudion  pastorale  étant  prête,  le  cardinal 
de  Rohan  la  lut  ï  l'assemblée.  Déjï  ce  monument  du  zèle  el  de 
l'érudition  des  commissaires  était  connu  de  tous  les  prélats,  ainsi 
que  nous  l'avons  dit  :  aussi  la  discussion  n'en  fut-elle  ni  longue 
ni  embarrassée.  Les  évéques  qui  avaient  accepté  la  bulle  lémoi- 
gnèrent  au  chef  de  la  commission  et  !i  ses  dignes  collaborateun 

•  qu'on  ne  pouvait  rien  ajouter  ï  la  vérité  ,  à  l'exactitude  cl  â  la 
^*  tolidité  de  l'inslruciion  pastorale;  qu'ils  ;  avaient  reconnu , 
B»  chacun  en  particulier,  la  foi  et  la  tradition  de  leurs  Églises ,  et 
Bt  l'union  qui  avait  toujours  ^té  si  recommandable  aux  évéques  de 

- 1.  France  avec  la  chaire  de  saint  Pierre  et  avec  le  souverain  pon- 

>  lifequi  la  reniplit  aujourd'hui  si  dignement;  qu'on  j  avait  pré- 

>  muni  les  Gdèles  contre  les  mauvaises  interprétations  des  per-   I 
■  sonnes  malintentionnées ,   et  qu'on  y  avait  emplojfé  des  moyena 

•  IrËs-uliles  pour  empêcher  les  nouvelles  disputes  et  pour  con- 

•  server  la  liberté  des  sentimcns  enseignés  dans  les  dilTêrenles 

•  écoles  catholiques  '.  • 

Le  cardinal  de  Noailles  n'en  jugea  pas  de  même.  0"tii<l"6  )^ 
théologiens  qu'il  avait  consultés  s'en  Tussent  montrés  conlens  et 
qu'ils  lui  eussent  dît  qu'il  pouvait  en  conscience  l'adopter,  !k 
peine  eut-on  lu  celte  pièce  si  digne  d'éloges  ut  si  propre  ii  lever 

■  Voyet  la  lellre  précitée  des  agem  généraux,  ibi  J. 

1  Voget  »  lellreà  Benoît  XIII,  en  date  (lu  19  juillet  lT38,elsoD 
■oanclement  du  11  octobre  de  la  mfme  année.  Les  Janséiiislcs  se  sont 
étciés  roricnieni  contre  ces  monumrns  de  la  soiiniÏ!»ion  du  cardinal, 
malien  vain,  l'autlieoticilé  et  la  sincérité  en  sont  dcmonlrés. 

'  Collect.  des  procès- verbaux,  etc. ,  eudroil  cité. 


Sâ8  QLE 

tous  les  scrupules,  qu'il  déclara,  avant  d'ouvrir  la  déUbératMHl.à 
ce  sujet ,  que  les  prélats  qui  n'avaient  pas  été  de  Tavis  ciiBmiii 
touchant  Tacceptatioa  delà  bulle,  et  lui,  ne  pouvaient  opiiMr  sv 
rinstruction  pastorale  ;  qu'ils  se  croyaient  obligés  de  prendre  «i 
au  Ire  parti ,  celui  de  recourir  au  pape  pour  lui  proposer  Inirs  dif- 
ficultés et  leurs  peines ,  pour  le  supplier  de  leur  donner  an  «Miyti 
de  calmer  sûrement  les  consciences  alarmées,  de  soutenir  UlilMKlé 
des  écoles  catholiques  et  de  conserver  la  paix  dans  leois  Églisss. 
Il  vauia  cet  expédient,  qu'ils  avaient  désiré  d*abord ,  dîsaiûl,  et 
toujours  cru  le  meilleur  S  comme  plus  régulier,  plus  canonique, 
plus  respectueux  envers  le  pape,  plus  conforme  il  la  pratique  dtt 
évêqnes,  des  conciles;  plus  sûr  enfin  ,  plui  utiU  pour  l'Édite ^ 
au  bien  de  laquelle  le  concert  entre  le  chef  et  les  memkreê  esf  Imh 
jours  nécessaire.  «  Nous  ne  sommes  point  âifférens  sur  le  i^etrmê, 

>  ajoute-t'il ,  n*ayant  pas  moins  de  zèle  que  tous  ,  messieurs , 
»  contre  les  erreurs  que  nous  croyons  que  le  pape  a  condamnées  ^< 
»  Nous  le  ferons  paraître  en  toute  occasion ,  autant  que  nous  le 
9  devons  :  en  un  mot ,  nous  n'aurons  jamais ,  dans  la  suite  de 

>  celle  affaire,  d'autre  intention  que  de  conserver  la  vérité,  Vwité 
»  el  la  paix^.  » 

Ce  discours ,  auquel  on  ne  s'atlendait  pas  et  qui  sentait  for 
rembarras ,  la  défaite  et  le  défaut  de  franchise ,  étonna  toute  l'as- 
semblée ,  aussi  bien  les  prélats  qui  rejetaient  la  bulle  et  l'instruc- 
tion que  ceux  qui  avaient  accepté  l'une  et  se  disposaient  4  voter 
l'adoption  de  l'autre.  Parmi  les  premiers,  d'Hervau,  archevêque 
de  Tours ,  voulut  parler,  sans  doute  pour  réclamer  contre  une 
partie  des  choses  singulière ^  qu'il  venait  d'entendre;  mais  le  car- 
dinal lui  imposa  silence  en  lui  disant  très-expressément  que 
tout  était  dit  pour  lui  et  pour  ceux  du  même  parti,  L'évéque  de 
Laon  fit  plus  ;  ayant  mûrement  réfléchi  sur  ce  qu'il  avait  oui  de  la 
bouche  du  cardinal ,  surtout  concernant  l'unanimité  de  doctrine 

*  Il  avait  donc  oublié  que,  peu  de  temps  auparavant ,  ses  partisans 
se  trouvant  réunis  chez  lui,  il  avait  combattu  fortement  ce  moyen, 
disant  qu'il  était  inutile;  que  le  pape  n'accorderait  jamais  les  expli- 
cations qu'ils  avaient  projeté  de  lui  demander,  et  qu'il  y  aurait  de  la 
mauvaise  foi  à  lui  en  faire  la  proposition. 

3  Bien  entendu  que  ces  erreurs,  au  moins  la  plupart,  étaient,  selon 
lui,  étrangères  au  livre  des  Réflexions  morales,  puisqu'il  s'était  si  sou* 
vent  opposé  ù  ce  qu'on  y  en  fit  rapplicalion, 

^  Collection  précitée. 


p»nni  tous  les  membrfs  ilc  rassembli'e,  il  en  conclul  (ju'il  n'j 
avaïi  donc  pas  de  raisons  l6gitiniM  de  se  sé|jarer  de  la  luiijoriié  ;  ' 
et  réiraclsDl,  te  10  révrier,  cinq  Jonrs  après  la  clôture  de  l'as- 
semblét! ,  la  signature  qu'il  avait  donni^c  d'abnrd  il  l'appui  de  It 
déclaration  du  cardinal  di'Noailtes,  Il  se  réunit  aux  prélats  accep- 
lans ,  en  signant  le  procès-verbal  de  la  tn^me  manière  qu'eux  l'ji' 
valent  signé. 

Quant  aux  autres  évéqiies,  ■  il  leur  parut  surprfnam  i[u'on 

■  pûl  rejeter  une  linlle  dogmatique  sans  intéresser  In  siib- 
"  siance  de  la  toi  (et  tout  e»  sunienani  qu'on  avait  la  même  doe- 

•  irine  que  ceux  qui  avaient  reçu  cette  bulle}.....  Ils  ne  pouvaient 

■  non  plusconcetoîr  comment ,  sppôs  avoir  refusé  le  parti  de  de-    , 
■anderdes  explications  un  pnpe  ,  après  avoir  soutenu  que  celle' 

KVftne  était  inutile  et  pleine  de  mauvaise  Ibî ,  après  avoir  dissiiadA 

•  IM  Bilhérens  de  recourir  a  cet  eipAtlienl,  H.  le  cardinal  do 

^  Koaille«  avait  pu  se  résoudre  it  leur  avis  comme  au  parii  le  plus'  ' 
a^rtf^iller,  te  plus  canonique  cl  le  meilleur.  Hais  ce  qui  frappa  *■ 
t(*le  plus ,  c'éWil  l'érecLion  d'un  noureau  corps  dans  ré|iisciipal , 
«  semblait  reconnaître  un  second  cbeFet  auquel  un  se  son-  i 
^iketlaîl.  Cette  nouveauté  ranima  la  vigueur  des  cvéques  les  plui 
miftRés.  Ils  interpellèrent  sur  cela  H.  le  cardinal  de  Rob»n,  qu'ila 
■s  Staienl  i  leur  ttle,  ei  lui  demandèrent  publiquement  qu'on  '  i 

■  fefçilt  les  opposans  ù  se   soumeltre citant  ce  qui  s'éla'rt  / 

I  passé  de  semblable  dans  l'assemblée  de  I GS3,  i 

•  nocent  X  xTaii  été  reçue  '.  •  Hab  le  cardinsl  de  Roban  Qi  Unt'l 
par  sonéloquencetouchanie,  ses  manières  douces  et  pleines  i 
ménité,  que  tout  se  termina  avec  calme,  etquchi  proposition 
évéqucs ,  dont  le  7èle  avait  peine  à  se  contenir,  n'eut  pas  de  su 

Cependant,  les  quuranle  prélats  qui  avaient  accepté  la  bulle 
approuvèrent  l'instruction  pastorale ,  et  ils  déclarèrent  tous  qu'ils  J 
la  Teraienl  publier  dans  leurs  diocèses  respeciifii. 

L'assemblée  termina  ses  séances  le  Sfévrier  1714.  Onlutdan^   i 
la  dernière  les  lettres  écrites  au  Saint-Père  et  aux  Éréque 
sens ,  ainsi  que  le  procès-verbal  et  lus  acics  qui  en  Taisaienl  putiei  «j 

Noua  regrettons   que  les  bornes   de    cet  ouvrage  i 
permettent  pa*  de  douner  ici  le  sommaire  de  ces  lettres.  On  y  rC-  I 
marque  pmoDI  ce  csriclère  de  droiture  et  de  francbise  ,  si  dign#'| 


dM  prélits  qui  s'étsient  dpnné  ta 


i 


l  de  |iei 


s  et  de  fatigues,  noQ-*'^ 


I  ojrr:  Ili*!.  de  In  corutil.  l 


360  QUE 

Mulement  pour  chercher  la  vérité  et  la  présenter  dans  toni  son 
jour,  mais  encore  pour  ramener  à  l*unanimité  ceux  de  leurs  col- 
lègues qui  8*en  étaient  malheureusement  écartés ,  et  qui  persistè- 
rent dans  leur  refus  de  se  réunir  *.  Nous  croyons  devoir  rapporter 
du  moins  le  discours  que  le  cardinal  de  Roban  prononça  4  ce 
sujet  dans  la  dernière  séance.  «  Messieurs ,  dit  ce  prélat ,  avant 
de  vous  rendre  compte  des  ouvrages  dont  vous  nous  aves  chaigés, 
je  ne  puis  me  dispenser  de  vous  témoigner,  au  nom  de  mcssd- 
gneurs  les  commissaires,  combien  nous  sommes  sensibles  à  toutes 
les  marques  de  bonté  dont  vous  avez  bien  voulu  honorer  nos 
travaux  ;  ils  sont  trop  récompensés  :  quelque  flatteuse  cependant 
que  soit  Tapprobation  que  vous  leur  avez  donnée ,  j*ose  dire 
que  nous  aspirions  à  quelque  chose  de  plus.  La  droiture  et  b 
pureté  de  nos  intentions,  notre  amour  pour  la  vérité,  Tappli- 
cation  avec  laquelle  nous  Tavons  cherchée  ;  Thonneur  de  Té- 
piscopat  que  nous  avons  toujours  eu  en  vue,  aussi  bien  que  le  res^ 
pect  dû  au  saint  Siège  ;  Tattention  que  nous  avons  apportée  à 
ne  blesser  aucune  des  écoles  catholiques  ;  en  un  mot ,  les  justes 
tempéramens  que  nous  vous  avons  proposés  et  qui  sont  les  plus 
propres  pour  rassurer  les  consciences  qui  ont  pu  être  alarmées,  et 
cela  en  suivant  exactement  les  règles  et  les  usages  de  TÉglise 
et  Texemple  de  nos  prédécesseurs,  tout  semblait  nous  pro- 
mettre une  unanimité  toujours  désirable  et  plus  nécessaire  que 
jamais  dans  une  occasion  si  importante.  Quelle  douleur  pour  nous! 
Ce  n'est  pas  seulement  au  nom  de  messeigneurs  les  commissaires 
que  je  parle ,  j'ose  parler  au  nom  de  toute  rassemblée ,  qui  ne 
m*en  dédira  pas  ,  et  des  sentimens  de  laquelle  je  crois  pouvoir 
répondre.  Quelle  douleur  pour  nous  de  n'avoir  pu  parvenir  4 
cette  unanimité  !  Dieu  Ta  permis ,  il  saura  en  tirer  sa  gloire  ^.  » 
Les  lettres  au  souverain  pontife  et  aux  évêques  absens  furent 
approuvées ,  et  les  prélats  acceptans  signèrent  le  procès-verbal  de 
rassemblée  '. 

«  On  trouve  ces  lettres  si  intéressantes  parmi  les  pièces  justificatives 
de  rassemblée,  collcct.  tant  de  fois  citée,  p.  445  et  suiv. 

*  Collect.  des  procès-verbaux,  etc. 

*  Les  signataires  furent:  le  cardinal  deRohan,  évéque  et  prince  de 
Strasbourg  ;  de  Gesvres,  archevêque  de  Bourges;  de  Mailly,  archevêque 
de  Reims;  de  Bezons,  archevêque  de  Bordeaux;  d'Aubigué,  archevê- 
que de  Rouen  ;  Du  Luc,  archevêque  d'Aix  ;  de  Beauveau,  archevêque 
de  Toulouse;  Pcsmarêls,  arcbc\ê(tue  d'Auch;  Loménie  dcBrîcnne, 


I 


La  bulle  ayanl  H&  jcceplée  ii  Paris,  de  h  mïiiiire  qi»!  m 

ODS  L'iconli'e  ,  il  s'agissait  de  ta  fjjre  a<'cppitr  eiisuîie  dans 
pruviaces. 

Déjà  elle  j  était  connue  depuis  plusieurs  mois  ,  au  moins  i 
Évéqups,  qui  ea  avaient  reçu  presque  tous  des  exemplaires ,  pres- 
que aussitôt  qu'elle  était  entrée  en  France.  Ils  avaient  eu  loul  k    , 
temps  d'en  approrondirla  doctrine ,  de  consulter  la  foi  et  les  tra-    i 
diiioDS  de  leurs  Enlises,  et  de  rurmer  leur  résolution  :  aussi,  plui 
de  soixante  &'ea  étaient  expliqués  déjï  très-expressément  dau 
des  lettres  paKiculières  adressées  !i   quelques-uns  de  leurs  col- 
lègues réunis  â  Pariï,  et  ils  n'attendaient  plus  que  le  résultat  de    | 
l'assemblée  pour  publier  la  constitution ,  dans  laquelle,  disaient-    ' 
ils,  ils  avaient  reconnu  la  loi  de  l'I^lisc  catholique. 

Des  dispositions  si  Tavorables  étant  parvenues  aux  oreilles  de 
Louis  XV,  ce  prince,  toujours  animé  d'un  xéle  éclairé  pour  le 
bien  delà  religion,  voulut  s'en  assurer  pleinement,  et  quand  il  en 
eut  acquis  toute  la  certitude  qu'il  désirait,  il  les  regarda  dés  lors, 
sinon  coDime  une  acceptation  prononcée  dans  toutes  les  formes  et 
suivant  toutes  les  règles ,  du  moins  comme  une  décision  résolue , 
et  comme  une  preuve  indubitable  que  la  bulle  n'éprouverait  au- 

évéquc  de  Coulances  ;  Ancvlin,  évéque  de  Tulle  i  Bruslsrd  de  Sillery, 
étCque  de  Solssons;  d'Arcougfj ,  évéque  de  Vannes;  Huct,  ancien 
f-véfiuc  d'Avranchcs  '  ;  de  Bissj,  éiéque  de  Meaui;  Bnciiurl,  ét'^que 
de  Clermouli  de  la  Luzerne  ■  évéque  do  Caliors;  du  Rutubou,  évéque 
de  Viviers;  de  Clermont-Tonacrre,  éiéque  de  Langrrs;  de  Berlhirr, 
premier  évéque  de  Bioist  de  Crlllon,  évéque  de  Vence;  de  Ctiarigny, 
étéque  lie  Trojes;  Fleuriau,  évéque  d'Orléansj  de  Cojlua,  évéque 
d'Auieire;  de  Camillj,  évtquedeToul;  de  Bargedé,  évéque  du  14e- 
fci'i;  PonceUétéque  d'Angers;  Sabalhier,  évéque d'Auiieiu:  deGraun- 
monl ,  évéqae  d'Arétbuse  et  snlTrogaal  de  Besançon  ;  de  Rochetionne, 
évéque  de  NojDn;  de  Hérinville,  évéque  de  Chartres;  Turgol,  évéque 
de  Séei  ;  Le  NormanI,  évéque  d'Ëvreui  ;  d'Hatlencaurl,  évéque  d'Au- 
lun;  Le  Pileur,  étéque  de  Saintcsi  de  Sanzay,  éiéque  de  Rennes;  de 
Crcvj,  évéque  du  Mans;  d'Hennin,  dvéqucd'Alais;  de  Suînl-Aignan , 
évC'que  de  Beauiais  ;  de  Grillon,  éiéque  de  Sainl-Pons  ;  de  Malezieui, 
étéque  de  Lavaur;  Pbélypeaui,  évéque  de  Rlei. 

Nous  avons  donné  ci-deisas  tes  noms  des  prélats  appcsoni. 


■   Ce.i 


pciii.i 


1  la   ' 


863  QUE 

cnne  contradiction  de  la  part  de  la  très-grande  majorilé  des  pré- 
lats de  son  royaume.  Ce  fut  même  cette  considération  particvÙèfe 
qui  rengagea  à  persister  à  vouloir  se  servir  d'une  clause  impéra- 
li?e  dans  les  lettres  patentes  qu'il  donna  aussitôt  qu'il  ent  reçn 
le  procès-verbal  de  l'assemblée ,  persuadé  qu'il  ne  blessait  pes  en 
cela  les  droits  des  évèques ,  puisqu'ils  avaient  déjà  jugé,  et  qne, 
loin  de  prévenir  ou  de  gêner  le  moins  du  monde  leur  décision ,  il 
ne  faisait,  au  contraire,  que  la  reconnaître,  que  la  suivre,  et  qn^en 
presser  l'exécution,  aussi  urgente  qu'elle  paraissait  devoir  être 
avantageuse.  Telle  fut  en  substancesa  réponse  aux  représentations 
que  l'archevêque  de  Bordeaux  crut  devoir  lui  faire  dans  le  temps, 
sur  la  clause  enjoignons ,  employée  à  l'égard  des  juges  de  la  loi  » 
dans  les  lettres  patentes. 

Cet  acte  de  l'autorité  royale  qui  prescrivait  l'enregistrement  et 
la  publication  delà  bulle  avait  été  rédigé  le  14  février  1714,  dans 
le  conseil ,  et  avec  l'avis  des  principaux  magistrats  du  parlemeni 
de  Paris.  Dès  le  lendemain,  cette  cour  l'enregistra  avec  In  consti- 
tution, et  tous  les  autres  parlemens  du  royaume  firent  ensuite  de 
inéme. 

Nous  ne  croyons  pas  devoir  nous  arrêter  à  rapporter  ici ,  encore 
moins  à  y  discuter  les  réserves  insérées  dans  plusieurs  arrêts  d'en- 
registrement. Il  est  certain  que  ces  réserves ,  dont  les  Quesnellis- 
tes  ont  tant  cherché  à  se  prévaloir,  n'étant ,  ou  que  des  clauses 
d'usage,  ou  que  des  refus  d'approuver  des  décrets  qui  n*avaient 
pas  été  reçus  en  France,  ou  enfin  que  des  précautions  pour  pré- 
venir des  abus  qui  ne  trouvaient  aucun  fondement  solide  dans  la 
bulle ,  elles  n'en  restreignaient  pas  réellement  le  sens.  C'est  ce 
que  disait  le  cardinal  de  Bissy,  dans  une  instruction  pastorale  pu- 
bliée en  1722  ;  instruction  qui  fut  hautement  approuvée  par 
Louis  XV,  et  vengée  par  un  arrêt  de  son  conseil  contre  deux  li- 
belles virulens,  dont  le  contenu  ne  présentait,  selon  le  monarque, 
qu*un  tisiu  hideux  de  calomnies  et  de  mensonges,  çue  des  déclama^ 
lions  injurieuses,  non-seulement  à  l'auteur ,  mais  au  saint  Siège  et 
à  l'ordre  épiscopal  *.  Après  avoir  parlé  du  mandement  desqua- 

^  Cet  arrêt  est  daté  du  23  mai  1733.  Une  des  grandes  plaintes  des 
Jaiiséûistes,  dans  leurs  libelles  contre  Tinstruction  pastorale  du  cardi- 
nal de  Bissy,  était  que  ce  prélat  avait  osé  assurer  que  le  parlement 
n'avait  pas  apposé ,  dans  Tucte  d'enregistrement ,  des  limitations  ni  des 
restrictions  vrdit-s  et  proprement  dites  du  sens  de  la  bulle.  Voyez  Mon* 
lague.  De  gralia,  t,  1,  p.  454  et  seq. 


QUK  303 

ranle  et  de  l'um'edislieiucnt  du  pailfiiient  ili!  P;iria ,  ce  cïnJinal 
s'eiprimail  ainsi  dans  son  iDstructioD  pastorale  ;  <>  Que  conclure 

•  de  tout  cela,  i  moint  de  vouloir  tf  tromper  ou  Irornper  let  an- 

•  Ires  ,  sinon  qu'on  doit  regarder  ce  que  l'assemblée  de  1714  u 
1  rail  la  première  en  recevant  la  bulle,  et  le  parlement  eiiiuile  en 

>  l'enregislrant ,  nan  comme  une  retlrictioii  mise  ï  la  censure 
■  de  la  proposition  XCI  ',  mais  comme  une  sage  préouiion  prise 
I  afin  d'emp£cher  qu'on  n'«n  abusii  par  une  mterprélation  eon- 

•  traire  II  »û»  vrai  lea»,  pour  pouvoir  dire  qu'on  donne  alleinte  ï 

>  la  Gdâlilé  qu'on  doil  auprince  el  i  la  pairie.  ■  Or,  si  la  réserve 
emplojfée  par  les  magiElnU  louchanl  la  censure  de  h  p^posiiion 
précitée  nereatreïguailpas  vérilablement  celte  censure,  combien 
moins  les  autres  réserves  ,  exprimées  le  plus  souvent  en  lennef 
généraux  et  asses  vagues,  ponvaient-elles  être  considérées  comme 
de  véritables  restrictions  du  sens  de  la  bulle  ?  Au  surplus  ,  res- 
trictives ou  non  restrictives  ,  ces  réserves  n'ont  point  empêché 
l'Ëglise  universelle  d'iidopter  le  jugement  du  saint  Siège  comme 
son  jugement  propre,  ni  le  clergé  et  le  roi  de  France  de  le  re- 
garder du  même  a'il  et  comme  loi  de  i'Elot  '.  Hais  c'en  est  déjà 
trop  sur  un  objet  qui  n'uU're  plus  aucun  intérêt  i  nos  rechercbe». 
La  teuie  choM  qu'il  importe  à  tout  Ddële  de  connaître,  c'est  si  U 
coiistîtulioD  UnigenilM  a  élé  acceptée  de  toute  l'Eglise  ,  et  par 
Gouséqueni  si  l'on  «t  obligé  de  s'j  soumettre  de  cmur  et  d'esprit, 
dans  le  sens  qu'elle  présente  naturellement  elsausaucune  restric- 
tion ;  question  sérieuse ,  sur  laquelle  l'histoire  ne  lais&e  aucun 
doute  raisonnable,  comme  on  va  bientôt  le  voir. 

Les  évéques  répandus  dans  les  provinces  du  royaume  ne  lardË- 
tenl  pis  k  fournir  k  Louis  XV  une  preuve  convaincante  qu'on  ne 
l'avHitpoint  trompé  louchant  leurssentimenssincèresâl'éganldp  la 
bulle .  Plus  de  aoiianie-dîx  se  hltèrent  de  s'unir  il  l'assemblée, 
DU  en  adoptant  son  Instruction  tout  entière,  parti  que  prit  un  Irèt- 
gnnd  nombre  *,  ou  en  se  servant  leiiuellement  du  ditposilif    ' 

■  Nous  nous  propowns  de  relater  ct-aprèt  cette  proposiliOQ  qtd 
Irailc  de*  eintmmunicationi  injustes. 

'^Vofit!  le  ptocèA-vcrhal  de  l'assemblée  générale  du  clergéde  Francs 
de  17SG,  t.  7,  p.  AIG  cl  soiv.  de  lu  CMecL  aouvenl  cilâe. 

*  Louis  XV  auore,  dans  «a  déclaration  du  A  noùl  1710,  que  l'iiH  | 
KrucUun  paalorale  de  l'astemblée  de  1714  avait  été  aiUyptée  juir  plu*  1 
lie  ctMt  cvitfue*  de  France.  Itecueil  dc6  nnéts  etc.,  L,  4i  p>  AM.  Vonet  i 


364  QLE 

qu*elle-mème  avdit  arréié,  el  où  éuient  renfermés  Uius  les  lermes 
qui  formaient  la  loi. 

Ainsi,  la  conslitution  se  trouva  acceptée  d*une  manière  uoifonne, 
sans  modification  ni  réserve,  dans  plus  de  cent  dix  diocèses ,  pen 
de  temps  après  la  clôture  de  rassemblée.  Nous  ne  parlerons  pas 
ici  de  quelques  nouvelles  acceptations  qui  eurent  lieu  rannéesvi* 
▼ante,  ni  de  celles  qui  se  firent  encore  dans  la  suite.  Cen  était 
assez,  sans  doute,  pour  effectuer  une  majorité  Traiment  déci- 
sive *. 

Quant  aux  évéques  opposans ,  six  seulement  se  joignirent  aux 
huit  de  rassemblée ,  et  ne  publièrent  pas  non  plus  la  bulle  :  ce 
furent  les  évéques  de  Pamiers ,  de  Mirepoix ,  de  Montpellier, 
d*Arras,  de  Tréguier  et  d*Angouiéme  ;  deux  ou  trois  autres,  c'est- 
à-dire  les  évéques  de  Metz,  de  Sisteron  et  pendant  quelque  temps 
seulement  Tarchevéque  d*Embrun ,  restreignirent  en  effet  la  cons- 
titution, ou  parurent  la  restreindre,  en  la  publiant.  Au  reste,  tous 
les  ^prélats  qui  rejetaient  le  jugement  de  Rome ,  soit  ceux  qui 
avaient  assisté  à  rassemblée  de  1714,  soit  même,  si  Ton  en  croit 
quelques  auteurs ,  ceux  dont  nous  venons  de  désigner  les  sièges , 
ne  laissèrent  pas  de  proscrire  solennellement  le  livre  des  JR^/T^xû^iu 
moraleSf  excepté,  parmi  les  premiers,  Soanen,  évéque  de  Senez 
qui  Favait  d'abord  proscrit ,  mais  qui ,  se  repentant  bientôt  de 
cet  acte  de  déférence  envers  le  saint  Siège,  ne  tarda  pas  à  Texpier 
par  une  conduite  diamétralement  opposée  ;  et,  parmi  les  seconds, 
de  la  Broue,  évéque  de  Mirepoix,  qui  crut  devoir  laisser  subsister 
cet  arbre  de  mort  au  milieu  de  ses  diocésains. 

On  pouvait  donc  regarder  dès  lors  la  bulle  Unigenittu  comme 
acceptée  canon iquement ,  selon  sa  forme  et  teneur ,  par  le  corps 

aussi  la  lettre  adressée  au  roi  par  rassemblée  de  1730  ;  procès-verbal , 
tome  7,  page  1076,  coUect  citée. 

*■  Les  Jansénistes  n*en  conviendront  pas ,  eux  qui  soutiennent  que 
la  vérité  peut  se  trouver  exclusivement  dans  le  petit  nombre.  Mais  leur 
manière  de  penser  à  cet  égard  ne  saurait  se  concilier,  ni  avec  les  ora- 
cles des  prophètes,  qui  nous  peignent  TÉglise  comme  une  montagne 
élevée  qu'aperçoivent  toutes  les  nations,  et  vers  laquelle  elles  se  portent 
de  tous  les  coins  de  la  terre ,  etc. ,  ni  avec  les  promesses  de  Jésns- 
Christ,  qui  déclare  que  les  portes  de  Penfer,  c'est-à-dire  Terreur,  le 
schisme,  etc. ,  ne  prévaudront  jamais  contre  elle,  ni  avec  Pidéc  que 
nous  en  donne  le  grand  apôtre,  quand  il  l'appelle  la  colonne  et  Coftpui 
de  la  vérilêt  clc,.  etc. 


t 


QUE  ses 

^tscopal  de  rbglibc  de  Frnnre  '.  En  efl'el,  le  nombre'  des  |)riM:iis 
qui  la  traversaient  à  celte  Opoiiuo,  établissant  ime  miobridf  ïi 
faible,  il  Do  pouvait  prusciuer  sous  aucun  point  de  vue  rere- 
vable  une  o|)pcisilioQ  It^^iiimi-'ment  susjieni^ive  :  ou  ne  dut  ilune 
le  cousidérer  que  tous  le  triste  rapport  Aoi  obstacles  Tunestes  qu'il 
appariait  i  la  paix  de  l'Ëgliseet  de  VièXal.  Mais  si  celte  Tériiâest 
incanteslabli!  pour  te  leoips  dont  nous  parlons  ,  c'esl-1-diru  dhi 
l'année  1714,  combion  n'acquit- ullc  pas  encore  de  force  ï  me- 
sure que  le  nombre  des  dissidena  diminua  el  que  la  buHo  gagna 
plus  d'auiorité  en  France  t  En  17 JO,  on  ne  comptait  plus  dans  ce 
riiyuumc  que  quatre  ou  cinq  évfques  qui  s'Écartassent  encore  de 

On  s'éiounera  peul-^ire  que  nouenc  joignions  pas  iciï  l'icccp- 
tatiundcs  évoques  de  France  les acai-pliilions  que  firent ,  soit  la 
Stirbanne ,  par  son  décret  du  S  mars  171  i  ',  soillcs  autres  facul- 
tés du  ibéologie  établies  dans  le  royaume  ,  lesquelles  suivirent 
toutes  de  prËs  cet  exemple.  Mais  si  l'on  considî^rc  que  les  prfr- 
1res  .quelque  grande  que  puisse élrc leur scieitccdans ce  qui  coii' 
rcrne  la  religion,  et  de  quelque  puids  que  soil  leur  avis  dans  les 
inaiiëres  qui  regardent  lu  fui,  n'ont  cependant  rei;u  aucune  auto- 
rité de  la  part  de  nnlre  divin  législateur  pour  juger  i  cet  égard  , 
puisque,  suivant  rË<:riturc  et  la  tradiliou,  ce  sont  ]i.>s  éréques 
qui  ont  été  établis  par  le  Saint-Esprit  pour  gouverner  t'Égliu  de 
Aieu,  el  que  c'est  ï  eux  seuls  qu'il  a  été  dit,  dans  la  personne 
ilesapûtres;  Àlln,  tme'gttfi...  Celui  ijai  pou»  icmile.m'^etnUe... 
\'eici  que  je  tuin  avec  l'aui  juiqu'A  la  comommation  du  tiicle, 

P-'atr^-iiite  jusqu'l  la  fin  du  inonde,  etc. ,  on  sera  forcé  de  con- 
'Procès-fcrltal  de  l'assemblée  du  clei^é  de  France,  del730,  CoUecL, 
%  p.  1071. 
*  Voyc:  la  lettre  adressée  au  roi  par  rassemblée  de  173D,  endroit 


int  beaucoup  élevés  contre  ce  décret,  duns 
leurs  biiloirei,  diucrlatinns,  brochures  de  loute  csjiècc  :  la  Sorboniie 
plIe-méme  le  méconnut  iieodant  quelque  temps i  mais,  apréi  douie 
Dni  eniiron  d'un  sommeil  viiement  agité,  ce  corps,  si  respectable 
d'ailleurs,  adliéra  de  nouveau  i  la  bulle,  et  rmonnul,  lurde  trét- 
•jraeti  praicei,  la  rfrilé  el  In  Minrérilc  de  cp  même  dôrrel.  Uonlngne, 
lie  gialia,  1. 1,  p.  itO  et  9ei[.  Vo'jei  aussi  ce  que  disait  !k  cet  égard 
le  dnjTfn  de  la  Faculté  de  lliéolugic  de  Purii,  dans  l'asseroblée  du 
clercs  lu  30  juillet  1791,  ColIccUon,  I,  7,  ii.  1060. 

31* 


366  QUE 

Tenir  que  c^est  à  k  conduite  des  évêques  y  et  à  eHe  seule»  qie 
nous  devons  faire  attention  par  rapport  à  ce  qui  noua  occupe , 
où  il  s'agit  d*une  constitution  dont  l'objet  intéresse  vériubleoieet 
la  foi*. 

Au  reste ,  les  évèques  français  ne  cessèrent  de  nUfier  leur 
adhésion  à  la  bulle ,  soit  en  condamnant  des  productions  dont  les 
auteurs  s'élevaient  avec  audace  contre  le  Jugement  du  saint  Siège  « 
soit  en  demandant  avec  instance  la  tenue  de  conciles  provinôant 
contre  ceux  de  leurs  collègues  qui  montraient,  par  leurs  écrils  ei 
leur  conduite,  le  plus  d'opposition  à  Tunanimité,  soit  en  déaoft- 
çant  au  roi  les  principes  pervers,  les  artifices  odieux,  les 


^  Les  partisans  du  livre  de  Quesnel  ne  conviendront  pas 
avec  nous  de  ces  deux  chefs.  Les  uns  traitent  la  bulle  Unîgeailua  da 
décret  insignifiant,  qui  ne  peut  être  regardé  comme  loi  de  disdpliiic^ 
ni  comme  règle  de  fol  ;  d^autres,  et  ils  sont  eu  grand  nombre,  rangest 
parmi  les  juges  de  la  foi,  non-seulement  les  pasteurs  du  second  ordre 
et  les  clercs  inférieurs,  mais  encore  les  empereurs,  les  rois,  les  maps- 
trats,  les  simples  fidèles,  sans  distinction  de  rang  ni  de  sexe.  Les  pre- 
miers ont  donc  bien  oublié  ce  que  disait  leur  patriarche,  quand  fl 
s^écriait  que  la  constitution  frappait  d'un  seul  coup  cent  une  vérité*  ^ 
dont  plusieurs  étaient  essentielles  à  la  religion,  8*  mém.,  averL,  p.  i3« 
D^ailleurs,  Clément  XI  y  avait  proscrit  cent  une  propositions,  comme 
respectivement  fausses,...  impies,  blasphématoires,  suspectes  dliè- 
résie,  sentant  Thérésie...,  hérétiques,  etc.;  donc  sa  bulle  était  un 
jugement  dogmatique,  et  concernait  réellement  la  foi.  Quant  aux 
seconds,  il  n'est  personne  qui  ne  s'aperçoive,  au  premier  coup 
d*œil,  que  leur  système  ne  tend  rien  moins  qu'à  renverser  la  reli- 
gion ,  en  bouleversant  la  constitution  que  Jésus-Christ  a  donnée  à 
son  Église,  en  y  détruisant  toute  hiérarchie,  toute  autorité  prépon- 
dérante, tout  ordre,  toute  subordination  relative  à  la  croyance.  Ce 
bystème  est  contraire  à  l'Écriture  :  «  Est-ce  que  tous  sont  apôtres  ? 
B  est-ce  que  tous  sont  prophètes?  est-ce  que  tous  sont  docteurs?»  écri- 
vait saint  Paul  aux  Corinthiens,  épit.  i  ,  c  13,  etc.,  etc.  Il  est  con- 
traire à  la  tradition,  dont  on  peut  voir  les  monumens  dans  les  saints 
Pères  :  il  est  contraire  à  la  pratique  de  l'Église,  dont  le  corps  des  pro- 
miers  pasteurs,  soit  assemblé  dans  les  conciles,  soit  dispensé  dam  les 
diocèces,  a  dit  anathème  à  une  foule  d'hérésies  naissantes,  et  cela  sans 
avoir  consulté  préalablement  ni  les  ecclésiastiques  inférieurs  ni  les 
laïques.  Au  reste,  il  est  aisé  de  remonter  à  la  source  de  cette  doctrine 
désastreuse  :  De  Domiuis,  Richer,  Calvin,  Luther,  Marcile  de  Pa- 
doue,  etc.,  en  avaient  posé  les  fondemens  avant  les  Jansénistes. 


Ql!K 


307 


net  crimiDelks  emplovil-eB  pr  le  parti  pour  pervertir  les  iiiii>s 
ei  les  entraîner  duas  la  séductlgn ,  eic.  Oa  n'a  qu'à  parcourir  les 
actes  (l'une  Tutite  d'asseiulilées  du  clergé  de  France ,  dans  l'ou- 
vrage que  DDUS  avunii  ïoiiTeot  ciié  ,  i  commencer  depuis  1715 
jusqu'i  l'époque  oli  les  troubles  ne  se  firent  plus  guère  Benlir , 
pour  s'assurer  du  zèle  que  montrèrent  coDeiamment  nos  premiers 
pasteurs  'j.  extirper  l'erreur.  Et  quelle  lutte  u'eurcot-ils  point  b 
soutenir  penii an I  long-iemps  contre  les  parleiiiens,  qui  suppri- 
muieot  leurs  nandemeus,  se  mêlaient  de  la  doctrine,  exilaient 
les  prélats,  etc.,  etc.,  etc.  1 
Mais  c'en  est  assexpour  ce  qui  regarde  ta  France. 
Puisque  c'était  11  qu'étaient  nés  les  trouliIes,  et  que  presqas 
tous  lesévèques  de  ce  vaste  royaume  t'étaient  levés  avec  lesiînl 
Siège  pour  étoufler  l'erreur,  il  suflisail  donc ,  pour  acliever  d'y 
porter  les  derniers  coups,  que  les  évéqaes  des  autres  régions  ap> 
prouvasseuL  par  leur  silence  (toujours  expressif  quand  il  s'agit 
de  la  fui ,  des  règles  des  nia'urs  ou  de  la  discipline  générale)  ce 
qu'iU  savaient  que  le  cbef  de  rÉjçliBe  et  leurs  collègues  résidant 
sur  les  lieux  agités  avaient  fuit  d'une  maiiiËre  si  publique  cl  » 
t  «tien Pelle  pour  terrasser  l'hydre  <, 


^   'Ce  raisonnement,  que  nous  imorrians appuyer  sur  l'aulorité  d« 
ftres,  lur  ce  qui  s'e^t  souvent  praliquÉ  Jau»  l'Église,  et  sur  le  scuti- 
ment  unnnûne  des  théolnfiiens  orl1iodox(4  qui  demandent,  pour  cofr- 
dsmiicr  infailliblrment  l'irrcur,  quelque  chose  de  plusqu'unedélini- 
tion  du  souverain  iiontife  parlant  rs  calhedrii,  a  encore  son  rondement 
sur  les  promessn  que  lé^us-ChrisI  a  failei  à  son  épouse.  Ceci  est  al* 
manireslG  que  les  Quesiielli^^tes  el  leurs  clirfs  n'ont  pu  s'empèclier  da 
le  recounaltre,  au  moins  dans  un  temps.  Écoulons  leur  palriarcbe, 
parUnt  du  Pélngianisme  dans  sa  tradition  del'^llse  romaine,  3<  pan., 
(,  iSO  :  I  Le  reslf  des  Églises  du  monde,  dit-Il,  n'ajaut  point  prit 
e  part  A  ces  con  lests  lions,  cl  s'étant  contentiirs  de  Toir  entrer  en 
te  les  Arricains  et  In  Gaulob,  et  d'attendre  que  le  saint  SKge  ju- 
)(  leur  dilTCrrnil  :  leur  liltHre,  ^Maitd  it  n'ji  aurait  rien  de  plat, 
U  tenir  iiai  ifwi  coniailerHOil  g/«trai ,  l(^el,}oitil  an  Jngtmait 
^  laint  SUge ,  forme  u««  déeiilon  qu'il  n'at  pas  permit  de  ne  paÉ.  1 
■■•■riiTA  ■  Scoiitons  encore  un  rie  «es  fidèles  disciples  :  •  Dèt  que  l'&i  I 
niflise  gilticine,  on  qnclquc  autre  Ëgllse,  a  accepté  une  iléd>ïmi  dé  J 
>  Rome,  et  ipie  In  imlmi  Éjllus  ne  réclamenl  point,  maii  demearvnt  ■ 
■  dam  U  tiUiice,  celle  décision  devient  infaillible,  comme  H  c'était  cHlA 
L)i  d'un  coDCik' général ,  boit  qu'elle  regarde  un  iwîntde  docirini'. 


368  QUE 

Cependant ,  malgré  la  suffisance  de  leur  silence  approbatîf , 
les  évoques  étrangers  au  fover  du  mal  ne  s*en  tinrent  pas  tous  à 
celte  mesure.  Soit  qu*ils  craignissent  que  le  venin  de  rerreurne 
se  fût  insinué  déjà  furtivement  au  milieu  de  leurs  ouailles,  on 
qu^ils  voulussent  Tempécherd'y  pénétrer  de  quelque  manlèreqne 
ce  fût,  dans  la  suite  ;  soitqu*ils  eussent  seulement  en  vue  d*édaîrer 
de  plus  en  plus  les  fidèles  confiés  à  leurs  soins ,  en  leur  détail- 
lant ce  qu'il  n*est  pas  permis  de  penser,  de  croire ,  encore  moins 
de  soutenir  sur  beaucoup  de  chefs ,  un  grand  nombre  crurent  de- 
voir publier  la  bulle  Unigenitus ,  ou  en  autoriser  la  publication 
dans  leurs  diocèses.  Nous  pouvons  citer  en  preuve  TEspagne,  le 
Portugal ,  TÉtat  de  Gènes ,  plusieurs  Églises  d'Allemagne ,  les 
Pays-Bas,  etc.  Tous  les  autres,  sans  exception,  reçurent  la  oon- 
slituiion  avec  respect,  y  reconnurent  la  foi  de  rÉglise,  j  adbéiè- 
rent  purement  et  simplement ,  et  pas  un  évéque  en  commnnioA 
avec  le  saint  Siège  ne  fit  entendre  nulle  part,  hors  de  Francei  la 
moindre  réclamation  à  ce  sujet.  ' 

Qu'on  ne  dise  point  que  ceci  est  une  allégation  dépourvue  de 
fondement.  11  y  a  près  de  cent  ans  qu'on  a  reçu  en  France  des  té- 
moignages authentiques  qui  alleslent  avec  énergie  ce  que  nous 
venons  d'écrire,  du  moins  pour  tous  les  évéques  de  l'Europe,  sans 
presque  d'exception  ^  Nous  désirerions  que  les  bornes  de  cemé- 

B  qu^elle  ait  pour  objet  une  règle  de  morale.»  Lot  à  un  archevêque,  p.  17. 

L'abbé  de  Saiiit-Cyran ,  cet  ami  inllmc  de  Jansénius  et  son  apôtre 
sélé  en  France,  s'était  expliqué  déjà  sur  ce  point  avec  beaucoup  de 
force,  dans  son  fameux  Petrus  Aurelius^  part.  1,  pag.  98  et  137. 
Enfin,  Qucsnel  était  si  convaincu  de  celte  vérité,  qu'il  s'écriait,  dans 
son  .septième  mémoire,  avertissement,  page  93  :  «  Les  faiseurs  de  mé- 
>  moires  nous  assurent  qu'elle  (la  bulle  Unig.)  a  été  reçue  partout  : 
»  maiss*imagineiit-ils  qu'on  les  en  croira  sur  leur  parole?  on  leur  en 
»  a  déjà  demandé  les  preuves,  on  les  attend  ;  et,  pour  leur  épargner 
»  une  partie  de  la  peine,  on  les  dispense  du  soin  d'en  faire  venir  les 
B  aticslalions  de  l'Asie  cl  de  l'Amérique.  Pourvu  qu'ils  nous  en  don- 
»  nent  de  toutes  les  Églises  de  l'Europe,  on  les  quittera  du  reste.  • 
Aln.s',  selon  l'exprosslou  d'un  propliète,  notre  salut  nous  vient  de  nos 
ennemis  mêmes,  saluiem  ex  inimicis  tiosivis.  Mais  bientùl  les  Jansé- 
nistes prouvèrent  la  vérité  de  cette  maxime  sacrée  :  l'iniquité  s'est 
démentie  elle-même,  mniiita  est  iuiquUas  sibi;  car  ils  ne  lardèrent  pas 
Ajknir  un  langage  bien  différent  de  celui  que  nous  venons  de  rapporter. 

i  Voyez  Témoignage  de  l'Église  universelle  en  faveur  de  la  bulle 


f  QUE  309 

muire  nous  pei'>iii:^s«ut  ilu  rapiiTirier  ici  ces  monuineiis  [iri'vieus 
lie  rndhésion  explicite  pi  de  la  foi  de  presque  tous  les  premier» 
pasieurs-  On  ;  trouT«rail  une  preuve  complète  de  leur  xèle  k  reje- 
iiT  le  IWre  des  Réflexion»  meraln  ei  les  cent  une  proposiiîoits  ex- 
traites de  ce  livre ,  de  leur  unaDiinitë  à  recoonattre  dans  la  huile 
uneloi  îrrérorroable  ile  l'élise  universelle  ,  de  le jr  accord  parrait 
i  la  regarder  comme  un  jugemeoi  dogmaiique,  auquel  loul  Siltla 
doîl  uue  soumission  enlicre  d'esprit  et  de  cœur.  Plusieurs  de  ces 
évéques  râruUient  d'une  manière  aussi  victorieuse  que  pleine 
d'énergie,  dans  leurs  aiiestationg  d'acceptation,  les  calomnies  par 
lesquelles  les  partisans  de  l'erreur  accusaient ,  soît  la  bulle  d'être 
ubscure ,  incapable  d'éclairer  l'esprit  ou  comme  prescrivant  dci 
vûrilés  sacri^s  ,  soit  les  prélats  étrangers  de  l'aTuir  reçue  sans 
eiamen,  uniquement  conduits  par  l'opinion  de  l'inraillibililé  du 
pape  *.  Mais  le  fait  devint  en  peu  d'annéessi  public;  il  s'antioui,'a , 

Uuigcnilus  ;  Montagne,  De  gratia  .1.  1  •  p.  SOS  et  sequent.  ;  Inslnict, 
pnsl.  du  cardiual  de  Bissy,  t7a3  ;  second  averllsicmcnt  de  Mïf  l'i^véquc 
de  Scâssous,  etc.  Les  pièces  originales  rureul  déposées  daus  la  bibllo- 
Ihi'que  du  roi. 

■  Ou  peut  voir  sur  le  premier  clief  d'accusation  ce  que  le  sacri>  col- 
lège des  cardinaux  écriviiil,  te  16  novembre  1716,  au  cardinal  de  NooiU 
les  :  I  Le  sens  de  la  bulle  est  clair  ;  plie  est  une  censure  cipresse  des 

•  erreurs  anciennes  ou  nouvelles;  bien  loin  do  combattrcaucune  vérité, 
I  elle  ne  donne  aucune  atteinte  aux  senUmens  qu'il  est  permis  de  sou- 

•  tenir,,.  Ce  n'est  que  par  la  plus  atroce  eaJomnie  que  des  enl^ns  de 

■  perdition  ont  pu  répandre  que  la  bulle  aOtiiblil  tes  points  capitaux 
t  de  la  religion  et  les  plus  louables  pratiques  de  la  dUcipttne,  etc.  ■ 
Quant  au  second  chi'f  d'accusation ,  nous  ne  rapporterons  que  ces  pa- 
roles eairaiies  de  la  k-IIre  de  l'arcbcvèque  de  Corcyre  A  l'évéque  de 
Nîoie^,  en  date  du  13  décembre  1731  :  •  C'est  une  udic?usc  calomnie 

•  que  nous  font  ces  novateurs,  lorsqu'ils  osent  avancer  qu'excepté  lu 
'  rlerge  de  France,  les  évéques  des  autres  Ëglîscs  n'out  pas  même  lu 

•  la  constitution,  et  que  si  quelques-uns  l'ont  lue,  ils  ne  l'onl  point  exa- 

•  mince  avec  eailtntioH  qu'il  fallail,  parce  que,  croyant  pour  la  plupart 
'  que  le  pape  est  infaillible,  ils  ne  se  donnent  pas  même  la  peine  de 
>  lire  ses  décrets,,.  II  n'y  a  que  l'Ivresse  de  l'Iniquité  et  du  mensonge 

•  qui  puisse  vomir  de  telles  accusations.  A'dhj  arona  lu  la  «onititu- 

•  lion  .  tl  HUHi  rai-on*  eiamtnie  avec  tain,..  Nous  avons  reconnu  ipie 

•  ceUe  bulle  est  établie  sur  la  fcmielé  inébranlable  de  la  foi,  qu'elle 

■  brille  de  l'éclul  que  lui  donne  le  témoidnagc  de  la  doctrine  apustoli- 

•  que,,.  Nous  réprouvDus  Jauséuiusvt  Qucwwl;  uoos  ddteitoai  kura 


370  QUE 

si  nous  osons  le  dire  ainsi,  avec  des  caraclères  si  évident,  que  kl 
^uesnellisles,  d^abord  si  hardis  à  défier  fièrenient  leurs  «dTenaîrei 
d'en  fournir  la  preuve ,  ne  tardèrent  pas  k  se  voir  obligés  de  Ti- 
vouer,  de  s*en  plaindre  même  y'et  de  recourir  à  des  raisoaaMMK 
recueillis  chez  les  hérétiques  anciens ,  raisonnemeiis  mille  fois 
anéantis ,  et  qui  tendaient  à  renverser  ,  soit  les  promesses  fini» 
par  Jésus-Christ  à  son  Église,  soit  une  règle  de  foi  reooime  de 
tous  les  siècles,  la  seule  même  qui  soit  indistinctement  k  le  portée 
de  tous  les  fidèles.  <  Tout  le  monde,  s*écriaient-ils  dans  une  mvl- 

>  titude  de  productions  plus  ou  moins  lugubres,  toui  le  wumiê  m 
»  range  ai^ourd'huiducâtéde  la  bulle,..  Dieu,  par  un  terrible  ju- 
»  gement,  a  permb  que  Gément  XI  ait  donné  sa  constitotioii ,  et 

>  que  les  évéques,  en  punition  de  leur  peu  de  zèle  pour  les  inlé- 
»  rets  de  Dieu,  niaient  pas  eu,  les  uns  assez  de  lumière,  et  les  au* 

■  très  assez  de  courage  pour  la  rejeter...  Les  Mçueê  éÊrangert 
»  l'ont  reçue  ^ ,  Le  nombre  des  acceptons  est  si  grand  ,  qu*il  y  a 

>  lieu  de  trembler  et  de  craindre ,  à  la  vue  de  la  séiuùiUm  çM' 
»  raie  qui  s*opère  aujourd'hui  *,  Jamais  le  danger  de  la  sédacUon 
»  ne  fut  plus  grand  pour  les  fidèles.,  danger  du  c6té  des  sédne- 
»  teurs,  parce  qu'ils  sont  en  grand  nombre...  Si  Ton  jetteles  yeux 
»  sur  les  pays  que  TËglise  occupe  ,  comme  Tltalie ,  TÂllemagne , 
»  la  Pulogne,  FEspagne ,  le  Portugal,  la  France  et  quelques  Ëtats 
»  voisins,  il  s^élève  de  toute  part  des  vœux  pour  la  bulle  ^  três-pen 
»  contre.  Le  parti  des  opposans ,  des  hommes  fidèles  k  suivre  la 

>  doctrine  enseignée  et  crue  avant  la  fatale  bulle,  se  trouve  réduàl 
»  à  une  poignée  '.  >  Les  évéques  de  Senez  et  de  Montpellier  ne 
firent  pas  retentir  des  lamentations  moins  déplorables;  mais  ils  se 
rejetaient  sur  l'avènement  très-prochain  du  prophète  Êlie  qui  doit 
rétablir  toute  chose ,  et  ils  s'appuyaient  sur  les  allégations  par 
lesquelles  les  Donatistes  cherchaient  autrefois  à  miner  la  visibi* 
lité  et  Tindéfectibilité  de  l'Église. 

On  nous  dispensera  de  faire  ici  des  réflexions  sur  ces  gémis- 

« 

»  sectateurs...  Nous  acceptons  la  constitution  Unigenitus  avec  la  pins 

■  grande  vénération  qu'il  nous  est  possible.  Anathème  à  ceux  qui  sont 
t  d*un  sentiment  contraire.  • 

^  Entret.^ur  la  Gonstit.,  pag.  hh* 

'  Pratique  pour  les  amis  de  la  vérité,  pag.  8. 

*  Entret  du  prêtre  Busèbe  et  de  Tavocat  Théophile,  pag.  58  ;  Entret. 
d*nn  jésuite  avec  une  dame,  pag.  iOL  Voyez  encore  Réflexions  soc* 
cinctes  sur  la  constiL ,  etc. 


I  QUE  371 

lemens  ei  cps  plaipies  :  l'aveu  lormel  (]ii'on  y  irouTe  faii  le 
triomphe  de  la  bulle.  Quant  aux  moyens  emplojés  par  les  princi- 
paux rliefs  du  parti  el  par  une  foule  de  leurs  adliérens  pour  ilayer 
leur  résislanee  ï  la  voix  connue  de  l'Ëglise  onlière,  on  s'aperçoit 
asse»  qu'il  n'j  atait  que  le  désespoir  de  voir  leur  cause  entière* 
ment  perdue  qui  eût  pu  les  engager  i,  recourir  ï  des  armes  sî 
(évidemment  mauvaises.  El  combien  ne  falbli-il  pas  que  ce  déses- 
poir rdi  grand  pour  inspirer  ï  l'évCquc  dcRenet  celle  proposition 
krange  :  •  Notre  appel  (de  la  bulle  L'iiigenilut  au  futur  concile) 

•  ïubsiste  el  est  légitime,  quand  il   serait  frai  que  l'Église  au- 

•  rait  parlé  dans  le  jugement  rendu  sur  les  cent  une  proposi- 

•  lions  *  !  >  Et  celte  autre  non  moins  rËvnlianie,  ob,  après  avoir 
Énoncé  qu'il  parlait  de  eantlilaiioni  rfru«  *■(  approuvée*  par  toute 
VÈsUie  et  de  jugemeKt  rendus  par  1m  emcitei  généraux  San*  la 
farmê  ta  plut  eanoniii\ie,  tur  dei  livres,  des  ferit»  et  de»  pmpoii- 
lluns  dei  auteuri,  il  s'écriait  :  »  C'est  de  tous  ces  jugeniens  dont, 
>  en  suivant  l'esprit  de  l'Ëglise,  on  a  souvent  appelé,  et  dont  on 

•  peut  appeler'.  °  I.e  principe  d'oii  découle  une  doctrine  si  af- 
freuse el  les  coDséqaencea  qui  s'en  déduisent  tout  naturellement 
sautent  aux  jeux  et  ne  demandent  de  nous  aucune  réfutation.  En 
cITct,  si  l'Ëglise  n'a  pas  reçu  de  son  divin  fondaieur  le  pouvoir  do 
juger  infaillibleaieHt  t)u  sens  des  livres,  des  ècrit£,  des  proposî- 
lions,  comment  a-t-clle  osé  tant  de  fuis  dire  anatbèuie  ï  des  héré- 
siarques, i  des  hérétiques,  ù  des  novateurs,  ï  cause  de  la  doctrins 
renfermée  dans  leurs  ténébreuses  ëlucuhrotians?  Pourquoidéfend- 
elte  à  ses  enlans,  sous  peine  d'excommunication,  de  lire  ces  li- 
vres et  CCS  écrits  pernicieux?  Quel  droit  a-t-elle  de  déclarer  que 
la  doctrine  revSiue  de  telles  ou  telles  expressions  est  orthodoxe 
ou  hétërodoie?  Et  alors  quel  sens  donnera -t-on  i  ces  paroles  di- 
vines: Alleî,  eiueigae:,..  Quivom  feoale  m'écoule,  et  quSvau*  mé- 
prise me  méprite.-.  S'il  n'écoule  pot  l'Éfflite,  qu'il  mil  pour  iii>iii 
comme  unpaXenet  un  publicain...  Les  porte*  de  F  en  ferne  prévau- 
dront pas  contre  elle  fSaml  Paul  aurait-il  eu  raison  d'appeler  aussi 
l'Ëglise  (a  evlonne  el  l'appui  de  la  vérité?  Uais  laissons  li  ces  sys- 
tèmes qui  contredisent  t'berîture  et  la  pratique  constante  des 
si^les  chrétiens;  ils  tombent  d'eux-mêmes  et  décèlent  l'esprit 
hérclique,  ou  il  n'en  fut  jamais. 


t  Mon 


iibrégé  o(i  Toi 


n  pour  juger  M,  de  Seivt,  jing.  3, 


incompC'icnce  du  ci 


cit'Hin 


872  QUE 

La  bulle  se  trouva  donc  acceptée  par  le  corps  des  premiers  pas- 
teurs dans  tous  les  pays  connus  de  la  religion  fort  peu  de  temps 
après  qu^elle  eut  été  envoyée  à  toutes  les  Églises  pariicolièrn. 
En  effet»  la  France,  où  les  troubles  s*étaient  élevés,  Tavait  reçue 
d*une  manière  solennelle  ^  et  presque  unanime  ;  TEurope  avait 
fourni  des  témoignages  authentiques  de  Tacceptation  du  collège 
des  cardinaux  et  de  celle  des  patriarches,  des  primats,  des  métro- 
politains et  des  évéques  de  leurs  provinces  ;  le  reste  du  monde  ca- 
tholique s*était  tenu  dans  une  attitude  silencieuse  et  tranquille, 
laquelle  désignait  un  consentement  tacite,  également  favorable  à  la 
constitution  et  accablant  pour  Terreur  ;  plusieurs  conciles  avaient 
publié  des  décrets  également  forts  et  énergiques  *,  et  nulle  part, 
hors  des  limites  où  le  mal  avait  pris  naissance,  on  n*avait  entendu 
le  moindre  murmure  émané  de  la  bouche  d*aucun  évèque  en 
communion  avec  le  saint  Siège  '.  Un  concert  si  parfait  entre  les 

*  Quand  nous  parlons  ainsi,  nous  rapportons  un  fait  incontestable; 
mais  nous  sommes  très-éloignés  de  Youloir  insinuer  par-lft  qu^il  soit 
nécessaire  que  Tacceptation  du  corps  épiscopal,  même  des  lieux  où 
Terreur  a  fait  entendre  ses  premiers  accens,  soit  solennelle,  pour  que 
les  bulles  portées  par  les  papes  contre  cette  erreur  puissent  devenir 
des  jugeroens  deTÉglise  universelle.  Nous  connaissons  les  plaintes  que 
Clément  XI  fit  avec  justice ,  au  sujet  de  quelques  expressions  un  peu 
fortes  échappées  sur  cet  objet  à  Tassemblée  du  clergé  de  France  de 
1705,  et  les  explit^tions  que  le  sainlpère  demanda  aux  prélats  qui 
avaient  assisté  à  celte  assemblée  ;  et  nous  disons  volontiers  avec  le 
savant  évêquede  Meaux  :  Quocumque  modo  fiai  ut  Ecclesia  comentiat, 
transacta  plané  res  est  ;  neque  enim  fieri  potest  unquanif  ut  EceUiia 
Spiritu  vetHialis  instructa,  non  repugnet  errori,  Defens.  déclarât 
deri  gallic.,  1.  8,  c.  2. 

'  Nous  parlons  du  concile  nombreux  tenu  à  Rome  en  1735,  par 
Benoit  XIII;  du  concile  d* Avignon  célébré,  la  même  année,  par  les 
prélats  de  la  province  ;  du  concile  d'Embrun ,  où  Soanen,  évéque  de 
Senez,  et  Tun  des  chefs  des  appelans ,  fut  solennellement  déposé  en 
1727.  Voyez  les  actes  de  ces  deux  derniers,  ainsi  que  les  mémoires 
pour  servir  à  Thistoirc  ecclésiastique  pendant  le  dix-huitième  siècle,  et 
Montagne,  souvent  cité,  t.  i,  pag.  3i^2,  390,  400. 

*  «Les évéques  étrangers  rendent  le  même  témoignage,  sansqu^il 
»  soit  possible  aux  opposans,  dont  on  connaît  le  zèle  pour  accroître  et 
»  fortifier  leur  parti,  de  trouver  hors  du  royaume  un  seul  suffrage  en 
»  leur  faveur.  »  De  Vintimille,  arch.  de  Paris,  Instnict  past.  du  27 
septembre  1729  ;  vie  de  M.  de  la  Salle,  liv.  4»  chap.  I,  art.  2,  à  la  fin. 


premiers  p&slcurs  et  leur  clief  annonçait  sans  doitic  la  voix 
l'auturîté  sacrée  que  ii^us-Clirisl  a  chargée  Je  l'enseipemeiil,  et  | 
à  lai)uelle  il  a  conlié  le  puuvuîr  dn  lermiacr  en  nouveraioe  toi 
les  cODiesiations  qui  s'élèvent  parmi  les  fidèles  louchant  la  doo-  ' 
Irine.  Ce  Tul  donc  avec  raison  qu'on  donni  dès  lors  t  la  tiiill*  | 
rnigenitiii  les  titres  de  jugement  a>cuuiénique',  de  jugement  de  • 
nî^IjUseunirerselle',  de  jugement  dogmatique ',  de  jugement  dé-  , 
finitifet  irrcformable  '.  La  cause  fut  donc  entièrement  finie. 

CependunilesQuesnellistesne  la  regardèrenipas comme  terminée: 
ils cuntinuèrent écrier  hautement, et  contre  la  constitution  consi- 
dérée dius  sa  doctrine  et  dans  sa  Forme,  et  contre  la  manière  dont 
elle  aTuit  été  acceptée,  soit  en  France,  soit  dans  les  paya  étrangers. 
Noos  n'entrerons  pas  ici  dans  la  discussion  de  leurs  sophismes  ", 
nous  contentant  de  dire  avec  une  assemblée  nombreuse  de  pré- 
lats que,  "  dès  que  le  vrai  fidèle  voit  le  corps  des  pasteurs  uni  au 
>  chef  fermier  une  décision  qui  intéresse  la  Toi  ;  dés  qu'il  roit  ce 
•  corps  respectable,  qui  parle  au  nom  de  Dieu  et  qui  est  assisté 

*  Rapport  de  t'Cvéquc  (le  Miiies  i  l'assemblée  géuérale  du  clergé  de 
France  de  1730. 

*  Lettre  delà  même  assemblée  au  roi.  Voi/e:  le  procès- verbal, 
Collecl,  t.  7. 

■  I  lin  reconnaissant,  eommc  nom  l'aroiu  foujoun  retonnu,  que 

■  la  constitution  Uniitenilus  est  un  jugement  ilogmatïqne  de  l'Egliu 

>  uniiKrielk,  ou,  ee  qui  retient  au  même ,  un  jugement  irréfomutbla 
•  de  cette  même  Ëglise,  en  matière  de  doctrine,  nous  déclaron<,  avec 

>  le  conieniln  poolire  Benoit  XIV,  que  les  rèrraclaircs  h  ce  décrel  sont 

■  indignes  de  pailiciper  aat  sacremcns ,  et  qu'on  doit  les  leur  refuser    , 

■  même  publiquement,  comme  aux  pécheurs  publics.  •  Eiposllion  sur 
les  droits  de  la  puissanc«  spirituelle,  extraite  du  procés-ierbal  de  l'a»* 
semblée  du  clergé  de  France  de  17S5.  Vogei  De  l'aulorilé  des  deut 
puissances,  i.  1,  pag.  ifii  et  suiv. ,  Ut%t ,  1701 ,  où  ce  passage  est 

'  CoQcilium  cberodunense  ,  capui  !,  De  constîlulionlbuc  aposto- 
licis.   Voyct   aussi  les  autorité»  citées  ci-dessus,  pag.  308,  note  1". 

>  On  peut  consulter  sur  cet  objet  les  averlissemens  de  H.  Languet, 
■rcîievéquc  de  Seus  ;  rinilmcl.  pastorale  que  M.  de  Tencin,  archeièque 
d'Embrun,  publia  en  t7!0,  tvr  tu  jugemena  définitifê  de  l'Égtùe  nui- 
itrsclle,  et  lur  ta  lignatare  du  formutaiFe  .*  la  lettre  dont  nous  allons 
fournir  un  texte  inléres>anl  i  le  1"  ïolumc  du  Traité  de  la  grâce,  de 
Montagne  ;  De  l'aulorilé  dci  deux  puissances,  que  nous  venons  de  citer, 

il.  33 


374  QUE 

>  d*eii  haut,  exiger  la  soumission  et  prescrire  Tobèissanoey  il  ne 
•  balance  point;  on  a  beau  lui  dire  :  une  partie  de  ces  pasteurs 
»  n*a  pas  prononcé  par  voie  de  jugement  ;  les  autres  ne  sont  pas 
»  unanimes  dans  le  motif  de  leur  décision  ;  c*est  rinfaillibilité 
»  du  pape  qui  a  déterminé  ceux-ci  ;  Texamen  de  ceux-là  n*a  pas 

>  été  suffisant  ou  il  n*a  pas  été  juridique  ;  il  est  à  craindre  que 
»  leur  décision,  par  Tobscurilé  des  propositions  qu*ils  censoreDi, 
»  ne  donne  lieu  de  confondre  la  vérité  avec  Terreur  ;  tous  ces  dis- 
»  cours  n^ébranlent  pas  sa  foi  et  n'affaiblissent  point  la  confiance 
»  qu*il  a  dans  les  promesses  de  Jésus-Christ.  Il  Toit  Tunité  dam 
»  le  corps  des  pasteurs,  et  le  point  qui  les  réunit  est  celui  qui  fixe 
»  sa  croyance  ;  il  sait  que  c*est  à  cette  unité  qu*il  est  dit  :  C«tei 
»  qui  wms /coûte  m'écoute,  etc.;  il  ne  lui  en  faut  pas  darantage  ;  il 
»  n*examine  point  comment  le  jugement  a  été  formé,  ni  les  difié- 
»  rens  motifs  sur  lesquels  les  pasteurs  ont  pu  appuyer  leur  déd- 
»  sion  ;  il  lui  sufdt  qu'ils  aient  parlé  pour  qu'il  règle  sa  foi  sur 
»  leurs  enseignemens  ;  il  ne  s'alarme  point  des  périls  qu*on  Teut 
»  lui  faire  envisager  ;  il  sait  que  celui  qui  a  promis  son  assistance 
>  aux  premiers  pasteurs  saura  les  garantir  et  lui  avec  eux,  et  que 
»  la  simplicité  de  sa  soumission  fera  toujours  sa  sûreté  comme  la 
»  promesse  de  Jésus-Christ  fait  la  leur.  De  quelque  manière^  disait 
»  Bossuet  ^,  que  r Église  donne  son  consentement,  l'affaire  eêt  tout- 
»  à' fait  terminée;  car  il  ne  peut  Jamais  arriver  que  V Église,  gou» 
»  vemée  par  l'esprit  de  vérité,  ne  s'oppose  pas  à  V erreur.  Dieu, 
»  dit-il  ailleurs  ^,  sait  tellement  se  saisir  des  coeurs,  que  la  mine 
»  doctrine  prévaut  toujours  dans  la  communion  visible  etperpétueUe 
»  des  successeurs  des  apôtres  '. 

*  Defens.  déclarât  cleri  gallic.,  1.  8,  c.  S. 

s  Deuxième  instruction  pastorale  sur  les  promesses  de  Jésus-Christ  ft 
son  Église,  pag.  76  et  suiv. 

*  Lettre  des  cardinaux,  archevêques  et  évêques  assemblés  extraordl- 
nairement  à  Paris  par  les  ordres  du  roi  pour  donner  à  S.  M.  leur 
avis  et  Jugement  sur  un  écrit  imprimé  qui  a  pour  titre  :  Consultation 
de  BfM.  les  avocats  du  parlement  de  Paris  au  sujet  du  jugement  rendu 
I  Embrun  contre  M.  Tévêque  de  Scnez,  page  9,  édition  in-4*.  Cette 
assemblée  se  tint  en  mai  1728  ;  il  s'y  trouva  trois  cardinaux,  cinq  ar- 
chevêques, dix-huit  évêques  et  cinq  ecclésiastiques  nommés  à  des 
évèchés.  Les  constitutionnels,  dignes  émules  des  Jansénistes,  ont  re« 
nouvelé  la  plupart  de  ces  objections  futiles  contre  les  bulles  de 
Pie  VI, 


Pffyie  des  er 


QUE  8: 

■i  ecmlatuuéti  rfffni  les  lt^/le.rioiit  moTaU». 


Il  serait  Irop  long  el  peat-étre  inulile  d'entrer  ici  dans  le  détail 
des  nombreuses  altéralions  que  l'auleur  de  ce  livre  pernicieui;  a'j 
est  permises  dans  la  version  du  leite  sacré  :  on  a  ratnpld  plus 
de  trots  cent  soixante  passages  ait  il  s'est  élnigné  de  la  V  jlgate , 
dans  les  Actes  des  apûtres ,  les  Éplires  canoniques  et  l'Apoca- 
lypse '.  D'ailleurs ,  il  suflil  rie  consull«r  le  dispoEiiiF  de  la  bulle 
t'njfenifui  pour  voir  en  général  â  quoi  l'on  doil  s'en  tenir  sur  cet 

Mais  si  l'on  vetit  savoir  dans  quel  esprit  notre  eX'Oralorien  ■ 
bili  ses  Réfle^iùnt,  et  par  conséquent  quel  sens  il  convient  de 
donner  ï  ses  expressions  quand  elles  paraissent  ambiguës  cl  lais- 
ser entrevoir  quelque  doute  sur  ses  vrais  sentimens,  il  est  néces- 
saire de  se  ressouvenir  que ,  comme  Jansénius  n'avait  entrepris 
Kon  rameui  Aagaitin  que  pour  lier  plus  étroitement  le  Ejstème  de 
BiiiDs,  le  mettre  sous  un  jour  nouveau  el  plus  séduisant*,  de 
même  Qiiesnel  n'eut  pas  un  autre  dessein  dans  ses  Réflexion»  m»- 
ralti  que  de  Taire  revivre  les  erreurs  de  ces  deux  novateurs  dans 
les  points  les  plus  essentiels  et  que  d'en  infecter  les  Gdèles  da 
toutes  les  conditions ,  s'elTorçanl  de  mettre  ces  mêmes  erreurs  h  i 
la  portée  di's  plus  sîinplps ,  el  de  les  leur  présenter  sous  les  de- 
hors hjpocrites  de  la  piété  en  apparence  la  plus  sincère  elln  plut 
louchanie.  C'est  ce  que  démontrent  clairement,  eoii  l'alTectioii 
constante  qu'il  eut  pour  l'éïffqtie  d'Ypres  et  te  chancelier  de  l'U- 
niversité de  Louvain ,  l'engagemeni  qu'il  svait  pria  de  consacrer 
à  leur  défense  ses  talens  et  ses  veilles,  l'admiration  qu'il  témoi- 
gna dans  une  foule  d'occasions  pour  leurs  œuvres  connues,  l6 
EËle  qu'il  ne  cessa  de  faire  paraître  pour  leur  doctrine  *  -,  soit  en- 
core la  guerre  qu'il  soutint  jusqu'au  bout  de  sa  carrière  pour  dé- 
fendre le  parti  contre  les  puissances  et  contre  les  tliéologicns  or- 
tbodoxes,  écrivant  continuellement ,  encourageant  la  plume  des 
siens,  révisant  les  productions  de  plusieurs,  cnlretcnaui,  comme 
nous  l'avons  dit  plus  baut ,  des  correspondances  soutenues  dans 
les  cours  souveraines,  duns  les  mtisons  religieuses,  auprès  de» 

<  t'ojif:  le  p.  Qucsnel  séditieux  cl  hËrétiquc  dans  ses  Iléfleiioai  «ir 
le  nouveau  Tralamcnl,  pag  !&!  cl  suiv. 
*  Voyei  l'article  iuaimvi. 
^  Cuuiu  (JuesQcU,,  pag,  107  cttcq- 


876  QUE 

parlemens,  etc.;  soit,  enGn,  les  aveux  réitérés  de  ses  propres 
disciples  *»  les  reproches  que  lui  fait  Clément  XI  dans  sa  coDsiita- 
tioD ,  et  la  doctrine  plus  ou  moins  équivoque,  disons  mieux,  plus 
ou  moins  ouvertement  janeénienne ,  qu*il  enseigna  dans  ses  Ré- 
flexions morales  et  dans  presque  tous  ses  autres  nombreux  écrîu. 
Mais,  plus  habile  dansTart  du  déguisement  que  ceux  qa*U  avait 
choisis  pour  ses  maîtres ,  Quesnel  sut  aussi  mieux  s*envelopper. 
11  faut,  pour  nous  servir  de  Texpression  du  souverain  pontife, 
percer  Tabcès  et  en  presser  fortement  le  hideux  dépôt,  si  Ton 
veut  en  faire  sortir  tout  le  poison.  Jamais  novateur  ne  fut  peut- 
être  plus  adroit  à  manier  Tarlifice ,  à  gazer  plus  subtilement  ce 
que  sa  doctrine  contenait  d'odieux  et  de  révoltant,  à  donner  k  ses 
erreurs  un  air  plus  spécieux  de  lumière  et  de  vérité.  Son  style 
était  plein  d*une  douceur,  d'une  onction ,  d'une  éloquence  et  de 
charmes  qui  entraînaient.  Souvent  le  fiel  coula  de  sa  plume ,  paré 
des  mêmes  couleurs  qui  ornent  le  vrai  zèle;  et  les  maximes 
fausses,  erronées,  séditieuses ,  se  glissaient  presque  impercepti- 
blement au  milieu  de  maximes  saines ,  lumineuses ,  enseignant  la 
perfection.  On  ne  s'étonnera  donc  pas  si  le  livre  des  Réflexûms 
morales^  composé  avec  tant  d'art  et  d'ailleurs  vanté  et  colporté 
partout  avec  un  zèle  incroyable,  eut  long-temps  beaucoup  de 
vogue ,  ni  s'il  séduisit  un  grand  nombre  de  fidèles  des  deux  sexes. 
Ce  qui  surprendrait  davantage ,  si  l'un  ne  savait  pas  que  l'héré- 
sie ne  connaît  point  de  frein ,  c'est  la  hardiesse  avec  laquelle 
Quesnel  osa  enchérir  sur  ses  maîtres  dans  la  carrière  de  l'erreur. 
Prévoyant  en  effet  que  son  livre  favori ,  et  même,  peut-être,  que 
sa  personne  n*échapperait  pas  aux  anathèmes  de  l'Église ,  puis- 
qu'il renouvelait  ouvertement,   dans  cette  œuvre  de  ténèbres, 
une  doctrine  déjà  plusieurs  fois  condamnée  par  le  saint  Siège  et 
les  premiers  pasteurs,  il  chercha  dans  le  Richérisme^  un  abri 

*  L*auteur  du  IV*  gémissement  de  Port-Royal  s'exprime  ainsi  :  c  Les 
»  cent  une  propositions  condamnées  renferment  justement  toutes  les 
»  vérités  différentes  que  les  disciples  de  saint  Augustin  ont  toujours 
B  soutenues  depuis  soixante-dix  ans.  »  Or,  on  sait  que  ces  vérités  dif-^ 
férentes  n'étaient  que  le  Bayanisme  rajeuni  dans  VAugustintu  de  Té- 
véque  d'Ypres.  On  peut  cousulter  encore  sur  ce  point  le  Catéchisme 
historique  et  dogmatique  sur  les  contestations  qui  divisent  maintenant 
TËglise,  t  3,  pag.  169  et  suivantes,  où  Ton  prouve  que  les  mêmes  pro- 
positions sont  comme  un  précis  de  la  doctrine  de  Port-Royal,  etc. 

'  Edmond  Richer,  syndic  de  la  Faculté  de  théologie  de  Paris,  au 


QUE 
contre  lea  Toudrea  de  celle  puissiQCe  redouuble ,  réduisant  n 
pratique,  dans  les  RdflrxlDn»  nwralet,  le  projet  inaensé  qu's- 
Tiieut  TormË  les  pnrlisans  de  Jans^niiis  pendant  que  la  discussion 
de  l'afTaire  des  cinq  propasiLÏons  se  faisait  !i  Rome  ,  de  ressuaei- 
ler  en  France  l'Iiérésie  de  Richer,  si  leur  parti  avait  le  dessous 
dans  la  capiule  du  monde  chrétien  '.  Mais  c'en  est  assex  pour 
montrer  quel  esprit  anima  la  plume  de  Quesnel, 

On  peut  réduire  tout  son  système  ii  trois  principes  capitaux 
dont  la  simple  eaposition  Tera  déjh  connaître  le  venin. 

Le  premier  :  il  n'j  a  que  dcui  amours  d'oii  procèdent  exclus!- 


it  du  dlt-septifme  siècle,  enseigna,  dans  un  pelil  Irnllé 
De  la  pnissiince  ecclésiaslique  cl  civile  que  ■  chaque  conmiDnaulé  a 
t  droit  ima]tdîat<:nient  el  essenliellcmcnt  de  w  gouverner  etle-méme  : 

>  (que)  c'esl  A  pile,  el  non  à  aucun  particulier,  que   la  puùsance  et 

>  la  juridiction  a  été  donn^.  (El que)  ni  le  lemp;,  ni  les  lieai,ni  la 
K  dignilé  des  pcrsoimes  ne  peuvent  prescrire  contre  ce  droit  Tonde  dans 
1  In  loi  diviae  et  naturelle,  i  RtcLer  reconnut  dans  la  suite  que  ce  iy§- 
Kme  <  élnll  contra  ire  A  In  doctrine  catlioUquc,  ciposiîc  lidèlenienl  par 

•  les  saints  l^res,  faui,  hËrélique,  impie,  cl  pris  des  fcrîUempolon- 
■  nés  de  Luther  el  <lc  Calvin.  ■  Mém.  cbron.  et  dogm.,  t.  1,  p«g.  178, 
ia-ii,  année  1611;  Fellcr,  DicUon.  hLil.,  au  mol  Ricuia.  Deux  con- 
ciles protinclaui  assemblés  en  France ,  l'un  b  Paris ,  le  13  mars  1711 , 
l'autre  A  Aii ,  le  Si  mai  de  la  même  année,  proscrivirent  celte  ranesle 
doctrine  ;  Rome  en  Dl  ensuite  autant;  mail  elle  ne  Tut  pas  détruîle  ; 
les  Jansénislet  en  prolttérenl ,  el  la  transmirent  tout  entière  t  nm  rA* 
volutîonnaiies.  Il  parait  que  Marcile  de  Padoue,  recteur  de  l'UnlvenlIë 
de  Paris  an  commencement  du  qualoriième  sii'de,  en  tal  riovenicnr, 
et  que  c'est  dans  son  livre  intitulé  dérisoiremeni  Di-rensor  pacii  que 
tous  In  hérétiques  qui  vinrent  après  lui  puisèrent  leur  système  do 
révolte  contre  les  deui  pui tances. 

<  C'est  ce  que  nous  apprend  une  lettre  qne  Sainte-Beuve,  encore  al- 
larhé  BU  parti ,  écrivait  A  Salul-Amour,  alors  A  Rome,  pour  la  délense 
des  cinq  propositions  de  Jansénins,  ■  Si  le  Jansénisme  est  condamné, 

•  disail  le  célèbre  casuiste  dans  cette  lettre,  ce  sera  une  des  choses  1rs 

•  plus  désavanlageuses  au  saint  Siège ,  el  qui  diminuera  dans  la  plu- 

>  pan  des  csprils  le  respect  et  la  soumissiou  qu'ils  ont  toujours  |;ardéa 

>  pour  Rome,  et  qui  fera  Incliner  beiucuup  d'antres  dans  les  senlimens 

>  ilesIUchérisl''!i,..  faites,  s'il  vous  plaît,  rèfluiinn  sur  cela,  et  souvenei- 

K nus  que  je  vous  ai  mandé,  il  j  a  lung-liimps,  i/ite  de  celle  déciiion 
iijiendra  U  mmKtlUiMal  du  Hichcrisme  en  France,  t  FcUer,  en- 
ait  Cilé. 


•7S  QUE 

Tement  toutes  les  Yolontéset  toutes  les  aelions  de  rbonimê:  IV 
mour  céleste,  qui  estU  charité  proprement  dite ,  laquelle  nppoiii 
tout  à  Dieu ,  et  que  Dieu  récompense;  et  Tamour  terrestre,  qaVMi 
nomme  cupidité  vicieuse ,  qui  rapporte  tout  à  la  créature  ooiuse 
à  la  fin  dernière ,  et  ne  produit  par  conséquent  que  du  nal.  Fcbl 
de  milieu  »  ni  quant  à  Thabitude ,  ni  quant  à  Tacte,  entre  ces  éemi 
amours. 

Le  deuxième  :  depuis  la  chute  de  notre  premier  père ,  notre 
volonté  est  entraînée  nécessairement  et  d'une  manière  inviaeiMe, 
quoique  sans  violence,  au  bien  ou  au  mal,  par  le  plaisir  indâi- 
béré  qui  domine,  c'est-à-dire  qui  se  trouve,  dans  la  circon- 
stance ,  supérieur  en  degré  au  plaisir  opposé  :  en  sorte  que  bms 
faisons  nécessairement  le  bien  quand  le  plaisir  céleste  est  en  ikmu 
le  plus  fort;  le  mal,  quand  la  concupiscence  y  demeure  supé- 
rieure en  degré  au  plaisir  céleste.  Si  ces  deux  plaisirs ,  auxqueb 
on  donne  aussi  le  nom  de  délectation ,  se  font  également  sentir, 
c'est-è-dire  s'ils  sont  égaux  en  degré,  notre  volonté  demeure  alors 
dans  une  sorte  de  torpeur  ou  équilibre ,  ne  pouvant  se  déterminer 
ni  au  bien ,  ni  au  mal  ^. 

Enfin ,  le  troisième  principe  capital  est  que  FÉglise  a  Tautorité 
de  prononcer  des  excommunications  pour  Texercer  par  les  premiers 
pasteurs,  maisdti  coMcntement  au  moins  prémmé  de  tout  le  corps  *. 

^  Quesnd  répète  souvent  ce  principe  dans  ses  mémoires  et  ses  apo- 
logies, ne  cessant  d'y  redire  d'après  Jansénius,  et  dans  le  même  sens 
que  cet  évèque,  ce  proverbe  de  saint  Augustin  :  Quod  enim  ampUàs 
nos  détectai^  secundùm  id  operemur  ncccsst  est ,  que  ces  deux  nova- 
teurs n'entendaient  pas.  En  effet,  le  saint  docteur  y  parle  d'une  déleo- 
tatjon  délibérée^  qui  fait  que  l'on  suit  le  choix  que  l'on  a  fait  délibé- 
rément, tandis  que  ce  choix  est  plus  agréable  que  le  parti  contraire  ; 
prise  dans  ce  sens,  cette  maxime  n'offre  rien  qui  étonne.  Au  reste,  si 
notre  auteur  n'avance  pas  en  toutes  lettres  son  deuxième  principe  « 
dans  ses  Réflexions  morales,  il  Ty  reconnaît  du  moins  par  les  consé- 
quences, ainsi  que  nous  le  verrons  bientôt . 

'  La  proposition  xc  est  ainsi  conçue  dans  les  Réflexions  morales  ; 
c  C'est  rÉglise  qui  en  a  l'autorité  (de l'excommunication),  pour  l'exercer 
■  par  les  premiers  pasteurs ,  du  consentement  au  moins  présumé  de 
B  tout  le  corps.  »  Voyez  le  U  i«%  saint  Matth.,  cbap  18,  v.  17,édit. 
de  1694.  Dans  Texemplaire  latin,  l'expression  parait  encore  plus  forte  : 
Ejjus  infligendi  aueioritas  in  Ecdesiâ  est,  pcr  primarios  pastores  de 
consensu  sallem  pi'trsumpto  corporis  totius, . 


QUE  37» 

TiU  enipruiilâ  les  deui  premiers  de  Baïua  et  de  Jan- 
sûnius;  il  puîsa  le  U-ui&ième  dans  Edmond  Iticher, 

i.  De  SDO  premier  ptiucipe  capital ,  tjuesnul  tire  les  conclnsiona 
suivantes  : 

1>  Que<  lagrAce  d'Adam  eaïune  suite  de  la  créaiion  ,  et  était 
due  II  la  nature  saine  Bl  eniiËre;  •  qu'  <  die  ne  produisait  que  dei 
nériles  humains ■  «et  que*  Dieu n'atDige  jamais  des  inuocens;  ■ 
mais  que  •  les  alQictioDS  servent  toujours ,  ou  ï  punir  le  pf  dié, 
ou  à  purilier  le  péclieur  '.  ■  ]i  suit  de  lï  que  l'élévulion  du  pre- 
mier Lomme  1  la  vue  intuitive,  les  moyens  pour  arriver  ï  celte 
Un  sdidîme  ,  c'est-à-dire  la  grâce ,  les  vertus ,  les  mérites,  et  que 
mtUne  l'eiemplloQ  delà  mortel  des  autres  maui  de  cette  vie,  d'ô- 
laieiU  pas  des  dons  gratuite  surajoutés  i  h  nature  humaine  en- 
core sans  péclié ,  ni  par  cousiSquent  des  grliccs  propremeiit  dîtes. 
Aiusi ,  l'état  de  pure  nature  et  celui  de  nature  entière  étaient  im- 
possibles ,  et  il  iaut  les  reléguer  parmi  les  cliimëres  qu'a  créée* 
l'icDaginalion  creuse  des  scolastîques  modernes.  Tels  Forent  les 
systèmes  de  Bahis ,  qui  rejetait  le  mot  grâce,  et  de  Jansénius  qui 
admettait  cette  expression ,  mais  dans  ud  sens  impropre ,  dans  te 
méiue  sens  oh  l'on  dit  que  la  vue ,  l'ouïe ,  etc. ,  sont  des  grâces. 
On  voit  aussi  ce  que  notre  novateur  pensait  de  l'immaculée  con- 
ception de  la  mtre  de  Dieu  :  Baîus  s'expliqua  clairement  sur  ce 
point;  Quesnel  se  contenta  d'ëtalilir  le  principe ,  mais  ses  parti-  | 
sans  surent  Irès-bien  en  tirer  la  conséquence. 

£*  A  l'égard  de  la  charité ,  '  c'est  elle  seule  qui  parle  ï  Diei 
c'est  elle  seule  que  Dieu  entend  -,  il  ne  couronne  et  ne  récompensa^ 
qu'elle,  parce  qu'elle  seule  honore  Dieu  et  fait  uUrëtieDnemeiit.i 
les  actions  chrétiennes  par  rapport  i  Dieu  et  t  Jésus-Christ.  (Jui*  , 
conque  donc  court  par  un  antre  mouvement  et  un  autre  motir» 
i:aui'l  en  vain,  Tout  manque  ù  un  pécheur  quand  l'espérance  lui 
manque;  >  mais  >  il  n'j  a  point  d'espérance  en  Dieu  oîi  il  n'y  a 
point  de  cbaHté.  >  De  lï  ,  •  il  n'y  a  ni  Dieu,  ni  religion  où  cetto  ' 
vertu  théologale  u'esl  pas,  •  et  •  dès  qu'elle  ne  règne  plus  dans  [ 
le  cmur,  il  est  nécessaire  que  la  cupidité  charnelle  y  règne  et  cor- 
rompe toutes  les  actions;  >  car  •  la  cupidité  ou  la  diarité  rendent»  , 
seules  •  l'usage  des  sens  bon  on  mauvais  •  :  aussi  •  l'ubéissanca  , 
à  la  loi  qui  ne  coule  pas  de  la  charité,  comme  de  sa  source 


*  Propoti  lions  » 


I,  condamnfiea  dans  la  bulle  l'iii 


380  QVE  , 

elle  qu*hypocrisie  ou  fausse  justice.  Sans  cette  belle  vertu  »  que 
peut-OD  être  autre  chose,  •  en  efTet,  <  que  ténèbres ,  qu^égare- 
ment  et  que  pécbé?  Nul  péchésansFaniour  de  nous-mêmes,  comme 
nulle  bonne  œuvre  sans  amour  de  Dieu  ;  »  mais  nul  amour  de 
Dieu  réel  sans  la  cbariié  proprement  dite  ;  «  et  c*esten  Tamqn*on 
crie  à  Dieu ,  »  mon  père ,  «  si  ce  n'est  point  Fesprit  de  charité 
qui  crie.  »  De  là  cette  consolante  doctrine  :  «  la  prière  des  im- 
pies ,  »  c'est-k-dire  de  tous  ceux  qui  n'ont  pas  la  charité  el  qui 
ne  prient  pas  par  le  motif  de  cette  vertu ,  «  est  un  nouveau  péché, 
et  ce  que  Dieu  leur  accorde ,  un  nouveau  jugement  sur  eux  *.  » 

*  Voyett  dans  la  bulle  Unigenitus,  les  propositions  xlv,  xlti,  xltiii 

XLVIII,  XLIX,  L,  Lni,  LIV,    LV,  LVI,  LVII,  LVIII,  LIX. 

Dans  une  espèce  d'instruction  envoyée  par  Port-Royal  aux  affidés , 
on  lit  ces  paroles  remarquables  :  a  Ils  diront  aux  indévots,  et  à  ceux 

•  qui  sont  dans  le  libertinage,  ou  qui  y  sont  portés...  que  ces  pratiqneB 

•  des  moines  et  ces  mortifications  sont  gênantes  et  ne  servent  de  rien  ; 

•  que  si  nous  sommes  en  grùce,  c'est  la  grâce  et  non  pas  les  œuvres 
B  qui  fait  le  mérile  (si  mérite  il  y  a),  et  si  nous  n'y  sommes,  les  bonnes 
B  ouvres  sont  non-seulement  inutiles,   mais  sont  autant  de  péchés 

•  mortels, 

bQuc  si  le  concile  de  Trente  témoigne  le  contraire,  il  n'est  pas  cano- 
B  nique,  et  n'était  composé  que  de  moines  violens,  ou  quelque  autre 
»  réponse.  » 

Cet  écrit  hérétique  Ait  trouvé  chez  un  curé  du  diocèse  de  Montpel- 
lier, grand  appelant,  initié  dans  tous  les  mystères,  et  très-zélé  pour  le 
parli.  Il  Pavait  copié  de  sa  propre  main  sous  ce  titre  :  Lettres  circu" 
laires  à  MM.  les  disciples  de  saint  Augustin,  Le  préambule  qui  ré- 
pondait au  titre  finissait  par  ces  mots  :  Vos  irés-humbles  et  tré9^ 
affectionnés  en  Jésus^Christ  ^  les  prêtres  de  Port-Royal  ^  disciples  de 
saint  Augustin,  Cette  misérable  produclion  ayant  élé  remise  entre  les 
mains  de  M.  de  Charancy,  évoque  de  Montpellier,  après  la  n:ort  de 
Donnery  (c'était  le  nom  du  curé  dont  il  s'agit),  le  prélat  en  fit  con- 
fronter l'écriture,  la  déposa  chez  un  notaire,  alin  que  les  curieux  en 
fissent  eux-mêmes  la  conTrontalion  avec  deux  pièces  authentiques,  et 
il  la  publia  ensuite  avec  un  mandement  exprès ,  daté  du  24  septembre 
1740  Qucsnel  avait  envoyé  un  écrit  tout  somblable,  à  ce  qu'il  parait, 
à  une  religieuse  du  diocèse  de  Rouen,  avec  une  lettre  datée  de  1699. 
Cette  religieuse  ayant  changé  de  sentiment,  elle  remit  cet  écrit  à  son 
archevêque,  M.  d'Aubigné,  en  1719.  De  là  il  passa  entre  les  mains 
du  régent,  qui  chargea  l'évêque  de  Sisteron  de  l'examiner.  Vo^z  le 
mandement  précité,  pag,  5  et  suiv.  ;  Lafîteau ,  liv,  5,  pag.  87,  tom.  S, 


En  consénuence ,  »  la  preiiiièrc  grlce  que  Dieu  accorde  au  pé- 
cheur c'est  le  pardon  de  ses  pécliés;  msis  hors  de  l'Ëglïse  point 
de  grlce  '-   •  Ainsi  ,  •  les  P;jTfns,  les  Juifs,  les   hérétiijues  et 

>  autres  semblables,  ne  reçoivent  nulle  influeoce  de  Jésus-Clirist: 

>  d'oit  vous  conclurez  fort  bien  que  leur  volonté  est  dénuée  da 

•  tout  secours  et  sans  nulle  grïce  suOisaole.  Il  j  a  plus,  celui 

•  qui  sert  Dieu,  même  en  vue  de  la  récompense  éternelle,  s'il  est 
n  destitué  de  la  charité  ,  il  n'est  pas  fiaas  péché  toutes  les  fois 

>  qu'il  agit,  même  en  Yue  de  la  béatitude  *.  " 

3°  Cependant  la  loi  est  quelque  chose  de  bon  quand  elle  opère 
par  ta  cbarilé,  sans  laquelle  ,  disent  d'autres,  elle  n'est  plus 
qu'une  foi  humaine^.  <>  Point  de  criées  que  par  elle,  >  dit  Ques- 
nel ,  -  elle  est  la  première  et  la  source  de  toutes  lea  autres.  Elle 
juslitie  >  même  <  quand  elle  opire  ;  mais  elle  n'op&re  >  réellement 

•  que  par  la  charité*.  >  Sans  cette  union,  ni  elle,  □'  ' 
ses  que  les  ortliodoies  appellent  iin-liu,  ne  tirent 
de  la  cupidité.  Aussi  ne  craïnt-on  pas  de  s'écrier  :  «  Quelle  bonté 
de  Dieu  d'avoir  ainsi  abrégé  la  voie  du  salut  en  renlermant  tout 
dans  la  Toi  et  dans  la  prière,  comme  dans  leur  germe  et  leur  se- 
mence; mais  ce  n'est  pas  une  fui  sans  amour  et  sans  confiance'  !  > 

i'  Quand  il  la  crainte  de  l'enfer,  •  elle  n'est  point  surnaturelle  * 
si  elle  seule  anime  le  repentir  ;  plus  ce  repentir  i>st  violent,  plus 
il  conduit  au  désespoir.  ■  D'ailleurs ,  •  elle  n'arrête  que  la  maïni 
et,  le  cœur  est  liiré  au  pécbé,  tant  que  l'amour  de  la  justice  (  la 

in-j'i  Dict.  des liiTCs  jansénistes,  lom.  1,  pag.  SBS;  ÉdiL  d'Anvcn, 
1732.  — Dans  son  testament  spirituel,  art.  \,  qu'on  tronve  â  11 
■Dite  de  sa  lie  imprimée  i  Lausanne,  Arnaud  prie  pour  la  conveisioa 
de  ceux  qui  ont  répandu  sur  le  compte  den  prêtres  de  Poit-Rojal 
celte  ItUre  eirculaire  qu'il  dit  être  pleine  de  fourbes,  iCtrreari  «I 
tChcréiiei.  Mais,  dans  le  même  tesrament,  art.  iv  et  ivii,  il  traite  Je 
Jansénbme  de  faïKâme  :  en  sorte  que  si ,  comme  on  ne  peut  guère  en 
douter,  la  circulaire  était  un  fantûmc  ii  la  manitrc  du  Jansénisme ,  ce 
Cmtâme  de  circulaire  était  bien  réel. 

*  Prop.  xxiiu,  Eiii. 

*  Décret  du  ^  décembre  1 1390,  par  lequel  Aleiandre  VIII  condamna 
Bnte-nne  propoii lions,  dont  nous  rcnons  de  rapporter  la  t'etlaxiii't 

'  Ibid.,  prop.  HT. 

*  Prop.  uni,  uvii.  11, 

*  Dtcret  précité,  prop.  \iv. 


38S  QUE 

charité  )  ne  le  conduit  poinu  >  Donc  »  <  qui  ne  s'abslieni  da  mal 
que  par  la  crainte  du  châtiment ,  le  commet  dans  son  cœur  ei  est 
d^jk  coupable  devant  Dieu.  »  De  Ik  <  vient  qu'un  baptisé  «i  en- 
core sous  la  loi ,  »  comme  un  Jaif,  <  s'il  n'accomplit  poÎRiU  loi  « 
ou  s'il  l'accomplit  par  la  seule  crainte.  »  En  effet ,  c  sous  la  aa- 
lédiction  de  la  loi  on  ne  feit  Jamais  le  bien ,  parce  qa*oii  pèehe, 
ou  en  faisant  le  mal ,  ou  en  ne  l'évitant  que  par  la  crûnte  ;  «aiuti, 
«  Moïse  et  les  prophètes,  les  prêtres  et  les  docteurs  de  U  loi  loni 
morts  sans  donner  d'enfans  à  Dieu ,  n'ayant  (ait  que  des  eadavtet 
par  la  crainte.  »  Donc,  «  qui  vent  approcher  de  Dieu»  ne  dml  ni 
Tenir  à  lui  avec  des  passions  brutales ,  ni  se  conduire  par  wbl  iw§^ 
tinct  naturel  ou  par  la  crainte ,  comme  les  bétes,  mais  par  la  foi 
et  par  l'amour  comme  les  enfans.  La  crainte  servile  ne  se  repré- 
sente Dieu  que  comme  un  matUre  dur,  impérieux ,  injuste ,  intrai- 
table * .  »  «  L'attriUon  qui  est  conçue  par  la  crainte  de  Teaier  el 
»  des  peines,  sans  amour  de  Dieu  pour  lui-même ,  n'est  pea  ui  boa 
»  mouvement ,  ni  un  mouvement  surnaturel  *.  > 

5*  Quesnel  suit  parfaitement  son  principe ,  quand  il  nous  parle 
de  l'Église.  U  l'appelle  le  <  Christ  entier,  qui  a  pour  chef  le  Yeii^e 
incarné  et  pour  membres  tous  les  saints.  »  Elle  est  «  l'assemblée 
des  enfans  de  Dieu ,  demeurant  dans  son  sein ,  adoptés  en  Jésus- 
Christ ,  subsistant  en  sa  personne ,  rachetés  de  son  ^ang ,  Tivaol 
de  son  esprit,  agissant  par  sa  grâce  et  attendant  la  paix  du  siècle 
à  venir.  Son  unité  est  admirable  :  c'est  un  seul  homme  composé 
de  plusieurs  membres  dont  Jésus-Christ  est  la  tête ,  la  vie,  la  sub- 
sistance et  la  personne.. .  Un  seul  Christ,  composé  de  plusieurs 
saints,  dont  il  est  le  sacrificateur.  »  Toutes  les  grâces  se  trouvent,  et 
uniquement^  dans  l'Église  ;  mais  les  pécheurs  en  sont  exclus  :  elle 
est  donc  invisible ,  et  les  évêques ,  les  prêtres ,  les  antres  ecclé- 
siastiques n*en  sont  les  ministres  véritables  que  tandis  qu'Os  sont 
eux-mêmes  des  saints.  Les  Jansénistes  n'admettent  pas  cette  der- 
nière conséquence  dans  toute  son  étendue  ;  mais  elle  n'en  suit  pas 
moins  des  principes  de  notre  dogmatiste.  Aussi ,  «  qui  ne  mène 
pas  une  vie  digne  d'un  enfant  de  Dieu  ou  d'un  membre  de  Jésus- 
Christ,  cesse  d* avoir  intérieurement  Dieu  pour  père  et  Jésus-Christ 
pour  chef.  Le  peuple  juif  était  la  figure  du  peuple  élu  dont  Jésus- 
Christ  est  le  chef.  »  L'excommunication  la  plus  terrible  est  de 

*  Prop.  Lx,  Lxi,  ixn,  lxiii,  lxiv,  ixv,  lxvi,  lxvu. 

*  Décret  d'Alexandre  VIII,  prop.  xv. 


I 


k'étr«  poinl  do  ce  pmp\u  ex.  de  n'avoir  point  de  pan  &  Jésus- 
Christ.  ■  On  l'en  relrincbe  aua&i  bien  en  ne  vivant  pis  selon  l'Ë- 
vapgile  qu'en  ne  croyant  pat  selon  l'Ëvangilc  '.  • 

Cependaui,  tout  iumibl«  qu'elle  esi ,  t  l'E^lige  •  est  néanmoins 
•  calbolique,  comprenant ,  el  tous  les  angi?«  du  oiel  ei  tous  les  tha, 
et  ks  justes  de  II  terre  el  de  tous  les  aièdes.  Rien  »  même  >  <le 
si  spacieux .  puisque  tous  les  élus  et  les  justes  de  tous  les  siËcles 
l>  uuinpoBenI,  ■  Ceci  nous  Tait  comprendre  que  ,  •  c'est  une  cun- 
duilc  pleine  de  sagesse ,  de  lumière  el  de  charité ,  de  donner  aux 
â:na)  le  lemps  de  |>orier  arec  humilité  et  de  sentir  l'état  du  péché; 
de  demander  l'esprit  de  pénitence  el  de  cootrîtioD ,  et  de  com- 
mencer au  moins  i  salisraire  ï  la  juslice  de  Dieu  arant  que  de  les 
réconcilier  ;  •  car,  •  on  ne  sait  ce  que  c'est  que  le  péché  el  !■  vraio 
pénitence,  quind  on  tcuI  être  rélabli  d'abord  dans  la  possca- 
sion  des  biens  dont  le  péché  nous  a  dépouillés  et  qn'on  ne  vent 
point  porter  la  confiisioD  de  cette  sépiralion  ;  >  de  manière  que 
le  quaioniènie  degré  de  la  conversion  du  pécheur  est  qu'étant 
réconcilié,  il  a  droit  d'assister  au  sacrifice  de  l'Église  *.  • 

fi*  (juaud  on  a  perdu  l'amour  de  Dieu,  il  ne  reste  plus  duns  le 
pécheur  que  •  le  pécbé  et  ses  funeBies  suites,  une  orgiieilli 
pauvreté  el  une  indigence  paresseuse,  c'esl-ï-dire  une  impuis- 
sance générale  nu  travail,  i  la  priëre  et  !l  tout  bien  :  il  n'est  plus 
libre  que  pour  le  mal  ;  sa  volonté  n'a  de  lumière  que  pour  s'éga- 
rer,  d'ardeur  que  pour  se  précipiter,  de  force  que  pour  se  blesser  f 
capable  de  tout  mal,  impuissante  h  tout  bien  :  il  n'aime  iju'h  sa 
condamnation.  Toute  connaissance  de  Dieu,  même 
raémedans  les  philosophes  païens,  ne  produit  qu'orgueil,  que  va- 
nité, qu'opposition  ï  Dieu  même,  au  lieu  des  seniimeos  d'adora- 
tion, de  recounnissance  et  d'amour  :  le  pécheur  n'est  rîea  qa'jm- 
pareté,  rien  qu'indignité  >,  jusqu'à  ce  qu'il  soit  guéri  par  lagrOce 
de  Jésua-CLrist '. 

T*  Enfin,  il  est  aisé  de  conclure  du  premier  principe  de  Ques- 
nel  et  des  conséquences  qu'on  a  vu  qu'il  en  déduisait  que  les  ver- 
tusdes  philosophas  étaient  des  vices  ;  que  les  (ouvres  des  infidèles, 
des  hérétiques  et  des  schismatiques  sont  des  péchés;  qu'il  faut 
en  dire  de  même  des  actions  des  iidëles  et  des  justes  faites  sans 


*  Prop,  LUItl,  HMI,  IWV,  WlTtl,  1 

>  Trop.  LMiI,  tuti,  I.1XKVII,  nwvi 

*  Prop.  I,  uxviii,  tnn,  xi,  xit,  « 


384  QUE 

rinflaence  de  la  charilé  actuelle;  et  que  c*est  on  de?mr  ûidi8|iea- 
sable  de  rapporter  tout  k  Dieu  par  le  motif  de  cette  verta,  la  seule 
qui  puisse  être  décorée  du  nom  de  vertu. 

II.  Nous  avons  démiOatré  dans  un  autre  article  que  les  etsq  pro- 
positions de  Jansénius  ont  une  liaison  intime  avec  le  priodpe  de 
la  délectation  relativement  victorieuse,  et  qu'elles  déconleoi  de  là 
comme  de  leur  source  naturelle  *•  Quesnel  admettant  le  même 
principe  capital,  ainsi  que  nous  Tavons  dit,  il  était  nécessaire  qo*il 
en  déduisit  aussi  les  mêmes  conséquences,  et  que  toute  sa  doctrine 
sur  la  grâce  de  Tétat  actuel  tendit  à  renouveler  k  cet  égard  les  héré- 
sies de  Jansénius.  Voilà  pourquoi  il  anéantit  dans  Thomme  pécheur, 
dans  rinfidèle  et  quiconque  n*a  pas  la  grâce,  toute  liberté  dans 
Tordre  moral,  toute  force  naturelle  pour  opérer  quelque  bieo  que 
ce  soit  dans  le  même  ordre,  et  jusqu*aux  lumières  de  la  loi  natu- 
relle, comme  on  vient  de  le  voir,  exagérant  k  outrance  U  nécessité 
de  la  gr&ce  et  voulant  que  sans  elle  on  ne  puisse  rien  faire  qui 
soit  digne  de  louange.  G*est  dans  la  même  vue  qu'il  exige  la  grâce 
efficace  pour  pouvoir  opérer  toute  bonne  action,  quoiqu'il  ne  mé- 
connaisse pas  la  petite  grâce  jansénienne  qui  ne  met  en  nous  que 
des  velléités,  des  désirs,  des  efforts  impuissans,  bien  différente  de 
la  grâce  suffisante  proprement  dite  qu'il  rejette.  Le  même  dessein 
l'engage  â  dogmatiser  encore  qu'on  ne  résiste  jamais  à  la  grâce 
intérieure  ;  qu'on  ne  peut  même  y  résister  ;  qu'elle  fait  tout  en 
nous;  qu'elle  n'est  pas  donnée  h  tous;  que  Dieu  ne  veut  sincère- 
ment le  salut  que  des  élus,  et  que  Jésus-Christ  n'a  offert  sa  mort 
pour  le  salut  éternel  que  des  seuls  prédestinés.  Au  reste,  pour 
bien  comprendre  tout  ce  système,  il  faut  se  rappeler  ici  que  la  dé- 
lectation céleste  n'est  autre  chose  que  le  secours  que  Dieu  nous 
donne  pour  faire  le  bien,  ou  la  grâce  intérieure  *  ;  que  cette  grâce 
est  elle-même  l'amour  de  Dieu  (c'est-â-dire  la  charité),  ou  l'inspi- 
ration de  cet  amour  '• 

*■  Voyez  l'arlicle  JiNsiiiius. 

>  Delectatio  viclrix,  qus  Aug^usUno'esf  e/pcax  adjutarium,  relatlva 
est  :  tune  enim  est  victrix,  quando  alteram  superat  :  quôd  si  contingat 
alteram  ardentiorem  esse,  in  solis  inefficacibus  desîderiis  heereblt  ani- 
mus,  nec  efficaciter  unquam  volet  quod  volendum  est.  Jans.  in  Aug., 
].  8,  De  grat.  Christ.,  c.  2. 

*  «  La  grûce  créée  n'élant  autre  chose  que  Tamour  de  Dieu,  il  s'en- 
•  suit  que  la  force  de  cette  grûce  consiste  dans  la  force  et  l'ardeur  du 
f  saint  amour  qui  nous  fait  proférer  Dieu  ù  tous  les  objets  de  nos  pas* 


p 


QUE  38S 

Venons  au  ilL>lai]. 

l'SeloD  noire  coTaieur,  d'aprËs  JnnEéDius,  son  mulire,  il  o'y 
point  de  grice  suflJEanie  propremeni  dite  '  ;  iiiaig  U  grice  inlé- 
ricure,  néceasaîre  pourpouvuir  opérer  quelque  bien  ,  est  toujours 
eCticace ,  ei  od  ne  peut  sans  elle  faire  aucune  bonne 
d'oU  il  suit  que  lesJusLeE  qui  lombent ,  malgré  les  efforts  qu'ils 
fani  pour  obscrrer  les commapdemens  divins,  n'oni  que  la  petite 
grâce  qui  ne  leur  suMt  pas  dans  la  circonstance,  et  que  ces  eonimin- 
denitns  sacrés  leur  sont  impossibles,  parcequ'ils  n'ont  pus  la  grllce 
qui  les  leur  renilraiL  possibles  :  première  propasiiionde  Jansénius*. 

"  La  grice  de  Jésus-Clirist,  principe  fffleace  de  toute  lorle  de 

•  bien,  rit  aécenaire  pimr  toute  bonne  action  ttgraiiàt  a\i^&^\e,  h- 

•  cile  ou  difficile  ,  pour  la  commencer,  la  cootinuer  ei  l'acheter, 

■  Sam  elle  non-teulementonnefailTiett.maiton  ne  peut  rienfaire. 

■  Quand  Dieu  n'amollit  pas  le  ca:ur  par  l'onction  intérieure  de  ta 

•  grâce,  les  exhortations  et  lesgrices  extérieures  ne  terveal  qu'à 

•  l'adoucir  davantage  Envaiovuuscommandei(Seigneur),  si  voua 

■  ne  donucz  vous-même  ceque  TOUS  commandez.  Crdcewmvrainr, 

>  uns  laquelle  on  ne  peut  jamais  conresser  Jésus-Christ ,  et  avec 

•  laquelle  on  ne  te  renie  jamaii.  La  grîce  est  donc  cette  voii  du 

>  Père,  qui  enseigne  intérieurement  les  hommes  et  les  fait  venir 

•  i.  Jésus-Christ.  Quiconque  ne  vient  pas  1  lui ,  après  avoir  en- 

>  tendu  la  voix  extérieure  du  Fils  (dans  la  lecture  de  l'Évangile, 

•  dans  les prëdicatious  chrétiennes  ,  etc.),  n' et f  point  enuignt 

•  parle  Pire.  La  semence  de  la  parole  que  la  main  de  Dieu  arrose 

•  porté  loujoaiÊ  un  (ruit,  La  grâce  de  Dieu  n'est  autre  chose  que 

•  ta  volenUloule-pHittante  :  c'est  l'idée  que  Dieu  nous  en  donne 

>  lui-même  dans  toutes  ses  Écritures.  La  vraie  idée  de  la  grâce  est 

>  que  Dieu  veut  quenousluî  obéissions,  «fiJenloM  ;  il  commande, 

>  eitoul  xefait;  il  parle  en  mntlTe,  et  ttml  ni  laamit.  Dieu  éclaire 

>  l'ilme  et  la  guérit  aussi  bien  que  le  corps,  par  ea  tente  iioUmii  ,* 

>  il  commande,  et  il  ett  obfi  ^.  > 

I  lions.  I  Inslil,  et  instmcL  clirélicone,  dédiée  &  la  reine  des  Deiix- 
Sidlra,  IV*  part,,  Delà  grlcG,  secl.  1**,  rhap.  ],  S  H.  Ce  livre,  qu'on 
appelle  vultcaircmenl  Catéchisme  de  Naples ,  est  infecté  de  Jansénisme, 
CI  est  Irte-dangereui,  Voyes  aussi  Montagne,  L  3,  pag.  113. 

<  [lincclarel,  car  Auguslinus  omnem  omnindgTBtiam  pure  sulBcieiw  1 

taur<-rir,  etc.,  I.  i.  De  gral,  chriit,,  c.  10. 
Yoyti  l'article  JiHiini us. 


880  QUE 

2"  G*esi  la  grâce  qui  opère  en  nous,  et  sans  nous,  tontle  bien* 

<  Oui,  Seigneur,  tout  est  possible  à  celui  à  qui  tous  rendei  tout 
»  possible,  en  le  faisant  en  lui.  Nous  n*appartenons  à  la  nouvelle 
9  alliance  qu'autant  que  nous  avons  part  à  cette  nouvelle  grêoe, 
»  qui  opère  en  nauê  ce  que  Dieu  commande.  Quand  Dieu  accompa- 
>  gne  son  commandement  et  sa  parole  extérieure  de  ronction  de 
»  son  Ksprît,  et  delà  force  intérieure  de  sa  grâce,  elle  opère  dëm 
»  le  cœur  Vobéinance qu'elle  demande  *•  »  On  peut  donc  dire  arec 
Quesnel,  ou  avec  un  de  ses  fidèles  disciples ,  que  «  la  grâce  n^est 
»  autre  chose  que  le  consentement  de  la  volonté ,  en  tant  qu*il 
»  vient  de  Dieu  qui  Topère  dans  la  volonté  *.  »  Et  les  prêtres  de 
Port-Royal  n'ont  pas  extravagué  quand  ils  ont  avancé  ,  dans 
leur  Lettre  circulaire  aux  disciples  de  saint  Augustin,  <  que  le  plus 
9  criminel  orgueil  est  de  croire  que  nous  ayons  aucune  part  smx 
»  actions  de  piété  que  Dieu  fait  en  nous,  et  que  nous  puissiom  amr 
»  aucun  mérite.  Que  la  plus  grande  gloire  et  la  plus  grande  Terta 
»  de  rhomme  est  de  se  tenir  tellement  dépendant  de  la  grâce 
»  qu'elle  fasse  tout  en  nous  et  sans  nous...;  qu'il  n'y  a  point  de  grâce 
»  qui  ne  soit  efficace  et  victorieuse  ;  qu'elle  est  efficace  sans  ov- 
»  cune  coopération  de  notre  part  ;  que  quand  on  a  reçu  une  fois 
»  cette  grâce ,  c'est  une  marque  de  prédcstinatiou  et  un  grand 
»  sujet  de  joie ,  etc.  »  Quesnel  était  dans  les  mêmes  principes , 
puisqu'il  avait  adopté  cette  instruction  ou  lettre  circulaire,  et  que 
d'ailleurs  il  anéantit  assez  clairement  en  nous  la  coopération  â  la 
grâce  et  les  mérites.  C'est  ce  qu'il  inculque  dans  un  grand  nom- 
bre de  ses  propositions  ,  où  il  prêche  la  grâce  qui  fait  tout ,  la 
grâce  nécessitante,  et  encore  dans  celle-ci  :  «  La  foi,  l'usage,  l'ac- 
»  croissement  et  la  récompense  de  la  foi,  tout  est  un  don  de  votre 
»  pure  libéralité  '. 

Donc ,  dans  l'état  présent,  qui  est  Vétat  de  nature  tombée,  on  ne 
résiste  jamais  à  la  grâce  intérieure  ;  II*  proposition  de  Jansénius. 

3«  Quesnel  va  nous  enseigner  encore  ce  dogme  jansénien  très- 
expressément. 

«  Quelque  éloigné  que  soit  du  salut  un  pécheur  obstiné,  quand 

*  Prop.  IV,  VIII,  XV. 

'  Défense  des  théologiens...  contre  l'ordonnance  de  M.  Tévêqne  de 
Chartres,  etc.  Quelques  auteurs  attribuent  ce  libelle  à  Quesnel ,  d'au* 
très  à  Fouilloux,  son  élève. 

■  Prop,  Ï.X1X. 


QLK  3»?  1 

Jùsus-Clmsl  se  (ail  Vùirïlui  parla  lumière  salutaire  Jeu  grJcfl^  t 
{  il  faut  qu'il  se  reiiili! ,  qu'il  accoure ,  qu'il  s'humilie ,  cl  qu*3 
adore  son  Sauveur.  Il  ii'j  a  poinl  de  charmes  qui  oe  cèdeat  k 
ceux  lie  la  gtite,  parée  qjieritajieréthle  au  ToHt-Puisiant  ',• 
i"  Au  reste,  docile  ï  cet  avisde  la  lellre  circulaire  :  •  Quoiqu  j 
■  la  grlceimpose  ï la voIonltSun^nA^ctiiM d'agir  afUécidenU,i\a9   I 
1  faut  pas  nÊamuoins  se  servir  jamais  du  nom  de  nécessité,  disaql  1 
p  que  la  grSce  nécessite  laTulonté.  Au  lieu  de  ces  termes  (il  faut  | 
jl  dire) ,  que  la  grflce  ticlorîeuse  emporte  doucement  la  volonti  * 
unteantrainle  et  lani  violence;  >  noire ei-orntoriea  s'abstient 
ligDeusement  de  lâcher  le  terme  fatal  ;  mais  il  ne  laisse  [ 

le  sens  ,  dogmatisaot  assez  ourcrlement  qu'on  ne  peui  pu    i 
lister  k  la  grSce  iniérieure.  ' 

La  compassion  do  Dieu  »ur  nos  péchés,  c'est  son  amour  poui 
le  pécheur  j  cet  amour,  U  source  de  la  grice;  celte  grâce,  uiteopé- 
raiion  de  ta  main  loHle-puUsanteàe  Dieu  que  rien  ne  peut  ni 
j  cher  ni  relarder.  La  grice  de  Jésus-Cbrisi  est  uae  grïce 
If  fine,  comnie  créée  pour  être  digne  du  Fils  de  Dieu,  farie,  piii^ 
^  unte,  tattvfraine,  \iuiittc\ble  ;  comme  étant  l'opération  de  la  t^ 
loulé  loule-pu Usante  ,  une  suite  et  uiie  im'ttalUin  de  topérattu 
»de  Dieu  incarnant  et  reuascilant  tanFili.  L'accord  de  l'opà 
jl  tionlouie-puissaote  de  Gitm  dani  It  cœur  de  l'homme ,  avec  le 
bre  conieaUmeui  de  na  volonté,  uous  esl  montré  d'abord  dt 
l'ineanaUon,  comme  dans  la  source  et  le  modèle  de  toute*  la 
autre»  opérationt  de  miséricorde  et  de  grice,  lautet  auui  ; raiii*- 
te»  et  autti  dépendanUt  de  Dieu  que  cette  opération  originale. 
Dieu  ,   dans  la  foi  d'Abraham ,  ù  laquelle  l&i  promesses  étaient 
attachées,  noiu  a  donné  lui-mime  l'idée  qu'il  veut  que  naut  atout 
de  l'opération  loule-puiisaïUe  de  m  0rdc«dans  nos  cœurs,  m  la 
figurantpar  celle  qui  tire  Ifâ  créaturet  du  néant  et  qui  douue  lé 
vie  aux  moTii.  L'idée  juste  qu'a  le  cenlenier  de  la  toule-pui^  J 
tance  de  Dieu  et  de  Jésus^hrist  sur  les  corps  ,  pour  les  guérir  J 
par  le  ifui  fHouremeiil  de  ta  voloi>té,e*t  l'imase  de  celle  qu'ai 
.acoir  de  la  toule-puissatue  de  la  grâce,  pour  guérir  fft  dwfKfsl 
la  cupidité  *,  • 

l.  Or,  puisque  Dieu  Tout  que  nousajons  la  mène  idée  de  l'opéra- 
"w  loute-pttiuante  de  ta  grâce  dam  uot  caurt,  que  de  l'opératitt 

'  Prop.  iiv,  xm. 

>  Prugi.  1,  w,  iiii,  uiil,  tliv. 


888  QUE 

gvi  tire  les  créature»  du  néant ,  et  qui  reauêcite  les  morts ,  conuM 
ni  les  créatures  ni  les  morts  ne  peuvent  résister  à  cette  dernière 
opération,  il  s'ensuit  que  non-seulement  nous  ne  poaTons  pis  ré- 
sister k  la  grâce  intérieure ,  mais  encore  que  Dieu  lui-mèma 
ordonne  de  croire  qu'il  nous  est  impossible  d'y  résister  :  en 
séquence,  celui  qui  croit  que  la  volonté  de  l'homme  peui  résister  m 
oMr  à  la  grâce  intérieure  prévenante  ,  nécessaire  pour  chaque  9o- 
tien  en  particulier^  même  pour  le  commencement  de  la  foi  ^  erre  Té* 
ritablement  dans  la  foi,  est  un  semi-Pélagien  ,  est  hérétique;  tf 
proposition  condamnée  dans  Jansénius.  Quesnel  appuie  celte  héré* 
sie ,  dans  sa  xix*  proposition ,  où  il  dit  :  que  «  la  grâce  de  IKes 
»  n'est  autre  chose  que  sa  volonté  toute-puissante,  (à  laquelle  par 
»  conséquent  il  n'est  pas  possible  de  résister  ;  et  que)  c'est  l'idée 
»  que  Dieu  nous  en  donne  lui-même  dans  toutes  ses  Ëcritures.  » 

Ajoutons  encore  que  la  volonté  de  l'homme  est  nécessitée  par 
la  grâce  sans  laquelle  on  ne  peut  rien  faire ,  ainsi  que  par  laconcn- 
piscence  ,  en  l'absence  de  cette  même  grâce ,  et  conséquemment 
que,  pour  mériter  et  démériter  dans  l'état  de  nature  tombée ,  H  n'est 
pas  nécessaire  que  l'homme  ait  une  liberté  exempte  de  nécessité; 
mais  il  suffit  qu'il  ait  une  liberté  exempte  de  coaction  ou  de  con» 
trainte;  m*  proposition  extraite  de  VÀugustinus  de  l'évéque  d'Y* 
près.  En  effet,  selon  Quesnel,  l'homme  qui  n'a  plus  la  grâce,  sans 
laquelle  on  ne  peut  rien ,  n'est  libre  que  pour  le  mal,  ne  fait  que  le 
mal,  et  il  le  fait  nécessairement  ;  tout  ceci  est  assez  clairement 
exprimé  dans  ce  que  nous  avons  vu  jusqu'ici  de  la  doctrine  de  ce 
novateur  :  cependant  il  pèche ,  puisqu'on  lui  donne  le  nom  de  pé- 
cheur ;  il  démérite  donc,  quoique  nécessité.  D'un  autre  côté, 
l'homme  sous  l'empire  de  la  grâce,  nécessaire  pour  toute  bonne  ac^ 
tion,  ne  peut  pas  résistera  cette  grâce,  ainsi  qu'on  vient  de  le  voir 
avec  beaucoup  d'étendue  ;  il  suit  de  là  qu'il  opère  le  bien  néces- 
sairement ;  qu'il  y  est  donc  aussi  nécessité  :  il  mérite  néanmoins , 
puisqu'il  sera  récompensé  dans  la  vie  future ,  s'il  meurt  dans  la 
grâce:  donc  pour  mériter  et  démériter,  etc. 

5'  Il  y  a  plus  ,  «  c'est  une  différence  essentielle  de  la  grâce 
9  d'Adam ,  et  de  l'état  d'innocence  d'avec  la  grâce  chrétienne , 
9  que  chacun  aurait  reçu  la  première  en  sa  propre  personne  ;  au 
»  lieu  qu'on  ne  reçoit  celle-ci  qu'en  la  personne  de  Jésus-Christ 
»  ressuscité^  â  qui  nous  sommes  unis.  La  grâce  d'Adam,  le  sancti- 
•  fiant  en  lui-même ,  lui  était  proportionnée  (car  il  pou- 
»  vait  y  résister  )  :  la  grâce  chrétienne,  nous  sanctifiant  en  Je" 


QUK  38ft 

■  uu-CtirM  ,  est  toiile-puissaiile  el  iligoe  du  Fils  de  Dieu  '.  a 
Ouire  son  dogme  Tavurï  de  la  grâce  nécessîUiiie  ,  QucsucI  ne 

semble-t-il  poinl  insinuer  ici  l'impulabilité  âet  mérite»  de  J/tuf- 
Chritif  En  eiïel,  celte  hérésie  calvinienne  s'usocîe  Irès-bien  atec 
le  système  jaosénïen,  tel  quereoseigne  aoVtt  auteur.  Car,  puisque 
U  grlco  fail  tout  et  qu'on  tic  peut  y  résister,  il  s'ensuit  au  Tond , 
comme  leditla  circulaire,  que  c'est  la  grâce  qui  opère  tout  [e  mé- 
rite ;  que  nous  n'en  avons  nous-mêmes  aucun  ,  et  que,  puisqu'il 
eu  Taul  pour  être  sauvé ,  ce  sont  donc  ceux  de  Jésus-Cbrist  seuls 
qui  nous  lanetilieDl ,  et  que  conséquemmeni  ils  nous  sont  pure- 
ment imputés.  CequeQuesnel  dit  de  l'unité  de  l'Ëglise;  •  C'est... 

•  un  seul  homme  composëde  plusieurs  membres  dont  Jésus-Christ 

I  est  la  léie,  la  vie,  U  mbtUiante  et  ta  perêonite. . .  un  seul  Christ , 

•  composé  de  plusieurs  saints  dont  il  est  le  aanctiflcaleur,  •  pa- 

•  nltcoolirmer  cette  idée. 

6"  Uais  voici  du  bien  eiiraordinaire  :  i  LepreraïercRet  de  la 

•  grâce   (du  baptême)  est  de  nous   f^iire   mourir  au  péché  ;  eu 

■  sorte  que  l'esprit,  le  casur,  let  tent  n'aient  non  plut  de  vie  panr 

•  le  pfctte  qm  (eux  d'un  mort  pour  let  choiet  du  niOHds  *.  >  Vorlt 
une  inamissibilité  de  la  justice  conférée  par  le  baptême ,  que  CaU 
vinn'auraitsansdoutepas  dés.iTouée.  Cependant  elle  n'est  qu'une 
conséquence  du  système  ;  car  puisqu'on  ue  peut  résister  i  la  grice 
iiiiérieure,  comme  on  l'a  vu  ci-dessusi  tandis  que  celte  gr3ce  do- 
mine ou  opère  en  nous,  elle  doit  donc  nous  rendre  morts  au  péché, 
3us)i  nécessairement  que  la  mort  naturelle  rend  un  cadavre  mort  | 
aux  choses  du  monde.  C'est  pour  cela  que  les  Port- Royalistes 
flnncnt  qu'elle  est  un^ntar^utf  de  pr/dcilination  d.ins  ceux  qui  Tanf 
■Me  fait  reçue. 

7*  Quanti  la  distribution  des  grkeg,  Jansénius  .ivaitosé  dire: 

■  H  est  clair  que  l'ancien  Teslamenl  était  comme  une  grande  Co< 

■  nédie  '.  •  QuesncI  renouvelle  ce  blasphème,  non  eu  propres 
termes,  mais  d'une  manière  non  moins  ÏDJurieute  II  ia  sagMse,  Il 

II  bonté  eti  Injustice  de  Dieu,  puisqu'il  ne  craint  pas  de  s'écrier, 
M  l'adreisaut  au  Tout-Puissaoi  lui-même:  >■  (,>uelle  difTéri'uce, 

'  L.  3,  De  pal.,  c  6.  Il  enseigne,  dons  le  chap.  S  dumfine  livre, 
que  I  11  grAce  était  capilalemeut  contraire  il  la  Du  de  la  loi  et  i  riii< 

■  tentiou  de  Dieu.  > 


rfb 


890  QUE 

9  6  mon  Dieu ,  entre  l'alliance  judaïque  el  Talliance  durélieDBa  ! 
»  Uune  et  Taulre  a  pour  condition  le  renoncement  au  péché  et 
»  Taccomplissementde  votre  loi  :  mais  là  voustexigezân  p^ktwr^ 
»  enle  laissant  dans  son  impuissance  ;  ici  vous  lui  donnes  ce  que 
9  vous  lui  commandez ,  en  le  purifiant  par  votre  grâce...»  Qoel 
avantage  y  a-t-il  pour  Thomme  dans  une  alliance  ak  Dieu  le  laisu 
»  à  sa  propre  faiblesse  en  lui  imposant  la  loi?  Mais  quel  bonliear 
»  n*y  a-t-il  point  d^entrer  dans  une  alliance  où  Dieu  nous  donne  ee 
»  qu*il  demande  de  nous  ^  ?  »  Dieu  commandait  doncTimpossible 
à  son  peuple  choisi ,  et  il  le  punissait  même  dans  rétemité ,  pour 
n^avoir  pas  fait  ce  que  ce  peuple  n'avait  pas  eu  le  pouvoir  de  faire. 
A  plus  forte  raison  Dieu  en  agissait-il  avec  la  même  rigueur  en- 
vers les  hommes  qui  vivaient  dans  Vétal  de  nature  :  excepté  néan- 
moins, soit  sous  la  loi,  soit  sousTétat  de  nature,  un  petit  nombre 
de  patriarches  et  de  justes  privilégiés,  mais  bien  rares»  et  aux- 
quels on  pourrait  appliquer,  si  nous  osons  le  dire,  ce  vers  d*nn 
ancien  :  Apparent  rari  nantes  in  gurgUe  vaste,  La  raison  de  cette 
conduite  est ,  selon  les  Jansénistes  assemblés  dans  le  prétendu 
concile  de  Pistoie,  qu'ayant  promis  le  Messie ,  d'abord  après  la 
chute  d'Adam  pour  consoler  le  genre  humain  par  l'espérance  du 
salut  que  Jésus-Christ  apporterait  un  jour  sur  la  terre.  Dieu  avait 
néanmoins  voulu  que  l'homme  passât,  avant  la  plénitude  des  temps, 
par  différens  états  :  et  l*"  par  l'état  de  nature ,  où  abandimné  ù 
lui-même^  il  apprit^  par  ses  propres  lumières,  à  se  défier  de  so» 
aveugle  raison  et  de  ses  écarts,  à  désirer  le  secours  d'une  lumière 
supérieure  :  2*'  par  la  loi,  laquelle,  si  elle  n'a  pas  guéri  son  cœur, 
a  fait  en  sorte  qu'il  connût  ses  maux  et  que  convaincu^  sans  grâce, 
de  sa  profonde  faiblesse,  il  désirât  la  grâce  du  Médiateur  *.  On  a 
vu  déjà  que  Quesnel  enseigne  ailleurs  que  la  foi  est  la  première 
grâce  et  la  source  de  toutes  les  autres;  qu'il  n'y  en  a  que  par 
elle,  point  hors  de  l'Église,  et  que  TÉgllse  n'étant  composée  que 
des  élus  et  des  justes,  il  n'y  a  des  grâces  que  pour  ce  petit  trou- 
peau chéri.  Si  cette  conclusion  parait  forte,  elle  n'en  découle  pas 
moins  du  système  de  notre  novateur  sur  la  définition  de  l'Église 
et  de  plusieurs  de  ses  propositions  très-clairement  exprimées. 

*  Prop.  VI,  VII. 

3  Bulle,  Auctorcm  fidei,  de  condiu  bom.  in  statu  natune...  sub  legc. 
Il  n*cst  pas  nécessaire  d'observer  qu'il  y  a  là  des  propositions  qui  favo- 
risent le  semi-Pélogianisme,  ainsi  que  Ta  jugé  Pie  YI,  dans  cette  bulle. 


■I' 


QUE  SOI 

8°  Eiiiia  Quesnel  noua  apprend  que  Dieu  ne  veul  k  sului  qua 

de  ceux  qu'il  sauve  en  eSel  pur  le  secours  de  sa  ijrAce  irr^iisll- 

ble,  el  ilreaoutctleloutsrhéréiiede  U  v'  propos i lion cond. 

dana  Janséntug,    eu  afQrmanl  que  Jésus^trist  n'esl  mort  pour 

le  aalut  éternel  que  des  seuh  prédesiim^s. 

•  Quand  Dieu  veut  sauver  rime,  ta  (ouf  Umpt,  eu  féal  litit, 

•  Cindubilable  «fftt  luil  le  imuloir  d'un  Dieu.  Quand  Dieu  veul  sau- 

■  ver  une  Ime  el  qu'il  la  touche  de  ta  miiu  inlÉrieure  de  sa 

■  grfti:B  ,  nulle  volonté  humaine  ne  fui  rdi'Me.  Tous  ceux  que  Dieu 
t  veul  sauver  pur  Jésus-Cbriat  le  tant  iafaitliùtemeni.  Les  soubaiu 

•  de  Jésus  ont  toujouri  \tur  e.ffei  :  il  porte  la  paix  jusqu'au  lood 

•  des  cœurs ,  qaand  il  la  leur  ddsire.  Àsaujéiissenient  volonlaire , 
>  médicinal  el  divin  de  Jésus'CLrisl..,.  de  se  livrer  1  la  mort , 

•  aflttdit  dtftitireT pour jamait , par loniang  ,  taainéi,  e'ttl-à-4ire 
les  ilu*,  de  la  main  de  l'ange  exterminateur.  Combien  faul'il 

•  tvuir  renoncé  aux  choses  de  la  terre  et  i  soi-même  pour  avoir 
'h  cooGance  de  s'approprier,  pour  ainsi  dire,  iésus-Clirist,son 

mort  el  let  mytUret ,  comme  Ttit  saint  Paul  en  disant: 

n  m'a  aln^  et  t'est  livripour  mn  '  I  ■  Ces  propositions  n'ont 
pas  besoin  de  comuieotaire. 

m.  Le  trobiëme  principe  c^ipital  de  Quesnel  renferme  tout  le 
Ricliérîsme,  concernant  la  puissance  spirituelle  de  l'Ëglise.  En  ef-' 
fet,  si  l'autorité  requise  pour  l'excommunication  aji|iartlent  aa 
corps  entier  dans  cette  sociëlé  sainte,  et  que  les  premiers  pasteur* 
ne  puissent  on  user  que  du  contenl^nient  au  MViiil  ytiiumt  ie  teili 
ce  coTpi,  c'est  évidemment  parce  que  toute  l'autorité  pour  gou~ 
verner  réside  ioimédisiemenl  dans  ce  même  corps  :  d'uti  il  suit . 
1'  que  le  sourcrain  pontife  et  les  évéques  n'en  sont,  k  cet  égard, 
que  les  envoyés;  2°  que  le  premier  n'est  que  le  cbeT niiiisfifriirl 
de  l'Église,  et  que  les  seconds  u'cd  sont  de  même  que  les  pas- 
teurs minittérlfli;  3*  que  ce  qu'ils  fuut  sous  ces  rapports ,  soil 
eu  matière  de  ducuine ,  soîl  en  lait  do  législstiDO ,  soit  k  l'égard 
des  censures ,  n'est  valide  qu'auunt  que  le  corps  entier  de  l'Ë- 
glise  est  censé  le  (aire  par  eux ,  ou  du  mains  qu'autant  qu'il  j 
consent  librement  ou  est  présumé  j  consentir  de  celte  manière. 

Or,  selon  eux,  les  Jansénistes  appariienneni  au  corps  de  1'^ 
glise  ;  ils  en  sont  mi^me  la  portion  principale  el  ta  plus  saine.  On 

inrralt  dire  da  [Jus  qu'Ùs  In  forment  exclusivement  tout  en- 

r  I  Prop.  tu,  \m,  va,  sut,  uni,  xxuii. 


392  QUE 

tière,  puisqu^eax  seuls  enseignent  la  pare  doctrine ,  en  sont  ki 
défenseurs ,  et  que  tous  ceux  qui  ne  pensent  pas  comme  en  ne 
sont  que  des  Pélagiens  et  des  semi-Pélagiens ,  ainsi  qae  les  carM- 
térise  la  lettre  circulaire. 

D*oii  il  suit  que  tout  ce  que  les  souverains  pontifes  ont  fait 
contre  les  Jansénistes  ,  par  leurs  bulles ,  leurs  brefs  »  leurs  cen- 
sures y  et  les  évèques ,  par  lenrs  adhésions  aux  jugemens  dn  saint- 
Siège,  par  leurs  mandemens  et  leurs  excommunications,  ont  été 
jusqu*ici  des  entreprises  injustes,  nulles,  des  persécutions  atroces, 
des  dominations  inspirées  par  une  ambition  démesurée ,  par  on 
fantôme  de  puissance,  etc.,  etc. 

Passons  aux  conséquences  que  notre  dogmatiste  tire  de  cet 
abtme  d*erreurs. 

1**  Quant  k  la  doctrine  : 

Les  fidèles  étant  tous  juges  de  la  foi ,  ils  peuvent  donc,  ilsdoi- 
Tent  même  aller  la  puiser  jusque  dans  les  sources,  par  consé- 
quent dans  rÉcriture  sainte.  Donc ,  <  il  est  utile  et  nécessaire  en 
»  tout  temps ,  en  tous  lieux  et  à  toutes  sortes  de  personnes ,  d*en 

*  étudier  et  d'en  connaître  Tesprit ,  la  piéié  et  les  mystères.  (  La 
»  lecture  des  Livres  sacrés;,  entre  les  mains  même  d'un  bomme 
»  d'affaires  et  de  finances,  marque  qu'elle  est  pour  tout  le  monde. 
»  L'obscurité  sainte  de  la  parole  de  Dieu  n'est  pas  aux  laïcs  uoe 
»  raison  pour  se  dispenser  de  la  lire  ;  »  parce  que ,  comme  juges 
en  matière  de  doctrine  et  conduits  par  la  grâce ,  ils  doivent  comp- 
ter sur  l'assistance  céleste.  «  Le  dimanche,  qui  a  succédé  au  sab- 
»  bat ,  doit  être  sanctifié  par  des  lectures  de  piété  et  surtout  des 
»  saintes  Écritures.  C'est  le  lait  du  chrétien ,  et  que  Dieu  même , 
»  qui  connaît  son  œuvre ,  lui  a  donné.  Il  est  dangereux  de  l'en 
9  vouloir  sevrer.  C'est  une  illusion  de  s'imaginer  que  la  connais- 
»  sance  des  mystères  de  la  religion  ne  doive  pas  être  communiquée 
ji  à  ce  sexe  par  la  lecture  des  Livres  saints ,  après  cet  exemple  de 
»  la  confiance  avec  laquelle  Jésus  se  manifeste  à  cette  femme  (la 
»  Samaritaine).  Ce  n'est  pas  de  la  simplicité  des  femmes,  mais  de 
»  la  science  orgueilleuse  des  hommes ,  qu'est  venu  l'abus  des 
»  Écritures  et  que  sont  nées  les  hérésies  ^  C'est  la  fermer  aux 

*■  c  Les  femmes  et  les  filles  sont  fort  propres  à  recevoir  et  même  à 
f  donner  créance  à  cette  doctrine  (  à  la  doctrine  hérétique  des  Jansé- 
f  nlstes).  C'est  pourquoi  MM.  les  disciples  s'iusinucroul  aupr6s  d'elles 

•  par  telle  sorte  de  voie  et  surtout  par  une  dévotion  extraordinaire, 


yUK  303 

I-  clirélîens  (  U  bouche  ili'  Ji'SUsClirisI)  que  de  leur  arraclier 
'  des  mains  ce  livre  siîai,  ou  de  le  leur  lenir  fermé  en  leur 

■  6UDl  Je  mojen  de  l'entendre,  Ed  ioierdire  la  lecture  aux  chré~ 

•  tiens ,    c'est  interdire   l'usage  de    la   lumière  aux   enfans  de 

■  lumière  et  leur   Taire  souSrir  tine  espËce  d'eicommunica- 

>  lion  (en  les  privant  de  leur  digaiié  essentielle  de  jitges  de 

>  la  foi).  Lui  ravir  (au  simple  peuple)  celle  consulation  d'unir 

•  sa  Toii  ï  celle  de  toute  l'Éijli'e,  c'est  un  usage  contraire ï  I* 

•  pratique  apostolique  et  au  dess^ein  de  Dieu  ;  •  parce  que  le 
simple  fidèle  est  prêtre,  qu'il  consacre  i  la  messe  :  d'ab  il  but 
conclure,  et  de  quelques  autres  documcns  sur  la  péniteure,  etc., 
que  le  sacrement  de  l'ordre  ne  donne  pas  de  pouvoirs  spi^iaux , 
DU  que  du  moins  ces  pouvoirs  ne  sont  pas  attachés  exclusÎTement 
k  l'Ordre,  lequel  ne  fait ,  en  quelque  sorte,  que  désigner  ceux 
qui  doivent  présider  aux  assemblt^ss  cbréliennes  ,  ceux  qui  sent 
députés  pour  certaines  fonelious  ' . 

2*  Touchant  la  prédication  acliielle ,  l'ignorance  et  la  vieillesse 
del'Ëglise: 

•  Les  vérités  sont  devenues  comme  une  langue  étrangère  ï  la 
t  plupart  des  cbréiîens ,  et  la  manière  de  les  prêcher  est  comme 

■  un  langage  inconnu ,  tant  elle  est  éloignée  de  la  simpliciiâ  de* 

•  apôtres  et  au-dessus  de  la  portée  des  fidèles.  Et  on  ne  fait  | 

■  réflexion  que  ce  déchet  est  une  des  marques  les  plus  sensibles    1 
m»  àt  11  vieillesse  de  l'Église  et  de  la  colère  de  Dieu  sur  ses  i 
M  Ans  *.  > 

3'  Il  ne  faut  pas  craindre  une  excommunication  injuste,  mait  j 
T>  supporter  avec  patience ,  espérant  d'en  être  guéri  d'fn  bnut. 
Avis  aui  Janséoïsles  ,  qui  en  prirent  aussi  acte  pour  marcher  sur 
les  censures  au  moyen  des  appels  aux  parlemens  et  au  futur 
concile. 

■  parce  qu'elles  aiment  le  cliongemcut  e\  la  lanïtè,  cl  sont  fort  cnpnbln 

■  d'attirer  pluiieura  personnes  à  leur»  scntîmens.  >  Lcllle  circulaire. 
Conduite  i  tenir  artrUttimpIa.  Si  Arnaud  cl  un  ou  deux  autres  Jonsè- 
nUlesoiit  protesté  contre  l'aulbenlldlé  de  cet  borrible  écrit,  c'est  qu'il 
y  est  dit  que  *  si  par  malbeur  les  susdites  instrucliong  tombaient  entre 

■  les  moins  ennemies,  tous  les  disciples  te  dèsa  loueront  débouche,  ou 

•  mèroe  parécHi,  s'il  «t  expédient,  pour  le  bien  de  celle  union.  • 
Ibîd.,  pour  leur  cooduile  particulière. 

-  Prop.  xtv. 


B94  QUE 

«  La  crainte  même  d'une  excommunication  injuste  ne  nous  doit 
»  jamais  empêcher  de  faire  notre  devoir....  On  oe  sort  jamab  â« 
»  TÉglise ,  lors  même  qu*il  semble  qu'on  en  soit  bamû  par  la 
»  méchanceté  des  hommes,  quand  on  est  attaché  à  Dieu  »  àîéswr 
»  Christ  et  à  TÉglise  même  par  la  charité.  C'est  imiter  aeiat  Faol 
»  que  de  souffrir  en  paix  l'excommunication  et  rtnathème  in? 
»  juste  plutôt  que  de  trahir  la  vérité  (  jansénienne),  loin  de  s'é- 
>  lever  contre  l'autorité  ou  de  rompre  l'unité.  Jésos  guérit  qnd- 
»  quefois  les  blessures  que  la  précipitation  dei  première  petUwn 
»  fait  sans  son  ordre;  il  rétablit  ce  qu'ils  retranchent  par  nn  lèb 
»  inconsidéré*.  » 

4*"  Sur  la  persécution  qu'éprouvent  les  Jansénistes  de  le  paît 
de  l'Église  et  de  la  puissance  temporelle. 

«  Rien  ne  donne  une  plus  mauvaise  opinion  de  l'Église  à  tes 
»  ennemis  que  d'y  voir  dominer  sur  la  foi  de*  fdèUê  et  if  eMtretù' 
9  nir  des  divisions  pour  des  choses  qui  ne  blessent  m  la  faim  ks 
»  mosurs,  (  Mais  )  Dieu  permet  que  toiUes  les  puUsastcei  soient 
»  contraires  aux  prédicateurs  de  la  vérité ,  afin  que  sa  victoire  ne 
»  puisse  être  attribuée  qu'à  sa  grâce.  Il  n'arrive  que  trop  sou- 
»  vent  que  les  membres  le  plus  saintement  et  le  plus  étroitement  wiii 
»  à  f  Église  sont  regardés  et  traités  comme  indignes  d'y  être ,  ou 
9  comm§  en  étant  déjà  séparés.  Mais  le  juste  vit  de  la  foi  de  Dieu 
9  et  non  pas  de  l'opinion  des  hommes.  Celui  (l'état)  d'être  perse- 
9  cuté  et  de  souffrir  comme  un  hérétique,  un  méchant,  un 
»  impie,  est  ordinairement  la  dernière  épreuve  et  la  plus  méri- 
9  toire,  comme  celle  qui  donne  plus  de  conformité  à  Jésus  Christ. 
»  L'entêtement,  la  prévention,  l'obstination  à  ne  vouloir  ni  rie» 
9  examiner,  ni  reconnaître  qu'on  s'est  trompé,  changent  tous  les 
»  jours  en  odeur  de  mort,  à  l'égard  de  bien  des  gens,  ce  que 
»  Dieu  a  mis  dans  son  Église  pour  y  être  une  odeur  de  vie,  comme 
»  les  bons  livres,  les  inslruclions,  les  saints  exemples,  etc.  (des 
9  Quesnelli^tes).  Temps  déplorable  où  on  croit  honorer  Dieu  ei 
9  persécuUnt  la  vérité  et  ses  disciples.  Ce  temps  est  venu...  Être 
9  regardé  et  traité  par  ceux  qui  en  sont  les  pasteurs  (de  la  rdi- 

*  Prop.  xci,  xcii,  xcin.  Saint  Pîe  V,  Grégoire  XIII,  Urbain  VIII, 
Innocent  X,  Alexandre  VII,  Clément  XI,  papes  ;  de  Préciplano,  arche- 
vêque de  Ma'ines,  et  presque  tous  les  autres  éîêques  en  communion 
avec  le  saint  Siège,  étaient  ces  pasteurs  inconsidérés  ^  etc.,  dont  parie 
Ici  le  modeste  et  respectueux  sectaire. 


■  gimi]  comme  un  impie,  indigne  de  tout  inimmcrce  avec  Dii.>u, 
»  comme  on  membre  pourri,  c.ipaWe  de  tout  toirompre  ilans  la 

■  socii^lt:  des  saints;  c'est  pour  les  persoiines  pieuses  une  mort 

•  plus  terrible  que  celle  du  corps.  En  vain  on  se  Datte  de  la  pu- 

>  reté  de  ses  intentions  el  d'un  zèle  de  relîgïoo,  en  poursuivant 

•  dei  gtntiebien  i  feuelïsaog,  si  on  est,  ou  aveuglé  par  sa  pro- 

>  pre  passion,  on  emporté  par  celle  des  autres,  faule  de  uoiilpir 

•  bien  examiner  >  (par  l'esprit  privé  de  Luiber  ;  car,  après  les  dé- 
cisions de  l'Ëglise,  par  quel  esprit  peut-on  examiner  la  doctrine, 
dans  le  dessein  de  fouler  aux  pieds  ses  définitions  dogmatiques, 
ai  ce  n'est  par  l'esprit  que  précbuil  l'hérésiarque  allemand?],' Oa 

>  croit  souvent  sscrïiier  à  Dieu  un  impie,  et  oa  sacrifie  au  diable 

•  un  sertiteur  de  Dieu  <.  > 

0'  Uaxiuie  admirable  sur  les  sermens  que  l'Ëglise  a  souvent  exi- 
gés pour  s'assurer  de  la  foi  de  ses  ministres,  et  en  particulier  sur 
le  serment  prescrit  parle  Toraïuiaire  d'Aleiandre  VU, 

<  Rien  u'cst  plus  contraire  ï  l'esprit  de  Dieu  et  li  In  doctrine 

>  de  Jësus-Chrisl  que  de  rendre  communs  les  sermens  dans  l'Ë- 

■  glise,  parce  que  c'est  multiplier  les  occasions  des  parjures, 

■  dresser  des  pièges  uix  faibles  et  aux  ignorans  et  faire  quelque- 
'  (oisserTirlcnomei  lavéritèdeUieuaui  desseins  des  méchana*. 

6°  Enfin  voici  uneautre  maxime  très-commode  !i  l'égard  des  dis- 
penses de  toute  sorte  de  lois  divines,  qu'on  peut  se  donuer  d'au- 
torité privée. 

•  L'homtue  peut  se  dispenser  pour  sa  consenatioD  d'une  loî 

>  que  Dieu  a  faite  pour  son  utilité  \  >  En  eltét,  puisque  tout 

>  fidèle  participe  immédiatement  et  euentîeliement  A  la  puissanca 
spirituelle  et  qu'il  a  droit  de  juger  eu  matière  de  doctrine,  pour- 
quoi ne  lerait-ît  pus  aussi  docteur  compétent  pour  interpréter  la 
loi  de  Dieu,  et  s'en  dispenser  lui-même  dans  un  cas  aussi  urgent 
que  celui  dont  il  s'agît,  daas  l'espérance  que  Jésus-Christ  le  dis- 
pense lui-mâme?  Quesnel  en  agit  de  la  sorte  i  l'égard  d'une  loi 
de  l'Eglise  très-importante.  Comme  an  l'accusait  de  s'être  lait  ua 
oratoire  dans  sa  demeure  et  d'j  avoir  célébré  la  sainte  messe  de 
sa  propre  autorité,  il  répondit  qu'il  crevait  que  Noire-Seigneur 
Jéiug-Chritt  Vatatl  ditpenté  immédialrmait  et  par  lui-même  de  l'ob- 


•  Prop.  Il 
'  Prop.  cj 


I,  !tcvii,  Il 


896  QUE 

iirvance  de  celle  loi  par  la  nécesHlé  oU  il  élaU  de  eamêerver  m  fie 

et  sa  liberté^. 

Exposé  succina  des  vérités  opposées  aux  erreurs  condamnées  dtas 

les  Réflexions  morales. 

I.  Le  principe  des  deux  amours  exclusifs,  si  somrtDl  ptoserit 
par  le  saint  Siège  avec  Tapplaudissement  de  toute  rfiglite,  est 
£aux  en  lui-même,  absurde  dans  les  conséquences  qui  en  décou- 
lent, et  il  ouvre  la  porte  à  une  foule  d*erreur8  criantes. 

Nous  disons /"aux  en  lui  même,  parce  qu*il  j  a  en  effet  des  affec- 
tions intermédiaires,  lesquelles,  sans  justifier  rbomme  ni  le  hin 
mériter  pour  le  ciel  par  elles  seules,  ne  le  rendent  néanmoins  pat 
coupable  et  ne  se  rattachent  par  les  motifs  qui  j  président  ou  par 
rimpulsion  qu'elles  reçoivent,  ni  à  la  charité,  ou  amour  avriMte- 
rel  de  Dieu  pour  lui-même,  ni  à  la  cupidité,  ou  amour  déré§lé  do 
la  créature.  Tels  sont,  dans  Tordre  surnaturel,  Tamour  dicté  par 
Tespérance  chrétienne  et  la  reconnaissance  envers  Dieu  pour  les 
grâces  reçues  de  sa  miséricorde,  vertus  qui  découlent  de  la  cha- 
rité proprement  dite,  sans  toutefois  l'exclure,  et  qui  peuvent  se  ren- 
contrer dans  un  fidèle  privé  de  la  grâce  sanctifiante,  encore  sans 
amour  de  bienveillance  pour  Dieu.  Tel  est,  dans  Tordre  moral, 
ce  penchant  invincible  pour  le  bonheur,  inséré  par  la  Providence 
divine  dans  notre  cœur,  lequel  porte  Thomme  à  des  recherches, 
à  des  démarches,  à  des  mesures  que  la  droite  raison  ne  désap- 
prouve pas  toujours  ;  même  à  Tamour  du  bien,  à  Testime  de  la 
vertu,  à  la  pratique  de  quelques  devoirs.  La  loi  naturelle  inspire 
à  un  époux  de  la  tendresse  pour  son  épouse,  à  un  père  de  Taffec- 
tion  pour  son  enfant,  à  celui-ci  un  juste  retour  pour  Tauteur  de 
ses  jours,  à  Thomme  de  Tamour  pour  son  semblable  et  mille  autres 
sentimcns  bons  et  louables  en  eux-mêmes  dont  cependant  la  cha- 
rité n'est  pas  toujours  et  souvent  ne  saurait  être  la  cause  ou  le 
mobile,  puisque  cette  vertu  suppose  la  foi  que  n'ont  pas  tous  ceux 
qui  sont  susceptibles  de  se  conduire  d'après  ces  sentimens  hon- 
nêtes. «  L'image  de  Dieu  n'est  pas  tellement  dégradée  dans  Tâme 
»  de  Thomme  par  la  souillure  des  passions  terrestres,  dit  saint 
V  Augustin,  qu'on  n'y  en  reconnaisse  plus  comme  les  derniers 
»  traits  :  d'oii  Ton  peut  conclure  que,  dans  Timpiélé  même  de  sa 

*  Enlrct.  du  docteur,  au  sujet  des  âOaires  présentes  par  rapport  à  la 
religion,  t,  3,  p.  221, 


.uqu-il 


QUI-: 

'  >ie,  riiORimc  observe  cnCDm  en  i|uelqties  poin 
c  pense  quelquefois  bien  '.  >  Le  m^inc  père  avoue  qu'il  y  " 
amour  humain  licite  et  un  autre  qui  ne  l'esl  pas  ;  il  ilii  que  le  pre- 
mier est  tellement  permis  que  ,  si  on  ne  l'a  pas,  on  est  juste- 
ment  repris  *.  '  Il  n'est  personne,  selon  saint  JérAme,  qui  n'ait  en 
1  soi  les  germes  de  la  sagesse,  de  la  justice  et  dea  autres  lerioa 
.  (morales).  Delà  rient  que  plusieurs,  sans  le  secours  de  la  foi  et 

>  de  rËvangile  de  Jésus-Christ,  se  comportent  sagement  et  sani 

>  reproclie  en  quelques  points...,  ayant  au  fond  île  leur  cœur  les 

>  principes  des  vertus  '■  >  Le  saint  docteur  de  la  grice  tient  1  peu 
près  le  même  langage  sur  le  m#ine  sujet  *,  et  saiol  CLrynostome 
n'enseigue  pas  une  autre  doctrine  ^  Le  principe  des  deui  amours 
excltisifs  est  donc  (anx  en  lui-aUme. 

Il  est  encore  abiurde  daailei eonêéquencenqui  en  dAsialenl.  Car, 
si  toutes  les  volontés  et  toutes  les  actions  de  l'homme  qui  u'iSma- 
nenl  pas  de  la  charité  strictcrocnt  dite  ou  de  l'impolsion  de  cette 
tertu  procèdent  nécessairement  de  la  cupidité  vicieuse,  il  «'ensuit 
que  tout  homme  qui  n'a  pas  l'amour  surnaiurel  de  Dieu  pour  lui- 
mâme,  ou  qui  n'agit  pas  sous  l'influence  de  cet  amour,  pîche  né- 
cessairement dans  tout  ce  qu'il  fait, quoi  qu'il  fasse  et  quelque  soit 
le  rooiif  qui  le  porte  !t  agir.  Si  donc  un  infidèle  vole  au  secours  de 
sou  prochain  prêt  ï  périr,  parce  qu'il  voit  en  lui  son  semblable,  il 
pèche  ;  si  la  compassion  l'engage  à  donner  du  pain  &  celui 
faim,  i  revêtir  celui  qui  est  nu,  t  réchauffer  celui  qui  mei 
froid,  ï  fournir  des  remèdes  à  celui  qui  manque  de  toute  ressource  | 
dans  la  maladie,  il  pèche  encore  :  s'il  modire  son  emportement, 

<  Verumlamen  quin  non  usquè  ndeâ  in  animA  humanï  Imngo  Dei 
Icrrenarum  affecluum  labe  detrila  est,  ut  nuila  in  ea  telul  liiieamenla 
etlrema  remanseriut,  uodè  merilit  dicî  possit  ctiam  in  ip«a  impiciate 
vitzsux  facerestlqua  legis  Tel sapere.  De  splril.  et  litl-,  c.  >8. 

)  Serm  SiH,  c  4  et  S.  Ed.  Miur. 

'  Perspicuum  est...  ncc  qucmquam  non  halierc  in  ic  scmina  snplen* 
lis  cl  juiiiliz ,  Tcliquarumque  tirlutum  :  undè  mulii  abH|ne  Qde  et 
F-Tangelio  Chrisli,  vel  rapleutcr  Taciunt  aliqu»,  ici  tauctè...  babentet 
in  seprindpia  lirlulum.  In  cap.  ),epul.  adGnIai. 

'  Llb.  I,  De  peccal.  meril.  et  rcmiss.,  c.  S3,  n°  31. 

'  ludidit  Déni  nalurx  uostra-  quemdam  amorem ,  nt  aller  atlerum 
diliKamuc  Invicem  ;  omnc  cnim  animal  dilieit  «ui  simile,  et  borna  suum 
I.  Vides  quM  ad  virluU'm  scmina  habemus  a  nnlurt.  Hom. 
t.  ad  Epbes. 

Il,  34 


;J08  QIK 

aiin  de  ii'oiïenscr  personne  dans  le  délire  de  la  colère  ;  s'il  s'abs- 
tient de  tout  excès  à  table  par  aoiour  de  la  tempérance  ;  s'il  dé- 
tourne  les  yeux  de  dessus  un  objet  séduisant,  ulio  de  ne  point 
s'exposer  à  manquer  à  la  fidélité  qu  il  doit  à  son  épouse,  ilpèckede 
même  :  s'il  est  fils  soumis,  époux  tendre,  ami  bon  et  préreyiaDi, 
plein  d*amour  pour  sa  patrie,  zélé  pour  le  bien  public»  etc.,  ces 
vertus  sont  pour  lui  des  vices,  et  tous  les  actes  qu'il  en  Hait  tout 
autant  de  péchés.  Cependant  si  cet  infidèle  n'agissait  pas  ainsi,  ou 
s'il  faisait  tout  le  contraire,  il  pécherait  très-certainemenL  D'où 
il  faut  conclure  :  l^"  qu'il  pèche  nécessairement  dans  toutes  ses  - 
volontés  et  ses  actions;  2«  que  Tinûdélilé  négative,  si  elle  a  lien 
chez  lui,  loin  de  Texcuser  du  défaut  de  charilé,  est  efle-mème  on 
péché  damnable,  assez  volontaire  dans  le  péché  originel  dojQielle 
est  la  suite,  péché  qu'Adam  a  commis  avec  une  pleine  connaissance 
et  une  entière  liberté;  3**  que  lu  loi  naturelle,  qui  commande  le 
bien  sans  obliger  de  le  faire  par  l'influence  de  la  charité,  vertu 
qui  n'est  pas  de  sa  compétence,  est  mauvaise  et  ne  peut  venir  que 
de  la  cupidité  ou  que  du  mauvais  Principe  ;  4**  que  Dieu  n'a  mis 
ce  malheureux  dans  riuûdélité  et  ne  l'y  luisse  sans  secours  surna- 
turel (puisque  hors  de  Tt^glise  point  de  gnkcs,  dit  Quesnel)  que 
pour  le  perdre  à  jamais.  La  plume  loinbe  des  mains  à  la  vue  de 
tant  d'absurdités,  de  blasphèmes,  d'erreurs  et  d'hérésies. 

Nous  disons  d^erreurs  et  dliéréiics^  auxquelles  le  principe  des 
deux  amours  exclusifs  ouvre  une  large  porte.  Car,  outre  ce  qu'on 
vient  de  voir,  puisqu'il  n'y  a  qu'un  amour  légitime  et  que  tout  le 
bien  que  nous  faisons  ne  peut  venir  que  de  15,  il  n'y  a  non  plus, 
à  parler  très-strictement,  qu'une  seule  vertu,  et  tout  ce  que  l'Écri- 
ture et  la  tradition  nous  recommandent  comme  tel,  s'il  n'est  in- 
fiuencé  par  la  charité,  seul  amour  légitime,  est  vicieux  et  ne  vîeut 
que  de  la  cupidité.  Ainsi  il  faut  rejeter  l'ancien  Testament,  qui 
exhorte  les  païens  à  faire  du  bien  ;  le  nouveau,  qui  prescrit  d'au- 
tres vertus  que  la  charité  ;  les  conciles,  qui  parlent  comme  l'Écri- 
ture ;  les  Pères,  qui  n'en  sont  que  les  interprètes  ;  tous  les  doc- 
leurs  orthodoxes  ,  dont  le  langage  se  rapproche  trop  du 
Pélagianisme  et  du  Semi-Pélagianisme.  11  faut  croire  aussi  que 
les  dispositions  par  lesquelles  l'infidèle  arrive  à  la  connaissance  et 
à  l'amour  surnaturel  du  souverain  bien,  les  démarches  que  fait 
le  pécheur  pour  en  venir  aimer  à  Dieu  pour  lui-môme,  les  prières,  les 
macérations,  les  aumônes  auxquelles  il  s'adonne  avant  que  d'avoir 
tachante,  sont  toutes  autant  de  juVIiés,  nicmc  morlels;  si  l'on  on 


yiK 


:i9iï 


crml  lariffulaire  dfj'j  laiit  ilcTiiis  ciiée.  Abrégeons:  ai  le  (irind[ie 
que  nous  einminona  esl  vrai,  tp  Jaasénlstne  IVsl  aussi  àam  Ha 
plit^  grande  pariie  ;  ei,  dans  cette  bjpollièse  révolunte,  l'abbâ  rlo 
Saiut-Cynm  esl  demeuré  au-dessous  delà  vérité  quand  lia  dîiqno 
l'Église  n'était  plus,  depuis  cinq  an  six  enU  ont,  qu'une  adiilltrp, 
tl  qu'il  bllail  en  bllir  une  autre,  suivant  b  nWélalion  qu'il  en 
avait  reçue  de  Dieu  :  il  eût  dû  dire  que  jamais  elle  n'avait  été.  0 
poriettlum  ad  aWma*  terras  deporlaadum  ! 

Le  principe  des  deui  amours  eiclusirs  est  donc  ftuï  eu  lui- 
juéme,  absurde  dans  les  conséquences  qui  en  déconlent,  et  il  ou- 
vre la  porte  â  une  foule  d'erreurs  criantes;  par  couséquenl  tout 
le  sjsténie  jansénien,  quant  ï  ce  qui  se  trouve  fondé  sur  ce  prin- 
cipe détestable,  [tombe  et  n'a  plus  d'appui.  Concluons  de  Ih  qu'il 
r^ut  reconnaître,  soit  dans  l'ordre  surnaturel,  soil  dans  l'ordre 
naturel,  plus  d'an  amour  légitime. 

Quant  aux  conséquences  que  QuesncI  déduit  de  son  principe 
ruineux,  saus  entreprendre  de  le  ri!'ruier  ici,  ui  même  de  te  sui- 
vre dans  tous  ses  excès,  nous  y  apposerons  seulement  les  vérités 
suivantes  : 

1°  Touchant  l'état  d'innocence. 

Il  faut  reconbattre  qu'avant  sa  déplorable  ebute,  Adam  avait 
été  sanctifié  et  destiné  i  posséder  Dieu  dans  le  ciel,  orné  de  la 
foi,  de  l'espérence,  de  la  cliarilé,  aidé  de  la  grSce  avec  laquelle  il 
pouvait  persétéref,  et  avait  en  elTet  pereéviré  quelque  temps; 
qn'il  avait  été  élibli  maître  des  mouvemcns  de  son  cœur,  doué  de  ^ 
l'immortalilé,  exemple  des  misères  de  cette  vie  ;  mais  par  un  effet 
de  la  HbéraliU^  de  Dieu  qui  ne  lui  devait  ces  dons  admirables,  t 
comme  appartenant  II  l'essence  de  la  nnture  humaine,  ai  comrne 
en  étant  le  eomplémeot  nécessaire,  ni  comme  une  suite  de  la  créa- 
tion, ni  comme  exigés  de  la  justice,  de  la  sagesse,  de  la  bonté  du 
Créateur. 

Ainsi  l'étui  dépura  nature,  que  la  plupart  des  théologiens  or- 
thodoxes admettent,  non  comme  ai/ant  réellement  exUté,  mais 
comme  potable,  ne  doit  pas  être  taxé  de  rêverie,  d'imagination 
ori'uae,  de  chimère  intolérable,  encore  moins  FétBl  de  nature  en- 
litre  qui  e(lt  eu  sur  celni-lï  quelque  avantage  pour  l'Iiomine. 

La  grfiec  d'Adam  était  surnaliiretle  dans  son  principe,  dans  sa 
nature,  dans  ses  fins  ;  les  mérites  qui  s'ensuivaient  étaient  dona 
de  même  espèce  et  non  point  des  mérites  humains,  c'esl-îi-dire  de« 
mérites  oalurels. 


400  QUE 

11  est  vrai  que,  supposé  son  élévation  à  la  béatitude,  tant  que  le 
premier  homme  fui  sans  péché,  il  était  de  la  sagesse  de  Dieu  de 
lui  donner  les  moyens  nécessaires  pour  pouvoir  arriver  à  cette  fin  su. 
blime;  et  Thomme^ne  s*en  étant  point  encore  rendu  indigoe  par  la 
désobéissance,  y  avait  une  sorte  de  droit,  mais  non  en  consé- 
quence de  sa  création,  ni  en  vertu  de  Texigence  de  sa  nature. 

L'homme  innocent  n'éprouvant  au  dedans  de  lui-même  aaciuie 
révolte,  il  lui  était  bien  plus  facile  de  persévérer  qu*à  Thomme 
déchu  et  justifié  de  nouveau,  puisque  celui-ci  est  en  butte  à  une 
concupiscence  malheureuse  qui  ne  cesse  de  combattre  en  lai  con- 
tre la  raison  ;  la  grâce  nécessaire  dans  le  premier  état  pouvait 
donc  être  moins  forte  que  celle  qui  est  requise  dans  le  second  ; 
mais,  dans  Tun  et  dans  l'autre,  le  mérite  pour  la  gloire  présuppose 
toujours  la  grâce  proprement  dite. 

La  sainte  Vierge  étant  née  d'Adam,  comme  le  reste  des  hom- 
mes, elle  devait  par-là  même  contracter  la  souillure  du  péché  ori- 
ginel, et  en  ressentir  les  suites  déplorables  comme  les  autres  en- 
fans  de  ce  père  prévaricateur  :  nous  convenons  néanmoins  qu'iZ 
est  pieux ,  conforme  au  culte  ecclésiastique,  à  la  foi  catholique^  à 
VÉcriture  et  à  la  raison,  de  croire  que  cette  auguste  mère  de 
Dieu  a  été  conçue  sans  péché,  quoique  nous  ne  regardions  pas 
l'immaculée  conception  comme  un  dogme  qui  ait  le  caractère  d'ar- 
ticle de  foi  dont  la  profession  soit  nécessaire  au  salut. 

«  La  mort  est  pénale  dans  les  plus  justes  :  elle  a  été  dans  la 
9  sainte  Vierge  la  dette  du  péché  qu'elle  aurait  contracté,  si  Dieu, 

>  par  un  privilège  spécial,  n'avait  suspendu  en  sa  faveur  la  mali- 

>  gne  influence  de  la  génération...  Les  afflictions  (qu'elle)  a  souf- 

>  fertes  n'ont  pas  été  la  peine  de  ses  péchés  actuels,  puisque  la 
»  foi  de  l'Église  nous  apprend  qu'elle  n'en  a  commis  aucun.  Dieu 
»  ?'^':ge  les  pécheurs;  mais  les  souffrances  ne  sont  pas  toujours 
•  de  sa  part  la  peine  des  péchés  actuels.  11  afflige  quelquefois  les 
»  justes  pour  manifester  sa  gloire^  perfectionner  leurs  vertus,  aug- 
9  menter  leurs  mérites.  > 

2*  Sur  la  charité. 

Elle  est  ou  habituelle  ou  actuelle, 

La  première  est  la  grâce  sanctifiante,  qui  rend  celui  qui  la  pos- 
sède ami  de  Dieu,  son  enfant  adoptif,  membre  vivant  de  Jésus- 
Christ,  son  cohéritier  pour  le  royaume  céleste.  La  foi,  l'es^xirancc 
et  la  charité  sont  constamment  les  compagnes  de  cette  grâce.  Elle 
est  nécessaire  pour  opérer  des  œuvres  dignes  des  récompenses 


■  UHF.  loi 

éLeruelle!!,  quuîqii'elle  ne  soit  p;i3  la  seule  condilîon  rC(|iiise  pour 
mériler  ainsi  jiar  les  bonnes  luuvrcs.  C'est  un  don  que  la  misùfi- 
corde  accorde  par  les  mérites  de  J^os-Chriet  ;  te  péciieur  ne  peut  ' 
II'  méritée  rigoureusenieut,  c'cst-k-dïte  de  coadigno,  cooinie  par<  . 
leuites  iliËoIogiens;  mais  impropre  me  ut,  de  congruo,  en  s'ydîs- 
piisanl  avec  le  secours  de  la  grûee  par  des  œuvres  surnatureltea  : 
lujusie,  au  contraire,  peut  en  mériter  de  condigiia  l'augmenta- 
tiun.  Ce  don  précieui  eat  inLérenl  dans  l'ime,  d'oti  le  péclié  m 
tel  seul  le  bannit. 

La  cliarité  acluetle  est  cette  vertu  théologale  par  laquelle  oa 
uime  Dieu  par  dessus  tout  pour  lui-mfime,  et  l'on  s'aime  e 
prochain  comme  soi-mâme  pour  Dieu.  Elle  peut  eue  plus  oi|  i 
moins  ÎDlense;  mais  il  est  de  la  nature  de  cette  venu  de  préférer  | 
Dieu  i  toutes  choses  :  c'est  donc  ï  tort  que  Jtnsénius  et  ses  pai:- 
tisjins  la  subdiïiseut  en  une  charité  qui  aime  Dieu  par  dessus  li 
cl  une  autre  qui  ne  s'élëfe  pas  jusque-lï.  Elle  surpasse  toutes  Ici   I 
autres  en  excellence,  au  rapport  de  l'apâlre  et  parce  qu'elle  noua  1 
unit  i  Dieu  d'une  manière  plus  intime  et  plus  parfaite  ;  mai 
ne  peot  dire  sans  erreur  qu'elle  soil  la  seule  vertu  :  l'Écriture  el  I 
U  tradition  nous  en  montrent  d'autres  encore  qui  parlent  à  Dieu   ^ 
el  qui  l'hoDorenl,  que  Dieu  écoute  et  qu'il  récompense  ;  la  foi  et 
l'espérance,  par  exemple,  sont  distinguées  de  la  charité  i  elle! 
viennent  de  la  grlce,  sont  boDues  en  elles-mêmes,  nécessaires 
daus  les  adultes  pour  parvenir  i  la  justification,  quoique  non  en- 
core méritoires  pour  le  ciel,  el  ne  se  perdent  point  avec  la  cha- 
rité ;  mais  seulement  la  première  par  l'iaQdélilé,  la  seconde  par 
le  désespoir  cl  la  présomption.  —  Quand  le  pécheur  manque  d'es- 
pérance, la  foi  lui  demeure  encore  ;  il  peut  avoir  d'autres  vertu»  J 
morales;  tout  ne  lui  manque  donc  pas.  Ij  crainte  servilereconnatlf 
la  justicedu  Tout-Puissant;  la  fui,  sa  véracité;  l'espérance,  sa  mi-  F 
«éricorde,  sa  puissance,  sa  fidélité  dans  ses  promesses  ;  l'observi-  I 
n  de  quelques  préceptes,  son  domaine  suprême,  etc.;  il  y  a  doue 
is  sortir  absolument  de  la  religion,  un  état  oti  la  charité  ne  i 

e,  ou  ce  qui  revienlau  même,  l'homme  qui  a  perdu  celtA  I 

^euse  reriu  et  la  gHice  sanctifiante  n'est  pas  par  cela  seul  ui 

ne.llpriemèmeuiilementis'ildemandeleseecourssurnaturelsdonl  1 

a  besoin  pour  sortir  de  cet  étal  déplorable,  s'il  prie  a<rec  le  du-'J 

Hjein,  le  désir  de  s'iincnder,  de  rentrer  en  grAce  avec  Dieu  : 

f  doute  que  s'il  prie  avec  orgueil  ou  présomption,  avec  l'alTcclioit'.fl 

t  Kluellc  au  péché,  dans  la  disposition  de  le  commettre  encore, 

3-1' 


402  QUE 

aacun  désir  de  le  quitter,  de  faire  la  paix  avec  Dieu,  8i  prière  est 
mauvaise  et  elle  est  un  nouveau  péché. 

La  première  gr&ce  que  le  pécheur  reçoit  n'est  point  le  pardon 
de  ses  péchés  ou  la  grâce  qui  le  réconcilie  ;  il  faut  que  la  foi  lui 
ouvre  les  yeux  sur  le  malheur  dans  lequel  le  péché  mortel  Ta 
plongé,  que  la  crainte  lui  fasse  sentir  le  danger  de  sa  positioo, 
que  Tespérance  relève  son  courage,  que  la  confession  rfaumilie, 
que  la  douleur  le  dispose  à  être  justifié  dans  le  sacrement  de  péni- 
tence ;  toutes  ces  dispositions  viennent  de  la  grâce,  et  elles  précè- 
dent d'ordinaire,  ou  du  moins  souvent,  le  pardon,  la  justification  : 
nous  disons  d'ordinaire  ou  du  moins  êouvent,  parce  que  si  le  re- 
pentir est  rendu  parfait  par  la  charité,  comme  il  arrive  quelque- 
fois, il  réconcilie  avant  la  réception  du  sacrement  de  pénitence, 
quoique  non  indépendamment  de  la  volonté  de  le  recevoir  :  repen- 
tir encore  qui  ne  vient  pas  dans  le  pécheur  sans  la  grâce  qui 
éclaire  son  esprit,  touche  son  cœur,  Taide  à  gémir  librement,  pré- 
pare donc  le  pécheur  à  la  contrition  parfaite. 

Puisqu'il  y  a  entre  les  deux  amours  exclusifs  des  affections 
bonnes,  des  vertus  même,  dans  l'ordre  surnaturel  et  dans  Tor- 
dre naturel ,  tout  ce  qui  n'émane  pas  de  la  charité  et  tout  ce  qui 
ne  se  fait  pas  dans  l'état  de  grâce  ne  procède  pas  de  la  cupidité 
vicieuse  et  n'est  pas  péché  ;  il  est  donc  faux  que  la  charité  ou  la 
cupidité  rendent  exclusivement  l'usage  des  sens  bon  ou  mauvais; 
que  l'obéissance  à  la  loi  qui  ne  découle  pas  de  la  charité  comme 
de  sa  source  ne  produise  qu'hypocrisie  ou  fausse  jjiistice  ;  que  la 
prière  qui  n'est  pas  animée  par  cette  vertu  soit  vaine;  qu'on  coure 
en  vain  quand  on  court  par  un  autre  mouvement ,  etc.,  etc.  — On 
ne  peut  trop  recommander  aux  fidèles  de  rapporter  leurs  actions 
à  Dieu  par  le  motif  de  la  charité ,  puisqu'il  est  le  plus  parfait  de 
tous;  mais  puisqu'il  y  a  d'autres  motifs  qui  honorent  Dieu  et  qui 
lui  plaisent,  quoique  moins  excollens  en  eux-mêmes,  et  que  le 
premier  commandement ,  considéré  comme  aFfirmatif,  n'oblige 
pas  h  tous  les  instans,  on  n'est  pas  tenu  de  rapporter  à  Dieu  tou- 
tes ses  actions  par  le  motif  du  pur  amour,  c'est-à-dire  de  la  cha- 
rité. On  doit  produire  de  temps  en  temps,  souvent  même,  des  ac- 
tions de  charité  sans  marchander  avec  Dieu ,  si  nous  osons  parler 
ainsi ,  et  sans  examiner  si  le  commandement  oblige  maintenant 
ou  non  ;  mais  le  propliètc-roi  nous  apprend  clairement  qu'on  peut 
aimer  la  loi  du  Seigneur ,  et  s'attacher  â  l'observer  à  cause  des 
grandes  récompenses  que  Dieu  a  promises  â  ceux  qui  y  seraient 


QUE 


■103 


:  IneUnavi  tùrmtumod  fUrirnàaijutlIfteallotietliia»  in  (eUr- 
mm ,  prnpUr  retribulionein  '  ;  et  le  saint  concile  de  Trente  aua- 
lliéinalise  celui  fci  dit  qug  l'homme  jMfi lié  pteht  quand  il  fait  da 
bonnes  oeuvres  dans  lit  rue  de  la  rt'compejue  éiernelle*.  —  11  eslds 
toute  fausseté  ({u'il  n'y  ait  point  de  grâce  hors  de  l'Église.  Qu'est- 
ce  t[vn  amène  tous  les  jours  dans  le  «eia  de  cette  tendre  mère  tant 
lie  schismaiiqueE ,  d'hérétiques ,  de  juifs  el  d'inSdèles  qui  ;  vien' 
nent  b  notre  grande  consolation ,  si  ce  n'est  la  grSce  dont  ils  écou- 
lent  et  suivent  librement  les  luiniires,  les  mouTemens  saJuiaïresT 
Dire  qu'ils  font,  par  les  forces  de  la  nature  et  du  libre  arbitre, 
tout  ce  qni  précède  et  ménage  leur  entri^e  duna  le  sein  de  l'Église, 
cl  qu'ils  y  entrent  même  sans  grâce,  n'esl'Ce  pas  tomber  dans 
un  égarement  plus  grand  que  les  scmi-Pélagiens  condamnés  par 
l'Ëglisc  pour  avoir  soutenu  opiniitrément  que  le  conimcncemenl 
du  la  foi  ne  vient  pas  de  la  gricef 

3"  A  l'égard  de  la  foi. 

Elle  est  un  don  de  Dieu ,  le  commencement  du  salut  de  rbommc, 
le  fondement  et  la  racine  de  toute  justification;  mais  elle  neauf- 
lit  pas  seule  pour  jusllller  le  pécbeur.  C'est  elle  qui  prête  ani  ac- 
tions chrétiennes  les  motifs  qui  les  sur  naturalisent,  el  par-lï  elle 
contribue  à  les  rendre  méritoires  pour  le  Ciel.  Elle  est  vive  quand 
elle  optre  les  œuvres,  morte  quand  elle  n'opëre  rien  ;  formée  quand 
elle  est  accompagnée  de  la  grâce  sancilliaule ,  informe  quund  elle 
en  est  isolée  ;  mais,  dans  tous  les  cas ,  elle  est  toujours  uu  don  de 
Dieu ,  une  venu  surnaturelle ,  et  non  une  foi  humaine  ou  naïu- 

On  ne  peut  pis  dira  dans  un  sens  rigoureux  qu'elle  est  la  pre- 
mière grSce  :  la  foivient  par  l'ouïe,  /Idej<r.idN^i(u,  dit  saint  Paul; 
or,  c'est  une  grilee  que  d'en  entendre  parler,  d'en  connaître  l'ob- 
jet, d'en  apercevoir  la  nécessité;  c'en  est  une  que  d'être  toucha  j 
des  vérités  qu'elle  ense.igne ,  de  les  aimer ,  d';  acquiescer  libre- 
ment ;  d'nilleurs  les  doutes  el  tes  craintes  que  ressentent  les  hé- 
rétiques, les  juifs,  les  infidèles  sur  la  bonté  de  leur  religion ,  les 
désirs  qui  leur  viennent  d'examiner  s'ils  sont  Traiment  dans  la 
voie  qui  conduit  ï  Dieu  ,  elc.préc^rleut  la  fol  el  sont  des  grfireg. 
S'il  n'j  avait  de  grlces  que  par  la  foi ,  on  pourrait  donc  arriver 
à  cette  vertu  saiii  grAce,  et  les  dispositions  qui  y  amènent  ne  cou-    , 

'  Pul.  US. 

>  ScH.  G,  Dejualif.,cau.  31. 


404  QUE 

leraient  pas  de  celle  source  divine ,  mais  elles  viendraient  des  lu- 
mières naturelles  et  des  forces  du  libre  arbitre  de  Tbomme  ;  er- 
reur condamnée  depuis  long-temps  par  TËglise  dans  les  semi« 
Pélagiens.  Si  la  foi  était  aussi  la  source  de  toutes  les  grâces,  tous 
ceux  qui  n*ont  pas  la  foi  ne  pourraient  Tavoir,  et  par  conséquent 
aucun  d'eux  ne  se  convertirait,  ce  que  Texpérience  démontre  faux  ; 
ou  ne  se  convertirait  que  par  des  moyens  naturels ,  ce  que  la  foi 
elle-même  ne  permet  pas  qu'on  admette.  11  s'ensuivrait  aussi  de 
là  que  les  infidèles,  les  juifs,  les  hérétiques  mêmes,  n'ont  point 
de  grâces ,  et  que  Dieu  les  laisse  donc  sans  aucun  moyen  sa£Qsant 
de  salut  :  ce  qui  est  formellement  contraire  à  l'Écriture  et  à  l'en- 
seignement universel  de  toutes  les  écoles  catholiques. 

11  est  vrai  que  la  foi  opère  par  la  charité  quand  elle  est  accom- 
pagnée de  l'observation  exacte  de  la  loi  de  Dieu ,  selon  cet  oracle 
de  notre  souveraiu  législateur  :  «  Si  quelqu'un  m'aime ,  il  mettra 
9  ma  parole  en  pratique  ;  et  mon  père  l'aimera,  et  nous  viendrons 
,  >  à  lui ,  et  nous  établirons  en  lui  notre  demeure  *.  >  Mais  elle  opère 
aussi  par  elle-même ,  indépendamment  de  la  charité ,  en  soumet- 
tant l'intelligence  à  Dieu  considéré  comme  vérité  suprême  ;  elle 
opère  par  la  crainte  en  inspirant  une  salutaire  terreur  de  la  justice 
divine  ;  elle  opère  par  l'espérance  en  élevant  l'âme  jusqu'à  la  con- 
fiance en  lu  miséricorde  de  Dieu  et  en  ses  promesses  ;  enfin ,  elle 
opère  par  toutes  les  vertus  chrétiennes  auxquelles  elle  fournit,  si 
nous  osons  nous  exprimer  ainsi ,  les  motifs  surnaturels  qui  en 
sont  comme  les  alimens  intérieurs  et  un  des  principes  qui  rendent 
ces  vertus  méritoires  pour  l'éternité.  —  Pour  être  sauvé,  il  faut 
croire,  espérer,  aimer  et  tout  au  moins  avoir  la  volonté  sincère 
d'observer  toute  la  loi  de  Dieu  :  ceci  s'entend  des  adultes  qui  se 
convertissent  à  la  mort,  comme  le  bon  larron  ;  car  ceux  qui  en  ont 
le  temps  doivent  mettre  la  main  à  l'œuvre  pour  Taccomplissement 
réel  des  préceptes  divins  :  quant  aux  enfans  qui  meurent  après  le 
baptême,  rien  ne  leur  manque  pour  arriver  de  suite  à  la  gloire,  et 
la  justification  qu'ils  ont  re«;ue  dans  ce  sacrement  leur  suffît,  y 
ayant  été  ornés  de  l'habitude  de  la  foi,  de  Pespérance,  de  la  cha- 
rité, et  décorés  de  la  grâce  sanctifiante.  —  Dire  que  tout  est  ren- 
fermé pour  le  salut  dans  la  foi  sans  les  œuvres,  c'est  prêcher  le 

^  Si  quis  diligit  me,  sermoncm  roeura  servabit ,  et  pater  meus  diliget 
cum,  et  ad  eum  veniemus,  et  mansioncm  apud  eum  faciemus.  Joan., 
14.  23. 


i 


QUE  40& 

I  tout  pur,  suii  qu'on  caiende  par  la  fui  h  Tjusse  con- 
fiance de  Cahin,  soitqii'oo  prétende  que  les  œuvres  DU  le  dôsir  el 
la  volonté  sincère  d'obsener  lei  cooniaiidemeus ne  soienl  pas né< 
cessatres  aux  adultes  pour  £ire  sauvés.  Y  ajouter  seulement  la 
prière,  c'est  adoucir  cette  liirésie  :  dire  que  tout  le»  autre»  moyeiu 
detalultonl  renftrmit  dan*  la  (ai,  commedauileuT  germe  eidoai  leur 
temenee ,  maitqueee  H'««lpa«URe  foiians  amour  et  tant  confiance, 
c'est  insinuer  qu'il  n'y  a  puint  de  grâces  pour  ceux  qui  n'ont  pas 
la  Toi  ;  que  les  dispositions  qui  mènent  !i  cette  vertu  ne  sont  pas 
des  moyens  de  salut  ui  par  conséquent  des  erdi'i»,  el  que  la  ïbi, 
sans  la  charité  et  sans  U  confiance,  n'est  pas  une  vraie  foi,  vais 
une  croyance  purement  humaine  et  naturelle,  ce  qui  est  erroné. 
—  On  ne  peut  mériter  le  ciel  sans  la  foi  ;  mais  ou  peut,  sans  ce  se- 
cours, faire  quelques  œuvres  bonnes  moraleoeut  et  avoir  quel- 
ques vertus  naturelles  :  la  loi  naturelle  est  écrite  dans  tous  Ica 
cœurs,  et  elle  parle  ù  tous  plus  ou  moins  clairement,  ainsi  que  la 
conscience;  il  ne  faut  donc  pas  dire  que  toutes  les  vertus  des  plii- 
losoplies  païens  étaient  des  vices,  nï  que  toutes  les  œuvres  des  in- 
fidèles sont  des  pécliës,  doctrine  pernicieuse  que  le  saint  Si^e  a 
souvent  proscrite  et  toujours  avec  l'applaudissement  de  toute  l'I^  i 
glise. 

i'  Par  rapport  à  la  crainte  de  l'enfer. 

Elle  peut  être  considérée  en  elle-même  ou  dans  le  sujet  qui  en 
est  pénétré.  Sous  le  premier  rapport,  elle  est  fondée  sur  la  foi^ 
et  elle  tend  !i  nous  inspirer  des  mesures  pour  éviter  des  peines 
réelles  et  justement  redoutables  :  elle  est  donc  bonne,  utile,  el 
ne  vient  point  de  la  cupidité,  mais  de  la  grice  célesle  :  aussi  t'Ë- 
criture  en  fait-elle  souvent  l'éloge  '.  Le  roi  prophète  la  demaik*  ■ 
dait  il  Dieu  *;  les  apôtres  la  recommandaient  aux  fidèles  ',  et  saint  { 
Paul  la  portait  dans  son  propre  cœur  '.  D'ailleurs,  dunsquel» 
dessein  les  prophètes,  Jéius-Cbrist  el  scsenvoyésaousparlent-ils 
Uini ,  dans  lei  saintes  Lettres ,  de  la  sévérité  des  jugeniens  de 
Dieu  et  de  l'excès  des  lourmens  qui  accablent  en  cnlerlesréprou- 
vés,  si  ce  n'est  pour  nous  engager  1  redouter  saintement  cei 

'IniUum  saplentix,  timor  Domiul.  Eccll.,  I,  16;  Psal.,  110,  10 1 

,1,77. 
*Ps.  118, 

•2.  Cor.,  7,  Il  PhJUpp.,  1.  13. 
"l.Cor,,0,  Î7. 


406  QUE 

jets  si  terribles,  à  nons  détacher  du  péché,  à  le  fuir  et  à  dure  pé- 
nitence de  ceux  ((ue  nous  avons  eu  le  malheur  de  commettre  f 
Que  cette  crainte,  reçue  docilement  d*en  haut  et  dirigée  aTec  le 
secours  de  la  gr&ce  vers  les  fins  qui  y  sont  propres,  opère  ces 
heureux  effets,  peut-on  en  douter,  pour  peu  qn*on  ait  in  les  Lî- 
Tres  saints,  les  TÎes  des  héros  de  la  religion,  et  qa*on  connaisse 
les  ressorts  qui  meuvent  le  cœur  de  Thomme  ?  Noos  nous  éonteiH 
terons  de  citer  ici  David,  que  la  pensée  des  jugemens  de  Dîeo  fai- 
sait trembler  *  ;  Susanne,  qui,  pour  ne  point  donner  la  mort  à 
son  âme,  ni  se  souiller  d*un  crime  énorme  devant  Dieo,  résista 
courageusement  aux  sollicitations  impudentes  de  deux  inttraes 
vieillards,  juges  dans  Israël  *  ;  Ëléazar^  qui  ne  voulut  pas  feindre 
une  odieuse  apostasie,  parce  que,  disait-il,  quoiqn*il  pftt,  dans  le 
temps  présent,  échapper  aux  supplices  des  hommes,  il  ne  Itti  était 
pas  possible  d'éviter,  ni  dans  cette  vie,  ni  dans  Tautre,  la  main 
redoutable  du  Tout-Puissant'  ;  Manassès,  que  la  vue  des  fers  et 
de  la  dure  captivité  qu*il  endurait  à  Babylone  pour  ses  prévarica- 
tions multipliées  rappela  au  vrai  Dieu,  le  lui  fit  craindre  et  ren- 
gagea à  crier  vers  lui  miséricorde  avec  instance  et  d*une  manière 
si  efficace  *.  Que  de  pécheurs  la  crainte  n*a-t-elle  pas  ramenés 
au  devoir,  détournés  du  vice,  excités  à  faire  pénitence  !  Que  d'â- 
mes chancelantes  elle  a  soutenues  dans  la  pratique  laborieuse  de 
la  vertu,  empêchées  de  succomber  â  des  tentations  séduisantes, 
éloignées  des  occasions  prochaines  !  —  11  est  vrai  que  la  crainte 
servile  ne  justifie  pas  seule  ni  par  elle-même  le  pécheur;  mais  elle 
bannit  le  péché  ",  elle  rend  docile  à  la  voix  de  Dieu,  elle  porte  à 
rechercher  ce  qui  lui  platt,  à  préparer  le  cœur  et  à  sanctifier 
Tâme  en  sa  présence,  à  garder  ses  préceptes,  k  faire  pénitence,  à 
espérer  en  sa  miséricorde  <^.  Le  concile  de  Trente  la  range  parmi 
les  dispositions  à  la  justification  ^  ;  il  déclare  que  Tattrition,  qui 
se  conçoit  communément  par  la  considération  de  la  laideur  du 
péché  ou  parla  crainte  du  châtiment  et  des  peines,  si  elle  exclut 
la  volonté  de  pécher  et  est  jointe  à  Tespérance,  non-seulem^t 

*  Ps.  118,  120. 
2Dan.,  13,  22et23. 

*  2.  Mac,  6,  26. 

*  Parai,  85, 12  et  13. 
6  EcclK,  1,  27. 

•Ibid.,2, 18,  19,  20,  21,  22,  23. 
^  Sess.  6,  c  6. 


40T 

De  rciid  pas  riiODime  bjrpocrile  cL  plus  pi^clicur ,  mais  fsl  un 
duii  de  Dieu  ,  un  uioiiv«menl  du  Suini-risprii  qui  n'Iiabili!  jhis 
encore  dans  l'imc,  mais  seulement  l'excile,  et  II  l'aide  duquel 
mourdiiieol  le  pëDitent  se  prépure  la  voie  à  la  justice  et  CKl  dis- 
posé à  recevoir  la  grJcc  de  Dieu  dans  le  «acreineni  de  péniteoce  K 
Eiiljii  il  délioit  <]ue  crue  luême  coDiriiion,  qusnd  elle  est  accota- 
pagni't'  <I'uu  propos  siacèri:  de  nii'uer  une  meilleure  vie,  esl  une 
douleur  vraie,  utile,  et  qu'elle  prépare  k  la  grlcc*. 

Il  Vil  donc  faux  que  la  crainle  servile  conduise  d'elle- même  au 
désespoir,  qu'elle  D'arr£te  que  la  main,  qu'elle  u'eicluepafil'af- 
fecliUD  actuelle  au  péché,  que  celui  qui  ne  s'abslienl  du  criiac 
ijue  par  l'impulsiou  de  celte  crainte  salutaire  pèche  daos  son 
cojur  et  soit  coupable  par-lj  même  devant  Dieu.  Saint  Augusiiu, 
pour  ne  parler  que  de  ce  Père,  que  les  Jansénistes  ont  continuel-    ' 
lemeiil  dans  la  bouche,  an  bout  de  leur  plume,  et  dont  Ils  font 
gloire  de  se  dire  les  disciples,  saint  Augustin  lient  un  tout  autre    ' 
hmgagc  ',  et  il  termine  ce  qu'il  dit  touchant  la  crainle  de  l'cnlcr 
par  en  fccooualire  la  bonté,  l'uliliié  :  Bonus  eal,  et  itte  tiiaur  nii-    i 
(iï  «(. 

Huis  pourquoi  Qucsnel,  ù  l'exemple  de  ses  maîtres,  et  ses  dis- 
ciples après  lui,  rejcllenl-ils  si  opiniAlrénienl  la  craintcservîleî 
La  raisun  en  est  claire  :  c'est  qu'ils  tiennent  îi  leur  maxime  capi- 
tale, que  toutes  les  mlontés  et  les  actions  de  l'homme  étnaoeul 
exclusiveroeni  de  la  cJiaxiié  pmprement  dite  ou  de  la  cupidité  vi- 
cieuse, niaiime  qu'ils  ont  le  plus  grand  inlérSl  de  soutenir,  pui^ 
que  sans  elle  tout  leur  sjislËinc  tombe  eu  ruine,  n'ajMil  plus 
d'appui  :  or,  la  crainte  servije  ne  vicut  pas  de  la  charité  ;  il  faut 
donc,  selon  eux,  qu'elle  toit  uuo  production  de  la  cupidité,  par 
conséquent  qu'elle  soit  maniais  el  qu'elle  ne  puisse  rien  cnliui- 
it'r  que  du  niai,  C'est  par  une  suite  de  cette  maiime  détestable 
qu'un  nous  dit  qu'un  htplM  ni  encore  tnut  (a  loi,  camaeaajuif, 
a'U  ii'aecompUt  poini  ta  loiou  «'il  l'aceniiiplU  par  la  neule  crainte, 
docirinc  dont  l'alisurililé  saute  aux  yeux.  —  Suivant  saint  Augus- 
lin,  l'amour  et  la  crainte  se  Iroiivenl  dans  l'uu  et  dans  l'autre 
Tesiuiiient  ;  cependant  la  crainte  prévalait  dans  l'ancien  et  l'amuur 
|irëiaui  dans  le  nouveau  '.  tinel  ni  le  caitialiqve,  dit  ailleurs  ce 

*  Sm.  14,  r.  i. 
'\m..  rail.  :.. 

*  Eiiarral,  in  ptal.  iS7,  ii"  7  el  3, 

*  Lib,  de  MO'il),  ccgIcï.  ,  c,  18 


408  QUE 

Père,  qui  due  ce  que  lei  Pélagiens  publient  que  nouê  dtiMii,  ^ti^ 
dûM  Vaneien  Testament  VEspritSaint  n'aidait  point  à  faire  le 
bien  *  ?  Saint  Thomas  enseigne  que  la  loi  ancienne  ne  suffistit  pas 
pour  sauTer  les  hommes,  mais  quMls  avaient  un  autre  secours  que 
Dieu  leur  donnait  avec  la  loi.  C*était  la  foi  dans  Je  médiateur,  par 
le  moyen  de  laquelle  les  anciens  Pères  ont  été  justifiés,  eomme 
nous  le  sommes.  Dieu  donc  ne  manquait  point  alors  aux  hom- 
mes, et  il  leur  donnait  des  moyens  de  salut  *.  Moïse  et  les  prophè- 
tes, les  prêtres  et  les  docteurs  de  la  loi  n*ont  donc  pas  fait  seule- 
ment des  esclaves  de  la  crainte  des  peines  temporelles.  —  La 
crainte  purement  servile  venant  de  la  grâce  et  de  la  foi,  il  est  ab- 
surde et  impie  de  soutenir  qu'elle  représente  Dieu  comme  imsmI- 
tre  dur,  impérieux,  injuste,  intraitable,  et  puisqu^étaot  jointe  à 
Tespérance  et  à  la  volonté  sincère  de  changer  de  vie,  elle  dispose 
le  pécheur  à  recevoir  la  grâce  dans  le  sacrement  de  pénitence, 
comme  renseigne  le  concile  de  Trente,  le  pécheur  peut  donc  s*ap- 
procher  de  Dieu  et  crier  miséricorde  avec  celte  sainte  crainte. 

Nous  ne  parlons  pas  ici  de  la  crainte  que  les  théologiens  appel- 
lent servilement  servile,  en  suite  de  laquelle  le  pécheur  ne  s*abs- 
tient  que  de  Taction  du  péché,  y  conservant  une  attache  actuelle 
et  la  volonté  de  le  commettre,  si  Dieu  ne  le  punissait  pas.  On  voit 
assez  qu*une  disposition  semblable  est  mauvaise;  mais  elle  ne  vient 
pas  de  la  crainte,  non  plus  que  le  désespoir  :  celle-là  est  le  fmil 
d*une  affection  désordonnée  ;  celui-ci  est  reffct  d*une  lâche  pa- 
resse. 

5»  Quant  à  TÉglise. 

Considérée  en  général  et  précision  faite  de  ses  divers  états,  elle 
peut  être  définie  :  la  société  des  saints  qui  servent  Dieu  sous  un 
même  chef,  qui  est  Jésus-Christ.  Désignée  de  cette  manière,  elle 
comprend^  sous  le  nom  d*Église  triomphante,  la  sainte  Vierge,  les 
anges  et  les  élus  qui  régnent  avec  Jésus-Christ  dans  le  ciel  ;  sous 
le  nom  d*Ég1ise  militante,  tous  les  fidèles  répandus  sur  la  terre, 
soit  les  justes,  qui  ont  une  sainteté  qu*on  appelle  commencée, 
soit  les  pécheurs  que  le  baptême  a  consacrés  à  Dieu  et  dont  la 
profession  de  chrétien  est  en  elle-même  sainte;  enfin,  sous  le  nom 
d*Ég1ise  souffrante,  les  âmes  justes,  qui,  au  sortir  de  cette  vie  mor- 
telle, se  sont  trouvées  encore  redevables  à  la  justice  divine  et 

<  Lib.  8,  ad  Bonif.,  c.  4. 
3S.Ch.,  Quest.98,  art.  20. 


I 


QUE  409 

«cLÈvenl  de  s'ucquiiler  dans  ve  lieu  de  peines  que  la  foi  nous  dé- 
signe sous  le  nom  de  purgatoire. 

Uy  a  dans  T^gliae,  envisagûe  aous  ces  itois  rapports,  une  com- 
iDUnion  réelle.  Les  saints  iijlercèdenl  dans  te  ciel  auprès  de  Dien 
pour  leurs  TrËres  qui  combattent  sur  la  terre  ■  nous  les  henoroni 
comme  étant  les  amis  de  Dieu,  et  nous  les  invoquons  utilement 
dans  celle  vallée  de  larmes,  afin  qu'ils  nous  obtiennent  des  grSces 
et  des  Taveurs  auprès  de  Dieu  par  Jésus-Christ.  Leurs  mérites  sur< 
abondans  nous  sont  appliqués,  et  aussi  par  manière  de  sulTrlge 
un  prières,  aui  ïuies  du  purgatoire,  au  moyeu  des  indulgences. 
Nous  aidons  encore  celles-ei  par  le  saint  sacrifice  de  la  messe  et 
par  les  œuvres  méritoires  que  nous  faisons  en  leur  FaTeur.  Il 
existe  do  plus  un  saint  commerce  de  suffrages,  de  bonnes  oeuvres 
et  de  mérites  entre  les  Justes  qui  viveniau  milien  des  combats,  et 
leurs  prières  ne  sont  pas  inutiles  pour  les  pécheurs.  Tous  lei 
membres  de  l'Ëglise  militame  sont  unis  entre  eux  et  h  cette  Eglise 
par  U  communion  dont  l'objet  est  tout  ce  qui  constitue  le  eorpa 
de  celte  même  Elglise. 

Les  théologiens  catholiques  déGnisseot  t'Ëglise  militante  :  la 
loeiélé  de  tout  Uf  /Idilei  ri'imU  par  la  profcusiuit  d'aite  même  foi, 
la  panidiinrioa  aux  miiat»  sacrement,  la  ëoumintian  aux  patleun 
UgUiniu,  prineipaltment  an  pontife  romain.  Nous  trouvons  dans 
le  sjmbole  de  Constantinople,  qui  ne  l'ut  qn'une  e:iiension  de  ce- 
lui  de  Nicée,  quatre  caractères  essentiels  qui  distinguent  l'élise 
de  Jésus-Christ  de  toutes  les  sociétés  ou  sectes  qui  y  sont  étran- 
gères ;  Vnem,  tanetam,  catholicamet  apeitalieam  Eccletiam. 

L'Ëglise  militante  est  une  dans  la  foi,  l'usage  des  sacremens,  la 
soumission  aux  pasteurs.  Elle  est  to'inle  dans  son  auteur,  Jésus- 
Christ  ,  fondement  unique  et  source  de  toute  notre  sainteté  ;  dans 
ses  premiers  prédicateurs,  les  apôtres  ;  dans  les  miracles  éclatana 
qui  en  ont  annoncé  la  vérité  et  la  sainteté  ;  dans  ses  Bns,  sa  doc- 
trine, son  culte,  ses  sacremens ,  son  ministère;  dans  une 
pnrtie  de  ses  membres,  dont  Dieu  a  manifesté  la  sainteté  par 
des  prodiges;  dont  un  grand  nombre  travaillent  encore  sans  re- 
Uche  i  se  sanctifier,  et  dont,  selon  la  promesse  de  son  divin  fon- 
dateur, quclques-unssesanctiSeront  dans  la  suite,  et  ainsi  jusqu'ï 
la  consommation  des  siècles;  eutin,  elle  est  saiole,  parce  qu'il 
n'y  a  ai  sainiPté  ni  salut  ailleurs  que  dans  l'Ëglise.  Elle  est  ca- 
iholiqne,  pareo  qu'elle  est  répandue  partout  par  son  culte,  etc., 
builoui  |iir  ses  ^fansi  et  qu'elle  dnii  parcourirtonie  la  terre  »vant 


410  QLE 

la  fin  dunoude;  parce  que  sa  foi  a  toujours  6ié,  est  eoicore,  et 
sera  coustammeiit  la  même ,  saus  alléraiiou  ni  changemeDt  ; 
parce  que  tous  ceux  qui  seront  sauvés,  dans  tout  le  monde ,  et 
dans  tous  les  temps,  lui  aurout  appartenu.  Eofiu,  elle  esiëp^iê* 
lique,  parce  quelle  remouie  aux  apôtres,  soit  dans  son  ètaMisAe- 
ment,  soit  dans  la  doctrine  qu'elle  professe,  soit  par  rapport  à 
la  mission  des  pasteurs ,  laquelle  n'a  souffert  aucune  inierraption 
4iepuis  les  apôtres  jusqu'à  nous ,  et  sera  toujours  la  ménae,  quoi- 
quVUe  puisse  être  coaimuniquée  diversement.  Nous  devons  ajou- 
ter que  rÉglise  militante  est  itidéfeciiOle ,  ne  pouvant  ni  cesser 
d'être,  ni  succomber  sous  les  efforts  de  ses  ennemis ,  jusqu'il  la 
fin  des  siècles;  infaillible,  étant  inaccessible  à  l'erreur,  soit  dans 
la  fui ,  soit  pour  les  règles  des  mœurs ,  soit  quant  à  la  discipline 
générale,  suivant  les  promesses  solennelles  de  Jésus-Christ  : 
«  Voici  que  je  suis  avec  vous ,  tous  les  jours ,  jusqu'à  la  lin  des 
»  siècles  *.  Les  portes  de  l'enfer  ne  prévaudront  point  contre 
9  elle  *.  9  Saint  Paul  la  nomme  aussi  la  colonne  et  l'appui  ferme 
de  la  vérité  ^.  Enfin,  l'Église  militante  est  essentiellement  pisilfle  : 
la  constitution  qu'elle  a  reçue  de  Jésus-Christ ,  l'Ëcriture  et  la 
tradition  en  font  fui. 

On  peut  la  considérer  sous  deux  rapports,  c'est-à-dire  quant  à 
ce  qu'elle  a  d'extérieur  ;  et  c'est  ce  qu'on  appelle  le  corps  de  l'É- 
glise :  quant  à  ce  qu'elle  a  de  caché,  ou  quant  à  son  intérieur;  et 
c'est  ce  qu'on  nouune  son  &me.  «  L'àme  de  l'Ëglise  consiste  dans 
»  la  croyance  des  vérités  évangéliques,  dans  l'espérance  des  biens 
»  éternels ,  dans  l'amour  de  toutes  les  vertus ,  dans  l'esprit  de 
I»  diarité ,  dans  la  possession  de  la  grâce  habituelle.  Le  corps  de 
»  l'Église  consiste  dans  la  profession  extérieure  des  doctrines 
»  révélées»  dans  la  participution  aux  sacremens,  et  dans  la  dé- 
»  pendance  des  pasteurs  légitimes  dont  le  pape  est  le  chef  *.  • 

On  peut  appartenir  à  Tlilglise  diversement  :  on  peut  lui  appar- 
tenir quant  au  corps  et  à  l'ùme  tout  à  la  fois^  et  d'une  manière 
parfaite  ou  imparfaite;  quant  au  corps  seulement,  ou  seulement 
quant  à  l'&me.  Celui  qui,  ayant  reçu  le  baptême ,  professe  la  foi 
ea  entier,  participe  actuellement  aux  sacremens,  au  culte  publiC| 

«  Mattb.,  28,  20. 
Mbif).,  16,48. 
»  I.  ïim.,  »,  15. 
*  RéaU  du  Jan«, 


I 


QtK  -iri 

esl  BOafltîs  aiiï  pasteuM  Ii^gitiioes,  possèJf  iidi'riftiMniertt  la  tir, 
l'Mpérince,  U  chirilA  cl  la  gricc  sancliliuiile ,  ccliii-lh  fiSl  du 
irnrps  ei  d«  l'Ame  de  l'Ëglisf  d'une  maiiifrre  pins  on  moins  pnr- 
rjîtF,  el  il  a  nn  droÏL  ré«t  lu  eid.  Celui  ()iii  rf-imit  loates  cei 
1  hnsM,  excppié  néanmoins  la  rharïté  fl  la  gdce  h^iblinHIe ,  ep^ 
parlieiit  aussi  sn  corps  et  II  l'ime  de  l'Ëgtise  ;  mois  ï  l'tine  très- 
itiiparfaiienient  :  c'csi  uu  pécheur.  Celui  qui  n'a  qne  l'extérieitr' 
n'a pparlrent  qu'au  corps  de  l'^glis»;  e'esl  un  hérétique  oc culih 
Enfin,  celui  qui  désire  le  baptême  ou  qui  a  re^u  i-e  sacremeni) 
jnais  a  ét«  injustement  reiranclié  dn  corps  de  l'Ëglise,  s'il  a  tes 
vurius  tliÊolotSales  «t  la  charité  habituelle ,  il  appartient  à  l'Ame 
de  l'Ëglise,  et  il  est  par-Ifi  même  duns  la  voie  du  salut.  Ceties.- 
danl  les  trois  premiers,  le  juste,  le  pécheur  et  l'hérélique  secret, 
$oni  dan«  l'Ëglise  effeclivemenl,  du  nombre  de  ses  membres  réels^ 
quoique  l'hérélique  caché  et  le  pécheur  n'en  soient  que  des  inenH 
bres  morts ,  dignes  de  l'enfer  ,  el  les  derniers ,  c'esUfi-dire  celui 
qui  déaire  le  bapli^me  el  celui  qui  a  été  injustement  excummuniéf 
ne  sont  dans  l'Église  qoe  à'afftetion  ,  n'en  sont  poînl  membres^ 
ne  sont  pas  dan;  son  sein  ;  mais  ils  apparlieunent  !i  l'église  par 
des  liens  inlérïenrs,  la  Toi,  l'espérance,  etc.,  qui  formeitl  l'âme 
de  l'Kglise,  ainsi  que  nuns  l'aions  dit. 

Il  Tant  conclure  de  lii  que  les  hérétiques  publics,  les  aposbitSi 
les  schismHliqoes  el  les  excommuniés  ne  sont  pas  dans  l'Ëttli^ef 
ni  SCS  membres,  ni  dans  sa  communion,  quoiqu'ils  soient  del'B' 
glise,  en  cesensqu'ajaiii  élé  baptisés,  ilssoni  devenus par-lk  Ut' 
snji^ts,  sont  soumis  b  ses  lois,  assujétis  h  tes  jngemens.  On  Ûdll  | 
eoni-lnre  encore  de  la  même  doctrine  que  les  catéchumènes  ne 
sont  pas  non  plus  des  membres  de  l'f^lise ,  maïs  qu'ils  peQ' 
veni  appartenir  i  son  Ame,  ainsi  que  ceux  qici ,  étant  nés  dans  le 
schisme  ou  l'hérésie ,  u'onl  Hiil  aucun  acte  criminel  de  révolte  itt 
contre  l'unité,  ni  contre  la  roi.  Il  est  clair  que  les  enfaos  baptisés 
des  hérétiques,  et  qui  n'ont  pas  encore  oITensé  Dieu  gri&*ement( 
sont  aussi  de  l'Ame  de  l'ËglIse,  pleins  de  vie  devant  Uiea. 

Trois  Meus  extérieurs  sonl  donc  absolument  nécessaires  pouf 
être  du  corps  de  l'Ëglise  :  la  profes.'^îon  de  la  foi ,  la  participatluH 
aui  sacremens  ut  la  soumission  aux  pasteurs  légitimes.  M  suOil 
de  rompre  un  de  ces  liens  pour  ne  plus  être  uni  au  corps  de 
l'Eglise  ;  mais  quiconque  les  réunît  tous  les  trois  est  un  membre 
véritable,  réel,  de  l'Eglise. 

Uuesuel  raisonne  bl«i  tfilTércmioeitl,  Pouf  peu  qu'on  veuille  le 


41Î  QUE 

suivre  avec  attention  dans  tout  ce  qu'il  nous  prêche  touchan 
FÉglise ,  on  s'apercevra  sans  peine  que ,  marchant  avec  hardiesse 
sur  les  traces  des  Montanistes ,  des  Novatiens ,  des  Donatistes ,  de 
Pelage,  de  Wiclef,  de  Jean  Hus,  de  Luther  et  de  Calvin,  les  sor^ 
passant  même  presque  tous,  il  exclut  du  sein  de  FÉglise  les  ré- 
prouvés, les  pécheurs,  même  les  imparfaits,  sapant  ainsi  jusque 
dans  ses  fondemens  la  constitution  divine  de  FÉglise ,  pnisqu^il 
lui  6te  par-lk  toute  sa  visibilité.  H  n'attaque  pas  avec  moins  d'au- 
dace cette  constitution  sainte ,  quand  il  fait  dépendre  les  actes 
d'autorité  qui  émanent  des  premiers  pasteurs  du  contentemetU 
au  moins  présumé  de  tout  le  corps  de  l'Église;  et  la  validité  des 
fonctions  sacrées,  de  la  sainteté  des  ministres  de  la  religion  :  insi- 
nuant par  cette  doctrine  Fhérésie  désastreuse  des  Donatistes,  des 
Apostoliques,  des  Yaudois,  des  Albigeois,  des  Widéfites,  des 
Hussites  et  des  Anabaptistes,  qui  enseignèrent  que  les  sacremens 
administrés  par  un  ministre ,  ou  hérétique,  ou  schismatique,  on 
même  seulement  en  péché  mortel ,  étaient  réellement  et  pleine- 
ment nuls.  En  effet,  suivant  notre  infatigable  dogmatlste,  un  chré- 
tien, quel  qu'il  soit,  se  retranche  de  V Église  aussi  bien  en  ne  vi- 
vant pas  selon  l'Évangile  qu'en  ne  croyant  pas  selon  VÉvangile, 
Cependant,  point  de  grâce  hors  de  l'Église  ;  le  pécheur ,  sans  la 
grâce  du  Libérateur,  [n'est  libre  que  pour  le  mal;  sa  volonté  n^a, 
dans  ce  cas ,  de  lumière  que  pour  s'égarer,  d'ardeur  que  pour  se 
précipiter,  de  force  que  pour  se  blesser  ;  capable  de  tout  mal,  m- 
puissante  à  tout  bien  *  :  donc  Févéque ,  ou  le  prêtre  qui  a  péché 
grièvement,  ne  peut  ni  recevoir  la  grâce,  puisqu'il  est  hors  de 
l'Église,  où  il  n'y  a  point  de  grâce;  ni  en  devenir  la  cause  instru- 
mentale, puisque,  étant  lui-même  sans  la  grâce  et  pécheur,  il  n'est 
libre  que  pour  le  mal,  et  que  sa  volonté  est  impuissante  à  tout 
bien,  etc. 

Quesnel  ne  respecte  pas  davantage  la  discipline  de  l'Église,  inter- 
disant au  pécheur  le  droit  d'assister  au  divin  sacrifice ,  et  prescri- 
vant aux  confesseurs  des  règles  d'une  sévérité  désespérante.  Règles, 
au  reste,  qui  supposent  que  l'absolution  n'est  qu'une  déclaration 
simple,  quoique  authentique  ;  que  le  sacrement  de  pénitence 
n'efface  pas  réellement  les  péchés  commis  après  le  baptême ,  et 
que  les  prêtres  n'ont  qu'un  pouvoir  extérieur  et  inefficace,  sem- 
blable à  celui  que  les  prêtres  de  la  loi  de  Moïse  exerçaient  à  l'é- 

^  Prop,  xxvxi,  xxu,  xxxviu^  xxxix  et  lxxvui. 


QUE  113 

gard  de  la  lèpre ,  quand  ils  jugeaïeni  légalemcut  si  cette  uiJludie 
éuii  guérie  ou  noij, 

Enfîu,  pour  meilre  le  comble  h  ses  excès  toucliani  t'olijel  qui 
nous  occupe,  ce  misérable  insiuue  que  l'I^lise  est  tombée  dans 
une  sorte  de  déi'ré|)itude  si  grande,  qu'elle  a  perdu  la  méiuoire  et 
rinielligeDce,  pour  ne  rien  dire  de  plus  odieux;  puisque,  selon  lui, 

•  les  mérités  sont  devcuues  comme  une  langue  étrangère  à  la 

>  plupart  des  chrétiens  '  :  •  blaspLëme  que  JanEéuiua  avait  (téj!l 
écrit  avant  Quesnel,  avanuanl,  dans  son  AuBUilin,  que  la  doctrine 
de  la  grâce  était  tombée  dam  l'oubli  depuis  la  murl  du  célèbre  i 
(locicur  d'Hippone  ;  que  les  Scoiastiques  la  dénaturaient,  et  qu'on 
ne  la  proressait  plus  que  dans  des  prières  dont  on  ne  pénétrait 
pas  le  seus.  Blaspbème  encore  que  proférait  Jean  du  Verger  de 
llauranne,  abbé  de  SalDl-Cjran,  grand  ami  de  l'évéque  d'Ypres, 
quand  il  disait  k  saint  Vincent  de  Paul  :  •  Oui,  je  vous  le  confease, 

-  t  Dieu  m'a  donné  et  me  donne  de  grandes  lumières.  It  m'a  fait 

>  connaître  qu'il  n'j  a  plus  d'Église. . .  Non,  il  n'j  a  plus  d'Ëglise  :    I 

•  Dieu  m'a  fait  connaître  que,  depuis  cinq  ou  six  cents   ans 

■  n'y  avait  plus  d'Ëgliae.  Avant  cela ,  l'Église  était  comme 

■  grand  fleuve  qui  avait  ses  eaux  claires  ;  mais  il  préseat  ce  qui 
1  nous  semble  l'Ëglise  n'est  plus  que  de  la  bourbe...  11   est  vra 

>  que  Jésus-Christ  a  ëdiRé  son  Ëglise  sur  la  pierre  ;  mais  il  j  a 

>  temps  d'édilier  et  temps  de  détruire.  Elle  était  son  épouse  ; 

I  mais  c'est  maintenant  une  adultère  et  une  prostituée  :  c'est  ' 
t  pourquoi  il  l'a  répudiée ,  et  il  veut  qu'on  lut  en  fufrdilKe  KU   | 

•  attire,  qui  lui  sera  iidële  *i  > 
Mais  s'il  en  est  ainsi ,  (i  Us  véritii  tant  devenue»  comme  une  ] 

langue  éirangêre  il  ta  ptuparl  det  chrétien»,  que  faut-il  penser  i 
des  promesses  si  formelles  de  Jésus-Christ  1  Ob  est  la  vraie  pro-  ' 
fessiou  de  h  foi  catholique  î  Où  en  truuve-t-on  renseignement 
légitime?  Oii  faudra-t-il  aller  cbercher  l'épouse  cbérie  du  Fils' de 
Dieu  incarné?  Sans  doute  dans  les  petites  Églises  jansénistes  que 
Quesnel  forma  sur  ses  vieux  jours  dans  la  ville  d'Amsterdam! 
dans  l'Ëglise  scbiswalique  d'Utrevht  dont  il  prépara  de  loin  la 
révolte  !  ou  bien  encore  dans  ces  réunions  sacrilèges  qui  reten- 
tirent de  blasphèmes  contre  h  balle  VniqettHiu,  et  od  l'on  at- 

'Fdier,  Dieu  liist.,  ou  mol  Veiiceii  DEllitnAHss,  tt  dans  d'ai 
•uleuTs, 


4i4  QtJE 

tend  que  le  peuple  ait  répondu  amen,  après  la  eofta^ration  èû 
prêtre,  pour  croire  (si  toutefois  on  le  croit  en  effet)  qaelésus- 
Christ  est  réellement  présent  dans  rEucharistie  !  nous  disons, 
ti  loutefbiM  on  le  erMi  en  effet;  car  nous  ne  manquons  pis  de 
li?res  de  prières,  composés  par  des  auteurs  célèbres  dans  le  parti , 
où  le  dogme  catholique  de  la  présence  réelle  est  au  aKnns  plës 
qu'oublié  *.  La  proposition  de  Qoesnel  :  «  Les  vérités  soM  dev»^ 
»  nues ,  etc.  *  »  suppose  que  rËglîse  peut  tomber  presque  tout 
entière  dans  rignorance  des  vérités  dont  elle  est  la  dépositaire, 
la  gardienne,  et  qu'elle  peut  par  conséquent  errer,  contre  la  pro- 
messe de  son  divin  fondateur,  qui  a  déclaré  qu'il  est  ateo  elle , 
tous  les  jours,  jusqu'à  la  fin  du  monde,  et  que  les  portes  de  Pefi* 
fer  ne  prévaudront  point  contre  elle  ;  cette  proposition  est  donc 
erronée ,  et  il  faut  ch>ire  que  l'Église  enseignera  toofoilrs  Is 
vraie  doctrine,  et  qu'elle  subsistera,  malgré  les  persécotioiis,  jos- 
qu'à  la  consommation  des  siècles.  Ainsi,  la  vieillesse  préleiidae 
de  l'Église  est  un  délire ,  une  rêverie ,  ou  plutêt  un  véritable 
blasphème.  Est-ce  que  son  divin  époux,  qui  la  soutient  et  la 
vivifie,  vieillit  lui-même,  ou  la  laisserait  tomber  de  vétusté? 

H  est  essentiel  à  l'Église  d'avoir  des  justes  dans  son  sein.  Quoi- 
que les  pécheurs  n'y  soient  pas  nécessaires  comme  pécheurs ,  il 
est  néanmoins  «  constant  par  la  foi  qu'elle  ne  sera  jamais  sans  le 
»  mélange  de  bons  et  de  roéchans.  11  faut  reconnaître  de  plus  que 

•  les  méchans  sont  réellement  de  l'Église,  qu'ils  en  sont  des 

•  membres  réels,  et  qu'ils  en  font  véritablement  partie...  (non)  à 
«titre  de  pécheurs...  (mais)  parce  qu'ils  ont  la  foi  habituelle, 
»  qu'ils  professent  les  vérités  révélées,  et  qu'ils  se  conforment  au 

•  culte  public  sous  l'autorité  et  la  dépendance  des  pasteurs  légt- 
»  times  '.  9 

f  Dans  les  Heures  de  Port-Royal,  etc.,  le  fidèle  dit,  k  l'élévation  de  la 
sainte  hostie,  qu^il  adore  Jésus-Christ  au  jugement  général  et  à  la  droite 
du  Père  éterheL  Dans  les  Heures  chré tiennes  ou  Paradis  de  Vàme,  etc., 
on  ne  regarde  non  plus  le  Fils  de  Dltu,  avant  et  après  la  consécration, 
que  comme  assis  à  la  droite  du  Père  ou  mourant  sur  la  croix.  Dans  les 
Heure»  dédiées  à  la  noblesse,  etc.,  on  reconnaît  que  le  Sauveur  est  pré- 
sent dans  cette  Église,  sans  doute  selon  cette  parole  divine  :  Oà  deux  ou 
trois  se  seront  assemblés  en  mon  nom.  Je  serai  au  milieu  d'eux,  Matth., 
48,  20. 

«  VoyezAdi  ci-dessus,  pag.  M* 

*  Héal.  du  Juus. 


^  QLË  -fia 

Il  y  3  des  grices  aciuelles  liors  île  l'Église  r  CurHellle  en  est 
une  preuve;  saint  Paul  uue  autre;  l'Plunuqu?  (le  lu  reine  ds 
Candace,  une  troisième,  et  tous  eeuï  (|ui  viennent  se  réunir  lou« 
les  JDura  ï  la  nation  itinle,  au  peuple  acquit,  comme  parle  saint 
Pierre  ',  en  fournissent  de  coniinuds  monumens.  D'ailleurs,  c'est 
par  le  baptême  qu'on  est  fait  enfant  de  l'Églige,  et  qu'un  en  de- 
vient membre  ;  or,  le  baplîme  e&t  certainement  une  grâce.  Il  ;  a 
aussi  tlesgr&ceshabituelteï  hors  du  corps  de  l'Ëglise  :  un  homme 
qui  en  a  i^té  injustement  retranché  peut  avoir  la  grlci^  sanuii- 
riinle  ;  un  catéchumène  peut  èlre  justifié  avant  que  «l'avoir  reçu 
le  premier  sacrement  *, 

Quant  il  1  ' iil m inisl ration  dn  sacrement  de  pénitence,  on  voit 
assez  pourquoi  Quesnel  veut  qu'on  </  use  d'une  rigiilitési  elTrajanie, 
t'uisque,  suivant  ses  principes,  on  le  relraiiehe  de  VÊqtite  en  ni 
virant  pas  lelun  l'Évangile,  et  que  tior»  d'elle  il  n'y  a  pûlnl  di 
grâce,  il  est  clair  que  le  chréiien  qui  est  tombA  dans  un  péchd 
mortel  3  cessé  pur-la  tiiSine  d'éire  membre  de  l'Égliseique  dès 
lors  il  n'a  plus  de  droit  auï  sacremens,  ni  i  l'assistance  au  sacri- 
fire  redoutable,  etc.,  et  qu'il  n'y  a  pins  pour  lui  de  mojen  de 
salut;  par  conséquent  qu'il  faut  lui  dimner  le  temps  déporter 
arec  huffljli/^  (ce  qu'il  ne  peut  sans  le  secours  de  la  grSce)  el  de 
tentlr  U  patdt  ilti  pM\/,  de  ieitiavûrr  (ce  qui  lui  est  encore 
impossible)  l'etprU  de  p/nllriice  el  de  eentiUien,  el  de  commencrt 
au  tHùins  à  Mlufaire  à  lajaslkede  Dien'  (par  des  œuvres  qui  ce-  . 
pendant  seront  des  péciiés),  attendant  qu'une  grAce  extraordi- 
naire, miraculeuse,  descendue  on  ne  sait  par  quel  canal,  rienne 
répandre  dans  le  cœur  de  ce  misérable  cet  uuiour  parfait  qui  si- 
gnale les  enfai^s  de  Dieu  ,  niais  que  l'on  reconnaîtra  i  tels 
signes  qu'un  pourra,  attendant,  disons-nous,  toutes  ces  cho- 
ses, avant  que  de  déclarer  par  la  vertu  inefficace  de  l'ubsolutioo 
ï  ce  fils  retrouvé  qu'il  e:>l  à  présent  digne  d'asuister  ï  la  suinte 
messe,  de  s'asseoir  avec  tes  fidèles  k  la  table  sacrée,  et,  s'il  esleu- 
clésiastique,  d'exercer  les  foDctioiis  de  son  ministère,  etc.  11  se- 
rait plus  simple  et  beaucoup  plus  c^^nforme  aux  priuci|ies  de  no- 
tre docte  novateur,  d»  dire  tout  uniment  au  péclieur  qui  sa 
présente  nu  tribunal  de  la  réconciliation  ;  '  Vous  fites  un  malbeu- 


*  ï.  Ep.  ï,  (I 


isditci-dcvani,  png.  i03. 


416  QUE 

»  reux  l  le  crime  que  vous  avez  commis  tous  a  poussé  hors  de  TÉ- 

»  glise,  précipité  sous  le  poids  intolérable  de  la  loi  comme  m 

•  J^if^'f  iî  n*y  s  plus  pour  vous  de  grâce,  de  guérison,  de  telui,  à 
»  moins  d'un  miracle  inespéré  !  Vos  prières,  vos  macértlionSyT  os 
»  aumônes,  toutes  vos  œuvres  pieuses  seront  désormais  de  nou- 

>  veaux  péchés,  même  mortels  :  il  ne  vous  reste  donc  point  d^'au- 

>  tre  parti  que  celui  de  vivre  au  gré  de  la  cupidité,  laquelle  sera 

•  probablement  à  jamais  votre  unique  guide.  •  Un  tel  discours 
pourrait  engager  peut-être  un  pécheur  à  s'aller  pendre  de  déses- 
poir, mais  ce  qui  doit  surtout  empêcher  un  confesseur,  bon  jansé- 
niste, de  parler  de  la  sorte,  c'est  qu'il  compromettrait  la  sainte 
doctrine,  et  c'est  ce  qu'il  faut  éviter  à  quelque  prix  que  ce  soit  *. 

11  ne  nous  appartient  pas,  et  ce  n'est  pas  ici  le  lieu  de  rappe- 
ler aux  dispensateurs  des  mystères  de  Dieu  ce  qu'ils  doivent  faire 
et  éviter  pour  lier  et  délier  avec  sagesse  les  consciences  dans  le 
saint  tribunal  :  saint  Charles  Borromée  a  tracé  sur  cet  important 
objet  des  règles  également  éloignées  d'un  relâchement  perni- 
cieux et  d'une  rigueur  funeste,  et  le  clergé  de  France  les  a  jugées 
si  prudentes  et  si  conformes  à  la  saine  morale  qu'il  les  a  fait  im- 
primer et  répandre  dans  les  diocèses  pour  servir  de  guide  aux 
confesseurs.  Opposons  donc  la  foi  de  l'Ëglise,  qui  est  assez  con- 
nue, et  ses  règles  sages  aux  dogmes  farouches  et  aux  principes 
désespérans  de  l'auteur  des  Réflexions  morales. 

6*>  Enfin,  concernant  le  pécheur. 

Le  premier  homme  ayant  prévariqué  dans  le  Paradis  terrestre 

*  Prop.  Lxni. 

'  «  Si  la  prudence  nous  oblige  d^avoir  égard  à  la  disposition  des  es- 

•  prits  aveclesqueU  nous  avons  à  traiter,  c^est  principalement  avec  ceux 

•  qui  sont  suspects  d'avoir  des  sentimens  conlraires  aux  nôtres  qu'il 

•  faut  apporter  toute  sorte  de  précaution.  C'est  pourquoi  les  unis  se 

•  serviront  de  toute  la  discrétion  possible...,  et  prendront  garde  de  mé- 

•  nager  de  telle  sorte  le  zèle  qu'ils  ne  nuisent  pas  à  la  doctrine  de  5.  Au- 
»  gustin,  prétendant  de  l'avancer  à  contre-temps.. •  Ils  ne  feroftt  point 
»  de  difficulté  de  désavouer  la  doctrine  et  de  dire  qu'ils  ne  sont  point 

•  jansénistes...  Ils  ne  diront  point  ouvertement  leur  opinion,  mais  Us  la 
»  donneront  sous  des  termes  qui  la  feront  paraître  presque  la  même 

•  que  l'opposition  commune,  aGn  de  n'effaroucher  pas  d'abord  les  es- 
»  prils,  les  amenant  peu  à  peu,  etc.  »  (Lettres  circulaires  à  MM,  les 

•  disciples  de  S.  Augustin.)  c  Comme  il  faut  se  gouverner  avec  les  sus- 
»  pcct?.  » 


QUE 


417 


en  loangeaDl  du  fruii  ijoiil  Dieu  lui  avaii  défendu  de  niuugcr 
désobéissance  criminelle  fut  pour  lui  uue  source  fiiconde  An  m 
res  déplorables.  Dépouillé  sur-le-champ  de  la  juslice  doui 
grdt-e  l'avait  orné,  (terenu  un  olijet  de  colère  ei  d'indigaBlion  aux    ' 
veux  du  Tout-Puissaoi,  assujéii  ï  U  mori,  suivant  la  menai'f 
viue  qui  lui  eu  atait  été  /aile,  tombé  sous  la  puissance  du  démon 
el  fait  son  esclave,  il  se  vit  lout-ï-coup  bien  tristement  changé, 
soit  du  cAtéde  l'ime,  soit  du  c6lé  du  corps, 

il  y  a  plus,  la  prévarication  du  premier  homme  ne  Tut  pas  pré- 
judiciable Il  lui  seul.  Comme  chef  du  genre  humain  elle  représeo- 
tant  tout  entier,  il  avait  aussi  été  établi  dépositaire  du  sort  de  tou 
ceux  qui  naîtraient  de  lui  dans  la  buite  des  siècles  par  la  voie  or- 
dinaire. Sa  fidélité  ou  sonin&déliié  1  garder  le  précepiedont  nous 
venons  de  parler  était  décisive  ou  pour  conserver  et  faire  couler 
sur  toute  sa  postérité,  par  son  canal,  les  faveurs  admirables  dont 
il  était  en  possession,  ou  pour  en  tarir  en  lui-ménie  la  source  :  il 
sobélt,  et  sa  désobéissance,  qui  réunit  tous  les  caractères  d'un» 
!  révolte,  perdit  aussi  tous  ses  descendans,  les  souilla  tous,. 
«  changea  tous. 

Quand  nous  disons  tous,  on  s'attend  bien  que  nous  ne  compre- 

nspas  dans  ce  nombre  le  Sauveur,  qui,  quoique  eut'ant  d'Adam, 

aison  de  la  nature  humaine  qu'il  possède,  n'a  ni  contracté,  ni  dû 

itracler  la  souillure  du  péché  de  noire  premier  père,  puisque, 

.  TOé  dans  le  sein  d'une  Vierge  par  l'opération  du  Saint-Esprit^ 

mS,  n'a  pas  été  conçu  comme  nous.  Nous  exceptons  encore,  aln4, 1 

l'aToDs  dit  ci-devant,  son  auguste  mère,  louchant  !■-•,■ 

'qaelle,  quatid  il  s'agit  du  péché  originel,  il  Faut  observer  iM'  T 

P  institutions  que  des  souverains  pontifes  ont  données  à  ce  sujetv    ' 

La  transmission  du  péché  du  premier  homme  il  ses  descendani 
Ft  W4  un  mjstère  impénétrable  i  la  raison  humaine  ;  mais  la  foi  nou» 
^iappreod  qu'elle  a  lieu,  et  ce  péché,  qui  est  en  nous  aussitôt  que 
paoDs  sommes,  noua  est  propre,  nous  fait  naître  pécheurs,  enfana 
[J^de  colère,  esclaves  du  démon,  indignes  du  ciel,  sujets  à  l'igno- 
:,  i  la  concupiscence,  ï  la  mort  et  à  tant  d'autres  misères,  qui 
int  les  effets,  la  solde,  la  punition. 
Cependant,  tout  en  reconnaissant  combien  la  transgression  do 
Kwtre  premier  père  nous  a  été  funeste,  il  faut  prendre  garde  d'en 
rexagérer  à  l'excès  les  terribles  suites. 

Ce  péché  désastreux  a  véritablement  affaibli  la  liberté  naturel)^ 
I   de  l'homme  pour  la  bien  moral  ;  mui»  il  ne  l'a  pas  détruite  :  il  t  ] 


418  QUE 

jeté  Id  coupaMe  dans  les  ténèbres  épaisses  d*une  igûoranfce  fîi- 
cheusc  ;  mais  il  n'a  pas  éteint  en  lui  toutes  les  lumières  de  la  fo{ 
que  la  main  du  Créateur  y  avait  comme  gravée  :  il  a  répandt  datts 
son  cœur  cette  concupiscence  laboriease,  qui  est  la  source  de 
tous  les  péchés  actuels  ;  mais  il  n*a  pas  banni  de  ce  cœur  toute' 
affection  louable  :  il  a  changé  Thomme  tout  entier,  en  le  précipi- 
tant dans  un  état  malheureux,  eu  égard  à  ce  qu*il  était  aufHrtataét, 
et  même  d*une  manière  absolue,  en  le  souillant  aux  yetEX  de  son 
Créateur,  etc.;  mais  il  n*a  pas  efficé  totalement  en  lui  rimage  de 
Dieu  :  en  sorte  quCf  quoique  profondément  blessée  par  le  pédié 
originel,  la  nature  humaine  n*en  a  pas  été  maltraiiée  ni  eorfctti- 
pue  au  point  de  ne  plus  rien  conserver  de  sa  bonté  prittiitiTe,  et 
il  faut  recomiattre  que,  sauf  le  péché  aveô  lequel  nous  entnAis 
dans  cette  vallée  de  larmes,  Dieu  eût  pu  créer  l'homme  àéi  le  «Mi- 
mencement  tel  qu'il  nait  aujourd'hui  *. 

C'est  même  en  vertu  des  précieux  restes  dont  nous  parlons  qoè 
rhomme  peut  encore ,  dans  Tétat  présent,  et  sans  le  secours 
de  la  grâce  de  son  divin  Réparateur,  connaître  qfnelques  vérités 
naturelles,  avoir  quelques  senti  mens  légitimes,  faire  quelques  ac- 
tions moralement  bonnes,  résister  d'une  manière  irrépréhensible^ 
quelques  tentations  légères  ;  mais  non  pas  remplir  tous  les  devoiré 
qu'impose  la  loi  naturelle,  ni  triomplier  de  tentations  très-graves. 

Cependant,  s'il  arrive  en  effet  que  l'homme  agisse  réellemeirt 
ainsi,  il  faut  bien  se  garder  de  conclure  de  là  que  le  peu  de  bien 
qu'il  fait  de  cette  sorte  dépasse  le  moins  du  monde  les  limites 
de  Tordre  naturel,  ni  qu'il  opère  aucun  mérite  pour  le  ciel  on  dans 
l'ordre  du  salut.  Car,  quoi  qu'il  fasse,  il  ne  peut  avec  les  seules  res« 
sources  qu'il  trouve  dans  sa  nature  ni  mériter  la  première  grâce 
actuelle,  ni  faire  le  moindre  bien  surnaturel,  ni  sortir  du  miséra- 
ble état  du  péché,  ni  se  disposer  à  la  grâce  sanctifiante,  ni,  à  plus 
forte  raison,  mériter  la  vie  éternelle  :  soutenir  le  contraire,  ce  se- 
rait entreprendre  de  ressusciter  le  Pélagianisme  que  FËglise  a 
foudroyé  depuis  long-temps. 

L'homme  étant  donc  tombé,  comme  nous  l'avons  dit,  et  ne  trou* 
vaut  en  lui-même  ni  force  pour  se  relever,  ni  ressource  pour  sa- 

^  C'est  la  doctrine  qui  résulte  de  la  condamnation  de  cette  proposi- 
tion de  Balus  :  Deu$  non  pofutsset  ab  initia  talem  creare  hominem^ 
quaiiê  nune  nascitur.  Bulle  ex  omnibus  afflietionibus  ;  prop.  inter  dam- 
nalas  lv. 


Qliù  -119 

lisfïireiiU  juslkc divine,  pi  nio^en  pour  se  jualilicr  licvanl  Dieu, 
il  Tulhit,  ou  qu'il  péril  niisérablenieiit  i  jdoiais,  uu  qu(r  le  Toul- 
Puissant  lui  pardonnât  d'une  manîËre  absolue,  ou  qu'il  lui  prêlJt 
un  secours  surnaturel  pour  le  tirer  de  l'iibloie  prorond  daus  lequel 
le  péché  l'avait  précipité. 

En  effet.  Dieu  eut  pitié  du  genre  humaiD,  Il  promit  k  Adam,  et 
dans  sa  personne  il  luule  sa  postérité,  un  libérateur,  promesse 
i)u'i|  réitéra  souvent  ï  Irarers  les  siècles  pour  en  renouveler  la  foi 
indispensable.  Or,  U  temps  marqué  pour  l'exécution  de  ce  grand 
dessein  étant  venu,  le  Verbe  éleroel  s'incarna,  et,  s'étanl  cliargé 
dcspécbés  de  ions  les  hommes,  il  mourut  sur  la  croix  pour  les  ex* 
pier.  luéritaDi  à  louslescoupubles,  par  l'elTusioD  de  sou  précieux 
sang,  les  grâces  nécessaires  pour  réparer  aboodummenl  leur  maj- 
lieur,  c'est -A -dire  pour  être  récouciliés  avec  Dieu  et  sauvés. 

C'est  doDCBTec  raison  que  le  Filsde  Dieu  failbomme  est  appelé 
Jèiai-Chriii,  ^luaa  lie  Diru  gui  Ûte  hs  jiéthdt  du  monde,  Bçneau 
immolait  VerigiM  du  mande.  Il  est  le  Sauveur  promis  ;  il  s'ett 
immolé  pour  efTacer  les  péchés  des  bommes,  et  sou  sacriflce  ado- 
rable commença,  dès  la  chule  d'Adam,  i  produire  ses  salutaires 
effets.  Le  Verbe  incarné  mort  pour  nous  est  donc  le  rondement 
de  toute  noire  espérance,  de  toute  notre  jusiLScation,  de  loui  oo- 
ires:dui.  La  rédemption  qu'il  a  opérée  sur  la  croix  a  été  surabon- 
dante ;  les  Pères  de  l'Ëglise,  appuyés  sur  l'Ëcrilure  sainte,  sou-  ' 
tiennent  qu'elle  a  été,  non-seulement  entière  et  coinpiéte,  mais 
qu'elle  nous  a  rendu  de  plus  grands  avantages  queceni  dont  nous 
étions  déchus  par  te  péché  originel  :  de  lï  l'Eglise  s'écrie  elle- 
inâine,  en  parlant  de  ce  péché  :  Félix  eulpa,  qua  lalem  ac  fanfup 
vieruil  habere  Redeaiplerem  ! 

Depuis  la  publicalion  Jel'ËTangile, la  justification, c'est-â-dire 
la  IrantlMiun  de  t'élat  dain  lequel  l'Iwmme  naU  enfant  du  premier 
Admit,  i  l'iUat  de  grâce  el  d'enfant  adoplif  de  Dieu  par  le  teconi 
Adam  Jiiui-Chri$l,  noire Saui'eur,  w  stpeal  faire  sans  Veau  delà 
regilnéralioa,  ou  laiu  le  désir  d'en  (Ire  lavé,  dil  le  saint  concile  de 
Trente';  mais  les  mérites  du  Sauveur  sont  appliqués  si  libérale- 
nirni  Si  l'homme  daus  le  sacrement  de  bspléme,  et  le  péché  }r  est 
lelleineiii  eOiicé,  qu'il  ne  reste  plus  rien  dans  celui  qui  l'a  reçu 
avec  tous  ees  elTels  qui  puisse  l'empêcher  d'être  admis  de  suite 
'(■  ~i*'jaur  immortel  de  la  gloire,  s'il  mourait  dans  cet  1 


r  >Sess.<i 


420  QUE 

i«ttx  état  :  ainsi,  tout  ce  qui  est  réellement  péché  et  toute  dette 
contractée  par  le  péché  lui  est  miséricordieusement  remis  par  h 
vertu  du  sacrement  dont  nous  parlons. 

II  ne  faut  donc  pas  dire  avec  quelques  hérétiques  du  seizième 
siècle  que  le  péché  originel  n'est  autre  chose  que  la  concupis- 
cence même,  ce  penchant  fâcheux  ^tit  nous  enttfAne  au  amI,  pour 
parler  comme  Biélancthon  ;  ni,  avec  Baîus,  Jansénius  et  leurs 
partisans,  qu'il  consiste  formellement  dans  la  concupiscence  ha- 
bituelle dominante.  11  s'ensuivrait  de  ces  systèmes  ou  que  ce  pé- 
ché ne  serait  pas  réellement  et  entièrement  effacé  par  la  grâce  de 
Jésus-Christ  qui  nous  est  communiquée  dans  le  baptême,  et  qu'il 
ne  se  trouverait  que  comme  rasé,  non  imputé  dans  celui  qui  possé- 
derait cette  grâce  précieuse,  double  erreur  condanmée  parle  con- 
cile de  Trente  *,  ou  qu'il  serait  imputé  de  nouveau  au  chrétien 
tombé  dans  quelque  péché  mortel  et  qu'il  revivrait  alors  en  lui, 
autre  erreur  qui  semble  avoir  donné  lieu  à  cette  proposition  aussi 
fausse  que  ridicule  :  a  L'homme  doit  faire  pénitence  pendant  toute 
»  sa  vie  du  péché  originel  *.  »  Sans  doute  la  concupiscence  est 
un  défaut,  un  vice,  une  source  féconde  de  tentations  dangereuses, 
par  conséquent  un  vrai  mal  ;  mais  outre  qu'on  ne  peut  la  regar- 
der comme  un  véritable  péché  par  elle-même,  comment  formerait- 
elle  l'essence  du  péché  originel,  puisqu'elle  y  est  postérieure  et 
qu'elle  n'en  est  réellement  que  la  suite,  l'effet,  la  punition? 

Indépendamment  de  ce  péché ,  qui  ne  nous  a  été  volontaire 
qu'en  Adam  ,et  qui  n'est  péché  en  nous  que  parce  que  notre  pre- 
mier père  l'a  commis  très-volontairement ,  nous  en  commettons 
nous-mêmes  d'autres  pendant  que  nous  avons,  en  cette  vie,  l'u- 
sage de  notre  raison  et  de  noire  liberté.  Ces  transgressions  libres 
et  volontaires  de  la  loi  de  Dieu  naturelle  et  positive  se  nomment 
péchés  actuels.  Ils  sont  véniels  ou  mortels,  suivant  qu'ils  sont  lé- 
gers ou  graves  en  eux-mêmes ,  ou  dans  les  circonstances  qui  les 
accompagnent.  Mais  tous  offensent  Dieu,  quoique  inégalement, 
et  méritent  de  sa  part  des  punitions  proportionnées  :  ceux-là  en 
méritent  de  passagères;  ceux-ci  d'étemelles. 

Les  premiers,  quel  qu'en  soit  le  nombre,  n'éteignent  pas  la  cha- 
rité dans  l'àme  du  juste;  mais  ils  la  refroidissent,  disposent, 
conduisent  même  au  péché  mortel,  soit  en  diminuant  dans  le  cou- 

*  Sess.  5,  De  peccat.  orig.,  can.  6. 

'  Prop  XIX,  int,  damnât,  ab  Alexandre  VIIJ,  die  7  decemb,  16D0. 


p 


OUK 


421 


pible  lu  crainlc  du  mal ,  et  l'iiubi tuant  k  le  commettre  avec  Taci- 
liié,  soil  en  engageant  Dieu  i  ne  pas  donner  des  secours  siimatU' 
rcls,  ni  aussi  muIlipiii'S.  nt  aussi  grands  qu'il  l'eût  fait  d'ailleurs, 
ï  un  ami  qui  montre  si  peu  de  docilité,  de  reconnaissance,  d'é- 
loignement  i  lui  déplaire.  Cependant  la  faiblesse  de  l'homme  est 
si  grande,  les  tentatioas  qui  le  poussent  au  mat  «onlsi  Tréquenles, 
si  variées  et  si  fortes ,  que  l'homme  le  plus  juste  ne  peut  passer 
toute  sa  vie  sans  tomber  dans  quelque  Toute  légire,  ï  moins  d'un 
privilège  spécial  de  Dieu  ,  privilège  que  l'Église  reconnaît  avoir 
6té  donné  il  la  sainte  Vierge  '. 

Quoique  tous  les  péchés  mortels  ne  soient  pas  égaux,  non  plus 
que  ceux  dont  nous  venons  déparier,  il  est  néanmoins  conslaot 
qu'il  n'en  Tiiut  qu'un  seul  pour  l'aire  déchoir  le  pécheurde  l'élatde 
grSce,  le  rendre  ennemi  de  Dieu,  esclavedu  démon,  sujet  i  l'enfer. 

Il  n'entre  pas  dans  notre  plan  de  parler  ici  des  différentes  sortes 
de  péchés  mortels  qui  se  commettent  ;  des  ravages  qu'opèrent 
ces  funestes  ti'angressions  dans  l'esprit  et  le  ceur  du  prévarica- 
teur, ni  des  chMimens  temporels  ou  spirituels  qui  souvent  en 
sont  la  suite  pendant  cette  vie  périssable;  on  peut  cousuller,  sur 
f^s  divers  objets,  l'Écriture,  les  Péres,  les  théologiens  orthodoxes 
et  une  foule  de  bons  livres  ascétiques. 

Hais  dans  quelque  aveuglement  d'esprit  et  dans  quelque  endur- 
cissement de  ccenr  que  soit  tombé  un  pécheur,  ï  force  de  mu'  ' 
plier  ses  péchés  et  d'en  commettre  d'énormes,  s'il  est  iiifldële,  | 
destitué  même  de  tout  secours  surnaturel  de  la  part  de  Dieu  i 
(supposition  que  nous  sommes  bien  éloignés  d'admettre),  il  con- 
serve encore  d^ns  sa  raison,  qui  n'est  pas  totalement  obscurcie, 
des  lumières  qui  l'éclairent  ;  dans  sa  conscience,  dont  te  langage 
se  fait  quelquefois  entendre,  un  dictamea  qu'il  ne  tient  qu't  lui 
d'écouter  ;  dans  la  loi  naturelle,  qui  crie  au  fond  de  son  cœur,  no 
stimulant  qui  le  presse  au  bien  ;  dans  sa  liberté,  qui  n'est  pas 
entiéremeni  anéantie ,  des  forces  avec  lesquelles  il  peut  choisir 
entre  le  hien  et  le  mal  moral,  et  se  déterminer  au  premier,  quand 
les  ohstacles  qui  s'y  opposent  ne  sont  pas  dlHicïles  â  vaincre; 
éviter  le  second,  quand  les  tentations  qui  j  portent  ne  sont  que 
IrJs-légÈres  et  peu  séduisante*  :  il  conserve  donc  encore  ces  pré- 
cieux restes  dont  nous  parlions  plus  liaul  *,  et  comme  ces  dcr-  j 


t 


3.  e,  Dcjusiir.,  I 


1.  S3. 


422  QL^K 

niers  traits  dans  lesquels  Dieu  reconnaît  encore  i  esquisse  impar- 
faite de  son  image. 

Quesnel  a  donc  grand  tort  de  dire  de  ce  pécheur  que  «  sa  vo- 
»  lonté  n*a  de  lumière  que  pour  s^égarer ,  d'ardeur  que  pour  se 
»  précipiter,  de  force  que  pour  se  blesser  ;  capable  de  tout  mal , 
»  impuissante  à  tout  bien  ;...  (  qu'il)  n*est  libre  que  pour  le  mal;... 
»  (n*est)  que  ténèbres,  qu'égaremeut  et  que  péché  ;...  (que  )  toute 
»  connaissance  de  Dieu ,  même  naturelle,...  ne  produit  (en  lui) 
»  qu'orgueil,  que  yanité,  qu'opposition  à  Dieu  même,  au  lieu  des 
»  sentimens  d'adoration,  de  reconnaissance  et  d'amour;...  (qu'O 

>  n'y  a  dans  ce  pécheur)  rien  qu'impureté,  rien  qu'indignité;  • 
qu'enfin  il  ne  peut  rien  aimer  qu'à  sa  condamnation  ^  ;  par  con- 
secouent ,  que  toutes  ses  œuvres  sont  des  péchés ,  et  toutes  set 
Tertus  des  vices.  Cette  doctrine  découle  naturellement  de  It 
maxime  erronée  des  deux  amours  exclusifs  ;  elle  renferme  des 
dogmes  chers  au  parti  ;  mais  la  foi  catholique  condamne  ces 
dogmes  prétendus,  et  l'Église  anathématise  tous  ceux  qui  les 
soutiennent. 

Jje  même  novateur  erre  encore  d'une  manière  plus  insoutenable, 
si  nous  pouvons  le  dire  ainsi ,  quand  il  applique  presque  toutes 
ces  propositions,  et  d'autres  encore  du  même  genre,  au  fidèle  de- 
venu prévaricateur ,  et  quand  il  s'écrie  d'un  ton  dogmatique  : 
«  Que  reste-l-il  à  une  âme  qui  a  perdu  Dieu  et  sa  grâce,  sinon  le 

>  péché  et  ses  suites,  une  orgueilleuse  pauvreté  et  une  indigence 

>  paresseuse,  c'est-à-dire  une  impuissance  générale  au  travail ,  k 
M  la  prière  et  à  tout  bien  '  ?  >  En  effet,  pour  nous  arrêter  à  ce 
dernier  texte ,  Quesnel  y  prévarique ,  soit  qu'il  entende  y  parler 
delà  grâce  actuelle,  ainsi  qu'il  l'assure  dans  ses  mémoires  justifi- 
catifs; soit  qu'il  y  ait  en  vue  la  grâce  habituelle  ou  sanctifiante, 
comme  l'insinuent  ses  expressions  prises  dans  leur  sens  naturel. 
Car,  considéré  sous  le  premier  point  de  vue,  c'est-à-<{ire  privé 
de  toute  grâce  actuelle  (  hypothèse  vraiment  inadmissible  ) ,  le 
fidèle  pécheur  ne  serait  pas ,  dans  l'ordre  de  la  nature,  de  pire 
condition  que  l'infidèle  dont  nous  parlions  tout  à  l'heure  ;  il  pour- 
rait donc  au  moins  tout  ce  que  celui-ci  peut  encore  ;  il  n'éprou- 
verait donc  pas  une  impuissance  générale  au  travail ^  à  tout  bien. 
Nous  disons,  il  pourrait  donc  au  moins ,  à  cause  des  lumières 

*  Prop.  xxxviir,  \xxix,  xl,  xli,  xlii. 
'  Prop,  I, 


(JIE 


4li 


KêBacoup  plus  étendues  qu'il  a,  ut  des  voHus  auqiiiiies  qu'il  cuu- 
scrve,  el  qui  peuienl  élre,  en  lui  pins  numbri'UEi'S,  plus  sulJde- 
nipni  établies,  toutes  naturelles  qu'un  les  supjiose  dans  la  pniseuté 
lijpotbèie.  Or,  personne  n'ignore  que  l'habitude  du  bien  en' 
rend  h  pratique  plus  aisée- 
Cou  sidéré  sous  le  second  rapport,  c'esl-ï-dire  hors  de  l'éial  àé 
grâce,  le  Sdële  pëcbeur  conserve  encore,  outre  les  avantages  pré- 
cieux dont  nous  Tenons  de  parler,  la  fol,  qui  lui  montre  des  res- 
sources à  son  malbenr  dans  la  prière,  le  JcQne,  Tauniùne,  1<| 
sacrement  de  Pénilence,  etc.  ;  l'espérance,  qui  lui  peint  dans  celui 
qu'il  a  BU  l'ingratitude  d'offenser  un  père  tendre  qui  Taltend,  Tirt- 
viie  a  revenir  à  lui,  lui  offre  un  gi^néreux  pardon,  lui  tend  des  br*j 
miséricordieux  ;  des  vertus  rbréliennes  acquises,  qui  forûlt'Ol  dairf 
sou  cœur,  aidé  de  la  grâce,  comme  un  besoin  toujours  reAaîssnnf 
de  faire  le  bien.  L'Église  soUiciie  sa  conversion  auprès  du  Perd 
des  Hiiséricordes  ;  quelques  Smes  justes  adressent  peiit-éire  dans 
le  secret  lies  vffiux  au  ciel  en  su  faveur;  il  voit  autour  de  lui  ié 
bans  exemples  ;  il  entend  des  instructions  touchautes  ;  il  éprouvé 
peut-être  des  revers,  deî  peines  intérieures;  la  grSee  excite  dtf 
temps  en  temps  dans  sa  conscience  du  salutaires  remords;  toiA 
ces  moyens,  réunis  aux  illustrations  et  pieux  muuvemens  que  Id 
&ini-ÉpriI  opère  en  lui,  peuvent  le  ramener.  Il  conserve  de  p\aà 
les  caractères  spirituels  qu'impriment  dans  l'âme  certains  sacrfl- 
mens  qu'il  a  re^us  :  il  est  donc  encore  chrétien,  confirmé,  prêtre,  i 
évéque  ;  obligé  conséqnemmenl  à  une  multitude  de  devoirs  qu'il  \ 
ne  peut  remplir  couime  il  Tant  sans  le  secours  de  la  grâce  célesto ,  < 
secours  donc  qui  est  toujours  prêt,  ou  qu'il  peut  toujours  deinait- 
der  et  obtenir,  parce  que  Dieu  ne  commande  pas  l'impossible. 
Il  faut  conclure  de  li  que  le  lidùle  pécheur  a  constamment  an 
moins  la  grfice  de  la  prière,  et,  par  une  suite  nécessaire,  le  pou- 
voir au  moins  médiat  de  Taire  de  bonnes  œuvres  dans  l'ordre  sur- 
naturel ;  de  croire,  craindre  ,  espérer,  se  repentir,  aimer,  ete.f 
comme  il  faut  pour  se  disposer  ï  la  justification;  enfin  d'observer 
les  commandemens  de  Uien.  Il  est  vrai  que  les  œuvres  qui  se  font 
diiits  le  déplorable  état  du  pécbé  sont  mortes,  en  ce  sens  qu'elles 
ne  donnitnl  ancan  droit  au  ciel,  et  qu'elles  n'j  seront  jamirs  eou- 
ronnées;  mais  elles  ne  laissent  pas  d'être  très-utiles,  nécessaires 
inflme  au  pécheur  :  car,  outre  qu'il  accomplit  la  loi  divine,  ei 
upérant  cellet  qui  Ini  sont  commandées,  il  peut  aussi  par  se 
prières,  ses  jeûnes,  ses  aiiraùncs,  etc.,. toucher  le  cœur  de  Dieu 


424  QUE 

auirer  les  regards  de  sa  miséricorde,  obtenir  de  nouveaux  secours 
surnaturels,  mériter  improprement  (de  congruo)  le  pardon  de 
ses  péchés  et  la  grice  sanctifiante.  Rien  n*est  tant  recommandé  an 
pécheur,  dans  les  livres  saints,  que  les  bonnes  œuvres  dont  nous 
parlons  :  le  fidèle  tombé  n*est  donc  pas  dans  Timpossibilité  de  les 
faire;  elles  ne  lui  sont  donc  pas  inutiles;  bien  moins  sonl-dles 
des  péchés ,  comme  le  prétend  Quesnel  ;  même  des  pédiés  mor- 
tels, ainsi  que  le  décident  les  auteurs  impies  de  la  circulaire.  Le 
concile  de  Trente  a  défini  le  contraire  en  opposition  &  la  doctrine 
des  hérésiarques  du  seizième  siècle.  «  Si  quelqu*un  dit  que  toutes 
»  les  œuvres  qui  se  font  avant  la  justification,  de  quelque  minière 
9  qu'elles  soient  faites ,  sont  de  véritables  péchés ,  ou  qu'elles 
»  méritent  la  haine  de  Dieu ,  ou  que  plus  un  homme  s'efforce  de 
»  se  disposer  à  la  grâce,  plus  il  pèche  grièvement  :  qu'il  soit  ana- 
»  thème  * .  •  S'élever  fièrement  au-dessus  de  cette  définition  si  pé* 
remptoire ,  en  alléguant,  avec  les  auteurs  hétérodoxes  que  nous 
venons  de  citer,  que  le  concile  de  Trente  n'est  pat  canonique  ^  et 
qu'U  n* était  composé  que  de  moines  violens  * ,  ou,  avec  d'autres  du 
même  parti,  en  assimilant  ce  saint  concile  aux  brigandages  odieux 
de  Tyr  et  d'Épbèse  ',  c'est ,  ^  notre  avis ,  se  montrer  digne  émule 
de  ce  serpent  perfide  qui  dit  autrefois  à  notre  première  mère, 
pour  l'engager  à  manger  du  fruit  défendu  :  «  Non,  vous  ne  mourrez 
»  point,  car  Dieu  sait  qu'en  quelque  jour  que  vous  en  aurez  mangé, 
»  vos  yeux  s'ouvriront  ;  et  vous  serez  comme  des  dieux,  sachant 
»  le  bien  et  le  mal  *,  » 

Le  sacrement  de  pénitence  est  comme  une  seconde  planche  que 
la  miséricorde  divine  tend  au  fidèle  pécheur,  pour  le  tirer  du 
naufrage  qu'il  en  fait,  en  se  laissant  tomber  dans  le  péché  mortel, 

*  Sess.  6,  De  jostiC,  can.  6. 

>  Voyez  ce  qne  nous  avons  rapporté  dans  une  note,  p.  880  et  suiv. 

*  Telle  était  la  manière  dont  en  parlait  auprès  de  nous,  au  commen- 
cement de  notre  triste  révolution,  un  religieux  distingué  par  le  rang 
qu*i]  occupait  dans  son  ordre.  Il  se  disait  Janséniste,  et  nous  eûmes  très- 
certainement  la  preuve  qu'il  Tétait  en  effet  autant  de  cœur  que  d'es- 
prit, et  que,  s'il  admettait  tous  les  principes  du  système  pour  former 
sa  croyance,  il  n*était  pas  moins  docile  à  régler  sa  conduite  d'après 
toutes  les  conséquences  qui  se  déduisent  du  même  système  :  c'était  un 
homme  sans  foi  et  sans  mœurs,  cependant  très-sévère  à  l'égard  de  ceux 
qui  lui  étaient  soumis  et  surtout  grand  partisan  de  la  révolution, 

*  Genès.,  S,  à,  5. 


■  QUE  42i  i 

apr&s  son  baplétne.  Il  pcul  encore  Hre  jiistiriù  par  la  ci 
parfaite  jolnie  au  vœu  de  recourir  au  wicrement  de  pcnitenca. 
Noua  renvoyons  nos  lecteurs,  louchant  ces  objets,  aux  lliéulogiens'  ' 
orLliodoxes ,  i  beaucoup  de  bons  livres  qui  en  traitent  pertinemi  J 
uieot,  eL  surtout  au  concile  œcuménique  que  nous  v 
Ce  concile  définit,  entre  plusieurs  autres  dogmes  catholiques  qui. 
□ni  rapport  à  celte  matière ,  que  l'absolution  sacramentelle  est  no 
acte  judiciaire,  et  non  un  ministère  vide  et  ineOicace<iiiKtuin), 
par  lequel  le  prêtre  prononce  et  déclare  purement  que  les  péchés    ' 
sont  remis;  et  que,  lors  même  qu'ils  seraient  en  état  de  péché 
mortel,  les  prêtres  ne  laisseraient  pas  de  conserver  la  puissance 
de  lier  et  de  délier.  Il  «Tait  déjï  défini,  en  parlant  d'une  manière 
plus  générale ,  que  le  même  péché  n'empécbait  pas  qu'u: 
menl  ne  fût  valîdemeni  confectionné  et  administré  ;  pounu  que 
la  ministre  coupable  obserrSt  d'ailleurs  tout  ce  qui  est  essentiel  t 
ta  coareclioD  et  ï  l'administration  de  ce  sacrement  ' . 
II.  Le  principe  des  deoi  délectations  relativement  victorieuses, 
il  que  noua  l'aToas  rapporté  ci-devant  ',  et  tel  que  l'adiuirent 
L2«isénius  et  Qnesnel,  est  non-seulemenl  démenti  par  le  sens  in- 
IVllme,  contraire  1  l'expérience ,   opposé  i   la  raison,  injurieux  1 
|Jisus- Christ  ;  il  est  de  plus  béréiique  et  la  source  de  plusieurs 
'^irésies. 

Nous  disons,  démtnli  par  le  tent  inlime.  Soit,  en  elTet,  que  nous 

Eçédions  ï  une  tentation  ,  et  que  nous  fassions  le  mal  auquel  elle 

ft|WUs  porte,  soit  que  noua  y  résistions ,  et  que  nous  opérions  le 

iniraire ,  nous  entendons  presque  toujours  une  voix  qui 

dedans  de  nous  que  nous  sommes  maîtres  de  choisir  ei 

et  le  mal  qui  se  présente  ;   que  nous  pouvons  prendra  1 

e  parti  que  celui  que  nous  prenons,  accomplir  ou  «' 

(a  précepte,  ei,  par  conséquent,  que  nous  ne  sommes  point  n6- 

^  ni  déterminés  invinciblement  par  la  grlce  ou  la  con- 

lence,   d'après  le  degré  de  prépondérance  de  l'une  ou  de 

!.  Nous  disons  presque  toujours,  afin  d'exclure  ces  premiers 

nvemens  subits  qui  échappent  avant  la  réflexion,  el  ces  tccèj   | 

errililes  qui  entraînent ,  eoiporleiil  et  précipitent  ai 

B  délibérer,  et  qui  conséquemmeat  ne  sont  pas  libres.  Et  si 


<  Scss.  H,  De  pœniL  sacram 
'  r.ijclcf.pugcsl^,  377i' 


I.  9,  10.  Sess.  7,  Dc! 


lei...  InJ 


4ac  QLE 

<|uoi  seraient  donc  fondés  celte  joie  donce  que  noas  reneiftoM 
quand  nous  avons  remporlé  la  victoire  et  fait  le  bien  ;  celte  tris- 
tesse secrète,  ce  remorîds  pénible  qui  suivent  de  si  près  notre  dé- 
faite, le  mal  que  nous  ayons  commis,  si  cen*e8t  sur  la  persoaaioa 
invincible  que  nous  avons  que  nous  pouvions  prendre  une  antre 
détermination  et  que  nous  sommes  libres  ou  maîtres  de  notre 
choix  ?  Or,  ce  sentiment  intérieur  que  nous  avons ,  même  lialgré 
nous,  de  notre  liberté ,  c*est  la  voix  du  sens  intime,  de  ce  témmii 
irrécusable  que  Fauteur  de  la  nature  a  placé  lui-même  an-dedanS 
de  nous,  pour  nous  avertir  infailliblement  de  ce  qui  8*y  paese. 

Nous  disons  contraire  à  V expérience»  11  est  constant  que  Bons 
agissons  quelquefois  par  raison  contre  notre  répugnance  ;  que  la 
crainte  de  Fenfer  nous  retient ,  et  nous  empêche  de  commettre 
des  fautes  auxquelles  nous  nous  sentons  beaucoup  d'attraits.  Or, 
depuis  quand  la  raison  est-elle  formellement  un  vrai  plaisir  f 
Depuis  quand  h  crainte  en  est-elle  de  même  un  antref  En  tout 
cas,  si  ce  sont  là  des  plaisirs  formels,  ils  ne  sont  pas,  k  coup  sûr, 
très-pesans  ;  ils  doivent  donc,  suivant  le  système,  laisser  souvent^ 
pour  ne  pas  dire  toujours,  en  Pair  le  bassin  de  la  balance  jansé- 
nienne  dans  lequel  ils  se  trouvent ,  tant  ces  plaisirs  sont  légers, 
en  comparaison  de  la  concupiscence  bien  autrement  lourde ,  qni 
ne  déloge  jamais  du  bassin  opposé.  Aussi ,  les  bons  Jansénistes 
ne  comptent-ils  pour  rien  la  raison  en  cette  matière»  et  ils  regar- 
dent la  crainte  servile  comme  un  mal  réel.  Suivant  eux  ,  e*est  la 
gr&ce  ou  délectation  céleste  qui  fait  tout  le  bien,  empêche  tout 
le  mal  ;  la  crainte  n'arrête  que  la  fnain ,  et  n'empêche  pas  que  le 
cœur  ne  soit  livré  au  péché. 

Nous  disons  opposé  à  (a  raiêon.  Elle  nous  dit  en  eflet  que  nons 
ne  sommes  libres  qu'autant  que  nous  sommes  véritablement  maî- 
tres de  notre  choix  ;  que  notre  détermination  est  réellement  eu 
notre  pouvoir  et  que  nous  ne  suivons  pas  irrésistiblement  un  agent 
qui  ne  dépend  point  de  nous  :  que  si  donc  la  concupiscence  dé- 
termine invinciblement  notre  volonté  au  mal ,  c'est  à  elle  de  ré- 
pondre de  tout  le  mal  que  nous  faisons  d'après  l'impulsion  de  la 
nécessité  qu'elle  nous  impose  ;  que  si  au  contraire  la  grâce  em- 
porte nécessairement  notre  volonté  au  bien  qui  sort  de  nos  mains , 
tout  le  mérite  de  ce  bien  retourne  aussi  à  la  grâce ,  et  que  nous 
n'en  avons  nous-mêmes  aucun;  qu'en  conséquence ,  quoiqu'il 
nous  arrive  ou  que  nous  fassions ,  nous  ne  sommes  ni  dignes  de 
ni  réprôliensibles;  que,  dans  celle  hypothèse  ruvolUmU', 


OtE 


4H  . 


les  préceptes  soni  vériublemeiit  injustes ,  les  coûseiJs  eniière- 
ment  di^plncés ,  les  ricnmpenscs  dépourvues  de  toute  espèce  de 
litre,  Ui  Denaces  pleines  de  ridicule,  les  cliAliniens  des  actes 
émanés  de  U  ijrannie ,  et  qu'enBn  ,  si  notre  cœur  va  el  tient  nê^ 
eessairemeni  pour  le  bien  el  le  mal  moral ,  ensuite  if  un  peu  plus 
ou  d'un  peu  moins  de  plaisir  indélibéré,  comme  uiie  balance 
qu'un  peu  plus  ou  un  peu  moins  de  poids  k'it  nicessairement  bais^ 
ser  ou  mouler,  suivant  les  lois  pb]rsl(|ues  de  l'équilibre ,  ainsi 
que  le  veut  le  patriarche  Jansénius ,  le  bien  et  le  mal ,  le  vice  et  la 
venu  sont  de  vraies  cbimërcs ,  le  ciel  est  nne  pure  illusion ,  Tcnfet 
une  lerreuT  vaine,  la  religion  une  fade  inieniion  de  la  soltlse, 
bien  loin  d'flre  l'oufragc  dv  Dieu  dont  la  bonté ,  la  justice  et  It 
sagesse  entrenl  essentiellement  dans  l'idée  que  nous  avons  de  lui. 

Nous  disons  injurieux  à  Mut-Cltrlsl.  En  effet ,  ce  n'est  pas  h 
volonté  qui  lutte  dans  le  combiit ,  suivant  le  système ,  c'est  le  Fils 
de  Dieti  qui  se  trouve  aux  prises  avec  le  démon ,  sa  grflee  .ivcc  11 
concupisecnce  :  la  volunlé  de  l'Itomme  est  léiooin  oistr  de  ce  qui 
se  passe  ;  elle  marclie  seulement  en  esclave  î  ta  suite  du  victo- 
rieux. Les  armes  des  combaitins  sont  les  m£mes,  c'esl-ï-dire  le 
plaisir;  la  condition  n'est  pas  dlITéreole  depnrt  et  d'autre ,  puis- 
que la  décision  n'est  que  la  suite  du  pins  ou  du  moins  de  plaisit 
que  cbacun  fournit.  Or,  une  telle  eompar,iisim  n'esl-ellc  pas  in- 
jurieuse i  Jésus -Cbrist  et  ne  renferDie-t-ellc  pas  un  vml  blas- 
phème f 

Nous  ajoutons  hérétique,  parce  qu'il  est  de  la  foi  que  le  libre 
arbitre  n'est  point  perdu  ni  éieîut  depuis  le  ptehé  d'Adam  ;  qoe 
l'homme  ,  suus  la  motion  de  la  grUce ,  peut  douner  ou  refuser  sua 
consentement  ' ,  el  qu'enlln ,  pour  mériter  ou  dfimérlter  dans 
\'H>1  de  nuture  tombée  ,  il  ne  suffît  pas  que  la  volonté  ne  soit 
point  forcée,  comme  l'ont  prétendu  BnTus  et  Jansénius,  mais  il 
faut  de  plus  qu'elle  soit  eiemple  de  toute  néeessllé ,  non-seule- 
ment immuable  et  absolue  ,  mais  même  relative,  en  sorte  que  U 
volonté  puisse  aeluellemenl  surmonter  la  déleeiallon  prépondé- 
rante, et  que  le  volontaire,  s'il  est  nécessaire,  n'est  pas  libre 
il'une  liberté  qui  suffise  pour  le  mérite  et  le  démérite  de  la  vie 


près 


Enfin 


s  soutenons  que  le  principe  des  deus  A 


ht 


Conclt.  Trid,,  seiS.  fl,  Dejuslir.,  can.  5  t 
Vi'l/c:  ci-Jcssus,  paj,  15  etbuiv. 


428  QUE 

relativemeDt  yictorieuses  est  la  source  de  pluiiatrê  hérMtê,  Car  il 
suil  de  là  qae  la  grâce  eiBcace  donne  seule  un  vrai  pouvoir  de 
faire  le  bien  et  de  résister  à  la  concupiscence  ;  que  les  justes  n^ont 
pas  toujours  le  secours  surnaturel  nécessaire  pour  pouToir  ob- 
server les  commandemens ,  puisqu^il  leur  arrive  de  les  violer;  que 
quelques  préceptes  leur  sont  donc  impossibles»  quoiqu'ils  veuillent 
les  accomplir  et  qu'ils  fassent  à  cet  effet  des  efforts  selon  lesfor> 
ces  présentes  qu'ils  ont  ;  qu'il  suffit  pour  mériter  ou  démériter 
d'avoir  une  liberté  exempte  de  violence  ou  de  contrainte  ;  qu'on 
ne  résiste  jamais  à  la  grâce  intérieure  ;  que  telle  est  l'idée  que 
Dieu  veut  que  nous  ayons  de  cette  grâce  et  qu'il  nous  en  donne 
lui-même  dans  les  saintes  Lettres  ;  qu'on  ne  peut  pas  pins  y  ré- 
sister que  les  créatures  purent  résister  au  Gréiateur ,  quand  U  les 
tira  du  néant,  ou  qu'un  mort  pouvait  résister  à  la  volonté  toule- 
puissante  de  Jésus-Christ ,  lorsqu'il  lui  commandait  de  sortir  du 
tombeau  ;  que  quiconque  a  une  autre  idée  de  la  grâce  intérieure 
erre  véritablement  dans  la  foi  et  est  formellement  hérétique  ; 
que  Dieu  sauve  infailliblement  tous  ceux  qu^ii  veut  sauver  ;  que 
par  conséquent  ceux  qui  se  perdent  n'ont  aucune  part  à  cette  vo- 
lonté de  Dieu  ,  et  que  Jésus-Christ  n'a  point  prié,  n'est  point 
mort  pour  leur  salut  éternel ,  mais  pour  celui  des  seuls  élus ,  etc. 
Or,  qui  ne  voit  que  toutes  ces  erreurs  sont  autant  de  conséquen- 
ces qui  découlent  de  la  maxime  que  nous  combattons  ?  Qui  n'y 
reconnaît  aussi  les  dogmes  hérétiques  contenus  dans  les  dnq 
propositions  de  Jansénius ,  et  sommairement  toute  la  doctrine  de 
Quesnel  sur  la  grâce  et  la  prédestination  *  ? 

Le  principe  des  deux  délectations  relativement  victorieuses  est 
donc  démenti  par  le  sens  intime ,  contraire  à  l'expérience ,  op* 
posé  à  la  raison  ,  injurieux  au  Sauveur  du  monde ,  hérétique  en 
lui-même  et  la  source  de  plusieurs  hérésies. 

Comme  notre  plan  nous  engage  à  tracer  ici  quelques  vérités  en 
opposition  à  ce  ramas  d'erreurs  et  d'hérésies ,  il  nous  parait  utile 
de  donner  préalablement  une  idée  succincte  de  la  grâce  dont  nous 
avons  à  parler ,  et  d'en  indiquer  au  moins  les  divisions  dont  la 
connaissance  est  nécessaire  pour  entendre  ce  que  nous  avons  à 
en  dire. 

Or,  par  le  mot  grâces  nous  entendons  un  don  surnaturel  et  gra- 

'  Voyez  ce  que  nous  avons  dit  ci-dessus,  page  215  et  suivantes,  et 
■iepuis  la  page  384  jusqu'à  la  page  391  inclusivement. 


Iliil  accorili  tte  Dieu  à  rhûinine  pour  le  cenilaire  au  salât  tlerneli 
soit  que  ce  don  lui  ail  été  confÉrë  avanl  ta  chuU  par  la  seule  li- 
béralité du  Créateur,  conime  renseigne  saini  Thomu,  ou  bien 
encore  en  vue  des  mériies  de  Jésus-Christ  considéré  comme  chef 
du  genre  bnniain ,  ainsi  que  le  veulent  les  Scolistes,  soit  que  ce 
don  soil  accordé  k  l'iiomine  drpufi  la  chule  par  la  miséricorde  di- 
TÏne,  en  vue  des  mérites  de  la  passion  et  de  la  mort  de  n 
vin  Rédempteur  ,  comme  le  reconnaissent  tous  les  callioliques , 
fondés  sur  l'ÉeriluTe  et  la  tradiiiua. 

On  conçoit  Facilemeni  ce  que  signifie  le  mot  dvn ,  pris  dans  un 
sens  Tague  et  général.  Il  n'en  est  pas  de  même  qunnd  il  s< 
joint  au  mot  urnalurel  :  aussi  les  théologiens  l'expliquent-ils  di- 
Tersemenl.  Pour  nous ,  qui  n'envisageons  ici  la  grlce  que  comme 
donnée  ù  l'homme  innocent  ou  déchu  de  la  justice  originelle, 
nous  désignons  par  ces  mots,  don  turnalurel,  un  secours  ou  un 
don  qui  est  d'un  ordre  supérieur  i  la  nature  humaine ,  qu'elle 
n'exige  pas  par  sa  constitution ,  qui  ne  lui  est  point  dû ,  ni  comme 
uu  complément  nécessaire ,  ni  comme  une  suite  de  sa  création , 
et  qui  tend  parlui-mèmcii  diriger  l'homme  vers  h  vision  in  lu  itivp. 

Par  don  graluit ,  nous  voulons  dire  que  Dieu  ne  devait  point  sa 
grice  ï  l'homme  ;  qu'il  eût  pu  ne  la  lui  jamais  donner ,  et  que  s'il 
la  lui  a  accordée  ei  promise ,  ce  n'a  été  que  par  un  pur  effet  do  sa 
libéralité  ou  de  sa  miséricorde  ,  pouvant ,  sans  blesser  en  aucune 

inière  sa  bonté,  sa  sagesse  et  sa  justice,  créer  l'homme  dans 
i,  ei  l'j  laisser,  comme  aussi 
1  chute;  et  que  parconséquen 
it  ï  la  grice ,  ni  comme  i  un  secours  dû  ï  sa 
nature,  ni  comme  i  un  complément  qu'elle  eiigeail,  ni  même 
eu  vertu  de  ses  dispositions,  de  ses  eHoris  ou  de  ses  mérites 
nalarelt. 

On  voit  donc  que  la  cause  elUciente  de  la  grice,  c'est  Dieu  qui 
veut  le  salut  de  l'homme  ;  que  la  cause  qui  l'a  méritée ,  c'est,  de- 
puis le  péché  d'Adam ,  Jésus-Chrisi  qui  a  souffert  et  qui  est 
mort  pour  nous  ;  que  le  sujet  qui  la  reçoit  c'est  l'Iiomme ,  que  la 
fin  pour  laquelle  elle  est  donnée  c'est  la  vie  étemelle. 

La  grlce  est  sumalurellc  dans  son  principe ,  dans  sa  nature , 
rjiins  ses  mojens .  daus  sa  Dn  cl  dans  sca  effets,  l-e  bien  que  nous 
laisons  au  mojen  de  ce  secours  divin  est  surnaturel  aussi  dans  son 
principe,  dans  la  manière  dont  nous  le  laisons  et  dans  la  lin  t  la- 
quelle il  tend. 


après 


jamais  ei 


480  QIE' 

Considérée  par  rapport  à  Téiat  présent ,  c*est-Si-dire  comïM 
Conférée  à  rhonime  déchu ,  la  çr&ce  est ,  ou  extérieure ,  agtssaéi 
sur  les  sens ,  comme  la  publication  de  la  loi ,  les  leçons  de  dùWS 
adorable  législateur,  la  prédication  de  TÊvangile,  tés  diîracfcl, 
hê  exemples  édifians,  etc.;  ou  intérieure  ^  faisant  impression  tfaM 
Tâme  :  soit  qu'elle  y  demeure  comme  une  qualité  inliéréntft,  la- 
quelle nous  rend  agréables  à  Dieu, etc.:  et  on  Tappèlle  griice 
habituelle  ou  sanctifiante ,  dont  nous  avons  parlé  aineurt  '  ;  soft 
qu*elle  agisse  d*une  manière  passagère  et  souvent  momentanée, 
en  nous  éclairant,  excitant,  fortifiant,  etc.,  et  c*e»t  lagrAce  ac- 
tuelle ^  laquelle  se  divise  en  grâce  de  T entendement,  ou  lamîèré 
intérieure  on  subite ,  que  Dieu  présente  à  Fesprit  pour  Inî  mtii^ 
trer  la  vérité  qu*il  faut  croire  et  le  bien  qu*il  faut  pfttiquef  dans 
Tordre  du  salut ,  et  en  grâce  de  la  volonté,  laquelle  consiste  daû 
une  notion  indélîbérée  du  côté  de  Thorome,  par  laquerfe  Diea 
excite  sa  volonté  et  la  porte  vers  le  bien  que  lui  propose  Fénten- 
dement  éclairé  et  conduit  par  la  grâce  qui  lui  est  propre ,  donnant 
en  même  temps  â  la  volonté  le  pouvoir  de  faire  le  bien  dont  il 
8*agit« 

Ces  deux  grâces  qui  sont  données  par  manière  d'acte  ou  d'In- 
spiration et  de  motion  instantanée ,  comme  nous  l'avons  dit ,  con'« 
courent  toujours  ensemble  dans  l'état  présent ,  en  sorte  que  quand 
Dieu  donne  â  la  volonté  le  mouvement  indélibéré,  surnaturel  et 
immédiat  qui  l'excite  à  faire  quelque  bien  surnaturel  avec  le  pou- 
voir de  l'opérer,  il  donne  en  même  temps  à  l'esprit  la  lumière  né- 
cessaire pour  connaître  et  représenter  ce  même  bien. 

Cette  double  gr^ce  de  l'esprit  et  de  la  volonté  se  subdivise 
l«en  gritce  prévenante,  opérante,  excitante,  qu'on  peut  considé- 
rer comme  étant  la  même,  mais  agissant  diversement,  soit  en  pré- 
venant notre  entendement,  lui  montrant  une  vérité  â  croire,  un 
bien  à  faire ,  auxquels  il  ne  pensait  ni  n'eût  pu  penser  d'une  ma- 
nière relative  au  salut  sans  ce  secours,  stitt  en  prévenant  notre 
volonté  qui  était  comme  endormie,  lui  donnant  le  pouvoir  qu'elle 
n'avait  pas  de  croire  la  vérité  et  de  pratiquer  le  bien  que  lui  pré- 
sente l'entendement  éclairé  et  conduit,  comme  nous  venons  de  le 
dire,  et  mouvant  la  même  volonté,  afin  que  nous  croyions  et  que 
nous  fassions  librement  et  d'une  manière  utile  au  salut  la  vérité 
et  le  bien  surnaturel  dont  il  s'agit  ;  2-  en  grâce  coopérante,  sub^ 

*  Voifcz  ce  que  nous  en  avons  dit  ci-dcvaut,  pag.  ÂOO  et  suiv. 


431 


téqiieale  et  adjuvante  ou  cancomitanle,  qui  exprii 
surniilurel  de  Ilieu  avec  nous,  pour  qiii>   nous  enrrpprpnions,  que 
nous  vxëculions  el  que  nous  cunduisiuns  librement  'i  une  heureuse 
lin  la  boDoeicuTredontlagrlce  prëcédenle  uous  araildéjireudui 

I  l4  grtce  Bduelle  vpiranle  se  diviie  eo  grSce  efficace  el  fo 

>  grire  tuffUtiiU.  I,a  jirciuiËre  est  t^elle  qui  opère  cerlaineueD( 

•  et  infaillible  ment  le  consentement  de  la  volonté  ï  laquelle,  par 

■  consËquciil,  riiomoie  ne  râeiste  jamais,  qnoiqu'il  ail  un  pou- 

■  voir  Irès-rËel  de  lui  résister.  La  seconde  est  celle  qui  donne  ) 

•  b  ToloDté  assez  de  force  pour  faire  le  bien,  mais  il  laquelle 

•  l'boiumeréeisteel  qu'il  reudine/}!cace  par  sa  résigUncemËDe'.» 
•  Eiifia,  l'on  disiiague  deui  sortes  de  grùces,  la  prdr;  propre- 

>  ment  dUe  ou  timplemenl  àileel  la  grâce  pour  grâce.  1a  prenÛËre 

•  nous  esl  donnée  en  vue  des  in</riles  de  Jë»us -Christ,  saus  que 
»  noua  l'ayons  aucunement  mérilée,  même  par  le  moyen  d'une 

•  grâce  prériklente;  la  «econde  nous  esl  accordée  comme  récom- 

•  pense  des  mérites  acquis  par  le  bon  usage  de  la  griice  ;  telle  es 

•  ta  vie  éternelle  *  >,  qui  est  en  même  temps  une  récompense  et 
une  grice  :  une  récuiupensc,  parce  qu'eJle  est  donnée  aux  mérites; 
une  grlce,  parce  que  res  mérites  découlent  de  la  grïce.  et  que  la 
récompense  les  siirpiisse,  selon  ces  paroles  de  l'apûlre  :  Non  ainf 
eoadigair  ptuioaes  Imjut  temporii  ad  fuiaram  gloriam,  fwv  reve^ 
labitar  in  nobit*.  C'est  pourquoi  ^l^g1ise  a  condamné  celte  pro- 
position de  Baius  :  •  Les  bonnes  œuvres  des  justes  ne  recevront 

■  pas,  au  jour  du  jugement  dernier,  une  récompense  plus  grande 

■  qu'elles  n'eu  mériteul  d'elles-niémes  suivant  le  juste  jugemeuC 
iieBieu  '.  .. 

P^Bergier,  Dicl.  de  lliéologic,  au  mot  GntLB. 
^  Conf.  (l'AnEeri  sur  la  grâce,  t.  1,  pag.  lA, 
)0  Rom.,  B,  IB. 

VProp.  iiT.InbuIMMioniiiJh»  egKetioKltat.nctatil  de»  bulles. 
H  est  vrai  que  celte  propo>>lîon>e  trouvi!  condamnable  i  d'antres  li- 
ts encore  :  l'autrur  y  slippnsc  qu'une  lionne  aclinn  mérile  la  lie  éter- 
nelle deianalure,lndépendanmiimt  de  la  grJce  d'adopllun,  par  lascula 
couTonuiié  qu'elle  a  avec  la  loi  divine,  el  parce  qu'elle  est  un  acte  à'a- 
bélsiancpï  celle  même  loi.  pourvu  néanmoins  quccclleobflissaneesoll 
une  i>ioriacllon  delocbarité,  vcrlu  i|ui,  selon  luj,  t'allie  très- bien  a tec 
k]>éi'Iié  nioilel.  ain»  queco  péché  aiee  le  mérile  ilmii  non;  purlons. 
Kriyri,  Ibid'-ni,  les  prop.  il,  ui,  xiii,  xv,  xvi,  wiii. 


432  QUE 

Toujours  attentif  à  ses  grands  principes  fondamentaux  dont 
nous  avons  démontré  la  fausseté,  Quesnel  se  fit  des  idées  erronées 
sur  la  grâce.  A  Texemple  du  chancelier  de  TUniversilé  de  Loufaîa 
et  de  Tévéque  d*Ypres»  il  la  méconnut  pour  Tétat  d*innocence, 
ou  plutôt,  tout  en  en  retenant  le  nom  avec  ce  dernier,  il  en  dé- 
natura comme  lui  tellement  la  chose,  ou  si  Ton  Teut  Tessence, 
qu*il  parut  la  détruire  et  la  rejeter  entièrement  :  prétendant  que, 
dans  cet  heureux  état,  la  grâce  était  une  tuUe  de  la  eréatUm  ;  qa^tik 
était  due  à  la  nature  Maine  et  entière^  et  qu'elle  ne  produieait  fue 
des  méritée  humains  ^.  Gomme  si  dès  là  que  Thomme  était  sorti 
innocent  des  mains  de  son  divin  auteur,  il  avait  eu,  par  sa  consti- 
tution même  ou  par  Texigence  de  sA  nature,  droit  d*étre  destiné 
à  la  vision  intuitive,  ou  que  le  Tout-Puissant  n*eût  pu,  sans  bles- 
ser sa  sagesse,  sa  bonté,  sa  justice,  lui  donner  une  destination  in- 
férieure à  celle-là.  Nous  avons  opposé  plus  haut  des  vérités  à  ces 
erreurs*. 

Quant  à  la  grâce  actuelle  intérieure  de  Tétat  présent,  poor  rac- 
corder à  son  système  désespérant,  tantôt  notre  dogmatiste  la  con- 
fond avec  la  volonté  toute-puisêante  de  DieUf  à  laquelle  on  ne  peut 
point  résister  *,  nous  inculquant  par-là  combien  cette  grâce,  d*ail- 
leurs  si  nécessaire,  et  sans  laquelle,  dit-il,  non-seulement  on  ne 
fait  rien,  mais  on  ne  peut  rien  faire  ^,  est  néanmoins  rare.  Tantôt 
il  la  définit  :  «  Cette  charité  lumineuse  que  le  Saint-Esprit  répand 
»  dans  le  cœur  de  ses  élus  et  de  tous  les  vrais  enfans  de  Dieu  '  >, 
ou  rinspiration  de  ce  divin  amour.  D*où  il  faudrait  conclure  que 
les  pensées  pieuses  et  les  mouvemens  salutaires  qui  ne  sont  pas 
formellement  la  charité,  ou  qui  n*émanent  pas  de  cette  excellente 
source,  ne  viennent  pas  de  la  grâce  ;  que  la  foi,  la  crainte,  Tespé- 
^nce,  etc.,  qui  disposent  le  pécheur  à  recevoir  la  justification 
dans  les  sacremens  de  Baptême  et  de  Pénitence,  sont  des  fruits  in- 
formes de  la  cupidité  ;  que  la  charité  est  la  seule  vertu  chrétienne  ; 
que  la  grâce  actuelle  intérieure,  sans  laquelle  on  ne  peut  rien  faire 
d*utile  dans  Tordre  du  salut,  n'est  donnée  qu'aux  justes  et  aux 

*  Prop.  xxxiv  et  xxxv. 

*  Voyez  ce  que  nous  avons  dit  louchant  Tétat  d'innocence,  pag,  399 
et  suivantes. 

*  Prop.  XI  et  beaucoup  d'autres  sur  la  grûcc, 

*  Proi>.  ir. 

*  (Cinquième  mémoirr,  nrcrliss.,  p.  vu/. 


1" 

I 


yi  K 


-ina  I 


préJeïiÎDi^s  ;  que  l'observa  lion  îles  coiiimandcnii.-iis  est  pnili 

mi^al  iiDpossiblc  â  tous  les  aulres  iioinoues,  qutiiL'uumuins|)i!cliciir,  j 

SL'Ion  rM-oralorlen,  en  les  TÎolari,  et  i[ue  loua  les  moyens  sulB-  ' 

$3D8  pour  pouvoir  travailler,  de  quelque  manière  que  ce    Boii,  i 
ù  leur  salul,  leur  in3n(|ueiit,  etc. 

Nous  réduisons  ce  que  nous  avons  b  opposer  aux  erreurs  da  1 

QuesncI  &  ces  chefs  :  lu  ni'cvt;siié  de  h  grSce,  le  pouvoir  quQ  J 


■s  d'j  résister,  la  dislriLiutinr 
ficaliou  qu'elle  opère  et  I 


luoi 


e  Dieu 
acquie; 


n  fail,  la  jiisli- 
l  avec  ce  divi»  1 


i  '  Nécessité  île  la  grAce. 

Prodigue  sans  réserveenvers  la  nature  innocente,  puisque,  s 
vaut  lui,  la  grâce  lui  était  duc,  Quesnel  se  montre  excessiremeM  1 
avare  enrers  la  nature  tombée,  dogmatisant  que  le  p^cliei 
ni  lumière,  ni  force,  ni  liberté  pour  le  bien  moral;  iju'ilne  (rouVa'l 
de  ressources  en  luî-méine  que  pour  le  mal,  et  qu'il  e&t  telleinent-l 
dt^;;radé,  fkié,  corrompu,  qu'il  ne  lui  reste  rien  de  l'image  rfa^l 
Dieu,  pas  même cesdernicrs  traits  que  saini  AugUâtin  reconnaltl] 
encore  avec  l'Ëglise  duns  l'homme  déchu.  Nous  avons  relevé  Ci 
_nc<!s-dans  ce  que  nous  avons  dit  ci-dessus  concernant  le  p6-  1 

lui  qu'en  dise  le  même  novateur,  d'après  Ilalus  et  JanséniuSt  j 
aaltres,  l'clévatioQ  de  l'homme  à  la  vision  intuitive  e 
Iriiable  grùce,  et  elle  eu  suppose  nécessairement  d'autres.  Auk 
!•  premier  homme  en  fut-it  comblé,  et  s'il  ne  larda  pas  !i  perd^ 
h  justice  originelle  dans  laquelle  il  avait  été  libéralement  établi) 

'Pages  IIB,  in  cl  suivanlcn.  Ajouloniici  ([ue,  quoique  le  ptebcur  I 

Mserveiin  pouvoir  réel  eltrès-véritahlc  de  faire  quelque  bien  uaturdl 

irordremoralsanslagrUccdcnDltcadarableRédi-mpteur,  paroequBfl 

|h  libre  arbitre  ii'ctl  pas  entièrement  perdu  niéleintcn  lui,  parce  qt 

le  encore  quelques  lumières  et  quelques  alTïCtians  légitimes,  (t 
ju'il  n'eil  pas  libre  seulement  pour  le  mal  :  cependant  comme  qncl-J 
s  lliéolngieni  ont  soutenu,  sans  en  élre  rrpiia  par  l'Eglite,  que  e< 
irnese réduit  point  &  l'acte,  b  moins  qu'il  ne  soit  atit  ou  d'uni 
1  naturel  mérité  par  lésus-Cliriii  ou  de  fa  Eiacesumaturrlte,  11] 
qu'on  peot  dire,  sans  biciser  la  foi,  queTbomme  n'opèN  pas  ei 
:l  le  bien  moral,  et  que  même  il  ne  le  pcnt  d'un  pouv^  qui  se  ri 
N  Alise  tracte,  tans  le  secours  de  Jésus-CLrisi,  pourvu  qii'i 
L  foinl  l'ctsenee  de  ce  secours  dans  la  charité  proprvme.it  ili 
T' l^ralion  de  cet  amour  surnaturel. 


II. 


31 


434  QUE 

il  esl  hors  de  doote  qu*il  y  persévéra  quelque  temps  «fcc  le  wt- 
cours  de  la  grâce,  el  qu'il  eût  pu  de  même  y  penéTércr  jinquli 
la  fin  de  son  pèlerinage  sur  la  terre.  Mais  quelle  grâce  reçstpil 
pour  cela  et  quelle  grâce  lui  fallait-il  en  effet  ?  Questioa  sur  la- 
quelle les  théologiens  orthodoxes  ne  s'accordent  pas.  Les  uns  pté- 
tendent  que  la  grâce  sanctitiante  lui  suffisait;  d'autres  vevient 
qu'on  y  ajoute  la  grâce  de  l'entendement;  quelques-uns  yjoigMat 
de  plus  celle  de  la  volonté.  Ces  théologiens  varient  m  consé- 
quence dans  la  différence  qu'ils  assignent  entre  la  grâce  de  Téiat 
d'innocence  et  la  grâce  de  l'état  de  nature  tombée  et  réparée.  On 
peut  choisir  entre  ces  diverses  opinions  sans  craindre  de  blesser 
la  foi,  pourvu  que,  rejetant  les  erreurs  de  Luther,  Calvin,  Jansé- 
nius  et  Quesnel,  on  ne  fasse  pas  consister  avec  eux  la  différeoce 
de  la  grâce  de  sanié  d'avec  la  grâce  médicinale^  en  ce  que  rboBne 
innocent  pouvait  résister  â  celle-là,  s'il  le  voulait,  au  lieu  que 
Thomme  déchu  ne  peut  résister  à  celle-ci  ;  système  anatbéinatisé 
dans  sa  seconde  partie  par  le  concile  de  Trente  *•  Il  est  certain 
que  rhomme  innocent  étant  éclairé,  maître  des  roouvemens  de 
son  cœur,  pleinement  libre,  sain  dans  tout  son  être,  il  n^avait  pas 
besoin  d'un  secours  surnaturel  aussi  grand  que  l'homme^déchu 
dont  Iclibre  arbitre  est  aflaibli,  Tesprit  plongé  dans  l'ignorance, 
la  volonté  pleine  de  langueur,  le  cœur  en  butte  aux  révoltes  con- 
tinuelles de  la  concupiscence,  et  qui  se  voit  encore  environné  au 
dehors  de  tentations,  de  pièges  et  de  dangers  sans  nombre  :  la 
grâce  du  premier  état  pouvait  donc  être  moins  forte  que  celle  du 
second. 

Or,  si  l'homme  sans  péché  et  sans  infirmités  naturelles  avait 
besoin  de  la  grâce  pour  connaître  les  vérités  surnaturelles,  pour 
opérer  le  bien  d'une  manière  utile  à  son  salut  et  pour  persévérer 
jusqu'à  son  entrée  dans  le  séjour  immortel  de  la  gloire,  combien, 
à  plus  forte  raison,  l'homme  déchu  de  la  justice  originelle  et  tel 
que  nous  l'avons  décrit  a-t-il  besoin  de  la  grâce  pour  les  mêmes 
fins? 

Il  faut  donc  confesser  que  des  grâces  extérieures  et  intérieures 
sont  nécessaires  dans  l'état  présent  :  les  premières  pour  montrer 
aux  hommes  Dieu  selon  qu'il  veut  en  être  connu,  ce  qu*il  a  dai- 
gné faire  en  leur  faveur,  le  culte  qu'il  exige  d'eux,  les  moyens  de 
salut  qu'il  leur  présente,  les  préceptes  qu*il  leur  impose,  les  gran* 

*  Sc55,  0,  De  jusli:'.,  cou,  4, 


OUK  43$ 

des  récompenses  qu'il  iieâlini>  ù  leur  Ëdéliiû  persiivi^i'anl^,  les  l'hl- 
timeos  redoutables  (|ui  scruieni  le  juste  salaire  de  leurs  triiis- 
gressions  graves  non  expiées,  etc.  ;  les  seconde!;,  pour  guérir  leur 
entendement,  leur  ralonié,  réparer  leur  libre  arbitre,  les  prévenir 
elles  aider  en  loulcequi  est  ulileauulut. 

Cependint,  quoique  nëcessairee,  selon  le  cours  ordinaire  de  la 
ProTidence  divine,  les  gr-^ces  extérieures  dont  nous  parlons  na  ' 
poumiieDi  seules  et  sans  la  grûce  intérieure  amener  l'inCdËlc  A 
rassenliment  surnaturel  tel  que  l'exige  la  foi  cbrétienne,  nHe  Gdèla 
k  pratiquer  aucun  bien  d'une  manière  posiiitement  utile  uu  salut. 
Ke  concluons  pas  néaiuDoins  de  ce  principe  que  ces  grâce»  s&> 
raient  inutiles,  si  elles  se  Irouvaient  en  effet  isolées  de  l'opéralion 
intérieure  du  Sainl-EIsprlt.  Parmi  les  lumières  qu'elles  répandent, 
il  j  en  a  de  spéculation  et  de  pratique  qui  sont  si  âvidemment 
conformes  ï  lu  droite  raison  que  l'homme  peut  les  admettre  tout 
naiurellemanl,  en  faire  de  même  la  règle  de  ses  jugemeni  et  quel- 
quflfuis  de  ses  actions,  comme  d'un  supplément  à  ses  connaissan- 
ces ei  il  ses  lumiéresnaiurelles,  et  par  conséquent  en  tirer  quelque 
utilité  naturellement  bonne.  Ainsi  les  bérétîques  croient  d'uns 
fui  Lumaiae  beaucoup  de  vérités  révélées  :  ces  vérités  ornent  leur 
esprit  de  connaissances,  et  qui  oserait  dire  que  ces  connaissan- 
ces D'influent  point  sur  leurs  aciious?  Quesnel  pense  bien  autre- 
ment. ■  Quand  Dieu  n'amollit  paslecoiur  par  l'onction  intérieure 
■  deiagrïce,  les  eiliortaiions  et  les  grâces  extérieures  ne  servent, 
'  dit-il,  qu't  l'endurcir  davantage.  >•  Comme  si  les  lumières  pu- 
res que  contient  la  parole  de  Dieu,  par  exemple,  se  cbangeaient 
d'elles-mêmes  en  ténèbres  et  en  malice,  quand  elles  arrivent  seu- 
lesï  l'esprit  etau  cœurdel'liomme.  Celte  proposition,  examinée 
dans  le  sens  da  système  de  ce  novateur,  présente  encore  un  autre 
venin  dont  la  démonstration  et  le  développement  allongeraient 
inutilement  cet  article  aux  jeux  des  lecteurs  qui  auront  saisi  l'en- 
semble de  ce  dangereux  système. 

Si  l'on  veut  approfondir  davantage  ce  qui  concerne  la  nécessité 
de  lu  gr&ce  actuelle  intérieure,  il  faut  reconnaître  que  nous  avons 
besoin  de  ce  divin  secours  pour  tout  ce  que  nous  faisons  d'utile 
dans  l'ordre  du  salut,  non  pas  pour  l'opérer  avec  plus  de  facilité, 
ni  seulement  pour  le  continuer  après  l'avoir  commencé  de  nous- 
mêmes,  ainsi  que  le  soutenaient  les  Pélagiens  et  les  semi-Péla- 
giens.  mais  pour  pouvoir  réellement  l'opérer,  lu  (commencer,  le 
fléaircr,  même  y  penser  comme  il  faut  :  en  sorte  que  cette  grtce 


k 


430  QUE 

nous  provient,  nous  excile,  nous  aide,  concourt  consUmment  avec 
nous,  el  que  nous  agissons  après  elle,  avec  elle,  par  son  secours, 
jamais  seuls. 

Concluons  delà  :  1»  que  c*est  de  cette  céleste  soorce  que  nom 
tiennent  les  bonnes  pensées,  les  pieuses  affections,  les  siii{ts  dé- 
sirs qui  nous  portent  au  bien  utile  au  salut  ;  2*  qo*elle  opère 
plusieurs  choses  en  nous  sans  nous,  c^est-à-dire  sans  que  nous  y 
ayons  part  comme  agens  libres,  telles  que  la  lumière  subite  qui 
nous  montre  le  bien  à  faire,  la  motion  indélibérée  qui  nous  y  in- 
cline, le  pouvoir  de  Topérer,  la  force  de  vaincre  les  obstacles  qui 
s*y  opposent  *;  3*  qu'on  peut  dire  que  nous  devons  tout  à  cette 
grâce  ;  car  la  nature  humaine,  malgré  ce  qui  lui  reste  encore  de 
lumières,  d'affections,  de  forces,  de  liberté  pour  le  bien  moral, 
est,  quand  il  s'agit  de  ce  qui  conduit  au  salut  ou  de  ce  qui  y  est 
positivement  utile,  réduite  h  une  impuissance  entière,  absolue, 
même  physique  *  ;  4*  que  la  grâée  dont  nous  parlons  fait  tout  en 
nous,  mais  non  pas  tout  sans  nous,  comme  nous  le  dirons  bientôt. 

Mais  autant  la  grâce  actuelle  intérieure  est  nécessaire  pour  faire 
le  bien  et  éviter  le  mal  d'une  manière  utile  dans  l'ordre  du  salut, 
autant  la  grâce  sanctiGante  est  indispensable  pour  opérer  des  œu- 
vres méritoires  des  récompenses  éternelles  ;  c'est  ce  que  nous  an- 
nonce notre  divin  niattre  dans  ces  paroles  évangéliques  :  «  Gomme 
»  la  branche  ne  peut  d'elle-même  porter  de  fruit  qu'elle  ne  de- 
9  meure  unie  à  la  vigne ,  ainsi  vous  n'en  pouvez  point  porter  que 
»  vous  ne  demeuriez  unis  à  moi  '.  »  Pie  V,  Grégoire  Xlll  et  Ur- 
bain VI 11  ont  proscrit  la  doctrine  contraire.  11  faut  reconnaître 
encore  que  sans  uu  secours  spécial  de  Dieu  l'homme  justifié  ne 

*■  MuUa  Deus  facit  in  hominc  bona,  qus  non  facit  homo  :  nulla  verè 
facit  homo  bona,  qux  non  Deus  pracstat  ut  faciat  homo.  Concil.  Arau- 
sic.  ir,cap.  xx.  11  faut  observer  que  ce  concile,  dont  l'Église  a  reçu  les 
dérmitions,  n*ayant  en  vue  que  les  erreurs  des  Pélagieos  et  des  demi- 
Pélngicns,  ne  parle  dans  ses  canons  ou  cbapitrcs  que  du  bien  qui  ap- 
partient à  l'ordre  du  salut,  ainsi  qu'on  le  verra  dans  la  citation  sui- 
vante. 

3  Si  quis  por  nalurx  vigorem  bonum  aliquid,  quodadualutem  perfinct 
vitœœicrnœ,  cogitarcutexpcdit,  aut  eligere,  sive  salutari,  id  estevan- 
gelicx  pra;dicationi  consentire  posse  confirmât,  absque  illuminalione  et 
Inspiratione  Spiritûs  sancti...  hxretico  fallitur  spiritu.  Idem  conc, 
cap.  vu. 

*  Joan.  15,  4, 


peut  pvrsûvérer  jusqu'à  la  Ga  dauslajusiiie  qu'ilarc;ue,  et  qu'il 
le  ficut  avec  ce  divin  secoure  '.  EiiGn,  il  esL  de  foi  que  le  itiL^ms 
ne  pful  Inviter  tout  p£ché  vfiiicl  [u'iiduiil  tout  le  cours  de  sa  vie,  I 
muins  d'un  privilège  parlicullcc  de  Dieu  '. 

2-  Gratuité  de  la  grùic. 

Li  grùce  nous  est  accordée  gratuitement  en  ce  qu'elle u'esl  pas 
due  ï  noire  nature,  il  nosdispusitiaiis,  niânosciruri»a0lurels;cUL-e 
que  hieu  n'a  aucun  égard  ï  ces  dîsposilioas  oi  i  ces  elt'uris, 
quand  il  nous  la  donne  j  en  ce  qu'il  l'accorde  en  presciudant  du 
liieu  que  l'on  fera  svec  ce  secours  ;  en  ce  iiu'il  ne  la  doit  pas  en 
rigueur  an  bon  usage  que  l'on  a  fait  d'une  grâce  précédente. 

Cependant  •  l'on  ne  prétend  pns  qu'une  grJce  ne  soit  jamais  U 

■  récompense  <Iu  bon  usage  que  l'Iiomme  a  Taii  d'une  grtce  pré- 

>  rédeutc;  l'Ëvangile  nous  enseigue  que  Dieu  récompense  noire    | 

■  Gdélilé  i  proGter  de  ses  dons.  Le  pi-ro  de  Tamille  dii  au  bon  ser- 

•  viteur  :  Parce  que  vaut  aeet  élé  fldile  en  pen  de  choiti,  je  vaut 

•  (H  eauflerai  de iilui grandes....  Ou  deniiero  beaucoup  à  celui  qui 

•  a  deih,  et  if  tera  dam  Vabnudauct.  Maitli.,  c.  2S,  y.  SI,  iO, 
•  Saint  Augustin  reconnaît  que  la  griice  mérite  d'être  augmenide. 

•  Epiil.  186  ad  Paulin.,  r.  3,  n-  10.  Lorsque  les  Pébgiens  posè- 
C  rent  pour  maximeque  Dieu  aide  le  bon  propol  de  chacun  :  Cela 
Kcrrail  MMique,  ri-pondit  le  saint  docteur,  i'ilt  avouaient  que 
meetien  prop^ifil  «n  cffrldela  grâce.  L.i,  centra duairp.  Peleg., 
»  c  6,  n°  13.  Lorsqu'ils  ajoultirent  que  bleu  ne  réfute  point  lu 
BfrtfM  i  celui  qui  fait  re  qu'il  pcni,  ec  Vbte  observa  de  même 
»que  cela  est  vrai  si  l'on  entend  que  Dieu  ne  refuse  pas  une  se- 

le  grlce  h  celui  qi>i  a  bien  usé  des  forces  qu'une  première 
£rSce  lui  adonnées;  mais  que  cela  est  faux  si  l'on  veut  parler 
le  celui  qui  fait  ce  qu'il  peut  ^tt  les  forces  naturelles  de  son 
e  arbitre.  Il  établit  enlin  pour  principe  que  Dieu  n'aban- 
fdunne  point  l'homme,  i  moins  que  celui-ci  ne  l'abandonne  lui- 
•"ni^nie  le  premier  ;  el  le  concile  de  Trente  a  confirma  cette  doc- 
;  sess.  6,  De  Jusiif.,  cap.  13.  11  ne  faut  pas  en  conclure 
F  que  Dieu  doit  donc ,  par  justice ,  une  seconde  grlce  elDcace  ï 
'  '  qui  a  bien  usé  d'une  première  grlce.  Dès  qu'une  fois 
f  l'bomme  aurait  commencé  ii  correspondre  1  la  grlce,  il  a'en- 
,»  suivrait  une  comiciion  et  une  suite  de  grâces  eflicaces  qui  con- 


i,  Dl-jusUC,  I 


4S9  QUE 

»  duiraient  infailliblement  un  juste  ^  la  persérértnce  finale  :  or» 
»  celle-ci  est  un  don  de  Dieu,  qui  ne  peut  être  mérité  en  rigueir, 
»  un  don  spécial  et  de  pure  miséricorde ,  comme  renseigne  le 
»  môme  concile,  après  saint  Augustin,  ibid.,  et  can,  22.  Âinii» 
»  lorsque  nous  disons  que  par  la  fidélité  à  la  grâce  rhomme  nié« 
»  rite  d*autres  grâces,  il  n*est  pas  question  d*un  mérite  rigoweox» 
»  ou  de  condignité,  mais  d*un  mérite  de  congruité,  fondé  sur  la 
»  bonté  de  Dieu ,  et  non  sur  sa  justice  ^.  > 

3*  Force  de  la  grâce,  résistance  et  coopération  â  la  grâce. 

Suivant  Jansénius,  on  ne  résiste  jamais  à  la  grâce  intérieure 
dans  Tétat  présent  :  c'est  la  doctrine  de  sa  deuxième  proposition 
condamnée.  Quesnel  enchérit  encore  sur  Thérésie  de  son  maître  : 
il  prétend  qu'on  ne  peut  même  pas  résister  â  la  même  grâce, 
ainsi  que  nous  Tavons  fait  voir  ci-devant,  en  rapportant  en  détail 
ses  erreurs  touchant  le  sujet  que  nous  examinons  *•  C'est  diaprés 
ces  principes  hérétiques  que  ces  novateurs  refusent  de  reconnaî- 
tre la  grâce  suffisante,  entendue  dans  le  sens  des  orthodoxes,  et 
qu'ils  soutiennent  que  la  grâce  intérieure  est  toujours  efficace,  en 
ce  qu'elle  opère  constamment  tout  l'effet  que  Dieu  veut  qu'elle 
produise  ,  eu  égard  aux  circonstances  où  il  la  donne ,  et  parce 
qu'elle  opère  cet  effet  nécessairement  ;  en  sorte  qu'elle  entraîne 
invinciblement  la  volonté  de  l'homme ,  ou  à  faire  en  effet  le  bien, 
ou  seulement  à  y  tendre  par  des  velléités  faibles,  des  désirs  inef- 
ficaces ,  des  efforts  impuissans ,  suivant  qu'elle  est  plus  forte  on 
plus  faible  en  degré  que  la  concupiscence  actuellement  sentie. 

11  suit  de  là  que  les  Jansénistes  reconnaissent  deux  sortes  de 
grâces  intérieures  efficaces  ;  une  grande  et  forte ,  qu'ils  nomment 
grâce  relativement  victorieuse ,  parce  qu'elle  l'emporte  en  degré 
sur  la  concupiscence  actuelle .  et  qu'elle  la  vainc,  tout  comme  un 
poids  plus  fort  vainc  et  enlève  un  poids  plus  faible  dans  une  même 
balance  ;  et  une  petite  grâce ,  ainsi  que  l'appelle  son  fondateur, 
laquelle  est  en  même  temps  vaincue  et  triomphante  :  vaincue  par 
la  concupiscence ,  qui  l'accable  des  degrés  qu'elle  a  de  plus; 
triomphante  de  la  volonté,  à  laquelle  elle  inspire  nécessairement 
quelques  légères  velléités,  etc. 

Pour  dégliiser  l'héréticité  de  leur  dogme  touchant  la  nature  et 
la  manière  d'opérer  de  ces  deux  grâces  prétendues,  quelques  Jan- 

^  Bergier,  Dict  de  théol.,  au  mot  Gracf. 
*  Voyez  p.  385  et  suivantes. 


W  QUE  48» 

SJoUleï  ont  ilanné  à  la  première  le  nom  de  grlce  efface  par  elle 
mfiae,  eipreision  connue  duns  les  6i:u1es  catholiques,  et  à  U  sa< 
conile  le  nom  de  grâce  laffitaale.  Ils  oni  prétendu  que  celle-ci 
coDrérail  un  pouvoir  dégagé,  suHï^Dt,  wniplet,  ajoutant  ëpïlLtta 
sur  épiiLète  pour  le  faire  valoir.  M«U  il  ne  faut  pas  se  laisser  sur- 
prendre 4  cetle  apparence  d'orliiodoiie  ;  le  pouvoir  qu'iU  allri- 
bucnl  h  celle  prétendue  grice  est  un  pouvoir  slmplemenl  absolu, 
non  un  pouvoir reUtir au  beHoia  présent.  11  sulIirHit,  selon  eux, 
en  lui-même,  suivant  la  volonté  antécédente  de  Dieu,  et  précision 
faile  de  la  concupiscence  qui  se  Taîl  teotir  pour  opérer  le  bien 
auquel  la  petite  grice  tend  ;  mais  cet  obstacle  le  rencontrant ,  ce 
même  pouvoir  se  ironve  insudUant,  trop  laible,  incapable  de 
mouvoir  la  volonté  i  vouloir  eflicacemenl  le  bien ,  et  il  ne  lui  in- 
spire que  des  vellÉités,  desdésirs,  deseUbrts  iuipuissans  :  velléités 
néanmoins,  désirs  et  ellbrls  qui  sont  tout  ce  que  Dieu  veut,  dans 
la  circonstance  d'une  volonté  coniséquenlt  ou  eflicace.  Les  Jansé~ 
oipies  se  Jouent  de  la  raison  quand  ils  soutiennent  qu'aidé  de 
ce  secoura  imaginaire  l'homme  pouraii  faire  le  bien ,  s'il  le  vou- 
lait;i'j(  it  voulait  pleitumeni,  forteme.nl,  comme  s'eiprimeun  de 
leurs  fameux  corjpbées  ;  puisqu'ils  sont  obligés  de  convenir  en 
même  temps  que  l'homme  ne  peut  vouloir  de  celte  manière,  dans 
rhypulhise,  ou  que,  s'ils  osent  affirnier  qu'il  te  peut,  ils  enten- 
dent ,  et  sont  forcés  par  leur  ajslème  d'eotendre  ,  que  c'est  d'un 
pouvoir  actuellement  lié ,  empêché  par  la  supériorité  de  force  de 
la  concupiscence. 

Il  est  assez  clair  par-l!i  que  l'idée  que  nous  donnent  de  leur 
petite  grïee  tes  soi-disant  disciplet  dt  taint  Auj/utlin  ne  peut  se 
concilier  avec  aucune  opinion  ortbuduxe  sur  la  nature  de  lu  grûce 
suHisante,  et  que  la  sulUsance  qu'ils  lui  attribuent  est  une  sulB- 
san ce  gratuite,  unesuDisance  vaine  et  chimérique.  11  ne  Faut  ce- 
pendant pas  s'étonner  que  les  Jansénistes  aient  eu  recours  ï  une 
crinceplion  si  ridicule  et  au  fond  si  contraire  II  l'idée  que  la  re- 
ligion nous  inspire  de  la  bonté  de  Dieu  :  cette  conception,  toute 
déraisonnable  qu'elle  est,  se  lie  esseniiellemenl  k  leur  sjslënie; 
ils  en  ont  besoin  pour  défendre  les  propositions  hérétiques  de 
leur  maître ,  et  elle  leur  est  d'un  grand  secours  pour  damner 
commodément  une  (lartie  des  Ddéles,  en  conséquence  du  péché 
de  notre  premier  père.  En  effet,  suivant  ces  dogroatisti».  Dieu 
hait  tellement  te  péché  originel  dans  ces  fidèles,  quoiqu'il  le  leur 
Ml  remis  par  le  baptême,  qu'il  les  réprouve  itégalivemeHl,  i  cause 


440  QUE 

de  ce  misérable  péché  ;  cl  qu'en  conséquence  il  ne  leur  donne, 
pour  les  conduire  au  sqlut ,  que  des  petites  grâces,  des  grâces  îb- 
suflisanies,  dont  ils  abusent  nécessairement,  et  dont  néanmoins 
la  justice  les  rend  responsables  pour  leur  perte  éternelle.  Mais 
comment  concilier  celle  doctrine  désespérante  avec  le  dogne  dé- 
fini par  le  concile  de  Trente ,  ((uand  il  a  décidé ,  après  saint  Paul, 
qu*ii  ne  reste  aucun  sujet  de  condamnation  dans  ceux  qni  ont  été 
régénérés  en  Jésus-Christ ,  et  que  Dieu  n*y  voit  pins  aucun  sojei 
de  haine  *  ?  Point  d'embarras  en  ceci  pour  ces  messieurs  :  le 
concile  que  nous  réclamons  n'est  pas  canonique,  et  n'éiait  cowtposé 
que  de  moines  violens  '.  Ainsi  un  abîme  en  appelle  un  autre. 

Nous  ne  croyons  pas  devoir  insister  ici  sur  ce  que  nous  avons 
déjà  fait  voir  asseï  clairement;  savoir  que  la  grâce  întérienre 
janséniennc  est  vraiment  une  grâce  nécessitante  :  non  qu^elle  im- 
pose une  nécessité  absolue,  comme  on  peut  le  voir  par  la  manière 
dont  elle  opère;  mais  une  nécessité  relative,  et  cependant  réelle, 
inévitable,  invincible.  S'il  restait  encore  quelque  scrupule  k  cet 
égard ,  il  sudirait,  pour  le  lever  entièrement,  de  se  rappeler  que 
la  grâce  dont  nous  parlons  '  n'est  autre  chose  que  la  délectation 
céleste  imlélibérée,  selon  Jansénius  lui-même ';  qu'elle  se  dis- 
pute l'empire  sur  la  volonté  de  Thomme  avec  la  concupiscence, 
à  proportion  des  degrés  de  forces  qu'elle  a  en  opposition  aux 
degrés  de  forces  de  la  concupiscence;  que  dans  ce  conflit  elle 
opère  toujours,  et  nécessairement,  tout  ce  dont  elle  est  capable, 
tout  ce  que  Dieu  veut  qu'elle  opère  dans  la  circonstance  ;  que  la 
volonté  est  invinciblement  enlraluéc  par  celui  de  ces  deux  attraits 
qui  a  le  plus  de  degrés  de  forces,  et  que,  comme  l'assure  l'évèque 
d'Ypres,  il  est  aussi  impossible  que  l'homme,  sous  l'influence  de  la 
délectation  dominante,  veuille  et  opère  le  contraire  de  ce  qu'elle 
lui  inspire,  qu'il  est  impossible  à  un  aveugle  devoir  ,  à  un  sourd 
d'entendre ,  à  celui  qui  a  les  jambes  cassées  de  marcher  comme  il 
faut ,  à  l'oiseau  de  voler  sans  ailes,  yuesnel  soutient  la  même  er- 
reur en  d'autres  termes. 

I^  foi  catholique  tient  un  hir.g.ige  bien  opposé  à  ces  dogmes 
janscniens.  Elle  enseigne:  l'qu'à  la  vérité  il  y  a  des  grâces  cfli- 

*  Sess.  5,  can.  6. 

'  Cirriilairc.  Voyez  (lisLaut,  p.  380, 

•"•  Dckclallo  viclrix,  quœ  Auffusiinu  est  cfficax  adjuiarium..,  L.  8, 
Dograt.  ChriM.,  c  2. 


OIB 

eacus  [lar  lesquelles  Dieu  sail  iriomplier  c 
manière  iiiraillible  de  la  réaiElaucc  ilta  volonléa  humaines,  cl  leur 
(luiiner  le  vouloir  et  le  faire;  mais  sans  imposer  en  même  lemjis  ù 
k'iir  libre  arbitre  aucune  aécesallé;  2>  qu'il  y  a  aussi  d'autres 
gn'iccs  auxquelles  on  riSsisle,  en  lea  privaal  de  i'elTel  pour  lequel 
Dieu  les  donne,  et  dont  elles  sont  capables,  eu  é|;.ird  a 
stances  dans  lesquelles  elles  sont  données  ;  3*  que ,  quand  n 
faisons  le  bien  auquel  la  grDcu  nous  porte  et 
pOrotis  vérilablement ,  d'une  manière  libre  el  active  ï  la  grlce; 
1>  que  nous  avoQS  consUoiment  le  pouvoir  relatif  de  refuser 
notre  cunsentemeni  i  la  motion  de  la  grùce,  si  nous  le  vouluiis, 
quelque  eflicace  que  soil  celte  grlïce  ;  5*  que  pour  mériler  ou 
démériter,  dans  l'élat  présent,  il  faut  une  liberté  exemple,  nan- 
seulemenl  de  viulence  et  de  contrainte ,  mais  encore  de  loui«  né- 
cessité, soil  immuable,  soil  absolue ,  suit  même  relative.  La  fui 
catholique  enseiBue  encore  d'autres  dogmes  donl  nous  aurons 
occasion  de  parler  dans  ta  suiie. 

Dn  recoanaissanl  la  grAce  elUcacc,  nous  reconnaissoDS  en  mâme 
temps  la  toute-puissance  de  Dieu  sur  la  volonté  de  l'homme,  dont 
il  est  plus  maître ,  dit  saint  Augustin ,  que  l'homme  lui-méue. 
Muis  en  i|uoi  consiste  l'efficacité  de  la  griceT  •  On  peut  soutenir, 
I  comme  les  Thmaltlei ,  que  l'eDicacitâ  de  la  grâce  doit  se  tirer 

•  dv  la  toute-puissance  de  Dieu  ,  cl  de  l'empire  que  sa  majesté 

•  suprâme  a  sur  les  volontés  des  hommes;  ou,  comme  les  Àugiii- 

•  linitnt ,  qu'elle  prend  sa  source  djus  la  forco  d'une  déleotation 

•  victorieuse  aliialuc,  qui  emporte  par  sa  nature  le  consentenieiit 

>  de  la  volonté;  ou,  comme  les  Caiigruislet ,  que l'ellicacité  de  la 

>  grioe  vient  de  la  combinaison  avantageuse  de  toutes  lescircon- 

■  stances  dans  lesquelles  elle  est  accordée  ;  ou,  etihu ,  comme  les 

>  ditâplei  de  MoUna,  que  cette  ellicacité  rienl  du  conscnlemeul 

>  de  la  volonté.  Toutes  ces  opinions  sont  permises  dans  les  écoles; 
'  mais  on  doit  rejeter  le  sentiment  de  Jansénius  sur  la  nature  de 

•  l'edlcacilé  de  U  grâce.  Celte  efficacité  vient,  selon  lui ,  de  l'im- 
"  pression  d'une  délectation  cëlesle  iadélibérfe  qui  l'emporte  en 

■  degrés  de  force  sur  les  degrés  de  la  concupiscence,  qui  est  la 

•  source  de  tous  les  péchés  '.  i  Quelque  seuliment  qu'on  adopte, 
si  l'on  s'arrête  i  l'un  des  deux  premiers,  il  faut  toujours  rejeter 
toute  nécessité  qu'imposerait  la  grAce,  l'impeccabiliié  dont  nous 

>  De  la  Uraiigc,  Itéulild  du  Jauséui^me. 


44S  QUE 

parle  Qaesnel ,  au  sujet  de  la  grâce  du  baptême  *,  et  celle  qa*kh 
blissent  les  auteurs  de  la  circulaire ,  quand  ils  nous  assurai 
«  Qu'il  n*y  a  point  de  grâce  qui  ne  soit  efficace  et  ffietofieiut; 

•  qu'elle  est  efDcace  sans  aucune  coopération  de  noire  ptit  (  pares 

>  que ,  comme  ils  le  disent  un  peu  plus  haut,  elle  fiM  tmU  em  notÊi 
»  et  sans  nout  )  ;  que  quand  on  a  reçu  une  fois  cette  griee,  e'sst 
»  une  marque  de  prédestination  et  un  grand  sujet  de  joie  *.  >  Oe 
toit  que  ce  texte  sf  court  renferme  trois  hérésies  formelles  :  la  prs» 
mière,  en  excluant  l'existence  de  la  gr&ce  suffisante  propreneot 
dite  ;  la  deuxième ,  en  détruisant  toute  coopération  de  la  pari  da 
libre  arbitre  ;  la  troisième,  en  attribuant  ï  l'homme  qui  a  la  grios 
une  impeccabilité  que  la  foi  rejette ,  même  dans  rhomme  justi- 
fié '.  On  peut  en  ajouter  trois  autres  encore  :  car,  dire  que  la 
présence  de  la  grâce  intérieure  eêt  une  marque  de  prédesHnëtkm 
à  la  gloire ,  ce  que  suppose  ce  texte ,  puisqu'on  amaonce  plus 
haut  «  que  Dieu  n'est  pas  mort  pour  les  réprouvés  ;  que  Diea  ne 

>  leur  donne  aucune  grâce,  parce  qu'il  sait  bien  qu'ils  en  abose- 

>  ront  ^  ;  >  c'est  dire  équiyalemment  que  Jésus-Christ  n'est  nort 
pour  le  salut  que  des  seuls  prédestinés;  qu'on  peut  afoir  une  cer- 
titude de  sa  persévérance  finale  sans  aucune  révélation  de  la  pari 
de  Dieu,  et  que  la  grâce  intérieure  n'est  accordée  qu'aux  seuls 
élus.  Et  combien  d*autres  dogmes  sont  encore  blessés  par  ce  peu 
de  lignes! 

Au  reste,  a  ce  n'est  pas  â  l'idée  de  la  toute-puissance  seule 
»  qu'il  faut  rapporter  l'idée  de  la  grâce,  en  la  prenant  du  c6téde 
»  Dieu  ;  il  faut  encore  faire  attention  à  la  bonté,  â  la  sagesse  et  à 

>  la  providence  de  l'Être  suprême. 

»  La  coopération  du  libre  arbitre  à  la  grâce  que  la  foi  enseigne 
»  suppose  que  la  volonté  coopère  de  telle  manière  à  la  grâce,  qu'elle 
»  peut  ne  pas  agir  ;  qu'elle  peut  se  porter  actuellement  à  l'action 

>  contraire  à  celle  à  laquelle  la  grâce  l'excite  ;  en  un  mot,  qu'elle 
»  peut  priver  et  qu'elle  prive  souvent  la  grâce  de  l'effet  que  Dieu 

•  veut  qu'elle  ait  dans  le  moment  qu'elle  est  donnée  '.  » 

Ainsi ,  quoique  la  grâce  nous  aide  à  accepter  les  lumières  snr- 

^  Prop.  XLiii.  Voyet-hf  p.  889. 
3  Conduite  à  tenir  avec  Us  indévois, 

*  Concil.  Trid.,  scss.  6,  De  justif.,  can.  23. 
^  Circulaire,  loco  citato. 

*  RéaL  du  Jansénisme. 


luiurcDcs  qu'elle  mel  dm 

UUI': 

44^ 

!^CDlir  il  11 

luolian  saluUii'C  Tcrs  le  bje 

D  qu'elle  imprime  daus  nol 

re  volcnlC 

à  faire  enfin  lout  ce  que  m 

us  faisons  d'uiile  daos  Tord 

e  du  ulut 

celte  iccepuiion ,  ce  couse 

nlemenl  et  colle  action  ne  t 

itntpaslel 

lemenl  l'ieuTre  de  U  grJce  qii'iU  ne  soient  nullement  «i 
vrage  de  noire  clioii:  de  miniâre  que  notre  libre  srbitreu'eslen- 
etulné  par  aucune  nûcestité;  qu'il  n)(it  Tériiablentenl,  quoique 
avec  les  forces  que  la  grAce  lui  communique ,  el  qu'il  n'est  It  ni 
comme  uu  eut  do  raison,  ni  comme  un  simple  témoin,  ni  comme 
un  agent  poremeot  passif  '. 

tin  raisonnant  ainsi ,  nous  ne  blessons  pas  les  ilroils  de  la  grâce 
de  Jfsus-C.jirîsi ,  puur  relever  les  forces  de  la  liberté  naturelle  de 
l'Iiommo  dédtu ,  et  nous  sommes  très-éloigné  de  prétendre  que  le 
libre  arbitre  ait  pn*sentcmeni  en  nous  autant  de  fnciliiâ  pour  le 
bien  que  pour  le  mal,  ou  qu'il  puisse  également  opérer  l'un  ei 
raulre.  Mous  savons  que  soutenir  une  doctrine  si  |teruicieuse ,  ce 
ser»il  rcconnartre  un  Équilibre  qui  n'cxisl»  dans  le  premier  homme 
qu'aïaut  son  pécbé  ;  que  ce  serait  errer  dans  la  foi  avec  les  Péla- 
gieus  et  Itw  Beui-Pélagieos ,  nous  montrer  injustes  cl  ingrats  en- 
vers Dolie  ditin  Libérateur,  fronder  mémo  les  déHnilions  de  l'É- 
glise ,  qui  a  décidé  que  le  libre  arbiii'e  de  l'bomme  ■  été  iiwl'mi  et 
alfiùbll  par  la  prévariculion  du  chef  du  genre  humain  *.  Loin  ds  | 
pareils  excès ,  nous  avouons  bumblemeul  le  besuin  indtspensibla  > 
quo  nous  avons  d'être  prévenus  par  la  ijrâcc  intérieure  pour  tout  i 
ce  qui  est  utile  dans  l'ordre  surnaturel  ;  que,  non -seulement  doi 
ne  luisons  rien ,  maïs  encore  que  nous  ne  pouvons  rieu  liiru  de  i 
genre  sans  qu'elle  agisse  constamment  en  nous,  nvec  nous,  comme 
cause  première  et  principale  ';  qu'elle  nous  est  donniie  gratuite- 
inem  et  qu'il  faut  lui  attribuer  toute  la  gloire  du  bien  que  nous 
faiaons  avec  son  divin  secours.  C'est  ainsi  que  nous  croyons  con- 
fesser noire  juste  dépendance  envers  la  niisâricur<le  divine,  ce  que  . 
nous  tenons  de  ta  griice  du  Sauveur,  et  la  reconnaissance  éler- 

■      1  Coniultu  sur  ceci  lu  cnocile  de  Trenie,  scn»  6|  cou.  4* 

^L  ■  Cuucil.  Anusk,  n,  capil.  B,  tS  et  13. 

^p-  *(juoi)cieoiinbonB  aflutui,  Dcus  in  ncAit  atque  nobiKun,  at  op^ 
Knur,  opetatur.  Idcni  coiicdium,  rap.  H.  NuHu  veiil  facil  liamn  boui, 
quK  non  Dens  praiist  nt  faclDI  liumo.  Ibid-,  cap,  10.  Debolur  morcet 
île  hoiM  (ipiTibui,  si  Uaal  ;  led  S'al-a,  qua:  non  dcbelur,  praocillt  ut 
liuiit.  lUd.,  r»p,  IH, 


444  QUE 

nelle  que  nous  devons  à  Dieu  pour  le  bienfait  inestînitble  de  bo- 
tre  rédemption. 

4*  Distribution  de  la  grâce. 

Cette  question  est  liée  avec  deux  autres.  Dieu  tent-il  sîocère- 
ment  le  salut  de  tous  les  hommes?  Jésus-Christ  est-il  mort  et  a-l-0 
offert  le  prix  de  son  sang  pour  la  rédemption  et  le  salai  de  toes? 

11  8*éleva  en  différens  temps  des  erreurs  opposées  sur  ces  desx 
points  de  doctrine. 

Pelage  soutint,  au  commencement  du  v*  siècle,  que  Dieo  vent 
également,  indifféremmeni  et  sanê  prédilection  pour  éiainni,  le  sa- 
lut de  tous  les  hommes;  et  il  le  faisait  dépendre  entièrement  de  h 
volonté  de  chacun ,  prétendant  qu^avec  les  seules  forces  de  la  na- 
ture rhomme  peut  s*élever  à  la  perfection  la  plus  étninenle;  que 
la  grftce  est  due  au  mérite  naturel  ;  qu'elle  aide  le  libre  arbitre  da 
chrétien  à  faire  le  bien  seulement  avec  plus  de  facilité  ;  que  le  sa- 
lut est  une  affaire  de  pure  justice  du  côté  de  Dieu.  11  rejetait  toute 
grâce  actuelle  intérieure*,  etc. 

Les  semi-Pélagiens,  qui  se  montrèrent  peu  de  temps  après,  ad- 
mirent en  Dieu  la  même  volonté  générale  pour  le  salut  de  tous 
les  hommes  indistinctement.  Ils  reconnurent  néanmoins  la  néces- 
sité de  la  grâce  actuelle  intérieure;  mais  ils  en  rejetèrent  la  gra- 
tuité,  dogmatisant  qu'elle  est  due  aux  bonnes  dispositions  présen- 
tes on  prévues,  aux  pieux  désirs,  aux  efforts  naturels;  dispositions 
qui,  disaient-ils,  la  précèdent  constamment;  en  sorte  que,  selon 
eux,  rhomme  fait  toujours  la  première  avance,  qu'il  prévient  la 
grâce  et  n'en  est  jamais  prévenu. 

Nous  avons  répandu  dans  ce  mémoire  plusieurs  vérités  catho- 
liques contraires  à  ces  erreurs. 

Ces  hérétiques  excluaient  tous  la  prédestination  entendue  dans 
le  sens  catholique ,  et  Ton  voit  assez  ce  qu'ils  pensaient  touchant 

^  Pluquet  et  d'autres  théologiens  croient  que  Pébge  reconnut  enfin 
une  grâce  actuelle,  intérieure  du  moins,  selon  Tournely,  celle  de  Tcd- 
tcndement;  mais  il  paraît  qu'ils  se  trompent,  et  que  les  textes  spécieux 
qu'ils  apportent  en  preuve  peuvent  très-bien  s^entendre  des  seules  res- 
sources de  la  nature  que  rh^résiarque  appelait  grâces  et  de  la  combi- 
naison de  ces  ressources  avec  les  grâces  extérieures  qu'il  admettait. 
Saint  Augustin  ne  dit  rien  qui  ne  puisse  s^expliquer  de  la  sorte,  et 
il  dit  des  choses  qui  favorisent,  établissent  ce  même  sentiment*  Voyct 
Bergier,  Dict,  de  théol.,  au  mol  PéLACB. 


i 


oui: 


,  h  disiriliui 


l'applicaiion  îles  Truils  de  la  r< 

Les  Prédeslinalicns  du  v  siècle,  ceux  du  i\*,  et  les  Iil^i 
ques  du  xvi'  ïnventËrenl  des  dogmes  bieo  opposés  ;  dogmes  fa- 
rouches Gl  barbares  dont  tes  Jansénistes  se  rapprochËreai,  eux 
qui  semblent  s'èlre  Tail  une  loi  de  (ermer  les  entrailles  de  la  misË- 
ricorde  divine  sur  les  bommes,  el  de  jeter  dans  leur  cœur  la  ter- 
reur, rabattement  et  le  di-sespoir.  En  eOet,  malgré  toutes  les 
subtilités  qu'ils  employèrent  pour  déguiser  leur  doctrine ,  malgré 
les  équÎToques ,  les  dËiaurs ,  l'apparence  d'orthodoxie  dont  ils 
surent  envelopper  leur  langage  ,  il  résulte  en  dernière  analysa 
de  ce  qu'ils  enseignèrent  que ,  tous  les  lioiuuies  se  trouvant 
précipités  iliiis  la  niasse  de  perdition  par  le  péché  originel,  Dieu 
résolut ,  en  tue  des  mérites  du  Rédempteur ,  de  retirer  de  ce 
profuud  abîme  un  Tort  petit  nombre  :  les  uns ,  seulement  pour  les 
justifier  pauagirement  ;  les  autres ,  en  outre ,  pour  les  glorifier  ù 
jamais  dans  le  ciel ,  et  qu'il  abandonna  tout  le  reste  ï  sou  malheu- 
reux sort,  sans  espérance ,  sans  moyeu  de  salut  '.  Si  donc  l'on  eu 
croit  ces  nouveaux  Prédestinaliens ,  Dieu  veut  seulement  d'une 
volonté  aincÈrect  proprement  dite,  quant  au  salut  éternel ,  celui 


1  Nous  n'ignorons  pas  les  objections  qu'on  pourrait  nous  làire  ici,  ' 
Il  caltrai  que  JausAituset  k)  disciples  avouaieul  que  Dieu  veulsiocé- 
remenl  lesalui  de  tous  les  bommes;  mais  ils  supposaient  en  mCme  temps 
la  non-existence  du  péché  originel,  ou  sa  nou-prétiiion.  ou,  s'ils  suppo- 
saienl  ces  deux  choses.  Ils  réduisaient  la  TOloDtéLle  Dieu  dont  nous  parlons 
Aune  telléité  stérile  qui  ne  conrèreau<:unegrllce,ou  à  une  volonté  méla- 
phnriqnc  et  de  signe,  figurée  par  le com ma» de mi^nt  Imposéà  tous  de  faire 
tout  ce  qui  «t  nécessaire  au  salut,  et  pur  la  dérense  intimée  de  même 
de  ne  rien  Taire  de  tout  ce  qui  ;  csl  contraire,  sans  fournir  aucun 
moyen  il  cet  égnrd,  ou  enlin  i  la  disposition  d'accorder  ù  l'bommc  dé- 
chu les  grïces  qu'il  eDt  données  è  l'homme  innocent,  gr&ces  dont  Jan- 
sciiius  cl  tous  ses  partisans  reconnaissaient  l'insulfisance  pour  l'iïtat 
présent.  Ils  disaient  de  même  que  Jésus-Christ  nt  mort  pour  le  salut 
de  tous  les  hommes  ;  niait  en  ce  sens  qu'il  est  mort  pour  m 
tous  lu  pays,  de  toutes  les  nattons,  de  tons  les  étals,  de  b)us  les  sexes  | 
et  de  tous  les  tgcs;  qu'il  a  fourui  un  prix  sulEmil  pour  le  salutdc  tous, 
qu'il  asouO'prt  pnur  la  cause  commune  ù  tous  et  pour  mériter  k  d'au- 
tres qu'à  ceux  qui  seront  sauvés  (du  moins  parmi  les  fidèles)  des  grâ- 
ces passagircs,  etc.  Mais  Ions  cis  détours  el  d'autres  que  nous  ne 
rapporterons  pas  ne  déiruironl  jnmtil)  ce  que  nous  venoni  d'avancer. 


II. 


38 


446  QUE 

des  élus ,  et  Jésus-Christ  n'est  mort  pour  le  silui  étema  que  de 
ceux-là  ^.  Telle  est,  à  la  bien  prendre,  la  doctrine  contenue dias 
la  5«  proposition  condamnée  dans  V Augustin  de  Tévéqued'Ypres. 
C'est  aussi  ce  qu'enseigna  Quesnel  dans  son  livre  des  Ré/I^noiu 
moralcê ,  comme  on  peut  le  voir  en  examinant  de  près  ses  propo- 
sitions XII,  XIII,  XXX,  XXXI,  XXXII,  xxxiii,  que  nous  avons  rapportées 
tout  au  long  *.  Pour  esquiver  le  coup  porté  d'avance  à  sa  doc- 
Urine  par  la  condanmation  antérieure  de  celle  de  son  maître ,  il  se 
vit  contraint  d'altérer  le  sens  de  la  proposition  de  iansénius,  de 
détourner  celui  de  la  bulle  d'Innocent  X,  et  de  supposer  que  ce 
pape  avait  proscrit  une  erreur  étrangère  au  Jansénisme.  C'est  ce 
qu'il  fit  dans  son  3*  Mémoire  pour  servir  à  V examen  de  la  Cimtli- 
iution,  etc.,  où  il  dit  qu'Innocent  a  condamné  comme  hérétique 
la  proposition  de  l'évéque  d'Ypres,  entendue  dans  le  sens  «  pte 

>  Jésus-Christ  soit  mort  seulement  pour  le  salut  des  prédestimés; 
»  et  non  pas  que  Jésus  -  Christ  soit  mort  pour  le  salui  des  seuls 

>  prédestinés  ^.  »  11  trouvait  ce  dernier  sens  très-orthodoxe ,  et  as- 
surait que  les  conciles  et  les  Pères  ont  enseigné  la  proposition 
ainsi  entendue  comme  une  vérilé  de  foi  ^.  On  ne  doit  donc  pas  s'é- 
tonner s'il  concentra  la  grâce  dans  ri^(;li&e  exclusivement  ;  s'il  ne 
composa  celle-ci  que  des  élus  et  des  justes  de  tous  les  temps ,  de 
tous  les  lieux  ;  s'il  reconnut  que  la  foi  est  la  première  de  toutes  les 
grâces  et  qu'il  n'y  en  a  que  par  elle,  enûn  s'il  établit  sur  cet 
objet  une  différence  révoltante  entre  l'ancien  et  le  nouveau  Testa- 
ment ^  :  ces  dogmes  janséniens  se  tiennent  tous  comme  par  la 
main ,  et  ils  se  lient  étroitement  aux  grands  principes  du  sys- 
tème. 

*■  Remarquei  que  le  mot  salut  est  équivoque  dans  la  bouche  des  Jan- 
sénibtcs  quand  ils  remploient  sans  y  joindre  l'épithètc  élerneL  Souvent 
ils  entendent  par  cette  expression  une  justification  passagère,  un  état 
de  grâce  momentané.  Ainsi  quand  ils  disent,  avec  les  orthodoxes,  que 
Dieu  veut  le  salut  des  fidèles  justifiés^  ils  avouent  seulement  par-!à  que 
Dieu  veut  que  tout  les  fidèles  qui  sont  justifies  soient  instantanément 
justifiés^  à  moins  quUls  ne  parlent  des  élus,  auxquels  ils  restreignent 
exclusivement  la  volonté  de  Dieu  pour  le  salut  des  hommes. 

3  Page  801. 

'  Page  22,  deuxième  édition. 

A  Ibid.,  page  23. 

*  Prop.  XXIX,  Lxxii  avec  les  six  suivantes,  xxvi  cl  xxvii,  vi  et  Tii« 
Fc^x-ies  pages  361  et  les  quatre  suivantes»  8b&. 


yiiE 


44Ï 


Comme  ces  diflTt'retis  eiiiicinis  Je  la  dmiriiie  caiIjolitjHe  ont 
parlé  braucoup  ï  tort  ei  ii  irarers  de  h  prédesiiuation  cl  de  h  ré- 
priibaiiuu,  il  nous  parali  nécessaire  de  leur  opposer,  avant 
it'aller  plus  loin ,  quelques- un  es  des  lËrilés  doul  tous  les  théolo- 
giens orihodoies  coiiriimnent  sur  ces  objets. 
Or,  ces  vérités  sont  ; 

Touchant  ïa prêdeiiinalion ,  1*qu"ilyaen  Dieu,  de  toute  i^l«r> 
nilé  ,  un  décret  de  prédesiinaiion  ,  e'est-ï-dire  nnn  Tolonté  éter- 
nelle ,  absolue  et  efliciiri:  de  donner  te  royaume  des  cieuT  ï  tous 
ceux  qui  y  parvienneut  en  elTet  ;  2*  qu'en  les  prédeslinaot  pur  M 
puri!  bonté  il  ta  gloire.  Dieu  leur  a  destiné  aussi  les  niojens  et  les 
grïces  par  lesquels  il  les  y  conduit  iurailliblement;  3*  que  cepen- 
dant le  décret  du  la  prédestination  n'impose,  ni  par  lui-même ,  fll   i 
par  les  moyens  dont  Dieu  se  sert  pour  reiéonter ,  aucune  nécet-  1 
site  aux  élus  de  pratiquer  te  bien ,  leur  laissant  la  liberté  requiw 
pour  le  icérite  et  le  démérite  ;  4  '  que  la  prédesli nation  i  la  griet 
est  absolument  graiaile,  qu'elle  ne  prend  sa  source  que  dans  la 
miséricorde  de  Dieu  ,  et  qu'elle  est  aniérieure  II  la  prévision  de 
(DUl  mérite  naturel  ;  S"  que  la  prédestination  h  h  gloire  n'est  pai 
m  plus  sur  h  prévision  des  mêmes  mérites,  (.''est-k-dïn 
«  mérites  liumains ,  ou  acquis  par  les  seules  forces  du  libre  ar- 
Kirc;  6°  rpieTeotrée  dans  le  royaume  descieux,qui  est  le  lernte 
'a  la  prédetlinilion ,  est  lellemeni  une  grice,  qu'elle  est  en  même 
n  salaire ,  une  couronne  de  justice ,  une  récompense  des 
^nnes  œuvres  Faites  par  le  secours  de  la  grâce;  7*  enfin  ,  que 
e  rérélation  expresse  personne  ne  peut  être  assuré  qu'il 
[ÎM  du  nombre  des  élus.  Tomes  ces  vérités  sont ,  on  formellemeot 
mienues  dans  les  Livres  saints ,  ou  décidées  par  r^ylise  contre 
MPélagiens,  les  semi-Pélagie ns ,  les  Proleslans,  etc. 
Quant  1  la  réprobation  ,  nous  dirons  seulement  ici,  1*  que  le 
BilAcrel  par  lequel  Dieu  veut  exclure  du  bonheur  éternel  el  con- 
lU  feu  (lei'enrer  un  certain  nombre  d'hommes  n'impose 
li  en  sont  l'objet  aucune  nécessité  de  pécher,  ne  les  ex- 
hit  pas  de  toute  grice  actuelle  intérieure,  n'empêche  pas  que 
1  donne  â  tous  de  sudisantes  pour  les  conduire  au  saint , 
VUs  n'y  résistaient  pas,  ni  même  que  plusieurs  ne  reçoivent  le  don 
^  3e  la  foi  et  de  la  justification  :  d'ob  il  suit  que  personne  n'est  ré- 

ruvê  que  par  sa  faute  libre  el  volontaire.  Nous  dirons  encore, 
que  la  réprobation  positive,  ou  le  décret  de  condamner  une 
T  'lue  au  leu  de  l'enfer,  suppose  néuessairomeot  la  prescience  par 


448  QUE 

laquelle  Dieu  prévoit  que  cette  âme  péchera ,  qu^elle  perse? èren 
dans  son  péché  et  qu^elle  y  mourra  ;  parce  que  Dieu  ne  peat  dam- 
ner une  ftme  sans  qu*elle  Tait  mérité  :  conséquemment  »  pour  De 
parler  ici  que  de  Thomme ,  la  réprobation  des  Païens  suppose  la 
prévision  du  péché  originel  non  eOacé  en  eux ,  et  celle  des  péchés 
actuels  qu*ils  commettront  et  dans  Timpénitence  desquels  ils 
mourront  ;  celle  des  fidèles  baptisés  ne  suppose  que  la  prévisioa 
de  leurs  péchés  actuels  et  de  leur  impénitence  finale. 

11  y  a  encore  sur  ces  deux  points  de  doctrine  quelques  autres 
vérités  que  nous  croyons  pouvoir  passer  sous  silence.  Ceux  qui 
voudront  étudier  cette  double  matière  à  fond  pourront  coosulter 
les  théologiens  catholiques  :  ils  y  trouveront,  en  outre,  les  preuves 
que  nous  avons  supprimées  dans  le  dessein  unique  d*étre  courts. 
Nous  n^avons  fait  qu^abréger  ici ,  et  même  quelquefois  que  copier 
M.  Bergier ,  ainsi  qu*on  peut  s*en  convaincre  en  lisant  »  dans  son 
Dictionnaire  de  théologie,  les  deux  articles  où  il  traite  des  objets 
dont  nous  venons  de  parler. 

Les  hérétiques  anciens  et  modernes,  les  sopbbtes  de  nos  jours 
et  les  libertins  ont  fait  sur  ces  mystères  des  raisonnemens  k  perte 
de  vue,  souvent  insignifians.  Les  premiers  ont  été  vigoureusement 
combattus  de  leur  temps  ;  et  si  les  derniers  voulaient  se  donner 
la  peine  de  lire  avec  attention  nos  savans  controversistes  et  les 
apologistes  de  la  religion,  ils  y  trouveraient  de  quoi  se  désabuser, 
et  des  motifs  d'adorer  des  décrets  qu'il  n'est  pas  donné  à  Thomme 
de  pénétrer,  bien  moins  encore  d'entreprendre  de  soumettre  à 
son  jugement.  Nous  dirons  seulement  ici  qu'un  vrai  fidèle,  se  con- 
tentant de  croire  humblement  ce  que  l'Église  enseigne  à  cet  égard, 
s'efforcera,  par  la  prière,  par  ses  bonnes  œuvres  continuelles  et 
par  la  fuite  constante  du  mal,  d'opérer  son  salut  avec  crainte  et 
tremblement,  sans  néanmoins  perdre  de  vue  la  confiance  filiale  ; 
assuré,  s'il  est  juste,  que  Dieu  ne  l'abandonnera  pas  le  premier; 
s'il  est  pécheur,  qu'il  peut  rentrer  en  grâce  avec  Dieu,  et  se  con- 
fiant qu'étant  rendu  à  son  amitié,  le  Seigneur  achèvera  par  sa 
grâce  ce  qu'il  aura  commencé  par  elle.  Cette  doctrine  consolante 
est  conforme  à  l'enseignement  de  l'Écriture  sainte  et  des  conciles. 
J^  foi  catholique  vient  encore  à  notre  secours.  Elle  nous  oblige 
de  croire,  !•  que,  même  après  la  chute  d'Adam,  Dieu  veut  sincè- 
rement le  salut  éternel  d'autres  hommes  que  de  ceux  qui  sont 
prédestinés  ;  2»  que  Jésus-Christ  est  mort,  et  qu'il  a  oflert  k  son 
Père  céleste  le  prix  de  son  sang ,  pour  le  salut  étemel  d*autres 


yilK  44» 

encore  que  pour  celui  des  l'Ius,  leur  luériunt  des  grjces  relalivO' 
iiieiil  sulGsanteï  :  grftces  ({ui  lour  sont,  ou  réellemeDl  donnces,  ou  ] 
tout  au  moins  oITer  tes,  eiuvec  lesquelles  ils  pourraient  ae  sut 
s'ils  d';  r^siauiient  pas  libreinunl,  snns  nécessité  cl  p»r  leur    ! 
faute;  3°  que  riiomme  justifié  peut,  aidé  d'un  secours  spËcitl  de    | 
Dieu,  persévérer  dans  h  justice  qu'il  a  reçue;  d'oii  le  grand  Bos- 
Euet  conclut,  et  de  quelques  autres  défiDitions  de  l'Ëglise,  •  qu'il'  , 

>  faut  recoiinattre  la  volunlé  île  sauver  tous  les  homain  JnUifi^t, 
•  comme  expressément  définie  pur  l'Iilglise  catholique  '  ;  •  4° 
que,  dans  l'urgence  d'un  précepte,  tous  les  justes  revivent  de 
Dieu  une  grSce  vnïiiicnt  suOisante,  «vec  laquelle  ib  peuveni  rela- 
tivement, ou  vaincre  sur-le'Champ  la  concupisceace  qui  se  fait 
sentir,  surmonter  b  tentation  qui  se  présente  et  accomplir  le 
cummandemcni,  ou  du  moins  obtenir,  par  le  moyen  de  la  prièrCi 
on  secours  plus  abondual  qui  leur  rendrait  tout  cela  possible: 
n  est  donc  aussi  de  fui  que  Dieu  D'abandonae  pas  le  juste  lanl 

il  n'en  est  pas  le  premier  abandonné;  que  ■  ceux  qui  tombent, 
e  tombent  que  par  leur  faute,  pour  n'avoir  pas  employé  toutes 

E^les  forces  de  la  volonté  qui  leur  sont  données;  cl que  ceux 

%  qui  persévèrent,  en  ont  l'obligatinn  particulière  !t  Dieu 
«  Icomme  l'enseigne  saint  Paul,  Philip.  2,  13),  epàre  en  n 
I  vouhif  et  le  {aire  lelon  qu'il  lui  plati  *,  ■  EoBn,  •  il  n'y  a  biw4 

■  assurément  aucun  des  fidèles  qui  ne  doive  croire  avec  uiwl 

■  ferme  foi  que  Dieu  le  veut  sauver,  et  que  Jésus  Christ  a  vMi^l 
I  sang  pour  sou  salut.  C'est  b  foi  eipressémenl  déter*a 

>  minée  par  la  constilulion  d'Innocent  X  ';  ■  et  les  fidtles  i  ' 
tients'unir  ï  la  volonté  très-spéciale  qui  regarde  les  élus,  puS 

■  l'espérance  d'être  compris  dans  ce  bienbeureui  nombre  '.  •       V 

L'Écriture  sainte  et  la  tradition  vont  encore  plus  loin  que  letj 
léfinitions  expresses  de  l'Église.  Il  faudrait  rapporter  une  mullî- 
iude  de  lexiessacrés,  dans  lesquels  le  Soinl-Espritnous  représente 
me  un  Crtoicurboo,  qui  aime  les  ouvrages  sortis  de  ses 
jmme  un  père  tendre,  qui  chérit  ses  eofans  dociles,  et 
pand  ù  pleines  mains  sur  eux  ses  bienfaits;  qui  avertit  cet 
it  ingrats,  les  invite  ù  rentrer  dans  le  devoir,  leur  offre  un  p>^•-| 


'  Juïtif.  des  réflex.  m 
'Ihid.,  p,7l. 
'  Ibid.,  p,  73. 

>lLid.,p.  40, 


a,  p.  40,  t.  !»  i  édit.  de  Li*ge,  1758. 


450  QUE 

don  complet,  s*il8  refiennent  stncèreroent  à  lui  et  font  pénhenGe; 
qui  punit  à  regret,  a  pitié  de  tous,  répand  ses  miséricordes  sur 
tous  ses  ouvrages.  Mais  pourrioDs-nous  taire  ces  paroles  si  conso- 
lantes de  saint-Paul,  où,  après  avoir  recommandé  très-instam- 
ment à  son  disciple  Timothée  qu*on  prie  Dieu  et  qu*on  le  remercie 
pour  tous  les  hommes,  il  dit:  «  G*  est  une  bonne  chose,  et  ceUest 

>  agréable  aux  yeux  de  Dieu  notre  Sauveur,  qui  veut  qae  tons 

>  les  hommes  se  sauvent  et  qu'ils  parviennent  à  la  connaissance 

>  de  la  vérité.  Car  il  n*y  a  qu'un  seul  Dieu,  et  qu*an  seul  mé- 

>  diateur  entre  Dieu  et  les  hommes,  Jésus-Christ  homme ,  qui 
»  s'est  donné  lui-même  pour  être  le  prix  du  rachat  de  tous  les 
»  hommes  * .  >  <  Nous  espérons  en  Dieu  qui  est  vivant,  ajoute- t-il  plus 
»  loin,  et  qui  est  le  Sauveur  de  tous  les  hommes,  principalement 
»  des  fidèles  *.  »  Jésus-Christ  déclare  lui-même  qu'il  est  venu, 
non  pour  perdre  les  âme$ ,  mais  pour  les  sauver  ';  pour  chercher  et 
sauver  ce  qui  avait  péri  ^;  or,  tous  les  hommes  avaient  péri  par  le 
péché  d'Adam.  Nous  passons  bien  d'autres  textes  du  nouveau 
Testament,  qui  établissent  les  mêmes  vérités. 

Il  est  vrai  que  ceux  qui  <  nous  peignent  Dieu  comme  un  sultan, 
»  un  despote,  un  matire  redoutable  ^,  »  s'efforcent  de  tordre  le 
sens  de  ces  textes,  afin  de  désespérer  les  hommes,  leur  montrant 
dans  celui  qui  les  a  créés  un  cœur  étroit,  dur,  fermé  presque  à 
tous.  Mais  les  Pères  des  quatre  premiers  siècles  enseignent  une 
doctrine  si  contraire,  qu'ils  sont  obligés  de  les  abandonner  et 
d*en  parler  avec  peu  de  respect  ^  ;  comme  si  saint  Augustin^  qui 
les  a  suivis,  et  les  autres  Pères  venus  après,  qui  ont  reconnu  ce 
grand  docteur  pour  leur  guide  et  leur  maître,  avaient  inventé  une 
doctrine  nouvelle,  inconnue  jusque-là  dans  TËglise. 

De  cette  nuée  de  témoignages,  que  les  bornes  de  cet  article  ne 
nous  permettent  pas  de  rapporter,  on  conclut,  dans  toutes  les 
écoles  catholiques,  que  Dieu  veut  sincèrement  le  salut  de  tous  les 
hommes,  même  après  le  péché  originel  ;  qu'il  accorde  à  tous,  ou 
du  moins  qu'il  offre  à  tous  des  grâces  vraiment  et  relativement 

*  I.  Tîm.  1,  2,  8,  4,  5,  6. 
s  Ibid.,  h,  10. 

*  Luc,  9,  56. 

*  Ibid.,  19,  10. 

5  Expressions  de  M.  Bergier,  dans  son  Dict.  de  Ihéol.,  au  mot  Salut, 
^  C'est  du  moins  ce  que  fait  Jansénius  à  l'égard  des  Pères  grccs^ 


QUE 


451 


sulfisantn  pour  pouvoir  opérer  le  ealiil  ;  riue  Jéaus-ChrÏEl  cM  mort 
et  qu'il  aolTprt  lepri^t  de  son  sang  pour  le  s:ilut  de  loua,  H  pour 
mériter  pour  tous,  les  mnjens  surnnlureU  ioM  nous  parlons, 

Concluons  Jonc  que  Dieu  teui,  1'  d'une  volonlé  de  prMleetlM 
le  salut  dos  élus  ;  S°  d'une  Tulonté  tpieiale  celui  des  jnstes  et  dea 
lidëles  ;  3*  et  gincËrement  celui  de  tous  les  hoDimes  sans  eicep-  i 
tion,  mais  d'une  volonté  antécideMe  et  coniitiannelle,  c'esl-è'dlre 
précision  faite  du  bon  et  du  mauvais  usage  qu'ils  feront  de  la 
gr:ke,  et  cependant  sous  condition  qu'ils;  correspondront  Ilbre- 
;t  qu'ils  observeront  les  comniandccnens  :  car,  comme  dit 
it  Augustin,  •  Dieu  veut  que  tous  les  liouimes  soient  taures  et 
»  (jn'ils  parviennent  i  la  connaissance  de  la  vérité;  non  pas  néan- 
^  'e  telle  sorte  qu'il  leur  Qte  le  libre  arbitre ,  sur  le  boB 

if  ou  tuauvais  usage  duquel  ils  sont  jugés  IrËa-justement  *.  > 
1  Gincluons  encore  que  Jésus-Chriaia  souOerl,  qu'il  est 
'Vil  a  ofTert  le  prix  de  Bon  sang  aussi  pour  le  salut  de  loii 
Egalement;  savoir,  ]iarpr/dJl^rfran  pour  les  élus,  d'une  miniërA  1 
ÛAale  pour  les  justes  et  les  fidèles,  tineiremfnt  |>our  ti 
Iiommes  uns  exception;  cl  qu'il  a  mérité,  aux  premiers  les 
ineffables  qui  les  ronduisonl  â  lu  gloire  infailliblement,  n 
sans  blesser  eu  eux  la  liberté  ;  aux  seconds,  les  grices  spSclaleî 
ir  sont  accordées,  comme  la  foi,  le  baptême,  lu  justiili 
_M  des  grSces  suffisantes  avec  lesquelles  ils  peuvent  rclutiri 
■^une  manière  médiate  ou  immédiate,  éviter  le  péché,  lorsqu'il! 
^Mit  tentés  de  le  commettre,  s'en  relever,  quand  ils  j  sont  lombéif 
,  ï  tous  les  autres,  sans  exception  des  infidèles,  des  moyei4 
naturels,  avec  lesquels  ils  pourraient,  au  moins  médiatement^n 
^rvenir  H  ta  foi,  el,  de  grâce  en  griice,  au  salut. 

Concluons,  en  dernier  lieu,  que  Dieu  distribue  ses  dons  s 
taires  selon  la  volonté  qui  est  en  lui,  ou  efficace,  ou  *}i/i\ale,  o 
tiiuirf,  dans  le  sens  que  nous  venons  d'exposer,  par  eonséqueiîtl 
d'une  Oiçon  inégale;  mais  de  manière  qu'aucun  adulte  ne  sepent*!! 
f  uns  que  ce  nesoit  de  sa  faute  libre  el  volontaire  r  en  sorte  que^  f 
— 4îl  saint  Thomas,  •  si  un  sauvage  élevé  dans  les  bois  et  ai 
i*  des  brutes,  suivait  la  lumière  de  la  raison  natnrelle  dans  l'api  I 
■  petit  du  bien  et  la  fuite  du  mal,  il  faut  admettre  comme  une  chos*  J 

>  très-certaine  que  Dieu  lui  révélerait,  ou  par  une  insplratioi 

>  intérieure,  les  choses  qu'il  est  indispensable  de  croire,  ou  plT 

•  L.  DcspiriL  ellHlerA,  c.  33. 


462  QUK 

»  quelque  prédicateur  de  la  foi  qu*il  lui  enverrait  comme  il  en- 
»  Toya  Pierre  à  Corneille  ^  <  Ne  craignons  pas  d*ajouter  encore  que 
Dieu  n*abandonne  entièrement  ni  les  aveugles ,  ni  les  endurcis,  et 
qu'il  a  pourvu  sufGsamment ,  quantum  ex  se  f«/,  à  TappUcation  du 
remède  nécessaire  au  salut,  même  à  Tégard  de  tous  les  enfans  qui 
meurent  sans  avoir  reçu  le  baptême.  Ensuite  écrions-nous  avec 
TertuUien  :  non,  il  n*y  a  point  de  si  bon  père  !  Tampattrnemo! 
G*estdonc  mal  parler  de  Dieu  que  de  dire  qu'il  laissa  sans  aucun 
moyen  de  salut  les  hommes  qui  vécurent  dans  Véiat  de  nature , 
et  même  ceux  qui  vécurent  ensuite  sous  la  loi^  à  Texception  d*nn 
très-petit  nombre  d'élus.  U  est  vrai  que  la  loi  naturelle  ne  suffi- 
sait pas  aux  premiers  pour  pouvoir  opérer  le  bien  surnaturel  ; 
que  la  loi  de  Moïse  ne  donnait  pas  par  elle-même  la  force  de  Tac- 
complir  :  Nil  per  se  virium  dabal  ;  que  depuis  la  chute  d*Adam, 
la  grâce  de  Jésus- Christ  a  toujours  été  nécessaire  pour  le  salut  et 
pour  toutes  les  œuvres  qui  y  conduisent  de  loin  ou  de  près;  que 
ce  divin  secours  fut  distribué  avec  une  sorte  d'épargne,  si  Ton 
ose  dire  ainsi,  dans  l'un  et  l'autre  état,  en  comparaison  de  ce  que 
Dieu  fait  h  cet  égard  dans  la  nouvelle  alliance,  où  la  grâce  est 
populaire,  abondante,  et  trouve  des  canaux  multipliés  par  oii  elle 
se  répand  largement  sur  les  fidèles  qui  viennent  y  puiser  ;  eu 
sorte  qu'on  ne  peut  assez  répéter  que  TËvangile  est  par  excel- 
lence la  loi  de  grâce  ;  mais  il  faut  reconnaître  aussi  que  Dieu  ne 
commanda  jamais  l'impossible,  et  qu'en  conséquence  il  vint  con- 
stamment au  secours  de  la  faiblesse  humaine  ;  de  manière  que 
l'homme  a  toujours  eu,  par  la  grâce  du  Rédempteur,  un  pouvoir, 
ou  prochain,  ou  au  moins  éloigné,  et  vraiment  relatif,  d'obéir  au 
commandement  urgent  de  résister  à  la  concupiscence,  et  qu'il  a 
dû  dire,  chaque  fois  qu'il  a  péché  :  C'est  ma  faute,  oui,  ma  faute 
libre  et  volonlaire.  Les  limites  qui  nous  sont  prescrites  ne  nous 
permeitent  pas  de  nous  étendre  davantage  sur  ces  objets.  Nous 
ne  répéterons  pas  non  plus  ici  ce  que  nous  avons  opposé  déjà 
plus  haut  aux  assertions  de  Qucsncl  ,  dans  lesquelles  ce  nova- 
leur  avance  que  la  foi  est  la  première  grâce,  qu'il  n'y  en  a  point 
si  cen'estpar  elle,  point  hors  de  l'Église,  etc.  *. 

*  Quest.  A,  De  vcritate,  art.  U,  ad.  I,  t  12,  p.  962,  coL  3,  E.  Le 
saint  docteur  suppose  dans  ce  texte  le  secours  de  la  grâce  et  la  coopéra- 
tion à  ce  divin  secours. 

2  Voy,  les  observât. que  nous  y  avons  faites,  p.  403, 404,  410  etsuiv. 


I 


guK 


4dS    I 


LiGcation  îles  adullps. 

On  cnteod  ici,  par  le  mol  juiliflcalha,  ccl  heureux  chungpinent 
qui  s'opère  ï  l'égard  de  l'homme  et  dans  sou  intérieur ,  quand  , 
de  l'éLat  misérable  du  péthé,  oti  il  était  ennemi  de  Dieu,  esclave 
dj  démon,  indigne  de  possi^der  Dieu  dans  le  ciel,  ou  même  digne, 
par  le  péché  mortel  actuel,  des  Tcux  éternels  de  l'enfer,  il  passe  k 
l'état  Torluné  de  la  grAce,  ofi  il  est  enfant  adoptîf  de  Dieu,  ment-  . 
bre  vivant  de  Jésus-Chrisi,  son  cohéritier  du  royaume  céleste. 

Sans  faire  ici  mention  des  liéréliques  anciens  qui  s'égarèrent 
étrangement  sur  ce  point  important,  et  parmi  lesqueU  on  compte 
surtout  les  PéUgiens,  les  Semi-Pélagiens,  lesl'rédeslinatiens,  eic; 
dans  ces  derniers  temps ,  les  chefs  de  la  prétendue  réforme,  vou- 
lant, fi  quelque  prix  que  ce  fût,  ravir  aux  sacremens  de  la  nouvelle 
alliance  la  vertu  salutaire  que  Jésus-Christ  i  a  attachée,  de  <vn te- 
nir ta  grâce  qu'ils  lignlUent,  el  de  la  conférer  à  ceux  qui  n'y  met- 
lent  pat  d'obttacle  ,  brouillèrent  tout  dans  la  doctrine  de  h  justi- 

Baîus,  cherchant  des  moyens  pour  ramener  !i  l'uiiité  catholique 
les  sectateurs  de  ces  hérésiarques,  se  rapprocha  d'eux  en  quelques 
points,  s'en  écarta  eu  d'autres,  innova  dans  un  grand  nombre  , 
sur  la  même  matière.  I 

Nous  ne  parlerons  point  de  son  apologiste.  1 

Uuant  â  Quesnel ,  on  volt  assez  eu  quoi  II  imite  Luther  et  CaU  I 
tId,  puisqu'il  anéantit,  ii  leur  exemple,  les  dispositions  que  l'a- 
dulte doit  apporter  il  la  jnsIiQcalion  ,  expulsant,  comme  Doug 
l'avons  montré,  le  pécheur  du  seiu  de  l'Ëglise,  le  dépouillant  de 
loule  grïce ,  le  réduisant  i.  une  impuissance  générale  de  tout  bien , 
taxant  de  péché  sa  prière  cl  même  toutes  les  autres  œuires  qu'il 
fait ,  tant  que  la  charité  ne  règne  pas  dans  son  cœur  ;  prétendtDt 
de  plus  que  la  loi  n'opère  que  par  cette  même  charité;  que  tout 
ce  qui  n'en  découle  pas  comme  de  source  émane  de  la  cupidité 
et  est  vicieux;  que  la  crainte  servile  n'arrête  que  la  main  ;  que 
Dieu  guérit  l'Ame  par  sa  seule  volonté ,  el  que  la  première  grâce 
que  reçoit  le  pécheur,  c'est  le  pardon  de  ses  péchés ,  etc.  Ce  n 
^teur  semble  aussi  tendre  la  main  aux  auteurs  de  la  réfonoe,, 
it  ï  la  justice  impntative,  et  admettre,  ï  la  manière  do  Calvû 

e  sorte  A'inamiuibililé  de  la  grAre  rei;iie  dans  le  baplémi 
^  la  doctrine  qu'on  recueille  dans  un  grand  nombre  de  ses  proposi*  I 
on  damnées  spécialement  dans  les  propositions  i,  xxv,  xxUiX 

XXVIll,  XXXVI,  XIIVII,  XLIII,  XLV,  XLVJI,  Ll,  LIX,  LM,   LSXtlII. 


4&4  QUE 

L'Église  a  foudroyé  ces  diiïérentes  errears,  à  mesure  qn^dlesse 
sont  élevées  avec  quelque  éclat.Mais  le  concile  de  Trente,  portant, 
pour  ainsi  parler,  jusque  dans  la  profondeur  du  mystère  qui  nous 
occupe,  le  flambeau  sacré  de  la  révélation,  y  a  répands  un  ri  grand 
jour  qu'il  semble  en  avoir  écarté  à  jamais  les  funestes  téoèlirips  de 
rbérésie.  Il  fout  lire  avec  une  attention  docile  Texposition  lumi- 
neuse qu'il  nous  a  laissée  ^  de  la  doctrine  catholique  touduml 
la  justification,  soit  celle  que  le  pécheur  reçoit  dans  le  baptême , 
soit  celle  qu'il  recouvre  dans  le  sacrement  de  pénitence,  après 
qu'il  a  en  le  malheur  de  déchoir  de  la  première  par  le  péché  mor- 
td.  Quoique  nous  ayons  souvent  puisé  dans  cette  source  si  pore^ 
pour  étayer  les  vérités  que  nous  avons  énoncées  jusqu'ici ,  nous 
regrettons  quiB  les  bornes  de  cet  article  ne  nous  permettent  pas  de 
rassembler,  dans  un  tableau  fidèle  et  resserré,  tous  les  traits  de  ce 
monument  précieux  de  la  foi  des  siècles  chrétiens.  Nos  lecteurs 
verraient  avec  satisfaction  sans  doute  qu'interrogeant  la  parole 
de  Dieu  écrite  et  celle  qui  nous  est  parvenue  débouche  en  bouche 
par  une  tradition  aussi  sûre  qu'elle  est  constante,  ce  grand  concile 
nous  met  sous  les  yeux  tout  ce  que  nous  devons  croire  concer- 
nant la  justification  du  pécheur,  et  que,  battant  en  ruine  les  faux 
dogmes  inventés  par  l'enfer  pour  pervertir  les  âmes,  il  ferme  ds- 
vaut  nous  les  voies  scabreuses  de  Terreur  et  du  mensonge,  dans 
lesquelles  nous  ne  trouverions  que  des  déserts  arides  et  qu'une 
mort  certaine.  C'est  ainsi  que  Ton  voit  tomber  successivement 
sous  ses  anathèmes  foudroyans  le  Pélagianisme  et  le  semi-Péla- 
gianisme  ancien  et  moderne,  le  vieux  Prédestinatianisme  et  le  ré- 
cent ,  toutes  les  innovations  des  hérésiarques  Luther  et  Calvin  : 
disons-le  encore,  il  dissipe  d'avance  une  grande  partie  des  rê- 
veries de  Baîus,  et  condamne  déjkla  plupart  des  excès  auxquels 
Quesnel  se  livra  long-temps  après. 

Nous  renvoyons  donc  nos  lecteurs  à  ce  saint  concile.  Cependant, 
afin  de  ne  pas  nous  écarter  entièrement  de  notre  but,  nous  dirons 
ici  d'après  celte  autorité  irréfragable:  !•  qu'il  faut  reconnaître, 
dans  les  adultes  qui  parviennent  à  la  justification  par  la  voie  or- 
dinaire ,  une  obligation  étroite ,  et  une  nécessité  réelle  de  s'y 
disposer,  quoiqu'étant  pécheurs,  c'est-à-dire  souillés  de  la  tache 
du  péché  mortel,  ils  ne  puissent  la  mériter  en  rigueur.  2"  Qu'ils 
s'y  disposent  véritablement,  lorsque  prévenus  ,  excités  et  aidés 

*■  Surtout  dans  sa  session  sixième  et  dans  la  quatonième. 


yen 

pir  II  grâce  que  Jiisus-Clirisi  nous  a  mt^ritéepar  ses  Mullrances  et 
la  mort  qu'il  »  endurée  suris  croix  pour  nou»,  ils  ï'ipprochent 
de  Dieu  librement,  crojani,  d'une  fui  ferme  et  véritable ,  les  vé- 
ril<^s  révélées  et  les  promesse»  venues  d'ea  liaut,  priDcipalemeot 
cepoint-ci,  que  l'impie  etljutiiflé  de  Iiieu  par  la  grâce,  parla 
rédemption  acquiu  par  Jénu-Ctir'iU  ;  qu'ensuite  se  reconnaissant 
pi!'cbeurs,  et  pissant  de  la  craintede  la  justice  divine,  qui  d'abord 
ùié  utile  pour  les  ébranler ,  jusqu'à  la  considération  de  1*  ni- 


itianlque  Dieu 
puis,  commentant 


séricarde  de  Dieu,  iU  l'élèveot  i  i'espéi 
leur  sera  propice  pour  l'amour  de  Jésus-Chi 
il  aimer  Dieu  comme  source  de  Louie  justice ,  iU  se  tournent 
ire  leurs  propres  pécltés,  les  haïssent,  s'eo  repentent,  prennent  la 
résotulino  sincère  de  recevoir  le  baptême  (  si  déji  ils  ne  l'oit 
re^u  ),  de  mener  une  vie  nouvelle,  d'observer  les  cooimandemeDi 
de  Dieu  :  ceux  qui  «ont  tombés ,  après  avoir  été  justifiés  p»r  ie 
bapti^iiie,  doivent  ajouter  d'autres  dispositions  encore,  qu'il  Tiut 
lire  dans  le  concile.  3°  Que  celle  préparation,  vraie  opération  de 
lu  gràeo  avec  coopération  libre  de  la  part  de  l'homme,  est  bonne, 
utile ,  et  ne  doit  point  être  regardée  comme  un  nouveau  çdiàié. 
4°  Quel'bomroe  est  jusiiCé,  nua-seulemeot  par  l'imputa^oa  de 
la  justice  de  iésue-Cbrist,  et  par  la  simple  réoiission  des  péchés, 
inuis  par  Uffrâee  et  la  charité  que  leSainl-Esprii  répand  dans  son 
cu:ur;  qu'ainsi  la  justice  est  vëritablemeat  intérieureei  inhéieute 
â  l'ùme.  5°  Que  la  grâce  de  la  jusiid cation  n'est  pas  accordée  seu- 
lement i  ceux  qui  sont  prédestinés  il  la  vie  éternelle.  6"  Qu'elle 
n'est  donc  pas  une  marque  iolaillible  de  prédestina  lion  A  la  gloire. 
1-  Que  cette  même  grâce  peut  ^  perdre.  8'  Qu'on  la  perd  en  etTet 
par  tout  péclié  nioriel  qu'on  commet,  quel  que  aoii  cepédié,  dte 
là  qu'il  est  réellement  mortel,  9°  Mais  qu'on  peut  la  recouvrer  : 
celle  reçue  doDsIebaptëine,  parle  sacrement  de  pénitence;  celle 
acquise,  par  ce  dernier  sacrement,  eu  en  réitérant  la  réception  pour 
cire  de  nouveau  justifie.  1 0°  EuUn,  que  les  sacremens  de  la  nou- 
velle alliance  cmitiennent  la  grAce  qu'ils  signittent,  et  qu'ils  la 
confèrent  toujours  à  tousceuxqui  les  reçoivent  aveclescoudJtioDS 

Koua  renvoyons,  pour  le  surplus  que  nous  omettons  ici,  ï  ce  que 
nous  avons  écrit  jusqu'il  présent  pour  couiredire  les  dogmes  lié- 
lérudoiesdeguesnel,    On  peut  lire  depuis  la  page   3^  de  ce 

Ou  vuit  donc  que  la  doctrine  de  nolie  ei-oratoneu  lend  direC' 


45B  QUE 

tement  à  fenner  au  pécheur  fidèle  le  retour  ait  grftee  ^  pnitqa^O 
détruit,  en  les  trayestUsant  en  autant  dépêchés,  les  dispositions 
qu*îl  faut  apporter  à  la  seconde  justification.  Cest  sans  doute 
dans  la  même  Tue  quMl  met  tant  d^entrayes  à  la  réception  du  sa- 
crement de  pénitence,  en  approuvant,  dans  ses  propontions 
LxxxYii,  LxxxYHi  ct  Lxxxix»  dcs  éprcuTCs  également  ûbitnires  et 
ridicules,  une  discipline  entièrement  opposée  à  celle  qui  est  aaio- 
risée  dans  TÉglise,  des  privations  funestes  au  pécheur  non  encore 
réconcilié,  contraires  h  ses  devoirs  religieux  et  dénuées  de  tout 
fondement  légitime  *.  Mais  c*est  surtout  quand  ,  de  concert  avec 
les  auteurs  impies  de  la  circulaire ,  il  nous  assure  que  nous  ne 
pouvons  faire  aucun  bien  sans  une  grâce  irrésistible,  et  qui  opère 
tout  en  nous ,  sans  nous,  c*est  alors ,  disons-nous ,  qu*îl  porte  les 
coups  qui  achèvent  de  tuer  Tespérance  dans  le  cœur  du  fidèle 
tombé  et  près  de  mourir. 

Supposons,  en  effet,  qu*un  de  ses  partisans,  profondément  imbu 
des  principes  condamnés  dans  les  Réflexions  morales,  arrive  à  sa 
dtrnière  heure,  après  s*étre  laissé  entraîner  pendant  bien  des  an- 
nées au  torrent  impétueux  de  ses  passions ,   persuadé  qu*il  ne 
pouvait  y  résister  sans  un  secours  à  la  Quesnel,  et  se  confiant  que 
tôt  ou  tard  ce  secours  commode  viendrait  le  délivrer  de  la  servi- 
tude, où,  selon  le  système,  le  péché  est  inévitable,  la  pratique  du 
bien  impossible.  Quelle  sera  sa  détresse  à  l'heure  de  la  mort , 
lorsque,  portant,  comme  malgré  lui,  un  regard  douloureux  sur  le 
passé,  il  verra  dans  un  grand  jour  Tétat  déplorable  de  son  âme, 
et  que,  considérant  que  la  grâce  sur  laquelle  il  avait  si  vainement 
compté,  n'étant  point  encore  venue ,  malgré  son  attente  ,  il  est 
comme  assuré  qu'elle  n'arrivera  pas,  puisqu'il  ne  lui  reste  presque 
plus  de  temps?  Ne  se  croira-t-il  pas  alors  sans  ressource,  et  même 
frappé  de  la  réprobation  négative ,  à  cause  du  péché  du  premier 
homme*?  En  vain  on  lui  représentera  l'humble  recours  à  la  prière, 
le  p^ravt  amoureux  qui  fléchit  le  cœur  du  Seigneur  envers  le  roi 
prophète,  et  l'absolution  du  ministre  delà  pénitence,  comme  au- 
tant de  moyens  d'obtenir  miséricorde:  raisonnant  conformément 
à  ses  principes,  il  répondra,  s'il  en  a  encore  la  force,  que  la  grâce, 
qui  opère  dans  le  cœur  la  prière,  le  repentir  et  l'amour,  sans  que 

*  Voyez-les  p.  383.  Cest  une  conduite  pteine  de  sagesse,  etCf  et  ce 
que  nous  en  avons  dit,  ii  15  et  416. 
«  Voyez  ce  que  nous  avons  rapports  sur  ce  sujet,  p.  4^0» 


:a{K)îr  daDs  le  cœur  d 
le  liberliD  qui  joui»; 


QIE 

le  cœur  sVn  m<Mo,  lui  manque  ;  cl  son  ilcfnîer  mot  sera  ilouc  ce>  | 
lui-ci  :  JeuHit perdu. 

Noua  ne  croyons  pas  devuir  nous  arrêter  à  prouver  que  les  di»- 
cipifs  de  QuesQcl  ne  dégénérèrent  guère  dans  In  sullc  de  la  sÉvé-   j 
lîU  désespi^ante  de  leur  maître.  On  se  ressouvient  encore  de  l'ex*  ^ 
bénie  rigorisme  qu'ils  exerçaient  dans  le  sacré  tribunal  ; 
Vègles  omrées  qu'on  retrouve  dans  un  grand  nombre  de  leurs  li-  ] 
ts ,  surtout  quant  a  ce  qui  concerne  les  dispositions  qu'il  faut 
iporier  ï  lu  réception  de  l'alisolution  et  i  lu  participation  des 
lÎDis  mystères,  nous  en  offrent  des  monumens  qui  ne  sont  que 
op  répandue.  Ce  n'est  pas ,  au  reste ,  qu'ils  aient  excédé  en  tout 
^  la  même  manière  ;  car  en  élabliss^anl  leur  gritce  qui  fait  exclusi- 
>Veinenl  tout ,  et  en  soutenant  que  la  première  qui  soit  accordée 
pécheur  est  le  pardon  de  ses  pécliés,  s'ils  jetaient  par-lii  le  dé»-  I 
inel  réduit  i   son  dernier  momeu 
ontrer,  ils  mettaient  aussi  fort  !i  k 
de  la  santé  et  qui  ne  clierchajt  qn*'  1 
jselqnei  spécieux  prétextes  pour  s'autoriser  A  croupir  d«ns  se*  1 
^ordres.  <  En  eflet ,  pouvait-il  se  dire  ù  lui-même  par  un  raî- 
Monement  aussi  juste  dans  le  système  que  pernicieux  dans  II 
Térilé ,  ou  Dieu  veut  me  donner  sa  grice,  ou  il  ne  le  Teut  pas  : 
t'il  le  veut,  elle  viendra  lût  ou  tard  me  transplanter  dn  la  voie 
large  dans  la  voie  étroite,  ob  je  serai  pardonné,  converti,  jut 
tiGé  sans  aucune  démarche  préalable  de  nia  part  ;  s'il  ne  le  veut  J 
t*  pas,  tous  les  efforts  que  je  ferais  de  mon  c6té  seraient  inutile»^ 
•  et  tout  autant  de  péchés  plus  capables  d'éloiper  Dieu 
»  que  de  me  rapprocher  de  lui  ;  le  seul  parti  qui  me  reste  eltfl 
duiic  de  m'endormir  tranquillement  dans  le  sein  de  la  volupté, , 
tans  me  soucier  d'un  aveuir  qui,  soit  bon,  suit  mauvais  ,  m'est] 
également  inévitable,  > 
(!•  Du  mérite. 

Il  surfit  de  s'être  formé  une  idée  juste  de  la  délectation  rclati 
Tem  en  t  victorieuse  élublie  par  Jausénius  pour  prévoir  d'avanc< 
les  partisans  de  ce  système  absurde  n'ont  pu  laisser  intacte  la   , 
atholique  touchant  le  mérite  des  œuvres.  Mais  une  chose  |  ' 
diflicileï  croire,  si  on  n'en  avait  pas  des  preuves  ceruines,  c 
>^'iis  regardèrent  le  renversement  de  la  saine  croyance  su] 

essentiel  ï  la  religion,  comme  un  moyen  nécet 
niie  pour  abaisser  les  religieux  et  leur  ûtcr  la  confiance  des  peu 
pics.  Ernulons  un  momenl  ceui  qui  gouvernaient  le  parti. 
39 


458  QUE 

»  n*aTODS  que  trop  reconnu ,  écrivaient  aux  unis  les  auteurs  de  la 
»  lettre  circulaire  à  MM.  les  disciples  de  saint  Augiulin  ,  nous  nV 
»  vons  que  trop  reconnu  que  la  doctrine  des  mérites ,  comme  elle 
»  est  maintenant  entendue  et  pratiquée  dans  TËglise  ,  est  le  plus 
»  grand  appui  des  moines  et  le  principal  fondement  de  leur  sub* 
»  sistance.  Car  tandis  que  Ton  croit  que  Dieu  donne  des  gr&œs 
»  suffisantes  à  tous  les  hommes  pour  se  sau?er  et  qu'elles  sont 
»  rendues  efficaces  par  notre  coopération ,  ceux  qui  auront  soin 
9  de  leur  salut  s'empresseront  à  connaître  les  volontés  de  Diev 
»  sur  eux  pour  y  correspondre,  et  s'adresseront  aux  moines  qu'îb 
»  croient  être  les  seuls  dépositaires  des  secrets  de  Dieu.  Dé  plus, 
9  ils  s'adonneront  à  faire  quantité  d'aumônes,  au  moyen  des- 
9  quelles  les  moines  ont  pris  le  premier  rang.  //  imparte  beaucoup 
9  que  les  vrais  disciples  de  saint  Augustin  iernissenl  celte  doctrine 
9  qui  gène  les  esprits ,  sous  prétexte  de  conserver  leur  liberté. 

»  Qu'ils  parlenten  général  d'une  grâce  charmante  et  victorieuse, 
9  qui  ne  laisse  point  à  la  volonté  des  prédestinés  la  peine  d'y  cor- 
9  respondre,  et  que  tous  les  soins  que  nous  prenons  de  servir  Dieu 
»  par  nos  bonnes  œuvres  sont  inutiles.  Qu'il  ne  faut  que  laisser 
9  faire  la  grâce ,  et  qu'aussi  bien  nous  ne  saurions  résister  à  tel- 
>  les  aimables  violences,  etc.  ^» 

Nous  avons  di'^jà  remarqué  que  Quesnel  avait  envoyé  une  in- 
struction de  celte  espèce  à  une  religieuse  de  Rouen,  avec  une 
lettre  écrite  de  sa  propre  main.  Quelque  horrible  que  paraisse 
celle  production ,  d'après  les  cuurts  extraits  que  nous  en  avons 
donnés,  notamment  d'après  ce  dernier,  elle  ne  renferme  néan- 
moins ,  suivant  les  auteurs ,  que  le  résultat  des  lumières  que  Dieu 
leur  avait  communiquées,  après  des  prières  continuelles  ;  et,  suivant 
la  vérité,  elle  ne  contient  rien  qui  ne  soit  digne  du  système,  rien 
qui  ne  s'en  déduise  naturellement,  rien  qui  inspire  des  idées  exa- 
gérées de  la  secte ,  de  ses  projets ,  de  son  savoir-faire  ;  en  un 
mot,  <t  rien  dont  le  parti  ne  soit  convaincu;  »  comme  le  prouve 
M.  de  Cbarancy,  évoque  de  Montpellier,  dans  son  mandement 
du  24  septembre  1740,  à  la  suite  duquel  il  fit  imprimer  cette  dé- 
testable circulaire. 

Mais  quand  même  les  Jansénistes  seraient  parvenus  à  nous  en- 
lever cet  écrit  rempli  d'erreurs  et  d'hérésies,  à  force  de  le  renier, 
ainsi  que  quelques-uns  l'ont  fait,  en  conséquence  de  ce  qui  y  est 


i 


Second  moyen  d'ubai5«er  les  moines. 


■  QUE  4SS 

oT^annë ,  àbs  Ion  qu'il  est  conGUnt  que  la  grâce  qu'ils  adiiieltent 
pour  poutvir  opérer  le  bien  est  efBcace  ï  leur  fagon ,  c'esl-i-dire 
irrésistible,  imposant  à  celui  qui  la  reçoit  uue  ni^cessiié  relative, 
inévitable,  invincible,  il  demeure  démontré  par-lâ  mâmeque, 
sous  l'inOuence  de  celle  grice  prëlendue ,  Tbomnie  n'a  pas  la  Vi- 
heHé  uécessaire  pour  pouvoir  mériter ,  et  qu'eu  conséquence  il  ue  ' 
mérite  nullement  par  ses  bonnes  n-uvres,  Quesnel  détruit  encoro 
Duverteoienl  le  mérite  dans  sa  proposition  ixa,  où,  s'adressent  i 
Dieu,  il  lui  dit  :  •  la  foi,  l'usage,  l'accroissement  et  la  récoro- 

>  pense  de  la  foi ,  tout  est  un  don  de  votre  pure  libéra- 
.  lité.  . 

Enlin ,  les  Jansénistes  sont  obligés  de  convenir  avec  les  Trotes- 
lans  que  le  juste  pèche  au  moins  vénJellement  dans  toutes  ses  ac- 
tions les  plus  saintes,  tandis  que  la  concupiscence  n'est  pas  entiè- 
rement anéantie  dnns  son  cœur.  En  eRet,  de  même  que  quand  il 
transgresse  un  précepte,  entraîné  invinciblement  au  mal  parla d^ 
leclatiou  terrestre  plus  forte  en  degrés  que  la  délectation  céleste, 
celle-ci  ne  laisse  pas  d'opérer  en  lui  des  velléités,  des  désirs  et 
«leseETorts,  qui,  quoique  inefficaces,  n'en  sont  [.as  moins  bons  et 
louables,  puisqu'ils  tendent  an  bien  et  que  c'est  la  grâce  qui  lea 
produit  dans  la  vdionlé  ;  de  même  aussi  quand  le  juste  fait  le  bien , 
la  concupiscence ,  quoique  vaincue  parla  grâce,  ne  laisse  pasd'o» 
pi'rer  dans  sa  volonté  des  monvemcns  vers  le  mal ,  lesquels  étant 
mauvais  dans  la  fin  ù  laquelle  ils  tendent  et  dans  la  source  d'ob 
ils  émanent,  ils  doivent  nécessairement  ternir  la  bonne  u^uvreen 
;  imprimant  le  sceau  hideux  de  h  cupidité.  La  raison  enesiquecea 
mouvemens  sout  libres,  suivant  le  système,  puisqu'ils  sont  dans 
la  volonté  conformes  i)  l'inclination  qui  j  est  imprimée  par  la  con- 
cupiscence. De  lii  ces  propositions  si  franches  de  Balus  :  •  La  con~ 

>  copiscence  ou  la  loi  des  membres,  et  ses  mauvaisdésirsquelei 

>  bommes  sentent  malgré  eui,  sont  une  vraie  désobéissance  il  la 
«  loi.  Tant  qu'il  reste  encore  quelque  chose  de  U  coneupiscenoa 
■  de  la  cbair  dans  celui  qui  aime,  il  n'accomplît  pas  le  précepte: 

IV  Voui  aimertt  te  Seigneur  retre  iHeu  de  lovl  voire  eirur  '.  • 
''  Tous  les  ihéolugiens  orthodoxes  reconnaissent  deiut  sortes  de 
iigirile  :  un  mérite  proprement  dit  et  de  justice,  qu'ils  appellent 
bérite  de  condignité,  merilum  de  tomtiQna;  et  un  autre  milite 
■B, 
cneil 


460  QUE 

qui  ii*opère  pas  le  même  droit  et  auquel  ils  donnent  le  nom  de  mé- 
rite de  coDgruité,  meritum  de  congrue» 

Ih  fondent  communément  le  premier  sur  Tordre  snrnatarel  éta» 
bli  de  Dieu ,  en  vertu  duquel  les  bonnes  œuvres  faites  dans  la 
justice,  en  vue  de  Dieu  et  par  le  secours  de  sa  grAce  adiMlle,  oat 
une  valeur  proportionnée  à  la  récompense  que  Dieu  s*est  formel- 
lement engagé  d'y  donner,  et  acquièrent  au  juste,  à  ces  deux  titres, 
mi  droit  réel  à  la  récompense  promise.  Us  appuient  le  second  sur 
la  confiance  en  la  bonté  de  Dieu  et  sur  la  convenance  qu^il  y  a 
qu*il  vienne  au  devant  de  celui  qui  fait  des  efforts  avec  sa  grâce , 
sans  néanmoins  que  Dieu  y  soit  obligé  par  aucun  engagemenl  de 
justice. 

Les  théologiens  établissent  sur  des  preuves  solides  Vexisience 
et  la  distinction  de  ces  deux  espèces  de  mérite  ;  ils  en  fournissent 
des  exemples  caractéristiques,  quMls  puisent  dansTÊcritore  sainte» 
et  ils  répondent  d'une  manière  satisfaisante  à  toutes  les  objections 
des  novateurs  sur  ces  différens  points  de  doctrine.  Noos  n*entre- 
rons  pas  ici  dans  ces  détails  ;  mais  nous  ne  pouvons  nous  dispen- 
ser d'observer  que  quand  les  auteurs  orthodoxes  emploient  en  cette 
matière  le  mot  justice ,  ils  ne  font  que  répéter  ce  que  saint  Paul  a 
dit  lui-même  ^  ;  et  qu'ils  entendent  ce  mot  dans  un  sens  étendu, 
non  dans  un  sens  strictement  rigoureux ,  convenant  tous  que  la 
justice  commutative  ne  peut  avoir  lieu  entre  Dieu  et  les  bommes. 
Dieu  a  bien  voulu  établir  un  ordre  pour  le  salut  de  ceux-ci  ;  on  en 
conclut  qu'il  se  doit  à  lui-même  de  suivre  cet  ordre  :  il  a  daigné 
faire  avec  eux  un  pacte  par  lequel  il  s'est  libéralement  obligé  à 
les  récompenser,  moyennant  certaines  conditions  de  leur  part  ;  si 
donc  ces  conditions  sont  ponctuellement  remplies ,  il  est  de  la  fi- 
délité de  Dieu  de  dégager  sa  parole,  et  les  hommes  ont  droit  de 
lui  en  demander  l'exécution ,  suivant  saint  Augustin. 

Mais  ce  droit  dont  nous  parlons,  tout  droit  de  justice  qu'il  est 
dans  le  sens  que  nous  venons  d'expliquer,  n'est  pas  néanmoins  un 
droit  strictement  rigoureux  :  il  ne  naît  pas  du  fond  des  œuvres 
considérées  en  elles-mêmes  et  dans  leur  valeur  intrinsèque  ;  c'est 
Dieu  qui  l'a  lui-même  fondé  et  qui  Ta  donné  à  l'homme  par  un 
trait  de  sa  libéralité  envers  celle  créature  chérie. 

En  effet.  Dieu  pouvait  dans  le  principe,  et  sans  blesser  ni  ses 
attributs  sacrés  ni  l'exigence  de  la  nature  humaine,    destiner 

1  S  Tim.,  A,  8. 


(JLK 


Jiil 


riiommc!)  une  Au  purement  naturelle,  eviger  de  lui  un  B^fvica  | 
el  lui  doTioer  des  moyens  prupurlumn^sii  celle  Gn,  le  rècompcnspr  1 
de  même  ou  le  laisser  siiii«  ri^comppnse ,  el  le  punir  d'une  mn- 
nière  sévère  s'il  avait  lj   hardiesse  de  Inosgresser  ses  devoirs. 
L'EioLume  élant  déchu  par  sa  diisobâÏEsance  irts  grïËve  du  droit  k 
la  vision  inluiiive  dont  Dieu  lui  avait  libéralemeDl  fait  pari,  Diea    i 
pouvait  le  livrer  h  son  malheureux  sort,  ne  point  lui  donner  di 
bérateur,  ne  lui  accorder  aucune  grftue.  L'homme  naissant  soi 
du  péché,  euuemi  de  Dieu ,  esclave  du  démon,  n'a  aucun  dm 
ce  que  Dieu  jeile  sur  lui  un  regard  de  pitié ,  ï  ce  qu'il  vienne  i  | 
son  secours  et  le  délivre.  S'il  retombe,  après  avoir  élé  niis^riwr--  | 
dieusement  jusliGé  dans  le  bapléine ,  le  péché  mortel  le  dépouïUft 
de  nouveau  de  son  droit  ï  la  béatitude  et  i  tous  les  utojeus  né- 
cessaires pour  le  recouvrer.  H  est  vrai  que  Jôsus^ChriBI  a  niérîlfr 
1  Ions  les  hommes ,  par  les  souOrances  et  la  mort  qu'il  a  endur<^es 
pour  tous ,  les  i;rïces  el  les  secours  dont  ils  ont  besoin  pour  pou- 
voir opérer  leur  salul;  mais,  outre  que  cette  sainte  rédempliou  a 
été  un  eFTet  de  h  pure  miséricorde  de  Dieu ,  l'application  qui  en 
e&l  faite  par  la  premÏËre  grïcc  a  lieu  on  faveur  d'un  indigne.  Di- 
sons donc,  avec  le  deuxième  concile  d'Orange,  dont  l'^liseareçu 
toutes  les  décisions  :  •  la  récompense  est  due  aux  bonnes  œuvres, 
I  si  elles  se  font  ;mais  la  grice  qui  n'est  pas  due  les  précède  afin 
>  qu'elles  se  fassent  *  ;  >  el  avec  le  cnncilc  de  Trente ,  apr&s  siint 
Augustin  et  Innocent  I  :  t  la  bonté  de  Dieu  envers  les  buniiues  est 

•  si  grande ,  qu'il  veul  bien  que  ses  propres  dons  deviennent  leurs 

•  mérites*.  •  Nous  espérons  que  nous  éclaircirons  davantage  ceci 
en  parlant  de  l'objet  du  mériie. 

Il  suii  de  ce  que  nous  avons  dit  plus  hnut  que  lo  juste  seul  peut    i 
mériter  condignemenl.  C'est  ce  que  le  Sauveur  fuisuit  entendre  à 
ses  apâlres  quand  il  leur  dirait  :  >  comme  la  branche  ne  petit  j 

•  d'elle-même  porter  de  fruit,  qu'elle  ne  demeure  unie  i  la  vi- 
■  giie ,  ainsi  vous  n'en  pouvcï  point  porter  qne  vous  no  demen- 

•  riex  unis !t  moi'.  •  Et  pour  pa.^er  sous  silence heiiuuoup d'aii- 
tres  preuves  que  fiiurnissenl  sur  ce  point  l'Écriture  elles  l'ùret, 
telle  est  la  doctrine  établie  par  la  condamnation  qu'a  faite  là 
s.iiut   Sié);e  de    plusieurs    propositions   de   Butun,    d.ins    I 

'  Ca,,.  xuu. 


468  QUE 

quelles  ce  Dovatenr  enseignait  des  dogmes  diamétralement  eoi- 
traires^. 

Mais  le  mérite  ne  peut  s*acquérir  qa*en  cette  yie  :  il  exige  que 
Faction  soit  moralement  bonne,  faite  avec  le  secours  de  la  grâce 
âetuelle,  rapportée  à  Dieu,  opérée  avec  liberté,  exempte  par  con- 
séquent, non-seulement  de  contrainte,  mais  encore,  comme  nous 
Fafons  déjà  plusieurs  fois  observé,  de  toute  nécessité,  soit  im- 
muable ou  simple,  soit  même  relative.  Le  mérite  de  condignilé 
suppose  encore,  ainsi  que  nous  Tavons  remarqué,  une  promesse 
formelle  de  la  part  de  Dieu. 

Or,  que  Tbomme  juste  mérite  véritablement,  quand  il  opère  le 
bien  avec  toutes  les  conditions  requises,  c*est  un  dogme  catholi- 
que fondé  sur  les  Livres  saints,  la  tradition  et  les  définitions  ex- 
presses de  rËglise.  Le  concile  de  Trente,  après  avoir  rapporté 
plusieurs  textes  de  saint  Paul  qui  établissent  cette  vérité  conso- 
lante, en  conclut  qn*il  faut  proposer  aux  justes  qui  persévèrent 
jusqu'à  la  fin  de  leur  carrière  dans  la  pratique  constante  du  bien, 
et  qui  espèrent  en  Dieu,  la  vie  éternelle,  soit  comme  nne  grâce 
miséricordieusement  promise  aux  enfaos  d'adoption,  en  considé- 
ration de  Jésus-Christ,  soit  comme  une  récompense  qui  doit  être 
fidèlement  rendue  à  leurs  bonnes  œuvres  et  à  leurs  mérites,  en 
conséquence  de  la  promesse  de  Dieu.  <  Car,  dit  ce  saint  concile, 
»  c'est  là  cette  couronne  de  justice  que  Tapôtre  disait  lui  être  ré- 
»  servée  après  le  terme  de  son  combat  et  de  sa  course,  et  devoir 
9  lui  être  rendue  par  le  juste  juge;  non  pas  à  lui  seulement,  mais 
»  à  tous  ceux  qui  aiment  son  avènement  *.  » 

La  raison  que  le  concile  donne  de  cette  doctrine  doit  être  re- 
marquée. «  Jésus-Christ  répandant  continuellement  sa  vertu  dans 
»  ceux  qui  sont  justifiés,  comme  le  chef  dans  ses  membres,  et  le 
»  tronc  de  la  vigne  dans  ses  pampres  ;  et  cette  vertu  précédant, 
»  accompagnant  et  suivant  toujours  leurs  bonnes  œuvres,  qui,  sans 
9  elle,  ne  pourraient  aucunement  être  agréables  à  Dieu,  ni  mérî- 
»  toires  :  il  faut  croire,  après  cela,  qu'il  ne  manque  plus  rien  à 
»  ceux  qui  sont  justifiés  pour  être  estimés  avoir,  par  ces  œuvres 
»  faites  en  Dieu,  pleinement  satisfait  à  la  loi  divine,  selon  l'état 
»  de  la  vie  présente ,  et  avoir  véritablement  mérité  la  vie  éter- 

*  Voyet  les  ^Top,  ii,  xi,  xii,  xiii,  xv,  xviir,  etc.  BuWe  Ex  omnibus 
afflicf, 

"Dcjuslif.,  cap.  16. 


in  lemps,  ponrTnlonieroîs  qu'ils  mi 


ele  même  concile  dit 
1  par  le  mojrea  des 
iDii  justifié!!,  et  fïits 


neUf ,  pOnr  l'obtenir  en  » 
■  renl  dans  la  gi-Sce  '.  ■ 

Nou»  ne  pontonç  passer  bous  silence  ce  qn 
iiîlleurs  de  l'aui^uienlalion  de  la  justificatioi 
iKinnes  œuvres.  ■  Les  hommcK  Étant  doue  a 

•  domestiques  et  amif  de  Dieu,  s'avancent  d 

•  renouvellenl,  comme  dit  l'apôlre,  de  jour  en  jour;  c'est^-difft 

•  qu'en  mortifiaut  les  membres  de  leur  chair,  et  les  faisant  servir 
>  â  b  piéiê  et  à  la  justice,  pour  mener  une  vie  sainte,  dans  l'ob- 

•  servutioo  des  commandemens  de  Dieu  et  de  l'Ëglise,  ils  croîs- 

•  Mnl  parles  bonnes  œuvres,  atec  la  coopération  de  la  Toi,  dans 
j  cette  même  justice  qu'ils  ont  re^ue  par  ta  grâce  de  Jésus-Chrîsl, 
S  M  sont  ainsi  de  plusen  plusjusiîSês,  etc  *.  • 

'*  A  l'égard  de  la  persévérance,  le  concile  de  Trente  déclare  que 
ce  doa  précieax  •  ne  peut  venir  d'ailleurs  que  de  celui  quî  a  la 
puissance  d'affermir  celui  qui  est  debout,  afin  qu'il  demeure  par- 
sévéramnent  debout,  et  de  relever  celui  qui  tombe.  Que  per- 
sonne ne  se  promette  (donc)  lî-dessus  rien  de  certain  d'une  cer- 
titude absolue,  quoique  tuns  doivent  mettre  et  établir  une 
espérance  très-ferme  dans  le  secours  de  Dieu.  Cur,  ï  moins  qu'ils 
ne  manquent  eux-mêmes  h  sa  grâce,  Dieu  achèvera  te  bon  ou- 
trage comme  il  l'a  commencé,  opérant  le  vouloir  et  l'effet.  Mais 
cependant  il  faut  que  ceux  qui  se  croient  debout  prennent  garda 
de  tomber,  et  qu'ils  opèrent  leur  salut  avec  crainte  et  trembla 
ment,  d;)n5  les  travau;i,  les  veilles,  les  anmAues,  les  pri&rcg, 
les  offrandes,  les  jeûnes  et  la  chasteté.  Car ,  sachant  que  leur 
renaissance  ne  les  met  ps  encore  dans  la  possession  de  In 
gloire,  mais  seulement  dans  l'espérance  d'y  parvenir,  i's  doi- 
vent craindre  pour  te  combat  qui  leur  reste  i  soutenir  contre  la 
chair,  le  monde  et  le  démon;  dans  lequel  ils  ne  peuvent  être 
ïictorieui,  s'ils  ne  se  conforment,  avec  l'aidede  la  grâce,  i  celle 
maxime  de  l'apôtre  :  Ce  n'etî  point  à  la  ehair  que  nuui  lomiM* 
Tfltvalilf»,  pour  que  nom  vMina  leton  la  chair;  car  »i  uohi  vive: 

la  chair,  vaut  mourrrv,  maitti  votti  merUlfei  par  l'rtpril  le. 

rt  de  la  chair,  voiu  vitrez  ' .  - 

ne  tes  ennemis  de  la  fui  orthodoxe  se  plaignaient  que  li  i 

t  DejuKlif.,  cap.  16. 
*  Ihid.,  cap.  10, 
*lbi(),,  cap.  13. 


464  QUE 

doclriae  catholique  mellait  la  justice  de  Thomme  à  la  pbee  de 
celle  de  Dieu  ;  qu'elle  anéantissait  les  mérites  de  Jésûs^Ghrisi»  ea 
établissant  ceux  du  juste,  et  qu'elle  ressuscitait  le  PélagtaBÎsBe 
proscrit  depuis  long-temps  par  FÉglise,  le  concile  de  Trente» 
après  avoir  montré  Tinfluence  vivifiante  que  le  Sauveur  répaad 
continuellement  dans  Thomme  justifié;  influeuce  qu'il  appuie  de 
plus  sur  ces  paroles  de  J ésus -Christ  :  Si  quelqu'un  Ml  de  Veau 
que  je  lui  donnerai,  il  n'aura  jamais  soif,  maiseUe  deviendrmen  Ud 
une  source  d'eau  quijaillil  jusqu'à  la  vie  éternelle;  il  ajoute,  pour 
réfuter  ces  plaintes  dénuées  de  fondement  :  c  Ainsi,  on  n'établit 
»  pas  notre  propre  justice  comme  nous  étant  propre  de  oous-mè- 
9  mes,  et  on  ne  méconnaît  ni  on  ne  rejette  la  justice  de  Dieu  ; 
c  car  cette  justice,  qui  est  dite  nôtre,  parce  que  nous  aommes  jus- 
»  tifiés  par  elle,  en  tant  qu'elle  est  inhérente  en  nous,  est  dle- 
9  même  la  justice  de  Dieu,  parce  qu'il  la  répand  en  nous  par  le 
»  mérite  de  Jésus -Christ  * .  » 

Le  concile  de  Trente  reconnaît  donc  que  tout  notre  mérite  sur- 
naturel est  appuyé  sur  le  mérite  du  Sauveur,  et  que  c'est  de  là,  et 
de  la  grâce  qui  nous  est  accordée  en  considération  de  ce  divin 
mérite,  que  nos  bonnes  œuvres  empruntent  toute  leur  valeur. 
«  Personne,  dit  saint  Paul,  ne  peut  poser  un  autre  fondement  que 
»  celui  qui  a  été  mis,  lequel  est  Jésus-Christ  *.  »  11  ne  faut  pas 
cependant  conclure  de  là  «  que  les  bonnes  œuvres  de  l'homme  jus- 
»  tifié  sont  tellement  les  dons  de  Dieu  qu'elles  ne  soient  point 
»  aussi  les  bons  mérites  du  même  homme  justifié.  »  Il  était  ré- 
servé à  Quesnel  et  aux  auteurs  de  la  circulaire  de  renouveler  cette 
erreur  proscrite  par  le  concile  de  Trente  sous  peine  d'anathème  '. 
Car,  quoique  nos  bonnes  œuvres  soient  à  Dieu,  en  ce  que  nous 
les  lui  devons  déjà,  quand  nous  ne  faisons  qu'accomplir  ses  com- 
roandemeus,  et  parce  que  nous  opérons  toutes  ces  œuvres  avec  le 
secours  de  la  grâce  qu'il  nous  donne,  cependant  elles  sont  aussi 
à  nous,  puisqu'en  les  faisant  nous  coopérons  à  la  grâce  librement, 
de  notre  propre  choix,  et  sans  y  êlre  en  aucune  manière  nécessi- 
tés. 11  en  est  de  même  de  nos  mérites  :  ils  sont  à  Dieu,  comme  à 
Fauteur  bénévole  de  l'ordre  méritoire,  des  promesses  qu'il  nous  a 
faites,  des  grâces  qu'il  nous  accorde;  mais  ces  mêmes  mérites  sont 

^Dejustif.,  cap.  16. 
*iCor.,3,  H. 
'Dejusti(l,can.  32. 


uussi  en  mi-ine lenips  fi  nous,  puisque  nous  accoiiiplissoiisicL'IlL'- 
mcnt  ilo  Dolr^  côltel  avec  liberté,  quoi{]ue  loiijoors  !>  t'niileilela 
grlce,  les  coDiliiions  du  paclo  que  Dieu  a  daigné  cODiracter  avec 
noua.  ToDt  ceci  doit  nous  porter  i  admirer  la  brinlédeOieu,  «qui 
t  est  si  grande  enrers  les  liommes,  dît  le  oiâtne  concile,  qu'il  veut 

■  bien  que  ses  propres  dons  deviennent  leurs  mi^rites  *  ;  •  cl  il 
est  très-vrai  qu'il  couronne  les  dons  de  sa  miséricorde,  quand  il 
nicompenie  nos  bonnes  otuires. 

Quant  au  mérite  proprement  dit,  le  concile,  que  nousneDout  las- 
sons pas  de  copier  sur  unemaliÈre  si  dclicate  et  si  impurtunle,  dcli- 
nit  '  que  les  justes  doivent,  pour  leurs  bonnes  uiuvres  ftiln  en 

•  Dieu*,  attendre  et  espérer  de  lui,  par  sa  miiéricorde,eipar  lenié- 

>  ritede  Jésus -Cb ri st,  la  récompense  éternelle,  s'ilspersévércni  Jus- 

>  qn*klaBn!i  bienfairect  ï  garder  les  commandemensde  Dieu. *• 

>  Il   anaihématise  celui  qui  dit  <  que  l'homme  justi Hé  ne  mérite 

*  De  justif.,  cap.  16. 

'  Mais  que  veut  dire  le  concile  de  Trente  par  Ira  <ruvrc3  faUa  en 
Dieu  7  Une  action  bonne,  libre,  opérée  dans  la  grice  Minclilianic  et  par 
le  tecoarsde  la  gr&ce  actuelle  rnppartte  A  Dieu  par  un  motif  surnatu- 
rel, c'ett-t-dirc  pniié  dam  ta  rd,  quel  que  soll  eemolir,  nemtritct-ellc 
pas  conifijiienwn(  la  vie  élenicllc  ?  Il  y  a  des  ihéologleiuqui  diseutque 
oui  ;  d'autres  touliennenl  que  non,  et  ou  en  lOÎI  qui  pi-Ëtendent  que 
cette  actioa  ne  mérite  qu'une  récompense  accidentelle,  non  pas  la  tue 
intuitive.  'On  ne  lauraît  douter,  esl-it  dîtcrOment  dans  le  raincui 

■  Curps  dtdiiclrine  de  17Î0,  arL  it,  de  la  nécessité  de  la  cliarilé, 

•  vertu  tliéoloftale,  pourfaire  desacles  mériloireidu  talnl.  •  Que  tatil-i\ 
doue  pour  qu'une  bonne  (cuvre  mérite  condiDncaunt  tout  ce  qitv  le 
concile  de  Trente  assure  à  ce  mérite  ?  Il  est  néresiairc,  iliscnt  les  plut 
niscaiis,  que  la  bonne  œuvre  soit  inspirée  ou  commandée  par  In  cha< 
rite  Dctuclle  et  opérée  par  le  motif  de  celle  vertu.  Hou*  ne  décidrruni 
rien  ici  sur  ce  point,  >i  ce  n'est  qu'un  ami  de  Dieu,  qui  luiolTre,  d{s  te 
matin,  lesactloisen  particulier,  dans  la  vue  de  lui  pta'rc  et  qui  réitère 
de  temps  en  temps  cette  offrande,  thésaurise  abondamment  par-IdniéiuG 
pour  le  cleL 

Remarquons  en  pauani  qu'il  y  a  loin  entre  exiger  qu'une  action  soit 
Taîie  par  le  motifet  l'influcnre  de  la  charité  pour  ta  rendre  digne  du 
mérite  de  eondignili,  et  étirer  qu'une  action  émane  de  la  même  vertu 
pour  qu'elle  ne  toit  pas  mauvaise  :  il  n*jp|>»rlicut  qu'aux  Janséniitei 
de  soutenir  cette  deruiére  atscrllon  qnctuus  les  tliOologienscullioliiiuct 
rejettent  unaniiuemenl. 

1  Dejustir.,can.  ÏU. 


466  QUE 

•  p&ê  vériMlement^  par  les  bonnes  œuvres  q!i*0  h\l  tree  lese- 
9  cours  de  la  grâce,  et  par  le  mérite  de  Jésus-Christ,  dont  H  ert 
»  un  membre  vivant,  Faugmentation  de  la  grftce,  la  via  éleraellet 
»  et  rentrée  dans  cette  même  vie,  pourvu  toutefois  qa*îl  meure 
9  en  grâce,  et  même  aussi  augmentation  de  gloire^.  > 

Tous  les  théologiens  orthodoxes  reconnaissent  dans  ce  demief 
canon  du  concile  de  Trente  ce  qu*ils  entendent  désigner  par  mé- 
rite de  condignitéf  ou  de  jtulice ,  et  les  biens  surnaturels  qui  soaC 
les  objets  de  ce  mérite.  Ils  concluent  de  là  que  le  juste  peut  mé- 
riter condignement  Faugmentation  de  la  grâce  sanctifiante ,  qn 
n*est  pas  égale  dans  tous  les  justes ,  la  vie  étemeUe ,  et  dM  ae- 
croissemens  de  gloire  pour  le  ciel. 

Quant  au  mérite  improprement  dit,  ou  de  eangruité^  les  mêmes 
théologiens  établissent,  sur  d'excellentes  preuves,  que  lliomme 
étant  prévenu,  excité,  aidé  par  la  grâce  actuelle,  et  y  correspon- 
dant avec  fidélité,  peut  en  mériter  de  nouvelles ,  de  plus  grandes, 
même  le  don  de  la  foi ,  la  grâce  sanctifiante ,  et  emuite  la  grâce 
spéciale  de  la  persévérance  finale.  Ils  soutiennent  que  le  juste 
peut  mériter  de  même,  c'est-â-dire  d'un  mérite  de  cougruiié  (  car 
nous  ne  parlons  maintenant  que  de  cette  espèce  de  mérite),  pour 
soi  et  pour  d'autres,  des  grâces  actuelles ,  et  des  biens  terrestres , 
même  pour  d'autres,  la  première  grâce  actuelle. 

Nous  avons  déjà  fait  voir  que  le  pécheur  ne  peut  rien  mériter 
cimdi^n^ffi^ft/ ,  puisque  le  mérite  de  justice  suppose  et  exige  Félat 
de  grâce.  Mais  s'il  fait  un  acte  de  contrition  parfaite,  il  obtient 
infailliblement  la  justification,  à  cause  de  la  promesse  de  Dieu. 

On  ne  peut  mériter  surnaturel! cment  sans  le  secours  de  la 
grâce  actuelle.  Ainsi,  la  première  grâce  actuelle  est  un  don  de  la 
pure  libéralité  de  Dieu  :  personne  ne  peut  la  mériter ,  en  aucune 
manière,  pour  soi  ;  l'Église  l'a  décidé  contre  les  Pélagiens  et  les 
semi-Pélagiens.  Mais  on  ne  peut  pas  dire  que  les  grâces  que  Dieu 
veut  bien  accorder,  par  miséricorde ,  et  à  la  vue  du  bon  usage 
qu*on  a  fait  de  la  première  grâce  actuelle ,  ou  d'autres  grâces 
subséquentes  de  même  nature,  soient  aussi  des  dons  de  pure  li- 
béralité; puisque  la  correspondance  à  une  grâce  dispose  l'homae 
à  en  recevoir  une  autre,  l'en  rend  moins  indigne,  s'il  est  pécheur, 
plus  digne ,  s'il  est  juste ,  et  est  un  effort  de  sa  part ,  quoiqu'il 
fasse  cet  effort  avec  l'aide  de  la  grâce. 

'  DejustiC,  can.  32, 


QUE  J07 

Il  fiiuJi'ali  voir  de  Lravers  pour  nous  uucuaer  de  déroger  ici 
aux  ED^riies  du  Suuveur,  puisque  duus  confessons  que  toules  Id 
grâces  que  Dieu  uous  uccorde,  et  nos  luÉriles  niéuieB.  vienneal  du 
cette  source  silutaire  ;  nims  ne  dérogeons  pas  dsTsntïge  i  U 
buniÉ  de  Dieu,  puisque  nous  fuudons  sur  k  confiance  en  cette 
boDté  ineffable  le  loérite  de  eongruilé;  que  nous  reconnaissoni 
que  DOS  mérites  naturels  ne  deuiandeui  aucune  considéraliou , 
n'en  mëriteul  aucune  ,  n'en  obtiennent  même  point  dans  l'ordre 
du  salut ,  et  que  Dieu  ne  nous  duit  en  rigueur,  c'est-ii-dire  en 
conséquence  d'aucun  mérite  de  jialice  ou  de  con<Sigttit^,  de  nom 
piiri,  ni  la  foi,  ni  la  justification  ,  ni  le  grand  don  de  la  persévé- 
nnce  iiuale,  ni  même  la  grâce  actuelle  suQisaote  ou  efficace. 
Nous  ne  mettons  donc  pas  aolrt  con/iance  ni  noire  gloire  en  neuë- 
raénKs ,  mai»  dtini  U  Seigneur,  de  qui  nous  tenons  tout  ;  et  noua 
disons  Toloiiiiera,  après  le  deuxième  concile  d'Orange,  que  nous 
n'avons  de  notre  propre  fonds ,  par  rapport  à  l'ordre  turaalurel, 
que  l'erreur  et  le  pécbè  ',  et,  après  le  cuncile  de  Trente,  qu'il 
est  en  notre  pouvoir  de  rendre  nos  voies  mauvaises  ;  mais  que 
nous  ne  pouvons  ni  croire,  ni  espérer,  ni  aimer,  ni  nous  repentir 
comme  il  faut  pour  nous  disposer  à  la  jusiiUcaiion ,  sans  l'inspi- 
raiiou  prévenante  et  le  secours  du  Sainl^li^prit';  en  un  mot  que 
nous  ne  pouvons  rien  de  salutaire  sans  Jésus- Christ. 

Enfin,  le  concile  que  nous  venons  ^e  citer  frappe  d'anathème 

celui  qui  dirait  •  que  la  justice  qui   a  été  rer;ue   n'est  pas  con- 

■  servée,  et  même  aussi  augmentée  devant  Dieu  par  les  bonnea 

•  otuvres;  'Comme  aussi  qui  dirait  •  qu'en  quelque  bonne  tenvre 

I      «([(le  ce  soit,  le  juste  pèche  an  moins  véoiellcment  ;  ou  ,  ce  qui 

^n><Mtplus  intolérable,  qu'il  pèche  mortellement;  et  qu'eji  conté- 

^^y^nence,  il  mérite  les  peines  étemelles  ;  et  que  la  seule  raison 

>  pour  laquelle  il  n'est  pus  damné  ,  c'est  parce  que  Dieu  ne  lui 

'  impute  pas  ces  oeuvres  ï  damnation  *.  •  Tout  let  la'mt  que  «out 

prcnaiti  de  tenir  Dieu  par  net  bannet  œuvrri  ne  tant  donc  pas 

ittulilet  ;  et  les  propositions  de  Baius,  que  nous  avons  rapportées, 

['— *if«i  aauipar  terre. 
11.  Dire,  en  parlant  de  l'eiconimiinicalion  :  ■  C'est  l'Église 
li  en  a  l'autorité .  pour  l'exercer  par  les  premiers  pasteurs, 
Z 
: 


LO  habet  de  t 


■  Ibid.,  con,  i4cl3S. 


?t  poicatiim.  Cap.  i 


4fi8  QUï 

»  du  consentement  au  moins  présumé  de  tout  le  corps»  9  ainsi  <pe 
8*cxprime  Quesnel  dans  sa  proposition  xc,  qui  est  son  trasièaie 
principe  capital ,  c'est  diviser  TÉglise  entre  les  pasteurs  du  pre- 
mier ordre ,  le  clergé  inférieur  ei  les  autres  fidèles ,  comme  es 
deux  parties;  établir  dans  la  seconde  le  corps  de  TËglise;  loi 
attribuer  la  propriété  immédiate  et  proprement  dite  de  la  juri- 
diction spirituelle  ;  reconnaître  que  les  premiers  pasteurs  n*en 
ont  que  Tusage»  ne  Texercent  qu*au  nom  de  ce  même  corps,  ne 
peuvent  rien,  en  fait  de  gouvernement,  que  de  sou  consentement 
au  moins  présumé,  par  conséquent  qu'ils  n'en  sont  que  les  instro- 
mens,  les  ministres,  les  exécuteurs  et  les  mandataires. 

Quesnel  appuie ,  dans  son  septième  mémoire ,  rinterprétatios 
que  nous  donnons  ici  à  sa  proposition  que  nous  venons  de  rap- 
porter. «  Cette  proposition  générale ,  dit-il  dans  ce  mémoire ,  qMe 
»  les  clés  ont  été  données  à  l'Église,  qui  renferme  la  quatre-vingt- 
9  dixième  des  cent  une  condamnées ,  est  d*une  considération 
»  d'autant  plus  grande,  que,  d'une  part,  elle  est  la  source  de  toute 
9  Téconomie  du  corps  mystique  de  Jésus-Christ,  le  titre  primitif 
9  do  son  ministère,  le  fondement  de  toute  la  juridiction  de  TË- 
»  glisc,  la  racine  de  Tunité  sacerdotale ,  la  règle  de  la  conduite  des 
9  pasteurs,  la  base  de  la  discipline,  la  sûreté  de  la  concorde  et  de 
»  la  paix  ,  le  fondement  des  libertés  de  TËglise  gallicane  et  de 
»  toutes  les  autres  Églises  particulières  ;  et  que,  d'un  autre  cûié, 
9  les  Halteurs  de  la  cour  romaine  depuis  trois  cents  ans  s'effor- 
»cent  de  détruire  cette  doctrine  évangélique  et  apostolique,  pour 

rendre  le  gouvernement  purement  et  entièrement  monarchique 
9  et  arbitraire,  etc.*.  >  Voilà  doue  la  propriété  des  clés  ou  du  pou- 
voir de  juridiction  donnée  à  toute  l'Église,  et  la  proposition  qui 
énonce  celle  propriété  sous  ce  rapport  contient  une  doctrine  éoetn- 
gélique  et  apostolique. 

Mais,  quoique propriéuirede  la  puissance  ecclésiastique,  TÉ- 
glise,  ou,  comme  nous  l'avons  dit  d'abord,  le  corps  de  l'Église, 
ne  peut  l'exercer  immédiatement.  Pourquoi?  C'est,  dit  Quesnel, 
que  «  l'Église  n'a  point  les  clés  quanta  Vtisage,  parce  qu'elle  n'est 
»  pas  un  suppôt  propre  à  en  avoir  l'administration  :  actiones  sunt 
»  supposilorum  ;  c'est  pourquoi  il  est  nécessaire  çuV/l^  commette 
»  des  minisires  potir  les  exercer  «.  »  Les  premiers  pasteurs  ne  sont 

2  Jl>itl.,  p,  7*, 


y  LU-: 


I 


donc  t[iie  les  commit  Jf  l'Église  quani  au  yuuïerneiiieiil  ;  eL  puis. 
que  l'Église  exerce  l'autorilË  par  eui,  ainsi  que  lu  porle  lu  pvo- 
posilion  ic,  ils  ne  soni  donc  que  ses  inslrumens ,  ms  eiéciileurs 
et  ses  mandataires  ;  ils  agissent  donc  en  son  nom,  etc.  Il  est  i  rai 
que  notre  savant  dognialisle  reconnaît  que  les  premiers  pasteurs 
■ont  d'institution  divine  ;  mais  cet  aveu  ne  déroge  en  rien  li  son 
iptème  :  il  s'ensuit  seulement  que  Jfsus-Christ  a  voulu  qu'il 
j  eût  des  ministres  pour  manier  l'autorité  spirituelle  ;  qu'il  a 
choisi  les  premiers,  a  établi  qu'ils  se  multiplieraient  el  se  suc- 
céderaient par  l'ordination  ;  qu'ils  seraient  les  commit,  les  subor- 
donnés de  tous  les  corps  de  l'Église,  et  qu'ainsi  ils  seraient  en 
même  temps  et  ses  propres  ministres ,  et  ceux  de  l'élise,  dam 
toute  la  lurce  de  l'expression. 

11  faut  conclure  de  h  que  les  évéques  sont  tous,  sans  exceptîoi 

d'aucun ,  les  pastears  ininhtiruU  de  l'Égliso.  QuesncI  ne  di^- 

Touera  pas  cette  conclusion  ,  lui  qui  pose  en  principe  que  < 

i  ministres  de  Jésus-Christ  et  de  son  Église  le  pape 

doute  est  le  premier  en  rang ,  premier  en  dignité,  en  anioril 

juridiction,  comme  cliefminitléricl  de  tout  le  collège  épii 
pal  *.  >  Autre  propoiiiiion  équivoque,  et  qui,  strictement  prli 
wmble  signifier  que  ce  n'est  pas  assez  que  le  pontire  romain  i 
h  eemmi»  du  corps  de  l'Église ,   mais  qu'il  faut  de  plus  qu'il 
encore  eommiu'wn  de  I»  part  de  laiit  le  eôUége  ëpiicopal  ;  en  aorte' 
^'il  sn  trouTerait,  dans  ce  cas,  douMcmenl  minift^riet,  et  que  ce 
serait  avec  grande  raison  qu'il  prendrait ,  comme  il  le  Tait  sou- 
l'humble  titre  àeieri-Ueur  iet  lerviieuri;  mais  au  lieu  d'a- 
[JtHiter  de  Dieu  ,  ainsi  qu'il  le  fait  communément ,  il  devrait  dire 
l'tgliie,  se  reconnaissant  îngénnment  pour  le  tercileur  4et 
ttniUuii  de  l'Êglue,  c'est-il-dire  pour  le  serviteur  des  évéques, 
nt  eux-mêmes  les  serviteurs  du  corps  de  l'Église. 
i  n'emp^clie  pas  que  l'évéque  de  Rome  n'ait  •  autorité 
liction  sur  chacun  de  tous  les  évfqucs  du  monde  chrétien, 
pour  vriller  à  la  camenalion  de  la  ditctpHne  générale. 
j.»pour  cela  que  le  pape  ,  comme  le  supnlme  pontire,  est  étubll 
chi'f  et  supérieur  de  tous  les  évéques  eu  particulier,  et  en  ni 
IrH'bon  uni ,  chef  visible  et  m'm'ulériel  de  tous  les  fidèles 
cher  général  Je  tous  les  chefs  particuliers  des  Églises*.  »| 

'  De  juïiir.,  p.  in. 


470  QUE 

On  voit  dans  ce  texte  pour  quelle  cause  le  corps  de  FÈglise  ei  le 
collège  épiscopal  commettent  le  pontife  romain.  C*esl  pour  xffSùxà 
à  la  conservation  de  la  discipline  générale  :  il  faut  donc  qu'il  s*eQ 
tienne  là.  On  y  Toit  aussi  quelle  autorité  il  a  sur  les  fidèles  :  il  est 
leur  chefcomme  chef  général  de  tous  les  chefs  parliculiers  des  Églises. 

Au  reste,  Quesnel  tient  si  fort  à  sa  propositioa^M:,  qu^il  Tassi- 
mile  à  celle-ci  :  «  G*est  TÉglise  qui  a  le  droit  et  le  pouvoir  d*of- 
9  frir  à  Dieu  le  sacrifice  du  corps  et  du  sang  de  Jésus-Ghristy  pottr 
9  Vexercer  par  ses  ministres,  du  consentement  au  moins  présumé 
9  de  tout  le  corps  ^  »  Et  il  Tcut  qu'on  ne  puisse  trouver  à  redire 
à  celte  nouvelle  proposition  »  ou  du  moins  la  condamner ,  sans 
donner  un  grand  scandale  aux  enfans  et  aux  ennemis-  de  l'Égliu  : 
9  Ce  serait,  ajoute- t-il,  donner  un  démenti  aux  saints  Pères  et 
9  aux  docteurs  qui  ont  eu  le  plus  de  lumières  pour  expliquer  la 
»  sacrée  liturgie  et  pour  en  développer  les  mystères  *.  » 

Or,  si  Ton  rapproche  le  système  de  ce  novateur  de  celui  d*Ed- 
mond  Richer ,  il  est  difficile  d'apercevoir  entre  Tun  et  Tautre 
quelque  différence  essentielle. 

En  effet ,  parmi  les  propositions  hétérodoxes  qu'on  découvre 
dans  le  livre  De  la  police  ecclésiastique  du  syndic  de  la  Faculté  de 
théologie  de  Paris,  on  y  trouve  clairement  les  suivantes:  «  G^est 
9  Jésus-Christ  qui  a  fondé  son  flglise  :  il  a  donné  plutéty  plus  tm- 
9  médiatemeni,  et  plus  essenliellemenl  à  toute  l'Église,  qu'à  Pierre 
9  et  qu'aux  autres  apôlres ,  les  clés  ou  la  juridiction.  —  Toute  la 
»  juridiction  ecclésiastique  convient  en  premier  lieu ,  proprement 
9  et  essentiellement  à  V Église;  mais  au  pontife  romain  et  aux  autres 
»  évéques  comme  à  des  instrumens,  k  des  ministres^  et  seulem.ent 
»  quant  à  l'exécution,  »  De  là  Rtclier  conclut  «  que  le  pape  est 
»  un  chef  symbolique,  ministériel ,  accidentel,  non  essentiel,,.. 
9  avec  lequel  TÉglise  peut  faire  divorce  ;  parce  que  ce  chef  sgm- 
9  Mique  ou  figuratif  peut  être  ou  n'être  point  pour  un  temps  sans 
9  la  perte  de  rÉglise  '.  »  Quoique  Quesnel  s'explique  d'une  ma- 
nière moins  franche ,  plus  enveloppée,  et  qu'il  ne  dise  mot  de  ce 

A  De  juitit,  ibid.,  p.  83,  83. 

aibid. 

*  t.ChristU8  suam  fUndavit  Eccleâam  ;  priùs,  immediatids  et  essen^ 
f  tialiUs  claves  seu  jurisdictionem  toti  dédit  Ecclcsiœ,  qnàm  Peiro  et 
9  fl/ti*  aposiolis,  —  Tola  jurisdictio  ecclesiastica,  primario,  proprié  et 
9  essenlialitcr  Ecdcsiiv  convenit;  romano  autcm  pontifici  atque  allif 


QUE  471 

divorce  s!  commode  du  corps  6e  l'iïglise  avec  son  clef  visible, 
cependant ,  puisqu'il  reconnaît  àans  tous  les  (iremiers  pasicurs  îles 
eommitdt  l'ÊglUe,  il  suppose  par-Ii  même  que  le  souverain  |>on- 
tire  et  ses  collègues  dans  l'épiscopal  reçoivent  leur  nulorilé  de  ce 
qu'il  appelle  le  corps  de  l'Eglise  ,  par  consi^queat  que  ce  même 
corps  peul  la  révoquer,  se  sÉparer  d'eux,  en  commettre  d'autres  à 

Toute  cette  doctrine  découle  naturelletnenl  de  ces  principes  que 
le  Rjndic  avait  posés  dans  son  petit  traité  Dr  la  paiisance  rerlt'jia- 
tfique  et  pMigne  :  «  Chaque  communauté  a  droit  immédiatement 

■  ei  essenllellement  de  se  gouverner  elle-même;  c'est  i  elle,  et 
I  ■  non  i  aucun  particulier,  que  la  puissance  et  la  juridicliuD  a  été 
I    1  donnée Ni  le  temps,  ni  les  lieux,  ni  h  dignité  des  persoa- 

>  Des  ne  peuvent  prescrire  contre  ce  droit  fondé  dans  la  loi  divine 
I    a  et  naturelle.  ■ 

F  radier  n'iuveola  pas  ce  système  désastreux,  ainsi  que  nous 
i  Tnvons  déjà  remarqué  ' .  Aërius  j  avait  posé  quelques  foadeiDens, 
t  dans  le  quatrième  siècle,  en  prêchant  une  égaillé  parfaite  entre 
I  les  éïéqueg  et  les  simples  prélres.  Plusieurs  hérétiques,  qui  vin- 
rent ensuite,  tels  quelesVaudois,  tes  Albigeois,  les  Lollards,  etc., 
I  eDcbérirenl  sur  cet  hérésiarque.  Mais  Marsile  de  Padoue,  rec- 
leur  de  l'Universilé  de  Paris ,  au  commencement  du  quaiarzième 
1*  ■  siècle,  fut  '  le  premier  qui,  sans  désavouer  expressément  la 
I  »  puissance  ecclésiastique,  entreprit  de  la  ruiner  par  un  système 
I  ■  qui  l'enlevait  des  mains  des  premiers  pasteurs.  Il  enseignai 
I  ^t  dans  son  livre  inUtulé:  Defgnfor  pacit...,  qu'en  tout  genre  de 
[  »  goufememeni  la  souveraineté  appanenaii  i  la  nation  ;  que  le 
1    ■  peuple  chrétien  avait  seul  la  juridiction  ecclésiastique  en  pro- 

■  prMé:  que  par  conséquent  il  avait  seul  le  droit  de  faire  des 

>  lois,  de  les  modifier,  de  les  interpréter ,  d'en  dispenser ,  d'en 
I  I  punir  l'infraction,  d'instituer  ses  chefs,  pour  exercer  la  souve- 
k  ■  raineté  eu  son  nom,  de  les  juger  et  de  les  déposer,  même  le 

I  Y  epiicopts  InitrummtalUrr,  minUterialiler,  et  quoad  txeeutianrm 
}  I  taulAm,  liout  facullas  videndi  oculo  compclil.  —  Papa  est  caput  Ec- 
'-  »  da\m,  tgmbiiHmm,  minhleriak,  accidentariitm,  no»  mentiatt,  vl- 
>     ■  ^blle  sab  Oiristo  capile  prindpali  et  nscnliali ,  eum  qno  [wlest 

■  Eccicsia  facere  dirorlUini,  qui»  lioc  ca"!!!  lymbotieum  svu  fiffura- 
■  a  (('oumpoteslotkiscelBbcsseudlcmpassincEcGlcsixinieritu.i  Voyci 
I    De  l'autorité  îles  dcm  ptiisHUces,  l.  S,  pag.  8.  Li^ge,  1701. 

'  l'as-  >7e. 


472  QUE 

»  souverain  poulife  ;  que  le  peuple  avait  confié  U  joiidictioa 
»  spirituelle  au  magistrat  politique,  s*il  était  fidèle  ;  qoe  les  p<»- 
»  tifes  la  recevaient  du  magistrat  ;  mais  que  si  le  magistraii  était 
»  infidèle,  le  peuple  la  conférait  immédiatement  aux  pontifies 
»  mêmes;  que  ceux-ci  ne  Texerçaient  jamais  qu^avec  subordinatioa 
9  à  regard  du  prince  ou  du  peuple,  et  qu^ils  n*aTaient,  par  leur 
»  institution,  que  le  pouvoir  de  Tordre,  avec  une  simple  aniorité 
M  de  direction  et  de  conseil ,  sans  aucun  droit  de  juridiction  dans 
»  le  gouvernement  ecclésiastique,  telle  que  serait  Fautorité  d*un 
»  médecin  ou  d*im  jurisconsulte  sur  les  objets  de  sa  profession^.  » 
Henri  VllI  profita  de  ce  monstrueux  système  pour  s*arroger  la 
puissance  spirituelle  en  Angleterre.  Les  Protestans  s*en  emparè- 
rent :  les  uns,  pour  renverser  le  sacerdoce ,  d*autres  pour  en  con- 
server une  apparence  extérieure.  «  Mais  jamais  cette  erreur  n*a 
»  fait  plus  de  progrès  que  dans  le  dix-huitième  siècle,  où  des  com- 
»  pilateurs  et  des  brochuraires  de  toutes  les  natious  ont  entassé  des 
»  volumes,  pour  faire  de  la  hiérarchie  un  chaos  politique  et  une 
9  véritable  anarchie  '.  » 

C'est  à  ceux  qui  écrivent  Thistoire  de  nous  peindre  les  maux 
incalculables  que  ce  pernicieux  système  a  causés  en  Europe  dans 
ce  prétendu  siècle  des  lumières;  soit  dans  la  religion,  où  tout  a 
été  brouillé  dans  ce  qu'on  appelle  la  jurisprudence  canonique, 
pour  ne  rien  dire  de  plus  ici  ;  soit  daus  la  société  civile,  où  les 
principes  qui  faisaient  la  sûreté  des  souverains  et  le  bonheur  des 
peuples  ont  éprouvé  une  si  funeste  altération.  Cest  aux  tètes  cou- 
ronnées, dépositaires  de  l'autorité  de  Dieu  pour  le  maintien  de 
Tordre  civil,  à  voir  s'il  leur  est  utile  et  à  leurs  sujets  de  laisser 
circuler,  dans  les  livres  et  dans  la  bouche  des  soi-disant  philoso- 
pbes,  des  Richéristes  et  autres,  une  doctrine  dont  les  dogmes  ré- 
duits en  pratique,  font  couler  le  sang  des  monarques  sur  des  écha- 
fauds,  répandent  Tesprit  de  révolte  dansJes  nations,  y  produisent 
une  anarchie  dévastatrice,  pire,  peut-être,  que  le  triste  état  de 
sauvage. 

Pour  nous,  obligés  de  nous  renfermer  dans  des  bornes  étroites, 
et  d'abréger  désormais  ce  mémoire  déjà  excessivement  long,  nous 
nous  contenterons  de  montrer  brièvement  que  leRichérisme  adopté 
par  Quesnel  et  ses  adhérens,  est  quant  à  ce  qui  concerne  l'autorité 

*  Feller,  Dicl.  hist.,  ail  mot  Marsilb,  etc. 
«  Ibid, 


QLE 


413  I 


lions  de  l'Ëglisc,  â  h  praii<]ue  cunsUnie  des  sîèdi's  cbréliens,  et 
qu'il  lend  fi  renverser  l'unii6,  lu  lui,  lu  discipline  géodrale,  eu  uu 
mot,  à  bouleverser  t'iiil  urdre  duns  le  cur|JS  mjslique  do  Jésua- 
Oirisi. 

KnelTetiSinoug  ouvrons  rhviingile,  nous  y  IIsodg  ces  paroles  de 
notre  divin  Maître  ;  •  Toute  puissance  m'a  été  dnnnfu  dans  le  ciel 

■  el  sur  la  terre'.  Je  vous  envoie  comme  mou  Père  m'a  envoyé... 
■  '  *  Recevez  le  Saint-Esprit,  Ceux  dont  voua  remettrez  les  pécliâs, 
^k'a'leurs  péchés  leur  siinl  remis;  et  ceux  dont  voua  retiendrez  les 
^^i>  péchés,  leur*  péchés  leur  aoiii  retenus'.  Allez  donc,  enarignex 
^V>  toutes  les  nations,  kapiisez-lcs  au  nom  du  PCre,  et  du  Fils,  et 
^^  *  du  Saint-Esprit,  leur  apprenant  â  observer  loules  les  choses  ifue 
^1  '^  je  voua  ai  prescrites.  Etvoicique  jesuisavec  vous  tous  lesjoun 
^*"*  jusqu'il  la  consoifimation  des  siècles  *.  Celui  qui  croira,  et  qui 

'i  recevra  le  baptême,   sera  sauvé  ;  mais  celui  qui  ne  croira  pas 

■  sera  condamné  *.  Celui  qui  vous  reçoit,  me  reçoit;  et  celui  qui 

■  me  reçoit,  reçoit  celui  qui  m'a  envoyé  '.Je  tous  le  dis  en  vérité: 
*  tout  ce  que  vous  aurez  lié  sur  la  terre  sera  lié  d.ms  le  ciel;  et 

■  tout  ce  que  vous  aurez  délié  sur  lu  terre  sera  ûussi  délié  dans 

•»  paroles  divines  désignent  évidemment  une  puissance  ou 

Uitorilé  instituée  par  Jésus-Uirist  [lour  conduire  les  hommes  au   , 

"ut;  pour  leur  enseigner  la  doctrine  chrétienne,  et  veiller  i  b 

semllon  de  ce  dépôt  sacré;  pour  administrer  les  sacremeas'l 

rodence,  j  disposer  les  sujets,  en  éloigner  les  Indignes  ^i 

^nr  régler  le  culte  extérieur,  maintenir  la  sainteté  des  niceun, 

tarriger  les  indociles  par  des  peines  salutaires  ;  pour  lier  les  con»- 

^ences  par  des  lois  spirituelles,  les  délier  par  l'absolution  des 

'  tchéset  par  de  justes  dispenses  ;  eu  un  mol,  pour  gouverner  11 

u  peuple  do  Dieu  dans  tout  ce  qui  touche  immédiatemcnl 


e  puissance  est  tpiriliielle,  le  royaume  dtt  1 


e  suiut 

Il  e 


11  que  c 


•  Matlli-,  36,  18. 
iJoann.,  SU,  SI,  !ï,  33. 

•illalUi.,  S8.  11),  20. 

*Marc.,  18,  Ifi. 

'Mallh.,  10,  iO. 

•Ibid.,  18,  IB. 

'  I  Ne  douDci  poinluuz  diicn.<  c 


qui  cslHiinl.  i  Mallh-,  T,  6. 


471  QUE 

Jésus-Cbrlst  n'élant  pas  de  ce  moade,  ainsi  qu'il  le  déclan^ 
même  dans  l'Lïangile  ' .  En  conséquence,  elle  ne  s'élend  point  m 
les  choses  de  la  terre,  pour  les  régirdans  l'ordre  lemporel  oamil, 
il  l'égard  duquel  elle  recoDoalt  uoe  autre  puissance  aassï  établie 
de  Dieu,  qni  lient  de  lui  touie  son  lulorïté,  qui  ne  dépend  que  de 
lui,  et  envers  laquelle  elle  commande  elle-même  la  soumission  la 
plus  entière:  flciUilr  qita:  lutil  Cœsaris,  Ca^iari*, 

Mais  loute  spirituelle  qu'elle  est,  parce  qu'elle  a  pour  dbjel  de 
conduire  les  Lonnoes  dans  l'ordre  du  sidut,  la  puissance  insti- 
tuée par  Jésus-Christ  pour  gouverner  son  lilgiise  est  njanmoint 
viilbie  et  extérieure  dans  ceux  qui  en  sont  revêtus,  dans  les  objets 
qu'elle  embrasse,  dans  la  manÎËre  dont  elle  doit  être  exercée  : 
ceux  qui  ont  celte  autorité  sont  des  hommes  ;  les  sujets  qu'elle 
gouverne  sont  aussi  des  hommes  ;  or,  les  hommes  ne  peuvent 
être  gouvernés  par  des  hommes  d'une  manière  invisible,  puremcial 
mentile.  D'ailleurs,  enseigner,  juger  si  telle  doctrineest  conforme 
ou  contraire  â  la  révélaiioa,  etc-,  sont  des  fonctions  extérieures. 

Elle  est  tauveriÙM,  en  ce  qu'elle  ne  dépend  d'aucune  autre 
puissance  de  ce  monde,  dans  toutes  qui  la  concerne  uniquement, 
et  qu'elle  a  reçu  de  Dieu  le  droit  de  s'étendre  indistinctement,  et 
sans  exception,  sur  tous  les  hommes  qui  habitent  la  terre,  pour 
leur  annoncer  U  doctrine  chrétienne,  les  régénérer  par  les  eaux 
salutaires  du  baptême,  et  ensuite  les  gouverner,  dans  l'ordre  d* 
la  religion,  coinuie  ses  eiifans  et  ses  sujets:  Eiinlet  il  miiubrin 
univenum,  prtrdicale  Emugelium  omni  creatura  '.  Personne  donc, 
quelle  que  soit  son  ;iuiorilé  dans  le  monde ,  ne  peut  légitimement 
lui  fermer  la  bouche,  nt  l'empêcher  de  pénétrer  partout;  parce  que 


n  que  lui  adonn 
que  la  durée  des  temps  et  les  li 


s  de  la  terre.  Aussi,  en  vain 
la  sjinagogue  s'arnia-t-elle  de  fouets  et  de  verges,  au  commence- 
ment de  la  prédication  de  l'I^vaugile,  pour  intimider  les  hérauts 
du  Fils  de  Dieu,  et  les  détourner  de  parler  un  sou  nom  ;  en  vain 
les  empereurs  païens  lâchèrent- ils  contre  eux  deséditsde  mort,  et 
Grent-ils  dresser  sur  toute  la  surface  de  l'empire  routiin  des  éc\f%~ 
fauds  ofi  l'on  torturait  d'une  manière  inhumaine  et  barbare  les 
prcmien  chrétiens:   la  parole  de  LIieu  ne  liit  point  liéc^parce 

<  Joan.,18,  U6. 
iMaIth.,S3,  SI. 
'Uurc,  10,  IS. 


QUE  4TS 

qu'elle  ne  saiiMiti'êlfe',  L'empire  persécuteur  lomba  bientôt, 
non  sous  les  eiïurls  du  dirist'mnisnie,  qui  s'élevail  Iriomplianl 
(jamais  il  ne  prêcha  l'iDsoumission,  bienmoins  encore  la  révolte); 
mais  sous  la  main  de  celui  devaui  qui  les  natîons  ne  sont  rien*, 
et  qui  s'arme ,  quani)  il  le  veut,  de £3  toute- puissance  pour  venger 
rianocence  opprimée.  Malheur  donc  il  quiconque  reruse  de  rece- 
voir la  puissance  établie  par  Jésus-Cbrist,  de  se  rendre  i  na  pré- 
dication,  de  se  soumettre  à  son  auiorilé  légitime  :  ru  grand  jour 
des  vengeances,  du  moins,  il  sera  traité  plus  sévËremcnl  que  les 
criminels  habitans  de  Sodome  et  de  Gomorriie,  qn'un  feu  miracu- 
'  leusemcnt  envoyé  du  ciel  fit  autrerois  périr  avec  leur  pays,  i 
causedeleurs  infamies  révoltantes:  c'est  la  menace  de  l'Ëvangile*, 
Mais,  quoique  souveraine  auprès  des  hommes,  celte  même  puis- 
sance est  tuinîitfrielle,  si  on  la  considère  1  l'égard  de  Jésus-Christ, 
de  qui  elle  lient  son  inilitutiau,  sa  mission,  sa  Torce,  son  pouvoir, 
et  au  nom  de  qui  elle  précbe,  elle  baptise,  elle  gouverne  :  len- 
ijuàm  Dm  etherlntire  per  nn»  ';  minkléiklle,  ï  l'égard  de  la  ré- 
vélation, oti  elle  ne  pent  ni  changer,  ni  ajouter,  ni  diminuer  ;  mais 
dont  elle  doit  conset^er  précieuiemeni  le  dépAt,  en  faire  part  aux 
vivans,  le  transmettre  aux  générations  futures  tel  qu'elle  l'a  retn, 
en  défendre  l'iniégiilé  avec  lesmoyensqui  lui  sont  confiés,  contre 
ceux  de  ses  sujets  qlii  oseni  porter  sur  ce  dép6t  divin  une  mala 
audacieuse  et  sacrilège  ;  juger  cxelusivemenl,  cl  terminer  en  sou- 
veraine, toutes  les  questions  el  toutes  les  disputes  qui  s'élèvent 
sur  cette  malière  parmi  ses  entans,  et  préserver  eeui-ci  de  l'er- 
reuret  do  l'hérésie;  mïnitléritUe  i  l'égard  des  sa cremens,  dont 
elle  ne  peut  ni  changer  l'essence,  ni  multiplier  ou  réduire  le  nom- 
bre;mais  la  doctrine  qui  les  concerne,  l'administration,  mËme 
publique,  de  ces  moyens  de  s^tlut,  les  jugemens  ï  porter,  les 
règlesïélablir  louchant  les  dispositions  aveclesqnelles  ils  doivent 
éire  administrés  et  re(;us,  l'appareil  des  cérémonies  propres  !i  y 
concilier  la  vénération,  ï  en  faire  connaître  la  nature,  les  effets, 
etc.  ;  enlîn,  les  plaintes  qui  s'élèvent  pour  reFbs  des  sacremens, 
sont  uniquement  de  sa  compétence  ''  ;  miniil/rltlle  à  l'égard  des 

<  2  Tim.,  S,  0. 
'  Is,,  40,  47. 
>  Uatllt.,  tn,  l'i,  ta. 
»!Cor.,  5,  SO. 

'  Voyet  F.ipoiition  lur  In  droits  de  la  puissance  spiriinclle  de  l'as- 
_     emlléi' fi'ijérate  du  clirBiJ  deFrance  de   1766,  avec  la.  Rfcûwas.'àtm   I 


482  QUE 

migieien  S  qaîfole  aa  secours  des  Églises  naisfanles*»  quijngftle 
premier  dus  le  concile  de  Jérusalem  et  qui  formel»  dédsion  ',  eie. 
Les  Lirres  saints  nous  montrent  donc  une  vraie  primauté d*hon- 
neuret  de  juridiction  fondée  par  Jésus- Christ  dans  aoo  Église,  et 
donnée  par  lui  htmédiatement  à  saint  Pierre.  D*où  il  suit,  et  de  ee 
que  nous  af ons  prouTé  précédemment ,  diaprés  la  nénae  autorité, 
louchant  la  puissance  spirituelle  conférée  de  la  même  manière  aux 
autres  apôtres,  que  le  système  h&ti  par  Ifarsile  de  Padoae ,  renou- 
▼elé  par  Edmond  Richer  et  transplanté  dans  le  Jansénisme  par  no- 
tre ex-oratorien ,  est  formellement  contraire  à  rÉcriture  sainte. 
Il  n*est  pas  moins  opposé  à  la  tradition. 
Mais  nous  ne  finirions  point  si  nous  entreprenions  d'interroger 
iei  les  monumens  nombreux  qu*elle  nous  présente  depuis  Péta* 
blissement  du  christianisme  jusqu*à  nos  jours.  C*est  pourquoi 
nous  croyons  devoir  renvoyer  nos  lecteurs  sur  ce  sujet  aux  sour- 
ces mêmes ^,  et  nous  contenter  de  dire,  en  général,  que. si  Fom 
consulte  sans  prévention  les  Pères ,  les  conciles ,  Thisloire  ecclé- 
siastique et  la  pratique  constante  des  siècles  chrétiens,  on  ne 
pourra  s*empécher  de  reconnaître  qu*on  a  toujours  cru  dans  l'É- 
glise,  1*  que  saint  Pierre  avait  été  placé  immMUUemeni  par 
Jésus-Christ  à  la  tète  du  collège  apostolique  et  du  nouveau  peu- 
ple de  Dieu,  en  qualité  de  chef  visible ,  revêtu  d'une  autorité  su- 
périeure; 2"  qu'il  revit,  qu'il  préside  et  gouverne  avec  la  pléni- 
tude de  la  puissance  spirituelle  dans  les  évéques  de  Rome  ses 
successeurs  ;  3"  que  tout  fidèle  est  obligé  de  lui  obéir  comme  au 
père  commun  de  tous  les  membres  du  corps  mystique  du  Verbe 
incarné;  4"  qu'il  est  le  centre  de  l'unité ,  hors  de  laquelle  il  n'y 
a  que  schisme  et  que  perdition  ;  5°  que  les  autres  apôtres  étaient 
aussi  les  ministres  de  Jésus-Christ  et  ses  envoyés  inmédials; 
6'  que  les  évéques  en  communion  avec  celui  de  Rome  leur  suC' 
cMenifeiq}x'iU  sont  établis  par  le  Saint-Esprit,  selon  l'expression 

*  Act,  8,  i9,  etc. 
>  Ibid.,  9,  SS. 
Mbid.,  15,7et8eq. 

*  On  peut  consulter  aussi  :  De  l'aulorlté  des  deux  puissances,  de 
M.  TabbéPey,  2*  édil.;  Liège,  1791 ,  les  Confércuccs  ecclésiastiques 
sur  la  hiérarchie,  par  M.  de  la  Blandinière ;  les  Droits  de  Tépiscopat 
sur  le  second  ordre  pour  toutes  les  fonctions  du  ministère  ecclésiastique; 
Tounicly,  dans  ses  Irai  16$  Dcordine  et  De  Ecclesin^  et  beaucoup  d*au« 
très  controver^istcs  orthodoxes  et  quelques  caoonistcs  ezactSt 


QUE  483 

de  saint  Paul ,  pour  gouvenu-r  l'Église  de  DUu  '  ;  7°  que  leur  au- 
lorilé  spiritneUe,  soumise  aux  uïnls  cauiins  et  5uburijoiiiit.'c  ï 
l'aulorité  du  successeur  dp  saint  Pierre,  reoioule  pir  l'échelle  de 
h  missioit  canonique  jusqu'uui  apAlres,  de  h  h  JÉEus-Climt  ; 
8'  qu'elle  ne  vient  ni  du  peuple,  ni  des  mnBistrals, 
Tain  temporel ,  et  qu'elle  n'en  dépend  nullement  ;  9"  que  le  pnn- 
life  romain  et  tous  les  autres  éifques  unis  de  commu 
forment  TËglise  eitieisnaute ,  dont  les  lois  spirituelles  obligent 
tous  les  cbrétiens,  ei  dont  tes  Jugeoiens  eu  matière  de  fui  ei  de 
mœurs,  soit  qu'elle  les  prononce  étant  assemblée  en  concile  ou 
dispersée  dans  toutes  les  parties  du  monde ,  soit  que  rnuiorité  ci- 
vile y  intervienne  ou  o'j  intervienne  pus  pour  les  appuyer,  sont 
irrélormables,  infaillibles,  et  lient  tous  ceux  qui  sont  entrés  dana 
le  sein  de  t'Ëglîse  parle  baptême,  etc. 

I.a  nécessité  d'abréger  cet  article  nous  oblige  d'omettre  encore 
beaucoup  de  choses,  même  concernant  l'autoriié  du  souverain 
pontife  dans  toute  l'Ëglise ,  ob  il  a  droit  de  faire  entendre  la  voix 
dû  siège  apostolique  pour  corriger  les  abus,  enseigner  la  doctrine 
que  l'Église  romaine,  mère  et  maîtresse  de  toutes  les  autrat 
Églises  particulières,  a  re^uc  du  prince  des  apbtres;  punir  Ie> no- 
vateurs et  les  indociles,  etc.,  etc.,  etc.  Nous  ne  parlerons  pas  no»1 
plus  de  l'autorité  de  chaque  évéque  dans  son  diocèse ,  où  il  est  1* 
chef  de  son  clergé  et  du  peuple ,  cbargé  de  patire  et  de  gouver- 
ner et  les  pasteurs  subalternes,  et  le  troupeau  cooUé  t  sa  sollici- 
tude, comme  devant  en  rendre  â  Dieu  un  compte  exact*.  Il  a'j 
a  qu'il  consulter  les  monumens  des  premiers  siècles  pour  te  COD- 
Taincre  que,  dès  le  berceau  de  l'Ëj^lise,  les  prêtres  étaient  tou- 
mis  en  tout  à  leur  cvêque ,  et  que  les  successeurs  des  apAtres  ne 
manquaient  pas  de  leur  représenter  toute  l'étendue  de  leur  juste 
dépendance  b  leur  égard. 

Hais  ce  que  nous  ne  pouvons  entièrement  taire ,  parce  qu'il 
nous  parait  que  nous  y  trouvons  une  preuve  courte,  concluante, 
et  même  décisive,  contre  le  système  que  nous  avons  en  vue,  c'est 
que  si  quelquefois  un  empereur,  un  roi  ou  des  magistrats  civils 
s'avisèrent  de  mettre  la  main  ï  l'encensoir,  en  se  mêlant  de  déci- 
der sur  ta  doctrine  ou  d'intervertir  ta  discipline  établie  par  l'É- 
glise, sortant  ainsi  des  bornes  de  leurs  pouvoirs  et  des  devoîra 


4 


oîra  ^^A 


484  QUE 

qu*iinpose  aux  souverains  temporels  leur  quaBté  d'évèquet  exté- 
rieurs, c*est-à-4ire  de  protecteurs  de  TÉglise  et  de  ses  canmiSy  on 
De  mauqua  guère  d'euteudre  s'élever  bientôt  dans  le  corps  épi»- 
copal  des  toîx  pleines  de  force  et  de  courage  pour  rédaina  en 
sa  faveur  Tautorité  qu*il  ne  tient  que  de  Dieu  seul,  c  Nevons  in- 
»  gères  point  dans  les  affaires  ecclésiastiques ,  écrivait  le  célèbre 
»  Osius  à  Tempereur  Constance  ;  ne  prétendez  point  nous  donner 
»  des  ordres  en  ces  matières ,  apprenez-les  plutôt  de  nuos.  Dien 
»  vous  a  donné  Tempire ,  et  nous  a  confié  TÉglise  :  comme  celui 
»  qui  entreprend  sur  votre  puissance  contrevient  k  Tordre  de  Dieu, 
»  ainsi  craignez  de  vous  charger  d*un  grand  crime  si  vous  tires  à 
»  vous  ce  qui  nous  regarde ,  etc.  * .  •  Il  faudrait  rapporter  encoie 
une  multitude  d'autres  réclamations  du  même  genre,  non  moins 
vénérables  par  leur  antiquité  que  par  la  sainteté  éminente  des  évo- 
ques qui  les  firent  et  par  le  rang  élevé  que  plusieurs  tinrent  dans 
rÉglise.  11  faudrait  citer  celles  que  le  clergé  de  France  ne  cessa 
de  faire  retentir  à  Toreille  de  nos  rois  dans  des  temps  difficiles, 
surtout  depuis  que  les  parlemens ,  entraînés  par  les  suggestions 
astucieuses  des  partisans  de  Quesnel,  commencèrent  à  porter  de 
violentes  atteintes  à  Tautoriié  épiscopale.  Vexpotition  sur  les 
droits  de  la  puissance  ecclésiastique ,  émanée  de  rassemblée  géné- 
rale du  clergé  de  France  de  1765  (pour  ne  citer  ici  que  ce  beau 
monument),  offrira  aux  siècles  à  venir  une  preuve  éclatante  du 
zèle  avec  lequel  TÉglise  gallicane  sut  s'armer  de  vigueur  quand 
elle  s'y  vit  obligée ,  et  qu'elle  se  montra  constamment  digne  de 
la  considération  particulière  dont  elle  jouissait  dans  l'Ëglise  uni> 
verselle. 

Nous  passons  sous  silence  un  grand  nombre  d'hommages  que 
rendirent,  en  différons  temps,  h  l'autorité  indépendante  des  pon- 
tifes, des  empereurs  et  des  rois  dignes  de  porter  le  nom  de  chré- 
tiens, d'illustres  magistrats,  de  savans  jurisconsultes ,  même  des 
philosophes  et  d'autres  hommes,  dans  la  bouche  desquels  la  vé- 
rité s'étonna,  si  nous  osons  nous  exprimer  ainsi,  de  trouver  quel- 
quefois de  vigoureux  défenseurs  '.  Mais  les  définitions  de  l'Ëglise 
sont  d'un  tout  autre  poids. 

«  Fleury,  Hist/ccclés. ,  1.  13,  n»  22,  an  355. 

'  On  peut  voir  dans  Feller,  au  mot  Dominis,  deux  passages  intéres- 
sans  sur  cet  objet  :  Fun,  du  fumeux  comte  de  Mirabeau,  est  tiré  de  sa 
Monarchie  prussienne  ;  l'autre  est  extrait  du  Discours  sur  la  rdîgîon 


.  Ea  13i7,  lean  XXII  condamna  comme  hérétiques  cinq  pro- 
positions aaxqulli^s  il  avait  ri^duli  quelques-un^s  des  crreiira 
contenues  dans  le  D^ftntenr  de  la  poix;  et  (^omme  liËrési arques 
Mai'sile  de  Pa Joue,  auteur  principal  de  ce  livre ,  et  Jean  de  Jan- 
duD,  son  collaborateur.  I^  bulle,  dutée  du  13  octobre,  •  Tut  pu- 
■  bliée  dans  tous  les  ropumes  catholiques,  et  surtout  i  Paris  •  , 
dit  l'abbé  Pej,  dans  son  traité  De  VauloTiti ies  deus  puissimen  '. 
Marsileenseignaii.dMisquelquea-unesdecespropuaitionseiiraiies 
par  le  souverain  ponlife  Jean,  que  les  apôtres  étaient  tous  égaui, 
aucun  d'entre  eux  o'apnt  été  établi  cW  de  l'ÉgliEe  ni  ficaire 
de  Jésus-Christ;  que  l'empereur  avait  le  droit  d'instituer,  de  des- 
tituer et  de  punir  le  pape;  que  tous  les  prêtres  ,  soii  ceux  qui 
n'ont  que  l'ordre  de  prêtrise,  soit  les  évêques ,  les  archevêques  , 
même  le  souverain  pontife,  sout,  par  l'instilulion  de  Jésus-Christ, 
égaux  en  aulorilé  et  en  juridiction  ;  que  ce  que  l'un  a  de  plus  que 
l'autre  en  ce  point  lui  vient  de  ta  concession  de  l'empereur  ,  qui 
peut  reprendre  ce  qu'il  a  donné  ;  enfin  que  le  pape  ,  ni  même 
toute  l'Église  assemblée ,  ne  peuveul  punir  un  pécheur  par  des 
peines  coactives,  quelques  crimes  qu'il  ailcommis,  si  l'empereur  . 
ne  leur  en  accorde  le  droite 

Prés  de  cent  ans  après  l'affaire  de  Marsile  de  Padoue  ,  le  con- 
cile du  Constance  condamna  comme  respectiTemenl  hérétiques , 
erronés,  scandaleux,  offensirs  des  oreilles  pieuses,  téméraires,  etc., 
quarante-cinq  articles  deWiclol',  dont  quelques-uns  nnl  une 
liaison  irès-grande  avec  notre  objet;  tels  sont  ceux-ci:  ■  Si  le 

•  pape  est  mauvais  et  réprouvé,  et  par  conséquent  membre  du 

nationale,  de  l'inforluné  abbé  Fauchet.  Le  léle  de  ces  auteurs  pour  la   | 
rtrolution  esl  eonnu  i  c'est  ce  qui  nous  porterai!  il  leur  appliquer  le 
deux  vers  plaianns  qui  terminent  l'épigrammedcBoilcaunir  lamanitrt  1 
dt  réciter  du  poète  Sanlmil. 

*T.9,[l.  lOS,  édlLdelTgi. 

3  ConcU.  wnon.  aono  1SS3,  in  prxfat.;  l'abbé  Pey,  t  3,  p.  4781  I 
Fleurjr,  1.  93,  n*  39.  Eu  restreignant  la  ^gniacntion  de  rrxprcsaioo,  ' 
printi  coacliiia,  A  ca  que  déiigneraicnt  les  mots  pdaet  canoniqvet,  OC  I 
dernier  aurait  pu  ic  dispenser  de  taire  une  observation  qui  ne  paraît 
ni  nécessaire  ni  Irès-rcspectueuse.  Il  t-sl  ccrInJn  que  Marsile    n'ûlall 
pat  seulement  A  l'Ëglise  le  tor  contentieux  de  ses  tribunaux,  mai>  en- 
corde droit  qu'ont  eicrcé  Ici  apôtres  de  prononcer  des  censures,  d'é- 
tablir des  irrégulariUs,  de  déposer  les  mauvais  ministres  de  la  religion. 


>  diable,  il  n'a  point  d'nalra  pouvoir  sur  lei  MUee  qat  «^itf 

>  lai  a  ÉIË  donné  pir  l'einiKreur.  Depuis  Urbain  VI,  aVicun  ne  doit 

>  £lre  regardé  DÎ  reçu  comme  pape;  mait  an  doit  i>iiT0  d  iait«- 

■  niére  de*  Grecs,  telan  sei  prupre*  lois.  Le  prùlat  qui  eicomuianifl 

•  un  clerc  qtàa  appelé  au  roi  ou  à  l'assembUedu  rei/aumese  mi, 

>  par  cela  même,  caitpable  de  trahison  enreri  le  roi  et  U  ronaumt. 

•  Ceux  qui  cessent  de  prêcher  ou  d'entendre  la  parole  de  Dieu  i 

>  eaiite  de  l'excommunicaiio»  des  hommes  sont  eiconin  unies,  N 

•  seront  reganlÉs  comme  des  traîtres  envers  Jésus-Cbrist  au  jaor 

■  à»  ia^eiaeD\.  Lt  peuple  peut  corriger  à  ton  gré  set  mattret.ltrt- 
t  qu'iU  tombent  dans  quelque  faute.  Le  pape  n'est  point  ie  ijcaire 

>  prochain  et  immédiat  de  Jésus-Christ.  Il  n'est  pas  de  oécessilé 

>  de  salut  de  croire  que  l'I^glise  de  Rome  a  la  aouierai- 
t  Deté  sur  les  autres  Ëgjises,  etc.  ',  •  Ces  propositions  n'ont  p*s 
besoin  de  comonentaires. 

Jean  Ilusavait  adopté  une  grande  partie  des  erreurs  de  Wiclef, 
Epéclalem  eut  loue  haot  l'autorité  dusouverainponiire  et  désastres 
ëTéques.  Nous  ne  rapporterons  de  lui  que  les  propositions  lut- 
vanies:  •  La  dignité  papale  doit  son  origine  auxempereurarumiius. 

•  L'obéissance  ecclésiastique  est  une  obéissance  inventée  paries 

■  praires,  sans  l'autorité  eipresse  de  l'Écriture.  AGn  de  s'élever  le 

•  clergé  f'asgujétit  le  peuple  laique ,  ....  et  il  prépare  U  voie  il 

■  l'Antedirist,  par  le  moyen  des  censures  ,  etc. 

•  Il  n'y  a  pas  étincelle  d'apparence  qu'il  lâille  que  l'Égtiie  mi- 

>  litanie  ait  un  seul  chef  qui  la  régisse  dans  le  spirituel,  et  qui 

■  converse  toujoursavec  elle,  Jésut-Cbrist  gouvememit  mieux  son 

>  Ëglisepar  ses  vrais  discipks,  qui  sont  répandus  dans  le  monde, 

>  que  par  de  telles  monstrueuses  têtes  (  les  papes  et  lesévéquei  ), 
t  etc.  *.  '  On  sait  que  leau  Uus  et  si^s  propositions  furent  cou' 
damnés  dans  le  mémeconcik  de  Constance. 

Parmi  les  nombreux  articles  que  Léuu  X  proscrivit  en  13S0, 
coiuuie  tirés  de  la  doctrine  de  Luther ,  ou  en  voit  plusieurs  qui 
tendaient  i  enleier  au  cbef  visible  de  l'Église  toute  sa  priinauié 
de  droit  divin,  au  corps  épisco pal  lepouvoir  de  déûnïr  lesarttcles 
de  foi,  d'établir  des  lois  pour  régler  les  mœurs,  de  prescrire  âtt 
pratiques  de  bonnes  teuvres.  11  j  était  dit,  au  sujet  des  conciles - 

•Prop.  B,  9,  IS,  13,  17,  S7,  41-  Apud  Uarduin.,  t.  8,  col  39» 

'Prop.  0,19,19, 17,  ÏB.  Ap.  Uurd.U).,  col.  ilO  ei 


QUE  487 

<  Dm  Toifl  nous  eitourerle  pour  éoerver  l'autorilé  des  conciles 

.  et  eonlreilîre  librement  leurs  sciPK,  pour  juger  leurs  décrets, 

•  et  professer  avec  conliance  tout  ce  qui  nous  parall  vrai ,  suit 

>  qu'ilaitiléapproufé  uu  rejeté  par  quelque  concîlequece  soit '-• 
LéoD  X  condamna  ces  quarinte-un  ou  Lrente^inq  articles  (sui- 
Tsnt  fédilion  de  la  bulle),  comme  respectivement  hérétiques  on 
scandaleux,  ou  Taux,  ou  DUensifs  des  oreilles  pieuses,  ou  capables 
de  séduire  les  Ames  simples,  eiopposésii  la  vérité  catholique. 

LecéI(brecOnciledeSens,leDuaP3risenlS38,  contre  les  hé- 
résies de  Luther,  range  Marsile  de  Padoue  parmi  les  novateur* 
qui  jusque-là  avaient  attaqué  l'auioriié  de  l'Église  flu(  inariU- 
menl  et  avec  plat  i'artitUe  ;  et  après  avoir  rapporté  quelques-unes 
de  ses  principales  erreurs  sous  ce  rapport,  il  le  rérute  ainsi: 

•  Mais  la  fureur  barbare  de  cet  Mrélique  en  iiWre  est  réprimée 

>  par  r.-iutoriié  des  Lettres  sacrées,  oii  l'on  trouve  la  preuve  évï- 

•  dente  que  la  puissance  ecclésiastique  ne  dépend  point  drs  prin- 
»  ces,  mais  qu'elle  est  fondée  sur  le  droit  divin,  lequel  accorde 

■  àl'Ëglisele  pouvoir  défaire  des  lois  pour  le  salut  des  Edëles,  et 

■  de  punir  les  rebelles  par  de  légitimes  eeusures;  puissance  dont 
»  tes  mêmes  I.eUres  relèvent  clairement,  non-seulement  la  supé- 

•  riorité,  mais  même  la  dignité,  fort  air-dessus  de  la  puissance 
.  séculière,  quelle  que  soit  celle-ci  *.  • 

Nous  ne  parlerons  pas  du  concile  de  Trente,  qui  est  entre  lea 
mains  de  tout  le  monde.  On  peut  voir,  dans  le  cliapilre  IV*  de  la 
vingt- troisième  session,  comment  il  s'élève  contre  ceux  qui  osent  { 
avancer  que  les  prêtres  de  la  nouvelle  alliance  n'ont  qu'une  . 
puissance  précaire,  bornée  au  temps,  et  qu'ils  peuvent  redeve- 
nir biques;  contre  celui  qui  nflirmerait  que  tous  lea  chrétiens, 
sans  distinction,  sont  prêtres,  ou  qu'ils  ont  entre  eux  une  égale 
puissance  spirituelle.  Il   déclare  que  les  évéques  succèdent  au^ 

t  C(!l  urtide  est  te  vioglifmc  dans  le  Grand  bullalre  romain;  le  vingt 
quatrième,  suivant  lel'.  Uanlouîn,  quiea  a  réuni  plusieurscu  un  seul 
dans  la  eotiie  qu'il  a  donnée  de  la  bulle  Exturge,  Doiniru,  de  Léon  X, 
Acla  condliorum,  etc.,  t,  9,  col.  1891  el  suiv. 

'  AciD  Euniiliorum,  etc.,  du  P,  Hardouin,  L  9,  col.  1910,  Ëdil.  dii 
Louvre.  Pic  VI,  dans  vm  bretàu  10  mars  17B1,  adressé  autévfquc 
de  l'Assemblée  nationale  au  sujet  de  la  constitution  civile  du  clergé  de    , 
France,  s'apimlc  de  l'autoiîté  de  ce  concile  pour  établir  l'hêriliciti du  J 
principe  fandamcntal  sur  lequel  fiait  basée  cette  prétendue  contlilo-  1 
lion  civile. 


488  QUE 

apôtres  ;  qu*il8  ont  été  éublis,  comme  le  dit  saÎDt  Paol,  pont  goo- 
verner  TÉglise  de  Dieu;  quMls  sont  supérieurs  aux  prêtres,  con- 
férant la  conBrmation,  ordonnant  les  ministres  de  TËglise,  et 
remplissant  beaucoup  d*autres  fonctions,  que  ceux  d*UD  ordre  in- 
férieur n*ont  pas  le  pouvoir  d*exercer,  etc.,  etc.  Il  définit  de  cette 
sorte:  <  Si  que1qu*un  dit,  que  dans  TËglise  catholique  il  n*y  a  pM 
»  une  hiérarchie  instituée  par  Tordonnance  de  Dieu,  laquelle  est 
»  composée  d'éTéques,  de  prêtres  et  de  ministres ,  quHl  soit  ana- 
»  thème  ^.»  11  anathématise  aussi,  dans  le  canon  suivant,  cehd 
qui  dirait  que  les  ordres  que  confèrent  lesévéques,  sans  le  con- 
sentement ou  rintenrention  du  peuple,  ou  de  la  puissance  sécu- 
lière ,  sont  nuls. 

Au  commencement  du  dix-septième  siècle,  c*est-^-dire  en  i612, 
deux  conciles  provinciaux  assemblés,  l'un  à  Âix,  Tautre  à  Paris, 
condamnèrent  le  livre  De  la  puissance  ecclésiastique ,  de  Richer, 
comme  contenant,  suivant  la  sentence  de  ce  dernier,  des  proposi- 
tions, des  expositions  et  des  allégations  fausses,  erronées,  scanda- 
leusesetschismatiques,  et,  dans  le  sens  qu'elles  présentent,  hérétiques. 

Si  nous  consultons  les  actes  des  assemblées  générales  du  clergé 
de  France,  nous  y  rencontrons,  parmi  une  foule  de  mouumens  qui 
concernent  Tautorité  épiscopaje,  deux  condamnations  trop  préci- 
ses pour  ne  pas  trouver  place  ici. 

La  première,  qui  fut  faite  en  1700,  eut  pour  objet  les  deux 
propositions  suivantes  :  «  Il  n*y  avait  pas  de  diflérence,  dans  les 

>  premiers  temps  de  TÉglisc,  entre  les  évéques  et  les  prêtres, 
»  comme  il  résulte  du  chapitre  vingtième  des  Actes  des  apôtres. 
»  —  Ce  n*a  été  que  par  un  usage,  qui  s*est  dans  la  suite  intro- 
»  doit,  que  Ton  a  distingué  les  prêtres  de  Tévêque,  en  établissant 
»  l'un  d'entre  eux  au-dessus  d'eux  avec  ce  nom  d'évêque.»— «-«Ces 
»  deux  propositions,  dit  la  censure,  où  l'on  fait  marcher  de  niveau 
1  les  prêtres  avec  les  évêques,  et  oîi  l'on  ne  reconnaît  entre  eux 
»  qu'une  diflérence  qui  se  réduit  presque  au  seul  nom,  sont  faus- 

>  ses,  téméraires,  scandaleuses ,  erronées,  schismatiques  ;  elles 
»  renouvellent  l'hérésie  d'Aênus,  confondent  la  hiérarchie  ecclé- 

•  siastique  instituée  par  l'ordonnance  divine,  sont  évidemment 

•  contraires  à  la  tradition  apostolique   et  aux  décrets  du  saint 

>  concile  de  Trente  <.  » 

*  Acta  conciliorum,  can.  6. 
3  Collect.,  t.  6,  coL  507  et  506. 


QUK 

La  deuiième censure  fui  puriéeeo  ITlli,  conireunliTreintiiulû: 
Duténmgnasedela  vérité  dam  l'Égliit.  L'auteur  de  celle  pi'oduc- 
tiun  vénéneuse,  toulca  prurcssini  hauiemenL  le  dogme  de  tu  visi- 
bilité coustante  de  l'Ëgiise  de  Jésus-Christ ,  y  portait  néannioiiis 
atteinte,  en  admelUni  des  temps  d'obacurcissemeat  eide  Duages, 
si  ténébreux,  qu'ï  peine  tiouviit-un  recotinalire  alors  l'Ë^glise ,  el 
alléguant  ()u'il  suiOsail,  dans  ces  circonstances  déplorables,  qu'elle 
fiU  connue  de  ceux  qui  auraient  un  ca'ur  droit,  sitople  et  dégagé 
des  passions  terrestres.  11  semblait  respecter  aussi  la  cliaire  iû 
dotale,  b  laqnelletous  les  fidèles,  sans  exception,  soni 
soiimettreimaisilenleTailenméme  tempsï  ceux  qui  seuls  ont  le 
droit  de  s'y  asseoir  et  d'}  pcononcerdes  oracles  divins,  en  qualité 
d'ambassadeurs  de  Jésus-Chrisi,  l'autorité  spirituelle  souveraine 
pour  la  transférer  dans  l'assemblée  du  peuple;  dogmalisani  que  les 
évéques  ne  devaient  être  regardés  queconime  \t&déUQuéi  tt  tei  in- 
Iefpr^ifidece/[ei(Mir)n6/A';queloule  la  chaîne  deleurminîstère  se 
réduisait  !i  déclarer  i'avii  de  l'Église  particuUire  ï  laquellechac 
d'eux  présidait,  et  dont  il  était  eiixogé,  ajouUil-îl,  comme  le  Péie 
éternel  a  envojë  son  PiU  unique.  Il  enseignait  de  plus  que  les  dë- 
linitions  portées  en  matière  de  foi,  dans  les  conciles  généraux,  par 
les  premiers  pasteurs,  n'acquéraient  la  vigueur  desjugemens  de 
l'Église  qu'autant  qu'elles  étaient  approuvées  du  peuple  fidèle. 
Enlin,il  admelUiit  l'unité  simple  el  indivisible  de  l'épiscopat; 
mais  il  la  réduisait  quelquefois  â  un  petit  nombre  d'évfques, 
même  réparés  du  cbel,  dont  néanmoius  la  diaïre  est  la  tourci  de 
l'uailé  mcerdolale,  ainsi  quele  dit  saint  Cjprien  '. 

D'après  celte  légère  analyse  de  la  doctrine  du  livre  Du  lémci- 
gnage  ,  analyse  que  nous  avons  lirée  du  préambule  de  la  censure 
de  l'assemblée  générale  du  clei^é  de  France  de  1719,  on  voit 
clairement  que  l'auteur  de  cette  production  ténébreuse  Toulaîl,  ï 
quelque  prix  que  ce  fùl,  sauver  les  Ité/lexioits  moralet.  Comme  cet 
ouvrage  avait  contre  lui  l'enseignement  des  siècles  passés,  le 
jugement  du  saint  Siège,  l'adbésion  solennelle  de  presque  tous 
les  évéques  de  France  ï  ce  jugement,  et  qu'on  s'attendait  que 
bientôt  on  aurait  encore  des  preuves  certaines  de  l'adhésion  des 
Ëglises  étrangères,  il  était  hieu  nécessaire  que,  pour  se  soutenir, 
le  parti  cberchlit  k  changer  les  idées  remues,  à  transformer  la 
règle  de  la  Toi,  ï  prêcher  des  teni|is  d'obscurcissement,  h  rendre 

I  De  uuitate  Kcclniii;. 


490  QtlE 

invisible,  si  te  nVst  aux  ypiix  des  jusies,  l'Église  tmuigUÉta; 
ï  ]j  toaceiiirer  loui  enii'-re  dans  une  quîouioe  de  préUu  nn 
pape,  mail  i  11  léle  de  quelques  rebelles  ;  ï  fiter  i  tons  les  ètt- 
ques  l'auioriié  de  juges  ordmairMde  ta  toi,  pour  ea  décorer,  on  y 
UBDcier  du  aïoius,  les  simples  fidèles ,  Epécialeraeat  les  magis- 
trats ;  en  un  mol,  il  était  indispensable  au  pirli  jtuisénien,  ilc  re- 
cueillir les  rêveries  oubliées  des  Dooulistes,  et  de  reDouteler  les 
erreurs  que  Riiber  avait  puisées  cbez  les  l'roiestana,  oeui-ô 
chez  les  Huaiites,  les  Wicli^files,  etc. 

Hais  l'assemblée  que  nous  avons  nomniâe  prononça  que  eeiu 
doctrine  Du  lémoignage,  etc. ,  •  était  séditieuse,  lëmérBire,  «canili- 

■  leuie ,  ëierEÎre  de  l'ordre  institué  par  Notre^eigaeur  lisat- 

>  Cfarist  pour  le  gouvernement  de  son  Église,  injurieuse  *u  saint 

>  Siège  apostolique  et  aux  évêques ,  lïusee ,  erronée,  ichismali- 

■  que  et  liérétique,  et  qu'elle  devait  être  rejetëe  par  tooc  les 
<  lidèles  <.  • 

Le  livre  intitulé  :  Principe»  lur  Veuenee,  la  dUlirtelUm  et  k» 
limilcë  de»  deux  puitianee»  tpiriiuellt  et  temporelle,  ob  l'ontoriea 
Laborde  <  soumettait  tellement  le  minislËre  ecclèsiasliqae  k  h 

>  puissance  séculière,  qu'il  attribuait  &  celle-ci  le  droit  de  coo- 

>  naître  et  de  juger  en  matière  de  gouveruemeni  eslériear  et  sen- 

■  sible  de  l'iiigliEe,  >  Tut  proscrit  par  Hsnolt  XIV,  dans  nu  bref 
du  4  mars  1T5S,  adressé  au  primat,  aux  arcbevéqucs  et  évAqaes  de 
Pologne,  avec  les  notes  de  captieux,  faux,  impie  et  MrtKifue.  Ca 
conséquence,  ce  pape  défendit,  sous  les  peines  les  pliu  gnrtt, 
la  lecture  de  cet  ouvrage  pernicieui  •. 

Personne  ne  doute  que  la  CantliiutUm  civile  du  clergé  4e  France 
n'ait  été  basée  entièrement  sur  l'erreur  qui  atU'ibue  au  peuple 
et  au  prince  temporel  la  puissance  ecclËsiHBtîque;  donc,  en  con- 
damnant cette  eanititution  prétendue  eJi'II«,  Pie  VI  en  renretsa 
aussi  le  fondement. 

Mais  ce  fut  surtout  dans  sa  bulle  du  28  août  1794,  dirigée  centre 

t  Deunilnlc  Ecclesia?,  pièces  juslif,,col.  504,  SOS  Cl  S08.  Il  Ikutlîre 
en  entier  le  préambule  lumlneui  (jui  précËde  celte  censure.  Koui  ne 
IMUToits  trop  recommander  encore  la  lecture  du  jugement  que  porta, 
le  i  mai  t7i8,  l'assemblée  dite  des  un,  sur  la  canaullation  deMM.  Ut 
avccatide  Parii,aunijel  du  jugenual  rcndvà  Emtrunconlrt  M.t'i- 
vique  de  Sente. 

'  roïcilebrcfdcPicVI,  dulOmar»  1791, déjd cité. 


gui!:  41)1 

le  synode  janséniste  de  Pistoie,  <|ue  le  Ricliérîanie  reçut  de  Irëa- 
rudcs  coups  de  la  nain  de  cei  illustre  pontife.  Quoique  parmi  les 
qujtre-vingt-cinq  priipositions  proscrites  dans  cette  bulle ,  avec 
des  qualifications  adaptées  ï  chacune  prise  séparément ,  on  ea 
trouve  un  grand  nombre  qui  coneernenl  l'objet  qui  nous  occupe, 
nous  n'en  rapporteroDS  néanmoins  que  quelques-unes ,  que  nous 
traduirons  littéralement,  renvavant,  pour  le  reste,  i  la  source 

■  11.  La  proposition  qui  établit  que  la  puiaianct  a  /U  donnée 
1  de  i>ieu  ù  l'Égime,  pour  itre  eoiamuniquéi  aux  pMleurt,  qui  lont 

■  te»  ministres  pour  le  laht  des  imtt; 

I  Entendue  dans  ce  sens,  que  c'est  de  la  cominuoaulé  des  fidMes 

■  que  dérive  sur  les  pasteurs  la  puissance  du  ministère  et  du  gou- 

>  Tcruement  ecclésiastique , 

■  llérétique. 

•  111.  De  plus,  celle  qui  établit  que  le  pontife  Tomain  eit  un 

•  cAf/'mtuifl^rieJ; 

•  Expliquée  dans  ce  sens  que  le  pontife  romain  re<;oiTe,  non  de 

>  Jésus-Cbrist,  dans  la  personne  du  liienheureni  Pierre,  mais  de 

■  l'Église ,  la  puissance  du  ministère  dont  il  jouit  dans  toute  l'Ë-    ' 
p  gtise,  comme  vrai  successeur  de  Pierre,  vrai  vicaire  de  Jésus- 

■  Christ  et  clief  de  toute  l'Église , 

•  UÉré^que, 

■  IV.  La  proposition  qui  affirme  que  ce  sérail  enabuterqiie 

■  de  transporter  l'autorité  de  l'Église  au  delà  des  limites  de  la  dee- 

>  trineet  des  mceurs,  et  que  de  l'éiendre  aujt  choses  extérieures,  et 

■  que  d'exiger  par  force  ce  qui  dépend  delà  persuasion  et  duarur; 

■  comme  aussi  qu'il  appartient  6i«n  moins  i  celle  Mime  (Lglise) 

>  d'exiger  par  force  la  soumission  à  set  décreli  ; 

»  En  tant  que,  par  ces  mots  indéfinis  ;  de  l'étendre  aux  choset 

•  extérieurei,  (  celte  proposition)  note  comme  un  abus  de  l'sulo- 

■  rite  de  l'Ëglise  l'usage  de  cette  puissance  reçue  de  Dieu  que 

•  les  apùtres  ont  eut-mémes  exercée,  en  établissant  et  en  réglant 

>  la  discipline  eitérleure , 

•  Hérétique. 

•  Dans  la  partie  oti  (cette  même  proposition)  insinue  que 

>  l'Bglise  n'a  pas  l'autorité  d'exiger  la  soumission  ises  décrets 

■  autrL'inent  que  par  des  moyens  qni  dépendent  de  la  persuasion; 

•  En  tant  qu'elle  prétend  que  l'l^i;1ise  n'a  pas  le  pouvoir  qu'elle 

■  lient  lie  Difn ,  non-seulement  de  diriger  par  da  conseils  et  par 


492  QUE 

9éei9êieidepêniuuUmf  tMif  encore  i'^réûmner  pmt  ééiUk^ét 
m  réprimer  et  de  contraindre  la  rebellée  pmr  mt  iwgemmi  extérkv 
•  et  perdei  peines  $alutaire$t 

»  Diaprés  le  bref  Ad  assiduoi  ,  de  Benotl  XIV,  1755,  idressé 
»  ao  primat»  aux  arche? èques  et  é? èquet  du  ropune  de  Potogne. 

»  Induisante  à  un  sjrstème  condamné  déjà  comme  hérétiqie. 

»  X.  De  même ,  la  doctrine  où  Ton  dit  que  les  cnréi  »  et  les 
»  autres  prêtres  assemblés  en  synode»  sont  juges  de  la  foi  afcc 
»  Téf  èque  ;  et  où  Ton  donne  à  entendre  en  même  temps  que  le 
»  jugement  dans  les  causes  delà  foi  leur  appartient  en  conaéqoence 
»  d*un  droit  propre,  et  même  reçu  par  Tordination, 

»  Fausse,  téméraire,  subversif  e  de  Tordre  hiérarchiqoe,  dimi- 
»  nuant  la  fermeté  des  définitions  et  des  jugemens  dogmatiques 
»  de  rËglise,  au  moins  erronée. 

»  LIX.  La  doctrine  du  synode,  qui  affirme  qu^U  appartient  eri- 
9  Çinëirement  à  la  seule  piûssauce  souveraine  dans  f  ardre  drii, 
»  d'apposer  au  contrat  du  mariage  des  empêchemens  dirimans,  le- 
»  quel  droit  ori(finaire  est  dit  encore  être  Joint  essentieiiemeni  attt 
»  le  droit  de  dispenser,  ajoutant  que,  supposé  le  consentement  et  le 
9  connivence  des  princes,  l'Église  avait  pu  établir  justement  des 
»  empêchemens  qui  dirimassent  le  contrat  même  du  mariage; 

»  Comme  si  i'Êglise  n'avait  pas  pu  toujours  et  ne  pouvait  pis 
»  encore  établir,  de  son  propre  droit,  des  empêchemens  au  ma- 
9  riage  des  chrétiens ,  qui  oon-seulement  empêchent  leur  ma- 
9  riage,  mais  même  le  rendent  nul  quant  au  Hen,  lesquels  empê- 
9  cliemens  lient  les  chrétiens,  même  dans  les  pays  des  infidèles, 
»  et  dont  elle  peut  les  dispenser, 

»  Ëfersive  des  canons  3,  4,  9,  12  de  la  sess.  24  du  concile  de 
»  Trente,  hérétique  ^.  » 

*  Voyez  la  coastiL  Auctorem  fidei,  p.  il,  12,  14,  82.  Celte  bulle, 
adressée  à  tous  les  fidèles,  fut  envoyée  à  toutes  les  Églises  particuliè- 
res. «  L*adliésion  des  évéques  à  cette  décision  du  saint  Siège,  dît  le  so- 
f  vant  cardinal  Gerdil,  ne  saurait  être  un  problème.  Un  grand  nombre 
f  ont  manifesté  leur  approbation  par  des  lettres  expresses,  et  le  reste 
f  11*0  point  réclamé.  >  Mém.  pour  servir  à  Thist.  ecclésiast.  pendant  le 
dii-huitièine  siècle,  t  3,  p.  269,  2*  édit.  L*auteor  de  cet  ouvrage  in- 
téressant nous  apprend  néanmoins  que  deux  évêques  de  Toscane  ne  se 
montrèrent  pas  favorables  à  cette  bulle  si  instructive  et  si  lumineuse,  et 
que  révêque  de  Noli  fut  peut-être  le  seul  prélat  catholique  qui  eût  Ait 
éclater  publiquement  son  opposition. 


Nous  omettons  beaucoup  d'autres  proposilii 
(laos  la  bulle  même. 

Le  troisième  principe  capital  de  Quesnel,  oU  ci 
deux  a  su  concentrer  avec  tant  d'art  le  Itîchérif 
est  donc  diamélralenient  opposé  h  l'Écriture  sainte,  ï  la  iradili 
aux  définitions  émanée!;  de  l'Ëglise,  el  même  il  la  pratique  con- 
stante des  siècles  chrétiens  '. 

Eu  eoleTanl  des  mains  des  pontifes,  qui  forment,  ainsi  que 
nous  Tarons  dit ,  l'Église  enseignante  ',  t'aulorilf^  spirituelle 
souveraine  que  Jésus-Christ  leur  a  confiée  directement  et  immi- 
dialement  dans  la  personne  des  apQlres ,  et  la  transférant  au 
peuple,  aux  magistrat!',  aux  princes  temporels,  en  un  mot  A  tout 
les  membres  du  corps  m;fstique,  comme  si  celte  tnfme  puissance 
avait  été  donnée  primitiveiaetit  ei  Drifrinaimnïnl  il  tous  les  fidèles, 
«on  pai,  il  est  vrai,  pour  l'eitrcrr  par  eiu-mfmei,  mai»  par  la 
premieri  paileurt,  qui  toni  Imrt  cominii,  r(  7111  doivent  agir  de 
leur  contentement  au  maint  pr^tumd,  il  est  clair  que  ce  principe 
hérétique  ouvre  une  large  porte  ï  la  révolte  contre  la  puissance  spi- 
rituelle légitime;  qu'il  fomente  leschismeel  l'hérésie;  qu'il  mine,  -^ 
par  conséquent ,  l'unité  catholique  jusque  dans  ses  plus  solides 
fondemens;  qu'il  lend  ^  renverser  la  hiérarchie  sainte  établie  de 
Dieu  même,  k  détruire  toute  subordination ,  toute  harmonie 
dans  l'Ëglise  ;  qu'il  fournil  ï  tous  les  novateurs  accrédités  des 
moyens  de  se  soutenir  et  de  coniinner  tranquillement  !i  propager 
leurs  dogmes  an ticliré tiens,  malgré  les  anathëmes  les  plus  justes 
et  les  plus  canoniques  ;  et  qu'enSn  il  autorise  à  se  relever  el  b 
renaître  rornme  de  leurs  cendres  toutes  les  erreurs  proscrites 
depuis  les  temps  apostoliques  jusqu'à  nos  jours.  Toutes  ces  con- 
séquences se  déduisent  facilement  du   principe,  el  elles  trou- 

'  Nous  ne  prétendons  point  dire  pai^U  qu'on  n'ait  pus  tu  quelque- 
fois les  deux  puissances  cm|icé1cr  l'une  sur  l'autre  :  nous  savons  trop 
bien  qu'elles  n'ont  pas  toujours  été  d'accord  sur  les  limites  de  leurs 
ilroilt  respeclih;  maii  ce  que  nous  avançons  avoir  été  généralement 

ri'ïoiinu  dans  tous  les  siècles  chrétiens,  c'est  que  la  puiu 

pour  Ic^  Kouveniement  de  l'Ëg1i»e,  appartient  dans  le  droit  et  dans  In    1 

pratique  A  l'Église  enseignante. 

'  Nous  olHcrverons  encore  ici  que,  pour  être  membre  de  l'I 
sciKoante,  il  ne  suffit  pas  t  un  tvéquc  de  se 
le  saint  Siège  ;  il  faut  de  plus  qu'il  y  soit  réellement  et  que  le  chef  de    | 
ri^4|li<e  le  reconnaisse  comme  tel, 
II. 


4M  QUE 

venL  leur  démoniuaiion  dans  les  termes  méniK  qui  l'^oiiccnt. 
Car,  quelle  est  U  nooTcauliï  hétérodoxe,  iniique  ou  récente,  qui 
avouera  junais  avoir  été  frappée  par  l'organe  ou  du  canteiite- 
ment  réel  on  présumé  de  tous  les  raiholiquea;  du  moius,  de  tous 
ceui  qui  ae  disaient  ou  croyaieul  l'être?  Wîclef,  leaa  llus,  Lutfier 
et  CaUîn  eurent-iU  besoin  d'une  autre  base  ponr  appnjer  leur 
résistance  opiniïtre,  èlajer  leurs  dogmes  monslrueul  ?  N'est-ce 
pas  SOT  le  même  fondement  que  le  Jansénisme  se  maintîeDt,  qucnque 
condamné  suceessiTement  par  vingt  pupes  au  muinii ,  et  par  timt  le 
corps  des  évéques ,  presque  sans  exception?  La  lutte  également 
funeste  et  peu  édiSauEe  que  les  parlemens  soutinrent,  dans  le 
siècle  dernier  ,  contre  l'auturïté  sucrée  des  éréques  ,  ne  trouvi-i- 
elle  pas  dans  ce  détestable  foyer  toute  la  bardîesse  et  toute  l'in- 
soumission qui  la  sigaalËrent  t  Doit-on  ctiercher  une  autre  eause 
kces  innovations  étranges,  qui  furent  introduites  dans! 'enseigne- 
ment et  le  gouvernement  ecclësiasiiqae,  soit  en  Allemagne,  sait 
dans  une  partie  considérable  de  l'Italie ,  sur  la  un  du  mime  siè- 
cle?Et  celte  jurisprudence  canonique,  qui  eniahii<«ait  naguère, 
dans  un  pajs  asseï  connu ,  presque  tous  les  droits  de  l'épiscopat , 
le  Ricbérismu  n'en  èlait-ii  pas  comme  l'âme  et  U  lumière  ?  EÛfin, 
sans  parler  de  cette  secte  éplièmëre  ,  que  les  d<^ux  puissances  de 
concert  renversËrenl  dans  le  lambeau  ,  moyennant  ijuelques  dé- 
marches de  la  part  de  ses  partisans  pour  obtenir  leur  rentrée 
dans  le  sacré  bercail ,  sfcte  toute  ricjiérjsle ,  n'cit-ce  point  de  ce 
tysiéme absurde,  ou  plulûi  du  fond  de  cette  fange  bourbeuse,  que 
s'est  élevé  ce  pbilosophisme  incrédule  qui  plane  aujourd'hui  au- 
dessus  de  loua  les  principes ,  de  toutes  les  croyance» ,  de  tons  )ea 
cultes ,  bravant  égnlement  le  ciel  et  la  terre  .  et  menaçant  de  dé- 
truire jusqu'aux  liens  étroits  qui  unissent  les  hommes  entre  eux 
et  qui  (arment  du  genre  humain  comme  une  seule  famille?  Car, 
quoi  de  pini  aisé  a  franchir  ,  pour  l'ambitieux  ,  l'indocile  «  le  li- 
bertin, que  l'espace  chimérique  qu'on  lui  met  devant  les  yeiii , 
enIrelesdrorWpriBitdTiqu'ita.laî  dit-on,  et  les  rfroi/s  itamMlaU 
qu'on  lui  refuse?  Les  Jansénistes,  les  Consiiluiionnels ,  pour  ne 
citer  qu'eux  ,  ont-ils  respecté  cette  Taible  barrière  î 

Concluons  donc ,  1  •  que  le  gouvernement  de  l'ËglJse ,  dua  ce 
qui  concerne  la  doctrine,  l'admïnistr^ilion  des  sneremens  et  la 
discipline,  appartient  de  droit  divin  il  Rpist'opal  ;  2°  que  ee  gou- 
vernement spirituel  est  une  mouarchie  tempérée  par  l'aristocratie; 
3*  que  le  souverain  poniife  y  a  la  principale  autorité  en  tout , 


QUE  49S 

comme  chef  des  premiers  pasteurs  et  de  loui  lé  troupeau;  ^  que, 
dans  les  jitgemens  dogm3iL(|ueâ  que  le  ptjie  prononce,  les  autm 
éTé(|ues  jugent  3Tec  lui,  en  adhérunl  iiseBJugemensd'unemuniirfl 
positive  ou  Ucit«;  S*  que  l'adliésiou  de  la  plupart  des  éTéques  t  la 
décision  de  leur  cher  forme  lo  jugement  du  corps  enseîpant, 
c'est-i-dire  In  décisioD  intailliblc  et  irréformable  de  l'Ëgliae,  i  la- 
quelle tout  lidèle  doilse  soumettre,  lors  même  que  d'autres évCques, 
en  plus  petit  nombre ,  résisteraient  encore  ;  6"  que  les  premiers 
pasteurs  sont  les  seols  juges  né*  et  eràinaîTeg  de  la  foi  ;  7<  que  la 
juridiction  des  pasteurs  du  second  ordre  peut  être  limitée  par 
l'auioriié  des  premiers  ,  el  que  les  simples  prêtres  n'ont  de  juri- 
diction que  par  eux  ;  S  que  la  qualité  de  protectrices  de  l'Eglise 
et  de  ses  tanona  ne  donne  pas  aux  puissances  temporelles  le  droit 
de  juger  les  jugemens  doctrinaux  de  l'Eglise,  ni  d'eu  déterminer 
la  naiure  et  les  effets  ;  8°  eutin  ,  que  «  les  lois  de  l'Ëglise  ue  peu- 

■  Tent  recevoir  des  qualîlicationB  que  de  l'auioriié  même  qui  IM 

>  a  prononcées.  Ces  qualifications  apparlienuenl  D  in  loi  uiêtne 

■  elles  déterminent  le  genre  de  soumission  qui  lui  estdue,  et  c'est 
»  h  ri^gliae  seule  k  eu  fixer  le  caractère  et  l'éienJue 
faut  uietlre  des  bornes  ï  cet  article.  Jetons  donc  un  coup  d'œil 
rapide  sur  les  conséquences  que  nous  avons  auneiées  au  troi" 
siëme  principe  capital  de  notre  dogmatiste, 

1*  Touchatit  la  lecture  de  l'Ecriture  saîute. 

Ici  Queinel  ne  se  dément  point.  Instruit  que  la  pluplrt  iet 
Ëgli  ses  sont  dans  l'usage  de  «uivre,  ï  l'égard  des  livres  défenduS; 
les  régies  tracées  par  ordre  du  concile  de  Trente  et  approuvées 
par  Pie  IV,  il  brave  la  quatrième,  qui  réserve  nui  évoques 
iuquiaiteurs  te  droit  de  permettre  aux  fidèles  la  lecture  des  Livres 

'  ExposilioD  sur  tes  droits  de  la  puissance  spirituelle,  déjt  citée.  Que 
dire  doue  de  cette  proposition,  avancée  par  l'auteur  d'une  disterlation 
Tolumioeuse  contre  la  bulle  Unigeiiitus  où  celle  cooililutlon  eti  d^ 
durée  comme  n'étant  ni  loi  de  l'élise,  ni  loi  de  l'Ëtat  :  ■  La  mémo 

>  aulariti,  qui  donne  A  la  pui^isauce  temporelle  le  droit  de  confirmer 
»  laàéatUdogmatiqtui  dcrËglite,  lui  impose  l'obllgalion  iCexamiiur, 

>  avant  qoe  d'accorder  celle  confirmation,  ri  le  dècrtl  tn  lai-mfme  etl 

>  nacepliiWtit  devenir  an  jugement  de  l'E'jliie  anicernlle, 
»  te  fait,  il  tn  a  acquit  te  carae  1ère  ?  t  1  p.,  pag.  ISA  el  1S5,  Voilï 
queU  étaient  les  principes  que  1»  Quesnel  listes  suggéra  ient  aui  ma^na* 
trais  et  aux  parlemens,  et  tels  étaient  les  fondcmeiis  sur  lesquels  ccui-ef 
bâtissaient  leur  jurisprudence  prëtciiduc  canonique. 


* 


oiia  ^^J 

I 


49G  QUE 

EiinU  ir:iiluiu  en  langue  vulgaire,  cl,  s'élerant  au-dessus  de  ceui 
qui  ODl  droit  de  fiire  des  lois,  il  annoace  ï  Uul  l'uniTerE  que 
ceux  lecture  ai  pour  tout  le  monde ,'  qu'elle  esl  Htile,  iDëme  nAft- 
wireeu  toutiemps,  eu  tous  lieui,  ïloutes  sortes  de  persounei; 
que  l'obscurité  sainte  de  la  parole  de  Dieu  n'est  pat  aux  laiqan 
une  riisDD  pour  se  ûisptntrr  de  la  lire  ;  que  le  dimanche  toit  ëire 
sancti&é  par  cette  lecture  ;  que  c'est  le  'ail  que  Dieu  a  donna  au 
chrétien,  et  qu'il  est  danijereuxde  l'en  priver,  etc.,  etc.,  etc.  '. 

Hais  si  la  lecture  des  saintes  Lettres  est  si  néeruaire  en  laut 
temps ,  en  loui  lieux  el  à  toulfs  sorira  de  personnes,  pourquoi  le* 
évangélisles  n'écrivirent-ils  pas  aussitôt  que  les  apôtres  commen- 
cèrent ï  prêcher  l'Ëvangilc?  Comment  j  avait-il,  du  temps  de 
saint  Iréttée ,  éréque  de  Lyon  ,  des  nations  entières  qui,  n'ajant 
pas  les  Livres  sacrés  et  par  conséquent  ne  les  lisant  pas,  conser- 
vaient néanmoins  le  dépAt  de  la  Toi  et  ne  laissaient  pas  de  vîire 
chrétiennement*?  Le  grand  apQire  se  trompait-il  donc  quand  il 
disait  que  la  foi  vient  par  l' ouïe  '?  Et  lesSdèlesqui  nesaTenipas 
lire  el  qui  ne  peuvenl  pas  se  pourvoir  de  lecteurs  ne  saDciilieal 
donc  pas  le  dimanche ,  quoiqu'ils  remplissent  d'ailleurs  ce  que 
l'iïgliseeïige» 

Si  U  lecture  dont  nous  parlons  est  utile  i)  toutes  sortes  de  per- 
sonnes, d'oii  sont  dune  venus  tant  d'abus  qu'on  en  a  faits  pour  élayer 
l'erreur,  autoriser  des  vices,  opérer  des  superstitions 7  Avouer 
ces  abus ,  qui  ont  été  sans  nombre ,  n'est-ce  pas  avouer  que  la 
lecture  de  l'Ëcrilure  sainte  n'est  pas  Utile  indilTérenuneDI  i  tout 
le  monde,  et  que  les  supérieurs  ecclésiastiques  qui  se  réserrent 
le  droit  de  la  permettre  eu  langues  vulgaires  agissent  avec  sa- 
gesse ,  loin  d'être  dans  l'illusion  et  de  laire  souffrir  i  leurs  subor- 
donnés une  espèce  d'excommunication! 

Convenons  que  la  lecture  de  l'Ëcrîture  sainte  n'est  pas  néces- 
aux  laïques  ;  qu'elle  peut  être  utile  à  ceux  qui  ont  d'eicel- 
<  dispositions ,  et  qu'elle  deviendrait  un  poison  entre  les 
■9  certains  esprits  de  travers  et  présomptueux  ,  qui  veu- 
lent tout  savoir ,  tout  comprendre ,  tout  interpréter  d'après  leurs 
propres  lumières ,  et  qui  se  scandalisent  aisément.  L'Ëcriture  est 


'  Vbyei  ses  propositioni  rapportées  ci-dessus,  1 
'  L,  B,  AJversùs  UjLrcs.,  c  &,  11°  2- 
^Rom.,  10,  17, 


3g3etsuiv.:     ^^^ 


nne  de  ces  cLosessaiu! 
cliiens  ', 

3«  Mais  que  prétend 
avec  Uni  de  iè\e  i|ue 


15  que  Jésus-Cbrist  défcnd  de  donner  aux 


réfornialeurquand  il  nous  préiUe 
•  ravir  (au  sinipie  peuple]  qftte  consola. 
inir  sa  voii  2i  celle  île  louie  l'Ëglise  ,  c'est  un  nsagg 
e  à  la  pratique  apostolique  et  au  dessein  de  Dieu*!  • 
Ce  qui  enflamme  ici  sa  sulliciiude ,  esl-ce  le  désir  seul  de  voir 
s'établir  partout  h  pieuse  coutume  que  le  peuple  unisse  sa  voix 
il  celle  du  clergé  pour  chanter  les  louanges  de  Dieu  dans  li^s  of- 
fices publics?  Non  assurément  :  le  chant  en  commun  est  un  moyen 

ractérisiiques  ,  et  la  proposition  est  générale.  Or,  ou  connaît  le 
penchant  vif  qu'avaient  les  Jansénistes  pour  la  célébration  des 
olîiceE  eu  langue  vulgaire.  N'osant  introduire  ouveriemenl  et  par- 
tout cet  usage  que  l'Ëglise  repousse  pour  de  bonnes  raisons,  ila 
y  suppléaient  du  moins  ,  mettant  dans  les  mains  des  fidèles 
missels,  l'ordinaire  entier  de  la  messe,  etc.,  traduits  en  leurs    | 
langues;  et  ils  ordonnaient  aux  prêtres  du  parti  de  réciter  le  ci 
non  tout  haut ,  aux  peuples  de  suivre  en  tout  le  célébrant.  I4   ] 
raison  en  est  que  le  simple  Gdèlc  célèbre  la  mes 
nislre  sacré.  C'est  ce  que  Quesnel  nous  apprend  lui-même  ;  œaia    { 
ù  son  ordinaire  ,  c'esl-Ji-dire  en  s'exprimani  d'une  manière  ob- 
scure et  tortueuse,  ■  C'est,  dii-il  dans  son  Vil'  mémoire,  rÉgliie 
I  qui  a  le  droit  et  le  pouvoir  d'offrir  ï  Dieu  le  sacriGce  du  corps 
>  et  du  sang  de  Jésus-Clirist,  pour  l' exercer  par  ses  ministres,  du 
•  consentement  au  moins  présumé  de  tout  le  corps.  >  Assertion 
qu'il  tient  pour  si  orthodoxe  et  si  conforme  aux   senlimens  des 
Pères  et  des  docteurs  tes  plus  éclairés  sur  ce  qui  regarde  la  li- 
turgie ,  qu'il  ne  peut  s'imaginer  que  personne  au  monde  ose  y 
trouver  ï  redire  ou  la  condanmer;  et  il  nous  la  donne  comme 
toute  semblable  ï  son  111'  principe  capital ,  pour  le  mettre  ï  coti- 
vert    des   atteintes  qu'j  a  portées   la  bulle  Vnigfnitui.  Quesnd 
convient  dune  qu'il  faut  raisonner  du  pouvuîr  d'immoler  la  vic- 
time sainte,  comme  H  a  raisonné  lui-même,  dans  son  11I<  principe    | 
capital ,  du  pouvoir  de  gouverner  le  corps  mystique  de  Jésus-   | 
CUrist,  Or,  dans  ecprincipo  que  nous  avons  examiné  un  peu  plus 
haut ,  Quesnel  attribue  la  propriété  immédlalt  el  jirlmUive  dt'a  ' 


498  QUE 

clés  à  TÉglise  entière  ;  il  veut  que  les  premiers  pasteurs  ne  floieot 
à  cet  égard  que  les  commis,  les  délégués,  les  ÏDstruinens  de  FË- 
glise  entière ,  et  qu^iis  n^exerceut  la  juridiction  qu*ea  son  nom 
et  que  de  son  consentement  au  moins  présumé.  Donc  «  il  en  est 
de  même  du  sacrifice  adorable  :  c*est  TÉgUse  entière  qui  t  aussi 
primitivement ,  originairement ,  immédiatement  eidireetemeni  reça 
le  droit  et  le  pouvoir  de  Toffrir  ;  et  les  prêtres  ne  sont  encore  en 
ce  point  que  les  commis ,  les  délégués ,  les  instrumens  de  TÊglise 
entière.  Donc,  chaque  fidèle  participe  au  sacerdoce,  Texerce  par 
le  célébrant ,  ratifie  de  droit  son  offrande ,  en  influence  la  validité 
par  son  consentement  réel  ou  présumé ,  et  contribuerait  à  Tillè- 
gitimer  sMI  refusait  d*y  consentir.  Donc ,  un  prêtre  dégradé  ca- 
noniquement  ( au  nom  de  toute  V Église)  cesserait   d*élre  prêtre, 
et  un  évéquc  déposé  de  même  ne  serait  plus  évêque;  en  sorte  que 
ni  Tun  ni  Tautre  ne  pourraient  célébrer  yalidement,  etc.  *,  puis- 
que le  consentement  même  présumé  de  tout  le  corps  de  F^lise 
leur  manque  dans  ce  cas.  Qui  ne  voit  qu*une  doctrine  si  absurde 
et  si  contraire  à  la  foi  catholique  tend  évidemment  à  détruire 
Tordre ,  à  méconnaître  le  caractère  spirituel  et  indélébile  qu*il 
imprime  da as  Tâme,  à  réduire  ce  sacrement  précieux  de  la  nou- 
velle alliance  à  un  rit  établi  tout  simplement  pour  désigner  les 
ministres  de  la  parole  et  des  sacremeus ,  à  dire  que  les  chrétiens 
ont  tous  la  puissance  d'administrer  tous  les  sacremens  et  de  prê- 
cher, etc.?  Autant  d'erreurs  frappées  d'anathème  par  le  saint 
concile  de  Trente'. 

On  voit  donc  dans  quel  esprit  notre  dogmatiseur  parle  de  Tu- 
nion  de  la  voix  du  peuple  à  celle  de  toute  TÉglise.  Le  synode  de 
Pistoie  ayant  aussi  dit  «  que  ce  serait  agir  contre  la  pratique 
»  apostolique  et  les  desseins  de  Dieu  que  de  ne  préparer  pas  au 
»  peuple  des  moyens  plus  faciles  d*unir  sa  voix  à  la  voix  de  toute 
»  rËglise  ,  »  Pie  VI  ne  put  s'empêcher  de  voir  dans*  cette  propo- 
sition ambiguë  une  tendance  couverte  à  introduire  Tusage  de  la 
langue  vulgaire  dans  les  prières  liturgiques  ^  et  il  la  censura  dans 
sa  bulle i4u^/or^m  fidei,  comme  «  fausse",  téméraire,  perturbatrice 

*  «  C'est  à  TÉglise  de  corriger  et  de  retrancher  les  prêtres,  et  alors 
>  ils  ne  sont  plus  prêtres,  »  Extrait  de  la  93*  lettre  de  Tabbé  deS^nt- 
Cyran.  Il  enseignait  aussi  dans  son  Petrus  Âurclius  qu*un  évêque  qui 
se  démut  de  son  évêcké  nVsl  plus  reconnu  dansTÉglise  pour  évêque» 

^  Scss.  23,  can.  1,  3,  4.  Scss,  7,  can.  9,  10. 


OtJE 


49»    ^^M 


>  do  l'ordre  prescnipoorh  célèbraliou  des  salais  mystères,  source 

>  ouverte  1  quantité  de  maux  '.  • 

3°  Nous  ne  croyons  pus  devoir  relever  ce  que  Quesnel  avance 
encore  contre  les  prédicateurs  de  son  temps.  II  est  aisé  devoir 
(ju'il  on  veut  1  l'Ëglise  enseignante  et  qu'il  cherche  ï  lui  imputer 
la  tolérance  d'abus  ciiimérïques  ,  afin  de  la  dénigrer  dans  l'eS' 
prit  des  fidèles.  C'est  dans  la  même  tue  qu'il  lui  attribue  une 
vieillesse  plus  que  ridicule  el  une  ignorance  grossière  des  vérités 
chrétiennes  *.  Tout  est  bon  dans  les  mains  de  cet  ennemi  cruel 
de  l'épouse  de  Jésus-Chrisi ,  pourvu  qu'il  puisse  en  faire  nsago 
pour  percer  le  sein  de  celle  qui  fut  sa  oiëre ,  tant  qu'il  ne  se  dé- 
clara pas  ouvertement  contre  .elle.  Ici ,  il  conspire  avec  d'autres 
pour  tâcher  de  persuader  que  le  Fils  de  Dieu  a  fait  divorce  aied 
l'Rglise  universelle  pour  épouser  la  petite  Église  jansénienne. 
Aussi,  est-ce  un   dogme  tr^-accrédité  dans  le  parti  •  qu'il  s'esl 

•  répandu  4ins  ces  derniers  siècles  un  obscurcissement  général 

•  sur  des  vérités  de  la  plus  haute  importance  ,  lesquelles  eoncer- 

•  nent  la  religion ,  sont  la  btise  de  la  toï ,  et  ta  doclrlne  moralfl 

•  (le  Jésus-Clirisl,  •  Quel  dommage  que  Pie  VI  ait  eu  la  mala- 
dresse de  condamner  comme  hérétique  cette  précieuse  maxime  ^  I 
C'cit  UQ  nouveau  coup  porté  aux  cent  une  propositions  extraites 
des  Mltriim»  moraUt ,  ï  toute  la  doctrine  janséuienne ,  m£me  k 
la  petite  Église ,  qui  n'usera  peui-étre  plus  se  vanter  de  posséder 
exclusivement  le  trésor  des  vérités  saintes  et  de  les  professer  seule  * 
explicitement.    Uais  que    disons-nousT  Le  coup  est  paré  d'à-" 

4°  Car ,  placé  !i  la  tf  te  de  la  faction  révoltée  ,  il  but  ou  quo    1 
Quesnel  recule  cl  se  soumette  hujublement ,  ou  qu'il  s'attende  11    i 
voir  tomber  sur  sa  tête  les  foudres  de  l'Église.  Trop  fier  pour  vou- 
loir plier,  il  ne  lui  reste  d'autre  parti  k  prendre  que  celui  de  cher- 
cher le  niojen  de  s'aguerrir  lui-même  et  d'aguerrir  ses  cbers  élui 
contre  des  armes  si  justement  redoutées.  Sun  grand  courage  lui  " 
en  découvre  bientfit  un  qui  est  digne  de  lui  el  des  siens ,  fort 
cnmmode  pour  débarrasser  eflicacement  de  toute  crainle  impor- 
tune ù  cet  égard,  très-capable  d'inspirer  de  la  hardiesse  contrfl 


Prop.  Lin. 

Voyrzia  prop. 

cv,  p.  39U,  cl  les  oliiit^rviit 

.■s,  p.  ilBclBui 

tlullc  Au,l.  fide 

prop.  1. 

•  persécul'iDu  des  inéchans.  I 

•  éï6ques  s'armer  contre  noi 

■  Uals  si  ces  léniéraires  en  ne 
>  c'est  évicleminenl  parce  que  m 

■  leur  indolence;  parce  q 


l'autorité  imposanle  des  premiers  pasteurs,  et  surtout  grandaHU 
accrùdilé  par  l'eiemplu  qu'i'ii  auji  donné  le  célèbre  patfiardM 
de  U  secle.  Or,  ce  moyen  si  edicace  et  admirable  aient  expédjlif, 
c'«t  de  méprisera  la  luis  ei  les  censures  ei  ccui  qui  les  pronao- 
cenl.  Entendons  raisonner  Quesnel  lui-même  auprès  de  ses  bons 
conQdeos;  mais  ressouvenons-nous  que  s'il  parle  ici  dant  le  sens 
de  ses  maximes  el  de  ses  principes  justement  développés,  Jl  le 
fait  aussi  avec  une  candeur  et  une  franchise  dont  on  ctierdierait 
en  vain  des  exemples  dans  tous  ceui  desesécrîisquîont  Tulejour. 
<>  N'en  doutons  pas ,  mes  aniis ,  noua  allons  être  eu  bulte  1  b 
nie  semble  voir  déjà  le  pape  el  la 
i  de  leurs  plus  terribles  censures. 
ienneiit  jusqu'i  nous  eicommpnier, 
nootronsan  lèlequi  condamne 
chercbons  à  dessiller  les  jeoi 

■  dis  peuples,  el  que  nous  annonçons  à  tout  l'uniTers  des  véritéi 
(  antiques,  que  la  malice  des  docteurs  a  enroules,  que  l'ignorance 

>  des  évéques  a  laissé  tomber  dans  l'oubli,  et  que  le  saint  apJ)tte 

>  Jansënius  a  tirées  enBn   du  milieu  des  léucbres  épaisses  qui 

>  courraient  naguère  luuie  l'ËglJse.  Or,  des  excommunicaiions 

•  de  celle  nature  sont  k  coup  sur  trèt-injuttet  ;  elles  ne  peurertt 

•  donc  nous  emyicher  de  faire  notre  ineir.  Les  touffrir  en  paix, 

>  pluldl  que  d'abaadonnei'  ou  àe  trahir  les  vértUt  précieuses  dont 
LS  el  les  nôtres  sommes  les  seuls  prédicateurs,  e'eU  imiter  le 

>  pieui  dÉTOuement  de  taint  faut,  (|ui  eût  consenti  i  se  voir  bn- 
i>  lliématiser  pour  le  salut  de  ses  frères.  Aussi ,  ces  plaies  que 

•  s'eObrceront  de  nous  iaîre  ces  pasteurs  ineemidérét ,  qui  jugent 

•  en  aveugles  et  lam  vouloir  rien  ej:aminer,  ue  seront  qu'ippi- 
:s  et  qu'eitérieures ;  Jésus  en  eiupécbera  l'elfet  réel,  du 
au  moins  il  le  guérira  aussitûi  que  nous  l'aurons  ressenti. 

>  Uais  que  dis-jeï  Non,  on  ne  tort  jamais  de  l'Églite,  Ion  mime 

•  qu'il  temble  qu'on  en  soit  banni  par  la  miclianceU  det  hùmmn , 
If  attaché  à  Dieu  ,  à  Jétui-Chriat ,  et  ù  t'Églite  «uVifi* 

tpar  la  charité,  comme  nous  le  sommes.  Prenons  act«  de  ce 

■  qu'enseignait  publiquement  un  sage  dont  1*  doctrine  ne  fut  pas 

•  en  tout  inutile  au  courageux  évèque  d'Vpres.  Je  vous  parle  de 

•  l'illu  Ire  Widef ,  contre  lequel  se  ruèrent  vainement  des  b\i- 

■  que»  anglais  assemblés  à  Londres  ',  Jean  XXIll  avec  son  sj- 

'£a  1413, 


QVF.  501 

(  noOe  romain  *,  et  le  sèrtiu  coucilc  de  Cunsiance  :  sa  ducirine  a 
I  Franchi  plus  de  Irois  siècles,  non  sans  produire  de  grands  èiè- 

>  nemeDS,  et  dods  Eommesdans  lu  position  d'en  tirer  de  précieux 

•  avantages.  Si  cet  humtne,  i  jamais  digne  d'éloges  ,  est  allé  par 

•  l'ois  un  peu  trop  loin  (  ce  que  je  n'examinerai  pas  ici  ) ,  assurê- 

•  ment  ce  n'est  pas  touchant  l'objet  qui  nous  occupe.  Or,  Wiclef 

•  voulait  qu'un  prélat  ne  lan^îL  point  une  excommunication ,  ft 

>  moins  qu'il  ne  fût  bien  certain    d'avance  que  le  sujet  qu'il 

>  se  proposait  de   Trapper  était  déji   eicommunié    de   Dieu.  Il 

>  disait   que  ceux  qui  abandonnent  la  prédication  de  la  parole 

>  divine,  ou  qui  cessent  de  l'entendre  par  la  crainte  d'une  ei 

•  communication  ,  étaient  eux-mêmes  excommuniés.  Il  accusait 

>  de  haute  trahison  (  remarquons  bien  ceci]  un  prélat  qui  serait 

>  assez  téméraire  pour  anatliémaiiser  un  clerc  qui  aurait  inter- 
t  jeté  appel  auprès  du  roi  et  de  l'assemblée  de  la  Dation.  Il   ras- 

■  surait  ses  disciples  contre  les  censures  du  pape  et  des  évéques, 

>  en  traitant   leurs   excommunications  de  censures    de  l'Ante- 

•  christ.  Mais  voici  une  maxime  qui,  pour  n'avoir  pas,  ce  temlile, 

•  un  rapport  bien  direct  â  ce  que  nous  traitons,  n'en  a  pas  moins 

>  d'importance  pour  nous,  à  cause  de  la  vérité  lumineuse  qu'elle 
I  renferme,  et  parce  que,  il  ce  que  je  prévois,  nous  serons  dam 
a  peu  forcés  d'en  Taire  U3.ige  pour  soutenir  nos  5mes  dévoles. 

•  Écoutei-donc  cette  précieuse  maxime,  que  je  vais  vous  rapporter 

•  mot  i  mot  :  Il  eil  permis  à  un  d'iacTf,  dit  notre  admirable  docteur, 

•  ou  d  un  pr^ir«  de  prtckrr  la  parole  de  DUu  *ant  avoir  rteouri 

•  à  t'aulorilé  du  siiçe  apostolique  ou   d'un   iviqite   calMiquê  *. 

•  Maxime  qu'on  peut  étendre  sans  doute  aux  autres  fonctions  da 

>  sucré  ministère.  Je  me  réjouis ,  mes  cbers  frères ,  de  ne  vous 

■  avoir  pas  enseigné  jusqu'ici  une  autre  doctrine.  Hé  I   n'est-ce 

•  pas  dans  ce  trésor  si  riclie  que  les  réformateurs  du  siècle  der* 

■  nier,  avec  lesquels  nous  avons  des  rapports  multipliés  et  Irès- 

■  étroits,  quoique  nous  ajons  soin  de  le  nier  dans  nos  écrits  et 

•  dans  DOS  discours  publics;  n'est-ce  pas,  dis-je,  dans  ces  dogmes 

•  lumineux  du  vaillant  athlète  anglais,  que  Jean  llus ,  son  cher 

>  JérOme  de  Prague ,  Luther  cl  Calvin  ,  pour  n'en  pas  nommer 

>  beaucoup  d'autres  très-renommés  dans  l'histoire,  puisèrent  cette 

<  En  Ulî. 

'Prop.  li,  11,  13,  U,  30,  inler  dimiMil.  "  (oncil.ZowiXwl,  apud 
Harduluum,  t  8,  coU  300. 


\ 


50S  QUE 

fermeté  noble  avec  laquelle  ils  s'élevèrent  ai  fort  «n-deasitt  daa 
foudres  du  Vatican  et  de  celte  assemblée  de  seolastiques  qi^oa 
nomme  concile  de  Trente?  Imitons  rbéroTsme  de  nos  générem 
prédécesseurs.  Il  est  vrai  que  la  borde  des  théologioia  et  des 
canonistesy  qui  tiennent  encore  à  la  doctrine  de  TËgliae  catho- 
lique, enseignent  des  maximes  bien  différentes  de  celles  qne  je 
viens  de  vous  exposer.  Ils  disent,  par  exemple,  avec  im  andea 
pontife  de  Rome,  que  celui  qui  est  sous  la  main  du  pasteur  doit 
craindre  d*en  être  lié,  même  injustement  *  ;  qu*nne  exQommmii- 
cation,  pour  être  injuste,  n*est  pas  toujours  nulle,  ni  sau  pro-  . 
duire  son  effet;  qu*il  faut  donc  la  redouter,  s^en  foire  absoiidre 
quand  on  Ta  encourue,  abandonner,  plut6t  que  de  s*en  lûaser 
frapper,  un  devoir  seulement  apparent,  dispensable,  pré- 
tendu, etc.  Ils  osent  m*accuser  en  particulier  de  n'avoir  parlé 
sur  cette  matière,  comme  je  Tai  fait  dans  mes  saintes  BéfioAtm 
moraUêf  que  pour  me  soulever  et  soulever  ensuite  effrontément 
ceux  qui  me  suivent  contre  Tautorité  du  pontife  romain  et  de 
ses  collègues  les  évéques.  Mais  que  nous  importe  tout  cela? 
Noire  parti  est  déjà  nombreux  :  Us  ne  eoMentiront  Jtmuiis  aux 
excommunications  précipitées  des  méchans  ;  et  par  ce  moyen  il 
sera  impossible  qu*aucun  homme  nous  sépare  du  saint  bercail. 
Au  surplus,  il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  les  grandes  vérités  que 
le  bienheureux  abbé  de  Sainl-Gyran,  Tami  intime  de  notre  fon- 
dateur, révéla  autrefois  à  Vincent  de  Paule,  concernant  VA- 
glise  *,  Appuyés  sur  ces  vérilés  incontestables,  comme  sur  un 
fondement  solide ,  nous  travaillons  de  concert  à  régénérer  le 
corps  mystique  de  Jésus-Christ  ;  ou,  s* il  se  montre  irréformable, 
à  préparer  au  libérateur  des  justes  une  autre  épouse  qui  sera 
plus  digne  de  lui,  et  qui  lui  restera  fidèle  à  jamais.  » 
5  '  Après  ce  que  nous  venons  de  dire ,  et  tout  ce  qu*on  a  vu 
jusqu'ici  touchant  notre  ex-oralorien  ,  iî  nous  paraît  inutile  d'al- 
longer ce  mémoire ,  en  cherchant  à  développer  le  mauvais  sens 
que  présentent  ses  propositions  xciv ,  xcvi ,  xcvii ,  xcviii ,  xca , 
c  *.  Quiconque  les  lira  sans  prévention  ne  pourra  s'empêcher 
d'être  surpris  de  l'insolence  avec  laquelle  Quesnel  s'élève  con» 
tre  le  souverain  pontife  ,  les  évéques  de  France  et  Louis-Ie- 

*  Saint  Grég.-le-Grand,  homil.  16  in  Evang. 

^  Foyex  son  discours  impie,  p.  413  de  ce  volume. 

•  VoyexAeSf  p.  394  et  sulv. 


yUK  503 

Granii ,  qu'il  accuse  de  dominer  nur  la  foi  dei  fidêlf*  ;  d'eutreifiiir 
des  dipîûon*  pour  des  cboietqiii  nebleueat  ni  la  foi  ni  te»  mœurt; 
d'éire  coairaim  aux  pr/dkaiean  de  ta  vérilé  ;  de  pei-séculer 
Ui  membrr»  te  ptae  Miulemeiit  et  le  plat  éirmtemtni  unis  à  l'£- 
glîie;  de  se  montrer enlclds,  prévenue,  obïiiaês;  de  dianper  m 
mUar  de  mort  les  boni  liura,  let  îmtrvcliinu ,  les  laial»  ti 
pies,  etc.,  etc.  Les  Junséuiates  einltenl  singulièrement  ces  pené- 
cutions  piéteudues.  k  les  entendre ,  les  prisons  étaient  remplies 
de  leurs  suinls  confesseurs;  les  terres  èirungéres  se  IrouvaienL 
surchargées  par  la  multitude  presque  inlinie  des  exilés  ;  les  cen- 
sures tombuicnl  suc  leurs  télés  comme  quand  il  grêle  bien  fort  ; 
des  spoltatious  injustes  réduisaîenl  ï  l'extrémité  de  n 
victimes.  Il  est  ficbeux,  au  plutûl  fort  heureux,  que  le&  disciples 
de  Jansénius  se  montrent  ù  cet  égard  ausdi  peu  véridiques  que 
quand  ils  parlent  hieloire,  discipline,  etc.,  en  preuve  de  leur 
doctrine.  On  peut  consulter,  sur  li  persécution  dont  il  s'agit  ici, 
les  Mémoire»  pour  «ervir  à  i'hittoire  eecUtiatliqiie  pendant  la 
dix-huilUme  Mifcle,  etc.  ^ 

Uais  si  les  mojens  de  répression  employés  par  les  puissances 
pour  ramener  les  Jansénisles  i  l'unité;  pour  les  engager  &  se 
soumettre  à  des  aulorilés  établies  de  Dieu  ;  pour  les  empêcher 
d'infecter  les  lidéles  de  leurs  dogmes  liËrétiques  ,  et  de  semer 
partout  des  maximes  qui  tendaient  i  renverser  et  l'autel  et  le 
trûne ,  étaient  des  actes  de  tyrannie  et  de  vraies  persécutions ,  il 
faut  l'avouer ,  le  glaive  dont  le  Toul-Pulssani  a  ceini  le  côté  des 
rois,  el  les  armes  spirituelles  qu'il  a  placées  entre  les  mains  des 
pontifes,  sont  inutiles  et  ne  peuvent  avoir  aucun  nsagc.  C'est  dono 
ï  tort  que  les  législateurs  font  des  lois  pour  euipécher  les  dés- 
ordres,  el  qu'ils  cbargent  les  magistrats  de  l'exécution  de  ces  loU. 
L'élise  devrait  aussi  laisser  les  novateurs  dogmatiser  à  leur  aisu, 
et  bien  se  garder  de  les  troubler  dans  leurs  courses  apostoliques, 
soil  en  les  menaçant,  soil  en  les  frappant  de  ses  censures.  Il  est' 
vrai  qu'il  rteulurait  de  cette  tolérance  singulière  des  troubles,  des 
révolutions,  des  schismes,  des  hérésies,  une  foule  de  maux  incon- 
cevables; il  faudrait  même  retrancher  des  Livres  saints  beaucoup 
de  telles  que  le  Saint-Esprit }  a  mis  pour  apprendre  aux  supi- 
rieurs  ce  qu'ils  doivent  i  ceni  qui  leur  sont  soumis  el  la  manière 
(le  les  gouverner.  Mais  qu'importe?  Les  nouveaux  diielples  de 
mini  AugHtiin  le  veulent  :  il  faut  bien  croire  qu'ils  ont  raison, 
puisqu'ils  forment  i  eus  seuls  la  VRiie  figlîse,  et  que  la  sociéiâ' 


504 


Qit: 


CHlIiolique  ii'esl  plus  qu'une  adullère ,  qui  ne  connatt,  ni  cdni 
qui  fut  mirerais  son  époux ,  ni  les  vérités  saintes  donl  elle  mît 
reçu  J'abonJ  de  lui  le  sacré  dépûi. 

6*  Cependunt  de  tous  les  genres  de  persécution  exercés  contra 
les  malheureux  enlans  de  Junsâuius,  le  plus  aUvce  sans  doute  et 
celui  qui  fait  Terser  un  lorreot  de  larmes  au  bon  père  Quemel , 
c'est  la  signature  du  rormuUire  d'Alexandre  Vil.  Lepieoi  fugiiif 
voit  dans  celle  signalurc  an  serment  ;  el,  qui  pis  est,  un  sermeot 
qui  condamne  cinq  propositions  du  grand  patriarche,  comme 
élaui  hérétiques,  comme  eonienues  dans  son  livre,  cooime  rtn- 
ferroani  le  sens  de  ce  cher  ouvrage  el  de  l'auteur.  Quelle  misèrtï 
Il  fauL  donc,  ou  abjurer  loul  de  bon  le  Jansénisme,  pour  erobni- 
ser  la  foi  orthodoxe,  ou  refuser  le  fatal  serment  el  s'ei poser  11 
passer  pour  rebelle  et  hérétique.  Mais,  ce  qui  scbève  de  jeter 
l'amertume  et  la  désolation  dans  le  coeur  paternel  du  tendre  chef, 
c'est  qu'il  voil  de  plus  presque  tous  ses  disciples  ,  naguère  si 
généreux  délenseurs  de  la  morale  sévère  ,  ennemis  si  dérUrés 
des  moindres  équivoques,  descendre  lout^-cotip  de  la  liauleur 
lie  leurs  sublimes  principes,  pour  se  traîner  dans  le  relichenieDi 
le  plus  étonnant  et  le  plus  contradictoire  ,  volant  à  un  serment, 
au  moTen  d'équivoques  pires  mille  fois  que  celles  qu'ils  avaient 
combattues ,  se  rendant  scandaleuse meni  parjures  aux  jeui  de 
tout  l'univers,  par  nne  feinte  Ucbe  dont  on  ne  trouve  d'exemple 
dans  rbistoire  que  de  la  part  d'hommes  scélérats  ou  impies.  En 
faut'il  davantage  pour  exriter  le  zËle  inllammable  du  vigoureux 
Queenel  ;  animer  sa  plume  toujours  éloquente,  quand  elle  est  em- 
plo)ïe  ï  déclamer  contre  le  pape  et  les  évêques,  et  pour  l'engager 
à  crier  contre  la  multitude  des  sermeos  en  usage  dans  l'ËgliseT 
Il  eiL  vrai  qu'il  n'y  a  que  celui  du  formulaire  qui  le  désole  et  loi 
échauffe  la  bile  ;  mais,  afin  de  déguiser  !i  son  ordinaire  ses  seoii- 
mens  el  sa  doctrine ,  il  esi  nécessaire  de  généraliser  ses  plaïnles. 
Ceci  ce  qui  l'engage  â  dire  tout  nettement,  dans  sa  proposiiioa 
cent  une,  que  .  rien  n'est  plus  contraire  \  l'esprîl  de  Dieu  et  i 

•  la  doctrine  de  Jésus-Christ  que  de  rendre  commuus  les  sermem 

■  dans  l'L^lise;  parce  que  c'est  multiplier  les  occasions  des  par- 
> jures,  dresser  des  pièges  aux  faibles  et  aux  ignorans,  et  faire 

■  quelquefois  servir  le  nom  et  la  vérité  de  Dieu  mx  desseins  de» 

•  mt'clians.  •  Ainsi,  suivant  notre  auteur  si  lumineux  et  si  véri- 
diqiie,  l'Ëglise  s'est  touveni  trompée;  elle  a  tendu  bien  an 
pièges  A  ses  enfans  el  jiresqiie  toujours  mécminu  l'cspril  de  Dioa 


QV¥. 
Pl  h  doctrine  de  Jùâus-Clirïst  ;  puis(|u'il  lui  est 
rens  temps,  d'exiger  i\e.»  sermens,  pour  séparer 
ciles  lies  partisans  du  scliîsme  et  de  l'erreur;  qui 
il  Trâqueniment  demandû  ï  ceui  qu'elli 


r.05 

iv.i,  en  dillï-- 
I  ouailles  do- 
s  conciles  en 


minisireg,  cliarger  des  fonclioDS  pastorales,  élever  auï  dignités; 
et  que  inainlenant  eneore  un  prSlre  n'arrire  pas  à  l'épiscopat 
sans  s'èire  astreint  par  la  foi  du  serment  1  garder  l'uuiié  que  le 
Fils  de  Dieu  a  établie  dans  sou  corps  mystique. 

7°  Ce  qui  néanmoins  étonne  beaucoup  dans  U  manière  de  voir 
de  Quesnel ,  touchant  la  conduite  de  la  plupart  de  ses  adhi^rens, 
au  sujet  de  la  signature  du  formulaire  d'Alexandre  VU ,  c'est 
qu'il  parait  ;  oublier  entièrement  une  maxime  qui  aurait  t\ii  le 
consoler  et  même  le  rendre  tout  au  moins  ÎDdiiïérent  sur  l'objet 
de  sa  grande  douleur.  En  elTet ,  si  ■  l'iiomme  peut  se  dispenser, 
•  pour  sa  conservation  ,  d'une  loi  que  Dieu  a  faite  pour  son  uti- 
■  lilé  <,  •  pourquoi  les  Jansénistes  n'auraient-ils  pas  fait  i  tort 

it  commandé  par  la  bulle  du  pape  AleïandrA-^ 


îxigé  par  tous  les  évêques  orthodoxes  di^  France  ?. 


IIS!^ 


juraicni  en  préunt  ce  serment ,  puisqu'ils  prenaient  le 
Dieu  à  témoin  qu'ils  abjuraient  sincèrement  une  Jocirine  comme 
hérétique  ,  comme  contenue  dans  le  gros  volume  de  Jansénius, 
comme  renfermant  le  sens  de  ce  livre  et  de  t'aulenr,  Inndis  qu'ils 
rrojaient  cette  même  doctrine  fort  orthodoxe,  ou  qu'ils  la  regar- 
daient comme  étrangère  an  lifre  et  !i  l'auteur  de  cette  production: 
soit.  Mais  laloidenepas  jurer  en  »ain  ne  vient-elle  pas  de  Dieafi 
N'est-elle  pas  aussi  pour  l'utilité  de  l'homme?  Car  quels  avantage!  ' 
la  société  n'en  recueille-t-cUc  point?  Les  Jansénistes  pouvaient 
donc  se  dispenser  de  cette  loi  poor  leur  conserration.  Car,  que 
serait  devenu  le<fr  parti  dans  les  pays  où  l'on  exigeait  U  signa- 
ture du  formulaire  *  D'ailleurs  le  refus  de  le  signer  n'éiait-il  pas 
m  molifpour  les  supérieurs  de  les  dépouiller  de  leurs  liénéficeB^ 

Kdelcur  interdire  leurs  fonctions,  de  les  empêcher  de  parvenir  an 
«cerdoce,  aux  degrés,  aui  dignités?  Or,  ces  bénéfices,  ces  fonc- 

,  n'étaicnt-ils  pas  nécessaires  ï  la  subsistance  de  l«  i 
bloparl  d'entre  eux,  et  aussi  pour  le  maintien  de  1»  bienlipi 
Mcir?  Le  parjure  leur  était  donc  permis,  et  maître  Quesnel  a  grantï  I 

fttori  d'en  déplorer  le  crime,  qui  u" était,  suivant  sa  commode  pro^l 
losilion ,  qu'un  fantôme  cl  qu'une  vraie  cliimèrc. 


Mt  QUI 

A»  fond»  il  en  tM  de  Toir  <iiie  It  proposîlioa  4e  «Mv 
Um  mr  ki  dupeimes,  qa*0B  peat  s'aeomrd^  d*«itorilé  privée , 
owrre  la  porte  à  tous  les  crimes  imaginables ,  à  tom  les  désordres 
psssibles»  otqu'eUe  contient  Texcès  mêsM  du  rtlftobanieal*. 

Moffem  employée  par  le»  Quesnellisieê,  peur  piire  îri9m§ker 

leur  cause. 


Ce  mémoire  étant  devenu  déjà  trop  prolixe ,  mmu  i 
pas  ici'  dans  le  détail  de  ces  moyens.  Pour  peu  q^*OÊk  ail  étudié 
rhistoire  de  cette  secte,  on  a  dû  se  convaincre  qu'elle  fbmaîl  un 
parti  décidé,  unecabale  digne  de  succéder  à  la  Fronde,  une  eqpèee 
d'ordre  qui  avait  ses  constitutions ,  ses  cbe& ,  ses  fin—ces  ,  ses 
oommunautés  religieuses ,  ses  séminaires ,  ses  collèges ,  %t  uu  es- 
prit de  sèle  on  ne  peut  pas  plus  caractérisé.  Tous  les  moyens 
employés  par  les  errans  qui  avaient  précédé  le  Jansénisme  lui  de- 
vinrent propres  :  altérations  dans  les  faits  historiques ,  déguise- 
■ens  dans  la  doctrine ,  mensonges ,  calomnies ,  invectives  contre 
les  autorités  les  plus  respectables,  haine  cruelle  contre  ceux  qui 
'  les  combattaient,  flatteries  pour  corrompre,  impostures,  paijuresy 
tout  ce  qui  pou^it  mener  au  but  était  bon ,  permis,  saôé.  Nous 
ne  parlerons  pas  des  faux  miracles ,  des  prophéties  feintes ,  des 
oonfulsions  scandaleuses,  descrucifiemens  qui  étaient  Técueilde 
la  pudeur:  tous  n*admircnl  pas  universellement  ces  moyens  odieux. 
On  peut  consulter  sur  ces  divers  objets  plusieurs  des  ouvrages 
que  nous  avons  cités  dans  le  cours  de  cet  article,  et  une  multitude 
d'autres  monumens  historiques. 

QUIÉTISME.  Ce  mot  exprime  Tétat  de  repos  ou  d'impassibi- 
lité auquel  une  espèce  de  mystiques  contemplatifs  pensent  arriver, 
en  s*uoissaut  à  Dieu  par  la  méditation  ou  par  Toraison  mentale. 

Nous  nous  unissons  en  quelque  sorte  aux  objets  par  la  pensée, 
et  un  objet  qui  absorbe  toute  notre  attention  semble  s'identifier 
avec  nous. 

*  On  peut  consulter,  sur  les  cent  une  propositions  condamnées  par  la 
bulle  Unigenitus,  les  Anti-Exaples  du  P.  Paul  (de  Lyon),  capucin  ;  la 
Nouvelle  défense  de  la  consUt'ution  de  N.  S.  P.  lé  pape,  portant  con- 
damnation du  Nouveau  Testament  du  Père  Qucsnel,  de  Claude  le  Pel- 
letier ;  un  ouvrage  anonyme  intitulé  :  Les  cent  une  propositions  extrai- 
tes du  livre  des  Réflexions  morales  sur  le  Nouveau  Testament,  qualifiées 
en  détail  ;  les  Enirotiens.  du  docteur  au  sujet  des  affaires  présentes  par 
rapport  à  la  religion,  etc.,  elc« 


On  a  donc  regarda  la  nii'Hlituiion  ou  la  conicraplalion  d 
fedluns  divines  comiue  un  moyen  de  s'unir  à  l>ieu  :  on  ) 
forcé  de  se  détaulier  de  tous  les  objets ,  pour  m  I'lvi 
traction  â  la  contemplation  dn  perfeclions  diviops-  On  a  imaginé  do 
uiélliodes,  el  l'on  acm  que  l'ime  pouvait  coDiem  pi  erl'Mseii  ce  divine 
funH  disiraclion,  els'unir  A  elle  iDlimemem;  qu'une  vue  ai  parfaite 
de  l'essence  divine  éuii  jointe  ï  l'amour  le  plus  ardenl;quele«  fa- 
cultés de  l'ime  étaient  absorbées  pur  son  uuion  avec  Dieu,  qu'elle 
ne  recevait  plus  aucune  impression  des  objets  terrestres  :  cet  état 
de  l'âme  est  ce  qu'on  appelle  quiétude  ,  ou  le  Qniéiisme. 

On  conçoit  aisément  tous  les  excès  oti  l'esprit  humain  peut  se 
porter  en  pariant  deces  principes,  et  que  le  Quiétisme  peut  pres- 
dre  mille  formes  dilTéretites  ,  selon  le  caractère  et  les  idées  de 
ceuï  qui  en  adoptent  les  principes  :  les  Gnostiques,  les  Carpocra- 
liens,  tes  Vatenilniens ,  les  Hésicasies,  les  Béguards  ,  leslllumi' 
nés  ,  Holinos ,  Halaval ,  Guillot ,  madame  Gu^on,  H.  de  Féntion  , 
sont  des  Quîélistes;  mais  leur  Qniéiisme  est  bien  dilTérenU 

Molinos  est  un  des  ^us  célèbres  :  c'était  un  préire  espagnol , 
qui  s'établit  il  Rome  vers  la  Sn  du  dix-septième  siMe.  Il  enaeigaft  1 
le  Qiiiétisme  dans  son  livre  inlilulé  :  la  Conduite  tpiriluetle,  d'oH  \ 
l'on  lira  soiianie-huit  propositions  quifurent  condamnée!  o 
béréliques  el  scandaleuses.  Holi nos  se  rétracta,  et  fut  condamné  à  " 
une  prison  perpétuelle.  Molinos  avait  cependant  joui  ï  Rome  d'uM 
réputation  éclatante  de  sainteté,  et  il  a  eu  des  apologistes,  aussi 
bien  que  le  Quiétisme.  Madame  Cujon  eut  aussi  beaucoup  de  ce- 
iébrilé;  H.deFénélonladéfetiitil.  Voftci,  sur  les  Quiélisies,  rela- 
tion du  Quiéiisme  ;  recueil  des  diflérenles  pièces  concemiuil  ta 
Quiétisme  ;  l'instruclioD  de  H.  Bossuet  sur  les  états  d'oraison; 
l'histoire  abrégée  du  Quiéiisme ,  qui  esi  i  la  léle  du  siiième  vo>-    I 
lume  des  œuvres  de  H,  Bossuet. 

Toute  cette  querelle  fut  terminée  par  un  jugement  du  saint  Siège, 
auquel  M.  de  Fénélon  se  soumit  avec  une  simplicité  qui  prouvait 
également  la  pureté  de  ses  Inleutions  ,  la  candeur desoD  œur  et 
rélévaiiondosonftme. 

I" 
REBAPTISAA'S  ;  c'est  le  nom  que  l'on  donnait  &  ceux  qui  pré-  | 
tendaientqu'iirallailTebapliâer  les  héréiiquet:  cette  erreur  fuld'i- 


508  RËB 

bord  soutenue.parÂgrippin,  ensuite  par  saint  Gyprîeii,ei  adoptée 
dans  le  quatrième  siècle  par  les  Donaiîstes. 

L*an  255  »  on  commença  à  disputer  en  Afrique  sur  le  baptême 
des  hérétiques. 

LesNoYatiens  rebaptisaient  tous  ceux  qui  ptss»eûtdaBt  leur 
parti.  Un  nommé  Magnus,  croyant  qu*il  ne  fallait  avoir  rien  de 
commun  avec  les  hérétiques,  ou  craignant  qtt*on  ne  parût  suivre 
I^ovatien  en  rebaptisant  comme  lui,  demanda  à  saint  Gyprien  s*il 
Mait  rebaptiser  ceux  qui  quittaient  le  parti  de  NoTaticD  et  ren- 
traient dans  rËglise  ^ 

Saint  Gyprien  répondit  que ,  puisqu'il  fallait  rebaptiser  tous 
ceux  qui  avaient  été  baptisés  par  des  hérétiques  ou  schismati- 
ques,  les  Novatiens  n'en  devaient  pas  être  exceptés  ;  U  se  fondait 
sur  ces  principes  : 

1«  Ceux  qui  sortent  hors  de  TËglise  doivent  être  considérés 
comme  des  païens,  et ,  par  conséquent,  tout-à-lait  incapables  de 
faire  les  fonctions  de  ministres  de  Jésus-Christ. 

2*  L'Église  étant  unique  et  renfermée  dans  une  seule  commu- 
nion, il  fallait  qu'elle  fût  du  côté  de  Novatien  ou  de  celui  de  Cor- 
neille. 

3°  Novatien  ne  pouvait  pas  donner  le  nom  d'Église  à  son  parti, 
parce  qu'il  était  destitué  de  la  succession  des  évéques,  ayant  été 
ordonné  hors  de  l'Église. 

4*  Les  hérétiques  et  les  schismatiques  étant  destitués  du  Saint- 
Esprit,  ils  ne  pouvaient  pas  le  conférer  a  ceux  qu'ils  baptisaient , 
non  plus  que  le  pardon  des  péchés ,  qu'on  ne  pouvait  accorder 
sans  avoir  le  Saint-Esprit:  qu'on  ne  peut  se  sauver  hors  de  la  vraie 
l^lise  ;  que  par  conséquent  on  n'avait  point  de  vrai  baptême  hors 
de  TÉglise,  et  que  Novatien  ne  pouvait  regarder  son  parti  comme 
la  vraie  Église,  ou  qu'il  fallait  dire  que  Corneille,  le  seul  légitime 
successeur  de  Fabien  ,  Corneille ,  qui  avait  remporté  la  couronne 
du  martyre ,  était  hors  de  l'Église  ;  enfin  il  prouve,  par  l'exemple 
des  tribus  schismatiques  d'Israël,  que  Dieu  hait  les  schismatiques; 
qu'ainsi ,  ni  les  schismatiques,  ni  les  hérétiques  n'ont  le  Saint- 
Esprit. 

Saint  Cyprien  dit ,  dans  cette  lettre,  tout  ce  qu'on  peut  dire  en 
faveur  de  son  sentiment;  cependant  elle  ne  leva  pas  toutes  les  dif- 
ficultés des  évéques  de  Numidie.  Dix-huit  évéques  de  cette  pro- 

*  Cypr,,  cp.  69.  éOiU  de  Dodvcl, 


ï 


REB  509 

ïîiice  écrivirent  de  nouveau  ù  suiat  Cjprien  ,  <|i[i  convofiiia  uo 
concile  dans  lequel  ou  déclara  que  personne  no  jniuvail  êlie  bap- 
tisé horsUerÉelise. 

Malgré  la  décision  du  coucilc  d'Afrique ,  beaucoup  d'év&|im 
préféraienl  la  coutume  ancienne  au  sentiment  de  Cyprien,  quî 
convoqua  un  nouveau  eoncile,  oti  les  évêques  de  Numidie  et  d'A- 
frique se  trouvèrent  :  ce  liccond  concile  conlirma  la  décision  du 
premier  concile  de  Cai'lhage  sur  la  nullité  du  baptême  des  héréti- 
ques. Le  concile  infumia  le  pape  Etienne  de  re  qu'il  avait  jugé  ; 
mais  le  souverain  ponlile  condamna  le  jugement  des  Pérès  da 
CnrtLage. 

La  lettre  de  saint  Etienne  est  perdua;  mais  on  voll,  par  celle  dflf 
saint  Cj'prien,  que  ce  pape  insislail  beaucoup  sur  la  tradition  et 
sur  la  pratique  universelle  de  l'Église,  dans  laquelle  il  ne  faut  rien 
innover, 

SaintCyprien  ,  pour  se  soutenir  contre  l'autorité  du  siège  de 
Honte ,  convoqua  un  IroïsiÉme  concile,  composé  de  quatre-vingt- 
sept  évéques  africains,  numides  et  maures  :  on  y  conBmia  lejuge- 
ment  des  deui  conciles  précédent  sur  la  nullité  du  baptême  des 
liérétiqaes.  Saint  Cjprien  écrivit  k  Firmilien  ,  sur  lu  contestatiim 
qui  s'était  élevée  entre  le  pape  et  l'Ëglise  d'Afrique ,  et  Firmilien 
approuva  le  sentiment  de  saint  Cyprien. 

On  mil  de  part  et  d'autre  beaucoup  de  vivacité  et  de  chaleur 
dans  cette  dispute.  Saint  liltienne  menaça  d'oicommunior  les  Re- 
baptisans;  mais  il  n'y  eut  point  d'eicommunicatiun  portée,  du 
moins  aucon  de  ceux  qui  l'ont  prétcudu  n'ont  jusqu'ici  donné  au- 
cune preuve  convaincante  de  leur  sentiment  ;  car  il  y  a  bien  de  la 
didérence  entre  l'excomntunication  et  le  refusquelepape  Etienne 
Ht  de  communiquer  avec  les  députés  d'Afrique ,  ou  une  menace 
de  se  séparer  de  saint  Cyprien  ;  et  ce  sont  cependant  les  deux 
preuves  qu'on  apporte  pour  établir  que  saint  Etienne  excommu- 
'a  uint  Cyprien*. 

Lepape  Etienne  mourut,  etSixte,  son  successeur,  ne  pous»  pas 
'.^us  loin  la  contestation  de  la  validité  du  baptûmo  des  hérétiques, 
qui  fui  décidée  conformément  au  jugement  du  pape  Etienne 

I  Valois,  le  P.  Alex.  Sclielsirale.  Le»  Proleslans,  aussi  bien 
que  li^  callinliques,  se  soûl  partagés  sur  ce  point,  mais  ^  n>^  semble, 
]nr  quelque  raison  de  [varti  plutélque  par  des  raisons  tirées  de  l'his- 


i 


sto 


REB 


àuM  un  coDcHeplénier,  ?iou»  u'eiamineroiu  |ioint  si  cecûncile 
est  l«  coDCile  il«  Nioécou  celuid'Ârles;  celle  queslion  n'ett  d'au- 
cune imiiorUinue,  puisque  par  l'uu  et  par  l'auLre  concile  il  esic«r- 
tain  que  le  bapLème  des  b^rétiqus  est  ralide. 

SamiCjprien  n'appujail  son  opiaion  que  sur  âeê  parniogiunes  : 
ilpTétendailquel'hMlique  n'apnlm  leSaint-Espril,  □■  la  grtce, 
il  De  pouvait  la  duuaer  ;  mais  il  ett  certain  que  le  bapiOme  ne  li- 
rantB(inefli«icil6que  de  rinsiiiuiioo  deMu»<:iirist,  la  foi  du  mi- 
nistre ne  peut  empêcher  l'elTel  du  baptême,  pas  plus  que  l'étal  i« 
pécbé  dans  lequel  il  se  Irouverail  en  donnant  le  bapiëuie. 

Ce  qu'il  disait  que  persoDne  ne  pouvant  se  s.iut^r  liurs  de  U 
vraie  Église,  il  ue  pouvait  jatoir  de  baplAmediei  les  hérétique», 
est  encore  un  paralogisme;  car,  comme  on  ne  sort  de  U  mit 
Église  que  par  l'hérésie ,  c'esi-à-dire  par  U  révolte  k  l'autorité  de 
U  vraie  Église ,  dans  les  Bodélés  cbréiiennes  il  n'y  a  d'iiécéliqim 
que  ceux  qui  participent  ï  cet  esprit  de  révolte;  ceux  qui  n'y 
parlicipeni  pas  appartiennent  il  la  vraie  Ëylise  :  tels  sout  les  eo- 
laus  et  les  adultes  qui  sont  dans  une  ignorance  inviuciblc  de  la 
révolte  de  la  société  dans  laquelle  ils  vivent. 

Enfin,  le  pape  Etienne  opposait  i  suiol  Cjprien  tine  iradilioA 
uaiversclle  et  immémoriale ,  et  saint  Cjprien  reconnail ,  dans  M 
lettre  i  Quintus,  la  vérité  de  celte  tradition  ;  il  ne  remonte  pas  lui- 
même  au  deh  d'Âgrippin  ,  son  prédécesseur. 

Uais ,  dira-t-on ,  comment  donc  l'usage  de  rebaptiser  tes  itéré- 
liques  s'éuit-il  éublif  Le  voici  : 

Il  l'élail  élevé  dans  l'Église  des  hérétiques  qui  avaient  alléié  la 
Turme  du  baptême,  tels  que  les  Valentiuiens,  les  Basilidiens,  «c. 
Le  baptême  de  ces  hérétiques  êlait  nul ,  et  on  rebaptisait  ceux 
qui  se  couverliisaienl  lursqu'ils  avaient  été  baptisés  par  ces  hé- 
rétiques, ce  qui  u'eti  point  du  tout  favomble  au  seniimeDi  de 
sainl  Cyprien  '. 

l^es  Diinalistes  adoptèrent  Ee  sentiment ,  et  sainl  Augustin  l'a 
irês-bien  réfuté  dans  sud  livre  du  baptême. 

t  »'oj(eî,  dans  sainl  Ifénéc,  L  1,  cl8,  les  différentes  formuliï  de  ces 
hérétiques  ;  les  uns  baptisaiiml  au  nom  du  Père  de  loutn  chmea,  ^ 
êlait  icronnu  i  d' la  vérité,  qui  élnlt  la  mère  de  lauleschoirs;  de  M- 
■us,  deHXDdu  pour  recbder  le»  vertus  i  d'aMi^  w  srrvaient  dt  noms 
bîiarrei  cl  pruprcs  ï  élonucr  l'iuiagiualiou  :  ils  baptUoienl  au  iiom  de 
llaayma ,  de  Cucubasie,  de  Diarbada,  etc.  Les  Mardoailes  bapllaainil 
uu  nom  du  Juste,  du  Buu  cl  du  Méïhaiit. 


REF  SU 

RËPOHMÂTION  ;  c'est  le  nom  que  donnèrent  à  leor  schisme 
ouïes  les  secies  qui  se  séparèrent  de  l'Ëglise  romaine  dans  le 
commencpiueni  du  Beiiième  sitcle. 

L'histoire  ecclésiastique  ne  fournit  poinl  d'événement  plus  in- 
téressant ;  loul  éuil  tranquille  dans  l'Europe  ;  loules  les  Églises 
étaient  unies  par  h  même  foi ,  par  les  mêmes  sacremens ,  toutes 
éuienl  soumises  au  souverain  pontife  et  le  regardaient  comme  le 
clief  de  l'Eglise. 

Léon  X,  qui  occupait  alors  le  siège  de  Rome ,  envoya  des  in- 
diligences  en  Allemag;ne ,  en  Suisse  ;  un  inlérêl  sordide  en  abuse  ; 
Luther  s'élève  contre  cet  abus  et  attaque  ensuite  les  indulgence! 
mêmes,  le  pape  et  l'Église  ;  la  moitié  de  l'Allemagoe  s'arme  pour 
Luther  el  se  sépare  de  l'Ëglise  romaine;  le  Danemarck,  1*  Suède, 
une  partie  de  U  Hongrie  et  de  la  Potope  sont  enlralnêt  dans  le 
schisme.  VajwirariicleLnTiiEB. 

Dans  le  même  temps,  Zuingle,  curé  en  Suisse,  prêche  contre 
les  indulgences ,  attaque  presque  tous  les  dogmes  de  l'Ëglise  ro- 
maine, abolit  toutes  les  l'érémonies  et  détache  de  l'I^glisc  ratbo- 
lique  la  plus  grande  partie  de  la  Suisse.  Voyes  l'arl.  ZutitCLCi 

Luiher  et  Zuingle  appellent  Rélurme  le  changement  qu'ils  font 
dans  les  dogmes  el  dans  le  culte ,  et  prennent  la  qualité  de  Réfor- 
maieurs.  Ils  inspirent  leur  fanatisme  el  Tonnent  des  disciples  qui 
vont  porter  leurs  erreurs  dans  toute  l'Europe  ;  Ils  les  enseignent 
en  Angleterre,  el  l'Église  anglicane  en  adopte  une  partie;  ils  trou- 
blenl  les  Pajs-Bas ,  occasiunent  la  Turmalion  de  la  république  des 
Pruvlnces-Unies ,  et  font  de  la  religion  de  Calvin  la  religion  do- 
minante de  ces  provinces  ;  ils  pénètrent  en  France,  se  multiplient 
et  }'  obtiennent  des  temples  el  l'exercice  libre  de  leur  religion 
pendant  plus  d'un  siècle.  Vogci  les  articles  Ahglicuk  {Ègliie), 
lloLMNnB ,  Calvinistes. 

Du  sein  de  la  Béfomie  de  Luther,  de  Zuingle  et  de  Calvin, 
naquirent  mille  sectes  difTércnlrs  ,  aussi  opposées  entre  elle* 
qu'elles  étaient  ennemies  de  l'Eglise  rumaine  ;  tels  furent  les 
Anabaptistes,  qui  si!  divisèrent  en  treixe  ou  qnalnriie  sectes 
(tfoifeî  l'article  Asabsmistes);  tes  Sacra mentaires,  qui  se  dîvisetit 
en  neuf  diiféren tes  branches;  les  Cunressîonisies ,  partagés  en 
vingt-quatre  aectes  ;  les  Extravagans ,  qui  avaient  des  lenlinienft 
opposés  il  lu  confession  d'Ausbuurg  el  qui  se  divisèrent  en  tix 
séries  {l'osn  l'anicle  LirninieiLi!Tit£niE9S};  leslialvinistee,  qui 

e  divisèrent  en  tiomariilet  et  en  Arminici»!  en  Suitrn-LapsiirH 


512  BEF 

et  en  Infra-Lapsalres,  en  Puritains,  el  en  Anglicttis  (voffez  ces 
articles.)  Enfin  SerYet,  Okin,  les  Sociniens,  les  nouveaux  Ariens. 

L'histoire  de  toutes  ces  sectes  est ,  à  proprement  parler,  lliis- 
toire  de  la  Réforme ,  et  presque  Tbisloire  de  Tespril  humain  pen« 
dant  ces  siècles. 

Nous  avons  exposé  dans  chacun  'de  ces  articles  leon  principes» 
et  nous  les  avons  réfutés  ;  nous  avons  réservé  pour,  cet  article  Texa- 
men  de  leurs  principes  communs. 

Toutes  les  société  chrétiennes  qui  ont  pris  le  titre  d^Ëglises 
Réformées  se  sont  séparées  de  TÉglise  romaine.  Le  fondement 
de  cette  séparation  est  :  1«  que  TÉglise  romaine  était  tombée 
dans  des  erreurs  qui  ne  permettaient  pas  de  rester  dans  sa  com- 
munion ;  2*  qne  TËcriture  était  la  seule  règle  de  notre  foi  ;  3*  que 
tout  fidèle  était  juge  du  sens  de  TÉcriture  et  avait  droit  de  juger 
de  ce  qui  appartient  à  la  foi  \  de  se  séparer  de  la  société  qui  est 
tombée  dans  Terreur  et  de  s*attacher  à  une  autre,  ou  d*en  former 
une  nouvelle  dans  laquelle  il  rétablisse  la  foi  et  le  culte  dans  sa 
pureté. 

Nous  allons  faire  voir,  l**  que  les  erreurs  que  les  prétendus  Ré- 
formés reprochent  à  TÉglise  romaine  n*ont  pu  autoriser  leur  sépa- 
ration ;  2«  que  TÉcriture  n'est  pas  la  seule  règle  de  la  foi  ;  3*  que 
ce  n*est  point  aux  simples  fidèles ,  mais  aux  évéques ,  successeurs 
des  apôtres ,  qu*il  appartient  de  juger  des  controverses  de  la  re* 
Ijgion. 

§  I.  —  Les  erreurs  que  les  prétendus  Réformés  reprochent  à 
V Église  romaine  n'ont  pu  autoriser  leur  séparation. 

Les  Réformés  prétendent  justifier  leur  schisme  par  ce  raison- 
nement. 

On  ne  peut  demeurer  uni  à  une  secte  qui  oblige  à  faire  profes- 
sion de  diverses  erreurs  fondamentales  et  à  pratiquer  un  culte 
sacrilège  et  idolâtre  comme  Tadoratlon  de  Thostie ,  etc. 

Or,  rËglise  romaine  oblige  à  faire  profession  de  diverses  er- 
reurs fondamentales  et  à  pratiquer  un  culte  sacrilège  et  idolâtre. 

On  ne  peut  donc  pas  demeurer  dans  sa  communion ,  et  tous 
ceux  qui  sont  persuadés  de  la  fausseté  de  ses  dogmes  et  de  Tim- 
piété  de  son  culte  sont  obligés  de  s'en  séparer. 

Nous  avons  fait  voir  que  TËglise  romaine  u*est  tombée  dans  au- 
cune erreur,  Voyei  les  difl'éreos  articles  Lutheb,  Calvin  ,  Zvik- 


REK 

.,  et  tes  Proiesians  les  plus  iklairés  ont  é 


513 


erreur  fundameiitale  '. 
eiamiuer  le  sophisme  des  Proleslans, 


é  plutôt 


ruconnalire  qu'elle  i 
Nous  allons  présc: 
indépendamment  de  celle  discussion. 

Il  y  3  une  sÉparation  simple  et  oégaLivi 
danii  la  négation  de  certains  attes  de  coumuiûon  que  dans  des 
uctions  positives  contre  la  société  dont  on  se  sépare- 
Il  ;  a  une  autre  séparalioa  qu'on  peut  appeler  positive,  qui  en- 
fenne  l'érection  d'une  société  séparée ,  rétablisse  ment  d'un  nou- 
veau miuislère,  et  la  condamnation  positive  de  la  première  société 
à  laqurlle  on  était  uni. 

Les  prétendus  Réformés  ne  se  sont  pas  contentés  de  la  pre- 
mière séparation ,  qui  consiste  à  ne  point  communiquer  avec  l'fc- 
glise  romaine  dans  les  choses  qu'ils  prétendaient  être  mauvaises 
et  défendues  parla  loi  de  Dieu;ils  ont  formé  une  nouvelle  société, 
iitic  nouvelle  l^.glise  ;  ils  ont  établi  de  nouveiai  pasteurs ,  ils  ont 
usurpé  le  ministère  ecclésiastique ,  ils  ont  prononcé  anallième 
contre  l'Ëglise  romaine,  Us  ont  dégradé  et  cbsssé  ses  pas- 
La  séparation  dos  Proteslans  est  donc  un  schisme  inexcusable; 
car  l'usurpation  du  ministère  est  criminelle  par  ellii-métne  et  ne 
peut  être  justifiée  par  h  prétendue  idoldtrie  de  la  société  dont  on 
se  sépare.  ' 

Celui  qui  dirait ,  par  exemple ,  qu'il  est  permis  de  calomnier  I 
toute  société  qui  oblige  à  l'hérésie  et  ï  un  culte  idolAire  ;  qu'il  est 
permis  d'en  tuer  les  pasteurs  en  trahison  et  d'emplojer  pour  les 
exterminer  toutes  sortes  de  moyens,  avancerait  sans  doute  nne 
proposiiiuu  impie  et  hérétique ,  parce  que  les  crimes  des  autres  do 
donnent  jamais  droit  d'en  commettre  soi-même ,  et  qu'ainsi ,  en- 
core qu'une  l^tlisc  fUt^  hérétique,  il  ne  serait  pas  plus  permis 
delà  calomnier  et  d'employer  la  trahison  pour  en  Taire  mourir  les 
pasteurs. 

Ainsi,  quand  même  l'Ëglise  romaine  serait  hérétique  et  ido- 
lâtre, co  qui  est  une  supposition  impossible,  les  Kérormés  n'au- 
raient pas  eu  droit  d'établir  un  nouveau  ministère  ai  d'usorper 
celui  qui  était  établi ,  parce  que  ces  actions  sont  défendues  par 
elles-mêmes,  l'usurpation  de  la  puissance  pastorale  sans  mission 

'Tillolson,  Scttn.,  t  S,  serm.,  11,  p.  71.  Cliilii^ort,  dans  l'ou- 
vrage intitulé  :  Lit  religion  prolcstunlo  cat  une  voie  tOre. 


614  BEF 

éunl  tOQjoiirs  criniseUe  et  ne  pouYiDtéM  CMiAa  fm 
cirooiisUnce  étrangère. 

Car  c'ett  une  usurpattoo  criminelk  que  de  s^altriiMMr  m  doa 
de  Dieu  que  Ton  ne  peut  recevoir  que  de  lui  aenl  :  leDe  eatk 
paiflsanoe  pastorale ,  à  moins  qu'on  me  soil  auvé  de  Tefoir  rtçw 
et  qu'on  ne  puisse  le  prouver  aux  autres. 

Or,  Dieu  n'a  point  révélé  que  dans  le  tenps  de  la  mmfdÊê  loi, 
après  le  premier  établissement  de  l'ËgUse  »  il  eonummîqnerait 
encore  en  qudques  cas  extraordinaires  sa  puiamnoe  penlorais 
par  one  autre  voie  que  par  la  succession. 

Par  conséquent,  personne  ne  peut  s'assurer  de  l'avoir reçoe 
hors  de  cette  succession  légitime  ;  tous  cenx  qui  se  la  sontattri- 
imée  sont  notoirement  usurpateurs  ^. 

Pour  se  omvaincre  pleinement  de  cette  vérité,  il  ne  Cnil  qne 
se  rappeler  l'état  dans  lequel  ont  été  les  Réfomés»  aekna  les  hj^ 
potlièses  même  des  ministres  ;  car  on  ne  peut  ae  les  reptéaenter 
autrement  que  comme  des  hérétiques  convertis.  Ib  avaicBl  été 
adorateurs  de  l'hostie ,  ils  avaient  invoqué  les  saints  et  révéré 
leurs  reliques  ;  ils  avaient  ensuite  cessé  de  pratiquer  ce  culte,  ils 
étaient  donc  devenus  orthodoxe^ ,  selon  eux,  par  changement  de 
sentiment  «  et  c'est  ce  qu'on  appelle  des  hérétiques  convertis. 

Tout  hérétique  perd,  par  l*hérésie  dont  il  fsit  profession,  la 
droit  d'exercer  légitimement  les  fonctions  des  ordres  qu'il  a  re» 
eus,  quoiqu'il  conserve  le  droit  d'exercer  valideoMnt  ces  ordres  ; 
il  faut,  pour  recouvrer  l'exercice  légitime  de  son  autorité,  ae  ré* 
concilier  à  l'Église. 

Mais  à  quelle  Eglise  les  prétendus  Réformés  se  sontrils  réoon* 
ciliés?  ils  ont  tenu  une  conduite  bien  différente  ;  ils  ont  com« 
mencé  par  assembler  des  Églises  sans  autorité ,  sans  dépendance 
de  personne ,  sans  se  mettre  en  peine  s'il  y  avait  ou  s'il  n'y  avait 
pas  une  Église  vériuble  à  laquelle  ils  fussent  obligés  de  s'u- 


nir *, 


Les  Réformateurs  n'ont  donc  pu  avoir  qu'une  miasion  extraor- 
dinaire, et  c'est  la  prétention  de  Bèze,  de  Calvin,  etc. 

Mais  une  vocation  extraordinaire  a  besoin  d'être  prouvée  par 
des  miracles,  et  les  Réformateurs  n'en  ont  point  lait;  tous  les 

*  Préjugés  légitimes,  p.  185,  elc 

*  Foy«»  les  professions  de  foi  des  synodes  de  Gap,  de  la  RocMle  t 
MM.  de  VaUenbourg,  dans  leur  traité  de  la  mission  des  Preleitans» 


cnlboliqiiea  qui  ont  Iraîié  les  controverses  ont  mis  ces  pointa 
dans  le  plus  grind  jour  *. 

Li!S  prétendus  Rêrurméa  onl  donc  érigé  une  Kglise  sans  auto- 
rilc ,  el  par  co^SI^llcnt  ils  snni  scbismatiques,  puisqu'ils  se  sont 
si'-par£s  ili!  la  société  qui  était  en  possession  du  ministère,  et  de 
laquelle  ils  n'ont  point  reçu  de  mission. 


su- 


■La  Iraitilion  eil ,   t 


de  m 


u  qae  VÉcriiute ,  la  Tèijle 


e(o\. 


Les  théologiens  appellent  tradition  nne  doclrii 
vive  voix,  ou  consignée  dans  les  écrits  de  ceux  qai  étaient  char- 
gés de  la  transmettre. 

JéiUB-ChrisI  a  enseigné  la  doctrine  de  vive  voix,  et  c^est  ainsi 
que  les  apures  l'ont  publiée.  Jésus-Clirist  ne  leur  ordonna  point 
d'écrire  ce  qu'il  leur  enseignait ,  mais  d'aller  le  prêcher  ani  na- 
tions et  de  l'enseigner.  Ce  ne  fut  que  long-temps  après  l'établit- 
semcnt  du  christianisme  et  pour  des  circonstances  particuliéFes 
que  les  apôtres  écrivirent;  tous  n'écrivirent  pas,  el  ceux  qui  onl 
éci'ii  n'ont  pas  écrit  1  toutes  les  Ëglises. 

Les  écrits  des  apùtres  aux  Eglises  parltcutières  ne  contiennent 
pas  tout  ce  qu'ils  auraient  pu  écrire ,  ni  tout  ce  que  Jésus-Christ 
leur  avait  enseigné,  ou  que  le  Saint  Esprit  leur  avait  inspiré.  On 
ne  peut  donc  douter  que  beaucoup  d'tglises  particulières  n'aient 
été  pendant  plusieurs  année»  sans  aucun  écrit  des  apâlres  el  sani 
Écriture  sainte  ;  il  ;  avait  donc ,  dès  l'institution  du  christ innisme, 
un  corps  auquel  Jésus-Christ  avait  confié  le  dépAt  de  sa  doctriDB 
el  qu'il  avait  chargé  de  l'enseigner. 

Ce  corps  l'avait  reçue  el  la  Iriinsmetlail  par  la  voie  de  la  tradi- 
tion ;  c'était  en  vertu  de  l'iostilution  même  de  Jésus-Christ  que 
ce  corp-<  était  chargé  d'enseigner  la  doctrine  qu'il  avait  reçue. 

Ce  corps  a  t-il  perdu  le  droit  d'enseigner,  depuis  que  les  énn- 
gélisles  et  le»  apAlres  onl  écrite  Jésus-Christ  a-t-il  marqué  cett« 
époque  pour  la  Gn  du  ministère  apostolique?  Les  successeurs  dei 
apùtres  uat-ils  oublié  la  doctrine  qu'on  leur  avait  confiée  T 

Mais  s'il  n'j  a  plus  de  corps  charge  du  dépût  de  la  doctrine, 
par  quelle  vme  savons-nous  donc  qu'il  n'jr  a  que  quatre  Evangiles, 
que  l'Erangile  contient  la  doctrine  de  Jésus-Cbrist  ?  Comment 

■Prétendus  rtiforméfconreinci»  Jcsclilioir-,  1,  3,  ( 


516  BEF 

a-t-on  distlnpié  les  Trais  Évangiles  de  cette  foule  de  faux  Ëfaa« 
giles  composés  par  les  hérétiques  des  premiers  sièdest  Commeat 
aurait-on  pu  connaître  les  altérations  faites  à  rÉcriUirey  s'il  n*j 
eût  pas  eu  un  corps  subsistant  et  enseignant,  qui  avait  reça  et  qoi 
conserrait  par  tradition  ce  que  Jésus-Christ  et  les  apôtres  avaient 
enseigné  ?  Saint  Paul  ordonne  aux  Theasalonidens  de  demeurer 
fermes  et  de  conserver  les  traditions  qu'ils  ont  iq[>pri8e8»  soit  par 
ses  paroles,  soit  par  ses  écrits  *. 

Ce  même  apôtre  ordonne  à  Timotbée  d'ériter  les  nonveautés 
profanes  des  paroles  et  toute  doctrine  qui  porte  foussement 
le  nom  de  science  :  il  veut  qu'il  se  propose  pour  modèle  les 
saintes  instructions  qu'il  a  entendues  de  sa  bouche  toochant  la 
foi.  Les  Corinthiens  ont  mérité  d'être  loués  parce  qu'ils  conser- 
vaient les  traditions  et  les  règles  qu'ils  avaient  reçues  de  lui  *. 

Saint  Paul  regarde  donc  comme  un  dépôt  sacré  et  comme  une 
règle  la  doctrine  qu'il  a  enseignée  à  Timotbée  et  aux  Corin- 
thiens :  or,  il  n'a  pas  enseigné  à  Timotbée  seulement  par  écrit, 
mais  encore  de  vive  voii  ;  il  y  a  donc  une  tradition  ou  une  doc- 
trine qui  se  transmet  de  vive  voix ,  et  que  l'on  doit  conserver 
comme  la  doctrine  contenue  dans  l'Écriture  sainte. 

Ce  fut  par  le  moyen  de  la  tradition  que  l'Église  confondit  les 
hérétiques  des  premiers  siècles,  les  Valentiniens,  les  Gnostiques, 
les  Marcionites,  etc.  '. 

Tous  les  conciles  ont  combattu  les  erreurs  par  la  tradition  :  ces 
faits  sont  hors  de  doute;  ils  peuvent  être  ignorés;  mais  ils  ne 
peuvent  être  contestés  par  ceux  qui  ont  quelque  connaissance  de 
l'histoire  ecclésiastique. 

Par  ce  que  nous  venons  de  dire,  il  est  clair  que  Daillé  n'a  com- 
battu la  doctrine  de  l'Église  catholique  sur  la  tradition  qu'en 
partant  d'un  faux  état  de  question,  puisqu'il  suppose  que  l'on  ne 
connaît  la  tradition  que  par  les  ouvrages  des  Pères  *, 

Il  en  faut  penser  autant  de  tout  ce  que  les  Prolestans  ont  dît 
pour  prouver  que  la  tradition  est  obscure  et  incertaine.  La  tradi- 

<  Sccunda  ad  Thessal.,  c.  3,  ^.  15. 
>  Prima  ad  Cor.,  c.  11,  i,  2. 

*  Iraen.  advei^sùs  Gnost.,  I.  3,  c.  2. 

*  RÎTcr,  Tractalus  de  PP.  autoritate  ;  Goncva»,  1660.  Traîlé  de  rem- 
ploi des  Ptres  pour  le  jugement  des  différends  en  la  religioo,  par  Jean 
Paillé  ;  Genève,  1732, 


lion,  prise  comme  l'insiruclion  du  corps  visible  chargé  du  d6p0l 
de  lii  loi,  ne  peut  jamais  ^ire  incerlaïae  ;  son  încerlilude  entraî- 
nerait celle  du  cliriBlianisme. 

S  m.  —  U  n'appartient  qu'aux  premier»  faiteuri,  ioecetmtrs  itt 
apâlra,  de  juçer  dei  eontrovertet  de  la  foi ,  et  non  pat  aux  tim- 
plei  fidilei. 

Jfsus-Cbrist  t  conBd  ï  ses  apAtres  h  prédîcaiion  de  sa  doctrine; 
il  leur  a  promis  d'âtre  avec  eux  jusqu'h  la  coosanimatioii  des 
siècles  ;  c'est  i  eux  qu'il  a  dit  :  Enseignez  les  uations  ;  celui  qui 
TOUS  écoule,  m'écoute. 

Il  est  clair  que  ces  promesses  regardent  non- seulement  les 
apAtres,  mais  encore  leurs  successeurs,  qui  sont  établis  d^posU 
laires  de  la  doctrine  de  Jésus*Chrisl  et  cliargés  de  l'enseigner 
jusqu'à  la  consommation  des  siËcles.  C'est  ainsi  que  toute  l'élite 
a  entendu  les  promesses  faites  aui  apùtres,  et  les  Proiestans  ont 
été  forcés  de  reconnaître  dans  cette  promesse  la  perpétuité  et 
rindéreclibiliié  de  l'Ëglise  '. 

Par  rétablissement  même  de  l'élise  et  par  la  nature  du  mi- 
nistère que  Jésus-Cbrist  confia  aux  apAtres  et  ii  leurs  successeurs, 
il  est  clair  qu'ils  sont  seuls  juges  de  la  doctrine.  Le  ministère  de 
l'inslruction  n'est  point  difTêrent  du  ministère  qui  prononce  sur 
les  différends  de  religion  :  comment  auraient-ils  l'autorité  aulli- 
ganle  pour  enseigner  la  doctrine  de  Jésus-Christ  jusqu'ï  la  con- 
sommation des  siècles  ,  s'ils  n'avaient  pas  l'autorité  de  \a%tt  et 
s'ils  pouvaient  se  tromper  dans  leurs  jugemens?  Les  confessions 
que  nous  avons  citées  dans  une  note  supposent  ce  que  nuus  a 
tons  ici. 

La  doctrine  de  l'Ëglise  romaine  sur  rinraillibililédesjugemens 
des  premiers  pasteurs  est  la  doctrine  de  toute  l'antiquité  :  t'bia- 
toire  ecclé^astique  entière  sert  de  preuve  il  cette  vérité ,  que  li 

1  ConfcsBio  augustana,  art  5 ,  7 ,  8 ,  £1.  Confessio  snionica.  De  Ei 
desia.Synlagmacbnressionum  Fïdd,  qusindivenisregnisotnaUoniha» 
fncrunt  cdila:;  Genève,  1354,  în-4*,  P<  68,  09,  70.  Conressin  Virlcm- 
bcrg..  De  ordinci  ibid.,  p.  410.  De  Ecclesia,  p.  133.  Conressra  boLe- 
mica,  arlBt  ibid.,  p.  lS7;arl.  9,  p.  18S,  ISD;  on  Ij,  p.  191}.  Cni>- 
fcssio  anceutineiisis,  c.  13.  De  alGrio  i-t  dtnidt.  minlslr.,  p. 
Confcsi.  Udtet.,  c.  17,  p.  SI,  35.  Confcss.  gallir.,  p.  3,  art 
Çnnfe»s.  niiglicnnii,  p.  90. 

II.  4t 


51$  BEF 

ProCesUM  om  reconmie  du»  presqo*  lomtes  les  cùwJmtkmÈ  ipK 
MM»  avons  citées.  t 

Ce  n*est  donc  point  an  simple  fidète  à  juger  des  controverses  de 
la  foi. 

Si  le  simple  fidèle  jugeait  des  controyerses  de  h  foi,  ce  m 
pearrait  être  que  par  la  voie  de  rin^iraiion ,  <m  per  kt  voie 
d*examen. 

Le  premier  moyen  a  été  abandonné  par  les  Protestans  el  n*a 
pas  iMsoin  d*étre  réfaté  :  c'est  ce  principe  qui  a  produit  les  Âna- 
iNiptisteSy  les  Qaakers,  les  Prophètes  des  Cévennes,  etc. 

La  voie  de  Texamen,  qnoiqne  moins  choquante,  n'esl  pas  plus 
sûre. 

Les  sociétés  chrétiennes  séparées  de  FÉglise .  romaine  préten* 
dent  que  TÉcriture  contient  tont  ce  qu*il  fant  croire  pour  être 
sauvé»  et  qu'elle  est  claire  sur  tons  ces  sujets  ;  d*où  ils  concluent 
qu'elle  suffit  pour  conserver  le  dépôt  de  la  foi. 

Mais,  premièrement,  je  demande  à  qui  il  appartient  de^ déter- 
miner quels  articles  il  est  nécessaire  de  croire  pour  être  sauvé,  et 
si  ce  n'ebt  pas  à  ceux  que  Jésus-Christ  a  chargés  d'annoncer  sa 
doctrine,  à  qui  il  a  dit  :  Qui  vous  écoute ,  m'écoute  ? 

Je  demande,  en  second  lieu,  si,  lorsqu'il  s'élève  quelque  con- 
testation sur  le  sens  de  l'Écriture,  le  jugement  de  cette  contesta- 
tion n'appartient  pas  essentiellement  au  corps  que  Jésus-Christ  a 
chargé  d'enseigner,  et  avec  lequel  il  a  promis  d'être  jusqu'à  la 
consommation  des  siècles? 

Juger  du  sens  de  TÉcriture ,  c'est  déterminer  quelles  idées 
Jésus-Christ  a  attachées  aux  paroles  qui  expriment  sa  doctrine. 
Ceux  auxquels  il  a  ordonné  d'enseigner  et  avec  lesquels  il  a  pro- 
mis d'être  peuvent  seuls  déterminer  infailliblement  quelles  idées 
i!  attachait  à  ces  mois  ;  eux  seuls  sont  donc  juges  infaillibles  du 
sens  de  l'Écriture. 

Ainsi ,  sans  examiner  si  l'Écriture  est  claire  dans  les  choses 
nécessaires  au  salut ,  je  dis  que,  par  la  nature  même  de  l'Église 
et  par  l'institution  de  Jésus- Christ ,  les  premiers  pasteurs  sont 
juges  du  sens  de  l'Écriture  el  des  controverses  qui  s'élèvent  sur 
ce  sens. 

Troisièmement,  sans  disputer  sur  la  clarté  de  l'Écriture  et 
sans  examiner  si  elle  contient  tout  ce  qu'il  faut  croire  pour  être 
sauvé ,  je  dis  que ,  lorsque  le  corps  des  pasteurs  déclare  qu'un 
dogme  appartient  à  la  foi  p  on  doit  le  croire  avec  la  même  ccrti* 


ir  lu  pone  i 


,T  la  réforma  ■ 
se  déchirent  I 
il  les  cbeb  I 


tilde  avec  laquelle  on  croit  c[ue  le  nouveau  Tcstameot 
doctrine  de  iésus-Clirisl.  Tout  ce  iju'un  tlirail  puui'  attaquei' la 
jugemenl  de  ce  corps ,  par  rapport  au  dogme ,  attaquerait  égale- 
ment h  vériié  et  l'authenticité  de  l'Écriture,  que  dous  connais- 
euns  pir  le  mojttu  de  ce  corps ,  comuie  nous  l'avons  fait  voir  ci- 
dessus,  SU.  , 

Quùirièmemeni,  la  voie  de  l'examen,  que  l'on  veut  subsliluer 
ï  l'autorité  de  l'Église ,  csi  dangereuse  pour  les  liommes  les  plus 
éclairé* ,  impraticable  pour  les  simple»  ;  elle  ne  peut  dooc  ëtra 
lu  voie  que  Dieu  a  choisie  pour  garantir  les  chrétiens  de  l'erreur; 
car  Jésus-Christ  est  venu  pour  tous  les  bommes  ;  il  veut  que  touâ 
conoaiEseni  la  vérité  et  qu'ils  soient  sauvés. 

Ciuquiéoieuient ,  attribuer  aux  simples  lidèles  le  droit  de  juger 
des  controverses  qui  s'élèvent  sur  la  Toi,  c'est  o\     '   ' 
toutes  les  erreurs,  détruire  l'unité  de  l'Église  et 
discipline. 

Pour  s'en  couvaiocre,  qu'on  jette  un  coup  d'ceil 
!i  sa  naissance;  on  j  voit  une  intinité  de  setles  q 
et  qui  enseignent  les  dogmes  les  plus  absurdes  ;  o 
de  la  réforme  gémir  de  la  licence  de  leurs  proséljtes  :  écoutoidl 
leurs  plaintes. 

Capiton,  ministre  de  Siriisbourg,  écrivait  confîdeinment  ï  Fa- 
rel  qu'ils  ont  beaucoup  uui  aux  Ames  par  la  précipitation  *vec  la- 
quelle on  s'était  séparé  du  pape.  •  La  multitude ,  dit-il ,  a  secont 

>  entièrement  le  joug ils  ont  bien  la  hardiesse  de  vous  dire  S 

■  Je  suis  assez  instruit  de  l'Évangile,  je  sais  lire  par  moi-mèinai 

■  je  n'ai  pas  besuin  de  vous  *.  • 

«  Nos  gens ,  dit  Bèie ,  sont  emportés  par  tout  vent  de  doctrine, 
1  tantôt  d'un  cfilé,  lantûi  d'un  autre  :  peut-être  qu'on  pourrait 

■  savoir  quelle  créance  ils  ont  aujourd'hui  sur  la  religion  ;  mail 
»  00  ne  saurait  s'assurer  de  celle  qu'ils  auront  demain.  En  quel 

■  point  de  la  religion  ces  Églises  qui  ont  déclaré  la  guerre  au 

>  pape  sonl'elles  d'accord  ensemble  ?  Si  vous  prenei  ta  peine  de 

>  parcourir  tous  les  articles ,  depuis  le  premier  jusqu'au  dernier, 
1  vous  n'en  trouveret  aucun  qui  ne  soit  reconau  par  quelques-i 

>  comme  de  foi  et  rejeté  par  les  autres  comme  impie  ~ 

•  Cap,,  ep.  ad  Parei ,  iuter  op.  Calvin.,  p,  i,  (dit,  de  Genève.  Pr^f 
|agé*  légitimes,  p.  87. 

'  UiK,  ep.  prima.  Préjugéi  légit..  p.  7U. 


530  &EF 

f  IV.  »  RépanH^  aux  difficultés  que  Van  fiU  m  finetur  de  lu 

voie  d^exurneun 

«  Ou  les  catholiques  romains ,  disent  les  Protestons ,  suppo- 
sent que  rÉglise  daus  laquelle  ils  sont  nés  est  in&illible ,  ei  le 
supposent  sans  examen  ;  ou  ils  oi\|^  examiné  avec  sain  les  fi»- 
demens  de  Tautorité  qu*ils  attribuent  à  PÉgliae. 
B  On  ne  peut  pas  dire  qu*ils  aient  attribué  à  TÉglise  une  au- 
torité infaillible ,  telle  qu^ils  la  lui  attribuent ,  sans  saToir  pour- 
quoi :  autremmit ,  il  faudrait  approuver  Tattadiemeni  da 
Mahoméun  à  TÂlcoran. 

»  11  faut  donc  examiner  :  or,  cet  examen  est  aussi  embarrassant 
que  la  méthode  des  Protestans;  si  Ton  en  doute,  il  ne  fiiutque 
Yoir  ce  qui  est  nécessaire  pour  cet  examen  ;  il  faut  remarquer 
que  ceux  qui  font  cet  examen  doivent  être  considérés  comme 
dégagés  de  toutes  les  sociétés  chrétiennes  et  exempts  de  toutes 
sortes  de  préjugés  ;  car  il  ne  leur  faut  supposer  que  les  lumières 
du  bon  sens. 

»  La  première  chose  qu*ils  doivent  examiner  dans  cette  pro- 
position,  l'Église  est  infaillible  ^  qu'on  prétend  qu*ils  reçoi- 
vent comme  véritable ,  c'est  qu'ils  doivent  savoir  ce  que  c'est 
que  cette  Église  en  laquelle  on  dit  que  réside  rinfailHbilité  : 
si  Ton  entend  par-là  tous  les  chrétiens  qui  forment  les  diflTérens 
corps  des  Églises  chrétiennes ,  en  sorte  que,  lorsque  ces  chré- 
tiens disent  d'un  commun  accord  qu'une  chose  est  véritable , 
on  se  doive  rendre  à  leur  autorité?  S'il  sufBt  que  le  plus  grand 
nombre  déclare  un  sentiment  véritable  pour  l'embrasser ,  et  si 
cela  est ,  si  un  petit  nombre  de  suffrages  de  plus  ou  de  moins 
sufBt  pour  autoriser  ou  pour  déclarer  fausse  une  opinion?  S'il 
ne  faut  consulter  que  les  sentimens  d'aujourd'hui,  ou  depuis 
les  apôtres ,  pour  connaître  la  vérité  de  ce  sentiment  :  qui  sont 
ceux  en  qui  réside  l'infaillibilité  ;  si  un  petit  nombre  d'évéques 
assemblés  et  de  la  part  des  autres  sont  infaillibles  ? 
»  En  second  lieu,  il  faut  savoir  en  quoi  consiste  proprement 
cette  infaillibilité  de  l'Église  :  est-ce  en  ce  qu'elle  est  toujours 
inspirée  ou  en  ce  qu'elle  ne  nous  dit  que  des  choses  sur  les- 
quelles elle  ne  peut  se  iromper?  11  faudra  encore  savoir  si  cette 
infaillibilité  s'étend  à  tout. 

»  En  troisième  lieu ,  il  faut  savoir  d'où  cette  Église  chrétieuie 
tire  son  infaillibilité?  On  n*en  peut  pas  croire  les  docteurs  qui 


IIEP 

fi  en  donner  d'autres  preuves  que  la  docl 


121 


:,  parce  qu'il  s'agît  de  savoirs!  cette  doctrine  e; 

>  e'esi  ce  qui  esi  en  question.  On  ne  peut  pas  dire  non  plus  qu'il 

>  faut  joindre  rbcrîturc  à  l'Ëgliae ,  toutes  les  dilBcuUfB  que  l'on 
■  Tient  de  faire  n'en  subsistent  pas  moins  ;  il  faudrait  comparer  la 
.  créance  de  celle  Église  de  siècle  en  siècle  avec  ce  que  dit  l'ii- 

>  criture  ,  et  voir  si  ces  deui  principes  s'accordent  ;  car  on  oe 

>  peut  croire  ici  personne  '.  > 

Je  réponds  que  ce  n'est  ni  par  voie  d'eiamen ,  ni  sans  raison , 
que  le  catholique  croif  l'Église  infaillible,  mais  par  voie  d'iu- 
struciion. 

Le  simple  fidèle  a  connu  pr  le  moyen  de  l'instruction  la  divi- 
nité du  cbrislianisme;  il  a  appris  que  Jésus-Clirist  a  conSé  ïse« 
apOlres  ei  k  leurs  successeurs  la  prédication  de  sa  doctrine  ;  il 
sait  par  la  voie  de  l'instruction  que  Jésus-Christ  a  promi 
apùlreset  â  leurs  successeurs  d'être  avec  eux  jusqu'à  la  consoin-' 
niation  des  siècles  ;  il  sait  par  conséquent  que  les  successeurs  des 
ap&tres  enseigneront  jusqu'à  la  consommation  des  siècles  la  vé' 
rite,  et  qne  ce  qu'ils  enseigneront  comme  apparlcnaiiti  h  foi  ap> 
partieut  en  elTet  à  la  foi.  ' 

Pour  âlresûr  qu'il  doit  penser  ainsi  sur  des  dogmes  déânis  par 
t'Kglise ,  le  siinplu  Udéle  n'a  pas  besoin  d'entrer  dans  la  dii 
aion  de  toutes  les  questions  que  propose  M.  le  Clerc. 

La  solution  de  toutes  ces  questions  est  renfermée  dans  Tins 
tion  que  rei;oit  le  simple  fidèle  :  celte  instruction  est  doncéquio  J 
Talenle  à  U  voie  d'eiamen ,  puisqu'elle  met  le  simple  fidèle  en  état  T 
de  répoudre  aux  dilliculiés  par  lesquelles  on  prétend  rendre  sa 
cruynncc  douteuse. 

Ce  n'est  point  sur  la  parole  des  premiers  pasieurs  que  le  siin-  I 
pie  lidéle  se  soumet  !>  leur  autorité,  c'est  sur  les  raisons  qu'ils  I 
donnent  de  leurdocirine,  sur  des  preuves  de  fait  dont  tout  Udèlo  I 
peut  s'assurer,  sur  des  faits  â  la  portée  de  tout  le  monde,  attesta  J 
par  tous  les  monumens  et  aussi  certains  qne  les  premiers  princi- 
pes de  la  raison  ;  en  un  mol,  sur  les  mêmes  preuves  qu'on  em-t 
pluyaii  pour  convaincre  l'hérétique  et  l'inlidèle ,  l'ignorant  et  le  I 
savant;  sur  des  faits  dont  l'Iiomnie  qui  n'est  ni  stupide  n' 
sensé,  peut  s'assurer  comme  le  philosophe,  et  sur  lesquels  onj 
peut  avoir  une  certitude  qui  exclut  toute  crainte  d'erreur;  et,  pour  I 

■  Défeiiae  des  scnUmcos  des  Ihùulusiuus  de  Hollande,  p.  as. 


i  besoin  que 


53 î  RIC 

meitre  ïl.  \e  Clerc  sani  réplutue  sur  ci 
de  ma  irailé  sur  l'incrédulité. 

Aillai ,  rË|{lisc  ne  conduit  poim  les  lidéles  par  le  inovea  «l'une 
obéissance  aveugle  el  d'ioslinct ,  mais  par  la  voie  de  l'initructioit 
et  de  la  lumière  ;  c'est  par  cette  voie  qu'elle  conduit  lu  fidèle  j«f- 
qu'ï  l'uutoritii  itibillible  de  l'Ëgtise.  Le  tidi^le  élevé  i  cetu  «é- 
rilé  n'a  plus  besoin  d'eiaminer  et  de  discuter;  il  cruil,  un* 
crainte  de  se  lrDll^pe^,  toal  ce  que  lui  propose  un  corps  de  pas- 
teurs chargés  par  Jésus-Christ  même  d'enseigner,  dont  la  mis&ioa 
el  l'autorité  est  attestée  par  dea  Taits  hors  de  toute  dirGcullé. 

L'Église  catholique  ruumii  donc  aux  simples  fidèles  un  motea 
facile,  sOr,  infaillible,  pour  ne  tomber  dans  aucune  erreur  con- 
iraireï  la  foi  ou  A  la  pureté  du  culte.  Peut  on  dire  ta  même  chou 
de  la  voie  d'examen? 

Les  Protestans  ont  proposé  sous  mille  laces  différenles  lea  dif- 
ficultés que  nous  venons  d' examine!'  :  les  principes  généraux  qna 
nous  venons  d'établir  peuvent  résoudre  toutes  cet  difficultés,  lu 
moins  celles  qui  méritent  quelque  aiieniîoa.  Noos  avons  d'escel- 
less  ouvrages  de  controverse  qui  sont  entrés  doDs  ces  détails  :  tds 
sont  l'Histoire  des  variations,  1.  15;  h  Conférence  de  M.  Boisuet 
avec  M  Ciauile;  les  Préjugés  légitimes,  c.  U,  tS,  16. 17,  IS; 
les-Préteudus  Réformés  convaincus  de  schisme,  1.  1;  RéUeiions 
sur  les  dilTérends  de  religion,  par  H.  Pèlisson;  les  Chimères  de 
Jurieuparleméine,  el  ses  fiépooses  à  M.  Leiboitzi  les  deux  Voies 
opposées  en  matière  de  religion,  par  U.  Papiu. 

RfJOUIS ,  secte  d'Auabaplistes  qui  riaieut  toujours.  Vage»  les 
dilTérenles  sectes  des  AiiABinisTKS. 

RlîMONTRANS.  V«((«  Armimems. 

AETflOHIUS.  Philaalre  rapporte  que  Rethurius  enseignait  que 
les  hommes  ue  >e  trompaient  jamais  et  qu'ils  avaient  tous  raisun  ; 
qu'aucun  d'eux  ne  serait  condamné  pour  ses  seniimeos,  parce 
qu'ils  avaient  tous  pensé  ce  qu'ils  devaient  penser  '. 

KICIIER  (  Edmond }  vit  le  juur  ï  Chuurce ,  dans  le  diocèse  d« 
Langres,  en  1560. 

Nous  ne  dirons  rien  ici  de  si  vie,  qui  fut long-ieiupsas&es  ora- 
geuse, ni  de  la  plupart  de  ses  écrits.  Le  plus  fami'ux  de  tous, 
parce  qu'il  lit  beaucoup  de  bruit  dans  le  temps  el  qu'il  a  cwHé 
de  ifraiidsmaux,  surtout  eu  France,  où  il  a  serô  de  base  ï  tt 


Philaslr.  Aug.,  Dchxrcs, 


RIC 
heareoM  révolaiion  dont  ce  beau  royaume  ressent  encore  les  per- 
nicietii  effets ,  est  le  pelil  Irailé  qu'il  iniiiula  :  De  la  puittanea 
ecrlésiaitique  el  poliliqae.  On  dit  queRlcherln  coniposn  pour  l'in- 
struclion  pnrliculitre  d'un  premier  président  du  parlement  de  Pa- 
ris, qui  le  lui  avait  demandé,  et  pour  s'uppos^r  à  une  thèse  ob 
l'on  soutenait  rinfaillibilité  du  pape  et  sa  supériorité  au-dessat 
du  concile  général.  Richer  prétendait  donner  dans  ce  traité  les 
niiiximes  que  suivait  l'Ëglise  de  Frani^e;  mais  il  s'en  faut  bien 
qu'il  s'en  tint  \i.  Nous  avons  rapporté  plus  haut  '  les  principes 
foi  II]  amen  ta  m  de  son  sysiËmecI  quelques-unes  de  ses  propositions 
répréliensibles.  Nous  avons  prouvé  aussi  ((ne  le  P.  Quesnel  a  res- 
suscité ce  même  système  dans  son  livre  des  Bépexionx  moraUt, 
et  nous  avons  démontré  que  ce  système  est  opposé  1  l'Kctiture 
sainte,  il  la  tradition,  aui  déGnilions  de  l'Kglîse,  etc. 

Richer  donna  en  1620  une  déclaration  de  ses  aenlimens,  pro- 
testant qu'il  n'avait  point  prétendu  attaquer  la  puissance  légitime 
du  souverain  pontire,  ni  s'écarter  en  rien  de  la  foi  catholique; 
mais  le  pape  n'ayant  point  été  satisfait  de  cette  déclaration,  Ri- 
cher en  donna  une  seconde,  etse  rétracta  mfme.  Des  auteurs  pré- 
tendent que  ce  dernier  acte  lui  avait  été  extorqué,  qu'il  ne  (\lt  pli 
sincère,  et  qu'en  même  temps  que  Richer  l'accordait  par  l'ordre 
du  ministre,  il  écrivait  dans  son  testament  qu'il  persistait  dans  lei 
sentimens  qu'il  avait  énoncés  dans  son  traité.  Quand  tout  cela  se- 
rait vrai,  il  ne  ï' ensuivrait  rien  autre  chose,  si  ce  n'est  que  l'I^ 
glise  3  eu  dans  la  personne  de  ce  docteur  un  ennemi  opiniâtre 
comme  tant  d'autres. 

Consultez,  dans  ce  volume,  les  notes  qui  se  trouvent  au  bas  dei 
pages  376  et  3T7.  U  faut  lire  aussi  tout  ce  que  nous  avons  dit  du 
troisième  principe  capitslde  Quesnel,  depuisla  page4t)7  jusqu'à  la 
page  40S  du  même  volume. 

<  Quoique  nous  ajonsdonné  en  français  ces  principes  fondamenlauii    ■ 
nous  croyons  devoir  In  rapporter  Ici  dans  la  langue  dont  s'est  serti    . 
l'auteur,  et  d'après  Tourne!;  (Traité  I)e  ordine,  p.  7),  i>our  I: 
faction  de  nos  lecteurs:  Omniscommunitasicusocictai  perreela,  clian 
cl  vïIjk  ,  jus  habet  ut  libi  leges  impoual,  se  ipsamgubemet;  «luodqi  ~ 
deni  jus  in  prima  euâ  orlftiuc  ad  ipsammct  socictntem   pcrlinct,  el   , 
quidem  modo  magis  proprlo,  aingulari  cl  immcdïuto,  quïm  ad  ulium    j 
quemlibet  privalum  :  cùm  in  ipso  jure  divlno  ac  naturali  ruiidamenlum 
liabcal.  advenu*  quod  nec  aooorum  Iraclu,  nec  Incoruni  privilegtîi, 
nec  diguitate  personanmi  pnncTibi  uaquon  poiest. 


524  SAB 

ROSGEUN,  dere  de  Compiègne,  enseigoait  là  philosophie  su 
la  fin  du  onzième  siècle  (1092).  Il  avança  que  les  trois  personnes 
divines  étaient  trois  choses  comme  trois  anges,  parce  qa*aatre- 
ment  on  pourrait  dire  que  le  Père  et  le  Saint-Esprit  se  sont  in- 
carnés ;  le  Père,  le  Fils  et  le  Saint-Esprit  ne  faisaient  eeptmàut 
qu*on  Dieu,  parce  qu'ils  avaient  le  même  poaYoir  et  la  BuésM  vo- 
lonté; mais  il  croyait  qu*on  pourrait  les  appeler  trois  Dieu,  si 
Tnsage  n'était  pas  contraire  à  cette  manière  de  s'exprimer. 

C'est  l'erreur  des  Trithéistes  ;  elle  fut  condamnée  dans  on  con- 
cile tenu  à  Compiègne  en  1092. 

Roscelin  abjura  son  erreur  ;  mais  peu  de  temps  après  il  dit 
qu'il  n'avait  abjuré  son  opinion  que  parce  qu'il  arait  appréhendé 
d'être  assommé  par  le  peuple  ignorant. 

Saint  Anselme  le  réfuta  dans  un  traité  intitulé  :  De^lm  fêi^  de  le 
trinttéet  de  VineamatUm»  Toute  la  réfutation  de  saint  Anselme 
porte  sur  ce  principe  si  simple  et  si  vrai  :  c'est  qa'ii  ne  faut  pas 
raisonner  contre  ce  que  la  foi  nous  enseigne,  contre  ce  que  l'É- 
glise croit,  et  que  l'on  ne  doit  pas  rejeter  ce  que  Tonne  peut  pas 
comprendre  ;  mais  qu'il  faut  avouer  qu'il  y  a  plusieurs  chc«es 
qui  sont  au-dessus  de  notre  inlelligence  *• 

RUNGAIRES,  secte  qui  avait  adopté  les  erreurs  des  Patarins 
et  qui  soutenait  que  Ton  ne  commettait  point  de  péché  mortel 
par  la  partie  inférieure  du  corps  :  sur  ce  principe,  ils  s'abandon- 
naient à  toutes  sortes  de  dérèglemens  '• 

RUPITÂNS,  nom  donné  aux  Donatistes,  parce  que,  pour  répan- 
dre leur  doctrine,  ils  traversaient  les  rochers  qui  s'expriment  en 
latin  par  rupes,  « 

RL'SSIENS  ou  Russes.  Voyex  Moscovites. 

RUSTAUX,  nom  donné  à  une  secte  d'Anabaptistes,  formée  de 
gens  rustiques  et  de  bandits  sortis  de  la  campagne,  qui,  sous  pré- 
texte de  religion,  exciuient  la  sédition  dans  les  villes. 


SÂBELLIUS,  embrassa  l'erreur  de  Praxée  et  de  Noet  ;  il  ne 
mettait  point  d'autre  différence  entreles  personnes  de  la  Trinité  que 

A  Anselm.,  I.  2,  ep.  d5.  Yvo  Camotensis,  ep.  27.  Abadard,  epi  21, 
ad  episcop.  Paris,  D'Argentré,  GoUect  Jud.  t.  3,  p.  i«  Natal.  Alex.» 
SKC  il  et  12. 

s  Dup.,  13*  si^e,  p.  iOO. 


SAB 

celle  qui  esL  entre  les  dill'éi'eiites  opùrutiona  d'uno 

l.orsiju'ilconsidérail  Dieu  comme  raisantdestlécrets  Jans  son  cnn- 

aeilélsmelelrésolvaiil  d'iippelcr  les  hommes  ausalut,  il  Icregar- 

duit  comme  Père  ;  lorsque  ce  même  Dieu  Jescendai 

daus  le  sein  de  la  Vierge,  qu'il  soutTrait  ei  mourait  s 

l'appela  il  Fils;  enSn,  lorsqu'il  considérait  Dieucommedéployani 

Eon  efficace  dans  l'âme  des  pécheurs.  Il  l'appelait  Sniot-Esprit  '. 

Selon  celle  bjpoihëse,  il  n'y  avait  aucune  distinction 
persDones  divines  :  les  titres  de  PËre,  de  Fils  et  de  Sainl-Esprit 
n'étaient  que  des  dénomiDaLions  empruntées  des  actions  diffé- 
rentes que  Dieu  araii  produites  pour  le  salut  des  liommes. 

Sabellius  ne  faisait  que  renouveler  l'hérL^sie  de  Praaée  et  de 
Noet  et  s'appuyait  sur  les  mêmes  raisons  :  vegei  leurs  articles.  Il 
forma  an  parti  qui  subsista  quelque  temps;  saint  Ëpipliane  dit 
que  les  Sabelliens  étaient  répandus  en  assez  grand  nombre  dans  la 
Mésopotamie  et  autour  de  Rome.  Le  concile  de  Constant iaople, 
en  rejetant  leur  baptême,  fait  voir  qu'ils  avaient  un  corps  da 
communion  en  38i.  Saint  Augustin  a  cru  que  celte  secte  éluil 
toul-i-fait  anéantie  au  commencement  du  cinquième  siècle  *. 

L'erreur  de  Sabellius  a  été  renouvelée  par  Pliotin  dans  le  qua< 
Iriéme  siècle  et  par  lesAniitrinitaires;  nous  truitous  dans  ce  der- 
nier article  des  principes  du  Sabellianïsmc. 

Denis  d'Alexandrie  combattit  avec  beaucoup  de  zèle  et  de  succès 
l'erreur  deSabellius;  maison  trouva  que,  pourmettrc  une  dilTérenea 
plus  sensible  entre  les  personnes  de  la  Trinité,  il  mettait  de  U 
difTérence  entre  la  nature  du  Père  et  du  Fils  ;  car  il  voulait  faire 
entendre  la  distinction  du  Père  et  du  Fils  par  la  distinction  qui 
est  entre  la  vigne  et  leri);neron,  entre  le  vaisseau  eilecharpentier. 

Aussitôt  que  Denis  d'Aleiandrie  fut  informé  des  conséquences 
qu'on  tirait  de  ses  comparaisons,  il  s'eipliqua  sur  la  divinité 
de  Jésus-Christ  et  déclara  qu'il  était  de  même  nature  que  son 
Père  :  il  soutint  qu'il  n'avait  jamais  dit  qu'il  y  eùL  eu  un  temps  uù 
Dieu  n'était  pas  Père:  que  le  Fils  avait  rc;u  l'être  du  Père;  mais, 
comme  il  est  impossible  qu'il  n';  ait  pas  une  splendeur  lorsqu'il 
y  a  de  la  lumière,  il  est  impossible  que  le  Fils  qui  est  la  splen- 
deur  du  PËre  ne  soit  pas  éternel  ;  enGn  Denis  d'Alexandrie  se  plaï- 


■Tliéolor.,  Ilrret.,  Fab., 
H»r.,  G3. 
'  AugusI-i  lie  lizr.,  c,  4. 


3,C 


.    7.   Eiiiph-, 


âas  SAB 

giiîl  de  ce  que  BCâenncniU  a'iiTaienl  pas  cooBulté  un  grand  nom- 
Lie  de  ses  leiires  où  lls'éuit  eiidiquénïlteoieni,  au  lieu  qu'iUne 
sVuieDi  atiucliés  qu'ï  celles  uii  il  rèfuUii  SabellÎQS  ei  qn'ils 
avaieot  ironquéeg  eu  divers  endroits. 

Nous  n'examiacroos  point  ici  si  Denis  il'AleundrJe  aiait  donmi 
lieu  aax  accusations  formées  coolre  lui  ;  Dons  ferons  seulentent 
quelques  remarqnes  sur  le  bruit  qui  s'éleia  S  celte  occasioii. 

1°  Sabellius  niait  que  le  Père  el  le  Fils  fussent  dtstiognét,  M 
les  cailioliquM  souieuaieni  contre  lui  que  le  P6re  pl  le  Fik 
étaient  de«  êtres  distingués  :  les  catholiques,  par  la  nature  de  li 
question,  étaient  donc  partes  k  admettre  entre  les  personnes  di- 
tinea  h  plus  grande  distinction  possible;  puis  donc  que  les  com- 
paraisons de  Denis  d'Alexandrie  qui,  prises  li  la  lettre,  sapposeU 
que  Jésus-Christ  est  d'une  nature  différente  de  celle  du  Père,  ont 
été  regardées  comme  des  erreurs,  parée  qu'elles  étaient  contraires 
ù  la  coDSubslaDiialité  du  Verbe,  il  fallait  que  ce  dogme  fùl  dod- 
seulement  enseigné  distinctement  dans  i'bgiise,  mais  encore  qu'il 
fDlregardé  comme  un  dogme  fondamenlal  de  la  r<rligiun  chrétienne. 

S*  11  est  clair  que  les  catholiques  soutenaient  que  le  Père,  le 
,  n'étaient  ni  des  noms  dilTéreus  donnés) 
e  des  dilTérens  effets  qu'elle  produisait,  ni 
trois  substances,  ni  Iroiséiresd'une  nature  dilTérentc.  Lacrofane* 
de  l'Ëglise  sur  la  Trinité  était  donc  alors  telle  qu'elle  est  au- 
jourd'hui, et  c'est  dans  Jurîeu  une  ignorance  grossière  d'accuser 
l'Eglise  catholique  d'avoir  varié  sur  ce  dogme. 

3  L'exemple  de  Denis  d'Alexandrie  fait  voir  qu'il  ne  Tant  pas 
juger  qu'un  Père  n'a  pas  cru  la  consubslantiabililé  du  Terbe, 
parce  qu'on  Iroutc  dans  ce  Père  des  comparaisons  qui ,  ëtaoi 
pressées  et  prises  à  la  rigueur ,  conduisent  â  des  conséqueooea 
opposées  It  ce  dogme. 

Sandius,  qui  veut  trouver  l 'Aria nisme  dans  tous  les  Pères  qiû 
oat  précédé  le  concile  de  Nicée,  prétend  que  Uenis  d'Alexandrîa 
n'a  jamais  (ait  l'apologie  de  sa  doctrine  contre  SabeUiuB ,  ni 
donné  les  explications  dans  lesquelles  il  reconnaît  la  consubsUA- 
tiaUté  du  Verbe,  parce  qii'Eusèbe  ni  saint  Jérôme  n'en  oU 
jamais  parlé,  et  que  Denis  d'Alexandrie  était  mort  avani  qu» 
Denis,  auquel  elle  est  iidressèe ,  fût  élevé  sur  le  siège  de  Rome  *. 

Mais  Sandius  se  trompe,  1"  quand  il  s'appaie  sur  le  sileBC«<^t 

'  Sandius,  De  scripu  Ecelcs.,  p.  i2.  Ncucieus,  tlisU,  I.  i,  p^M 


SA[  527 

sèbeft  ileBaintJérAiiie;nrruD  etl'aulre  parlent  des  quatre  lirres 
qaeDeiii«iicompoRëssurleSabel1iiinismi?,etqu*iidilsn'enauraieni 
paspiHé.l'abrégéque  saint  ÂllinnaG('fiiidesesré|>oniiessu(!ii  pour 
convaincre  loul  homme  raisonnable  qu'il  y  avait   UBeapoiogie', 

S'  Il  esicerlaiij  que  DenisélaitéTSquetle  Rume  lorsque  Denis 
d'Alexandrie  Et  son  apologie  ;  l'erreur  de  Sandius  vient  de  ce 
qu'il  a  suivi  Eusèbe,  qui  donne  onze  ans  à  l'épiscopal  de  Xisie, 
prédôcesseur  de  Denis  ,  au  lieu  que  Xisle  u'a  élé  que  dein  ans 
évi^ue  de  Home ,  el  que  par  conséquent  Denis  a  monté  sur  le 
siège  de  Rome  neuf  ans  plutûl  que  ne  le  dit  Eusèbe. 

D'ailleurs,  Eusèbe  lui-même  assure  que  Denis  d'Aleiandrie 
déilis  ses  livres  sur  le  Sabellianisme  i  Denis,  éféque  de  Rome  *. 

SABDATAIRES,  seule  d'Anaba  plis  tes,  qui,  comme  les  Juift, 
observaient  le  Sabbat. 

SA(:C0I>]|0RE:S,  c'est-^dire  Ponraiacs ,  brancbe  de  Tatia. 
nisles  qui  a'babillaieut  d'un  sac  pour  marquer  mieux  leur  renon- 
ccmeal  aux  biens  de  ce  monde.  (  Coiifi:  Theod.,  I.  7.  0  el  11  ; 
liûiil.,  ep.  ad  Amiihiloelium,  can.  il.) 

SACRAUKNTAIHËS:  c'est  ainsi  qu'on  appela  tes  CalTJDisles 
cl  les  Zuingliens  qui  niaient  lu  présence  réelle. 

SAGARKL.  Voyet  Seùjlm.i. 

SAliNT-SlilOiN  (Claude-Henri,  comte  de),  né  h  Paria  en  ITGO, 
eui  pour  proresseur  l'encyclopédisie  d'Alembert.  Mililaîre,  agio- 
leur,  publiciste,  sa  tiefull'url  orageuse  etpresquemisérablever*  i 
sa  lin.  Hest  niorlli  Pans  le  19  mai  182S.  Son  gj-siëmc  philoso> 
pliiqoe  avait  été  exposé  par  lui  dès  1807,  dans  un  ouvrage  inti- 
tulé :  ItUrodaclion  ûax  travaux  icieniipquet  du  dii-neuviéme  lii- 
ett,  et  pins  tard  dans  quelques  pamphlets  qui  appelèrent  les  pour- 
Mlilcs  du  ministère  public. 

Nous  allons  essayer  de  donner  une  idée  de  ses  doctrines  dans 
l'article  suivant.  Quant  i  l'histoire  de  la  secle  qui  a  pris  son  nom, 
elle  est  renfermée  loul  entière  dans  les  quairc  années  qui  ont 
suivi  la  révolution  de  juillet,  de  1830  ï  1834,  el  si  dans  ce  court 
intervalle  ellea  Tait  quelque  bruit  el  a  paru  devoir  vivre  el  sedéve- 
lopper,  elle  est  aujourd'hui  si  complètement  oubliée,  qu'il  esi  dou- 
teux que  ses  anciens  ad  ep  le  s,  même  les  plus  fervens,  se  rappellent 


'  Eusi''be,  Hisl.  eeclé!.. 
f,  83.  Allinu,  De  sfntnl., 
Mbld. 


!fi,  nieron.  Deicripl.  Eccica., 


1^28  SAl 

de  Int  noir  appartenu,  sans  la  honte  seetèle  qu^ils  en  Aproofeit. 
SÂINT-SIMONISME.  Deeax  figures  étranges  et  horribles  et 
notre  première  réYolation,  Marat  et  Babeuf,  se  présentent  d*dle*- 
mémes  à  l^esprit ,  lorsqu*à  la  suite  d^un  bouleversement  sodal, 
00  entend  parler  d'inégalité,  de  loi  agraire  et  de  ktmhemr  «saunai. 
Sous  quelque  forme  que  ces  vieilles  idées  se  présoitent,  qodqae 
douceur  qu^affectent  ceux  qui  les  prêchent»  les  hommes  de  soi» 
que  Tesprit  de  parti  n^aveugle  pas»  voient  très  bien  où  on  pié- 
tend  les  mener,  et  ils  détournent  la  tète  avec  dégoût. 

i/inégalité  entre  les  divers  membres  d*une  société  fait  à  la  ibis 
la  force  des  individus  et  de  Tétre  collectif  appelé  nation.  Celte 
inégalité  produit  Tambition ,  les  passions,  les  vices,  les  vertes, 
en  un  mot  Taction  sociale.  G*est  une  loi  que  la  Providence,  qui 
fait  bien  tout  ce  qu*elle  fait ,  applique  à  tons  les  êtres  sortis  de 
ses  mains  dans  Tordre  physique  et  moraU  Youloir  Tabolir  par  h 
prédication  amène  toujours,  non  point  à  la  détruire,  ce  qui  est 
impossible,  mais  à  en  changer  momentanément  les  conditions,  au 
prix  des  souffrances  et  du  sang  du  plus  grand  nombre.  GeUe 
prélendue  réparation  d*une  injustice  est  une  injustice  plos 
grande,  voilà  tout.  Quand  donc  les  hommes  cesseront-ils  de  se 
révolter  contre  le  gouvernement  de  la  Providence,  et  de  se  mettre 
sans  façon  à  la  place  de  Dieu  ? 

Un  an  après  la  catastrophe  de  juillet ,  dont  la  France  n*a  retiré 
d*aulre  avantage  que  de  payer  plus  cher  un  gouvernement  moins 
bon  que  celui  qu*elle  avait  auparavant ,  il  parut  se  former,  princi- 
palement dans  les  officines  du  journalisme  parisien ,  une  secte 
politico-religieuse  dont  les  adeptes  prirent  des  noms  et  des  vè- 
temens  bizarres  propres  à  attirer  Tatteotion  d'un  public  oisif,  tou- 
jours avide  de  nouveautés.  J*ai  dit,  i7  parti/  te  former  ^  car  réelle- 
ment cette  secte  prélendue  n'était  rien  qu'un  fantôme  qui  devait 
s'évanouir  et  s'est  en  effet  évanoui  au  premier  soufile. 

Ceux  qui  la  formèrent  avaient  pour  but  de  se  faire  remarquer 
et  d'attirer  l'attention  publique  sur  leurs  talens  dans  toutes  les 
bronches  de  l'économie  politique ,  qu'ils  estimaient  modestement 
h  très-haut  prix.  Ils  }  réussireut  d'abord;  mais,  semblable  à  ces 
parades  jouées  en  plein  vent,  dont  on  est  las  bien  avant  d'en  avoir 
vu  la  fin,  le  Saint-Sinionisme  se  hâta  de  quitter  son  masque  et  tout 
fut  dit.  Les  habiles  de  la  secte  eurent  les  profits  de  la  représen- 
tation, et  les  sols  furent  ruinés.  La  farce  se  termina,  comme  cela 
devait  être ,  devant  la  police  correctionnelle.  On  en  pensera  ce 


SAI 

qu'on  voudra  ;  mais ,  en  pareil  cas ,  j'aimerais  m 
Lre  des  sots  que  des  liablles. 

On  scnl  bien  qu'après  un  sembUblr  hisiarique  je  ne  puis  pren- 
dre au  si^ricuxles  docirines  religieuses  delà  secte,  les  seules  qui 
reoirent  dans  le  cadre  de  cet  ouvrage.  Il  Taut  bien  dire  cependant 
ce  que  ces  messieurs  pensaient  du  chtistianîstne  et  ce  qu'ils  pr£- 
lendnient  y  substituer. 

Seinn  eux ,  le  christianisme  a  fait  son  temps.  Bnn  pour  les 
temps  qui  nous  ont  précédés ,  excellent  même ,  il  ne  vaut  rien 
pour  le  nûtre.  K(  pourquoi  cela?  C'est  que  te  christianisme  est 
une  religion  toute  spirituelle  dont  le  but  était  la  mortification  de 
la  chair,  et  que  s'il  a  été  bon  pour  nos  pères  de  sacrifier  la  chair 
h  l'espril,  il  nous  sem  plus  utile  et  surtout  plus  commode  et  plus 
douï  de  silisrairo  k  la  Tois  l'esprit  ei  la  cbair.  L'ne^ouvelle  reli- 
gion est  donc  aujourd'hui  nécessain 
la  chair  et  nous  lasse  jouir  des  bien: 
pariicnnent  &  la  nature  humaine  ausi 
les  biens  de  l'ordre  spirilael.  Uais  ci 
vie  purement  animale  réhabilitero 
1ère,  et  personne  ne  niera  qu'il  n 
eflel,  le  cliristiauisme  parle  de  réfaabilili 
e  les  mojens  dans  la  péni 


une  religion  qui  rékobilïle 
de  l'ordre  sensible  qui  np- 

bien  et  an  même  titre  que 
les  jouissances  de  la 

es  la  chair  !  Lï  est  le  m;s- 

fort  obscur.  Lorsque,  en 
m  pour  l'homme,  il 
ei  les  privation 


but  dans  la  résurrection  en  un  corps  glorieux,  immortel,  impas- 
sible ;  cela  est  beau ,  noble  et  conséquent.  Le  Saint-Simoaisme  est 
la  contre-partie  exacte  de  ces  grandes  idées.  La  religion  qu'il 
révèle  au  monde  n'a  rien  de  surnaturel,  disent  ses  adeptes  ;  tous 
les  devoirs  qu'elle  impose ,  tous  les  biens  qu'elle  promet  appar- 
tiennent ï  la  vie  terrestre.  Pourquoi  jeter  les  jeux  an  deli?  Nous 
ne  savons  et  ne  pouvons  savoir  ce  qni  y  est.  D'ailleurs ,  ajoutent- 
ils  ,  ;  L'iU-il  un  autre  monde ,  les  restrictions  que  le  chrislianisme 
met  au  droit  naturel  de  jouir  sont  arbitraires ,  injuste»,  Ijranni- 
ques,  et  un  ne  saurait  être  compromis  en  refusant  de  s'y  astrein- 
dre. Telle  est  la  théologie  sainl-simonienne. 

Comment  ces  idées  antisociales  ont-cties  pu  avoir,  je  ne  dirai 
pas  un  jour,  mais  une  heure  de  succès?  Par  la  Hutlerie,  cette 
ilalterie  le  plus  détestable  des  crimes  dont  les  sophistes  se  ren- 
dent coupables  en  persuadant  ou  tâchant  de  persuader  les  classes 
pauvres  el  malheureuses  de  la  société  qu'ils  veulent  leur  bon- 
heur et  qu'ils  ont  dans  les  mains  de  quoi  le  faire.  Laissez-vuus 
conduire  par  nous  ,  disent>ib,  et  toulei  les  institutions  sociales 
11.  4i 


680  SAT 

auront  pour  bal  ramélioration  morale ,  sociale  et  pb^iiqne  de  h 
classe  malheureuse  et  tyrannisée  à  laquelle  tous  ap{>arteiiei.Aidei- 
Dous  à  monter,  et  Jloutes  les  distinctions ,  tous  les  prÎTiléges  de 
naissance  seront  abolis ,  et  alors  vient  la  phrase  sacramentelle  : 
A  chacun  selon  sa  capacité  ;  à  chaque  capacité  selon  ses  œaTrcs. 
Ce  langage  est  beau  sans  doute,  ou  le  parait  da  moins;  mais  Yoyei 
le  dessous  des  cartes  :  aussitôt  que  les  sophistes  régnent ,  ils 
prennent  les  titres  pour  eux,  Tor,  l'argent  elles  places,  et  lainent 
la  misère  au  peuple.  Du  reste,  c'est  une  sorte  d^applicaiion  de  leur 
système  ;  ils  ont  eu  la  capacité  de  tromper,  et  c'est  mie  capacitétoot 
comme  une  autre.  11  y  a  bientôt  quinze  ans  qu'on  nous  le  fait  voir. 
Si  quelque  lecteur  trouvait  que  je  n'ai  pas  parlé  assez  sérieuse- 
ment dans  un  sujet  qui  touche  à  des  intérêts  si  graves  ,  je  dints 
pour  ma  défense  que  j'ai  fait  grâce  encore  aux  Saint-Sîmoniens  en 
ne  disant  rien  de  leur  fameuse  femme  libre. 

SANGUINAIRES,  secle  d'Anabaptistes  qui  ne  cherchaient  qu'à 
répandre  le  sang  de  ceux  qui  ne  pensaient  pas  comme  eux. 

SATURNIN  était  d'Antioche  et  disciple  de  Ménandre  dont  il 
adopta  les  sentimens  et  dont  il  paraît  avoir  fait  un  système  des- 
tiné à  expliquer  la  production  du  monde,  celle  de  l'homme,  et  les 
grands  évènemens  qui  s'étaient  passés  sur  la  terre  et  que  conte- 
naient  les  livres  de  Moïse.  C'étaient  là  les  objets  qu'on  se  propo- 
sait alors  d'expliquer,  et  ce  sont  en  effet  les  plus  intéressans  pour 
la  curiosité  humaine  ^. 

Pour  expliquer  ces  faits,  Saturnin  supposait,  comme  Ménandre, 
un  être  inconnu  aux  hommes;  cet  être  avait  fait  les  anges,  les  ar- 
changes elles  autres  natures  spirituelles  et  célestes. 

Sept  de  ces  anges  s'étaient  soustraits  à  la  puissance  du  Père  de 
toutes  choses,  avaient  créé  le  monde  et  tout  ce  qu'il  contient  sans 
que  Dieu  le  Père  en  eût  aucune  connaissance. 

Dieu  descendit  pour  voir  leur  ouvrage  et  parut  sous  une  forme 
visible;  les  anges  voulurent  la  saisir,  mais  elle  s'évanouit  ;  alors 
ils  tinrent  conseil  et  dirent  :  Faisons  des  êtres  sur  le  modèle  de  la 
figure  de  Dieu;  ils  façonnèrent  un  corps  semblable  à  l'image  sous 
laquelle  la  Divinité  s'était  offerte  à  eux. 

Mais  l'homme  façonné  par  les  anges  ne  pouvait  que  ramper  sur 
la  terre  comme  un  ver.  Dieu  fut  touché  de  compassion  pour  son 
image  et  envoya  une  étincelle  de  vie  qui  l'anima  ;  l'homme  alors 

*  Iren.,  1«  i»  c.  30,  n«  5  ;  1«  3,  c  17»  iO.  MassuettDîf,  in  Iren«»  Ct  48. 


SAT  S31 

se  drCissa  sur  ses  pieds,  inanlia,  parla,  raisonna,  ci  les  anges  Ta- 
cannèrent  d'autres  Louidies.  Il  est  bien  chir  que,  dur 
ment,  l'Ame  d^peada il  des  organes  duns  lesquels  elle  i 
et  que  ses ronclions,  ses  qualités,  Eesviees  et  ses  vertus,  étaient 
des  suites  de  la  conforoialiuii  des  ui^anes  auxquels  elle  ëlsit  unie. 
Par  ce  mojen,  Sulurnin  expliquait  lieureusement,  k  ue  qu'il 
crojait,  les  désordres  pliysiques  et  moraux,  sans  préjudice  do  la 
toute- puissance  du  Dieu  supri^me. 

Ces  anges  créateurs  du  inonde  en  avaient  partagé  l'empire  et  y 
avaient  établi  aes  lois, 

Un  des  sept  anges  créateurs  avait  déclaré  b  guerre  aux  six  an- 
tres, et  c'était  le  démon  ou  Satan  qui  avait  aussi  donné  des  lois  et 
Tait  paraître  des  prophètes. 

Pour  délivrer  de  la  tyrannie  des  anges  el  des  démons  les  âmes 
humaines,  l'Être  suprême  avait  envoyé  son  Fils  dont  la  puissance 
devait  détruire  l'empire  du  Dieu  des  Juifs  et  sauver  les  hommes. 

Ce  Fils  n'avait  point  été  soumis  ï  l'empire  des  anges  et  n'avait 
point  été  enchaîné  dans  des  organes  matériels  :  il  n'avait  eu  un 
{.-«rps  qu'en  apparence,  n'était  né,  n'avait  soulTert  el  n'était  mort 
qu'eu  apparence.  Saturnin  crojaii  par  ce  moyen  couper  la  dilH- 
cullé  qu'on  tiraitdessouOVances  de  Je  au  s -Christ  contre  sa  divinité. 

Dans  ces  principes,  l'homme  était  un  être  iorortuné,  l'esclav» 
des  anges,  livré  par  eux  au  crime  et  plongé  dans  le  malheur.  La 
vie  était  donc  un  présent  funeste,  et  le  plaisir  qui  portait  les  hom- 
mes i  faire  natire  un  autre  homme  était  un  plaisir  barbare  qui» 
l'on  devait  s'interdire. 

Cette  loi  de  continence  était  un  des  points  fondamentaux  de 
riiérésie  de  Saturnin  ;  pour  l'observer  plus  sûrement,  ses  disciples 
s'abstenaient  de  manger  de  la  viande  et  de  tout  ce  qui  pouvait 
porter  k  l'amour  des  femmes. 

Saturnin  eut  des  écoles  et  des  disciples  en  Syrie  ;  la  mort  était, 
selon  eux,  le  retour  de  TSme  a  Dieu  d'où  elle  était  venue  '. 

Abulpharage,  dans  son  Disiuire  des  dynasties,  parle  de  Satur- 
nin qu'il  nomme  Saturin  :  il  lui  attribue  d'avoir  dit  que  c'est  le 
diabk-  qui  a  lait  dans  l'homme  et  dans  les  femmes  les  différences 
des  sexes,  et  que  i^'esl  pour  cela  que  les  hommes  regardent  la  nu- 
dité comme  une  chose  honteuse. 

•Ira;n.,l,  1,  c.  Sï.  Terl,,  Deantmi,  c,  23.  Pliilasl.,  De  Lier,  c.  31. 
Epiph.,  Has.  ]3.Théad,,l.  1,  c,  S.  Aug.,  Oebxr.,  c  3. 


5$3  SEC 

Ménindre  reconnaUisait  un  Être  étttmd  et  infiiûp  et 
à  des  paîssances  invisibles  Tempire  da  moode  :  il  aviit  préleodH 
être  l'envoyé  de  ces  puissances  et  donner  rimmortaUté  pir  le 
moyen  d*une  espèce  de  baptême  magique. 

Saturnin,  son  disciplet  conserva  le  fond  de  son  sjslèBe  et  sV- 
força  de  le  condlier  avec  la  religion  chrétienne  et  reconnot  que 
Jésus-Christ  était  le  Fils  de  Dieu,  qu*il  avtit  été  envoyé  par  soa 
Père  pour  le  salut  des  hommes  ;  nuùs  il  niait  qa*il  eût  pris  «b 
corps  et  qu*il  eût  souffert. 

Je  vois  dans  le  changement  que  Saturnin  fait  an  s^itème  de  Mé- 
nindre: 

1*  Qu*il  était  attaché  à  ce  système,  et  qu*il  Ta  eonserwé  antast 
qu*il  lui  a  été  possible  ;  que  par  conséquent  il  n*j  a  fidt  que  les 
changemens  qu*il  ne  pouvait  s*empécher  de  faire,  et  qii*ainsi  il  n*a 
pu  s*empécher  de  reconnaître  que  Jésus-Christ  était  Fila  de  Dieu 
et  envoyé  pafson  Père  pour  le  salut  des  hommes. 

2»  Je  vois  que  Saturnin,  pour  concilier  avec  la  divinité  de  Jé- 
sufr^brist  Tétatl  de  souffrance  dans  lequel  il  était  sur  la  terre,' 
ne  lui  a  attribué  qu*un  corps  fantastique;  que  par  conséquent  Sa- 
turnin avait  de  la  répugnance  à  reconnaître  que  Jésos-Chrbt  était 
en  effet  Fils  de  Dieu,  et  qu'il  n'en  a  fait  un  dogme  de  son  système 
que  parce  qu'il  lui  était  impossible  de  le  nier. 

3*  Les  preuves  que  les  chrétiens  donnaient  de  la  divinité  de  Jé- 
sus-Christ étaient  des  faits  que  Saturnin  était  en  état  de  vérifier, 
puisqu'il  était  dans  le  temps  et  sur  les  lieux  où  ces  faits  8*étaient 
passés  et  qu'il  est  certain  que  Saturnin  a  examiné  ces  faits  ;  on 
peut  sur  cela  s'en  rapporter  à  l'amour-propre.  Un  homme  eotété 
d'un  système,  comme  on  voit  que  Saturnin  l'était,  n*admet  d*é« 
tranger  à  son  système  que  ce  qu*il  ne  peut  nier  sans  une  absur- 
dité manifeste. 

Nous  avons  donc  dans  Saturnin  un  témoin  irréprochable  de  la 
vérité  des  faite  qui  prouvent  la  divinité  de  Jésus-Christ,  et  le  re- 
proche  qu'on  fait  ordinairement  aux  défenseurs  de  la  religion  de 
n*apporter  pour  témoins  que  des  chrétiens  n*a  pas  lien  contre  Sa* 
turnin. 

SECUNDIN,  philosophe  d'Afrique,  qui  parut  vers  Tan  405  et 
défendit  les  erreurs  de  Manès. 

SECUNDUS,  disciple  de  Yalentin,  changea  quelque  chose  dans 
le  nombre  et  dans  le  système  de  la  génération  des  Éons  ;  mais  les 
changemens  dans  ces  sortes  de  systèmes  sont  si  arbitraires  et  tleo- 


s  si  Trivolcb  i[>i'il 


SKf. 
neui  11  des  conjeclures  si  minces  et  ï  des  r; 
est  inutile  de  suivre  ceadùuils  <. 

SEtiAKEL  DU  Sagahel  (George)  lilaii  un  hoiiime  du  bas  peupli>, 
Kina  cantuiasaDces  el  sans  lettres,  qui,  n'aj-jut  pu  être  reçu  duris 
l'ordre  de  saint  Fninïola.se  lit  Taire  un  iiabit  semblable  à  celuiduQt 
ou  babille  les  ap6ires  dans  les  tableaux;  il  vendit  une  petite  maison 
qui  Taisait  toute  u  Tortune ,  en  distribua  l'argent ,  non  aux  pau* 
vres  ,  mais  i.  une  troupe  de  bandits  et  de  rainéans. 

11  se  proposa  de  vivre  comme  saint  François  et  d'imiter  J^sus- 
Cbrisl. 

Pour  porterencore  plus  luin  que  saint  François  la  ressemblance 
avec  JùsuS'Cbrist,  il  se  fit  circoncire,  se  lit  emmaillolter.  Tut  mil 
dans  un  berceau  el  voulut  être  allaité  par  une  femme. 

La  canaille  s'attroupa  autour  de  ce  ctierdlgne  d'elle,  et  forma 
une  société  d'hommes  qui  prirent  le  nom  d'Apostoliques. 

Cétaientdes  m  en  di  ans  vagabonds  qui  priHendaienlque  tout  était  I 
commun ,  et  même  les  femmes  :  ils  disaient  que  Dicn  le  l'Ère  avait  | 
gouverné  le  monde  avec  sévérité  et  justice  ;  que  la  grii^e 
sagesse  avaient  caractérisé  le  règne  de  J ésus- Christ  ;  mais  que  | 
le  règne  de  Jésua-Cbrïst  était  passé  et  qu'il  avait  été  suivi  de  ce- 
lui  du  Saint-Esprit ,  qui  est  un  règne  d'amour  et  de  charité  ;  sum  ] 
ce  rè^e,  la  charité  est  la  seule  loi ,  maïs  une  loi  qui  oblige  iu>  I 
dispensablement  et  qui  n'admet  point  d'exception 

Ainsi ,  selon  Segarel ,  on  ne  pouvait  refuser  rien  de  ce  qu'oq  I 
demandait  par  charité  :  à  ce  seul  mot ,  les  sectateurs  de  Scgare[  J 
donnaient  tout  ce  qu'ils  avaient ,  même  lears  femmes. 

Segarel  fît  beaucoup  de  disciples  ;  l'inquisilion  le  Ut  arrêter^  j 
el  il  fut  brûlé  ;  mais  sa  secte  ne  finît  pas  avec  lui  ;  Dulcin ,  s 
disciple,  se  mit  t  la  léte  des  Apostoliques.  Voyei  cet  article*. 

SËLEUCUS,  philosophe  de  Galalie,  qui  adopta  les  erret 
d'IIermoRènc.  Il  croyait  que  la  maliére  était  éternelle  et  ÎDcréc«  1 
comme  Dieu  ,  el  que  les  anges  formaient  l'âme  avec  du  feu  cl  de  | 
l'esprit;  c'est  le  fond  du  système  de  Pylliagore  :  nous  avons  rér 
'    '         deux  erreurs  k  l'article  llEiiioctNE  el  ï  l'arlicle  UatA-  ] 


^>  Epijih..  Hirr,  33,  Philnslr.,  Hœr.  ÙO. 
«  Natal.  Alei.  insitc  t3,  U.  D'Ai-BCUtré,  Collccl.  Jud., 
Jtalnald,  ad  an.  1308,  n.  Q. 
>  l'hilasir.,  Uzr.  S4- 


5S4  SEM 

SEMI-ARIENS  ;  c^est  le  nom  que  Ton  doimt  à  eeax  qui  dtâûeiC 
que  Jésus-Christ  n*éuit  pas  consubsUntid,  mâb  qui  reemnai»- 
nient  quMl  était  d*une  nature  semblable. 

SEMI-PÉLAGIÂNISM E  ;  le  mot  seul  fait  entaidre  qœ  e*étail 
on  adoucissement  du  Pélagianisme  ;  Toici  rorigine  de  cette  er> 
reor  : 

Les  Pélagiens,  forcés  successif  ement  de  reconnaître  le  pédé 
originel  et  la  nécessité  d'une  grâce  intérieure,  mais  voalant  ton- 
jours  faire  dépendre  de  Thomme  son  salut  et  sâ  Tertn  »  afaîent 
prétendu  que  cette  grâce  devait  se  donner  aux  mérites. 

Saint  Augustin  avait  combattu  cette  dernière  ressource  dans  fct 
ouvrages  contre  les  Pélagiens  ;  mais  cependant  le  concile  d'Afri- 
que n'avait  prononcé  rien  expressément  sur  cet  objet»  soit  que 
saint  Augustin ,  qui  fut  Tâme  de  ce  concile ,  trouvât  que  b  ma- 
tière n'était  pas  encore  édaircie  et  craignit  de  fiiire  aaltre  de 
nouvelles  difficultés  capables  de  retarder  la  condamnttioii  des  Pé- 
lagiens et  de  leur  fournir  un  nouvel  incident  sur  lequel  il  y  au- 
rait encore  à  disputer  et  qui  est  en  eflTet  enveloppé  de  ténèbres; 
soit  enÛo  que  les  Pélagiens  eux-mêmes  aient  reconnu  une  grâce 
indépendante  de  mis  mérites  et  n'aient  différé  sur  ce  point  des 
catholiques  qu'en  ce  qu'ils  ont  cru  que  cette  grâce  consistait  dans 
les  dons  naturels. 

Cette  espèce  d'omission,  quelle  qu'en  soit  la  cause,  put  faire 
croire  que  l'Église  B*avait  défini  contre  les  Pélagiens  que  le  péché 
originel ,  l'impossibilité  de  vivre  sans  péché  et  la  nécessité  d'une 
grâce  intérieure  ;  et  qu'elle  avait  laissé  indécise  la  question  de  la 
gratuité  de  la  grâce,  comme  elle  avait  laissé  indécises  différentes 
questions  qui  s'étaient  élevées  entre  les  Pélagiens  et  les  catho- 
liques dans  le  cours  de  leurs  disputes  :  le  dogme  de  la  gratuité 
de  la  grâce  put  donc  ne  paraître  qu'une  question  probléma- 
Uque. 

Saint  Augustin  avait  cependant  traité  cette  question  dans  ses 
livres  sur  la  grâce  et  sur  le  libre  arbitre,  dans  son  livre  sur  U 
corruption  et  sur  la  grâce ,  et  dans  sa  lettre  à  Sixte. 

Il  avait  prouvé  la  gratuité  de  la  grâce  par  les  passages  de  l'E- 
criture qui  disent  que  nous  n'avons  rien  que  nous  n'ayons  reçu, 
que  ce  n'est  pas  nous  qui  discernons  :  l'exemple  de  Jaceb  et 
d'Ësafi  servait  do  base  à  son  sentiment. 

Pour  répondre  aux  difficultés  des  Pélagiens  contre  ces  prin. 
cipes ,  et  pour  justifier  la  justice  de  Dieu ,  il  avait  eu  recours  à  la 


SEM  53fi 

companïson  du  potier,  qui  fait  de  la  même  nasse  des  Tûses  d'hon- 
neur et  des  vases  d'ignominie. 

EnGn,  il  ataït  prétendu  que  si  l'homme  éiaii  l'arbitre  de  son 
^alut ,  on  poru-iil  des  atteintes  au  dogme  de  la  loute-puissance  de 
Dieu  sur  le  cœur  de  l'homme.  Dieu  ayant  fait  tout  ce  qu'il  a 
voulu  dans  le  cîet  et  sur  la  terre,  comment  faire  dépendre  de 
l'homme  son  salut?  Il  fullall  donc  reconnaître  une  prédestination 
indépendante  de  l'homme  ,  sans  que  celui  qui  n'était  pat  prédea- 
liné  cùl  droit  de  se  plaindre.  Dieu,  selon  saint  Augualln  ,  en 
couronnant  nos  mérites  couronne  ses  dons  :  ceux  qui  seront 
damnés  le  seront  ou  pour  le  péché  originel ,  ou  pour  leurs  propres 

S'ils  sont  des  vases  de  perdition,  ils  ne  doivent  pas  se  plaindre, 
parce  qu'ils  sont  tirés  de  la  n:iasse  déperdition,  comme  ceux  qui, 
tirés  de  celte  même  masse,  deviennent  des  vases  de  miséricorde, 
ne  doivent  point  s'enorgueillir. 

Hais  pourquoi  Dieu  délivre-t-il  l'un  plul&t  que  l'antre? 

Saint  Augustin  répond  i  cette  difficulté ,  que  c'est  un  mjsière, 
et  qu'il  n';  a  point  d'injustice  en  Dieu  ;  que  ses  jugemens  sont' 
ïmpénétrubles ,  mais  pleins  de  sagesse  et  d'équité. 


tt  par  grïce  qu'il  délivre, 
i  pas,  et  c'est  par  jasiico 


En  effet ,  disait  saint  Augustin 
il  ne  doit  rien  ï  ceux  qu'il  ne  < 
qu'ils  sont  condamnés. 

Que  ceui  qui  prétendent  que  Dieu,  par  ce  choîi ,  est  aeeep^  | 
fmr  de  personnes ,  nous  disent  quel  est  le  mérite  de  l'a 
d'un  inSdéle  ou  d'un  méchant  qui  est  baptisé,  tandis  que  le  Bbl 
d'un  père  homme  de  bien  et  d'une  mère  vertueuse  périt  avant 
qu'on  puisse  lui  administrer  te  baptême.  Il  faut  donc  s'écrier 
atcc  l'apAire  :  0  profondeur  des  jugemens  de  Dieu ,  etc. 

Que  diront  les  défenseurs  du  mérite  de  l'homme ,  i  l'eiempld 
de  Jacob  et  d'Ësiii ,  que  Dieu  avait  choisis  avant  qu'ils  eussent 
fait  rien  de  bien  et  de  mal?  diront-ils  que  c'est  le  bien  ou  le  mal 
que  Dieu  avait  prévu  qu'ils  fcmieni?     * 

Hais  alors  saint  Paul  avait  tort  de  dire ,  sur  cet  exemple  même, 
que  la  dilTérence  de  leur  sort  n'est  l'ouvrage  ni  de  leurs  eObus, 
ni  de  Ipur  volonté,  mais  de  la  miséricorde  de  Dieu  *. 

il  éiahlil  les  mentes  principes  dans  sa  lettre  k  Vital  :  il  paraît 
d'abord  j  anéantir  le  libre  arbitre;  il  le  compare  tu  libre  arbitre  dei    i 

'  EpisL  ad  SliU 


586  SEM 

démoDS,  il  enseigne  qu*il  ne  faut  pas  croire  que  DieuTeuiUe 
ver  tous  les  hommes,  et  donne  différentes  explications  pour fiire 
Toir  que  cette  volonté  de  Dieu  n'embrasse  pas  tous  les  hommes. 

li  enseigne  que  c*esl  Dieu  qui  prépare  la  volonté  et  qui  la  fait 
voulante ,  qui  la  change  par  sa  toute-puissante  Tolonté  :  si  oeU 
n*était  pas  ainsi,  pourquoi  remercierait-on  Dieu? 

Les  ouvrages  de  saint  Augustin  parurent  détruire  Is  liberté  et 
désespérans  pour  les  hommes  :  des  moines  du  mont  Adromet  en 
conclurent  que ,  tout  dépendant  de  Dieu ,  on  ne  pouvait  repren- 
dre ceux  qui  n'observaient  pas  la  règle. 

Saint  Augustin,  pour  détromper  ces  moines,  leur  écrivit  le 
livre  De  la  correction  et  de  la  gr&ce  ;  il  y  confirme  ces  principes 
sur  la  prédestination,  sur  la  nécessité  de  la  gr&ce  prévenante  et 
gratuite ,  sur  la  faiblesse  de  Thomme  ;  il  dit  que  Dieu  a  prédes- 
tiné les  hommes  au  salut  de  toute  éternité,  sans  aucune  prévi- 
sion de  leurs  bonnes  œuvres  et  sans  avoir  aucun  motif  que  sa  grâce 
et  sa  miséricorde. 

La  célébrité  que  saint  Augustin  s'était  acquise  dans  l'affaire 
des  Pélagiens  répandit  ses  ouvrages  ;  mais  beaucoup  de  person- 
sonnes  considérables  par  leurs  lumières  et  par  leur  piété  fu- 
rent choquées  de  la  doctrine  de  saint  Augustin ,  et  crurent  que 
ce  Père  faisait  dépendre  le  sort  des  hommes  après  cette  vie  d'un 
décret  absolu  de  Dieu,  porté  de  toute  éternité.  Cette  doctrine 
parut  dure  et  contraire  surtout  à  la  doctrine  des  Pères  grecs,  qui , 
ayant  eu  à  disputer  contre  les  Manichéens ,  les  Marcionites  et  les 
philosophes  fatalistes ,  paraissaient  plus  opposés  à  ce  décret  de 
sauver  les  hommes  antécédemment  à  toute  prévision  de  leurs  mé- 
rites. 

Gassien,  qui  avait  passé  sa  vie  en  Orient ,  oii  il  avait  beaucoup 
lu  les  Pères  grecs,  et  surtout  saint  Ghrysostôme,  fut  choqué  de 
ce  décret  absolu  ;  il  communiqua  ses  difficultés ,  et  l'on  examina 
ce  décret  absolu.  On  crut  que  saint  Augustin ,  dans  ses  derniers 
écrits  contre  les  Pélagiens ,  était  allé  au  delà  de  ce  que  l'Ëglise 
avait  décidé,  puisqu'elle  n'avait  pas  décidé  la  gratuité  de  la  gr&ce  : 
on  regarda  le  sentiment  de  saint  Augustin  comme  une  opinion 
problématique. 

.  On  reconnut  donc  contre  les  Pélagiens  le  péché  origiuel  et  la 
nécessité  d'une  grâce  intérieure;  mais  on  regarda  comme  une 
question  la  cause  pour  laquelle  cette  grâce  s'accordait  aux  uns  et 
se  refusait  aux  autres. 


On  fiorta  donc  les  yeai  sur  ce  rcJoiii^bU  mjsière;  nii  cnvii^ii- 
gea  rinimaniiii  plongée  dans  les  ténèbres  ei  coupable ,  el  l'oa 
chercha  puurquoi  parmi  les  liomtnes  t^uelquca-unsaviiieul  la  grlco, 
UdJU  qu'une  întiniié  d'autres  no  l'avaient  pas. 

Saiot  Augusiin,  uniquement  necapii  da  soin  d'Établir  la  gra- 
tuité de  la  grïce,  d'abaisser  le  libre  arbitre  orgueilleux  el  do 
faire  dépendre  l'hamine  de  Dieu ,  crojail  ne  pouroir  trouver  cclta 
raison  dans  l'homme  ei  la  supposait  dans  h  rolonié  de  Dieu. 

Mais  il  restait  dans  celte  décision  un  cAlé  obscur  ;  car  pourquoi 
Dieu  veut-il  donner  ta  grSce  h  l'un  ptutdt  qu'A  l'autre  î 

Vouloir,  c'est  choisir,  c'est  préférer  :  loule  préfère 
possible  entre  des  objets  absolument  f  fiaui  :  les  hommes  plongés  ; 
dans  la  masse  de  perdition  et  avant  qu'ils  aient  fuit  quelque  aciiin  • 
persoDuelle  sont  absolument  éyaui.  Dieu  ne  peut  donc  en  pré- 
férer UD  i  l'autre  par  un  décret  antérieur  !i  leur  mérite  person- 
nel, et  celte  préférence  ne  serait  point  dilTércnle  de  la  fatalilii 
aveugle  ou  du  hasard. 

Dieu  veut  que  tous  les  hommes  soient  sauvés  : 
cela  serait-il  vrai  si  Dieu ,  par  un  décret  éternel  el  absolu  ,  a 
choisi  quelques  hommes  pour  être  sauvés,  sans  aucun  égard  !i 
leurs  mérites ,  et  s'il  avait  laissé  tous  les  autres  dans  la 
perdition  T  11  faut  donc  reconnaître  que  la  prédeslî nation  et  la  vo- 
cation i  la  gràee  se  Tonl  en  vuedes  mérites  de  l'homme. 

1,'Ëcriiure  nous  apprend  que  Jésus-Christ  est  mort  pour  tous 
les  hommes  ;  que  comme  tous  les  hommes  sont  uorls  eu  Adam  ■ 
tous  aussi  sont  vivifiés  en  Jésus-Christ. 

On  ne  peut  dire  que  saini  Paul  ail  entendu  par-lï  qu'une  partie 
du  genre  humain  pouvait  recevoir  le  salut  par  Jésus-Cbrisl  ;  car. 
alinqueson  opposition  de  Jésus-Christ  t  Adam  soil  juste,  il  faut 
nécessairement  que ,  comme  tous  les  hommes  ont  reçu  un  (irlu- 
cipe  de  corruption  et  de  mort  en  Adam  ,  ils  trouvent  en  Jésus- 
Clirist  un  principe  de  résurrection  el  de  vie  qu'ils  peuveut  se  pré- 
parer 1  recevoir  ;  car  le  libre  arbitre  n'étant  pis  éteint  dans 
l'homme ,  il  peut  au  moins  connaître  la  vérité  de  la  religion ,  dé- 
sirer la  sagesse  et  se  disposer  ù  la  recevoir  par  ce  dernier  mou- 
vement ,  qui  serait  cependant  stérile  et  insullisanl  si  la  grice  ne 
s'y  joignait  pas. 

Lorsqu'on  pressait  les  »emi-Pélagiens  par  l'épTlre  de  saint  Paul 
iu\  tlouiains,  ils  avouaient  qu'ils  ne  découvraient  rien  qui  les 
biiiisfil  iur  plusieurs  endroits  de  cette  épitrc,  mais  ils  Giojr;ii«Dl 


538  SEM 

que  le  plus  sûr  éuit  de  se  taîre  sur  ces  olijets  qn^U  eti  iaposâ* 
ble  à  Tesprit  humain  de  pénétrer;  ils  soutenaient  que  le  senti- 
ment de  saint  Augustin  anèin|issait  les  eiliortiUons  des  prédica- 
teurs et  Tédification  publique  ;  que  quand  il  serait  Trai ,  il  m 
fallait  pas  le  publier,  parce  qu*il  éUit  dangereux  de  prêcher  une 
doctrine  que  le  peuple  ne  comprenait  pas,  et  qa^l  n'y  tTsit  au- 
cun péril  à  s*en  taire  * . 

L*on  n*aTait  point  défini  contre  les  Pélagiens  la  gratuité  de  la 
grAce;  le  sentiment  des  semt- Pélagiens  fut  donc  une  espèce  de 
problème  sur  lequel  on  se  partagea  sans  rompre,  ou  sans  se  sé- 
parer de  communion ,  et  le  semi-PélagianiSUie  fut  adopté  perdes 
hommes  célèbres  par  leurs  lumières  autant  que  par  leur  piété: 
tels  furent  Pauste ,  Gennade,  Cassien,  etc. 

11  y  STait  dVilIeurs  des  personnes  qui,  sans  prendre  parti  sur  la 
gratuité  de  la  grâce,  étaient  choquées  du  démt  absolu  que  saint 
Augustin  semblait  admettre  *. 

Saint  Augustin,  dans  son  livre  De  la  prédestination  et  dans  ce- 
lui Du  don  de  la  persévérance,  justifia  son  sentiment  sur  la  gra- 
tuité de  la  gr&ce  et  sur  la  prédestination  :  il  fit  voir  qu'elle  était 
clairement  enseignée  dans  rÉcriture;  qu'elle  n'était  point  injuste 
puisque  Dieu  ne  devait  ni  la  gn\cc  de  la  vocation ,  ni  le  don  de 
la  persévérance;  que  les  hommes  naissant  pécheurs  et  privés  de 
la  grâce,  il  ne  pouvait  jamais  y  avoir  de  proportion  entre  leurs  ac- 
tions et  la  grâce ,  qui  est  un  don  surnaturel  ;  que  la  grâce  et  la  fie 
étemelle  étaient  souvent  accordées  à  des  enfans  qui  n'avaient  au- 
cun mérite;  qu'il  y  en  avait  d'autres  enlevés  de  cette  vie  pendant 
qu'ils  étaient  justes  pour  prévenir  leur  chute  ;  que  par  conséquent 
ce  n'étaient  ni  les  mérites  des  hommes,  ni  la  prescience  de  l'u- 
sage qu'ils  devaient  faire  de  la  grâce  qui  déterminaient  Dieu  à 
accorder  la  grâce  aux  uns  plutôt  qu*aux  autres  ;  que  la  raison  de 
la  préférence  que  Dieu  donnait  à  un  homme  sur  un  autre  était  un 
mystère;  qu'on  pouvait  en  chercher  les  raisons  et  qu'il  les  adop- 
terait ,  pourvu  qu  elles  ne  fussent  contraires  ni  â  la  gratuité  de 
la  grâce,  ni  à  la  toute- puissance  de  Dieu. 

Saint  Augustin  ne  prétendait  donc  pas  que ,  pour  défendre  la 
gratuité  de  la  grâce  et  de  la  prédestination  ,  il  fût  indispensable 
de  supposer  que  Dieu ,  par  un  décret  absolu  et  sans  aucune  rai- 


*  Prosper,  ep.  ad  Aug,  Uilar.f  ep.  ad  Aug. 
sjbid. 


SKM  539 

irréli!'  de  loute  éieniitù  de  damner  les  uns  ei  de  sau- 
es  ;  la  prËdeilmalion ,  selon  siiïm  Augu£iin  ,  pouvait 
r  pour  principe  ni  un  décret  absolu  de  Dieu  ,  ni  lei 
mérites  des  hommes,  mais  une  raîsûn  absolument  dilTérente;  car 
qui  peut  dire  qu'il  connaît  tons  les  desseins  de  Dieu? 

Il  j  a  dune  un  milieu  entre  le  décret  absolu  qui  avait  révolté  les 
semi-Péh);iens  et  le  sentiment  qui  attribuait  la  prédestination 
ani  mérites  des  hommes;  mais  les  hommes  de  parti  ne  voient  ja- 
mais de  milieu  entre  leur  senlimenl  el  celui  de  leurs  adversaires  : 
le  semi-Pélagianisnie  continua  donc  A  faire  du  pro|;rès. 

Les  disputes  furent  vives  el  longues  entre  les  semi-Pélagicns  el 
les  disciples  de  saint  Augustin  :  les  papesCélesiin,  Gélase,  Hors- 
inisdas ,  défendirent  la  doctrine  de  saint  Augustin  ;  mais  le  semî- 
Pélagianismc  dominait  encore  duns  les  Gaules  ,  et  la  doctrine  de 
saint  Augustin  j  était  comb>itlue  par  beaucoup  de  monde. 

Césaire,  voyant  que  ce  parti  était  trop  puissant  pour  être  abattu 
par  les  disciples  de  saint  Augustin,  eut  recours  au  pope  Félix  IV, 
qui  lui  envoya  des  extraits  des  ouvrages  de  saint  Augustin. 

Césaire  ne  tarda  pas  i  en  faire  usage  :  le  palrico  Libère  faisait 
!t  Orange  la  dédicace  d'une  église  ;  Césaire,  qui  était  ami  de  Li- 
bère et  qui  avait  un  grand  crédit  sur  sou  esprit  depuis  qu'il 
l'avait  guéri  d'une  maladie ,  alla  i  la  cérémonie  de  cette  dédi- 
cace. Douze  autres  et èques  qui  étaient  aussi  a  celte  cérémonie, 
ayanl  parlé  des  matières  de  la  grice ,  s'assemblèrent  et  approu- 
vèrent les  articles  qui  avaient  été  envoyés  ï  Césaire  par  le  pape 
Félii  :  c'est  cette  assemblée  qu'on  nomme  le  second  concile  d'O- 
range ;  il  était  composé  de  douze  évéqucs,  el  buil  laïques  y  assis. 
tèrent. 

Ce  concile  publia  vingl-cinq  canons ,  qui  forment  une  des  ploi 
belles  décisions  que  l'bglise  ait  faites. 

On  décide  dans  ces  canons  le  dogme  ilu  péclié  originel,  la  né- 
cessité ,  la  gratuité  de  la  grïce  prévenante  pour  le  salut  ;  ou  j 
condamne  toute  les  finesses  et  tous  les  subterfuges  des  semi-Pé- 
lagiens  ;  on  répond  aux  reprocbes  qu'ils  faisaient  aux  culholiqucs 
de  détruire  le  libre  arbitre,  d'introduire  le  destin. 

Le  concile  déclare  que  tous  ceux  qui  sont  baptisés  peuvent  et 
doivent,  s'ils  venlent,  travailler  i  leur  salut;  que  Dieu  n'a  pré- 
destiné personne  ï  la  damnation  ,  el  on  dit  anathème  11  ceux  qui 
sont  dansceite  opinion,  sans  que  ce  sentiment  puisse  préjudicier 
i  la  doctrine  de  eeuï  qui  enseignent  que  c'est  Dieu  qui  nous  in- 


540  SET 

spire  par  sa  gr&ce  le  commencement  de  li  foi  el  de  ramonr,  qii 

est  auieardc  notre  conTersion. 

Lorsque  le  concile  fut  fini,  saint  Césaire  en  envoya  le  résout 
tu  pape  Félix  IV;  mats  Félix  éUnt  mort  avanl  qu*il  eût  reça  1rs 
lettres  du  concile  d*Orange,  Bonîface  11,  qui  lui  saccdda»  approvfa 
ces  onons.  On  trouve  sa  lettre  à  la  suite  do  concile  p  ou  à  la  léle 
de  plusieurs  manuscrits. 

Césaire  mourut  vers  la  fin  du  dixième  siècle ,  et  le  semi-Péh- 
gisiiismo  diminua  insensiblement. 

Le  scmi-Pélagianisroe  était  surtout  puissant  parce  qo*i]  s*était 
attaché  un  grand  nombre  de  personnes  qui  n'approuvaient  pas  le 
décret  absolu  ;  lorsque  FËglise  eut  condamné  ce  sentiment ,  tonte 
ceue  portion  abandonna  le  parti  semi-Pélagien ,  qu'elle  ne  regar- 
dait que  comme  un  parti  opposé  au  décret  absolu  et  qui  défendait 
la  liberté  contre  les  défenseurs  de  la  fotalité*. 

SETllIENS.  Les  Seihiens  étaient  une  secte  de  Gnostiques , 
ainsi  appelés  parce  qu*ils  honoraient  particulièrement  Seth,  qn*ils 
croyaient  être  Jésus-Christ  lui-même. 

Us  reconnaissaient,  comme  tous  les  Gnostiques,  un  être  su- 
prême ,  immortel ,  bienheureux  ;  mais  ils  crurent  voir  dans  le 
monde  des  irrégularités  et  des  imperfections  qui  ne  pouvaient , 
selon  eux,  avoir  pour  principe  un  seul  être  sage  et  tout-puissant; 
ils  aitribuèrenl  la  production  du  monde  à  des  génies. 

Ce  que  riiistoire  nous  apprend  des  différens  états  par  lesqnels 
le  inonde  et  le  genre  humain  ont  passé  leur  parut  supposer  que 
ces  puissances  se  disputaient  l'empire  du  monde,  les  uns  voulant  as- 
sujélirles  hommes,  et  les  autres  voulant  les  délivrer.  Ces  combats 
leur  parurent  difficiles  à  expliquer  dans  le  sentiment  qui  supposait 
que  le  monde  était  gouverné  par  un  seul  Être  tout-puissant. 

li  paraissait  que  les  puissances  qui  gouvernaient  le  monde  fai- 
saient de  leur  mieux;  qu'elles  se  batuient  Uniût  à  force  ouverte, 
Unt6l  qu'elles  usaient  de  finesse;  pour  expliquer  tous  ces  phéno- 
mènes, ils  imaginèrent  une  foule  de  puissances  propres  à  produira 

«  11  faut  lire,  sur  Phistoire  du  semiPélagianisme,  les ép.  t2S  et SS6 
de  saint  Augustin;  saint  Prosper  contra  collât.;  Carment.,  De  ingrat.; 
les  ouvrages  de  Fauste  ;  les  Conférences  de  Cassien ,  Gennade  ;  TUIe- 
monl,  Uist.  écoles.,  t.  43.  44.  «G;  Noris.  Ilist,  Péîag.,  I.  2,  c  ih  et 
sulv.;  Va«iuf,  Hist.  Pélag.,  I.  6,  p.  525;  Usserîu».  AnUquIt.,  «.  14; 
Ilist  iiU  dç  rrance,  U  S  et  9, 


I 


i  ces  efSeis.  Voici  cooiment  il-i  im^gin: 
lait  bit. 

Ils  concevaient  l'Ëlrc  siiprtoc  comn 
Lail  le  Père  de  tout ,  el  ils  l'appelaieni 

Ce  iiremier  Ijomine  aiait  produit  i 
bomme  el  le  Gis  de  l'iiomme. 

Le  SaÏTil-Esprii  qui  se  promenait  e 


G  unelumière infinie  :c'é- 
Ic  premier  Loaime. 
a  lils  qui  était  le  secood 


I  fils  . 


'abîme,  élail,  i 
premier  liomme  et  si 
Clirist. 

Ce  Clirist  iUh  sorti  de  : 
éle?â  ;  mais  une  autre  puiss: 
élail  descendue ,  cette  puisu 
sée  sur  les  eaui ,  elle  y  avai 
ainâi  dire  ï  elle-même,  elle 
son  si^-jour  éternel  elle  a 
son  corps  lorsqu'elle  et 
préni, 


Il  première  femme  de  laquelle  le 
valent  eu  un  lils  qu'ils  appelaient  le 

il  mère  par  le  cbté  droit,  el  s'était 
ace  était  sortie  par  le  calé  gaudic  e( 
nceéiail  la  sagesse;  elle  s'était  abai^  { 
:  pria  un  corps;  mais,  revenue  pou   ' 
s'élail  relevée,  el  en  tournant  ven    | 
lit  formé  le  del ,  cl  enfin  avait  quille 
1  parvenue   au  séjour    de  l'Être   su-    ' 


a  sagesse  était  féconde  :  elle  avai(  produit  un  Qls ,  et  ce 
avait  produit  six  autres  puissances. 

[as  Setliiens  attribuaient  à  ces  puissances  les  propriétés  néccs-  j 
saires  pour  produire  les  eOets  qu'un  observait  dans  le  monde  : 
ils  supposaient  entre  cce  puissances  des  querelles,  des  guerres, 
el  prétendaient  eiplJquer  par  ce  moyen  tout  ce  qu'on  racontât  1 
des  états  par  lesquels  le  monde  avait  passé  ;  ils  prétendaient  qofl  ] 
le  Dieu  des  arméei,  qu'ils  appelaient  Jaldabaoïh,  enorgueilli  i 

l'ait  dit  :  Je  suis  le  Dieu  suprême ,  aucun  être  u'etl   1 


plus  grand  q 
Sa  mère  a 
mier  bomme 
baoth  irrilé  a 
dit  :  Faisoi 


il  blAmé  son  orgueil  el  lui  avait  dit  que  le  pro- 
ie Fils  de  l'boinme  étaient  au-dessus  de  lui.  Jalda- 
it,  pour  se  venger,  appelé  les  honuDes, 
riiomme  il  noire  image;  aussilAl  l'homme 


raitéti  J 
formé ,  et  Jaldaliaoïb  lai  avait  inspiré  un  sounie  de  v 
avait  ensuite  formé  une  femme,  avec  laquelle  les  anges  avaient  1 
eu  commcrL'o ,  et  de  ce  commerce  étaient  nés 

JaMabaotb  donna  des   lois   au\  hommes,  et  leur  détendit  do   j 
manger  d'un  certain  fruit. 

La  mère  de  Jaldabaotb ,  pour  punir  l'orgueil  de  son  Gis ,  de^ 
n  serpent  qui  persuada  il  Ëvo  de  mander  dit 
K{ruil  défendu,  f.ve,  après  s'être  lai^^é  séduire,  persuada  Adam,. 


11. 


-16 


r 


542  SET 

Le  crétteur  des  hommes ,  irrité  de  leur  désobéissance ,  les 
diassa  du  paradis. 

Adam  et  Eve ,  chargés  de  la  malédictiou  du  créateur,  nVoreot 
point  d*enfans  ;  le  serpent  descendit  du  ciel  sur  la  terre ,  soumit 
les  anges  et  en  produisit  six  autres,  qui  furent  ennemis  des  hom- 
mes parce  que  c'était  peureux  que  le  serpent  a^ail  quitté  le  ciel. 

La  sagesse,  pour  adoucir  le  sort  des  hommes,  les  avait  éclairés 
d^Une  lemière  surnaturelle  ;  ils  avaient  par  ce  moyen  trouvé  de  la 
ilourrîture,-  et  ils  avaient  eu  des  enfans,  Caîn  et  Abel. 

Caîo,  séduit  parle  serpent,  tua  Abel;  mais  enfin,  avec  le  secours 
de  la  sagesse,  Adam  et  Eve  eurent  Seth  et  Norca ,  d*où  sont  sor- 
tis tous  les  hommes. 

Les  serpens  portaient  les  hommes  à  toutes  sortes  de  crimes  , 
tandis  que  la  sagesse  empêchait  que  la  lumière  ne  s'éteignît  parmi 
les  hommes. 

Le  créateur,  irrité  de  plus  en  plus  contre  les  hommes ,  couvrit 
la  terre  d*un  déluge  qui  devait  anéantir  le  genre  humain  ;  mais 
la  sagesse  avait  sauvé  Noé  dans  Tarche,  et  Noé  avait  repeuplé  la 
terre. 

Le  créateur,  ne  pouvant  anéantir  les  hommes,  voulut  faire  avec 
eux  un  pacte,  et  choisit  Abraham  pour  cela.  Moïse,  descendant 
d*Abraham ,  avait ,  en  vertu  de  ce  pacte ,  délivré  les  Hébreux 
d^Égypte ,  et  leur  avait  donné  une  loi  ;  il  avait  ensuite  choisi  sept 
prophètes ,  mais  la  sagesse  leur  avait  fait  prononcer  des  prophé- 
ties qui  annonçaient  Jésus-Christ. 

La  sagesse,  par  cet  artiGce,  avait  fait  en  sorte  que  le  Dieu  créa- 
teur ,  sans  savoir  ce  qu'il  faisait ,  fit  naître  deux  hommes ,  Tun 
d'Elisabeth  et  l'autre  de  la  vierge  Marie. 

La  sagesse  était  bien  fatiguée  des  soins  qu'elle  donnait  aux 
hommes ,  elle  s'en  plaignit,  et  sa  mère  fit  descendre  le  Christ  dans 
Jésns ,  afin  qu'il  la  secourût. 

Aussitôt  qu'il  fut  descendu ,  Jésus  naquit  de  la  Vierge  par  l'o- 
pération de  Dieu,  et  Jésus  fut  le  plus  sage,  le  plus  pur  et  le  plus 
juste  de  tous  les  hommes  ;  beaucoup  de  ses  disciples  ne  savaient 
pas  d'abord  que  le  Christ  fût  descendu  en  lui.  11  fit  des  miracles 
et  prêcha  qu'il  était  le  fils  du  premier  homme;  les  Juifs  le  cruci- 
fièrent ,  et  alors  le  Christ  quitta  Jésus  et  s'envola  vers  la  sagesse 
lorsque  le  supplice  commença. 

Le  Christ  ressuscita  Jésus,  qui,  après  la  résurrection,  avait  eu 
yu  corps  glorieux  et  ne  fut  pas  reconnu  par  les  disciples  :  il 


SEV 

ttirc  teâ  ùmcs  de) 


S43      ^^M 
bienheureux  sans       ^^^| 


monta  ensuite  aucjt.'l  uu 
que  le  créateur  le  s.nrhe. 

|j)rsque  Te^prii  de  lumière  qui  est  chei  les  hommes  ser^ 
r£uni  dans  le  ciel,  il  formera  un  Ëon  immoriel,  et  ce  sera  la  fin  du 
monile. 

Quelques-uns  parmi  les  Sethieus  croyaient  que  la  sagesse  s'é- 
lail  manilestée  aux  honimes  sous  la  Sgure  d'un  serpent  :  c'ett  ap- 
paremmenl  pour  cela  qu'on  les  appeU  Opliitcs  par  dérision, 
comme  s'ils  adoraient  un  serpent.  H  j  eut  des  Opliitesdiflérensdes 
Seltiiens ,  puisque  les  Opliites  reoiaical  Jésus-Cbrisl.  Voyet 
OruirES  '. 

SÉVÈRE  vécut  un  peu  après  Talien  et  fut  le  chef  de  la  secia 
des  Sôvérieus. 

L'origine  du  bien  et  du  mal  était  alors  la  graode  difficulté  qu'oa 
s'efTorcalt  d'ècUirer  :  Sévère  crut  que  le  bien  et  le  mal  qu'oa 
voyait  dans  le  monde  supposaient  qu'il  éluil  soumis  k  des  princi- 
pes opposés,  dont  les  uns  étaient  bons  et  les  autres  mécliins,et 
subordonui^s  cependant  ï  un  Être  suprême  qui  résidait  au  plus 
baut  des  cîeui. 

Comme  le  bien  et  le  mal  sont  mêlés  presque  partout,  Sévèra 
s'imagina  qu'il  s'était  fait  entre  les  bons  et  les  mauvais  principei) 
une  espèce  de  contnit  ou  de  transaction  par  laquelle  ils  avaient 
mis  surb  terre  une  égale  quantité  de  biens  et  de  maui. 

L'homme,  qui  est  un  mélange  de  qualités  estimables  et  vicieux 
ses,  de  raison  et  de  passions,  avait  été  formé  par  les  bons  ei  pu 
les  mauTaîs  esprits.  ' 

D'après  ces  vues  générales ,  rien  n'était  plus  intéressant  pour 
l'homme  que  de  bien  distinguer  ce  qu'il  avait  reçu  des  puissaocei 
bienfaisantes  et  ce  que  les  puissances  malfaisantes  avaient  mis  en 

lui. 

L'bomme  avait ,  scion  Sévère ,  deux  propriétés  principales  et 
esseniielles,  qui  faisaient  eu  quelque  sorte  tout  l'homme;  il  était 
raisonnable  et  sensible  :  sa  sensibilité  était  le  principe  de  loulea 
ses  passions,  et  ses  passions  causaient  tous  ses  malheurs  ;  Is  rai- 
son, au  contraire,  lui  procurait  toujours  des  plaisirs  tranquilles 
et  purs.  Sérère  jugea  que  l'homme  arait  reçu  la  raison  des  puis- 
sances bienfaisantes,  ut  la  sensibilité  des  puissances  malfaisantefl. 

■Irzn,,  L  1,  c.  14,  Ëpipb,,  Uxr.  ai.  Ter.,  De  prxscripl.>  c.  i.% 
Philastr.,  De  hxr.,  c.  3.  Âug ,  Oc  byr.,  c.  79.  Damaic.,  Hier.  :9. 


644  SIM 

De  ces  principes  généraux  il  conclut  que  le  siège  de  U  nidon 
est  TobYrage  des  êtres  bienfaisans ,  et  que  le  siège  des  passions 
est  la  production  des  puissances  malfaisantes;  sinn»  seloD  Sévère, 
le  corps  humain,  depuis  la  tète  jusqu*aii  nombril,  était  l'ouTrage 
du  bon  principe,  et  le  reste  du  corps  était  TouTrage  du  mâevaû. 

I^e  bon  et  le  mauvais  principe,  après  avoir  ainsi  fomérhomme 
de  déluL  parties  si  contraires,  avaient  mis  sur  la  terre  tout  ce  q« 
pouvait  entretenir  la  vie  de  Thomme  :  Fètre  bienfaisant  avait 
pbcè  autour  de  lui  des  alimens  propres  à  entretenir  rorganisation 
du  corps  sans  exciter  les  passions;  et  Tètre  malfaisant,  au  con- 
traire, avait  mis  autour  de  lui  tout  ce  qui  pouvait  éteindre  la  rai* 
son  et  allumer  les  passions.  ' 

Lorsqu^on  étudie  Thisloire  des  malheurs  qui  ont  a£Digè  les  hom- 
mes, ou  voit  qu*ils  ont  presque  tous  leur  source  dans  Tivresse  on 
dans  Tamour  ;  Sévère  conclut  de  là  que  le  vin  et  les  femmes  étaient 
deux  productions  du  mauvais  principe.  , 

L*eau,  qui  conservait  Thomme  calme  et  qui  n^altérait  point  sa 
raison,  était  un  principe  bienfaisant. 

Les  Encratiles  ou  Talianisles,  qui  trouvèrent  les  principes  de 
Sévère  favorables  à  leur  senlimcnt,  s*atUchèreut  à  lui  et  prirent 
le  nom  de  Sévériens  *. 

SÉVÉRIENS,  disciples  de  Sévère  dont  nous  venons  de  parler. 

11  y  a  eu  aussi  des  Sévériens,  ainsi  nommés  parce  qu'ils  étaient 
attachés  à  Sévère,  chef  des  Âcépliales. 

SILENCIEUX  :  c*est  ainsi  que  Ton  nommait  ceux  qui  ne  ren- 
daient point  d'autre  culte  que  le  silence. 

SIMON ,  surnommé  le  Magicien  ,  était  du  bourg  Gitton,  dans 
le  pays  de  Samarie;  il  fut  disciple  du  magicien  Dosithée,  qui 
prétendait  être  le  Messie  prédit  par  les  prophètes.  Le  disciple  fil 
des  efforts  extraordinaires  pour  surpasser  son  mattre  dans  Part 
des  prestiges  et  il  réussit  :  on  prétend  qu*il  passait  impunément  au 
milieu  des  flammes ,  qu*il  traversait  les  airs  comme  les  oiseaux , 
qu'il  se  métamorphosait  et  paraissait  sous  mille  formes  diffé- 
rentes; sa  parole  ouvrait  les  portes,  changeait  les  pierres  en 
pain  et  produisait  des  arbres  *. 

Que  ces  prestiges  fussent  des  effets  du  commerce  que  Simon 

*  Eu  eb.,  HisU  ecdcs.,  1.  4,  c  29*  Épiph.,  Ilsr.  44. 

*  Nicéphore,  I.  3.  Hist.  ecdes.,  c  S7.  Glem.  Reoognit.,  L  3.  M.  Bas- 
na^  nie  ces  faits,  mais  il  ne  donne  aucune  raison  de  son  sentiment. 


SIM 

!C  les  damons  ou  Joa  tours  (t'adrc: 
t  presque  luut  le  iicu^ile  do 


m 


,  il  esl  Cl 


sur  lui  toalc  rjlteiiliuo  du  peuple  el  lit  rentrer    Diisitliée  dans 
la  cbsse  des  bommes  ordiiiuires  ;  ou  l'appeliiil  U  graude  venu 

Tandis  que  Simon  fiaii  dans  su  gluiro,  s^iÎLil  Pliilippe  prèelia 
l'Ëvangile  à  Samarie  ;  il  j  Qt  des  mirades  qui  déironipèreol  les 
Samaritains  ;  on  recunnot  les  prestiges  de  Siuion,  et  il  lui  ubun- 
dunné  par  beaucoup  de  monde.  Simon  fut  étonné  lui-même  de  la 
imissance  des  prédicileurs  de  rËviinj-ile;  mais  il  ue  les  regarda 
([ue  comme  des  magiciena  d'un  ordre  supérieur .  et  le  liaptémr , 
les  prières  et  les  jeûnes  comme  une  espèce  d'iuitiuliun  aui  mys- 
tères du  cLrislianisme,  qui  n'i-'taii,  selon  lui,  qu'une  espèce  de 
mngie.  Il  se  Gt  baptiser ,  il  prijii,  il  jeûnait,  el  ne  quittait  point 
saint  Philippe,  dans  l'espérance  de  lui  ari-acber  $0[i  secret. 

Ixirsques  les  apùtres  surent  que  l'I'^vangile  avait  été  re(U  !i  Sa- 
marie, ils;  envoyèrent  saint  Jean  et  saiui  Pierre  pour  confir- 
mer les  QdËles  ;  ils  leur  imposèrent  les  mains,  el  te  Saint-Esprit 
descendit  sur  fu\  visiblement ,  ce  qui  paraissait  par  le  don  de 
prnpbétie,  pur  le  don  des  langues,  etc. 

Simon,  éionné  de  plus  on  plus  de  b  puissance  des  apAlres, 
voulut  acheier  de  eaiiil  Pierre  son  secret  ;  car  il  u'avait  pas  da 
dun  des  miracles  une  autre  idée.  Saint  Pierre  eut  horreur  dç 
celte  proposition,  et  lui  Si  une  vive  réprimande;  Simon,  qui, 
redoutait  lu  puissance  de  saint  Pierre,  se  retira  confus,  et  de- 
manda â  saint  Pierre  qu'il  prilt  pour  lui  '. 

De  l'argent  que  saint  Pierre  refusa,  Simon  en  acheta  une 
,  courtisane  nommée  IlélËne,  qui  apparemment  devait  servir  i  ses 
'  opérations  magiques  el  â  ses  plaisirs  *. 

Simon,  accompagné  d'Hélène,  se  relira  dans  les  provinces  oti 
l'un  n'avait  pas  encore  annoncé  l'Ëvangile  cl  coniballil  la  doc- 
trine des  apAires  sur  l'origine  du  monde  et  sur  la  Providence, 
l'eut-on.  ilisail  Simon,  supposer  que  l'Être  suprême  ait  produit 
immédiatement  le  monde  ?  S'il  avait  formé  lui-même  l'homme , 
lui  aurait-il  prescrit  des  lois  nii'il  savait  qu'il  n'observerait  pasï 
ou  s'il  a  voulu  qu'Ad.im  observai  ses  pr6ceples,  quelle  est  dom 
la  puîssnncc  de  ce  créateur,  qui  n'u  pu  prévenir  la  cbuiedc 


I 


tAcl.  I 
ïirt., 


r.to. 


de    ^i 


546  SIM 

rhomme  ?  Non,  ce  créateurn'est  point VÊtre  tout-puissvit  et 
Terainemenl  parfait  et  bon,  c*est  un  être  ennemi  des  hoaiines,  qui 
ne  leur  a  donné  des  lois  que  pour  avoir  des  coupables  à  punir  K 

Voici  le  système  que  Simon  substituait  à  la  doctrine  des 
tpôtres,  et  comment  il  croyait  prévenir  les  difficultés  qu*on  poo- 
vaitJui  opposer. 

La  pbilosopbie  platonicienne  était  alors  fort  en  vogue  en 
Orient  :  ce  u*était  point,  à  proprement  parler,  le  système  de 
Platdti,  qui  n*en  avait  peut-^tre  point  eu  ,  c*élait  le  fond  du  sen- 
timent qui  reconnaît  dans  le  monde  un  Esprit  éternel  et  infini 
par  lequel  tout  existe. 

Les  Platoniciens  ne  croyaient  pas  que  cet  esprit  eût  produit  im- 
médiatement le  monde  que  nous  habitons;  ils  imaginaient  entre 
rÉire  suprême  et  les  productions  de  la  terre  une  longue  chaîne 
d*esprits  ou  de  génies,  par  le  moyen  desquels  ils  expliquaient 
tous  les  phénomènes  :  comme  ces  génies  n*avaient  pas  une  puis- 
sance infinie,  on  avait  cru  pouvoir  résister  à  leurs  efforts  par  des 
secrets  ou  par  des  enchantemens  ,  et  la  magie  sYtait  incorporée 
avec  ce  système,  qui,  comme  on  le  voit,  était  absolument  arbi- 
traire dans  les  détails  ;  ce  fut  ce  système  que  Simon  adopta,  et 
qu'il  tâcha  de  rendre  sensible  au  peuple. 

11  supposait  une  intelligence  suprême,  dont  la  fécondité  avait 
produit  une  infinité  d'autres  puissances  avecdes  propriétés  différen- 
tes à  Tinfini.  Simon  se  donna  parmi  ces  puissances  la  place  la  plus 
distinguée,  et  bâtit  sur  cette  supposition  tout  son  système  théo- 
logique destiné  à  expliquer  au  peuple  la  naissance  du  péché  dans 
le  monde,  Torigine  du  mal,  le  rétablissement  de  Tordre  et  la  ré- 
demption des  hommes.  Simon  ne  niait  donc  pas  ces  dogmes;  mais 
il  prétendait  que  les  apôtres  les  expliquaient  mal,  et  voici  quel 
était  son  système,  dont  le  fond  a  servi  de  canevas  à  plusieurs  des 
hérétiques  des  trois  premiers  siècles;  ainsi  Ton  croyait  alors  le 
péché  originel,  et  Ton  attendait  un  rédempteur. 

Du  système  de  Simon, 

Je  suis,  disait  Simon,  la  parole  de  Dieu,  je  suis  la  beauté  de 
Dieu,  je  suis  le  Paraclct,  je  suis  le  Tout- Puissant,  je  suis  tout 
ce  qui  est  en  Dieu. 

•  Fragmens  des  ouvrages  do  Simon,  rapportés  par  Grabe,  Spicilcg. 
PP.,  pag.  308. 


L 


SIM  54 I 

J'ai,  par  ma  toiilc-puUsanoe,  proiluit  îles  iotelligeaces  dauûes 
de  liilTérentes  propriêlés;  je  leuraidnnnû  différents  degrés  de 
puissance.  Lorsque  je  ruratui  le  dessein  de  ruirelemamle,  la  pre- 
niière  de  c<^  inielligencea  pénétra  mon  dessein  ei  voulut  préve- 
nir lua  TotoDté  ;  elle  descendit  et  produisit  les  anges  el  les  autres 
puissances  spirituelles ,  auxquellt'a  elle  ne  donna  aucune  con- 
naissance de  l'Etre  luut-puissant  auquel  elle  devait  l'existence. 
Ces  anges  elces  puis-ances,  pour  maniresler  leur  pouvoir,  pro- 
duisirent le  monde;  el  pour  se  faire  regarder  comme  des  dieux 
suprËtnes,  et  qui  n'avaient  point  été  produits,  retinreat  leur  mère 
parmi  eux,  lui  firent  mille  outrages,  et,  pour  l'euipêcUer  de  re- 
tourner vers  sou  père,  l'enfermèrent  dans  le  corps  d'une  femme  ; . 
en  sorte  que  de  siècle  en  siècle  elle  avait  passé  dans  le  corps  de 
plusieurs  femmes,  comme  d'un  vaisseau  dans  l'autre.  Elle  avait . 
été  la  belle  llélèue  qui  avait  causé  la  guerre  de  Troie, el,  pas- 
sant de  corp«  en  corps,  elle  avait  été  réduite  !i  cette  infamie,  qua 
d'èlre  exposée  dans  un  lieu  de  débauche. 

J'ai  voulu  retirer  Iléléue  de  la  servitude  et  de  l'Iiumiliation,  je 
l'ai  cliercliée  comme  ua  pasteur  cherche  une  brebis  égarée  ;  j'ai 
parcouru  les  mondes,  je  l'ai  iruuvée,  el  je  veui  lui  rendre  sa 
première  splendeur.  C'était  ainsi  que  Simon  prétendait  justiSer  U 
licence  de  s'associer  dans  sa  mission  une  courtisane.  U.  de  Deau- 
siibre  prétend  que  l'histoire  d'Hélftne  est  une  allégorie  qui  dési- 
gne l'inii'  ;  ce  sentiment  et  plusieurs  autres  qu'il  adopte  ne  m'ont 
pas  paru  suflisiimmcnl  prouvés;  ou  j  voit  un  homme  d'esprit  qui 
combat  par  d'ingénieuses  conjectures  des  témoignages  positifs. 

Eu  parcourant  les  mondes  formés  par  les  auges,  disait  Simon, 
j'ai  vu  que  chaque  monde  était  gouverné  par  une  puissance  prln- 
cipule;  j'ai  vu  ces  puissances  ambitieuses  et  rivales  se  disputer 
l'empire  de  l'univers  ;  j'ai  vu  qu'etiHS  everçaient  tour  â  tour  un 
empire  lyranuiquesur  l'homme,  en  lui  prescrivant  mille  pratiques 
fatigantes  et  insensées  ;  j'ai  eu  pitié  du  genre  bumain,  j'ai  résolu 
de  rompre  ses  chaînes  et  de  le  rendre  libre  en  l'éclairant  :  pour 
l'éclairer,  j'ai  pris  une  figure  humaine,  et  j'ai  paru  un  hommo 
entre  les  hommes,  sans  éire  cepenilanl  un  homme. 

Je  viens  leur  apprendre  qw  les  diUérenies  religions  sont  l'ou- 
vrage des  anges,  qui,  pour  tenir  les  hommes  sous  leur  euipirc, 
ont  iusp'ré  des  pfjphAie*,  et  persuadé  qu'il  y  avait  des  ai^tinrs 
bonnes  el  mauvaises,  les<|ueUeB  seraient  punies  ou  r*con"persé>'ï. 
hommes,  intimidés  /ar  leurs  menaces  ou  ïûJuitï  i>ar  leurs 


548  SIM 

promesses,  se  sont  refasés  aux  plaisirs  oa  défooés  à  la  mortifi- 
cation. Je  viens  les  éclairer  et  leur  apprendre  qu'il  D*y  a  point 
d*action  bonne  ou  mauvaise  par  elle-même;  que  c'est  par  ma 
grâce  et  non  par  leurs  mérites  que  les  hommes  sont  sauvés,  et 
que  pour  Tétre  il  suffit  de  croire  en  moi  et  à  Hélène  :  c*est  pour- 
quoi je  ne  veux  pas  que  mes  disciples  répandent  lear  sang  pour 
soutenir  ma  doctrine. 

Lorsque  le  temps  que  ma  miséricorde  a  destiné  à  éclairer  les 
hommes  sera  fini ,  je  détruirai  le  monde,  et  il  n*y  aura  de  salut 
que  pour  mes  disciples:  leur  âme,  dégagée  des  chaînes  da 
corps,  jouira  de  la  liberté  des  purs  esprits  ;  tous  ceux  qui 
auront  rejeté .  ma  doctrine  resteront  sous  la  tyrannie  des 
anges  *. 

Telle  est  la  doctrine  que  Simon  enseignait  :  un  prestige  dont  il 
s*appuyait  subjuguait  Timagination  de  ses  auditeurs  ;  ils  voulaient 
devenir  ses  disciples  et  demandaient  le  baptême;  le  feu  descen- 
dait sur  les  eaux ,  et  Simon  baptisait  *. 

Par  ces  artifices,  Simon  avait  séduit  un  grand  nombre  de  dis- 
ciples, et  s^élait  fait  adorer  comme  le  vrai  Dieu. 

Simon  connaissait  retendue  delà  crédulité;  il  savait  que  les 
contradictions  les  plus  choquantes  disparaissaient  aux  yeux  des 
hommes  séduits  par  le  merveilleux ,  et  que,  tant  que  le  charme 
dure,  rimagination  concilie  les  idées  les  plus  inalliables.  11  sou- 
tenait donc  qu*il  était  tout-puissant ,  quoiqu^il  fût  sujet  &  toutes 
les  infirmités  de  la  nature  humaine;  il  disait  qu'il  était  la  grande 
vertu  de  Dieu ,  quoiqu'il  détruisît  toute  la  morale  et  qu'il  ne  put 
délivrer  ses  adorateurs  d'aucun  de  leurs  maux. 

Les  disciples  de  Simon  perpétuèrent  Tillusion  par  les  prestiges 
qui  Tavaicnt  produite ,  et  le  peuple ,  qui  ne  retourne  jamais  sur  ses 
pas  pour  examiner  une  doctrine  qui  ne  le  gène  pas,  adorait  Simon 
et  croyait  ses  prêtres.  Saint  Justin  remarque  que  vers  l'an  150 
presque  touslesSamaritains,  cl  même  un  petit  nombre  d'autres  en 
divers  pîtys,  reconnaissaient  encore  Simon  pour  le  plus  grand  des 
dieux.  Il  avait  encore  des  adorateurs  vers  le  milieu  du  troisième 
siècle,  comme  on  le  voit  par  un  ancien  auteur  qui  écrivait  contre 
saint  Cyprien. 
Simon  composa  plusieurs  discours  contre  la  foi  de  Jésus  Christ, 

*  Ira'U.,  l.  d,  c  20,  édlL  Grab.,  édil  Mabsuet,  c.  23. 

*  (-ypr.,  De  baptism. 


SIM  iVi 

il  les  iaLiiula  les  CoiilraïUuiiaiis.  M.  Crabe  nous  cD  a  iluuaé  quel- 
ques fragmens  *. 

ParitiL  les  disciples  de  Simon,  quelques-uns  voulurent  tj'ire  uno 
seclt!  à  part  :  lel  fut  Uéuanilre  qui  cliangea  quelque  chuse  ï  h 
ductrine  de  son  mallre  et  lil  une  nouvelle  secie  appelËe  la  secle 
des  Sléoiindrieiis.  Voijei  l'an,  de  Mésindee. 

Dt  la  ilalue  élevée  à  Simon  et  de  ta  ditpule  arec  taini  Pierre. 

Saint  Justin  el  d'autres  PËrcs  assurent  que  l'on  éleva  dans  Runie^ 
une  slalue  ù  Simon:  ils  ne  sont  point  d'accord  sur  lu  temps. 
Saint  Iréni^'eet  suint  Cyrille  de  Jérusalem  disent  qu'elle  fut  élevée 
par  ordre  de  l'empereur  Claude,  et  par  conséquent  après  la  mort 
de  Simon.  Saint  Augustin,  aueoniraire,  dit  que  celle  statue  fut 
érigiie  ï  la  persujsion  de  Simon  *. 

Des  critiques  célèbres  ont  cru  qu'on  avait  pris  une  statue  du 
dieu  Semon  Sangiit  pour  une  statue  de  Simon  ;  voici  le  fonde- 
ment Je  leur  conjecture  ; 

Ou  sait  que  les  Romains,  ii  l'imitation  des  Sabins,  ador.iieiil 
un  Sema  Saaeut  qu'ils  disaient  âlre  leur  Hercule  ;  on  a  même 
trouvé  dans  ces  derniers  temps  une  statue  dans  l'ile  du  Tibre,  oli   y 
saint  Jusiiu  dit  qu'était  celle  de  Simon  ;  cette  statue  porte  cetts  | 
inscription,  assez  approchante  de  celle  que  nipporle  saint  Justin: 
Seiaoni Sanca  (ou  Sanffe)  Deo  fldio lacrum.  Scx.  Pompelut  Sp.  £..  \ 
Col.  Muttiaaut  qHinqueanalît  Decurh  Didrniqtii  doMim  dedH. 

Cette  stitue,  trouvée  sous  le  pontificat  de  Grégoire  XIII, 
iSli,  dans  le  lieu  uiêine  ob  saint  Justin  dît  qu'on  avait  élevé  une 
statue  i  Simon-le-Magicien ,  a  donrié  lieu  de  croire  que  saint 
Justin  avait  confondu  Sfmon  avec  Simon ,  surtout  parce  que  le> 
graveurs  mettaient  assez  souvent  un  I  pour  un  E  ;  on  trouve  niËme 
même  que  ce  SOmon  est  quelqui^fois  appelé  Saoelut  ans&i  bica  , 
que  Sancui ,  de  sorte  que  l'Inscription  pouvait  être  telle  que  1%  i 
rapporte  saint  Justin,  et  n'avoir  rien  de  commun  avec  Simon-le- 
Magicien.  On  ne  trouve  dans  les  auleurs  païens  rïpn  qni  ait  rap- 
port Il  cet  événement ,  ce  qui  ne  serait  guère  possible  s'il  était 
vrai;  d'ailleurs,  les  Juifs  étaient  odieux  ù  Claude,  et  le  sénat   J 


■  Dionis.,  Du  divin,  iiominibus,  c.  G,  p.  50&.  CoidIîI,  aposlol.,  1.  ( 
•■  8,  16.  Grab..  Spidlcg.  PP.,  p,  305. 
I  Justin,  Ai>olos.  1,  c  û4. 


550  sm 

pfnécuUil  les  magiciens    et  les   itaît  chaftés  de  Roue  *. 

Eafio,  il  est  certain  qu*on  n*accordait  Tapothéose  qa*«az  en- 
pereurs ,  et  encore  après  leur  mort  :  comment  aurait-on  fait  de 
SimoD-le-Magicieo  ua  Dieu  pendant  sa  vie? 

M.  de  TiUemont  soutient  que  saint  Justin,  ayant  cité  œ  fiûl  daas 
son  apologie  adressée  au  sénat,  aurait  été  convaiBca  de  faosselé 
sur4e-champ  s'il  n*eùt  pas  été  vrai.  Cependant  saint  Justin ,  dît 
M.  de  TiUemont,  cite  encore  ce  fait  dans  la  seconde  apologie,  et 
même  dans  son  dialogue  contre  Tripbon,  et  le  cite  comme  an  fait 
qui  n*ayait  pas  besoin  d*être  prouvé  ;  par  conséquent,  dit  M.  de 
TiUemont ,  les  païens  qui  étaient  k  portée  de  convaincre  saut 
Justin  de  faux  n*ont  point  regardé  comme  une  chose  douteuse 
que  Ton  eût  érigé  une  sutue  k  Simon  :  il  cite  encore ,  pour  ap- 
puyer son  sentiment,  M.  Fleury,  etc. 

On  peut  répondre  k  M.  de  TiUemont  : 

1*  Que  les  apologies  de  saint  Justin  n'étaient  pas  dea  ouvrages 
que  le  sénat  eût  entrepris  de  réfuter  ;  ainsi  son  silence  ne  prouve 
rien  en  faveur  de  saint  Justin  ; 

2*  Ce  fait  était  trop  peu  important  pour  en  faire  un  sujet  de 
controverse  ; 

3*  Si  ce  fait  avait  eu  un  aussi  grand  degré  de  notoriété  qu*on 
le  prétend ,  pourquoi  les  Pères  sont-ils  si  opposés  entre  eux  sur 
le  temps  auquel  cette  statue  fut  érigée,  et  pourquoi  les  uns  disent- 
ils  que  ce  fut  du  vivant  de  Simon ,  les  autres  après  sa  mort?  Si 
Pacte  par  lequel  le  sénat  et  Tempereur  avaient  érigé  une  statue 
à  Simon  eût  été  si  connu,  n'y  aurait-on  pas  vu  exactement  si  ce  fut 
sous  Néron  ou  sous  Claude  que  la  statue  fut  élevée? 

Il  parait  quec*est  sans  beaucoup  de  fondement  que  M.  de  TIU 
lemont  s'appuie  sur  l'autorité  de  M.  Fleury  :  c'est  en  faisant  l'ana- 
lyse de  l'apologie  de  saint  Justin  que  M.  de  Fleury  rapporte  le 
fait  de  la  statue  de  Simon,  il  ne  le  garantit  point,  il  ne  l'examine 
point;  enfin  le  PèrePétau,  Ciaconius,  M.  de  Valois,  Rigault» 
Blondel,  etc.,  reconnaissent  que  saint  Justin  s'est  trompé  *• 

Plusieurs  auteurs  du  cinquième  siècle  ont  rapporté  que  Simon 
s'étant  fait  élever  en  l'air  par  deux  démons  dans  un  cbariotde  feu 

«  TaciU,  Annal.,  1.  2,  r.  7. 

>  Petavius,  in  Epiph.  Hcn.  Valesius,  ad  Euseb.,  1.  3,  c.  13.  Desid. 
Heraldus,  in  Amob.  et  Tert.  Rigalt.,  in  Tert.  Blonde,  DeSybilia,  c.  2« 
Vandale,  Dissert  de  orac.  Ittigius,  Dis.  de  baeres.,  sect.  i,  c  i. 


fc 


soc 


Tbt  pr6cîpit6  par  l'etTet  des  priËrt»  de  saint  Pierre  ei  de  saint 
Piiut,  Fl  qu'il  mourut  de  sa  chute. 

Mais  eu  fuit  csl  apocryphe  ;CKr,indëp«D<litmmi'DI  de  lu  difliciillé 
de  le  concilier  avec  lu  chronologie,  il  est  certain  que  la  chute  de 
Simon  ,  i  lu  priËre  de  saint  Pierre  ,  était  un  Tait  trop  impniltint 
pour  avoir  été  ignoré  des  cliréiiens  et  pour  n'avoir  pas  M  cm- 
pliiyii  par  les  apologistes  des  premiers  siècles;  cependant  saint 
Jii&iin,  saint  IrËnëe,  Tertullîen ,  n'en  parlent  point,  eux  qui  ont 

SISCIDOIS  :  ils  avaient  les  mêmes  sentîmcns  qne  les  Vaudoii, 
si  ce  n'est  qu'ils  avaient  plus  de  respei;t  pour  le  sacrement  de 
i'Kiicii-Jrislie  *. 

SOCIMAMSIIE,  doctrine  des  Sociniens ,  dont  Lélie  et  Fausie 
Socin  «ont  regardas  comme  les  auteurs,  et  qui  a  su  source  dans 
les  principes  de  la  Rérurme. 

•(  de  ion   pmgrês  jusii»'ii  la  mort  de 


Lnllier  avait  ntUquâ  l'auturité  de  l'Ëglise,  de  la  tradition  et  i 
des  l'en'9  ;  l'filcriluTe  était ,  selon  ce  iliéologien  ,  la  seule  r^gle  de 

nuire  fol  ,  et  chaque  particulier  était  l'inlerprèle  de  l'Écriture.  1 

Le  clirétien ,  abacidonnê  h  lui-même  dans  rïnlerpréiatiun  do  \ 
l'Écriture,  n'eut  pour  guide  que  ses  [«opres  cunnaiisancra ,  et 

cliuque  prétendu  rérornié  ne  découvrait  dans  l'Ëcriture  que  ca  \ 

■  Les  auteurs  qui  rapportent  la  chule  de  Simon  ont  pcal-étre  appll-  ' 
que  A  cet  imposteur  ce  quL-  Suf-lone  rapporte  d'un  homme  qui,  sans  i 
NeriM,  sejnaen  l'air  el  se  lirina  en  lombaiiL  Celle  coojccluru  d'Ittl- 
f-!u9iiVslpasde<;i:née  de  vraisemblance:  nneancrcnnc  tradition  por- 
tait rini-Simnn  voUtioii  Ironve,  EousNfron,  qu'nn  lionime  prètindit 
aiiiir  leseercl  Je  loleriil  ftiiiHoul 'impie  de  jiiser  une  cet  homme 
i\3\t  Simon.  Rien  n'est  tlcrdlniiire  que  di's  rappruchemcns  de  celte  e»- 

Un  préienla  iPanI  IV  des  medslllei  qui  porlnlent  ri'un  cSlè  Néron  et 
de  l'autre  iiiinl  Pierre,  arec  celle  I^ende  :  PelrusGalIlIvus.  Il  y  a  des 
|ier«omufl  qui  ont  cm  que  citle  loèilaillc  avait  été  frupp4e  en  mémoire 
(le  la  victoiredc  saint  Pierre  surSiniou;  iln'e-t  pas  nt'ccstnirc  de  faire 
[tes  itnriian*  mr  ridle  preuce.  Veyei  sur  cela  DJVid  de  la  noqoe, 
iJlLictt.  lie  ie„i  '>ic  r»lmifiani.' ,  p.  013, 

>  Dupin,  InisiinH  dfiete. 


r,i2  SOC  #W 

qui  était  confurme  aux  opinions  et  aux  idées  qu'il  avait  reçues  ot 
aux  principes  qu*il  s'était  faits  lui-même  ;  et  comme  preiiqae  lot- 
tes les  hérésies  n'étaient  que  de  fausses  interprélatioos  de  r£- 
criture ,  presque  toutes  les  hérésies  reparurent  dans  un  siècle  ok 
le  fanatisme  et  la  licence  avaient  répandu  presque  dans  toole 
TEurope  les  principes  de  la  Réforme. 

On  vit  donc  sortir  du  sein  de  la  Réforme  des  sectes  qni  atta- 
quèrent les  dogmes  que  Luther  avait  respectés  :  le  dogme  de  la 
trinité,  la  divinité  de  Jésus-Christ,  refTicacité  des  sacremens,  la 
nécessité  du  baptême.  Voyez  k  Tarticle  Lcthee  les  sectes  sor- 
ties du  Luthéranisme ,    les  articles  Anabaptistbs  ,  Aeiess  mo- 

DEnNES. 

hiais  ces  sectes ,  nées  presque  toutes  du  fanatisme  et  de  Vigoo- 
rance ,  étaient  divisées  entre  elles  et  remplissaient  rAllemagne 
de  divisions  et  de  troubles. 

Pendant  que  rAllemagne  était  déchirée  par  ces  factions ,  les 
principes  de  la  Réforme,  portés  dans  les  pays  où  le  feu  du  fana- 
tisme n'échauffait  pas  les  esprits,  germaient  pour  ainsi  dire  pai- 
siblement et  acquéraient  de  la  consistance  dans  des  sociétés  qui 
se  piquaient  de  raisonner. 

Quarante  personnes  des  plus  distinguées  par  leur  rang,  parleurs 
emplois  et  pnr  leurs  litres,  établirent  en  1346  à  Vicence  ,  ville 
de  rÉtat  vénitien ,  une  espèce  d'académie  pour  y  conférer  en- 
semble sur  les  matières  de  religion  et  particulièrement  sur  celles 
qui  faisaient  alors  le  plus  de  bruit. 

L'espèce  de  confusion  qui  couvrait  alors  presque  toute  TEo- 
ropc ,  les  abus  grossiers  et  choquans  qui  avaient  pénétré  dans 
tous  les  Ëtats,  des  superstitions  et  des  croyances  ridicules  ou  dan- 
gereuses qui  s'étaient  répandues,  flrent  juger  iii  cette  société  que 
la  religion  avait  besoin  d'être  réformée,  et  que,  l'Écriture  conte- 
nant de  l'aveu  de  tout  le  monde  la  pure  parole  de  Dieu ,  le  moyen 
le  plus  sûr  pour  dégager  la  religion  des  fausses  opinions  était 
de  n'admettre  que  ce  qui  était  enseigné  dans  l'Écriture. 

Comme  celle  société  se  piquait  de  littérature  et  de  philosophie, 
elle  expliqua,  selon  les  règles  de  critique  qu'elle  s'était  faites  et 
conformément  à  ses  principes  philosophiques ,  la  doctrine  de  Vf. 
criture ,  et  n'admit  comme  révélé  que  ce  qu'elle  y  voyait  claire- 
ment enseigné ,  c'est-à-dire  ce  que  la  raison  concevait. 

Diaprés  cette  méthode ,  ils  réduisirent  le  christianisme  aux  ar 
ticles  suivans. 


11  y. 


SOC  ii:3 

I  tri;s-li»ut ,  qoi  a  criiO  toutes  diosea  pat  la  puis- 
sance de  son  Verbe,  et  qui  gouverne  tout  par  ce  Verbe.  ^ 

Le  Verbe  est  son  Fils  ,  cl  ce  Fils  est  Jésus  de  Naiaretb ,  fils  de 
Marie ,  liamme  vi'-ril:ibte  ,  maie  un  Lomoie  supL'rieur  -lUi  autres 
bomiiies,  ajant  Él^  engeudré  d'une  vierge  et  par  ropéralian  du 
Suint  Esprit. 

Ce  Fils  est  celui  que  Dieu  a  promis  aux  anciens  palnarclies ,  et 
qu'il  donne  aux  boniuies  ;  c'est  ce  Fils  qui  a  annonc<^  l'Ëvaugile  et 
qui  a  munUË  aux  bommes  le  cbemin  du  ciel  en  mortifiant  sa  chair 
ei  en  vivant  dans  la  piél^.  Ce  FiUest  mort  par  l'ordre  de  bod  Père,  ■ 
pour  nous  procurer  la  n^missian  de  nos  pfcbés;  il  csl  ressuscild 
par  la  puissance  du  l'ère  ,  et  il  est  glorieux  dans  le  ciel. 

Ceux  qui  sont  soumis  i  Jésus  de  Nazareth  sont  justifiés  de  la 
part  de  liieu ,  cl  ceux  qui  ont  de  la  piété  eu  lui  reçoivenl  l'im- 
mortalité  qu'ils  ont  perdue  dans  Adam.  Jésus-Cbrist  seul  est  le 
Seigueur  et  le  cbefdu  peuple  qui  lui  est  soumis  ;  il  est  le  juge  des 
vivans  et  des  morts;  il  reviendra  vers  les  hommes  i  la  consom- 
ma (î  ou  des  siècles. 

Voift  les  points  auxquels  la  société  de  Vicence  n^duîsit  la  reli- 
gioti  chrétienne.  La  Triuité,  la  ron  substantiel  lié  du  Verbe,  la  dî- 
viiiilé  de  Jésus- Chris t ,  etc.,  n'étaient,  selon  cetie  société,  que 
des  opinions  prises  duos  la  philosophie  des  Grecs,  cl  non  pas  dei 
do^uies  révélés. 

Les  assemblées  de  Vicence  ne  purent  se  Taire  assez  secrëtemeat 
pour  que  le  ministère  n'en  fût  pas  iostruîl  ;  il  en  fit  arréier  quel- 
ques-unsqu'on  fil  mourir;  les  au  très  s'échappèrent,  telsTurent  Lélie 
Sociu,  Deruard  Okiii,  Païuta,  Gentilis,  etc.,  qui  se  retirèrent  en 
Turquie ,  en  Suisse ,  en  Allemagne, 

Les  chefs  de  la  prétendue  Réforme  n'étaient  pas  moins  ennemis 
des  nouveaux  Ariens  que  les  catholiques,  et  Calvin  avait  fait  brft- 
Icr  Servel;  ainsi  les  exilés  de  Viceuce  ne  purenl  enseigner  libre- 
ment leurs  sentimens  dans  les  lieux  oii  le  magistrat  obéissait  aux 
Réfonnaleurs.  Ils  se  retirèrent  duuc  enfin  en  Pologne ,  o il  les 
nouveaux  Ariens  professaient  librement  leurs  sentimens  sous  !■ 
pruleclion  de  plusieurs  seigneurs  polonais  qu'ils  avaient  séduï II. 
Ces  nouveaux  Ariens  avaient  en  Pologne  des  églises,;!  es  écoles, 
et  assemblaient  des  sjnodes  ob  ils  Greul  des  di'-crets  contre  ceux  ' 
qui  soutenaient  le  dogme  de  laTrinilé. 

Lélie  Socin  quïdu  la  Suisse  et  se  réfugia  parmi 
Ariens;  il  jr  porta  legoAl  des  lettres,  les  principes  de  In  crilique, 
tl.  47 


554  SOC 

Tétade  des  langues  et  Tan  de  la  dispute  ;  il  éciÎTit  contre  Calviii, 
il  fit  des  commentaires  sur  TËcriture  sainte,  et  apprit  aux  Anti- 
trinilaires  à  expliquer  dans  un  sens  figuré  ou  allégorique  les  pas- 
sages que  les  Réformés  leur  opposaient  pour  les  obliger  à  re- 
connaître h  Trinité  et  la  divinité  de  Jésus-Christ.  11  aurait  sans 
doute  rendu  de  plus  grands  services  au  nouvel  Arianisme  ;  mais  il 
mourut  le  16  mars  1562  à  Zurich ,  laissant  son  bien  et  ses  écrits 
à  Faoste  Socin  son  neveu. 

Du  Sœinianisme  depuU  que  Fautte  Socin  en  fkt  le  chef. 

La  réputation  de  Lélie  Socin ,  les  lettres  qu^il  écrivait  à  sa  fa- 
mille ,  firent  naître  de  bonne  heure  dans  Fauste  Socin  le  goût  des 
disputes  de  religion  et  le  désir  de  s*y  distinguer  :  il  s^appliqua  avec 
beaucoup  d^ardeur  à  la  théologie,  et  à  T&ge  de  tingt  ans  il  cmt 
être  en  état  de  s'ériger  en  maître  et  de  faire  un  nouveau  système 
de  religion.  Son  zèle ,  qui  n*avait  pas  encore  sa  maturité ,  rem- 
porta si  loin ,  que,  non  content  de  dogmatiser  avec  ses  parens  et 
avec  ses  amis ,  il  voulut  le  faire  dans  hs  assemblées  où  son  esprit 
et  sa  naissance  lui  donnaient  accès.  L*lnquisition  en  fut  informée; 
elle  poursuivit  tous  les  membres  de  la  famille  de  Socin ,  en  arrêta 
quelques-uns ,  et  les  autres  se  sauvèrent  où  ils  purent. 

Fauste  Socin  fut  de  ce  nombre  :  âgé  d*environ  vingt-trois  an<, 
il  vint  à  Lyon  ;  ce  fut  \h  qu'il  apprit  la  mort  de  son  oncle  qui  lui 
avait  légué  ses  papiers.  Fauste  Socin  alla  à  Zurich  pour  y  recueil- 
lir la  succession  et  surtout  les  écrits  de  son  oncle ,  et  revint  en 
Italie  avec  ce  funeste  trésor.  Son  nom  ,  sa  noblesse  et  son  esprit 
lui  donnèrent  bientôt  entrée  à  la  cour  de  François,  gmnd-duc  de 
Florence  :  il  plut  à  ce  prince,  et  se  fixa  auprès  de  lui.  La  galan- 
terie, les  plaisirs  de  la  cour,  l'ambition,  l'occupèrent  tout  entier 
pendant  douze  ans  ;  après  ce  temps ,  le  goût  des  controverses  de 
religion  reprit  insensiblement  le  dessus  sur  les  plaisirs  et  sur  le 
désir  de  faire  fortune.  Fauste  Socin  quitta  la  cour ,  renonça  à  ses 
emplois,  et  forma  le  projet  de  parcourir  l'Europe  pour  y  enseigner 
la  doctrine  de  son  oncle  et  la  sienne. 

Après  quelques  courses,  il  arriva  en  1574  à  Bâle  et  y  de- 
meura trois  aus,  uniquement  occupé  des  matières  de  religion  et 
de  controverses,  qu'il  étudiait  surtout  dans  les  écrits  de  son  on- 
de ,  dont  il  adopta  tous  les  sentimens  ;  il  voulut  les  enseigner,  et 
se  rendit  odieux  aux  Luthériens,  aux  Calvinistes  et  à  tous  les  Vf(h 


soc  555 

lesians.  Sociil ,  tehulà  ym  li's  ciinlruflii'liiiiis  qu'il  <''prr>iiv3,  |)39S4 
en  Transylvanie,  et  ciiUii  se  rondii  en  Pulogne  vers  l'an  1570. 

Les  Aniiir'iQiuires  ou  Im  noumiii  Ariens  avaieni  Tait  de 
grands  progrès  en  Pulugne,  et  ils  y  avaient  TiinJé  beaucoup  d'É- 
glises et  d'Écoles  ;  ils  y  jouissaient  d'une  entière  liberté. 

îlais  Ulules  ces  Iliglises  n'étaient  pis  unifarnies  dans  leur 
créaoce.  Lorsque  FausteSocin  arriva  en  Pologne,  elles  furm  ai  eut 
en  quelque  sorte  des  sociétés  difTérentes,  et  l'on  eu  compte  jus- 
qu'à trente-deux  qui  n'avaienl  presque  de  commun  que  de  ue  pas 
regarder  Jésus-Cljrist  comme  le  vrai  Dieu. 

Kauste  Soein  voulut  s'altaclier  i  une  de  ces  Ëglises ,  mais  le> 
ininislresqui  la  gouvernaient  le  rerusërenl,  parce  qu'ils  appri- 
rent qu'il  avait  beaucoup  de  seniimens  contraires  ï  ceux  qu'ils 
profess«iettt.  Fauste  Socin  ne  voulut  alors  s'associer  i  Rucune  dei 
tglises  de  Pologne ,  et  afTecta  d'être  l'ami  de  toutes  pour  les  ame- 
ner A  ses  idte  ;  il  leur  disait  qu'k  la  vérité  Luther  et  Calvin  avaient 
rendu  de  grands  services  ï  I»  religion ,  et  qu'ils  s'y  étaient  ii 
bien  pris  puur  renverser  le  temple  de  l'Antéchrist  de  Rome  si 
pour  dissiper  les  erreurs  qu'il  enseignait  ;  néanmoins  qu'il  fallait  ■ 
looïenir  que  ni  eux  ,  ni  ceux  qui  s'étalent  bornés  i  leur  système,  iç 
n'avaient  encore  rieii  fait  pour  rebâtir  le  vrai  leinple  de  Dieu  s 
les  ruines  de  celui  de  Runie,  el  pour  rendre  au  grand  Dieu  le  vl 
culte  qui  lui  est  dû. 

Pour  y  parvenir ,  disait  Sucln  ,  il  faut  établir  comme  la  base  i« 
la  vraie  religion  qu'il  n'y  a  qu'un  seul  Dieu  ;  que  Jésus-Chrisl 
n'est  Fils  de  Dieu  que  par  adoption  el  par  les  prérogatives  qofl 
Dieu  lui  a  accordées  :  qu'il  n'était  qu'un  homme,  qui,  pur  les  doni 
dont  le  Ciel  l'a  prévenu ,  était  notre  médiateur ,  notre  pooiib^ 
notre  préire;  qu'il  ne  Tallait  adorer  qu'un  seul  Dieu ,  sans  di- 
sUnction  depersoanes;  ne  point  s'embarrasser,  pouretpliquerw 
que  c'claii  que  le  Verbe ,  de  la  manière  dont  il  procédait  du  Père 
•vaut  les  si^cles  et  de  quelle  manière  il  s'était  fait  homme  ;  qu'il 
ibilail  regarder  comme  des  Tables  Torgéfis  dans  l'imagination  des 
hommes  la  présence  réelle  de  l'humanitâ  et  de  la  divinité  de  Jésus- 
Chrisl  dans  l'eue  ha  risii  e ,  l'efficacité  du  baptême  pour  elTacer  1^1 
péché  originel ,  etc. 

Ce  plan  de  religion  plut  infiniment  &  des  hnmmes  qui  ne  t'A-  ^ 
taieni  écartés  de  la  croyauce  des  Églises  réformées  que  parce  ' 
qu'ils  ne  voulaient  recounalire  comme  enseigné  dans  l'Ecriture 
<jue  ce  qu'ils  compreaaieni.  Les  Unitaires,  qui  faisaient  le  parti 


M 


Ô56  SOC 

dominant  parmi  les  ennemis  de  la  divinité  de  Jésus  Christ,  Tagré- 
gèrent  k  leurs  Églises  et  suivirent  ses  opinions;  plusieurs  autres 
Églises  les  imitèrent ,  et  Socin  devint  le  chef  de  toutes  ces  Églises. 
Ce  nouveau  chef ,  par  ses  instructions  et  par  ses  disputes  , 
répandit  de  Téclat  sur  toutes  les  Églises,  et  alarma  les  Protestaos 
et  les  Calvinistes.  Cinquante  ministres  protestaos  s^assemhlèrent 
et  appelèrent  les  ministres  princzowiens  pour  prendre  avec  eux 
des  moyens  de  réunion  ;  mais  ceux  qui  avaient  déjà  pris  parti 
pour  Fauste  Socin  les  conduisirent  au  synode  ;  et    les  prétendus 
Réformés,  effrayés  de  se  voir  en  tête  un  adversaire  comme  Socio, 
abandonnèrent  pour  la  plus  grande  partie  le  synode  ,  sous  pré- 
texte qu'il  ne  leur  était  pas  permis  d'avoir  des  conférences  ni 
aucune  société  avec  des  personnes  qui  suivaient  les  erreurs  des 
Ébionites,  dés  Samosatiens,  des  Ariens,  etc. ,  de  tous  ceux  qui 
ont  autrefois  été  excommuniés  par  FÉglise. 

Volanus,  Némojonius,  Paléologue  et  quelques  autres  moins 
scrupuleux  ou  plus  hardis  attaquèrent  Socin  personnellement , 
et  publièrent  des  thèses  qui  furent  soutenues  dans  le  collège  de 
Posnanie  :  Fauste  Socin  s'y  trouva. 

Les  prétendus  Réformés  voulurent  y  soutenir  la  divinité  de 
Jésus-Christ ,  mais  à  la  faveur  de  la  tradition  des  anciens  Pères 
et  des  conciles.  Fauste  Socin  opposa  à  ces  preuves  tout  ce  que 
les  Protestans  ont  opposé  aux  catholiques  sur  la  tradition  et  sur 
l'Église  pour  justifier  leur  schisme.  «  Les  Pères  et  les  conciles 
9  peuvent  se  tromper,  disait  Socin,  ils  se  sont  même  trompés 
»  quelquefois;  il  n'y  a  point  de  juge  parmi  les  hommes  qui  ait 
»  une  autorité  infaillible  et  souveraine  pour  décider  les  matières 
9  de  foi  ;  il  n'appartient  qu'à  l'Écriture  de  désigner  les  objets  de 
»  notre  créance  :  c'est  donc  en  vain  que  vous  me  citez  l'autorité 
»  des  hommes  pour  m'assurer  du  point  le  plus  important  de  la 
»  religion,  savoir  la  divinité  de  Jésus-Christ.  » 

Les  Réformés  sentirent  que  pour  arrêter  les  progrès  de  Socin 
il  fallait  avoir  recours  ù  d'autres  moyens  que  la  controverse  :  ils 
l'accusèrent  d'avoir  inséré  dans  ses  ouvrages  des  maximes  sédi- 
tieuses. La  patience  ,  le  courage  et  l'adresse  de  Socin  triomphè- 
rent de  ses  ennemis.  Malgré  les  malheurs  qu'il  essuya  ,  il  avait 
un  grand  nombre  de  disciples  parmi  les  personnes  de  qualité,  et 
enGn  il  obtint  la  malheureuse  satisfaction  qu'il  avait  tant  désirée  : 
toutes  les  Églises  de  Pologne  et  de  Lithuanie ,  si  différentes  en 
pratique,  en  morale  et  en  dogmes,  et  qui  ne  convenaient  que  dans 


soc 

la  Haie  ôpiaion  de  ne  vouloir  pas  cruire  que  Jésus-Clirist  !in  le 
grtiud  Dieu  ,  consubsianiiel  au  Pbre  élernel  ,  se  réuoireut ,  ei  ne 
fornitreni  qu'une  seule  Ëglise,  qui  pfil  el  qui  porte  encorL'  au- 
jourd'bui  le  nom  d'tglise  sociuienne. 

Socin  ne  Jouitpas  tranquilleiiieni  de  lu  gloire  î  laquelle  il  avait 
aspiré  avec  lant  d'ardeur;  les  catholiques  et  les  Prole^lans lui 
causèrent  des  vhagrins  ,  el  il  mourut  dans  le  village  de  Luclaviu 
oli  il  s'était  retiré,  pour  se  dérober  aux  poursuites  de  ses  ennemis. 
Socîn  mourut  en  1004,  Agé  de  Uo  ans;  on  mil  sur  sou  tombeau 
celte  épliaplie  : 


D  luiu  de  mourir  ou  de  s'allaiblir  par  la 
morl  de  son  cher,  s'augmenta  beaucoup,  et  devint  considérable  par 
le  grand  nombre  des  personnes  de  qualité  et  de  savans  qui  en 
adoplèreut  les  principes  ;  les  Socîn iens  furent  eu  état  d'obicnit 
duus  les  diètes  la  liberté  de  conscience. 

I«s  caiho^ques  n'avaient  cédé  qu'il  la  oéccssilé  des  temps  en 
accurdanlaux  sectaires  la  liberté  de  conscience;  lorsque  les  temps 
de  trouble  fureni  passés,  iU  résolurent  de  cUasser  tes  Sociniens. 
Les  calboliques  s'uuirent  donc  aux  Proleatans  contre  les  Soci- 
niens, el  la  diète  résolut  l'extinction  des  derniers.  Par  le  décret 
qui  y  fiit  fail,  on  les  obligea ,  ou  d'abjurer  leurs  liéréïies ,  ou  de 
prendre  parti  parmi  les  communions  tolérées  dans  le  royaume , 
et  ce  décret  fut  exécuté  rigoureusement. 

Une  partie  des  Sociniens  entra  dans  l'Église  catholique ,  beau- 
coup s'unircni  aux  ProlesUnft  ;  mais  le  plus  grand  nombre  se 
relira  en  Tranitylvanie,  en  Hongrie,  dans  la  Prusse  ducale  ,  dans 
la  Moravie,  dans  la  Silésie ,  dans  la  Marche  de  Itrandebourg  ,  eu 
Angleterre,  eu  UoUaDde  :  ce  Tut  ainsi  que  la  Pologne  se  déliiia 
le  cette  secte,  après  l'avoir  soulfeneplus  de  cent  ans. 

I^s  Sociniens  Irouvèmnl  des  eunemls  puîssaiia  dans  tous  les 
triais  où  iU  ce  relïrj^reut  ;  non-seulement  ils  n'y  firent  point  d'{- 
lablissemcnt ,  mais  la  puliisance  ecelctïa clique  el  la  puissaucc 
siSculière  s'unirent  conire  eux  ,  el  partoul  ils  furent  condamnf< 


658  SOC 

par  les  lois  de  TËglise  et  de  TËtat.  Mais  les  loi^  qui  oat  proscrit 
les  Sociniens  n*ont  pas  réfuté  leurs  principes  :  ces  principes  se 
sont  conservés  en  secret  dans  les  États  qui  ont  proscrit  le  Soci- 
nianisme ,  et  beaucoup  de  Réformés  en  Angleterre,  et  surtout  en 
Hollande,  ont  passé  des  principes  de  la  Réforme  à  ceux  du  Soci- 
nianisme.  \oyez  les  articles  Abiens  modernes,  Aehuueics. 

Système  théologique  des  Socfniens. 

L*Écriture  sainte,  et  surtout  le  nouveau  Testament /est,  selon 
Socin ,  un  livre  divin  pour  tout  homme  raisonnable  :  ce  livre 
nous  apprend  que  Dieu,  après  avoir  créé  Thomme ,  lui  a  donné 
des  lois ,  que  Thomme  les  a  transgressées ,  que  le  péché  s*est 
répandu  sur  la  terre,  que  la  religion  s^est  corrompue,  que  Thomme 
est  devenu  ennemi  de  Dieu,  que  Dieu  a  envoyé  Jésus-Christ  pour 
réconcilier  les  hommes  avec  lui  et  pour  leur  apprendre  ce  qu*ils 
devaient  faire  et  croire  pour  être  sauvés.  II  n*est  pas  possible  de 
douter  que  Jésus-Christ  ne  soit  celui  que  Dieu  a  envoyé  pour 
accomplir  Tœuvre  de  la  réconciliation  des  hommes  ,  et  pour  leur 
enseigner  ce  qu'ils  doivent  croire  et  pratiquer. 

11  n'est  pas  moins  certain  que  le  nouveau  Testament  contient 
la  doctrine  de  Jésus-Christ  ;  c'est  donc  dans  ce  livre  divin  qu'il 
fau'  chercher  ce  que  Thomme  doit  croire  et  pratique^  pour  être 
sauvé. 

Comme  il  n'y  a  point  de  juge  ou  d'interprète  infaillible  du  sens 
de  l'Écriture,  il  faut  lâcher  de  le  découvrir  par  les  règles  de  la 
critique  et  par  la  lumière  de  la  raison.  Socin  et  ses  disciples 
s'occupèrent  donc  â  chercher  dans  l'Écriture  le  système  de  reli- 
gion que  Jésus-Christ  était  venu  enseigner  aux  hommes;  et  c'est 
ce  qui  a  produit  tous  ces  commentaires  sur  l'Écriture ,  qui  for- 
ment  presque  toute  la  bibliotlièque  des  Frères  Polonais. 

Socin  et  ses  disciples,  prétendant  ne  suivre  dans  Tinterpréla- 
tion  du  nouveau  Testament  que  les  règles  de  la  critique  et  les 
principes  de  la  raison,  expliquèrent  d'une  manière  intelligible  à 
la  raison  tout  le  nouveau  Testament ,  et  prirent  dans  un  sens 
métaphorique  tout  ce  que  la  raison  ne  concevait  pas;  par  ce 
moyeu  ,  ils  retranchèrent  du  christianisme  tous  les  mystères  ,  et 
réduisirent  à  de  simples  métaphores  ces  vérités  sublimes  que  la 
raison  ne  peut  comprendre. 
D'après  ce  principe ,  ils  enseignèrent  qu'il  n'y  a  qu'un  seul 


soc  559 

Dieu,  créateur  du  inonde  :  le  Père,  le  Fils  et  le  Saint  Esprit  ne 
sont  point  des  personnes  divines,  mais  des  allributs  de  Dieu. 
Ainsi  les  Sociniens  renouvelèrent  Terreur  de  Sabellius,  de  Praxée  : 
nous  les  avons  réfutés  à  ces  articles,  et  à  Tarticle  Antitrisitaires. 

Dieu  créa  Adam  et  lui  donna  des  lois  ;  Adam  les  transgressa; 
Adam,  pécheur,  tomba  dans  l'ignorance  et  dans  le  désordre;  sa 
postérité  Pimita,  et  la  terre  fut  couverte  de  ténèbres  et  de  pé- 
cheurs. Les  Sociniens  ne  recgnnalssaient  donc  point  de  péché 
originel  :  nous  avons  réfuté  cette  erreur  à  Tarticle  Pélagiens. 

Dieu,  touché  du  malheur  des  hommes,  a  envoyé  son  Fils  sur 
la  terre  :  ce  Fils  est  un  homme  ainsi  nommé  parce  que  Dieu 
Ta  comblé  de  grâce;  ainsi  les  Sociniens  renouvelèrent  l'erreur  de 
Théodote  de  Bysance  :  nous  Tavons  réfutée  à  cet  article,  et  aux 
articles  Ariens,  Nestorids. 

Jésus-Christ,  inspiré  par  Dieu  même,  enseigna  aux  hommes  ce 
qu'ils  devaient  croire  et  pratiquer  pour  honorer  Dieu;  il  leur 
apprit  qu'il  y  avait  une  autre  vie,  où  leur  fidélité  à  pratiquer 
ce  qu'il  annoncerait  serait  récompensée  ,  et  leur  résistance 
punie. 

Dieu  avait  voulu  que  ces  peines  ou  ces  récompenses  fussent  le 
prix  de  la  vertu  ou  le  châtiment  du  désordre;  il  n'avait  point 
choisi  parmi  les  hommes  un  certain  nombre  pour  être  heureux  , 
et  abandonné  le  reste  à  un  penchant  vicieux,  qui  devait  les  con- 
duire à  la  damnation  ;  tous  sont  libres;  Jésus-Christ  leur  adonné 
à  tous  l'exemple  de  la  vertu  ;  ils  ont  tous  reçu  de  Dieu  la  lu- 
mière de  la  raison;  ils  ne  naissent  point  corrompus,  tous  peu- 
vent pratiquer  la  vertu  ;  il  n'y  a  point  de  prédestination  ni 
d'autre  grâce  que  ces  instructions  et  ces  dons  naturels  que 
l'homme  reçoit  de  Dieu. 

Les  Sociniens  renouvelèrent  donc  l'erreur  des  Pélagiens  sur 
le  péché  originel,  sur  la  nature  et  sur  la  nécessité  de  la  grâce  et 
sur  la  prédestination  :  nous  avons  réfuté  toutes  ces  erreurs  à 
l'article  Pélagianisme. 

Nous  n'entrerons  pas  dans  un  plus  grand  détail  sur  les  autres 
erreurs  des  Sociniens;  elles  sont  des  conséquences  de  celles 
que  nous  venons  d'exposer,  et  se  réfutent  par  les  mêmes  prin- 
cipes. 

Toutes  ces  erreurs  ont  pour  cause  générale  ce  principe  fon- 
damental que  Socin  emprunta  en  partie  de  la  Réforme  :  c'est 
que  le  nouveau  Testament  contient  seul  la  doctrine  de  Jésus» 


560  STA 

Christ ,  mais  que  c'est  aux  hommes  à  Tioterpréter  suivant  les 
principes  de  la  raisou  et  seloQ  les  règles  de  la  critique. 

Nous  avons  fait  voir  la  fausseté  de  ce  principe,  en  faisant 
Toir  contre  Lulher  cl  contre  les  Réformés  qu'il  y  a  un  corps  de 
pasteurs  chargé  d'enseigner  les  vérités  que  Jésus- Girist  a  révé- 
lées aux  hommes.  Voyez,  ii  l'article  Lctber,  ce  que  Ton  dit 
pour  prouver  l'autorité  de  la  tradition,  et  à  l'article  Réfcbse,  ce 
qu'on  dit  pour  prouver  que  l'Église* seule  est  juge  infaillible  des 
controverses  de  la  fui ,  et  qu'il  est  absurde  d'attribuer  ce  droit 
au  simple  Gdèle.  Ce  principe  bien  établi,  le  Socinianisme  s'éva- 
nouit, et  ne  devient  plus  qu'un  système  imaginaire ,  puisqu'il 
porte  sur  une  supposition  absolument  fausse. 

STADINGHS  ;  fanatiques  du  diocèse  de  Brème ,  qui  faisairat 
profession  de  suivre  les  erreurs  des  Manichéens  ;  voici  Torigioe, 
le  progrès  et  la  fin  4e  cette  secte  : 

Le  jour  de  Pâques ,  une  dame  de  qualité ,  femme  d'un  homme 
de  guerre ,  fit  son  offrande  à  son  curé  ;  le  curé  trouva  son 
offrande  trop  modique,  il  s'en  plaignit  et  résolut  de  s'en  ven- 
ger. 

Après  l'office ,  la  femme  se  présenta  pour  recevoir  la  commu- 
nion ,  et  le  curé  ,  au  lieu  de  lui  donner  la  communion  avec  l'hos- 
tie, mil  dans  la  bouche  de  cette  dame  la  pièce  de  monnaie  que  la 
dame  lui  avait  donnée  pour  offrande.  Le  recueillement  et  la 
frayeur  dont  cette  dame  était  pénétrée  ne  lui  permirent  pas  de 
s'apercevoir  qu'au  lieu  de  l'hoslie  on  lui  mettait  dans  la  bouche 
une  pièce  de  monnaie,  et  elle  la  garda  quelque  temps  sans  s'en 
apercevoir  ;  mais ,  lorsqu'elle  voulut  avaler  l'hoslie ,  elle  fut  dans 
le  plus  terrible  tourment  en  trouvant  dans  sa  bouche  une  pièce 
de  monnaie  au  lieu  de  Thoslie;  elle  crut  qu'elle  s'était  présentée 
indignement  à  la  sainte  table  ,  et  que  le  cliangement  de  l'hostie 
en  la  pièce  de  monnaie  clait  la  punition  de  son  crime  ;  elle  fut 
pénétrée  de  la  plus  vive  douleur,  et  l'agitation  de  son  âme  chan- 
gea ses  traits  et  altéra  sa  physionomie  ;  son  mari  s'en  aperçut, 
il  voulut  en  savoir  la  ciiusc ,  et  demanda  qu'on  punît  le  prêtre  ; 
on  refusa  de  le  faire ,  il  éclata ,  ses  amis  en  furent  informés  ,  et, 
par  leur  conseil ,  il  lua  le  prêtre  qu'on  ne  voulait  pas  punir. 

Au^silôt  il  fut  exconnnuiiié ,  et  n'en  fut  pas  effrayé. 

Les  Manichéens  et  les  Albigeois  n'avaient  point  été  détruits  par 
les  croisades,  par  les  rigueurs  de  l'Inquisition  :  ils  s'étaient  ré- 
pandus dans  l^llemagne,  et  y  semaient  sccrclemcnl  leurs  erreurs  ; 


STA 


ÔGt 


ils  prulilèrenl  des  Jisposiiiuns  ilans  lesquelles  ils  vireni  l'Imiiime 
àe  guerre  excommuDié  et  ses  amis  pour  leur  persuader  que  le> 
mioîsires  de  l'Ëgliae  n'avaienl  poïul  le  pouToir  d'e: 
Od  les  âcuuU  favorablemëiil  ;  ils  persuadèreal  que  les  n 
étaieDt,  uon-seulciiieot  denDuvuJs  minisli'es ,  mais  encore  qu'ils 
ëuieut  les  niinisires  d'une  mauvaise  religion ,  qai  avait  pour  pria- 
cipe  un  Être  ennemi  des  bouimes ,  qui  ne  mMlait  ni  leurs  liom- 
mages  ni  leur  amour;  qu'ils  les  devaient  !i  l'Être  qui  avait  rendu 
riiomme  sensible  au  plaisir  et  qui  lui  permeiiaîi  d'en  jouir. 

Les  Siadinghs  adoptèrent  donc  le  dogme  des  deux  principes 
des  Manicbéens,  et  rendirent  un  culte  t  Lucifer  ou  au  démon 
dans  leurs  assemblées,  où  la  débancbe  la  plus  infime  fut  pour  eux 
un  exercice  de  piété. 

La  secte  des  Sladinghs  se  grossit  insensiblement;  onleurenroja 
des  missionnaires  ;  les  Stadingbs  les  insultèrent  et  les  firent  mou- 
rir. De  ces  crimes ,  ils  pasiièreni  ù  la  persuasion  qu'ils  feraient 
une  action  agréable  ï4.ncifer  ou  au  bon  principe  en  faisait  mou* 
rir  tous  les  ministres  du  christianisme.  Us  coururent  la  campa- 
gne, pillèrent  les  églises  et  massacrèrent  les  prêtres  :  on  avait 
brillé  les  Manicbéena ,  parce  qu'on  crujail  qu'il  fallait  brûler  lei  • 
hérétiques;  les  Hanicliéens  ou  les  Stadinghs  .  ~_, 

prêtres,  parce  qu'ils  croyaient  qu'où  devait  détruire  les  enueniiiî'  \ 
du  Dieu  bîenraisant. 

Leur  progrès  cITraja  les  catholiques;  le  pape  Grégoire  IX  fit  4 
prêcher  une  croisade  contre  les  Studinghs ,  et  il  accorda  aux  ci 
ses  la  même  indulgence  qu'on  gagnait  dans  la  croisade  pour  Ift  J 
terre  sainte.  On  vit  en  Fiiae  une  multitude  de  croisés  qui  a 
Talent  de  Cueldre ,  de  Hollande  et  de  Flandre  ,  et  à  la  tête  de»-'  ] 
quels  se  mirent  l'érèqus  de  Brème,  le  ducde  Bnbanl,  le  comte 
de  Kullande. 

Les  Sladinghs,   instruits  dans  la  discipline  militaire  par  an    ' 
homme  de  guerre  qui  atait  donné  naissance  à  la  secte , 
reni  â  l'armée  des  croisés  ,  lui  livrèrent  bataille ,  se  battirent  en 
bravi»  gens ,  et  lurent  totalement  défaits  :  plus  de  six  mille  Sta- 
dinghs resièrett  sur  la  place,  et  la  secte  fut  éteinte'. 

Ainsi,  il  y  a  dans  tous  les  peuples  ignorans  une  disposition 
prochaine  au  faoaiismc  qui  u'atteud  que  l'occasion  d'éclater;  et 


•  D'Argenlré,  Collect.  jud.,  t.  1, 
1d  txc  13  i  Duplu,  treiiièmeiMcIc,  c 


I.  4  330,  p.  139;  NaUt,  Alex.) 


663  STE 

oette  occasion  se  trouve  presque  tot^joan  dans  Uê  Imiuk  oii  I4 
clergé  est  iguorant. 

STilNCARlSTES,  secte  de  Lutbénens  :  voyea;  rartide  des  sec- 
tes qui  sont  sorties  du  Luthéranisme. 

STERGORANISTE  ;  c'est  celui  qui  croit  que  le  eorpt  cnckarit- 
tique  de  Jésus-Christ  est  sujet  ii  la  digestion  et  à  ae»  sailes  • 
comme  les  autres  aliment- 
Vers  le  milieu  du  neuvième  siècle,  les  Saxons  n'étaient  pas 
encore  bien  instruits  des  vérités  de  la  rdigion  chrétienne,  et  Pas> 
chase  fit  pour  eux  un  traité  du  corps  et  du  sang  de  Notre-Sei- 
gneur.  11  y  établissait  le  dogme  de  la  présence  rédie ,  et  U  di- 
sait que  nous  recevions  dans  l'eucharistie  la  même  chair  et  le 
même  corps  qui  était  né  de  la  Vierge. 

Quoique  Paschase  n*eût  suivi  dans  ce  livre  que  la  doctrine  de 
rÉglise ,  et  qu*avant  lui  tous  les  catholiques  eussent  cm  que  le 
corps  et  le  sang  de  Jésus-Christ  étaient  vraiment  présens  dans 
reucharistie,  et  que  le  pain  et  le  vin  étaient  changés  au  corps  et 
au  sang  de  Jésus-Christ,  on  n'avait  pas  coutume  de  dire  si  for- 
mellement que  le  corps  de  Jésus-Christ  dans  reucharistie  était 
le  même  que  celui  qui  était  ué  de  la  Vierge  *. 

Ces  expressions  de  Paschase  déplurent;  on  les  attaqua,  il  les 
défendit  ;  celte  dispute  ût  du  bruit,  les  hommes  les  plus  célèbres 
y  prirent  pari,  et  se  partagèrent  entre  Paschase  et  ses  adversaires. 

Les  adversaires  de  Paschase  reconnaissaient  aussi  bien  que  lui 
la  présence  réelle  de  Jésus-Christ  dans  rEucharistie,  ils  ne  con- 
damnaient que  sa  manière  de  s'exprimer  ;  tous  reconnaissaient 
donc  que  Jésus-Christ  était  réellement  présent  dans  l'eucha- 
ristie. 

Il  y  a  dans  tous  les  hommes  qui  raisonnent  un  principe  de  cu- 
riosité toujours  actif,  que  les  querelles  des  hommes  célèbres  di- 
rigent toujours  vers  les  objets  dont  ils  s'occupent:  tous  les  esprits 
furent  donc  portés  vers  le  dogme  de  la  présence  réelle  de  J^us- 
Ghrist  dans  reucharistie. 

De  là  naquirent  une  foule  de  questions  sur  les  conséquences  de 
ce  dogme  :  on  demanda  entre  autres  choses  si  quelque  partie  de 
l'eucharistie  était  sujette  à  être  rejetée  comme  les  autres  alimens. 

Quelques-uns  pensèrent  que  les  espèces  du  pain  et  du  vin  qui 
subsistent  même  après  la  consécration  étaient  sujettes  aux  diffé- 

<  MablUon,  Prxf.  in  4  sa^c  BencdicU,  part.  S,  c  i,  p.  4. 


STK 

rpns  cliangf^mcns  que  les  alîmcns  (prouvent  i  d'aulms ,  au  i 
traire ,  crurent  qu'il  élail  indécent  de  Biipposer  que  quelque  choee 
(le  ce  qui  spparieuait  h  l'eucharistiH  passJt  par  les  dilTéreos  étali 
auxquels  les  alimcus  ordinaires  sont  sojeK,  et  donnëreni  A  c< 
qui  soutenaient  le  contraire  le  nom  odieux  de  Slercoratiisl 
mais  injustement ,  puisque  personne  ne  crojrail  que  le  corps  de 
léaus-Cliristfill  digéré  :  on  ne  peut  ciier  aucun  auteur  qui  l'ait 
suuteuu ,  et  tous  les  monumens  de  l'histoire  eeclésiailique  sap- 
posenl  le  contraire  '. 

f.es  Greci  ont  aussi  £té  traités  par  quelque!  Lniins  comme  des 
Siercoraoisles  :  voici  ce  qui  a  occasioné  un  pareil  reproche.  Les  ' 
Grecs  prétendaient  qu'on  ne  devait  point  célébrer  la  messe  dsu  I 
le  c:irème,  excepté  le  samedi  et  le  dimanche,  qui  sont  deux  jour»J 
pendant  lesquels  les  Grecs  ne  jeûnent  jamais  ;  ils  prétendent  même  ] 
que  c'est  une  pratique  oonlraire  h  la  tradition  des  apôtres  de  dire.  | 
la  luesse  les  jours  de  jeûne. 

I«  cardinal  llumbcrl  crut  que  les  Grecs  condamnaîenl  la  cou- 
lunie  de  célébrer  la  messe  les  jours  de  jcùue  parce  que  l'euclia- 
ri.^lie  rompait  le  jefine;  il  leur  reprocha  dépenser  que  notre  corpi.J 
se  umirrit  du  corps  de  Jésus-Christ ,  et  les  appela  du  nom  odieas.l 
de  Siercuranisies;  mais  il  se  trompait:  les  Grecs  dérendaient  Ift.  I 
céli'>bralion  de  la  messe  les  jours  de  jeûne  parte  qu'ils  les  regu^  I 
duieiii  comme  des  jours  de  douleur  el  de  tristesse  pendant  les-  1 
quels  on  ne  devait  point  célébrer  un  mjstèredc  joie  tel  que  Veu-^ 
cli:irisli(!  *. 

Il  paraît  donc  certain  que  le  Slerceranisme  est  une  er 
imaginaire,  comme  le  reconnuli  U.  Busnage,  maïs  non  pas  une   1 
hérésie ,  et  qu'on  l'a  faussement  imputée  à  ceux  qui  ont  nié  la    I 
présence  réelle ,  comme  il  le  prétend  '. 

Les  auteurs  du  neuvième  siècle ,  qu'où  a  taxés  injuslemenl  de    \ 
Stereoranisme ,  aussi  bien  que  les  Grecs ,  reconuaissaienl  la  pré-  | 
sence  réelle;  el  quand  leurs  écrits  n'eu  fourniraient  pas  des  preu~ 
ïeâ  incontestables ,  il  est  certain  qu'on  ne  pourrait ,  sans  absur-  1 
dite,  réfuter  un  liommc  qui  oicnit  U  présence  réelle,   en 
reprochant  <iu'il  suppose  que  le  corps  de  JésuS'Chriat  se  digère  et 


1  Allix,  PrxF,  de  la  Irad.  de  Ratramnc.  Doileau,  Pref.  sur  le  mima 
sntmr.  Malii>lon,  ioc.  clt,  part.  !,  c.  1,  i,  5. 
■Habinon,  ibid, 
*  Batnage,  llist.  ie  l'Ëglise.  t.  î,  1.  0,  c.  6,  p.  Gld. 


5C4  TAN 

A  i*égard  de  la  question  qpke  Ton  forme  sur  le  loK  des  eiqpèeei 
eucharistiques  lorsqu'elles  sont  dans  restomac ,  les  uns  ont  ima- 
giné  qu'elles  étaient  anéanties,  les  antres  ont  cru  qu'elles  te 
changeaient  en  la  substance  de  la  chair  qui  doit  ressusciter  oa 
Jour  :  ce  sentiment  fut  assez  commun  dans  le  neuTième  siède  et 
dans  les  suivans  ;  depuis  ce  temps ,  les  théologiens  n*ont  poiit 
douté  que  les  espèces  eucharistiques  ne  poissent  se  corrompre 
et  élrc  changées. 

Peut-être  faudrait-il  résoudre  ces  questions  par  ces  mots  d'oa 
ouvrage  anonyme  publié  par  dom  Luc  d*Acheri  :  Il  n'y  a  que  Diea 
qui  sache  ce  qui  arrive  à  Teucharistie  lorsque  nous  l'avons  reçue. 
{Spieileg.,  /.  12,  p.  41.) 

SYNCRËTISTES,  secte  de  Luthériens  :  voyez  cet  article. 

S YNERGISTES ,  autre  secte  de  Luthériens  :  twyez  cet  artide. 


TACITURNES,  secte  d*  Anabaptistes  ;  voyez  cet  article;  voyez 
aussi  Silencieux.  • 

TANCTIELIN  ou  Takchelme  était  un  laïque  qui  s'érigea  en 
prédicant  au  commencement  du  douzième  siècle,  et  qui  publia 
diiTérenles  erreurs. 

Les  incursions  des  barbares  et  les  guerres  avaient  anéanti  les  scien- 
ces dans  l'Occident  et  corrompu  les  mœurs;  le  désordre  et  Tigno- 
rancc  régnaient  encore  dans  le  onzième  et  dans  le  douzième  siècle  ; 
oTi  ne  voyait  parmi  les  laïques  que  meurtres,  que  pillages,  que  ra- 
pines, que  violences  ;  le  clergé  se  ressentait  de  la  corruption  gé- 
nérale ;  les  évêques,  les  abbés  et  les  clercs  allaient  à  la  guerre  ; 
Tusnre  et  la  simonie  étaient  communes ,  Tabsolution  était  vénale, 
le  concubinage  des  clercs  était  public  et  presque  passé  en  cou- 
tume; les  bénéûces  étaient  devenus  héréditaires;  quelquefois 
on  vendait  les  évêchés  du  vivant  des  évéques ,  d'autres  fois  les 
seigneurs  les  léguaient  à  leurs  femmes  par  testament  ;  beaucoup 
d'évéques  disaient  qu'ils  n'avaient  besoin  ni  de  bons  ecclésiasti- 
ques, ni  de  canons,  parce  qu'ils  avaient  tout  cela  dans  leur  bourse. 

Ces  désordres  étaient  portés  à  un  plus  grand  excès  dans  la 
Flandre  qu'ailleurs  *. 

*  IIi9t«JiUéraire  de  France,  !•  7,  p.  5,  etc. 


Ce  fui  dans  celte  [trll^inc('  [|iie  Tanclicli 
qui  commençaient  il  se  répandre  en  France  depuis  près  d'u: 
cle  conire  li'pspe,  conlre  les  sacremens  cl  contre  les  ivéques. 
Il  prêcha  qu'il  fiillait  compter  jiour  lieu  le  pape ,  les  cv^|ues  et 
lout  le  dergé  ;  que  les  églises  étaient  des  lieux  de  prostilutinn  et 
les  sacremens  des  profanalions;  que  le  sacrement  de  l'aulet  nV-loil 
d'aucune  utilité  pour  le  salut;  que  la  venu  des sacrcmena dépen- 
dait (le  la  sainteté  des  ministres  ;  et  enlin  il  défendit  de  p*)cr  la 
dîme. 

Le  peuple,  sans  instruction  et  sans  mœurs,  rp<;ut  aTidemenI  la 
doctrine  de  Tanchelîn,  et  le  regarda  comme  un  ajiùlre  envoyé  du 
ciel  pour  nTormer  l'Ëglise.  Ses  disciples  prirent  les  armes  et  l'nc- 
coni 1 13 gnai en t  lorsqu'il  allait  préclier;  on  portail  devant  lui  un 
étendard  et  une  épée;  c'était  avec  cet  appareil  qu'il  prêchait ,  et 
le  peuple  l'écoutait  comme  un  oracle. 

Lorsqu'il  eut  porté  le  peuple  il'  ce  point  d'illusion  ,  il  précba 
qu'il  iHait  Dieu  et  i^gal  ï  Jésus-Ctirist  ;  il  disait  que  Jésus-Christ 
n'avait  été  Dieu  que  parce  qu'il  oyait  reçu  le  Saint-Esprit,  et  Tan- 
clielin  prétendait  qu'il  avait  reçu  aussi  bien  que  Jésns-Cbrist  1m 
plénitude  du  &iint-Ksprit  ;  que  pur  conséquent  il  n'était  point  in- 
férieur fi  Jésus-Christ. 

I,e  peuple  le  crut ,  et  Tanchelîn  fut  honoré  comme  un  homme 

Tancbelin  était  voluptueux  :  il  profita  de  l'illusloQ  de  SM  disci- 
ples pour  jouir  des  plusbelles  Tenimes  de  sa  secte,  et  les  maris  et 
Us  pères  ,  témoins  avec  le  public  des  plaisirs  de  Tanchelin  ,  ren- 
d.iicnt  grâce  au  ciel  des  faveurs  que  l'homme  divin  nccordait  A 
leurs  femmes  ou  li  leurs  lilles. 

Taucliclin  avait  commencé  sa  mission  en  prâchunt  contre  le  dé- 
sordre des  mœurs:  l'austérité  de  sa  morale,  son  extérieur  mortifié, 
son  averMon  pour  les  plaisirs,  son  xële  contre  les  dérèglemens  du 
clergé,  avaient  gagné  les  peuples;  et  il  la  finit  en  faisant  canonise; 
par  ce  même  peuple  des  déï^ordrrs  plus  monstrueux  que  ceux 
contre  lesquels  il  s'était  élevé  ,  et  il  Ht  canoniser  ses  désordres 
sans  qne  le  peuple-s'aperçfii  de  celte  contradiction. 

Tanchi'lin  ,  ï  la  lél«  de  ses  teiiateurs ,  rempllssiit  de  troubles 
et  de  meurtres  loui  les  lieux  oii  l'on  ne  recevait  pas  sa  doctrine. 
Tn  pri'lre  lui  cassa  la  léte  lorsqu'il  s'embarquait;  ses  disciples 
se  répiiodirent  alors  du  cûté  de  l'olo^jne  et  d'Ulrechl;  quelques- 
uns  furent  briilésparlepetrple,  cl  les  autres  paraissent  s'élrccon- 


566  TAT 

fondus  tvec  les  divers  hérétiques  qui  atUqittieiit  les  Sâcremens, 

ics  cérémonies  de  T Église  et  le  clergé  *. 

TASCxVDRUGlTËS  ;  c'était  une  branche  de  Moulanistes  qui , 
pour  marque  de  tristesse ,  mettaient  les  doigts  sur  le  na 
durant  la  prière  :  c*esl  ce  que  signifie  le  nom  qa*ils  prenaient  ;  ib 
mettaient  encore  leurs  doigts  dans  leur  bouche,  pour  recommander 
le  silence:  cette  secte  fut  peti  nombreuse;  on  en  trouTail  quelques- 
uns  dans  la  Galatie  *. 

Ils  se  nommaient  aussi  Passalorinchites ,  Patalotinchites ,  As- 
codrupiles ,  etc« 

TATIEN,  était  Syrien  de  naissance;  ilfut  d*abord  élevé  dans  les 
sciences  des  Grecs  et  dans  la  religion  des  Païens.  Il*  voyagea  beau- 
coup, il  trouva  partout  la  religion  païenne  absurde,  et  les  philoso- 
phes flottans  entre  une  infinité  d'opinions  et  de  systèmes  contra- 
dictoires. 

Lorsqu'il  était  dans  cette  perplexité ,  les  livres  des  chrétiens 
lui  tombèrent  entre  les  mains  ;  il  fut  frappé  de  leur  beauté  :  «  Je 
»  fus  persuadé ,  dit- il ,  par  la  lecture  de  ces  livres,  à  cause  que 
»  les  paroles  en  sont  simples,  que  les  auleurs  en  paraissent  sin- 
»  cères  et  éloignés  de  toute  affectation,  que  les  choses  qu'ils  disent 

>  se  comprennent  aisément,  que  Ton  y  trouve  beaucoup  de  pré- 

>  dictions  accomplies  ,  que  les  préceptes  qu'ils  donnent  sont  ad- 
»  mirables,  et  qu'ils  établissent  un  monarque  unique  de  toutes 
B  choses...  et  que  cette  doctrine  nous  délivre  d'un  grand  nom- 

>  bre  de  maîtres  et  de  tyrans  auxquels  nous  étions  assujétis  '.  » 
C'était  donc  en  quelque  sorte  par  lassitude  et  non  pas  par  une 

conviction  forte  que  Tatien  avait  embrassé  le  christianisme  ;  il 
restait  encore  au  fond  de  son  esprit  des  idées  platoniciennes.  Pour 
déranger  son  orthodoxie  ,  il  ne  lui  fallait  que  rencontrer  dans  le 
christianisme  des  obscurités  :  c'est  en  effet  ce  qui  lui  arriva, 
comme  on  Je  voit  par  son  livre  des  problèmes  ou  des  questions 
qu'il  composa  pour  montrer  l'obscurité  de  l'Écriture  et  la  dif- 
ficulté d'en  comprendre  divers  passages. 

Tatien  alors ,  aussi  peu  content  de  la  doctrine  des  chrétiens 
que  de  celle  des  philosophes,  choisit  dansles  dogmes  des  différentes 

*  D'Argenti-é,  Coliect.  jud.,  L  j,  p.  11. 

^Damascen.,  De  ha>r.  Hieron.,  Comment,  in  ep.  ad  Galat  Pkilas- 
trius.  De  hier.,  c.  7G. 
»  Tôt.,  Oral,  ad  Giœcos,  c.  46, 


Tr.R 

sectt^   Iniit  c^qiii  lui  p:iriil  lU'upro  ï  l'cluirev  la  raboii 

lure  de  l'Clre  suprùme ,  SDi'  l'origine  du  uionde,  sur  l'bisloire  des 

Juii's,  sur  le  clirisliaDi&me. 

11  imaginail ,  comme  Valeniin ,  des  puissances  invisibles ,  des 
principautés  el  d'autres  fables  semblables  :  il  ailuietlail  avec  Har- 
cion  deux  dilîérens  dieux,  dont  le  créateur  était  le  second  ;  t'est 
pourquoi  il  prétendait  <\ae  quand  le  Cri'aleur  avait  dit  :  Que  la 
tamiirt  tait  faite,  c'ëUil  moins  un  commandemenl  qu'il  faisait 
qu'une  prière  qu'il  adressait  au  Dieu  suprême  qui  était  au-dessus 
de  lui.  II  attribuait  l'ancien  Testament  i  deux  dieux  diOërens,  et 
rejetait  quelques-unes  des  épUres  de  saint  Paul. 

Il  condamnait  l'jEage  du  mariage  autant  que  l'adultère  ,  sp- 
pujé  sur  nn  passage  de  saint  l'aul  dans  son  éplire  aux  Galal«s,  qui 
dii  ;  Celui  qui  sème  dans  [a  cliair  moissonnera  la  corrupiion  de 
la  rliaif  *. 

Il  avait  beaucoup  d'aversloa  pour  ceux  qui  mangeaient  de  11 
chair  des  animaux  el  qui  buvaient  du  vin,  fondé  sur  ce  que  la  loi 
défend  aux  Nuzaréeus  d'en  boire,  et  sur  ce  que  le  prophète  Amoa 
fait  un  crime  aux  Juifs  de  ce  qn'Us  eu  avaient  fait  boire  aux  Na- 
zaréens consacrés  â  Dieu  :  c'est  pour  cela  que  l'on  appela  Elncra- 
listes  et  Hjdrupiirastus  ses  sectateurs,  parce  qu'ils  n'offraient  que 
de  l'eau  dans  la  célébration  de  l'eucharisiie  ', 

Tatien  forma  sa  secte  du  temps  de  Marc-Aurèle,  vers  l'an  172  : 
elle  se  répandit  particulièrement  î  Anliocbe,  dans  la  Cilit^îe,  ea 
Pisidie,  dans  beaucoupdu  provinces  de  l'Asie,  jusqu'à  Rome,  dans 
les  Gaules,  dans  l'Aquitaine  et  en  Espagne. 

Taiien  avait  composé  beaucoup  d'ouvrages  dont  il  ne  noui 
reste  presque  rien. 

Ses  disciples  s'appelèrent  Tatianisles,  Eocntistes,  Continens, 
Sévériensi  Apotactiques,  Saccophores. 

TERRIE  ;  c'est  un  de  ces  prétendus  Apostoliques  qui  s'élè* 
vèrent  en  France  dans  le  dnu^ième  siècle  ;  il  se  tint  loug-Iemps 
cacbé  dans  une  grotte  li  Corbigny,  au  diocèse  de  Nevera,  oU  il  l\it 
enfin  pris  et  brûlé.  Deux  vieilles  femmes,  disciples  de  Tcrrie, 
souffrireul  le  même  supplice.  Terrie  avait  donné  il  l'une  le  nom  de 
l'f.glise  et  â  l'autre  celui  de  sainte  Uarie,  afin  que  lorsque  ses 
sectateurs  étaient  iulerrogés  ils  pussent  jurer  par  sainte  Marie 


â68  THE 

qu*ils    n'avaient    point   d'autre   foi  que    celle   de    la    sainte 
Eglise  *. 

TllEOBUTE  ou  Tuébute.  Après  la  mort  de  saint  Jacques,  sur- 
nommé  le  juste,  Siméon,  fils  de  Cléophas,  fut  élu  éTéqae  de  Jéni- 
salem  ;  Théobute,qui  aspirait  k  cette  dignité,  se  sépara  de  TËglise 
chrétieime,  et,  pour  se  former  une  secte,  réunit  les  sentiment  des 
différentes  sectes  des  Juifs  :  c*est  tout  ce  que  nous  savons  de  ses 
erreurs. 

Voilà  donc  un  disciple  des  apûlres  même  qui  se  sépare  de  TÉ- 
glise  de  Jérusalem,  que  le  désir  de  la  vengeance  éclaire  et  anime 
contre  les  apôtres,  qui  connaissait  à  fond  la  religion  chrétienne, 
qui  aurait  dévoilé  Timposture  des  apôtres  ,  s'ils  en  avaient  été 
coupables,  qui  aurait  triomphé  avec  éclat  des  premiers  chrétiens 
qui  l'avaient  refusé  pour  évéque,  et  dont  la  secte  aurait  anéanti 
la  religion  chrétienne  :  cependant  la  religion  chrétienne  s^ctablit 
à  Jérusalem,  se  répand  par  toute  la  terre,  et  il  ne  nous  reste  de 
Théobute  que  le  souvenir  de  son  ambition  et  de  son  apostasie, 
qui  forme  un  monument  incontestable  de  la  vérité  du  christia- 
nisme et  de  celle  des  miracles  sur  lesquels  les  chrétiens  fondaient 
la  divinité  de  leur  religion. 

Si  la  religion  chrétienne  eût  été  fausse,  elle  ne  pouvait  résis- 
ter aux  attaques  de  celle  espèce  d'ennemis  qu'autant  que  la  puis- 
sance temporelle  leur  aurait  imposé  silence,  et  aurait  empêché 
qu'ils  ne  découvrissent  Timposlure  des  chrétiens. 

Mais  celte  autorité  temporelle  persécutait  les  chrétiens,  pro- 
tégeait et  encourageait  leurs  ennemis. 

Il  n'y  a  que  deux  moyens  d'expliquer  le  progrès  de  la  religion 
chrétienne  et  l'extinction  totale  des  sectes  qui  se  séparèrent 
d'elle  et  qui  Tattaquèrent  à  sa  naissance  :  ces  moyens  sont,  ou 
l'impossibilité  d'obscurcir  l'évidence  des  faits  sur  lesquels  elle 
s'appuyait,  ou  une  attention  continuelle  de  la  puissance  séculière 
à  empêcher  tous  ceux  qui  se  séparaient  de  l'Église  et  des  apôtres 
d'en  révéler  la  fausseté  :  or,  s'il  y  a  quelque  chose  de  certain,  c'est 
que  la  puissance  séculière  employait  contre  les  chrétiens  toute  sa 
vigilance  et  toutes  ses  forces. 

Ainsi,  si  la  religion  cliréti(!nnc  était  fausse  ,  ses  progrès  et  l'ex- 
tinction de  la  secte  de  Théohute  et  de  plusieurs  autres  sectes  qui 
l'ont  attaquée  à  sa  naissance  seraient  non-seulement  un  effet  sans 

'  Dupin,  Hjst,  des  coulr.  du  douzième  siècle,  c,  6. 


cause,  uiaîs  un  Tait  arrivé  malgrË  le  concours  de  toutes  tes  es 
qui  devaient  nécessaire ineni  l'einiiC-olier. 

Tlll^ODOTE,  béréii<|uc  associé  [lur  les  auteurs  ecclésiastiques 
à  Cléobule,  ut  cLerdu  secte  du  leoips  des  apùlrcs.  Voffr^  ii  l'ar- 
iLcIe  Clëodvle  les  cuaséquences  (|u'on  peut  tirer  de  l'eiiiiictioa 
de  ces  sectes  en  faveur  du  cbrisiianisme. 

On  confond  mal  i  propos  ce  Tliéodule  avec  Tliéudote  do  Bj* 

TtlÉODOTE  {.E  VtLE^TiNiEN  n'est  connu  que  par  ses  é);1ogucs 
que  le  pËrc  Combtfii  nmis  a  données  sur  le  manuscrit  de  la  bililio- 
llièque  des  pères  dominicains  de  la  rue  Saiut'lloooré  :  ces  éylo- 
guei  ne  vontieiiuent  qu'uue  application  de  l'Ëcrilure  au  sjstëm»  1 
de  ValentiD.  Tliéodoie  prétend  ;  prouver  les  dilféjeng  points  d»' 
la  doctrine  de  Valenlin  par  quelques  passages  de  l'Écriture  :  cet 
ouvrage  a  été  conimeuté  par  le  père  CombéËs,  et  se  trouve  dans 
la  bibliulliËque  grecque  de  Fabricius,  lum.  S,  p.  13S. 

TIIËOUOTE  DE  BïEANCG,  surnommé  le  Curro_veor ,  du  uo  i-  de 
sa  profession,  prétendit  que  Jésus-Cbrisi  n'était  qu'un  Lu:Lme  : 
il  se  lit  des  disciples  qu'où  nomma  Tbéodotiens. 

Ce  n'est  point  ici  une  erreur  de  l'esprit  ;  c'est  une  liérésJe  daf 
laquelle  l'amour' propre  de  Tliéodote  se  jeta  comme  dans  un  asil 
pour  éviter  les  reproches  qu'il  s'était  attirés  par  sun  apostasie. 

Pendant  la  persécution  qui  s'éleva  sous  Harc-Aurëte,  Théodola  >  1 
fut  arrêté  avec  beaucoup  de  chrétiens,  qui  confessèrent  Jésufr->j 
Christ  et  remportèrent  la  couronne  du  martjre.  Théodoie  r 
nonca  ï  Jcsus-Clirist  ;  les  fidèles  lui  firent  tous  les  reproches  que  • 
méritait  son  crime  et  que  le  zèle  inspirait  dans  ces  temps  de  fer-    1 

Pour  se  dérober  à  l'indiguation  des  lîdèles  de  Bjsance, 
dote  se  retira  b  Home  ;  mais  il  y  Tut  reconnu,  et  fut  regardé  avec  -' 
|]  erreur. 

TLéodote  représenta  d'abord  que  Jésus-Cbrist  mime  traitait  ^ 
ateu  moins  de  rigueur  ceux  qui  l'oOcnsaient,  puisqu'il  avait  d 
claré  qu'il  pardonnait  ce  qu'on  dirait  contre  lui  ;  et  enSu  que  s( 
crime  n'était  pas  aussi  grand  qu'on  le  prétendait,  puisqu'on  r 
niant  Jésus-Ctirist ,  il  n'avait  renié  qu'un  homme  n£  d'une  viciée, 
ti  la  vérité  par  l'opération  du  Suiut-Esprit,  mais    sans  aucune  ] 

'Théodorct,  Elairel.  Fab.,  I.  ï,  pnf.  Euseb.,  Hist.   ccclcs-, 
û  22.  Notes  d'L'iMr.  lur  r*p.  de  toint  Ifioacc  an  Tiallieni. 


570  THE 

antre  prérogative  qae  celle  d*ane  vie  plus  sainte  et  d^nne  verta 
plus  émioeote  *. 

Cette  doctrine  souleva  tout  le  monde ,  et  Théodote  fat  excom- 
munié  par  le  pape  Yictor  :  Théodote  trouva  cependant  des  dis- 
ciples qui  prétendaient  que  la  doctrine  de  leur  maître  avait  été 
enseignée  par  les  apôtres  jusqu^au  pontificat  de  Zépbjrin»  qm 
avait  corrompu  la  doctrine  de  TÉglise  en  faisant  un  dogme  de 
la  divinité  de  Jésus-Christ. 

Les  catholiques  réfutaient  ces  difficultés  par  le  témoignage  de 
rËcriture,  par  les  Jiymnes  et  par  les  cantiques  que  les  chrétiens 
avaient  composés  dès  le  commencement  de  TÉglise,  par  les  écrits 
des  auteurs  ecclésiastiques  qui  avaient  précédé  Victor ,  tels  que 
saint  Justin,  Miltiade,  saint  Irénée,  Clément  d* Alexandrie,  Mélî- 
ton ,  qui  avaient  tous  enseigné  et  défendu  la  divinité  de  Jésus- 
Christ,  enfin  par  Texcommunication  même  que  Yictor  avait  pro- 
noncée contre  Théodote  *. 

Pour  se  défendre  contre  Tévidence  de  ces  raisons,  les  Théodo- 

tiens  retranchèrent  de  TÉcriture  tout  ce  qui  était  contraire  à  leur 

doctrine,  c  Ils  ont  corrompu  sans  pudeur  les  saintes  Écritures,  dit 

»  un  auteur  qui  écrivait  contre  eux,  ils  ont  aboli  la  règle  de  Tan- 

»  cienne  foi ,...  et  il  est  aisé  à  ceux  qui  en  voudront  prendre  la  peine 

»  de  voir  si  je  dis  la  vérité  :  il  ne  faut  que  conférer  ensemble  les 

»  exemplaires  et  Ton  verra  bientôt  la  différence ,  car  ceux  d*As- 

»  clépiade  ne  s*accordent  pas  avec  ceux  de  Théodote,  et  il  est  fort 

»  aisé  d*en  trouver  des  copies  parce  que  leurs  disciples  ont  un 

»  grand  soin  de  transcrire  les  corrections  ou  plutôt  les  cornip- 

»  tiens  de  leur  maître;  les  copies  d'Hermophile sont  encore  diCTé- 

»  rentes  des  autres,  et  celles  d'Apollone  ne  s*accordent  pas  même 

»  entre  elles,  y  ayant  bien  de  la  différence  entre  les  premières  et 

»  les  dernières.  Il  est  bien  difficile  qu*ils  ne  s^aperçoivent  eux- 

»  mêmes  combien  celle  témérité  est  criminelle  ;  car  en  corrom- 

9  pant  ainsi  les  Écritures  ils  font  voir,  ou  qu*ils  n'ont  point  de  foi , 

»  s'ils  ne  croyaient  pas  que  le  Saint-Esprit  les  a  dictées,  ou  qu'ils 

»  se  croyaient  eux-mêmes  plus  habiles  que  le  Saint-Esprit  :  et  ils 

»  ne  peuvent  pas  nier  que  ces  changemens  ne  viennent  d'eux , 

»  puisque  les  exemplaires  où  ils  se  trouvent  sont  écrits  de  leurs 

*  Auctor  Apprend,  ad  Tcrt.,  De  praescrip.,  c.  ultime.  Épiph.,  Hacr.» 
64.  Théodoret,  HxreL,  fab.,  1.  2,  c  5. 
>  Théodoret,  Haeret,,  fab.,  1.  2,  c  2.  Euseb.,  HisU  ecdes.,  I.  4,  c  28. 


THE 

■  propres  niains,  et  qu'ils  ne  les  sauraient  nionir^r  dans  ai 

•  eiempliiire  plus  ancien  qu'eux  ,  pour  dire  qu'ils  les  ont  puisée 

>  de  ceux  donl  ils  avaient  d'abord  reçu  les  preuilËres  iosirucLions 

•  du  cliristianisnie.  Quelques-uns  d'entre  eux  n'nnt  pas  même 

>  voulu  prendre  la  peine  de  corrompre  les  Écritures  ;  mais  ils  ont 

•  rejeté  tout  d'un  coup  et  la  loi  et  les  prophètes,  sous  prétexte 

■  que  la  grâce  de  l'Ëvantjile  leur  sufGt  '.  • 

Les  Tiii^odoliens  joignirent  ï  ces  înSdélilés  toutes  tes  subtilités 
d'une  logique  coatentieuse  et  minutieuse.  ■  Ils  ne  connaissent 

•  pas  Jésus-Clirist ,  dit  l'auleur  que  j'ai  cité,  d'autant  qu'ils  ne 

•  cherclient  pus  ce  qu  on  lit  dans  la  parole  de  Dieu  ,  mais  qu'ils 

•  examinent  curieusement  par  quelle  ligure  du  syllogisme  ils  sou- 

•  tiendraient  leur  liérè&ie;  quand  on  leur  propose  quelque  endroit 

>  de  l'Ëcriture,  ils  regardent  s'il  fait  un  iirjjument  cunjuoclir  ou 

■  disjonclif*.  »  . 

Les  Tbéodoliens  appujaient  leur  sentiment  sur  tous  les  passa- 
ges de  l'Écriture  dans  lesquels  Jésus- Christ  parle  comme  un 
homme,  et  supprimaient  tous  ceux  qui  établissent  sa  divinité. 

Un  des  prmcipaui disciples  de  Tbéodole  de  Rjsance  Tut  Théo- 
doie  le  Banquier ,  qui ,  pour  établir  plus  incontestablement  qua 
Jésus-Christ  n'était  en  effet  qu'un  liomme ,  prélendit  qu'il  éUÎI .  1 
iurérieur  a  Uelcbîsédec  et  forma  la  secte  des  Hcichisédécien», 
Asclépiade  et  les  autres  dont  il  est  parlé  dans  le  fragment  qua 
noua  avons  rapporté  ne  firent  point  de  secte. 

Il  est  certain  ,  par  ce  qu'on  vient  de  dire,  qu'il  y  a  eu  sur  !■ 
lïu  du  second  siècle  un  Tliéudote  qui  renia  lésus-Chrlst ,  qui 
encourut  l'imlignation  de  tous  les  fidèles,  qui  fut  eitcommuait^ , 
parce  qu'il  pri^tendait  n'avoir  renié  qu'un  homme  né  de  la 
Vierge  et  doué  d'une  sainteté  et  d'uno  vertu  éminenle. 

1°  Pur  le  motif  qui  porta  Théodotc  â  nier  la  divinité  de  Jésus- 
Clirist,  il  est  évident  que  cet  hérétique  n'accorda  i  Jésus-Christ 
que  les  qualités  qu'il  ne  pouvait  lui  refuser;  il  était  donc  incon- 
leslable  que  Jèsus-ChrÎBt  était  né  d'une  Vierge,  par  l'opémlion 
du  Saint-FiSpril ,  et  qu'il  était  d'une  sainteté  éminente  ;  car  Théo- 
doie  avait  un  grand  intérêt  h  refuser  ces  prérogatives  S  Jésus- 
Christ,  cl  il  avait  beaucoup  de  lumière^  et  peu  de  délicatesse 
sur  les  moyens  de  défendre  son  sentiment,  puisqu'il  corrompait 


572  TUE 

TËcrilure  pour  comballre  avec  plus  de  vraisemblance  la  difîailé 
de  Jésus-Christ.  Les  fails  et  les  miracles  qui  prouvaient  qire  Jésos- 
Cbrist  était  né  d'une  Vierge,  par  Topération  du  Saint-Esprit, 
étaient  donc  incontestables,  et  Taveu  de  Tbéodote  est  à  cet  égard 
beaucoup  plus  fort  que  le  témoignage  des  auteurs  païens  ;  j*ose 
dire  que  le  pyrrhonisme  le  plus  scrupuleux  n^eu  peut  exiger  de 
plus  sûr. 

2*  L*excommunicatton  de  Tbéodote  prouve  iocontestablemeot 
que  la  divinité  de  Jésus-Christ  était  un  dogme  fondamental  de  U 
religion  cbrétienne  très-expressément  enseigné  dans  TËglise;  qui 
faisait  la  base  de  la  religion  chrétienne,  puisqu*il  entrait  dans  les 
cantiques  et  dans  les  hymnes  composés  presque  à  la  naissance  du 
christianisme ,  et  qu'il  avait  été  enseigné  par  les  apôtres  ;  car  il 
est  impossible  que  des  gens  grossiers  et  ignora  us ,  tels  que  les 
premiers  prédicateurs  du  christianisme ,  se  soient  élevés  tout  à 
coup  à  la  croyance  de  la  divinité  du  Verbe ,  et  qu*ils  s*y  soient 
élevés  par  les  seules  lumières  de  la  raison  ;  c'est  une  vérité  qui  ne 
sera  contestée  par  aucun  de  ceux  qui  ont  réfléchi  sur  la  marche 
de  l'esprit  humain  et  qui  en  connaissent  tant  soit  peu  l'histoire. 

Quelle  esl  donc  la  lémcrllé  de  ceux  qui  souliennent  que  la  di- 
vinité du  Verbe  est  un  dogme  platonicien  introduit  dans  le  chris- 
tianisme par  les  Platoniciens  !  Les  épitres  de  saint  Paul,  où  la 
divinité  du  Verbe  est  si  clairement  enseignée,  sout-elles  l'ouvrage 
d'un  Platonicien? 

3**  l>es  Théodotiens  avaient  corrompu  rÉcriture;  la  doctrine  de 
l'Écriture  sur  la  divinité  de  Jésus-Christ  était  donc  alors  si  claire 
que  la  subtilité  de  la  logique  ne  pouvait  l'obscurcir. 

4*  11  était  aisé  de  découvrir  l'imposture  des  Théodotiens  en 
comparant  leurs  exemplaires  de  l'Ëcriture  avec  le  canon  de  VÉ- 
glise  ;  les  catholiques  avaient  donc  conserve  l'Écriture  pure  et 
sans  altération. 

5'  On  oppose  aux  Théodotiens  tous  les  auteurs  ecclésiastiques 
qui  ont  précédé  le  pape  Victor  ;  on  ne  doutait  donc  pas  alors  que 
ces  Pères  n'eussent  enseigné  la  divinité  de  Jésus-Christ ,  et  l'on 
était  vraisemblablement  alors  aussi  en  état  de  juger  du  sens  des 
Pères  que  l'auteur  du  Platonisme  dévoilé,  Sandus  ,  Jurieu, 
Wisthon,  etc. 

C«  On  voit  des  ThéodutitMis  qui ,  pressés  par  les  prophéties  , 
nient  leur  autorité;  les  prophéiits  qui  annoncent  le  Messie  et  qui 
établissent  sa  divinité  étaient  donc  claires  alors  cl  facilement  ap~ 


plicabtes  à  Ji'sua-Clirial ,  pijjsqu'un  les  corrompi  o 
lorsqu'on  alUquc  lediviniiË  de  Jésus-Clirisl.  Tuus  les  Juiisel  les 
liilidËles,  dans  ces  lenps  ,  avaient  dune  assez  de  lumii-res  pour 
coDDaUre  la  vénié  de  la  religion  cbrélienne. 

7<>  CoDinie  Tbéodule  enseignait  celte  doctrine  dans  on  temps 
de  persécution,  il  n'est  pas  étonnant  qne,  malBrë  l'éridcnce  de 
la  doctrine  csibolique  sur  la  divinité  de  Jésus-Chtisi,  il  se  soit 
fuit  des  disciples  ;  mais  il  paraît  impossible  qu'il  ne  se  soit  pus  at> 
Uiché  tous  les  chrétiens ,  si  la  divinité  de  Jésus-Cbrist  n'était  pas 
un  dogme  ÏDCDulesluble  dans  l' Église  :  dix  chrétiens  qui  auraient 
résisté  il  la  doctrine  de  Théodote  seraient ,  en  faveur  des  fuils  qui 
éiahlissenl  la  divinité  de  Jésus-Christ ,  un  témoignage  infiniment 
plus  sûr  que  celui  de  dix  mille  Théodoliens  contre  ce  Hiit.  Or,  il 
est  ceriaîn  que  Tbéudoie  ne  perveriil  que  peu  de  disciples  et  que 
sa  secte  s'éteignit,  tandis  que  les  chrétiens  se  m ulli plièrent  à 
l'inGni,  même  au  milieu  des  persécutions;  quelle  est  doue  la  pli- 
losophie,  la  critique  ou  l'équité  de  ceux  qui  prétendent  que  lu  di- 
vinité de  icsus-Cbrisl  n'était  pas  enseignée  claircuienl  pendant  les 
trois  premiers  siècles  de  l'ËgliseF 

TURLUPINS,  fanatiques  débauchés  du  quatiirzième  siècle,  qui 
joiguirenl  sut  erreurs  des  Béguards  les  inramies  des  cyniques  ; 
ils  lui'ent  excommuniés  par  Grégoire  XI;  les  princes  chrétiens  In 
punirent  sévèrement  ;  on  en   lit  brûler  un  ùâict.  graud  n 
cette  sévérité  ut  l'Iioi-rcur  qu'excitait  leur  infamie,  anéanlireut   ' 
bieu lût  celte  secte  '. 


VALDO.  Yeyn-.  VAtinois. 

VALÉSIENS.  VojffiEisLouES. 

VALEMIK ,  hérétique  qui  parut  vers  le  milieu  du  sccoud  siè- 
cle. 11  forma  une  lecie  considérable,  et  les  Pères  ont  beaucoup 
écrit  contre  lui  et  contre  ses  erreurs. 

Ce  qui  nous  reste  de  son  système  a  paru  si  obscur  fi  quelques 
critiques  qu'ils  n'ont  point  hésité  ï  regarder  Valenlin  et  ses  dis- 
ciples comme  des  insensés,  cl  ses  erreurs  comme  un  asieniblagu 
d'extravagances  qui  ne  mvritalcnl  p:i3  d'élre 


Ls  iixri'sium,    BiTiiaid  de  Luticnbourg,  CnRuin, 


574  VAL 

Ces  critiques  ne  préteudeut  pas ,  je  croU  »  que  les  erreurs  da 
Valeiitiulens  aient  élé  des  absurditèi  palpables  et  des  oontradic- 
tions  manifestes.  L*esprit  humain  n*est  pas  capable  d'admettre  de 
pareilles  contradictions;  il  n*ya  point  d*homme  qui  puisse  croire 
que  deux  et  deux  font  cinq ,  parce  que  l*esprit  humaio  ne  peut  pas 
croire  qu^une  chose  est  et  n*est  pas  en  même  temps. 

Les  erreurs  des  Valentiniens  n*étaient  donc  que  des  erreurs 
•ppu3fées  sur  des  principes  faux,  mais  spécieux ,  ou  des  consé- 
quences mal  déduites  des  principes  vrais. 

L^étendue  de  la  secte  de  Yalentin ,  le  soin  avec  lequel  les  Pères 
ont  réfuté  ses  erreurs,  supposent  que  ses  principes  étaient  ana- 
logues aux  idées  de  ce  siècle  ;  j*ai  donc  pensé  que  Texamen  da 
système  de  Yalentin  pouvait  servir  ^  faire  connaître  Tétat  de  l'es- 
prit humain  dans  ce  siècle ,  les  principes  philosophiques  qui  do- 
minaient dans  ce  siècle ,  Tart  avec  lequel  Yalentin  les  a  concilies 
avec  le  christianisme,  et  la  philosophie  des  Pères,  dont  on  parle 
aujourd'hui  si  légèrement  et  souvent  mal  ^  propos. 

Je  crois  même  qu'indépendamment  de  ces  considérations,  le 
système  de  Yalentin  peut  former  un  objet  intéressant  pour  ceux 
qui  aiment  Tbistoire  de  Tesprit  humain. 

On  voit,  par  ce  que  nous  venons  de  dire,  que  le  système  de 
Yalentin  était  un  système  philosophique  et  tbéologique ,  ou  son 
système  philosophique  appliqué  à  la  religion  chrétienne  :  exami- 
nons ces  deux  objets. 

Des  principes  philosophiques  de  Yalentin, 

Les  Cbaldéens  reconnaissaient  un  Être  suprême,  qui  était  le 
principe  de  tout;  cet  Être  suprême  avait,  selon  eux,  produit  des 
génies  qui  en  avaient  produit  d'autres  moins  parfaits  qu'eux  ;  ces 
génies,  dont  la  puissance  avait  toujours  été  en  décroissant,  avaient 
enfin  produit  le  monde  et  le  gouvernaient.  Leur  philosophie  s'é- 
tait répandue  chez  presque  tous  les  peuples  qui  cultivaient  les 
sciences.  Pylbagore  avait  adopté  beaucoup  de  leurs  idées ,  et  Pla- 
ton les  avait  exposées  avec  tous  les  charmes  de  l'imagination;  il 
avait,  pour  ainsi  dire,  animé  tous  les  attributs  de  l'Être  suprême, 
il  les  avait  personnifiés. 

La  philosophie  de  Pythagore ,  celle  de  Platon ,  et  le  système 
des  émanations ,  s'étaient  fort  répandus  dans  l'Orient;  on  en  trans- 
porta les  principes  dans  le  christianisme ,  comme  on  peut  le  voir 


VAL  .1 

par  un  graiiJ  nombre  d'h^r^ies  du  premier  et  Ju  second  sîëc 

on  ne  cimnaissait  poinl  d'iulrc  pliilosopliie  dans  l'Orieat,  i^i  sur-  I 

toul ï  Alexandrie ,  OJi  Vglemin  avait  émdié  *. 

Talentin  avait  M  satisfait  de  ces  principes,  et  ilenlrepril  de  les 
transporter  dans  11  religion  chrétieeue  ;  mais  il  suivit  uoemélbode 
bien  dlfTérenle  de  celle  des  Cnosliques  et  des  autres  Itérétiques  *. 

Le  spectacle  des  mallieurs  qui  alîligenl  les  bomines,  leurs  vices, 
leurs  crimes,  la  barbarie  des  puissans  envers  les  Faibles,  avaient 
fait  sur  Talentiii  des  Impressions  profondes ,  el  il  ne  pouvait  croire    , 
que  des  hommes  aussi  médians  fussent  l'ouvrage  d'un  Dieu  juste,    1 
suint  et  bienfaisant.  Il  crut  que  les  crimes  des  hommes  avaient   1 
leurs  causes  dans  les  passlous ,  el  que  les  passions  naissent  de  )■ 
matière;  il  supposa  qu'il  j  avait  dans  la  luatière  des  parties  de    < 
différentes  espèces  et  des  parties  irrégulières  qui  ne  pouvaient 
s'ajuster  avec  les  autres.  Valeniin  crut  que  Dieu  avait  riïuui  les' 
parties  régulières  et  qu'il  en  avait  formé  des  corps  réguliers  ;  mais 
les  parties  irrfguliËrea  que  Dieu  avait  négligées  étant  restées 
iiiéli'«s  avec  les  productions  organisées  et  régulières  causaient 
des  désordres  diins  le  monde  ;  Valeniin  croyait  par  ce  niojen  con- 
cilier la  Providence  avec  les  désordrettijui  régnent  sur  la  terre  ■. 

Mais  tout  existnnt  pur  l'Être  suprême ,  comment  avait-il  pro- 
duit une  matiËre  indocile  i  ses  lois  T  Comment  cette  matière  pou- 
vait-elle être  la  production  d'un  esprit  iaBoimenl  bon? 

Cette  difficulté  détermina  Valentln  k  abandonner  son  premier   < 
sentiment,  ou  à  joindre  ï  ses  premières  idées  les  principes  da 
système  des  Platoniciens. 

Ou  supposait  ,  dans  ce  système ,  que  tout  était  sorti  du  sein 
même  de  r£tre  suprême  par  voie  d'émanation,  c'est-i-dire  comme 
la  lumière  sort  du  soleil  pour  se  répandre  dans  toute  la  nature  , 
un  ,  en  suivant  une  autre  comparaison  prise  chez  les  Indiens, 
comme  les  lils  de  l'araignée  sorlentde  son  corps. 

La  production  du  monde  corporel  est  une  des  grandes  diflicul- 
lés  de  ce  système  ;  car,  tout  venant  de  l'Intelligence  suprême  par 
voie  d'émanation  ,  comment  en  éiait-îl  sorti  autre  chose  que  des 
Il  la  matière  pouvuit-elle  exister  f 


lira 


t  Vah:iil.,  Diswri.  apud  Crab,  Dis  erl.  pp.  ssr,  !,  p.  35. 


57  r»  VAL 

Pour  expliquer,  dans  ce  système,  b  production  du  monde  cor- 
porel, on  rechercha  tout  ce  qu*un  esprit  pouTsût  produire  ;  on  fit 
dans  rhomme  même  toutes  les  observations  qui  pouvaient  ialre 
connaître  les  productions  dont  un  esprit  est  capable. 

On  remarqua  que  notre  esprit  connaissait  qu^il  formait  Iks 
idées  un  des  images  des  objets  :  cet  images  étaient  des  étrcs 
réels ,  produits  par  Tesprit ,  et  distingués  de  lui  ,  puisqu'il  les 
considérait  comme  des  tableaux  placés  hors  de  lui.  On  crot,  par 
ce  moyen  ,  expliquer  comment  TÊtrc  suprême  avait  produit  des 
esprits. 

Nous  n'avons  pas  seulement  des  idées ,  nous  sentons  eu  nous- 
mêmes  des  passions  qui  nous  transportent,  dei  désirs  violens  qoi 
nous  agitent  ;  ces  désirs,  ces  passions  ne  nous  éclairent  point  et  ne 
représentent  rien  ;  ce  sont  donc ,  à  proprement  parler ,  des  forces 
motrices  qui  sortent  du  fond  de  notre  iHme  :  comme  Tâme  après  ces 
agitations  rentre  dans  le  calme,  on  crut  que  ces  désirs  ou  ces  forces 
motrices  en  sortaient ,  et  Ton  crut  concevoir  par-là  qu*un  esprit 
pouvait  produire  des  forces  motrices  ou  des  esprits  moteurs  et 
agités  sans  cesse. 

Nous  ne  sommes  pas  toujours  agités  par  les  passions  ou  jouis- 
sans  d'un  calme  serein  ;  nous  éprouvons  des  états  de  langueur,  de 
tristesse,  des  sentimens  de  haine  ou  de  crainte,  qui  obscurcissent 
nos  idées  et  semblent  nous  ôter  toute  action  :  ces  affections  qui 
sortaient  encore  du  fond  de  notre  âme  parurent  avoir  avec  la 
matière  brute  et  insensible  une  analogie  complète ,  et  Ton  crut 
pouvoir  faire  sortir  d'un  principe  spirituel  des  esprits  et  de  Ja 
matière. 

Mais ,  comme  rintelligence  suprême  n'éuit  point  sujette  aux 
passions  humaines,  il  n'était  pas  possible  de  faire  sortir  le  monde 
immédiatement  de  cette  intelligence,  et  Ton  imagina  une  longue 
chnîno  d'esprits,  dont  le  nombre  était,  comme  on  le  voit,  absolument 
arbitraire. 

Voilù»  ce  me  semble,  la  suite  des  idées  qui  conduisirent  Tesprit 
des  philosophes  au  système  des  émanations  que  Valentin  adopta  : 
voyons  comment  il  en  appliqua  les  principes  au  christianisme. 

Application  des  principes  de  Valentin  à  la  religion  chrétienne. 

La  religion  chrétienne  nous  apprend  que  la  première  produc- 
ion  de  TÈire  supré  me  est  son  Fils  ;  que  c'est  p:ir  ce  Fils  que  tout 


VAI- 

a  été  créé ,  qn'il  jr  a  un  Saiat-Espril,  une  sageue  et  une  inEuité 
d'esprils  de  dilTérens  ordres. 

Voilii  le  pPL-mier  objet  que  Valeolio  envisagea  dans  la  Ttligioo 
clirêiienDe  ;  il  ne  commeuça  donc  pas  l'cxpliiraiion  de  l'origino  du 
monde  comme  Moïse  nous  la  Ai-cv'il ,  mais  piir  la  prodnclJon   dll.j 
Verbe,  de  la  sagesse  et  des  esprits  inrërieurs;!!  fit  ensuiia  soriîf  1 
des  premières  productions  le  monde  corporel  ei  les  esprits  hu-  ■[ 
mains  ;  enfin  il  expliqua  comment  ces  esprits  sont  ensevelis  dan 
les  ténèbres,  commenlils  s'unissent  ï  un  corps,  etcomnei 
tous  les  esprits  purs  il  s'est  lormë  un  Suuveur  qui  a  dâlirré  II 
hommes  des  ténèbres  et  les  ii  rendus  capables  de  s'élever  ju^ 
qu'aux  esprits  purs  et  de  jouir  de  leur  bonheur  :  toiei  loutea  ai 

L'Etre  suprême  est  un  esprit  infini,  toul-puissani ,  exislint  p 
lui-même;  lui  seul  est  piir  conséquent  éternel,  car  tout  ce  q 
n'existe  pas  par  lui-même  a  une  cause  et  a  commencé- 
Avant  l'époque  oii  tout  a  enmoiencé  ,  l'f.lre  suprême  existait 
seul  :  il  se  contemplait  dans  le  silence  et  dans  le  r^pos,  il  etistail 
seul  avec  sa  pensée;  il  n'y  avait,  selon  les  Plaloiiielens,  ri 
phose  d'essentiel  â  un  esprit,  el  ils  pensaient  que  nous- 
lorsque  nous  nous  examinions,  nous  ne  trouvions  en  doui 
plus  que  notre  substance  et  notre  ppotiée. 

Après  une  inlinité  de  siècles,  l'Être  suprême  sortit  pour  ii 
a  repos  ;  il  voulut  communiquer  l'existence  il  d'uuin 
^ttifes. 

:  vague  de  communiquer  l'existence  n'aurait  rien 
^dult  si  la  pensée  ne  l'avait  dirigé  et  ne  lui  eU  fixé  pour  i 
:n  objet  et  tracé  un  plan  :  il  fallut  donc  que  l'Etre  supcén 
{OnfiAt  pour  ainsi  dire  son  désir  ï  sa  pensée ,  afin  qu'elle  | 
*viger  l'exécution  ;  et  c'est  ce  que  Valenlin  exprimait  d'ur 
*'  %  figurée  en  disant  qne  l'Être  suprême  ou  le  Bi/tot  avait 
K  tomber  ce  désir  dans  le  sein  de  la  pensée. 

Li  pensée  avait  donc  formé  le  plan  du  monde:  ce  plan  est  Ij 
f  XHtnde  intelligible  qne  les  Platoniciens  imaginaient  en  Dieu. 
l.'f.iTÈ  suprême ,  trop  grand  pour  exécuter  lui-même  son 
[  Beîn,  avait  produit  un  esprit ,  et  l'avait  produit  par  sa  seule  p< 
I  tée  ;  car  un  esprit  qui  pense  produit  une  image  distinguée  de  li 
I  el  cette  image  est  une  substance  dans  le  système  des  V  ' 

,e  elle  parait  l'avoir  été  dans  le  teniimenl  de  quelqui 
P'Ptatoniciens. 

i9 


578  VAL 

L*espnt  produit  par  la  pensée  (Hait  une  intelligeiice  capable 
de  comprendre  son  dessein,  et  douée  d^un  jugement  infaillible 
pour  en  suivre  Texécution. 

Ainsi,  selon  Yalentin,  Tesprlt  et  la  Térilc  étaient  sortis  du  sein 
de  la  pensée;  c* était  en  quelque  sorte  le  fruit  da  mariage  de 
rÉtre  suprême  avec  la  pensée. 

Uesprit,  ou  le  fils  unique,  connut  qu^il  était  destiné  à  produire 
des  êtres  capables  de  glorifier  TÊtre  suprême ,  et  vit  quUl  fallait 
que  ces  êtres  fussent  capables  de  penser  et  eussent  la  vie  :  c*esl 
ce  que  Valentin  exprimait  encore  d'une  manière  figurée,  en  disant 
que  le  mariage  de  Tesprit  et  de  la  vérité  avait  produit  la  vie  et  la 
raison. 

La  raison  et  la  vie  étant  produites,  Tesprit  créateur  connut  qu^il 
pouvait  former  des  hommes  ,  et  avec  les  honfmes  composer  une 
société  d'êtres  pensans  capables  de  glorifier  TÊtre  suprême;  et 
c'est  ce  que  Valentin  exprimait  en  disant  que  du  mariage  de  la 
raison  et  de  la  vie  étaient  sortis  l'homme  et  TËglise. 

Voilà  les  huit  Ëons  ou  les  huit  premiers  principes  de  tout,  selon 
Valentin;  il  prétendait  les  trouver  dans  le  commencement  de 
l'Évangile  de  saint  Jean. 

Tous  ces  Éons  connaissaient  Dieu  ;  mais  la  connaissance  qu'ils 
en  avaient  était  bien  inférieure  à  celle  qu'en  avait  l'esprit  ou  le  fils 
unique. 

La  sagesse,  qui  était  le  d(Tnier  dos  Éons ,  vit  avec  peine  la 
prérogative  du  fils  unique  ou  de  l'esprit;  elle  s'efforça  déformer 
une  idée  qui  représentât  l'Èire  suprême;  mais  l'idée  qu'elle  s'en 
forma  n'était  qu'une  image  cunfuse.  Ainsi,  tandis  que  les  produc- 
tions des  autres  Éons  étaient  des  substances  spirituelles  et  intel- 
ligentes, l'effort  que  la  sagesse  fit  pour  former  l'idée  de  TÊlre 
suprême  ne  produisit  qu'une  substance  spirituelle ,  informe  ,  et 
d'une  nature  absolument  différente  des  autres  esprits. 

IjSl  sagesse,  étonnée  des  ténèbres  dans  lesquelles  elle  s'était  en- 
sevelie ,  sentit  son  erreur  et  sa  témérité  ;  elle  voulut  dissiper  la 
nuit  dont  elle  était  environnée  ;  elle  fit  des  efforts  ,  et  ces  efforts 
produisirent  dans  la  substance  informe  des  forces  ;  elle  sentit 
qu'elle  ne  pouvait  dissiper  ses  ténèbres,  et  qu'elle  devait  atten- 
dre de  Dieu  seul  la  force  nécessaire  pour  recouvrer  la  lumière. 

L'Être  suprême  fut  touché  de  son  repentir:  pour  la  rétablir  dans 
sa  première  splendeur  et  pour  prévenir  ce  désordre  dans  les  au- 
tres Éons ,  l'esprit  tu  le  fils  unique  produisit  le  Christ,  c'est-à- 


VAf.  S7» 

dire  une  inlpUigence  qtii  Éclairai!  les  Éodr,  qui  leur  apprîl  nirils 
nu  |iouTaieat  connaître  l'Kire  suprême,  et  uu  Siiiul-Esiiril  qui 
leur  Ql  sentir  tout  le  prix  de  leur  élnl  et  tout  tx  qu'ils  devaipot  i 
rfitre  suprême  ;  il  leur  apprit  i  le  louer  el  II  le  rcuiercicr. 

Les  Éoos,  par  ce  mojcD ,  Turent  QxÉs  dam  leur  i^tal ,  et  foroiè- 
renl  une  société  d'esprits  qui  étaient  parrailem eut  dans  l'ordre. 

Ces  esprits  connurent  leurs  perfections  ;  et  comme  la  connais- 
sance d'un  esprit  produit  une  iinuge  distinguée  de  cet  esprit,  les 
Ëons  ,  eu  connaissant  leurs  perfections  réciproques  ,  produisi- 
rent un  esprit  qui  était  l'iuiai^e  de  leurs  perfections  el  qui  les  réu- 
nissait toutes. 

Cet  esprit  était  donc  le  chef  naturel  des  Ëons  ;  ils  connurent 
qu'étant  leur  chef,  il  falluitdes  ministres  pour  eiécutcr  ses  ordres: 
ils  en  produisirent,  et  ces  minisires  sont  les  anges. 

Cependant  l'esprit  que  la  fi.iBesse  avait  produit  restait  easeTclî 
dans  les  ténèbres  ;  le  lils  unique  ou  l'intelligence  ,  après  avoir 
éclairé  les  Êons,  donna  h  cet  esprit  iufornie  la  faculté  de  connaî- 
tre: il  ne  l'eut  pas  plus  tôt  reçue,  qu'il  aperçut  son  bîenraiteur  1 
mais  le  fils  unique  ou  l'iuielligence  se  relira,  et  laissa  cet  esprit, 
ou  la  GUe  de  la  sagesse,  avec  un  désir  violenido  le  connaître;  mais 
son  essence  ne  le  lui  permettait  pas.  Elle  lit,  pour  se  le  représenter, 
les  plus  grands  eOorls,  en  sentît  l'inutilité  et  fut  accablée  da 
tristesse. 

Un  esprit  ue  fait  point  d'efTorl  sans  produire  quelque  cbose  bon 
de  lui;  ainsi  de  l'agitation  de  cet  esprit  (ou  de  l'Entjme)  se  pro- 
duisit la  tristesse  :  elle  sentît  ensuite  que  ses  efforts  l'aTiient 
affaiblie  ;  elle  craignit  de  mourir,  et  produisit  la  crainte,  l'inquié- 
tude, l'angoisse.  D'autres  fois  elle  se  rappelait  la  beauté  de  l'iDielU- 
gence  qui  l'afait  douée  de  la  faculté  de  counalLre  ,  celle  image  la 
réjouissait ,  et  sa  joie  produisait  la  lumière;  enfin  elle  retombait 
dans  la  tristesse. 

Toutes  ces  productions  sont  des  subsLinces  spiriluelles,  mais 
qui  n'ont  point  la  faculté  du  connaître:  ce  sont  des  mouveniens 
ou  des  forc«s  motrices,  qui  se  resserrent  ou  qui  se  dilatent. 

Pour  faire  cesser  les  efforts  et  la  angoisses  de  la  fille  de  la 
■agessc,  rintelligence  envuja  lu  Sauveur  vers  Àchamoi  :  le  Saa- 
veur  l'édaira  et  la  délivra  de  ses  passions  ;  Acliumot  délivrée  de 
ses  passions  commenta  it  rire,  el  son  rire  fut  la  lumière. 

Dans  le  moment  oii  Arhamol  ftil  délivrée  de  ses  passions,  elle 
produisît  un  iitv  surnulurcl  qui  fut  le  fruit  de  la  lumière  dont 


58J  VAL 

elle  avait  été  6clair;'e  el  de  h  joîe  qu'elle  en  avait  ressentie. 
L'&me  qu*elle  produisit  fut  donc  un  &ine  sensible  et  intelligente. 
Toutes  les  passions  produites  par  Achamoi  étaient  encore  con- 
fondues et  formaient  le  chaos,  le  Christ  les  réunit  et  Tonna  la  ma- 
tière, il  sépara  la  lumière  des  autres  passions»  et  la  terre  parut. 

Ce  nouveau  monde  corporel  fut  dont  composé  de  deox  parties, 
dont  Tune  renfermait  la  lumière  et  Tautre  la  terre. 

Dans  la  région  de  la  lumière  éuit  Tàme  €[tx*Aehamûi  aiaît 
produite  et  qu'elle  avait  douée  de  la  sensibilité  et  de  la  faculté 
de  connaître. 

La  première  affection  de  cette  âme  fut  le  sentiment  de  son  exi- 
stence; avant  d'avoir  rien  connu,  elle  sentit  qu'elle  existaiu 

Comme  toutes  les  affections  de  l'àme  produisent  hors  de  l'âme 
des  êtres  semblables  à  ces  affections,  l'âme  qui  habitait  dans  la 
région  de  la  lumière  produisait  une  âme  qui  n'était  que  sensible. 
Achamot  unit  à  cette  âme  sensible  une  âme  spirituelle,  et  de  la 
réunion  de  ces  deux  êtres  il  se  forma  un  être  sensible  et  intel- 
ligent. 

Les  sentimens  de  joie,  de  tristesse,  etc.,  ne  sont,  dans  les  prin- 
cipes de  Valentin,  que  des  efforts  ou  des  forces  motrices;  ainsi 
une  âme  sensible  est  douée  d'une  force  motrice:  l'âme  sensible  et 
Tâme  spirituelle  réunies  forment  donc  un  être  capable ,  non-seu- 
lement de  connaître  et  de  sentir,  mais  encore  de  mettre  en  mou- 
vement la  matière ,  d*agir  sur  elle  et  d'en  recevoir  les  împres- 
sions. 

11  connut  les  différentes  manières  dont  il  pouvait  agir  sur  la 
matière  et  dont  la  matière  pouvait  réagir  sur  lui  ;  il  forma  donc 
des  corps  organisés ,  il  y  logea  les  âmes  sensibles  et  spirituelles , 
et  produisit  sur  la  terre  les  plantes ,  les  animaux,  les  hommes. 
Cet  esprit  est  le  créateur,  selon  Valentin,  et  non  pas  l'Être  su- 
prême, qui ,  étant  un  esprit  exempt  de  toute  passion ,  ne  peut 
agir  sur  la  matière  el  la  façonner. 

L'esprit  qui  habitait  dans  la  région  lumineuse ,  et  le  créateur 
qui  occupait  la  région  de  la  terre  étaient  composés  d'une  partie 
spirituelle;  ils  ne  connaissaient  pas  l'Être  suprême,  ils  ne  voyaient 
rien  au-dessus  d'eux  :  ainsi  le  Démiurge  voulut  être  regardé  dans 
les  cieux  comme  le  seul  Dieu,  et  le  créateur  fit  la  même  chose 
sur  la  terre. 

Les  hommes  sur  la  terre  vivaient  donc  dans  une  ignorance  pro- 
fonde de  l'Être  supromo;  le  Sauveur  est  descendu  pour  les  éclairer: 


VAL 


t lorsque  Im  lioninies  Rpirilaeb  se  seront  perrectioonés  par  b  do« 
trlnit  qu'il  a  efiseignée,  U  6n  île  toutes  cboses  sera,  ilisaien 
lentiniens;  alors,  lous  les  esprits  nyant  re^'u  leur  perrection,  AcfttfÇ^ 
îlUf,  leur  mère,  pnssero  de  la  région  moyenne  dans  le  Plérome,  et 
lera  raarii^e  au  Sauveur  forni^'  pv  les  Ëoas  et  leur  chef  :  toilà 
^époun  el  l'épouse  dont  l'Ëcrilure  nous  parle. 
Les  hommes  spirituels ,  dépouillés  de  leur  âme  cl  deve. 
prïls  purs,  entreront  aussi  dans  le  Plérome,  et  seront  lesépoiis 
des  Anges  qui  environnent  le  Sauveur. 
L'auteur  du  monde  passera  dans  la  région  moyenne  oti  était  s- 
;  il  j  sera   suivi  des   ûmes  des  justes  qui  n'auront   poïal 
Clé  élevés  au  rang  des  esprits  purs,  et  qui  conserveront  lear  i 

lililé  ;  ils  ue  passeront  poiut  la  moyenne  région  : '—  * 

'-d^nimal  n'eutrcra  dans  le  Plérome. 

Alors  le  feu,  qui  eil  cacbé  dans  le  monde,  paraîtra,  s'allumera, 
EODsumera  toute  la  matière,  et  se  consumera  uvec  elle,  jusqu'à 
■■'anéantir. 

Dans  le  système  de  Valcntln,  l'Être  suprême  élail  un  par  espril 
■^ni  se  EOnieoiplait,  et  qui  trouvait  son  bonheur  dans  la  coanais- 
tince  de  ses  perfections  :  c'était  It  le  modèle  que  tous  les  esprits 
devaient  imiter,  tous  devnient  tendre  i.  cette  perleci ion  sans; 
prétendre  ;  mais  ils  en  approchaient  autant  qu'il  élâît  passible  ï'^ 
■ne  créature  lorsqu'ils  s'étaient  délivrés  de  toutes  les  passîoni 
Dans  le  système  de  Valentiii ,  ces  passions  étaient  des  pui 
Unres  aveugles  et  des  substances  étrangèns  i  l'ùme;  il  blld 
que  rbomuie  veillM  sans  cesse  pour  les  diasser  de  si 
«r  ce  moyen  l'bomme  devenait  un  pur  esprit,  e'est-il-dire  u 
intelligence  qui  n'avait  que  des  idées  el  point  de  sentiment  ; 
tait  alors  que  i'Sme  devenait  un  séjour  digne  du  Pérc  céleste  ', 
'  Vatenlin  baptisait  uu  nom  du  Ptre  de  toutes  cboses  qui  était 
'fnetmuu  de  la  vérité ,  mère  de  toutes  choses ,  de  Jésus-Cbrîst 
jnii  était  descendu  pour  radicter  les  vertus.  Ce  sont  vraisembb- 
wmenl  ces  manières  d'adininîMrcr  le  baplén 
^^Biissance  i  la  coutume  do  rebapiioer    et  â  l'erreur    des  1 


Iran,,  1. 1,  c.  S.  Tert  advcrsùs  VuleuL  Epiphi  Mussuct,  édil.  < 
^Iraiii,  Dissert.,  art.  1.  Clein.  Ale^.  Strom.,  I.  9,   p.    AOO.  Pln)iitt„ 
^éodorcl,  I.  i.  Ho'rrt.  Fah.,  c,  7.  Aug.,  Du  bn'r  ,  c.  3t.  DamascciLfl 
■Oc  UiT-,  c.  37. 


682  VAL 

Il  est  inutile  de  s^arréter  à  réfuter  ces  erreun  »  qai  portent 
toutes  sur  une  fausse  idée  de  la  toute^puissance  de  l'Être  Miprtee. 
Tout  le  système  valentioien  se  dissipe  lorsqu'on  fait  aUemiooqoe 
rÉtre  suprême  existant  par  lui-même  doit  aToir  une  puissanoe 
infinie,  et  n*a  besoin  qued*un  acte  de  sa  volonté  pour  laireexis* 
ter  des  esprits  et  des  corps,  et  qu*il  peut  imprimer  à  la  matièie 
tous  les  mouvemens  possibles. 

Les  Pères  ont  réfuté  solidement  ces  erreurs»  et  fait  voir  l'abas 
que  les  Valentiniens  faisaient  des  saintes  Écritures  en  faveur  de 
leur  sentiment.  11  n'est  pas  possible  de  copier  ici  tout  ce  qu'ils 
ont  dit  ;  mais  nous  ne  pouvons  nous  dispenser  de  faire  quelques 
remarques  sur  leurs  ouvrages  contre  les  Valentiniens.  1*  Us  j 
font  voir  une  métaphysique  profonde  et  une  grande  force  de  rai- 
sonnement. 2*  ils  prouvent  que  toute  l'Église  chrétienne  pro- 
fessait la  croyance  qu'ils  défendent,  et  qui  est  la  même  que  celle 
d'aujourd'hui.  3"  11  est  évident  que  ces  Pères  n'étaient  pas  des 
Platoniciens,  et  que  les  Chrétiens  n'avaient  point  emprunté  leurs 
dogmes  de  ces  philosophes  ;  car,  je  le  répète,  c'est,  si  je  peux 
m'exprimer  ainsi,  par  la  masse  de  la  doctrine  de  TËglise  qu'il  faut 
juger  de  celle  des  Pères,  et  non  pas  par  quelques  passages  dé- 
tachés de  leur  place  et  dépouillés  des  explications  que  les  Pères 
eux-mêmes  ont  données  de  leur  sentiment  ^. 

On  ne  sait  quelle  était  l'origine  de  Valentin  ni  précisément  quand 
il  enseigna  son  erreur  ;  il  paraît  qu'il  fut  célèbre  vers  le  milieu  du 
second  siècle  *. 

Il  eut  beaucoup  de  disciples  ;  les  plus  célèbres  furent  Ptolomée, 
Secundus,  liéracléon,  Marc,  Colarbasse,  Bassus,  Florin,  Blastus, 
qui  répandirent  sa  doctrine,  et  formèrent  des  sectes  souvent  éten- 
dues, et  qui  étaient  fort  nombreuses  dans  les  Gaules  du  temps 
de  saint  Irénéc,  qui  nous  a  donné  le  plus  de  lumières  sur  cette 
secte  ^. 

Voyez  à  l'article  Marc,  les  changemens  qu'on  fit  dans  ce 
système. 

1  TerU  Inen.  Clem.  Alex.  Epiph.,  ibid. 

2  Voyez,  sur  cela,  Pearson,  Vind.;  Ignat.,  part,  2,  c  7;  Dodwel  ; 
Illîg.,  De  hxres...;  Grabbc,    Spicilrg, 

5  Thomasius  a  prétendu  que  la  secte  des  VaK>iUiiiiens  a  div  si  nom- 
hvQWfXi  qu'elle  avait  presque  fait  équilibre  avec  TÉglise  catholique  ;  mais 
c'est  un  sentiment  destitué  de  preuves  dans  Thomasius  et  coutraire  ù 
lou.s  1rs  moDuniciis  de  riiis!oiro  ccclcsiasliquc. 


mi  qui  tomba  prMque  il  ses  pieds  lui  fit 
faÎTe  de  prorondes  réOei ions  sur  h  (rt^Wné  de  \»  vie  Iminaiueel 
surle  néant  des  biens  de  1d  lerre.  )1  voulu!  y  renoncer  pour  ne 
l'occuper  quedcsonsalui,  eidistribua  tous  ses  bieasaux  pauvres; 
il  toulul  iuspirer  aux  autres  le  dùtachemenl  du  monde  «t  le  dé- 
pouiUement  des  richesses;  Il  exhorta,  prêcha,  el,  i  Turce  de  pt&- 
clier  le  désiotéresaemenL,  il  se  persuada  que  la  pauvreté  évan- 


n  ne  pouvail 


■e  cbrélien,  i 


^  periuelUit 


^Valdo.el 
I  appelait  lei 

D  lan((ue  vul- 


g^lique ,  sans  U(|uelle  i 
de  rien  posséder. 

Plusieurs  personnes  suivirent  l'exemple  de  Pier 
formËreni ,  vers  l'an  1136,  une  secte  de  gens  qu'o 
pauvres  de  Lyon,  !i  cause  de  la  pauvreté  dont  ils  faisi 
siuo.  Vaido  leur  expliquait  le  nouveau  Ti^^ument  ri 
gaire,  etdtiviut  l'urdclede  ce  petit  truupeau. 

Le  xèle  de  ses  disciples  s'échauOii  bientôt,  et  ils  ni 
tèrent  pas  de  pratiquer  la  pauvreté ,  ils  la  prècbëre 
gËrent  en  ii[iâtre8.  quoiqu'ils  ne  Tussent  que  de  simples  laïques 
sans  missinu.  L'Ëglise  de  Ljon,  sans  coudaniner  leurs  natib  «1 
leurièli!,  voulut  les  retifernter  dans  de  justes  bornes  ;  mais  VaIdo 
et  seiii  disciples  avaient  une  trop  haute  idi-e  d'eni-mémes  pour 
déférer  aux  avis  de  l'Lglise  de  Ljoo.  Ils  ptiHendirenl  que  tous 
les  chrétiens  devaient  savoir  l'Écriture ,  que  tous  étaient  prêtres 
et  que  tous  Ëtaient  obligés  d'instruire  le  procbaîn.  Fondés  sur 
ces  principes  qui  renversaient  le  gouvernement  de  toute  l'église, 
les  Vaudois  continuèrent  i  prScher  et  ï  se  dicbatncr  contre  le 
der}{é.  Si  l'Église  leur  imposait  silence,  ils  répondaient  ce  que 
les  apAtres  avaient  répuodu  au  sénat  des  Juifs ,  lorsqu'il  leur  dé- 
fendait de  préi-her  U  réaurrcctiun  de  Jésus^riïl  :  Faut-il  oMir 
à  Dieu  OH  aut:  hommfs .' 

Les  Vaudois  savaient  l'Écriture,  Ils  avalent  un  extérieur  uior- 
tiSé,  leur»  nceurs  étaient  austères,  et  chaque  prosélyte  devenait 
un  docteur. 

D'un  autre  cAté  la  plus  gronde  partie  du  clergé,  sans  lumièr« 
et  sans  mwurs,  n'iippnsaîi  niinmunétnrnt  aux  Vaudois  qui-  son 
nuliirité.  U-f,  Vaudois  lireul  des  progrès  rapiiiea,  «t,  apré»  avoir 
cniplojétoiu  les  luénagenens  (Msiiblcs,  la  pape  lèse: 
el  les  condamna  iivrc  tmis  Ic^  nuircn  hérétique'. 
alors  U  France. 


I 


is4  VAU 

Lm  foudres  de  l'ÉgUso  imli-rent  les  Yau  lois  ;  ils  ;itt>qiitre(it 
l'aitioril^  qui  Ifs  condumnail. 

Fuudts  sur  h  in^eeESiit  du  ri.'noui:i?r  b  loule  possession  pour 
être  TTuiuienl  dirâtien,  Yaldn  et  i«s  disuiples  prétt'ndircDI  qtie 
l'Rglise  romnine  nviiil  cessii  d'Être  lu  vraie  Eglise  ilepuis  qu'rilr 
avait  des  possessions  et  des  hiens  temporels;  que  ni  le  pape,  ui 
les  érèqaes,  ni  les  atibês,  ni  les  clercs,  De  devaient  posséder  nt 
biens-funda,  nidÎBnilésleinporcIlcs,  ni  6ifh,  ni  droits  rfguliens  ; 
que  les  papes,  qui  avaient  approuva  ou  eiciiL^  I»  princes  pour 
birc  la  guerre,  éluienl  de  viiis  homicides,  et  par  i'onM><|ucnl  sau 
auturiiâ  dans  l'Ëjjlise. 

De  lii  les  Vaudois  concluntvtil  qu'eux  seuls  étaient  !•  rrart 
E|;listt,  puisqu'eui  seuls  pratiquaient  et  eiiscïguaicut  la  pauTnilf 
évangélique. 

Après  s'être  ainsi  Établis  comme  la  seule  vraie  t.^\\s<: ,  ils  prt- 
icndireal  que  les  QdËles  étaieul  égaun  ,  que  tous  étaii-nl  prfires, 
que  tous  avaient  le  druit  d'iustruirc,  que  les  prêtres  et  les  ét^nrs 
it  pas  celui  de  les  eu  empfieJier.  Ils  prouvaient  toutes  cei 
prétentions  pur  quelques  passages  de  Ttcriture  :  tel  est  le  passage 
'  it  Matthieu  ,  dans  lequel  Jésus-Christ  dit  ï  ses  disciple* 
qu'ils  Eont  tous  frères  ;  celui  Je  saint  Pierre  qui  dit  aux  Sdètet: 
Ileudei-vous  mutuel  lui  u  en  t  service,  ctiacuu  selon  le  don  qu*il  a 
reçu,  comme  étant  de  fidolcs  dispcusiteurB^esdifrérenteaBrlce* 
de  Dieu  ;  le  passage  de  suint  Marc  uti  Jésus-Christ  défend  k  ses 
disciples  d'empècber  un  homme  de  chasser  les  démons  au  nom  de 
J^su^Iirist,  quoique  cet  horniue  ne  suivit  pus  ses  upûlm  '. 

Les  Vaudois  prétendirent  donc  former  une  %lise  nouvelle  qui 
était  la  vraie  Ëg"^  ^^  Jiisus-Clirisi ,  qui ,  par  cons/'quent,  kttil 
seule  le  pouvoir  d'excommunier  et  de  d:iuiner  r  par  ce  mojen ,  Rs    < 
calmèrent  les  consciences  alarmées  par  les  foudres  Aç  l'ËgliM. 

ViiUT  dctuclier  plus  enii^ucemeol  les  Gdf^Ies  de  l'Rglise ,  iU  cob- 
damnferent  toutes  ses  cÉrémoities  :  b  loi  du  jeune,  hnikemUtle 
la  eoofussion ,  les  prières 'pour  les  maris ,  le  culte  des  mIbISj  et 
en  un  mot  tout  ce  qui  pouvait  concilier  anx  pasleurt  légitimes  le  i 
respect  et  rattachement  des  peuples;  enfin,  pour  cnlnilenir  les 
peuples  dnus  l'igDurance,  ils  condamnèrent  les  éludes  ci  les  aca- 
mme  des  écoles  Je  vauilé. 

Tel  fut  le  |dnn  de  religion  i]ue  les  V:iiiJuis  îmai^intienl  a 

,  sa.  IVim.  l'elrl,  c.  !i,  i.  m. 


L 


YALï  iBô 

diTendi'o  contre  les  anaili^mcs  ilo  l'Ëglise  cl  pour  se  Tuire  dc^s 
(irosËlytes. 

Ils  ne  fondaient  celle  prétendue  rérorme,  ni  sut  h  irailiiion  , 
ni  sur  l'ïutorilë  des  conciles ,  ni  sur  les  Écrits  des  Pères ,  mais 
sur  quelques  passages  de  l'IUcrilure  mal  inlcrpriHés;  ainsi  Valdii 
et  ses  disciples  ne  forinèrenl  point  une  chaîne  de  tradition  qui 
remontât  jusqu'à  Claude  de  Turin. 

Les  Vauduis  renourelèreni  :  l*  les  erreurs  de  Vigilance  sur  les 
cérémonies  de  l'Ëglisc ,  sur  le  culte  des  saints  el  des  reliques ,  et 
sur  la  bîérarcliie  de  iTglise  ;  3°  les  erreurs  des  Donalislcs  sur  la 
nullité  des  sacremens  conférés  par  de  mauvais  minislres  el  sur 
la  nature  de  l'Église  ;  3"  les  erreurs  des  (conoelasles  ;  i-  ils  ajou- 
tèrenl  il  ces  erreurs  que  l'Eglise  ne  peut  posséder  des  biens  tem- 
porels. 

Nous  avons  réfuté  ces  erreurs  dans  les  articles  des  dilTévens 
hérétiques  qui  tes  ont  avancées ,  et  l'erreur  qui  est  partiuuli(:rc 
aux  Vaudois  ne  mérite  pas  une  réfulation  sérieuse. 

Les  Vaudois  n'appuyaient  leurs  erreurs  que  sur  quelques  pas- 
sages de  l'Ëcriturti  pris  i  la  bltrc.  Plusieurs  hérétiques ,  avant 
eux,  avaient  déjii  suivi  celte  méthode;  maïs  ces  hérétiques  avaient 
fait  peu  de  progrès  dans  les  premiers  siècles  de  l'Église,  parce 
que  les  Sdèles  et  les  ministres  de  l'I^glise  étaient  éclairés  dans  ces 
siècles.  Mais,  au  commcncemeut  du  deuxième  siècle,  les  peuples 
et  les  eccliisiastiques  étaient  ignorans ,  et  le  sophisme  le  plus  gros- 
sier était ,  pour  la  plupart  des  ecclésiastiques ,  une  difficulté  In- 
soluble ,  et  pour  le  peuple  une  raison  évidente. 

Il  y  avait  cependant  des  hommes  respeclables  par  leurs  lumières 
et  par  la  régularité  de  leurs  mœurs;  mais  ils  étaient  rares,  et  ils 
ne  purent  empêcher  que  les  Vaudois  ne  séduisissent  beaucoup  di! 
inonde. 

Comme  la  doctrine  des  Vaudois  favorisait  les  prétentions  des 
seigneurs ,  el  tendait  ï  remettre  eoire  leurs  mains  les  possessions 
des  églises,  les  Vaudois  furent  protégés  par  les  seigneurs  che» 
lesquels  ils  s'étaient  réfugiés  après  avoir  M  chaaéi  de  Ljon. 
Ces  seigneurs,  sans  adopter  leurs  erreurs,  étaient  bien  sises  de  les 
Opposer  au  clergé,  qui  condamnait  les  seigneurs  qui  avaient  dé- 
pouillé les  églises. 

I.«s  Vaudois ,  chassés  du  territoire  de  Lyon ,  trouvèrent  donc 
des  protecteurs,  et  se  firent  un  grand  nombre  de  prosélytes. 

Valdo  se  retira  avec  quelques  disciples  dans  les  Pays-Bas,  d'uSi 


586  VAU 

il  répandil  sa  seclc  dans  la  Picardie  et  dans  diflérente»  prorineei 
de  la  France. 

Les  Vaudois  n^élaient  pas  les  seuls  hérétiques  qui  troablassnt 
la  religion  et  TÉtat;  les  Albigeois  ou  les  Manichéens  »  les  Publi- 
Gains  ou  Popélicains ,  les  Henriciena ,  etc.  »  avaient  formé  de 
grandes  secles  en  France. 

Louis  Vil  fit  venir  des  missionnaires  pour  les  convertir;  mais 
ils  prêchèrent  sans  succès  contre  les  erreurs  des  Vaudob.  Phi- 
lippe-Auguste  ,  son  fils ,  eut  recours  à  rautorité  ;  il  fit  raser  plss 
de  trois  cents  maisons  de  gentilshommes,  oii  ils  s*assemblaient,  et 
entra  ensuite  dans  le  Berry  où  ces  hérétiques  commettaient 
d'horribles  cruautés.  Plus  de  sept  mille  furent  passés  au  fil  de 
Tépée  ;  beaucoup  d'autres  périrent  par  les  flammes ,  et,  de  ceux 
qui  purent  échapper,  les  uns  qu'on  nomma  dans  la  suite  Tnrla- 
pins  allèrent  dans  le  pays  vallon ,  les  autres  en  Bohème  ;  les 
sectateurs  de  Valdo  se  répandirent  dans  le  Languedoc  et  dans  le 
Dauphiné. 

Les  Vaudois  qui  s'étaient  jetés  en  Languedoc  et  en  Provence 
furent  détruits  par  ces  terribles  croisades  que  l'on  employa  contre 
les  Albigeois  et  contre  les  hérétiques  qui  s'étaient  si  prodigieuse- 
ment multipliés  dans  les  provinces  méridionales  de  la  France. 
Ceux  qui  se  sauvèrent  dans  le  Dauphiné,  se  voyant  inquiétés  par 
l'archevêque  d'Embrun ,  se  retirèrent  à  Val-Louise  et  dans  les 
autres  vallées  où  les  inquisiteurs  les  suivirent.  Tous  ces  eflbrts 
n'aboutirent  qu'à  rendre  les  Vaudois  plus  dissimulés;  enfin,  fati- 
gués des  poursuites  de  l'inquisition ,  ils  se  joignirent  aux  débris 
des  Albigeois  ;  ils  se  retirèrent  dans  la  Gaule  cisalpine  et  entre  les 
Alpes ,  où  ils  trouvèrent  une  asile  parmi  des  peuples  qui  étaient 
infectés  des  hérésies  du  neuvième  et  du  dixième  siècle. 

Alphonse,  roi  d'Arajçon,  fils  de  BiTcnger  IV,  comte  de  Barce- 
lone et  marquis  de  Provence ,  ayant  chassé  de  ses  États  tous  les 
sectaires  qui  ne  se  converlirent  pas,  les  sectaires  provençaux  se 
retirèrent  aussi  dans  les  vallées. 

Ils  n'étaient  pas  poursuivis  avec  moins  de  vivacité  en  Bohême 
et  dans  toute  l'Allemagne ,  d'où  ils  se  sauvèrent  aussi  dans  les 
vallées ,  où  se  rendaient  tous  l«s  jours  d'autres  hérétiques  chassés 
de  Lombardie  et  d'Italie;  ainsi  ces  différens  bannissemens  for- 
mèrent dans  les  vallées  de  Piémont  un  peuple  d'hérétiques  qui 
adoptèrent  la  religion  des  Vaudois. 

Le  pape  rxhorlii  le  r<»i  de  France ,  le  duc  de  vSavoie,  le  gouver- 


VAU  687 

neroent  do  Dauphiné  et  le  conseil  delphinal  à  travailler  à  les  en- 
gager à  renoncer  à  leurs  erreurs,  et  même  à  les  y  forcer.  Les 
exhortations  du  pape  eurent  leur  effet ,  on  envoya  des  troupes  dans 
les  vallées. 

Quelques  années  après,  Louis  XII,  passant  en  Italie,  se  trouva 
peu  éloigné  d'une  retraite  de  ces  hérétiques  appelée  Yalputes;  il 
les  fit  attaquer,  et  il  y  eut  un  carnage  horrible.  Louis  Xll  crut 
avoir  anéanti  Thérésie ,  et  donna  son  nom  à  la  retraite  où  il  avait 
fait  périr  un  si  prodigieux  nombre  d'hérétiques  :  celte  retraite  se 
nomma  Val-Louise. 

Les  Vaudois  se  retirèrent  dans  Tintérieur  des  vallées ,  et  dans 
ces  retraites  bravèrent  la  politique  des  légats,  le  zèle  des  mission- 
naires ,  les  rigueurs  de  Tinquisition  et  la  puissance  des  princes 
catholiques. 

On  vit  des  armées  entières  consumées  dans  ces  affreuses  re- 
traites des  Vaudois,  et  enfin  on  fut  obligé  de  leur  accorder  dans 
ces  vallées  le  libre  exercice  de  leur  religion  sous  Philippe  Vil , 
duc  de  Savoie ,  vers  la  fin  du  quinzième  siècle  (i48S). 

Les  Vaudois,  se  croyant  indomptables,  et  non  contens  du  libre 
exercice  de  leur  religion ,  envoyèrent  des  prédicateurs  dans  les 
cantons  catholiques.  Pour  réprimer  leur  témérité  ,  le  duc  de  Sa- 
voie envoya  à  la  tête  de  cinq  cents  hommes  un  ofEcier  qui  entra 
subitement  dans  les  vallées  des  Vaudois,  où  il  mit  tout  à  (eu  et  à 
sang.  Les  Vaudois  prirent  les  armes,  surprirent  les  Piémontais  et 
les  tuèrent  presque  tous;  on  cessa  de  leur  faire  la  guerre. 

Vers  le  milieu  du  seizième  siècle,  OEcolampade  et  Hucer  écri- 
virent aux  Vaudois  pour  les  engager  à  se  réunir  aux  Églises 
réformées,  et  malgré  la  différence  de  leur  croyauce  Tunion  se 
fit.  Le  formulaire  de  foi  portait  : 

i*  Que  le  service  de  Dieu  ne  pourrait  être  fait  qu*en  esprit  et 
en  vérité  ; 

2"  Que  ceux  qui  sont  et  seront  sauvés  ont  été  élus  de  Dieu 
avant  la  création  du  monde; 

3*  Que  quiconque  établit  le  libre  arbitre  nie  la  prédestina- 
tion et  la  grâce  de  Dieu  ; 

A"  Que  Ton  ne  peut  appeler  bonnes  œuvres  que  celles  qui  sont 
commandées  de  Dieu ,  et  qu'on  ne  peut  appeler  mauvaises  que 
celles  qu'il  d«  fend  ; 

5*  Qu'on  peut  jurer  par  le  nom  de  Dieu,  pourvu  que  celui  qui 
jure  ne  prenne  point  le  nom  de  Dieu  en  vain  ; 


o 


588  VAU 

G""  Que  la  confession  auriculaîre  n^est  {M>lnt  commandée  de 
Dieu,  et  que  quand  on  a  péché  publiquement  on  doit  confesser  si 
faute  publiquement  ; 

7*  Qiril  n*y  a  point  de  jours  arrêtés  pour  le  jeûne  du  chrétien  ; 

8<>  Que  le  mariage  est  permis  à  toutes  sortes  de  personnes,  de 
quelque  qualité  et  condition  qu'elles  soient; 

9"  Que  celui  qui  n*a  pas  le  don  de  continence  est  obligé  de  se 
marier  ; 

10*  Que  les  ministres  de  la  parole  de  Dieu  peuvent  posséder 
quelque  chose  en  particulier  pour  nourrir  leur  famille  ; 

11°  Qu'il  n>  a  que  deux  signes  sacramentaux ,  le  baptême  cl 
Teucbaristie. 

Les  Vaudois  ayant  reçu  ces  articles  avec  quelques  autres  de 
peu  de  conséquence,  et  se  croyant  plus  forts  par  cette  union  arec 
les  Protestans  d'Allemagne  et  les  Réformés  de  France,  résolurent 
de  professer  cette  nouvelle  croyance  :  ils  chassèrent  des  vallées 
dont  ils  étaient  les  maîtres  tous  les  curés  et  les  autres  prêtres  ; 
ils  s'emparèrent  des  églises  et  en  firent  leurs  prêches. 

La  guerre  de  François  !•'  contre  le  duc  de  Savoie  favorisait 
leurs  entreprises  ;  mais  aussitôt  que  ces  deux  princes  eurent  fait 
la  paix,  Paul  111  fit  dire  au  duc  de  Savoie  et  au  parlement  de 
Turin  que  les  ennemis  qu'ils  avaient  dans  les  vallôes  étaient  beau- 
coup plus  à  craindre  que  les  Français,  et  qu'il  f;illait  pour  le  bien 
do  rtj?lisp  et  de  l'État  travailler  à  les  exlerroîner. 

Sa  sainteté  ayant  envoyé ,  peu  de  temps  après ,  une  bulle  qui 
enjoignait  aux  juges  de  ce  parlement  de  punir  rigoureusement 
tous  ceux  qui  leur  seraient  livrés  par  les  inquisiteurs,  ils  exécu- 
tèrent cet  ordre,  suivant  en  cela  l'exemple  des  parlemens  de 
France:  on  vit  brûler  tant  de  Vaudois  dans  la  ville  de  Turin,  qu'on 
eût  dit  que  son  parlement  voulait  se  distinguer  des  autres  par 
celte  manière  do  procéder. 

Los  Vaudois  se  maintinrent  cependant  dans  les  vallées,  et  le 
duc  de  Savoie,  trop  faible  pour  les  détruire,  eut  recours  à  Fran- 
çois !•',  qui  envoya  des  troupes  en  Piémont  pour  cette  expédition; 
ces  troupes  arrêtèrent  un  nombre  prodigieux  de  Vaudois  qui 
furent  brûles. 

François  î*'  mourut  :  Henri  II  laissa  les  Vaudois  en  paix,  et  ils 
en  jouirent  jusqu'à  la  paix  qui  termina  la  guerre  d'Espagne  et  de 
la  France,  et  qui  rétablit  le  duc  de  Savoie  dans  ses  États. 

Le  pape  fit  faire  au  duc  de  Savoie  des  reproches  sur  son  peu 


i 


VAU  :.8fl 

lie  zèle  contre  les  Yaudois,  l'i  ce  prince  envoj'ii  contre  eux  des 
Iroupes  ;  mais  ils  firent  une  résistance  qui  détermina  le  ilue  }|  t«ar 
accorder  encore  une  rois  la  piix  dont  ils  jouirent  ju«qu'eo  1S70  , 
êpo(|ue  0(1  le  duc  Emmanuel  entra  dans  une  ligue  oÂensiTe  avec 
plusieurs  princes  de  l'Europe  contre  les  Protesta ns.  Dèsqu'elleTuI 
signée,  il  défendit  aux  VaudoU  des'assembler,à  moins  que  !e  gou- 
vernement n'assistit  à  leurs  assemblées. 

Ils  étaient  traités  bien  plus  sévèrement  en  France  ,  et  ils  se 
retirèrent  dans  les  terres  neuves ,  d'oii  ils  furent  bienlûl  chassés 
par  le  zèle  des  missionnaires ,  aidés  et  soutenus  p»r  les  gouver- 
neurs des  provinces. 

Ces  expéditions  et  les  guerres  du  duc  de  Savoie  avaient  dépeu- 
plé ses  Ëtais  ;  il  était  dans  l'impuissance  de  réduire  les  Barbela 
ou  Yaudois  ;  il  prît  le  pavlî  de  les  tnlérer,  maïs  ï  condition  qu'ils 
n'auraient  point  de  temples  et  qu'ils  ne  pourraient  Taire  venir  de 
ministres  étrangers. 

Cramn  el  demanda  pour  eux  une  tolérance  plus  étendue,  et  leur 
envoja  de  l'argent,  avec  lequel  ils  acIietèrcnL  désarmes,  et  la 
guerre  recomnieni;a  entre  le  duc  de  Savoie  et  les  Vaudois  ;  les 
Tallées  furent  encore  inondées  du  sang  des  catholiques  et  des 
Vaudois  ;  les  cinlons  suisses  proposèrent  enCn  leur  médiation  , 
et  les  Vaudois  obtinrent  encore  la  tolérance  civile. 

Les  Vaudois  ne  purent  se  contenter  de  cette  tolérance  :  ils  chas- 
sèrent les  missionnaires ,  et  l'on  apprit  qu'ils  avaient  des  intelli- 
gences avec  les  ennemis  du  duc  de  Savoie. 

Amédée  prit  donc  la  résolution  de  cltasser  les  Vaudois  de  ses 
Étais;  Louis  XIV  seconda  ses  projets  et  eovoja  des  troupes  en 
Piémont  contre  les  Vaudois;  le  duc  de  Savoie  donna  alors  un 
édit  par  lequel  il  faisait  â  tous  ses  sujets  hérétiques  des  vallées 
défense  de  continuer  l'exercice  de  leur  religion. 

Les  Vaudois  ne  voulurent  point  obéir,  et  la  guerre  recommença 
avec  beaucoup  de  vivacité  ;  mais  enfin,  après  bien  des  fatigues  et 
beaucoup  de  sang  répandu,  les  Vaudois  on  Barbets  se  soumirent, 
et  les  Français  se  retirèrent. 

Quelques  années  après,  le  duc  de  Savoie  s'étani  uni  ï  la  ligue 
d'Augibourg  révoqua  ses  édits  contre  les  Barbets,  rappela  les 
fugitifs  et  leur  accorda  le  libre  exercice  de  leur  religion  ;  depuis 
ce  temps,  les  Barbets  se  sont  rétablis  cl  ont  été  irès-uiiles  au  duc 
de  Savoie  contre  la  Frani-e  '. 

'  Rïst.  di-5  Albigeois  cl  des  Vaudois,  par  le  P.  BenoU.  D'Argenirvi 


.190  VIG 

UniQUISTES  oa  Ubiquitaires  ,  Luthériens  qui  croyaient  qu^en 
conséquence  de  Tunion  hypostatique  de  Thumanité  avec  la  divi- 
nité, le  corps  de  Jésus-Christ  se  trouve  partout  où  la  divinité  se 
trouve. 

Les  Sacramentaires  et  les  Luthériens  ne  pouvaient  s*accorder 
sur  la  présence  de  Jésus^Christ  dans  Feucharistie  :  les  Sacramen- 
taires niaient  la  présence  réelle  de  Jésus-Christ  dans  Teucharistie, 
parce  qu*il  était  impossible  qu^un  même  corps  fût  dans  plusieurs 
lieux  ^  la  fois  ;  Cluslré  et  quelques  autres  répondirent  que  cela 
était  faux,  que  Thumanilé  de  Jésus-Christ  étant  unie  au  Verbe,  son 
corps  était  partout  avec  le  Verbe. 

Mélancthon  opposait  aux  Ubiquistes  que  cette  doctrine  con- 
fondait les  deux  natures  de  Jésus-Cbrist,  le  faisant  immense  selon 
son  humanité  et  même  selon  son  corps,  et  qu*elle  détruisait  le 
mystère  de  Teucharistie ,  à  qui  on  ôtait  ce  qu'il  avait  de  particu- 
lier, si  Jésus-Christ ,  comme  homme ,  n*y  était  présent  que  de  la 
manière  dont  il  est  dans  le  bois  ou  dans  la  pierre. 

VIGILANCE,  prêtre  et  curé  d'une  paroisse  de  Barcelone,  au 
commencement  du  cinquième  siècle  ou  sur  la  fin  du  quatrième, 
comme  le  pensent  les  savans  auteurs  de  Thistoire  littéraire  de 
France,  enseigna  différentes  erreurs. 

Les  ouvrages  dans  lesquels  il  les  enseignait  ne  sont  point  par- 
venus jusqu'à  nous  ;  c'est  par  saint  Jérôme  que  nous  connaissons 
ses  erreurs,  et  voici  ce  que  saint  Jérôme  en  dit  : 

«  On  a  vu  dans  le  monde  des  monstres  de  diflerentes  espèces  : 
»  Isaîe  parle  des  centaures,  des  sirènes  et  d'autres  semblables: 
»  Job  fait  une  description  mystérieuse  du  Léviathan  et  de  BéJié- 
»  moth  :  les  poètes  content  les  fables  de  Cerbère  ,  du  sanglier  de 
»  la  forêt  d'Erymanthe  ,  de  la  Chimère  et  de  l'hydre  à  plusieurs 
»  têtes  ;  Virgile  rapporte  l'histoiit^  de  Cacus  ;  l'Espagne  a  produit 
»  Gérion  qui  avait  trois  corps  ;  la  France  seule  en  avait  été 
»  exempte,  et  on  n'y  avait  jamais  vu  que  des  hommes  courageux 
»  et  éloquens  ,  quand  Vigilance,  ou  plutôt  Dormitancey  a  pnru 
»  tout  d'un  coup ,  combattant  avec  un  esprit  impur  contre  l'es- 
»  prit  de  Dieu;  il  soutient  qu'on  ne  doit  point  honorer  les  sépul- 
»  cres  des  martyrs ,  ni  chanter  alleUm  qu'aux  fêtes  de  Pâques  ; 
»  il  condamne  les  veilles,  il  appelle  le  célibat  une  hérésie  et  dit 
»  que  la  virginité  est  la  source  de  l'impureté  *.  » 

CoUect.  jud„  1. 1.  Reginauld,  Dupin,  Fleury,  deThou.  Hisl.  de  France, 
<  Hieron.  conlr.  Vig^ilant.  Lettre  à  Ripaire, 


Vigiliiiiceuireulnillelu^l  rfpv'n;  L-'^talt  «..„,........  .,...  ....... 

l  on  irail  et  qui  ne  raisonnait  pas;  il  préréraii  un  I>od  mot  k  o 
bonne  Riisoii;  il  visait  Ii  la  célébrité;  il  voulut  écrire,  il  allaqaa 
tous  les  ol>jel3  dans  lesquels  il  reuurqiia  des  faveE  qui  fournis- 
saicnt  il  la  plaisaalerle. 

>  L!sl-il  nécessaire,  disall-ll,  que  tous  respeciioi  ou  mè-me  que 
(  TOUS  adoriez  je  ne  sais  quoi  que  vous  porici  dans  un  petit  vaseî 

■  Pourquoi  baiser  et  adorer  de  la  poussière,  une  vile  cendre  en- 

>  velopiiée    de   linge  qui    étant  impure  souille  ccui  qui  en  ap- 

■  pruehnnt  et  qui  ressemble  aux  sépulcres  blanchis  des  PhaTisiuns, 

•  qui  n'élaipnl  que  poussière  el  que  corruption  au  dedans?  Il  faut 

•  donc  quc'  les  âmes  des  niurljrrs  aiment  encore  lenrs  cendres; 

•  apparemment  qu'elles  sont  auprès  d'elles  el  routent  îi  l'etilour, 

•  de  peur  que  s'il  venait  quelque  pécheur  elles  ne  pussent  pat 

•  cnlt-'ndre  ses  prières  étant  absentes. 

•  Nous  TO^onaque  les  coutumes  des  idolïlres  se  sont  presque 
»  introduites  dans  l'Ëglise  sous  prélente  de  religion.  On  j  allume 

■  de  grands  cierges  en  ploiu  midi,  on  j  baise,  on  j  adore  un  pen 

>  de  poussière  ;  c'est  rendre ,  sans  doute  ,  un  grand  service  aux 

>  marljrs  que  de  vouloir  éclairer  avec  de  méchans  eiei^es  ceux 

>  que   l'Agneau  assis  sur  son  trône  éclaire  avec  toute  l'éclat  de 

•  Pendant  que  nous  vivous,'nous  pouvons  prier  les  uns  pour  les 

•  autres;  mais  après   noire  mort  les  prières  que  l'un  fuit  pour 

>  l'autre  ne  sont  pas  écoulées;  les  martyrs  mêmes  demandent  sans 
'  l'obtenir  que  Jéaus-Christ  venge  leur  sang, 

•  Comment  peut-on  concevoir  qu'un  peu  de  poussière  produise 
"  tous  les  prodiges  qu'on  raconte ,  el  quel  serait  l'objet  de  ces  mi- 
I  racles  qui  se  Tont  au  milieu  des  iidËlcs  ?  Les  miracles  ne  peuvent 

■  servir  qu'l  éclairer  les  iniidèlcs;  je  tous  demande  que  vous 

■  m'expliquiez  i:onimenl  il  se  peut  Taire  qu'un  pou  de  poussière 

•  ait  Unt  de  vertu. 

•  Si  tout  le  monde  se  renferme  dans  des  cloitres ,  par  <pii  les 

■  églises  seront-elles  desservies?" 

Vigilance  attaquait  ensulto  le  célibat  et  les  vœui  comme  des 
sources  de  di^sordres  *. 

On  peut  donc  réduire  îi  trois  chefs  les  e 


6U2  ^iG 

attaquait»  i»  le  culte  des  saints»  2«  celui  des  reliques»  3*  le  céli- 
bat «. 

Les  ProtesUiDs  ont  adopté  toutes  ces  erreurs  ;  nous  allons  les 
examiner. 

$  1.  —  Du  culte  des  saints» 

Le  culte  des  saints  a  deux  parties,  Thonneur  qu^on  leur  rend 
et  rinvocation. 

Le  culte  des  saints  éuit  généralement  établi  dans  TÉglise  lors- 
que Vigilance  Tattaqua  par  des  plaisanteries  et  par  le  reproche 
d'idolâtrie. 

Les  Protestaus  ont  combattu  ce  culte  par  les  mêmes  raisons  et 
ont  prétendu  qu*il  était  inconnu  aux  premiers  siècles. 

11  n'est  ni  possible  d'entrer  dans  le  détail  des  différentes  difficul- 
tés que  les  Prolestans  ont  entassées  contre  le  QjUte  des  saints,  ni 
nécessaire  d'examiner  ces  difficultés  en  particulier,  pour  mettre  le 
lecteur  en  étal  de  prononcer  sur  leurs  sophismes  :  il  suffit  de  donner 
une  idée  précise  de  la  doctrine  de  TÉglise  sur  le  culte  des  saints. 

i""  L'Église  catholique  suppose  que  les  saints  connaissent  nos 
besoins  et  qu'ils  peuvent  intercéder  pour  nous,  c'est  un  point  de 
doctrine  fondé  sur  l'ancien  et  sur  le  nouveau  Testament  :  Jacob 
prie  l'ange  qui  l'a  protégé  de  protéger  ses  enfans;  il  invoque 
Abraham  et  Isaac  *. 

Dieu  dit  lui-même  dans  Jérémie  que  quand  Moïse  et  Samuel 
intercéderaient  pour  le  peuple,  il  ne  les  écouterait  pas  ^. 

Saint  Pierre  promet  aux  fidèles  de  prier  pour  eux  après  sa 
mort  *, 

*  M.  le  Clerc,  Bibliot  univers.,  an.  1689,  p.  169,  accuse  saint  Jé- 
rôme de  mauvaise  foi  contre  Vigilance  qu'il  regarde  comme  un  habile 
homme  ;  mais  on  ne  voit  point  sur  quoi  il  fonde  sou  opinion.  M.  Bas- 
nage,  HisU  ecclés.,  t.  2,  L  19,  c  7,  prétend  la  même  chose,  mais  sans 
le  prouver. 

^f.  Barbeyrac,  qui  n'a  été  que  Técho  de  M.  le  Clerc  contre  les  Pè- 
res, a  renouvelé  ces  accusations  et  a  voulu  les  prouver  par  des  passages 
qui  établissent  le  contraire  ;  Barbeyrac,  Préf,  de  Puffend.  Rép,  &  D, 
Cellier. 

>  Genès.,  ^8. 

*  Jercm.,  c.  15. 

*  Ep.  2,  c.  1. 


YIG  593 

En  un  mot,  l'ancien  et  le  nouveau  Testament  supposent  évi- 
demment que  les  saints  connaissent  nos  besoins,  qu'ils  s'intéres- 
sent pour  nous  ;  Kemnitius  et  la  confession  de  Virtemberg  recon- 
naissent que  les  saints  prient  pour  TÉglise. 

Vigilance  dit  que,  pendant  que  nous  vivons,  nous  pouvons  prier 
les  uns  pour  les  autres.  Saint  Jérôme  répond  :  Si  les  apôtres  et 
les  martyrs ,  encore  revêtus  d'un  corps  et  dans  l'obligation  de 
prendre  soin  de  leur  propre  salut,  peuvent  prier  pour  les  hommes, 
à  plus  forte  raison  ils  peuvent  le  faire  après  avoir  remporté  la  vic- 
toire et  avoir  été  couronnés.  Moïse  qui  seul  obligea  Dieu  à  par- 
donner à  six  cent  mille  combattans,  et  saint  Etienne  le  premier 
des  martyrs  qui  imita  si  parfaitement  Jésus-Christ  et  qui  demanda 
pardon  pour  ses  bourreaux,  auront-ils  moins  de  pouvoir  étant 
avec  le  Sauveur  qu'ils  n'en  avaient  en  ce  monde?  Saint  Paul,  qui 
assure  que  Dieu  lui  a  accordé  la  vie  de  deux  cent  soixante-seize 
personnes  qui  naviguaient  avec  lui ,  fermera  la  bouche  quand  il 
sera  dans  le  ciel,  et  il  n'osera  pas  dire  un  mot  pour  ceux  qui  ont 
reçu  l'Évangile  par  toute  la  terre  ^? 

Dans  ce  passage  saint  Jérôme  répond  à  ce  que  Vigilance  avait 
dit  sur  l'invocation  des  saints,  que  leurs  prières  n'étaient  point 
écoutées,  et  saint  Jérôme  fait  voir  par  plusieurs  exemples  que 
leurs  prières  sont  écoutées. 

Comment  donc  M.  de  Basnage  a-t-il  pu  dire  que  saint  Jérôme 
n'a  pas  cru  que  l'invocation  des  saints  fût  légitime  '? 

Saint  Jérôme  suppose  que  la  tradition  de  l'Église  est  unanime 
et  constante  sur  le  culte  des  saints,  et  Vigilance  ne  s'est  point 
fondé  sur  la  tradition  pour  attaquer  ce  culte  ;  ce  qui  prouve  qu'en 
eflet  la  tradition  n'était  pas  favorable  à  Vigilance,  comme  M.  Bas- 
nage  l'a  prétendu,  fondé  sur  des  conjectures  contraires  à  toute 
l'antiquité  ecclésiastique  et  aux  principes  de  la  logique  et  de  la 
critique. 

En  effet,  au  commencement  du  troisième  siècle,  Origène  parle 
expressément  de  l'invocation  des  saints  ^. 

Eusèbc  de  Césarée,  qui  a  passé  une  partie  de  sa  vie  dans  le  troi- 
sième siècle,  et  qui  certainement  n'était  ni  ignorant  ni  supersti- 
tieux,  Eusèbe,  dis- je ,  assure  que  Ton  visitait  les  tombeaux 

*  Hicron.  conlr.  Vigilant. 

2  Basnage,  Hist  ccclcs.,  t.  2, 1. 19,  c.  7« 

^  ExborU  ad  martyr,  Hom.,  In  Ezcch. 

60* 


594  VIG 

des  martyrs,  et  que  les  fidèles  leur  adressaient  leurs  prières  ^ 

Saint  Hilaire,  saint  Ambroîse,  saint  Ephrem,  saint  Basile,  saint 
Grégoire  de  Nysse»  etc. ,  sont  tous  unanimes  sur  le  culte  des  samts, 
et  rËglise  grecque  est  parfaitement  d^accord  sur  ce  point  arec 
rÉglise  latine^. 

2*  Les  catholiques  inToquent  les  saints  et  ne  les  adorent  pas. 
0  tête  insensée!  dit  saint  Jér6me,  qui  tous  a  dit  qu*on  adore  les 
martyrs? 

3"  Les  catholiques  ne  prient  point  les  saints  comme  ayant  un 
pouvoir  indépendant  de  Dieu  ,  mais  comme  des  médiateurs  et 
comme  des  intercesseurs  puissans  auprès  de  Dieu  ;  ils  reconnais- 
sent que  les  mérites  des  saints  sont  des  mérites  acquis  par  la 
grâce  de  Dieu  ;  ils  ne  rendent  donc  pas  un  culte  idolâtre  aux 
saints,  et  le  culte  qu*ils  leur  rendent  n*est  pas  d*une  nature 
semblable  au  culte  qu'ils  rendent  à  Dieu  :  il  est  faux  que  ce  culte 
soit  de  même  espèce,  et  qu*il  ne  difl<ère  que  du  plus  au  moins, 
comme  le  prétendent  les  théologiens'. 

Le  culte  que  les  catholiques  rendent  aux  saints  n*est  donc  pas 
un  crime,  et  les  théologiens  de  Saumur  reconnaissaient  que  ce 
culte  ne  serait  point  condamnable  s'il  différait  essentiellement  du 
culte  qu'on  rend  à  Dieu. 

Ce  double  culte  est  évidemment  marqué  dans  toute  Tantiquilé 
quoi  qu'en  dise  M.  Basnage,  ou  il  faut  qu'il  fasse  de  tous  les  chré- 
tiens des  trois  premiers  siècles  autant  d'idolâtres,  puisqu'ils  ont 
rendu  un  culte  aux  martyrs  *, 

C'est  donc  à  tort  que  les  apologistes  delà  confession  d'Âugsbourg 
disent  que  les  docteurs  anciens,  avant  saint  Grégoire-le-Grand,  ne 
parlent  point  de  l'invocation  des  saints,  et  Ton  trouve  dans  saint 
Grégoire  de  Nazianze  une  oraison  sur  saint  Cyprien  qui  fait 
voir  que  le  culte  des  saints  était  établi  avant  le  quatrième 
siècle. 

Calvin  n'était  détourné  d'admettre  l'invocation  des  saints  que 
parce  qu'il  ne  concevait  pas  comment  les  prières  peuvent  leur  être 

^  HiU,  c.  i8,  in  Malth.  Ambr.,  t.  2,  p.  200.  Ephrem.,  De  monsà  et 
scrm.  insanct.  qui  def.  Basil.,  orat.  20.,  de  40.  mart.Greg.  Nyss.,  Or. 
in  Theod.  Ptrpét.  de  la  foi,  L  5,  p.  AOl. 

2  Hicron.  contr.  Vigilant. 

*  Thcs.,  De  cullu  et  invoc. 

*  Dasnajç.,  Hisl.  ccclés.,  l.  2,  I.  iO,  c.  10. 


VIG  696 

connues  :  c^est  aussi  le  fondement  de  la  répugnance  de  Vossius 
pour  ce  culte*. 

Grotius  répond  que  cela  est  cependant  fort  aisé  à  comprendre. 
«  Les  prophètes,  tandis  qu'ils  étaient  sur  la  terre,  dit-il,  out 
»  connu  ce  qui  se  passait  dans  les  lieux  où  ils  n'étaient  pas. 
»  Elisée  connaît  tout  ce  que  fait  Giési ,  quoiqu'absent  ;  Ézéchiel 
»  au  milieu  de  la  Chaldée  voit  tout  ce  qui  se  passe  dans  Jérusa- 
»  lem;  les  anges  sont  présens  à  uos  assemblées,  et  s'emploient 
»  pour  rendre  nos  prières  agréables  à  Dieu  :  c'est  ainsi  que,  non- 
»  seulement  les  chrétiens,  mais  aussi  les  juifs,  l'ont  cru  dans  tous 
»  les  temps.  Après  ces  exemples,  un  lecteur  non  prévenu  doit 
»  croire  qu'il  est  bien  plus  raisonnable  d'admettre  dans  les  mar- 
»  tyrs  une  connaissance  des  prières  que  nous  leur  adressons  que 
»  non  pas  de  la  leur  ôter'.» 

Ce  que  nous  venons  de  dire  met  le  lecteur  en  état  de  juger  si 
c'est  avec  quelque  fondement  que  Calvin ,  Chamier ,  Hospinien , 
Daillé,Vossius,  Basnage,  Lenfant,  Barbey rac,etc.,  ont  annoncé  que 
le  culte  des  saints  est  une  bêtise ,  une  rage ,  un  blasphème  une 
idolâtrie^. 

Si  le  culte  des  saints  est  une  idolâtrie,  les  païens,  Julien  l'A- 
postat, Vigilance,  ont  donc  mieux  connu  ce  culte  que  les  Pères 
des  quatrième  et  cinquième  siècles  qui  l'ont  défendu  ;  et  tandis  que 
ces  Pères  combattaient  avec  tant  de  zèle  et  tant  de  succès  les  No- 
vatiens,  les  Ariens,  les  Manichéens,  les  Donatistes,  les  Pélagiens, 
ils  étaient  les  promoteurs  et  les  prédicateurs  de  l'idolâtrie,  et  con- 
tribuaient de  toutes  leurs  forces  à  éteindre  la  religion  et  la  piété. 

§  II.  —  Du  culte  des  reliques. 

Le  culte  des  reliques  est  un  sentiment  naturel  que  la  religion 
autorise  :  Moïse  emporta  les  os  de  Joseph  lorsqu'il  sortit  de  l'E- 
gypte. 

Le  respect  de  Josias  pour  les  corps  des  prophètes ,  les  miracles 
opérés  par  les  os  d'Elisée  et  par  les  habits  de  saint  Paul  justi- 

*  Grotius,  annot  ad  consult,  Cassand. 

'  GroL,  Voturo  pro  pace. 

3  Calvin.,  Inslit.,  1.  2,  c.  20.  Chamier,  1.  20,  c  1.  Hospin,  HisU 
sacr.,  2  part.  Daillé,  advcrsùs  Latio.,  dereliq.  cuUu.  Vossius,  Deidol. 
Lenfant,  Préservatif.  Basnage,  Hbt.  ecclés.»  t.  2, 1. 19,  c.  10.  Borbey- 
rac,  Rép.  au  P.  Cellier 


596  ^IG 

fient  le  respect  des  chrétiens  !pour  les  reliques   des  saints  ^ 

Les  chrétiens  qui  accompagnèrent  saint  Ignace  dans  le  lieu  de 
son  niart)Te  recueillirent  avec  grand  soin  ce  qui  resta  de  ses  os, 
les  mirent  dans  une  châsse ,  gardaient  ce  dépôt  comme  un  trésor 
inestimable ,  el  tous  les  ans  s^assemblaient  le  jour  de  son  mar- 
tyre pour  se  réjouir  au  Seigneur  de  la  gloire  de  ce  saint  *. 

Les  fidèles  de  Smyrne  ne  négligèrent  rien  pour  recueillir  les 
reliques  de  saint  Poly carpe  ^. 

L'Église  de  Lyon  a  toujours  les  reliques  des  saints  en  grande 
vénération  *. 

Ce  respect  était  généralement  établi  dans  TÉglise  lorsque  Vi- 
gilance osa  Taltaquer;  c'est  un  fait  prouvé  par  saint  Jérôme. 
•  Nous  commettons  donc  des  sacrilèges ,  dit-il  à  Vigilance,  quand 
»  nous  entrons  dans  TËglise  des  apôtres  ;  Constantin  en  commit 
»  un  en  rapportant  les  saintes  reliques  d'André ,  de  Luc  et  de 
»  Tiraotbée  à  Constantinople ,  où  les  démons  rugissent  auprès 
»  d'elles,  et  où  ces  esprits  dont  Vigilance  est  possédé  avouent 
»  qu'ils  sentent  reffel  de  leur  présence  ;  l'empereur  Arcade  est 
0  un  impie,  qui  a  transféré  en  Thrace  les  os  du  bienheureux  Sa- 
»  muel  long-temps  après  sa  mort;  tous  les  évéques  qui  ont  porté 
>  dans  un  vase  d'or  une  chose  si  abjecte  et  des  cendres  répandues 
»  dans  de  la  soie  sont  non  -  seulement  des  impies ,  mais  encore 
»  des  insensés  ;  c'a  été  une  folie  aux  peuples  de  toutes  les  Églises 
»  de  venir  au  devant  de  ces  reliques  avec  autant  de  joie  que  s'ils 
»  eussent  vu  un  prophète  vivant ,  et  en  si  grand  nombre  que  la 
»  foule  en  augmente  depuis  la  Palestine  jusqu'à  la  Macédoine, 
»  chantant  d'une  commune  voix  les  louanges  de  Dieu  ^.  > 

C'est  dune  dans  Barbeyrac  une  ignorance  grossière  de  l'histoire 
ecclésiastique  d'assurer  que  le  culte  des  reliques  commençait  à 
s'établir  au  temps  de  saint  Jérôme. 

r  Le  respect  des  fidèles  pour  les  reliques  a  été  général  depuis  Vi- 
gilance, dont  l'erreur  ne  lit  point  de  progrès  ;  et  le  culte  des  reli- 
ques depuis  Vigilance  n'a  été  attaqué  que  par  les  Pélrobusiens, 
les  Vaudois  et  les  prétendus  Réformés ,  qui  en  ont  fait  un  des  fon- 

*  Reg.,  I.  A,  c  13,  Ecclcsiasl.,  c.  A8,  acL  19. 
2  Ruinurt,  Acla  mnrl}  rum.  . 

Mbid.,  p.  33. 

*  Ruinart,  Acla  martyrum,  p.  C7. 
^  Ilieron.  cont.  Vigi'. 


VIG 


ô'JTl 


ilemens  de  leur  schisme ,  pr^tcDiluil  que  l'Égli^  catholique  re 
(lail  aux  reliques  uu  culte  idolâtre. 

Mais  il  est  certain  que  jumais  l'iUglise  calbolique  n'a  renilii  a 
reliques  un  culie  qui  se  boroùt  a  ces  reliques  et  qui  eût  aucun  j 
rapport  ï  l'idolàirie.  comme  M.  de  Umax  l'a  Tuit  voir  daiia  son  ] 
Ëtposilion  de  la  foi. 

Le  culte  des  reliques  u'iilail  donc  pas  un  molir  sufQsant  pour 
se  séparer  de  l'Église  catholique,  el  H.  Tillolson  a  élO  olilit!''  d«  j 
recODDaiire  que  les  Proiestans  n'ont  pas  dû  se  Ecparer  de  l'Ëijliss  | 
catholique  parce  qu'elle  était  idollire ,  mais  parce  qu'il  Élail  trÈft-  I 
diflicilc  de  n'y  Éire  pas  iitolùlre  ' . 

Il  ;  a  sans  doute  des  abus  dans  le  culte  que  l'un  rend  au 
liques.et  il  ;  eu  avait  p«ui-élre  plus  avant  la  Rt^roriue  qu'jujour- 
-  d'iiui;  mais  l'ÉgliEe  ne  les  approuvait  pas ,  elle  les  condamnait. 

Mais  quelques  abus  introduits  parmi  les  Cdèles  sont-ils  un  mq- 
lif  sudisant  pour  rompre  l'uniiéY  appariieni-il  ti  des  parlicuUom.J 
de  se  séparer  de  l'^i^Iise  parce  qu'elle  n'eiupêclie  pas  ces  abusf'l 
que  devieudrait  lu  police  de  l'Église  si  des  lioinnies  sans  ai 
fini  se  croyaicDl  en  droit  d'j  établir  la  Réforme? 

Les  difUcullcs  de  M.  Busnage  contre  le  culte  des  reliques  por- 
tent toujours  sur  cette  fausse  supposition  ,  savoir ,  que  les  c»tb»> 
liques  honorent  les  saints  el  leurs  reliques  d'uu  culte  semblable  | 
!t  celui  qu'ils  rendeut  i  Dieu.  On  peut  voir  sur  les  reliques  les  sor  i 
vans  et  judicieux  auteurs  que  nous  citons  eu  nuie  *. 


§  111. 


■  Ou  etflibat. 


D'anciens  lit-r^tiques  regardaient  tous  les  objeii  qui  procurent 
du  plaisir  comme  des  bienfaits  de  l'Ëlrc  suprême,  et  la  loi  qui 
défendait  d'en  user  comme  l'ouirage  d'un  être  malfaisant ,  qui 
Totdait  contrarier  Dieu  et  rendre  les  homnies  caalheursux  ;  ainùi . 
ils  faisaient  en  quelque  sorte  un  devoir  de  religion  de  se  procura  I 


► 


un  plaisir  défendu;  chexe 

ax  la  fornicalio 

a  était  un. 

0  action  vei^l 

ttwuse  et  la  continence  un 

e  imbécillité  ou 

nne  impiété».                \ 

1     Vigilance  regardait  au  c 

on  traire  la  furni' 

L^alion  con 

luieuncrjiue,  < 

1  TLIiolson,  Serm.  sur  cm 

paroles  de  saint 

Paul  :  Ils 

seront  sauvé»,  j 

mais  comme  par  le  fcu. 

ïpBpcbn>cA«asaiicl.,l, 

,  5,  Mabiiion,  Vriff.  act.  SS, 

,  ricurî,  Dis- 

coursSsorrbisloirecéclÉs. 

*  Les  Anlilacles. 

598  VIG 

et  le  célibat  comme  un  élat  qui  rendait  ce   crime  inéviuble. 

Lutber,  au  commencement  de  la  Réforme,  prêcha  un  sermoo 
où  il  s'exprimait  ainsi  :  «  Gomme  il  n*est  pas  en  mon  pouToir  de 
»  n*étre  point  homme ,  il  n'est  pas  non  pins  en  mt  puissance  de 
»  yiYre  sans  femme ,  et  cela  m'est  plus  nécessaire  que  de  manger, 
»  de  boire  et  de  satisfaire  aux  nécessités  du  corps...  Si  les  fem- 
»  mes  sont  opiniâtres ,  il  est  à  propos  que  le  mari  leur  dise  :  si 
»  TOUS  ne  le  voulez  pas ,  une  autre  le  voudra  ;  si  la  maîtresse  ne 
»  veut  pas  venir,  la  servante  viendra  *.  » 

Zuingle,  Bèxe,  etc.,  suivirent  l'exemple  de  Luther:  ce  qui  fit 
dire  k  Érasme  que  la  Réforme  n*était  qu*une  comédie  continuelle, 
puisque  le  mariage  en  était  toujours  le  dénoûment. 

Les  nouveaux  Réformés  n*ont  pu  justifier  les  expressions  de 
Lutber.  Basnage  et  les  autres  Protestans  conviennent  quelles  ne 
sont  pas  trop  dignes  d'uu  patriarche  ;  mais  ils  ont  défendu  ses 
principes  sur  la  loi  du  célibat.  Us  ont  prétendu  que  cette  loi  était 
injuste,  qu'il  était  impossible  de  l'observer,  qu'elle  était  incon- 
nue à  la  primitive  Église ,  qu'elle  avait  causé  des  désordres  infi- 
nis, et  que  c'était  pour  remédier  à  ces  désordres  que  les  Réfor- 
mateurs avaient  attaqué  la  loi  du  célibat  :  tels  sont  les  principes 
de  Chamier,  de  Kemnilius,  des  théologiens  de  Sedan  et  de  Sau- 
mur,  de  Jurieu ,  de  Basnage ,  de  FiCnfant. 

Barbeyrac,  qui,  dans  la  préface  de  sa  traduction  dePuffendorf 
et  dans  sa  réponse  à  dom  Cellier,  a  copié  tout  ce  qu'il  a  pu  trouver 
dans  le  Clerc  contre  les  Pères,  a  renouvelé  toutes  ces  difTicultcs, 
et  il  a  même  prétendu  que  le  célibat  est  contraire  au  bien  de  la 
société  humaine  en  général  et  à  celui  des  sociétés  particulières  ; 
c'est  par  ce  côté  que  la  loi  du  célibat  principalement  a  été  atta- 
quée dans  notre  siècle.  Pour  juger  de  ces  difÛcultés ,  examinons  : 
!<*  ce  que  l'Église  primitive  a  pensé  du  célibat  ou  de  la  continence; 
â°  si  elle  a  pu  obliger  ses  ministres  à  l'observer  ;  3*"  si  le  célibat 
de  l'Église  romaine  est  nuisible  à  la  société  civile. 

PREMIÈRE  QUESTION. 
Sur  ce  que  V Église  primitive  a  pensé  du  célibat  et  de  la  continence, 

L'Ecriture  nous  représente  la  continence  volontaire  comme  un 
état  de  sainteté  particulière  ;  il  ne  faut,  pour  s'en  convaincre,  que 

*  Serm.  Luther. 


VIG  599 

jeter  les  yeux  sur  le  chapitre  7  de  la  première  épître  de  saint 
Paul  aux  Corinthiens.  U  serait  inutile,  pour  le  prouver,  de  citer 
les  théologiens  catholiques;  les  théologiens  protestans  le  recon- 
naissent. Grolius  et  Forbesius  avouent  que  TÉvangile  et  saint 
Paul  préfèrent  la  continence  -au  mariage  i 

11  ne  faut  qu*ouvrir  les  Pères  des  premiers  siècles  pour  se  con* 
Taincre  que  le  célibat  et  la  virginité  furent  très-communs  dans  les 
trois  premiers  siècles  du  christianisme. 

M.Dodwel  reconnaît  que,  depuis  les  conseils  de  saint  Paul, 
Testune  de  la  virginité  s^était  généralement  répandue ,  et  que, 
dès  le  temps  de  saint  Clément,   la  virginité  était  en  honneur  *. 

On  ne  tarda  pas  à  s*obliger  par  des  vœux  à  garder  la  conti- 
nence, et  ces  vœuxsont  presque  aussi  anciens  que  le  christianisme  : 
on  le  voit  par  saint  Justin,  Athénagore,  saint  Clément  d'Alexan- 
drie, TertuUien,  Origène  ^. 

Il  est  inutile  d'examiner  ce  qu'on  a  pensé  de  la  continence  da«i 
les  siècles  suivans  ;  tout  le  monde  sait  qu'au  temps  de  saint  An- 
toine les  déserts  d'Egypte  et  de  Syrie  étaient  remplis  de  religieux 
qui  faisaient  profession  de  vivre  dans  le  célibat  :  depuis  ce  temps, 
la  vie  monastique  s'est  conservée  en  Orient  *.    • 

La  vie  monastique  n'est  donc  pas  un  abus  introduit  par  l'Église 
romaine  ;  elle  a  commencé  presque  avec  le  christianisme  ^. 

SECONDE  QUESTION. 

VÉglUe  a-t-elle  imposé  à  êfê  ministres  la  loi  du  célibat,  et  cette 

loi  est-elle  injuste? 

Le  célibat  n'est  point  une  condition  nécessaire  et  de  droit  divin 
pour  recevoir  le  sacerdoce. 

Cependant,  de  tous  les  apôtres  nous  ne  connaissons  que  saint 
Pierre  qui  ait  eu  une  femme,  et  si  les  autres  en  ont  eu,  il  faut 

^  Grolius  in  cap,  7  primœ  ad  Corint.  Forbesius,  1.  1.  Theol.  moral, , 
1. 1,  c«  12,  p.  IW. 

3  Dodwel,  Dissert«  2  sur  la  chronologie  des  papes»  dans  les  ouvrages 
posthumes  de  Pearson, 

^  Justin,  Apol.  Alhcnagore  Légat,  Pro  ChrisL  Clem,  Alex»,  1.  8. 
Strom.  Terl.  A|M)1.,  c.  9.  Origcn.  conl.  Cels. 

*  Ptrpét.  de  la  foi,  t  5,  p.  200, 

^Mabillon,  Prof,  in  primum  Si'culum  b<?ncdict|  n,  5t  etc. 


coo  ^IG 

qu  ils  aient  renoncé  à  Tusage  du  mariage,  puisque  dans  tliistolre 
il  n'est  fait  aucune  mention  de  leurs  enfans:  TopinioD,  du  temps 
de  Tertullien  et  de  saint  Jérôme,  était  que  saint  Pierre  seul  anît 
été  marié  ^ . 

Les  auteurs,  il  est  vrai,  paraissent  partagés  sur  le   mariage  de  i 
saint  Paul  ;  mais  tout  le  monde  couTient  que,  lorsqu*il  écrifit 
s^n  épi  ire  aux  Corinthiens,  il  faisait  profession  de  TÎvre  dans  la 
continence,  puisqu'il  le  dit  lui-même*. 

].e  concile  de  Nicée  suppose  cet  usage  établi  dans  rÉgUse, 
puisqu'on  y  défend  aux  prêtres  d'avoir  d'autres  femmes  que  leurs 
sœurs,  leurs  mères,  ou  des  personnes  qui  les  mettent  hors  d'état 
de  soupçon  :  ce  qui  suppose  que  les  prêtres  n'avaient  point  de 
femmes  ;  car  on  ne  peut  pas  dire  que  sous  le  nom  de  sœur  le 
concile  ait  compris  la  femme  ^. 

Saint  Épiphane  parle  du  célibat  des  prêtres  comme  d'un  usage 
généralement  établi  et  observé  dans  tous  les  lieux  où  l'on  observait 
emctemcnt  les  canons  de  l'Église.  Il  reconnaît  pourtant  que  le 
contraire  se  pratique  en  quelques  lieux  ;  mais  il  dit  que  cette  ex- 
ception n*est  pas  fondée  sur  l'autorité  des  canons,  ne  se  tolère  que 
par  condescendance  pour  la  faiblesse,  et  ne  s'est  introduite  que 
par  négligence. 

Le  célibat  est  ordonné  dans  les  canons  des  apôtres,  et  l'on  sait 
que  la  discipline  contenue  dans  cette  collection  a  été  observée 
par  les  Orientaux  pendant  les  trois  premiers  siècles  de  l'Église  *. 
Celte  pratique  n'est  pas  moins  générale  dans  l'Église  latine: 
on  le  voit  parle  trente-troisième  canon  du  concile  d'Eliberi,  qui 
défend  aux  prêtres  et  aux  diacres  ,  sous  peine  de  déposition,  de 
vivre  avec  leurs  femmes. 

Sur  la  fm  du  quatrième  siècle,  le  second  concile  de  Carthage 
établit  la  même  loi  *• 
11  est  vrai  que  dans  le  temps  de  la  persécution  l'Église  latine  ne 

*  Tcrt,,  Demonoi^am.  Hieron.  conL  Joviniam. 

2TerL,  ibid.,  c.  3;  Epiph.,  Haer.  58;  Hieron.  ,•  ep.  22;  Aug.,  De 
Grat.,  et  lib.  arb.,  c  à;  Theodorct,  in  Puul.,  disent  que  saint  Paul  a 
été  marié.  Clém.  Alex.,  1.  3  ;  Strom.,  c.  30  ;  Eusèbe  et  saint  Méthode 
le  nient. 

2  Couc.  nie,  can.  A. 

*  Can.  27. 
s  Can.  2. 


VÎG  601 

fît  point  de  lois  pour  punir  les  clercs  qui  n'observaient  pas  la  loi 
de  la  continence,  et  qu'il  y  avait  des  prêtres  qui  s'étaient  mariés, 
ou  qui,  ayant  été  ordonnés  marié»,  continuaientà  user  du  mariage; 
les  uns  parce  qu'ils  le  croyaient  permis,  les  autres  parce  qu'ils 
prétendaient  que  le  mariage  était  aussi  bien  permis  aux  prêtres  du 
christianisme  qu'à  ceux  de  Tancienne  loi. 

Le  papeSirice  ayant  été  informé  de  ces  désordres,  lorsque  la  per- 
sécution cessa,  pardonna  aux  premiers,  à  condition  qu'ils  n'avan- 
ceraient pas  dans  les  ordres,  et  qu'ils  ne  feraient  la  fonction  de  ceux 
qu'ils  avaient  reçus  qu'en  observant  la  loi  de  continence  :  il  déposa 
les  seconds,  et  défendit  d'ordonner  des  gens  mariés,  et  à  ceux  qui 
étaient  ordonnés  de  se  marier. 

11  est  évident  que  le  pape  Sirice  ne  faisait  que  remettre  en  vi- 
gueurune  loi  déjh  établie  et  reconnue  dans  TÉglise. 

Au  commencement  du  cinquième  siècle.  Innocent!  confirma  le 
décret  de  Sirice  * .  ^" 

Au  milieu  du  sixième,  Justin  fit  une  loi  pour  confirmer,  dit-il, 
les  saints  canons  qui  défendaient  aux  prêtres  de  se  marier  *, 

Par  ce  que  nous  venons  de  dire,  il  est  certain,  1°  que  l'on  a  tou- 
jours eu  dans  l'Ëglisc  une  vénération  singulière  pour  la  vertu  de 
continence  :  2**  que  cette  vertu  n'est  pas  au-dessus  des  forces  de 
riiomme,  aidé  du  secours  de  la  grâce  :  3°  que  l'Ëglise  ancienne  l'a 
prescrite  h  ses  ministres. 

La  loi  du  célibat  imposée  aux  prêtres  et  aux  diacres  par  iepape 
Sirice,  et  ensuite  aux  sous-diacres  par  saint  Léon,  n'est  donc  point 
injuste,  à  moins  qu'on  ne  prétende  que  l'Église  n'a  point  le  droit 
de  faire  des  lois,  et  d'exiger  de  ses  ministres  certaines  vertus,  ou 
certaines  qualités,  selon  qu'elle  les  juge  nécessaires  au  temps  et 

aux  circonstances. 

C'est  donc  de  la  part  des  premiers  Réformateurs  une  révolte 
inexcusable  d'avoir  violé  les  vœux  de  continence  qu'ils  avaient 
faits  et  d'avoir  condamné  la  pratique  de  l'Église. 

f^  réclamation  de  Paphnuce  contre  la  loi  du  célibat ,  dans  le 
concile  de  Nicée ,  est  un  fait  trop  douteux  pour  autoriser  un  sim- 
ple fidèle  à  se  révolter  contre  une  loi  généralement  obsenée  dans 
l'Église  ;  il  n'est  rapporté,  ce  fait,  que  par  Socrate  et  par  Sozo- 
mène»  Eusèbe  n'en  parle  point,  et  M.  Bayle  le  croit  faux.  Au 

*  Innocent,  cp.  3. 

3  L.  5,  cap.,  De  episcopisct  dericis,  collect.  4, 1. 1. 

TI.  51 


r>02  VIG 

reste ,  ce  fait ,  aussi  bien  que  differens  canons  cités  pM  les  Pro- 
testaiis ,  prouve  que  la  loi  du  célibat  n*a  pas  toujours  obligé  dans 
rÉglise ,  mais  non  pas  que  TÉglise  n'a  pu  la  porter. 

C*est  principalement  sur  les  désordres  du  clergé  que  les  Ré- 
formateurs ont  appuyé  leur  infraction  de  la  loi  du  célibat. 

Il  est  certain  que  ces  désordres  étaient  très-grands ,  quoiqu'ils 
aient  été  excessivement  exagérés  par  les  Protestans ,  et  surtout 
par  Jurieu ,  qui ,  dans  sa  défense  de  la  Réforme ,  entasse  sans 
choix  t  sans  discernement ,  sans  critique  et  sans  pudeur,  une 
foule  de  fables  et  de  calomnies  absurdes. 

Mais  ces  désordus  du  clergé  venaient  du  désordre  général  que 
les  incursions  des  barbares  avaient  porté  dans  TEurope.  Le  clergé, 
plongé  dans  la  plus  profonde  ignorance ,  incapable  de  s'occuper 
de  ses  devoirs  et  d'étudier,  fut  entraîné  par  le  torrent  du  désor- 
dre général  et  devint  vicieux  par  les  mêmes  causes  qui  avaient 
rendu  tous  les  peuples  de  l'Europe  vicieux,  ignorans  et  féroces. 
L'Église  gémissait  sur  ces  désordres ,  et  elle  seule  avait  droit 
de  prescrire  les  lois  propres  à  les  réprimer  *. 

L'usage  de  TÉglise  grecque  n'autorisait  point  la  liberté  des 
Réformateurs  ;  celle  Église  permet  le  mariage  des  prêtres  ;  mais 
comme  il  s'agit  d'un  point  de  discipline^  chacun  peut  et  doit  sui- 
vre l'usage  de  l'Église  dans  laquelle  il  se  trouve. 

TROISIÈME  PARTIE. 

La  loi  du  célibat  est-elle  contraire  au  bonheur  des  Étals  ? 

La  population  esl  liée  très-étroitement  avec  la  puissance  et  le 

*  Voyez^  sur  cette  question,  Sylvius,  t.  A,  supplem.,  quscst.  53. 
Juenin,  De  impcd.  matrini. 
Fcrrand,  Réponse  à  Tapologie  de  Jurieu. 

Lettres  sur  differens  sujets  de  controverse,  par  M.  l'abbé  de  Corde- 
moy,  lettres  S  et  k, 

Hist.  des  conciles  généraux  ;  on  trouve  à  la  fin  un  excellent  traité  du 
célibat 

Cellier,  Apologie  pour  la  morale  des  PP. 

Hisl.  du  divorce  de  Henri  Vlll,  3  vol.  in-12,  1688,  chez  Boudot  ; 
on  trouve  à  la  fin  de  boimos  dissertations  sur  le  célibat. 

Dom  Gervaisna  aussi  traité  cette  matière  dans  une  dissertation  qu'il 
a  mise  à  la  fin  de  la  vie  ilcsaifit  Cypricn. 

Il  y  a  des  théolo{,ncns  qui  prétendent  que  le  célibat  est  de  droit  divin. 


VIG  608 

bonheur  d'un  État ,  el  le  célibat  est^  dit-on ,  contraire  à  la  po- 
pulation ;  les  législateurs  les  plus  sages  en  ont  fait  un  crime;  tout 
le  monde  sait  comment  il  était  puni  à  Sparte. 

On  s'appuie  sur  ce  principe  pour  condamner  la  doctrine  de  TË- 
glise  sur  le  célibat.  «  Le  mariage,  dit'-on,  est  honnête  etnéces- 
»  saire  dans  toutes  les  sociétés  civiles  ;  on  sait  que  touâ  les  sages 
»  législateurs  ont  employé  les  expédions  les  plus  nécessaires  pour 
»  y  engager  les  citoyens  ;  cela  étant  supposé ,  un  peuple  composé 
9  de  chrétiens ,  tous  persuadés  qu'il  y  a  dans  la  continence  un  de- 
»  gré  de  sainteté  qui  rend  les  hommes  plus  agréables  à  Dieu  que 
»  Tétat  du  mariage  »  les  chrétiens  ne  se  marieraient  point  ;  car 
»  toutes  les  exhortations  des  écrivains  sacrée  tendent  à  imposer 
»  l'obligation  indispensable  de  se  perfectionner  et  de  se  rendre 
»  plus  agréable  à  Dieu  ^ .  » 

On  a  retourné  le  fond  de  ces  difficultés  de  cent  manières ,  et 
Ton  est  allé  jusqu'à  prédire,  d'après  ces  principes,  que  les  Pro- 
testans  subjugueraient  les  États  catholiques  :  faisons  quelques  ré- 
flexions sur  ces  difficultés. 

1**  L'Église  catholique  enseigne  que  la  continence  est  un  état 
plus  parfait  que  celui  du  mariage  ,  mais  elle  enseigne  aussi  que  la 
continence  est  un  don  particulier ,  que  tout  le  monde  n'est  pas 
appelé  à  cet  état ,  que  cet  état ,  si  respectable  en  lui-même ,  est 
très-dangereux  pour  le  salut  lorsqu'on  n'y  est  pas  bien  appelé  ; 
elle  impose  des  épreuves  à  ceux  qui  veulent  s'y  consacrer  ;  elle 
enseigne  que  le  mariage  est  un  état  saint  et  auquel  le  grand  nom- 
bre des  hommes  est  appelé.  Ainsi  la  doctrine  de  l'Église  catholique 
ne  porte  pas  tous  les  chrétiens  au  célibat ,  et  la  persuasion  de 
l'excellence  de  la  continence  n'empêchera  pas  le  mariage  dans  les 
États  catholiques. 

â»  Un  homme  qui  se  marie  produit  plus  d'un  homme:  ainsi, 
suivant  les  lois  de  la  nature ,  les  hommes  doivent  se  multiplier 
assez  pour  ne  pouvoir  subsister  dans  le  même  lieu  et  pour  être 
forcés  de  former  de  nouveaux  établîssemens. 

Les  émigrations ,  qui  ne  sont  que  la  surabondance  des  sujets , 
ne  sont  pas  contraires  au  bonheur  de  l'État  ;  elles  sont  même  né- 
cessaires ^  mais  elles  sont  perdues  pour  l'État. 

Voyez  Sylvius,  loc  ciL,  mais  ce  n'est  qu'une  opinion  et  qui  parait  sans 
fondement. 
>  Barbeyrac,  Traité  de  la  morale  des  Pères,  c  8,  page  iiS,  etc. 


604  WIC 

La  loi  du  célibat  ne  serait  donc  point  contraire  au  bonheur  d*aB 
Ëtat ,  quand  on  supposerait  que  le  célibat  absorbe  celte  soraboo* 
dance  :  elle  ne  peut  être  nuisible  dans  un  État  oit  Ton  sait  encou- 
rager et  favoriser  la  population  ;  il  est  même  certain  que  le  céli- 
bat ,  qui  absorbe  cette  surabondance  de  sujets  qui  se  trouve  dans 
un  État  bien  gouverné,  est  beaucoup  plus  utile  que  Tusaged^en- 
voyer  des  colonies,  puisque  ces  colonies  sont  perdues  pour  Ytr 
tatdont  elles  sortent ,  et  que  le  célibat  de  TÉglise  catholique  coa- 
serve  à  TËtat  les  citoyens  qu*elle  perdrait  par  Tenvoi  des  colonies. 

Ce  n*est  donc  point  sur  le  célibat  de  TÉglise  romaine  qu^il  fau- 
drait rejeter  la  dépopulation  des  États  catholiques  s*ils  étaient  dé- 
peuplés; leur  dépopulation  aurait  d*autres  causes.  Un  autev 
qu*on  ne  peut  soupçonner  de  manquer  de  zèle  pour  le  bonheur  de 
rÉtat,  TAmi  des  hommes,  a  prouvé  cette  vérité  pour  tout  lecteur 
équitable. 

Le  célibat,  qui  était  d'abord  défendu  à  Sparte  et  à  Rome,  y 
fut  toléré  dans  la  suite.  On  sait  d'ailleurs  que  les  Gymuosophistes 
chez  les  Indiens,  les  Ilyérophanles  chez  les  Athéniens,  une  par- 
tie des  disciples  de  Pythagore,  vivaient  dans  le  célibat  *. 

T^  célibat  n'est  donc  contraire  ni  à  la  puissance  des  États  ni 
au  bonheur  des  particuliers. 

AVALFRÈDE,  homme  obscur  et  ignorant,  qui  soutenait  qae 
Tàme  mourait  avec  le  corps  :  il  parut  vers  la  fia  du  dixième 
siècle.  Durand,  abbé  de  Castres,  le  réfuta  sans  réplique,  et  son 
erreur  n'eut  point  de  suite  *. 

WICLEF,  ou  plutôt  Jean  de  Wiclif,  naquit  à  Wiclif  dans  la 
province  d'York,  vers  Tan  1329  ;  il  étudia  au  collège  de  la  reine 
à  Oxford,  et  fit  de  grands  progrès  dans  l'étude  de  la  philosophie 
et  de  la  théologie. 

En  1361, l'archevêque  de  Cautorbéry  fit  h  Oxford  une  fondation 
pour  l'étude  de  la  logique  et  du  droit;  il  devait  y  avoir  un  gar- 
dien et  onze  écoliers,  trois  moines  de  l'Église  de  Christ  à  Cau- 
torbéry, les  huit  autres  du  clergé  séculier. 

Le  fondateur  donna  lui-même  la  place  de  gardien  à  un  moine 
qu'il  déplaça  peu  de  temps  après  pour  faire  Wiclef  gardien. 

Après  la  mort  du  fondateur,  Simon  Lengham,  son  successeur , 

^  Hist,  critiq.  du  célibat,  Acad.  des  inscript,  1713. 
^D'Acheri,  Spicileg.,  t  7,  p,  341.  Mabillon,  Pr»f,in  s«C,  $•  Bepe- 
dlct ,  5,  3.  Hist.  liit.  de  France,  U  5,  p.  11, 12, 


e  docteur  el 


WIC 
rendit  aux  moines  les  places  qu'ils  a 

appela,  et  le  pape  conQrnia  l'eupulsio 
que  Len(;!iam  uviilt  ru'il. 

Deux  ausapi'Jis,  Wiclefdevint  proftisiieur  en  théologie;  il  ri 
pllt  celle  fiiuciion  avec  beaucoup  de  dUiincIion,  et  fil  daua  1«  ] 
cours  de  fréquentes  déclamations  cou  Ire  les  noiaes;  il  jeu 
proclia  même  des  erreurs  capitales. 

Wiclef  n'était  pas  daus  des  dispositions  plus  favorables  pour 
la  Mur  de  Rome,  soit  que  mécontentement  vint  de  la  perte  de 
son  procès,  soit  qu'il  fût  causé  par  les  démêlés  des  papes  avec 
l'Angleterre,  suit  enfin  qu'il  fût  produit  par  la  lecture  de  cette 
foule  d'ouvrages  qui  avaient  attaqué  successivement  l'ËgUee  de 
ïtome  I  leU  que  les  écrits  de  Uarsille  de  Padoue  et  de  Jean 
d'Olive;  Wictef  attaqua  la  cour  de  Rome  dans  ses  leçons  de  théo- 
logie, dans  ses  serinons  el  dans  ses  écrit»;  il  réunit  tout  ve  qu'oA 
avait  dii  contre  sa  puissance  et  contre  ses  richesses;  il  attaqua  J 
sou  auiortlé  dans  les  choses  purement  spirituelles;  il  prétenâïfrj 
trouver  dans  sa  doctrine  des  erreurs  fond  a  Bien  laies.  ^ 

Le  clergé  d'Angleterre  avait  toujours  pris  le  parti  des  papei 
contre  les  rois  et  contre  le  parlement ,  il  avait  retenu  le  peuple 
dans  la  fidélité  au  saint  Siège.  Wiclef  entreprit  de  ruiner  le  crédit 
du  clergé  en  attaquant  ses  prétentions  et  tout  ce  qui  pouvait  lui 
concilier  le  respect  et  la  confiance  des  peuples 


Les  démêlés  vifs  et  fréqucr 
gleterre,  depuis  Jean  Sans-Terre,  av: 
contre  cette  cour  ;  on  ne  se  rappelait  q 
r'eicommunieation  et  la  déposition  di 
mise  aux  pieds  du  légat  et  remise  par 
roi,  la  cession  de  l'Angleterre  au  pape 
rujauma.  par  le  pape  ;  enfin  les  Angh  ' 


de  Rome  et  de  l'AO'  1 
t  indisposé  les  espriti  1 
ec  beaucoup  de  peint 
prince,  sa  couronne 
ministre  sur  la  tète  da 
le  tribut  imposé  sur  et 
royaieoiavec  chagrin  Ic^ 


bénéfices  donnés  par  le  pape  aux  étrangers.  Comme  dans  c< 
mêlés  leclcrgé  avait  ordiuairemenlprisle  parti  de  In  cour  de  Rome,  ^ 
il  a'étaitatlirélahaine  d'une  partie  du  peuple,  qui  d'ailleursregai^ 
dait  avec  envîe  les  richesses  que  les  ecclésiastiques  possédaient. 
Wiclef  trouva  donc  dans  les  esprits  des  dispositions  favorables 
au  désir  qu'il  avait  de  soulever  l'Angleterre  contre  1  Ë|;lise  do 
pRome. 

'  Il  fut  secondé  dans  celle  entreprise  par  les  I.ollards  qui  s'é- J 

l  hit  des  partisaits  en  .Vngleterre  :  il  se  lit  des  dlciples  el  | 

a  de  l'inquiétude  au  eleryê. 


606  WIC 

Oo  envoya  au  pape  Grégoire  XI  plusieurs  propositions  deYTv- 
clef  qui  renouvelaient  les  erreurs  de  Marsille  de  Padooe,  de  Jeu 
de  Gand ,  etc. 

Le  pape  ordonna  k  Tarchevèque  de  Gantorbéry  et  à  Tévé^te 
de  Londres  de  faire  emprisonner  Wiclef ,  s*il  était  vrai  qu*il  eâl 
enseigné  une  doctrine  si  détestable  ^. 

Edouard  mourut  dansées  entrefaites,  et  Richard  II  lui  succéda; 
Tarchevèque  de  Gantorbéry  et  Tévéque  de  Londres  exécutèreit 
leur  commission ,  ils  citèrent  devant  eux  Wiclef,  et  il  comparut: 
il  était  accompagné  du  duc  de  Lancastre  et  du  lord  Piercy.  Ceta* 
ci  voulurent  que  Wiclef  répondit  assis,  les  évèques  voulaieal 
quUl  fût  debout  ;  on  se  dît  de  part  et  d^autre  des  paroles  asset 
vives ,  et  Ton  se  sépara  sans  avoir  rien  fait  sur  rafTaire  de  Widel, 
qui,  à  la  faveur  de  cette  puissante  protection,  continua  à  ensei- 
gner sa  doctrine  et  fit  des  prosélytes  qui  la  répandirent  ^  mais  k 
clergé  le  condamna  et  le  força  de  quitter  sa  cure. 

La  ()isgr&ce  de  Wiclef  ne  fît  qu'augmenter  sa  haine  contre  le 
pape  et  contre  le  clergé.  11  composa  divers  ouvrages  pour  insi- 
nuer ses  sentimens  et  les  communiquer  dans  toute  TAnglelerre. 

Dans  ce  temps ,  Urbain  VI  et  Clément  Vil  se  disputaient  le 
siège  de  Rome.  L'Europe  était  partagée  entre  ces  deux  pontifes, 
Urbain  était  reconnu  par  l'Angleterre  et  Clément  par  la  France. 
Urbain  VI  fit  prêcher  en  Angleterre  une  croisade  contre  la  France, 
et  accorda  aux  croisés  les  mêmes  indulgences  que  Ton  avait  ac- 
cordées pour  les  guerres  de  la  terre-sainte. 

Wiclef  saisit  cette  occasion  pour  soulever  les  esprits  contre 
Tautorité  du  pape  et  composa  contre  cette  croisade  un  ouvrage 
plein  d'emportement  et  de  force.  «  11  est  honteux,  dil-il,  quela 
»  croix  de  Jésus-Ghrist,  qui  est  un  monument  de  paix,  de  miséri- 
»  corde  et  de  charité ,  serve  d'étendard  et  de  signal  pour  tous  les 
»  chrétiens  pour  Tamour  de  deux  faux  prêtres,  qui  sont  manifeste- 
»  ment  des  Antechrists,  afin  de  les  conserver  dans  la  grandeur  mon- 
»  daine  en  opprimant  la  chrétienté  plus  que  les  Juifs  n'opprimè- 
>  rent  Jésus-Christ  lui-même  et  ses  apôtres...  Pourquoi  est-ce  que 
»  Torgueilleux  prêtre  de  Rome  ne  veut  pas  accorder  à  tous  les 
»  hommes  indulgence  plénière  à  condition  qu'ils  vivent  en  paix 
»  et  on  charité,  pendant  qu'il  la  leur  accorde  pour  se  battre  vi 
»  pour  se  détruire  *  ?  » 

^  Conc  Brilanniae,  t.  3,  p.  i23  et  passlm. 

^  Dans  le  livre  intitulé  :  J'Eipliciilion  du  grand  arrêt  de  malédiction. 


.DYIenvojB  en  Angleterre  une  moni lion  [tour  ciierWlcIcf  I 

is  il  fut  aiiaqué  d'une  paraJjsie  el  uiourui  peu  Je  leuipa  ( 

n  1384,  le  S»  décembre. 

DocMne  d«  Wielef. 

llViclef  avait  beaucoup  de  seciateurB;  le  clergé,  |>our  arrâler 
8  progriiâ  de  &es  erreurs ,  renouvela  les  cundaïunHtioas  portées 
e  sa  docirine,  et  l'Huiversiié  d'OxTonj ,  après  avoir  examioé 
les  livres  de  ce  théologien ,  en  lira  deux  cent  soiiantu^ix-huit 
propositions  qu'elle  jugea  dignes  de  censure ,  et  ([d'elle  envojl 
ù  l'arclierèque  de  Cantorljér;  ' 


Ces  Cl 


e  la  doï 


de  Wiclet  et  le 
ut ,  celui  de  reo- 


plan  de  rëfuraation  qu'il  avait  furinë,  s'il  est 
plan  :  car  je  vois  bien  dans  ces  proposilioas  n: 
dreTËgUse  romaine  eileclergAutlieuXi  d'ut 
dîgnalioD  publique  et  d'anÉautlr  leur  autorité;  mais  je  n'y  Tob 
poinl  de  système,  point  de  corps  suivi  dedoelrine.puinldeforme  i 
de  gouvernement  qu'il  ait  votilu  sul>sUtuer  au  gouveroeoeni  de 
l'i^liso  romaine,  L'anarcbie,  le  désordre,  te  ruoatisine  des  Ana- 
baptistes, meparaisseni  les  conséquences  les  plus  naturelles  de  ti 
doctrine  de  Widef.  La  voici  telle  qu'on  peut  lavoir  duns  l'extrait 
que  rUuiveraiié  d'OiTord  lit  do  ses  dilTérena  ouvrages,  duniJa 
plus  grande  partie  est  inconnue. 

Il  attaqua  du»  set,  dialogues  le  pape ,  les  ordres  religieut ,  les 
richesses  du  clei^é,  les  sacrewens,  les  prières  pour  les  morts. 

Il  dit  que  le  pape  est  simoniaquu ,  bérétique  ,  qu'il  n'a  poîul 
d'urdre  dans  l'Église  de  Dieu,  mais  dans  lu  société  des  déuions  ; 
que,  depuis  la  dotationde  l'Église,  tous  les  papes  sont  les  précur- 
seurs de  l'Aiilticbrist  et  les  vicaires  du  iléiuon;  que  les  papes  el 
cardinauisoni  institués,  non  par  Jésus-CLrist,  mais  parlediable; 
qu'il  faut  ronseiller  au  lidéles  de  ne  point  demander  d'indut- 
gences  au  pape ,  parce  que  h  bonté  de  Dieu  n'est  pas  renfermée 
dans  l'enceinte  des  murs  de  Rome  ou  d'Avignon  ;  que  ni  le  pap« 
ni  aucune  puissance  sur  la  terre  n'a  le  pouvoir  de  nous  eu^écher   , 
de  pi'oGier  des  moyeus  de  salui  que  Jésus  Cbrist  a  établis  ;  que  le    i 
p.ipe  et  sesciillégues  sont  des  Pharisiens  el  dfs  Scribra,  qui  pri^   { 
lendeiil  avoir  droit  do  fermer  la  porte  du  ete]  où   ils  u'enlreroul 
point  el  oli  ils  ne  veulent  pag  permettre  d'entre 

>  Dausia  coilrclïon  (1eseondlc»d'Angloierrc 


U08  WIC 

I^s  év£que«  n'ont  qu'une  puissance  imagiosire  ;  un  simple 
préirc  ,  dam  les  mieurs  suiii  K-gl^  ,  a  plus  de  puissance  spîri- 
tuetlK  que  les  prélats  ùliisparlcs  Cflrdinaui  et  nommas  parle  pape. 

11  (luiine  aux  urdri^s  religieui  le  rom  (te  secte.  Il  se  décbatoe 
surtout  contre  les  quntre  ordres  mendiuns  ;  ces  ordres  sont  fondés, 
selon  lui  ,  sur  l'hypocrisie:  les  Sarrasins  qui  rejettent  l'Éviiigile 
souI  coupables  devant  Dieu,  mais  moins  que  ces  quatre  sectes  ;  le 
musulmanismu  et  I»  vie  des  cardinaux  conduisent,  par  Aes  routes 
diiïtbentes,  mail  également  sûres  ,  k  l'earer.  Si  les  fidèlea  sont 
obligés  d'honorer  le  corps  de  l'I^glise  leur  sainte  mËre,  il  n'en  «M 
point  qui  ne  doive  travailler  !i  la  purger  de  ces  sectes  ,  qui  sont 
quatre  humeurs  mortelles  dont  son  corps  est  ïurecté. 

La  confession  est  une  pratique  iuslituiie  par  Innocent  III ,  et 
rien  n'est  plus  inutile;  ilsudil  dese  repentir:  il  condamne  l'usage 
ducliTéuicdansradmiuistnilioii  du  baptême;  il  attaque  le  doitow 
de  U  transsubstantiation. 

Le  livre  du  sermon  duSeigneur  surla  montagne  contient  quatre 
parties  :li  il  prétend  que  les  apôtres  ayant  travaillé  deleursmaîiu 
pour  vivre,  et  n'ayant  pris  sur  les  aumùnes  que  le  simple  néces- 
saire, il  est  clair  que  les  clercs  qui  entrent  dans  l'ctal  ecclésiasti- 
que avec  une  iuleutiuu  différente  sont  simomaques. 

Les  seigneurs  temporels  sont  en  droit  de  dépouiller  tous  Im 
eui:lë£iastiques de  leurs  possessions  ;  ils  n'ont  pas  besoin  ,  poar 
user  de  ce  droit ,  d'un  déerei  du  pape  ;  c'est  Tavoriser  l'béréue 
que  do  ne  pas  s'élever  contre  les  possessions  de  l'Eglise  :  quoique 
les  ancêtres  des  fidèles  se  soient  dÉjiouillés  de  la  propriété  de  cai 
biens ,  leurs  desceudans  en  corrigeant  leurs  erreurs  recOovnnt 
tous  leurs  droits,  et  ce  titre  est  bien  plus  légitime  que  le  droit  «ta 
conquâie.  Tous  les  dons  que  l'un  fait  au  clergé  devraient  étnt  dei 
aumônes  libres  et  non  pas  des  importions  forcées;  le  peupla  M 
obligé  ou  couEuience  de  refuser  U  dlme  am  mauvais  toinistRf  [ 
et  l'un  ne  doit  point  u-aindre  les  censures  <]ue  l'on  enoonn  pow 
avoir  rempli  ce  devoir. 

Widef  prétend  que  pnur  nommer  légitimement  aux  bénélicat 
il  faut  rétablir  les  élections  par  le  sort  :  c'est  Jésus-Cbrist  seul 
qui  ordunue  quand  il  veut  et  comme  il  veut  ;  un  homme  i  qtti  si 
conscience  rend  lémoignage  qu'il  renrplit  la  loi  de  Jésus-Chrût 
est  sûr  d'être  ordonné  prêtre  par  Jésus-Christ. 

Le  livre  de  la  siinouic  n'est  qn'ime  répélilion  de  tout  ce  (ju'U  1 
dit  contre  lei  religieux.  '   ' 


tWlC  GD9    ' 

ans  le  livre  De  la  perTeciioii  des  Éiais ,  il  prétend  qu'il  ne  de- 
vrait y  avoir  dans  l'Ëglhc  que  deux  orilres,  le  diai:onat  et  lik 
prêtrise  ou  le  sacerdoce;  les  autres  ordres  sont  des  insiilutionn 
znonsirueuses. 

Dans  le  livre  intitulÉ  De  l'ordre  ehrit'm,  W  attaque  le  dogme 
de  la  présence  rÉelle  et  renouvelle  l'erreur  des  BArengaricns.  Il 
assure  que  les  cnfans  morts  sans  ba|)tênie  sont  sauvés  ;  il  répète 
ce  qu'il  a  dit  sur  les  moines  ei  sur  les  ordres  ;  il  re(;arde  comme 
un  coDcubmage  le  mariage  contraclé  pur  des  personnes  qui  ne 
peuvent  avoir  des  enrans  ;  il  nie  que  î'eitrâme'OncliOD  soit  un 
bacremeoi.  Il  prétend  que  l'homme  \e  plus  saint  est  celui  qui  a 
le  plus  de  pouvoir  dans  l'I^glise  et  la  seule  autorité  légitime. 

Il  avance  que  pour  avoir  un  droit  légitime  de  posséder  quel- 
que chose  sur  la  terre  il  faut  être  juste,  et  qu'un  homme  per- 
dait son  droit  il  ses  possessions  lors<iu'll  commettait  un  péclié 
mortel. 

Il  est  étonnant  que  Wiclef,  qui  n'avançait  celte  maiimc  que 
pour  autoriser  left  fidèles  à  dépouiller  le  clergé  de  ses  richesses, 
n'ait  pas  vu  qu'elle  établissait  le  clergé  mahre  absolu  de  tous  les 
biens  temporels,  puisqu'il  n'appartient  en  effet  qu'il l'Rglise  de 
ju(;er  si  un  homme  est  coupable  d'un  péché  mortel  ;  car  abandon- 
ner ce  jugement  auï  particuliers,  comme  Wicler  le  faisait ,  c'était 
ouvrir  la  porte  i  tous  les  vols  et  i  toutes  les  guerres.  Les  tireurs 
desllussites  et  des  Anabaptistes,  qui  désolèrent  l'Allemagne  aprËS 
>Viclef ,  sont  les  eflets  de  celte  doctrine. 

Wiclef  soutient  dans  le  même  ouvrage  que  l 
sairemcnt. 

Le  Trialogue  contient  quatre  livres,  qui 
liiioa  de  tout  ce  qui  a  été  dit 
clergé  ;  il  y  condamne  la  coni 
et  répèle  tout  ce  qu'il  a  dît  s 
CommunicationsderËglise. 

L'ouvrage  intitulé  Dialagaei  roule  tout  entier  sur  la  meta- 
phjsique  abstraite  :  il  est  destiné  i  combattra  la  crojanco  de  la 
présence  réelle  par  des  diflicullés  tirées  de  la  nature  même  de  l'é- 
tendue, parce  qu'il  est  impossible  que  les  accidenseucliaristiqiiei 
subsistent  sans  sujet,  parce  que  deux  corps  ne  peuvent  exister 
dans  le  même  espace,  parce  que  Dieu  nu  peut  produire  en  mémo 
temps  un  corps  dans  deux  dilTérens  endroits. 
Il  j  renonvelle  les  erreun  d'Abaelard  sur  le^  buraes  de  b 


t  arrive  néces- 


e  sont  que  In  répé- 
ion  s  temporel  les  du 
'cratioD  des  églises,  les  cérémonies, 
ir  la  nullité  des  censures  et  des  ex- 


610  \V1C 

puissance  divine  ;  il  prétend  que  Dieu  ne  pouvait  £ûre  (pie  ee  ff 
a  fait. 

Dans  le  traité  de  TÂrt  du  sophiste  »  Wiclef  porte  de  neuri 
coups  aux  possessions  temporelles  de  l*Église  et  s*élève  i 
ridée  primitive  du  droit  des  hommes  sur  la  terre  ;  tout  a| 
nant  à  Dieu ,  lui  seul  peut  donner  à  Thomme  un  droit  ex< 
quelque  chose ,  et  Dieu  ne  donne  ce  droit  qu*aux  justes  et^ 
qui  ont  lagr&ce.  La  qualité  d'héritier,  les  titres,  lesco 
les  donations»  n'établirent  donc  jamais  un  droit  légitime  en&T< 
du  pécheur  ;  il  est  usurpateur  tant  qu'il  est  privé  de  la  justice 
bituelle  et  de  la  gr&ce. 

Un  père  qui  meurt  dans  la  justice  ne  donne  pas  à  son  Ibli 
droit  de  lui  succéder,  s'il  ne  lui  mérite  pas  la  grâce  néccsM 
pour  vivre  saintement  :  les  hommes  n'ont  donc  point  sur  la  ton 
d'autres  droits  ni  d'autre  loi  que  la  charité. 

Ainsi  un  mattre  qui  ne  traite  pas  son  domestique  comne  il 
voudrait  être  traité  s'il  était  à  sa  place  pèche  contre  la  cbaiil^i 
perd  la  gr&ce  ;  il  est  déchu  de  tous  ses  droits  et  dépouillé  detoiM 
autorité  légitime  sur  son  serviteur.  11  en  faut  dire  autant  desroii, 
des  papes  et  des  évéques ,  selon  Wiclef,  lorsqu'ils  commeuat 
un  péché  mortel. 

La  pauvreté  étant  la  première  loi  du  christianisme,  personii 
ne  doit  avoir  de  procès  pour  les  bieus  temporels ,  il  ne  doit  s*o^ 
cuper  que  du  ciel  ;  il  ne  peut  donc  sans  péché  s*occuper  i  ju^ff 
des  affaires  profanes.  Ainsi,  lorsque  les  barbares  ravagent  • 
pay^,  il  est  plus  conforme  à  TËvangile  de  supporter  ces  malheois 
que  de  repousser  la  force  par  la  iorce. 

Dieu ,  selon  Wiclef,  n'approuve  point  que  les  catholiques aieit 
de  domination  civile  ou  religieuse;  et  la  colère,  quelque  légèit 
qu'elle  soit,  lorsqu'elle  n'a  pas  pour  objet  la  gloire  de  Dieu,  dfr 
vient  un  péché  mortel  ;  il  attaque  ensuite  la  prière  pour  les  morts. 

Le  livre  du  Domaine  civil  contient  trois  livres  :  les  docteun 
d'Oxford  n'ont  extrait  que  quelques  propositions  contre  les  moinei 
et  deux  propositions  dont  on  ne  voit  pas  le  sens. 

Tout  ce  que  nous  venons  d'exposer  des  principes  de  Wiclef,  il 
le  répète  dans  son  traité  du  Diable,  dans  son  livre  de  la  Doclnae 
de  l'empire,  dans  son  livre  Du  ciel,  dans  celui  De  la  confession. 

Voilà  la  doctrine  de  Wiclef  telle  qu'elle  est  exposée  dans  la  col- 
lection des  conciles  d'Angleterre,  donnée  par  les  Anglais  mêmes 
depuis  quelques  années  ;  on  ne  trouve  rien  dans  les  uonumeos 


B  WIC  fîll 

^t^oilllt  par  les  Adileurs  de  ces  conciles  qui  suppose  qu'où  ait 
imputé  à  WiclefJes  Benliniims  qu'il  u'iivailpas,  ou  que  l'cxlnil 
(le  se&  lirres  ait  él£  infidèle. 

C'est  donc  sans  aucun  foudeuieut  que  le  docteur  Burnei  dit 
qu'on  ne  suit  au  vrai  si  les  sentiraens  qu'on  lui  allribue  élaieut 
vériublement  de  lui  :  <>  puisque  nous  a'eo  savons  rien,  dit-it, 
*  que  par  ses  ennemis ,  qui  ont  écrit  avec  une  passion  i  rendre 
■  douteui  lont  ce  qu'ils  ont  avancé  '.  i 

Les  sectateurs  de  Wiclef,  qui  étaient  en  grand  nombre  et  aussi 
ennemis  du  clei^é  que  le  clergé  l'était  de  Wiclef;  les  sectateurs 
de  Wiclel ,  dis-JL',  n'auraient  pas  manqué  de  relever  les  infidélités 
des  extraits ,  et  leur  silence  esl  une  apprubaiiuQ  Tornielle  de  la  li- 
délitédeceseitraits. 

Dm  fffelt  de  la  ioeirine  de  Wiclef. 

I,es  ouvrages  de  Wiclef  contenaient  donc  des  principes  aasorlis 
aux  dilTérens  caractères,  proportionnés  aux  dilTérentes  sortes  d'es- 
prit, et  favorables  t  l'indisposition  assez  générale  en  Anglclerro 
contre  le  pape ,  contre  le  clergé ,  contre  les  moines  ■.  on  conçoit 
donc  qu'il  se  fil  des  disciples, 

f.e  clergé  n'oublia  rien  pour  étoulTer  celte  secte  naisstste;  il 
analliémaiisa  les  Wielé6les  et  les  Lollarde  qui  se  confondirent  en 
quelque  sorte,  il  obtint  contre  eni  des  éditsrigoureui,  et  l'on 
brilla  les  WicléBies  et  les  Lollards  *. 

Cependant  ta  doctrine  de  Wiclef  faisait  du  progrès,  et  la 
chambre  des  communes  pn^'aenU .  en  iWi,  une  adresse  an  roi . 
pour  le  prier  de  s'emparer  des  revenus  du  clergé  ;  mais  le  roi  n'y 
consentit  pas.  La  chambre  des  communes  présenta  une  nouvelle 
adresse  en  1410;  mais  le  roi  la  rejeta  et  défendit  b  la  chambre 
des  communes  de  se  mêler  des  affaires  du  clergé;  la  chambre 
des  communes  demanda  ensuite  qu'on  révoquAi  ou  qu'on  adou' 
cil  l'édii  qui  condamnait  les  LoUards  et  leS  Wiclefltes  :  cela  même 
fut  refusé,  cl  pendant  la  tenue  du  parlement  te  roi  fit  brûler  un 
Lollard. 

Henri  V  ne  traita  pas  les  LoUards  avec  moins  de  rigueur  ;  mais 

•  Bumct,  Hhl.  delà  Hérnrmed'AuKl.J.  I.p.  50. 
'  Abn^gé  lies  acte»  un  Bymcr.  A  la  ïuite  de  l'HisU  ilc  M.  àc  ttapin- 
Tltoiru;,  I.  S, p.  110,  rrfinc.nrilan.,  US, 


lis  .    zn 

il  m'ftàiffùn  M  MUA  MOïc  wi  c*4lc  éet  WieléAui  qw  tl  A 
progrès  Mwtvti,  mai* (onshUnUa.  ^u  b  rbambr«4K 
UDva.  n  prffara  loni  powle  tchboïc  <le  Ilenri  Vllt. 

Les  IÎ1TCS  Je  Widtf  fanal  ponâ  «a  AUemagii*  :  Jmm  II 
adopta  nae  panie  de  ses  tmms,  el  «'en  wttîi  pu«tr  Mnletct 
praple*  voMte  le  dcrg ^. 

I^inqa'an  «il  ab«ita  l*  «me  des  ll«f«ilcs,  on  n'aBcaalil  | 
dans  bs  esprits  la  dor.trînc  de  Widef ,  M  r*Ut  dttdriac  pnim 
m  difûrevies  tectrs  d'AïubafiiKics  q«i  iWsol«r«nt  TAILom^ 
Ionise  Lulber  eut  doaw  le  sipul  de  b  révolte  oootni  l'Ë^ïa 
l'ffTJ  Tari.  Axiununs. 

.Nous  aT«ns  rêfui^  Im  errenn  def  Widèfilej  tnr  U  priM* 
r^lk,  ï  l'anii-le  HfiEMia  el  BlutsiuaiEss  ;  s«s  err«ur«  lur 
pri»«  pour  les  morU,  sur  k» crt^monus  d«  l'Eglise,  sur  Ici 
i-mnenl  de  l'urdie  et  sur  la  sQp'b'ioiil^des  «Tê()ues,  nav  alid 
Aitn  5,  Yicii.iï(X  :  son  vtTPiu  uir  la  l<Mit^pui$s30c«  de  Dim  ,  i 
l'atticte  AiiïLard  :  son  sentiment  inf  leï  iudnlgences,  k  Talâll 
l.iTBER  ;  MD  MDlimeal  stu  U  coiifeEsîun ,  i  l'antele  Osju. 

A  r^gunJ  de  SUD  opinion  sur  les  poMessioiu  tnaporvlto  Ji 
dergr ,  elle  n'a  de  londemenl  que  l'aliui  igue  le  clergé 
fjire  des  biens  temporels  iju'il  pouède  ;  et  am  dUtertalina 
prouienit  que  le  clergé  peal  pv«s^der  légiiiinemenl  d^  ti 
lempordt  ne   pennadenît  ft  poMBse  «melndani  otAItll 


ZLI    1  61 1 

1  après  avoir  fait  son  conr^  de  [liéolûgîe,  il  fui  curtf 
ECtaris,  en  IKoC,  et  ensuite  dans  un  gros  bourg  nommé 
|otre-Dain«-des-Heriniies  :  c'était  un  lieu  de  dérotioD  fort  tk- 
,  olx  les  pèlerins  Teaaiem  en  foule  et  faisaient  beaucoup 
FoQrandea. 

'  Zuiogle  y  découvrit  d'étranges  abus ,  et  vit  que  le  peuple  était 
rreurs  grossières  sur  l'eOicaciié  des  pèlerinages  et  sur 
pe  foule  d'autres  pratiques  :  il  attaqua  ces  abus  dans  ses 
UlructioDS  et  dans  ses  discours. 

.  Tandis  que  Zuingle  s'occupait  li  corriger  ces  abus,  Léon  X 
'  *  lail  publier  en  Allemagne  des  indulgences  par  les  dominicains, 
'  se  par  Bernardin  Samson ,  cordelier.  Zuingle  s*éleva 
autre  l'abus  que  le  cordelier  Samson  faisait  des  indulgences ,  et 
i  fut  approuvé  par  l'évéque  de  Constance ,  qui  était  mécontent 
»  ce  que  le  cordelier  Samson  était  entré  dans  soo  diocèse  sans  sa 
1    et    n'avait  point    fait  vidimer  ses  bulles  k   Con- 

Zuingle  fui  alors  nommé  prédicateur  de  Zurich,  et  il  peignit  si 
Vivement  les  abus  et  même  les  excès  du  cordelier,  que  le  consul 
de  Zurich  lit  fermer  les  portes  au  porteur  d'indulgences.  Tous  cea 
abus  étaient  fondés  sur  des  traditions  incertaines,  souvent  sur  des 
lubies  ;  Zuingle ,  pour  couper  la  racine  des  abus,  attaqua  toutes 
les  traditions,  et  prétendit  qu'il  fallait  n'admettre  comme  vrai  et 
comme  appartenant  il  la  religion  cbrétienne  que  ce  qui  était 
enseigné  furmellemcnl  dans  l'Écriture  ;  qu'il  fallait  rejeter  comme 
une  invention  bumaine  tout  ce  qui  ne  pouvait  se  prouver  par  l'É- 

Le  magistral  de  Laus.inne  crut  voir  dans  ta  doctrine  de  Zuingle 
un  moyen  sûr  pour  faire  tomber  tous  les  abus,  et  une  voie  facile 
pour  déterminer  les  points 'sur  lesquels  on  devait  obéir  au  pape 
et  ï  la  puissance  ecclésiastique.  On  adressa  donc  h  tous  les  curés, 
prédicateui^  et  autres  bénéficiera  chargés  du  soin  des  imes  un 
édii  du  conseil,  par  lequel  il  leur  était  ordonné  de  ne  prêcher  que 
ce  qu'ils  pouvaient  prouver  par  la  parole  de  Dieu,  et  de  passer 
sous  silence  les  doctrines  et  les  ordonnances  humaines. 

Les  livres  de  Luther  contre  les  indulgences,  contre  l'Ëglise  ro- 
maine, étaient  passés  en  Suisse  et  on  les  y  avait  lus  avidement. 
Zuingle,  de  son  côté,  avait  communiqué  ses  sentimens  i  beaucoup 
de  personnes  :  on  vit  donc  tout  ^  coup  une  foule  de  prédicateurs 
quiatlaquèreut,  non  les  abus,  m^is  les  inâulgencesmêmcs,  le  culte 


^ 


L 


614  .    ZOI 

des  MiBU.  tw  vœuimonantiquM,  te  célibat  de*  prttnt,  \t  < 
U  meue,  etc. 

L'évéqoe  de  Constance,  qui  avait  approuvé  Zoîngle  lonqnl 
n'avait  attaqué  que  Us  abus,  donna  un  mandement  eoDti*  It 
viiteurs  Pt  envoya  des  dépulës  aux  autres  cantons  pour  M  J 
lire  de  la  licence  des  novateurs. 

Les  canloos  assemblés  1  Luceme  firent  un  décret,  le  37  mm 
Itiîi,  pour  défendre  aux  ecclésiastiques  la  prédication  de  la 
velle  doctrine. 

Zuingle  ne  di^fén  point  aux  ordres  des  cantons,  il  continua  stt 
déclama  lions  :  les  catholiques  de  Zuricb  combauireot  les  réfop 
mateurs,  et  le  peuple  était  partagé  entre  Zuingle  et  les  minisin 
catholiques. 

Par  le  principe  fondamental  de  la  réfonne  de  Zuingle,  u-au 
les  disputes  de  religion  devaient  se  décider  par  rÊcritnre  seule 
CCS  disputes  devenaient  donc  de  simplet  faits  ;  et  pour  les  décida 
il  ne  fal lait  qu'ouvrir  l'Ecriture  et  voir,  de  deux  proposition*  €if 
posées,  laquelle  était  contenue  dans  l'ancien  ou  dans  le 
Testament.  Le  magistrat  était  donc  jnge  compétent  des  dîspuV 
de  religion,  cl  le  conseil  de  Zurich  ordonna  aux  mioiarM  i 
églises  de  sa  juridiction  de  se  rendre  )  Zurich,  et  supplia  l'év 
que  de  Constance  d'y  venir  ou  d'y  envoyer  se*  théologien». 

t«s  ministres  obéirent  au  conseil ,  et  l'évéquc  de  Gtoatai» 
envoya  Jean  Fsber,  son  grand-vicaire,  avec  ses  ibéolngiens, 
Zurich. 

Zuingle  présenta  sa  doctrine  coatenue  en  soixaole-sepi  ariidec 
niai^  Faber,  qui  vit  que  le  conseil  voulait  s'établir  juge  de  la 
irine,  réfuta  d'entrer  en  conférence  devant  le  conseil  asse 
pour  juger;  prétendit  qu'il  n'appartenait  qu'A  l'Ëglise  de  juga 
des  controverses  delà  religion,  et  offrit  de  répondre  par  écrit 
articles  de  Zuingle  ;  qu'au  reste,  indépendamment  de  sa  répons* 
il  fullaii  attendre  le  concilcqa'on  devait  assembler. 

Sur  le  refus  que  Faber  lit  de  se  soumeitre  au  jugement  dn  coo 
seil  de  Zurich  sur  les  points  de  doctrine  ou  de  discipline  alla 
qués  par  Zuingle,  le  conseil  Qt  publier  un  édit  par  lequel  il  défeft 
dnit  d'enseigner  autre  chose  que  ce  qui  était  co 
récriture. 

En  conséquence  de  ce  décret,  Grégoire  Lut!  se  mîiit  prfehe 
contre  les  cérémonies  de  l'I-^glise  romaine  ei  contre  le  faste 
clcrgi^.  L'admiiiistr:itrur  des  terri'»  des  ehcvalier»  da  Saini^M 


Zfl  615 

ile-Jérnulem  s'en  plaignit,  et  le  megistrit  condamna  Luii  ï  la 
prison  et  i  l'exil. 

Zuingle  censura  viTemcnt  en  chaire  la  conduite  du  sénat  :  le 
prand  conseil  tsssa  cette  sentence,  et  ordonna  que  désormais  les 
aiïaires  de  religion  seraient  portées  devant  lui  ;  bient<Vi  l.uti  fbt 
promu!)  une  autre  cure. 

Carlostad,  diassé  de  Saie  par  Luther,  se  retira  en  Suisse  et  j 
apporta  ses  erreurs  sur  l'eucharisUe  ;  il  enseigna  que  te  corps  de 
Jësus-Chcist  n'j  était  point  réellement. 

Zuiiiglc  saisit  avidement  une  opinion  si  favorable  au  dessein 
qu'il  avait  d'abolir  la  messe. 

Carlusiad  arait  appuyé  cette  opinion  sur  ce  qu'il  est  impossible 
qu'un  corps  soit  en  plusieurs  lieui  k  la  fois.  Luther  iTait  opposé 
!i  cette  difBculié  l'autorité  de  l'Ëcriiure,  qui  dit  eipressémentque 
les  symboles  eucharistiques  sont  le  corps  de  lésus-Chrisi  :  eev/s 
raison  était  péremptoire  contre  Zuingle  qui  établissait  sa  ré- 
Ibmie  sur  ce  principe  rondamenul ,  savoir  ;  qu'on  ne  doit  rien 
«nseigner  que  ce  qui  est  contenu  dans  l'Écriture. 

Cet  argument  tourmentait  Zuingle  nuit  et)our,il  jr  cliercbalt  une 

Cependant  il  prêchait  avec  sa  véhémence  ordinaire  contre  l'K- 
gliso romaine;  son  parti  devenait  U  parti  dominant;  les  esprits 
e'écbault^reni,  on  brisa  les  images  ,  cl  comme  le  trouble  augmen- 
tait dans  la  ville,  les  magistrats  ordonnèrent  des  conférences  sur 
les  matières  controversées.  Après  plusieurs  conférences ,  les  ma- 
gistrats abolirent  auccessivem«ii  la  messe  et  toutes  tes  cérémo- 
uies  de  l'Église  romaine  ;  ils  ouvrirent  les  cloîtres,  les  moines 
rompirent  leurs  vœux  ,  les  curés  se  marièrent,  et  Zuingle  lui' 
même  épousa  une  riche  veuve.  Voili  le  premier  effet  que  produiiit 
dans  le  cantonde  Zurich  la  réforme  de  Zuingle. 

II  étaitfort  occupé  de  la  difliculié  de  concilier  le  sentiment  de 
Ciirlostud  sur  l'eucharistie  avec  les  paroles  de  Jésus-Christ,  qui 
dit  eipressément:  Ceci  ett  mon  eorpt.  11  eut  un  songe  dans  lequel 
il  croyait  disputer  avec  le  secrétaire  de  Zurich  ,  qui  le  pressait 
vivement  sur  les  paroles  de  l'institution  :  il  vil  paraître  toi 
coup  im  fantûme  blanc  ou  noir,  qui  lut  ditces  mots  :  •  LHcbe,  qu« 
>  ne  répoitds-tu  ce  qui  est  écrit  dans  l'Eiode  ,  Yagneaa  cil  U 
*  pdque,  pour  dire  qu'il  en  est  le  signe.  > 

Cette  réponse  du  faulAme  fut  un  triomphe,  et  Zuingle  n'eut  plus 
de  difficulté  sur  l'eucharistie;  il  enseigna  qu'elle  n'était  que 


fite 


ZUI 


Ugure  du  corps  ei  du  sang  de  Jésus-Cbrisl  ;  il  ironi'i  dans  Vtùn 
tare  d'autre»  exemples  ob  le  mot  «d  s'employait  ponr  le  mol  ■ 
gnîGe  :  tout  lui  parut  alors  facile  dans  le  sentiment  de  Cariostad 
L'explication  de  Zuingle ,  favorable  aux  sens  et  ï  l'imigiBi 
lion ,  fut  adoptée  par  beaucoup  de  Réformés  ;  ils  voulaient  M 
abolir  la  messe,  et  le  dogme  de  la  prteence  réelle  rormait  m 
barras  sur  cet  article ,  l'eiplicaUon  de  Zuingle  le  levait  ;  OEel 
lampade.  Capiton ,  Bucer  l'adoptfereut  ;  elle  se  répandit  eo  A 
njagne,en  Pologne,  en  Suisse,  en  France,  dans  les  P^js-Ba 
et  forma  la  secte  des  Sacrameotaires. 

Lulber,  qui,  aussi  bien  que  Zuingle,  avait  établi  l'Ëcriia 
comm^'unique  rËgle  de  la  foi,  traita  les  Sacrnment.'âres 
des  hérétiques,  et  l'on  vit  entre  les  Sacra  m  en  ta  ires  et  les  Lutk 
riens  la  mâme  opposition  qui  était  entre  toutes  c«s  sectes  ei 
glise  romaine  :  aucun  iotérât  n'a  jamais  pu  les  réunir,  et  II 
Luthériens  ne  persécutaient  pas  les  Sacra mentaires  aivc  mi 
fureur  que  les  catholiques. 

La  réforme  introduite  en  Suisse  par  Zuingle  se  répandit;  ph 
sieurs  réfonnaleurs  secondèrent  ses  elforis  à  Beme,  i  BJle, 
Constance,  etc. 

riusieurs  cantons  restèrent  constamment  attachés  h  la  rel 
catholique ,  et  condamnèrent  la  prétendue  réforme  des  a 
cantons;  ils  leurs  écrivirent  pour  leur  représenter  que  la  réfon 
de  la  religion  n'appartenait  ni  au  peuple,  ni  k  un  pays  partie 
lier,  mais  1  l'Ëglige,  à  un  concile  général.  Les  prétendu  réfa 
mes  n'eurent  aucun  égard  aux  représentations  des  caibolîqna 
on  employa  de  part  et  d'autre  des  expressions  dures,  et  la  gatt 
fut  sur  le  point  d'éclater  plus  d'une  fois  entre  les  catholiques 
lesProlesians;  enfui  les  cantons  de  Zurich  et  de  Berne  dëfendîrf 
de  transporter  des  vivres  dans  les  cinq  cantons  catholiques,  et  T 
arma  de  part  et  d'autre. 

Zuingle  fit  tous  ses  cfFurispour  éieiudre  le  feu  qu'il  avait  allmi 
il  n'était  pas  brave,  et  il  fuUait  qu'en  qualité  de  premier  pasU 
de  Zurich,  il  alllt  II  l'armée  ;  il  sentait  qu'il  ne  pouvait  s' 
penser,  et  il  ne  doutait  pas  qu'il  n'j  périt,  Une  comité  qui  pai 
alors  le  confirma  dans  la  persuasion  qu'il  serait  lue  ;  il  s'«n  pb 
gnit  d'une  manière  lamentable,  et  publiait  qne  la  comète  a 
çait  ea  mort  et  de  grands  malheurs  sur  Zurich  ;  malgré  les  plai 
tes  de  Zuingle,  la  guerre  fut  résolue;  Zuingle  accompagna  Tl 


ZL'I  6lT 

Les  catholiques  aitaquérent  les  Zuriquois  un  veotlreili,  1 1  uc- 
tobre  1S31,ï  Cappcl,  et  lesdéSrent:  Zuingle  fntlué. 

Après  la  bataille  de  Cappel,  les  catholiques  et  les  Zurii|iiois 
firent Is  paix  i  condition  que  cliacun  conserrerail  sa  n'Ilgion. 

Nous  sTons  rêrutè  la  doctrine  de  Zuingle  sur  le  célibat  ï  l'ar- 
ticle V[ctLA.icE  ;  son  sentiment  sur  l'eucharistie,  à  l'article  Ht- 
SENCEH  ;  Bon  erreur  sur  la  messe,  à  l'article  Luthéianishb  ;  son 
erreur  sur  ie  culte  des  saints,  ï  l'article  Vigilance  ;  son  erreur 
sur  les  indulgences,  à  l'article  LgTiiiRAnrsHE. 

11  faut  appliquer  il  la  réforme  que  Zuingle  établit  en  Suissa 
ce  que  nous  avons  dit  de  la  réforme  de  Luther  et  de  la  Rérorma 
en  général. 

Nous  avons  peu  de  chose  it  dire  sur  les  talens  de  Zningle  et 
sur  ses  ouvrages;  il  n'était  ni  savant,  ni  grand  théologien,  ni  bon 
philosophe,  ni  eicelleni  littérateur;  il  avait  l'esprit  ]usie  et  borné; 
il  exposait  avec  assez  d'ordre  ses  pensées,  mais  il  pensait  peu 
profondément  si  on  en  juge  par  ses  ouvrages. 

Toute  la  doctrine  de  Zuingle  est  renfermée  dans  soixante-sept 
,  articles,  comme  nous  l'avons  déjï  dit  :  il  a  (ait  un  ouvrage  pour 
justifier  et  pour  prouver  ces  articles;  cet  ouvrage  ne  contient 
que  les  raisons  employées  par  tous  les  réformateurs. 

Zuingle,  un  peu  avant  sa  mort,  lit  une  confession  de  foi  qu'il 
adressa  à  François  1";  b,  en  expliquant  l'article  de  la  ' 
nellc,  il  dit  à  ce  prince  qu'il  doit  espérer  de  voir  l'assemblée  de 
tout  CQ  qu'il  }  a  eu  d'hommes  saints,  courageux  et  vertueux  dëx 
le  commencement  du  monde.  Lï  vous  verrez,  dit-il,  les  deux 
Âdan,  le  Racheté  et  le  Rédempteur,  vous  verrez  un  Abel,  un 
Enoch...  TOUS  y  verrez  un  Hercule,  un  Thésée,  un  Socrate,  Aris- 
tide, Antigonus,  etc. 

Les  ouvrages  de  Zuingle  ont  été  recueillis  en  cinq  volumes 
in-folio  '. 


4 
« 


'On  peut,  avec  ces  ouvrages,  voir Cossuel,  Hisl.  des  var  ;SpowL  1 
ad,  BII.1517 1  HiiL  du  la  Hérorme,  par  lu  Uuchiit  ;  Su|i|)lémeul  du  Hajit,  | 
art.  ZvDiau. 


I    ET    UEHniEIt   VOI.tME. 


I 


Extrait  du  catalogue. 

KIDLIÛTHÈQUE  CHRÉTIENNE  DU  XIX'  SIÈCLE,  i  l'usage  du 
cki^é  et  <lea  geae  du  monde.  Foriuat  grand  io-lS,  papier  su- 
piTlin,  saliaé.  Prix  de  chaque  volaaet  brocbâ  :  3  fr.  GO  c. 
yotwnclalure  dea  eueragti  panu  : 

CCijires  choisies  de  HinlFranfoi*  de  Sales,  contenanl  l'Iulroduclion  à 
liiïieilÉïûle,  unclioiiricsMLoitreiipiriluclk'sclleTrailÉderamoiir 
d<^  UlïU,  pr(!céd^  d'une  noiics  tur  m  vie  et  te»  ecrili,  par  V.  de 
l'crrmiil,  3  vul. 

CKuïrea  spirilupllw  de  Ffnélon,  conlcnant  son  Trallé  de  l'ctislente 
de  Liien  et  ses  Lettres  sur  la  religion  ;  nourclk  édition ,  rangée  dam 
un  meilleur  ordre,  et  pri'cédée  d'un  discoure  préliminaire,  par  M.  de 
Genoude.  3  vol. 

Oraitoos  TanUtrei  de  Dostuet,  Fléchier,  HaitilloD,  Masrarath  Dourda- 
louc  et  Lame,  p râpées  d'éludés  historiques  sur  ces  orateurs,  par 
A.Nt'Ileueiit;  d'éludés  lillËrairesturroriitODfuDËbre,  parLahorpe, 
et  de  notices  biog ta p biques,  par  DussaulL  3  vol. 

La  Divinili  de  Jètos-Cbrist  anuoucée  par  les  prnpliéles,  déntootrée  |Kir 
iMévnngélisles,  prouvée  par  l'acEoin plissement  des  prédiclions  de 
Jésus-Christ,  el  reconnue  par  les  plus  grauds  phitosoplu»  de  l'uni- 
versi  ouvrage  suivi  de  l'iiisloirc  d'une  ame  et  de  celle  des  conver- 
sions les  plus  célèbres  ;  par  M.  de  Genoude.  3  vol. 
La  Vie  de  Jéius-Chrisl  au  poiiilde  vue  de  la  science,  par  Jean  Hulin, 
docteur  de  la  Faculté  de  théologie  de  Tublngue;  traduite  de  l'alle- 
maud,  par  F,  NellemenI,  pour  faire  suite  A  la  Raison  du  clirisiia- 
nisme.  1  vol. 
Médita I ions  gur  l'Éiangile,  par  Dossuel,  ornées  d'une  nupilifiue 
graiure  sur  acier.  1  vol. 
Didîtranaire  des  hérésies,  ou  Mémoires  pour  servir  i  l'bislnirc  dés 
éfaremens  de  l'esprit  liuniain  par  rapport  A  la  religion  chrétienne  ; 
par  Pluqnet;  ouvrage  coulinué  jusqu'à  nos  jouti  par  V,  de  Pvr- 
Todik  3  lal. 
Délfvie  du  cfarisliantsaH-  par  les  Pires  des  premier*  siècles  de  l'Ëglise 
cnalre  les  philosophes,  les  pDiens  et  les  juifs,  Iroduclioa»  publiées  pav' 
M.  de  Genoude.  1  vol. 
Le  Chemin  du  sanctuaire  montré  ï  ceux  qui  aspirent  au  sacerdoce,  ou 
Manud  des  ecclésiastiques,  traduit  de  l'italien  du  R.  P.  Foresli  da 
Carpi,  de  ta  compagnie  deJésis,  par  un  directeur  de  Séminaire  ; 
DUTrage  approuvé  par  la  eongr^allon  de  riodci.  1  vol. 


Klévalkins  k  T)\ea,oafnt;eiuiti  de  l'ordinaire  de  1>  uiaie  mate  H  pt^ 
cftlé  d'une  noUce  sur  Doasuet ,  por  M.  V.  de  Peirodil.  (  wL 

Discours  lur  les  rapports  tiilre  la  sciente  el  la  religion  iihélfe,  pn>- 
noncÉ9  i  Borne  par  Nicolas  Wiseman ,  fïtquc  de  UélipolamM,  doc- 
Mr  en  IMologie,  principnl  du  Collège  anglais  el  profeneur  dt 
l^ivcrailidcRome;  publiés  par  M.  de  Genoude.  4*  édition,  fern* 
el  corriKéc  pur  l'auleur,  avec  plsocbcs.  t  Tol- 

Nouvelle  eiposilion  du  dogme  catholique,  par  M.  de  Genoude,  ïuitie 
de  la  Dortrino  de  l'Église  caliioliqucpar  Bossuet,  de  la  RSgle  g«ti£nile 
de  II  voie  catholique  par  Véron,  des  Maiimes  de  TEglise  sur  le  uhil 
de»bonimesparM.réï*qucd'HcrtQopolis.  1  toU 

Les  ConrrasioM de  saint  AugusUnAurêle,  évoque  d'Hippone,  letle  li- 
Lin  et  frantais,  iradurlion  de  M.  LioncedcSapotla.NouTellcéililfoB, 
iCTuc  el  corrîgÉe.  1  •"• 

RuIlln,Trail<.^da  Éludes,  ouvrage  précédé  d'une  notice  sur  i'alitnu. 
par  H.  CoDgttet.chauDincdelacalliédralcdeSouMHis.  I  nri. 

NOUVELLES  MORALFS,  par  Soaic.lrudui tes  par  madame  Luuise 
Colel.  1  joli  voL  in-18,cai'tiinn('.  W«. 

PLUS  DE  CRAMMAIHES,  Ban'me  usuel  et  populaire  Je  la  lan- 
gue Trïticaisc,  i  l'aide  duquel  les  cnfjiis,  les  dusses  ourribres, 
les  gens  du  monde  ei  les  étrangers  peuvent  réellement  acqué- 
rir seuls,  sans  ennui,  sans  raliguB  el  en  peu  de  lempi  le  véri- 
lable  usage  de  la  langue  parU'e  el  de  la  langue  écrite  ;  premier 
ouvrage  de  ce  genre,  par  Bescherelle  a tni>,  membre  deplusieun 
sociétés  savantes,  auteur  Je  la  Grammaire  aalionaU.  Un  vol. 
in-13,  deuxième  édition  revue,  cartouni^e.  2  b. 

Le  Plui  de  grammairei  n'est  vraiment  qu'une  Irfrs  bonne  grammaire 

de  M.  Bescberêlle. 

Noui  reconimaiiUuns  rel  ouvrage  H  loutn  les  personnes  qui  Tcnleat 

opprendre  ou  se  pcrTectionner  sur  la  lungue  française. 

Elles  tronveronl  dans  ce  livre  des  raisounemens  claiiSt  ■<<Bplt((  pv- 

sltib.  Des  dictées  très-étendues  développent  les  r^lcs  timmmatiealn  M 

les  gravent  dans  les  mémoires  hi  plus  ingrates  Celte  grammaireM 

tenninte  par  uji  excellent  trailé  de  pronaiidation ,  ce  qui  la  rend  sut- 

iDul  prtcieuse  aux  étrangers. 

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àet  meilleuri  livra  iepiiU,  TtWH  tl  l>rKhii. 


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«■Il   Choix  lin 
ç  Trtl.U'  .!. 

MU  Tr..i>. 
IMtruBi"'  !.. 
nii^  dans  r 
iWcJ'undU, 

I.«i-V  r',- 

liW  ^rdu,'iii':t  de  Sala,  con- 
KlurlioTi  .^   U  tin  dOvnto. 

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